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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er décembre 1998

• 0909

[Français]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Aujourd'hui, nous examinerons d'abord le projet de loi C-284, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et la Loi canadienne sur les droits de la personne (infractions contre des enfants). C'est un projet de loi d'initiative parlementaire.

Mais avant de commencer, j'annonce que nous accueillons aujourd'hui 16 étudiants des cours de criminalité et justice et de justice pénale de l'Université d'Ottawa. Ils sont accompagnés de leur professeur, John Kiedrowski, chargé de cours à l'Université d'Ottawa.

Je vous souhaite la bienvenue. Entre nos deux témoins de ce matin, nous ferons une petite pause et, pendant ce temps, si vous avez des questions, je sais que tous mes collègues seront heureux d'y répondre. N'hésitez pas à leur parler. Cela fait partie de leurs fonctions que d'être à votre disposition et, aujourd'hui, je leur demanderai d'être à la disposition des étudiants de l'Université d'Ottawa.

• 0910

Afin que tous sachent bien comment ça fonctionne, pour autant que je sache, notre comité est le seul qui s'est doté d'un processus d'examen des projets de loi émanant des députés. Ce processus a été mis en place pendant la dernière législature, et nous l'avons adopté de nouveau au début de celle-ci.

Aujourd'hui, nous avons invité M. Lowther à nous expliquer son projet de loi.

Monsieur Lowther, vous avez la parole. Nous verrons comment les choses se déroulent, mais nous avons environ une heure à vous consacrer. Je crois que vous avez dit que votre exposé durera environ 25 minutes, n'est-ce pas? Nous vous écouterons, puis mes collègues vous poseront leurs questions.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): J'aimerais avoir une précision. Le processus en question prévoit-il la possibilité de convoquer des témoins lors de l'étude d'un projet de loi d'initiative parlementaire?

La présidente: Pas aujourd'hui. Il y aura des témoins, mais c'est le comité qui les choisira, et non pas le parrain du projet de loi. Nous avons une liste de témoins possibles à étudier, d'abord en comité directeur, puis en comité plénier. Les témoins choisis seront convoqués par le comité qui assumera leurs dépenses; nous prendrons cette décision collectivement.

Merci.

M. Peter MacKay: Merci.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Je sais que le quorum n'est pas exigé pour l'audition des témoins, mais j'aimerais faire remarquer qu'il n'y a pas de quorum et que cela est révélateur de l'intérêt dont témoignent certains députés ou partis pour les questions dont nous discutons aujourd'hui.

Merci.

La présidente: Vous savez bien sûr qu'il n'est pas souhaitable de commenter la présence ou l'absence des députés...

M. Ivan Grose: Je ne parlais pas d'absence, seulement du quorum.

La présidente: Nous avons le quorum. Aux fins d'audition des témoignages, notre quorum est de trois.

Vous avez la parole, monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (député de Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente.

Les membres du comité ont reçu un document d'information qui comprend certains des points que j'expliquerai ce matin ainsi que des réponses à certaines des préoccupations qui ont été soulevées concernant mon projet de loi.

À la page 3, vous trouverez des détails sur la réhabilitation et le nombre de réhabilitations qui ont été accordées au Canada depuis sept ans environ. J'ai aussi inclus des lettres d'appui de divers groupes, y compris la fondation Sheldon Kennedy et Victimes de violence.

À la fin du document, il y a différents rapports dont je citerai des extraits. Ce sont des rapports du ministère du Solliciteur général et des Services correctionnels du Canada. Plutôt que de donner le titre de chacun de ces rapports chaque fois que j'en citerai un, j'ai cru préférable de vous donner la bibliographie des documents qui nous serviront ce matin.

Sur ce, voici ma déclaration.

C'est un privilège que de témoigner devant le Comité de la justice pour vous expliquer le projet de loi C-284. Le projet de loi propose de modifier la Loi sur le casier judiciaire et la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce qui a trait aux infractions contre les enfants. Bien des membres de notre société s'inquiètent de la sécurité des enfants, et c'est à ces préoccupations que j'ai voulu répondre par le projet de loi C-284.

Je vous décris d'abord le contexte. En octobre 1996, des pétitions ont été déposées à la Chambre des communes, dont l'une portant 26 000 noms, réclamant des changements semblables à ceux proposés dans le projet de loi C-284. Ce sont ces demandes et d'autres de la part de parents canadiens qui m'ont incité à présenter ce projet de loi.

Cette mesure législative permettrait à ceux qui s'occupent d'enfants de prendre la décision la plus éclairée possible sur ceux qu'ils recrutent. Le projet de loi C-284 donnerait aux parents dont les enfants sont gardés par des tiers l'assurance que ceux qui s'occupent de leurs enfants n'ont pas dans le passé abusé de leur situation d'autorité.

Le projet de loi C-284 est très précis dans son objet, et je mets l'accent sur le mot «précis». Il a pour objet de protéger nos enfants contre ceux qui ont maltraité des enfants dans le passé.

Le projet de loi C-284 propose la divulgation limitée—je dis bien limitée—du casier judiciaire de toute personne ayant été reconnue coupable d'une infraction sexuelle à l'égard d'un enfant qui, par la suite, postule un emploi le mettant en situation de confiance par rapport aux enfants. L'aspect le plus particulier du projet de loi, c'est qu'il permettrait cette divulgation même si le criminel a purgé sa peine et a été réhabilité, ce qui a eu pour effet d'effacer du casier judiciaire l'avis de condamnation.

• 0915

Qu'est-ce exactement qu'une réhabilitation? La Loi sur le casier judiciaire autorise la Commission nationale des libérations conditionnelles à accorder, refuser ou révoquer une réhabilitation par suite d'une condamnation en vertu des lois ou règlements fédéraux du Canada. Je tiens à ce qu'il soit clair qu'il s'agit bien ici de réhabilitation. C'est la réhabilitation qui permet à ceux qui ont été reconnus coupables d'une infraction criminelle de faire sceller leur casier judiciaire.

Une fois la réhabilitation accordée, tout ministère ou organisme fédéral qui possède un dossier de la déclaration de culpabilité doit conserver ce dossier à l'écart. Toutefois, il faut comprendre que, comme le souligne la Commission nationale des libérations conditionnelles, «une réhabilitation n'efface pas le fait qu'une personne a été déclarée coupable d'une infraction».

Dans le cas des infractions sommaires, la réhabilitation est accordée trois ans après que la peine a été purgée dans son intégralité. On peut demander la réhabilitation pour un acte criminel cinq ans après la fin de la peine; le casier judiciaire est alors expurgé. Vous verrez, à la page 3 du document que je vous ai remis, le nombre de réhabilitations qui sont accordées au Canada. Par conséquent, si on vérifie les antécédents d'un contrevenant sexuel qui postule un poste d'autorité à l'égard d'enfants après avoir reçu sa réhabilitation, aucune mention de l'infraction sexuelle qui a été commise contre un enfant ou de la réhabilitation ne sera faite.

Compte tenu du taux alarmant de récidive des contrevenants sexuels, dont je parlerai dans un moment, c'est inquiétant. Nous devons nous assurer que nos enfants sont mieux protégés et que les parents ont l'esprit tranquille. Ceux qui ont été agressés sexuellement disent que c'est pour eux une sentence à vie. Le projet de loi C-284 est une mesure pleine de bon sens qui vise à protéger nos enfants contre les prédateurs sexuels.

Que propose-t-on de faire plus précisément dans le projet de loi C-284? Premièrement, on propose de modifier la Loi sur le casier judiciaire. On aurait alors une divulgation plus complète du casier judiciaire, divulgation qui s'appliquerait aussi aux condamnations ayant fait l'objet de réhabilitations, si on satisfait à deux conditions. Quelles sont ces deux conditions? Premièrement, le casier judiciaire doit comprendre une infraction sexuelle contre un enfant à l'égard de laquelle une réhabilitation a plus tard été accordée et, deuxièmement, l'intéressé doit postuler un poste le plaçant en situation de confiance auprès des enfants. Il faut satisfaire à ces deux conditions avant de pouvoir obtenir une divulgation limitée des infractions criminelles figurant au casier judiciaire qui ont fait l'objet d'une réhabilitation. Comme je l'ai déjà indiqué, l'objet du projet de loi est très précis.

Deuxièmement, dans le projet de loi C-284, on propose de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne. Essentiellement, on permettrait aux organisations responsables d'enfants de tenir compte du fait qu'une personne a été reconnue coupable d'une infraction sexuelle pour laquelle elle a plus tard obtenu une réhabilitation. Si l'organisation en question jugeait ne pouvoir recruter quiconque a un tel casier judiciaire, elle violerait la Loi canadienne sur les droits de la personne dans sa forme actuelle. Si le projet de loi C-284 était adopté, cela ne constituerait plus une violation de cette Loi.

J'aimerais vous toucher quelques mots d'un troisième facteur dont on tient compte dans le projet de loi, à savoir la confidentialité des informations une fois qu'elles ont été divulguées. Dans le projet de loi C-284, on tente de garantir que la divulgation de l'infraction ayant fait l'objet d'une réhabilitation ne servira que dans le cadre des examens des demandes de poste de confiance à l'égard d'enfants, et que ces informations ne seront communiquées à personne d'autre. C'est une des critiques qui ont été faites au sujet du projet de loi, mais le projet de loi en traite.

On y propose que quiconque viole les dispositions de divulgation limitée soit passible d'une peine d'emprisonnement ou d'une amende. Ainsi, on préviendrait les fuites d'information provenant d'un casier judiciaire, puisque la peine prévue est plus lourde que celle prévue actuellement par la Loi sur le casier judiciaire.

L'article 10 de cette loi sous sa forme actuelle stipule:

    Quiconque contrevient à la présente loi commet une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Dans le projet de loi C-284, on recommande d'aller encore plus loin.

Par conséquent, dans le projet de loi C-284, on se préoccupe encore davantage qu'on ne le fait actuellement de la divulgation non autorisée de renseignements sur la réhabilitation.

Que ne fait pas le projet de loi C-284? Il faut comprendre que le projet de loi C-284 ne propose pas d'empêcher ceux qui ont commis des infractions sexuelles contre des enfants d'obtenir une réhabilitation, bien que j'aie pu constater que beaucoup de gens sont d'accord avec cette idée.

• 0920

Dans cette mesure législative, on ne propose pas qu'une erreur de ce genre figure au casier judiciaire pour toujours. Plutôt, on propose d'empêcher ceux qui ont déjà agressé sexuellement des enfants d'occuper une situation d'autorité à l'égard d'enfants en permettant à ceux qui sont chargés de s'occuper d'enfants de savoir que le postulant a abusé d'une telle situation dans le passé et, ainsi, de procéder à un recrutement plus judicieux.

Les dispositions du projet de loi C-284 enfreignent-elles les droits à la vie privée? Penchons-nous sur la question.

Le projet de loi C-284 reconnaît que, dans certains cas, l'intérêt du public dans l'application de la loi et la protection des enfants priment la protection des renseignements personnels contenus dans le casier judiciaire. Il permettrait à ceux qui s'occupent d'enfants d'avoir accès à certains dossiers afin de mieux choisir ceux qui occuperont des postes de confiance à l'égard d'enfants.

Dans un document rendu public en mai 1996, le commissaire à la protection de la vie privée a lui-même déclaré:

    La Loi sur la protection des renseignements personnels n'empêche pas la divulgation des renseignements personnels si la divulgation de ces renseignements est dans l'intérêt public. De fait, la loi autorise précisément la divulgation de renseignements personnels dans l'intérêt public.

Les dispositions du projet de loi C-284 permettant une divulgation contrôlée de renseignements sont conformes au protocole reconnu de communication de renseignements personnels dont fait partie le casier judiciaire. Il ne s'agit pas d'une mesure excessive mais plutôt, à mon avis, de bon sens.

Un des principaux facteurs ayant mené au dépôt du projet de loi C-284 est le taux de récidive chez les contrevenants sexuels. Avant d'élaborer ce projet de loi, j'avais du mal à prononcer le mot «récidive»; maintenant, je suis un expert.

Dans la dernière partie du document, j'ai dressé une liste de rapports dont je citerai des extraits dans le reste de ma déclaration. Plutôt que de vous donner les sources chaque fois, pour faire plus vite, je citerai tout simplement quelques extraits.

En 1996, dans un résumé de recherche de son bureau, le solliciteur général a déclaré ceci:

    L'examen initial a révélé que 42 p. 100 des agresseurs avaient été reconnus coupables d'un crime sexuel ou violent au cours de la période de suivi de 15 à 30 ans. (...) Le taux de récidive des agresseurs sexuels d'enfants était à son maximum (77 p. 100) chez ceux qui avaient déjà commis des infractions sexuelles, qui avaient agressé des garçons n'appartenant pas à leur famille et qui n'avaient jamais été mariés.

C'est bien 77 p. 100.

Un rapport des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de 1998 qui vient de paraître indique que les criminels ayant été réhabilités ont commis plus de 700 nouvelles infractions sexuelles qui ont abouti à la révocation de leur réhabilitation.

Une autre étude, portant sur une période plus courte, a révélé que le taux de récidive sexuelle sur une courte période était d'environ 30 p. 100. Il s'agit d'une étude des Services correctionnels du Canada, et je cite un extrait du rapport:

    La meilleure variable prédictive de la récidive sexuelle est le fait d'avoir déjà commis une infraction sexuelle, ce qui n'est pas étonnant.

