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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 décembre 1997

• 0934

[Traduction]

Le président (M. George Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Si les membres du comité sont d'accord, je vais mettre aux voix deux ou trois motions concernant notre voyage sur la côte Ouest.

J'ai besoin d'un motionnaire pour que soit approuvé le budget de fonctionnement proposé de 60 000 $, portant sur la période du 22 novembre 1997 au 28 février 1998, ainsi qu'un budget de déplacement sur la côte Ouest de 147 383 $, pour la période courant du 18 au 27 janvier 1998.

Ai-je un motionnaire?

Pour une précision, monsieur Duncan.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): A-t-on déjà engagé la plupart des 60 000 $ en question?

Le président: Le greffier m'informe que nous avons dépensé environ 20 000 $ de cette somme en frais de vidéoconférence et de comparution des témoins devant le comité.

• 0935

M. John Duncan: Je propose la motion.

Le président: Motion proposée par M. Duncan, appuyée par Bill Matthews.

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Monsieur le président, vous avez dit du 18 au 27 janvier... À quelle période vous référez-vous? Celle-ci me paraît un peu plus longue que la nôtre. S'agit-il de couvrir les imprévus?

Le président: Vous avez raison, monsieur Easter. Nous avons étiré la période pour parer au cas où nous perdrions une ou deux journées à cause de la météo. Vous avez tout à fait raison.

M. Wayne Easter: Il pourrait neiger en Colombie-Britannique.

(La motion est adoptée)

Le président: J'ai besoin d'un motionnaire pour une deuxième motion: que le comité approuve les dépenses de déjeuners et de dîners de travail pendant nos déplacements dans la région de l'Atlantique, d'où nous sommes déjà revenus d'ailleurs.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): J'en fait la proposition.

M. Wayne Easter: Je l'appuie.

(La motion est adoptée)

Le président: La troisième motion est la suivante: que le comité autorise le président, en consultation avec le greffier, à prendre les dispositions nécessaires pour organiser occasionnellement des déjeuners et des dîners de travail, dont les frais seront imputés au budget approprié, pendant nos déplacements sur la côte Ouest ou lors de nos réunions ici et là, suivant ce qu'organisera le greffier.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): J'en fait la proposition.

(La motion est adoptée)

Le président: Nous allons passer à notre réunion d'aujourd'hui et à notre ordre de renvoi, conformément au paragraphe 108.(2) du Règlement, examen du rôle des sciences dans la gestion des pêches. Nous entendrons des témoins par vidéotéléconférence de Halifax, en Nouvelle-Écosse. Nous accueillons aussi plusieurs témoins en personne. Nous commençons par M. Ransom Myers, président des études marines, Université Dalhousie, puis nous entendrons M. Steve Campana, scientifique en recherche, Institut d'océanographie Bedford; M. Paul Fanning, biologiste à l'Institut d'océanographie Bedford; M. Ghislain Chouinard, chef, Section du sud du golfe du Saint-Laurent, Division des poissons marins, Centre des pêches du golfe, et M. Don Bowen, scientifique en recherche à l'Institut d'océanographie Bedford. Nous commençons donc par M. Ransom Myers.

Monsieur Myers, est-ce que vous nous recevez? Si oui, je vous en prie, commencez!

M. Ransom Myers (président des Études marines, Université Dalhousie): Oui, je vous entends.

La manipulation des données scientifiques et l'effondrement des stocks de morue au Canada atlantique... Voici la question centrale que je me suis posée à ce sujet: comment expliquer l'échec d'un réseau scientifique et gestionnaire très coûteux dans le Canada atlantique?

L'aspect déterminant, ici, c'est que toutes les évaluations qu'on a effectuées année après année ont conduit à un effondrement des stocks de morue alors que, dans des situations semblables, et en ayant recours à des scientifiques ayant des bagages semblables aux nôtres, l'Islande et la Norvège n'ont pas connu un tel effondrement des stocks de morue. La principale raison à tout ce gâchis est la mainmise des hauts fonctionnaires sur la science, ce dont je vais vous parler aujourd'hui.

Tout d'abord, une telle emprise bureaucratique et autoritaire sur la science produit une pseudoscience. Ce genre de système est condamné à l'échec et ne peut que donner lieu à des erreurs scientifiques.

On a bâillonné des chercheurs au MPO. Des données ont été tenues dans le plus grand secret et personne n'a eu la possibilité de les analyser...

Le président: Un instant, monsieur Myers. Nous sommes en train de perdre le signal. Je me demande si nos techniciens... nous avons raté la dernière phrase, monsieur Myers. Nous allons vous installer un autre microphone.

• 0940




• 0943

Le président: Je vous en prie, monsieur Myers, reprenez là où je vous ai interrompu.

M. Ransom Myers: Parfait. C'est tout l'échec d'un système. C'est l'échec de la science, des politiciens, des fonctionnaires et des pêcheurs. Mais je vais vous parler, ici, de l'échec des sciences. Il convient, avant tout, de se rappeler qu'on a presque toujours surestimé l'abondance du poisson jusqu'au moment de l'effondrement des stocks.

J'ai travaillé au ministère des Pêches et Océans. Je me suis rendu coupable, au même tire que tous les autres employés du ministère qui n'ont pas combattu pour qu'on modifie les évaluations, d'ailleurs même s'ils ont lutté pour cela, ils sont tout de même coupables.

Je vais vous parler de l'intimidation des scientifiques et de la mainmise sur la science. Ce phénomène d'intimidation est apparu quand les scientifiques ont refusé de se plier aux politiques bureaucratiques d'Ottawa relativement à la situation des stocks de poisson. Les chercheurs effectuant des travaux jugés pertinents ou d'autres types de recherche n'ont pas été soumis au même genre d'intimidation et de contrôle. Donc, il n'y a eu intimidation qu'au sujet de questions cruciales.

D'abord il y a eu occultation de certains travaux de recherche au sein du ministère des Pêches et Océans. Des données ont été gardées secrètes et même les employés du ministère ne pouvaient y avoir accès pour les analyser. Les données relatives au marquage de la morue, montrant que la mortalité de ce poisson était très élevée, ont été gardées secrètes par le ministère. Les analyses qu'on aurait pu examiner plus en détail ont été tenues secrètes. Ce genre de problème a en partie disparu, mais il existe encore.

Deuxièmement, il y a le problème de l'intimidation des chercheurs. Ceux et celles qui parvenaient à des résultats jugés non acceptables par la l'appareil bureaucratique, étaient soumis à diverses formes d'intimidation. Dans de telles conditions, un chercheur soumis à des pressions venant de la structure à laquelle il appartient n'est pas en mesure de conduire des recherches ouvertes.

• 0945

Vient ensuite le problème des lacunes au chapitre de la collecte de données pertinentes. Nous en savons à présent plus sur les taux de prise de morue côtière dans les années 1700 que dans les années 80. Je pourrais vous citer les taux de prise de la morue côtière à Bonavista, dans la baie Conception ou dans la baie Trinity, pour toutes les années 1700. Tout cela est fort bien renseigné. Mais ce genre de données n'a pas été recueilli dans les années 80. En fait, on pouvait même nous dissuader d'étudier ce genre de questions. Par ailleurs, dans le même ministère, nous disposions d'excellentes données sur les taux de prise des harengs. Ce poisson ne présentait pas une grande importance pour Ottawa et l'on n'éprouvait pas la nécessité de le contrôler.

Il y a aussi le problème du bâillonnement direct des chercheurs. On dispose d'exemples patents à cet égard. En 1986, George Winters a effectué une étude qui a fait ressortir que la mortalité de la morue du Nord était nettement supérieure à ce qu'on avait prévu. Or, cet article a été directement occulté par le directeur du laboratoire de l'époque, parce que les constats énoncés n'étaient pas ceux qu'on désirait.

On a censuré un article dont j'étais le coauteur sur la mortalité de la morue, en relation avec la population de phoques. J'ai conduit cette recherche pour contredire les activistes pour la défense des animaux, soutenant qu'il n'y avait pas de lien direct entre les deux. Nous en sommes venus à la conclusion qu'on ne pouvait conclure que les phoques ne provoquaient pas de taux de mortalité plus élevé. Comme nous n'étions pas arrivés aux conclusions souhaitées par les ronds-de-cuir d'Ottawa, notre recherche a été occultée.

Il y a à peine deux ans, quand j'étais encore employé du ministère, on a essayé d'occulter une de mes recherches montrant que la mortalité naturelle des stocks de morue n'avait pas connu d'augmentation soudaine. Bill Doubleday a directement harcelé mon superviseur direct, qui avait autorisé la tenue de cette recherche. Le directeur de mon laboratoire a été harcelé par le sous-ministre des Sciences, Scott Parsons, parce que j'effectuais ce genre de recherche et que les résultats auxquels j'étais arrivé ne convenaient pas à l'administration.

Il y a, aussi, le contrôle de l'information diffusée aux députés. Il y a quelques années, on a interdit à des députés du Parti réformiste de s'entretenir avec des scientifiques de la région de Terre-Neuve. Un député a réclamé un article que j'avais cosigné et a reçu, pour toute réponse, la lettre rédigée par un fonctionnaire et signée par le ministre des Pêches, déclarant que je n'avais jamais soumis un tel article. En fait, s'il n'a pas été soumis c'est parce qu'il avait été censuré. Si, sur un plan technique, cette lettre émanant des hauts fonctionnaires de Pêches et Océans était vraie, dans le fond elle est un tissu de mensonges. On avait censuré mon article et l'on avait ensuite nié son existence.

Vient ensuite le problème du contrôle de l'information diffusée au CCPFA. L'enjeu essentiel était l'effondrement de la morue du Nord. Un certain temps s'est écoulé avant la déclaration d'un moratoire relativement au reste des stocks de morue dans l'est du Canada. Pourquoi donc? À cause de l'occultation de données scientifiques, qui n'ont pas été transmises au CCPFA, il s'est écoulé une autre année passée à examiner la situation d'autres stocks de morue dans le golfe du Saint-Laurent et à l'est de la plate-forme Scotian. Alan Sinclair, chercheur à Moncton, a fait l'objet de pressions directes.

Nous avons affaire là à un crime qui dépasse l'entendement. Pendant toute cette année perdue, on a prélevé 70 p. 100 du stock restant de morues, ce qui a provoqué un effondrement beaucoup plus important que nécessaire ailleurs dans l'est du Canada. Nous aurions pu, alors, arrêter la pêche. Mais l'appareil bureaucratique avait résolument décidé d'occulter cette information.

Il y a également le problème du contrôle de l'information transmise au CCRH. Les données adressées au CCRH, se présentant sous la forme de rapports sur la situation des stocks, doivent être approuvées par le SMA. Or, à plusieurs reprises, celui-ci a occulté l'information qu'il n'aimait pas, même s'il n'avait pas directement participé aux évaluations et n'avait pas eu directement accès aux dossiers.

Il y a le problème du contrôle de l'information diffusée au grand public du Canada. Au cours des quatre dernières années, toutes les tentatives déployées par les scientifiques, employés du MPO, de rendre leurs recherches publiques par le truchement d'entrevues, ont été réprimées quand les constats des travaux étaient contraires à la position d'Ottawa qui, je le rappelle, attribuait l'effondrement du stock de morue à l'environnement ou à la basse température de l'eau. On m'a menacé de congédiement pour avoir parlé des résultats de mes recherches dans une entrevue donnée au Globe and Mail. Pourtant, mes recherches ont été publiées dans les dix meilleures revues scientifiques du monde. Cela aussi a été occulté.

