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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 février 1999

• 0935

[Traduction]

Le président (M. John Maloney (Erié—Lincoln, Lib.)): J'aimerais ouvrir la séance, je vous prie. Nous recevons ce matin Grant Obst et Dale Kinnear, de l'Association canadienne des policiers; Maurice Pilon, Roy Berlinquette et Grant Smith, de l'Association canadienne des chefs de police; et Roger Cutler, du Ministry of Attorney General de la Colombie-Britannique. Merci d'être venus, messieurs.

Est-ce que l'Association canadienne des policiers voudrait bien présenter son exposé?

M. Dale Kinnear (analyste du travail, Association canadienne des policiers): Je vous remercie, monsieur le président.

Nous représentons quelque 30 000 agents de police du rang, de tout le Canada, qui sont souvent confrontés directement au problème de la conduite avec facultés affaiblies et aux subtilités de la loi qui réprime cette infraction. Je suppose qu'à peu près tout le monde ici, pas seulement les agents de police, ont eu à connaître de la conduite en état d'ébriété ou ont été touchés par ses conséquences. Nous comparaissons aujourd'hui dans l'espoir de combattre ce fléau et de faciliter la répression de ce crime dangereux.

Vous verrez que notre mémoire traite surtout des problèmes d'application de la loi et de la dissuasion qu'il faudrait, selon nous, exercer. Bien qu'il y ait eu quelques améliorations sur le plan de la conduite avec facultés amoindries au cours des dix dernières années environ, je pense qu'il y a encore place pour une application plus stricte de la loi à titre de dissuasion.

La conduite avec facultés amoindries et le non-respect des articles connexes du Code criminel figurent parmi les infractions criminelles que commettent le plus fréquemment les Canadiens. Qu'il s'agisse d'une première infraction ou d'un ivrogne récidiviste, ils représentent un danger immense. De même, le coût financier pour la société imputable aux accidents mortels, aux blessures et à la destruction de biens matériels, s'avérerait immense si jamais on le calculait. En y ajoutant le coût des enquêtes, des poursuites, de l'aide juridique et des frais judiciaires engagés au nom des personnes accusées de telles infractions, vous pouvez saisir l'importance du problème. Il n'existe peut-être aucune autre infraction criminelle qui perturbe davantage la vie de tant de Canadiens que la conduite avec facultés affaiblies. En tant que policiers, nous constatons de nos yeux les ravages que de tels crimes peuvent causer.

Bien que le nombre d'accusations de conduite avec facultés affaiblies ait continué de diminuer au cours des dernières années, un coup d'oeil rapide à certaines statistiques révèle toute l'ampleur du problème. Considérez que 14,6 p. 100 du nombre total des procès en 1997-1998 portaient sur la conduite avec facultés affaiblies. En moyenne, 4,5 personnes sont tuées chaque jour dans des accidents avec facultés affaiblies. En moyenne, 125 personnes sont blessées chaque jour dans des accidents avec facultés affaiblies. Mille quatre cent personnes sont tuées chaque année. En 1997, 74 000 personnes ont été blessées. En 1996, 42 p. 100 de tous les conducteurs mortellement blessés dans des accidents de la route avaient consommé de l'alcool.

Il est intéressant de souligner que, contrairement à d'autres genres d'infractions, la conduite avec facultés affaiblies est rarement signalée à la police. Le nombre de personnes mises en état d'arrestation pour conduite avec facultés affaiblies est largement la conséquence d'une intervention de la police. L'application plus rigoureuse des lois, les barrages routiers et les contrôles de police ponctuels ont tous contribué à la diminution des accusations.

Dernièrement, un changement est survenu, grâce au nombre accru de téléphones cellulaires et portables: les citoyens sont davantage disposés à appeler la police lorsqu'ils croient apercevoir un conducteur avec facultés affaiblies sur la route. J'ai l'impression que la plupart de ces appels sont motivés par une conduite erratique, la personne donnant l'alerte n'était pas réellement sûre que le chauffeur soit ivre.

En raison des difficultés que pose la poursuite de ce genre d'infractions, nombre d'accusations sont rejetées ou réduites à une accusation moins grave par négociation de plaidoyer. Certains agents substituent sans doute d'autres pénalités, y compris les suspensions du permis de conduire, étant donné la difficulté d'obtenir des condamnations.

Il n'existe pas de solution qui suffise à elle seule à faire disparaître le problème de la conduite en état d'ébriété, pas plus que n'importe quelle autre infraction criminelle. Il s'agit d'un problème à facettes multiples nécessitant la mise en oeuvre de plusieurs solutions. D'une part, nous devons agir contre le petit nombre de récidivistes endurcis qui semblent imperméables aux sanctions actuelles. D'autre part, nous ne pouvons ignorer le contrevenant primaire, qui n'en est probablement pas à sa première infraction, ni les buveurs occasionnels, étant donné que ces personnes sont impliquées dans des centaines d'accidents chaque année.

• 0940

Quoique les statistiques indiquent effectivement une diminution des accusations de conduite avec facultés affaiblies ces dernières années, les peines actuelles ne suffisent pas à dissuader les chauffards endurcis et récidivistes. Mais les contrevenants primaires présentent également un danger public et nous devons également leur lancer un message fort.

Regardez les peines actuellement infligées aux conducteurs en état d'ébriété. En 1995 et 1996, 55 000 personnes ont été jugées coupables dans neuf juridictions: 66 p. 100 ont écopé d'une amende, 22 p. 100 ont été incarcérées, 9 p. 100 ont été mises sous probation et 3 p. 100 ont été frappées d'une autre peine.

Notre première recommandation est de modifier l'article 255, qui énonce les sanctions, afin de majorer les peines pour infraction aux articles 253 et 254, comme suit: pour la première infraction, une amende minimale de 500 $ et maximale de 5 000 $, ou un emprisonnement jusqu'à six mois, ou les deux; pour la deuxième infraction, un emprisonnement maximal d'un an et minimal de 30 jours; et pour chaque infraction subséquente, un emprisonnement maximal de cinq ans moins un jour et minimal de quatre mois.

Nous proposons ces légères majorations pour des raisons pratiques. Nous estimons que la majoration des amendes reflète plus fidèlement le danger que représentent les conducteurs ivres. L'augmentation de 14 à 30 jours tient compte de la réalité des programmes provinciaux de libération anticipée qui annulent virtuellement une peine de 14 jours. Enfin, pour le multirécidiviste, le passage à quatre mois enlèverait la possibilité de purger des peines discontinues, puisque ces dernières sont limitées aux peines de 90 jours et moins.

Par ailleurs, nous proposons une réduction de la peine maximale de cinq ans à une peine de cinq ans moins un jour dans le but d'éviter le double emploi du procès et de l'enquête préliminaire actuellement tenus lorsque la Couronne choisit de procéder par voie de mise en accusation afin d'obtenir une peine d'emprisonnement de plus de six mois. Avec une peine de cinq ans, le paragraphe 11(f) de la Charte stipule que l'accusé a le droit de choisir un procès devant juge de la Cour supérieure ou devant un juge et jury, ce qui oblige la cour à mener une enquête préliminaire qui est, en fait, presque toujours une copie exacte du procès ultime.

En outre, ces procédures retardent le procès ultime et doublent les frais judiciaires de la poursuite, de l'aide juridique le cas échéant, du temps du tribunal et des comparutions de témoins, y compris celles des policiers. La modification proposée permettrait d'imposer sensiblement les mêmes peines, mais en réduisant la durée maximale à cinq ans moins un jour, on éliminerait le droit à un procès devant juge et jury prévu à l'article 11.

Si l'on veut qu'elles soient efficaces, les peines recommandées doivent être obligatoirement imposées. Sinon, les procureurs de la Couronne risquent de les amenuiser lors de négociations de plaidoyer, annulant ainsi tout avantage potentiel. Nous recommandons de porter la durée maximale de l'ordonnance obligatoire d'interdiction de conduire de trois ans à cinq ans.

Il est malheureux de constater qu'un nombre important d'individus continuent de conduire en état d'ébriété en dépit de condamnations antérieures. À l'heure actuelle, la durée maximale du retrait de permis de conduire pour conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à 80 est de trois ans. C'est grossièrement sous-estimer l'impératif de tenir le récidiviste invétéré à l'écart de nos routes au lieu d'attendre qu'il tue ou estropie quelqu'un avant de lui imposer un retrait de permis plus long.

Une interdiction pénale dissuadera certains - mais non pas tous - de ces conducteurs à haut risque de prendre le volant, ce qui pourrait réduire le nombre de ces crimes.

La recommandation 3 est de modifier l'article 255, énonçant les sanctions, afin d'établir plusieurs paliers de peines selon le degré d'affaiblissement des facultés, c'est-à-dire en fonction du taux d'alcoolémie. Les statistiques et le bon sens nous disent que plus le taux d'alcoolémie est élevé, plus il est probable que le conducteur ait un accident. Dans les cas d'accidents mortels, le taux d'alcoolémie chez 62 p. 100 des conducteurs était le double de la limite légale.

Nous donnons des contraventions reflétant l'excès de vitesse d'un conducteur. Nous imposons des peines progressives selon la valeur des marchandises volées. Par conséquent, nous pensons qu'un régime de sanction reflétant le degré d'alcoolémie est approprié.

Nous recommandons également de modifier l'article 255 afin d'assurer que la peine pour défaut ou refus de donner un échantillon soit égale à la peine la plus sévère du régime ci-dessus. Il faut en effet que le refus d'alcootest soit sanctionné par la peine la plus sévère, sinon les conducteurs en état d'ébriété avancé choisiront tout simplement de refuser l'alcootest, sachant que la peine sera moindre.

Nous recommandons également de modifier le paragraphe 255(2), conduite avec facultés affaiblies ayant causée des lésions corporelles, afin d'imposer une durée minimale d'emprisonnement automatique de cinq ans et maximale de dix ans si le contrevenant est récidiviste.

• 0945

En outre, nous recommandons de modifier le paragraphe 255(3), conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, de façon à imposer une durée minimale d'emprisonnement automatique de sept ans et maximale de 14 ans si le contrevenant est récidiviste.

Si ces recommandations sont suivies, nous pensons que les peines maximales et minimales infligées au récidiviste ayant causé des blessures ou la mort seront appropriées. Nous pensons qu'il y a une différence entre un contrevenant primaire impliqué dans un accident causant des blessures ou la mort et le contrevenant récidiviste.

N'oubliez pas que la seule chose qui empêche un conducteur ivre de tuer ou blesser quelqu'un est l'intervention de la police avant qu'un accident survienne, et la différence entre tuer et blesser quelqu'un est parfois davantage une question de chance et d'intervention médicale que d'autre chose.

Nous recommandons également de modifier le paragraphe 259(4) afin d'imposer des peines plus rigoureuses à ceux qui conduisent alors que leur permis est suspendu ou retiré pour cause d'infraction aux articles 253 ou 254. Si les peines pour conduite en état d'ébriété sont majorées, il se peut que certains conduisent tout simplement avec un permis suspendu ou retiré; par conséquent, il faut majorer les peines correspondantes pour rendre cette option moins attrayante, parce qu'à l'heure actuelle les gens profitent de cette déficience. Les peines actuelles ne sont pas suffisamment dissuasives et il faut envoyer un message fort pour faire comprendre que ce comportement est inadmissible.

Pour ce qui est de l'application des lois, il n'est peut-être aucun domaine où les contraintes soient plus techniques et plus lourdes que la conduite avec facultés affaiblies. Songez à toutes les conditions qu'il faut réunir pour obtenir une condamnation. Le policier doit avoir des soupçons pour exiger un alcootest immédiat, fondés sur l'observation ou une odeur d'alcool. L'agent administre l'alcootest au moyen d'un appareil approuvé et, si l'intéressé refuse, il peut être inculpé pour refus de fournir un échantillon.

La troisième étape, si la personne échoue à l'alcootest routier, exige que la personne soit conduite au poste de police. Là, il faut lui donner la possibilité d'appeler un avocat. Un technicien spécialisé doit alors administrer l'alcootest approuvé, soit dans la plupart des cas une personne autre que l'agent ayant procédé à l'arrestation. Si la personne refuse cet alcootest, elle peut être inculpée pour infraction au paragraphe 254(5).

Si la personne échoue à ce deuxième alcootest, elle est accusée.

L'échantillon doit être demandé dans les deux heures après l'interception sur la route. Ce test doit donc être administré dès que possible. La Cour suprême a statué dans la cause R. c. Deruelle que le délai peut être prolongé si l'agent a formé sa conviction dans le délai prescrit de deux heures.

Si l'alcootest ne peut être effectué dans un délai de deux heures, les résultats peuvent toujours être utilisés pendant le procès, mais la Couronne risque de devoir faire comparaître un expert en toxicologie pour établir le taux d'alcoolémie de l'accusé au moment de l'infraction. Cela peut paraître simple, mais je vous rappelle que les experts en toxicologie sont stratégiquement situés, tout comme les laboratoires, et qu'il n'y en a pas en zone rurale et qu'il devient très coûteux de faire venir quelqu'un de Winnipeg, ou d'Ottawa ou de Toronto pour témoigner à chaque procès ou chaque comparution et le faire revenir s'il y a suspension d'audience. C'est une procédure très lourde.

La situation se complique encore lorsqu'il y a un accident et que le conducteur est transporté à l'hôpital. Dans ce cas, l'agent doit se rendre à l'hôpital et exiger le prélèvement d'un échantillon sanguin pour déterminer la présence d'alcool. Cela peut être difficile, car la présence de l'agent peut être requise sur les lieux de l'accident.

Certaines personnes demandent à être transportées à l'hôpital dans le seul but d'éviter l'alcootest. C'est pourquoi nous recommandons de modifier l'article 254 de façon à stipuler un délai de trois heures pour l'alcootest, particulièrement dans les régions rurales placé sous la juridiction de la GRC, de la PPO et de la Sûreté.

En raison des problèmes que j'ai décrits, nous recommandons de porter le délai actuel de deux à trois heures. Même avec cette heure supplémentaire, le policier n'a pas intérêt à prolonger le processus: il est toujours soumis à l'obligation de procéder à l'alcootest dans les meilleurs délais raisonnables. Le taux d'alcoolémie d'une personne baisse dans une proportion variant de 0,01 p. 100 à 0,25 p. 100 par heure après un délai de deux heures. Donc, dans la plupart des cas, le taux baisse, ce qui est à l'avantage de la personne soupçonnée. Cette recommandation donnera simplement à l'agent le temps supplémentaire dont il a besoin pour assurer que le procès ne soit pas perdu à cause de contraintes de temps déraisonnables.

• 0950

Nous recommandons également de modifier le Code criminel de façon à permettre à la police d'exiger un échantillon d'haleine ou de sang de tout conducteur impliqué dans un accident causant des blessures graves ou la mort. Vous imaginez bien que lorsqu'un accident survient, l'agent de police arrive après le fait et n'a ni le temps ni les moyens d'établir les motifs nécessaires, tels qu'odeur d'alcool ou conduite désordonnée, et de formuler son exigence sur cette base. Souvent, la personne responsable de l'accident est également blessée et nous pensons qu'il faudrait rendre obligatoire la production de cet échantillon.

De nombreux accidents causés par un conducteur ivre ne donnent pas lieu à une accusation criminelle, pour les raisons mentionnées ci-dessus. Nous pensons que si l'on veut véritablement diminuer le nombre de décès et de blessures pour cause d'ébriété, il faut élargir le pouvoir de la police d'exiger des échantillons. Cela suppose d'élargir les «motifs raisonnables et probables» pour y englober tout accident grave. Nous croyons savoir que c'est déjà le cas en Australie.

Pour ce qui est de l'élargissement de l'appareillage de test approuvé, nous recommandons que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne étudie les progrès technologiques récents avec les alcootests numériques mobiles et, si ces derniers s'avéraient fiables, de modifier en conséquence le Code criminel. Étant donné les problèmes que pose l'administration de deux tests distincts, les contrôles seraient simplifiés si la police n'en avait qu'un seul à administrer, au bord de la route. À l'heure actuelle, les tests routiers n'affichent que les cotes positif, négatif ou intermédiaire et ils ne sont pas calibrés pour donner des résultats numériques.

Il se peut que des appareils de précision dont on pourrait se servir sur la route soient disponibles et admissibles. Si c'est le cas, le Code criminel devrait être modifié de façon à rendre cet élément de preuve admissible en tribunal.

Les conducteurs maintiendraient le droit de consulter un avocat et, par conséquent, si la liste des appareils approuvés dans le Code criminel est modifiée, le comité devra se pencher sur le droit du conducteur de consulter un avocat. Ce pourrait être un problème technologique dans les régions rurales, mais je pense que les technologies de communications sont en mesure d'assurer aujourd'hui une communication confidentielle entre le conducteur et l'avocat.

Nous recommandons également que le comité permanent étudie les technologies les plus récentes, telles les détecteurs d'alcool passifs, afin de déterminer s'ils peuvent être utiles à la police pour réprimer la conduite avec facultés affaiblies.

Divers tribunaux à travers le Canada ont confirmé la constitutionnalité des contrôles policiers aléatoires. Cela permet à la police de dresser des barrages routiers et d'arrêter les voitures sans motif raisonnable et probable. Normalement, les agents procèdent à une évaluation subjective pour décider à qui demander un alcootest. Ils recherchent par exemple des yeux injectés de sang, une odeur d'alcool, etc. On peut qualifier cette méthode d'aléatoire, mais de tels contrôles ont quand même contribué à la baisse du nombre d'accidents avec facultés affaiblies.

Certains États américains ont commencé à utiliser des détecteurs d'alcool passifs, capables de détecter l'alcool dans l'air. L'agent peut simplement introduire l'appareil dans la voiture par la fenêtre ouverte et, s'il détecte la présence d'alcool, il est présumé avoir un soupçon raisonnable que le conducteur a bu. Les policiers ouvrent les bras à toute technologie ou outil améliorant la capacité de détecter les conducteurs dont les facultés sont affaiblies.

En ce qui concerne les alcootests routiers, nous recommandons de modifier l'article 254 en y ajoutant l'alinéa 2(1) suivant:

    2(1) Requérir la personne de se soumettre immédiatement au test afin de fournir à l'agent de la paix des renseignements sur l'affaiblissement des facultés de la personne à la suite de consommation d'alcool ou de drogue.

Cette modification conférerait une sanction législative aux alcootests routiers. Vers la fin des années 80, diverses cours d'appel ont rejeté cette pratique, jugeant que le suspect était détenu, et que, par conséquent, on aurait dû lui lire ses droits en vertu du paragraphe 10(b) de la Charte. Cette omission a fait que des tribunaux ont simplement ignoré la preuve de conduite avec facultés affaiblies et refusé de l'admettre pendant le procès. L'autorisation statutaire des alcootests routiers permettrait d'obtenir cette preuve et la rendrait admissible pendant le procès.

À notre avis, plus il y a d'éléments de preuve, plus le procès sera équitable, et pas seulement pour l'accusé.