Je citerai maintenant une autre étude dont je vous ai donné la référence.

    Le nombre de nouvelles condamnations entraîne une sous-estimation du taux de récidive (...), car seule une fraction des infractions sexuelles contre les enfants se solde par une condamnation du contrevenant.

Par conséquent, les 700 nouvelles infractions sexuelles qui ont été commises par des délinquants ayant été réhabilités, comme l'indique l'étude du solliciteur général, ne représentent probablement qu'une fraction de toutes les infractions commises.

Voici un autre extrait du rapport du groupe de travail fédéral-provincial-territorial:

    Il était deux fois plus probable que les contrevenants sexuels ayant des antécédents criminels récidivent et qu'ils violent les conditions de leur liberté.

Ce sont les résultats des études du ministère.

Voici un extrait d'un autre rapport:

    Il semble que les pédophiles, surtout les hommes ayant agressé de jeunes garçons, risquent davantage de commettre de nouvelles infractions sexuelles que les violeurs.

Je pourrais vous citer de nombreux autres extraits, mais pour ne pas prendre trop de votre temps, je m'arrêterai ici. Ces autres citations soulignent essentiellement la même chose, soit le taux élevé de récidive chez ces criminels.

• 0925

Je me permettrai peut-être de citer deux autres extraits:

    C'est chez le groupe des pédophiles qu'on trouve le taux le plus élevé de récidive sexuelle par rapport aux violeurs et aux auteurs d'actes incestueux. Cela porte à croire que les pédophiles sont plus persistants dans leur activité criminelle sexuelle sur une longue période.

Le traitement des pédophiles fait l'objet d'un débat. Je cite maintenant un rapport du solliciteur général:

    Le traitement des contrevenants sexuels porte-t-il fruit? Nous n'en sommes pas encore certains. Même les chercheurs les plus prolifiques et les mieux renseignés dans ce domaine ne s'entendent pas.

Ces constatations sont l'un des facteurs qui m'ont incité à élaborer ce projet de loi.

Si nous voulons réhabiliter les contrevenants et fournir cette information aux services de police et à ceux qui recrutent ces personnes pour qu'elles prennent soin d'enfants, il faut se demander ce qu'on fait des informations contenues dans le casier judiciaire une fois que la réhabilitation a été accordée.

Permettez-moi de citer un rapport paru en octobre et produit par le ministère du Solliciteur général, en collaboration avec les ministères fédéral, provinciaux et territoriaux compétents:

    L'octroi d'une réhabilitation n'entraîne pas la destruction ou l'expurgation du casier judiciaire, mais plutôt la mise sous scellé et à part dans tous les systèmes de dossiers sous contrôle fédéral, y compris le CIPC. Ces informations sont conservées par le CIPC dans une base de données confidentielles distincte au moins jusqu'à ce que celui qui a été réhabilité ait 80 ans. La mention dans la loi de la mise sous scellé des «dossiers judiciaires», bien que n'imposant aucune obligation aux provinces, traduit bien l'esprit de la loi auquel presque tous les services de police, les tribunaux et les procureurs généraux doivent se conformer. La mise sous scellé du casier judiciaire sert à ce que ce dossier ne nuise plus à l'ancien contrevenant. Le plus souvent, on demande une réhabilitation à des fins d'emploi et de voyage.

Le dossier continue d'exister. Il est conservé dans une base de données. Seulement, nous n'y avons pas accès, même dans les cas de contrevenants sexuels qui ont souvent récidivé.

Plusieurs groupes sont venus aujourd'hui donner leur appui à ce projet de loi, y compris le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes et Victimes de violence, dont les bureaux sont ici à Ottawa. Steve Sullivan et Gary Rosenfeldt sont ici aujourd'hui pour appuyer le projet de loi. Je sais que tous les membres du conseil d'administration de l'Association canadienne des policiers sont ici présents, y compris le vice-président et le président de cette organisation. Le chef Fantino est aussi ici à titre de représentant des chefs de police de l'Ontario et de l'Association canadienne des chefs de police. Ils sont tous présents ici aujourd'hui.

Je sais qu'on ne me permet pas de présenter des témoins, mais je sais que chacun de ces groupes aimerait faire au sujet du projet de loi quelques brèves remarques au sujet du projet de loi qui pourraient préciser les points que j'ai déjà présentés. Je sais qu'ils ont préparé de très brèves déclarations, de moins de cinq minutes, pour vous faire part rapidement de leur point de vue, si le comité voulait bien les entendre. J'en fais la demande au comité.

La présidente: Cela met-il fin à votre déclaration?

M. Eric Lowther: Non.

La présidente: Alors, poursuivez, et nous traiterons de votre demande à la fin de votre exposé.

M. Eric Lowther: D'accord. Puisqu'il en est ainsi, selon votre décision, je voudrai peut-être faire quelques remarques additionnelles, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Lowther, nous devons respecter notre processus. Le comité doit se réunir pour décider des témoins qu'il voudrait convoquer.

• 0930

Notre comité a été très occupé cet automne. Depuis juin dernier, nous avons fait rapport à la Chambre à 17 reprises, au sujet de projets de loi et d'autres dossiers. Cette question, ainsi que votre projet de loi, figure à notre ordre du jour; nous devons décider des témoins que nous convoquerons. Il se peut très bien que nous convoquions tous les témoins que vous avez suggérés, et que le comité assume leurs dépenses, mais nous prendrons ces décisions en groupe, conformément aux pratiques du passé et parce que c'est la meilleure façon d'organiser les travaux de ce comité à la très lourde charge de travail. J'ignore si nous pourrons choisir les témoins aujourd'hui.

M. Eric Lowther: Je comprends, madame la présidente, je comprends les défis que vous devez relever. J'ai simplement fait cette demande parce que ces personnes s'occupent de ces questions tous les jours et pourraient ajouter à la discussion un point de vue qui aiderait le comité à décider de ce qu'il fera de ce projet de loi. Je ne suggérais pas qu'elles soient convoquées comme témoins, mais seulement qu'elles complètent l'exposé que je présente au comité aujourd'hui, afin que vous compreniez mieux l'intention du projet de loi de leur point de vue.

La présidente: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Madame la présidente, étant membre de ce comité, je sais quelle est notre charge de travail, mais étant donné que M. Lowther nous a dit que les remarques de ces personnes seraient très brèves, nous pourrions peut-être les entendre. Elles sont présentes. Vous savez comme moi qu'il ne sera pas facile de regrouper tous les intéressés par ce projet de loi à une date précise à l'avenir. Il me semble raisonnable d'écouter leurs brèves remarques puisqu'ils sont ici.

La présidente: Il vous faudrait le consentement unanime du comité pour ce faire, pour faire exception à notre pratique habituelle. Vous savez, monsieur MacKay, enfreindre notre pratique aujourd'hui pourrait établir un précédent dangereux.

M. Peter MacKay: Puis-je présenter une motion pour qu'on fasse une exception en l'occurrence?

La présidente: Est-ce que vous demandez le consentement unanime du comité?

M. Peter MacKay: Oui, je demande le consentement unanime du comité.

La présidente: Ai-je le consentement unanime du comité pour entendre tous ces autres témoins aujourd'hui?

Des voix: Non.

La présidente: Il n'y a pas consentement unanime.

Monsieur Lowther, poursuivez.

M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente.

Si vous me le permettez, je tenterai de paraphraser les remarques que ces personnes auraient voulu vous présenter.

Je suis certain que je ne serai pas aussi éloquent qu'eux, mais pour en avoir discuté avec les représentants du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes et de victimes de violence, deux organisations d'Ottawa, je sais qu'il y a une chose qu'ils voudraient que je souligne. Lorsque la réhabilitation est accordée, comme c'est le cas à l'heure actuelle, quel que soit le genre de crime, après une certaine période—une fois que la peine a été purgée et qu'un certain temps s'est écoulé—il y a toute une différence entre l'obtention d'une réhabilitation pour un crime tel qu'un cambriolage ou un crime contre les biens, et une infraction sexuelle, surtout si la victime était un enfant.

Ces crimes sont un châtiment dont les effets se font sentir toute la vie durant sur les victimes. Les traiter comme tout autre crime, comme le fait actuellement la Commission nationale des libérations conditionnelles, est injuste. Ils veulent que les membres du comité comprennent que ces crimes constituent une sentence à vie. De plus, les victimes avec qui ils travaillent tiennent à ce qu'on prenne les mesures les plus vigoureuses possible pour empêcher que d'autres connaissent la même souffrance et les mêmes violations. Voilà entre autres pourquoi ces personnes ont pris le temps, malgré leur horaire très chargé, de venir ici ce matin.

Encore une fois, ils me pardonneront mon peu d'éloquence, mais je sais que les chefs de police et l'Association des policiers s'inquiètent de la sécurité des collectivités, qu'ils ont la tâche d'assurer, et du fait qu'ils n'ont pas accès à des informations sur ceux qui ont des antécédents d'infraction sexuelle, surtout contre les enfants. Ils sont surtout conscients du taux élevé de récidive pour ce genre de crime. Cela leur semble très perturbant et ce manque d'information les restreint dans l'exécution de leurs fonctions, et c'est la principale raison qui les a menés à venir aujourd'hui.

• 0935

Ils ont appuyé mon projet de loi et, je crois, celui qu'on vous expliquera tout à l'heure, surtout parce que, ensemble, ces projets de loi amélioreront la sécurité du public. C'est ce que dit le communiqué de presse de l'Association des policiers, qui est annexé au document que je vous ai remis, à la page 6.

Sur ce, madame la présidente, je passe à mon résumé.

Essentiellement, ce projet de loi permet aux parents de protéger leurs enfants, dans la mesure du possible, contre la possibilité qu'ils soient confiés, sans qu'ils le sachent, aux mains de personnes ayant commis des infractions sexuelles contre des enfants dans le passé. La divulgation limitée permet à ces contrevenants de refaire leur vie sans que la sécurité des enfants soit menacée. Étant donné que la réhabilitation est accordée presque automatiquement après la période prévue, et compte tenu du taux élevé de récidive pour ce genre de crime sur une longue période, il est tout à fait raisonnable de prendre toutes les précautions possibles.

D'après les dossiers du gouvernement, aussi incomplets soient-ils, on peut estimer qu'environ 7 800 personnes ayant été réhabilitées ont agressé sexuellement des enfants, mais se promènent aujourd'hui en toute liberté dans les rues du Canada—7 800. Je demande au comité de se demander combien d'entre elles occupent actuellement un poste de confiance ou d'autorité à l'égard d'enfants. Combien d'enfants sont en danger?

À l'heure actuelle, les renseignements sur la réhabilitation existent mais ne sont pas accessibles. C'est ce que changerait le projet de loi C-284. En permettant une divulgation limitée, on protégerait nos enfants tout en protégeant la vie privée des délinquants sexuels qui sont véritablement réadaptés.

Je sais que bon nombre d'entre vous sont ici pour servir leur pays et améliorer la qualité de vie des Canadiens. Aujourd'hui, les statistiques du gouvernement nous indiquent que, chaque mois, environ deux enfants—deux enfants par mois—sont agressés sexuellement par des délinquants ayant obtenu la réhabilitation après avoir commis la même infraction, et ce ne sont là que ceux qui ont été pris. Combien d'autres enfants ne pouvons-nous protéger parce que nous n'avons qu'un accès restreint à ces informations?

Le projet de loi C-284 nous permet d'adopter des mesures pour prévenir ces crimes tragiques qui laissent des séquelles pour la vie. Une rare occasion s'offre à vous d'apporter une réelle contribution, ce que bon nombre d'entre vous étaient déterminés à faire lorsque vous êtes venus ici pour servir votre pays. Il est toujours facile de trouver des raisons de rester inactif, de conserver le statu quo, mais au nom des victimes de ce mois-ci, je vous demande d'agir. Voilà pourquoi nous sommes ici. Je vous demande de recommander la troisième lecture et l'adoption du projet de loi C-284 par la Chambre dans les meilleurs délais. En conscience, nous ne pouvons faire moins.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Monsieur Reynolds.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Madame la présidente, j'ai une question relativement au commentaire selon lequel deux personnes par mois sont victimes d'agressions commises par des personnes réhabilitées. Si une personne réhabilitée pose sa candidature pour un emploi au Canada et que sur la demande d'emploi, on lui demande si elle a déjà été condamnée pour un acte criminel, peut-elle répondre «non» si elle a été réhabilitée ou alors, «oui, mais je suis réhabilitée»?

M. Eric Lowther: Je pense que cette décision revient à la personne.

M. John Reynolds: Mais du point de vue légal, que peut-elle dire?

La présidente: Nous poserons la question au ministère.

M. John Reynolds: J'aimerais bien que le gouvernement me renseigne à ce sujet.

Je sais qu'il y a beaucoup d'appuis à ce projet de loi, mais y a-t-il eu de l'opposition, à part celle, que je vois bien, de la part du gouvernement?