• 0950

Il ne s'agit nullement d'un incident isolé. Mon regretté ami Gordon Mertz, décédé il y a peu de temps, a donné une entrevue en 1992. Il y affirmait, bien sûr, que la population de morue s'effondrerait à cause de la surpêche et non des eaux froides; tout le monde sait cela. Eh bien, on l'a obligé à écrire une lettre dans laquelle il reconnaissait avoir eu tort, lettre qu'on a conservée en dossier... au cas où. C'est là une méthode stalinienne. Toutes tentatives d'entraver des recherches universitaires sont indignes d'une démocratie.

Je vous ai joins une lettre signée par Scott Parsons, il y a dix ans, et qui est maintenant SMA—Science, lettre dans laquelle il semble directement menacer un professeur de Dalhousie, président du département d'Océanographie, parce qu'il n'était pas d'accord avec certaines politiques du MPO. Ce genre de comportement n'est pas digne d'un fonctionnaire. Les citoyens canadiens devraient pouvoir critiquer les politiques d'un ministère, en toute liberté, sans risquer d'être menacés par des bureaucrates.

Et cela n'est pas terminé. Le cas le plus récent dont j'ai eu vent s'est produit à Terre-Neuve. Il y a deux ans, on a directement menacé un chercheur de l'Université Memorial, à Terre-Neuve, de suspendre son financement parce qu'il avait signé une lettre appuyant la décision du CNRC de publier l'article de Hutchings et al, dont on vous a parlé la semaine dernière.

On a pu faire fi des préoccupations des chercheurs universitaires, parce qu'ils n'avaient pas vu les «données», celles-ci ayant été contrôlées. Permettez-moi de vous citer un exemple qui s'est produit sur la côte Ouest. Le professeur Ray Hilborn, a effectué une analyse du Programme de mise en valeur des salmonidés, qui a coûté aux contribuables canadiens 600 millions de dollars, qui avait pour but de bonifier ce programme. Il a rédigé un article scientifique à ce propos. C'est alors que le MPO a tenté de bloquer la publication de l'article et qu'on a interdit à M. Hilborn l'accès à des données dont disposait le ministère des Pêches et Océans, justement parce qu'il avait publié les résultats de sa recherche. Or, celle-ci est excellente. Elle aurait été nécessaire au gouvernement pour décider de sa politique. Je suis sûr que le grand public canadien aimerait savoir si ces 600 millions de dollars ont été dépensés à bon escient. En fait, les bureaucrates du MPO ont essayé de supprimer toute recherche du genre.

Il y a aussi eu des menaces d'action en justice. Carl Walters et moi-même avons été les deux seules personnes à avoir publiquement mentionné des noms. Carl Walters a été menacé de poursuite juridique, parce qu'il avait cité des noms de hauts fonctionnaires. Bill Doubleday fait actuellement peser contre moi une menace de poursuite, dans laquelle je vois une simple stratégie visant à me faire taire. Cette poursuite concerne une déclaration dans laquelle j'ai évoqué les tentatives de censure que je suis en train de vous décrire. Or, ces censures ont été documentées, il suffit à qui le voudra d'en chercher la preuve dans ce document et dans les recherches effectuées.

Dans un premier temps, la poursuite a été payée par le ministère des Pêches et Océans. Les communiqués de presse ont été payés par le ministère des Pêches et Océans, et on trouve toujours des informations sur cette poursuite sur le site Web du MPO. On est loin d'une poursuite privée. Cette poursuite a été intentée par des bureaucrates, sur leur temps de travail et avec les ressources du gouvernement, pour harceler les citoyens ayant un avis qu'ils ne prisent pas.

Pour résumer, et avant de passer à mes recommandations, je dirai que le message adressé à tout chercheur indépendant est clair: quiconque est en désaccord avec les gratte-papier du MPO s'expose à des poursuites et au harcèlement. De plus, il risque de se voir interdire l'accès aux données et aux subventions de recherche.

J'ai cinq suggestions à vous faire. D'abord, je recommande la tenue d'un examen indépendant. Il faut effectuer des analyses et des examens rigoureux de la politique et des évaluations, en toute indépendance du MPO. Je pense que la façon la plus simple d'y parvenir consisterait à mettre sur pied un groupe indépendant du MPO, faisant directement rapport au Parlement, par l'intermédiaire du vérificateur général, et qui serait chargé d'examiner les décisions importantes. Il ne serait pas possible d'interdire à ce groupe d'accéder à des données.

Deuxièmement, je recommande l'indépendance de la recherche. Même si la plus grande partie de la recherche effectuée par le MPO est excellente, nous avons besoin de chercheurs extérieurs au ministère pour conduire d'autres travaux. La meilleure façon d'y parvenir serait de le faire par l'intermédiaire du CRSNG, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, bien qu'on menace actuellement d'en réduire le budget qui permettrait d'alimenter toute nouvelle recherche. Il s'agit là de la seule source de fonds indépendants à laquelle les chercheurs canadiens, désireux d'étudier ce genre de questions, peuvent accéder. C'est, pour l'instant, la seule source de financement.

Troisièmement, je demande qu'on réduise la bureaucratie à Ottawa. Le Canada n'a tout simplement pas besoin d'une administration de 800 personnes à Ottawa. Combien coûte un rond-de-cuir? Entre 100 000 et 120 000 $ par an, au moins, quand on considère tous les avantages. Voilà donc 100 millions de dollars qu'il n'est pas nécessaire de dépenser. Nous pourrions certainement nous en sortir avec cinq.

• 0955

Quatrièmement, il faut mettre un terme aux secrets et aux tentatives d'intimidation au MPO. Les ronds-de-cuir ne devraient pas chercher à intimider les chercheurs du MPO ou d'ailleurs, quand leurs travaux n'ont pas l'heur de leur plaire. Les données recueillies par le MPO devraient, dans des délais raisonnables, être rendues publiques aux fins de réanalyse.

Cinquièmement, nous devrions adopter des politiques de pêche essentiellement sûres. Il faut se rappeler qu'à Terre-Neuve, nous avons pêché de façon durable pendant près de 500 ans, avant la mise sur pied du MPO. Nous n'avons pas besoin du MPO. Nous n'avions pas besoin de politiques. On a appliqué une simple méthode de pêche entre les années 1500 et 1940. La taille des prises permettait largement aux populations halieutiques de se reproduire. Les taux étaient alors presque optimums.

Un simple changement dans les règlements de pêche, qui consisterait à ne plus avoir à contrôler chaque mouvement de chaque pêcheur, donnerait lieu à des méthodes d'exploitation de la ressource beaucoup plus sûres et beaucoup plus durables. Je suggère donc qu'on envisage d'adopter des politiques sur les pêches n'exigeant pas des évaluations précises. Il est possible, dans bien des cas, d'appliquer de telles stratégies.

Prenez le homard, par exemple. On ne dénombre pas les populations de homard au fond de l'océan. On leur permet simplement de se reproduire avant d'en autoriser la pêche. Il existe donc des méthodes permettant de mieux gérer la ressource, de façon sûre et quasi optimale, sans qu'il soit nécessaire de disposer d'un grand nombre de données. Il faut simplement repenser la façon dont nous gérons nos stocks de morue.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Ransom Myers, président des Études marines à l'Université Dalhousie.

Chers collègues, j'ai ici les noms de plusieurs d'entre vous qui désirent poser des questions à M. Myers. Nous allons commencer par M. Provenzano.

Cependant, nous devons entendre le témoignage de quatre autres personnes avant de poser nos questions à M. Myers. C'est peut-être ce que veulent faire les députés.

Nous devons entendre M. Steve Campana, scientifique en recherche à l'Institut d'océanographie Bedford, M. Don Bowen, scientifique en recherche au même institut; M. Paul Fanning, biologiste à l'Institut également et M. Ghislain Chouinard, chef, Section du sud du golfe du Saint-Laurent, Division des poissons marins du Centre des pêches du golfe.

Nous pourrions peut-être commencer par les scientifiques en recherche de l'Institut Bedford: M. Campana ou M. Bowen. Pouvez-vous commencer par vous présenter?

M. Steve Campana (scientifique en recherche, Institut d'océanographie Bedford, ministère des Pêches et Océans): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Steven Campana et je suis accompagné de MM. Chouinard et Fanning. Nous aimerions tous trois vous présenter notre mémoire.

Je tiens à préciser que M. Bowen étant absent, nous nous partagerons cette présentation à trois. Comme je le disais, nous parlerons tous les trois. M. Chouinard vous livrera sa partie en français.

Monsieur le président, le Comité des pêches et des océans et les médias ont entendu parler, depuis quelques mois, des problèmes du service des sciences au MPO par des scientifiques et des hauts fonctionnaires du ministère. Il en a, à nouveau, été question ici. Malgré tout le respect qu'il faut accorder à ceux qui ont exprimé leurs opinions, il convient de signaler qu'on n'a rien entendu de la part du groupe le plus touché, le groupe visé: les scientifiques du MPO.

Nous désirons, en faisant cette présentation, offrir une perspective différente de celle fournie par les chercheurs universitaires, par les représentants syndicaux et les hauts fonctionnaires scientifiques au sujet de l'avenir du MPO. Les points de vue de ces intervenants ne correspondent pas nécessairement aux nôtres.

Les cinq personnes mentionnées en en-tête de ce mémoire—dont trois vont participer à cette présentation—ne prétendent pas représenter l'ensemble des scientifiques du MPO, mais nous possédons beaucoup d'expérience pratique dans le domaine de la recherche scientifique et de l'évaluation des stocks de poisson, où nous travaillons activement depuis des années.

Avant que mes collègues examinent certaines des options susceptibles d'améliorer les services consultatifs scientifiques, j'aimerais souligner trois choses.

• 1000

D'abord, la qualité générale de la recherche scientifique effectuée par le MPO n'est pas remise en question. La plupart de nos collègues universitaires et scientifiques de l'étranger conviennent que les services consultatifs scientifiques dispensés par le MPO sont en général de grande qualité et qu'ils n'ont rien à envier à ceux des autres pays.

Deuxièmement, la science de l'évaluation des stocks de poisson évolue constamment et je suis certain que les membres du comité sont parfaitement au courant que celle-ci n'est pas aussi précise que d'autres sciences.

Les scientifiques du MPO font de leur mieux à partir des données qu'ils possèdent. Mais on s'est souvent rendu compte, grâce à de nouveaux éléments d'information et à de nouveaux éclairages, que les évaluations des stocks de poisson étaient imprécises dans le passé. Je crains—je suis même certain—que cela se répétera dans l'avenir. C'est pratiquement inévitable dans l'état actuel des connaissances technologiques, bien que de nouvelles formules, plus précises, soient régulièrement mises au point.

Enfin, je dirais que nous reconnaissons qu'il y a matière à amélioration dans la façon dont nous gérons et dispensons nos services consultatifs scientifiques. Nul doute que nous pouvons faire mieux, mais nous réfutons les allégations de ceux qui jugent que le MPO souffre de déficiences structurales, que le système est vicié à la base et qu'une cure radicale s'impose. Nous croyons plutôt que l'amélioration des conseils scientifiques que nous dispensons passe par la bonification, le perfectionnement et la plus grande transparence du système scientifique actuellement en place au ministère.

