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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 14 avril 1999

• 1540

[Traduction]

Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): Nous reprenons cet après-midi, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre étude sur les phoques.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Je désire faire un rappel au Règlement, monsieur le président.

Le président: Très bien.

M. Gary Lunn: J'aimerais qu'on traite de mon rappel au Règlement avant qu'on entende nos témoins car c'est très important.

Le président: S'il ne faut pas nécessairement se prononcer sur la question—nous n'avons pas le quorum nécessaire pour adopter des motions. Si vous voulez quand même faire état...

M. Gary Lunn: Écoutez, je vous expliquerai le problème puis... Je m'en remets à vous, monsieur le président. J'ai constaté que mon collègue, le secrétaire parlementaire, a déposé une motion hier pour inviter des témoins de l'Île-du-Prince-Édouard... J'ai appuyé cette motion même si nous n'avions pas eu d'avis. Nous avons réservé trois jours à l'étude des questions touchant les phoques—hier, aujourd'hui et demain. Lorsque j'ai reçu l'avis de convocation pour la réunion, on a dit que les groupes de l'industrie de la chasse au phoque étaient encore à déterminer. J'ai supposé—et je suppose que je n'aurais pas dû le faire—que l'on accueillerait des représentants de l'Association canadienne des chasseurs de phoques et du Seal Industry Development Council pour que nous entendions vraiment tous les points de vue.

Hier nous avons entendu M. David Lavigne, comme vous le savez, qui à mes yeux représente en fait le Fonds international pour la protection des animaux, l'IFAW. Si on veut vraiment entendre tous les points de vue, il est absolument inacceptable que les groupes que j'ai mentionnés plus tôt ne soient pas représentés. Je propose donc que nous les invitions au début de la semaine prochaine pour poursuivre ces journées d'audience sur la chasse au phoque; on pourrait essayer de les inviter mardi ou mercredi prochain pour qu'on ait entendu tous les points de vue. Je crois que l'Association canadienne des chasseurs de phoques pourrait être représentée par Tina Fagan. En fait, je suis convaincu qu'ils ont signifié leur intérêt de participer à ces réunions.

Le président: Monsieur Lunn, notre greffier n'est pas ici aujourd'hui, mais avant de s'absenter il a fait tout ce qu'il pouvait pour inviter ces groupes, sans succès. Tina Fagan quittera Terre-Neuve cet après-midi et sera des nôtres demain. Nous entendrons donc des représentants de l'Association des chasseurs de phoques. Le deuxième groupe que vous avez mentionné est...

M. Gary Lunn: Je crois qu'en fait Tina Fagan représente ces deux groupes. Si elle est prévue au programme de demain...

Le président: Tina Fagan doit déjà être à bord d'un avion en vue de notre rencontre de demain.

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le président, loin de moi le désir de vous dire comment faire votre travail, mais hier—et je dis cela avec tout le respect que je vous dois—certains ont employé des termes un peu imagés. J'espère que comme président vous saurez calmer un peu les intervenants pour qu'ils n'utilisent pas ce genre de vocabulaire. Je sais que parfois on se laisse emporter par les émotions, mais cela ne fait certainement pas progresser le débat.

Le président: Je suis d'accord avec vous et j'ai mis en garde le député fautif. Comme vous l'avez constaté hier, j'ai essayé de calmer les choses, mais en fait je ne pouvais rien faire à moins de forcer le député à quitter la salle et cela aurait été assez difficile.

M. Peter Stoffer: Non, non, il doit rester ici. Je l'adore.

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Je suis entouré par ces gens qui s'emportent.

Le président: Nous avons une réunion très spéciale aujourd'hui parce qu'après tout nous avons un nouveau territoire, le Nunavut, qui est représenté à notre réunion. Nous sommes très fiers d'accueillir—et j'espère que personne ne s'y opposera—deux sénateurs, le sénateur Adams et le sénateur Watt. Bienvenue à vous. Comme vous le voyez, notre excellente députée du Nunavut, Nancy, sera bien encadrée aujourd'hui et...

M. Peter Stoffer: Félicitations.

Le président: Nos premiers témoins représentent la Labrador Inuit Association. La chaise réservée à M. Edmund n'est toujours pas occupée. Je suppose que c'est M. Andersen qui fera la présentation. Je désire signaler que nous vous encourageons à limiter vos présentations à 10 à 15 minutes. Si vous n'avez jamais témoigné devant les comités parlementaires auparavant, j'aimerais vous expliquer qu'après votre exposé, nous ferons un tour de table et les députés auront l'occasion de vous poser des questions ou de faire des suggestions. La période des questions commence par le Parti réformiste, suivi du Bloc québécois, puis ensuite la routine habituelle. Je vous encourage à avoir des questions ou des réponses le plus concises possible. La période réservée à ces deux groupes ira de 15 h 30 à 16h 30 cet après-midi.

Monsieur Andersen, vous pouvez commencer.

• 1545

M. Mervin Andersen (Labrador Inuit Association): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de vivre cette nouvelle expérience de témoigner devant un comité parlementaire.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je ne crois pas que la Labrador Inuit Association puisse vraiment ajouter grand- chose à ce qui a déjà été dit sur la chasse au phoque. Cependant, une bonne partie de ce qui a déjà été dit ne semble pas avoir été entendue par ceux qui s'occupent de ces questions au palier fédéral ou a tout simplement été ignorée. Notre Association a déjà présenté un exposé sur la chasse au phoque—et vous me pardonnerez ma prononciation—à la commission d'enquête Malouf sur les phoques et sur l'industrie de la chasse au phoque; nous avions dit à l'époque que les Inuits du Labrador avaient le droit ancestral de chasser le phoque à des fins alimentaires et commerciales.

Les phoques ont toujours fait partie intégrante de l'économie des Inuits du Labrador avant l'interdiction visant les produits du phoque, tout particulièrement la vente et la chasse. Les Inuits du Labrador ont perdu la base de leur économie lorsqu'on a mis fin à la pêche à la morue du Nord, au saumon de l'Atlantique, à la chasse au phoque, et lorsqu'il y a eu un ralentissement marqué du piégeage d'animaux à fourrure. Ils n'étaient aucunement responsables de cette situation. Les Inuits du Labrador n'ont jamais reçu quelque forme de dédommagement que ce soit pour ces pertes, qu'il s'agisse de la morue ou de la chasse au phoque, alors que d'autres pêcheurs de la région Atlantique ont reçu des dédommagements appréciables.

Depuis l'interdiction visant la chasse au phoque, le gouvernement fédéral a accordé une aide financière à l'Association canadienne des chasseurs de phoques pour faire la promotion du marketing et de la transformation des produits du phoque. Aucune portion de ce financement n'a été réservée pour les Inuits du Labrador et pas un seul sou n'a été dépensé pour faire la promotion de l'industrie de la chasse au phoque dans la région où vivent les Inuits du Labrador. De plus, les chasseurs de phoques inuits du Labrador ne font pas partie de l'Association canadienne des chasseurs de phoque.

La région côtière du Labrador, où vivent les Inuits, est la seule région de la province où l'on peut chasser, avec succès, le phoque du Groenland adulte à la fin de l'automne, lorsque la fourrure est la plus belle et qu'elle couvre trois à quatre pouces de graisse. La période d'octobre à décembre a toujours été la période traditionnelle de chasse au phoque du Groenland adulte par les Inuits; cependant, en raison de l'interdiction visant les peaux de phoque du Groenland et l'absence d'aide financière pour relancer les marchés et diversifier les méthodes de chasse et de transformation, notre industrie de la chasse au phoque a pratiquement disparu.

Le Labrador cherche à revitaliser l'industrie de la chasse au phoque des Inuits du Labrador, mais sans aide financière la tâche est pratiquement impossible. Notre Association comprend que les marchés pour les produits du phoque prennent de l'expansion. La région où vivent les Inuits du Labrador compte beaucoup de phoques du Groenland adultes; cependant, les Inuits du Labrador ont besoin d'une aide du gouvernement fédéral pour améliorer les installations de transformation et trouver des marchés pour les produits du phoque. Les Inuits devraient recevoir le même type de financement qu'a reçu et reçoit toujours l'Association canadienne des chasseurs de phoques.

La présentation de notre association à la commission d'enquête Malouf sur les phoques et la chasse au phoque explique en détail pourquoi les Inuits du Labrador dépendent des phoques et de la chasse au phoque pour assurer leur survie alimentaire et économique. Il importe de se rappeler que le gouvernement fédéral doit aider les Inuits du Labrador en raison des restrictions imposées à la chasse au phoque, du déclin du commerce de la fourrure, et de la fermeture de la pêche au saumon, à l'omble et à la morue.

Les Inuits n'étaient pas riches, mais ils ne dépendaient pas à l'époque des programmes et du financement du gouvernement fédéral comme ils le font maintenant. À la fin de la pêche de l'été, on commençait la pêche de l'automne, qui était suivie plus tard à la fin de l'automne par la saison de piégeage des animaux à fourrure. Au printemps, il y avait une autre brève chasse au phoque jusqu'à ce qu'on commence la saison de pêche. Et le cycle se poursuivait. C'est comme ça qu'on vivait. Nous l'avons mentionné dans notre rapport. Vous pouvez le lire. Écoutez, je ne passerai pas en revue tout ce qu'on avait dit, mais si vous en voulez un exemplaire je serai heureux de vous en fournir un.

Je tiens à vous remercier de nous avoir offert cette occasion de vous faire part de nos préoccupations, parce que ce que je vous ai dit représente les préoccupations des Inuits du Labrador.

• 1550

Il y a beaucoup de phoques. Pas simplement des phoques du Groenland, mais également les phoques annelés. Il s'agit de diverses espèces de phoques. Il y a également des phoques communs et d'autres espèces qui sont les principales espèces de phoques qui nuisent énormément aux stocks d'omble et de saumon.

J'ai entendu dire ce matin que les phoques remontent maintenant les rivières. Ils vivent en fait dans les rivières. Jadis on pouvait tuer certaines espèces et recevoir une prime pour la mâchoire, pour avoir éliminé de façon sélective certains animaux, mais ce programme n'existe plus depuis que la chasse au phoque a été interdite. C'est pourquoi ces phoques sont maintenant très nombreux.

Je ne sais pas ce qui se passe à Terre-Neuve même, à l'île, mais au Labrador, ces phoques sont très nombreux et visibles. Lorsque vous mettez vos filets à l'eau vous devez les surveiller pratiquement sans arrêt parce que les phoques les voleront. Ces animaux sont très futés. Ils savent qu'il vaut mieux qu'ils ne se présentent pas s'il y a des gens autour. Dès que vous partez, ils arrivent.

Nous en sommes témoins parce que c'est notre vie comme pêcheurs. J'ai pêché pendant des années, et nous savons que c'est ce qui se produit. Nous savions que le saumon disparaissait de nos filets. Nous nous sommes donc cachés et nous avons attendu. Nous pouvions voir les phoques approcher dès notre départ.

Ces phoques représentent pour le saumon et l'omble, le même danger que le phoque du Groenland présente pour la morue. Ils vivent dans les rivières et se rendent dans l'eau douce.

Vais-je m'arrêter là parce que je n'ai pas beaucoup de temps.

Le président: Merci, monsieur Andersen. Je crois que nous...

M. Mervin Andersen: Je pourrais parler pendant des heures parce que c'est une chose que j'ai dans le sang et qu'on en parle depuis des années. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Monsieur Andersen, je crois que j'entendrai d'abord tous les exposés avant de passer aux questions. Est-ce que ça convient aux députés?

Des voix: Très bien.

Le président: Monsieur Nobel, dirigez-vous la délégation? Votre nom figure en premier sur la liste.

M. Jim Nobel (directeur administratif, Nunavut Wildlife Management Board): Non, monsieur le président. Je laisserai M. Kovic présenter notre exposé.

Le président: Très bien. Il vaudrait peut-être mieux présenter ceux qui vous accompagnent. La caméra les suivra et ainsi tout le monde saura qui nous sommes et ce que nous faisons.

M. Ben Kovic (président, Nunavut Wildlife Management Board): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Ben Kovic. Je suis le président du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. J'ai rencontré votre comité à Iqaluit, et ce fut une très bonne façon d'apprendre les uns des autres. En fait, d'ici la fin de la réunion, nous saurons probablement tous mieux ce que nous désirons obtenir.

Je suis accompagné du directeur administratif de la Division de la faune, M. Jim Nobel, de Ken Toner et de Larry Simpson du ministère du Développement durable du nouveau gouvernement du Nunavut. Il y a également M. Jerry Ell de la société Qikiqtaaluk et Henry Copestake qui est un employé de la Division du développement durable.

Nous n'avons qu'une période limitée pour présenter notre exposé. Vous allez voir des images à l'écran de télévision, et je vais vous expliquer en fait plus en détail notre exposé même si, comme Mervin le signale, je pourrais parler des phoques tout l'après-midi.

• 1555

Comme l'exposé se passe de commentaires, je préférerais qu'on explique cela à l'auditoire.

Nous sommes heureux aujourd'hui d'avoir l'occasion de vous parler. Je dis cela parce que nous sommes en fait la première délégation du gouvernement du Nunavut. Lorsque vous étiez à Iqaluit, nous faisions encore partie des Territoires du Nord-Ouest. Depuis, il y a eu une transition, le gouvernement du Nunavut a été créé et c'est le territoire du Nunavut que nous représentons aujourd'hui.

Les deux dernières semaines ont été captivantes dans notre nouvelle patrie qu'on appelle le Nunavut. Tout le monde essaie de s'installer, on essaie de trouver des bureaux et des maisons. Tout cela a été très excitant, tout particulièrement la journée du Nunavut qui a été commémorée par de si belles fêtes. Tous ceux que j'ai rencontrés souriaient tellement ils étaient excités. C'est là que j'ai appris que le Nunavut avait un talent particulier. Je le savais mais je n'avais pas pensé que je pourrais en être témoin. Cependant je l'ai vu ce jour-là. Ça nous fait chaud au coeur de faire partie du Nunavut. Vous serez toujours les bienvenus dans notre territoire. Nous sommes toujours des Canadiens, donc ne nous oubliez pas.

C'est également la première fois que nous nous adressons à vous. Nous tenons à vous rappeler que pour ce qui est des revendications territoriales, notre organisme est responsable de la mise en application d'un article. Vous avez peut-être pour certains lu cet article 5. Il stipule que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut est le principal instrument de gestion de la faune et le principal organe de réglementation de l'accès à la faune dans la zone visée par le règlement du Nunavut. C'est très important.

Avec sa compétence exclusive pour la gestion de la faune, le Conseil de gestion a un pouvoir décisionnel exclusif en ce qui concerne l'établissement, la modification ou l'élimination de quotas sur toutes les espèces ainsi que sur d'autres restrictions à l'exploitation de la faune sur ce territoire. En outre, le Conseil jouit d'un pouvoir décisionnel discrétionnaire exclusif. Ce sont là les principaux pouvoirs qui reviennent au Conseil de gestion aux termes de l'entente sur les revendications territoriales du Nunavut.

Je répète que je préférerais ne pas consacrer trop de temps à cela pour vous expliquer ce qui se passe au Nunavut. Pour finir, comme vous le savez pour la plupart, je suis tout à fait favorable à la protection de la faune. Je l'ai dit à d'autres groupes comme le FRCC, pour la protection des pêches. Je suis également très favorable à la protection d'autres espèces, comme les phoques et autres mammifères marins.

Toutes les espèces sur le territoire visé par le règlement des revendications du Nunavut doivent être utilisées au maximum. Cela signifie à mon avis qu'elles doivent être durables. On demande souvent ce que signifie durable. Qu'est-ce que cette question? Peut-être que je n'ai pas non plus de réponse. Qu'est-ce que signifie durable?

Il faut connaître le nombre d'espèces qu'il y a là-bas avant de décider de ce qui est durable. Dans ma culture, durable signifie tant qu'une espèce peut me donner quotidiennement ce que je souhaite tout en restant là. C'est ce que je comprends par durable. Tant que moi, chasseur ou Autochtone—non pas scientifique, mais vivant à l'extérieur et vivant avec les animaux quotidiennement—je ne constate pas de déclin dans la population que je pêche ou je chasse, je pêche de façon durable.

• 1600

C'est ainsi que je vois les choses. Je vous dis cela en tant que non-biologiste. Mais du point de vue d'un biologiste, «durable» signifie qu'il faut savoir ce qui existe avant de pêcher certaines espèces. C'est ce que j'essaie de dire. Il faut chasser ou pêcher de façon durable, quel que soit l'animal en question. Que ce soit des ours polaires, des petits crustacés ou autres.

Pour finir, je tiens à vous remercier de nous avoir donné la possibilité de nous adresser à vous et de vous montrer ce que fait le Nunavut. Ce n'est pas nouveau. C'est ce que disait Mervin. Pour nous, au Nunavut, cela n'a rien de nouveau.

Mon directeur administratif M. Nobel, avant qu'il n'arrive dans notre région, a été une sorte de cofondateur de la stratégie concernant les phoques, tout au début ou au milieu des années 70 ou 80. Ce n'est donc pas nouveau pour nous. Cela se poursuit mais cela n'a jamais vraiment démarré parce qu'il y a d'autres incertitudes concernant la réglementation touchant les mammifères marins et que l'on manque de fonds pour développer les possibilités économiques, faire des études de faisabilité sur les marchés, etc. Cela va tout doucement mais avec le nouveau gouvernement du Nunavut, nous espérons que cela va pouvoir s'accélérer. Nous aimerions pouvoir être indépendants et décider de notre propre avenir économique au Nunavut.

Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné ainsi qu'à mes collègues la possibilité de m'adresser à vous et nous pourrons, quand vous le voudrez, répondre à vos questions.

Merci. Qujannamiik.

Le président: Merci, monsieur Kovic.

Vous avez un petit exposé ici avec...?

M. Ben Kovic: Je laisserai Larry Simpson et Ken Toner faire notre exposé.

M. Larry Simpson (spécialiste du développement sectoriel, ressources renouvelables, Nunavut Wildlife Management Board): Merci, Ben.

Merci, monsieur le président et bonjour à tout le monde de la part du Nunavut.

Nous allons vous présenter un petit spectacle et vous parler de la chasse au phoque au Nunavut et nous aborderons aussi certaines des questions fondamentales pour les Inuits et la chasse au phoque et les relations entre l'homme et la nature.

Par contraste avec ce qui a été fait hier, je crois qu'aujourd'hui nous nous éloignerons dans une certaine mesure des estimations de la population et des rendements durables pour suivre notre document. Nous voulons vous démontrer ce que nous faisons avec la stratégie, et comment cette dernière permettra d'assurer la durabilité ainsi que l'utilisation de tout l'animal. Toutes ces choses sont des thèmes très importants. Nous le verrons sur les diverses diapositives.

Au Nunavut, nous espérons nous inspirer de la sagesse du passé tout en adoptant de nouvelles visions innovatrices pour l'avenir. Notre ministère porte le nom de Développement durable, et par «durabilité» nous entendons durabilité au point de vue de l'économie, de l'environnement, des résidents et des communautés. La stratégie de notre ministère est axée dans une large mesure sur le développement communautaire.

Le titulaire de notre nouveau ministère est Peter Kilabak de Pangnirtung. Vous aurez probablement l'occasion de le rencontrer un jour.