M. Eric Lowther: À part les préoccupations du gouvernement, monsieur Reynolds, je n'ai entendu aucune opposition au projet de loi—en fait, je n'ai entendu que des commentaires positifs. Et je crois que les préoccupations du gouvernement au sujet du projet de loi découlent en grande partie du fait qu'on n'a pas bien compris l'aspect limité de la divulgation, prévu dans le projet de loi. C'est pourquoi nous avons présenté une réfutation complète, si je puis dire, à chacune des préoccupations qu'on nous a exprimées au sujet du projet de loi. Nous pensons y avoir répondu rigoureusement.

M. John Reynolds: Bien.

La présidente: Merci.

Monsieur Cadman, avez-vous des questions?

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Non. M. Reynolds a posé celles que j'avais. En fait, je les lui avais données.

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Vous êtes si généreux!

• 0940

M. Eric Lowther: J'aimerais seulement fournir une précision à M. Reynolds. On m'informe qu'après une réhabilitation, on peut légalement affirmer qu'on n'a pas de casier judiciaire.

La présidente: C'est ce que je croyais aussi, mais je le répète, nous vérifierons.

M. John Reynolds: À moins que vous demandiez une carte verte, aux États-Unis; là, ils exigent de savoir. Ils n'acceptent pas un simple non.

La présidente: Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): J'aimerais dire au député que je le félicite pour son projet de loi et qu'il peut compter sur mon appui et sur celui du Bloc québécois pour l'adoption finale de ce projet de loi. Je n'ai pas de questions.

[Traduction]

La présidente: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, madame la présidente.

Je veux vous féliciter, monsieur Lowther, en tant que collègue. Vous avez fait là un excellent travail. Votre exposé était très rigoureux. J'ai une courte question au sujet des statistiques. Je me demande si des études ont été faites et sont disponibles au sujet de la réhabilitation des délinquants sexuels? Dans ces renseignements que vous nous avez remis, il s'agit de réhabilitation en général. Avez-vous des recherches plus précises?

M. Eric Lowther: Oui, nous en avons.

M. Peter MacKay: J'aimerais connaître le nombre annuel de réhabilitations accordées à des délinquants sexuels.

M. Eric Lowther: Oui. Monsieur MacKay, le plus récent rapport était destiné aux ministres fédéral, provinciaux et territoriaux et portait sur les systèmes d'information sur les délinquants sexuels dont les victimes étaient les enfants ou d'autres groupes vulnérables. Je vais vous présenter des chiffres de ce rapport. On y voit très clairement que depuis 1971, 704 infractions de nature sexuelle qu'on a pu retracer ont été commises par des délinquants réhabilités. Je crois que 458 ont été commises contre des enfants par des délinquants qui avaient été réhabilités. Il s'agit des chiffres du gouvernement.

Mais je dois vous signaler qu'il n'y a pas de repérage détaillé des raisons pour lesquelles les réhabilitations ont été accordées. Il est très difficile d'obtenir de l'information sur les types de crime dont les auteurs ont été réhabilités par la Commission des libérations conditionnelles. Il semble qu'une fois qu'on a répondu au critère relatif au temps, la réhabilitation est accordée, puis il n'y a pas de suivi. Il est très difficile d'obtenir une ventilation.

M. Peter MacKay: C'est bien, merci.

Revenons à votre projet de loi. La semaine dernière, le groupe de travail fédéral-provincial-territorial dont vous avez parlé a produit un rapport sur les crimes de nature sexuelle contre des enfants, où l'on recommandait notamment la création d'un registre national indépendant des délinquants sexuels. L'Ontario et la Colombie-Britannique mettent sur pied, au niveau provincial, ce genre de registres.

La création de tels registres représente manifestement des problèmes logistiques, quand on constate que même le CIPC, déjà sur pied, a des défaillances. Nous aurons un jour une banque de données génétiques nationale et un registre des armes à feu qui court à sa perte, mais nous avons manifestement des programmes de registre national. Je me demande comment votre projet de loi s'intégrerait à une mesure semblable au registre national des délinquants sexuels qui s'en prennent aux enfants.

Je dis cela tout en gardant à l'esprit qu'un projet de loi émanant d'un député a été présenté à la dernière législature par l'une de vos anciennes collègues, Jan Brown, et que j'ai moi-même présenté une motion semblable. Je me demande si vous appuieriez ce genre de projet, comme mesure supplémentaire à votre motion.

M. Eric Lowther: Certainement. Le thème et les recommandations du rapport fédéral-provincial-territorial récemment publié sont tout à fait dans l'esprit de mon projet de loi.

J'ajouterai simplement qu'un registre national, en soi, ne donnerait pas la même chose que le projet de loi C-284. L'enregistrement et l'accès au casier judiciaire ne suffisent pas. Ce que je dis, c'est que dans le cas des infractions sexuelles contre des enfants, étant donné le taux de récidive et le traumatisme qui représente une sentence à vie pour l'enfant, nous devons aussi avoir accès au dossier de réhabilitation. Sans les changements proposés dans le projet de loi C-284, nous n'aurons pas accès à ces dossiers, du moins pas d'une manière rapide.

• 0945

Cette mesure doit s'ajouter à la création du registre, puisque sans ces changements, ce serait commettre une infraction à la Loi sur le casier judiciaire et à certaines dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que d'obtenir le dossier de réhabilitation.

M. Peter MacKay: Une dernière question. Pour les besoins du compte rendu, monsieur Lowther: comme vous le savez, le Parti conservateur appuie le projet de loi, mais je vous poserai cette question avant que le parti ministériel ne le fasse. Quelles peuvent en être les incidences sur la réadaptation du contrevenant?

M. Eric Lowther: Il y a une chose importante à se rappeler au sujet du projet de loi, monsieur MacKay. Si quelqu'un pose sa candidature pour un poste où il n'aura pas d'autorité sur des enfants ou qui n'est pas un poste de confiance auprès des enfants, cette information ne sera pas divulguée. S'il s'agit d'un poste de camionneur, de comptable ou tout autre type d'emploi sauf ceux où on a la garde d'enfants, l'information ne sera pas divulguée. Il pourrait poursuivre sa réadaptation, si je puis dire, sans être gêné.

Mais dans le cas de quelqu'un qui a des antécédents, ce projet de loi permet à ceux qui l'embauchent de prendre une décision éclairée. S'ils estiment que la personne est réadaptée, ils peuvent aller de l'avant, où ils peuvent prendre les précautions qu'ils estiment nécessaires pour leur propre organisation. L'important, c'est de leur permettre de prendre une décision éclairée.

Je ne pense pas que cela gênera nécessairement la réadaptation. En fait, tout ce qu'on fera, c'est protéger un peu plus nos enfants tout en donnant aussi plus de tranquillité d'esprit aux parents.

Merci.

M. Peter MacKay: C'est le gros bon sens. Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, madame la présidente.

Il se trouve que je suis contre votre projet de loi et je vais vous dire pourquoi. J'en ai vraiment assez qu'on perde du temps à essayer des solutions de fortune pour ce grave problème. Ce n'est encore qu'une petite solution: on fait un peu de ceci, un peu de cela, on va informer les gens. Je suis fasciné de vous entendre dire qu'un pédophile condamné pourrait se trouver un emploi de camionneur ou de comptable. Allez-vous me dire que les camionneurs et les comptables n'agressent pas les enfants? C'est ridicule.

Cela me fascine qu'on ne déclare pas malades mentaux les pédophiles ou toute autre personne portée à agresser des enfants. Ce sont des malades mentaux, c'est indubitable. Chose intéressante, si vous commettez un meurtre et qu'on vous juge malade mental, vous êtes emprisonné, le temps que le voudra le lieutenant-gouverneur. Mais dans le cas d'un pédophile ou de quelqu'un qui s'en prend aux enfants, nous disons: «Donnons-lui cinq ans pour cette fois». Quand il récidive: «Donnons-lui 10 ans, ça lui servira de leçon». Et ensuite: «Donnons-lui 20 ans, il finira par comprendre».

Ça ne marche pas et nous le savons. Ça ne marche pas. Pourquoi continuons-nous d'essayer de punir ces gens? Ça ne sert à rien.

Vous parlez maintenant de réhabilitation, de libération conditionnelle, de divulgation, etc. Votre déclaration au sujet du camionneur ou du comptable le dit très clairement: «Très bien, il ne peut pas travailler dans une garderie, mais il peut devenir camionneur, ou comptable et le problème sera réglé». Il ne sera pas réglé.

Pourquoi continuons-nous de chercher des solutions de fortune pour ce problème? Pourquoi ne pas traiter cela comme un problème de santé mentale? Ce que nous avons fait jusqu'ici n'a pas fonctionné et ce que vous recommandez, ce n'est encore que quelques solutions de fortune. Je suis désolé, mais je m'oppose à votre projet de loi pour ces raisons. Il faut que l'on voie le problème pour ce qu'il est: c'est un problème de santé mentale.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Avez-vous un commentaire en réponse à cela, monsieur Lowther?

M. Eric Lowther: Certainement.

Je suis d'accord en grande partie avec M. Grose, mais je lui demande de voir la réalité à laquelle nous sommes actuellement confrontés. Dans la réalité, actuellement, ces individus reçoivent régulièrement une réhabilitation de la Commission nationale des libérations conditionnelles et leur dossier est ensuite scellé. Si M. Grose veut proposer au comité et au ministère de la Justice qu'on cesse d'accorder ces réhabilitations, je serai le premier à l'appuyer. Mais ce projet de loi traite de la réalité actuelle. Des réhabilitations sont accordées. Il faut qu'on ait accès aux dossiers de réhabilitation afin de nous protéger contre ces personnes qui nous préoccupent tous deux, M. Grose et moi-même.

M. Ivan Grose: Désolé, je ne suis pas d'accord. Si on crée deux classes de réhabilitation, comment fonctionnera le système de réhabilitation? Où s'arrêter? Au viol? À la pédophilie? Où fixer la limite? Les dossiers sont scellés ou alors, ils ne le sont pas.

• 0950

À quoi sert le système de réhabilitation? Je veux que tout cela sorte du système judiciaire, parce qu'on ne fait que tenter de petites réparations de fortune.

M. Eric Lowther: Je suis d'accord avec ce que vous avez dit, mais je vous demande s'il convient de ne rien faire plutôt que d'apporter des améliorations progressives. Pourquoi ne pas apporter de petites améliorations maintenant, tout en envisageant des changements plus globaux pour l'ensemble du système? Parce que...

M. Ivan Grose: J'aime bien cette expression: «améliorations progressives».

La présidente: Laissez-le terminer, s'il vous plaît.

M. Ivan Grose: Excusez-moi.

M. Eric Lowther: Je vous dirais que plutôt que de ne rien faire et d'être frustrés par toute cette situation, il est préférable d'apporter progressivement des changements maintenant.

M. Ivan Grose: Je n'ai pas recommandé de ne rien faire. J'ai dit: «Pourquoi ne pas changer l'ensemble du système?» Ce sont ces petits traficotages que je n'aime pas. Il faut tout changer. Et je m'étonne que vous ne proposiez pas aujourd'hui de changer l'ensemble du système, de manière à supprimer de la circulation ces gens-là, non pas pour une courte période, non pas qu'ils aient un casier accessible quelque part et non pas qu'ils puissent devenir comptables ou camionneurs. Il faut changer l'ensemble du système.

M. Eric Lowther: Je suis d'accord.

M. Ivan Grose: Merci.

La présidente: Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci à vous, monsieur Lowther.

Je suis d'accord dans une large mesure avec M. Grose. Nous traitons d'un problème qu'on devrait plutôt confier au système de santé mentale.

J'ai certaines objections avec de nombreuses prémisses de ces projets de loi émanant des députés, par exemple, que notre système de justice pénale ne fonctionne pas. Mais dans ce cas particulier, je dois bien convenir, puisque je suis au courant de nombreux travaux qui se font dans le domaine de la santé mentale auprès des délinquants sexuels, et du fait qu'on ne trouve pas de thérapie convenable... Les taux de récidive dont vous avez parlé au comité sont très importants pour l'ensemble de la discussion.

Même si je suis d'accord avec M. Grose pour dire qu'il nous faut changer l'ensemble du système voilà un cas où je ferai bon accueil à tout ce qu'on dira à ce sujet, pour des raisons de sécurité publique, d'ici à ce que les choses changent. J'ai hâte d'entendre d'autres témoins sur le sujet, d'obtenir des statistiques et de voir ce qu'on pourra faire.

Je vous remercie pour votre exposé.

M. Eric Lowther: Merci.

La présidente: Merci, monsieur DeVillers.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): J'aimerais revenir à la motion, madame la présidente. Je veux qu'il soit clair que même s'il n'y a pas eu consentement unanime pour la comparution de cinq minutes de ces quatre groupes, ils ont tous déjà comparu devant le comité à maintes reprises et connaissent nos procédures. S'ils ont des mémoires qu'ils peuvent nous laisser, j'aimerais les lire et nous pourrons les rappeler plus tard. J'aimerais certainement les entendre tous.

J'ai une question pour M. Lowther. Qu'est-ce qu'un poste de confiance et qui en décidera?