Ghislain.

[Français]

M. Ghislain Chouinard (chef, Section du sud du golfe du Saint-Laurent, Division des poissons marins, Centre des pêches du golfe, ministère des Pêches et des Océans): Bonjour, monsieur le président.

Je m'appelle Ghislain Chouinard. Je suis biologiste à Pêches et Océans, plus précisément au Centre des pêches du golfe à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Je m'occupe de la section qui effectue des travaux scientifiques sur les populations de poisson marin dans le sud du golfe du Saint-Laurent.

Pour ma part, je voudrais discuter de certaines des options qui ont été proposées à votre comité pour améliorer la remise des informations scientifiques, tant au ministre des Pêches et Océans qu'au public en général.

Premièrement, on a déjà proposé qu'un tsar des sciences soit nommé pour interpréter et communiquer les informations scientifiques au ministre des Pêches et Océans. Nous ne pensons pas que cela soit nécessaire puisque, d'une part, on ajouterait un autre niveau bureaucratique sans toutefois garantir la transparence du système et que, d'autre part, les informations scientifiques relatives au poisson de fond sont actuellement interprétées et communiquées au ministre par le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, un conseil indépendant formé d'universitaires et de gens de l'industrie. Nous ne pensons pas qu'un autre conseiller soit nécessaire. Finalement, les réunions d'évaluation des stocks sont présentement ouvertes aux représentants de l'industrie, aux universitaires et même au public en général. L'information se retrouve aussi dans les documents publics. D'après nous, rien n'empêche donc les intervenants de présenter des perspectives différentes au ministre des Pêches et Océans.

La deuxième question qui a été soulevée à maintes reprises est la suivante: est-ce que les activités scientifiques devraient être retirées du MPO et placées dans une agence indépendante? Nous pensons aussi qu'un tel système ne serait pas avantageux, et même qu'un système de ce genre aurait des inconvénients certains.

Premièrement, un organisme indépendant recevrait vraisemblablement un financement global. Des fonds lui seraient versés sans condition afin d'assurer l'indépendance cet organisme. Nous pensons qu'un tel système pourrait conduire à des travaux scientifiques principalement dominés par la curiosité et pas très pertinents aux problèmes des pêches.

En deuxième lieu, présentement, les scientifiques qui font les travaux fondamentaux comme l'océanographie et ceux qui font de la recherche appliquée comme celle des évaluations des stocks bénéficient d'une interaction au sein du ministère, à la fois entre eux et avec d'autres employés du ministère, dont les gestionnaires. Dans un organisme indépendant, ces liens pourraient être fortement affectés, surtout si l'une ou l'autre des recherches était principalement appuyée. De plus, une interaction avec les autres parties du MPO serait probablement plus difficile.

Troisièmement, dans les périodes où l'économie canadienne serait en difficulté, il serait plus facile de sabrer dans les fonds alloués à un organisme indépendant. Nous pensons que la recherche scientifique en pêche en souffrirait.

• 1005

De façon plus significative, il nous semble peu probable qu'une agence indépendante puisse fournir de façon rapide l'information au ministre des Pêches et des Océans afin d'agir sur des dossiers urgents. On n'a qu'à penser à la découverte d'acide domoïque dans les moules, qui avait créé un problème de santé publique majeur il y a une dizaine d'années. Le ministre doit pouvoir diriger des efforts de recherche ou des problèmes de ce genre afin de remplir ses fonctions efficacement.

Finalement, nous pensons que si cette agence, comme on l'a proposé, était responsable de tous les dossiers scientifiques au gouvernement fédéral, il serait peu probable que la recherche sur les pêches reçoive l'attention qui lui est très nécessaire, comme vous le savez très bien.

Alors, je céderai la parole à mon collègue Paul Fanning de l'Institut océanographique de Bedford.

[Traduction]

M. Paul Fanning (biologiste, Institut d'océanographie Bedford, ministère des Pêches et Océans): Je me propose d'aborder une autre question, que nous voulons vous soumettre: comment concilier les mandats confiés au MPO concernant les nouveaux travaux de recherche scientifique à effectuer dans le domaine des pêches et des écosystèmes, et les services ordinaires de consultation scientifique qui doivent être dispensés à l'égard de la gestion des pêches et des questions connexes, comme l'évaluation des stocks de poisson?

Nous estimons important de maintenir un effectif scientifique équilibré comprenant des chercheurs chargés principalement de découvrir des nouveautés, travaillant en collaboration avec des scientifiques situés à un autre niveau et chargés de l'application et du développement des méthodes scientifiques destinées à répondre à des besoins précis à court et à long terme.

Habituellement, les universités et organismes de recherche non gouvernementaux n'encouragent pas les travaux scientifiques non destinés à la publication, ceux concernant par exemple l'évaluation des stocks de poisson et les activités de surveillance océanographique. En revanche, les services scientifiques du MPO accordent une place importante à ces travaux. Autre élément non négligeable, en plus d'être utile comme source de données à jour sur les stocks de poisson, le système ordinaire de surveillance et d'évaluation permet d'accumuler des données sur une longue période, lesquelles peuvent être analysées sous un angle nouveau par les chercheurs du MPO et d'autres intervenants afin de dégager les tendances à long terme touchant à l'écosystème et à l'environnement.

Le service des sciences du MPO travaille actuellement de concert avec les instances non scientifiques du ministère, comme les gestionnaires des pêches, les responsables de l'exécution et les observateurs internationaux. Grâce à ces liens professionnels, la science conserve sa pertinence, car il en est régulièrement question dans les dossiers importants pour l'industrie et le grand public. En revanche, l'isolement de la science à l'intérieur d'un organisme distinct ne ferait qu'affaiblir cette collaboration entre les différents groupes.

Récemment, les services scientifiques du MPO ont mis au point des programmes scientifiques en collaboration avec des pêcheurs—par exemple, la Société de recherche des pêcheurs et des scientifiques, les inspections-Sentinel et d'autres enquêtes de l'industrie—pour aider à comprendre les aspects scientifiques touchant aux stocks de poisson. Ces programmes sont analogues à d'autres programmes de surveillance scientifique, c'est-à-dire qu'ils requièrent des frais généraux élevés et beaucoup de temps, et qu'ils ne rapportent qu'occasionnellement des gains scientifiques décisifs, comme des publications de premier plan. Dans ce contexte, il est peu probable que des organismes indépendants ou des universités conservent des programmes généraux de surveillance et de collaboration scientifiques.

Steve.

M. Steve Campana: Monsieur le président, je vais résumer brièvement notre intervention. Les scientifiques du MPO ont pour objectif de dispenser des services d'information et de consultation scientifiques de première qualité au ministre et à la population. Nous estimons qu'il n'y a aucune raison de croire que la qualité de ces services de consultation scientifique serait améliorée si un organisme scientifique indépendant était appelé à faire ce travail, ou si celui-ci était interprété par une branche de la science.

Quoi qu'il en soit, il y a toujours place pour l'amélioration dans la façon dont la science est exécutée au sein du MPO. Ainsi, d'un point de vue scientifique—je dois dire ici que nous n'avons pas consulté l'administration du MPO—, voici ce que nous suggérons.

D'abord, j'estime qu'il est nécessaire, pour profiter de nouvelles idées, d'apporter du sang neuf. L'effectif scientifique en place au ministère vieillit, et on a engagé que très peu de nouveaux scientifiques au cours des 15 dernières années. Le recrutement de jeunes, enthousiastes, aiderait le service des sciences du MPO à demeurer à la fine pointe du domaine.

Deuxièmement, nous recommandons d'apporter des modifications à la structure de financement, au sein du ministère, de manière à offrir une certaine garantie de financement pluriannuel pour les meilleurs travaux de recherche. À l'heure actuelle, chaque projet de recherche doit être financé année après année, même s'il est bien amorcé, très pertinent et qu'il a atteint ses objectifs. Pour nous, cela est improductif et inefficace, sans compter que d'importants projets de recherche à long terme risquent de prendre fin prématurément.

Troisièmement, il faut améliorer la visibilité du service des sciences du MPO. Comme scientifiques, nous acceptons et convenons que le ministre doit concilier des objectifs scientifiques de conservation des stocks avec la réalité socio-économique. Cependant, les fondements des décisions prises par le ministère ne sont pas toujours expliqués clairement aux scientifiques et à la population. Si cette information était mieux transmise, peut-être les gens verraient-ils moins de distorsions scientifiques là où il n'y en a pas.

• 1010

Pour terminer, nous recommandons de mieux expliquer à la population que, comme pour les sondages d'opinion, les prévisions météorologiques ou les prévisions financières, il y a une marge d'erreur dans les évaluations des stocks. La reconnaissance du niveau de certitude des évaluations est aussi importante que les évaluations elles-mêmes.

En terminant, monsieur le président, nous tenons à vous remercier ainsi que le comité de nous avoir donné la possibilité d'exprimer notre point de vue.

Le président: Merci, monsieur Steve Campana, scientifique en recherche à l'Institut d'océanographie Bedford.

Nous allons maintenant passer aux questions des députés. J'ai en tête de liste M. Duncan, suivi de MM. Provenzano, Stoffer, Easter et Matthews.

Nous allons donc commencer par le Parti réformiste du Canada. Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Merci, monsieur le président.

Merci pour vos exposés. Nous estimons que la chose la plus importante que nous ayons à faire ici consiste plus à exposer le problème qu'à trouver des solutions, à supposer qu'on connaisse effectivement quel est le problème. On a beaucoup parlé des différentes façons de permettre aux scientifiques du ministère des Pêches et Océans d'être indépendants.

À la lecture de vos témoignages et après avoir entendu vos exposés, je me suis souvenu qu'il n'y a pas que dans le domaine des sciences qu'on s'est heurté à de graves problèmes de personnalité au sein du ministère des Pêches et Océans. Nous avons eu affaire à l'interférence d'un sous-ministre en matière d'application des règlements. En effet, des mois de travail policier dans un cas de braconnage d'envergure, ont été gâchés au dernier moment par le sous-ministre responsable, qui a commencé par interdire l'opération avant de déterminer qu'il fallait effectivement la mener à terme. Tout cela est conforme avec l'impression qu'ont les gens au courant de dossier des pêches sur la côte Ouest. On savait que ce genre de choses se produisaient, mais il était difficile de les étayer.

À propos de la recherche, on a entendu souvent les noms des mêmes personnes, comme Parsons et Doubleday. Certains décident du programme de la garde côtière et il y a ceux qui poursuivent des objectifs personnels obtus, de ministre en ministre, relativement à la désaffectation des phares malgré la façon dont la population voudrait que son argent soit dépensé. Mais peu importe, les bureaucrates poursuivent leur train.

Je me demande si nous ne devrions pas nous interroger quant à l'obligation de la fonction publique de rendre des comptes, pour pouvoir apporter les changements grâce auxquels les gens n'auront plus à subir ce qu'on nous a décrit comme étant le secret des données et des actes d'intimidation. Je trouve absolument inacceptable que des hauts fonctionnaires entreprennent des poursuites juridiques.