Vous voyez à l'écran les éléments qui sont présentés plus en détail dans les autres diapositives. Nous vous donnerons plus de renseignements sur l'approvisionnement et la conservation, les marchés, les entreprises, les relations publiques et l'éducation.

• 1605

Tout cela est écrit en anglais. Il y a des documents disponibles pour ceux qui voudront s'en procurer.

Le comité sur la chasse au phoque du Nunavut est composé de divers groupes du Nunavut, de ceux qui s'occupent de la gestion de la ressource, des questions politico-culturelles et des droits des femmes. Nous collaborons tous à cet égard. Nous fonctionnons par consensus, et ce à tous les égards en ce qui a trait à cette stratégie.

Cette diapositive présente notre énoncé de mission. Il résume ce que nous essayons de faire. La chasse au phoque n'est pas pratiquée à grande échelle au Nunavut. Nous ne chassons qu'environ 20 000 phoques annelés chaque année et quelques centaines de phoques du Groenland. Les phoques annelés sont l'espèce privilégiée pour se nourrir, et également pour la qualité de la peau, pour fabriquer des vêtements et des choses de ce genre.

Nous voulons que la chasse demeure un mode d'expression de la culture inuite, une façon pour les Inuits de gagner leur vie, car les emplois rémunérés sont rares et qu'elle permet aux chasseurs indépendants de financer la chasse de subsistance pour leurs familles de plus en plus coûteuse. Nous vous en parlerons un peu plus tard, nous expliquerons comment le revenu direct qu'obtiennent les chasseurs se traduit par de la nourriture pour leurs familles. Le phoque a une valeur nutritive très élevée.

Les objectifs, les mots clés, les thèmes de la stratégie sont l'utilisation durable, l'utilisation de l'animal entier, une chasse sans cruauté, des revenus accrus pour les chasseurs, une plus grande demande des marchés, ce qui pourra avoir un impact sur la production, la viabilité et les occasions d'affaires. À nombre d'égards, nos objectifs ne sont pas très différents de ceux des autres groupes de chasseurs d'autres régions.

Du côté de l'approvisionnement, lorsqu'il y a eu effondrement du marché il y a plusieurs années, en partie en raison des activités des groupes de défense des droits des animaux, qui ne ciblaient pas les Inuits mais qui ont quand même eu un impact sur les marchés où les Inuits vendaient leurs produits, les chasseurs n'avaient plus d'endroits où vendre les peaux. La Compagnie de la Baie d'Hudson a cessé de les acheter; la coopérative également. Tout cela a eu un impact certain sur les chasseurs, dont une bonne partie du revenu en espèces provenait de la vente de peaux comme sous-produit de la chasse; tout cela a eu un impact sur leur capacité de chasser et de nourrir leurs familles. Cela a également touché les gens à d'autres égards, du point de vue culturel, social et nutritif.

Ainsi, il y a environ quatre ans, nous avons essayé de relancer l'industrie de la chasse en établissant un prix fixe de 30 $ la peau. Un prix unique. Nous avons réussi. Cela a ranimé l'intérêt pour la chasse au phoque. Cela a rendu cette activité viable à nouveau.

Nous sommes en train de mettre sur pied un système de classement pour fixer la qualité de la peau en fonction du prix payé.

Toujours du point de vue de l'approvisionnement, nous étudions ici une unité familiale. Le chasseur tue le phoque et le rapporte à la maison. Dans une certaine mesure, le savoir-faire est toujours là, mais il nous a fallu offrir des ateliers où les femmes âgées enseignaient aux jeunes femmes comment l'approfondir. Nous nous occupons de choses de ce genre, pour accroître les niveaux de production au-delà de ce que le chasseur peut faire actuellement.

Voici à nouveau le programme sur les prix des fourrures. C'est le prix fixe, ce qui a permis la chasse de quelque 7 000 phoques annelés par année. Cela représente environ 200 000 $ par année en espèces, et environ 10 millions de dollars en nourriture. Cela a été un programme très efficace. Parce que les peaux se vendent environ 30 $ aux encans à North Bay, c'est un programme rentable. Évidemment il y a des coûts administratifs et des coûts connexes.

• 1610

Ce programme profite à plus d'un millier de chasseurs, qu'ils pratiquent la chasse à plein temps ou à temps partiel, mais tous nourrissent leurs familles. Ce programme rend les camps isolés plus viables. Ces camps isolés sont des solutions de rechange à la vie communautaire et ceux qui vivent dans ces camps restent là à l'année longue. C'est une façon pour ces gens de gagner leur vie, chasser le phoque. Et de plus, évidemment, cela permet de maintenir les connaissances traditionnelles.

Pour ce qui est du développement des marchés, nous collaborons avec des conseillers de l'industrie de la fourrure et d'autres secteurs. Nous essayons d'avoir accès à des marchés et à l'industrie de la mode grâce aux salons de la fourrure et à d'autres occasions de ce genre. Nous présentons chaque année à Montréal une collection de haute couture qui circule ensuite dans le monde entier. Nous faisons de la publicité à l'échelle internationale dans Redbook et, également, lors de l'encan de fourrure, auquel viennent des acheteurs de toutes les régions du monde, y compris la Chine et l'Europe.

Cette année, 1999, est l'année spéciale du Nunavut. Nous avons des initiatives spéciales à Montréal. Cette année, il y aura un hommage spécial au Nunavut rendu par l'industrie de la fourrure.

Nous allons également avoir à cette occasion des produits alimentaires de l'Arctique et des mannequins de la région. Ce gala, qui est en fait la présentation de toutes les nouvelles collections de mode, sera animé par des artistes inuits. Nous aurons un kiosque, une conférence de presse présentée par un conférencier inuit connu, et nous lancerons un nouveau livre que nous préparons et qui explique les liens entre les Inuits et la chasse au phoque. Nous visiterons d'autres écoles. Nous avons lancé un programme dans le cadre duquel les Inuits visitent quelques écoles dans diverses régions pour parler des Inuits et de la chasse au phoque. Il s'agit là d'un programme d'éducation et de relations publiques réussi.

Le marché et le tourisme dans le Nord sont des éléments très positifs et nous maximisons leur impact dans la mesure où nous le pouvons. Nous faisons la promotion des produits comme étant fonctionnels et attrayants, et nous y ajoutons un volet sur la culture traditionnelle qu'est la chasse. De plus, les marchés sur les produits du Nord créent de nouveaux débouchés économiques pour la production, la consommation et également pour les modèles. Nous essayons également d'améliorer l'accès aux peaux apprêtées. Nous n'avons pas encore de tanneries dans le Nord, et nous voulons que les peaux apprêtées disponibles soient de meilleure qualité. Nous faisons également la promotion d'un commerce et d'une production plus efficaces au niveau des coûts. Nous avons de plus en plus de liens avec des gens qui vivent à l'extérieur du Nunavut. Il s'agit là de liens qui sont à l'avantage de tous au niveau de la conception et d'autres éléments associés à l'utilisation du phoque.

Passons maintenant à l'expansion des entreprises. Nous nous occupons de la production dans les ateliers de conception et d'échanges entre le Nunavut et les autres régions, par exemple pour des séances de photos dans le Nord ou au niveau des mannequins. Nous évaluons également les débouchés commerciaux. Nous cherchons différentes façons d'utiliser les sous-produits du phoque. Nous cherchons à créer des partenariats avec le secteur privé. En fait, le gouvernement essaie de limiter les risques associés à de nouvelles entreprises dans une région où les risques sont quand même très élevés.

Certains de nos atouts au point de vue des relations publiques touchent les secteurs que vous voyez à l'écran. Nous avons un appui marqué des résidents du Sud, principalement parce que nous travaillons à petite échelle et que nous ne la pratiquons pas de façon industrielle. Il s'agit en fait d'une chasse alimentaire des phoques annelés. Nous nous servons de méthodes de chasse non cruelles. Les peaux sont un sous-produit de la chasse, et il existe un fondement social et culturel important pour cette chasse. La chasse pour nous a toujours été une chasse alimentaire. Quand nous essayons de nous écarter un peu de ce type de chasse, même si nous nous servons des sous-produits de façon durable, cela crée des difficultés parce que certains pensent qu'à ce moment là cela n'a rien à voir avec une chasse de subsistance. Il existe un certain dilemme à cet égard.

• 1615

Éduquer le public. Comme je l'ai dit, nous nous apprêtons à produire une vidéo, un livre sur la chasse aux phoques ainsi qu'un manuel de classement qui nous permettra d'établir un système de classement pour l'achat des peaux afin que les prix soient fonction de la qualité. Pour ce qui est des brochures et de l'étiquetage, voici un exemple du genre d'étiquette que nous utilisons dans notre collection de haute couture. On y fait état de «l'utilisation en vue de la durabilité dans une économie de subsistance».

Nous avons découvert que les relations avec les médias et les exposés au public, dans les écoles entre autres, étaient utiles. Mais nos moyens sont limités de ce côté parce que ça coûte très cher.

Surmonter les barrières commerciales. C'est un aspect fondamental de notre stratégie, où nous aurons probablement besoin d'aide. Nous n'avons pas besoin de subventions ou d'une aide financière considérable, mais nous avons besoin d'aide si nous voulons supprimer les barrières commerciales et ainsi prendre pied sur les marchés. Aux États-Unis, il nous faut composer avec la Marine Mammal Protection Act. Nous avons découvert que le marché américain constitue probablement le meilleur débouché potentiel pour les manteaux en peau de phoque, par exemple. Les Américains qui vont au salon de la fourrure de Montréal adorent ces manteaux mais ne peuvent en apporter aux États-Unis. Encore là, nous conservons des principes essentiels, à savoir l'utilisation de tout le phoque dans une perspective de durabilité, et la chasse sans cruauté. C'est donc à l'intérieur de ces paramètres que nous exigeons le droit de pratiquer le commerce.

Résultats de notre stratégie. Notre stratégie existe depuis quatre ans maintenant, et nous avons vu des résultats positifs au niveau de la qualité des peaux de phoque, du nombre de peaux vendues, du revenu des chasseurs, de la réputation des produits du phoque du Nunavut sur le marché, de l'augmentation des ventes des produits tirés de la peau du phoque et des retombées. Nous avons organisé des ateliers de modelling et de design dans le Nord et nous avons établi des liens avec des producteurs internationaux. Il y a donc expansion.

Où irons-nous à partir de là? Nous allons mettre en oeuvre le système de classement des peaux. Les vestes en peau de phoque seront portées par tout le personnel du ministère, et j'espère qu'elles ne seront pas aussi chaudes que celle-ci. Pour ce qui est des relations publiques et des initiatives de sensibilisation, le vidéo et le livre seront distribués partout au Canada, aux États- Unis et en Europe. Cette vidéo a été tournée pour la télévision. Nous envisageons de nouveaux partenariats avec des entreprises, certaines de nos sociétés de développement inuites et d'autres. Nous voulons développer le marché nordique et maintenir les rapports que nous avons avec les salons internationaux de la fourrure.

Voici la dernière diapositive. Voyez ces trois anneaux, les gens, l'économie et l'environnement, c'est ce qui constitue la raison d'être de notre ministère. Cela constitue un tout pour nous. Les trois sont intimement liés. D'où le nom de notre ministère, le ministère du Développement durable.

Ce qui m'amène à notre conclusion. Je rappelle une fois de plus que ce que nous voulons plus que toute autre chose, c'est pouvoir commercer. Nous voulons raconter au public l'histoire de la chasse au phoque chez les Inuits, lui expliquer le rapport qu'il y a entre les Inuits et la chasse au phoque. Ce sont les deux domaines où nous avons besoin d'aide.

Accéder au marché, abattre les barrières commerciales et sensibiliser le public. Nous voulons réparer une partie des torts qui ont été causés par d'autres personnes.

Le président: Merci, monsieur Simpson. J'ai vu plusieurs jolies filles qui nous ont montré votre produit, et peut-être que l'une d'entre elles accepterait de se lever. Nous avons des caméras ici, et nous pourrions faire un peu de promotion pour ce que... Monsieur Toner?

[Note de la rédaction: Applaudissements]

Le président: C'était gratuit.

Gary, voulez-vous commencer?

M. Gary Lunn: Je serai bref, car je sais que nous marquons du retard, monsieur le président, et je pense que M. Baker voudrait avoir une partie de mon temps de parole. Je vais faire une ou deux observations rapidement sur un problème en particulier, après quoi George va parler de certains problèmes relatifs aux barrières à l'exportation dont nous avons discuté. Il est sans doute mieux placé que moi pour en parler.

L'un des problèmes que se posent maintenant, et cela semble être le problème de l'heure, c'est le problème du quota, qui est actuellement fixé à 275 000 phoques. J'imagine que votre production fait partie de ce quota. Vous faut-il un accès plus grand à la ressource? Avez-vous des débouchés pour la vente de vos produits?

• 1620

Je comprends que cela comporte deux volets. Nous devons accroître notre part du marché puis avoir un meilleur accès à la ressource. Croyez-vous que la taille du troupeau est telle qu'on pourrait accroître les contingents de chasse sans que cela ait un impact marqué sur ce dernier?

J'aimerais qu'un d'entre vous réponde à cette question, puis je laisserai la parole à M. Baker. Peut-être M. Andersen de l'Association des Inuits du Labrador pourrait-il répondre.

M. Mervin Andersen: Je crois que nos troupeaux pourraient certainement faire l'objet d'une chasse, parce qu'il n'y en a pas dans notre région. La principale population de phoques du Groenland se trouve au large du Labrador, mais pour les autres espèces, comme le phoque annelé et l'autre espèce que j'ai mentionnée plus tôt, ces phoques vivent dans les rivières et il n'existe pas de quota pour eux.

Il n'y a pas de marché, et ces populations ont substantiellement augmenté depuis... Nous continuons notre chasse alimentaire, cela n'a jamais changé. Nous avons beaucoup moins de chiens qu'auparavant, et nous nourrissions nos chiens de viande de phoque. Nous vendions également beaucoup de peaux de phoque, nous les séchions avant de les vendre, nous nous en servions pour des mitaines, des bottes et d'autres vêtements. Mais tout cela a également disparu parce que la peau n'a plus de valeur. Cela représentait un aspect important de notre économie dans le nord du Labrador, parce que nous pêchions l'été mais l'hiver, en fait dès l'automne, nous commencions à chasser le phoque et l'argent que nous recevions nous permettait d'acheter des balles pour nos fusils et de nourrir notre famille, des choses du genre. Pour répondre à votre question, vu sa taille, le troupeau peut certainement faire l'objet d'une chasse.

M. Gary Lunn: Merci.

Le président: Ça va, monsieur Lunn? George, voulez-vous dire quelque chose?

Deux circonscriptions qui sont touchées par la chasse au phoque sont représentées aujourd'hui par M. O'Brien et Mme Nancy Karetak-Lindell; si cela vous convient, je vous demanderais de les laisser intervenir en premier... Lawrence, voulez-vous dire quelque chose?

M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Lunn.

Je tiens à remercier les représentants de nos deux magnifiques régions nordiques, qui font partie de la circonscription de Nancy et de la mienne. Je crois, monsieur le président, que les commentaires tenus par M. Andersen sont bien différents de ceux présentés par la délégation du Nunavut. Je crois que nos amis du Grand Nord, ceux qui vivent plus au nord qu'au Labrador, ont élaboré un plan, ils savent ce qu'ils veulent faire, ils ont élaboré une stratégie.

Ce que M. Andersen semble dire, je suis tout à fait d'accord avec lui, c'est que nous avons besoin d'une stratégie au Labrador également. M. Andersen a fait un commentaire fort judicieux, soit que l'Association canadienne des chasseurs de phoques est financée en grande partie par le gouvernement du Canada à certains égards, et que nous ne recevons aucune part de financement. Je crois qu'il faudrait assurer un certain équilibre, mais ce n'est pas le cas actuellement.

De plus, nous avons concentré nos efforts sur le troupeau de phoques du Groenland, une chose qui me préoccupe gravement, et je l'ai déjà signalé à plusieurs reprises. Mais cela ne s'arrête pas là. Il existe d'autres questions importantes, comme la présence des phoques dans les baies, l'impact de la prédation sur le saumon et l'omble, et l'accès des intéressés à la chasse.

Je partage certaines des opinions exprimées par les deux groupes, et je tiens à féliciter la délégation du Nunavut pour la stratégie élaborée par le gouvernement, le plan d'avenir et les produits fabriqués. Je crois qu'en s'inspirant de ce que nos amis du Sud, de Terre-Neuve, et nos amis du Nord, du Nunavut, ont fait, et en faisant preuve d'imagination et d'esprit d'entreprise... peut-être pourrons-nous élaborer une vraie stratégie pour notre région.

• 1625

J'aimerais signaler qu'avant que des groupes comme IFAW et d'autres fassent campagne contre la chasse au phoque, les phoques étaient vendus au Labrador par l'entremise de la Compagnie de la Baie d'Hudson. C'est la façon dont on faisait affaire à l'époque. Les choses ont beaucoup changé depuis. Cependant nous n'avons pas changé aussi rapidement. Je voulais simplement le signaler. Ce n'est pas une question, mais plutôt un commentaire.

Mervin, êtes-vous d'accord avec ce que je viens de dire? À votre avis, comment pourrions-nous faciliter la transformation et la commercialisation des phoques le long de la côte du Labrador?

M. Mervin Andersen: Je suis d'accord avec ce que vous dites, Lawrence, et je vous remercie de l'avoir dit car vos observations s'inspirent des nôtres. La situation est très difficile. Si nous avons l'air pessimiste... nous ne voulons pas l'être, mais je dois vous faire part des inquiétudes exprimées par les gens de notre district, que je le veuille ou non. Nous demandons simplement de pouvoir monter une petite industrie profitable qui permettra à nos gens de gagner quelques sous.

Comme je l'ai dit dans mon rapport, et je ne crois pas que beaucoup de gens le sachent, nous avons été durement frappés à quatre reprises. Nous ne pouvons plus pêcher la morue, le phoque, le saumon pas plus que nous pouvons piéger des animaux à fourrure... et la seule raison pour laquelle nous restons dans notre coin de pays, c'est parce que nous l'aimons tout simplement. Ce n'est pas parce que les vivres abondent que nous restons là.

Les gens parlent de Voisey's Bay. Ma mère y est née et y a été élevée. Nous sommes des gens de la terre. Nous aimons avoir les deux pieds ancrés dessus, et non en dessous. Nous sommes des chasseurs, des trappeurs et des pêcheurs. C'est là notre mode de vie. Je suis sûr que nombreux sont ceux qui à Terre-Neuve et au Labrador... c'est ainsi que nous vivons. Nous ne pouvons plus pêcher et toute la province en souffre.

Tout ce que nous demandons, c'est de revitaliser cette industrie et de la rendre viable. Nous ne voulons pas quémander de l'argent auprès du gouvernement chaque année. Ce ne serait pas profitable. Nous voulons prendre le taureau par les cornes. Nous savons que le produit existe. Il y en a des millions et nous ne pouvons pas les vendre.