Nous ne doutons pas que la plupart des juges de cour criminelle familiers du problème de la conduite en état d'ébriété appuieraient notre point de vue et accueilleraient favorablement le retour de cet élément de preuve illustratif.

En outre, nous sommes persuadés que cette recommandation ferait gagner du temps aux tribunaux puisque, grâce aux éléments de preuve supplémentaires, moins de causes se rendraient en procès, faisant économiser de précieuses ressources au système judiciaire et à la police.

Le refus de se soumettre à un test de sobriété sans excuse raisonnable devrait être traité de la même façon que le refus de fournir un échantillon d'haleine.

• 0955

En ce qui concerne la thérapie, nous recommandons l'abrogation du paragraphe 255(5) et son remplacement par des dispositions exigeant une évaluation obligatoire et, le cas échéant, une thérapie obligatoire. Cette thérapie devrait compléter et non pas remplacer la peine imposée. Étant donné la nature des infractions dont nous traitons ici et le fait que la consommation d'alcool peut être le révélateur d'un problème plus vaste, nous sommes en faveur de programmes d'évaluation et de traitement en sus des peines. En revanche, nous ne sommes pas en faveur d'une thérapie automatique, sachant que de nombreux conducteurs ivres ne sont pas des alcooliques et peuvent recourir à la thérapie comme moyen de se soustraire aux pénalités.

Nous préconisons également une coopération provinciale-fédérale et recommandons que le gouvernement fédéral travaille de concert avec les gouvernements provinciaux pour élaborer une stratégie nationale de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies au Canada, comprenant une étude de la technologie la plus récente disponible et des recherches en vue de perfectionner cette technologie afin d'aider la police à détecter les conducteurs aux facultés affaiblies.

L'Association canadienne des policiers reconnaît que le gouvernement fédéral est limité dans ce qu'il peut faire pour lutter contre l'épidémie de conduite avec facultés affaiblies affligeant notre pays. Les provinces ont également un rôle majeur à jouer dans cette lutte et certaines ont adopté des lois rigoureuses à cet égard. Lorsqu'il s'agit de leur sécurité, les victimes et le public se fichent des limites juridictionnelles et s'attendent à ce que tous les paliers de gouvernement collaborent à l'établissement d'une stratégie contre ce problème.

Des recommandations antérieures faisaient état de technologies nouvelles pouvant exister mais sans que les policiers canadiens y aient accès. La recherche et le développement de nouvelles technologies importent beaucoup si l'on veut que la police soit mieux en mesure de combattre ce genre d'infraction. Par conséquent, nous pensons que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient examiner la faisabilité de ces technologies et de leur emploi dans le contexte canadien. Nous estimons que les économies réalisées sur le plan des frais de justice, des frais de police, des frais de santé et de la perte de vies humaines, dont la valeur n'est pas mesurable, couvrirait le coût de la recherche et de l'utilisation de ce nouveau matériel. Nous ajoutons cependant une mise en garde, à savoir que les ressources engagées pour la recherche et l'achat de nouveau matériel ne doivent pas être aux dépens des effectifs de policiers. La meilleure technologie du monde sera inutile s'il n'y a pas suffisamment de policiers sur le terrain pour s'en servir.

Outre la conduite en état d'ébriété, nous voulons brièvement mentionner que nous souhaitons une modification de l'article 249 du Code criminel afin d'ériger en délit criminel le refus par un conducteur de s'arrêter sur ordre d'un agent de la paix. Nous demandons qu'elle soit assortie d'une peine maximale de deux ans d'emprisonnement. Nous demandons également la modification de l'article 249 afin que, si le conducteur refusant de s'arrêter est en état d'ébriété, il encoure une peine supplémentaire maximale de cinq ans moins un jour.

En effet, l'une des conséquences d'une législation plus stricte et de peines accrues, telles que nous les recommandons, pourrait être que davantage de conducteurs refusent de s'arrêter sur ordre de la police. Aussi, nous recommandons de créer une nouvelle infraction criminalisant le défaut de s'arrêter sur l'ordre d'un policier.

Nous demandons également la modification de l'article 553 de façon à confier aux cours provinciales la juridiction absolue en matière de conduite avec facultés affaiblies. L'article 553 dresse une liste des infractions sur lesquelles le juge de cour provinciale possède juridiction absolue, que la Couronne ait procédé par voie de mise en accusation ou non.

Les enquêtes préliminaires sont souvent coûteuses et elles pourraient être supprimées sans compromettre le droit de l'accusé à un procès équitable. Les cours provinciales sont moins formelles et plus efficaces tout en assurant des procès équitables. En confiant ces infractions aux cours provinciales, on éliminerait les auditions préliminaires inutiles et les jugements seraient rendus plus vite sans compromettre le droit de quiconque à un juste procès.

Bien entendu, il sera nécessaire de se conformer au paragraphe 11(f) de la Charte pour appliquer cette procédure accélérée. C'est pourquoi nous proposons une peine maximale de cinq ans moins un jour. Dans la pratique, cela englobe probablement 99 p. 100 de toutes les peines demandées dans les poursuites actuellement intentées. Les peines supérieures à cela sont extrêmement rares. Quoi qu'il en soit, une autre procédure de mise en accusation avec choix d'un procès devant jury ou juge seul, devrait subsister pour les cas où la Couronne demande une peine supérieure à cinq ans.

En conclusion, on ne peut mesurer simplement en dollars le coût de la conduite avec facultés affaiblies, bien que le coût des procès, des contrôles policiers, des soins de santé, etc. soit immense. Les pertes de vies, les innombrables blessures et souffrances sont impossibles à mesurer. Nous félicitons le comité de se pencher sur ce problème dans l'espoir d'obtenir des lois plus fermes, de meilleures méthodes de répression et une meilleure technologie pour nous appuyer dans la lutte incessante contre la conduite en état d'ébriété. Trop de vies ont déjà été perdues et il faut faire plus pour réduire le nombre l'an prochain et chaque année par la suite. Nous pensons que nos recommandations vont dans ce sens.

• 1000

Je cède maintenant la parole au président Grant Obst.

M. Grant Obst (président, Association canadienne des policiers): Merci, Dale.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, Dale a couvert certains des aspects techniques de notre intervention. J'aimerais vous parler peut-être un peu de la perspective de la rue.

Je suis le président de l'Association canadienne des policiers laquelle, comme M. Kinnear l'a mentionnée, représente environ 30 000 policiers du rang dans tout le Canada. Je suis moi-même agent de police à Saskatoon et cela fait 16 ans que j'exerce en Saskatchewan. La majorité du temps j'ai été affecté à ce que nous appelons la section des patrouilles du service de police, c'est-à-dire que je suis l'agent en uniforme qui conduit la voiture de patrouille, et l'essentiel de mon travail consiste à répondre aux demandes d'intervention dans la ville de Saskatoon et d'appliquer les dispositions du Code criminel relatives à la conduite avec facultés affaiblies.

En fait, je remplace ici aujourd'hui le sergent Darryl Tottenham, du service de police de New Westminster, qui est notre vice-président pour la Colombie-Britannique et qui n'a pu venir puisqu'il se trouve hospitalisé.

J'ai passé les dernières 24 heures à réfléchir à ce que j'allais vous dire pour vous faire comprendre la tragédie résultant de la conduite en état d'ébriété que nous, les agents de police voyons chaque jour.

Dans la nuit de samedi dernier, encore, j'ai été dépêché sur le lieu d'un accident où j'ai attendu pendant que les ambulanciers et le personnel paramédical extrayaient une jeune femme, une adolescente de 16 ans—en fait, ils n'ont pas eu à l'extraire parce qu'elle avait été partiellement éjectée du véhicule, qui n'était qu'un amas de métal et de verre enroulé autour d'un arbre. Heureusement, la jeune fille était consciente et pouvait nous parler. Elle avait une très mauvaise fracture de la jambe. Le conducteur était une amie de la jeune fille, âgée de 17 ans. Elle a été transportée au poste de police et l'alcootest a montré qu'elle avait deux fois la limite légale, à 17 ans.

Le vendredi soir précédent, j'étais le premier policier sur les lieux d'un accident sur l'autoroute de Saskatoon, et dans ce cas les ambulanciers n'ont pas eu à retirer le passager car celui-ci était sans vie. Cependant, le conducteur a été emmené au poste et a subi l'alcootest, et malheureusement ce jeune homme doit maintenant vivre en sachant qu'il a tué son frère de 30 ans, qui était le passager du véhicule.

Tout cela en une semaine et je ne suis qu'un agent parmi beaucoup d'autres. Nous sommes probablement 50 000 à travers le pays qui vivons cette réalité chaque jour, malheureusement. Comme Dale l'a mentionné, 1 400 personnes sont tuées chaque année pour cause de conduite avec facultés affaiblies. Statistique Canada nous apprend qu'en 1997 74 000 personnes ont été blessées pour cause de conduite en état d'ébriété.

De manière générale, je pense qu'aucun de mes collègues ne considère que les dispositions actuelles du Code criminel sont suffisantes face à la gravité de cette situation, et je pense que le défi que vous avez à relever est immense.

Ce n'est pas seulement une question de répression, mais aussi d'éducation. Je ne sais combien de fois j'ai eu des conducteurs dans la salle d'observation après leur arrestation en attendant de passer l'alcootest, et ils ont coutume de dire—c'est très courant—«Monsieur l'agent, je ne suis pas un criminel, je ne suis pas un voleur de banque».

Les gens ne se semblent pas comprendre et ils ne saisissent pas que la conduite avec facultés affaiblies est une infraction criminelle, un délit criminel extrêmement grave. Cela reste encore, dans une large mesure, socialement acceptable et je ne pense pas que le message passe bien. Nous avons beaucoup fait, et je dois féliciter le gouvernement et beaucoup d'autres organismes, tels que la Société Radio-Canada et l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Des annonces de sécurité publique passent à la télévision maintenant et nous avons vu leur nombre croître au cours des dernières années. C'est certainement utile, mais si vous comparez le nombre de séquences publicitaires de 30 secondes pour des marques de bière ou d'alcool qui bombardent nos enfants au nombre d'annonces concernant la conduite en état d'ébriété et ses conséquences, le déséquilibre est évident.

• 1005

Je pense que vous devez songer sérieusement à augmenter les sanctions pour faire comprendre à la société que ce comportement est inacceptable. J'ai vu défiler de nombreux récidivistes et c'est encore plus dérangeant, et je ne parle pas seulement d'une deuxième et troisième récidive. Il n'est pas rare de voir quelqu'un dans cette salle d'observation pour la cinquième et sixième fois. Si vous vérifiez leur casier judiciaire, vous verrez qu'ils n'ont probablement jamais fait plus de 90 jours de prison pour aucun de leur délit.

Donc, encore une fois, je vous implore—ce n'est même pas que les sanctions soient absentes. Elles existent. Je ne pense pas qu'elles soient correctement appliquées. Les juges, très franchement—et je ne veux pas leur manquer de respect car cela arrive aussi aux agents de police. Lorsqu'on se trouve confronté encore et encore au même incident, on devient un peu insensibilisé. Cela devient la routine et j'ai l'impression que c'est ce qui se passe avec la conduite en état d'ivresse. On commence à oublier, à certains niveaux, combien tragiques peuvent être les conséquences.

Je ne veux pas minimiser les autres crimes, mais si j'interviens dans une dispute familiale et que, dans la bagarre, l'une des parties attrape un couteau de cuisine et poignarde l'autre, on tend à considérer cela comme un crime grave. C'est un acte violent, à main armée. Les peines infligées reflètent la gravité du crime. Mais vous savez, en réalité, c'est une réaction spontanée. Des gens se disputent, s'emparent d'une arme qui traîne à proximité et s'en servent. Il n'y a pas de préméditation dans la plupart des cas. C'est simplement une réaction spontanée.

Encore une fois, je ne minimise pas cela, mais lorsque vous songez à la conduite en état d'ébriété, dans presque tous les cas que mes collèges et moi voyons, il y a une décision consciente de monter dans sa voiture, d'aller dans un bar avec 60 $ ou 70 $ dans la poche avec l'intention d'y rester de 8 h du soir jusqu'à la fermeture, et puis il y a la décision consciente de remonter en voiture et de rentrer chez soi—ou d'aller à la soirée du Nouvel An ou à n'importe quelle autre soirée où l'on va servir de l'alcool. Les gens prennent cette décision, ils ne prévoient peut-être pas de boire autant qu'ils le font, mais ils prennent la décision de conduire la voiture jusqu'au lieu où l'alcool va être consommé. À mes yeux, il y a là un fort élément de préméditation, beaucoup plus que chez la personne qui attrape un couteau et s'en sert de façon spontanée. Et je pense que vous devez tenir compte de cela, s'agissant des sanctions à appliquer.

Encore une fois, s'agissant de choses comme l'alcool, je sais que l'un des aspects que vous étudiez est le counselling et les cours de sensibilisation. Permettez-moi juste de vous dire qu'en Saskatchewan—je ne sais pas ce qu'il en est dans les autres provinces car mon expérience se situe en Saskatchewan—nous organisons un cours de sensibilisation où des agents de police viennent discuter du sujet avec les contrevenants. On s'en sert comme d'une incitation pour réduire la durée de suspension. Si une personne est condamnée la première fois pour conduite en état d'ébriété, elle encoure une suspension d'un an de permis de conduire, et si elle suit le cours de sensibilisation, qui dure habituellement une fin de semaine, la suspension peut être ramenée d'un an à six mois.

Je ne pense pas que le cours de sensibilisation devrait être une incitation à réduire la durée de suspension. Je pense qu'il devrait être obligatoire. On devrait être obligé de suivre le cours si on se fait prendre au volant en état d'ébriété. Ce devrait être obligatoire. Évidemment si la personne en est à sa deuxième infraction ou plus, une thérapie anti-alcoolique s'impose, et il y a là aussi un élément éducatif.

• 1010

Un autre aspect m'a toujours frappé. On établit évidemment des casiers judiciaires, et vos avocats pourront probablement mieux vous en parler que moi, mais très souvent il y a toutes sortes de signaux d'alarme annonçant l'incapacité d'une personne à maîtriser l'alcool. Si vous avez une personne accusée pour conduite en état d'ébriété et que la personne a déjà quelques condamnations pour voies de fait, et si vous regardez les circonstances de ces infractions, vous constaterez probablement que la personne était sous l'influence de l'alcool lorsqu'elle les a commises. Des signaux d'alarme devraient retentir un peu partout pour contraindre cette personne à suivre une thérapie. Même s'il ne s'agit que de la première condamnation pour conduite avec facultés affaiblies, faisons quelque chose avant que je doive regarder les ambulanciers et les pompiers extraire un corps, ou ne pas l'extraire dans certains cas.

L'une des questions que vous devez trancher est de savoir s'il faut abaisser ou non la limite de 0,08. Je pense que si vous parliez aux agents de police—et je sais que vous parlez aux agents de police—et même au public en général... évidemment, les recherches scientifiques ont établi que c'est à partir de 0,08 que la capacité à conduire un véhicule à moteur devient affaiblie. Mais le problème avec cette tolérance de zéro à 0,08 est qu'elle permet aux gens de prendre la décision consciente de prendre leur voiture pour aller au bar, parce qu'ils savent que ce niveau de tolérance existe. Très souvent, ils n'y vont probablement pas avec l'intention de boire plus d'un ou deux verres, mais une fois que l'on a un ou deux verres, ce qui est remarquable avec l'alcool c'est qu'il supprime en vous certaines inhibitions, et vous prenez un verre de plus et encore un et vous vous dites, bon, je suis là depuis trois heures, je peux en tolérer encore un autre. Je pense que c'est ainsi que les catastrophes arrivent. S'il fallait une raison de réduire ce taux de 0,08, ce pourrait être là une des considérations.

Peut-être l'affaiblissement des facultés n'est-elle pas très grande en dessous de 0,08, mais c'est à cela que mène cette tolérance. Elle fait que les gens ne sont plus en mesure de réfléchir clairement et c'est là que les gros problèmes arrivent.

M. Kinnear a parlé du défaut de s'arrêter sur ordre de la police et c'est une préoccupation très réelle pour nous. Nous en avons vu des exemples en Saskatchewan. Depuis peu, les conducteurs ne peuvent renouveler leur permis de conduire s'ils ont des amendes impayées. Certains décident alors de payer, mais de nombreux autres conduisent simplement sans permis. C'est leur solution.

Donc, si l'on augmente les peines pour conduite avec facultés affaiblies et qu'un chauffeur ivre voit une voiture de police dans son rétroviseur, nous risquons de voir un plus grand nombre de tentatives de fuite. C'est pourquoi j'espère que vous comprendrez pourquoi nous disons que le refus de s'arrêter doit également être sanctionné, de même que la conduite en situation d'interdiction. Je ne parle pas seulement de conduite avec facultés affaiblies en situation d'interdiction; je parle de conduite sans permis, car c'est ce que les gens vont faire si les durées d'interdiction deviennent plus longues.

Pour ce qui est d'une interdiction de conduire à vie, je crois que les agents de police à travers le pays seraient tout à fait en faveur. Je ne sais pas trop à quel stade cette interdiction interviendrait, mais je peux vous dire qu'il n'y a pas si longtemps j'avais un type dans cette même salle d'observation dont je vous ai parlé, et après avoir vérifié son casier judiciaire, j'ai découvert qu'il en était à sa neuvième fois—il n'était pas si vieux, il avait 37 ans—et il avait un permis de conduire. Je ne sais pas combien de condamnations on peut accumuler entre l'âge du permis de conduire à 16 ans et 37 ans tout en conservant son permis. Je pense donc que vous devez certainement revoir la durée de l'interdiction de conduire.

Vous savez probablement aussi qu'un certain nombre d'initiatives provinciales ont été entreprises à travers le pays. J'espère que le gouvernement fédéral ou un comité fédéral pourra faciliter la concertation entre les provinces, afin que tout le monde sache où en est l'autre.

Par exemple, toujours en Saskatchewan, nous avons maintenant la faculté, dans certains cas, de mettre un véhicule en fourrière. Je sais que beaucoup de gens demandent à quoi cela peut bien servir; la personne va simplement s'en procurer un autre. C'est vrai. Il n'y a pas de solution toute faite à ce problème. Il faut l'attaquer sur plusieurs fronts. Vous pouvez appeler cela un emplâtre sur une jambe de bois et je ne suis pas loin de vous donner raison, mais si à tout le moins cela empêche une personne de conduire à quelques reprises pendant que sa voiture est en fourrière, cela nous aide.

• 1015

C'est là le genre de choses qui donnent à la loi un peu plus de mordant. Il faut amener les gens à réfléchir à deux fois avant de prendre leur voiture pour aller au bar ou à cette soirée. Je ne pense pas qu'ils le fassent à l'heure actuelle. Je n'ai toujours pas vu de réduction sensible du nombre de voitures devant les débits de boisson à Saskatoon. J'ai vu une petite augmentation du nombre de personnes qui désignent un chauffeur attitré, mais ces derniers ne sont certainement pas aussi nombreux que les voitures dans le terrain de stationnement.