Je vais d'ailleurs poser quelques questions spécifiques sur ce sujet à M. Myers. Il semble nous dire que tout cela a débuté en 1986, sept ans après que la Commission sur la recherche halieutique, une commission indépendante, a été démantelée. Il a peut-être fallu sept ans pour que cette culture de la personnalité prenne le dessus.

L'autre question que je veux poser à M. Myers concerne un constat que j'ai fait: il semble que ces problèmes dus à la bureaucratie—qu'il s'agisse de censure ou de manoeuvres d'intimidation ou encore de manipulation politique des initiatives du MPO—, se soient aggravés dans l'année ayant précédé les élections. En 1987, un an avant les élections de 1988... Pour ce qui est de la côte Est, certaines des annonces concernant les pêches faites par M. Mifflin obéissaient, quant à moi, entièrement à des motifs politiques. Partagez-vous mon avis?

• 1015

M. Ransom Myers: Il y a certes des problèmes de personnalité, qu'on attribue très souvent à MM. Parsons et Doubleday.

Mais, quant à moi, il s'agit beaucoup plus d'un problème de structure. Si vous parvenez à vous débarrasser de ces deux personnes—qui pourraient faire du bon travail dans les bonnes circonstances; ce ne sont pas forcément de mauvaises personnes—, il y aurait d'autres bureaucrates à Ottawa qui prendraient leur place pour répéter tout ce qu'ils ont fait. Il y a, en coulisse, des gens qui attendent de les remplacer. Personnellement, j'estime que le problème va au-delà des conflits de personnalité. Ces deux personnes ont peut-être aggravé la situation, mais il y en a qui pourrait les remplacer et faire encore pire qu'elles.

Tout cela est-il dû à une année d'élection? C'est la question que vous posiez? Peut-être, un peu, dans le cas des intimidations, mais je ne crois pas que cela joue beaucoup dans l'interaction entre le politique et le scientifique.

M. John Duncan: J'apprécie tout particulièrement votre première réponse, parce que c'est aussi ce que je pense. On change de sous-ministres, mais on retrouve les mêmes initiatives. C'est un peu comme si les visages, seuls, changeaient, et qu'on ait affaire aux mêmes personnalités.

Je commence à remettre en doute ce que je croyais, autrement dit qu'on pourrait réaliser l'indépendance en mettant sur pied un organisme distinct. Existe-t-il une façon de rendre les gens responsables au sein d'une organisation? Par exemple, que précise, actuellement, les descriptions d'emploi des scientifiques relativement aux relations avec les médias? Les scientifiques doivent-ils obtenir une autorisation avant de rencontrer les médias, ou est-ce qu'un scientifique peut rencontrer la presse sans sortir des paramètres de sa description d'emploi? J'espère que les descriptions de poste précisent cela—comme dans tout organisme éclairé—, mais je soupçonne que tel ne soit pas le cas.

M. Ransom Myers: Si le sujet abordé n'est pas controversé, les scientifiques peuvent se confier aux médias. Il arrive que des porte-parole scientifique d'Ottawa ne comprennent rien aux dossiers dont ils parlent, ou que les données dont ils disposent soient fausses, ce qui a pour résultat de tromper le public, sciemment ou par inadvertance.

Mais en général, on ne peut pas parler de façon responsable avec les médias. On craint que le public ne reçoive des messages confus. Je pense que le public canadien est conscient qu'il existe des différences d'opinion, et il ne s'attend pas à ce que tous les scientifiques s'entendent sur absolument tout. Il faudrait que cela change. Il a fallu cinq ans après l'effondrement des stocks de morue pour que la vérité sur la morue éclate... Cinq ans! C'est inacceptable.

Le président: Pour les cinq dernières minutes de M. Duncan, M. Histrion veut poser une question.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): J'adresse ma question à Paul Fanning. Je veux parler des scientifiques actuellement employés par le ministère. Il s'agit certainement d'employés à temps plein. J'aimerais savoir combien vous en avez.

L'une des solutions que vous envisagez est de faire venir du sang neuf. Pourquoi du sang neuf? Le personnel actuel ne fait-il pas du bon travail, est-il devenu incompétent? Que pensez-vous de cela?

• 1020

M. Paul Fanning: Vous m'adressez cette question à moi, mais cette partie a été lue par M. Campana.

Si l'on réclame du sang neuf, c'est tout simplement que tout organisme a besoin de renouveler continuellement son personnel. Nous ne suggérons pas que les gens sont moins compétents qu'avant. Nous avons besoin de plus de personnel. Les effectifs ont été réduits. Il est temps de commencer à rebâtir le secteur des sciences.

En outre, un grand nombre des gens en place vont bientôt prendre leur retraite. Donc, les gens actuellement en poste seront bientôt partis pour toujours.

Le président: Merci, monsieur Fanning.

Nous allons maintenant passer la parole à M. Carmen Provenzano, de l'Ontario.

M. Carmen Provenzano: Monsieur le président, ma question va s'adresser à M. Myers.

Monsieur Myers, j'ai lu avec grand intérêt votre paragraphe sur l'adoption de politiques de pêche essentiellement sûres. À ce sujet, vous dites:

    Dans les Grands bancs de Terre-Neuve, on a pêché de façon sûre et durable pendant 500 ans, sans le ministère des Pêches et Océans. Nous pouvons adopter une stratégie de pêche semblable, mais plus moderne, n'exigeant pas une estimation précise de l'abondance de poissons.

Monsieur Myers, vous avez commencé par utilement qualifier les choses pour notre comité. Nous sommes effectivement intéressés à faire le tri parmi les faits. Il n'y a que sur cela que nous puissions nous appuyer pour formuler nos recommandations. Vous avez indiqué que vos déclarations sur les pêches se répartissent en trois catégories: celles concernant la bureaucratie, celles concernant le politique et celles concernant les données scientifiques.

Dans quelle catégorie placeriez-vous cette autre déclaration, monsieur Myers: «Nous pouvons adopter une stratégie de pêche semblable, mais plus moderne, n'exigeant pas une estimation précise de l'abondance»?

M. Ransom Myers: Dans le cas de certaines ressources halieutiques, je dirais que cela relève presque d'un énoncé scientifique. C'est comme cela qu'on gère les pêches au homard. Nous ne savons pas combien il y a de homards au fond de l'océan et notre système de gestion n'exige pas qu'on les dénombre. Nous utilisons simplement des trappes. S'ils sont trop petits, nous les relâchons. Nous ne gardons que les plus gros. On fait cela pour leur permettre de se reproduire. Ainsi, il n'est pas nécessaire de savoir combien de homards il y a dans l'océan. Il n'y a pas besoin d'envoyer des bateaux pour les dénombrer. La technologie est très simple, il suffit de gérer des trappes.

On pourrait faire la même chose pour la plupart des stocks de poisson. Voilà, je pense, le genre d'orientation que doit adopter la recherche, pour que notre système de gestion soit le plus simple possible et n'exige pas une énorme administration et une lourde réglementation.

Je pourrais vous fournir plus de détails à ce sujet, si vous le désirez.

M. Carmen Provenzano: Monsieur Myers, dois-je comprendre, d'après cette déclaration, que vous sous-entendez que nous pourrions nous passer du MPO et que les choses pourraient s'autoréglementer?

M. Ransom Myers: Je ne veux pas parler d'autoréglementation. Ce que je veux dire, par exemple, c'est que si l'on pêche la morue à lÂhameçon, selon la technique traditionnelle, ce qui est possible mais pas toujours, et qu'on ne garde que les morues ayant frayé, il n'est plus nécessaire de dénombrer le poisson. Il faut simplement réglementer la taille des hameçons. Il n'est pas nécessaire non plus de réglementer le nombre de pêcheurs ni leur nombre de prises.

Il y a donc des situations où la bureaucratie n'est pas nécessaire. Ce n'est pas toujours vrai, mais ça l'est parfois. Et quand cela est possible, nous devrions en profiter. Nous devrions essayer de réduire au minimum la bureaucratie et les règlements, plutôt que de les augmenter à outrance.

M. Carmen Provenzano: Monsieur Myers, dans un dépliant que fait circuler l'Association Cash Canadians Against the Commercial Seal Hunt, on peut lire une déclaration qui vous est attribuée. Apparemment, vous auriez dit:

    Ce qu'il advient des stocks de poisson le long de la côte Est n'a rien à voir avec l'environnement, rien à voir avec les phoques, c'est un simple problème de surpêche.

Monsieur Myers, encore une fois, comment qualifieriez-vous cette déclaration: de politique, d'administrative ou de scientifique?

M. Ransom Myers: En fait, dans la citation exacte, il est dit que les «catégories» de stocks de morue n'ont rien à voir avec la pêche.

En science, on ne parle pas des choses de façon générale. On s'exprime en termes de preuves scientifiques. Les études conduites dans l'est du Canada montraient qu'il y avait énormément de jeunes poissons qu'on aurait pu pêcher dans les années où est survenu l'effondrement du stock. Ils ne sont pas parvenus à maturité parce qu'on les a pris avant, et la plupart d'entre eux ont d'ailleurs été rejetés à la mer.

• 1025

Cette déclaration est conforme aux données scientifiques que je possède. Cela ne veut pas dire que l'eau froide n'a pas d'influence sur le nombre ou sur la taille des morues, ni que les phoques n'ont pas d'influence sur la population de ce poisson. Ces facteurs ne sont simplement pas la cause de l'effondrement.

M. Carmen Provenzano: Monsieur Myers, j'ai cru comprendre que vous avez été scientifique au MPO, à un moment donné de votre carrière, n'est-ce pas?

M. Ransom Myers: Oui.

M. Carmen Provenzano: Quand?

M. Ransom Myers: J'ai quitté le ministère en avril de cette année.

M. Carmen Provenzano: Et la situation que vous décrivez existait-elle au MPO quand vous y travailliez?

M. Ransom Myers: J'ai puisé la plupart des problèmes que je vous ai présentés dans ma propre expérience.

M. Carmen Provenzano: À qui en avez-vous parlé, monsieur Myers? Avec qui communiquiez-vous quand vous étiez chercheur au MPO? À qui avez-vous parlé de ces situations?

M. Ransom Myers: Je n'avais pas pour habitude de me plaindre, mais de faire les choses malgré tout. J'ai effectué des recherches bien que mon superviseur direct ait été harcelé par les gratte-papier d'Ottawa. J'ai essayé de faire de mon mieux, malgré eux. Je ne voyais aucune façon de changer le système de l'intérieur.

M. Carmen Provenzano: J'ai une dernière question à vous poser, monsieur Myers. Vous dites que vous avez quitté le ministère en avril de cette année?

M. Ransom Myers: Oui.

M. Carmen Provenzano: Aviez-vous prévu l'effondrement des stocks de morue quand vous travailliez encore au ministère?

M. Ransom Myers: L'année où cela s'est produit, je ne m'attendais pas, pas plus que les autres scientifiques que je connais, à ce que l'effondrement soit d'une telle ampleur. Encore et toujours, les scientifiques avaient recommandé qu'on réduise les quotas. Cela est consigné dans tous les documents scientifiques. Mais personne n'avait prévu l'ampleur du problème. Aucun scientifique que je connaisse n'a prévu l'ampleur de l'effondrement.

M. Carmen Provenzano: Vous dites que c'était en avril de cette année, monsieur Myers?

M. Ransom Myers: Oui.

M. Carmen Provenzano: Monsieur Myers, affirmez-vous qu'il a transpiré une certaine information, après avril de cette année, qui aurait dû être suffisante pour inciter le MPO à vouloir modifier ses prévisions ou à réagir d'une autre façon.