Comme quelqu'un l'a déjà dit, ce qui nous a été surtout préjudiciable, c'est l'adoption de la Loi américaine sur la protection des mammifères marins. La même observation vaut pour les ours polaires. Nous avons des ours polaires. Nous pouvons en abattre quelques-uns, mais nous ne pouvons pas les vendre à moins que nous ne les vendions au Canada. Certains touristes aux États- Unis en veulent. Nous pourrions faire davantage de bénéfices si nous pouvions les vendre aux États-Unis, mais ce n'est pas le cas, et cela vaut pour toute notre production de fourrures. C'est donc un problème grave.

Le président: Merci.

Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Je m'excuse, mais je ne maîtrise peut-être pas assez bien l'anglais pour m'exprimer dans cette langue cet après-midi.

J'ai cru comprendre que nos interventions devaient être très courtes. Pendant que vous ajustez votre appareil de traduction, j'en profiterai pour vous raconter une petite anecdote. Lorsque j'avais accompagné l'ancien président, M. Baker, à Island Lake, j'avais été surpris d'entendre mes propos, que je tenais en français, traduits en anglais et par la suite en langue autochtone. J'avais bien apprécié. Aujourd'hui, je n'ai pas eu la chance de vous entendre parler en inuit ou en inuktitut. Nancy nous avait déjà donné une petite leçon dans cette langue lors d'un dernier voyage.

• 1630

Bien que l'accord portant sur la création du Nunavut ne me soit pas familier—vous ou le greffier pourriez peut-être nous le faire parvenir—, j'ai cru noter qu'en vertu de son article 5, on vous avait confié la gestion de la chasse au phoque, y compris la responsabilité de la ressource. J'aimerais savoir si les 7 000 peaux dont on parle dans votre vidéo font partie des 275 000 têtes du contingent canadien ou si on vous a accordé un contingent propre. Comment fonctionne cette évaluation-là?

Deuxièmement, vous semblez faire état de problèmes reliés à des barrières tarifaires. J'aimerais que le greffier puisse nous expliquer cette question de façon un peu plus approfondie. Est-ce qu'en vertu de leurs lois, certains pays refusent d'accueillir votre ressource? Par curiosité, j'aimerais savoir à qui vous avez vendu vos 7 000 peaux l'an dernier. À des Canadiens seulement? En passant, j'aimerais bien que vous me disiez combien coûte le très beau veston que vous portez. Puisque vous en faites la publicité, il faudrait bien que nous en connaissions le prix.

On dit que les pêcheurs ont reçu quelque 200 000 $. Combien chacun d'eux a-t-il reçu? Est-ce qu'on doit dire «pêcheur de phoque» ou «chasseur de phoque»?

C'est tout pour le moment, monsieur le président.

Le président: Merci, Yvan.

M. Ken Toner (surintendant régional, Nunavut Wildlife Management Board): Mon veston est confectionné à la main et il coûte environ 350$. Si vous me le permettez, je m'exprimerai en anglais parce que je ne maîtrise pas très bien le français. Je m'en excuse.

M. Yvan Bernier: Oui, oui.

[Traduction]

M. Ken Toner: Pour répondre à une de vos questions, la Loi américaine sur la protection des mammifères marins est de toute évidence le plus gros obstacle qui nous empêche de vendre nos produits. Ce marché est le plus vaste et nous ne pouvons pas le pénétrer. Il ne s'agit pas simplement de fourrures. Si nos sculpteurs sculptent de très belles pièces avec ivoire, nous ne pouvons pas les exporter aux États-Unis. Cette loi bloque donc un grand nombre de nos produits et c'est le marché le plus vaste qui existe.

Quant à savoir si les 7 000 font partie du quota, je vais demander à Ben de répondre à cette question.

M. Ben Kovic: Merci, monsieur le président.

Ce sont des espèces différentes. Ce sont des phoques annelés et non pas des phoques du Groenland. Ce que vous voyez là, c'est un phoque annelé et non pas un phoque du Groenland. Le prix n'est pas le même d'ailleurs.

Les 5 000 réservés aux phoques du Groenland ne nous touchent pas. Si c'était le cas, notre récolte serait bien différente au Nunavut de ce qu'elle est à Terre-Neuve, car lorsque les phoques du Groenland arrivent au Nunavut, il n'y pas de glace. Tout se fait dans l'eau. Notre récolte serait bien différente. Il faut être tireur d'élite pour chasser les phoques du Groenland au Nunavut. Tout se fait dans l'eau.

Cela répond-il à votre question? Les 7 000 phoques que vous avez vus dans l'enregistrement vidéo sont surtout des phoques annelés.

[Français]

M. Yvan Bernier: Si votre veston était confectionné en phoque du Groenland, coûterait-il moins ou plus que 350 $? Je cherche à savoir s'il existe un marché pour ce produit. Aux Îles-de-la-Madeleine, on retrouve principalement du phoque du Groenland. À la boutique Les Cuirs ODY-C, la dame me disait que le prix d'une veste de phoque du Groenland était assez élevé. J'aimerais porter un tel vêtement, mais il coûte un peu trop cher. Si une veste en cuir du Groenland était moins chère, je serais preneur.

• 1635

En tout cas, ce sont des choses qui m'intéressent. Est-ce que vos points de vente sont reliés aux différents groupes ou associations de chasseurs et de pêcheurs de phoque au Québec et au Canada? Est-ce qu'il y a une liaison qui assure que votre gamme de produits soit connue d'une façon égale?

Le dernier point que j'ai retenu de vos propos, c'est que vous cherchiez à faire l'éducation du public. Un seul groupe ne saurait se charger de l'éducation du Canada tout entier ou de l'Amérique du Nord tout entière. Il faudra tirer des lignes conductrices dans toutes les associations de pêcheurs et chasseurs de phoque du Canada de façon qu'on puisse travailler à armes égales. Même si l'émergence de la reconnaissance de votre territoire du Nunavut et de votre gouvernement est un excellent tremplin, il faut aussi continuer à chercher des alliés dans les autres provinces.

Je vous pose donc deux questions. Est-ce que ces peaux sont moins chères? Quelle est votre stratégie pour chercher des alliés au Canada?

[Traduction]

M. Larry Simpson: En novembre 1997, je crois, nous sommes allés à une réunion de la North Atlantic Marine Mammal Commission à St. John's (Terre-Neuve) au cours de laquelle nous avons eu l'occasion, à de nombreuses reprises, de nous entretenir avec d'autres groupes et organismes de chasse au phoque. Nous avons établi de bons rapports avec ces groupes et nous continuons de nous entretenir avec eux. D'ailleurs, nous allons voir une petite tannerie à Gaspé en mai prochain. Cette visite découle des contacts que nous avons établis là-bas.

Nous essayons donc de nous épauler, côté commerce, soutien moral, collaboration, etc. Cela répond-il à votre question?

[Français]

M. Yvan Bernier: Madame Line Beaudin exploite une tannerie de peaux de phoque à L'Anse-à-Beaufils. Vous pourriez peut-être lui montrer vos modèles et elle pourrait faire des essais. Je communiquerai avec elle à ce sujet. Puisqu'elle habite dans ma circonscription, j'aurai peut-être le plaisir d'aller vous saluer lorsque vous la visiterez en mai.

[Traduction]

Le président: Nancy, avez-vous des questions à poser ou des observations à faire?

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Avant le début de cette réunion, nous discutions un peu de ce que le comité pouvait faire, et j'aimerais vous poser, à tous, cette question. Quelles recommandations voudriez-vous que le comité présente pour essayer d'aider l'industrie de la chasse au phoque?

Je pense que je pourrais reprendre une partie de ce que j'ai dit hier. Lorsque vous parlez d'éducation du public et du fait que nous essayons de contrer l'accusation qui nous est faite depuis dix à douze ans de chasser des petits phoques blancs, alors que nous savons que cette chasse est interdite depuis douze ans... et pourtant c'est ce genre de mensonge qu'utilisent d'autres groupes pour faire fuir les gens et pour retourner l'opinion publique contre la chasse au phoque. Cela fait-il partie de votre programme d'éducation du public? Lorsque vous vous adressez aux élèves, est-ce ce genre de choses que le public en général devrait savoir, à votre avis?

Nous savons tous que les groupes qui s'opposent à la chasse au phoque ont causé beaucoup de dommages; ils racontent des mensonges. Je suis toujours atterré lorsque, comme je l'ai dit hier, quelqu'un me demande comment nous pouvons chasser des bébés phoques. Je lui ai demandé sans ambages si elle savait que la loi l'interdisait. Personne ne peut chasser les bébés phoques pour des raisons commerciales. Je crois que c'est précisément ce genre de choses qu'il faut absolument transmettre à la population en général. C'était plus ou moins une observation.

Je reviens de nouveau à ma première question: quelle recommandation le comité devrait-il proposer sur la chasse au phoque à votre avis?

M. Larry Simpson: Je demanderais l'aide du gouvernement fédéral pour qu'il contribue à supprimer les obstacles au commerce, en particulier la Loi américaine sur la protection des mammifères marins qui nous empêche de pénétrer le marché américain. Nous savons que ce marché existe, mais nous ne pouvons pas y accéder. Nous avons également besoin d'aide pour que tout le monde sache ce qu'est en réalité la chasse au phoque sans parler des rapports entre les Inuits et la chasse au phoque. Nous y travaillons à l'heure actuelle en produisant cette bande vidéo, par exemple, ainsi qu'un livre sur le sujet. Ils devraient être rendus publics dans un mois ou deux et tout le monde pourra y avoir accès.

• 1640

Nous visitons des écoles au Canada. Nous devons sans doute également mieux informer le public aux États-Unis. Nous devons découvrir où ceux qui siègent au comité qui régit la Loi sur la protection des mammifères marins vivent, qui sont les groupes d'intérêt et quels groupes existent. On me dit que c'est ce qu'il faut faire pour retourner l'opinion publique. Il ne suffit pas d'écrire quelques lettres. Il faut en appeler aux sentiments de chacun et disposer de faits probants. Or, tout cela coûte de l'argent.

Ce sont donc là les deux problèmes principaux: la suppression des obstacles au commerce et l'éducation du public.

Le président: Merci, Larry.

Peter, avez-vous...

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre exposé. J'aurais deux questions à vous poser et l'une d'entre elles s'inspire de ce que disait M. O'Brien, du Labrador. Envisagez-vous ou avez-vous envisagé de créer une coopérative commune entre les Inuits du Labrador et ceux du Nunavut? Je sais que vous avez dit que depuis quatorze jours vous ne cessez de vous réjouir de la création du territoire du Nunavut. Vous avez entièrement raison.

J'ai une autre question. L'autre jour, ma collègue du Nunavut a dit une chose très importante. J'ai aussi entendu la même chose notamment à propos du caribou, de l'élan et de l'orignal quand j'habitais le Yukon. Peu importe leur point de vue, les scientifiques préfèrent ne pas tenir compte des connaissances traditionnelles quand ils donnent leurs conclusions ou prennent leurs décisions. Je voudrais savoir ce que vous en pensez vu que vous habitez la région. Vous connaissez la région, vous l'avez parcourue et ces connaissances font partie de votre histoire. Pourquoi les scientifiques refusent-ils de tenir compte des connaissances traditionnelles vu, comme vous l'avez dit vous-même, que vous avez constaté tous ces faits personnellement?

Ma dernière question s'adresse à M. Kovic. Il y a quelque temps, un ancien ministre des Pêches et des Océans a fait une chose qui a été contestée devant les tribunaux par la Direction de la protection de la faune du Nunavut. Le tribunal a donné gain de cause à la Direction de la faune du Nunavut. Il y a ensuite eu un appel, mais la première décision en faveur du Nunavut a été maintenue. À cause de cela et comme le Nunavut est maintenant un territoire, quels sont les rapports entre la Direction de la faune du Nunavut, le gouvernement du Nunavut et le MPO? Ces rapports s'améliorent-ils ou y a-t-il encore des problèmes?

Merci.

M. Mervin Andersen: Pour répondre à la première partie de votre question, je me suis moi-même longtemps demandé si je devais participer ou non. Nous l'avons fait pour l'industrie de la pêche à la crevette. Nous avons formé la Coalition du Nord qui a obtenu de très bons résultats en collaborant avec divers groupes partout dans le Nord. Selon moi, on pourra faire la même chose pour l'industrie de la chasse au phoque parce que les deux industries se ressemblent beaucoup. L'un des principaux problèmes vient de ce que les gens appellent l'isolement et que je considère moi-même comme la liberté. Il est très difficile d'exploiter les ressources du Nord à cause du climat. Le transport est très difficile. L'hiver, on compte essentiellement sur les avions. Mais d'après ce qu'a dit Ben, une bonne époque de l'année pour la chasse au phoque dans le Nord serait l'automne quand les phoques sont à leur meilleur.

Comme l'a dit l'autre témoin, le principal problème pour la chasse au phoque est l'éducation du public. Nous ne chassons pas le blanchon; nous ne l'avons jamais fait. C'est ce qu'il faut dire au public. De toute façon, cette chasse est maintenant interdite. On ne la pratique même plus à Terre-Neuve. C'est cependant un mythe qui subsiste parmi le grand public. Le public devrait savoir et comprendre qu'il s'agit simplement d'un mythe.

Le président: Merci, Mervin.

Peter, avez-vous autre chose à dire?

M. Peter Stoffer: J'allais simplement demander qu'on réponde aux autres parties de la question.

• 1645

M. Ben Kovic: Relativement aux rapports entre le Nunavut et le MPO, le MPO est encore là et nous aussi. Nous avons des rapports très étroits avec le ministère dans le secteur même, et je veux parler ici du bureau du ministère au Nunavut. Nous avons des rapports étroits. Nous collaborons de près avec le ministère et nous nous entendons très bien. Le seul problème que j'ai constaté vient du fait que, si nous voulons quelque chose, c'est toujours le ministre qui décide et la réponse est non. Même si le tribunal a donné gain de cause au Nunavut, rien n'a changé. Il n'y aura probablement aucun changement jusqu'à ce que le gouvernement du Canada décide que les choses vont changer. Sinon, si le ministre dit qu'il n'y aura pas de changement, les choses ne changeront pas. Le gouvernement du Canada doit dire au ministre que les choses doivent changer. C'est la seule solution.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Merci, Ben.

Quelqu'un d'autre veut-il poser une très brève question?

M. Peter Stoffer: Monsieur le président, je voudrais poser une question à nos sénateurs.

Le président: J'allais y venir, mais je voulais parler des autres membres du comité. George, avez-vous une question?

M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.): Oui, monsieur le président. Les députés du Nunavut et du Labrador, c'est-à-dire Nancy Karetak-Lindell, Lawrence O'Brien et moi, nous sommes réunis plus tôt aujourd'hui. Nous nous sommes entendus sur ce que nous voudrions proposer au comité au sujet des témoignages d'aujourd'hui. Je voudrais en dire quelques mots et vous demander ensuite ce que vous pensez de nos conclusions.

Comme l'ont dit M. O'Brien et Mme Nancy Karetak-Lindell, nous devrions modifier nos propres règlements sur les mammifères marins à la lumière de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et je vois que vous faites signe que oui, pour reconnaître que les peuples autochtones ont des droits qui ne doivent pas être affaiblis par des lois ou des règlements. Nous avons donc d'abord décidé que ce serait une bonne chose de mettre à jour les règlements pour reconnaître que les peuples autochtones du Nunavut et du Labrador ont certains droits et que, comme d'autres l'ont déjà dit, certains articles de la Loi sur les mammifères marins sont injustes à leur endroit.

Deuxièmement, nous croyons qu'il faudrait contester la Loi sur la protection des mammifères marins des États-Unis parce que cette loi prévoit une exception pour les peuples inuits de l'Alaska. Cette exception à la loi permet le libre-échange de certains produits aux États-Unis à partir de l'Alaska. Cela viole les accords conclus entre le Canada et les États-Unis plus récemment, mais surtout l'accord de 1794 entre la Grande-Bretagne et les États-Unis selon lequel les peuples autochtones pourront à tout jamais faire le commerce et traverser sans entrave la frontière américaine.

Ce sont les deux principales suggestions sur lesquelles Nancy Karetak-Lindell, Lawrence O'Brien et moi-même nous sommes entendus et c'est ce que nous demanderons au comité d'inclure dans son rapport. Je voudrais savoir ce que vous pensez de ces deux suggestions.

Je voudrais aussi poser une question. M. Andersen a dit qu'il avait un rapport, j'imagine qu'il s'agit du rapport de l'enquête Malouf sur la chasse au phoque dans le Nord. Selon ce rapport, on avait tué 60 000 phoques avant 1983 et vendu 40 000 peaux de phoque pour la Compagnie de la Baie d'Hudson. Après 1983, le marché s'est effondré. Les habitants du nord du Labrador ont perdu les trois quarts de leurs revenus provenant de la chasse au phoque, ce qui représentait le tiers de leur revenu total. Le rapport recommandait de créer chaque année une caisse de 4 millions de dollars pour aider à diversifier l'industrie de la chasse au phoque et que l'on mette sur pied un programme d'aide pour les Inuits de 1 million de dollars. C'est ce que le rapport recommandait de faire chaque année.

• 1650

Monsieur Andersen, est-ce de cela que vous parlez? Voulez-vous dire que le gouvernement du Canada aurait dû donner suite à cette recommandation? Et que pensez-vous des recommandations que nous avons formulées ce matin?

M. Mervin Andersen: Je suis d'accord avec vous sur toute la ligne.

M. George Baker: J'en étais certain.

Le président: C'était très bref.

Avant de terminer la séance de cet après-midi, je signale que nous avons deux sénateurs avec nous. Nous n'avons pas l'habitude d'être ainsi honorés, mais je sais que ces sénateurs représentent le Nord depuis de nombreuses années. Willie, vous ou Charles voulez-vous dire quelque chose?

Le sénateur Willie Adams (Territoires du Nord-Ouest): Merci, monsieur le président.

Je ne fais pas partie du Comité de la Chambre des communes, mais je suis membre du Comité sénatorial des pêches. Je voudrais simplement vous inviter à venir témoigner aussi devant notre comité.

J'ai quelques questions à vous poser.

Je pense qu'on a fixé un plafond quelconque pour la quantité de phoques, les peaux de phoque et la viande. Je vous ai entendu dire que vous avez une limite de récolte fixée à 25 000 phoques par année au Nunavut. Ce seuil s'applique-t-il uniquement au Nunavut, ou bien aussi au Labrador ou au Groenland? Que faites-vous à ce sujet? Je sais que vous voulez d'autres partenaires. Je sais que, à une époque, on chassait jusqu'à 280 000 phoques par année à Terre-Neuve. Je ne sais pas si tous ces phoques ont été vendus à d'autres pays ou si l'on devrait en acheter une partie pour le Nunavut. Comment le système fonctionne-t-il maintenant pour l'avenir de l'industrie? Quels sont vos projets? Est-ce que vous prévoyez maintenant une récolte de 25 000 phoques par année pour le Nunavut ou la limite sera-t-elle plus élevée? Je vois que vous avez 7 000 phoques, mais j'imagine que vous pourriez fixer la limite à 25 000.

M. Larry Simpson: On évalue à 20 000 le nombre de phoques annelés qui seront chassés au Nunavut. Sur ce nombre, nous achetons environ 7 000 peaux, mais les autres peaux sont utilisées à la maison, etc.

Si la demande augmente, nous pouvons en produire plus. Dans le cas des phoques annelés, la chasse est de beaucoup inférieure à son niveau de durabilité. Je pense qu'on évalue à environ 100 000 le nombre de phoques annelés d'une chasse durable.