Une autre chose qui m'a toujours fait rire est que, si nous mettons, lorsque nous en avons le temps, une voiture de patrouille au milieu de ce terrain de stationnement à 2 h du matin, à l'heure de la fermeture, vous seriez surpris de voir combien de voitures restent là toute la nuit, comparé au jour où nous n'avons pas le temps d'envoyer une voiture de patrouille. C'est assez parlant.

J'espère que vous avez beaucoup de questions intéressant la perspective depuis la rue, et je serai ravi d'y répondre une fois que mes collègues là-bas en auront fini. Je pense que vous avez entendu le côté technique. Je pense que vous avez entendu la perspective de la rue. J'aurais voulu pouvoir vous apporter des photos. J'aurais voulu pouvoir apporter des vidéos pour essayer de mettre un visage sur ce crime.

Dale a mentionné que peu de gens ne sont pas touchés à un moment ou à un autre par la conduite avec facultés affaiblies. J'espère que ce n'est le cas de personne dans cette salle. Mais, si c'est le cas, vous aurez une bien meilleure idée de ce dont je parle. Je peux vous dire que la mère de cet homme de 31 ans de samedi soir en aurait long à vous dire, bien que ce soit son fils qui conduisait ce camion. Ce crime a un visage et nous devons le reconnaître et le considérer avec toute la gravité qu'il mérite.

Le président: Merci de cet exposé, messieurs.

La parole est maintenant à l'Association des chefs de police.

Commissaire adjoint Maurice Pilon (Association canadienne des chefs de police): Je vous remercie, monsieur le président. Merci au comité.

[Français]

Nous sommes heureux de comparaître devant votre comité ce matin.

L'Association canadienne des chefs de police est un organisme regroupant les membres supérieurs de la haute direction policière au Canada. L'organisme, qui a été fondé au début des années 1900, compte actuellement quelque 800 membres.

[Traduction]

Nous avons un comité de la circulation routière au sein de l'Association canadienne des chefs de police. J'en suis actuellement le président. Le commissaire adjoint Berlinquette en est le vice-président. M. Grant Smith, de Transport Canada, est le conseiller technique de notre comité.

Monsieur le président, des progrès considérables ont été réalisés dans le domaine de la sécurité routière au Canada au cours des 20 dernières années. Nous avons vu le nombre des décès par accident de la route tomber de presque 6 000 en 1978 à 3 064 en 1997. Le nombre de blessures résultant de collisions a également reculé au cours de cette période, passant de plus de 250 000 en 1979 à 220 000 en 1997. Ces résultats ont été obtenus dans une période où le nombre des immatriculations de véhicules a augmenté de presque cinq millions et le nombre des permis de conduire s'est accru de près de sept millions. Bien que plusieurs facteurs clés aient contribué à ce succès, ce n'est pas une coïncidence que les décès sur la route aient diminué dans le même temps où le port de la ceinture de sécurité s'est répandu. Au cours des 12 dernières années, le taux de port de la ceinture de sécurité a augmenté de plus de 30 p. 100 pour atteindre son niveau actuel de 92 p. 100 des conducteurs. Ce n'est pas une coïncidence que le nombre des tués sur la route ait diminué de 30 p. 100 au cours de la même période. Malheureusement, des résultats similaires n'ont pas été obtenus dans la lutte contre la conduite en état d'ébriété sur nos routes. Un conducteur tué sur trois avait plus que la limite légale d'alcool dans le sang. On ne connaît pas le nombre exact de vies innocentes que les chauffeurs ivres continuent de prendre.

À la poursuite de notre objectif de rendre les routes du Canada les plus sûres du monde, le Comité de la circulation routière de l'Association canadienne des chefs de police a lancé une étude des problèmes liés à la conduite avec facultés affaiblies au Canada. Les statistiques indiquent que la conduite en état d'ébriété reste la première cause du carnage sur les routes. Par ailleurs, la répression policière a considérablement diminué au Canada entre 1986 et 1996. Les chiffres publiés en 1997 par le Centre canadien de la statistique juridique indiquent que les inculpations pour conduite avec facultés affaiblies par 100 000 habitants ont décliné de 47 p. 100 au cours de la période de dix ans. En outre, nous avons des preuves empiriques montrant que les agents de première ligne éprouvent des difficultés à appliquer la législation en la matière.

• 1020

Nous avons estimé que la façon la plus appropriée d'évaluer la situation actuelle de la répression de la conduite en état d'ébriété était d'effectuer un sondage auprès des agents de police de première ligne afin d'isoler les facteurs qui font obstacle à l'efficacité de la détection et des poursuites.

Nous avons pris contact pour cela avec Transport Canada, l'un de nos principaux partenaires en matière de sécurité routière, qui a convenu de faciliter l'élaboration et la conduite d'un sondage. Un questionnaire a été finalement mis au point après d'assez longs travaux.

De manière à obtenir un échantillon représentatif des policiers canadiens, 2 311 questionnaires ont été adressés à des agents dans tous les provinces et territoires au printemps 1997. Un total de 1 629 agents ont répondu, soit un taux de réponse de 70,5 p. 100, ce qui est un taux tout à fait acceptable pour un sondage postal.

Les agents sondés étaient un échantillon représentatif d'agents des services fédéraux, provinciaux et municipaux, englobant des agents généralistes, des agents affectés à la circulation routière et des techniciens en alcootest.

Le questionnaire, que nous avons distribué aux membres de votre comité, s'adressait majoritairement aux membres de l'Association canadienne des policiers. Vous trouverez donc des similitudes entre les résultats de ce sondage et la position qui vient d'être présentée par nos collègues, avec quelques petites divergences. Néanmoins, il importe de savoir que ce groupe est celui qui a fourni les réponses à l'enquête.

J'aimerais maintenant vous donner les éléments saillants de notre sondage, qui portait sur les perceptions et attitudes de ces agents de première ligne concernant l'application des lois relatives à la conduite avec facultés affaiblies au Canada. Je dois souligner que cette enquête reflète les perceptions des agents de police de première ligne concernant cette question. Bien qu'il ne s'agisse que de perceptions, il faut admettre que toute stratégie adossée sur une loi visant à combattre un comportement social inacceptable doit être gérable et exécutable par ceux-là même qui ont mission de remplir cette fonction.

Les sondés étaient invités à classer par ordre de priorité une liste de 15 infractions. Ils ont classé la conduite en état d'ébriété au cinquième rang, derrière le meurtre, l'agression sexuelle, l'enlèvement et le vol qualifié.

Il est bon de savoir que cette question a été reprise d'un sondage effectué en Ontario en 1981 par le Dr Evelyn Vingilis, alors de la Fondation sur la recherche en toxicomanie. À cette époque, les répondants classaient la conduite en état d'ébriété au huitième rang de la même liste d'infractions.

Les répondants devaient indiquer la source et le nombre des accusations de conduite avec facultés affaiblies. Ils ont répondu que 21 p. 100 de leurs accusations résultaient d'accidents de la route, 47 p. 100 de leurs observations de conduite erratique, 11 p. 100 de contrôles ponctuels et 15 p. 100 de plaintes du public. Les agents sondés portent en moyenne 7,5 accusations de conduite avec facultés affaiblies par an.

On demandait ensuite aux agents avec quelle fréquence ils émettent personnellement une suspension de permis provincial de courte durée au lieu de porter une accusation en vertu du Code criminel. 17,5 p. 100 des répondants ont dit utiliser parfois ou fréquemment les suspensions de permis de courte durée au lieu de porter des accusations en vertu du Code criminel.

Les répondants devaient indiquer s'ils usaient d'autres formes de discrétion face aux conducteurs avec facultés affaiblies. Vingt-huit pour cent ont indiqué le faire parfois ou fréquemment, au lieu de porter une accusation de conduite avec facultés affaiblies. La forme la plus courante de discrétion était d'organiser un autre moyen de transport pour le conducteur ou permettre à un passager sobre de prendre le volant.

Il est donc clair que les agents de police de première ligne usent de latitude face aux conducteurs ivres. Voyons quelles sont leurs raisons pour cela.

Trente-huit pour cent des répondants ont indiqué que poser une accusation de conduite en état d'ébriété exige trop de temps. En sus, 36 p. 100 ont estimé que les ressources policières à cet égard sont insuffisantes. Les répondants ont indiqué qu'il faut en moyenne deux heures et 48 minutes pour traiter une accusation de conduite avec facultés affaiblies. Sur ce temps, environ 57 minutes sont consacrées à transporter l'accusé jusqu'à un centre d'alcootest et à l'administration de ce dernier.

Les formalités administratives et les formulaires, qui exigent en moyenne 54 minutes, sont l'autre élément majeur. Vingt minutes supplémentaires sont passées à attendre que l'accusé parle à un avocat ou au service d'aide juridique.

• 1025

Il faut savoir que, dans la plupart des cas, deux agents sont accaparés par le traitement d'un conducteur aux facultés affaiblies: l'agent procédant à l'arrestation et un technicien qualifié en alcootest. Je sais que l'on vous en a déjà parlé. Dans la pratique, la capacité de la police à répondre à d'autres appels de service se trouve considérablement réduite par les presque trois heures qu'exige chaque arrestation d'un conducteur aux facultés affaiblies.

L'obligation de remplir des formulaires et rapports accapare un temps considérable. En moyenne, les agents de police doivent remplir huit formulaires pour chaque conducteur. Ce total comprend les dossiers de la Couronne, les avis annonçant que la Couronne demandera une peine accrue pour récidive, un certificat du technicien en alcootest et un avis que le certificat sera utilisé au procès, un formulaire d'engagement de l'accusé de comparaître en cour et un constat de police, pour n'en nommer que quelques-uns. Sur les agents sondés, 31 p. 100 ont indiqué que des non-lieux sont parfois ou fréquemment prononcés en tribunal pour cause d'erreur dans les formulaires, et 38 p. 100 ont estimé que la procédure devrait être simplifiée.

J'aimerais maintenant traiter des perceptions des agents de première ligne au sujet de la poursuite des conducteurs en état d'ébriété. Les répondants ont indiqué qu'au cours des 12 mois précédant le sondage, 62 p. 100 des personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies ont plaidé coupable, 20 p. 100 ont plaidé non coupable et opté pour le procès, les autres ayant plaidé coupable à une infraction au Code criminel ou à une infraction provinciale moindre.

Les répondants ont indiqué que dans les cas de procès, une condamnation est prononcée dans 83 p. 100 des cas, le taux d'acquittement n'étant que de 9,3 p. 100, généralement pour des raisons techniques. Soixante-cinq pour cent des répondants ont indiqué que des négociations de plaidoyer interviennent parfois ou fréquemment et 59 p. 100 ont estimé que ces négociations visent à accélérer le processus judiciaire.

Dans les cas de plaidoyers de culpabilité, le temps écoulé entre la date de l'infraction et le jugement final était en moyenne de 14,8 semaines. Dans les cas de plaidoyer de non-culpabilité, cette durée passe à 35 semaines. Le procès moyen pour conduite en état d'ébriété dure 4,4 heures, la barre des témoins étant occupée par un agent de police pendant 33 minutes.

Vingt-neuf pour cent des répondants estimaient que les juges accordent davantage de crédibilité aux témoins experts de la défense qu'aux témoins de la police, 11 p. 100 étaient d'avis contraire et 42 p. 100 estimaient qu'une crédibilité égale est accordée aux deux.

Toujours au sujet du processus judiciaire, seuls 45 p. 100 des répondants estimaient que les procureurs de la Couronne sont insuffisamment préparés pour leur cause. Ce n'est pas une accusation d'incompétence, car 80 p. 100 estimaient que c'est dû au fait que les procureurs de la Couronne ont trop de dossiers à traiter.

Le sondage a également porté sur la question des sanctions, 62 p. 100 des répondants estimant que les sanctions actuelles sont trop clémentes, bien que les sanctions administratives provinciales, telles que les suspensions de permis, la mise en fourrière des véhicules et l'évaluation et le traitement obligatoire des contrevenants primaires soient jugés comme des contre-mesures efficaces. Seuls 6 p. 100 des sondés étaient en faveur d'une dépénalisation complète.

Enfin, le sondage a abordé les connaissances de nos agents de police de première ligne relativement à la contribution de l'alcool aux accidents de la route mortels. À la question de savoir quel pourcentage des conducteurs canadiens tués dans des accidents de la route avaient une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes, environ deux tiers des répondants ont dit qu'ils ne savaient pas et seuls 17 p. 100 ont pu donner la bonne réponse.

Je trouve les résultats de ce sondage assez révélateurs. Il serait peut-être bon de prendre du recul et de considérer la raison d'être de la législation.

Premièrement, on légifère pour assurer le bien-être de la collectivité et protéger les citoyens contre les comportements inacceptables, dangereux ou périlleux pour la vie. Les lois visent à dissuader ceux qui pourraient vouloir se livrer à ces comportements et sanctionner ceux qui le font. Pour que la législation soit réellement dissuasive, il doit exister un risque d'arrestation et de condamnation, avec des conséquences suffisamment dissuasives. Pour être efficace contre ceux qui menacent l'intérêt général, notre système doit prévoir des jugements rapides et sûrs, ainsi que des sanctions propres à dissuader la récidive.

• 1030

Il faut songer également que si la législation n'est pas applicable ou gérable par les policiers de première ligne, le système échouera. Le processus judiciaire est lancé par les agents de première ligne qui posent l'accusation. Si l'on dresse des obstacles devant ces agents, la capacité de lancer le processus et, par voie de conséquence, d'offrir aux citoyens la protection dont ils ont besoin est mise en péril.

Les services de police canadiens sont partisans d'un modèle de prestation de services sociopréventif. Dans un tel modèle, les priorités sont établies à l'intérieur d'un partenariat police-collectivité. Des stratégies sont adoptées dans le cadre de ce partenariat pour contrer les risques prioritaires à la sécurité et au bien-être général de nos collectivités. Les agents de police de première ligne, de par leurs interactions avec la collectivité, ont bien conscience que la conduite avec facultés affaiblies est considérée par les citoyens comme un risque majeur pour le bien-être du pays. Cette conscience a certainement été confirmée par une enquête récemment publiée par la Fondation de recherche sur les blessures de la route, d'où il ressort que 88 p. 100 des Canadiens considèrent que la conduite en état d'ébriété représente aujourd'hui un problème très grave ou extrêmement grave qui les préoccupe davantage que beaucoup d'autres problèmes sociaux d'actualité, tels que les impôts ou le système de santé.

La législation actuelle en la matière a été adoptée en 1969. Depuis lors, le système judiciaire est devenu plus complexe. L'accumulation de jurisprudence en matière la conduite avec facultés affaiblies au cours des 30 dernières années et l'adoption de la Charte des droits et libertés en 1982 ont considérablement influé sur la capacité de la législation de garantir le bien-être collectif en 1999.

Le cadre policier a également considérablement évolué. La demande de services s'est sensiblement accrue. La criminalité est devenue plus sophistiquée. Le volume et la complexité des enquêtes sont allés grandissants. Pour répondre aux exigences de nos collectivités, il faut rendre plus efficaces et rapides les procédures, tant juridiques que policières, applicables aux conducteurs en état d'ébriété.

L'Association canadienne des chefs de police travaille à des propositions fondées sur ce sondage. Premièrement, nous nous penchons sur le problème du conducteur ivre invétéré, dans le but de formuler des propositions qui permettront de combattre efficacement la récidive chez ce groupe. Nous examinerons les questions entourant une disposition autorisant comme preuve les résultats d'alcootests routiers.

Bien que nos conclusions dans ce domaine soient préliminaires, je crois savoir que certaines juridictions utilisent déjà ces tests. Un tel processus permettrait de raccourcir considérablement la durée des formalités applicables aux conducteurs ivres. Les alcootests routiers admissibles en preuve sont possibles et permettent aux agents d'expédier ces affaires plus rapidement et plus simplement. Selon notre sondage, il en résultera un niveau accru d'application de la loi par la police. Nous envisagerons également des méthodes de simplifier le processus de rapport, dans le but de réduire le temps requis par cette fonction. Nous envisagerons également le recours aux enregistrements vidéo comme moyen de recueillir d'autres preuves d'ébriété sur le bord de la route.

L'Association canadienne des chefs de police a également commencé à travailler avec nos partenaires nationaux pour sensibiliser davantage les policiers de première ligne du Canada aux problèmes de sécurité routière. À cet égard, nous travaillons à l'établissement d'une base de données sur les meilleures pratiques de sécurité routière et nous explorons des méthodes de communication efficace des données de gestion du risque. Nous nous sommes engagés à présenter nos propositions aux membres de l'Association canadienne des chefs de police pour ratification en août de cette année. C'est donc un processus en cours.

Je vais traiter brièvement de certaines des questions abordées dans le document de discussion de votre comité. S'agissant du chauffard invétéré, il est évident que ce groupe de Canadiens est imperméable aux campagnes publiques de sensibilisation et d'éducation. Ils ne sont pas dissuadés non plus par les risques de poursuite. Les sanctions actuelles ne suffisent pas à prévenir cette récidive. Des recherches approfondies sont nécessaires pour isoler des moyens efficaces contre ce groupe à haut risque particulier.

Dans notre sondage, nous avons demandé aux policiers s'ils étaient en faveur de réduire le taux d'alcoolémie légal de 80 à 50 milligrammes. Seuls 36 p. 100 des répondants étaient en faveur et j'ai l'impression que c'est parce que cette idée était considérée comme un changement trop mineur de la structure législative actuelle. Elle ne fait rien pour améliorer la capacité d'appliquer et de gérer l'ensemble du dispositif législatif.

D'aucuns s'interrogent sur l'opportunité d'allonger la durée de présomption relative aux alcootests au-delà des deux heures actuelles. Il ressort clairement de notre enquête qu'il est impératif de rationaliser la procédure d'arrestation des conducteurs aux facultés affaiblies et que les policiers de première ligne jugent ingérables les exigences actuelles. Bien que des raisons puissent militer en faveur de l'allongement de la période de présomption, j'estime que cette solution pourrait représenter une menace encore plus grande pour le système. Si l'on veut que la police puisse mettre en marche le processus en portant une accusation, il faut alléger le processus et réduire le temps qu'il exige.

• 1035

Vous allez entendre prochainement les positions de plusieurs groupes intéressés à rendre nos routes plus sûres. Je vous encourage, dans vos délibérations, à veiller à ce que toute législation adoptée soit gérable et applicable. Les policiers du Canada veulent des routes plus sûres. Nous voulons faire en sorte que les Canadiens puissent se sentir plus en sécurité sur la voie publique. Sans les outils appropriés, notre capacité de répondre aux besoins de nos collectivités sera entamée.

[Français]

Merci de votre attention. Nous avons hâte de devenir des partenaires et de contribuer à rendre les routes du Canada les plus sécuritaires au monde.

[Traduction]

Je vous remercie.

Le président: Merci, chef Pilon.