M. Ransom Myers: Vous parlez de ce qui s'est produit dans les années 80? Ce qui s'est produit dans les années 80 aurait pu être évité si l'on avait analysé les données scientifiques. Or, on a occulté ces données. Par exemple, on ne m'a pas autorisé à analyser les données sur le marquage. Il est extrêmement difficile de travailler dans une situation où l'on est sans cesse soumis à des pressions.

Le système ne peut prévoir d'avance quelles seront les bonnes réponses. Ce n'est pas possible. Aucun scientifique s'étant débattu dans ce système n'a trouvé plaisir à le faire. C'était extrêmement stressant.

M. Carmen Provenzano: Monsieur Myers, il est très important, pour ce comité, d'établir la différence entre la réalité et la fiction. Êtes-vous au courant de données scientifiques qui auraient été présentées comme étant de la fiction ou, à l'inverse, de données fictives qu'on aurait présentées comme étant des données scientifiques? Si vous avez entendu parler de cela, nous aimerions que vous nous en fassiez part, monsieur.

M. Ransom Myers: Je ne comprends pas bien la question. Je n'ai jamais présenté de la fiction scientifique. Je ne comprends pas votre question.

M. Carmen Provenzano: Eh bien, je crois savoir que vous avez pour le moins laissé entendre que le MPO a présenté certains faits soi-disant scientifiques alors qu'ils n'étaient que fiction ou, au contraire, a fait passer pour fictives des informations scientifiques.

M. Ransom Myers: Ah! je vois. Eh bien, les hauts fonctionnaires se trouvent essentiellement à vous mentir, à mentir aux députés, à mentir au public. Quand on songe, par exemple, aux déclarations d'Ottawa au sujet de la réouverture de la pêche et des raisons de l'effondrement des stocks de morue, personnellement, j'estime que c'est de la science fiction. Rien de tout cela n'était fondé sur des analyses scientifiques.

Quand on travaille pour le ministère, il faut des années de recherche pour contredire ce genre d'affirmation. Ce n'est pas le genre de système qui peut, à court terme, déboucher sur une saine gestion de la ressource, ni sur des solutions rapides, surtout quand on est menacé de se faire renvoyer si les résultats auxquels on parvient ne sont pas conformes aux politiques établies par les bureaucrates d'Ottawa. Le rôle attribué au phoque dans l'effondrement des stocks de poisson découlait de la politique du MPO, laquelle, à l'époque où elle a été annoncée, n'était fondée sur rien. Les prévisions relatives à l'effondrement des stocks de morue étaient fondées sur des méthodes que l'on savait erronées à l'époque.

• 1030

M. Carmen Provenzano: Dans le document soumis par M. Steven Campana et les autres, on peut lire que:

    [...] la science de l'évaluation des stocks de poisson évolue constamment et n'est pas aussi précise que d'autres sciences. Les scientifiques du MPO font de leur mieux avec les données qu'ils possèdent.

Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?

M. Ransom Myers: Il est vrai que les scientifiques, à leur niveau, font généralement de leur mieux en fonction des données dont ils disposent; mais on ne leur permet pas d'analyser certaines informations et certains scientifiques sont simplement intimidés par cela ou n'ont pas l'autorisation de présenter les résultats de leurs recherches au CCPFA, par exemple.

Quand j'étais au MPO, j'aurais dû me battre avec plus de vigueur, et les nombreux autres scientifiques du ministère auraient dû faire la même chose, pour éviter l'effondrement des stocks de morue. Je suis coupable et je pense que bien d'autres sont coupables également.

Le président: Merci, monsieur Myers et monsieur Provenzano.

Nous allons maintenant donner la parole au Nouveau Parti démocratique, à M. Peter Stoffer, de la Nouvelle-Écosse.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président. Une première question me vient à l'esprit, messieurs Campana, Fanning et Chouinard. Depuis combien d'années êtes-vous au MPO?

M. Steve Campana: Quinze ans.

M. Paul Fanning: Quatorze ans.

M. Ghislain Chouinard: Dix-huit ans.

M. Peter Stoffer: Merci. Ma question s'adresse à MM. Campana et Fanning, qui travaillent à l'Institut Bedford. Comment qualifieriez-vous du moral dans cet institut aujourd'hui?

M. Steve Campana: Certainement pas aussi élevé qu'il pourrait l'être.

M. Peter Stoffer: Merci. Je dois dire que vos déclarations me rappellent celles de certains scientifiques qui, soit dit en passant, travaillent pour les champs de pétrole de l'Alberta et qui prétendent que la population de la planète n'a rien à craindre du réchauffement global.

Je suis en désaccord avec presque tout ce que vous avez dit. M. Fanning a dit qu'il était temps de faire venir du sang neuf, d'embaucher de nouveaux scientifiques. Eh bien, je puis vous assurer que si j'étais scientifique récemment diplômé de l'université, le MPO serait le dernier endroit où j'enverrais mon curriculum vitae.

J'ai lu des tonnes de lettres et M. Myers nous a donné un exemplaire d'une lettre adressée à M. Eric Mills, professeur au département d'océanographie, signée par Scott Parsons. Si ce n'est pas de l'intimidation, je n'y comprends rien.

Aux dernières nouvelles, nous sommes en démocratie et j'estime que les contribuables canadiens ont le droit d'avoir accès aux informations des scientifiques, que c'est pour nous un devoir et une obligation, et qu'ils n'ont pas à se contenter des renseignements fournis par les gratte-papier du MPO.

Monsieur Chouinard, vous avez dit que le grand public avait accès à l'information, mais je puis vous assurer que les renseignements que la population pourrait obtenir des scientifiques seraient très différents de ceux communiqués par les bureaucrates du MPO.

Nous avons des tonnes de renseignements montrant que tout ce qu'a dit M. Myers est exact. Les renseignements communiqués par les scientifiques à Ottawa ont, d'une façon ou d'une autre, été filtrés ou modifiés et ensuite envoyés de différentes façons à différentes personnes, de sorte que les renseignements qu'a reçus le ministre sont différents de ceux qui avaient été émis au départ.

Messieurs, je puis vous garantir que, quand on n'a pas accès aux renseignements, cela revient à manipuler les faits. Jusqu'ici, six scientifiques nous en ont parlé et nous en avons encore bien d'autres qui vont confirmer les dires de M. Myers et ceux de M. Jeff Hutchings qui était ici la semaine dernière.

Ma question s'inscrit en prolongement de celle posée par M. Provenzano qui voulait savoir si les renseignements fournis par M. Myers sont fondés. Je l'invite simplement à relire les lettres que nous avons reçues à propos des tactiques d'intimidation qui ont actuellement cours au MPO.

Vous disiez qu'il fallait engager de jeunes scientifiques. Eh bien je commencerai par les hauts échelons du MPO pour redescendre la chaîne hiérarchique, et ainsi nettoyer toute la maison. J'en ai assez d'entendre parler des Scott Parsons et Doubleday. J'estime que nous devrions commencer par eux et redescendre la liste. Je suis entièrement d'accord avec le fait que la science devrait être indépendante du MPO.

• 1035

Ma question s'adresse à M. Fanning. Vous savez, tout aussi bien que moi, qu'il faut énormément de temps à la science pour parvenir à des conclusions. En fait, il arrive qu'on ne parvienne jamais au coeur d'une question, parce que la recherche nécessite énormément de temps.

Pensez-vous vraiment, monsieur, qu'en faisant venir du sang neuf de la rue, en engageant de jeunes diplômés d'université, vous allez aider les pêcheurs de Terre-Neuve, et surtout ceux du Labrador, de Nouvelle-Écosse, du Québec et de l'Île-du-Prince-Édouard? Il faudra énormément de temps à ces gens-là pour conduire leurs recherches et en publier les résultats. J'estime qu'il y a déjà suffisamment de chercheurs, ici, maintenant, comme MM. Myers, Jeff Hutchings, Paul Brody, Trevor Kenchington et bien d'autres, qui pourraient très bien faire le travail à partir des données dont ils disposent. Qu'est-ce qui vous fait penser que du sang neuf vous permettra de sauver nos stocks de poisson et d'obtenir les données dont nous avons besoin?

M. Paul Fanning: Vous avez vous-même en partie répondu à votre question. L'une des raisons pour lesquelles il est important d'intégrer des jeunes dans les structures et les processus scientifiques maintenant, c'est que nous aurons vraiment besoin d'eux dans quelques années, quand leur travail commencera à porter fruit. Nous devons nous montrer prévoyants et commencer, dès aujourd'hui, à bâtir les effectifs scientifiques qui guideront le domaine des pêches demain.

M. Peter Stoffer: Mais vous conviendrez, avec moi, que nous devrions mettre à profit l'expérience et les connaissances des scientifiques qui sont là?

M. Paul Fanning: Absolument.

Le président: Monsieur le secrétaire parlementaire, député de l'Île-du-Prince-Édouard, M. Wayne Easter.

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président. En général, après coup, on met toujours dans le mille, mais dans le dossier dont est saisi le Comité des pêches, de toute évidence nous ne mettons même pas dans le mille après coup.

Avant de commencer, monsieur le président, j'aimerais bien que M. Stoffer dépose au comité les tonnes d'informations qu'il dit posséder sur ce dossier. J'aimerais bien jeter un coup d'oeil sur tout cela.

M. Peter Stoffer: Bien sûr; je vais vous les amener.

M. Wayne Easter: L'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés c'est que nous avons affaire à une personne qui remet légitimement en question l'exactitude d'un point de vue scientifique, en regard d'un autre point de vue. Peut-être que celui qui pose les questions estime qu'elles sont légitimes, alors que celui qui se les fait poser y voit une manoeuvre d'intimidation. C'est là, je pense, un des problèmes auxquels nous nous heurtons.

Mais je ne veux pas que nous parlions du passé. Je veux savoir ce que vous envisagez pour l'avenir, quant à la façon de gérer le MPO pour que la dimension scientifique soit indépendante du reste et que les travaux scientifiques soient précis, du moins dans la limite des capacités des scientifiques. Carmen, je crois, a soulevé tout à l'heure la question en disant qu'à l'heure actuelle les sciences des pêches ne sont pas parfaites, ce que nous admettons tous, je pense. Mais comment progresser, comment mieux gérer le système, pour en arriver à de meilleures politiques du point de vue du gouvernement, axées sur l'état actuel des connaissances en science, pour que les travaux scientifiques soient les plus honnêtes et les plus ouverts possible? Me réponde qui pourra.

Mais quand on y pense bien, je pense que j'aurais une question pour M. Myers.

Vous dites qu'on ne vous a pas permis d'analyser les données de marquage. Selon moi, puisque vous êtes scientifique, vous devriez pouvoir analyser toute donnée scientifique disponible. J'aimerais savoir pourquoi, selon vous, on ne vous a pas permis d'analyser cette information.

M. Ransom Myers: S'agissant des raisons pour lesquelles toutes ces données ont été gardées secrètes—et là encore, je ne fais que spéculer sur les motifs des personnes concernées—, je pense que le principal intéressé voulait faire les travaux lui-même, ce qu'il n'a jamais fait. C'était en 1987-1988. C'est à cette époque qu'il aurait fallu prendre des mesures. Il voulait tout garder pour lui, bien qu'il n'ait recueilli aucune de ces données.