Le sénateur Willie Adams: Est-ce que le marché essentiellement c'est pour des vêtements? Est-ce que vous faites autre chose que des vêtements?

M. Larry Simpson: Il y a les marchés du Nord et les marchés du Sud dans le cas du vêtement. Il y a d'autres produits comme les sacs à main et les sacs à dos, en demande dans le nord. En outre, la nouvelle assemblée législative a des sièges recouverts de peaux de phoque.

Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Ken Toner: Nous n'avons pas de marché pour la viande, en ce moment. C'est essentiellement la fourrure que nous offrons à la haute couture et des articles de ce genre.

Le sénateur Willie Adams: Songez-vous à commercialiser la viande à l'extérieur du pays?

M. Ken Toner: Nous sommes ouverts à toute option qui nous permettrait de faire progresser le commerce du phoque, oui.

Le sénateur Willie Adams: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, sénateur Adams.

Ben, voulez-vous résumer en une minute ou voulez-vous nous laisser quelques mots en partant? Nous avons dépassé le temps prévu, mais nous voulons vous offrir, à vous et à Mervin, une minute chacun si vous voulez ajouter quelque chose.

M. Ben Kovic: Merci, monsieur le président.

En terminant, j'aimerais dire au comité que je vais parler au nom du Nunavut et que Mervin va parler au nom du Labrador, même si nous sommes toujours une seule et même famille inuite.

Les habitants du Nunavut ne veulent pas être laissés pour compte dans l'industrie du phoque. Je pense que le Nunavut aimerait être au même rang que Terre-Neuve et nous aimerions également revenir à l'époque où l'industrie fonctionnait bien. Il y a d'autres raisons qui expliquent que nous voulons reprendre le terrain perdu. Ce n'est pas uniquement une question de marché; c'est également une question sociale. Il y a des problèmes sociaux dans nos localités, mais si nous revenons aux racines réelles du chasseur, il me faut plus qu'une minute.

• 1655

Le chasseur d'une famille est le gagne-pain du foyer. S'il n'y a pas de marché pour le phoque, le chasseur ne chasse pas suffisamment souvent pour gagner de l'argent. Le chasseur ne va à la chasse que lorsqu'il doit mettre quelque chose sur la table.

Avant l'effondrement du marché du phoque, le chasseur allait à tous les jours mettre quelque chose sur la table, et gagnait de l'argent en plus—suffisamment d'argent. Lorsque le marché s'est effondré, l'unité familiale s'est effondrée, car il y a eu des suicides dans les familles, des problèmes, des séparations, les jeunes étaient en difficulté, ce genre de choses, parce qu'il n'y avait plus de joie au sein de la famille même. Voilà la raison fondamentale de nos problèmes. Nous aimerions voir une amélioration du marché des produits du phoque de façon à pouvoir revenir à nos racines. Voilà tout ce que je voulais dire. Oui, nous aimons gagner de l'argent. Mais il y a d'autres problèmes qu'il nous faut également résoudre dans ce même contexte: les problèmes familiaux, les suicides, etc.

Voilà ce que j'aimerais vous faire comprendre. Si vous aviez ces problèmes au sein de votre culture, de votre culture blanche, je pense que vous comprendriez. Il n'y a pas grand-chose pour gagner de l'argent au Nunavut. Nous n'avons pas d'arbres. Nous n'avons pas de grandes industries minières. Nous n'avons pas d'industries du pétrole. Nous n'avons pas d'autoroutes, en fait. Nous avons des pistes d'atterrissage et nous avons des routes maritimes. Ainsi, l'industrie de la chasse au phoque, ou l'industrie de la pêche à vrai dire... il nous faut ce genre de possibilités afin d'être autonomes au Nunavut. Comme je l'ai dit, aidez-nous à faire inscrire cette loi sur les mammifères marins dans la Constitution de façon à ce que nous puissions avoir certains des mêmes droits de jouissance que les Inuits de l'Alaska.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Kovic.

Mervin, a-t-il parlé en votre nom à tous deux ou voulez-vous ajouter quelques mots? Il s'est très bien exprimé.

M. Mervin Andersen: J'aimerais dire quelques mots de plus. Je tiens simplement à souligner que l'ITC, Inuit Tapirisat du Canada, a exercé beaucoup de pressions pour défendre les industries de la fourrure et de la chasse au phoque et travaille sur la Loi sur la protection des mammifères marins américaine; on s'est rendu aux États-Unis, etc. Donc l'ITC est très actif.

Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps, mais je tiens à souligner que je partage l'opinion de Ben. Nous vivons dans des régions différentes, mais nos régions sont très semblables. Nos problèmes sont semblables. Ben a abordé une question très délicate, très personnelle et très triste. Le taux de suicide est extrêmement élevé dans notre région. Je ne peux pas parler pour sa région, mais le taux de suicide est malheureusement très élevé dans notre région parce que nous avons perdu notre mode de vie. Nos traditions et les éléments auxquels nous attachions de l'importance ont été dévalués par d'autres, pas à dessein probablement, mais tout simplement parce que ces autres ne comprennent pas nos valeurs, d'où nous venons, comment nous vivons, ce genre de choses. Cela nous a détruits. C'est triste, parce que le grand nombre de ceux que nous perdons sont des jeunes. Cela nous fait mal. Cela nous blesse profondément.

Je suppose que l'essentiel, monsieur le président, c'est que nous continuions à exercer des pressions, à parler, en espérant que quelqu'un va nous écouter. Dans les petites localités, le suicide est un acte très dramatique. Nous avons perdu un si grand nombre de personnes au cours d'une très courte période, qu'il a fallu que notre mode de vie change. Nous avons été nombreux à décider de rester où nous sommes, mais nous pouvons comprendre que dans un grand nombre de régions, les gens quittent parce qu'il n'y a aucune base économique. Toutefois, si nous travaillons tous ensemble, nous disposons des ressources. Nous avons beaucoup de ressources.

• 1700

Nos aînés nous ont enseigné que dans la nature, tout va par cycle. Je pense que nous sommes en haut de la courbe dans l'industrie de la chasse au phoque et que nous allons en profiter. Tous les Canadiens devraient en profiter. Mais nous devons être le principal producteur. C'est triste quand nos jeunes perdent confiance en nous, et tout semble si désespéré pour eux qu'ils se suicident. Les habitants de notre pays qui ne comprennent pas comment nous vivons et fonctionnons y sont pour beaucoup, qu'ils s'en rendent compte ou non, qu'ils le reconnaissent ou non. Je sais que c'est dur, mais ils l'ont fait. Ils nous ont détruits. Il est à espérer que nous nous en tirerons.

Le président: Mervin, je veux vous remercier et en fait remercier les deux groupes de leur présence ici aujourd'hui. Votre présentation a certainement été des plus impressionnantes, et j'espère que les téléspectateurs partout au pays comprendront mieux ce qui se passe dans le Nord et vous appuieront dans les changements que nous apporterons afin, du moins l'espérons-nous, de contrer les attaques faites contre votre culture par les habitants, pour la plupart d'un autre pays. Cela dit, nous vous souhaitons bonne chance avec votre nouveau territoire du Nunavut et nous souhaitons la même chose à ceux de la grande province de Terre- Neuve et du district de Labrador.

Je vous remercie de votre présence. Nous allons prendre une pause de cinq minutes avant de reprendre avec le témoin suivant.

• 1702




• 1710

Le président: Nous allons maintenant poursuivre la réunion et j'aimerais demander aux membres de revenir prendre place à la table. Nous sommes à court de temps et donc il est très important de recommencer.

J'aimerais maintenant accueillir les représentants du Fonds international pour la protection des animaux.

Monsieur Smith, je pense que vous connaissez probablement notre fonctionnement. Je vous demanderais de tenter de limiter votre exposé à 15 minutes de façon à ce que nous puissions ensuite passer aux questions. Voulez-vous nous présenter les autres membres de votre groupe et ensuite nous commencerons.

M. Rick Smith (directeur canadien, Fonds international pour la protection des animaux): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'offrir cette occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.

[Français]

Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître.

[Traduction]

J'aimerais vous présenter les collègues qui m'accompagnent aujourd'hui: Andrea Addario, coordonnatrice des campagnes pour le Fonds international pour la protection des animaux au Canada, et Sandra Sorensen, notre organisatrice nationale au Canada.

Comme vous le savez, la controverse entourant la chasse commerciale du phoque au Canada dure depuis plus de 30 ans, et, en tant qu'ancien Montréalais ayant grandi durant les moments forts de cette controverse, je suis fort conscient du fait que nombre de Canadiens et de Canadiennes ont l'impression d'avoir déjà tout entendu sur le sujet. En fait, on me le répète souvent lors des réunions de famille. Cela est d'autant plus vrai que la moitié de ma famille, du côté de mon père, habite Terre-Neuve.

Je me rappelle très bien, lorsque j'étais en quatrième année, d'avoir pris la parole—et gagné—dans un débat sur la question de la chasse au phoque. Étant donné l'organisation que je représente aujourd'hui, vous trouverez sans doute amusant d'apprendre que ce jour-là, c'est la chasse que je défendais avec fierté. J'ai révisé ma position depuis. Ma vision des choses a changé. La question de la chasse au phoque elle-même a considérablement changé.

C'est au cours des quelques dernières années que j'en suis venu à l'opinion que j'ai actuellement. Lorsqu'on travaille à la préparation d'un doctorat sur l'écologie du phoque au Canada, comme je le fais actuellement, on découvre rapidement que les gens s'attendent à ce qu'on ait une opinion éclairée sur la chasse commerciale du phoque et, certainement, les terribles événements du début des années 90 ont beaucoup contribué à former mon opinion présente.

Je me rappelle encore ma consternation en apprenant l'imposition d'un moratoire sur la morue en 1992. J'étais, je suis encore, profondément attristé de l'impact de ce moratoire sur des milliers d'hommes et de femmes braves et durs à la tâche touchés par cet événement à Terre-Neuve et au Labrador. Je me souviens également de mon grand étonnement en constatant qu'un grand nombre de décideurs publics refusaient de reconnaître honnêtement la vraie cause de l'effondrement des stocks de morue—des années de surpêche à l'aide de technologies industrielles destructrices—, choisissant plutôt de faire porter au phoque la responsabilité d'un problème causé par les humains.

Par la suite, j'ai pris la décision de laisser de côté une carrière de scientifique professionnel pour travailler pour le Fonds international pour la protection des animaux au Canada. J'ai ouvert un nouveau bureau pour l'IFAW à Ottawa en janvier 1997.

Deux raisons ont motivé ma décision. Premièrement, en tant que biologiste de formation et être humain soucieux du bien-être des animaux, j'étais convaincu que les phoques du Groenland portaient injustement le fardeau des problèmes qu'éprouvait l'industrie des pêches, et dont ils n'étaient nullement responsables. Deuxièmement, en tant qu'ancien président d'un syndicat local et citoyen croyant à la justice sociale, je désirais que l'on trouve des solutions honnêtes et constructives aux défis que vivaient les chasseurs de phoques professionnels et les collectivités rurales des provinces de l'Atlantique.

Mon opinion personnelle, et celle du Fonds international pour la protection des animaux, est que la présente chasse commerciale du phoque nuit à tout le monde. Il va de soi qu'elle nuit aux phoques, mais elle nuit également aux hommes qui les chassent et aux citoyens et citoyennes canadiens qui entendent les leaders politiques-qui devraient pourtant être mieux informés—leur dire que les problèmes complexes et profonds que connaissent l'industrie de la pêche et les collectivités rurales de l'Atlantique seraient réglés si seulement on tuait davantage de phoques.

• 1715

Dans ma courte présentation d'aujourd'hui—et je ne veux pas prendre trop de temps, je sais qu'il est tard et je vous sais gré de votre attention—j'aborderai un certain nombre de domaines. Tout d'abord, une brève introduction aux activités et à la philosophie de mon organisation, le Fonds international pour la protection des animaux; deuxièmement, j'aborderai les problèmes inhérents à la chasse commerciale du phoque et la raison pour laquelle cette chasse semble une telle anomalie aux yeux du monde. De plus, j'aimerais vous parler brièvement du nouveau consensus qui s'est formé parmi les groupes soucieux de la conservation et la collectivité scientifique concernant l'impossibilité de maintenir les quotas actuels, et la menace qu'ils constituent pour la population de phoques du Groenland.

Comme vous le savez sans aucun doute, le Fonds international pour la protection des animaux a été fondé à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, en 1969. C'est grâce à nos efforts et à ceux d'autres Canadiens et Canadiennes soucieux des animaux que le premier système de quotas a été adopté pour la chasse commerciale du phoque en 1971. Au cours des années, nos intérêts et nos domaines d'expertise se sont grandement diversifiés et approfondis. Notre organisation est actuellement la plus importante organisation internationale pour la protection des animaux dans le monde entier. Nous avons des bureaux dans plus d'une dizaine de pays et près de deux millions de sympathisants, et des campagnes au nom d'une grande variété d'animaux et de leurs habitats, du léopard des neiges au Tibet jusqu'au renard dans le Royaume-Uni, en passant par les éléphants en Afrique du Sud et le phoque moine de la Méditerranée en Turquie.

Le nombre de nos membres au Canada a considérablement augmenté au cours des deux dernières années. Nous représentons actuellement près de 50 000 Canadiens et Canadiennes. Nos activités au Canada portent sur la protection et la conservation de la faune, plus spécifiquement dans trois domaines: tout d'abord nous travaillons pour que le Canada adopte la meilleure protection au monde pour les espèces concernées et ce, au niveau fédéral, provincial et territorial; deuxièmement, nous travaillons pour mettre un terme aux pratiques de chasse cruelles dans les provinces, par exemple les chasses de printemps et l'utilisation d'appâts et de meutes; enfin, troisièmement, nous travaillons pour mettre un terme aux excès inhérents à la chasse commerciale du phoque.

J'aimerais faire la lumière sur une idée fausse bien populaire. L'IFAW ne s'oppose pas systématiquement à toute forme de chasse. Par exemple, nous ne nous opposons pas à la chasse de survie légitime. Nos dernières campagnes, par exemple contre la chasse à l'ours printanière en Ontario, ont porté sur les pratiques particulièrement horrifiantes qu'un nombre de plus en plus grand de chasseurs ont eux-mêmes commencé à critiquer, plutôt que sur la chasse récréative comme telle. Nous avons en fait créé des alliances très intéressantes avec des intervenants du secteur de la chasse à cet égard.

La chasse de subsistance et la chasse récréative diffèrent de la chasse commerciale, tant dans les lois canadiennes que dans les lois internationales, et avec raison. Notre opposition à la chasse commerciale du phoque se base sur des problèmes bien connus et dûment documentés inhérents à cette chasse.

Il existait plusieurs types de chasses commerciales en Amérique du Nord à venir jusqu'au début du siècle. Il était tout à fait courant, dans les années 1900, de se rendre au «supermarché» du temps pour se procurer un oiseau chanteur, du gibier d'eau migrateur, ou du gibier de bois pour le souper. Les chasses commerciales de ce temps se sont traduites par des populations d'animaux sauvages décimées et un niveau de cruauté inacceptable.

Si certains d'entre vous ont visité l'exposition Audubon présentée au Musée des civilisations et qui a pris fin il y a quelques semaines, vous saurez que même les espèces les plus nombreuses ont été détruites ou presque par la chasse commerciale, comme la tourte, le canard du Labrador, le bison, et pratiquement tous les stocks de baleines. Lorsqu'on essaie de faire de l'argent durant une chasse, on tue autant d'animaux qu'on peut, aussi vite qu'on le peut. Est-il surprenant, dans de telles circonstances, qu'un grand nombre d'animaux soient tués de façon cruelle? Suite à cette expérience désastreuse des chasses commerciales, le Canada et les États-Unis ont fini par mettre un terme, grâce à l'adoption d'une série de mesures législatives et à la modification de politiques au début du XXe siècle, à pratiquement toutes les chasses commerciales, afin de permettre aux populations de se rétablir.

Pour certaines, cette protection est venue trop tard. La chasse commerciale du phoque est la dernière chasse commerciale d'animaux sauvages d'envergure en Amérique du Nord. Tous les problèmes qui la caractérisent—des actes d'une cruauté inacceptable, des tueries en nombre qui ne peuvent être maintenues, et des problèmes insurmontables pour faire appliquer les lois—étaient également le fait des chasses commerciales passées. Toutes ces chasses ont été stoppées précisément parce que le public réclamait une solution à ces problèmes.

Simplement, nous croyons qu'il est temps de gérer les phoques de la même manière que pratiquement toutes les autres populations d'animaux sauvages sont gérées en Amérique du Nord depuis des années. Nous sommes d'avis qu'il est temps de tirer une leçon du passé, plutôt que d'en répéter les erreurs.

• 1720

En plus d'être la plus importante chasse commerciale d'animaux sauvages en Amérique du Nord, de par son ampleur même, la chasse au phoque est la plus importante chasse aux mammifères marins sur tout le globe. Ne nous surprenons pas, dans ce cas, de l'attention internationale qu'elle attire. C'est un phénomène de proportions mondiales.

Je suis heureux d'entendre tant de gens aujourd'hui mentionner le rapports de la Commission Malouf. Moi aussi j'en parlerai. En 1986, la Commission royale sur la chasse aux phoques au Canada précisait

    L'opinion prévalante, toutefois, juge que, pour que la mise à mort d'un animal sauvage respecte une certaine éthique, elle doit obéir aux conditions suivantes: l'existence de l'espèce ne devrait pas être menacée; aucune douleur inutile ou traitement cruel ne devrait être infligé; la mise à mort devrait avoir une utilité importante; et la mise à mort devrait impliquer un minimum de gaspillage.

    La Commission royale recommande que la mise à mort d'un animal sauvage respecte à tout le moins les conditions susmentionnées.

J'ai noté avec un certain intérêt que ces conditions reflètent clairement les objectifs établis dans la stratégie de chasse aux phoques du Nunavut.

Il existe une abondance de preuves à l'effet que, plus de 10 ans après le rapport de la Commission royale, la présente chasse commerciale du phoque ne respecte aucune de ces quatre conditions.

La question de la chasse commerciale du phoque a fondamentalement changé durant les six derniers mois. Les preuves scientifiques incontournables démontrant que le quota actuel ne peut demeurer aussi élevé, et qu'il mènera vraisemblablement à une diminution importante de la population de phoques du Groenland, ont incité un grand nombre de scientifiques et de groupes soucieux du bien-être et de la préservation des animaux à donner l'alarme. Ils craignent que ne se répètent les mêmes erreurs qui ont mené à l'effondrement du stock de morue. J'ai inclus toutes ces politiques dans votre trousse de renseignements.

Le Fonds mondial pour la nature Canada, qui appuie explicitement une chasse au phoque durable, a modifié sa politique à la fin de l'automne l'année dernière. La nouvelle politique stipule dorénavant «le TAC devrait en fait être abaissé».

Le Club Sierra du Canada, la plus ancienne organisation nord- américaine pour la préservation, ne s'était pas prononcé sur la question jusqu'à maintenant, et a récemment mis en oeuvre une politique pour la première fois faisant état de graves préoccupations.