M. Eric Lowther: La position de confiance est celle de quelqu'un qui a la charge d'enfants ou qui a leur confiance. La personne qui en décidera, comme on le dit dans le projet de loi, est l'organisation responsable de ces postes. Il peut s'agir d'un poste au sein d'une organisation bénévole ou d'un poste d'enseignant. Pour citer le projet de loi:

    Cette personne est en charge d'un particulier, d'un organisme ou d'un groupe responsable du bien-être d'un ou de plusieurs enfants ou représente un tel particulier, organisme ou groupe;

Il s'agit de postes où l'on est responsable du bien-être d'un ou de plusieurs enfants. Dans ce contexte, ces personnes pourront faire une demande, pour savoir s'il y a un dossier de réhabilitation et quels en sont les détails.

M. John Maloney: Par conséquent, si je voulais embaucher quelqu'un pour prendre soin de mes deux enfants à la maison, pendant que ma femme et moi-même sommes au travail, je pourrais avoir accès au dossier?

M. Eric Lowther: Oui.

M. John Maloney: Pourriez-vous m'expliquer le processus d'octroi de réhabilitation pour un délinquant sexuel? S'agit-il simplement de délai à respecter; y a-t-il une enquête approfondie ou rudimentaire? Pourriez-vous me l'expliquer?

M. Eric Lowther: Que je sache, la police fait enquête avant qu'un pardon soit accordé. L'enquête vise à s'assurer qu'il n'y a pas eu d'autres accusations et que rien ne prouve qu'il y a eu d'autres activités criminelles. Il y a donc une enquête.

• 0955

J'aimerais aussi toutefois signaler que le nombre de réhabilitations refusées représente environ 1 p. 100 de l'ensemble des demandes. La très, très grande majorité des réhabilitations demandées sont accordées. Il y en a de 15 000 à 20 000 par an, parfois plus de 20 000. En gros, la réhabilitation est automatiquement accordée, à condition que trois ans, ou cinq ans, se soient écoulés après que la peine est purgée. C'est automatique.

M. John Maloney: Et c'est la même chose pour les délinquants sexuels?

M. Eric Lowther: Ils ne sont pas traités autrement.

M. John Maloney: Aucune évaluation psychologique n'est nécessaire, ni rien de ce genre?

M. Eric Lowther: Ils doivent avoir une bonne conduite, mais ce critère de bonne conduite s'applique à tous les délinquants réhabilités, que ce soit après un crime contre des biens ou une infraction de nature sexuelle. Ils sont tous traités de la même façon. La réhabilitation est accordée.

M. John Maloney: Et si je donne un pseudonyme? Et si je n'utilise pas le nom sous lequel j'ai été condamné? Comment pourrez-vous m'attraper?

M. Eric Lowther: Nous avons le même problème, de nos jours, pour les casiers judiciaires, n'est-ce pas? Nous pouvons vérifier la date de naissance grâce à un certificat de naissance, et en utilisant une photo d'identité, et il y a aussi, bien entendu, les empreintes digitales, qui font aussi partie du casier judiciaire. Ces renseignements sont conservés aussi dans le CIPC, mais après une réhabilitation, comme je l'ai déjà dit, ils sont scellés et gardés à part. L'information existe, on peut faire un appariement mais en ce moment, on n'y a pas accès.

M. John Maloney: Voulez-vous dire que lorsqu'ils présentent leur candidature, les gens donnent aussi leurs empreintes digitales?

M. Eric Lowther: Ça arrive, de nos jours. Si on le veut, on peut retrouver un casier judiciaire à partir des empreintes digitales, sur demande.

M. John Maloney: Sur demande de qui?

M. Eric Lowther: De celui qui embauche.

M. John Maloney: C'était ma dernière question, madame la présidente.

La présidente: John McKay, puis Jacques Saada.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Tout d'abord, madame la présidente, je tiens à féliciter M. Lowther pour un exposé très rigoureux et pour tous ses efforts. Nous avons une bonne idée de comment on arrive à ce résultat.

J'ai une question assez simple: Pour les besoins de ce projet de loi, qu'est-ce qu'un «enfant»?

M. Eric Lowther: Je dirais que la définition de l'enfant doit être conforme à celle qu'on trouve dans toutes les autres lois canadiennes.

M. John McKay: Eh bien, dans le Code criminel, un enfant peut vouloir dire n'importe quoi. Il me semble que lorsqu'on parle d'une question aussi grave que la réhabilitation, il faudrait être très précis et savoir si l'on parle de quelqu'un de 14 ans, de 16 ans, de 18 ans ou d'autre chose. Par curiosité, j'aimerais savoir ce qui à vos yeux constitue «un enfant» pour les besoins de ce projet de loi.

M. Eric Lowther: Je me reporterais aux autres lois qui définissent ce qu'est un enfant, mais personnellement, je dirais que c'est quelqu'un de 16 ans ou moins.

M. John McKay: Avez-vous songé aux incidences de votre projet de loi par rapport à la Loi sur les jeunes contrevenants?

M. Eric Lowther: Je vous avoue que non. Le principal objet de ce projet de loi, comme je le disais, c'est de permettre à ceux qui embauchent des gens ou qui les mettent dans des postes de confiance à l'égard d'enfants de pouvoir se renseigner sur le passé criminel de quelqu'un, y compris sur les infractions ayant fait l'objet d'une réhabilitation, particulièrement s'il s'agit d'infractions de nature sexuelle contre des enfants. La finalité de ce projet de loi est de nature préventive, pour protéger ces enfants. Son intégration à la Loi sur les jeunes contrevenants n'a pas été prioritaire du tout.

M. John McKay: Même si à ce moment-ci, nous envoyons à la cour des adultes des personnes accusées de ce type d'infractions? Il faut simplement rappeler qu'il y a beaucoup de—comment dire?—d'activités sexuelles chez les jeunes de cet âge.

À votre avis, qu'est-ce que «une personne dans un poste de confiance ou d'autorité»? Si je fais partie d'un conseil scolaire et que je cherche à savoir si un enseignant a un casier judiciaire, c'est assez évident. Mais s'il s'agit d'un concierge, est-ce aussi évident? Comment restreindre la définition?

• 1000

Dans le projet de loi, vous dites «le ministre est tenu». En disant cela, vous éliminez toute discrétion. Ce faisant, vous devez être très précis quant à ce que vous voulez dire. Comment pourrons-nous définir ce poste de confiance ou d'autorité à l'égard d'un enfant?

M. Eric Lowther: Bon nombre d'agences font déjà ce genre de vérification. Par exemple, je sais que des garderies albertaines vérifient le casier judiciaire des candidats qu'elles embauchent. Vous donnez l'exemple d'un concierge, en demandant si l'on devrait faire des vérifications sur son compte. Je dirais probablement pas, puisqu'il n'est pas dans un poste d'autorité ou de confiance et qu'il n'a pas la charge d'un enfant contrairement à un enseignant.

Mais cela ne devrait pas empêcher un établissement de pouvoir prétendre que des vérifications doivent être faites pour ce poste aussi, afin de rassurer les parents qui lui confient leurs enfants, de même que le personnel, l'administration, etc. Il faut pouvoir garantir qu'on a fait tout ce qui était possible pour éviter des risques pour les enfants. Je dirais que pour ce poste, l'établissement peut prétendre vouloir avoir accès à ces renseignements pour rassurer les parents et l'administration de l'école quant au fait que cette précaution a été prise.

M. John McKay: Il pourrait donc y avoir beaucoup de variations, d'un bout à l'autre du pays, quant aux établissements qui prétendraient pouvoir faire cette demande, et ceux qui ne le feront pas?

M. Eric Lowther: Tout dépend de la façon dont le ministre appliquera cette partie de la loi. Tout dépend de la façon dont le ministre...

D'après le libellé que j'ai proposé, le projet de loi dit clairement:

    le ministre a reçu l'engagement écrit qu'il exige, en la forme prescrite par lui, de la personne, du particulier, de l'organisme ou du groupe...

Le ministre a donc toute latitude pour déterminer quel est le genre de demande qu'on lui présente et si elle répond aux critères de son ministère.

Comme je l'ai dit en terminant mon exposé, ce qui me préoccupe, c'est qu'on peut trouver toutes sortes de bonnes raisons de ne pas agir. J'exhorte le comité à trouver toutes les raisons possibles d'agir.

La présidente: Je dois vous interrompre, parce que M. Saada a une question et que la salle doit être libérée pour un autre groupe à 11 heures.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci, madame la présidente. Vous avez bien dit que je pouvais poser une question? J'ai bien compris? Une seule?

Merci, monsieur Lowther, de votre préoccupation quant à la protection des enfants. Je suis convaincu que vous savez comme nous que ce n'est pas une question de politique partisane, mais plutôt d'une question de méthode pour arriver à un but commun, qui est la sécurité des enfants.

En tout respect, je dois vous dire que j'ai beaucoup de réserves quant à un commentaire que vous avez fait à deux reprises. À deux reprises, vous avez laissé entendre en substance que nous avions un choix: soit que nous adoptions le projet de loi 284, soit que nous ne faisions rien. Je me permettrai de vous souligner que ce n'est pas tout à fait le reflet de la réalité.

D'abord, comme vous le savez, le 29 ou le 30 octobre, il y a eu une réunion des ministres de la Justice fédéral, provinciaux et territoriaux, lors de laquelle ils ont examiné et adopté un rapport en 10 points. L'une de leurs recommandations traite précisément de l'objet que vous poursuivez.

• 1005

Je tenais à corriger les choses parce que je n'accepte pas qu'on dise qu'à défaut d'accepter votre projet de loi, il ne se passera rien. Ce n'est pas tout à fait correct.

Maintenant,

[Traduction]

J'ai une ou deux questions. Tout d'abord, le projet de loi C-284 obligerait le solliciteur général à enlever les sceaux ou divulguer des casiers judiciaires. Avez-vous des raisons de croire que la discrétion dont jouit actuellement le solliciteur général n'a pas été utilisée à bon escient?

M. Eric Lowther: Eh bien, on n'en a pas nécessairement abusé, mais on n'en a tout simplement pas suffisamment usé. Les gens n'étaient tout simplement pas au courant des possibilités de demandes actuelles auprès du solliciteur général et cette discrétion n'a pas été utilisée pour toutes sortes de raisons.

J'aimerais revenir à vos commentaires sur le groupe de travail fédéral-provincial-territorial. C'est intéressant et vous avez raison: le rapport appuie en bonne partie ce projet de loi. Mais pour commencer, les recommandations du groupe de travail n'ont pas été mises en oeuvre. Ensuite, même si elles l'étaient, on n'aurait tout de même pas accès aux dossiers de réhabilitation. Je ne pense donc pas que ça va suffisamment loin.

Le président: Merci, monsieur Saada. Nous devons maintenant passer à un autre projet de loi d'initiative parlementaire.

Monsieur Cadman, vous vouliez encore dire quelque chose.

M. Chuck Cadman: Une courte question, monsieur Lowther, dans la même veine que M. McKay. À votre avis, si on a scellé le casier judiciaire d'une personne condamnée pour une infraction de nature sexuelle contre un enfant alors qu'elle était un jeune contrevenant, devrait-on dans ce cas-là aussi lever les scellés?

M. Eric Lowther: Certainement.

La présidente: Merci.

Monsieur Lowther, merci. Vous pouvez voir que ces questions ont aidé les membres à se concentrer sur certains aspects de votre projet de loi et vous voudrez peut-être voir ce qu'ils ont à dire là-dessus, pour trouver une façon de répondre à leurs préoccupations aussi. Ça contribue au processus.

Nous allons maintenant suspendre les travaux quelques instants, avant de recevoir notre prochain témoin, Mme Guarnieri. N'oubliez pas qu'un autre groupe vient ici à 11 heures; ne prenez pas plus d'une minute.

• 1007




• 1009

La présidente: Nous reprenons nos travaux. C'est aussi difficile que de rassembler des chats. Bien.

Vous ne vouliez pas vous asseoir, le menton sur la table?

Des voix: Oh, oh!

Une voix: Il faut des chaises hautes pour les petites personnes.

La présidente: Beaucoup d'entre nous ici le savent.

• 1010

En commençant, ce matin—vous n'étiez pas encore arrivée—, nous avons décidé que nous écouterions aujourd'hui les députés et non des témoins. C'est notre procédure.

Nous voudrions donc vous entendre. Vous avez vu comment cela se passe.

Nos collègues vous poseront des questions. Ces questions sont destinées à nous concentrer sur les aspects pouvant nous aider dans la sélection des témoins ainsi qu'à vous permettre de prendre connaissance des préoccupations du comité.

Je vous demanderais donc de bien vouloir commencer.

Je demanderais également au cameraman de bien vouloir sortir.

[Français]

Mme Albina Guarnieri (députée de Mississauga-Est, Lib.): Merci, madame la présidente. J'aimerais d'abord remercier les membres du comité d'être venus ici aujourd'hui. Je sais bien que certains de vous sont restés éveillés très tard hier soir pour connaître les résultats de l'élection au Québec. Je vous remercie de l'effort que vous avez fait pour être ici présents ce matin.

J'aimerais particulièrement remercier les députés qui ont collaboré à la réalisation de ce projet si important.

[Traduction]

Je suis venue ici aujourd'hui pour réclamer un examen en bonne et due forme d'une manipulation perverse de la justice qui se produit sans consultation publique et sans l'appui des Canadiens. Les peines concurrentes constituent une mutation de la justice qui a donné lieu à des peines qui ne reflètent d'aucune façon la gravité des crimes commis et bien souvent ne tient absolument aucun compte de l'impact d'un prédateur sur la deuxième, troisième ou onzième victime.

