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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 octobre 1997

• 0907

[Traduction]

Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): La séance est ouverte. Notre ordre de renvoi s'énonce comme suit: Conformément à l'article 108(2) du Règlement, examen de La stratégie du poisson de fond de l'Atlantique (LSPA) relatif au chapitre 16 du Rapport du vérificateur général du Canada, octobre 1997, et de la politique halieutique en général.

Ce matin, le premier témoin est le capitaine Wilfred Bartlett. Il vient de Brighton, localité située dans la région de Green Bay. Nous avons également prévu, et il viendra peut-être avant que nous ayons fini, d'entendre le témoignage de M. Herman Carter, qui est vice-président de la Newfoundland Fishermen and Allied Union Workers, de la région de Bonavista Nord.

Le capitaine Bartlett est très connu sur la côte de Terre-Neuve et du Labrador, parce qu'il pêche l'insaisissable turbot du Groenland depuis des années, le long de la côte du Labrador, jusqu'à Nain, à l'extrême Nord.

Capitaine, nous vous demandons de nous faire un exposé sur la politique halieutique, après quoi, des représentants de chaque parti politique... Aujourd'hui se trouvent autour de la table des représentants du Nouveau Parti démocratique, du Parti progressiste-conservateur, du Bloc québécois et du Parti réformiste du Canada, ainsi qu'évidemment des représentants du gouvernement du Canada.

Nous vous demandons de commencer par dire quelques mots, capitaine Bartlett.

Le capitaine Wilfred Bartlett (porte-parole des pêcheurs pour Green Bay): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir de vous revoir. Cela fait pas mal de temps que l'on ne s'était plus vu. Je suis heureux que vous ayez été nommé président de ce comité.

Comme vous le savez, la pêche est actuellement dans un état épouvantable et je suis ici aujourd'hui à titre de porte-parole impartial. Que l'on prolonge LSPA ou non, cela ne me rapportera absolument rien.

Faudrait-il prolonger LSPA? C'est la question, je pense. Je dirais que non, mais nous avons bel et bien besoin d'un système d'indemnisation pour aider les personnes qui sont touchées par la fermeture ou la débâcle de la pêche de la morue du Nord et il faudrait qu'il soit très différent des deux programmes précédents, le PARPEM et LSPA.

• 0910

Je parlerai tout d'abord de quelques problèmes que nous avions avec le PARPEM. Dans le cadre de ce programme, ce sont les pêcheurs dont la moins grande proportion des revenus provenait de la pêche de la morue qui ont fini par obtenir les meilleures prestations, et ceux qui pêchaient surtout la morue ont obtenu le moins d'indemnités, tout cela parce que ce système était fondé sur le montant des prestations de chômage reçues.

La plupart des pêcheurs de ma région avaient le maximum de timbres d'assurance-chômage grâce à la pêche au homard et au capelan et ils ont reçu les prestations maximales, tandis que quelques-uns, qui n'avaient pas de permis de pêche au homard, avaient peu de timbres à cause de la diminution des stocks de morue.

Ainsi, personnellement, je pêche uniquement le poisson de fond. L'année dernière, j'ai pêché et j'ai eu un malheureux petit timbre, ce qui a fait baisser mes prestations de PARPEM, alors que certaines personnes qui pêchaient le homard dans le voisinage ont touché le maximum.

Quand on s'éloigne de ma région pour se diriger vers le Nord, vers la région de White Bay, puis vers la péninsule Northern, en longeant toute la côte du Labrador, on voit des pêcheurs qui ont obtenu le minimum, tout cela parce que la pêche de la morue et du saumon est leur principale activité. Ils n'avaient pas de homard ni de capelan, sans parler des autres espèces.

Les pêcheurs qui ont été le plus touchés sont ceux de la région de Makkovik, au Labrador. Je connais très bien la pêche dans cette zone, étant donné que j'y ai pêché pendant 12 ou 13 ans, où un moratoire était en fait en vigueur deux ans avant la fermeture de la pêche. Ces pêcheurs avaient des difficultés à remplir les conditions pour toucher les prestations, parce qu'ils ne faisaient aucune prise.

Par exemple, alors que j'avais déjà capturé à moi tout seul 600 000 livres de morue à Makkovik, en 1990, soit deux ans avant le moratoire, je n'en ai capturé que 500 livres et encore, j'ai dû me donner beaucoup de peine pour y arriver. En fait, un moratoire était en quelque sorte déjà en vigueur dans cette région deux ans avant qu'on ne l'annonce.

En outre, bien des personnes qui n'avaient absolument pas le moindre lien avec la pêche ont reçu de l'argent dans le cadre de ce programme.

Ensuite est venue LSPA. On a alors commencé à donner de l'argent à n'importe quelle entreprise capable d'offrir un programme bidon pour préparer des travailleurs à des emplois inexistants. Des centaines de personnes de ma région ont été forcées de suivre des cours contre leur gré, sans avoir la moindre volonté de se recycler pour la plupart, et tout cela parce qu'elles devaient suivre des cours pour pouvoir conserver les indemnités.

Ensuite, le Syndicat des pêcheurs, de l'alimentation et travailleurs assimilés a reçu des dizaines de millions de dollars qui n'ont servi qu'à une seule chose: inciter ses membres à rester solidaires et augmenter considérablement les revenus des dirigeants locaux et des délégués syndicaux.

La pêche dans le cadre du programme Sentinelle est un excellent exemple. J'ai assisté à une réunion dans ma région au sujet de ce programme, et j'ai été disqualifié d'emblée parce que j'avais fait de bonnes prises de morue, tout cela parce que je n'étais pas un membre du syndicat en règle de cotisation. Par conséquent, ma demande a été rejetée et le syndicat s'est servi des deniers publics pour financer cette expérience.

On était au courant des abus et on n'a rien fait pour y remédier. C'est pourquoi dans la plupart des localités de notre région, la population éprouve une telle rancoeur, c'est parce que les abus n'ont pas été commis par les pêcheurs mais par les fonctionnaires fédéraux, voire parfois par les politiciens.

John Crosbie, par exemple, a détruit la pêche, à mon avis. Je lui reprocherai toujours de lui avoir porté le coup fatal. Par contre, beaucoup de Terre-Neuviens le considèrent comme un héros, tout cela parce qu'il a offert un système d'indemnisation qui a permis à certaines personnes de s'enrichir. Cela n'a toutefois pas été le cas pour la plupart des pêcheurs.

Ce que je veux dire, c'est que le nouveau système d'indemnisation devrait être administré par des gens de la région, qui connaissent les problèmes et qui n'ont pas des intentions cachées. Le montant des indemnités devrait être calculé en fonction du montant que la personne concernée perd parce qu'on lui interdit de pêcher la morue, à concurrence d'un certain maximum. Ce système devrait également faire entrer en ligne de compte le fait que certains pêcheurs ne pêchent plus la même espèce—ils se sont mis à pêcher le crabe et la crevette, par exemple—, qu'ils s'en tirent assez bien et n'ont pas besoin d'indemnités.

Beaucoup de pêcheurs ont également été disqualifiés à cause des critères stupides qu'a inventés un fonctionnaire à Ottawa, comme le fait que 25 p. 100 des revenus doivent provenir de la pêche à la morue, le minimum étant de 3 000 $ par entreprise. Je sais que deux pêcheurs de ma région qui utilisent un bateau de 16 pieds ont été disqualifiés alors que la morue représente de 23 à 27 p. 100 de leurs prises; c'est le plus qu'ils arrivaient à capturer parce qu'il ne restait plus de morue à prendre dans cette zone. Et encore, ce n'était pas si mal.

• 0915

Je citerai également le cas d'un pêcheur de la région de Long Island, qui pêchait au large de la péninsule Great Northern. Il a pêché uniquement la morue toute sa vie. Il a été disqualifié parce qu'en 1991, il n'était pas parvenu à faire des prises pour une valeur de 3 000 $. La personne chargée d'entendre l'appel était un vendeur de voitures de Grand Falls, qui n'y connaissait rien en matière de pêche. Il ne savait même pas ce qu'est un turbot du Groenland.

Enfin, je tiens à signaler que malgré les déclarations de M. John Efford qui prétend que la valeur du poisson mis en marché à l'heure actuelle est supérieure à ce qu'elle était avant le moratoire—et de Mme Jones, la députée indépendante du Labrador, qui a parlé il y a quelques jours de l'activité fébrile qui régnait le long de la côte du Labrador—, la morue a toujours été le roi des poissons et, à mon avis, elle le sera toujours, car c'est la pêche de base. Ce type de pêche est très important à Terre-Neuve et au Labrador. Par conséquent, il faut faire tout son possible pour la reconstruire jusqu'à ce qu'elle atteigne son plein potentiel.

Si nous ne le faisons pas, nous ne tirerons jamais la moindre leçon de la destruction des stocks de morue. Il suffit de voir ce que l'on fait aux autres stocks. Par exemple, la pêche au turbot du Groenland s'est complètement détériorée dix ans avant la pêche à la morue. Nous essayons de capturer les derniers sujets reproducteurs dans la mer de Beaufort, dans le Grand Nord. On essaie de capturer les derniers reproducteurs qui s'y trouvent. Par conséquent, nous n'avons rien appris.

Les stocks de capelan ont été décimés mais les quotas ont-ils été réduits chaque année? Non, nous pêcherons le capelan jusqu'à ce qu'il ait complètement disparu, bien que cette espèce joue un rôle important pour toutes les autres espèces marines.

En ce qui concerne la pêche du crabe, à laquelle tout le monde voulait s'adonner cette année, les quotas ont été augmentés cette année. Les pêcheurs de ma région, où la pêche est très lucrative en ce qui concerne le crabe, ont dû y renoncer parce qu'ils n'arrivaient pas à capturer leur quota du fait qu'il ne restait plus de crabe. D'après eux, d'ici un an ou deux, la pêche du crabe aura probablement disparu également.

C'est tout ce que j'avais à dire à ce sujet pour l'instant. Je pourrais en parler pendant des heures, comme vous le savez, mais je vais vous laisser une chance de poser quelques questions.

Le président: Merci, capitaine Bartlett.

Je voudrais préciser quelque chose avant de passer aux questions. Ce que vous voulez dire, c'est qu'il faut supprimer LSPA. Vous dites que LSPA devrait être supprimée et qu'il faudrait accorder un autre type d'indemnités aux pêcheurs pour qu'ils libèrent ce programme. Avez-vous des recommandations à nous faire en ce qui concerne la réduction de l'effort de pêche? C'est l'autre élément qui va de pair avec le premier.

Vous parlez de la pêche du turbot du Groenland et du poisson de fond, et plus particulièrement de la destruction de la pêche au nord du Labrador. Pourriez-vous nous préciser qui pêche le turbot du Groenland et qui l'a pêché dans la zone des 200 milles, avec un permis canadien. Qui détruit la pêche, d'après vous? Est-ce que ce sont les petits pêcheurs côtiers, qui sont des Canadiens, ou les étrangers?

Capt Wilfred Bartlett: En fait, la pêche du turbot du Groenland au large du Labrador, et la pêche de la morue, ont été à mon avis détruites par les crevettiers, qui pêchaient dans cette zone 365 jours par an; dans la plupart des cas, il s'agit de chalutiers étrangers qui ne rapportaient pas grand-chose à Terre-Neuve. Cela a très peu rapporté à Terre-Neuve.

C'est ainsi que la pêche a été détruite. Lorsqu'on pêche la crevette à la profondeur où se trouvent la morue et le turbot du Groenland—et je parle de poissons de petite taille, qui n'ont pas atteint l'âge adulte... Je vais vous citer un exemple. Au cours d'un certain hiver, un des membres de mon équipage est allé pêcher sur un des chalutiers crevettiers. L'été suivant, il m'a dit ceci: «Capitaine Bartlett, je sais pourquoi il n'y a plus de turbot du Groenland au large du Labrador. Nous pêchions la crevette l'hiver dernier à la drague et à chaque coup de filet, nous ramenions 15 000 ou 20 000 livres de petit turbot du Groenland et le rejetions à l'eau». Cela fait de 15 000 à 20 000 livres par bateau, pour chaque trait de chalut.

Comment une espèce peut-elle résister à ce genre de traitement? C'est de la destruction en règle. À mon avis, cela continue à l'heure actuelle. En fait, cette année, le gouvernement a accordé un plus grand nombre de permis de pêche aux dragueurs, pour la capture de la crevette. Peu importe à mes yeux qu'il s'agisse de pêcheurs de crevette locaux ou étrangers; s'ils détruisent les stocks de la sorte, il faut que cela cesse. Comme je l'ai dit, ce sont dans la plupart des cas des étrangers qui ont pratiqué ce genre de pêche, mais nous l'avons beaucoup pratiquée également, avec notre flotte de chalutiers dragueurs.

Le président: Non, capitaine Bartlett. Ce que je voulais dire, c'est que, en ce moment même, dans la zone en question, où vous prétendez que le turbot du Groenland fraie, si je vous ai bien compris, deux règles sont en vigueur. Qui doit utiliser des filets dont les mailles sont de sept pouces et demi? Les pêcheurs locaux. Pour l'instant, ce sont les dragueurs étrangers, qui pêchent dans cette zone, qui utilisent des filets à mailles de cinq pouces et demi. Ne pêchent-ils pas pour des compagnies canadiennes, capitaine?

• 0920

Capt Wilfred Bartlett: C'est très possible. Je ne suis pas très au courant de ce qui se passe là-bas. Je sais que certains bateaux sont affrétés par des compagnies canadiennes. Cela ne devrait toutefois pas être permis.

À mon avis, si vous voulez une réponse directe, j'estime que la pêche du turbot du Groenland aurait dû être fermée en même temps que la pêche de la morue. Va-t-il falloir continuer indéfiniment à aller pêcher dans le Nord, jusqu'à l'île de Baffin, au large de cap Chidley, pour capturer du poisson que nous pourrions pêcher dans la baie Notre-Dame ou dans la baie Bonavista ou dans les bancs? Voilà une question qui exige une réponse.

À mon avis, la question qu'il faut se poser dans l'immédiat est la suivante: faut-il fermer cette pêche ou non?

Vous m'avez également posé une autre question monsieur le président, à propos du système d'indemnisation. J'ai l'impression que la discussion d'aujourd'hui—j'ignore si j'ai mal compris ou non—est censée porter uniquement sur LSPA. Je n'étais pas préparé pour répondre à certaines de ces autres questions, mais je suis disposé à faire mon possible.

Pour en revenir au programme LSPA, je ne voulais pas dire qu'il fallait le supprimer complètement, mais voyez comme le nom a changé. Le PARPEM a été remplacé par LSPA, par exemple. Vous pouvez appeler le programme comme vous voulez. Ce que je veux dire, c'est que la façon dont ces programmes sont administrés doit changer, pour que les prestations soient versées aux personnes qui en ont réellement besoin. Voilà ce qui est nécessaire.

Je crois que l'administration peut être beaucoup plus efficace si elle est faite au niveau local. Les habitants de ma région sont au courant des abus qui sont commis. Ils connaissent mieux les pêcheurs qui sont touchés que les fonctionnaires d'Ottawa.

Je ne sais pas si j'ai répondu correctement à votre question, monsieur le président.

Le président: Merci, capitaine Bartlett.

Passons aux questions. Parmi ceux qui veulent en poser se trouvent des représentants de tous les partis politiques: le Nouveau Parti démocratique, le Parti progressiste-conservateur, le Bloc québécois, le Parti réformiste et le Parti libéral. Nous commencerons par un représentant du Parti réformiste du Canada. Je donne d'abord la parole à M. Duncan, de la Colombie-Britannique.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Bonjour. J'ai beaucoup apprécié votre exposé.

Vous avez dit en dernier lieu qu'il faudrait que les indemnités soient administrées à l'échelon local et que ce serait la meilleure façon de procéder et de cibler les personnes concernées, afin d'éviter les abus.

Je voudrais que vous nous donniez quelques précisions à ce sujet. Existe-t-il un organisme local qui pourrait s'en charger ou faudrait-il créer, à votre avis, un nouvel organisme? Dans ce dernier cas, envisagez-vous un service composé presque exclusivement de bénévoles?

Capt Wilfred Bartlett: En ce qui concerne votre dernière question, je dois dire qu'il faudrait effectivement que cela soit fait par des bénévoles. Il faudrait créer un nouvel organisme. Il faut des personnes qui n'ont pas d'intentions cachées. Il faut des personnes qui se préoccupent de la situation actuelle dans les régions rurales de Terre-Neuve. Il faut qu'elles essaient d'aider ces collectivités à ne pas sombrer.

Prenons l'exemple de Robert's Arm, qui a perdu 25 p. 100 de sa population l'année dernière, ce qui est catastrophique pour Terre-Neuve.

M. John Duncan: Pensez-vous que ces bénévoles devraient être élus?

Capt Wilfred Bartlett: Je l'ignore. Il est difficile de voir comment on pourrait procéder pour les élire. Je n'y ai pas beaucoup réfléchi. Si quelqu'un était venu me demander il y a un mois de concevoir un programme de ce genre, j'aurais pu le faire. Par contre, vous me posez la question de but en blanc, et je dois avouer que l'on ne réfléchit pas à ce genre de chose lorsqu'on pense que le gouvernement n'y donnera pas suite de toute façon. Il n'en fera qu'à sa tête, un point c'est tout.

Il faut que cette tâche soit accomplie par des dirigeants locaux impartiaux et par des personnes qui sont heureuses de consacrer un peu de leur temps à l'amélioration du sort des collectivités. On pourrait peut-être avoir recours aux services des dirigeants d'organismes confessionnels ou de divers autres organismes.