• 1040

La politique actuelle permet que cela se perpétue. Il faudrait que quelqu'un la conteste, quand les données, surtout les données historiques, ne sont pas recueillies par l'individu... Tout le monde devrait pouvoir y avoir accès pour les analyser et les vérifier. La science est caractérisée par son ouverture. Ce n'est certainement pas ce qui se passe au MPO.

M. Wayne Easter: Monsieur le président, je vais revenir sur ma première question. Comment peut-on gérer ce système? Comment peut-on le structurer de façon à pouvoir prendre des décisions appropriées fondées sur ce que nous estimons être des données précises et une science légitime? J'aimerais entendre la réponse du plus grand nombre possible de témoins.

Je sais que nous nous interrogeons à ce sujet. Certains ont parlé des «autocrates scientifiques». Il est un fait qu'au bout d'un certain temps, les systèmes bureaucratiques viennent à n'en faire qu'à leur tête, sans forcément de lien avec la politique. La bureaucratie d'Ottawa m'inquiète. Parfois, j'ai l'impression que nous vivons sous un régime de bureaucratie dictatoriale, et peut importe de quelle bureaucratie il s'agit. Évidemment, si vous mettez en place un autocrate scientifique, vous créez un nouvel appareil bureaucratique. Nous avons vu cela dans le cas des offices de producteurs agricoles. Nous l'avons vu partout.

Voilà où je veux en venir. Sur la scène politique, dans laquelle nous évoluons, comment peut-on administrer un ministère de sorte qu'il puisse prendre les décisions appropriées fondées sur ce que nous croyons être de bonnes analyses scientifiques?

Le président: J'invite les témoins qui le désirent à répondre à la question de M. Easter ou à formuler leurs remarques.

M. Ransom Myers: Je vais essayer d'y répondre. Je suis d'accord. En général, la question est de savoir comment contrôler une bureaucratie qui n'en fait qu'à sa tête. Dans ce cas, le mieux consisterait à avoir recours à un organisme d'examen indépendant, relevant éventuellement du vérificateur général, et qui ne ferait pas que survoler les analyses—parce que cela ne suffit pas—, mais qui conduirait des analyses indépendantes et qui serait indépendant du ministère des Pêches et Océans. Je pense qu'une solution consisterait à mettre sur pied un tel organe, relevant directement du vérificateur général lequel rendrait compte au Parlement, organe qui échapperait à la maîtrise du MPO.

L'autre solution consiste à adopter des politiques solides. Il faut insister sur la notion d'ouverture et intimer aux ronds-de-cuir de ne pas intimider les chercheurs. Croyez-moi, je sais, moi, quand on cherche à m'intimider. Quand vos recherches sont censurées, quand on vous menace de vous congédier et que vos supérieurs se font incendier par des gratte-papier fous de rage, on sait qu'on est la cible d'intimidations. Ça, je crois le savoir.

Une solution est donc de mettre sur pied un organe d'examen indépendant, en mesure d'effectuer des analyses indépendantes et ne relevant pas du MPO. Il pourrait relever du vérificateur général. On pourrait aussi établir des politiques très strictes sur l'indépendance de la science et sur l'interdiction d'intimider les chercheurs.

Le président: Merci, monsieur Myers.

D'autres témoins veulent-ils rajouter quelque chose à cela, relativement à la question de M. Easter?

M. Steve Campana: Monsieur le président, je pourrais peut-être en dire deux ou trois mots.

La perception et l'expérience de M. Myers sont considérablement différentes des miennes, et je pense qu'elles sont différentes de ce que connaissent la plupart des gens dans la région des Maritimes, où se trouve le groupe que je représente. Nous n'avons jamais subi ce genre d'intimidation ni de censure, relativement aux données ou aux informations scientifiques. D'ailleurs, dans le cadre de l'actuel processus d'évaluation des stocks, nous invitons des représentants des diverses industries de la pêche à venir s'asseoir sur un pied d'égalité avec nous pour discuter des données scientifiques; à cette occasion nous soumettons toutes les informations que nous avons, sans complaisance aucune. Ces représentants de pêcheurs et, bien sûr, les chercheurs universitaires, ont accès à certaines informations qui sont plus tard laissées de côté. Mais tout le monde a la possibilité de voir ces données et de décider de celles qu'il faut laisser tomber, parce qu'ils les jugent inappropriées.

Je ne peux commenter ce qu'a dit M. Myers sur ce qui s'est produit dans le passé, mais son expérience ne traduit pas la nôtre dans les Maritimes.

Le président: Merci, monsieur Campana.

Nous devons accélérer afin que tout le monde puisse poser une question. Monsieur Rocheleau, dans ce comité, le premier inscrit est le premier qui peut poser une question... Donc, d'après ma liste, nous allons entendre M. Matthews, avant de passer à vous, monsieur Rocheleau, puis à M. O'Brien et, enfin, à Mme Leung.

• 1045

M. Bill Matthews: Merci, monsieur le président. Je vais d'abord adresser ma question et mes commentaires à M. Myers.

Monsieur Myers, en page 4 de votre mémoire, au point 2.7, vous dites que dans certains cas bien documentés, des bureaucrates d'Ottawa ont altéré des conclusions scientifiques. Jusqu'à quel point, selon vous, ces documents ont-ils été modifiés par ces gens-là et avez-vous accès à ces cas documentés?

M. Ransom Myers: Oui. Je sais qu'on a altéré un document; c'était à la Section du sud du golfe du Saint-Laurent, qui a modifié une déclaration dans laquelle on affirmait que l'effondrement du stock de morue était dû à la surpêche et pas aux phoques. On a aussi exigé de modifier les évaluations du hareng à Terre-Neuve, pour qu'elles correspondent avec ce que le SMA tenait pour vrai. Je pourrais vous citer des noms. Surtout dans le premier cas, qui est très bien documenté et dont Jeff Hutchings parle dans son article.

Cela ne se produit pas tout le temps. Ça ne survient que quand les résultats des recherches ne correspondent pas à ce à quoi s'attendent les gratte-papier d'Ottawa. Et il n'est pas nécessaire que cela se produise souvent. Dans de telles circonstances, les documents adressés au CCRH et au Parlement ne font pas état des conclusions des scientifiques.

M. Bill Matthews: Merci. Monsieur Myers, j'aimerais que vous nous donniez votre avis ou nous fassiez un commentaire sur autre chose. Hier, le MPO a déposé un rapport dans lequel il déclare qu'il n'y a plus de poisson côtier à Terre-Neuve et au Labrador; les populations de stocks de la baie sont inexistantes. À l'occasion de nos audiences, nous avons appris que le milieu scientifique conduit des relevés acoustiques. Les pêcheurs qui ont témoigné devant nous, à Terre-Neuve et au Labrador, nous ont dit que dans les zones de pêche côtière, leurs zones de pêche traditionnelles, il y a plein de poissons. Cela étant, nous avons de la difficulté à nous faire une idée de la situation: y a-t-il ou n'y a-t-il pas du poisson?

Pourquoi les scientifiques du MPO ne sondent-ils pas les zones de pêche traditionnelles, plutôt que de conduire des relevés acoustiques en ligne droite, à partir de la côte sur plusieurs milles au large? S'il n'y a pas de poisson le long de ces axes, rien n'apparaît sur les écrans, mais comme on parcourt un demi-mille dans une direction ou une autre, il devrait y avoir des tonnes de poissons. Que pensez-vous de cela?

M. Ransom Myers: Je vais faire écho à ce les gens de la région de Terre-Neuve et du MPO ont dit à ce propos. Ils ont déclaré que le poisson est concentré de façon inégale. Ils n'ont pas dit qu'il n'y a pas de poisson, mais que celui-ci est réparti inégalement. On ne peut effectuer de campagne d'évaluation que s'il y a du poisson. À la façon dont on avait conçu la campagne, on voulait obtenir des évaluations absolues, mais on ne peut pas se contenter de sonder les zones où l'on estime qu'il y a probablement du poisson. Voilà la logique derrière la campagne. Mais une fois le levé aléatoire stratifié terminé, on peut toujours revenir sur certains endroits.

Malheureusement, à Terre-Neuve, le ministère des Pêches et Océans doit prendre des décisions très dures et il ne dispose pas de données particulièrement fiables. Tout cela est le résultat de plusieurs années d'obstruction des sciences.

M. Bill Matthews: Merci, monsieur Myers. Il est possible que je passe à côté de quelque chose, mais je crois que si vous effectuez des campagnes d'évaluation là où vous savez qu'il n'y a pas de poisson, il est certain que vous n'en trouverez pas. Voilà le problème que nous pose la communauté scientifique du MPO. On dirait que vous faites des évaluations là où il n'y a pas de poisson et que vous n'en faites pas là où les pêcheurs pêchent de façon traditionnelle depuis 500 ans et savent qu'il y a du poisson. Il y a quelque chose qui ne va vraiment pas.

Mais je ne veux pas m'étendre sur ce point. Je veux que nous passions aux autres témoins de ce matin, M. Campana, M. Chouinard et M. Fanning.

Messieurs, je ne puis m'empêcher de vous dire, après avoir lu et entendu votre présentation, qu'il ne manque plus que la signature des gens du MPO qui ont rédigé ces notes, parce que c'est bel et bien leurs notes.

• 1050

Peut-être était-ce Wayne Easter qui était en coulisse; il devait être là, en train de marmonner quelque chose en arrière, monsieur le président.

Monsieur Chouinard, vous avez dit qu'il n'y aurait pas d'avantages à ce que la branche scientifique du MPO soit détachée du ministère et vous nous avez parlé de tous les inconvénients que cela présenterait. Un peu plus tard, vous nous avez déclaré que dans une économie chancelante, un organisme indépendant du gouvernement serait une cible facile si l'on voulait réaliser des économies.

En quoi cela serait-il différent de ce à quoi nous avons assisté au cours des quatre ou cinq dernières années, à la fonction publique fédérale et au MPO? Votre budget a été réduit à une peau de chagrin. Il ne vous reste plus rien. Vous n'êtes plus en mesure d'effectuer des recherches et des travaux scientifiques satisfaisants, parce que vous n'avez plus d'argent.

Je trouve votre argument faible quand, pour essayer de défendre le statu quo, vous affirmez que la science ne devrait pas être indépendante du ministère, le nouvel organisme risquant, dans une économie chancelante, d'être une cible de choix pour des coupures budgétaires.

Qu'avez-vous à répondre à cela?

M. Ghislain Chouinard: Eh bien c'est précisément ce que nous craignons. C'est tout ce que je puis vous dire. Peut-être que les autres auront quelque chose à ajouter.

M. Bill Matthews: Personnellement, j'entrevois un gros problème. Le problème le plus grave, partout au Canada et surtout chez les pêcheurs et dans les régions de pêche, c'est que nous avons affaire à un manque total de confiance. Personne ne fait confiance à personne, ni dans les communautés de pêche, ni dans le grand public... On ne fait plus confiance au MPO et l'on ne fait certainement plus confiance à la branche scientifique du ministère. Nous devons réagir et faire en sorte que les gens aient de nouveau confiance dans le système.