Quelqu'un d'autre de l'Association souhaite-t-il intervenir? Monsieur Cutler, nous passons à vous.

M. Roger F. Cutler (avocat-conseil de la Couronne, Criminal Justice Branch, Ministry of Attorney General for British Columbia): Je vous remercie, monsieur le président.

Je suis avocat-conseil au ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique et je veux vous remercier de votre invitation à comparaître ce matin.

L'une de mes fonctions en tant qu'avocat-conseil est de superviser les infractions au code de la route en Colombie-Britannique, et en particulier la conduite avec facultés affaiblies. Je comparais devant vous ce matin dans l'intention d'exhorter votre comité à recommander des modifications au Code criminel de façon à donner aux forces de police la faculté de dépister et de poursuivre les conducteurs aux facultés affaiblies par la drogue. J'ai remis au comité un document de discussion avec mon mémoire. Je vais résumer ce document dans mon exposé de ce matin. Je serai évidemment disposé à répondre à toute question que vous pourriez avoir à son sujet.

Je précise d'emblée que l'article 253 du Code criminel interdit à l'heure actuelle la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, de la même façon que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. Cependant, le Code criminel ne donne pas à la police autant de moyens de dépistage dans le cas de drogue que dans le cas d'alcool—et vous avez entendu ce matin les policiers vous parler des formalités qu'ils doivent accomplir s'agissant de conducteurs ivres.

Comme je l'ai dit, le Code criminel ne permet pas à l'heure actuelle aux agents d'enquêter sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Les positions que je présente ce matin sont fondées sur trois prémisses. Premièrement, la conduite avec facultés affaiblies par la drogue est un problème grave sur nos routes, causant des blessures graves et des décès, au même titre que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. Deuxièmement, grâce à des progrès récents dans les techniques d'enquête, les agents ont maintenant la possibilité de dépister et d'évaluer les conducteurs aux facultés affaiblies par la drogue au moyen de ce que l'on appelle le programme de reconnaissance et d'évaluation de drogue. Ce programme a été mis au point aux États-Unis et s'est depuis répandu à vive allure tant aux États-Unis qu'en Europe. Il n'est pas encore employé au Canada, bien que des tentatives aient été faites en Colombie-Britannique en l'absence de législation habilitante. La troisième prémisse est ce que j'ai dit au début, à savoir que nonobstant la gravité du problème et la possibilité matérielle de la combattre, le Code criminel ne donne pas à la police la faculté de faire enquête dans ce domaine.

Songez que la disponibilité et la consommation de drogue dans notre société ont explosé au cours des 20 dernières années. De toute évidence, cela se répercute au niveau de la conduite automobile, mais le Code criminel n'a pas suivi le rythme de cette évolution. À l'heure actuelle, une personne coupable de conduite avec facultés affaiblies par la drogue peut éviter la détection et les poursuites même si elle est confrontée par un agent de police convaincu que les facultés de la personne sont affaiblies par la drogue. Le policier a les mains liées. Il ne peut rien faire pour exécuter cette disposition du Code criminel. Comme je l'ai dit, alors que le code prévoit aujourd'hui quantité de pouvoirs et de procédures pour réprimer la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool—plus précisément, les articles 254 et 258—il ne confère aucun pouvoir aux agents pour enquêter sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.

• 1040

Avec l'avènement de la RED, il est devenu extrêmement frustrant pour les agents qualifiés dans cette technique de savoir qu'ils sont en face d'un conducteur sous l'influence de drogue, et qui donc commet un délit criminel, tout en étant impuissants à établir l'infraction ou recueillir les preuves. Nous considérons que la police a besoin des quatre modifications suivantes du Code criminel pour l'aider à combattre la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Chacune d'elles, individuellement, serait utile. Les quatre ensembles seraient d'un grand secours dans la lutte contre ce délit.

Premièrement, l'agent doit pouvoir détenir un suspect pour enquête ultérieure lorsqu'il considère que ce suspect a ses facultés affaiblies par la drogue. Ce serait le pendant de la conduite en état d'ébriété, où l'agent peut exiger un alcootest et emmener la personne au poste. À l'heure actuelle, l'agent n'a pas ce pouvoir dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.

Deuxièmement, l'agent doit pouvoir exiger un échantillon de salive au bord de la route pour confirmer son soupçon. Encore une fois, c'est similaire à la disposition relative à l'alcootest approuvé de l'article 254 du code, en ce sens que lorsque l'agent a un simple soupçon, il peut transformer ce soupçon en motif raisonnable et probable en demandant à l'intéressé de souffler dans un alcootest approuvé. Si le suspect échoue à ce test, on lui ordonne de se rendre au poste et de fournir un échantillon d'haleine, lequel pourra être utilisé contre lui dans un procès.

Encore une fois, cela n'est pas possible dans les cas d'enquête sur les facultés affaiblies par la drogue. L'échantillon de salive pourrait permettre à l'agent, dans un test de cinq minutes, de déterminer si l'intéressé a des drogues dans son organisme. À ce stade, l'agent pourrait poursuivre son enquête.

Cela conduit à la troisième recommandation, à savoir que si l'agent est d'opinion que l'intéressé est sous l'influence d'une drogue, il aurait le pouvoir de procéder à une évaluation RED. L'exposé explique en quoi consiste une évaluation RED. Il s'agit simplement d'une série de tests, dont des tests de sobriété, des observations physiques du suspect et un entretien pour déterminer si la personne est sous l'influence d'une drogue. Si l'agent a la formation suffisante, il peut même déterminer ainsi de quelle sorte de drogue il pourrait s'agir.

À l'heure actuelle, l'agent n'a pas le pouvoir de demander au conducteur de se soumettre à cette sorte d'évaluation. Ce n'est guère différent des tests de sobriété routiers dont on a parlé plus tôt. Les agents n'ont pas ce pouvoir aujourd'hui. Ainsi, bien qu'un conducteur puisse avoir ses facultés très visiblement affaiblies, l'agent ne peut rien faire d'autre que demander poliment à l'intéressé de participer à ces évaluations et le suspect ne se portera certainement pas volontaire. Il faut donc que le code contraigne le suspect à participer.

Les agents doivent avoir la faculté, lorsqu'ils estiment qu'une personne est sous l'influence de drogue, d'exiger un échantillon de sang ou d'urine. Encore une fois, c'est ce qui est prévu dans le code pour les conducteurs en état d'ébriété. Si l'agent considère que la personne a bu et qu'un alcootest est impossible, soit en raison d'une infirmité physique ou parce que l'instrument n'est pas disponible, l'agent peut exiger un échantillon de sang ou d'urine. Encore une fois—c'est comme un disque rayé tellement je me répète—le Code criminel ne donne pas à la police le pouvoir d'exiger un échantillon de sang ou d'urine lorsqu'elle soupçonne des facultés affaiblies par la drogue.

• 1045

Ces quatre recommandations peuvent être adossées sur une disposition générale qualifiée de «principe du consentement implicite», qui existe aux États-Unis et en Europe, mais non au Canada.

Le principe du consentement implicite, en gros, pose que lorsquÂune personne se livre à une activité dangereuse pour le public, telle que la conduite, par le seul fait de décider de conduire, la personne a donné son consentement à participer à cette sorte de test dès lors que l'agent considère qu'il y a affaiblissement des facultés par la drogue. Le même principe devrait s'appliquer à l'affaiblissement des facultés par l'alcool, si bien qu'à l'instant où la personne se met au volant, elle a déclaré: «Si un agent pense que mes facultés sont affaiblies par la drogue ou l'alcool, j'ai consenti à participer à ces tests, au risque d'être sanctionné si je refuse». Comme je l'ai dit, cela a été adopté aux États-Unis avec grand succès.

Une telle disposition dans le Code criminel renforcerait la répression de la conduite avec facultés affaiblies tant par l'alcool que la drogue et son importance ne peut être sous-estimée en ce sens qu'elle enlèvera à l'individu le droit ou l'occasion de dire: «Prenez de moi ce que vous pouvez, mais je ne donne rien volontairement». Je pense que cette mentalité, qui malheureusement imprègne les enquêtes sur la conduite avec facultés affaiblies, doit disparaître. Comme les statistiques le montrent, les décès et les préjudices infligés à notre société par les chauffards, qui refusent simplement de voir le danger de conduire avec des facultés affaiblies, doivent cesser.

Au-delà de la disposition générale du consentement implicite, j'exhorte votre comité à recommander les quatre modifications spécifiques relatives aux facultés affaiblies par la drogue. De toute évidence, le refus d'obtempérer à l'une quelconque de ces demandes devrait être érigé en infraction, afin d'obliger l'intéressé à participer.

Ces modifications que nous recommandons permettraient à la police de recueillir les éléments de preuve et de les soumettre au tribunal et, de cette matière, dépister et dissuader la conduite avec facultés affaiblies.

Plus particulièrement—et je vais passer rapidement là-dessus car je sais que nous manquons de temps—le test de salive routier est un test non intrusif dans lequel le suspect dépose simplement de la salive sur un morceau de papier, lequel change de couleur si une drogue est présente dans l'organisme.

En ce qui concerne l'évaluation et reconnaissance de drogue, c'est un processus à 12 étapes, qui englobe des tests de sobriété et l'observation physique du suspect, comme je l'ai indiqué. Cette évaluation prend environ 45 minutes et doit être faite au poste de police.

Enfin, l'échantillon de sang ou d'urine serait prélevé au poste—dans le cas d'urine. S'agissant d'un échantillon de sang, il devrait être prélevé à l'hôpital, puis envoyé à un laboratoire, les résultats étant obtenus dans un délai de deux ou trois semaines. Encore une fois, c'est un processus autorisé s'agissant de conduite en état d'ébriété, mais non dans le cas des drogues.

En résumé, je fais simplement valoir que lorsqu'on considère le Code criminel et les efforts déployés, avec un certain succès, pour combattre la conduite en état d'ébriété, il est étonnant que le code ne contienne absolument rien pour aider la police à réprimer la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Il est paradoxal que le code érige néanmoins cette conduite en infraction, mais en privant la police de tout moyen d'intervention. J'espère que mon intervention aura à tout le moins éclairé le comité sur le problème et j'espère qu'à partir de là des moyens seront donnés à la police pour combattre ce problème très sérieux sur nos routes. Encore une fois, je remercie le comité de m'avoir invité à comparaître. Merci.

Le président: Merci, monsieur Cutler.

Nous allons maintenant passer aux questions de membres du comité. Nous allons avoir des tours de sept minutes, et je vais vous y tenir étant donné les contraintes temporelles avec lesquelles nous devons composer.

Monsieur Harris, c'est à vous.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Très bien. Merci, monsieur le président, et merci à vous, messieurs, de vos excellentes présentations.

• 1050

En écoutant vos présentations orales et en lisant la documentation que vous nous avez fournie, une question m'est venue: pourquoi ces propositions ne sont-elles pas déjà en place? Pourquoi cela demande-t-il autant de temps? J'imagine que vous avez fait du lobbying auprès du gouvernement en vue d'obtenir ces changements avant aujourd'hui—je me trompe peut-être, auquel cas vous me corrigerez—et si c'est le cas, quels arguments le ministère de la Justice vous a-t-il servis pour expliquer pour quelles raisons ces dispositions ne sont pas déjà en place? Pourquoi sommes-nous en train de vivre tout ce processus pour obtenir que ces dispositions soient exécutées alors qu'à mon avis ce devrait être chose faite?

Je lance cette question à quiconque souhaite y répondre.

M. Dale Kinnear: Je dirais que l'on s'y acharne; si l'on ne réussit pas du premier coup, l'on revient à la charge. Je pense que la situation correspond d'assez près à ce qu'a évoqué le commissaire adjoint Pilon, et je songe aux questions relatives à la Charte qui sont survenues au cours des dernières années. C'est ce qui est invoqué ces jours-ci lorsque des changements du genre sont recommandés. Je dirais que cela a sans doute compté pour beaucoup. Puis, il y a la question de la volonté politique... il n'y a pas eu l'influence nécessaire pour que cela se réalise.

Je vous soumets que si nous ne réussissons pas à obtenir certains de ces changements ici aujourd'hui, nous reviendrons la prochaine fois que ce sera à l'ordre du jour.

Le commissaire adjoint Maurice Pilon: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, monsieur, relativement à notre sondage, nous sommes à l'heure actuelle en train de mener un processus visant à mieux cerner certaines de ces questions. Nous espérons pouvoir, d'ici le milieu de l'été, élaborer des propositions concrètes à déposer sinon auprès du groupe ici réuni, auprès, c'est à espérer, d'un autre organe gouvernemental auquel nous pourrons présenter des instances comme il se doit.

Nous pensons que certaines de ces questions ont du mérite. C'est pourquoi nous comparaissons devant vous ici aujourd'hui. Notre comparution est peut-être quelque peu prématurée étant donné le travail de préparation que nous avons pu faire, mais nous pensons néanmoins que les questions méritent en tout cas d'être discutées.

M. Roger Cutler: Il me faudrait dire qu'en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies par la drogue je ne suis pas au courant de pareilles soumissions ayant été faites jusqu'ici au comité ici réuni ou à un quelconque autre comité parlementaire. Si les choses bougent, c'est en grande partie dû aux récents développements côté techniques d'investigation... les techniques sont tout simplement révolutionnaires, et les organes d'application de la loi ainsi, d'ailleurs, que la communauté scientifique sont tout simplement époustouflés par la capacité qu'a le policier d'évaluer, de façon très juste, l'état d'un conducteur qu'il soupçonne d'avoir consommé des drogues ayant affaibli ses facultés.

Cependant, cela étant dit, cela fait quelque temps déjà que les statistiques disent que la conduite avec facultés affaiblies par la drogue est un sérieux problème sur les routes canadiennes. J'imagine que ce qui s'est passé c'est que cela fait de nombreuses années que l'on se demande comment faire pour s'attaquer au problème. Il n'existe pas dans ce domaine d'appareil semblable à l'alcootest, qui est une merveilleuse invention qui a vu le jour il y a plusieurs décennies déjà. Nous avons cependant aujourd'hui la capacité et, comme je l'ai dit, c'est de là que vient la frustration, de régler le problème, mais nous ne pouvons pas nous appuyer sur une loi qui nous autorise à faire ce qu'il faut.

M. Dick Harris: Merci.

Je pense que vous avez tous dit que tout changement apporté doit être gérable et applicable. J'apprécie ce commentaire, car vous parliez, bien sûr, de la nécessité de disposer des ressources et de la main-d'oeuvre nécessaires pour faire le travail, en admettant que la loi soit en place. C'est là une chose dont il nous faut vraiment tenir compte dans notre examen de changements à apporter à la loi. C'est bien beau de tout simplement changer la loi et resserrer les choses, mais il faut qu'il y ait davantage de ressources pour que le système soit applicable et gérable.

Une statistique que j'ai vue récemment—et cela nous donnera sans doute une idée de l'ampleur du problème de conduite avec facultés affaiblies—est que, si je me souviens bien, pour chaque personne qui est accusée de conduite avec facultés affaiblies, il y a eu environ 2 000 infractions. En gros, sur 2 000 personnes qui sont en train de conduire avec facultés affaiblies, sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants, une seule se fera arrêter. Si vous commencez à faire les calculs, vous constatez que c'est un énorme problème.

J'apprécie vraiment le fait que le comité se réunisse pour discuter de cette question et j'apprécie les présentations que vous avez faites.

• 1055

Monsieur Kinnear, pour des raisons personnelles, j'aime la recommandation en matière de peine minimale que vous faites en ce qui concerne les personnes qui conduisent avec facultés affaiblies et qui causent la mort. Il y a quelques années, lorsque j'ai déposé un projet de loi d'initiative parlementaire demandant une peine minimale de sept années d'incarcération pour quiconque causerait la mort du fait de conduire avec facultés affaiblies, le gouvernement avait argué que ce n'était pas possible car cela aurait pour effet de semer le désordre dans toutes les autres peines. J'ai répliqué qu'il ne s'agissait pas d'essayer de corriger tout le système judiciaire, mais tout simplement d'empêcher que les gens fassent des victimes sur les routes. Pourriez-vous ajouter un autre motif à cette recommandation de peine minimale?

M. Dale Kinnear: J'y vois un simple facteur de dissuasion. Si un tel changement était inséré dans le code, je pense que la nouvelle se répandrait très vite. Elle parviendrait aux habitués de la conduite avec facultés affaiblies, aux personnes qui font cela régulièrement, et même à celles qui ne le font pas. Il y a quelques années seulement, en Ontario, lorsqu'on a pour la première fois tenté de suspendre le permis du conducteur en état d'ébriété entre le moment où il était arrêté au contrôle routier et sa comparution devant le tribunal, cela avait provoqué des frissons dans tous les bars—et je dis bien bars, et non pas barreau—comme cela ne c'était jamais vu auparavant. Il est vrai que cela n'a pas duré très longtemps.

J'imagine que dans le cas contraire, cela aurait de beaucoup changé les choses. Les gens savent que cela n'est plus toléré, comme le président l'a dit tout à l'heure. C'est très inacceptable socialement, si cela va vous mettre en prison pendant sept ans. Nous pensons que c'est ce genre de moyen dissuasif qu'il faut. Cela envoie un message. Si vous voyez quelqu'un n'écoper que d'une très petite peine d'incarcération, voire d'aucune peine du tout, après avoir causé la mort de quelqu'un, comment expliquez-vous cela aux victimes? Comment les familles peuvent-elles accepter cela? Comment peuvent-elles accepter cela après avoir perdu un être aimé? C'est donc de la pure dissuasion.

Le président: Merci, monsieur Harris.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): J'ai lu le mémoire que vous avez déposé et je vous en félicite. Il est très bien documenté. J'ai manqué l'exposé de M. Dale Kinnear, mais M. Brien m'a dit qu'il était excellent.

J'aimerais vous demander si, en votre qualité d'analyste du travail, vous estimez qu'il est vrai qu'il y a de plus en plus de délits de fuite de la part de conducteurs qui quittent les lieux d'un accident.

[Traduction]

M. Dale Kinnear: Je pense qu'il y a eu une augmentation des accusations de fuite de la part de conducteurs qui quittent le lieu d'un accident. Il est difficile de savoir s'il s'agit de conducteurs avec facultés affaiblies ou de personnes qui conduisent avec un permis suspendu, car dans de nombreux cas, l'intéressé est parti. Vous ne le rattrapez tout simplement pas. Je pense qu'il y a eu une légère augmentation de l'incidence de ce délit, et il s'agira de personnes qui se retrouvent dans le fossé, qui s'enfuient et qui ne reviennent pas sur les lieux de l'accident. En ce qui concerne ce que l'on appelle les poursuites à grande vitesse ou les fuites devant la police, je dirais que là aussi il y a sans doute pas mal de conducteurs en état d'ivresse.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: On dit que les conducteurs quittent les lieux de l'accident parce qu'ils craignent de sévères peines pour conduite avec facultés affaiblies. Si on rend les peines encore plus sévères, est-ce que le nombre de délits de fuite n'augmentera pas encore?