Les Canadiens n'ont jamais voté pour les peines concurrentes. On ne leur a jamais demandé si leur identité, leur identité canadienne, était fonction d'un système de détermination de la peine plus laxiste, entre autres à l'égard des violeurs et des meurtriers. Les peines concurrentes vont à l'encontre de la notion fondamentale de justice.

Le fait est que les Canadiens estiment que chaque meurtre ou agression sexuelle, chaque victime doivent être comptabilisés dans le calcul de la peine. C'est pourquoi 90 p. 100 des Canadiens sont partisans de modifier la loi pour s'assurer que les personnes reconnues coupables de plusieurs meurtres ou agressions sexuelles purgent des peines consécutives pour chaque infraction.

C'est ce qu'a indiqué un sondage national effectué par POLLARA le mois dernier. Ce sondage a également permis de constater qu'à peine 8 p. 100 des Canadiens sont favorables au statu quo.

Je sais pertinemment que l'objet de mon projet de loi d'initiative parlementaire recueille l'appui d'une grande majorité de mes électeurs, et des vôtres. Ce projet de loi corrigera une lacune du système de justice qui permet aux prédateurs d'éviter les conséquences proportionnelles et justes de la perpétration de crimes graves contre plusieurs victimes. Il permettra également de prévenir toute autre victimisation de la société de la part de ceux qui ont démontré, au-delà de tout doute raisonnable, qu'ils sont susceptibles de commettre un crime violent à l'avenir.

Comme le juge MacKeigan l'a déclaré dans une décision rendue par la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse en 1975:

    Une peine dite concurrente n'impose pas à la personne reconnue coupable une période d'emprisonnement quelconque étant donné qu'elle ne l'oblige pas à purger un seul jour d'emprisonnement. Une personne ne peut pas purger une peine en prison deux fois la même journée pas plus qu'elle ne peut être pendue deux fois. Un juge qui impose une peine concurrente ne s'acquitte pas de son devoir.

Je ne demande pas que l'on augmente les peines, peu importe le crime, mais simplement que l'on exige que les peines pour meurtre et agression sexuelle tiennent pleinement compte de la gravité du crime. Parallèlement, je prévois qu'en mettant fin aux peines concurrentes, nous réduirons l'injustice et l'inhumanité dont souffrent les familles de victimes, nous rétablirons le principe des peines réelles et nous limiterons le nombre de vies qui sont mises en péril lorsque l'on suppose qu'un meurtrier multiple ou un prédateur en série ne récidivera pas.

Au cours des années où je me suis occupée de cette question, j'ai—malheureusement—reçu la visite de trop de victimes de l'imposition de peines concurrentes. Certaines avaient perdu des enfants, certaines des parents, certaines des conjoints—elles avaient toutes perdu confiance dans les tribunaux, perdu confiance dans les commissions de libération conditionnelle et surtout, perdu confiance dans le Parlement.

Elles ont toutes participé à des procès où l'objectif premier de la défense était de les ébranler, de les humilier, de les éreinter, pour tâcher de réduire le nombre de chefs d'accusation, ou peut-être d'obtenir une négociation de plaidoyer.

• 1015

Des survivants ont subi des mois, voire des années de procès uniquement pour constater que le prédateur reconnu coupable du meurtre de leur enfant, de leur conjoint ou d'un parent ne purgerait pas un seul jour de prison pour ce crime.

À l'heure actuelle, les peines concurrentes s'appliquent toujours en cas de meurtre. Les juges n'ont aucune marge de manoeuvre. Chaque jour, c'est la peine la plus faible qui fait loi. Les victimes se présentent devant les tribunaux en croyant naïvement que justice sera faite, mais constatent au bout du compte que la tragédie de leur famille n'a pratiquement aucun poids dans la détermination de la peine, ce qui m'amène à dire que le calcul de la peine ne traduit toujours pas fidèlement la gravité des crimes commis.

Pour moi, le moment le plus alarmant dans le procès Olson s'est produit lorsque Olson a lu à haute voix une lettre de son avocat lui conseillant d'avouer d'un seul coup tous les meurtres qu'il avait commis. Ainsi, indiquait l'avocat, Olson pourrait pleinement profiter du système de peines concurrentes.

Olson a nargué le tribunal en leur disant: «Ils ne peuvent rien faire. Ils ne peuvent que me donner une peine concurrente».

Simplement pour vous donner une petite idée des autres conseils émanant du membre estimé du barreau représentant Olson, Olson a cité une lettre de son avocat qui disait:

    Préparer un plan qui consistera d'abord à faire en sorte que vous êtes complètement protégé des agissements de la part de policiers boy-scouts trop zélés.

Pas plus tard que la semaine dernière, le système d'imposition de peines concurrentes a encore frappé ici à Ottawa. Theresa McCuaig, qui est ici aujourd'hui, a vu les tribunaux réduits à l'impuissance par le système d'imposition de peines concurrentes dans une série de crimes incluant la torture et le meurtre de son petit-enfant, l'agression sexuelle d'une autre victime à l'aide d'un fer à friser, qui l'a marquée pour la vie, sans mentionner la tentative de meurtre d'une troisième victime, l'enlèvement, la séquestration et d'autres chefs d'accusation.

Le juge a condamné les accusés en question à l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans pour le meurtre, et 73 ans pour les autres infractions. Cette peine concurrente n'a été imposée que pour l'effet et n'influera bien sûr d'aucune façon sur le nombre d'années après lesquelles ces prédateurs seront admissibles à la libération conditionnelle.

Tel est le système actuel de ces peines à rabais, le même système qui n'a pas tenu compte de la gravité du meurtre de Kristen French et des 14 victimes de viol de Paul Bernardo, du meurtre de la mère de Don Edwards et de l'agression de sa soeur; et, bien entendu, des 10 dernières victimes de Clifford Olson. Et la situation est la même pour littéralement des centaines d'autres victimes de meurtriers récidivistes et des milliers de victimes de violeurs récidivistes.

L'objet du projet de loi C-251 est de faire en sorte que chaque crime grave de meurtre et d'agression sexuelle soit reconnu comme tel par le système judiciaire, en application du principe selon lequel la loi et la règle de droit doivent assurer une protection égale à chacun. Si, par le biais de l'imposition de peines concurrentes, on ne tient aucun compte des autres victimes qui suivent la première victime d'un violeur ou d'un meurtrier, ce principe est bafoué.

L'objet de mon projet de loi est d'exiger que chaque infraction à la loi ait une conséquence. Des périodes consécutives de non-admissibilité à la libération conditionnelle dans le cas de meurtres multiples au premier et au second degré et une peine consécutive pour chaque acte d'agression sexuelle favoriseraient une justice proportionnelle qui correspond davantage au système juste et équilibré que réclament les Canadiens.

Le présent gouvernement a effectivement reconnu la distinction qui doit être faite entre l'auteur d'un seul crime et le meurtrier récidiviste lorsqu'il a modifié l'article 745 de manière à empêcher de futurs meurtriers récidivistes de demander une révision judiciaire après 15 ans.

Vous vous souviendrez qu'en 1996, lorsque Allan Rock était ministre de la Justice, il avait déclaré au présent comité de la justice:

    Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il est difficile de reconnaître la différence qui existe entre une infraction unique et une infraction multiple... Quant à savoir si j'appuierais des peines consécutives pour meurtre, cela est fort possible.

Il a poursuivi en disant qu'il ne prévoyait pas présenter de loi à cet égard mais qu'il laisserait cela au prochain ministre de la Justice.

Le présent gouvernement a également appuyé l'imposition de peines consécutives dans le Code criminel. Le projet de loi C-68 a remis en vigueur l'article 85 du Code criminel qui impose des peines consécutives pour l'utilisation d'une arme à feu dans certains actes criminels. Des peines consécutives ont été prévues par l'article 85 pour s'assurer que les peines minimales supplémentaires seraient effectives et ne seraient pas balayées par une peine concurrente.

• 1020

Les dispositions de l'article 85 sont restées substantiellement les mêmes depuis 1978. Elles ont été contestées en fonction de la Charte et maintenues par la Cour suprême.

Nous disposons déjà de l'appui du gouvernement pour l'imposition de peines consécutives dans le cas d'infractions comportant l'usage d'une arme à feu. Il a également reconnu qu'il faut faire une distinction au niveau de la non-admissibilité à la libération conditionnelle dans le cas d'auteurs d'un seul crime et d'auteurs de plusieurs crimes. Donc, comment peut-on justifier l'imposition de peines concurrentes pour des meurtriers et des prédateurs sexuels récidivistes? Comment les lois du Canada peuvent-elles être si laxistes et généreuses envers un être aussi ignoble que Clifford Olson tout en étant aussi oublieuses du sort tragique de ses victimes? Pourquoi les actes les plus brutaux de violence à l'endroit des femmes et des enfants devraient-ils n'avoir aucune pertinence simplement parce que seule la première victime a été prise en compte?

Cette semaine marque l'anniversaire du massacre à l'École polytechnique, et pendant que nous portons tous des rubans pour appuyer la fin de la violence faite aux femmes, il vous intéressera peut-être de connaître l'opinion des femmes à propos des peines concurrentes.

Dans le sondage effectué par POLLARA, 92 p. 100 des femmes appuient l'imposition de peines consécutives en cas de viol. Seulement 5 p. 100 d'entre elles appuient la loi actuelle.

Le Comité canadien d'action sur le statut de la femme et REAL Women appuient mon projet de loi. Vous avez des copies de leurs lettres.

Ce ne devrait être une surprise pour personne que les femmes appuient sans réserve l'imposition de peines consécutives pour les violeurs et les meurtriers, parce que la grande majorité des victimes de ces prédateurs sont des femmes et des enfants. Il est donc inutile de prétendre que nos efforts en vue de réduire la violence faite aux femmes peuvent être pris au sérieux lorsque nous continuons à faire preuve de laxisme à l'endroit des prédateurs qui victimisent, violent et tuent de femmes à grande échelle.

À la voix des femmes s'ajoutent celles des personnes qui constatent de première main les torts causés par les prédateurs actuellement protégés de la justice. Ces personnes sont ici aujourd'hui pour vous faire part des tragédies et des dangers causés par notre lenteur à intervenir. Elles représentent ceux qui connaissent le mieux ce genre de prédateurs, leur impact, la menace qu'ils représentent et la façon dont leur défense contribue à victimiser une fois de plus les Canadiens.

Je suis sûre que si le comité étudie attentivement les faits, il ne peut en tirer qu'une seule conclusion—à savoir que des peines concurrentes pour les violeurs et les meurtriers dupent le public, victimisent à nouveau les familles des disparus, font courir des risques inutiles aux collectivités et bafouent la justice fondamentale et la règle de droit.

Benjamin Disraeli a déclaré que la justice est la vérité à l'oeuvre. Je demande que le comité appuie les mesures destinées à rétablir la vérité dans le système de justice canadien.

J'aimerais maintenant présenter un associé estimé de Fraser Milner, Gerald Chipeur, un avocat spécialisé en droit constitutionnel qui a acquis une vaste expérience à la Cour suprême du Canada et dans les tribunaux d'appel au Canada. Il est un ancien président de la section du droit constitutionnel de l'Association du Barreau canadien, et il fait partie du Groupe de travail constitutionnel sur l'avenir du Canada de l'Association du Barreau canadien. Il est à l'heure actuelle conseiller auprès du Comité provincial de l'Alberta sur le droit de vote des détenus, qui a récemment recommandé d'interdire aux détenus de voter dans son rapport intitulé, Promoting Responsible Citizenship.

J'aimerais l'inviter à faire quelques brefs commentaires.

La présidente: Madame Guarnieri, vous ne m'avez pas informée que vous alliez convoquer un témoin.

Mme Albina Guarnieri: En fait, madame la présidente, j'en ai informé votre greffier, et il m'a assurée qu'il n'y avait aucun problème.

La présidente: Êtes-vous tous d'accord pour que nous entendions le témoin maintenant?

Des voix: Non.

La présidente: Très bien. Des questions?

Mme Albina Guarnieri: Madame la présidente, avant de passer aux questions, j'aimerais terminer par quelques commentaires.

La présidente: Très bien.

Mme Albina Guarnieri: J'aimerais présenter certaines des personnes qui travaillent depuis des années pour amener les prédateurs devant les tribunaux.

Nous avons aujourd'hui avec nous, pour appuyer mon projet de loi, de l'Association canadienne des chefs de police, le chef Julian Fantino, des Services policiers régionaux de York.

• 1025

Vous vous souviendrez sans doute du project Guardian, qui a mis au jour et poursuivi un énorme réseau de prédateurs à London responsables d'avoir victimisé littéralement des centaines d'enfants.

Nous avons aujourd'hui dans l'auditoire le président de l'Association canadienne des policiers, Grant Obst, accompagné de son conseil d'administration, qui représente des hommes et des femmes qui savent—malheureusement trop bien—l'impact des prédateurs qui rôdent dans les rues.

Nous avons également avec nous Vince Murray, qui représente les gardiens de prison de l'Ontario qui risquent leur vie chaque jour pour contrôler les prédateurs sous garde dans la province de l'Ontario; et Steve Sullivan qui dirige le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, qui est en grande partie responsable de la promotion des droits des victimes dans ce pays.