Greenpeace Canada, qui contrairement à l'opinion généralement reçue, ne s'est pas engagé dans la question des phoques depuis le début des années 80, vient d'envoyer une communication au ministre, M. Anderson.

La Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux et 25 autres sociétés canadiennes pour la protection des animaux et associations de défense des droits des animaux au Canada expriment les mêmes préoccupations.

Dans le secteur scientifique, 22 biologistes canadiens bien connus oeuvrant en milieu marin, dont 11 de l'université Memorial de Terre-Neuve, ont fait parvenir une lettre à David Anderson il y a quelques mois lui demandant de limiter l'ampleur de la chasse. Dernièrement, en réponse à la campagne agressive et chauviniste du ministre John Efford visant non seulement à ignorer les preuves scientifiques récentes, mais bien à forcer le gouvernement fédéral à réaliser le plus important massacre de phoques du Groenland, 30 étudiants de biologie de 2e cycle, à l'université Memorial de Terre-Neuve—pratiquement toute la classe—ont écrit au ministre Anderson pour lui demander de ne pas souscrire à la persécution des phoques que M. Efford contribue à créer.

Dans la même veine, la Société pour l'histoire naturelle de Terre-Neuve, qui privilégie une chasse durable exempte de cruauté, a écrit au ministre Anderson il y a deux semaines pour lui transmettre son désaccord face à ce qu'ils appellent la conclusion erronée de M. Efford à l'effet que les phoques empêchent le rétablissement des stocks de poisson de fond à Terre-Neuve.

En plus des nouvelles voix de protestation s'élevant au Canada, l'ampleur de la chasse au phoque de 1998 a incité près de 200 parlementaires européens et un groupe bipartite de sénateurs et de députés américains à écrire aux gouvernements de Terre-Neuve et du Canada, afin d'exprimer leur opposition et celle de leurs électeurs, face à l'expansion rapide de la chasse. L'inquiétude des milieux internationaux a encore augmenté suite à l'annonce du quota pour la chasse de 1999.

Le ministre Anderson et le MPO méritent d'être félicités pour avoir entrepris depuis peu, de manière plus transparente et plus ouverte, la revue par les pairs des données scientifiques sur les phoques. Nous espérons, et il en va de même pour la collectivité oeuvrant pour la préservation, que cette tendance se poursuivra, en particulier en ce qui a trait à l'élaboration du présent recensement des phoques du Groenland.

Comme le soulignait hier M. David Lavigne, il est important de noter que si le quota était établi et si la chasse se déroulait dans un autre pays qui se sert de meilleurs calculs réalisés en tenant compte du prélèvement biologique potentiel, le quota canadien pour la chasse au phoque du Groenland serait fixé à environ 100 000 animaux ou même moins. Devant ces faits, force nous est de constater que la chasse actuelle correspond déjà à la définition d'une élimination massive. D'un point de vue scientifique, l'élimination des phoques ne réglera pas les problèmes de l'industrie de la pêche au Canada. En fait, tout semble démontrer que cette élimination pourrait en fait nuire à la pêche commerciale.

• 1725

En ce qui concerne le second critère énoncé par la Commission Malouf, le règlement sur les mammifères marins précisant de quelle manière les chasseurs doivent se comporter sur la banquise est moins exigeant aujourd'hui qu'il ne l'était dans les versions précédentes de ce qui s'appelait alors «Règlement sur la protection du phoque». Le règlement précisait clairement que les chasseurs devaient s'assurer que chaque animal était bel et bien mort avant de chercher à atteindre une nouvelle cible. Ce n'est plus le cas. En fait, un homme de loi ayant examiné à la demande de notre association le règlement sur les mammifères marins, a conclu que ce règlement, dans son état actuel, contient un grand nombre de lacunes allant jusqu'à tolérer un comportement jugé illégal d'après l'article 446 du Code criminel du Canada.

Même si le règlement était considérablement modifié, il n'en demeure pas moins que la chasse se déroule sur des milliers de milles carrés de glace, et que le MPO est simplement dépassé dans ses efforts pour faire appliquer la loi. Voyons simplement que depuis 1996, toutes les accusations de contraventions qui ont été portées durant la chasse relativement à des actes de cruauté—par exemple, dépouiller un phoque encore vivant, ou ne pas achever un animal blessé et souffrant—provenaient de bandes vidéo filmées par notre association durant sa propre investigation et remises à la GRC et au MPO. Nous avons répété l'opération en 1996, en 1997 et encore une fois en 1998.

Cette année encore, nous avons observé la chasse dans le golfe du Saint-Laurent. En fait nous y étions il y a quelques semaines. Les responsables du MPO semblaient davantage intéressés à empêcher les parlementaires européens en visite, les journalistes indépendants et nos propres employés d'observer la chasse, qu'ils ne l'étaient à surveiller les activités des chasseurs de phoque.

Pour ce qui est du troisième critère énoncé par la Commission royale, l'on exagère souvent la contribution de l'industrie du phoque à l'économie des Îles-de-la-Madeleine, de Terre-Neuve et du Labrador. La dernière année pour laquelle nous disposons de données adéquates sur cette question est 1996, et ces données proviennent de l'industrie même. L'industrie soutenait alors avoir rapporté 10,8 millions de dollars à l'économie canadienne. Une fois ce chiffre corrigé par un économiste spécialiste des ressources naturelles, tenant compte du double compte pratiqué par l'industrie et soustrayant les millions de dollars de subventions fédérales et provinciales, la valeur ajoutée de l'industrie est passée à 2,9 millions de dollars.

Il reste encore à soustraire de ce montant le coût, pour les contribuables canadiens, de l'opération des brise-glace et de la surveillance de la chasse. Comparons ce chiffre avec les centaines de millions de dollars que rapporte actuellement l'industrie du tourisme à l'économie de Terre-Neuve, et songeons à l'hésitation que certains touristes risquent d'éprouver à l'idée de se rendre à Terre-Neuve, connaissant les détails de la vaste chasse commerciale qui s'y déroule en hiver. Je crois que c'est une comparaison importante.

La chasse, telle qu'elle se déroule aujourd'hui, contrevient à la recommandation de la Commission royale précisant que la mort d'un animal doit impliquer un minimum de gaspillage. Il y a environ deux semaines, mes collègues, moi-même ainsi que plusieurs journalistes indépendants, y compris des journalistes qui commentent les pêches à St. John's, avons observé la chasse dans le golfe du Saint-Laurent et trouvé, comme par les années passées, des dizaines de milliers de carcasses abandonnées sur la banquise. Cela est routinier dans la chasse telle qu'elle se déroule actuellement. Comme c'est le cas dans bon nombre de chasses commerciales d'animaux sauvages, seules certaines parties de l'animal ont une valeur économique suffisante pour valoir la peine d'être ramenées.

Cette question a été expliquée tout récemment dans le livre très intéressant de Michael Dwyer intitulé «Over the Side, Mickey», un rapport personnel d'un chasseur de phoque sur la saison 1997. D'après ce que nous avons observé il y a environ deux semaines, la peau est prélevée et le reste de l'animal est simplement abandonné pour pourrir. Ce n'est pas là le genre d'attitude que les Canadiens et les Canadiennes sont prêts à accepter dans le domaine de la chasse, surtout lorsque cette chasse est subventionnée à même leurs contributions fiscales.

En conclusion, la présente chasse commerciale du phoque ne répond à aucun des critères d'acceptabilité énoncés par la Commission Malouf. En fait, aucune autre population d'animaux sauvages en Amérique du Nord n'est gérée de la façon dont le sont les phoques du Groenland.

Deuxièmement, il n'est pas surprenant que le Fonds international pour la protection des animaux s'oppose aux excès de la chasse commerciale du phoque; en fait, nous le faisons depuis 30 ans. C'est un dossier qui est un peu nouveau pour moi mais cela fait certainement un bout de temps que mon organisme s'en occupe. Ce qui est surprenant, c'est le nombre sans précédent d'organisations, de groupes pour la protection et la préservation des animaux—dont certains seraient en faveur d'une chasse au phoque durable—et de scientifiques de toutes les régions du pays, y compris de Terre-Neuve, qui craignent réellement que le quota ne soit trop élevé et que la population de phoques du Groenland ne soit décimée.

Troisièmement, les mêmes erreurs qui ont mené à l'effondrement de la morue du Nord sont répétées dans la gestion du phoque du Groenland. Le Canada tue déjà trop de phoques et aucune donnée scientifique ne justifie pour le moment l'élimination massive des phoques.

• 1730

Enfin, étant donné l'horreur que suscite la chasse chez une grande partie de la communauté internationale, il est clair que la réputation du Canada à l'étranger en est gravement entachée. Il est raisonnable de conclure que notre économie s'en ressent déjà.

J'aimerais vous remercier infiniment de votre attention. J'ai inclus un certain nombre de documents pour votre information et je me ferais un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Smith.

Monsieur Baker, est-ce que vous avez des questions?

M. George Baker: Oui, monsieur le président, j'ai une ou deux questions à poser pour le moment et peut-être d'autres pour un deuxième tour.

Monsieur Smith, vous avez entendu il y a quelques instants les représentants du Nunavut et du Labrador. Ils nous ont dit qu'en 1983 leur économie avait été décimée. Leurs revenus ont été réduits d'un tiers et les trois quarts de l'argent que leur rapportait la chasse au phoque ont disparu en 1983.

Monsieur Smith, vous avez écrit un doctorat sur l'écologie des phoques. Vous devez savoir...

M. Rick Smith: En 1983, j'étais encore en culotte courte.

M. George Baker: ... que lorsque les Européens ont imposé leur boycott, une exception a été faite pour la chasse pratiquée par les Autochtones. Pourquoi, alors, les revenus des Autochtones ont-ils chuté d'autant? C'est à cause de votre campagne, de la campagne que votre organisme représente, une campagne qui disait... J'ai votre rapport annuel de 1997. Qu'est-ce qu'on y voit quand on tourne les pages 3, 4 et 5? Tout d'abord des phoques. Quels genres de phoque? Des blanchons.

Monsieur Smith, savez-vous que le 20 décembre 1987 un règlement a été adopté rendant illégaux au Canada la vente, le commerce ou le troc de blanchons? Cette loi est dans nos statuts depuis le 20 décembre 1987 et en fait nous—je dis «nous», les Canadiens, les Terre-Neuviens, et les gens du Nord, les gens autour des Îles-de-la-Madeleine—ne tuons pas de blanchons.

M. Rick Smith: Je le sais parfaitement, monsieur Baker. Je vous remercie de votre question.

Je ne sais pas si vous savez que selon la définition du blanchon donnée par le ministère des Pêches et des Océans, tout du moins dans le golfe du Saint-Laurent, et je crois à Terre-Neuve, un animal cesse d'être un blanchon dès qu'un poil de sa fourrure blanche commence à changer de couleur.

Donc, des animaux qui pour la grande majorité des Canadiens—certainement, je pense, pour vous et pour moi—ressembleraient à des blanchons ressemblent certainement beaucoup à cet animal. Ces animaux sont en fait la cible d'une grande partie de l'industrie autour des Îles-de-la-Madeleine. Monsieur, j'aimerais beaucoup pouvoir vous amener voir cette chasse l'année prochaine si cela vous intéresse.

M. George Baker: Monsieur Smith, dans votre publicité, c'est un blanchon.

M. Rick Smith: Oui, bien sûr.

M. George Baker: C'est un blanchon et c'est le genre d'animal sur lequel vous faites reposer votre campagne financière. Je pourrais vous montrer... je ne vous apprends rien; ce sont les photos que vous envoyez au public à qui vous dites que ces chasseurs continuent à tuer des blanchons puisque leur fourrure blanche n'a pas complètement disparu.

Monsieur Smith, vous savez bien sûr pour avoir étudié les blanchons qu'un phoque traverse diverses étapes. Comme nous l'a expliqué M. Lavigne qui a témoigné devant notre comité hier, à sa naissance, le phoque a une fourrure jaune pendant trois ou quatre jours, jusqu'à ce que la pluie et le soleil blanchissent cette fourrure; le phoque est alors un blanchon. Puis, il devient un phoque gris. Pourquoi? Parce que la fourrure grise commence à apparaître, et les taches noires...

Vous voyez où je veux en venir: le phoque n'est pas encore un guenillou.

M. Rick Smith: Vous connaissez bien la biologie du phoque.

M. George Baker: En effet.

Une fois que la fourrure est grise, le phoque se transforme en guenillou et, comme vous le savez sans doute, monsieur Smith, peu de temps s'écoule entre le moment où un phoque est un guenillou et celui où il devient un brasseur, un phoque à la fourrure blanche tachetée de noir.

• 1735

Après la mue, la fourrure vaut 30 $. Que vaut la fourrure d'un guenillou pour un chasseur de phoque? Moins de 10 $. Expliquez au comité pourquoi un chasseur de phoque n'attendrait pas que la mue se termine pour obtenir une peau valant 30 $.

M. Rick Smith: Encore une fois, monsieur Baker, cet animal que vous montrez...

M. George Baker: Est un blanchon.

M. Rick Smith: ... est un animal qui peut être chassé en toute légalité au Canada à l'heure actuelle, dès que la mue commence, dès la disparition des premiers poils blancs.

M. George Baker: Monsieur Smith, il y a...

M. Rick Smith: Pour faire suite à ce que vous avez dit sur les brasseurs, manifestement, vous connaissez bien la biologie du phoque et vous avez raison de dire que l'on capture un grand nombre de brasseurs. En fait, environ 80 p. 100 des captures en une seule année sont des jeunes phoques nés cette année-là, que ce soit des animaux comme celui-ci, que vous et moi appelons des blanchons, des guenillous ou des brasseurs. Environ 80 p. 100 des animaux qui sont capturés sont des phoques de cette catégorie d'âge.

Vous savez que les brasseurs sont des phoques dont la mue vient de se terminer et qui, dans bien des cas, n'ont pas encore pris leur premier repas. Ils sont sevrés, mais ce sont des animaux qui n'ont pas été jetés à l'eau par la fonte de la glace ou qui n'ont pas encore nagé. D'après votre description de la biologie du phoque, on croirait que ces animaux sont bien plus vieux qu'ils ne le sont dans les faits.

M. George Baker: Monsieur Smith, je peux vous garantir qu'un phoque brasseur a été sevré.

M. Rick Smith: Absolument.

M. George Baker: Pourquoi donc utilisez-vous des blanchons dans toute votre publicité, alors que, en fait, il est illégal de vendre un blanchon, de troquer un blanchon ou d'échanger un blanchon? Actuellement, au Canada, c'est tout à fait illégal. Aucune fourrure de blanchon n'est vendue car ce serait violer la loi.

Vous utilisez des blanchons dans votre publicité qui paraît dans la presse écrite et à la télévision. Vous avez parlé de vos bandes vidéo... ah oui, j'ai remarqué qu'il y avait un blanchon sur les bandes vidéo auxquelles vous venez de faire allusion et que vous avez présentées avec Clayton Ruby à une conférence de presse qui s'est tenue à Ottawa. On voyait un blanchon sur cette bande; on voyait un chasseur agrippant un blanchon, sans autre explication. On ne voyait que cette séquence, mais, bien sûr, chaque fois que Radio-Canada diffuse cette bande, c'est cette scène qu'on montre. CTV, Global—peu importe de qui il s'agit, les médias montrent toujours ce blanchon.

Il y a donc un blanchon, mais je peux vous dire, monsieur, que ce blanchon-là se trouve actuellement au domicile de Dwayne Shiner, de Smith's Harbour. Votre représentant du Fonds international pour la protection des animaux est allé chez M. Shiner et a vu ce blanchon. Parfois, le blanchon est au sous-sol; parfois, il est à l'étage. Votre représentant lui a demandé de sortir le blanchon sur la glace pour qu'il puisse le filmer avec la glace comme toile de fond. M. Dwayne Shiner et M. Wally Shiner ont accepté et on a filmé le phoque.

Le président: Monsieur Baker, je vous interromps car je ne crois pas que vous jouissiez de l'immunité en comité. Vous portez des accusations très graves.

M. George Baker: Un moment, monsieur le président. J'aimerais terminer ma déclaration.

Le président: Je voudrais...

M. George Baker: Nous avons un témoin ici même aujourd'hui. C'est M. Paul Shelley, leur député provincial.

Voici où je veux en venir, monsieur le président. Le Fonds international pour la protection des animaux prétend que les chasseurs de phoque se sont attaqué à un blanchon, mais ce blanchon est encore dans la maison de M. Shiner. Voyez-vous, ce blanchon est empaillé.

Le président: Il est empaillé?

M. George Baker: Il est empaillé.

Le président: Monsieur Baker, vous voulez nous faire croire que ces témoins viendraient ici...

M. George Baker: Je vous assure, monsieur le président...

Le président: C'est une organisation très crédible.

M. Lawrence O'Brien: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Vous n'avez pas le droit de faire une telle remarque. Vous faites preuve de préjugé et de partialité, ce que vous ne devriez pas faire.

M. Rick Smith: J'aimerais bien répondre à la question, monsieur.

M. George Baker: Peut-être pouvez-vous nous donner une explication, monsieur Smith.

Le président: Le témoin pourrait-il dire au comité ce qui s'est vraiment passé? A-t-on employé des blanchons empaillés?

M. George Baker: Est-ce que ce sont des blanchons empaillés qu'on voit sur la bande que vous avez présentée en conférence de presse, en 1997, en présence de Clayton Ruby, bande que vous avez distribuée dans la trousse pour les médias? N'était-ce pas, monsieur, un blanchon empaillé?

M. Rick Smith: Manifestement, monsieur, vous avez plus d'information à ce sujet que moi. Mais si vous me le permettez, j'aimerais vous répondre.

Je crois que nous sommes d'accord pour dire que la définition de blanchon pose un problème, et je dirais même que votre problème, ce n'est pas nous qui le causons, mais bien le ministère des Pêches et des Océans, car l'animal qu'on voit sur cette bande peut être chassé en toute légalité.

• 1740

Si vous en voulez des preuves documentaires, j'attire votre attention sur les présentations qui ont été faites par les chasseurs de phoque des Îles-de-la-Madeleine dans le cadre de l'examen réglementaire sur les mammifères marins que mène actuellement le ministère. Vous savez sans doute que le ministère recommande notamment, plutôt que d'interdire la vente commerciale des blanchons... Le ministère a demandé: «Devrait-on tout simplement interdire la chasse au blanchon?». Les chasseurs de phoque des Îles-de-la-Madeleine ont répondu non dans leur mémoire, car c'est l'une de leurs cibles dans cette région.

M. George Baker: Monsieur Smith...

M. Rick Smith: Vous pouvez le vérifier vous-même, monsieur.

M. George Baker: ... j'ai une dernière question à vous poser. Vous avez remis au gouvernement du Canada des bandes vidéo qui ont servi à porter des accusations contre des chasseurs de phoque. Et accusations il y a eu. La plupart d'entre nous croient que le gouvernement fédéral est le chef de file mondial en matière de conservation. Il est interdit de tuer un adulte. Il est interdit de tuer un phoque adulte dans l'aire de reproduction. Il est interdit de tuer un phoque adulte dans l'aire de mise bas. Il est interdit d'acheter, de vendre ou de troquer la peau d'un dos bleu ou d'un blanchon. C'est le gouvernement du Canada qui a fait tout cela.