[Traduction]

M. Dale Kinnear: Il y a là une relation de cause à effet, et j'estime qu'il est possible que les choses tournent ainsi. Je demeure néanmoins convaincu que c'est une mesure dissuasive nécessaire. Pour nous, c'est la logique qui le veut. Quant aux personnes qui fuient, dans bien des cas, elles ne veulent être arrêtées pour quoi que ce soit. Ce n'est pas tout simplement parce qu'il y a une plus lourde peine pour la conduite en état d'ébriété. Elles ne veulent pas être arrêtées par la police. Certains des cas résultent de simples contrôles. J'imagine donc qu'il pourrait y avoir une légère augmentation de ce côté-là. Mais je pense, si vous voulez, que cela confère les pouvoirs nécessaires aux tribunaux pour punir ceux qui seront pris. Quant à savoir si cela va ou non multiplier le nombre de poursuites à grande vitesse, je ne sais pas, mais je pense que le risque en vaut peut-être la chandelle.

• 1100

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Mon autre question s'adresse à M. Cutler, l'avocat-conseil de la Couronne.

Prenons l'exemple d'un conducteur dont les facultés sont affaiblies et qui est au volant d'une belle Mercedes-Benz. Il vient de frapper un jeune et il prend son téléphone cellulaire et appelle son avocat pour lui demander quoi faire. Ce ne seraient sûrement pas de bons conseils de la part d'un avocat, mais est-il possible que son avocat lui dise que, compte tenu de notre Code criminel, de la disproportion des peines et de la preuve que la Couronne doit faire, il ferait peut-être mieux de «lever le flag» parce que cela rendra le travail des policiers plus difficile et qu'il aura de meilleurs chances de s'en sortir si on le retrouve et qu'on l'accuse de délit de fuite que si on l'accuse de conduite avec facultés affaiblies?

[Traduction]

M. Roger Cutler: Je pense que c'est là une déclaration assez juste.

La blague—si vous me permettez une petite digression—en Colombie-Britannique pour ce qui est de la conduite avec facultés affaiblies est que lorsque ces gens appellent leur avocat, celui-ci leur dit tout simplement «Quoi que vous fassiez, ne pissez pas dans une bouteille». Une fois qu'ils ont eu ce conseil, on ne peut plus rien faire. On peut supplier l'intéressé de nous donner un échantillon, mais s'il s'est fait dire par son avocat qu'il ne lui faut pas coopérer, ce n'est pas un délit que de refuser de pisser dans une bouteille ou de se soumettre à un test de sobriété.

À l'heure actuelle, les cas qui poussent plus loin sont ceux où l'intéressé, pour quelque raison, a accepté de se plier au test de sobriété et de fournir un échantillon d'urine ou de sang. Cependant, cela est très rare, et dans la plupart des cas, c'est que la personne n'a pas choisi de communiquer avec un avocat lorsqu'on lui en a donné l'occasion.

Je pense que ce à quoi vous voulez en venir est que si l'on offre à quelqu'un la possibilité de communiquer avec un avocat, l'avocat lui donnera à tout coup comme conseil de ne pas fournir de preuves qui ne sont pas exigées par la loi.

En vertu des dispositions en matière de conduite en état d'ivresse, l'avocat ne dira pas à son client de refuser de se soumettre à l'alcootest car il sait qu'il existe une disposition applicable en cas de refus de fournir un échantillon d'haleine. Par conséquent, à moins que l'avocat ne soit convaincu qu'il y a une excuse légale pour refuser, il dira à son client de jouer le jeu, mais il lui dira également d'étirer les choses, de faire tout ce qu'il peut pour que cela traîne.

Je suis donc de votre avis. Je ne suis pas la bonne personne à interroger là-dessus car je suis de l'autre côté, même si j'ai fait du travail de défense. Il y a un jeu qui est joué par l'avocat et(ou) le suspect. Et c'est un jeu auquel ils s'adonnent.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur Cutler, si on décide de prévoir dans la loi des peines plus sévères pour conduite avec facultés affaiblies et qu'on adopte les dispositions législatives que vous proposez, y compris celles relatives à la présomption de consentement, croyez-vous qu'il faudra aussi renforcer les peines pour délit de fuite?

[Traduction]

M. Roger Cutler: J'ai participé au processus d'amendement du Code criminel il y a quelques années en vue d'augmenter la peine maximale pour les cas de délit de fuite, la faisant passer de deux à cinq ans. Il me faut vous dire que je préconisais une peine de dix ans.

La raison à cela est que si une personne est au volant d'une voiture, est partie à un accident et conduisait avec facultés affaiblies, et que si elle fait le tour de la question et parvient à faire une évaluation rationnelle de la situation dans laquelle elle se trouve, elle choisira de quitter le lieu de l'accident. Si elle reste, elle court un bien plus grand risque de se faire arrêter pour conduite en état d'ébriété. En cas de condamnation, les peines sont faibles, comme on vous l'a expliqué plus tôt. L'intéressé se dit donc: pourquoi ne quitterais-je pas tout simplement le lieu de l'accident? Je cours la possibilité de ne jamais me faire prendre, et donc de ne pas me faire imposer de peine. Si je suis pris, le prix à payer pour un délit de fuite est inférieur à celui correspondant au délit de conduite en état d'ébriété. Par conséquent, la logique voudrait que je quitte le lieu de l'accident.

Je sais que dans le cas de nombreux tribunaux, en tout cas en Colombie-Britannique, à l'heure actuelle, si vous êtes jugé coupable d'un délit de fuite et qu'il est question que vous ayez été à l'époque sous l'emprise de l'alcool ou de drogues, vous vous verrez imposer une peine plus lourde car la cour comprendra que si vous fuyiez c'était pour éviter qu'on relève un autre délit.

• 1105

Je pense, pour enchaîner sur ce qui a été dit plus tôt, que ce que l'on voudrait peut-être c'est que si une personne est déclarée coupable de conduite avec facultés affaiblies et que dans le même incident elle est jugée coupable de délit de fuite, alors il y aurait une peine pour conduite avec facultés affaiblies et il devrait y avoir un ajout minimum d'un an à cette peine pour le délit de fuite.

En d'autres termes, le tout n'est pas mis ensemble. Ce n'est pas très différent du cas de quelqu'un qui commet un vol avec une cagoule ou un masque ou d'ailleurs une arme. Vous êtes automatiquement accusé de vol, et à cause de la façon dont vous avez procédé, une autre peine sera ajoutée à la première.

Je pense que c'est peut-être là la façon d'aborder le problème: prévoir une peine cumulative qui permette de dire «un instant, vous avez commis deux délits ici, d'abord celui de conduite avec facultés affaiblies, puis celui de fuite.» Mais, pour répondre à votre question, il n'y a aucun doute que lorsque vous augmentez les peines et les sanctions, il y a là une incitation à quitter le lieu de l'accident. Cependant, reste à savoir combien de personnes sont au courant de cela. Je dirais tout simplement que je ne pense pas que ce soit là une raison de se retenir d'attaquer le problème. Nous sommes aux prises avec le problème.

Le président: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier tous de vos mémoires et des efforts que vous avez faits pour vous préparer. Il est extrêmement utile pour nous de comprendre la façon de penser des organismes d'application de la loi.

Je pense que beaucoup de choses ont été faites par les corps de police pour des raisons très évidentes. Comme l'a souligné le président Obst, peut-être qu'après les victimes, ce sont les policiers et le reste de l'appareil d'application de la loi qui souffrent le plus, qui sont le plus traumatisés du fait de traiter directement avec ces problèmes ou avec le carnage sur les routes.

J'aimerais également vous féliciter, de façon générale, d'avoir augmenté la sensibilisation des gens au problème, et je parle non seulement de nous autres, en tant que membres de la collectivité, mais également du travail que vous avez fait avec des groupes comme MADD et même avec les brasseries, qui semblent avoir adopté une nouvelle approche plus responsable. Je tenais à vous en féliciter.

Dans cette même veine, et en guise d'observation générale avant de poser mes questions, il me semble que dans bien des cas tout cela est ramené à une question de ressources et de priorités du gouvernement. Si le gouvernement décidait délibérément de s'attaquer au problème et d'y investir l'argent nécessaire, les choses bougeraient. Il y aurait davantage d'agents dans les rues. Ces agents auraient à leur disposition davantage de ressources et de matériel. Même chose du côté des procureurs de la Couronne au niveau provincial. Je sais que dans ma province, la Nouvelle-Écosse, à cause du flux constant de cas de conduite avec facultés affaiblies, on a moins la possibilité de s'occuper des autres dossiers.

Je pense donc que le message qu'il nous faut recevoir, et c'est le message que vous lancez, est qu'il s'agit ici d'une plus grande priorité.

J'ai maintenant une question pour vous, monsieur Cutler, relativement à l'incidence de la conduite avec facultés affaiblies. J'ai écouté très attentivement vos remarques au sujet de l'augmentation constatée le long de la côte Ouest, alors j'imagine que la situation est sans doute, de façon générale, la même un petit peu partout au pays.

Les dispositions actuelles n'accordent pas un poids égal à la capacité des forces policières de donner suite. La loi dit néanmoins: «dans les cas où un agent soupçonne qu'il y a eu consommation de stupéfiants ou d'alcool». Par conséquent, lorsque vous dites que l'agent n'a presque aucune marge pour donner suite s'il soupçonne quelqu'un de conduire avec facultés affaiblies par la drogue, cela n'est pas tout à fait vrai. S'il y a eu amplement observation des signes évidents passe-partout—yeux vitreux, preuves que le véhicule a été conduit, présence d'odeur, et ainsi de suite—l'agent est autorisé par la loi à intervenir.

M. Roger Cutler: Comme je l'ai dit au début, il existe un de délit de conduite avec facultés affaiblies par la drogue, mais dans le scénario moyen tel qu'il se déroule dans la rue, l'agent n'est pas en mesure de recueillir les preuves qu'il faut. Dans un monde où tout le monde collaborerait et se plierait aux demandes de l'agent, alors, oui, l'agent aurait tout cela. Mais en bout de ligne, ce que la cour voudra, d'abord, c'est un aveu de facultés affaiblies, ce que l'agent peut clairement observer. Mais au bout du compte, ce que voudrait vraiment la cour c'est savoir quelle preuve nous avons que l'accusé avait dans son corps ou des drogues ou de l'alcool. En l'absence d'un échantillon de sang ou d'urine, nous n'avons rien, à moins d'avoir un aveu. Et cela est possible. En fait, je dirais que dans 99 p. 100 des cas de condamnation pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue enregistrés jusqu'ici, l'intéressé, pour quelque raison, a reconnu que oui, il venait tout juste de prendre de la cocaïne ou avait fumé un peu de marijuana une demi-heure auparavant. Cela nous suffit alors pour dire que, oui, l'intéressé a déclaré avoir consommé de la drogue, et voici les symptômes que nous avons observés.

• 1110

Mais dans ce scénario, l'on compte encore sur l'intéressé pour fournir ces renseignements, ce que la plupart d'entre eux ne font pas. C'est ainsi que l'on se retrouve dans la situation où l'on se dit: je constate qu'il y a facultés affaiblies, mais je n'ai aucune preuve qu'il y a eu consommation d'alcool et je ne peux que deviner qu'il y a eu consommation de drogue. J'ignore quel type de drogue a été consommé et quand, et, que je sache, on a peut-être à faire à une blessure à la tête. C'est là la défense courante qui est invoquée: j'ai frappé ma tête lors de l'accident. Sans preuve scientifique, nous ne pouvons rien faire.

Oui, je suis de votre avis. L'agent peut jusqu'à un certain point espérer la collaboration volontaire du suspect, mais les cas de ce genre sont très rares, comme on a pu le constater. Nous recevons ces dossiers de la police en Colombie-Britannique, et dans la plupart des cas, nous ne pouvons pas y donner suite. Parfois, c'est parce qu'il y a eu violation de la Charte du fait d'avoir exigé un échantillon sans en avoir obtenu l'autorisation, et ainsi de suite.

En bout de ligne, je dirais que la conduite avec facultés affaiblies par la drogue représente sans doute moins de 1 p. 100 des cas de conduite avec facultés affaiblies qui aboutissent devant les tribunaux, mais cela ne veut pas dire que la conduite avec facultés affaiblies par suite de la consommation de drogues ne compte que pour 1 p. 100 du problème.

M. Peter MacKay: Il serait également juste de dire, n'est-ce pas, qu'il y a souvent un effet synergique? Il y a consommation de drogues et d'alcool et, à moins d'avoir en face de vous un criminel stupide, ce qui s'avérera parfois être le meilleur élément de preuve du policier, il vous faut un levier législatif. Il vous faut cette capacité de renversement du fardeau de la preuve qui intervient lorsque vous avec un alcootest, un avertissement ou un contrôle routier.

D'autre part, et pour en revenir au point soulevé plus tôt, cela revient, encore une fois, à une question de ressources, n'est-ce pas—la capacité d'assurer aux policiers la formation spécialisée en matière de dépistage de drogues requise et la possibilité d'augmenter le nombre d'agents qui savent quoi chercher?

M. Roger Cutler: Oui, et nous avons à l'heure actuelle en Colombie-Britannique 75 agents qui ont reçu cette formation, à très grands frais. Encore une fois, c'est très frustrant parce qu'ils ont cette capacité; ils sont très bien formés. Nous les avons vus en action. Ils ne peuvent rien y faire, sauf dans les cas où il y a collaboration.

Cependant, n'oubliez pas que la formation en matière de dépistage de drogues aide également l'agent pour les enquêtes relativement à la conduite en état d'ivresse et à d'autres délits.

M. Peter MacKay: Bien sûr.

M. Roger Cutler: Lorsqu'ils sont envoyés sur la scène d'un crime violent et qu'ils sont en train de traiter avec un suspect, ils sont en mesure de déterminer si les facultés de l'intéressé sont affaiblies par la drogue ou par l'alcool, laissant de côté les délits de conduite. C'est un outil qui peut être utilisé pour toute la gamme en ce qui concerne les enquêtes sur des infractions criminelles.

Oui, il y a des ramifications côté coûts, mais nous avons découvert en Colombie-Britannique que pour chaque dollar que vous investissez là-dedans, vous économisez sans doute quatre dollars, en valeur absolue, dollar pour dollar, en réduisant le chagrin et la douleur que subissent les victimes de ces genres de délits.

M. Peter MacKay: Savez-vous si la technologie a progressé au point où, qu'il s'agisse d'urine, d'haleine ou de sang, vous puissiez obtenir ces résultats rapidement? Bien sûr, cela n'a pas progressé au stade où vous avez les ivressomètres le long de la route.

Il a été fait mention d'un dispositif qui détecte les odeurs d'alcool ou la présence d'alcool dans l'air. A-t-on la même chose pour la marijuana?

M. Roger Cutler: Non, pas que je sache, mais, encore une fois, je dirais que bien que la marijuana fasse partie du problème, lorsqu'on parle de conduite avec facultés affaiblies par la drogue, il peut s'agir de médicaments vendus sur ordonnance qui ont été pris avec un verre de bière ou de vin. Il peut également s'agir d'autres drogues illicites, comme par exemple la cocaïne, l'héroïne, etc. Il n'y a dans ces cas-là aucune odeur à détecter, alors l'agent ne peut pas faire d'observations et ni déduire que, si le suspect est lent à réagir, cela classe la drogue qu'il a dû consommer dans telle ou telle catégorie. Il vous faut en dernière analyse cet échantillon pour confirmer qu'une drogue est présente dans le corps du suspect.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci beaucoup de votre présentation. Je dois dire, monsieur Obst, que si, comme politiciens, à 24 heures d'avis, nous pouvions trouver des arguments ayant le même impact que les vôtres, nous serions efficaces.

Il y a une chose qui me préoccupe dans ce que j'entends, et cela va un peu dans le même sens que les propos qu'a tenus M. Bellehumeur tout à l'heure. Lorsque je constate qu'à peu près un tiers des accusations, soit environ 33 p. 100, résultent en des condamnations, je considère que les difficultés qu'ont les tribunaux à faire condamner les personnes accusées de conduite en état d'ébriété sont de plus en plus grandes. Le taux limite d'alcoolémie devient de plus en plus inapplicable à mesure qu'on le réduit. Est-ce qu'on ne devrait pas d'abord se préoccuper de faire appliquer ce qu'on a déjà entre les mains?

• 1115

Je ne pose pas cette question avec un préjugé et je n'en connais pas la réponse. Ne devrions-nous pas nous donner comme priorité première de nous assurer d'abord et avant tout que ce qui existe actuellement dans le Code criminel soit appliqué, et non pas juste applicable, avant de penser à accroître les peines, y compris les peines d'emprisonnement, et d'envisager d'autres modifications en vue de durcir la loi? Est-ce qu'il ne s'agirait pas en premier lieu de faire appliquer la loi telle qu'elle existe actuellement?

[Traduction]

Le commissaire adjoint Maurice Pilon: Je peux peut-être vous offrir un avis là-dessus, pas fondé sur l'enquête mais d'ordre plutôt anecdotique, m'appuyant sur les discussions que j'ai eues avec des policiers et sur les renseignements que j'ai compilés au fil des ans au sujet du problème de conduite avec facultés affaiblies.

Je pense qu'il s'agit ici de deux questions distinctes. L'une étant celle de savoir si l'on veut s'attaquer à l'incidence de la conduite avec facultés affaiblies, que ce soit par suite de la consommation de drogues ou d'alcool, et la deuxième étant celle de savoir si l'actuel système fonctionne ou non.

Je dirais que le système lui-même a été façonné par suite de nombreuses années de jurisprudence, ce qui s'est soldé par une situation où il est devenu très difficile de veiller à ce que tous les menus détails soient couverts. C'est pourquoi j'essaie de renforcer l'idée que le système doit être gérable.

Quant à l'idée de dissuader le conducteur avec facultés affaiblies, encore une fois, que ce soit par suite de consommation de drogue ou d'alcool, je pense qu'il nous faut avoir en place, sur le plan des sanctions, de solides éléments dissuasifs.

Je dirais donc qu'il y a ici deux questions distinctes. En ce qui concerne le système, celui-ci a été élaboré au fil du temps et je dirais que c'est la jurisprudence qui a donné sa forme au système tel que nous le connaissons à l'heure actuelle. Il pose problème dans bien des cas à moins que tous les menus détails ne soient couverts.

[Français]

M. Jacques Saada: On parle d'augmentation de la sévérité du système judiciaire à l'égard des gens coupables d'infractions. J'aimerais que nous parlions d'abord de la valeur de la dissuasion. Bien que les gens puissent être sensibles aux mesures de dissuasion, ne pensez-vous pas que lorsqu'ils commencent à boire—je reviens justement à l'exemple que donnait M. Obst tout à l'heure—, il arrive que leur jugement soit entravé? Est-ce que la dissuasion a alors vraiment un impact sur le comportement des gens?