Je ne sais pas au juste comment on pourrait s'y prendre pour instaurer ce genre de comité.

M. John Duncan: Bien. Puisque vous n'y avez pas beaucoup réfléchi, serait-il raisonnable dans la plupart des cas de demander aux dirigeants locaux élus d'élaborer un système de distribution et d'être responsables du programme?

• 0925

Capt Wilfred Bartlett: C'est difficile de répondre, parce que je connais des dirigeants locaux qui sont bien et d'autres qui ne le sont pas. Le fait d'être élu ou non dépend en effet généralement du nombre d'amis que l'on a dans sa famille.

Il ne fait aucun doute qu'un groupe comme le vôtre par exemple devrait établir certains critères quant au type de personnes qui seraient choisies pour faire partie de ce genre de comité, par exemple. On pourrait consulter des personnes comme moi ou d'autres personnes, qui n'ont aucun intérêt en jeu.

Je suis maintenant à la retraite. Je n'ai à me soucier de rien d'autre—est-ce exact? Je ne tiens pas à ce que cela me rapporte un million de dollars ni à en retirer un bénéfice quelconque. À mon avis, il existe bien des citoyens qui sont dans la même situation. Ils ont vécu leur vie, ils ont consacré une bonne partie de leur vie à leur collectivité et ils tiennent à ce qu'elle survive. Tout ce qui les intéresse, c'est que leur collectivité s'en tire le mieux possible et ils n'auraient pas des intentions cachées. Voilà le genre de personnes qu'il vous faut à la tête de ces comités.

J'ignore comment on pourrait procéder. Ces personnes pourraient peut-être être élues d'une façon ou d'une autre—c'est une possibilité—ou on pourrait peut-être instaurer un quelconque processus électoral. Je répète toutefois que cela ne fonctionne pas toujours très bien.

M. John Duncan: En définitive, ce que nous pensons tous, c'est que si vous aviez distribué à l'échelon local l'argent qui a été dépensé dans le cadre du PARPEM et de LSPA, les résultats auraient été tout à fait différents et nettement meilleurs. C'est une chose que nous pouvons tous aisément imaginer. Par conséquent, j'apprécie vos commentaires.

Je suis très préoccupé par ce que vous avez dit au sujet de l'état des autres pêches. Pensez-vous que le ministère des Pêches et des Océans soit le moindrement conscient de ce problème? Est-ce que les scientifiques sonnent l'alarme ou est-ce que cela passe inaperçu dans ces milieux?

Capt Wilfred Bartlett: J'ai fait un exposé sur l'état de la pêche du turbot du Groenland devant le Comité consultatif du poisson de fond de l'Atlantique il y a une dizaine d'années. On s'en donnait à coeur joie à cette époque. Tous les pêcheurs étrangers pouvaient venir pêcher le turbot du Groenland. C'était ce que l'on appelle une espèce sous-exploitée et on devait céder les quotas que l'on n'utilisait pas.

Ce comité a recommandé ce jour-là que le turbot du Groenland cesse d'être inscrit sur la liste des espèces sous-exploitées et qu'il soit classé dans une catégorie légèrement menacée. Le ministère des Pêches et des Océans a rejeté immédiatement cette recommandation et le turbot du Groenland a continué à faire partie des espèces sous-exploitées, ce qui permet de laisser venir les navires étrangers et de les laisser capturer jusqu'au dernier turbot du Groenland.

Rien n'a changé jusqu'à présent. Le ministère des Pêches et des Océans considère toujours que le turbot du Groenland abonde et qu'il y en a toujours assez pour tout le monde. Il faut aller à 500 ou 600 milles des côtes pour le capturer alors que là où j'habite, on pouvait le capturer à un demi-mille des côtes. Par conséquent, je ne sais pas ce qu'il faut faire si cela ne suffit pas à vous faire comprendre la situation.

En ce qui concerne le capelan, je n'en ai pas vu ramener un seul dans ma région l'année dernière. Les gens de ma région n'ont pas eu le moindre capelan à manger. Pourtant, on considère que c'est une espèce qui se porte bien et que tout le monde peut pêcher. Personne ne remarque les signes avant-coureurs.

C'est la même chose en ce qui concerne le crabe. L'année dernière, c'est-à-dire en 1996, les pêcheurs ont sonné l'alarme au sujet du crabe. Le crabe devenait un peu difficile à capturer. Qu'a fait le MPO l'année dernière? Il a augmenté le quota.

Par conséquent, le système d'alarme ne fonctionne pas. Pour une raison ou pour une autre, aucun message ne parvient au MPO et aussi longtemps que l'on peut permettre à quelqu'un de gagner un peu d'argent... Comme l'a dit John Crosbie, il ne pouvait pas fermer la pêche de la morue parce que ce serait la faillite pour FPI et Nat Sea. Il faut donc pêcher jusqu'à extinction complète des stocks.

Tant que cette mentalité régnera, rien ne changera.

À mon avis, on aurait dû laisser couler FPI et Nat Sea et sauver la pêche de la morue. La situation n'a toutefois pas encore changé du tout. Nous avons perdu nos pêches et il ne reste plus personne au MPO qui s'en occupe.

Le président: Capitaine, avant de donner la parole à un représentant du Bloc, pouvez-vous me dire si M. Herman Carter est là? Est-il arrivé?

• 0930

Capt Wilfred Bartlett: Non, je regrette, mais il n'y a personne ici, sauf deux ou trois journalistes.

Le président: Merci.

Je donne maintenant la parole au représentant du Bloc, M. Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): J'aimerais saluer le témoin. Je vais essayer d'être bref parce que je sais qu'il y a d'autres députés de Terre-Neuve qui sont impatients de lui poser des questions.

Ma question portera elle aussi sur l'opinion du témoin quant à l'idée de faire administrer l'argent par la communauté. J'aimerais approfondir le sujet avec lui. Entre 1993 et 1997, à la suite de nombreuses demandes de décentralisation, le gouvernement du Canada a signé avec la plupart des provinces des ententes dites de formation de la main-d'oeuvre. Vous dites que cela pourrait être administré par un groupe communautaire. Ce que je me demande, dans le cas du Québec qui préfère que ce qui vient d'Ottawa soit administré par la province, c'est si la province pourrait recevoir ces sommes. Ottawa serait peut-être moins hésitant à signer une entente avec les provinces puisqu'il existe déjà un cadre légal. La province pourrait ensuite signer elle-même des ententes avec les diverses communautés.

Je vais vous donner un exemple. Au Québec, nous avons la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Dans chacun des secteurs administratifs, dans chacune des régions, des membres de la collectivité sont invités à faire partie d'un comité de travail qui définit les orientations. Croyez-vous qu'une telle structure pourrait devenir le bénéficiaire du futur programme et administrer les sommes reçues? Merci.

[Traduction]

Capt Wilfred Bartlett: Je ne vois aucun inconvénient à ce que les sommes soient transférées à la province, pour autant que celle-ci consulte les collectivités locales et qu'elle permette aux citoyens de participer. Je ne vois aucun inconvénient non plus à ce que toute l'administration se fasse à St. John's. J'estime que diverses régions de la province doivent participer pour que cela soit efficace.

C'est mon avis. Je suppose que j'ai brièvement répondu à votre question. Estimez-vous que j'ai répondu à toutes vos questions à ce sujet?

[Français]

M. Yvan Bernier: Oui, cela répond à la question. Je comprends votre degré de scepticisme ce matin. Je vois bien que vous êtes sceptique. Je le suis moi aussi. Lorsque je vois un Brian Tobin au gouvernail d'un bateau, je m'interroge. Je vous fais donc confiance pour exiger, si jamais nous connaissons le même système de formation de la main-d'oeuvre, qu'il y ait un groupe communautaire chargé de veiller au grain. Alors, ne lâchez pas!

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bernier.

Je donne maintenant la parole au Nouveau Parti démocratique. Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Bonjour, capitaine Bartlett. Je représente la circonscription de Sackville—Eastern Shore, qui comprend la région du Eastern Passage et de Sheet Harbour.

Vous avez parlé de FPI et de Nat Sea. J'ai tendance à croire, comme vous, que si l'on n'avait pas instauré le système du QIT, nous n'aurions pas la moitié des problèmes qui se posent actuellement dans l'industrie de la pêche.

Vous avez dit que le système de rejet du poisson à la mer est toujours en vigueur. C'est ce que j'affirme depuis pas mal de temps. Certaines personnes ne me croient toujours pas quand je dis que l'on continue à rejeter à la mer les prises accidentelles au moment même où je vous parle.

À votre avis, est-ce que cela se fait plus que jamais dans les pêches au large des côtes du Labrador et de Terre-Neuve?

Capt Wilfred Bartlett: C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre. J'ai l'impression que le seul endroit où cela se fait, au large des côtes du Labrador, c'est dans le secteur de la pêche de la crevette, parce que c'est à peu près le seul genre de pêche que l'on y pratique encore.

La pêche du turbot du Groenland est pratiquée au filet maillant, technique qui libère de toute façon les poissons de petite taille; ils ne se font pas prendre. Il paraît que les crevettiers ne font pas de prises accessoires mais il faudrait que je sois sur un bateau de ce genre pour le croire. Je ne vois pas comment on peut capturer des crevettes sans capturer une morue ou un turbot du Groenland de la même taille.

Je ne suis pas absolument convaincu que l'on ne continue pas à rejeter du poisson à la mer. Je sais que, dans la pêche du capelan, nous rejetons environ 60 p. 100 ou plus de sujets mâles; cette pratique est donc toujours en vigueur dans ce type de pêche.

M. Peter Stoffer: Bien.

• 0935

Je n'aime pas beaucoup les systèmes de quotas individuels transférables ni la façon dont ils sont appliqués. Comme nous le savons, 50 p. 100 des ressources halieutiques se trouvant au large des côtes de la région de l'Atlantique sont entre les mains de sociétés comme FPI et Nat Sea. Je suis bien d'accord avec vous, il faudrait laisser disparaître ces sociétés et conserver les entreprises locales assujetties à des quotas, comme Burgeo ou Black Tickle, ou n'importe quelle autre entreprise locale, pour qu'elles soutiennent elles-mêmes les pêches et permettent ainsi aux habitants de ces localités de rester chez eux.

Lorsque le système du QIT a été mis en place, on a vu les pressions exercées sur les pêches se répercuter sur ces quotas. Est-ce un bon système, à votre avis? Fonctionne-t-il assez bien ou faudrait-il l'abandonner pour le remplacer par un autre?

Capt Wilfred Bartlett: J'estime, moi aussi, que le système du QIT a détruit notre pêche. Il existe deux grandes compagnies sur la côte nord-est de Terre-Neuve et 1 200 pêcheurs ont pris la moitié du quota de morue et 10 000 autres pêcheurs ont capturé le reste. Si j'en avais eu le pouvoir, j'aurais laissé tomber les 1 200 pêcheurs hauturiers et j'aurais laissé la moitié du quota à l'eau. Ce secteur serait encore sain à l'heure actuelle.

Le système du QIT et les compagnies hauturières ont créé les gros dragueurs. Ceux-ci ont détruit tout le poisson. Ce n'est pas la quantité de poisson qu'ils ont ramenée qui a causé le problème, mais plutôt la quantité de petits poissons et d'autres espèces qui ont été rejetés.

Si j'ai un quota d'un nombre déterminé de tonnes de poisson et que le poisson de petite taille vaut 20 cents la livre alors que celui de grosse taille en vaut 70, qu'est-ce que je vais faire? Je vais rejeter systématiquement tous les petits poissons pour pouvoir remplir le bateau de poissons qui se vendent 70 cents la livre. C'est la nature du monstre. C'est ce qui s'est passé dans nos pêches, et il faut que cela cesse.

Je voudrais ajouter ceci. Ce n'est pas vrai qu'il y a trop de pêcheurs à Terre-Neuve. Ce n'est pas là que réside le problème. Le problème, c'est la technologie que l'on utilise pour capturer le poisson. Si l'on se débarrassait de la technique de la drague, nous n'aurions pas de problèmes avec les pêcheurs, et nos collectivités seraient prospères. Comme je l'ai dit, 1 200 pêcheurs ont capturé la moitié du quota de morue et ils ont détruit notre ressource.

Le président: Merci, monsieur Stoffer. Nous allons maintenant donner la parole au représentant du Parti progressiste-conservateur, puis à celui du parti ministériel.

Capitaine Bartlett, je voudrais d'abord vous poser la question suivante sur les quotas actuels pour cet automne, dans la zone zéro. Savez-vous où se trouve cette zone, capitaine?

Capt Wilfred Bartlett: Oui. Je suppose qu'elle se trouve dans le Nord.

Le président: Elle est située à environ 80 milles au nord de cap Chidly. Elle commence en plein dans le passage. Si je vous disais que cet automne, des quotas de développement ont été attribués à des équipages étrangers qui utilisent des dragueurs étrangers équipés de filets dont les mailles sont de cinq pouces et demi—pas dans la queue de chalut, mais dans la drague—pour pêcher le turbot du Groenland pour des entreprises canadiennes, quelle serait votre réaction?

Capt Wilfred Bartlett: Ma réaction serait la même qu'elle aurait été il y a dix ans, monsieur le président. Comme vous le savez, j'ai été très actif au sein de plusieurs organismes qui essaient depuis pas mal de temps de sauver les pêches de Terre-Neuve. Un des plus importants est la Newfoundland Inshore Fisheries Association. J'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de scientifiques et bien d'autres personnes grâce à ces organismes. Les scientifiques nous ont dit que le turbot du Groenland frayait toujours dans la zone zéro. Quand il atteint une certaine taille, il va dans les eaux situées au large de Terre-Neuve et y reste un certain temps. À la période du frai, il remonte vers cette zone.

Nous avons détruit nos stocks de turbot du Groenland, à Terre-Neuve, et maintenant, nous envoyons des bateaux jusque dans les zones de frai, d'après ce qu'ils m'ont dit, pour les vider à fond. Par conséquent, je n'ai pas besoin de vous dire ce que j'en pense, monsieur le président. Vous le savez très bien. Je pense que c'est ridicule. Aucun fonctionnaire du MPO n'a tiré une leçon de la destruction de nos stocks de morue du Nord.

Le président: Je donne maintenant la parole au représentant du Parti progressiste-conservateur, M. Matthews.

• 0940

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Bonjour, capitaine Bartlett. C'est intéressant de vous écouter. Je voudrais approfondir un peu la question de Peter sur la technologie, entre autres.

Lorsque l'ex-ministre des Pêches, M. Tobin, et l'ex-ministre des Ressources humaines, M. Axworthy, ont annoncé LSPA à St-Jean, Terre-Neuve, je me souviens que M. Tobin en particulier a dit clairement que la période de cinq ans serait mise à profit pour faire des études sur les engins et les techniques qui sont utilisés, pour voir s'il était nécessaire de faire certains rajustements en ce qui concerne les agrès et d'améliorer les techniques. Savez-vous si le MPO a fait des études ou pris des initiatives de ce genre au cours des trois ou quatre dernières années?

Capt Wilfred Bartlett: Non, il ne s'est rien passé. C'est tombé complètement dans l'oubli. On dirait que le gouvernement n'a pas à s'en occuper. Il y a deux ans, j'étais membre d'un comité dont les activités étaient axées sur la viabilité des collectivités et des écosystèmes marins, et nous nous sommes rendus dans huit localités différentes de la province; nous sommes même allés jusqu'à Makkovik, au Labrador. C'était une question urgente dans pratiquement toutes les localités que nous avons visitées. La pêche a été dévastée. Tout le monde a accusé la technologie. Tout le monde a demandé une étude sur les engins et sur la technologie. Une de nos principales recommandations était que l'on fasse une telle étude. Le gouvernement l'a rejetée et il n'a toujours rien fait à ce sujet jusqu'à présent.

L'autre recommandation importante était de faire une étude sur les raisons pour lesquelles le secteur de la pêche s'était effondré, ce qui revient à mon avis à la même chose. Tout le monde doit savoir pourquoi la pêche a disparu. Les pêcheurs le savent tous, mais la population en général l'ignore. Si vous ne trouvez pas les causes, comment allez-vous pouvoir éviter que le problème se reproduise? C'est le thème principal de ce rapport.

M. Bill Matthews: Merci beaucoup. Vos opinions rejoignent beaucoup les miennes. On parle beaucoup de l'avenir de la pêche, mais si du jour au lendemain nos stocks de morue étaient reconstitués, si nos stocks de poisson de fond étaient complètement reconstitués, nous continuerions à utiliser le même type d'engins et la même technologie pour les détruire à nouveau complètement. C'est là le problème, à mon avis. Nous avons perdu trois ou quatre ans, sans pour ainsi dire en arriver à quoi que ce soit. Tout ce dont on parle, c'est de l'avenir de la pêche, qui sera d'ailleurs identique à son passé.

À propos des commentaires que vous avez faits au sujet du PARPEM et de LSPA, ainsi qu'au sujet des indemnités, si j'ai bien compris, vous estimez que ce sont les personnes que le programme était censé aider qui en ont en fait le moins bénéficié, parce que la pêche de la morue était en voie de déclin des années avant que le moratoire ne soit annoncé. Par conséquent, vos revenus ont diminué et les pêcheurs de morue—je sais que dans ma région, à Lawn et à Lord's Cove, par exemple, la pêche a été complètement détruite, la pêche du poisson de fond... La pêche de la morue à la trappe périclitait depuis un certain nombre d'années et par conséquent, ceux qui la pratiquent n'avaient pas de revenu, mais ce sont eux qui ont reçu le moins d'argent quand le PARPEM et LSPA sont entrés en vigueur.