Donc lorsque vous présentez votre bande aux Canadiens, vous omettez de mentionner, premièrement, qu'on y voit un blanchon empaillé et, deuxièmement, que cette bande a été filmée dans l'Utah, à Salt Lake City, sur une période d'environ un an au studio de la Paradore Television Communications, et vous le savez fort bien. Ce studio a la réputation de faire le meilleur montage au monde. Et vous croyez que...

Le président: Monsieur Baker, votre temps est écoulé. Je dois céder la parole à un autre député. Vous avez fait des remarques très sérieuses.

M. Rick Smith: Monsieur le président, en réponse à cette observation, je dirai que la Gendarmerie royale du Canada et le ministère des Pêches et des Océans ont jugé que cette bande vidéo suffisait pour porter sept accusations. Nous sommes heureux de laisser les tribunaux canadiens trancher.

M. George Baker: C'est précisément ce que je disais.

Le président: Et de ce côté, Yvan, avez-vous des questions ou devrais-je céder la parole à Peter? Yvan, êtes-vous prêt ou voulez- vous que je cède la parole à quelqu'un d'autre?

M. Yvan Bernier: Je suis prêt.

[Français]

Je vais me prévaloir de ce premier tour et prendre la parole, monsieur le président, parce que vous me semblez être très pointilleux au niveau du temps. Si j'ai le droit de parler pendant cinq ou dix minutes maintenant, je devrais pouvoir parler pendant cinq à quinze minutes au prochain tour.

Je m'excuse auprès des témoins de n'avoir pu assister à leur présentation parce que j'ai dû prendre part à une conférence téléphonique. J'ai toutefois lu assez rapidement votre mémoire et j'ai cru comprendre, lors de votre l'échange avec M. Baker, que les choses devenaient virulentes.

Mon adjoint a pris des notes qui indiquent que vous semblez être en faveur de la chasse au phoque, ce que vous pourriez me confirmer, et de l'établissement d'un contingent d'à peu près 100 000 bêtes. J'aimerais savoir comment vous en êtes arrivés à ce chiffre. Est-ce qu'il a été établi en fonction de la biomasse? Depuis que la chasse au phoque et au blanchon est arrêtée, la biomasse s'est peut-être multipliée par cinq ou dix, ce qui voudrait dire que le chiffre qui était bon à l'époque ne l'est peut-être plus. Comment évaluez-vous ce chiffre par rapport à la biomasse?

Deuxièmement, au début de votre document, lorsque vous parlez de la philosophie du Fonds international pour la protection des animaux, vous dites travailler pour mettre un terme aux pratiques de chasse cruelles. Selon vous, qu'est-ce qu'une chasse au phoque acceptable? Selon la définition du ministère des Pêches et des Océans, il s'agit de mettre fin à la vie de la bête rapidement. Cette définition fait aussi allusion à l'utilisation d'un fusil et d'un gourdin qui permettent tous deux de mettre instantanément fin à la vie de l'animal. On nous y rappelle qu'on tue un boeuf ou un cochon de la même façon.

En quelques mots, pourriez-vous me dire comment vous établissez le nombre de bêtes qui peut être tué par rapport au cheptel et, deuxièmement, comment vous définissez une chasse acceptable, puisque vous semblez être d'accord sur la chasse? Merci.

M. Rick Smith: Je vous remercie de votre question, monsieur Bernier.

[Traduction]

Je vais répondre en anglais, car mon français n'est pas très bon.

• 1745

Nous nous opposons à la chasse commerciale, car la chasse commerciale entraîne toujours les mêmes problèmes. Premièrement, le niveau de prises ne peut être soutenu. Lorsque la chasse devient commerciale, comme on l'a vu dans le cas de la tourte et de la baleine, il est difficile de maintenir le niveau des prises une fois que la chasse a commencé.

Nous nous opposons aussi à la chasse commerciale en raison des problèmes de cruauté inhérents à ces entreprises. Encore une fois, si vous chassez pour de l'argent, la nature même de l'entreprise fait que vous tenterez de tuer le plus grand nombre d'animaux possible aussi rapidement que possible, car ce n'est qu'ainsi que l'activité sera rentable. Dans de telles conditions, des conditions qui sont fondamentalement différentes de celles d'un abattoir, il est difficile de maintenir des normes relativement à la cruauté, car la chasse se fait à l'extérieur, dans des conditions météo incontrôlables, sur de la glace qui se déplace constamment. Dans certains cas, la chasse au phoque a lieu en mer, de sorte qu'on tire sur les animaux de loin, sans être sûr de pouvoir les récupérer. Il a été prouvé que bien des animaux souffrent avant que les navires puissent aller les sortir de l'eau sans cruauté.

Le troisième problème de la chasse commerciale, comme on a pu le constater à maintes reprises, c'est l'application des lois et règlements. Encore une fois, c'est une façon de tuer des animaux qui est fondamentalement différente de ce qui se fait dans un abattoir. Il est vrai que les abattoirs connaissent leurs propres problèmes, mais ce ne sont pas ceux qui existent lorsqu'on chasse sur des centaines de kilomètres carrés de glace ou d'eau où l'organisme d'application de la loi devra assurer la surveillance.

Ce sont donc là les fondements de notre position. Ce n'est pas seulement pour nous une question de durabilité, bien que nous soyons d'avis que l'on assiste actuellement à une crise. Le nombre d'animaux qui sont chassés entraîne la réduction de la population, et c'est là-dessus que nous nous concentrons en ce moment. Mais ce n'est là qu'une de nos objections à la chasse commerciale.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je ne comprends pas, monsieur le président, que le groupe qu'il représente puisse être en désaccord sur la chasse commerciale, mais appuyer une chasse dite artisanale ou de subsistance. C'est la même bête qui meurt, qu'elle soit abattue par la main d'un chasseur commercial ou celle d'un chasseur sportif qui veut nourrir ou vêtir sa famille. J'ai de la difficulté à saisir la distinction qu'on fait. Si le Bon Dieu a mis sur la terre des animaux et qu'il m'a pourvu, moi, de la capacité de les tuer pour me nourrir et grandir, je pense que cela fait partie de l'écologie. Si je tue une bête dans le cadre d'une chasse commerciale parce que je veux non seulement mettre de la viande dans le ventre de mon enfant, mais aussi lui acheter des livres pour aller à l'école, ce qui est aussi nécessaire, je remplis la même fonction.

[Traduction]

M. Rick Smith: À ce sujet, nous appuyons la distinction qui existe déjà en droit canadien et international entre la chasse commerciale et non commerciale. La loi n'est pas la même selon qu'il s'agit de chasse commerciale ou de subsistance, car l'activité de l'Autochtone qui abat un phoque annelé pour son repas est bien différente de celle du chasseur qui tue 300 phoques du Groenland en une journée pour vendre leurs peaux à l'Asie du Sud- Est; la différence, c'est que l'Autochtone qui abat un seul phoque se concentrera sur cet animal et l'utilisera dans son intégralité, et que cette activité est plus facile à réglementer, du point de vue de l'application de la loi, que la chasse commerciale à grande échelle. La différence entre la chasse commerciale et non commerciale existe déjà en droit, et elle nous semble logique.

[Français]

M. Yvan Bernier: Puis-je poser une autre question?

[Traduction]

Le président: Très brièvement, alors.

[Français]

M. Yvan Bernier: D'accord. Dans la définition que vous venez de donner, vous accordez aux autochtones le droit de se nourrir. Comment appelez-vous une personne qui a été déportée sur une île dans les années 1750, un Acadien? Selon moi, c'est un autochtone des Îles-de-la-Madeleine dont la seule façon de gagner sa vie en période hivernale ou printanière est d'aller à la chasse. Il a besoin d'acheter des choses provenant de l'extérieur pour être capable de survivre sur son île. Qu'on l'appelle un autochtone des Îles-de-la-Madeleine ou un chasseur commercial qui a besoin de la chasse pour vivre et faire vivre sa famille, je pense qu'il n'y a pas de différence. Là où on peut se rejoindre, c'est quand on dit que sur la banquise, on utilise principalement le gourdin aux Îles-de-la-Madeleine. À ce moment-là, vous évitez d'être loin de la bête et de l'échapper dans l'eau. Mais ce sont ces images-là qui ont justement servi à détruire la chasse. Vos propos m'apparaissent contradictoires.

• 1750

[Traduction]

M. Rick Smith: Vous avez tout à fait raison en ce qui a trait à la chasse aux Îles-de-la-Madeleine, et vous remarquerez que nous ne faisons pas campagne contre la chasse de subsistance, ainsi que vous l'appelez, des habitants des Îles-de-la-Madeleine ou des régions rurales de Terre-Neuve.

[Français]

M. Yvan Bernier: Ils pourraient vendre l'usufruit de leur chasse, laquelle est leur seule façon de vivre.

[Traduction]

M. Rick Smith: Si je vais dans la forêt du nord de l'Ontario, par exemple, pour y abattre un chevreuil à l'automne, je ne peux vendre cette carcasse à l'épicerie locale pour qu'elle vende la viande au public. Dès que la chasse devient une activité lucrative, elle est considérée différemment en droit canadien et international.

[Français]

M. Yvan Bernier: Oui, je suis bien d'accord avec vous, mais avez-vous déjà essayé de manger du macaroni 365 jours par année? On se fatigue de manger du macaroni. Les gens des Îles-de-la-Madeleine veulent se servir de la vente de leurs produits du phoque pour pouvoir manger autre chose, par exemple du boeuf élevé dans l'Ouest canadien ou de l'agneau produit dans la région de Rimouski. On parle de la possibilité d'échanger le fruit de notre travail contre le produit d'un autre, tout en respectant les principes d'une chasse que vous reconnaissez vous-mêmes, c'est-à-dire ni trop près ni trop loin de la bête pour ne pas qu'elle se sauve et qu'on la perde, et pour éviter le gaspillage. On est intéressés à tout cela.

Quand je vais aux Îles-de-la-Madeleine, on mange du phoque en saucisse, en sauce spaghetti et dans le style boeuf bourguignon. C'est délicieux. On s'habille de phoque et il nous aide à nous réchauffer. Mais à un moment donné, les filles des Îles-de-la-Madeleine deviennent plus coquettes et ont le droit de s'acheter autre chose que de la peau de phoque. Comment y arriver si on ne peut pas échanger le fruit de son travail? C'est ce que je me demande.

Je suis d'une religion où on aime manger de la viande. La personne végétarienne doit avoir de la peine quand on se met à faucher nos champs; on lui gâche son repas. Comment concilier nos deux religions? On peut se rejoindre si on respecte les règles de chasse que vous semblez respecter et l'exploitation du cheptel. Je vous rappellerai qu'en ce qui concerne l'exploitation du cheptel, il n'y a pas d'autres prédateurs pour le phoque, à moins que j'aie manqué un bout de l'histoire. Ni la morue ni le turbot n'ont les dents assez longues.

[Traduction]

M. Rick Smith: Je répète que l'histoire de la chasse commerciale comporte presque uniformément une réduction des populations animales et des niveaux de chasse inhumains. Peu importe qu'il s'agisse d'animaux qui n'étaient pas à l'origine très nombreux, comme le dodo, ou certaines populations de baleines ou d'animaux qui furent autrefois les animaux les plus nombreux sur notre continent, comme les bisons et les pigeons voyageurs. La chasse commerciale réussit à mener à l'extinction de populations animales ou à les réduire considérablement en très peu de temps.

Le président: Merci, monsieur Smith.

Je vais maintenant passer à l'autre côté. Denis.

[Français]

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Ce sera d'un Montréalais à un autre, monsieur Smith.

[Traduction]

Ici, on me traite de cowboy des villes. Cela ne m'empêche pas de discuter de beaucoup de choses.

[Français]

Êtes-vous végétarien?

M. Rick Smith: Je suis «fishétarien». Je mange du poisson.

M. Denis Coderre: Vous ne mangez pas de viande?

M. Rick Smith: Non.

M. Denis Coderre: Vous mangez du poisson?

M. Rick Smith: Oui.

M. Denis Coderre: La prochaine campagne visera peut-être à arrêter la pêche au poisson parce qu'il y a aussi risque d'extinction. Il faudra faire attention.

[Traduction]

M. Rick Smith: Il y a en fait une différence entre les pêches commerciales et les chasses aux mammifères, à savoir que le poisson est capable de se reproduire.

[Français]

M. Denis Coderre: Monsieur Smith, je ne suis pas un admirateur de Brigitte Bardot. Lorsque je regarde la campagne vicieuse et tendancieuse sur les blanchons et que je lis votre rapport annuel, je partage le point de vue de mon collègue George Baker. J'estime qu'on joue un petit peu avec les émotions des gens et qu'il y a fausse représentation.

• 1755

J'aimerais savoir combien d'argent votre organisme a recueilli l'an dernier pour contrecarrer l'industrie des chasseurs de phoque.

[Traduction]

M. Rick Smith: J'ai inclus cela dans le rapport annuel que vous avez sous les yeux et vous y trouverez notre budget international.

M. Denis Coderre: Dites-moi.

[Français]

Je n'ai pas le temps de le lire. Dites-moi combien vous avez recueilli.

[Traduction]

M. Rick Smith: Le budget de l'organisation pour le monde entier se chiffrait l'année dernière entre 50 et 60 millions de dollars américains.

M. Denis Coderre: Soixante millions.

M. Rick Smith: Entre 50 et 60. Je ne sais pas le chiffre exact.

[Français]

M. Denis Coderre: D'où vient cette importante somme d'argent et qui la perçoit?

[Traduction]

M. Rick Smith: Notre organisation est financée par des sympathisants, près de 2 millions en tout dans le monde, dont environ 50 000 Canadiens.

[Français]

et de nombreux Montréalais.

M. Denis Coderre: Vous recueillez certainement plus qu'un petit billet de 5 $ auprès de particuliers; certaines compagnies doivent bien vous aider.

[Traduction]

M. Rick Smith: C'est exact. Ce sont des gens comme ma tante Pat à NDG qui donne 5 $ par mois.

[Français]

M. Denis Coderre: À part votre tante, quels organismes ou compagnies assurent votre financement? Je ne connais rien de cet aspect et je ne cherche qu'à comprendre.

[Traduction]

M. Rick Smith: Finançons-nous d'autres organisations?

M. Denis Coderre: Non. Qui vous finance? Ce n'est pas seulement des cotisations personnelles, des 10 $.

M. Rick Smith: Ce sont essentiellement des particuliers. Comme pour beaucoup de groupes à but non lucratif, nous avons certains collaborateurs dans le monde des affaires.

[Français]

M. Denis Coderre: Vous avez éveillé ma curiosité lorsque vous avez dit qu'au début, vous étiez en faveur de la chasse au phoque et qu'à un moment donné, vous avez vu la lumière et changé d'avis. Je ne sais pas si vous êtes passé d'une religion à une autre.

[Traduction]

Vous avez fini par voir la lumière à un moment donné. J'aimerais savoir ce qui s'est passé et pourquoi vous avez changé d'avis.

[Français]

Vous avez vécu à Terre-Neuve et vous avez vu ce qui s'y passait. Vous savez pertinemment que l'industrie de la chasse au phoque ne menaçait pas cette espèce d'extinction et qu'elle ne le fait pas actuellement non plus. Qu'est-ce qui vous a fait voir la lumière, monsieur Smith?

[Traduction]

M. Rick Smith: Personnellement, et je l'ai indiqué dans mon exposé, il m'est apparu très clairement au cours des cinq ou 10 dernières années que la chasse commerciale comportait énormément de cruauté et entraînait une chasse non durable de la faune. Pour un biologiste comme moi qui s'intéresse aux animaux, c'est choquant et pour quelqu'un qui a passé beaucoup de temps à travailler pour tout un éventail d'organisations travaillant à la justice sociale, qui est président d'une unité syndicale...

[Français]

M. Denis Coderre: Nous sommes d'accord, monsieur Smith, pour dire que, d'une certaine façon, les chasseurs, y compris les chasseurs autochtones, respectent les animaux. Est-ce que ce ne sont pas les clips que vous présentez qui vous ont fait changer d'idée? Est-ce que c'est le fait de voir un blanchon se faire frapper qui vous a fait changer d'idée? Est-ce pour cela que vous avez été pris dans cet engrenage et que vous vous êtes laissé embarquer dans cette secte par la suite?

[Traduction]

M. Rick Smith: Je pense que les gens travaillent où ils travaillent pour différentes raisons. Il est certain que quelques- uns de mes collègues...

M. Denis Coderre: Et vous?

M. Rick Smith: J'essaie de vous répondre. Je considère essentiellement le point de vue biologique. Je trouve aussi injuste que des gens, notamment beaucoup de décideurs politiques au Canada, disent des choses sur les phoques du Groenland qui n'ont rien à voir avec la réalité et j'ai d'autre part l'impression que c'est desservir les collectivités rurales, que ce soit aux Îles-de-la-Madeleine ou dans les campagnes de Terre-Neuve, et que plutôt que de se pencher honnêtement sur la question avec certaine province ou même le Canada...

[Français]

M. Denis Coderre: Les gens des Îles-de-la-Madeleine essaient de survivre. J'ai sursauté tout à l'heure lorsque vous avez dit que vous ne faisiez pas allusion aux gens des Îles-de-la-Madeleine. Il faut aller les rencontrer pour se rendre compte du tort que leur font votre travail et la publicité mensongère et tendancieuse que vous diffusez. Dans ce coin du pays, non seulement il y a une industrie qui se débat pour survivre, mais il y a des familles qui éprouvent de grandes difficultés. Il y a des familles qui veulent survivre, qui ont à coeur l'industrie et qui ont surtout à coeur les animaux. Si on suivait votre raisonnement, il faudrait arrêter de manger du boeuf et du poulet, parce que si on continue à chasser le poulet comme on le fait, il n'y en aura plus. Il faudra alors dépenser 16 millions de dollars pour une publicité quelconque afin de dire à la population d'arrêter de manger du poulet. Pauvres petits poussins! Vous allez peut-être montrer un poussin qu'on tue. Ça va être épouvantable.

[Traduction]

M. Rick Smith: Monsieur, vous avez tout à fait tort de peindre ainsi la campagne que nous faisons depuis deux ans et je vais vous lancer un défi à ce sujet. S'il y a quoi que ce soit dans ce rapport annuel de faux ou d'incorrect que vous pouvez démontrer, je serai très heureux de me rétracter. Mais tout ce que j'ai dit aujourd'hui, tout ce que j'ai dit depuis deux ans et que mes collègues disent depuis deux ans est fondé sur des données scientifiques, des informations juridiques et je puis vous les soumettre à vous ou à tous ceux que cela peut intéresser. Les animaux dont vous parlez et que nous mentionnons dans le rapport, je le répète, peuvent être chassés légalement à des fins commerciales, d'après le ministère des Pêches et des Océans.

• 1800

M. Denis Coderre: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, Denis.

Je vais maintenant passer à Peter. Toutefois, je ne veux pas que les députés attaquent les témoins comme certains d'entre vous l'ont fait. Il faut leur laisser le temps de répondre et être juste de part et d'autre.

Peter.

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup, monsieur le président.

Cela prouve ce que je dis depuis toujours et ce que dit aussi notre parti. Si l'on ne peut avoir de dialogue constructif, cela tourne à la rhétorique; peu importe de quel côté de la barrière on se trouve. Et cela n'apporte rien à personne.