[Traduction]

M. Grant Obst: Je conviens tout à fait qu'une fois qu'une personne a commencé à boire, son jugement s'embrouille et c'est là qu'intervient la question du seuil de tolérance de 0,08. Mais à mon avis, et je pense que ce serait également l'avis des policiers de partout au pays, le message que l'on envoie à l'heure actuelle est que ce genre d'activité, cette infraction à la loi, n'est pas perçue de façon sérieuse. Je dirais que si les sanctions étaient augmentées pour refléter la gravité de l'infraction, ce message sortirait un petit peu plus clairement, peut-être beaucoup plus clairement, et si nous pouvions avoir un impact sur la décision que prend une personne avant de se rendre dans un bar, nous aurions déjà une longueur d'avance.

Je ne contesterai pas le fait qu'une fois que la personne est assise au bar et a commencé à boire... vous avez raison, il me faudrait me demander quel serait à ce stade-là le niveau de dissuasion, car malheureusement, à ce stade-là, le fait de se faire prendre ne semble plus faire partie du tableau, et je pense que c'est là une caractéristique de la consommation d'alcool. Mais si nous pouvions faire passer le message avant que les gens n'entrent dans le bar, si nous pouvions faire passer à la société en général le message que ce genre de choses n'est pas tolérable... Cette intervention précoce, avant que les gens ne se rendent dans un débit de boissons ou à une fête, les atteindre avant que leur jugement ne s'embrouille sous l'emprise de la drogue ou de l'alcool.

• 1120

[Français]

M. Jacques Saada: C'est un détail, mais j'aimerais qu'on me l'explique. Dans le mémoire présenté par l'Association canadienne des policiers, on fait allusion aux barrages routiers et on dit ceci:

    L'application plus sévère des lois, les barrages routiers et les contrôles policiers ponctuels ont tous contribué à la diminution des accusations de conduite avec facultés affaiblies.

C'est donc un élément positif dans la batterie à notre disposition.

D'autre part, je lis dans le rapport Sécurité et sûreté publié par Transports Canada:

    Étant donné les problèmes liés au traitement des accusations criminelles de conduite avec facultés affaiblies, il n'est pas surprenant que les policiers n'appuient pas l'idée d'apporter des changements au Code criminel, p. ex. [...] autoriser les alcootests aléatoires...

Il semble y avoir une contradiction quelque part. Je suis sûr qu'elle existe seulement dans mon esprit et que vous pourrez clarifier cette question très vite. J'aimerais bien comprendre.

[Traduction]

Le commissaire adjoint Roy Berlinquette (Association canadienne des chefs de police): Je peux peut-être répondre, et ce que je vais vous donner, c'est mon opinion.

Je pense que l'accent ici dans le rapport est mis sur le fait que les policiers qui interviennent sur les premières lignes sont à l'heure actuelle pris dans une dichotomie. D'un côté, ils veulent appliquer ce qui existe, mais en même temps—et je songe ici à ce que vient de mentionner M. Obst—il ne semble pas que la chose soit prise au sérieux par les tribunaux, les avocats de la défense ou les intéressés, et que les seuls qui soient sensibles à la gravité du problème se sont les policiers, les victimes et les procureurs de la Couronne. Ce sont eux qui doivent vivre avec les conséquences de la conduite en état d'ébriété.

Je pense que c'est de là que vient cette impression. Si vous demandez au policier si un changement au Code criminel changera quelque chose, on peut parler de supplication. Si vous regardez des policiers sur la ligne de front, ils nous supplient de les aider de façon à pouvoir appliquer la loi et s'attaquer au problème.

Si vous permettez que je dramatise un petit peu les choses ici, il fut un temps dans le milieu policier où il y avait des séances de débreffage psychologique pour les agents revenant d'un incident où une arme à feu ou un couteau avait été utilisé contre quelqu'un. Il y avait une séance de débreffage psychologique après l'incident. De plus en plus, il nous faut faire venir nos policiers à des séances de débreffage psychologique du fait de toutes les scènes de carnage qu'ils voient sur les routes.

Pour nous autres, leaders en matière de services policiers, cela en dit long sur la gravité de la situation lorsque vous avez des policiers qui doivent partir en congé pour raison de stress du fait d'avoir vu ces carnages et ces terribles accidents sur nos routes. Dans le tiers des cas, il y a un lien direct avec la consommation d'alcool. Pis encore, ce qui ne vient qu'accuser davantage le facteur qu'a mentionné M. Obst, dans nombre de ces cas, on est en présence de récidivistes.

Pour ajouter du poids à ce qui a été dit ici, car nous avons souligné que ce rapport correspond aux impressions des policiers, il faut équilibrer cela avec la supplication des policiers sur les premières lignes que l'on mette quelque chose en place, et l'une des choses qu'il faut, c'est un moyen de dissuasion, comme l'a dit M. Kinnear. Nous convenons tous qu'il faut qu'il y ait davantage de sensibilisation, et l'éducation du public est un élément important dans la dissuasion.

Pour ce qui est de la sensibilisation publique, le Canada est le meilleur exemple au monde en matière de port de la ceinture de sécurité. La campagne de sensibilisation publique a fait du programme de port de la ceinture l'un des meilleurs au monde.

L'autre facteur qu'a mentionné M. MacKay est celui des ressources. Il n'y a aucun doute que dans toutes les forces policières du pays, le nombre d'agents affectés à cette fonction a baissé au fil des ans. Cela ajoute un tout autre élément de complexité au travail policier, mais il y a cette pénurie de ressources. Si vous ajoutez à ce manque de ressources ce que les policiers des premières lignes perçoivent comme étant des obstacles au niveau des tribunaux, vous voyez qu'il y a là un besoin et un appel au secours.

• 1125

Sur le plan dissuasion, l'on peut se doter de nouvelles lois ou recourir à des aides technologiques, par exemple caméras vidéo, caméras aux croisements de rues pour contrôler le respect des feux rouge, etc., tout cela en vue de réduire un problème qu'ils perçoivent comme étant épouvantable.

Le président: Merci, monsieur Saada.

Monsieur Harris ou monsieur Cadman?

M. Dick Harris: Merci. Ma question s'adresse à M. Kinnear.

Il est clairement ressorti des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui qu'il y a beaucoup de frustration à l'égard des tribunaux et de ce que l'on appelle les échappatoires qu'utilisent les avocats de la défense pour obtenir pour leurs clients des peines plus légères ou pas de peine du tout. J'ai même vu des annonces qui ont été placées dans des journaux et des revues par d'anciens policiers qui vendent leurs services en tant qu'experts sur la façon de procéder pour se tirer d'affaire en cas d'accusation de conduite avec facultés affaiblies.

Étant donné les échappatoires qui existent dans le système—et je sais que vous avez pris beaucoup de temps pour examiner ces recommandations—pensez-vous que les recommandations que vous énoncez dans votre rapport, monsieur Kinnear, ainsi que celles proposées par d'autres témoins—dont certaines se recoupent—feront beaucoup pour refermer les échappatoires qu'utilisent les personnes qui conduisent avec facultés affaiblies?

M. Dale Kinnear: Je ne pense pas qu'elles les supprimeront toutes. Elles resserreront certainement certains aspects, et je songe tout particulièrement à ce que disait M. Cutler, de la Colombie-Britannique, relativement au problème de conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Je pense que cela représenterait un gros bond en avant dans notre capacité de mettre un frein à cette catégorie de conduite avec facultés affaiblies.

Dans le cas de certaines de ces recommandations, si vous les adoptiez telles que nous les avons rédigées, cela demanderait sans doute trois jours ou trois mois à un bon avocat pour trouver une échappatoire, mais je suppose que cela fait partie du système judiciaire. Peut-être qu'une partie du problème ne peut pas être réglé ici dans cette salle, et je veux parler de l'administration de la justice et de la façon dont les choses se passent au niveau provincial avec les procureurs de la Couronne provinciaux et au message qui sort des ministères de la Justice et des bureaux des procureurs généraux des provinces quant aux initiatives pour mettre un frein à certaines de ces choses. Mais je pense que ce serait certainement un pas dans la bonne direction.

Encore une fois, pour reprendre ce qu'a dit le procureur général de la Colombie-Britannique, M. Cutler, relativement à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, je suppose que nous n'y avions jamais pensé. Cela ne nous était tout simplement jamais venu à l'esprit. Je suis heureux qu'il soit venu ici aujourd'hui et qu'il ait soulevé cela. Cela étant dit, vous êtes sans doute dans la situation dans laquelle le comité s'est retrouvé dans les années 60 lorsque l'alcootest, donnant aux policiers le moyen de déterminer avec précision la concentration d'alcool dans le sang d'un suspect, a été inventé. Il nous faut maintenant appliquer ce même genre de technologie et mettre à jour les articles correspondants du code comme on l'a fait—comme l'a, je pense, mentionné le commissaire adjoint Pilon—en 1969 lorsque le gros des dispositions actuelles ont été insérées dans le Code criminel. Je pense que cela est en grande partie attribuable aux progrès réalisés du côté de la technologie en matière d'alcootest.

Par conséquent, même si cela ne corrigera pas tous les problèmes, je pense que cela fera beaucoup pour corriger certains des problèmes techniques, de procédure et administratifs et fermer certaines échappatoires qui existent.

M. Dick Harris: J'aurais une petite question à poser au sujet de la réduction du taux d'alcoolémie permis par la loi. Les chercheurs que nous avons entendus l'autre jour nous ont dit que les dispositifs d'essai et de contrôle ont une marge d'erreur qui semble être acceptée. En conséquence, à moins de souffler 1,0, vous vous ferez rarement accuser à cause de la marge d'erreur. Le seuil de 0,08 n'est donc pas applicable.

D'autre part, vous avez entendu des experts et j'ai quant à moi lu de la documentation disant que le degré d'affaiblissement des facultés augmente sensiblement une fois atteint le seuil de 0,08 et que le changement est beaucoup plus marqué à partir de ce niveau que lorsque vous passez, par exemple, d'un niveau de 0,05 à 0,07 ou 0,08. En tant que compromis, de façon à pouvoir appliquer le niveau 0,08, ce que nous aimerions tous, que diriez-vous de l'idée d'abaisser le TA à, mettons, 0,06, en acceptant une marge d'erreur de 0,02, pour ensuite pouvoir appliquer le niveau de 0,08? Serait-ce un compromis qui vous conviendrait?

• 1130

M. Dale Kinnear: Eh bien, j'imagine que ce qui va arriver si cela passe à 0,06, c'est que le seuil de 0,08 sera la limite pour ce qui est d'une accusation. Si vous n'avez pas au moins cela, vous n'allez pas porter d'accusation. J'imagine donc que cela débouchera sur exactement la même situation.

Quant à savoir quel niveau est le plus approprié, je vous encouragerais à chercher conseil auprès des toxicologues. Je pense qu'ils seraient mieux en mesure que moi de vous renseigner là-dessus. Examinez ce qui se passe dans d'autres pays—il me semble qu'en Australie le niveau est de 0,03 ou 0,04—et c'est ce sur quoi on appuie la décision là-bas. Quant à l'idée d'abaisser cela à 0,06 pour appliquer 0,08, je ne suis pas convaincu que cela satisfasse...

M. Dick Harris: Eh bien, en ce qui me concerne, je serais ravi si on pouvait appliquer un niveau de 0,04 ou 0,05. Mais vu toutes les difficultés que nous avons avec le système judiciaire et les avocats de la défense...

M. Jacques Saada: Qu'entendez-vous par «en ce qui me concerne»?

M. Dick Harris: Ce que je veux dire par là c'est que ma préférence serait qu'on ait une tolérance zéro. Mais étant donné toutes les difficultés que nous avons pour obtenir, dans notre système judiciaire, que des accusations soient portées pour un taux de 0,08—d'après ce que j'ai compris, cela est presqu'impossible—si l'on abaissait cela 0,05 ou 0,06, cela rattraperait la marge d'erreur et l'on pourrait alors appliquer un seuil de 0,08.

Considérant que le niveau le plus élevé d'affaiblissement des facultés commence à 0,08, d'après ce que j'ai compris, par opposition aux plus faibles niveaux, l'on verrait peut-être un résultat direct et une réduction de l'incidence de décès et de blessures sur nos routes, et ce pourrait être un facteur de dissuasion plus fort.

Le commissaire adjoint Maurice Pilon: Je dirai en réaction à votre question que la majorité des répondants à notre questionnaire favoriseraient le maintien du niveau à 0,08. Je suppose que cela s'explique en partie du fait que la plupart des provinces ont comblé le fossé entre 0,05 et 0,08, ou en fait 1, reconnaissant les questions liées au calibrage.

Je suis quelque peu surpris d'entendre les spécialistes de la technologie dire que le matériel utilisé à l'heure actuelle a toujours une marge d'erreur. On m'a rapporté que l'Intoxilyzer et certains des nouveaux dispositifs de détection utilisés dans les contrôles routiers sont très justes et que les tolérances couramment admises par les tribunaux n'ont en fait plus de raison d'être.

Revenant encore à l'histoire des lois en matière de conduite avec facultés affaiblies et à la façon dont la jurisprudence a façonné les lois et leur application, il y a toujours eu, dans le système, cet élément d'erreur, et personne ne semble vouloir s'en écarter. Ils veulent autoriser cette petite marge de tolérance pour être certains, si vous voulez.

Je dirais donc que passer à 0,06 reviendrait, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, à bricoler la loi. Je ne suis pas convaincu que ce serait très efficient ni gérable.

Le président: Merci.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur Cutler, est-ce que l'infraction de conduite avec facultés affaiblies exige la mens rea?

[Traduction]

M. Roger Cutler: Oui.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Votre troisième recommandation proposait un système de classification des peines reflétant le degré d'alcoolémie dans le sang. Je ne savais pas que 62 p. 100 des conducteurs avaient consommé le double de la limite légale, comme on l'indique dans le document. Certains conducteurs consomment probablement jusqu'à trois fois la limite légale.

M. Roger Cutler: Certainement, oui.

M. Michel Bellehumeur: Il y en a même qui sont pratiquement dans un état comateux derrière leur volant lorsque les policiers les arrêtent. Est-ce que c'est exact aussi?

Ma question s'adresse peut-être plus à l'avocat qu'au président. Dans un tel cas, un contrevenant peut-il invoquer le fait qu'il n'avait pas la mens rea de se retrouver derrière le volant en état d'ébriété? Est-ce que cela s'est déjà fait?

• 1135

[Traduction]

M. Roger Cutler: C'est une ironie intéressante d'entendre comme défense dans une affaire de conduite en état d'ivresse: «J'étais trop soûl pour savoir». Mais c'est une défense qui est utilisée et qui serait utilisée avec des niveaux plus élevés.

Ce que vous dites est tout à fait juste. Cependant, ce n'est pas une chose qui n'a pas été couverte dans le Code criminel en guise de défense de l'ivresse dans une autre affaire, résultant de la décision Daviault. Il a tout simplement été établi que c'est un délit de commettre un crime en état d'ivresse.

Je n'ai pas beaucoup réfléchi à cette idée d'échelle et de l'augmentation des sanctions selon le taux d'alcoolémie. Cependant, je pense que les statistiques feraient clairement ressortir que plus le niveau d'alcoolémie est élevé, plus il y a de risque qu'il y ait un grave accident, et, sans doute, plus la culpabilité sera grande.

Je conviens néanmoins qu'au bout du compte, dans une certaine mesure, et en tout cas pour ce qui est de la détermination de la peine, le tribunal tiendra compte de la turpitude morale de l'intéressé. Si la défense de base est qu'il avait tellement bu qu'il n'était pas en mesure de bien juger... C'est à cela que nous sommes confrontés dans ce contexte de conduite avec facultés affaiblies. Cela nuit au jugement de l'intéressé, qui n'est pas en mesure de bien juger les choses. Cependant, comme nous l'avons souligné tout à l'heure, il nous faut comprendre que la personne a pris une décision lorsqu'elle a choisi de se rendre au bar en voiture. C'est à ce moment-là qu'elle aurait dû se dire «Oh, si je vais consommer—avec un niveau de 0,05 ou de 0,08—je vais peut-être frôler la limite avec trois verres. Elle court ce risque. Ce risque est sa décision; c'est elle qui a décidé. Il ne faudrait pas qu'elle vienne nous dire après coup: «Eh bien, j'ai bu trois bouteilles de vin et je ne savais tout simplement pas ce que je faisais».

Malheureusement, cela s'applique dans les affaires de meurtre, et dans ce genre de situation, on ramène le délit à celui d'homicide involontaire. Je pense qu'en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies, étant donné la nature du processus—j'ai pris ma voiture, j'ai commencé à boire, j'aurais dû savoir—c'est là qu'intervient la culpabilité morale et la mens rea, non pas lorsque je me suis mis au volant après m'être intoxiqué.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Dans votre mémoire, vous dites que la loi devrait prévoir la présomption de consentement. C'est intéressant. Vous qui êtes avocat-conseil de la Couronne, pourriez-vous me dire si votre province a fait des analyses assez poussées afin de savoir si une telle présomption de consentement respecterait la Charte canadienne des droits et libertés, et plus précisément les dispositions de l'article 1?

[Traduction]

M. Roger Cutler: De façon générale, en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies, nous avons eu beaucoup de succès quant à satisfaire le tribunal relativement à l'article 1 de la Charte, en ce qu'il y a un certain nombre de dispositions au sujet desquels le tribunal a maintenu qu'il s'agit de violations de la Charte, qu'il s'agisse de l'article 7, de l'article 10 ou de l'article 11. Puis l'argument de justification en vertu de l'article 1 est fait, et les tribunaux, et tout particulièrement la Cour suprême du Canada, ont systématiquement dit qu'il s'agit d'une justification raisonnable étant donné le carnage sur nos routes.

Une chose qu'ils ne cessent de souligner est la difficulté à détecter le problème des conducteurs avec facultés affaiblies, problème qui a été évoqué tout à l'heure. Nous n'en attrapons qu'environ un sur 4 000 ou 5 000. Les tribunaux ont dit qu'étant donné le problème et cette difficulté en particulier, lorsque nous finissons par prendre quelqu'un, nous devrions pouvoir prendre ces mesures pour leur effet dissuasif. Comme nous l'expliquons dans notre mémoire, ces dispositions qui ont été recommandées, et c'est le cas dans toutes les affaires de conduite avec facultés affaiblies, sont délicates dans le contexte de la Charte, car il est question d'une personne qui est détenue et à qui on demande de fournir des preuves qui pourraient servir à son inculpation à l'étape du procès. Cependant, comme je l'ai dit, les tribunaux ont systématiquement dit que cela était acceptable.

L'exemple parfait est l'alcootest. Parce que nous avons des motifs raisonnables et probables de croire que les facultés de l'intéressé sont affaiblies, nous lui demandons de fournir un échantillon de son haleine, et sur la base de cet échantillon, nous l'accusons. Cet échantillon est venu de lui, et c'est incriminatoire. Mais les tribunaux ont dit que cela est raisonnable, surtout si les agents sont tenus d'aller jusqu'à ce seuil.