Est-ce bien ce que vous voulez dire? Je veux m'en assurer, parce que certains de mes collègues n'ont certainement pas bien compris ce que vous disiez. Ce sont les pêcheurs de morue, dont les revenus diminuaient depuis dix ans, qui ont reçu le moins d'indemnités dans le cadre du PARPEM et de LSPA. Est-ce bien ce que vous vouliez dire?

Capt Wilfred Bartlett: C'est exact. Je ne connais personne dans ma région qui ait reçu le maximum dans le cadre de LSPA, parce que la plupart des pêcheurs étaient des pêcheurs de homard et de capelan. Ils n'avaient que les timbres nécessaires.

Je me souviens que Cabot Martin a téléphoné à des habitants de Cook's Harbour lorsque John Crosbie a annoncé l'octroi d'une indemnité de 225 $ par semaine. Il leur a demandé s'ils étaient satisfaits de ce montant. Savez-vous ce qu'ils ont dit? C'est plus que nous n'avons jamais gagné au cours des cinq dernières années, parce que toute la morue avait été capturée. Il ne restait plus de morue et par conséquent, ils ont accepté les 225 $. Ç'aurait été plus que ce qu'ils ne gagnaient. Cela indique à quel point la situation est dramatique sur la péninsule Northern.

Quant aux habitants de Makkovik, je crois qu'il y a deux ou trois ans, ils n'étaient même pas admissibles au PARPEM parce qu'ils ne pouvaient pas prouver qu'ils avaient tiré des revenus de la pêche de la morue en 1991, étant donné qu'ils n'arrivaient même pas à en capturer une seule pour leur consommation personnelle, même s'ils étaient depuis toujours des pêcheurs de morue et de saumon.

Vous avez donc parfaitement raison. Le programme suivant doit être organisé de manière à remédier à cette lacune. Si un pêcheur se trouve dans une région où tout ce qu'il peut pêcher, c'est de la morue, et qu'il n'arrive plus à en capturer, il faut l'aider. Ce sont les personnes qui souffrent le plus dont il faut s'occuper.

• 0945

Le président: La fin de la période de questions approche. Nous donnerons la parole aux représentants du gouvernement pendant le deuxième tour, pour poser des questions au témoin suivant.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Matthews?

M. Bill Matthews: Il ne me reste plus qu'une question à poser, à propos de l'exécution d'un programme ultérieur. Elle s'adresse au capitaine Bartlett. Je vous ai écouté très attentivement. Capitaine Bartlett, il existe des conseils régionaux de développement économique dans ces régions et dans toute la province, et j'ai rencontré les membres d'un de ces conseils il y a quelques semaines. Ce conseil a relevé entre autres de nombreuses possibilités de développement économique dans la région qu'il dessert.

Je ne sais pas ce que l'on pense de ces conseils dans votre région, mais je me demande si vous envisageriez la possibilité qu'ils administrent un nouveau programme? Je vous pose la question au passage. Je comprends en quelque sorte où vous voulez en venir, mais je doute beaucoup qu'un conseil municipal élu veuille s'associer le moindrement à ce genre d'activité. Je me demandais ce que vous en pensiez, parce que je sais qu'un grand nombre de ces conseils ont découvert d'excellents projets de développement économique qui créeraient de l'emploi dans leur région, mais ils ne possèdent pas les moyens nécessaires pour les mettre sur pied. Je me demande ce que vous pensez de la possibilité d'intégrer un programme de développement, sous une forme ou une autre, à un nouveau programme destiné à remplacer LSPA.

Capt Wilfred Bartlett: Je suis du même avis que vous sur un point, à savoir qu'il ne faut pas confier cette tâche aux conseils municipaux. Si l'on veut élaborer un programme que la population de la région se chargera d'administrer, il faut que cela se fasse à l'échelle régionale et pas au niveau des localités. Il existe déjà quelques localités plus importantes, comme Ramea entre autres, mais pas dans la région d'où je viens, qui est constituée de toute une série de petites localités. Il faudrait que cela se fasse à l'échelle régionale.

En ce qui concerne les conseils de développement économique, je me pose des questions. J'ai fait partie d'un conseil provisoire pendant un an, mais j'estime qu'il a perdu beaucoup de temps car il a fallu pas moins d'un an pour établir les critères d'élection des membres du conseil. J'en ai marre. J'ignore quelle était la cause du problème, s'il était dû à une ingérence gouvernementale trop grande, ou ce qui ralentissait le processus. Jusqu'à présent, il ne s'est pas encore passé grand-chose en matière de création d'emplois. On discute beaucoup mais on n'agit pas. C'est pourtant ce que je voudrais. C'est bien beau d'en parler indéfiniment, mais il faudrait agir aussi.

On pourrait peut-être songer à instaurer un comité indépendant, parce que bien des membres de ces conseils sont là pour servir leurs intérêts personnels, comme on a pu le constater dans la plupart des cas. J'ai beaucoup d'inquiétude au sujet de certains de ces comités. Je suis sûr qu'il en existe de bons dans la province et d'autres moins bons, comme les associations de développement qui existaient avant la création de ces conseils.

J'ai donc certains doutes. Il faudrait donc pousser les discussions un peu plus loin, je suppose.

Le président: Cette période-ci est pratiquement terminée. Monsieur Lunn, vous avez une petite question à poser. Ensuite, nous donnerons la parole au témoin suivant, puis aux représentants du parti ministériel.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Je tiens à vous remercier pour vos commentaires, capitaine Bartlett. Je les ai vraiment appréciés. D'après ce que vous avez dit, j'ai l'impression qu'il y a des têtes qui devraient tomber au MPO.

Je vous accorde qu'il faut s'assurer que, dans le cadre d'un nouveau programme éventuel, ce seront bien les principaux concernés qui recevront les prestations et que les fonds ne seront pas accaparés par les administrations et par les responsables qui servent avant tout leurs intérêts personnels.

Je suis fermement convaincu que si l'argent consacré au PARPEM et à LSPA avait été distribué directement aux principaux concernés, que si des personnes comme vous avaient participé activement à l'administration de ces programmes et avaient vérifié la façon dont on s'en servait, nous ne serions pas dans un tel pétrin à l'heure actuelle.

Je pense que les Terre-Neuviens ne veulent pas uniquement un supplément de revenu. Ils veulent une solution à ce problème. Je me demande comment vous envisagez l'avenir, de sorte qu'un programme de supplément du revenu ou n'importe quel autre type de programme ne soit plus nécessaire. Comment peut-on finalement trouver une solution qui consiste soit à déplacer les pêcheurs ou à leur permettre de poursuivre leurs activités traditionnelles dans le cadre d'une industrie devenue viable, qui leur permette de gagner leur vie?

Capt Wilfred Bartlett: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Je ne peux pas y répondre brièvement. Cela dépend du moment où la pêche sera rouverte. Si vous parlez aux pêcheurs de ma région, la plupart d'entre eux vous diront qu'il y avait du poisson en abondance, l'année où le ministre a décidé que nous ne pouvions même pas pêcher de poisson pour notre consommation personnelle, sous prétexte qu'il n'y en avait pas assez.

• 0950

À mon avis, tant que l'on n'aura pas éclairci la situation et que personne ne pourra dire si la pêche va être rouverte dans deux ans, cinq ans, dix ans ou jamais... Je suis certain que bien des habitants de ces localités n'y resteraient pas s'ils savaient que la pêche de la morue a disparu à tout jamais. Cependant, c'est le métier qu'ils ont exercé toute leur vie... Je parle des personnes qui ont autour de la quarantaine. Les jeunes peuvent se ressaisir et continuer, mais pour bien des citoyens, c'est tout ce qu'ils ont fait pendant toute leur vie et il est très difficile d'abandonner tout cela et de déménager dans une autre région où il est très difficile de se trouver un emploi. Ce sont ces personnes-là qu'il faut aider.

Par contre, si les stocks n'arrivent pas à se régénérer, je ne vois pas comment le gouvernement pourrait les aider indéfiniment. Je ne le vois vraiment pas. Il faut pouvoir trouver une autre solution. Je ne sais pas laquelle, mais alors pas du tout. Je voudrais le savoir.

Le président: Capitaine Bartlett, est-ce que serait un bon point de départ de se débarrasser de tous les permis accordés à des étrangers?

Capt Wilfred Bartlett: Un bon point de départ aurait été de se débarrasser de ces permis depuis une dizaine d'années. Ils auraient dû être absolument tous supprimés. Même nos dragueurs locaux auraient dû être interdits. On pourrait revenir au type de pêche qui consiste à choisir le poisson, qui permet d'attraper du poisson sans détruire d'autres espèces ou les spécimens de petite taille.

Tant que nous ne serons pas revenus à cette pratique et que nous n'aurons pas reconstitué nos stocks de capelan... Voyez les dégâts que l'on fait dans les stocks de crevette, qui constituent la principale nourriture de la morue, du turbot du Groenland, des phoques et de toutes sortes d'espèces. Il faut prendre tout cela en considération si nous voulons reconstituer nos stocks de morue.

À mon avis, le MPO ne fait toutefois absolument rien pour essayer de les reconstituer. Il prétend essayer d'y arriver, mais il détruit tout ce qui sert d'aliment à la morue.

Par conséquent, il est nécessaire que des gens avisés examinent ce programme et décident ce qu'il faut faire pour que nous puissions reconstituer nos stocks de morue et nos autres stocks, c'est-à-dire les stocks de turbot du Groenland et tous les autres, pour que les habitants de Terre-Neuve et des Maritimes en général, ainsi que ceux de la côte du Labrador et du Québec, puissent gagner leur vie comme il y a 500 ans.

Le président: Merci, capitaine Bartlett. Je présume que c'est la même chose en ce qui concerne les nouveaux quotas qui ont été attribués cette année pour le calmar à cinq pays étrangers, à l'intérieur de la zone de 200 milles. Êtes-vous absolument contre cette décision également?

Capt Wilfred Bartlett: J'ai toujours été contre. Lorsqu'on a ouvert la pêche au calmar à Terre-Neuve, nous obtenions à peu près un prix trois fois plus élevé à la livre qu'à l'heure actuelle. On n'arrivait pas à fournir.

À l'heure actuelle, on n'arrive plus à le vendre. Pourquoi? Parce que nous permettons à toutes sortes de pays de venir pêcher dans nos eaux et de capturer nos poissons et nos crustacés. Si nous permettons à tous les pays du monde de venir capturer notre crabe, notre poisson et toutes sortes d'autres espèces, nous n'arriverons pas à vendre quoi que ce soit. C'est l'évidence même.

Personne d'autre que des Canadiens ne devrait pêcher dans nos eaux.

Le président: Merci, capitaine Bartlett. Vous nous avez dit des choses très intéressantes.

Nous nous mettrons dans quelques instants en contact avec St. John's, pour entendre les témoins de cette région, et ensuite avec la Nouvelle-Écosse.

• 0953




• 1007

Le président: Silence.

Nous passons maintenant à St-Jean, Terre-Neuve, pour écouter d'autres témoins. Nous remarquons qu'un membre très en vue de notre comité est là, à St-Jean; il s'agit de Lawrence O'Brien, le député de Labrador.

Monsieur O'Brien, vous pourriez peut-être nous présenter les témoins de St-Jean.

M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

À côté de moi se trouve Marcel O'Brien. Marcel vient de L'Anse-au-Loup. Il a été pêcheur toute sa vie. Marcel a un chalutier équipé pour la pêche au chalut à panneaux. Il a pêché dans le golfe du Saint-Laurent avec la flotte de chalutiers. À l'heure actuelle, il pêche dans la zone 2J, dans la zone de pêche du crabe. Il a un permis pour pêcher la crevette dans la zone 4R, qui est située dans le golfe. Il espère également pouvoir participer à la pêche de la crevette dans la zone nordique 2J. Marcel a été très actif dans les syndicats de pêcheurs, il a participé à toutes sortes d'activités halieutiques et il a travaillé entre autres pour la Labrador Fishermen's Union Shrimp Company. C'est pour moi un grand plaisir de vous présenter un bon ami, qui est aussi mon cousin, et un grand pêcheur, monsieur le président.

Le président: Pourriez-vous faire une déclaration, monsieur Marcel O'Brien? Dans la salle du comité à Ottawa, nous avons parmi nous des représentants de tous les partis politiques de la Chambre des communes, qui sont là pour vous écouter. Vous pourriez peut-être faire une déclaration d'ouverture. Nous vous poserons ensuite des questions.

M. Marcel O'Brien (président, Communauté des pêches, St-Jean, Terre-Neuve): Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.

Je voudrais faire un exposé avant de répondre aux questions. J'aborderai certaines questions et je parlerai surtout de LSPA.

Au cours des dernières années, depuis la fermeture de la majorité des pêches du poisson de fond de la région de l'Atlantique, la pêche a énormément changé d'aspect pour tous les pêcheurs. Le programme LSPA a allégé une grande partie des difficultés qu'aurait causé la débâcle de la pêche, si ce programme de soutien du revenu n'avait pas été institué par le gouvernement fédéral.

Cela ne veut pas dire que ce programme ne présente aucun problème et qu'il n'a pas causé des perturbations d'ordre social et économique dans les régions touchées. Au cours des trois dernières années, LSPA a aidé les localités situées à proximité de la côte du Labrador—et celles de toute la région de l'Atlantique en général—tant sur le plan social que sur le plan économique. En ce sens, ce programme a apporté une certaine sécurité à ces collectivités qui sans cela, auraient périclité à la suite de la diminution des stocks de poisson de fond, qui est due davantage à une mauvaise gestion de la part du gouvernement qu'à la surpêche. Cependant, tous les intervenants du secteur de la pêche doivent partager la responsabilité de l'échec de la pêche de l'Atlantique. LSPA a empêché l'effondrement de l'infrastructure communautaire qu'il avait fallu plusieurs années pour édifier.

• 1010

En plus de permettre la survie des pêcheurs, ce programme a permis celle d'entreprises dynamiques dans toutes les localités côtières du Labrador et du Canada Atlantique. L'institution de LSPA a donné aux familles, en un rien de temps, une dure leçon de gestion financière, tout en leur permettant de toucher un revenu fixe grâce au soutien du revenu. Cela permettra aux familles de gérer un peu mieux leurs finances dans les futures occasions d'affaires, que ce soit dans le secteur de la pêche ou dans un autre.

Le volet formation de ce programme a permis d'améliorer le tissu social de toutes les collectivités touchées. Il a donné aux pêcheurs et aux ouvriers d'usine la confiance nécessaire pour participer en collaborant avec tous les paliers de gouvernement, ce qui n'eut peut-être pas été possible sans cela.

Au cours des dernières années, LSPA a permis de préserver la vie côtière. Cependant, ce programme a également été un obstacle au développement de l'économie locale. Certains pêcheurs se complaisent dans cette situation et ne manifestent plus le désir de travailler, préférant recevoir des prestations de soutien du revenu dans le cadre de LSPA. L'été dernier, des pêcheurs ont arrêté de pêcher lorsqu'ils avaient presque atteint leur limite de revenu, surtout dans les régions où la pêche commerciale de la morue était ouverte.

Certaines personnes perdent leur amour-propre et leur éthique du travail parce qu'elles sont forcées de cesser leurs activités pour des raisons indépendantes de leur volonté. Les pêcheurs préféreraient de loin être actifs pendant la durée de leur admissibilité à LSPA, au lieu de rester à la maison et de toucher un chèque de soutien du revenu. Bien des pêcheurs ont abusé du programme parce qu'ils n'étaient pas tenus de travailler activement pendant la période d'attente. Cela a été la même chose pour leur activité de pêche et il existe par conséquent à l'heure actuelle un grand nombre de pêcheurs qui auraient peut-être été actifs si cela avait été une condition d'admissibilité.

Le programme LSPA ne couvre qu'une toute petite partie des problèmes qui accablent le secteur de la pêche, surtout au Labrador. Un certain développement de la pêche a eu lieu au cours des dernières années, grâce aux efforts des deux paliers de gouvernement; cependant, le Labrador n'en a pas bénéficié autant qu'il ne l'aurait dû. Par exemple, la pêche du turbot du Groenland dans la région du nord du Labrador est prostituée depuis plusieurs années, mais les usines du Labrador restent inactives alors que le turbot du Groenland est expédié vers d'autres régions de Terre-Neuve ou du Canada Atlantique, voire à l'étranger. Les pêcheurs du Labrador sont confrontés aux problèmes que j'ai déjà mentionnés, en ce qui concerne LSPA, tandis que les pêcheurs de la zone continentale capturent le poisson tout près de nos côtes.

Des quotas de crevette sont attribués depuis une vingtaine d'années à des entreprises étrangères qui se font passer pour des entreprises canadiennes, et les profits qu'en retirent les habitants du Labrador ne sont que minimes. Cette année, en 1997, le MPO a enfin permis aux pêcheurs côtiers d'avoir accès aux stocks de crevette, mais uniquement à quelques milles au large de la côte du Labrador, mais il n'existe toujours pas de quota spécial pour les habitants de cette région. Je prétends que cela n'arriverait nulle part ailleurs dans le monde, encore moins dans d'autres régions du Canada. Je vous recommande d'envisager d'attribuer un quota spécial à toutes les régions situées au large de la côte du Labrador, et que le choix des espèces dépende de la volonté des pêcheurs et pas de celle des fonctionnaires du MPO.

À l'heure actuelle, il existe une ligne arbitraire entre la zone des détroits du Labrador et la côte Sud-Est, qui sépare la zone 2J et la partie de la zone 4R qui se trouve au Labrador. Cette ligne ne sert qu'à diviser les populations de poisson du Labrador. Il serait préférable pour tous les pêcheurs concernés de permettre à tous les pêcheurs du Labrador d'avoir accès aux ressources situées à proximité de la côte. Cela ne ferait pas augmenter le nombre de pêcheurs actifs dans cette région, tout en permettant aux pêcheurs qui pourraient avoir accès à un permis existant d'accroître la rentabilité de leur entreprise.