J'aimerais demander à Scott Newark, conseiller juridique auprès du procureur général de l'Ontario, de présenter au comité une lettre du procureur général et du solliciteur général de l'Ontario appuyant conjointement l'abolition des peines concurrentes dans les cas de viol et de meurtre.

Avec votre indulgence, j'aimerais l'inviter à la table.

La présidente: Nous nous sommes déjà prononcés à ce sujet. Si nous voulons inviter d'autres témoins à prendre la parole, il faudra qu'il y ait consentement unanime. Tout document peut être, comme vous le savez bien, transmis au comité et déposé.

M. Peter MacKay: Madame la présidente, je propose d'obtenir le consentement unanime pour que M. Newark lise cette lettre pour le compte rendu.

La présidente: Y a-t-il consentement unanime?

Une voix: Non.

La présidente: Il n'y a pas consentement unanime.

M. Peter MacKay: Je n'en reviens absolument pas.

Mme Albina Guarnieri: Madame la présidente, j'aimerais lire la lettre pour le compte rendu, s'il vous plaît.

La lettre dit ceci:

    Madame Guarnieri:

    La présente confirme que le gouvernement de l'Ontario appuie les principes des peines consécutives dans le cas des délinquants sexuels et des meurtriers récidivistes, tels que définis dans votre projet de loi d'initiative parlementaire dont, d'après ce que nous croyons savoir, se trouve saisi le Comité de la justice de la Chambre des communes. Nous espérons que le Comité, dans le cadre de son mandat, définira la meilleure façon de procéder pour les mettre en oeuvre et tiendra des audiences en bonne et due forme sur les questions d'une importance capitale soulevées par votre projet de loi.

    Compte tenu de la compétence fédérale exclusive en matière de détermination de la peine en général et de non-admissibilité à la libération conditionnelle des meurtriers, des initiatives telles que la vôtre sont absolument essentielles pour s'assurer que les victimes obtiennent justice et pour favoriser la confiance du public dans le système judiciaire. Le gouvernement de l'Ontario est également convaincu que l'imposition de peines consécutives pour les délinquants sexuels récidivistes et le fait de permettre des périodes consécutives de non-admissibilité à la libération conditionnelle dans le cas des meurtriers récidivistes amélioreront la sécurité de tous les Canadiens. De plus, ces mesures contribueront à rétablir la confiance du public en ce qui concerne les aspects du système judiciaire qui se rapportent à l'imposition de la peine et à la libération conditionnelle en éliminant une grande partie des méthodes contradictoires et compliquées en vigueur dans l'administration des peines pour ces types de crimes. Toute modification qui favorise des peines plus justes et des périodes plus appropriées de non-admissibilité à la libération conditionnelle pour de tels contrevenants sera bien accueillie. C'est pourquoi nous sommes heureux d'appuyer les principes exprimés dans le projet de loi C-251. Nous espérons que ce projet de loi fera l'objet d'audiences en bonne et due forme que nous suivrons avec le plus grand intérêt.

Cette lettre est signée par Charles Harnick, procureur général de l'Ontario, et Robert Runciman, solliciteur général de l'Ontario.

Madame la présidente, voici d'autres personnes qui appuient mon projet de loi et qui sont présentes ici: Vince Murray, président de la Canadian Peace Officers Memorial Association; Ronny Moran, président du Syndicat canadien des employés des douanes et accises; Len Hupet, président du secteur correctionnel du Syndicat des employés et des employées de la fonction publique de l'Ontario; Theresa McCuaig, grand-mère de Sylvain Leduc; Marie Bean, représentante du Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public; des représentantes de REAL Women of Canada; et Gary Rosenfeldt, directeur de Victimes de violence.

Je pourrais peut-être déposer la liste des témoins.

La présidente: Vous avez une liste des témoins?

Mme Albina Guarnieri: Oui. Le greffier m'a demandé de la lui remettre aujourd'hui. Je réponds simplement à sa demande.

Elle s'accompagne de lettres d'appui de Canadiens d'un océan à l'autre.

La présidente: Si vous voulez bien les remettre au greffier, nous les ferons traduire et distribuer.

Monsieur Reynolds—ou monsieur Cadman.

M. John Reynolds: M. Cadman sera notre premier intervenant car nous avons hâte d'arriver à M. Grose et d'apprendre pourquoi il n'aime pas ce projet de loi.

M. Chuck Cadman: Je vous remercie, madame la présidente.

Je tiens à remercier Mme Guarnieri pour son exposé qui était très complet.

• 1030

J'ai quelques brèves questions. Tout d'abord, je me demande pourquoi vous avez limité ces dispositions aux cas de meurtre et d'agression sexuelle. À votre avis, ces dispositions devraient-elles s'appliquer à d'autres types d'infractions—par exemple aux voies de fait graves, aux tentatives de meurtre? Je pense qu'il y a un certain nombre de crimes graves dont nous devrions tenir compte. J'aimerais savoir pourquoi vous avez limité ces dispositions au meurtre et à l'agression sexuelle.

Mme Albina Guarnieri: Comme vous le savez, chaque fois qu'un simple député veut présenter un projet de loi d'initiative parlementaire, il est à la merci des rédacteurs du projet de loi. Donc dans la grande sagesse du rédacteur de ce projet de loi—qui d'ailleurs ne travaille plus sur la Colline—, il a considéré que le projet de loi reflétait de façon satisfaisante l'intention des principes que je viens de communiquer au comité.

Si vous pensez qu'il y aura lieu d'étoffer mon projet de loi, n'hésitez surtout pas car j'accueillerai avec plaisir tout amendement qui renforcera l'objet de mon projet de loi.

M. Chuck Cadman: Très bien.

Pour continuer dans la même veine, pourquoi ces dispositions ont-elles été limitées à l'article 271, qui traite essentiellement d'agression sexuelle, et n'englobent-elles pas l'article 272, à savoir l'agression sexuelle armée?

Mme Albina Guarnieri: Comme je l'ai dit plus tôt, je suis ouverte aux suggestions. S'il y a des moyens de renforcer l'objet de mon projet de loi, j'y suis tout à fait favorable.

J'ai été informée par le conseiller juridique à l'époque que le viol et les crimes graves sont visés par l'expression «agression sexuelle», donc s'il y a d'autres dispositions du Code qui devraient être visées par ce projet de loi, je n'y ai aucune objection.

M. Chuck Cadman: Je tenais simplement à préciser que l'article 272 devrait s'appliquer ici aussi.

Mme Albina Guarnieri: Je vous remercie, c'est une suggestion utile.

M. Chuck Cadman: Je vous remercie, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Gouk.

M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Je veux simplement déclarer mon appui à votre exposé car je n'arrive pas à imaginer que quiconque veuille libérer l'auteur d'une deuxième agression sexuelle ou d'un deuxième meurtre.

Mme Albina Guarnieri: Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie. Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Puisque nous avons adopté il y a quelques années la notion de criminel dangereux, qui s'applique dans les cas dont vous parliez, notamment à Clifford Olson et à ceux qui ont commis des meurtres à répétition, croyez-vous que les modifications que vous voulez apporter soient justifiées? Qu'est-ce que l'adoption de votre projet de loi nous donnerait de plus?

Mme Albina Guarnieri: Je crois que nous devons avoir la certitude que ceux qui commettent des crimes assez graves, qui violent et qui tuent, purgent leur peine. À mon avis, la loi dont vous venez de parler laisse trop de latitude à l'individu qui doit prendre la décision de relâcher ou non un criminel. Je crois comprendre qu'on révise les cas à tous les trois ans. Selon moi, quiconque commet un crime doit purger sa peine. C'est là le principe qui guide projet de loi.

M. Michel Bellehumeur: Qu'est-ce que cela donne de plus si l'individu est déjà reconnu comme étant criminel dangereux? L'exemple le plus connu est probablement celui de Bernardo, qui est condamné à 150 ans de prison.

Mme Albina Guarnieri: Cela nous donnerait la certitude que les victimes peuvent reprendre leur vie normale. M. Mike Keogh est venu me rendre visite à mon bureau de comté et m'a raconté sa tragique histoire. Son enfant de 11 ans a été violé et tué. Il m'a dit que chaque année, à Noël, au lieu de fêter avec tout le monde, il se prépare pour se rendre à la Commission nationale des libérations conditionnelles afin de s'assurer que l'homme qui a violé et tué son enfant ne sorte pas de prison. Il devra porter cette peine et ce fardeau sur ses épaules pendant toute sa vie. Il m'a raconté qu'une année, il n'était pas allé à la commission et l'homme était sorti de prison. Je ne crois pas qu'il soit juste qu'on demande à une victime de faire toutes ces démarches pour sauvegarder les enfants des autres. Cet homme me demandait justement: «Pourquoi cette responsabilité d'assurer la protection des enfants des autres retombe-t-elle sur mes épaules?» Selon moi, il avait raison de juger cela injuste. Pourquoi ne nous donnerait-on pas la certitude que nous serons bien protégés? Cet homme pourrait vivre quelques années en paix et fêter Noël, si cela est réellement possible pour lui dans ces circonstances, comme les autres citoyens. Mais à tous les Noël, il se prépare à faire face à la cruauté puisqu'il doit aller voir l'homme qui a tué son enfant. Est-ce ça, la justice? Pas selon moi.

• 1035

M. Michel Bellehumeur: Je comprends que lorsqu'on se penche sur un tel sujet, il est difficile de faire abstraction de cas semblables à celui que vous nous racontez. Personne autour de cette table ne peut rester insensible face à un cas tel que celui que vous nous avez révélé. Par contre, il ne faudrait pas, à partir d'un cas particulier, faire des modifications qui auront des répercussions pour les générations à venir. Selon ce que vous m'avez dit, et je ne connais pas personnellement le cas auquel vous faites allusion, quelqu'un aurait été poursuivi pour viol, pour voies de fait graves, pour meurtre ou quelque chose du genre. Vous auriez souhaité qu'on le condamne, par exemple, à 15 ans pour viol, 20 ans pour voies de fait graves et 25 ans pour meurtre. Si vous additionnez toutes ces sentences, vous en arrivez à quelque 60 années de prison.

Pour obtenir les résultats que vous souhaitez, vous remettez peut-être en cause beaucoup plus de principes que vous ne pouvez le penser, dont toute la discrétion judiciaire qu'ont les tribunaux face à de tels cas. Bien que je n'aime pas parler de cas précis, dans le cas dont vous venez de parler, le juge qui a entendu le procès aurait pu donner des peines consécutives, bien qu'il semble avoir donné des peines concurrentes. Finalement, ce que vous dites, c'est que les juges devraient avoir moins de discrétion et qu'on devrait faire disparaître soit la notion de peines concurrentes, soit celle de peines consécutives; l'une des deux devrait disparaître.

Mme Albina Guarnieri: Selon moi, on ne devrait pas laisser de discrétion aux juges dans des cas de meurtre. Si vous acceptiez le principe que j'ai proposé, ce serait simple. Il y a un prix à payer quand on commet une offense et on doit imposer une pénalité. Pour les meurtriers, aucune discrétion ne devrait être possible. C'est aussi simple que cela.

[Traduction]

Ce que je propose dans ce projet de loi, c'est la proportionnalité de la peine. S'il y a un crime, il doit y avoir une sanction. Comme je l'ai souligné, notre comité et le gouvernement dans sa grande sagesse ont éliminé la discrétion judiciaire.

En fait, je crois comprendre que l'on vient d'adopter sept dispositions où le gouvernement élimine la discrétion judiciaire. En tout, d'après ce que je crois comprendre, le Code criminel renferme au moins 20 dispositions qui retirent cette discrétion judiciaire.

Donc la question que j'adresse au comité, c'est si nous sommes disposés à retirer cette discrétion en ce qui concerne...

Puis-je lire une partie du texte simplement pour souligner les cas où on retire cette discrétion judiciaire?

Article 92: Un emprisonnement minimal d'un an pour une deuxième infraction pour toute personne reconnue coupable de possession d'une arme à feu, d'une arme prohibée, d'un dispositif prohibé ou de munitions prohibées, sachant qu'elle n'est pas titulaire d'un permis qui l'y autorise, ou un emprisonnement minimal de deux ans moins un jour s'il s'agit d'une troisième infraction.

Article 95: Emprisonnement minimal d'un an pour une infraction faisant l'objet d'une mise en accusation lorsque quiconque est reconnu coupable de possession d'une arme prohibée ou à autorisation restreinte avec des munitions.

Article 96: Emprisonnement minimal d'un an dans le cas d'une infraction faisant l'objet d'une mise en accusation, pour quiconque est reconnu coupable de possession d'une arme obtenue lors de la perpétration d'une infraction.

Article 99: Emprisonnement minimal d'un an pour quiconque est reconnu coupable de trafic d'armes.

Article 100: Emprisonnement minimal d'un an pour quiconque est reconnu coupable de possession d'armes en vue d'en faire le trafic.

Article 102: Emprisonnement minimal d'un an dans le cas d'une infraction faisant l'objet d'une mise en accusation pour quiconque est reconnu coupable de la fabrication d'une arme automatique.