Je ne suggère aucunement qu'un policier puisse demander à quiconque est au volant de sa voiture de lui fournir un échantillon d'urine. Ce que le policier doit faire c'est atteindre ce seuil d'indications de facultés affaiblies pour être convaincu que les facultés de l'intéressé sont affaiblies, que ce soit par la drogue ou par l'alcool.

Ce n'est pas différent d'obtenir un mandat de perquisition et de pénétrer dans la maison de quelqu'un. Il faut avoir atteint ce seuil initial pour pouvoir lancer l'enquête. Je pense que ce seuil sauvera l'affaire s'il y a contestation en vertu de l'article 1 de la Charte.

• 1140

Le président: Merci, monsieur Bellehumeur.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Je pense qu'en tant que législateurs il nous faut faire plus que tout simplement être sensibles à la Charte. Il nous faut travailler fort pour ne pas être entravés par la Charte. Je pense qu'il nous faut nous rendre compte que l'un des inconvénients de la modification des lois c'est la multiplication des litiges. C'est ce que font les avocats. Cela a été une vache à lait. Le moindre petit changement aux dispositions en matière de conduite avec facultés affaiblies a amené une augmentation du nombre d'affaires devant les tribunaux.

Je pense que le plus gros défi ce sera de changer les attitudes, ce qui est un processus très lent. Je pense qu'il serait utile de mettre davantage l'accent sur la dissuasion et de reconnaître tout simplement que la protection du public l'emporte sur le droit d'un individu de sortir pour boire ou prendre de la drogue pour ensuite sauter derrière le volant de sa voiture et mettre en danger la vie d'autrui.

Il y avait un juge en Nouvelle-Écosse qui avait l'habitude de faire cette comparaison: il disait qu'être intoxiqué, même modérément seulement, se mettre au volant de sa voiture et prendre la route, c'est la même chose que pointer une arme chargée sur toutes les personnes roulant en sens inverse dans l'autre voie. Je pense donc que les attitudes sont lentes à changer.

J'ai entendu quelques suggestions originales et j'aimerais connaître vos réactions, bénéficier de votre sagesse collective au sujet de ces idées. Une idée est de mettre davantage l'accent sur les propriétaires de bar et les producteurs de boissons alcoolisées, et une autre est d'apposer sur les bouteilles ou les caisses d'alcool des étiquettes semblables à celles que l'on voit sur les paquets de cigarettes, disant qu'il ne faut pas utiliser le produit si l'on va conduire un véhicule automobile. Une autre idée est d'augmenter la responsabilité des hôteliers de veiller à ce que personne ne quitte leur établissement complètement paqueté pour sauter dans leur voiture—il faudrait peut-être que les employés ou les videurs du bar interviennent. Je sais que cela a un impact lorsqu'il y a un policier dans le stationnement. Une autre idée serait d'obliger notamment les récidivistes à faire installer un dispositif de verrouillage. Je pense qu'on s'en sert de plus en plus en Alberta, et il faut en gros souffler dans le dispositif avant de pouvoir faire démarrer sa voiture.

Je serais intéressé d'entendre vos commentaires sur ces suggestions et sur d'autres dont vous avez peut-être connaissance et qui mettent davantage l'accent sur l'individu, car je pense qu'il est ici question d'imputabilité et de responsabilité de l'individu et non pas seulement des organismes d'application de la loi ou des législateurs.

Le commissaire adjoint Maurice Pilon: Je vais peut-être tenter de répondre rapidement. Si je me permettais de faire une déclaration générale et de dire que c'est un problème qu'il nous faut supprimer et que nous ne pouvons pas tolérer de cas de conduite en état d'ébriété étant donné la lourdeur des pertes, je pense que tout le monde serait d'accord avec moi là-dessus. Mais si nous étions vraiment sérieux, comme le disent certains, les dispositifs antidémarrage dont vous avez parlé seraient installés par le constructeur automobile et au bout d'un certain temps il n'y aurait plus d'incidence de conduite en état d'ivresse, car personne ne conduirait de véhicule qui n'en serait pas muni.

Cela étant dit, je pense qu'il y a certaines limites à ce que nous pouvons faire. Dans ce contexte, j'estime que les mesures dont vous avez parlé contribueraient toutes de façon positive à réduire l'incidence de la conduite en état d'ébriété.

Comme l'ont mentionné plus tôt mes collègues de l'Association canadienne des policiers, le problème de la conduite en état d'ébriété a touché presque tout le monde au pays d'une façon ou d'une autre. J'ai une tante qui a été tuée. D'autres ont peut-être un proche qui a été blessé. D'autres connaissent peut-être quelqu'un qui s'est fait arrêter pour conduite en état d'ivresse. D'une façon ou d'une autre, le problème a touché tout le monde dans ce pays. Quelles que soient les mesures que nous prendrons, si elles constituent un pas de plus vers la réduction de la conduite en état d'ébriété, alors je pense que ce sera positif.

M. Roger Cutler: Vous avez évoqué la question des propriétaires de bar, ce que j'appelle gentiment la responsabilité des aubergistes. Je pense qu'il n'y aucun doute qu'il y a un certain travail à faire à ce niveau-là. Une partie de l'hypocrisie de tout cela réside dans l'intérêt du propriétaire du bar ou de l'auberge à avoir des clients qui consomment un maximum. C'est leur raison d'être. Mais en même temps, le propriétaire d'un établissement a pour responsabilité sociale de veiller à ce que ses clients ne quittent pas son bar pour prendre leur voiture s'ils sont tellement soûls qu'ils constituent un risque pour quiconque empruntera la même route.

• 1145

Cela étant dit, cependant—et je me trouve ici dans une situation délicate—j'ignore si le gouvernement reste indemne dans tout ceci en ce sens que, comme vous le savez, il empoche lui aussi un joli profit sur la vente de boissons alcoolisées. Le gouvernement se trouve confronté à cette dichotomie où il se dit: attendez un instant, nous voulons promouvoir la vente de boissons alcoolisées pour renflouer nos coffres, mais qu'allons-nous faire si nous commençons à apporter ces changements à la loi? Je lance cette question. Il s'agit davantage d'une question à caractère politique, mais je pense qu'elle est très réelle.

Je crois que vous auriez bien plus de difficultés à obtenir qu'un propriétaire d'établissement soit poursuivi au criminel pour ce genre d'activité. Il me semble que ce genre de questions seraient mieux résolues dans un contexte civil où l'hôtelier serait jugé comme ayant une certaine responsabilité civile. Cela attirerait l'attention des propriétaires d'établissement. Ils diraient à leurs clients: il ne sert à rien que je vous vende 10 verres de whisky si vous allez blesser quelqu'un et qu'on me poursuivra pour 500 000 $ ou un million de dollars parce que je n'aurai rien fait pour vous arrêter.

Dans le contexte pénal, nous avons quelques problèmes, et cela a été évoqué tout à l'heure, relativement à la mens rea. Encore une fois, il s'agirait de fournir des preuves au-delà de tout doute raisonnable. La Couronne serait tenue de prouver que le barman savait que le client avait trop bu. Il n'y a aucun doute que dans certains cas la situation est claire—la personne est sortie en titubant ou autre—mais dans de nombreux cas, c'est un lourd fardeau que vous imposez au barman en exigeant qu'il surveille et qu'il contrôle le degré auquel les facultés d'un client sont affaiblies pour savoir à partir de quel moment confisquer les clés de sa voiture, appeler la police ou obliger le client à appeler un taxi.

Je ne suis pas donc convaincu que cette responsabilité des propriétaires d'établissement doive être cernée dans un contexte pénal. Il s'agit néanmoins très clairement d'un problème. Et cela ne s'applique pas seulement aux propriétaires de débit de boissons, mais également à toutes les personnes qui donnent des soirées. Celles-ci devraient avoir cette même responsabilité si elles fournissent l'alcool pour leur fête.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Monsieur John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je voulais enchaîner sur les questions de M. MacKay, car il m'a devancé. Je me demande si l'on s'attarde sur le mauvais élément ici. L'on peut resserrer le Code criminel en matière d'amendes, de peines d'emprisonnement et d'autres choses du genre, mais en réalité, ce que nous faisons, c'est nous attaquer à une acceptation culturelle du fait de boire et de conduire.

Je voulais tout simplement revenir sur les statistiques de M. Pilon. D'après ce que j'ai compris, 62 p. 100 des personnes accusées plaident coupables; 18 p. 100 obtiennent de plaider autrement; et, en gros, votre taux de condamnation est d'environ 83 p. 100 des 20 p. 100 restants qui plaident non coupables. Que l'on ait étudié les maths modernes ou les maths traditionnelles, l'on peut dire que 96 p. 100 des accusations débouchent sur des condamnations d'un genre ou d'une autre. Dans ce domaine, donc, vous semblez obtenir des résultats satisfaisants.

Or, le temps qu'il faut pour en arriver là semble être très long. C'est environ une demi-journée de travail de policier, et pour ceux qui plaident non coupables, il s'agit d'environ une journée de travail. Cela m'intéresserait d'entendre vos commentaires sur ce qui pourrait être fait pour réduire le temps nécessaire. Il me semble que c'est une utilisation disproportionnée de ressources pour obtenir ce qui est un taux de condamnation très élevé. Cela m'intéresserait d'entendre vos observations là-dessus.

Par ailleurs, il semble que 1 p. 100 des conducteurs soient à l'origine de deux tiers, en gros, des problèmes. Comment pourrait-on étiqueter ces personnes d'une façon ou d'une autre? Dans une localité donnée, les policiers ont une assez bonne idée de ceux qui commettent la plupart des crimes, la plupart du temps. Comment pourrait-on identifier les personnes qui composent ce 1 p. 100? Il me semble que c'est là le bassin auquel sont imputables la majorité de ces problèmes.

Comment pourrait-on, dans tout ce processus, réduire le temps des policiers qui est accaparé?

Le commissaire adjoint Maurice Pilon: Je vais tenter de répondre tout d'abord à la deuxième partie de votre question, si cela vous convient, relativement aux conducteurs à haut risque dont nous avons parlé et qui sont responsables de la majeure partie des cas de conduite en état d'ébriété et donc de la majorité des collisions mortelles qui sont enregistrées. On a fait de la recherche sur ce que l'on appelle le chauffeur à risque élevé. Ces personnes conduisent en état d'ivresse, il est vrai, mais ce sont ces mêmes personnes qui ne portent leur ceinture de sécurité, qui ne respectent pas les stops, etc. Dans certains cas, ce sont ces mêmes personnes qui vont conduire même si leur permis a été suspendu. Il semble que sur le plan dissuasion, si l'on pouvait saisir des véhicules, cela aurait très certainement un impact, même si les gens peuvent toujours emprunter un véhicule ou en obtenir un d'une façon ou d'une autre.

• 1150

Comme je l'ai mentionné dans ma présentation, je pense que c'est une question qui mérite qu'on y consacre plus de recherches, pour voir ce qui pourrait véritablement dissuader ce genre de personnes, car il est éminemment clair que les sanctions prévues jusqu'ici n'ont pas eu cet effet. Je n'ai pas de solution facile; j'espère que quelqu'un en aura un jour une.

M. John McKay: Qu'en est-il du concept de l'imposition aux récidivistes, aux personnes qui sont condamnées à répétition, de peines indéterminées?

Le commissaire adjoint Maurice Pilon: Il s'agit bien sûr là d'une possibilité. Je sais que dans certaines provinces les sanctions administratives provinciales vont dans ce sens. Par exemple, en Ontario, pour la première infraction, il y a suspension du permis pour une période d'un an; la deuxième fois, la suspension est pour trois ans; et la troisième fois, on vous retire votre permis. On est également en train de mettre au point un mécanisme de saisie de véhicule dans le cas des conducteurs dont le permis a été suspendu; il s'agit d'un instrument connexe destiné à veiller à ce que les conducteurs à haut risque qui continuent de conduire ne le puissent plus. S'ils sont pris, ils vont perdre leur véhicule. Il s'agit donc là, encore une fois d'un très puissant moyen de dissuasion.

Je ne dis pas que c'est la seule réponse et je ne suis pas certain que ce soit la réponse indiquée pour ce genre de personnes. Il y aurait peut-être lieu d'avoir une approche à volets multiples, avec, par exemple, le régime de peines que vous avez mentionné et toutes ces autres sanctions qui ont été suggérées. Je pense que l'éducation est un autre élément clé et, comme l'ont mentionné plus tôt mes collègues à la table, il faut envoyer le message que si vous conduisez avec facultés affaiblies vous vous ferez prendre et que, deuxièmement, il y aura de lourdes sanctions.

M. John McKay: Mais l'éducation est une perte de temps totale avec les gens qui composent ce 1 p. 100, n'est-ce pas? Vous pourriez vous époumoner à répéter la même chose à ces gars-là et cela ne changerait rien. Il s'agit d'un groupe de personnes qui n'a absolument aucun respect pour la loi.

Le commissaire adjoint Maurice Pilon: Oui, il semble que ce soit le cas.

M. Roger Cutler: L'une des choses qui a été mentionnée ce matin mais à laquelle on ne s'est peut-être pas suffisamment attardé, est cette idée d'un programme de traitement pour les personnes qui ont été condamnées pour conduite avec facultés affaiblies et peut-être même pour celles qui ont manifestement une certaine dépendance à l'égard de stupéfiants ou de l'alcool. Dans ce contexte, le fait de pouvoir identifier ceux qui composent ce 1 p. 100—et ce sont les récidivistes, les personnes qui sont incorrigibles, et qui vont revenir; il s'agit en fait de bombes à retardement, qui attendent d'exploser. Il faudrait que ces personnes soient, dès leur condamnation, obligées à participer à un programme de réhabilitation. Si elles ne réussissent pas le programme, elles ne récupèrent pas leur permis de conduire et elles sont identifiées comme étant des personnes qui doivent être surveillées.

Ce sont là des choses qui relèvent des provinces, et je songe surtout au refus de rendre à quelqu'un son permis de conduire. Si vous êtes condamné, vous devez obligatoirement suivre un programme de traitement et tant qu'on ne vous aura pas donné un tampon disant que vous n'avez plus de problème de consommation de drogue ou d'alcool, on ne vous rendra pas votre permis de conduire.

Évidemment, le problème avec cela est que ces personnes deviennent alors des conducteurs soûls qui n'ont pas le droit d'être au volant d'une voiture, ce qui est un problème en soi. C'est pourquoi les sanctions en cas de conduite lorsque cela vous est interdit devraient être elles aussi particulièrement lourdes. Cela étant dit, il existe des façons de repérer ces cas, et il y en a une qui a été mentionnée: vous pouvez examiner le casier judiciaire d'une personne et vous faire une assez bonne idée de sa situation côté abus de substances. Quelqu'un qui a été neuf fois condamné pour conduite avec facultés affaiblies, ce qui n'est pas si peu habituel que cela, malheureusement, ne devrait pas être au volant d'une voiture. Il a perdu ce droit. Il faudrait que les gens perdent ce droit tout de suite, comme c'est déjà le cas en Ontario et en Colombie-Britannique où dès la troisième fois, c'est fini pour vous. Qu'une personne puisse accumuler neuf condamnations avant que quelqu'un dans le système, que ce soit le juge, la loi, la personne responsable de la réglementation des routes... il est impensable qu'on laisse quelqu'un comme cela garder son permis.

M. John McKay: Un Code criminel...

Le président: Je m'excuse, mais, vu l'heure, il me faut vous arrêteR là.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins, ce qui peut vous paraître étrange vu qu'ils sont ici parmi nous depuis déjà deux heures et demie, mais c'est ma façon de remercier le commissaire adjoint Pilon, car non seulement il travaille au commissariat à Orillia, dans ma circonscription, mais il est également natif de ma ville natale de Penetanguishene. Je vous souhaite donc une très spéciale bienvenue.

• 1155

Le commissaire adjoint Maurice Pilon: Merci.

M. Paul DeVillers: Ma question concerne les recommandations de l'Association canadienne des policiers en matière de peines minimales, et c'est une question que j'adresse à tous les membres du panel.

Dans une autre vie, lorsque je siégeais au comité de l'environnement et que nous examinions les lois environnementales, nous avions proposé l'application de peines minimales pour les infractions aux lois environnementales. Cette idée n'avait joui d'aucun appui, même de la part des agents de contrôle d'Environnement Canada. Leur raisonnement était qu'avec l'imposition de peines minimales, vous courez le risque de ne pas obtenir de condamnation et qu'il y a dans le système hésitation à condamner lorsqu'il y a une peine minimale obligatoire, si elle est lourde. J'aimerais savoir comment les membres du panel réagissent à ce concept.

M. Roger Cutler: Je peux peut-être répondre en m'appuyant sur mon expérience. Je pense que c'est là une assez bonne évaluation de la situation. Si les juges devant lesquels j'ai déjà comparu comprennent que si je suis condamné leurs mains sont liées en ce qui concerne lA nature et l'envergure de la peine, à l'occasion, le fardeau serait d'autant plus lourd pour la Couronne. Dans le cas, surtout, d'une infraction limite, ils diront: c'est un peu limite; je pense qu'il a sans doute commis l'infraction, mais je ne lui imposerais normalement pas la peine minimale prévue.

Cela étant dit, il y a toujours dans ces affaires un élément humain. Je pense que tout ce que nous pouvons faire, et c'est peut-être le message qui sort ici, c'est nous occuper de notre cour et nous efforcer de nous doter de tous les outils nécessaires et de faire tout ce que nous pouvons pour décourager la conduite avec facultés affaiblies dans ce contexte. Si le juge a une attitude telle qu'il ne va pas condamner quelqu'un qui est coupable craignant d'imposer une peine trop lourde... c'est là une chose avec laquelle le juge devra composer dans sa propre cour.

Mais du point de vue législatif, ce qui est la cour du comité, je vous exhorte à faire ce que vous pouvez. Primo, prévoyez des moyens de dissuasion et, secundo, lorsqu'une personne commet une infraction, il y aura des conséquences et il y aura des sanctions renfermant cette dissuasion.

Je pense que l'on peut assez bien deviner ce que vont faire les juges avec les peines minimales. Je sais qu'ils n'aiment pas qu'il y ait un minimum car cela supprime leur pouvoir discrétionnaire, mais le Parlement représente jusqu'à un certain point l'électorat. Si les électeurs veulent des minimums, alors il me semble que les juges doivent s'aligner là-dessus. Je comprends que ce ne soit pas toujours le cas. En Colombie-Britannique, on en a récemment vu des preuves éloquentes.

M. Paul DeVillers: Nonobstant le fait que vous venez de la Colombie-Britannique.

M. Roger Cutler: J'ai confiance qu'ils finiront par comprendre.

M. Paul DeVillers: Mais je pense néanmoins qu'il vous faut comprendre que le comité et le Parlement doivent tenir compte du problème dans les décisions qu'ils prennent relativement à l'imposition de peines minimales. S'il existe cette conséquence pratique, nous ne voudrions pas que le taux de condamnation fléchisse à cause de cela.