J'estime que, sauf qui l'on parvient à conférer une certaine indépendance à la science et à détacher ce secteur du MPO, nous n'arriverons jamais à redonner confiance aux pêcheurs ni au grand public. Je ne vois pas pourquoi il y autant de résistance, parce que selon moi, les choses sont évidentes; on a fait la preuve qu'il y avait eu des tentatives d'intimidation et qu'il y a eu ingérence. Les avis qui sont transmis au CCRH, qui les communique par la suite au ministre, ne sont pas les mêmes que ceux transmis aux responsables de la branche scientifique du ministère.

Comment, selon vous, peut-on régler ce problème? Si les choses demeurent telles qu'elles sont, rien ne va s'améliorer et la méfiance ne fera que s'aggraver. Il faut faire quelque chose pour régler ce problème. Personnellement, je trouve que vous êtes en train d'essayer de défendre ce qui est indéfendable, ce qui est très honnête de votre part, d'ailleurs. Voilà ce que je pense.

Le président: Les témoins veulent-ils réagir à ce qu'a dit M. Matthews?

M. Ghislain Chouinard: En toute honnêteté, monsieur, les renseignements qui sont communiqués aux hauts fonctionnaires, comme vous le savez, sont ceux que nous dérivons de vos compagnes d'évaluation.

Par exemple, les résultats de la campagne d'évaluation dans le sud du golfe du Saint-Laurent ont été publiés il y a quelques semaines. En fait, c'est même plus vieux que cela, mais les médias s'en sont emparés il y a quelques semaines, parce que nous avions des rencontres avec les pêcheurs de la région. Je dois vous dire que des pêcheurs participent à nos campagnes d'évaluation, ils embarquent sur les bateaux comme observateurs, parce que nous essayons de les amener à avoir un peu plus confiance dans le système, comme vous l'avez si bien dit. Ça, je crois que nous pouvons le faire au sein du ministère. Si, comme le disait M. Myers plus tôt, nous voulons pratiquer l'ouverture, nous devons faire participer les pêcheurs, faire participer les gens d'où qu'ils soient, afin que nous puissions nous améliorer.

M. Bill Matthews: Merci beaucoup.

Je poserai une dernière question brève à M. Myers, monsieur le président.

Monsieur Myers, vous dites qu'en 1995, on vous a réprimandé et qu'on a menacé de vous congédier si vous publiiez les résultats de vos recherches dans le Globe and Mail. Qui vous a réprimandé et qui a menacé de vous congédier?

M. Ransom Myers: La réprimande est venue de mon directeur des sciences, mais c'était à la demande de Scott Parsons et Bill Doubleday. C'est Scott Parsons qui voulait me congédier, mais mon directeur des sciences a négocié une réprimande à la place.

Je dois dire que je connaissais parfaitement les conséquences de mon geste quand j'ai donné mon entrevue. Je ne me faisais aucune illusion. J'ai pu le faire parce que mon dossier était bien étayé, que je m'appuyais sur plusieurs documents scientifiques et que je pouvais obtenir facilement un emploi à l'extérieur du gouvernement.

Le président: Merci, monsieur Myers.

Monsieur Rocheleau.

• 1055

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, monsieur le président.

Monsieur Myers, au paragraphe 2.3 de la version française de votre mémoire, vous dites que pour Terre-Neuve, le ministère dispose de données de bien meilleure qualité pour les années 1700 et 1800 que pour les années 1980. Comment expliquez-vous cette situation?

[Traduction]

M. Ransom Myers: Quelque chose n'a pas fonctionné... Je parle ici des droits de prise le long des côtes. C'était un élément d'information déterminant qu'on n'a pas recueilli. Il y a eu des luttes intestines parmi les bureaucrates, entre la Direction générale des sciences et la Direction générale des statistiques, qui ont empêché la collecte de ces données. Finalement, on s'est retrouvé sans données sur les droits de prise pour la morue côtière, dans les baies, même si c'est une information cruciale. Voilà pourquoi nous ne pouvons interpréter les taux de prise que nous obtenons maintenant des pêches indicatrices. C'est le genre de données très banales à obtenir. Mais on ne l'a pas fait. Les fonctionnaires qui ont pris cette décision ont été promus et, maintenant, ils reçoivent de gros chèques de retraite.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Monsieur Myers, dans la version française du texte que j'ai, et dans le texte anglais que je comprends aussi, vous utilisez des mots très graves et d'une très grande portée. Vous parlez de camouflage d'information, d'intimidation, de chantage, de poursuites judiciaires, de menaces, etc. À quoi attribuez-vous ces agissements?

Est-ce que ça vient des fonctionnaires eux-mêmes, de leur propre chef? De fonctionnaires se sentant menacés par les chercheurs? De pressions technocratiques qu'ils recevraient? Seraient-ils les instruments d'autres? Est-ce que ça provient de pressions politiques émanant du ministère? Faudrait-il aussi avancer l'hypothèse d'interventions indues de l'extérieur, c'est-à-dire de ceux qui profitent de la surpêche ou qui en ont profité? Et carrément, est-ce qu'on peut penser que les entreprises qui ont fait de la surpêche peuvent avoir une influence indue sur le fonctionnement du ministère des Pêches et des Océans?

[Traduction]

M. Ransom Myers: Je peux vous parler de ce que je connais et je sais que la plupart des pressions émanaient des fonctionnaires d'Ottawa, et parfois des hauts fonctionnaires. Je ne sais pas quelle pression pouvaient exercer sur eux les entreprises privées. Je crois que la majorité de leurs décisions étaient destinées à cacher leurs erreurs passées. Quand FPI a-t-elle fait des déclarations publiques? Était-ce très important, pour elle, qu'on estime à la hausse l'abondance de la morue? Cela a pu jouer, mais c'est pure spéculation. Tout ce que je sais, c'est que nous avons subi d'énormes pressions, surtout dans le cas de la morue du Nord, à partir de 1986.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Une dernière question, monsieur le président.

Sur une base scientifique, est-ce que vous croyez que les stocks de morue vont se reproduire et recommencer à se développer ou si vous êtes plutôt pessimiste?

[Traduction]

M. Ransom Myers: C'est une question que j'ai analysée relativement de près. Tout semble indiquer que la morue va se rétablir. Malheureusement, le taux de croissance de la morue dans le Nord et dans le nord du golfe du Saint-Laurent est assez faible, en moyenne 20 p. 100 par an. C'est ce à quoi il faut s'attendre à des niveaux d'abondance aussi faibles. Malheureusement, c'est là une moyenne et il faudra longtemps à des stocks sévèrement appauvris pour se rétablir entièrement. Si vous voulez avoir mon avis de scientifique, je dirais que nous devons envisager un moratoire beaucoup plus long que celui auquel on a pensé au début.

Le président: Monsieur O'Brien.

M. Lawrence O'Brien (Labrador, Lib.): Merci, monsieur Baker. J'ai tellement de questions que je ne sais pas vraiment par où commencer.

Monsieur Myers, répétez-moi très vite combien de temps vous avez passé au ministère et quand vous en êtes parti, au juste. J'aurais pu déduire tout cela des échanges précédents, mais donnez-moi une réponse brève dans le moins de mots possible.

M. Ransom Myers: Je suis resté au ministère de 1984 jusqu'à l'année dernière. J'ai quitté Terre-Neuve contre mon gré, même si ce fut pour un merveilleux emploi, parce que je trouvais qu'il ne m'était plus possible d'exercer correctement mon métier de scientifique dans cette structure.

M. Lawrence O'Brien: Merci.

• 1100

Vous avez dit également que, selon vous, ce ne sont pas les phoques qui ont provoqué l'effondrement de la morue du Nord. Que pensez-vous de l'action du phoque sur le recouvrement de cette population de morue, surtout dans les zones que vous avez mentionnées, soit le nord du golfe du Saint-Laurent et la côte du Labrador? Il s'agit des zones 2J, 2G, 2H et des autres. Le rétablissement dans 2G et 2H est excessivement lent. J'ai mon idée à ce sujet et je suis sûr que les membres du comité la connaissent, mais j'aimerais entendre votre opinion.

M. Ransom Myers: Il est fort possible que le phoque freine actuellement le taux de croissance de la population de morue. Mais nous n'en avons pas la preuve absolue. En revanche, si vous voulez que je fasse de la devinette, je pourrais toujours m'y essayer.

M. Lawrence O'Brien: Mais comment le scientifique que vous êtes explique-t-il cette situation?

Là où j'ai grandi, à L'Anse-au-Loup, le long de la côte du Labrador, mon père a chassé le phoque pendant 25 ou 26 ans. Les phoques arrivaient du Nord en direction du Sud, vers les Îles-de-la-Madeleine et le golfe du Saint-Laurent, vers décembre ou janvier. Ils retournaient dans le Nord en mai. Maintenant, on les retrouve dans le golfe du Saint-Laurent et le détroit de Belle-Isle fin septembre, début octobre, et ils n'en partent pas avant la mi-juillet.

L'autre évidence, que la science l'admette ou pas, c'est que les phoques font fuir le poisson. Le poisson ne vient pas avant que les phoques soient partis et dès que les phoques sont là, les poissons s'en vont. Que pensez-vous de cela?

M. Ransom Myers: Il est certain que la population de phoque du Groenland a augmenté et qu'elle a certainement modifié ses habitudes de migration, dans le temps, compte tenu de sa croissance. Je n'ai pas vu les données à ce sujet. Je n'ai pas vu, non plus, d'analyse établissant la distribution de la morue relativement à celle du phoque. En ce qui me concerne, il n'existe aucune donnée scientifique à ce sujet. Mais je pense que c'est là une bonne question qu'il vaudrait la peine d'étudier.

M. Lawrence O'Brien: Êtes-vous très sérieusement en train de me dire que le MPO, M. Parsons et M. Doubleday...? Je suis certain que votre réponse est le fruit de votre frustration. Mais moi aussi je suis frustré. Êtes-vous très sérieusement en train de me dire que durant toutes ces années, tous les scientifiques des institutions privées, ceux du MPO et d'autres, ne se sont pas penchés sur cet aspect de la question? C'est ce que vous venez juste de nous dire. Je n'arrive pas à croire que personne n'ait étudié ce genre de chose.

Nom d'un chien, mes amis scientifiques, je ne peux que vous inviter à... Il y a toute sorte de scientifiques le long de la côte du Labrador et dans la circonscription de M. Baker, et partout dans le Canada atlantique, de même que sur la côte Ouest. Ils portent le nom de pêcheurs. Mais grand Dieu, quand la science commencera-t-elle à faire appel aux pêcheurs pour porter un jugement ou formuler une recommandation. Dites-moi ce que vous pensez, monsieur Myers, du rôle que pourraient jouer les pêcheurs dans la collecte de données scientifiques et la présentation de preuves scientifiques.

M. Ransom Myers: J'estime que les pêcheurs côtiers de Terre-Neuve avaient tout à fait raison dans leur évaluation de la situation, dans les années 80. J'étais d'accord avec eux dans mon analyse de 1987. Ils avaient absolument raison. Quand un pêcheur vous dit que toute sa vie durant il a vu du poisson là et que maintenant il n'y en a plus, j'ai tendance à le croire, lui, beaucoup plus que les données recueillies dans les campagnes d'évaluation du MPO.