Et article 103: Emprisonnement minimal d'un an pour quiconque est reconnu coupable d'importation ou d'exportation, sachant qu'il n'y est pas autorisé.

Donc, dans le cas de ces dispositions que l'on adopte ou applique aujourd'hui même d'après ce que je crois comprendre, si le gouvernement et le comité ont jugé, dans leur grande sagesse, de retirer cette discrétion judiciaire, pourquoi ne pourrions-nous pas... Vous savez, dans les cas de meurtre au premier degré, il n'y a aucune discrétion judiciaire. Pourquoi nous opposerions-nous à retirer la discrétion judiciaire dans le cas des crimes les plus graves, lorsque la personne a commis plus d'un meurtre et a prouvé au-delà de tout doute raisonnable qu'elle représente une menace pour la société?

• 1040

La présidente: Je vous remercie, monsieur Bellehumeur.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Je vous remercie, madame la présidente.

J'ai simplement quelques questions. Je vous remercie de votre exposé.

Mme Albina Guarnieri: Je vous remercie.

M. Peter Mancini: Je vais peut-être reprendre là où M. Bellehumeur a commencé, c'est-à-dire les articles qui traitent des criminels dangereux.

Avez-vous lu le rapport sur les victimes déposé récemment par notre comité à la Chambre des communes et où il est question des droits et du rôle des victimes dans le processus pénal?

Mme Albina Guarnieri: Non, je dois avouer que je ne suis pas entièrement au courant de ce rapport, mais je vous en prie posez votre question.

M. Peter Mancini: Je me demandais simplement si vous l'aviez lu. J'en viendrai à mon propos sous peu.

La deuxième question que je veux vous poser concerne l'article 745 du Code criminel qui traite de la peine dont vous avez parlé en ce qui concerne le meurtre au premier degré. Vous conviendrez avec moi, je crois, que la peine prévue pour le meurtre au premier degré est 25 ans d'emprisonnement, c'est-à-dire une peine à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans.

Êtes-vous d'accord avec moi?

Mme Albina Guarnieri: Oui. Je préfère ne pas parler d'emprisonnement à perpétuité mais plutôt de dire 25 ans sans admissibilité à la libération conditionnelle.

M. Peter Mancini: Eh bien, si je lis l'article—et corrigez-moi si...

Mme Albina Guarnieri: Oui, c'est dans le Code. J'accepte la terminologie que vous utilisez—mais sous la contrainte.

M. Peter Mancini: Je ne veux pas jouer avec les mots, mais si je lis l'article du Code, il s'agit d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans, ce qui d'après mon interprétation—et peut-être est-elle fausse—signifie que des gens comme Clifford Olson et Paul Bernardo sont en fait admissibles à la libération conditionnelle après 25 ans mais sont condamnés à l'emprisonnement à perpétuité.

Est-ce une interprétation juste?

Mme Albina Guarnieri: Eh bien, je n'accepte pas votre prémisse, parce que je pense que vous savez que nous parlons de périodes consécutives de non-admissibilité à la libération conditionnelle, ce qui donnera tout son sens aux peines consécutives d'emprisonnement à perpétuité, prévues dans mon projet de loi.

Vous êtes avocat, et je pense que vous avez le droit de jouer avec les mots.

M. Peter Mancini: Je lis simplement la disposition telle qu'elle est libellée...

Mme Albina Guarnieri: Je ne suis pas avocate.

M. Peter Mancini: Très bien.

La présidente: À l'ordre.

M. Peter Mancini: Madame la présidente, je suis disposé à continuer.

Je tiens à vous rappeler que vous êtes un législateur, et je pense qu'il vous incombe de vérifier la loi si vous voulez la modifier. Mais je passerai à ma prochaine question.

Mme Albina Guarnieri: Je suis un législateur qui a le grave défaut de ne pas être avocat.

M. Peter Mancini: D'accord.

Mme Albina Guarnieri: C'est la raison pour laquelle je suis accompagnée de mon conseiller juridique. Et je trouve assez déplaisant que vous ne l'autorisiez pas à parler en mon nom, au besoin.

M. Peter Mancini: Je n'ai pas l'intention d'argumenter avec vous car je m'intéresse au contexte du projet de loi, réellement.

Mme Albina Guarnieri: Moi aussi.

M. Peter Mancini: L'article 753 du Code criminel, qui traite de la demande de déclaration d'un délinquant dangereux, et auquel vous avez déjà fait allusion en répondant aux questions de M. Bellehumeur, autorise le tribunal à imposer l'emprisonnement dans un pénitencier pendant une période indéterminée.

Je soulève la question parce que j'ai lu votre discours et j'ai beaucoup de questions à propos de ce projet de loi.

Dans le discours que vous avez prononcé à la Chambre des communes, vous avez déclaré que les trois objectifs—que je respecte d'ailleurs en tant que parlementaire—sont réduire l'inhumanité envers les familles de victimes—et c'est pourquoi je vous ai demandé si vous aviez lu le rapport sur les victimes.

Mme Albina Guarnieri: Et l'injustice.

M. Peter Mancini: Je les ai ici sous les yeux.

Mme Albina Guarnieri: J'ai aussi ajouté injustice.

M. Peter Mancini: Vous avez dit, rétablir le principe des peines réelles—je suis en train de citer le hansard...

Mme Albina Guarnieri: Oui. Mais je ne cite pas le hansard. J'ai un texte préparé ici aujourd'hui.

M. Peter Mancini: Je vais simplement lire les objectifs que vous avez énoncés à la Chambre des communes.

Mme Albina Guarnieri: Mais j'ai fait une autre déclaration ici. J'ai ajouté, et l'injustice.

M. Peter Mancini: Je ne crois pas qu'ils diffèrent entièrement de l'exposé que vous avez présenté. Je suppose qu'étant donné que vous êtes député depuis plus longtemps que moi...

Mme Albina Guarnieri: Et je ne cesse de m'endurcir.

M. Peter Mancini: ...et c'est la troisième fois que vous présentez ce projet de loi. Enfin, voici ma question: Le rapport sur les droits des victimes récemment rendu public ainsi que les modifications proposées à certains articles du Code répondent-ils, dans une certaine mesure, aux objectifs que vous vous êtes fixés en présentant ce projet de loi?

Mme Albina Guarnieri: Ce rapport reconnaît-il que chaque crime mérite d'être puni? Précise-t-il qu'il faut tenir compte de chaque victime au moment du prononcé de la peine? Si ce n'est pas le cas, il ne répond pas à mes attentes.

M. Peter Mancini: Dans ce cas, passons à autre chose.

Mme Albina Guarnieri: Puisque c'est vous qui avez parlé de ce rapport, j'aimerais que vous répondiez à ma question.

• 1045

M. Peter Mancini: Le rapport a l'appui de tous les partis. Ceux que ça intéresse peuvent le lire. Bon nombre de ceux que vous dites être des partisans de votre projet de loi ont collaboré à l'élaboration de ce rapport.

Permettez-moi de passer à autre chose. Vous avez d'ailleurs déjà répondu à cette question dans une certaine mesure. Ne pensez-vous pas qu'il pourrait y avoir des cas où un juge ne souhaiterait pas imposer des peines consécutives? Devrions-nous vraiment préjuger les cas qui pourront se présenter?

Mme Albina Guarnieri: Depuis le temps que je soutiens ce point de vue, on ne m'a jamais donné un seul exemple de cas où cela se justifierait. Si vous en avez un à me donner, je suis certainement prête à l'étudier. Les principes sur lesquels repose mon projet de loi sont très clairs. Un crime appelle une sanction. La peine doit être proportionnelle au crime commis. À mon avis, on ne peut pas actuellement parler de peine proportionnelle.

Estimez-vous juste le fait que Graham James ait écopé de deux jours d'incarcération pour chacun des crimes qu'il a commis? Ne pensez-vous pas que Paul Bernardo devrait être poursuivi pour les 14 viols qu'il a commis?

Je m'élève contre le fait que ces procès n'auront jamais lieu. À mon avis, nous devrions rougir d'un tel système de justice.

M. Peter Mancini: Je vous assure que je n'essaie pas de jouer au plus fin avec vous. Je me demande simplement si vous avez bien réfléchi à la question. Je suis sûr que oui. Quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir si vous avez tenu compte du fait que l'article 12 de la Charte interdit les peines excessives. La raison pour laquelle les dispositions du Code portant sur les délinquants dangereux ne sont pas contestées devant les tribunaux est que les juges conservent un pouvoir discrétionnaire.

Je me demande si vous ne seriez pas prête à envisager ce compromis pour permettre l'adoption de votre projet de loi. De cette façon, il ne pourrait pas donner lieu à une contestation devant les tribunaux en vertu de la Charte.

Mme Albina Guarnieri: Vous présumez que mon projet de loi serait jugé contraire à la Charte. Je suis accompagnée d'un constitutionnaliste que le comité aurait intérêt à entendre.

J'insiste sur le fait que ce ne sont pas les juges qui perdent leur pouvoir discrétionnaire aux termes de mon projet de loi mais la commission des libérations conditionnelles. Je ne propose pas de changer les peines prévues dans le cas des meurtres. Je dis simplement que chaque crime doit être puni. Je ne propose pas d'augmenter la peine prévue dans le cas de meurtre. Je ne comprends donc pas votre dernière question.

M. Peter Mancini: Mais votre projet de loi impose une obligation au juge.

Mme Albina Guarnieri: Mais le juge n'a déjà pas le choix dans le cas de meurtre au premier degré.

M. Peter Mancini: Pas dans le cas d'un meurtre au premier degré.

Mme Albina Guarnieri: C'est juste.

M. Peter Mancini: Mais votre projet de loi propose que les peines soient consécutives. S'il y a agression sexuelle et meurtre...

Mme Albina Guarnieri: Non, je ne propose pas de peine dans le cas des agressions sexuelles. Le juge pourra toujours attribuer la peine qu'il juge bon.

En vertu de mon projet de loi, le juge serait cependant tenu, s'il impose 6 années de détention à quelqu'un qui aurait commis 12 viols, de dire que la peine est de six mois par viol. Je veux simplement rétablir le principe des peines réelles.

Si la population pense qu'une peine de six mois par viol suffit, je me résignerai. Mais si la population pense que les tribunaux commettent une grave erreur en infligeant deux jours de détention à Graham James chaque fois qu'il commet une agression...

C'est sans doute ce à quoi vous vous opposez.

M. Peter Mancini: Une dernière question?

La présidente: Je regrette, je dois maintenant donner la parole à M. MacKay.

M. Peter MacKay: Je vous remercie, madame la présidente.

Je me joins à mes collègues pour féliciter Mme Guarnieri de sa persévérance. Je vous félicite sincèrement.

Mme Albina Guarnieri: Je vous remercie.

M. Peter MacKay: J'aimerais revenir sur certaines remarques qui ont été faites en particulier au sujet de l'article 745 du Code portant sur la désignation des délinquants dangereux. À votre avis, ces désignations ne reflètent pas non plus la gravité du crime commis, n'est-ce pas?

Mme Albina Guarnieri: Non. À mon avis, il ne doit planer aucun doute au sujet de la peine qui accompagne des crimes aussi graves que le viol ou le meurtre. La loi sur les délinquants dangereux prévoit un examen du cas tous les trois ans. Je ne crois pas que cela se justifie.

J'ai rencontré hier des fonctionnaires du ministère de la Justice et je leur ai demandé spécifiquement si un Olson ou un Bernardo serait jamais libéré. Ils m'ont répondu: «Sans doute pas». Moi, je veux en être sûre. La sécurité d'un quartier est compromise si l'on permet à un prédateur d'y vivre.

• 1050

M. Peter MacKay: M. Mancini vous a posé des questions sur l'importance d'une peine qui tienne compte du tort et de l'injustice causés aux victimes d'un crime. Est-ce un motif qui vous anime ainsi que les partisans de votre projet de loi?

Mme Albina Guarnieri: Certainement. Je veux qu'on respecte le principe de la règle du droit.

Permettez-moi de vous faire lecture d'un des principes sur lesquels repose le prononcé de la peine. Je me reporte au paragraphe 718 f) du Code:

    susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

Je pense qu'il faudrait accorder une place importante à ce principe dans le prononcé de la peine.

M. Peter MacKay: Vu le fait qu'on a modifié l'article 745 du Code de façon à ce que les récidivistes ne soient plus admissibles...

Mme Albina Guarnieri: C'est juste.

M. Peter MacKay: ...nous savons cependant que ces modifications ne sont pas rétroactives. Ne pensez-vous cependant pas qu'elles suffisent dans le cas des meurtres au premier degré ou au deuxième degré?

Mme Albina Guarnieri: Comme vous le savez, mon projet de loi n'est pas rétroactif. Étant donné que l'article 745 établit cependant une distinction entre quelqu'un qui tue une fois et quelqu'un qui tue deux fois, pourquoi le prononcé de la peine ne le refléterait-il pas? C'est illogique.

M. Peter MacKay: Vous avez raison.

Madame Guarnieri, vous avez déjà répondu en partie à cette question lorsque M. Cadman vous a demandé si vous seriez prête à accepter des ajouts ou des modifications à votre projet de loi. Accepteriez-vous que le gouvernement décide d'assumer la paternité de ce projet de loi et le présente à la Chambre des communes?