Par exemple, il existe actuellement une pêche du crabe des neiges au Labrador, mais tous les pêcheurs de la région des détroits en sont exclus à moins de passer des ententes de location très élaborées, conformes aux directives du MPO. Il serait préférable que le MPO autorise un certain chevauchement qui permettrait aux pêcheurs d'une région du Labrador de détenir un permis pour une autre zone s'ils n'arrivent pas à se procurer le permis nécessaire par tous les moyens possibles ou disponibles.

La politique actuelle se borne à séparer les diverses zones situées au large du Labrador, ce qui a pour résultat de troquer les ressources marines du Labrador; c'est apparemment en cela que consiste la mission du MPO. Les ressources du Labrador ne sont pas à prendre. Elles sont là d'abord et avant tout pour que les habitants du Labrador en profitent et ensuite, on peut évidemment partager tout excédent avec le reste de la province, de la région ou du pays, mais uniquement après que les habitants du Labrador en aient suffisamment profité et qu'ils puissent gagner leur vie en pêchant au lieu d'être à la merci d'un système de soutien du revenu.

J'estime que tout pêcheur devrait pourvoir pêcher avec un permis dans n'importe quelle zone, s'il arrive à obtenir ce permis, et la politique devrait être établie en conséquence. J'estime que les fonctionnaires du MPO qui établissent les politiques devraient être des personnes qui ont une certaine expérience en matière de pêche. Sinon, ils établissent des politiques pour les autres, sans s'occuper des principaux intéressés. La consultation devrait consister à écouter réellement ses interlocuteurs au lieu de faire ce que l'on a fait jusqu'à présent, à savoir noter leurs opinions sans en tenir compte.

• 1015

Nous avons besoin de changements importants dans le personnel du MPO, nous avons besoin de gens qui ont des idées nouvelles et qui sont disposés à écouter les autres.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur O'Brien.

Avant de passer aux premières questions, je voudrais que vous nous donniez une petite précision. Monsieur O'Brien, les pêcheurs étrangers qui viennent pêcher la crevette viennent-ils pour la plupart des îles Faroe?

Par ailleurs, sauriez-vous par hasard d'où viennent les navires et les équipages étrangers qui pêchent au large de la côte nord du Labrador, grâce aux quotas de développement? Des navires d'environ trois pays étrangers pêchent là-bas.

Je voudrais d'abord savoir si ceux qui pêchent la crevette viennent principalement des îles Faroe? Sauriez-vous par hasard comment les membres d'équipage arrivent à obtenir leur permis de travail? Est-ce en vertu d'une permission ministérielle?

Monsieur O'Brien, connaîtriez-vous la réponse à l'une ou l'autre de ces questions?

M. Marcel O'Brien: Ces pêcheurs viennent pour la plupart des îles Faroe et cela dure depuis quelques années. Je pratique la pêche de la crevette depuis une vingtaine d'années, pour une compagnie. Ce sont des habitants des îles Faroe. Ils prennent des arrangements avec le gouvernement, viennent et louent leurs bateaux à des compagnies canadiennes. Les équipages sont en majorité composés de pêcheurs originaires des îles Faroe; on engage quelques travailleurs du Labrador ou quelques Canadiens, juste pour pouvoir pêcher dans nos eaux sans enfreindre la loi, je suppose.

Le président: Par conséquent, vous ne savez pas comment... De toute évidence, vous avez les meilleurs pêcheurs du monde sur la côte du Labrador. Je me demandais comment l'on a pu permettre continuellement à des pays étrangers d'envoyer des travailleurs sur nos côtes du Labrador alors qu'il existe chez nous des gens capables de faire le travail. Cela va de toute évidence à l'encontre de l'une ou l'autre des dispositions de la Loi sur l'immigration.

Sauriez-vous s'il existe un arrangement spécial avec le gouvernement du Canada, pour que cela soit possible?

M. Marcel O'Brien: Non, j'ignore s'il existe un arrangement spécial, mais je sais bien que la plupart des officiers qui sont sur ces navires viennent des îles Faroe. Même s'il existe des travailleurs qualifiés et compétents au Labrador et à Terre-Neuve—des Canadiens—, on dirait qu'ils n'arrivent pas à se faire engager, parce que le capitaine et les propriétaires de ces bateaux leur répondent systématiquement qu'ils ne sont pas capables d'utiliser ces navires.

Pour l'instant, le mieux qu'ils puissent espérer, c'est qu'un de nos membres d'équipage arrive à devenir second maître d'équipage. C'est le poste le plus élevé auquel puisse arriver un pêcheur de Terre-Neuve. Sinon, ce sont des hommes de pont et des travailleurs d'usine.

Le président: Vous affirmez donc que pendant que les contribuables canadiens paient des compatriotes pour rester chez eux à ne rien faire, ces équipages étrangers pêchent chez nous. Est-ce exact?

M. Marcel O'Brien: C'est exact.

Le président: Nous allons maintenant passer aux questions. C'est au tour de M. Hubbard, du Nouveau-Brunswick.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Je voudrais d'abord que vous nous donniez une idée de la nature exacte de vos activités en nous indiquant par exemple la taille de votre chalutier, le nombre de personnes qui travaillent avec vous sur ce bateau, la valeur de votre équipement, le genre de permis que vous avez eu cette année, les permis que vous aviez et que vous n'avez pas utilisés, et en nous donnant une idée générale des recettes que peut représenter un chalutier comme le vôtre pour la province de Terre-Neuve au cours d'une saison déterminée.

M. Marcel O'Brien: J'ai pêché au cours des 25 dernières années, sans exception. Le bateau que je possède actuellement a une longueur de 55 pieds et sa valeur, équipement compris, se chiffre à environ 2,5 millions de dollars.

J'ai plusieurs permis. J'ai un permis pour pêcher la crevette dans le golfe du Saint-Laurent, dans le chenal des Escoumins. J'ai un permis de pêche à la pétoncle dans le golfe du Saint-Laurent. J'ai des permis de pêche au poisson de fond, mais il n'y a manifestement plus... Je ne dirai pas qu'il n'y a plus de poisson de fond à capturer. On en parlera une autre fois. La pêche du poisson de fond est fermée dans le golfe. J'ai un permis de pêche au crabe pour la zone 2J. Ce permis n'est-il plus régi par les règlements du MPO? J'ai dû m'associer avec quelqu'un de la région 2J. Même si j'habite le Labrador, je n'ai pas été autorisé à obtenir un permis de pêche au crabe pour une certaine région du Labrador; j'ai donc dû payer très cher pour obtenir ce permis. Il me coûte toujours de l'argent et je continue à devoir payer des suppléments, rien que pour pouvoir l'utiliser, même si je l'ai acheté et si j'ai dû le faire mettre au nom d'une personne qui habite cette région en particulier.

• 1020

Je pratique la pêche du crabe depuis quatre saisons. Étant donné que la pêche du crabe est en déclin, je suis actuellement en train de m'équiper pour me remettre à pêcher la crevette dans le golfe au printemps, la crevette et la morue du Nord; en outre, j'espère pouvoir aller pêcher le crabe dans la zone 2J. Dans les circonstances actuelles, je ne peux toutefois pas participer à ces pêches.

Les règlements étant ce qu'ils sont, je dois décider immédiatement si je prendrai part à la pêche de la crevette ou à la pêche du crabe. Si je participe à la pêche de la crevette, je peux pêcher pendant toute la saison, mais si je voulais pêcher le crabe, il faudrait que je troque mon bateau contre celui d'un pêcheur de la côte du Labrador pendant 12 mois. Dans ce cas, je ne serais pas autorisé à retourner pêcher dans la zone nord de la côte du Labrador, ni dans le golfe, avant 12 mois.

Les règlements sont tels que l'on ne peut pas pêcher pendant toute la saison. Ainsi, cet été, avec le permis que je possédais, et que j'ai d'ailleurs utilisé, j'aurais pu pêcher pendant 26 semaines mais à cause des règlements, je n'ai pu pêcher que pendant six semaines. J'ai eu six semaines de pêche alors que j'aurais pu en avoir 26, avec six membres d'équipage et deux autres personnes à terre. J'ai employé huit personnes. En ce qui concerne LSPA, je signale que personne ne peut vraiment arriver à vivre avec le produit de six semaines de pêche. Il me faut un revenu minimum de 300 000 $ pour que mon entreprise soit rentable, pour moi et mon équipage. Cette année, notre revenu brut s'est élevé à 180 000 $.

Si j'étais autorisé à pêcher pendant toute la saison à laquelle correspond mon permis, je pourrais probablement avoir un revenu brut de 500 000 $, et nous pourrions tous non seulement survivre mais il nous resterait probablement un petit surplus qui pourrait servir à faire des réparations sur le bateau. Nous n'aurions pas dû nous inscrire à LSPA et nous ne devrions pas nous y inscrire à nouveau; nous n'y tenons pas du tout.

Nous voulons travailler et nous voulons pêcher. La pêche est notre métier. Nous sommes des pêcheurs professionnels. Nous sommes probablement les meilleurs du monde et nous sommes très fiers de pêcher. Par contre, c'est assez dur lorsque les revenus diminuent, lorsqu'on n'est pas autorisé à pratiquer le métier que l'on est censé exercer et que l'on est capable d'exercer, pour lequel on a le permis nécessaire.

M. Charles Hubbard: Quand vous dites que la saison est courte pour le crabe des neiges, est-ce à cause du quota?

Je voudrais parler encore un peu de la pêche du crabe des neiges, parce qu'elle est très lucrative depuis quelques années. D'autres pêcheurs sont très jaloux des pêcheurs de crabe des neiges. Il semble que, dans le golfe du moins, certains capitaines et certains seconds gagnent beaucoup d'argent en très peu de temps. En ce qui concerne cette espèce, est-ce que le problème, sur le plan des revenus, est dû au fait qu'il existe un quota et que les prix ont baissé quelque peu cette année?

Capt Wilfred Bartlett: Il existe un quota pour le crabe des neiges. Le QIT s'applique maintenant à la majeure partie de Terre-Neuve. Les prix ont beaucoup baissé. Dans certaines régions du Nouveau-Brunswick et au Québec, ils sont encore très bons mais pour nous, le meilleur prix que l'on soit parvenu à obtenir cette année est un dollar la livre—et il a baissé dÂun dollar à 75 cents. Le quota par bateau varie entre 150 000 et 180 000 livres. Cela nous donnerait un supplément si nous étions autorisés à participer à d'autres types de pêche, mais on ne peut pas arriver à joindre les deux bouts en ne pratiquant qu'un seul type de pêche; on ne peut pas survivre.

• 1025

M. Charles Hubbard: Monsieur le président, on dirait que les deux témoins que nous écoutons ce matin critiquent beaucoup le MPO. C'est étonnant, dans un secteur qui a besoin d'une collaboration aussi étroite entre les participants et ceux qui gèrent l'activité.

Est-ce que je me trompe, monsieur O'Brien? Est-ce que vous critiquez beaucoup le MPO; est-ce que vous prétendez que sa gestion est mauvaise, qu'il faut réévaluer l'efficacité de la gestion du MPO? Est-ce bien le message que vous nous transmettez?

M. Marcel O'Brien: Oui, vous avez parfaitement raison. Je suis très mécontent du MPO et des politiques qu'il applique ainsi que de leurs auteurs, surtout de leurs auteurs. J'accepte sans problème l'existence d'une politique; il en faut une. Par contre, je trouve absolument ridicule que certains fonctionnaires mettent une politique en place sans avoir la moindre connaissance en matière de pêche et sans tenir compte du tout des pêcheurs.

À mon avis, si les fonctionnaires du MPO chargés d'élaborer la politique avaient une certaine connaissance de la pêche et savaient d'où nous venons, ce que nous faisons et ce que nous devons faire pour gagner notre vie, on pourrait progresser. Le ministère ne manifeste aucune volonté d'écouter les pêcheurs.

Je fais partie de divers comités qui ont des contacts avec le MPO depuis une vingtaine d'années sans doute. Il nous est arrivé de sortir d'une réunion très encouragés, en pensant que nous avions accompli quelque chose, pour constater le lendemain que nous avions probablement reculé. Ces gens-là ne savent vraiment pas ce qui est nécessaire. Ils vivent trop dans le passé. Les politiques vieilles d'un siècle ne sont plus valables à l'heure actuelle.

M. Charles Hubbard: Cela me sidère d'entendre parler ainsi, parce que je présumais que la plupart des fonctionnaires du MPO étaient sur l'eau, sur les quais ou dans vos collectivités, qu'il existait des contacts étroits et des échanges entre les deux groupes. D'après la description que vous en faites, on dirait que le MPO est un groupe qui vient d'une autre planète, qui n'a pas réellement de contact avec la réalité. Est-ce vrai? Ai-je bien compris...

Le président: Monsieur O'Brien.

M. Marcel O'Brien: Peut-être pas d'une autre planète, mais on a parfois l'impression qu'il a perdu contact avec la population et avec les pêcheurs. La seule tâche dans laquelle le MPO excelle, à mon avis, c'est de trouver le moyen d'aller devant les tribunaux, au lieu d'essayer d'éviter ce genre de situation, avec l'aide des personnes concernées.

Les règlements ont changé; les règlements du MPO ne sont pas valables pour la pêche à notre époque. Je n'y trouve que matière à critique, après des années de frustration et d'incapacité de m'y adapter. Il faudrait avancer pour pouvoir s'adapter aux changements qui se produisent dans le secteur de la pêche. Il faut évoluer en même temps que la pêche. Il faut trouver de nouvelles idées, de nouveaux moyens. Tout doit changer. Ce n'est pas le cas pour l'instant.

Le président: Merci, monsieur Hubbard.

Je suppose que parmi les procès auxquels vous faites allusion, monsieur O'Brien, il y a l'affaire des 100 capitaines de navire contre lesquels des accusations ont été portées à propos de l'affaire des dos bleus. C'est toutefois une autre question.

M. Lunn, de la Colombie-Britannique, a la parole. M. Lunn représente le Parti réformiste du Canada.

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.

Bonjour, monsieur O'Brien.

Je trouve certains de vos commentaires intéressants. Nous avons entendu des témoins et nous avons également eu des conversations téléphoniques avec beaucoup de monde. Je vous assure que les réflexions que j'ai entendues sur la façon dont les choses évoluent me préoccupent beaucoup, pas seulement les vôtres mais aussi celles des fonctionnaires du ministère.

J'ai quelques petites observations à faire ce matin. En premier lieu, je signale que je ne suis pas certain que la cause du problème soit LSPA ni le MPO. Une des questions qui me préoccupent, c'est que dans tout futur programme de ce genre, les fonds accordés par le gouvernement doivent arriver entre les mains des citoyens qui sont visés. Comme vous le savez probablement, de fortes sommes d'argent ont été versées au syndicat notamment. On entend toutes sortes d'allégations de ce genre. Il faut veiller à ce que cela n'arrive plus, car c'est une chose que l'on ne peut pas tolérer du tout.

L'autre question qui me préoccupe, c'est que nous ne sommes pas plus sur le point de trouver une solution pour aider l'industrie de la pêche dans la région de l'Atlantique qu'au moment où LSPA a été instaurée. Il faut chercher une solution, examiner tous les autres secteurs, la chasse au phoque jusqu'aux les autres types de pêche, pour s'assurer de la viabilité de l'industrie de la pêche et permettre aux Terre-Neuviens de gagner leur vie décemment.

• 1030

L'autre question importante, c'est manifestement celle des permis et des quotas accordés aux étrangers. S'il existe des échappatoires et que les étrangers les contournent en louant des bateaux à des entreprises canadiennes, il va falloir faire le nécessaire pour s'en débarrasser.

Je vous ai entendu dire que vous aviez pêché à divers endroits. Vous avez plusieurs permis, notamment pour la pêche de la crevette dans le golfe du Saint-Laurent et pour la pêche de la pétoncle et du crabe dans d'autres secteurs. Comment envisagez-vous une industrie de la pêche viable? Quelles options nous recommanderiez-vous d'examiner, en plus de supprimer les permis accordés aux étrangers? Je crois qu'il faut admettre que cela pose bel et bien un problème, que nous pouvons régler, mais...

Je suppose que vous ne nous entendez plus.

[Note de l'éditeur: Difficultés techniques]

Le président: Allons-y. Pouvez-vous nous entendre à nouveau, monsieur O'Brien?

M. Marcel O'Brien: Nous pouvons maintenant vous entendre.

M. Gary Lunn: Vous allez devoir parler à votre cousin pour lui dire de ne pas débrancher le câble la prochaine fois.

Quoi qu'il en soit, comment envisagez-vous l'avenir pour l'industrie de la pêche dans la région de l'Atlantique? Quelles options nous recommanderiez-vous d'envisager? Cela ne sert à rien de poursuivre indéfiniment les discussions si l'on ne trouve pas une solution à ce problème.

M. Marcel O'Brien: C'est exact. Nous avons maintenant eu assez d'audiences, sur divers sujets. Nous devrions tous être des experts dans tous ces domaines.

Ce sont les pêcheurs locaux, les ouvriers d'usine locaux, qui doivent être consultés davantage et qu'il faut écouter davantage. Pour le moment, lorsque vous organisez des séances et que vous essayez de recueillir des renseignements ou des suggestions, vous vous adressez au syndicat, vous vous adressez à différents groupes. Les pêcheurs et les ouvriers d'usine entre autres sont toujours laissés de côté. On ne les écoute pas. On ne les avait encore jamais consultés au sujet de LSPA, et on ne le fait toujours pas. Le sentiment de frustration devient de plus en plus fort. Ils ne savent où aller.