M. Roger Cutler: Non. Je ne pense pas que ce soit une chose que vous puissiez prouver de façon tangible ou factuelle, car cela relève clairement de la discrétion du juge et de ses impressions dans le contexte de l'affaire en question. C'est pourquoi j'hésiterais quelque peu à m'éloigner de ce genre de recommandations, craignant que certains juges hésitent peut-être davantage à condamner, surtout lorsqu'il n'existe pas de données pour appuyer cette thèse. Ce que je vous dis s'appuie sur ma propre expérience, sur ce que j'ai moi-même observé. Il est certain que lorsque le juge s'aperçoit que l'accusé a déjà été condamné par le passé et sait que cela va résulter en une peine plus lourde, il reviendra à la Couronne un plus lourd fardeau pour fournir les preuves. Je ne pense pas que l'on puisse nier cela.

M. Grant Obst: Si vous me permettez, j'aimerais faire quelques brèves observations à ce sujet. Je pense que plusieurs personnes ont évoqué cela ici aujourd'hui, et M. MacKay a sans doute mis dans le mille lorsqu'il a dit que ce qu'il faut c'est changer les attitudes, défaire l'acceptation culturelle de la chose.

Pour ce qui est de la question de l'application de peines minimales, je ne sais pas. Peut-être que cela aurait une incidence sur le taux de condamnation, mais là où vous voulez intervenir c'est dans le processus de réflexion de la personne qui envisage de consommer et de conduire. Je pense que ce sur quoi repose l'idée de peines minimales et certaines des autres recommandations proposées par l'ACP ainsi que par mes collègues ici, c'est ce désir de faire passer le message que nous en avons assez, qu'il s'agit d'un délit grave et que cela va être traité en tant que tel. Oui, notre taux de condamnation va peut-être souffrir, mais il est à espérer que l'incidence de ce problème chutera, et c'est vraiment là, selon moi, la clé.

• 1200

M. Paul DeVillers: Je suis d'accord avec vous à 100 p. 100: c'est un processus de changement des attitudes qu'il nous faut.

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur John McKay, vous pouvez poser une question supplémentaire.

M. John McKay: Il nous faudra avoir une conversation au sujet de la répartition du temps.

Je voulais reprendre notre conversation autour de la question des peines indéterminées et vous demander s'il n'y aurait pas lieu de modifier le code étant donné que nous autres législateurs n'avons qu'une fenêtre très étroite par laquelle regarder. Y aurait-il lieu de modifier le code afin de prévoir des peines de durée indéterminée après une troisième condamnation ou une fois établi un certain schéma de comportement, afin que ces personnes soient presque arrachées à la société?

M. Roger Cutler: Il existe certainement un précédent en ce qui concerne les armes à feu et un certain nombre de crimes. S'il existe une certaine histoire, le tribunal peut prendre des mesures pour empêcher l'accusé de se trouver dans des circonstances telles qu'il va récidiver. Je ne verrais aucun problème à ce que le Code criminel contienne des dispositions en matière de peines telles que dès la deuxième ou la troisième condamnation le coupable se verrait suspendre son permis de conduire pour une période donnée. Cela existe déjà. La question est de savoir si la période d'interdiction est suffisamment longue. En fait, la période d'interdiction minimale prévue dans le Code criminel pour une première condamnation pour conduite avec facultés affaiblies est de trois mois, tandis que dans la plupart des provinces, dès que la déclaration de culpabilité est prononcée, les règlements provinciaux s'appliquent. En Colombie-Britannique, c'est 12 mois.

M. John McKay: Y a-t-il un autre aspect auquel il faudrait réfléchir? Je songe à l'avocat de la défense qui travaille pour un récidiviste et qui se dira peut-être dans un coin de sa tête que s'il conteste, le risque est qu'une peine indéterminée soit imposée. En d'autres termes, ce ne sera pas trois ans, ce ne sera pas quatre ans, ce ne sera pas cinq ans avec réduction pour x, y, z, ce sera une peine indéterminée qui sera aussi longue que cela plaira à Sa Majesté. Serait-ce là un changement utile à apporter au code?

M. Roger Cutler: J'aimerais être certain d'avoir bien compris la question. Si une personne souhaite plaider non coupable et subir un procès, alors elle risque de se voir imposer une peine plus lourde si elle est jugée coupable que si elle avait plaidé coupable dès le début, c'est bien cela?

M. John McKay: C'est là de toute façon, mais, non, ce serait et pour ceux qui plaident coupable et pour ceux qui veulent se battre. Il y aurait cette possibilité que la personne condamnée par neuf fois, la personne qui conduit alors que son permis a été suspendu, la personne qui bafoue les lois, passe beaucoup plus de temps en prison, selon le bon vouloir de Sa Majesté, et pas simplement trois années qui seront ensuite réduites des deux tiers.

M. Roger Cutler: Comme je l'ai dit, je ne verrais aucune difficulté à cela, à condition que ce soit inséré dans la loi. Je pense cependant qu'il faudrait alors établir très soigneusement les critères en vertu desquels une personne pourrait être classée dans cette catégorie. Comme vient de le mentionner M. Pilon, nous traitons avec des criminels dangereux qui commettent des crimes violents, mais l'une des ironies ici est que les conséquences de la conduite avec facultés affaiblies peuvent souvent être bien pires que celles des crimes violents. C'est cela qu'il nous faut comprendre à un moment donné. Ce sont les conséquences qui nous préoccupent. Cela ne nous préoccupe pas beaucoup que quelqu'un fasse des libations; ce sont les conséquences de cela qui nous intéressent.

Les tribunaux ont établi très clairement que lorsqu'une personne est prise pour conduite avec facultés affaiblies mais qu'il n'y a pas d'accident, avec exactement le même taux d'alcoolémie, exactement le même type de conduite que la personne qui a causé un accident mortel, la personne ayant causé la mort, bien que ses actes ne soient en rien différents, son état mental ne soit en rien différent de ceux de la personne qui n'a pas causé d'accident, ira en prison ou sera condamnée à une plus lourde peine, à cause des conséquences.

C'est peut-être là le lien. Si vous avez prouvé après trois ou quatre condamnations que vous êtes un danger, alors oui, on va vous enfermer. Pour ce qui est de l'incarcération, j'ai l'impression qu'il y aurait des contestations invoquant la Charte, arguant d'un châtiment cruel et inhabituel, etc.—l'avocat de la défense inventera tout ce qu'il faut.

• 1205

Je pense que rien n'est exclu dans ce contexte, à cause de la nature du problème et de ses conséquences. Si l'on peut empêcher une seule personne de conduire en état d'ébriété par crainte d'aller en prison, nous aurons fait notre travail.

Le président: Je vous remercie, monsieur McKay.

Juste une question, monsieur Cutler, sur les tests de salive routiers. Est-ce que toutes les drogues réagissent de la même façon? Est-ce que la marijuana provoque la même réaction que la cocaïne? Est-ce qu'une cigarette de marijuana provoque une réaction aussi forte que trois? Quel effet ont les médicaments? Pendant combien de temps après la prise la drogue est-elle détectée—quelques heures, un jour? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Roger Cutler: La programme de reconnaissance et d'évaluation de drogue divise toutes les drogues connues en sept catégories différentes, selon l'affaiblissement des capacités qu'elles provoquent. Une catégorie est celle des dépresseurs du système nerveux central et une autre celle des stimulants.

Avec cette évaluation, selon l'indice d'affaiblissement, l'agent peut déterminer la catégorie. L'un des tests consiste simplement, par exemple, à demander: «Dites-moi quand 30 secondes seront écoulées». La personne qui a pris un stimulant vous donnera le signal après 15 secondes. Celle qui a pris un dépresseur attendra peut-être deux minutes. L'agent prendra cela pour une indication que la personne est sous l'effet d'un stimulant.

Ensuite il y a une sorte de test de sobriété. Si la personne a des mouvements saccadés ou quelque chose du genre, c'est encore un stimulant. Ainsi, à la fin de ce test, l'agent est en mesure de dire quelle catégorie de drogue la personne a prise.

Ensuite, l'échantillon d'urine ou de sang est envoyé au laboratoire. L'analyse pourra préciser, par exemple, la présence de cocaïne, qui est un stimulant. Ainsi, la personne que l'agent a jugé être sous l'influence d'un stimulant aura, comme par hasard, de la cocaïne dans son sang.

Il y a néanmoins quelques difficultés que vous évoquez. Contrairement à l'alcool, les drogues persistent dans l'organisme longtemps après qu'elles ont cessé d'affaiblir vos capacités. Une substance comme la marijuana—et mes connaissances scientifiques peuvent m'induire en erreur—persiste jusqu'à un mois, sinon plus, dans le système sanguin, mais son effet incapacitant peut prendre fin en l'espace de quelques heures.

Ainsi, l'agent doit pouvoir observer les indices d'affaiblissement des capacités correspondant à celles de la marijuana, si nous prenons cet exemple, et faire appel à l'analyse de sang ou d'urine pour confirmer qu'il s'agissait de marijuana. Mais il ne suffit pas pour la répression ou la poursuite d'avoir un test d'urine montrant la présence de marijuana, car cette marijuana pourra avoir été fumée un mois plus tôt et n'avoir eu aucun effet sur les facultés du conducteur le jour où l'agent l'a arrêté.

Il y a cette dimension, qui fait que l'alcootest ne marche tout simplement pas dans le cas des drogues. Mais avec cette grande invention du test RED, on a réussi à fusionner ces deux techniques d'enquête, de telle façon que l'agent peut tirer une conclusion sur la nature de l'incapacité et confirmer ensuite par l'analyse de sang ou d'urine. Les agents sont certifiés uniquement s'ils peuvent déterminer cela avec précision. Selon mon expérience, il est étonnant de voir avec quelle précision ils peuvent déterminer la nature de l'incapacité, avec la formation qu'ils ont eue.

Le président: Est-ce que votre échantillon de sang vient dans un flacon comme un test sanguin normal pour un problème médical, ou est-ce comme l'ADN, ou un petit...

M. Roger Cutler: Pas nécessairement. Il suffit qu'il y en ait assez pour l'analyse. Je suppose que même une goutte suffirait. Je dirais que la plupart des gens, s'ils ont choix—et c'est l'expérience non seulement en Colombie-Britannique mais aussi aux États-Unis—préfèrent l'échantillon d'urine, qui est beaucoup plus facile à prélever au poste de police.

Votre question initiale portait sur les tests de salive; ces derniers en sont encore à leur tout début. Ils permettent actuellement de détecter une drogue, et je crois qu'on travaille actuellement à les rendre capables de détecter la nature de la drogue. Mais ce n'est rien de plus qu'un ruban de papier qui prend une certaine couleur en présence d'une drogue.

Mes recommandations à ce stade visent simplement à utiliser ce moyen comme confirmation de la présence de drogue dans l'organisme. Ensuite, on passe à l'étape suivante pour confirmer la nature de la drogue et son effet incapacitant. Je crois savoir que les scientifiques espèrent assez prochainement offrir un test de salive routier qui pourra indiquer à l'agent la nature de la drogue absorbée.

• 1210

Le président: Je vous remercie.

Chef Pilon, vous disiez ne pas avoir de recommandations spécifiques, mais que vous en aurez peut-être d'ici l'été. J'espère que nous en aurons terminé avec cela avant l'été. Vous est-il possible d'accélérer la communication de vos recommandations, même préliminaires?

Le commissaire adjoint Maurice Pilon: Nous pouvons certainement essayer. Nous avons des groupes à travers le pays qui travaillent sur divers aspects des recommandations, en s'appuyant sur les résultats de ce sondage. Nous pourrions essayer de faire parvenir quelque chose au comité. Nous pouvons certainement voir dans quel délai nous pourrions vous donner quelque chose.

Le président: Mon greffier me dit qu'il est possible que nous examinions l'ébauche du rapport le 9 mars. Est-ce une échéance que vous pourriez respecter?

Le commissaire adjoint Maurice Pilon: Je vais me renseigner, monsieur, et j'espère pouvoir vous donner quelque chose.

Le président: Je vous remercie. Nous apprécions.

Y a-t-il d'autres courtes questions ou problèmes? Il n'y en a pas. La matinée a été longue mais très instructive. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus, ainsi que des témoignages et remarques que vous avez faits. Je suis sûr qu'il en sortira des choses constructives. Merci beaucoup.

Membres du comité, attendez un instant.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): J'aimerais soulever un point concernant les témoins.

Le président: D'accord. Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Monsieur le président, j'aimerais aborder la question des témoins qui comparaîtront au sujet de deux projets de loi d'initiative parlementaire dont nous sommes saisis. Malheureusement, lorsque nous avons dressé la liste des témoins, j'ai oublié de mentionner que les fonctionnaires du ministère de la Justice sont habituellement invités comme témoins experts concernant les projets de loi d'initiative parlementaire, et ils ont été omis de la liste des témoins. J'aimerais donc l'accord du comité pour entendre ces témoins sur chacune de ces motions.

Le président: Ils sont prévus.

Mme Eleni Bakopanos: Ils sont prévus? Je voulais juste m'en assurer. Vous les avez inscrits sous «Breffage». D'accord, c'est bien. Je vous remercie.

M. John McKay: Monsieur le président, avant que nous partions, je tiens à faire savoir mon mécontentement au sujet du déroulement de la période des questions ici. C'est sept minutes, sept minutes, sept minutes, et puis sept minutes là-bas, et ensuite sept minutes, sept minutes, sept minutes, jusqu'à ce que nous, de ce côté-ci, puissions poser quelques questions. Nous avons droit alors à un tour de trois minutes. Cela fait beaucoup de temps à attendre avant de pouvoir poser des questions. Si l'on veut que ce côté ait une participation réelle au processus, il faut modifier cette répartition.

Je sais bien que c'est pour permettre à l'opposition de réellement disséquer la législation gouvernementale, mais ceci est une étude. Aucun de nous n'a des opinions très arrêtées, et il s'agit de recommandations. Franchement, je ne vois pas réellement pourquoi l'opposition devrait avoir tellement plus de temps que les députés du gouvernement dans une analyse de cette sorte.

Nous pourrions peut-être parvenir à quelque entente officieuse. Sinon, je vais présenter une motion pour modifier la répartition du temps. Je ne tiens pas particulièrement à entrer en conflit avec vous, monsieur le président, mais je le ferai si nécessaire. Je suggère au comité directeur, avant la prochaine réunion du comité, de trouver quelque arrangement pour répartir le temps de façon plus équitable. Sinon, nous allons devoir tenir un vote là-dessus.

Le président: Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: Je pensais que l'arrangement conclu antérieurement était qu'après le premier tour, on alternerait entre l'opposition et le gouvernement. Est-ce que je me trompe, ou bien est-ce que je songe à un autre comité?

M. Peter MacKay: Non, je pense que c'était cela.

M. Paul DeVillers: Est-ce que cela vous satisferait?

M. John McKay: Mon souvenir est qu'il y avait à peu près égalité dans la répartition du temps et la séquence des tours. Encore une fois, je sais que c'est l'occasion pour l'opposition de taper sur le gouvernement. Mais cela dit, au sujet de cette étude particulière, aucun de nous n'a réellement des opinions arrêtées dans un sens ou dans un autre sur ce qu'il convient de faire. Nous n'étudions pas un projet de loi gouvernemental, et je pense donc qu'il faudrait une répartition un peu plus égale.

• 1215

M. Paul DeVillers: Mais pour ma réponse, est-ce que vous seriez satisfait si...

M. John McKay: Oui. S'il y avait alternance...

M. Paul DeVillers: Opposition, puis alternance après...

M. Dick Harris: Au deuxième tour.

M. John McKay: Oui, alternance au deuxième tour.

Le président: Tout le monde est d'accord?

M. John McKay: Et comment fonctionne le premier tour?

M. Paul DeVillers: Opposition d'abord, puis gouvernement, puis opposition, gouvernement, puis opposition, gouvernement...

M. John McKay: Mais est-ce sept minutes, sept minutes, sept minutes? Un tour de sept minutes, puis un deuxième tour?

Le président: Oui, c'est ainsi que nous avons procédé. Nous fonctionnons comme cela.

M. John McKay: C'est donc 28.

M. Paul DeVillers: Nous avons fonctionné comme cela par le passé.

M. John McKay: Au premier tour, donnez-nous un peu plus de temps de ce côté.

Le président: Le deuxième tour est généralement de trois minutes. Aujourd'hui, vu l'intérêt du sujet, vous avez raison, nous voulions avoir tous les renseignements et presque tous les tours ont été le double. Nous avons eu ensuite les tours de trois minutes, et le premier était presque le triple.

M. John McKay: Eh bien, franchement, le premier tour est le seul important. Ensuite, tout le monde n'a plus que des questions complémentaires.

M. Dick Harris: Pas nécessairement. Parlez pour vous, John.

M. John McKay: Je n'ai jamais l'occasion de poser une deuxième question. Ma suggestion serait d'avoir trois tours de sept minutes là-bas, deux tours de sept minutes ici, et vous passez au deuxième tour.

Le président: D'accord. Pouvons-nous renvoyer cela au comité directeur pour avis? Nous apprécions votre intervention à ce sujet, John.

Mme Eleni Bakopanos: Sur le même sujet, les témoins d'aujourd'hui, bien qu'ils aient été très intéressants, avaient des mémoires écrits. Je pense, à mon avis personnel—j'en parlerai au comité directeur—que l'on a donné trop de temps aux témoins. Ce n'est pas pour diminuer la qualité de leur contribution, mais nous avions le texte de chacun d'eux. Cela a amputé le temps disponible pour les questions, John. Je ne sais pas s'il y a moyen d'éviter cela, mais je crois que le premier exposé a duré 35 minutes, puis un autre de 20 ou 30 minutes—je n'ai pas chronométré, mais je ne pouvais m'empêcher de songer au temps.

Ainsi, vous pourriez peut-être nous donner plus de temps pour les questions...

M. John McKay: Nous devrions prévenir les témoins et leur demander simplement de venir avec un résumé.

Une voix: Ils ont été prévenus.

M. John McKay: Ils ont été prévenus? Dans ce cas, monsieur le président, vous devriez peut-être vous montrer un peu plus autoritaire.

Le président: Me donnez-vous l'autorisation d'intervenir après dix minutes et de leur couper la parole?

M. John McKay: Donnez-leur un avertissement au début.

Le président: D'accord. Je ne veux pas que l'on me reproche de ne pas avoir laissé assez de temps à telle personne parce qu'elle avait des choses intéressantes à dire.

M. John McKay: Non, tous étaient intéressants. Ce n'était pas un reproche sur le contenu.

Mme Eleni Bakopanos: C'est juste.

M. John McKay: C'est particulièrement vrai lorsque plusieurs témoins se partagent le temps, et je suis d'accord avec Eleni. Cet exposé a été lu presque mot à mot. Nous avions le texte. Ce n'est pas pour critiquer l'exposé, mais cela fait un peu double emploi lorsqu'on a le texte sous les yeux et que quelqu'un le lit oralement.

Le président: D'accord, bien. Cela étant dit, je vais lever la séance.