Je tiens à dire publiquement qu'il est très dommage que le Parti réformiste du Canada ait utilisé son pouvoir de veto pour nous empêcher de nous déplacer pour aller voir la chasse ou les phoques cet hiver. Je n'y croyais pas. Je ne pensais pas qu'ils pouvaient le faire mais c'est ce qu'ils ont fait. Ainsi, il nous manque des connaissances visuelles. On peut voir des vidéos et tout ce genre de choses, mais je pensais qu'il serait très important d'être sur place. Quoi que nous disions dans nos recommandations et dans nos rapports, j'estime qu'il est impératif que nous allions sur place l'année prochaine ou dès que possible.

Monsieur Smith, je vais m'adresser à vous avec tout le respect que je vous dois. À titre de membre de 11 organisations environnementales nationales et internationales et parce que je me préoccupe énormément du sort de notre planète et de toutes les espèces qui y vivent, comme vous certainement, je respecte toute organisation qui essaie de protéger d'autres espèces en plus de l'espèce humaine sur notre planète parce que c'est un système fini. Mais si ce que M. Baker dit est vrai...

Je ne vais pas demander de réponse. Ce que j'aimerais, c'est une réponse écrite au comité sur son allégation, et je n'irai pas plus loin.

M. Efford, le ministre de Terre-Neuve, et vous et les gens que nous avons entendus, méritent—et c'est peut-être contradictoire, des félicitations pour avoir saisi le comité et le gouvernement canadien de cette question parce que la faute derrière tout cela, le dénominateur commun... Peu importe, monsieur Smith, que l'on soit de votre côté ou du côté des associations de chasse au phoque et du gouvernement de Terre-Neuve et du comité qui représente tous les partis qui est ici aujourd'hui, il y a quelqu'un qui est responsable de la gestion de tout ce système. Il y a un ministère fédéral qui est responsable de tout cela et c'est le ministère des Pêches et des Océans. Je vous dirai, et je dirai demain à M. Efford, que c'est ce ministère qui est ultimement responsable de réunir les éléments scientifiques, pas seulement à partir de faits scientifiques mais également de connaissances traditionnelles, de précédents historiques, et aussi d'ouvrir des marchés pour les phoques et d'aider ceux qui vivent dans les localités côtières rurales.

Comme vous le savez, nous avons visité Terre-Neuve et le Labrador. Je considère la question dans son ensemble et je vous remercie d'en avoir parlé—je l'ai dit ce matin à une conférence de presse et je le redirai jusqu'à épuisement—ce qui a détruit les pêches dans le monde, et non pas seulement sur la côte Est, ce sont des technologies destructrices et le fait que de grosses entreprises se soient emparé de nos stocks de poisson, sur les deux côtes, avec le système des QIT, ou quotas individuels transférables, et les allocations aux entreprises, qui ont pris les richesses côtières, les pêches locales pour les remettre entre les mains de grosses entreprises récoltant des milliards de dollars, restructurant le régime fiscal canadien pour y parvenir.

Nous avons vu plus de 40 000 personnes de Terre-Neuve et du Labrador déménager. Il est absolument honteux que le gouvernement canadien laisse se produire ce genre de choses et s'en lave les mains et que des organisations comme la vôtre et comme le gouvernement de Terre-Neuve se lancent dans des guerres de propagande de part et d'autre. Je vous demande, et je leur demanderai demain, de cesser les beaux discours creux et de prendre le temps de discuter entre vous de sorte que les gens du Labrador et du Nunavut ne se retrouvent pas coincés entre les deux. C'est exactement ce qui s'est produit.

Je n'ai qu'une question à vous poser. M. Baker a soulevé un argument tout à fait valable à propos de l'entrée aux États-Unis, du fait que les Inuits de l'Alaska et les populations autochtones peuvent vendre leurs produits aux États-Unis. Allez-vous ou pouvez- vous envisager une réunion avec la section de la faune du Nunavut et le groupe inuit du Labrador pour les aider à vendre leurs produits aux États-Unis? Je sais que ce n'est pas votre mandat. Je sais que cela coûte de l'argent, qu'il faut de la coopération et de la consultation. Envisageriez-vous de les rencontrer pour discuter de façons de les aider à vivre dans leurs villages et exploiter leurs ressources?

• 1805

M. Rick Smith: Je vous remercie de la question. Nous sommes tout à fait disposés à rencontrer quiconque s'intéresse à la question, à n'importe quel moment. J'ai le regret de dire que certaines des lettres que nous avons envoyées à quantité d'associations inuites sont restées sans réponse. Nous tenons beaucoup à établir un dialogue constructif sur ce point.

Le président: Monsieur Easter.

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

Je reprends ce que M. Stoffer disait: dépassionnons le débat et examinons les faits. Rick, vous avez dit dans votre échange avec M. Bernier que la chasse commerciale a presque toujours abouti à la disparition des espèces. Cela a toujours été le cas.

Mais pour ce qui est de la chasse au phoque, le MPO et le gouvernement fédéral ont imposé quantité de règlements et mesures d'application et tenté de faire en sorte que la chasse se fasse sans cruauté. Si l'on n'exploite pas le troupeau de phoques de manière soutenable, mais sans exagérer, c'est le troupeau de phoques qui, lui, va éliminer les autres espèces. Nous faisons des études sur les effets qu'il a sur la pêche à la morue. Vous dites que les chasseurs commerciaux tiennent tant à l'argent qu'ils vont le faire le plus vite possible.

Votre association vit la même contradiction à propos des blanchons. Vous dites que la chasse au blanchon est légale, et nous pouvons soutenir qu'elle ne l'est pas. Quand les gens me téléphonent pour m'engueuler parce qu'on autorise la chasse au phoque, il s'agit souvent de personnes âgées dans ma circonscription et ailleurs qui pensent que l'on tue les blanchons. Ils en sont convaincus.

Il y a donc un problème des deux côtés. Vous qui recueillez des fonds devez compter avec cette image et cette opposition. Que cela vous plaise ou non, cela vous touche au premier degré.

Où cela mène-t-il? Acceptez-vous une chasse menée à un niveau soutenable? Notre autre problème—et nous allons en discuter avec le ministre Efford demain, c'est certain—c'est de voir quelle information scientifique est bonne et quels sont véritablement les chiffres. Si la réglementation veille à ce que la chasse ne soit pas cruelle et se fasse à un niveau soutenable, accepteriez-vous la chasse?

M. Rick Smith: Je vous remercie de la question. Je veux d'abord répondre à ce que vous avez dit à propos de la collecte de fonds. C'est souvent un sujet de malentendu dans ce dossier.

Pour la campagne de souscription, la chasse au phoque commerciale ne joue aucunement. Je dois vous dire qu'il y a beaucoup de problèmes qui touchent les animaux sur la planète et au Canada dont nous nous occupons attentivement et auxquels nous aimerions affecter plus de moyens. Malheureusement, si nous participons au débat sur la chasse commerciale du phoque, c'est qu'elle est la plus importante du genre au monde et qu'elle attire toute l'attention internationale qu'un phénomène comme celui-là peut attirer. C'est pourquoi nous participons actuellement au débat.

Vous m'avez demandé si nous accepterions la chasse si elle était soutenable, sans cruauté et si l'application de la réglementation était plus sévère. Je vous réponds que vous êtes beaucoup plus optimiste que moi si vous pensez que cette éventualité est raisonnable. Peut-être pourrait-on en parler si cela se concrétise un jour.

• 1810

Encore une fois, nous sommes contre la chasse commerciale, parce que, sans exception, la chasse commerciale comporte ces difficultés. Elles sont nombreuses et nous ne voyons pas comment les contourner.

M. Wayne Easter: Vu votre expérience en biologie et dans d'autres domaines, pensez-vous que le phoque a un effet non seulement sur la morue mais aussi sur la chaîne alimentaire dont dépend la morue pour que les stocks se reconstituent? Voilà une autre espèce à propos de laquelle on ne veut pas refaire la même erreur. Si l'on ferme les yeux sur l'augmentation du troupeau de phoques—et le ministre Efford nous dira demain qu'il est très nombreux—n'empêche-t-on pas les stocks de morue de se reconstituer et ne compromet-on pas aussi d'autres espèces de poissons?

M. Rick Smith: Je pense que c'est l'un des sujets les plus importants que le comité puisse examiner. Il est très clair qu'il n'y a pas d'informations scientifiques qui montrent que le phoque gêne la reconstitution des stocks de morue du Nord. De fait, un professeur de l'université Memorial de Terre-Neuve a déclaré que l'on n'a jamais vu de preuves dans le monde que l'élimination sélective de la population d'un mammifère marin avait profité à la pêche commerciale.

La raison en est très simple. Beaucoup d'intervenants dans ce débat, y compris John Efford, voudraient faire croire au comité que l'Atlantique du Nord-Ouest est comme une bascule avec le phoque du Groenland à un bout et la morue à l'autre. Si l'on fait baisser l'extrémité de la bascule où il y a le phoque du Groenland, l'extrémité où se trouve la morue va remonter et le poisson va se précipiter dans les filets des pêcheurs.

Or, dans l'Atlantique du Nord-Ouest, il y a tout un écosystème, qui compte des centaines d'espèces et qui se consomment les unes les autres à divers moments de leur cycle de vie. Une des figures qu'a montrée David Lavigne à propos du réseau trophique simplifié de l'Atlantique du Nord-Ouest ne faisait état que d'un tout petit nombre des centaines d'espèces différentes qui vivent et des interactions complexes entre elles. J'espère que cela a permis d'éclairer le débat sur la complexité de l'écosystème.

Le président: Merci, Rick. Merci, monsieur Easter.

Nous avons le temps d'entendre deux courtes interventions. Nancy.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

Vous savez sans doute que je ne peux pas être rationnelle dans ce débat parce que je vois les choses uniquement en noir et blanc. Je suis arrivée à la conclusion que vous étiez sans doute plus ouvert d'esprit en quatrième année qu'aujourd'hui.

Je vous entends parler de tuerie cruelle et absurde et pourtant il y a une demi-heure, j'ai entendu des gens d'autres localités du Labrador et du Nunavut qui eux aussi parlaient de mort inutile et absurde, sauf qu'ils parlaient d'êtres humains. Je rapproche les deux pour essayer de voir en noir et blanc ce que me dépeignent divers témoins. Moi, je ne vois que des êtres humains par opposition à des animaux.

Vous ne pouvez pas dire que l'action de votre organisation n'a pas eu d'effet sur ces localités. Vous dites que Terre-Neuve va profiter du tourisme, mais ce n'est pas une option pour un village du nord du Labrador dont la survie dépend de la chasse au phoque ou d'un village qui participe à la chasse au phoque commerciale. Vous parlez de tuerie absurde et cruelle, contre laquelle vous vous élevez, et pourtant votre action produit les mêmes effets chez les humains.

J'essaie de comprendre comment une organisation peut justifier une action aussi néfaste sur des êtres humains. Encore une fois, je vois les choses uniquement en noir et blanc, un côté contre l'autre... Comment pouvez-vous défendre la vie d'un phoque plutôt que l'avenir d'un enfant? Je ne vois pas les choses autrement. Si vous aviez des nièces et des neveux et des enfants, vous choisiriez le phoque pour veiller à ce qu'il passe de la naissance au stade de blanchon puis au stade adulte, mais vous n'offrez pas la même chance à l'enfant promis à un bel avenir.

• 1815

Je sais que je caricature, que je vois les choses en noir et blanc et je m'en excuse, mais c'est ainsi que je vois les choses. On essaie d'aider ces gens dans cette partie du pays à exploiter les ressources naturelles et à faire vivre leurs enfants. Des témoins plus tôt aujourd'hui ont parlé de créer un marché et une économie pour leurs enfants et leurs familles, tandis qu'un groupe qui ne sait sans doute pas quel effet son action a sur cette population vient contrecarrer ces efforts.

C'était plus une observation de ma part qu'une question, mais j'ai du mal à mettre les choses en perspective ici.

M. Rick Smith: Permettez-moi de vous répondre.

La première chose que je vous dirai, c'est que les antécédents de la majorité de mes collègues dans notre bureau à proximité d'ici à Ottawa ne sont pas dans le domaine de la protection des animaux ou de la biologie, mais viennent plutôt—et je suis du nombre—d'organisations en faveur de la justice sociale et d'associations qui ont travaillé étroitement auprès de groupes autochtones pendant des années. Nous avons travaillé très dur à des projets de solidarité avec les populations autochtones.

Mme Nancy Karetak-Lindell: De quels groupes s'agit-il?

M. Rick Smith: Andrea, par exemple, a travaillé au Comité canadien d'action sur le statut de la femme. Sandra a travaillé pour un grand nombre d'organisations de justice sociale. Pour mon doctorat, j'ai beaucoup travaillé avec les Cris du nord du Québec. Si je pensais un seul instant que notre activité causait les problèmes que vous décrivez dans les villages autochtones, je démissionnerais demain.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Il ne s'agit pas uniquement de villages autochtones. Je parle au nom de tous les villages de pêche.

M. Rick Smith: Sauf votre respect, sur la question de savoir si la campagne contre la chasse commerciale est en grande partie responsable des problèmes et des difficultés qui existent dans les localités du Nord, je pense que l'on minimise l'importance d'autres facteurs comme les déménagements forcés, les internats, l'absence d'autonomie politique pendant des années. J'ai regardé les cérémonies du Nunavut à la télévision, et j'ai été très ému. Je suis ravi de voir que le Nunavut est devenu une entité politique au pays.

Le président: Monsieur Smith, je ne veux pas vous interrompre, mais nous avons un autre groupe à entendre. Je tiens à vous remercier, vous et votre association.

J'essaie toujours de faire des calculs, comme vous l'avez remarqué hier. Je pense que quelqu'un a parlé de religion ici aujourd'hui—c'est mon ami Yvan, je crois—mais le poids financier de votre organisation en fait un des organismes de bienfaisance les plus importants au pays. Je ne suis pas certain d'avoir bien entendu, mais je pense que l'on parle de 50 à 60 millions de dollars. On parle ici d'un secteur qui ne génère que 10, 12 ou 15 millions de dollars par année. On semble l'oublier. Vous pourriez presque, si vous le vouliez, acheter tout ce secteur demain et il vous resterait encore 40 millions de dollars.

Un groupe comme celui de Mme Karetak-Lindell ne combat pas à armes égales. Elle vient d'une localité de 25 000 habitants et essaie de gagner sa vie et vous avez suffisamment d'argent pour tous les faire vivre.

M. Rick Smith: Monsieur Hubbard, le chiffre que vous donnez est celui de notre budget international. C'est le budget de tous nos bureaux dans le monde.

• 1820

Le président: Oui, mais vous disposez de moyens énormes. Il va maintenant falloir que j'autorise M. O'Brien à poser une question parce que je sais qu'il veut intervenir.

Quoi qu'il en soit, merci d'être venu. Vous nous avez donné un certain point de vue, et nous reconnaissons vos objectifs. J'espère que vous transmettrez aux membres de votre groupe une certaine sympathie pour tous ceux qui ont perdu leur gagne-pain par suite de la diminution du nombre de phoques et des autres animaux à fourrure. Le pays a été ouvert par le commerce de peaux et de fourrures d'animaux, comme le castor, avec l'Europe. Aujourd'hui, évidemment, cette activité est en déclin.

Je vous remercie donc d'être venu. Nous apprécions le fait que vous nous avez montré un autre point de vue et nous allons tirer profit de l'information que vous nous avez donnée.

M. Rick Smith: Merci.

Le président: Nous allons entendre un autre groupe. Est-ce que M. Jerry Ell est le...

M. Denis Coderre: J'invoque le Règlement.

[Français]

Monsieur le président, je ne sais pas si c'est un appel au Règlement ou une question de clarification. J'ai regardé le rapport annuel de notre dernier témoin, qui disait que la campagne de publicité apparaissait dans les montants d'argent du rapport. C'est bien ce qu'il dit, si je comprends bien, tant en anglais qu'en français.

Quand je regarde ce document, tout ce que j'y vois est un montant de 53 millions de dollars pour operating revenue growth; par la suite, on donne un pourcentage pour les campaign expenses et on parle de supporter growth. Avec votre permission, j'aimerais que cet organisme puisse nous envoyer les documents pertinents indiquant le coût et la provenance de l'argent relié à la campagne publicitaire de l'industrie du phoque. On m'a dit que c'était dans le document, mais je n'y vois rien de tel.

[Traduction]

M. Peter Stoffer: Monsieur le président, bien honnêtement, je comprends pourquoi le député pose la question et il a sans doute raison. Mais c'est quelque chose que nous n'avons jamais demandé à un témoin. C'est quelque chose que nous n'avons jamais demandé non plus, par exemple, à une autre association qui reçoit de l'aide de l'État. Par exemple, votre propre premier ministre ne fera pas quelque chose simplement parce qu'on lui en a fait la demande. S'ils veulent le faire, très bien. Mais je pense qu'il n'est pas juste de faire cette demande.

M. Denis Coderre: Monsieur le président, quand j'ai posé une question toute simple, ils m'ont dit de lire ce document, que toute l'information s'y trouvait. Je l'ai lu attentivement. J'ai lu

[Français]

au sujet du blanchon et de tout ce qui va avec

[Traduction]

et il n'y a rien dans ce document qui montre d'où vient l'argent de cette campagne ni combien elle coûte. Si j'ai invoqué le Règlement, c'est pour savoir où se trouve l'information. Ils m'ont dit de lire ceci. Je l'ai lu et il n'y a rien là-dedans. Je demande seulement au témoin de faire parvenir les chiffres au comité parce qu'ils sont censés y être et ils n'y sont pas. C'est tout ce que je voulais dire.

Le président: Monsieur Bernier, sur le même point.

[Français]

M. Yvan Bernier: J'avais également une question de clarification, monsieur le président. Certains ont trouvé, tout à l'heure, qu'on avait des propos un peu trop enthousiastes ou virulents. Je voudrais terminer sur une note tranquille et poser une question simple aux témoins. Comme ils s'opposent à une chasse commerciale mais non pas à toute chasse, si on leur fournissait un modèle d'exploitation qui réponde aux critères de la chasse dite artisanale, qui est acceptable dans sa philosophie, cet organisme s'engagerait-il à vanter les chasseurs canadiens plutôt qu'à les détruire, comme il le fait présentement?

Il existe un modèle d'exploitation qui permettrait justement d'arriver à cette fin, monsieur le président. Ce qu'ils reprochent à la chasse commerciale, c'est le fait qu'on doit abattre rapidement un grand nombre de bêtes. Si jamais le Comité permanent des pêches et des océans proposait une telle solution, accepteraient-ils de l'étudier?

[Traduction]

Le président: Désolé, il faudra que je mette fin à la discussion là-dessus. Merci à nouveau d'être venu.

J'invite M. Ell à la table.

M. Rick Smith: Je serais heureux de vous fournir des précisions.

Le président: Merci, monsieur Smith.

• 1824




• 1828

Le président: Reprenons la séance. Je souhaite la bienvenue à M. Jerry Ell, président de Qikiqtaaluk.