M. Gary Lunn: Permettez-moi de vous interrompre une toute petite minute. Je me rends compte qu'il faut une certaine participation, et je suis parfaitement d'accord avec vous sur ce point. Nous devons nous rapprocher de la population, remonter à la source. La question que je vous adresse, à vous en particulier, parce que vous êtes pêcheur et que vous avez manifestement participé à divers types de pêche, est la suivante: quelles ressources durables nous recommanderiez-vous d'envisager, pour que le secteur de la pêche devienne viable? De toute évidence, l'avenir de la pêche de la morue est incertain—on se demande si les stocks se reconstitueront et dans quelle mesure, le cas échéant—mais il existe beaucoup d'autres options, si je ne me trompe. Il y a l'industrie du phoque. Nous pourrions envisager bien d'autres secteurs de l'industrie de la pêche pour faire en sorte que celle-ci devienne viable. Quelles options pourrions-nous examiner, d'après vous?

M. Marcel O'Brien: Il existe toute une série de pêches. Les phoques posent un énorme problème. Il faut absolument faire quelque chose à leur sujet. Les phoques sont très nombreux. Nous ne pouvons rien faire. On ne peut rien faire actuellement dans quelque type de pêche que ce soit. Si vous pratiquez la pêche au chalut... Lorsque j'ai commencé à pêcher, il y a 20 ans, lorsqu'on rentrait ses agrès et ses filets, en période d'eaux de marée, on ne voyait pas un seul phoque aux alentours. Maintenant, on est en concurrence avec les phoques quand on essaie de remonter le poisson à bord, on essaie de s'arranger pour que les phoques ne puissent pas sortir les poissons du filet au moment où on les remonte.

Il faut donc faire quelque chose. Les phoques deviennent un vrai fléau pour tous les pêcheurs. Le MPO est concerné entre autres. Il faut absolument faire quelque chose au sujet des phoques. Il faut augmenter le quota, le doubler ou le tripler, voire l'accroître encore davantage. Il faut régler le problème. Il faut y consacrer de l'argent et faire participer les pêcheurs.

La pêche de l'araignée de mer sur la côte du Labrador pourrait être très intéressante. Cette année, les scientifiques du MPO avaient l'occasion d'investir de l'argent dans la recherche, pour voir si l'on pouvait ouvrir cette pêche. Les pêcheurs qui pêchent le turbot du Groenland en eau profonde ramènent dans leurs filets une grande quantité d'araignées de mer. Ils ne peuvent pas les ramener à terre pour la transformation. Ils doivent les rejeter à l'eau. Pour le moment, cette espèce leur cause des problèmes au lieu de leur procurer un supplément de revenu. Ils doivent quitter les zones où les araignées de mer se trouvent. Pourtant, la pêche de cette espèce pourrait les aider.

• 1035

Il faudrait exploiter à fond le potentiel de la pêche à la pétoncle au Labrador. À cause des règlements dont je viens de parler et des politiques du MPO, aucun bateau n'est autorisé à pêcher la pétoncle dans la région septentrionale du Labrador. Il faut utiliser des bateaux venant d'autres zones. Par exemple, on ne peut pas utiliser des bateaux du détroit de Belle-Isle parce que les règlements ne le permettent pas. Il faut conclure des ententes d'un an. Par conséquent, il faut adopter certains changements pour que les pêcheurs puissent y participer. C'est la même chose en ce qui concerne la pêche du buccin.

Il existe de nombreux types de pêches auxquelles nous ne pouvons pas participer dans la région septentrionale du Labrador et dans le golfe, à cause des règlements actuels. Si l'on permettait aux pêcheurs de participer à ce genre de pêche et s'ils pouvaient obtenir un permis pour pêcher les espèces qui existent dans notre région, LSPA ou le système qui la remplacerait n'aurait plus beaucoup d'importance, parce que les pêcheurs seraient à la pêche. Ils gagneraient leur vie, ils gagneraient beaucoup plus que d'une autre façon.

M. Gary Lunn: Vous dites qu'il faut accorder des permis pour les espèces disponibles mais si nous accordions des permis à tous les pêcheurs de Terre-Neuve pour pêcher ces autres espèces, ne ferions-nous pas exactement la même chose qu'en ce qui concerne la pêche de la morue?

M. Marcel O'Brien: Je ne le pense pas. Il n'est pas question d'autoriser tous les pêcheurs à pêcher les mêmes espèces. S'il existe huit ou dix espèces à exploiter, ce seraient des pêcheurs différents qui pratiqueraient ces divers types de pêche.

En outre, un certain nombre de pêcheurs âgés veulent prendre leur retraite actuellement. Ils aimeraient beaucoup rendre leur retraite. Cela réduirait considérablement le nombre de pêcheurs. Si le gouvernement manifestait la volonté de racheter certains de ces permis et de mettre les pêcheurs âgés à la retraite, cela réduirait probablement la flotte de moitié.

M. Gary Lunn: Merci beaucoup pour vos commentaires.

Le président: Merci, monsieur Lunn.

En ce qui concerne le buccin—j'imagine que c'est bien de la pêche du buccin que vous parliez—existe-t-il des espèces de casiers à buccins? Comment attrape-t-on les buccins?

M. Marcel O'Brien: Un casier à buccins est en quelque sorte une version miniature d'un casier à crabes.

Le président: Ne pourrait-on pas utiliser un contenant à porc salé?

M. Marcel O'Brien: Oui. Certaines personnes en ont utilisé; elles ont même obtenu d'excellents résultats. En fait, actuellement, le contenant à porc salé a tendance à remplacer le casier à buccins traditionnel.

Le président: C'est maintenant au tour d'un représentant du parti ministériel, de notre collègue de la Colombie-Britannique, Mme Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Bonjour, monsieur O'Brien. Je salue également votre cousin, Lawrence. Je suis originaire de la Colombie-Britannique et par conséquent je trouve vos commentaires très instructifs. Merci.

Vous avez dit que l'aide gouvernementale diminue la motivation des bénéficiaires. Est-il possible de donner une formation spéciale aux personnes qui se trouvent dans une situation extrêmement précaire? Pourriez-vous nous dire s'il existe divers types de motivations que nous pourrions donner aux jeunes pêcheurs? A-t-on par ailleurs prévu des programmes de conservation?

M. Marcel O'Brien: Excusez-moi, mais je ne vous entends pas très bien. Pourriez-vous répéter?

Mme Sophia Leung: D'accord.

Voici ma première question: quel genre de programme de formation le gouvernement peut-il contribuer à mettre sur pied pour inciter les pêcheurs qui sont au chômage à être plus actifs et à avoir plus d'amour-propre et de dignité?

Ma deuxième question est la suivante: quel genre de programme le gouvernement vous offre-t-il en matière de conservation, pour essayer de prévoir la réduction des stocks des diverses espèces dont vous avez parlé? Avez-vous quelque chose à nous suggérer?

• 1040

M. Marcel O'Brien: Il n'existe actuellement absolument aucun programme de formation en matière de conservation destiné aux pêcheurs. Aucune formation que nous aurions pu souhaiter n'a eu lieu dans ce domaine. Tout ce que fait le MPO dans ce domaine, c'est vous traîner devant les tribunaux si vous commettez une infraction à la loi.

Par exemple, pas plus tard que l'année dernière, un certain nombre de pêcheurs ont reçu un quota supplémentaire pour pouvoir aller pêcher le crabe du Labrador, afin qu'ils puissent avoir du travail supplémentaire et être admissibles aux prestations de chômage. Vers la fin de la saison, ou un peu après, tous ces pêcheurs ont appris qu'ils devaient comparaître en cour parce qu'ils avaient dépassé leur quota de 500 ou 600 livres.

Voilà le genre de formation qui existe en matière de conservation. Je fais d'ailleurs partie de ceux qui devront comparaître en cour d'ici deux ou trois mois, parce que j'ai pêché 600 livres de plus que le quota qui m'avait été accordé par le MPO pour pouvoir travailler quelques semaines de plus. Ce n'est pas ce que j'appelle de la formation. Il faut faire quelque chose dans ce domaine pour les pêcheurs.

À propos de l'autre question, je dirais qu'il faudra deux ou trois différents types de formation pour les pêcheurs. Il va falloir prévoir une formation pour les ouvriers d'usine. Il faut des programmes concernant les pêches ainsi que d'autres. Tous ces programmes de formation devraient être préparés en étroite collaboration avec les personnes concernées.

Mme Sophia Leung: J'ai posé une question sur la conservation parce qu'en Colombie-Britannique, il existe des programmes très efficaces, à Campbell River notamment. Nous pourrions peut-être en discuter avec le MPO.

Le président: C'est une bonne suggestion.

M. Marcel O'Brien: Tout ce qui pourrait nous aider serait apprécié.

Le président: Si je vous ai bien compris—et il faut que mes collègues comprennent bien ce que vous venez de dire—vous aviez un quota pour le poisson. Vous avez jeté vos filets. Vous avez capturé trop de poisson dans le filet et le ministère vous impose maintenant une amende. Est-ce exact?

M. Marcel O'Brien: Oui. Je ne suis pas le seul; 12 autres pêcheurs étaient dans la même situation. Je vous signale qu'il s'agissait d'un quota pour les pêches exploratoires accordé à la flottille de pêche du crabe de la zone 2J et 34 pêcheurs participaient à ce programme. Nous devions pêcher notre quota en deux semaines. Nous étions autorisés à ramener 13 000 livres par voyage, pour donner du travail supplémentaire aux ouvriers. Certains pêcheurs ont ramené 13 000 livres ou peut-être un peu moins et d'autres ont ramené quelques centaines de livres de trop. Ils n'ont pas ramené plus de 500 à 1 000 livres de plus que leur quota.

Lorsque nous sommes arrivés, on nous a dit en fait que nous aurions pu ramener une plus grande quantité. Les usines et les fonctionnaires du MPO nous ont appelés quand nous étions en train de ramener notre quota. J'ai ramené mon quota de 13 600 livres, soit 600 livres de trop. On m'a dit que j'aurais pu retourner et capturer davantage de crabe.

Deux mois après que j'ai vendu mes 13 600 livres, j'ai reçu une assignation à comparaître en cour parce que j'avais pris 600 livres de plus que mon quota de 13 000 livres. J'ai appris que 12 autres pêcheurs étaient également accusés, qu'ils étaient assignés à comparaître.

Le président: Vous êtes dans le même bateau que les 100 capitaines qui ont été accusés après avoir obtenu un permis pour la capture de dos bleus. On leur a dit après coup, après qu'ils aient vendu leurs captures, que le MPO allait porter des accusations contre eux parce qu'ils avaient vendu les peaux. La vente de la viande ne pose aucun problème, mais le MPO porte des accusations contre eux parce qu'ils ont vendu les peaux. Ils auront probablement des programmes de formation en prison, monsieur O'Brien. C'est peut-être...

M. Marcel O'Brien: C'est peut-être aux personnes qui portent les accusations qu'il faudrait faire suivre des cours de formation.

Le président: Vous l'avez dit.

Monsieur Stoffer, puis monsieur Bernier.

M. Peter Stoffer: J'ai deux ou trois questions à vous poser au sujet de la remise à l'eau, monsieur O'Brien. Vous dites que vous avez un bateau de 55 pieds de long et que vous pêchez la crevette. Je ne vous demanderai pas si vous rejetez des prises à l'eau mais j'ai l'impression que si vous aviez remis à l'eau les 600 livres de crabe que vous avez pêchées, pour lesquelles vous êtes accusé, aucune accusation n'aurait été portée contre vous. Est-ce exact?

M. Marcel O'Brien: C'est exact.

M. Peter Stoffer: Bien. C'est tout simplement scandaleux.

• 1045

Ensuite, on dirait, même si vous ne l'avez pas dit, que vous auriez tendance à être en faveur d'une cogestion des pêches.

M. Marcel O'Brien: Certainement.

Toujours à propos de la question de la remise à l'eau, je vais profiter de l'occasion pour signaler qu'un règlement était en vigueur à ce sujet l'été dernier. Au Labrador, nous pêchons dans quatre zones différentes. Lorsqu'on a pris le quota dans une zone, au lieu de pouvoir aller pêcher dans une autre zone, on nous oblige à ramener notre matériel au port et à faire compter les casiers par un fonctionnaire du MPO pour s'assurer que nous avions le nombre exact. Par exemple, si un pêcheur a dépassé sa limite, on va lui faire relever ses casiers et les faire compter pour pouvoir porter d'autres accusations contre lui... il faut alors rejeter à l'eau tous les crabes que vous aviez dans vos casiers.

Par exemple, je suis autorisé à avoir 500 casiers. À supposer que j'aie 15 000 livres de crabe dans ces 500 casiers, je dois rejeter le crabe. C'est le règlement. Nous avons protesté et nous l'avons fait modifier, pour ne plus être obligés de rejeter le crabe. Cela nous a toutefois pris deux semaines, avec l'aide de Lawrence et de ses employés, pour convaincre le MPO de changer d'avis au sujet d'un règlement aussi ridicule que cela.

M. Peter Stoffer: J'ai l'impression que quelqu'un au ministère avait un casier qui contenait autre chose que du crabe.

Des voix: Oh, oh!

M. Peter Stoffer: En outre, dans le même ordre d'idées que ce qu'a dit M. Hubbard, du Nouveau-Brunswick, bien que nous ne l'ayons pas demandé et que vous le sachiez ou non, je me suis montré absolument inflexible lorsque j'ai réclamé une enquête sur les méthodes et les politiques du MPO. Estimez-vous également qu'une enquête contribuerait beaucoup...? Il n'est pas nécessaire de faire ce que certaines personnes considèrent comme une perte de temps et d'argent, de se lancer dans une chasse aux sorcières. Je considère en fait que le but de l'opération serait de savoir ce qui s'est passé et quelle politique on peut mettre en place pour corriger les problèmes qui existent dans les pêches. Ce serait une possibilité. Estimez-vous également qu'une enquête serait très utile?

M. Marcel O'Brien: Ce serait certainement utile si l'on y donnait suite une fois terminée.

M. Peter Stoffer: Monsieur O'Brien, ma dernière question concerne la mise à la retraite obligatoire par suppression de permis, à laquelle vous avez fait allusion. Je suis du même avis que Mme Leung, de la Colombie-Britannique. Je suis pour la retraite obligatoire. L'âge limite serait évidemment discutable; il pourrait être de 50 ou 55 ans, par exemple. Par contre, en ce qui concerne le recyclage des jeunes, nous avons entendu dire que, dans certaines localités, notamment dans une ville de 200 habitants, cinq jeunes recevaient une formation de coiffeur, ce qui est à mon avis du gaspillage.

Pensez-vous également qu'un programme de formation complet et ciblé pour les jeunes, ainsi que d'autres initiatives axées sur l'éducation ou l'acquisition de nouvelles compétences professionnelles, par exemple, contribueraient beaucoup à aider ces jeunes à entreprendre une nouvelle carrière, dans un autre secteur que celui de la pêche?

M. Marcel O'Brien: Le plus gros problème, c'était la façon dont les programmes de formation étaient agencés, en ce qui concerne les pêcheurs et les travailleurs des usines à poisson, parce qu'il n'en existait pas un seul qui serve leurs intérêts ou qui soit axé sur leurs centres d'intérêts. La plupart des programmes de formation n'étaient que des programmes bidons comme ceux dont vous parliez, qui forment des barbiers, des coiffeurs, par exemple. Il n'existait rien de très intéressant et on ne s'en est pas occupé en fait.

Nous avons certainement besoin d'un programme de formation, mais il faut quelque chose qui motive le participant, pour qu'il puisse... Il faut un programme qui ait un rapport avec la pêche ou alors avec autre chose, mais pas un programme dont le seul but est de dépenser un peu d'argent sans investir trop de temps. La plupart des personnes qui ont participé aux derniers programmes de formation sont des personnes qui y avaient été forcées par le MPO ou par le service qui gérait LSPA. D'après elles, il fallait absolument y participer, sinon on cessait de leur verser les prestations, elles n'étaient plus admissibles à LSPA.

J'essaie depuis quelques années d'obtenir des programmes de formation dans ma région, pour les citoyens qui désirent y participer, notamment des programmes de formation pour pêcheurs, pour leur permettre d'accroître leurs compétences, parce qu'on aura toujours besoin de nouveaux membres d'équipage et qu'à l'heure actuelle, quand on doit engager un nouveau membre d'équipage, les travailleurs disponibles n'ont absolument aucune expérience... Ils n'y connaissent absolument rien en matière de pêche. Je n'y suis toutefois pas parvenu. Chaque fois que l'on en parle aux fonctionnaires, et qu'on leur dit qu'il faut aller à St-Jean pendant 15 ou 20 semaines... Il faudrait des programmes locaux, pour que les gens puissent acquérir une expérience pratique dans leur localité.

En ce qui concerne la question de la retraite, si on veut réduire le nombre de pêcheurs, il faudrait probablement que l'âge de la retraite soit d'environ 50 ans, parce que c'est dans la tranche d'âge de 50 à 55 ans qu'il y en a le plus. Les pêcheurs âgés de 55 ans et plus sont moins nombreux. Par conséquent, si l'on veut vraiment faire diminuer le nombre de pêcheurs, il faut que l'âge limite soit d'environ 50 ans.

• 1050

Le président: Il ne nous reste plus de temps. Nous passerons la parole à d'autres témoins auxquels nous poserons une autre série de questions dans quelques instants.