Mme Albina Guarnieri: J'ai fait savoir à différents ministres de la Justice et solliciteurs généraux que je verrais d'un bon oeil que le gouvernement présente ce projet de loi pourvu qu'il corresponde aux principes sur lesquels se fonde celui que je présente maintenant.

M. Peter MacKay: Très bien.

Madame la présidente, je demande le consentement unanime du comité pour pouvoir poser une question d'ordre constitutionnel à M. Chipeur qui accompagne Mme Guarnieri.

La présidente: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Mme Albina Guarnieri: Vous avez de toute évidence plus d'ascendant sur mes collègues que moi.

M. Peter MacKay: J'aimerais faire appel à vos bons conseils, comme l'a fait Mme Guarnieri. J'aimerais savoir si, à votre avis, le projet de loi est constitutionnel, car chaque fois qu'il est question de présenter un projet de loi, on invoque immédiatement le spectre de la Charte.

M. Gerald Chipeur (associé, Fraser Milner): Les articles de la Charte qui pourraient être invoqués sont l'article 7 et l'article portant sur les traitements ou peines cruels et inusités.

Dans l'arrêt rendu dans l'affaire La Reine c. Boucher, la Cour suprême du Canada a statué que des peines consécutives pouvaient être imposées et a même dit qu'elles devraient l'être dans un cas donné.

Le Code criminel actuel comporte 20 dispositions prévoyant des peines consécutives. L'argument de la Charte ne serait justifié que si la peine imposée à l'égard d'un crime était considérée cruelle et inusitée en l'occurrence.

Étant donné que ce projet de loi ne propose pas d'augmenter les peines prévues dans le Code, et qu'il ne propose que de faire en sorte que des peines d'emprisonnement à vie et les peines en cas d'agression sexuelle soient prises en compte de façon consécutive au moment d'établir l'admissibilité à la libération conditionnelle, les tribunaux ne pourraient conclure qu'il s'agit d'une peine cruelle et inusitée que si le Code criminel prévoyait de telles peines.

• 1055

On ne peut donc pas logiquement soutenir que ce projet de loi serait contraire à la Charte.

M. Peter MacKay: Compte tenu du fait que l'un des principes sur lesquels repose le prononcé de la peine est la dissuasion, pouvons-nous dire que les 20 dispositions actuelles du Code auxquelles vous faisiez allusion et qui portent de façon générale sur les crimes violents et que le projet de loi lui-même visent à protéger le public et donc à exercer un effet dissuasif sur les criminels?

M. Gerald Chipeur: Lorsque les tribunaux se sont penchés par le passé sur la question des peines consécutives—je devrais plutôt dire des peines minimales—, ils ont effectivement insisté sur cet aspect de la question. Ils ont jugé que des peines minimales se justifiaient dans le cas d'un crime violent.

Je pense qu'on pourrait conclure que parce que les tribunaux ont fait un rapport entre la violence et des peines minimales, ils feraient ce même rapport dans les cas des peines consécutives.

Je vous rappelle cependant que je suis d'avis que ce projet de loi n'est pas plus contraire à la Charte que les dispositions du Code criminel portant sur le prononcé de la peine. Je ne pense donc pas qu'il créerait de problèmes pour les tribunaux.

M. Peter MacKay: Le projet de loi ne fait qu'élargir la portée de certains articles du Code.

La présidente: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Je vous remercie, madame la présidente. Je vous remercie, madame Guarnieri et monsieur Chipeur.

La présidente: Je vous rappelle que les députés ministériels ont aussi des questions à poser. Nous ne procédons pas de la façon habituelle pour ce projet de loi. Les députés ministériels ne constituent pas un bloc, et l'opposition, un autre.

Monsieur DeVillers, vouliez-vous poser une question? Nous voulons aussi tous entendre M. Grose.

M. Paul DeVillers: Je vous remercie, madame la présidente.

Je vous remercie, madame Guarnieri.

Avez-vous confiance dans la Commission nationale des libérations conditionnelles ou dans le système de libération conditionnelle?

Mme Albina Guarnieri: Ce n'est pas la question.

M. Paul DeVillers: Bien...

Mme Albina Guarnieri: Permettez-moi de vous poser une question. Pensez-vous ou non que le prononcé de la peine devrait refléter le tort causé à chaque victime? Si vous ne le pensez pas, vous n'appuierez pas mon projet de loi. Si vous pensez que chaque victime mérite que justice soit faite, vous l'appuierez.

M. Paul DeVillers: Je ne pense pas que ce soit aussi simple que cela.

Mme Albina Guarnieri: Pour moi, ce n'est qu'une question de calcul.

M. Paul DeVillers: Permettez-moi de continuer à vous poser des questions.

Je pense que l'opinion que vous vous faites de la Commission nationale des libérations conditionnelles est pertinente puisqu'à l'heure actuelle une personne qui commet l'un des crimes qui sont mentionnés dans votre projet de loi se voit imposer une peine de détention à perpétuité. Cette personne sera incarcérée dans un pénitencier pour le reste de sa vie sous réserve de la décision que pourrait prendre la Commission au sujet de son admissibilité à la libération conditionnelle.

Mme Albina Guarnieri: Je ne veux pas les priver de leur droit à la libération conditionnelle. Mon projet de loi ne touche pas les dispositions en matière de libération conditionnelle.

M. Paul DeVillers: Si, il le fait.

Mme Albina Guarnieri: On y dit seulement: «Ne commettez pas de meurtre plus d'une fois si vous allez commettre un meurtre».

M. Paul DeVillers: Mais si une personne n'est pas admissible à la libération conditionnelle pendant 50 ans, il faudrait qu'elle soit très très jeune pour ne pas être privée de ce droit. Je crois qu'il s'agit là d'une conséquence pratique de ce projet de loi.

Mes réserves concernent l'admissibilité à la libération conditionnelle et le système de libération conditionnelle. Si une personne n'a pas confiance dans le système, à ce moment-là je peux voir la logique de votre projet de loi. Si une personne a confiance que notre système peut bien fonctionner, qu'il y a des gens qui siègent à la Commission des libérations conditionnelles qui seront, éventuellement, en train de faire des décisions appropriées selon le cas, à ce moment-là je ne vois pas...

Vous avez dit dans votre déclaration d'ouverture qu'une personne ne peut pas se faire pendre deux fois. Alors, si on se sert de la même logique, une personne ne peut pas avoir deux vies en prison. On n'a qu'une vie.

Mme Albina Guarnieri: C'est exactement cela, monsieur DeVillers.

Quant au succès en matière de réadaptation entre 1987 et 1996, permettrez-moi de vous citer des chiffres: 206 personnes ont été tuées et 429 personnes ont été agressées sexuellement par des personnes qui étaient en libération conditionnelle. Pour moi, il s'agit là d'une victime de trop.

M. Paul DeVillers: Il ne s'agit pas nécessairement de personnes qui ont été reconnues coupables des infractions décrites dans votre projet de loi.

Mme Albina Guarnieri: Au fait, ces chiffres semblent justement refléter le type de personnes, les prédateurs, que je cible.

M. Paul DeVillers: Mais ce n'est pas là le but de ce projet de loi.

La présidente: Merci, monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: Madame la présidente, je voudrais simplement dire à propos de ce projet de loi que je n'ai pas les mêmes réserves quant à son utilité pour la sécurité du public que j'avais dans le cas de l'autre projet de loi que nous venons d'étudier. Je tenais à le dire publiquement.

Le président: Merci, monsieur DeVillers.

Monsieur Lee.

• 1100

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci, madame la Présidente de la Chambre.

La présidente: Une promotion! Où est le chèque? Je veux le budget d'accueil.

Des voix: Oh, oh!

M. Derek Lee: Je m'excuse, je voulais dire madame la présidente du comité.

Je tiens à dire tout simplement qu'à mon avis, en tant que député, le projet de loi met le doigt sur une lacune dans la procédure et les dispositions visant le prononcé de la peine et la libération conditionnelle ainsi que sur un domaine qui est très mal compris de la part du public et de bien des gens, y compris les législateurs, et que d'une façon ou d'une autre, ce projet de loi sera utile. Je ne peux pas encore prédire où ça va aboutir.

La deuxième chose que je veux dire, c'est qu'un certain nombre de gens sont venus au Parlement aujourd'hui pour exprimer un appui général ou un appui plus particulier à l'endroit de ce projet de loi. Bien qu'ils n'aient pas pu être reconnus en tant que témoins, moi, en tant que député, je tiens à signaler leur présence, et je sais que nous les avons mentionnés aux fins du compte rendu. Leur présence indique un certain degré d'appui, ou un appui total, pour ce projet de loi.

Merci.

La présidente: Merci. Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, madame la présidente. Je brûlais de prendre la parole.

À l'honorable témoin, j'aimerais dire que je trouve cela assez déconcertant, et je pèse bien mes paroles, que vous trouvez cela inconvenant que ce comité suive ses propres règles. Mais passons.

Ce qui me préoccupe au sujet de ce projet de loi est le fait que nous supprimons—et ceci a fait l'objet de discussions par des gens plus instruits que moi, par des avocats—le pouvoir discrétionnaire des juges. Alors, où va-t-on s'arrêter? Si un type commet 10 crimes et reçoit donc 10 peines, il est peut-être alcoolique ou a un problème de drogue—qui sait—, et le juge pourrait décider que cette personne pourrait être réhabilitée.

Qu'est-ce qu'il doit faire, lui donner 10 peines de 10 ans, et peu importe s'il est réhabilité ou pas?

Soit dit en passant, si l'idée est d'entasser ces gens dans des prisons, où trouvera-t-on tous ces prisons? Actuellement, il n'y pas assez place dans nos prisons.

Pour revenir à la question de la discrétion...

La présidente: À l'ordre.

M. Ivan Grose: ...si les juges ne peuvent user de discrétion lorsque quelqu'un est reconnu coupable...et je crois qu'il s'agit là d'une faille dans leur cuirasse. Si quelqu'un vole une barre de chocolat dans un dépanneur, l'ordinateur indiquera une peine de cinq ans; pour deux barres de chocolat, une peine de dix ans; pour un vol de banque, cinquante ans—«aïe, ça fait mal.»

Cela nous éloigne de notre système judiciaire de base. De plus, je crois que cette idée va à l'encontre de bien d'autres lois.

Encore une fois, je ne suis pas avocat ni spécialiste en droit constitutionnel, mais votre propre constitutionnaliste a dit que...

Cette déclaration me dérange. Vous avez laissé entendre que les juges sont actuellement obligés d'imposer des peines concurrentes. J'ai entendu dire la même chose à la radio, lors des tribunes téléphoniques. Mais je vous demande de reconnaître que ce n'est pas vrai. Les juges peuvent imposer des peines consécutives à l'heure actuelle. Est-ce vrai, oui ou non?

Mme Albina Guarnieri: Pour répondre à la question—et j'y ai donné une réponse plus tôt—en cas de meurtre, non.

Nommez-moi un cas où... Paul Bernardo—quatorze viols, deux personnes tuées, et il a reçu une peine de vingt-cinq ans. Où sont-elles, les peines consécutives?

M. Ivan Grose: Vous essayez de nous faire marcher ici. Nous ne parlons pas de meurtre.

Mme Albina Guarnieri: Vous avez dit beaucoup de choses, et j'aimerais aborder certains de vos commentaires.

En vous écoutant, j'ai vraiment l'impression que vous comparez des pommes et des oranges. Le but de mon projet de loi consiste à réduire l'écart entre la justice et notre système judiciaire.

Vous citez l'exemple d'un vol de banque. Eh bien, le présent gouvernement, dans sa grande sagesse, propose une peine minimale d'un an pour une infraction commise avec une arme à feu. Je dirais que si quelqu'un commet 25 vols au McDonald, cette personne doit recevoir 25 peines d'un an. Cela me semble un peu...

Certains députés m'ont dit que mon projet de loi était draconien. Je dirais qu'imposer une peine à vie à quelqu'un qui vole de la nourriture 25 fois en utilisant une arme à feu n'est pas plus draconien que de ne tenir compte que d'un seul meurtre dans le cas d'une personne qui en a commis plusieurs.

Selon moi, il y a là une injustice. Je rejette donc le fondement de vos arguments.

• 1105

Vous avez également invoqué l'argument des coûts. Si l'on attache un coût ou un prix à la vie d'une victime, je crois que les faits montreront que les 48 000 $ qu'il faut dépenser pour garder un prédateur en prison constituent un bon investissement, surtout lorsqu'on pense aux coûts associés aux programmes sociaux, aux agents de liberté conditionnelle et à tout le travail pour les policiers qu'entraîne la libération de ces détenus. Le coût ne devrait même pas entrer en ligne de compte.

Si vous voulez tout simplement libérer un lit superposé pour le prochain prédateur, eh bien, il faut se débarrasser des gens qui sont en prison pour des raisons frivoles. Ce serait ma réponse.

La présidente: Merci.

M. Ivan Grose: Mais j'ai juste une...

La présidente: C'est terminé, monsieur Grose. Il y a des gens qui attendent dans le couloir pour utiliser cette salle.

Comme vous voyez, bien des questions doivent être réglées. Nous allons maintenant dresser notre liste de témoins à entendre et organiser des audiences en conséquence.

La séance est levée.