Bienvenue à notre réunion, Jerry. Désolé pour l'heure tardive, et aussi pour le fait que certains membres ont dû se rendre à d'autres réunions. Nous tenons toutefois à entendre ce qui vous préoccupe; il se peut aussi que les membres du comité veuillent vous poser quelques courtes questions après votre exposé.

Bienvenue.

M. Jerry Ell (président, Qikiqtaaluk Corporation): Merci, monsieur le président.

M. Lawrence O'Brien: Monsieur le président, si vous me le permettez, je dois dire que j'ai beaucoup apprécié l'exposé que Jerry nous a fait l'an dernier à Iqaluit, mais je dois m'absenter moi aussi. Il y a une réunion de députés et de sénateurs à laquelle je suis déjà en retard, comme vous pouvez l'imaginer. Je dois donc vous présenter mes excuses.

Le président: Merci, monsieur O'Brien.

M. Jerry Ell: Merci, monsieur le président.

Je représente Qikiqtaaluk Corporation, d'Iqaluit. J'ai eu le plaisir de rencontrer certains membres du comité lorsqu'il s'est rendu à Iqaluit grâce aux efforts de Nancy.

• 1830

Je voudrais très rapidement faire deux recommandations au comité et je vais expliquer pourquoi il devrait les accepter en plus de ce qui a été suggéré ce matin, à savoir que la Loi américaine sur la protection des mammifères marins devrait être contestée et que les droits ancestraux en vertu de la Constitution ne contreviennent pas à la loi canadienne.

De plus, le comité devrait recommander que soit dénombrée en priorité la population de phoques du Groenland et que soit fixé ce qu'on entend par population soutenable, sur la base des inquiétudes des pêcheurs. Trop souvent, on ne tient pas compte des vues des Autochtones ou des pêcheurs, ce qui aboutit à des situations comme l'effondrement de la pêche à la morue. Vous vous souviendrez que beaucoup de pêcheurs essayaient de dire au MPO que la population de poissons déclinait et qu'il fallait faire des efforts pour corriger la situation.

Quand on voit la population de phoques du Groenland augmenter dans divers secteurs, je sais qu'à Iqaluit le nombre de phoques du Groenland augmente, et je sais que tout animal, que ce soit un phoque du Groenland ou un autre, va où il y a de la nourriture. Tous les animaux le font instinctivement. Je n'ai pas besoin d'un diplôme en biologie pour savoir que là où ils se trouvent actuellement il y a de moins en moins de nourriture pour eux et c'est pour ça qu'ils vont ailleurs. C'est ce que les pêcheurs disent, et c'est ce que les Inuits diront un jour.

D'après les effets sur l'écosystème, s'il y a plus d'une espèce, cela touche d'autres espèces dans l'écosystème. L'écosystème du Nord est très fragile, et lorsqu'il y a un déséquilibre causé par les effets des militants des droits de la personne dans le Sud sur une pêche dans le Sud, qui a aussi un impact sur l'écosystème du Nord... Il faut tenir compte de tout ça. J'espère que vous utiliserez plus de bon sens que les biologistes et les scientifiques.

Hier, les scientifiques disaient que les phoques du Groenland étaient en déclin. Pour moi, comme le président l'a dit, je regarde les chiffres. Il y a 275 000 phoques du Groenland capturés dans le quota, et on estime que 800 000 jeunes naissent. Pour moi, ça signifie qu'il y a plus de phoques du Groenland qui naissent qu'il n'y en a qui sont capturés, rien qu'à voir ces deux chiffres, et je ne vois pas de déclin de la population du phoque du Groenland. J'aimerais que vous utilisiez plus de bon sens que les scientifiques. Si j'utilisais leurs méthodes pour examiner cette table, il faudrait sans doute que je vous dise qu'elle ne vient pas d'un arbre.

J'espère que le bon sens prévaudra lorsque vous recommanderez de dénombrer en priorité la population et de déterminer ce qu'est une population soutenable. Est-ce que c'est 2 millions de phoques du Groenland. Est-ce que c'est 3 millions, 4 millions? Qu'est-ce qui est une population soutenable du phoque du Groenland, vu l'écosystème très complexe décrit par les scientifiques, mais qui est très simple pour les pêcheurs et les chasseurs inuits? J'espère que vous verrez les choses de cette façon.

La quatrième recommandation que je voudrais que le comité fasse, c'est que le ministère des Pêches et des Océans détermine le financement des programmes de formation conçus et mis en oeuvre par les Inuits pour contrer les actions des groupes de militants des droits des animaux. La propagande présentée par les militants de la protection des droits des animaux est fausse, elle est trompeuse. Et même si ces groupes ont dit qu'ils n'ont rien contre la chasse de subsistance des Inuits, leur action nous empêche de chasser pour nous-mêmes.

• 1835

Dans certains cas, les militants des droits des animaux ont même dit qu'ils n'ont rien contre le fait que l'on chasse, pourvu qu'on n'utilise pas de carabines, de bateaux ou de skidoos—pourvu qu'on n'utilise pas de technologie moderne. Certains groupes réclament même qu'on revienne aux méthodes d'antan et soutiennent que la méthode de capture a changé et que donc leur action est justifiée.

Comme c'est expliqué dans les déclarations de témoins de tantôt, on fait partie du Canada. L'évolution normale est d'avancer et les Inuits avancent. On essaie de survivre, dans un environnement hostile—même s'il est changé un peu, c'est encore hostile—et les conditions sont très différentes de ce qui existe dans le sud du pays. Les défis sont plus grands. Les implications sociales de ne pas relever ces défis sont telles que nous devons tirer avantage de toutes les possibilités qui sont devant nous de développement économique. La chasse au phoque est un des facteurs dont il faut profiter. Nous avons besoin de votre soutien pour informer la population que ce que nous faisons n'est pas cruel et est soutenable, et que les populations de phoques annelés et de phoques du Groenland ne sont pas menacées.

Très brièvement, donc, monsieur le président, j'espère que les deux suggestions supplémentaires que je fais devant le comité seront acceptées et recommandées au ministère des Pêches et des Océans.

[Note de la rédaction: Le témoin s'exprime dans une langue autochtone]

Le président: Notre personnel de recherche en a bien pris note.

George, brièvement, avez-vous une question à poser?

M. George Baker: Oui, j'aurais une courte question à poser, monsieur le président.

Le meilleur flétan noir, ou flétan du Groenland, au monde, vient de l'usine de transformation du poisson de Pangnirtung. La raison, monsieur le président, je crois, c'est qu'on le pêche à l'hameçon à travers la glace et qu'on le saigne immédiatement. C'est le meilleur flétan noir au monde.

Ce que vous dites, monsieur Ell, j'imagine, c'est que vous craignez que vu le nombre croissant de phoques du Groenland qui apparaissent maintenant au large de votre côte, qui en fait sont nés au large de Terre-Neuve et du Québec mais qui vont vers le nord pour muer, puis au nord en été... Ce que vous dites au comité, c'est qu'il y a tant de phoques que les pêcheurs disent que votre principale capture, le meilleur flétan au monde, risque de disparaître s'il y a trop de phoques du Groenland.

Ma deuxième question—le président ne me permettra sans doute pas d'en poser une deuxième—est la suivante, monsieur Ell. Certaines organisations, comme vous l'avez dit, vous recommandent de revenir aux méthodes d'antan—autrement dit, à l'attelage à chien si vous êtes sur la glace ou au bateau à rames si vous êtes sur l'eau. Pourriez-vous dire au comité le nombre de kilomètres que vous devez parcourir pour capturer un phoque lorsqu'il y a de la glace, lorsque vous vous postez près d'un trou d'air? C'est parfois 40 ou 50 kilomètres pour un phoque, n'est-ce pas? Et si vous tirez sur un phoque dans l'eau, vous devez l'attraper rapidement, sinon il va couler, parce qu'un phoque maigrichon va couler au fond, n'est-ce pas?

M. Jerry Ell: Monsieur le président, merci.

Oui, la réponse est oui dans les deux cas. L'effet néfaste potentiel d'une population nombreuse de phoques du Groenland sur le flétan noir existe bien. Aussi, les scientifiques ont dit hier que la morue polaire est la principale source d'aliment du phoque du Groenland. C'est aussi la principale source d'alimentation d'autres espèces marines, comme le phoque annelé et peut-être aussi d'autres mammifères marins. L'augmentation du nombre de phoques du Groenland va donc avoir des effets néfastes.

• 1840

Quand il s'agit d'un écosystème plus fragile, comme dans le Nord, où certaines espèces prennent plus de temps à croître à cause de la température plus froide de l'eau, si on laisse le phoque du Groenland décimer une espèce particulière au nord, cela prendra énormément de temps avant que cette espèce revienne.

Il est vrai que les Inuits parcourent de grandes distances pour capturer le phoque annelé. Surtout dans les mois d'été, lorsque les phoques annelés sont à leur plus maigre et coulent plus rapidement, il faut faire vite pour récupérer l'animal.

Le président: Les députés ont-ils des questions ou des observations? Yvan.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je voudrais remercier notre témoin de sa patience ainsi que de la sagesse des propos qu'il a tenus. Je voudrais d'abord lui permettre de commenter à nouveau le fait suivant. Il dit qu'on n'a pas besoin d'un diplôme universitaire pour savoir que les phoques sont gourmands et courent après la nourriture. Vous avez constaté que dans votre coin, la population de phoques était grandissante, peut-être parce que vous avez encore des stocks de poissons disponibles chez vous. Je comprends votre inquiétude.

Vous me permettrez de faire un simple petit commentaire. Vous avez la sagesse des gens du nord, qui ont la patience de regarder les choses passer. Pour ma part, je viens du sud, de la Gaspésie, dans l'est du Québec. C'est la première fois que je vois une population de bêtes prendre de l'expansion alors que la chasse ou la pêche est contrôlée par des fonctionnaires. Quand Pêches et Océans contrôlait la morue, les stocks se sont effondrés.

On avait demandé tout à l'heure à des gens du nord quelle était leur relation avec les gens de Pêches et Océans, ils ont répondu que c'était toujours centralisé ici, à Ottawa. Je vous laisse réfléchir à cette question. Comment se fait-il que c'est la seule espèce contrôlée par des fonctionnaires qui est en expansion alors que toutes les autres sont en effondrement?

Le témoin, pourra commenter ma dissertation, mais je voudrais lui demander ce qu'attend sa corporation du gouvernement fédéral dans la question de la chasse au phoque. Vous parlez d'aide pour éduquer la population afin que les gens comprennent et vous laissent agir selon votre façon de faire. Qu'est-ce que cela veut dire exactement? Demandez-vous clairement au gouvernement canadien d'entreprendre une campagne de publicité pour contrer la mauvaise image qu'on a donnée de la chasse?

Les groupes comme IFAW disent qu'ils ne sont pas contre la chasse de subsistance des autochtones, mais quand ils s'attaquent à la chasse commerciale qu'on fait dans le sud, cela fait de la mauvaise publicité produits que vous voulez vendre. Quelle demande précise adressez-vous au gouvernement fédéral par l'intermédiaire de notre comité?

[Traduction]

M. Jerry Ell: Merci, monsieur le président.

On a recommandé plus tôt de contester la Loi américaine sur la protection des mammifères marins qui empêche tout produit du phoque d'entrer aux États-Unis. Je demande au comité de recommander cette mesure, à cause des efforts de commercialisation qui sont faits, pour le phoque annelé, et les possibilités supplémentaires d'activités économiques associées à la chasse au phoque.

• 1845

Le gouvernement fédéral devrait contester cette loi en fonction de ce qui a été suggéré plus tôt à propos de l'accord précédent, mais aussi en fonction du libre-échange. Je sais pour avoir parlé avec d'autres groupes de Terre-Neuve et du nord du Québec—d'autres organisations inuites—qu'il est très probable qu'une contestation juridique fondée sur ces motifs réussira. Le seul problème, c'est le manque d'argent pour le faire. C'est pourquoi nous sommes très précis et que trois de nos recommandations exigeraient de l'argent.

Le président: Merci, monsieur Ell.

Monsieur Easter.

M. Wayne Easter: Vous avez dit qu'il faut à la fois faire usage de la science et du bon sens pour établir un effort de chasse soutenable. Pensez-vous qu'il ne l'est pas actuellement et, dans l'affirmative, sur quoi vous fondez-vous pour l'affirmer? Nous avons entendu des scientifiques hier et on nous donnera probablement d'autres chiffres demain; j'aimerais donc savoir quels sont vos renseignements.

Deuxièmement, en réponse aux questions de Nancy Karetak-Lindell tout à l'heure, M. Smith de la FIPA nous a dit que selon lui l'opposition de l'organisation à la chasse au phoque n'a pas nui aux localités inuites, du Labrador et du Nord. Quelle est votre position à vous? Votre localité a-t-elle souffert des tactiques de la FIPA dans ses luttes contre la chasse au phoque?

M. Jerry Ell: Je vais d'abord répondre à la deuxième question. Les militants des droits des animaux disent toujours ne pas en vouloir aux Inuits ou aux Autochtones, mais leurs campagnes ne font pas de distinction entre les produits. Ils ne précisent pas que les produits des Inuits vendus sous tel ou tel nom ne sont pas visés; la campagne et le produit visé sont de nature très globale. Quand les militants se contentent de dire que la chasse au phoque est condamnable, c'est le seul message qui passe. Le consommateur à l'autre bout entend le message, ce qui nuit beaucoup aux collectivités inuites.

Beaucoup de chasseurs inuits étaient autonomes, grâce à la chasse de subsistance et à la vente des produits secondaires, comme la peau du phoque annelé vendue sur le marché par l'intermédiaire de la Compagnie du nord-ouest. Lorsque les militants s'en sont pris à la chasse au phoque de Terre-Neuve, ils ont mis tout le monde dans le même panier: chasseurs de Terre-Neuve, du sud du Québec, du nord du Québec, du Labrador ou du Nunavut, ils ont tous été mis dans le même panier, tous les chasseurs sont condamnables, aucune peau de phoque n'est acceptable.

On s'en ressent encore aujourd'hui. Nous combattons toujours l'image négative qu'ont les peaux de phoque et qu'ont présentée les militants des droits des animaux. Cela continue aujourd'hui, alors que les Inuits ont toujours soutenu que la population de phoques annelés et même celle de phoques du Groenland ne sont pas menacées.

Un des principaux messages qui ont fait péricliter l'industrie du phoque, c'est que les populations étaient menacées, ce qui est faux.

• 1850

Le président: Merci, monsieur Ell.

Nous allons terminer en donnant la parole à Peter.

M. Peter Stoffer: Je m'excuse de ne pas avoir assisté à votre exposé. J'ai dû aller à la Chambre faire une sortie de quatre minutes contre le gouvernement. Cela va maintenant, je les ai remis à leur place.

M. Wayne Easter: Le compte rendu en fera foi: c'était vraiment une sortie.

M. Peter Stoffer: Je reviens toujours aux connaissances traditionnelles. Pour avoir vécu au Yukon et être allé dans le Nord avec le comité... Quand j'ai vécu au Yukon, il y avait beaucoup d'opposants à la chasse à la martre ou au lynx ou à tous les autres animaux à fourrure. La lutte contre beaucoup de ces espèces, la martre en particulier, a fait perdre le revenu de beaucoup de peuples autochtones. Comme il n'y avait pas de prohibition dans ces villages, les gens ont fait comme on fait ailleurs quand on perd son emploi ou son gagne-pain, ils se sont mis à boire ou à battre leur conjoint et il y a même eu des suicides.

Je veux prévenir le secrétaire parlementaire. Le parti pris des questions—et je peux le dire—c'est que le ministre Anderson devrait démissionner parce qu'il est responsable des suicides dans le comté de Shelburne et du déclin de la pêche au poisson de fond. Je pourrais le dire, mais ce n'est pas ce que je dis. Il y a beaucoup de gens dans des localités non autochtones de Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve qui sont allés jusqu'à se suicider parce qu'ils ne pouvaient plus pêcher. Je l'ai dit et des gens me disent: «Non, Peter, tu es fou. Tu ne peux pas dire ça. Ce n'est pas pour ça qu'ils se sont suicidés.» Eh bien, c'est une des raisons.

C'est tragique quand quelqu'un se suicide. Oui, ces actes engendrent d'autres actes et c'est une des raisons qui pousserait quelqu'un à faire cela. Il faut être très prudent quand on le dit. Pour mon collègue du Nunavut, c'est clair, et elle a tout à fait le droit de le dire. Elle vit là-bas et a été témoin de ces choses-là. C'est dramatique.

Je pourrais dire la même chose du gouvernement quand il adopte des politiques qui nuisent à la pêche au poisson de fond et quand il donne les ressources halieutiques aux grandes entreprises. Cela m'amène à ma question, monsieur le président.

Savez-vous quelque chose à propos des filets traînants dans les zones du Nunavut et du Groenland, zéro A et zéro B, sur le fond marin et sur les stocks de flétan noir et tout le reste? J'ai toujours dit qu'il y a deux problèmes: le phoque prédateur mais aussi la technologie du filet traînant qui cause autant de dégâts, sinon plus.

Le président: Je ne suis pas sûr... Il est question de phoque, ici. Je sais que vous êtes bien intentionné, mais Jerry est venu ici pour nous parler de phoque.

M. Peter Stoffer: Je sais.

Le président: Je ne veux pas le mettre sur la sellette, à moins qu'il veuille répondre à la question.

M. Peter Stoffer: D'accord.

M. Jerry Ell: Merci, monsieur le président. Je veux bien répondre à la question.

Je veux d'abord parler des connaissances traditionnelles en ce qui concerne le phoque. On sait que le phoque du Groenland est chassé depuis des années et que le nombre de bêtes tuées se comptait par centaines de milliers avant l'effondrement de l'économie du phoque.

On sait aussi que par suite de l'effondrement des cours du phoque, l'effort de chasse a baissé, ce qui a fait remonter la population de phoques du Groenland. Le taux de capture augmente ces derniers temps, mais cela ne nuit pas au nombre de bêtes. Cela pourra peut-être toucher d'autres espèces de l'écosystème du Nord.

Si la pêche s'effondre à nouveau, si l'on voit que l'économie inuite va encore en souffrir, alors certaines des conséquences dont vous parlez—toxicomanie, alcoolisme, violence familiale et suicide—pourront apparaître chez les Inuits. C'est très possible.

• 1855

En ce qui concerne la pêche au flétan et l'effet des filets traînants, à la dernière séance du comité, lorsque j'ai présenté de l'information sur la pêche au flétan dans le Nord, ce qui nous inquiétait le plus, ce n'était pas tant les filets traînants que la pêche fantôme des filets maillants et l'effet que peuvent avoir les filets maillants non récupérés sur les stocks de flétan noir. Dans les villages, même si l'on s'inquiète des filets traînants, on sait que l'effet est très minime et ne se fait sentir qu'au fond de la mer. La pêche fantôme nous inquiète davantage.

M. Peter Stoffer: Merci de nous l'avoir rappelé. Cela me rappelle quelque chose.

Le président: Monsieur Ell, au nom du comité, je vous remercie beaucoup de votre patience et de votre témoignage.

Pour les membres du comité et pour ceux qui étaient ici, l'après-midi a été très long.

M. Peter Stoffer: Un après-midi très fructueux.

Le président: Je remercie tout le monde d'avoir été si patient.

Nous reprenons demain matin à 9 heures. D'ici là, la séance est levée.