Merci beaucoup d'être venu du Labrador pour nous faire profiter de votre expérience, monsieur O'Brien. Nous avons hâte de vous parler à nouveau. Votre intervention nous a été extrêmement utile. Nous nous réjouissons de revoir également notre collègue, le député O'Brien. Merci beaucoup.

M. Marcel O'Brien: Merci beaucoup; je vous en suis reconnaissant.

Le président: Nous avons une motion à examiner, puisque nous sommes neuf ici. Nous avons besoin d'un proposeur. La motion est la suivante: Que, dans le premier rapport du Sous-comité du programme et de la procédure, le comité demande un ordre de renvoi l'autorisant à se rendre au Québec, à Terre-Neuve et au Labrador, au Nouveau-Brunswick ainsi qu'en Nouvelle-Écosse, durant la semaine du 23 novembre, pour examiner la question de la gestion des pêches et que ledit comité soit composé de deux députés réformistes, un bloquiste, un néo-démocrate, un conservateur et cinq libéraux, et que le personnel nécessaire l'accompagne.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Je le propose.

(La motion est adoptée)

Le président: Nous reviendrons dans une dizaine de minutes pour écouter les témoins de la Nouvelle-Écosse.

• 1052




• 1106

Le président: Silence. Le Comité permanent des pêches et océans poursuit ses délibérations.

Nous allons maintenant à Sydney, en Nouvelle-Écosse. Nos témoins sont M. Kevin Squires, secrétaire du Local Fishermen's Group et M. Jeff Brownstein, président de la section locale numéro 6 de l'Union des pêcheurs des Maritimes.

Est-ce que vous nous entendez bien, messieurs?

M. Jeff Brownstein (président, section locale 6, Union des pêcheurs des Maritimes): Oui. Merci.

Le président: Parmi nos membres se trouvent des représentants du Nouveau Parti démocratique, du Bloc québécois, du Parti réformiste du Canada, du Parti progressiste-conservateur ainsi que du parti ministériel, bien sûr. Nous voudrions que vous fassiez une ou plusieurs observations liminaires, après quoi nous vous poserons quelques questions.

M. Jeff Brownstein: Je vous salue, mesdames et messieurs. Je vous suis reconnaissant de m'avoir donné l'occasion de venir vous parler de certains problèmes des pêcheurs côtiers, hommes et femmes, et de leurs collectivités. Je voudrais aborder une foule de sujets, mais je sais que vous êtes là aujourd'hui pour parler de LSPA.

Je voudrais vous en parler d'une façon très générale, à savoir de La stratégie du poisson de fond de l'Atlantique proprement dite et de la vision à long terme qu'elle devrait nous apporter.

Un trop grand nombre d'éditoriaux du Globe and Mail et de fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans répandent l'opinion erronée que tous les problèmes qui se posent dans l'industrie de la pêche sont causés par le fait qu'il existe trop de pêcheurs et trop peu de poisson. Il faut que nos représentants au sein du gouvernement prennent conscience du fait que l'on a construit des flottilles de bateaux, ainsi que les grosses usines qui les accompagnent, d'une façon qui ne pouvait pas être durable. C'est notre gouvernement qui a fait cela, à coups de subventions, et c'est la cause du moratoire, du chômage massif et de la quasi-destruction des localités mêmes qui étaient les premiers fleurons de la colonisation du Canada.

Au début des années 80, certains contingents de poisson ont été attribués aux grandes entreprises choisies par le rapport Kirby. Ces quotas ne leur avaient pas été attribués parce qu'elles avaient de l'expérience dans le domaine de la pêche mais parce qu'elles garantissaient qu'elles captureraient tout le poisson et emploieraient beaucoup de travailleurs d'usine. Malheureusement, ces mêmes travailleurs représentent la majorité des bénéficiaires de LSPA et font face à de graves difficultés.

Ces contingents d'entreprise marquaient le début de la privatisation de nos stocks de poisson. Ils n'ont contribué en rien à la conservation du poisson tout en continuant à poser des problèmes de surcapitalisation dans les bateaux et de rachat des quotas d'autres pêcheurs.

Les QIT ont ensuite été imposés aux pêcheurs au début des années 90. Je dis «imposés» parce que, dans cette région, les titulaires de permis de pêche côtière du poisson de fond avec des bateaux à engins mobiles ont reçu un bulletin de vote pour voter pour ou contre les QIT, pour la morue, l'aiglefin et la goberge. La majorité des titulaires de permis étaient contre, mais le MPO était bien décidé à les appliquer. Il a décidé que tous les bulletins qui n'avaient pas été remis devaient être des votes en faveur de ces quotas et c'est ainsi qu'ils nous ont été imposés.

• 1110

Le ministère a ensuite envoyé des bulletins de vote concernant les QIT pour le poisson plat, qui est le genre de poisson que notre flottille pêche principalement. Le MPO a menacé les pêcheurs de ne leur accorder que de très petits quotas s'ils ne votaient pas en faveur d'un QIT. National Sea avait déjà 50 p. 100 du quota de pêche du poisson plat dans cette région, même si cette compagnie avait très peu d'expérience dans ce type de pêche. Les résultats du vote n'indiquaient pas que la majorité des pêcheurs étaient en faveur des QIT mais le MPO les a appliqués sous prétexte que ceux et celles qui avaient voté en faveur des QIT représentaient plus de 50 p. 100 du quota.

Je vous dis tout cela pour vous faire comprendre que le ministère manifeste bel et bien l'intention de privatiser la pêche et de la confier à un nombre de plus en plus restreint d'entreprises, tout en garantissant que l'effort atteindra toujours le maximum. Tout cela nécessite davantage de contrôle, exercé par les services de surveillance et des observateurs, ce qui coûte cher aux pêcheurs. Les quotas doivent être absolument exacts, pour des raisons de conservation. Nous avons tous été témoins des dommages énormes que pouvaient causer des erreurs dans ce domaine.

La solution à long terme à LSPA est de ne pas continuer à appliquer le même système qu'avant. À mon avis, c'est un partage plus équitable du poisson au sein de la flottille côtière polyvalente, qui représente la majorité des pêcheurs des Maritimes, qui sera la solution la plus profitable pour les Canadiens.

Les questions de réduction de la capacité devront être réglées dans chaque secteur de gestion communautaire. Par exemple, il existe un conseil de gestion communautaire ici, à Sydney Bight.

Certains secteurs ont de plus gros problèmes que les autres. Dans celui-ci, nous n'avons pas eu de surcapacité dans notre flottille de bateaux de moins de 45 pieds, que nous considérons comme la flottille côtière. Notre poisson a disparu à cause d'une mauvaise gestion et des bateaux qui sont beaucoup plus gros.

L'économie de notre région reposait à peu près dans des proportions égales sur la pêche du poisson de fond et sur celle des coquillages. Notre économie est axée également sur la récolte de bien d'autres espèces. En fait, lorsque LSPA a été mise en place, bien des pêcheurs de la région se demandaient pourquoi ils n'étaient pas admissibles, du fait qu'ils avaient longtemps pêché la morue. C'est qu'ils avaient commencé à moins pêcher la morue lorsque celle-ci est devenue de plus en plus petite et de plus en plus rare, et qu'il fallait aller de plus en plus loin, c'est-à-dire des années avant que le moindre moratoire n'entre en vigueur. C'est maintenant une douloureuse évidence que le moratoire a été imposé trop tard.

Les pêcheurs côtiers, dont la plupart tiraient la majeure partie de leurs revenus de la pêche de la morue, se sont mis à pêcher le homard et d'autres espèces, et ils ne reçoivent pas de prestations de LSPA, peu importe qu'ils aient pu être admissibles ou non. Voilà le genre de flottilles qu'il faut maintenir si l'on ne veut pas répéter les erreurs commises dans le passé. Le gigantisme n'a jamais été la formule idéale dans le secteur de la pêche. Ne tenez pas les petits bateaux qui sont polyvalents, et par conséquent plus rentables, responsables des dégâts causés par les bateaux de plus grande taille et par des sociétés, qui n'ont pas autant intérêt à préserver la ressource que les collectivités de pêcheurs.

Ce qui nous a le plus déçus à propos de LSPA, c'est que l'on a relativement peu investi dans le rachat de l'effort de pêche réel. Les scientifiques du MPO et notre programme Sentinelle ne laissent pas beaucoup d'espoir à Sydney Bight ni à la région est de la plate-forme Scotian, quant à la reconstitution des stocks de poisson plat dans un proche avenir.

Il reste des pêcheurs en difficulté qui voudraient avoir une nouvelle chance de rachat. Il faudrait cependant axer les dépenses sur la réduction proprement dite de l'effort de pêche. La meilleure formule consisterait à racheter les gros bateaux à engins mobiles et à supprimer leurs quotas individuels transférables. Ces quotas devraient être conservés pour la flottille polyvalente, pour qu'elle devienne concurrentielle, à condition de respecter les règlements des conseils de gestion communautaire dont elle relève, lorsque les stocks seront enfin reconstitués.

En ce qui concerne le rachat des permis polyvalents pour plusieurs espèces—ceux des pêcheurs qui exploitent le poisson de fond depuis longtemps—, il ne faudrait pas forcer leurs titulaires à cesser complètement de pêcher, comme ce fut le cas au cours du dernier cycle de rachats. L'effort de pêche pourrait être considérablement réduit, et à moindres frais, si ces pêcheurs pouvaient continuer à pêcher d'autres espèces, quelles qu'elles soient, que le poisson de fond. Du fait que leurs autres permis avaient été vendus, l'effort de pêche dans ces autres secteurs n'avait pas été réduit.

• 1115

Le gouvernement doit accepter sa responsabilité en ce qui concerne la débâcle de notre pêche du poisson de fond et l'engagement qu'il a pris lorsqu'il a instauré LSPA. Les pêcheurs continuent à souffrir et ce n'est pas à eux qu'il faut s'attaquer ou faire des reproches parce que LSPA n'a pas fait de miracles.

Les problèmes subsistent et il faudra passer réellement à l'action pour les régler. La formule qui consiste à mettre les pêcheurs à la retraite en leur rachetant leurs permis à un prix raisonnable est parfaitement juste et réaliste. La mise à la retraite des propriétaires de gros bateaux spécialisés dans la pêche du poisson de fond aidera la plupart des pêcheurs, ainsi que la ressource proprement dite.

La stratégie du poisson de fond de l'Atlantique doit être très différente de ce qu'elle a été jusqu'à présent. Les collectivités de pêcheurs prendront davantage soin d'assurer leur avenir, dans l'intérêt de leurs enfants et de leurs petits-enfants, comme dans le cas de la pêche du homard, où l'on contient l'effort de pêche au lieu de réduire les quotas et où les règlements sont observés de façon plus sérieuse et la stabilité est plus grande, grâce à l'influence du groupe.

Si l'on continue à privatiser la pêche, on s'expose à commettre indéfiniment les mêmes erreurs tragiques. Les pêcheurs côtiers polyvalents pourraient détenir la clé d'un avenir plus prometteur si seulement vous cessiez de donner le poisson à des gens qui n'arrivent pas à tenir leurs promesses, uniquement parce que cela fait bonne impression sur papier. Mesdames et messieurs, vous avez une grosse responsabilité, à savoir celle de reconnaître les erreurs qui ont été commises, de reconnaître que bien des Canadiens en ont souffert et qu'une meilleure gestion, d'un style différent, permettrait d'augmenter les stocks de poisson et de faire vivre un plus grand nombre de pêcheurs et, du même coup, nos collectivités côtières.

Merci.

Le président: Merci. Je suppose que le témoin que nous venons d'entendre est M. Squires.

M. Jeff Brownstein: Non. Excusez-moi, c'est Jeff Brownstein, de l'Union des pêcheurs des Maritimes.

Le président: La section locale 6 de l'Union des pêcheurs des Maritimes.

Monsieur Squires, voulez-vous faire un exposé liminaire?

M. Kevin Squires (secrétaire, Local Fishermen's Group, Sydney, Nouvelle-Écosse): Merci de m'avoir invité à venir témoigner.

J'ai 20 ans d'expérience dans la pêche et une expérience presque aussi longue au sein des associations de pêcheurs. Autrefois, nous nous préoccupions des grandes questions comme la gestion de la ressource et l'organisation des pêcheurs entre autres mais dernièrement, nous nous sommes contentés d'essayer de maintenir notre position à l'intérieur de nos collectivités. Nous avons repris nos quais. Nos tâches se sont alourdies à cause des compressions qui ont été faites et du transfert des responsabilités. Par conséquent, la situation a beaucoup changé depuis quelques années.

Je ne participe pas à LSPA personnellement, ni la collectivité à l'intérieur de laquelle je pratique mes activités halieutiques. On pourrait donc se demander à juste titre pourquoi je suis là. C'est pourquoi j'ai fait allusion au fait que l'on s'est déchargé de certains frais sur nous. Tous les programmes qui sont mis en place, dans n'importe quel secteur de la pêche, touchent nécessairement tous les autres secteurs de cette industrie. Nous avons pu en effet le constater, du fait qu'on nous oblige à supporter de plus en plus de frais.

Quel que soit le programme choisi pour remplacer LSPA, il doit être élaboré très soigneusement en tenant compte non seulement de son efficacité pour les personnes qui en sont tributaires mais aussi des répercussions qu'il aura sur le reste de la pêche.

Je crois que Jeff a fait des commentaires très intéressants au sujet de la partie de ce programme qui portera sur les rachats. Il ne faut surtout pas oublier que, peu importe la nature de ce programme, l'avenir de la pêche en dépendra directement.

Je peux énoncer brièvement les diverses questions que je voudrais soumettre à votre réflexion. Comment envisagez-vous l'avenir de la pêche? Voulez-vous que cette industrie repose en majeure partie sur une seule espèce ou sur une seule classe d'espèces, comme ce fut le cas autrefois pour la pêche du poisson de fond? Cela nécessitera inévitablement des programmes de rachat ou d'indemnisation analogues à ceux prévus dans le rapport Kirby et à ceux qui sont en vigueur à l'heure actuelle dans le cadre de LSPA, lorsque ce secteur sera menacé. Voulez-vous plutôt soutenir un type de pêche de nature polyvalente, qui repose davantage sur l'utilisation de petits bateaux et nécessite moins d'apports de capitaux, qui permet beaucoup plus facilement de faire une rotation entre diverses espèces, de modifier ses habitudes et ses attentes? La pêche polyvalente est le type de pêche viable par excellence. Elle comporte un engagement plus durable à l'égard des collectivités qui la pratiquent et elle est nettement plus intéressante pour les petites collectivités locales.

• 1120

Voilà le genre de défi que vous aurez à relever, à mon avis: il faudra recommander des formules de remplacement de LSPA ou, prévoir, dans le cadre de cette dernière, des mesures qui contribueront à améliorer les perspectives d'avenir de la pêche en mettant davantage l'accent sur l'exploitation d'une multitude d'espèces au lieu de mettre tous ses oeufs dans le même panier.

Le président: Merci, monsieur Squires. Merci également, monsieur Brownstein.

Nous passons aux questions. Un représentant de chaque parti politique posera des questions.

Avant cela, je voudrais vous demander une précision. Dans quelle zone pêchez-vous, monsieur Brownstein?

M. Jeff Brownstein: Je pêche dans la zone de la baie de Sainte-Anne. Elle se trouve juste au sud de la magnifique région d'Ingonish et de Cape Smokey, au Cap-Breton, si vous connaissez. C'est au centre de la côte est de l'île du Cap-Breton.

Le président: Monsieur Squires?

M. Kevin Squires: Je pêche dans une zone beaucoup plus belle de la baie, au large des îles Bird, à partir d'une petite localité appelée Big Bras d'Or.

Le président: Près du lac Bras d'Or?

M. Kevin Squires: Oui, c'est exact.

Le président: Avant d'aller plus loin, par simple curiosité, je voudrais savoir si vous savez de quoi je parle quand je parle de la boîte de pêche du merlu argenté au filet à petit maillage?

M. Jeff Brownstein: Oui, je la connais bien.

Le président: Avez-vous des opinions sur ce qui se passe dans cette zone, que vous soyez d'accord ou non?

M. Jeff Brownstein: Je n'ai pas la compétence voulue pour en parler. La seule chose que je pourrais dire, c'est que nous avons des inquiétudes au sujet de ce qui s'est passé en ce qui concerne le maquereau, qui est une espèce qui fréquente cette zone. Le maquereau passe l'hiver aux États-Unis, puis il revient ici au printemps et passe l'été et l'automne chez nous. La pêche a vraiment périclité au cours des dernières années. C'est une ressource qui est très importante pour nous. C'est le seul problème que je puisse vous signaler pour l'instant.

Le président: Bien. En fait, vous faites allusion à l'interception des stocks par des bateaux étrangers à l'entrée de cette zone et à ce que l'on appelle les «quotas expérimentaux» qui ont été accordés à la Norvège et à la Suède. Le maquereau passe par Sydney Bight et fraie dans le secteur du golfe du Saint-Laurent. Est-ce exact?

M. Jeff Brownstein: C'est ce que nous croyons comprendre. C'est effectivement exact.

Le président: Cela se passe vers la fin de mai, si je ne me trompe?

M. Jeff Brownstein: Je dirais que c'est à peu près cela.

Le président: Par conséquent, toute activité susceptible d'interrompre les déplacements du maquereau, comme ce qui se passe depuis plusieurs années, vous préoccupe.

M. Jeff Brownstein: Nous craignons effectivement que cela puisse perturber la pêche dans notre région.

Le président: Passons aux questions. Monsieur Duncan, du Parti réformiste du Canada.

M. John Duncan: Merci, monsieur le président.

En ce qui concerne les quotas communautaires, et ce n'est peut-être pas le terme approprié, avez-vous quelques exemples concrets à nous citer? Certaines mesures ont été prises pour ce qui est du crabe des neiges, quelque part dans les Maritimes, si je comprends bien. Je me demande si vous savez de quoi il s'agit et dans ce cas, si vous pourriez nous donner des précisions.

M. Jeff Brownstein: Certainement. À ce propos, depuis deux ou trois ans, le ministère des Pêches et des Océans s'est déchargé de nombreuses responsabilités liées à la gestion de la pêche du poisson de fond, surtout en ce qui concerne la grosse flottille de chalutiers équipés d'engins fixes. Elle est composée d'un grand nombre de bateaux, mais il s'agit de bateaux de petite taille.

Ce qui s'est notamment passé dans notre région, c'est-à-dire le long de la côte est du Cap-Breton, c'est que diverses associations de pêcheurs se sont regroupées pour former un conseil des propriétaires de bateaux à engins fixes. Nous appliquons un plan de gestion. Nous avons un comité de discipline qui se réunit instantanément par téléconférence ou d'une autre façon, pour examiner le cas des pêcheurs qui enfreignent les règlements, qui ne respectent pas les règlements énoncés dans notre plan de gestion. Après nous être entendus sur les quotas avec le ministère des Pêches et des Océans, nous supervisons l'application de ces quotas par notre flottille côtière.

Je ne sais pas si ce sont les réponses que vous vouliez.

M. John Duncan: Oui.

M. Squires a-t-il des commentaires à faire à ce sujet?

• 1125

M. Kevin Squires: Je pourrais réfléchir à ce à quoi vous faites allusion, c'est-à-dire à une sorte de gestion de la pêche du crabe des neiges dans la partie nord du Cap-Breton. Tout ce que j'en sais, c'est par ouï-dire en quelque sorte. Je pense savoir de quoi il s'agit mais je ne connais pas exactement tous les détails.

Quoi qu'il en soit, dans les localités où les habitants ont beaucoup souffert à cause du déclin de la pêche du poisson de fond, un certain nombre de personnes prospèrent grâce à la pêche du crabe des neiges. De toute évidence, des pressions seront exercées pour que l'on remédie à ces anomalies.

Les collectivités se sont dotées des moyens nécessaires pour partager la pêche du crabe des neiges. Il est très difficile de tout vous expliquer en détail. Il suffit de dire que certaines collectivités ont réagi quand elles ont pu exploiter une ressource déterminée, comme le crabe des neiges, et quand elles ont pu examiner les besoins de leurs membres et décider comment répartir la ressource de la manière la plus équitable possible et maintenir les activités halieutiques, dans l'intérêt commun. Par conséquent, cela a donné de très bons résultats, à ce que je sache du moins.

En ce qui concerne la question des quotas administrés à l'échelle locale, c'est un domaine où l'on n'a pas encore beaucoup d'expérience, parce que c'est un phénomène assez récent, à bien des égards.

Il existe un bon nombre de cas—qu'il serait très difficile de citer maintenant—où la gestion communautaire a donné de bons résultats, qu'il s'agisse de mesures de contrôle locales, d'ententes locales sur la nature de l'effort que la population veut faire ou d'ententes locales sur les méthodes et les dates de pêche. Cela existe.

Malgré le désir apparent de toujours informer les intéressés, le ministère des Pêches et des Océans envisage de suivre des règles d'ordre strictement économique; il existe pourtant des règlements locaux qui ont d'ailleurs été très efficaces. Ce que nous demandons—ou plutôt exigeons—c'est d'avoir l'occasion de mettre au point quelques méthodes de gestion communautaire, étant donné la débâcle qui s'est produite dans l'industrie de la pêche.

M. John Duncan: À propos de ces méthodes, vous proposez également la pêche de plusieurs espèces. Pensez-vous que cette gestion locale puisse s'appliquer également à la gestion de ce type de pêche?

M. Kevin Squires: J'en suis absolument convaincu. Ce serait manifestement plus compliqué, parce que les méthodes varient légèrement d'un type de pêche à l'autre. C'est le type de pêche qui donnait son identité à la collectivité.

Dans notre cas, la pêche du homard est gérée et administrée en très grande partie à l'échelle locale. Par ailleurs, en ce qui concerne la pêche du maquereau et celle du poisson de fond, les collectivités qui les pratiquent ont tendance à être un peu plus grandes, mais je crois que les pêcheurs proprement dits comprendront où se trouvent leurs intérêts communs.

Comme Jeff l'a signalé plus tôt, il existe déjà un conseil dans la région de Sydney Bight, qui représente de toute évidence beaucoup plus d'une ou deux petites collectivités et qui a été formé pour élaborer certains de ces processus.

M. Jeff Brownstein: J'ajouterais que notre conseil de gestion du Cap-Breton supervise la pêche du poisson de fond au moyen de bateaux à engins fixes. Il est par ailleurs question d'appliquer ce contrôle aux bateaux polyvalents. Toutes les associations de pêcheurs côtiers, et les collectivités proprement dites, comptent sur la pêche de bien des espèces. Nous ne sommes pas uniquement un groupe de pêcheurs de homard ou de pêcheurs de poisson de fond. Nous sommes des pêcheurs polyvalents et il est par conséquent question d'élargir le champ d'action.

Une approche écologique globale de la part du ministère des Pêches et des Océans, tenant compte de l'interaction qui existe entre les diverses espèces, est nécessaire. Le Fundy Fixed-Gear Council, qui fait actuellement de l'excellent travail dans la région de la baie de Fundy, à proximité de Digby notamment, examine la possibilité de créer un conseil de gestion de plusieurs espèces pour la région de la baie de Fundy.

M. John Duncan: Tout cela est évidemment extrêmement compliqué, en raison du clivage qui existe en quelque sorte entre la pêche côtière et la pêche hauturière. Comment comptez-vous résoudre ce problème par l'intermédiaire d'un système de gestion communautaire?

M. Jeff Brownstein: Comme je le disais dans mon mémoire, j'affirme en toute sincérité qu'une grande quantité de poisson a été volée aux collectivités. Quand je parle de la pêche traditionnelle, je veux dire que cette pêche est pratiquée depuis assez longtemps.

• 1130

À propos de tous ces QIT et de tous ces contingents d'entreprise par exemple, quand on examine les quotas, on se base sur une période très récente, très courte, pendant laquelle la pêche hauturière était en plein essor. Maintenant, elle a en grande partie disparu pour la bonne raison qu'il n'y a jamais eu suffisamment de poisson pour la supporter.

Par conséquent, il existe certains conflits. Je voudrais que l'on mette en place un système qui permette aux pêcheurs côtiers d'avoir à nouveau accès à une plus grande partie des ressources halieutiques, car ils sont bel et bien capables de les exploiter et de les répartir de façon plus équitable. En attendant, nous sommes forcés de tenir compte des quotas qui nous sont attribués et c'est toujours dans ce contexte que nos conseils de gestion communautaire prennent des décisions.

M. Kevin Squires: Aux conflits entre la pêche côtière et la pêche hauturière viennent s'ajouter d'autres problèmes qui ne sont généralement pas aussi graves ou urgents qu'il ne paraît, vu de l'extérieur.

Un des autres problèmes auxquels nous sommes confrontés et qui compliquera beaucoup l'élaboration de stratégies locales est le fait que les politiques à court terme et à plus long terme du ministère des Pêches et des Océans ont contribué à un clivage entre les espèces, ce qui a eu tendance à faire éclater les collectivités et aura tendance à ébranler la base sur laquelle nous pouvons élaborer un système de gestion locale.

Comme Jeff l'a si bien dit, il faut adopter une perspective plus large, axée sur l'ensemble de l'écosystème. Nous utilisons tous des bateaux analogues. Nous pêchons à partir de ports différents mais qui se ressemblent beaucoup de par leur nature, leur taille et leur situation. Il existe beaucoup de points communs, mais le fait que les systèmes varient complètement d'une espèce à l'autre et que le ministère des Pêches et des Océans passe avec les pêcheurs des ententes qui, semble-t-il, créent un état de dépendance à l'égard d'une seule et même espèce, a tendance à ébranler la nature communautaire de cette industrie.

Le président: Nous passons maintenant la parole au Nouveau Parti démocratique du Canada et à son porte-parole, M. Peter Stoffer.

M. Peter Stoffer: Je tiens à signaler à mes collègues qu'il existe en Nouvelle-Écosse une autre personne qui fait des efforts infatigables pour défendre les intérêts des collectivités côtières, à savoir Mme Ishbel Munroe. J'ai sous les yeux une édition toute récente de la brochure intitulée Coastal Communities Network, et je tiens à vous en citer un passage. Il se rapporte à ce que vous avez dit dans votre exposé liminaire et je suis certain que vous n'y verrez aucun inconvénient.

    Les membres du réseau rencontrent actuellement des députés fédéraux et provinciaux de toute la province pour essayer d'obtenir leur appui dans des dossiers comme celui de la préservation des phares, de la cogestion et de la viabilité des collectivités rurales.

Si je vous cite ce passage, c'est parce que vous ne vous préoccupez pas uniquement des pêcheurs, de leur gagne-pain et de la conservation des stocks. Ce réseau a été également créé pour assurer la viabilité des collectivités proprement dites et trouver des solutions à long terme. Est-ce exact?

M. Jeff Brownstein: Ce mouvement a débuté il y a des années; par exemple, c'est ce qui s'est passé à Canso vers 1990 ou vers la fin des années 80, lorsque l'usine locale a été fermée. C'est un cas frappant, car il s'agit peut-être de la plus vieille colonie de pêche du Canada. C'est une ville où la transformation du poisson se pratique depuis quatre siècles au moins et du jour au lendemain, le quota de cette usine a été supprimé et transféré à l'énorme usine de Lunenburg. Cet événement a incité la population à prendre conscience du fait que les collectivités n'ont aucun contrôle sur la pêche locale. Elles n'ont absolument aucun contrôle. Elles n'ont aucun pouvoir et on peut leur couper les vivres et transférer les activités ailleurs, ce qui risque d'entraîner leur destruction totale.

Pour ce qui est de la perspective de réduire le nombre d'intervenants dans l'industrie de la pêche, je signale que certains députés, que certains Canadiens veulent peut-être vider les Maritimes. Je n'en suis pas sûr. Ce n'est pas de gaîté de coeur que je parle de la sorte, mais il est un fait qu'il n'existe pas suffisamment de possibilités d'emploi dans l'ensemble de notre pays.

La pêche est une industrie qui, si elle était gérée convenablement, pourrait procurer un revenu décent à un grand nombre de personnes et ce, sans subventions, sans la moindre aide. Si nous avions plus de contrôle sur la pêche des nombreuses espèces qui peuplent la région côtière, les perspectives d'emploi et les perspectives d'avenir des Canadiens seraient beaucoup plus encourageantes.

Nous nous battons pour l'ensemble de la collectivité. Personne ne porte plus d'intérêt à la collectivité que les pêcheurs qui comptent sur leurs enfants et leurs petits-enfants pour perpétuer la tradition.

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup.

Vous avez également parlé des subventions qui ont été accordées aux sociétés et des expériences qui ont été faites dans ce contexte. Je parle de l'expérience de National Sea, à Lockeport, qui remonte au début des années 80. Le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral avaient accordé des subventions de plusieurs millions de dollars à Nat Sea pour recycler les pêcheurs côtiers en travailleurs d'usine. Avec le recul, nous pouvons constater que cette expérience est un échec. On a octroyé des subventions énormes à ces sociétés, qui continuent d'ailleurs probablement à en recevoir pour la plupart. En fin de compte, ce sont les travailleurs d'usine et les pêcheurs côtiers qui font les frais de l'expérience, comme le démontre le programme LSPA en question.

• 1135

Dans la plupart des régions du Canada, on estime que ce programme est une perte d'argent. Selon les paroles immortelles de notre premier ministre, ces citoyens sont oisifs et boivent de la bière toute la journée. Étant donné que je suis de cette région, je trouve ce genre de propos très choquants pour mes concitoyens des Maritimes.

Je me permets de vous signaler au passage que d'après ce document, et d'après ce que j'ai pu constater au cours du voyage que j'ai fait dans toutes les Maritimes, dans certains ces, les pêcheurs devront payer 256 $ pour avoir le privilège d'avoir un observateur du MPO sur leur bateau, ce qui revient à dire en quelque sorte que celui qui n'a pas les moyens de pêcher n'a plus qu'à débarrasser le plancher.

Je voudrais seulement que vous confirmiez ce que vous avez dit au sujet de l'expérience qui a été faite avec les sociétés et des subventions qui ont été accordées à de grandes entreprises, au sujet des systèmes de QIT, ainsi qu'à propos des conséquences absolument catastrophiques de cette expérience pour les réseaux communautaires côtiers de la Nouvelle-Écosse et des autres provinces des Maritimes, y compris Terre-Neuve.

M. Jeff Brownstein: Ici, sur cette côte du Cap-Breton, je vous assure que la plupart des bénéficiaires de LSPA sont des travailleurs des usines de National Sea de North Sydney, et surtout de Louisbourg, où une usine a été reconstruite vers la fin des années 80, grâce à des subventions de 200 millions de dollars, c'est-à-dire aux frais du contribuable. Cette usine a fermé ses portes deux ans plus tard. Aucun signe de possibilité de réouverture ne se manifeste. Les seules usines qui sont restées ouvertes sont les petites usines côtières dont les origines remontent très loin.

Vous m'avez parlé de quelque chose que j'oublie.

M. Peter Stoffer: S'agit-il de la question des observateurs?

M. Jeff Brownstein: C'est bien cela. En ce qui concerne les observateurs, il s'agit du même type de surveillance... Il est un fait que les gros bateaux à engins mobiles sont capables de causer en un rien de temps de tels dégâts à la pêche et à l'habitat que la présence d'observateurs et l'existence d'un système de surveillance est nécessaire dans leur cas.

Le ministère veut désormais appliquer le même régime aux pêcheurs côtiers. Comme je l'ai expliqué, dans le secteur de la pêche du homard, les pêcheurs n'enfreignent pas les lois parce que les pressions du groupe sont énormes. Nous avons tous intérêt à maintenir cette pêche en vie. C'est une industrie locale. En fait, nous avons besoin d'un relâchement du côté de la répression et d'un système axé davantage sur la surveillance de l'effort de pêche, sur des règlements que les pêcheurs sont disposés à observer, pour que la pression du groupe soit plus forte et que les bateaux ne soient pas capables de faire de tels dégâts, et qu'ils ne nécessitent pas un système de surveillance aussi élaboré, qui nous ruine. Le coût de ce système nous ruine littéralement.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Merci, monsieur Stoffer. Je donne la parole au représentant du Bloc, M. Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je remercie les témoins de leur présence ici ce matin. J'aimerais poursuivre dans la ligne de pensée que vous avez commencé à développer tous les deux. Les pêches, dans l'avenir, devraient s'orienter vers la polyvalence des captures. Les pêcheurs devraient donc avoir accès à plusieurs espèces.

J'aimerais que vous me fassiez connaître le processus par lequel vos captures sont achetées par les transformateurs, chez vous. Je représente la circonscription de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, le nez du Québec. L'exemple que je connais est celui de la Gaspésie. Si je m'en tiens à cet exemple, toutes les usines qu'on y trouve se spécialisent dans une espèce. Le problème le plus fréquent que l'on rencontre, c'est lorsque la cargaison d'un pêcheur est principalement constituée de morue et d'un peu de turbot. Le transformateur de morue, salée ou séchée, ne sait pas quoi faire du turbot ou met un certain temps à l'acheminer chez un autre transformateur.

J'aimerais que vous m'expliquiez comment les choses fonctionnent chez vous. Est-ce que les usines sont spécialisées? Ou encore est-ce que chacune des petites usines est capable de s'occuper de différentes espèces? Il y a peut-être là un chaînon manquant. J'avais déjà proposé au gouvernement l'établissement, dans la plupart de nos petites agglomérations, de ce qu'on pourrait appeler des havres de débarquement où les pêcheurs pourraient débarquer leurs ressources. À partir de ces points de débarquement, l'acheminement du poisson vers les différents acheteurs pourrait se faire.

• 1140

À mon sens, actuellement, il manque un maillon entre les pêcheurs et ceux qui achètent le poisson. Il y a trop de spécialisation. Il faudrait que quelqu'un fasse le travail de diriger les captures vers les bons marchés.

Pouvez-vous m'expliquer quel est le fonctionnement, chez vous, sur le plan de l'expédition aux marchés?

M. Jeff Brownstein: Oui, monsieur, je vais essayer.

[Traduction]

Il existe chez nous pêcheurs qui pêchent plusieurs espèces de poisson mais de là à dire que nous sommes des pêcheurs polyvalents... La nature de la ressource à laquelle nous avons affaire est telle que nous n'avons jamais tendance à pêcher un grand nombre d'espèces différentes en même temps. La diversification se fera sur un certain nombre d'années. Ainsi, nos petites usines et coopératives locales—notamment les usines de transformation du nord du Cap-Breton, pas loin des Îles-de-la-Madeleine, par exemple—se lancent dans la transformation du homard alors qu'elles transformaient diverses espèces de poisson de fond. Elles faisaient la transformation de la morue, de l'aiglefin, de la goberge, bref de diverses espèces.

Les activités de la plupart de ces usines sont encore diversifiées, dans une certaine mesure. Le turbot du Groenland n'est pas une espèce côtière. Nos usines côtières font la transformation de quelques espèces de poisson de fond. Les usines qui ne font pas la transformation du homard participent activement à sa mise en marché ainsi qu'à celle du crabe des neiges et de diverses autres espèces de crabe. Elles font la commercialisation de diverses espèces, si elles n'en font pas de la transformation proprement dite.

J'admets toutefois, et les autres pêcheurs l'admettront également, qu'il est bon d'essayer de continuer à diversifier le plus possible les petites usines pour qu'elles puissent assurer le traitement de diverses espèces, en raison de la nature même des circonstances. On constate que dans la même région, les périodes fastes et les périodes maigres ne coïncident pas nécessairement; elles varient d'une espèce à l'autre, sur une période de plusieurs années.

M. Kevin Squires: Je me permets de signaler en outre un point important, c'est que les petites usines, les exploitants de petites entreprises de pêche ont tendance, comme nous avons pu le constater personnellement, à être plus adaptables, plus souples et plus aptes à passer d'un type d'activité à un autre.

Une petite usine semble être davantage en mesure de changer de système de transformation du poisson qu'une autre. C'est le cas par exemple de l'usine dont Jeff a parlé, celle de Louisbourg qui avait, si je ne me trompe, la réputation d'être une des usines de transformation du poisson de fond les plus modernes du monde, après sa remise à neuf. Malheureusement, elle n'a presque pas été en activité. La direction de l'entreprise a jugé plus économique de la mettre sous cellophane et de déménager l'équipement ailleurs.

Autrefois, cette usine transformait tantôt du hareng, tantôt du poisson de fond. Je crois également qu'autrefois, la compagnie National Sea était également active à Louisbourg, où elle achetait du homard.

Par conséquent, comme nous avons pu le constater chez nous et ailleurs, on se spécialise de plus en plus. Ensuite, lorsqu'un problème survient, on ferme tout simplement l'usine et on plie bagage.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je suis d'accord avec vous que les usines de petite taille ont plus de souplesse du point de vue administratif. Il faut quand même reconnaître que lorsqu'il s'agit de vendre de la morue surgelée sur les mêmes marchés que d'autres grandes usines nord-américaines, par exemple celui de Boston, il y a peut-être une économie d'échelle à se doter de grandes usines.

Je vais essayer de comprendre votre point de vue et vous poser une question concernant les petites usines de transformation. Est-ce qu'une partie de vos captures sont destinées au marché dit frais? La plupart du temps, le poisson est destiné au marché du surgelé. Or, selon la majorité des études de commercialisation, le prix semble plafonner. On le voit année après année, dans la section du congelé, à Boston, alors que le poisson à l'état frais, celui qui n'a pas subi une première congélation, est en constante augmentation. Les consommateurs l'apprécient davantage et sont prêts à le payer un peu plus cher.

Est-ce que les pêches, dans votre région, seraient capables de s'adapter à cette nouvelle orientation?

[Traduction]

M. Jeff Brownstein: Je crois que dans le secteur de la transformation, surtout dans les petites usines, on a beaucoup plus facilement accès qu'autrefois à des appareils de surgélation rapide. Ces petites usines sont toujours capables d'approvisionner à la fois le marché du frais et celui du congelé, surtout dans une région comme le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, qui est à proximité de Boston et du marché américain. Les usines peuvent fournir n'importe quelle quantité, qu'il s'agisse de produits frais ou congelés. Peu importe la demande, je crois qu'elles sont parfaitement capables d'y répondre. En fait, lorsque National Sea a fermé son usine de Louisbourg, elle avait toujours un service de traitement du poisson de fond à North Sydney, mais elle a décidé de déménager ses installations dans sa grosse usine de Lunenburg. National a ensuite fermé toutes ses petites usines. Elles n'étaient pas si petites que cela, mais elles ont été fermées malgré tout.

• 1145

Ce qui reste à Louisbourg, c'est une plus petite usine qui achète tout le poisson de fond pêché par les bateaux côtiers, ici au Cap-Breton. Elles sont en mesure d'en assurer le traitement, frais ou congelé, et de l'expédier rapidement.

Le président: Merci, messieurs.

Je voudrais vous adresser à tous deux une question d'ordre général. Vous avez parlé des personnes qui touchent des indemnités dans le cadre de LSPA. Pensez-vous que ces personnes s'attendent à ce que cela continue? Pensez-vous qu'elles s'attendent à ce que LSPA soit prolongée au-delà du mois de mai? Avez-vous la moindre idée de la nature du système qui lui succédera? Avez-vous des idées à nous soumettre en ce qui concerne la réduction de l'effort de pêche? À quel niveau conviendrait-il d'intervenir à cet égard? Avez-vous des commentaires à faire sur ces deux sujets?

M. Jeff Brownstein: Certainement.

À propos de LSPA, je tiens à préciser tout d'abord qu'étant donné que nous représentons des pêcheurs côtiers qui exploitent plusieurs espèces, la plupart de nos pêcheurs et des membres de notre organisation ne touchent pas d'indemnités dans le cadre de ce programme. La plupart d'entre eux étaient pourtant admissibles, mais ils continuent à pêcher. Certains pêcheurs ont été effectivement forcés d'arrêter de pêcher, à cause du déclin de la pêche du poisson de fond, et ils en souffrent, mais ils ne représentent qu'une minorité de nos membres.

La majorité des personnes qui reçoivent des indemnités dans le cadre de ce programme sont toujours des travailleurs d'usine, mais je n'ai pas les compétences voulues pour être leur porte-parole. J'insiste sur le fait qu'ils se trouvent dans une situation très précaire, mais je leur laisserai le soin de dire s'ils ont encore besoin d'aide. Les perspectives ne se sont pas complètement améliorées, de toute évidence. Je leur laisserai le soin d'en parler.

Par ailleurs, en ce qui concerne la réduction de la capacité, j'affirme encore une fois que nous avons absolument besoin d'un programme de rachat. On n'a pas encore commencé à réduire la capacité. C'est pourtant nécessaire, à mon avis. Les permis qu'il faut racheter sont ceux des grands bateaux hauturiers qui ont leur base dans des endroits comme l'île Madame, où la pêche du poisson de fond au chalutier ou à la drague se pratiquait à une grande échelle. L'usine a été démontée. Les personnes qui travaillaient sur ces bateaux n'ont aucun espoir de retourner à la pêche. En ce qui concerne la pêche hauturière locale du poisson de fond, il n'y a aucun espoir qu'elle reprenne dans un avenir prévisible alors qu'il reste encore de l'espoir pour la pêche côtière polyvalente.

Ce que je veux dire, par conséquent, c'est que je voudrais que l'on réduise la capacité des grandes flottilles qui étaient spécialisées, pour mettre un terme à cette alternance des périodes de vaches grasses et de vaches maigres et cesser d'avoir recours à des programmes comme LSPA. Il serait préférable d'encourager la petite flottille polyvalente. En outre, s'il est nécessaire—et je reconnais que ce soit possible dans certaines régions—de réduire la capacité des flottilles de bateaux à engins fixes du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, par exemple et pas tellement celles de notre région, je dirais qu'il vaudrait mieux laisser aux conseils de gestion communautaire qui existent déjà le soin de gérer la pêche du poisson de fond dans ces régions. Qu'on les laisse décider, comme nous avons pu le faire ici, à qui il conviendrait d'accorder la priorité lorsque le poisson reviendra et quels pêcheurs pourraient repartir à la pêche du poisson de fond les premiers.

M. Kevin Squires: Vous avez fait une distinction très importante à ce sujet également. C'est une question très importante pour ceux qui réclament une réduction de l'effort de pêche. Il faut que ce qui s'est passé autrefois soit bien clair.

Je suis un des pêcheurs de poisson de fond qui ont été touchés par les mesures de réduction. Autrefois, je possédais un permis de pêche pour le poisson de fond, mais il a été supprimé au cours des années précédant la création de LSPA. Cette décision n'a été assortie d'aucun rachat. On considérait que je n'avais pas utilisé mon permis ou que je n'avais pas suffisamment pratiqué ce type de pêche pour justifier la nécessité de conserver ce permis. Il s'agit d'un exemple ou d'un problème personnel, mais ce que je veux dire, c'est que je n'avais pas pêché beaucoup de poisson de fond et que cela a permis au ministère des Pêches et des Océans de se vanter d'avoir supprimé un pêcheur de poisson de fond. En fait, il n'a supprimé aucune participation active à cette pêche. D'une manière générale, l'effort de pêche n'a pas encore été réduit jusqu'à présent de cette façon.

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Ce qui est absolument nécessaire, c'est de réduire l'effort de pêche dans une certaine mesure. Ce sont les grandes flottilles de bateaux à engins mobiles qui sont responsables de cet effort en majeure partie. C'est à ce niveau-là qu'il se situe principalement. Par conséquent, il faut trouver des moyens de réduire cet effort en partie. On ne réduit pas beaucoup l'effort en éliminant cinq ou dix pêcheurs inactifs ou peu actifs, ni même une centaine ou un millier.

Le président: C'est M. Matthews qui posera la dernière question.

M. Bill Matthews: J'ai trouvé vos exposés très intéressants. Je représente la circonscription de Terre-Neuve qui correspond à toute la région de la côte sud de Terre-Neuve.

J'ai trouvé vos commentaires sur la gestion communautaire très intéressants, surtout en ce qui concerne les permis de pêche polyvalents. Voici la première question qui me vient à l'esprit à ce sujet: qu'avez-vous à dire au sujet des pressions exercées au niveau des captures? Je me demande quelle influence l'adoption du système des permis polyvalents aura à cet égard. Je me demande ce que vous avez à dire et si vous pourriez nous aider en nous disant ce que vous en pensez.

M. Jeff Brownstein: J'ai deux ou trois commentaires à faire.

À l'intérieur des conseils de gestion communautaire, quand il est question de s'attaquer à la pêche du poisson de fond avec des bateaux équipés d'engins fixes—comme la pêche à la ligne à main, à la palangre et au filet maillant—, cela consiste à réduire l'effort de pêche: limitation des voyages et contrôle de l'effort de pêche, limitation du nombre de bacs de palangre et de filets maillants qu'un pêcheur peut avoir sur son bateau et limitation de la durée du séjour en mer. Nous estimons que c'est un meilleur moyen de limiter les captures que le système des quotas, qui est peut-être concret mais qui a tendance à forcer en fait les pêcheurs à prendre des initiatives comme celle d'éliminer ou de remettre à l'eau certains poissons, ce qui a incontestablement nuit beaucoup à la pêche.

Par ailleurs, la raison d'être du système axé sur la pêche de plusieurs espèces est d'éviter le chômage. Comme nous l'avons déjà signalé, certains pêcheurs de la région, qu'ils soient admissibles ou non à LSPA—et la plupart d'entre eux ne l'étaient pas—ont tout simplement reporté leur effort sur d'autres espèces plus viables, rapportant davantage à ce moment-là. Par conséquent, une flottille qui peut tantôt pêcher une espèce tantôt une autre exerce moins de pressions sur les stocks.

Ce dont nous n'avons pas besoin et que le MPO a continué... Kevin nous a cité des cas qui illustrent la règle selon laquelle il faut «utiliser son permis ou le perdre». En fait, ce système, surtout depuis l'instauration des quotas individuels transférables, récompense les délinquants. Nous donnons en fait de l'argent à ceux qui pêchent de la manière la plus intensive et nous avons de la sorte compromis nos droits exclusifs à une pêche d'avenir.

Cela revient à peu près à dire à quelqu'un que s'il braque un certain nombre de banques, il aura le droit de continuer à braquer le même nombre de banques à l'avenir. Nous pénalisons les pêcheurs qui, après avoir été licenciés en quelque sorte, se sont mis à pêcher une autre espèce lorsque celle qu'ils exploitaient était en difficulté. Par conséquent, c'est le contraire de ce qu'il faudrait faire pour promouvoir la conservation du poisson et la viabilité de l'industrie.

M. Bill Matthews: Merci beaucoup.

Vous n'êtes certainement pas sans savoir que pratiquement toute la côte sud de Terre-Neuve et du Labrador a été fermée. Bien des localités ont été créées grâce à la pêche à la goélette sur les bancs. Ces pêcheurs-là sont ensuite allés pêcher en haute mer. Certaines collectivités luttent maintenant pour leur survie et certains signes de régénération se manifestent dans les zones sud. Je suppose que c'est peut-être grâce à la température plus élevée des eaux ou à un autre facteur.

Que nous recommanderiez-vous ou recommanderiez-vous au MPO de faire lorsque ces stocks auront commencé à se régénérer? Qui devrait être autorisé à utiliser cette ressource? Les collectivités qui ont vu le jour grâce à cette ressource et qui en ont vécu? Nous en arriverons bientôt à ce stade, si la reconstitution des stocks se poursuit, mais je voudrais savoir ce que vous en pensez. Quelle formule avez-vous à nous recommander à ce sujet?

M. Kevin Squires: Ce qu'il est très important de signaler, à mon sens, c'est que ce n'est pas à nous, ni d'ailleurs au ministère des Pêches et des Océans, de dire comment il faudrait procéder à l'avenir. Ce sont les habitants de la côte sud de Terre-Neuve, qui ont vécu de cette pêche, qui devraient décider qui la prendra en charge à l'avenir, au lieu de leur imposer une décision, comme ce fut déjà le cas, étant donné qu'ils pratiquent cette pêche depuis cinq ou sept ans.

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Depuis quelques années, les décisions sont basées uniquement sur les activités halieutiques des cinq ou dix dernières années. Comme l'a si bien dit Jeff aujourd'hui, le système a récompensé les délinquants.

Les collectivités qui sont installées à cet endroit depuis des siècles devraient avoir leur mot à dire dans les décisions, et avoir le droit d'exprimer leur point de vue. Étant donné qu'elles ont été les meilleures gardiennes des ressources et qu'elles ont appliqué les meilleures pratiques de gestion, c'est à elles de décider ce qui devrait se passer dans l'avenir.

M. Jeff Brownstein: À cela, j'ajouterais que l'année dernière, on envisageait de rouvrir la pêche du poisson de fond dans la partie sud du golfe du Saint-Laurent, y compris dans la zone 4B et à Sydney Bight, où nous sommes. En fait, nous avons argué que les données scientifiques n'étaient pas nécessairement favorables à une réouverture, même si le CCRH l'avait recommandée, que cela causerait peut-être des difficultés si l'on ouvrait une pêche l'hiver, que cela pourrait avoir une incidence trop forte sur les stocks locaux, à Sydney Bight. Nous avons constaté qu'un des poissons marqués sur six qui ont été capturés en pêche hauturière était en fait d'origine locale. Nous en avons donc conclu que la pêche ne devrait être ouverte que de façon très restreinte à la flotte côtière composée de bateaux à engins fixes.

Tout le monde à Terre-Neuve, à l'Île-du-Prince-Édouard, sur la côte du golfe de la Nouvelle-Écosse, ainsi qu'au Cap-Breton et sur les côtes du golfe du Nouveau-Brunswick et de Québec était d'accord avec nous. Toutes les principales organisations estimaient que la pêche ne devait être rouverte que dans une mesure restreinte aux flottilles des bateaux à engins fixes et qu'il devait s'agir de pêches-témoins.

En fait, le ministre, M. Mifflin, a refusé, prétendant que la pêche serait uniquement ouverte en fonction des systèmes de répartition traditionnels, attribuant tel quota à la pêche hauturière et tel quota à la pêche semi-hauturière, dont les origines ne remontent pas très loin de toute façon.

Par conséquent, nous avons dû insister sur le fait que la pêche ne devrait pas être rouverte. Enfin, grâce à l'aide des milliers de pêcheurs représentés par ces organisations, nous sommes parvenus à éviter que l'on ne rouvre la pêche sur de mauvaises bases.

Le président: Estimez-vous messieurs que, dans un premier temps, il serait bon de réduire l'effort de pêche à proximité de la côte de la Nouvelle-Écosse, en supprimant les permis japonais de pêche au thon, les quelque sept permis de pêche au thon rouge accordés pour cet automne, ou d'envisager cette possibilité, tout en supprimant tous les permis accordés à des navires étrangers, qu'ils travaillent pour des entreprises canadiennes ou non, pour la pêche au merlu argenté, qui est classé dans la boîte des espèces sous-exploitées?

M. Jeff Brownstein: Je dois dire que je ne suis pas suffisamment au courant de ces questions-là, surtout en ce qui concerne les permis de pêche au thon accordés aux Japonais ni même les permis de pêche au merlu argenté, à l'exception évidemment de la pêche au maquereau, comme je l'ai déjà signalé. Il existe certainement une pêche du thon, que pratiquent de nombreux bateaux côtiers de la Nouvelle-Écosse, autour du Cap-Breton et dans d'autres secteurs, et les propriétaires de ces bateaux seraient très préoccupés par tout nouvel effort, surtout ceux qui ont de gros bateaux.

La seule chose sur laquelle je tiens absolument à insister, c'est qu'il faut revenir à un système de contrôle de la pêche beaucoup plus local. Les collectivités et les pêcheurs côtiers ont perdu tout contrôle sur la pêche et toutes les décisions sont prises à Ottawa et ailleurs. Il faut consulter beaucoup plus les pêcheurs locaux et tenir compte des répercussions locales des décisions.

Le président: Merci beaucoup d'avoir témoigné et de nous avoir aidés dans notre tâche.

M. Jeff Brownstein: Merci beaucoup. Nous sommes impatients de recommencer.

Le président: Notre prochaine séance aura lieu le mardi 4 novembre, de 15 h 30 à 17 h 30, à la pièce 701. Elle portera sur les pêches de la côte Ouest. Nous tiendrons une vidéoconférence à partir de Vancouver et de Victoria, et il est possible que l'on ait également des groupes de deux témoins, pour la côte Ouest. La séance est levée.