C'est là une question bien différente que celle qui consiste à déterminer l'impact du phoque sur le poisson. Ça, c'est une question beaucoup plus difficile. Le pêcheur vous dira que le phoque reste maintenant plus longtemps dans la région du Labrador et qu'il a peut-être un effet plus durable sur les stocks de poisson que ce que nous aurions pu penser. C'est un aspect qu'il vaudrait la peine d'étudier. Mais je n'ai pas vu de preuves scientifiques confirmant cet effet.

M. Lawrence O'Brien: Donc, ce que vous nous dites en réalité—et je suis certain que ce que vous dites est la vraie vérité, parce que vous n'avez aucune raison de ne pas la dire—c'est que selon vous, après avoir travaillé au sein du MPO et avoir adopté ce point de vue...vous êtes un scientifique du MPO mécontent. Je n'arrive pas à savoir ce que pensent les scientifiques du ministère. Me voilà en train d'essayer de défendre la cause de la pêche aux phoques, pour qu'on la rouvre complètement et qu'on en fasse une activité durable, et les scientifiques, eux, se défilent. Comment expliquez-vous ce point de vue?

Je pourrais continuer éternellement sur ce sujet, monsieur le président.

Comment expliquez-vous ce point de vue? Il y a des poissons qui sont grands comme ça, disons trois pieds. Se présente un phoque qui passe par-dessous, leur pratique une incision dans le ventre, leur aspire le foie, et les poissons tombent au fond de l'océan. On ne vous a jamais parlé de cela? Les pêcheurs que je connais sont de bons amis à moi. D'ailleurs, pas plus tard qu'hier soir, j'étais sans doute avec un des meilleurs pêcheurs de Terre-Neuve. Il voit cela se produire dans ses filets tout le temps. Comment l'expliquez-vous? Des gens me disent que le phoque mange du capelan, qu'il mange ceci ou qu'il mange cela. Eh bien, il mange aussi de la morue, mais uniquement le foie. C'est un peu comme nous quand nous mangeons du steak de premier choix. Eux veulent manger le meilleur, c'est-à-dire le foie.

• 1105

M. Ransom Myers: Dans les filets, ils mangent certainement une partie des morues. Mais jusqu'à quel point cela est-il courant quand ils sont en liberté, je ne le sais pas. Personnellement, je n'ai pas étudié cela.

Pour ce qui est des populations de phoques, il se trouve que j'ai élaboré les méthodes servant à évaluer la plupart des stocks de phoque dans l'est du Canada. J'ai travaillé très dur pour formuler cela. Je dirais que si vous disposez de chiffres sur les populations de phoque dans l'est du Canada, ce modèle a quelque chose à y voir.

M. Lawrence O'Brien: Merci, monsieur Myers. Estimez-vous que les scientifiques du MPO font suffisamment pour analyser la question du phoque relativement à l'exploitation durable de cette ressource? Qu'en pensez-vous, personnellement?

M. Ransom Myers: Il ne serait absolument pas difficile de chasser le phoque de façon durable. Aucun scientifique au MPO ou scientifique de renom extérieur au MPO, ne désapprouvera une exploitation durable du phoque. La question est de savoir si la science doit déclarer qu'il faut tuer les phoques pour améliorer le rétablissement de la morue? Peut-être que ce serait le cas, mais peut-être que non; mais dans tous les cas, une chose est certaine, il est possible d'avoir une pêche au phoque qui soit durable.

Pourquoi ne peut-on pas acheter de viande de phoque à Sobey, à St. John's? Si vous voulez du phoque à St. John's, vous n'aurez d'autre choix que de littéralement tuer la bête et de la vider de son sang. Pourquoi les pêcheurs de phoque ne vendent-ils pas des produits qu'on pourrait acheter dans les supermarchés?

Le président: Merci, monsieur Myers. D'autres membres du comité veulent-ils poser des questions avant que nous ne passions à deux points de clarification? Madame Leung de la Colombie-Britannique.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur Myers, auprès de qui obtenez-vous vos fonds pour la recherche, actuellement? Effectuez-vous encore de la recherche ou faites-vous juste de l'enseignement?

M. Ransom Myers: J'effectue énormément de la recherche. Je publie dix articles scientifiques par an.

J'obtiens la totalité des mes fonds de recherche du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le CRSNG. C'est cet organisme qui me finance pour l'instant. Or, le comité finançant le genre de recherche que j'effectue, en toute indépendance du MPO, est menacé de se faire retirer ses budgets.

Mme Sophia Leung: Monsieur Campana, vous avez parlé de la structure de financement. Vous estimez que le MPO ne devrait plus fonctionner suivant un régime de concurrence. Estimez-vous que, sans cela, vous saurez faire preuve d'équité et d'objectivité dans la sélection des meilleurs candidats à une recherche?

M. Steve Campana: Le MPO a été affaibli par les importantes coupures effectuées au cours des deux dernières années dans le domaine de la science, mais aussi dans ses autres activités. Malgré cela, je n'ai jamais eu l'intention de suggérer qu'il ne faudrait plus financer les scientifiques étudiant la ressource halieutique en dehors du MPO. J'estime que leurs travaux sont utiles.

J'aimerais qu'on augmente le niveau de financement consenti aux chercheurs universitaires et à ceux des entreprises privées, de même qu'au secteur scientifique du MPO. J'estime que tout le monde au Canada y gagnerait, mais il y a bien sûr des réalités financières dont il faut tenir compte.

Quoi qu'il en soit, je ne recommande certainement pas que toute la science soit regroupée au sein du MPO. Ce serait très mauvais, parce que les universités ont des points de vue différents de celui du ministère.

Mme Sophia Leung: Merci.

Le président: Je me demande si nous pourrions tout de suite passer aux deux points qu'il faut tirer au clair. Monsieur Duncan et monsieur Stoffer.

M. John Duncan: Comme je ne veux pas éprouver la patience de notre président, je vais lui proposer quelque chose.

Plus tôt, le secrétaire parlementaire nous a dit que, parfois, les bureaucraties n'en font qu'à leur tête. Il existe trois grands groupes au sein du MPO.

À proprement parler, la garde côtière est un organisme de commandement et de contrôle à bien des égards. Elle pourrait très bien être rattachée à la Défense. C'est du moins ce que j'en pense. C'est la position du Parti réformiste.

On y retrouve une section d'application de la loi, qui est très souvent perçue comme conduisant des opérations de police.

Tout cela ne cadre pas très bien avec une activité scientifique, et donne plutôt lieu à une certaine schizophrénie au sein du ministère.

• 1110

Personnellement, j'y vois un conflit d'intérêts et le ministère ne peut correctement s'acquitter de sa mission parce qu'il a, en son sein, des opérations polarisées ou diamétralement opposées. Cela étant, il y a forcément un gagnant et des perdants, et les opérations de type commande et contrôle vont finir par l'emporter. Je suggérerais qu'à cause de ce conflit d'intérêts, nous devons séparer ces secteurs d'activité, sans quoi les choses ne fonctionneront jamais. Ces secteurs vont finir par éclater avant de se rapprocher les uns les autres.

Merci de m'avoir donné la possibilité de m'exprimer.

Le président: Merci, monsieur Duncan.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: J'aimerais mettre une motion aux voix. Que le président soit autorisé à écrire au ministre des Pêches et Océans pour lui demander que le gouvernement fédéral n'effectue pas les autres coupures prévues dans les budgets de 1997-1998 et 1998-1999 du ministère des Pêches et Océans. Quand M. Anderson a comparu devant nous il y a quelques semaines, il nous a dit qu'il aimerait beaucoup redonner son financement au MPO. Je profite de cette occasion pour présenter une motion précisant que s'il ne peut le faire, nous pourrions peut-être écrire une lettre aux personnes appropriées pour indiquer qu'il faut suspendre ces coupures.

Le président: M. Stoffer vient de présenter une motion. Je vous la lis:

    Que le président soit autorisé à écrire au ministre des Pêches et Océans pour lui demander que le gouvernement fédéral n'effectue pas les autres coupures prévues dans les budgets de 1997-1998 et 1998-1999 du ministère.

Normalement, monsieur Stoffer, le membre d'un comité—et même un député à la Chambre—ne peut déposer une motion se traduisant par une dépense pour le gouvernement du Canada. Cependant, le président de la Chambre des communes, au cours des deux dernières années, a autorisé des motions entraînant des dépenses. Je ne sais pas dans quelle mesure il s'agit d'un précédent, mais c'est bien ce qu'il a fait. Donc, si vous voulez maintenir le libellé de la motion telle qu'elle se présente, je considère que celle-ci est acceptable. Vous vouliez conserver exactement le même libellé?

M. Peter Stoffer: C'est un exemple que j'ai repris d'un autre comité permanent qui a fait la même chose.

Le président: Oui, monsieur Duncan.

M. John Duncan: Le ministre a comparu devant nous pour parler du budget des dépenses. D'après ce que j'ai compris, notre mandat précisait que si nous ne faisions pas rapport à la Chambre des communes avant le 25 novembre, c'est que nous avions implicitement accepté le budget des dépenses. Ce délai n'est écoulé que depuis deux ou trois semaines, mais nous parlons d'une chose qui a une incidence directe sur le budget des dépenses. Personnellement, je recommande que nous considérions cette motion comme étant irrecevable pour l'instant.

Le président: Monsieur Easter.

M. Wayne Easter: J'allais dire un peu la même chose. Le délai de modification du budget des dépenses est écoulé. Un des témoins que nous venons d'entendre estime qu'il faudrait réduire de 800 personnes l'effectif du ministère à Ottawa. Si nous adoptions une motion aussi large que celle-ci, comment recommanderions-nous que l'argent soit dépensé? Servirait-il au recrutement de nouveaux employés à Ottawa? Comme cette recommandation ne s'accompagne de rien de précis, je vais devoir m'y opposer.

Personnellement, monsieur le président, j'estime que le mieux serait d'en revenir à votre intention: autrement dit faire des recommandations relatives à l'orientation à adopter en matière de science, et formuler des recommandations à la suite de notre tournée du Canada atlantique, de même que sur ce qu'il faut faire en matière de gestion des pêches afin que les choses aillent mieux dans l'avenir. Si tout cela exige des dépenses, eh bien nous devrons y réfléchir à ce moment-là.

Le président: Monsieur Stoffer, voulez-vous maintenir votre motion ou préférez-vous la retravailler et la représenter lors d'une prochaine réunion?

M. Peter Stoffer: Non, j'aimerais la conserver telle qu'elle est; d'ailleurs, je ne suis pas d'accord avec Wayne. Tous nos témoins, aujourd'hui, ont joué en suivant la même partition. Ils disent que les coupures au MPO vont modifier ou affecter la façon dont travaillent les scientifiques. Ce qui se passe à Terre-Neuve en est un excellent exemple. M. O'Brien a parlé de la question des phoques. Je ne pense pas que le ministère puisse effectuer des recherches sur les phoques, parce qu'il n'a pas l'argent pour cela. Si l'on réduit les effectifs du MPO, il faudra leur consentir des conditions de rachat d'emploi et bien d'autres choses. Ils ne vont pas partir les mains vides. On leur versera de l'argent.

• 1115

Eh bien, j'aimerais qu'on fasse cela tout de suite. Si ça ne fonctionne pas, tant pis. C'est comme ça. Au moins, je pourrai me dire que j'ai essayé. Si M. Anderson ne peut maintenir son financement, au moins nous lui aurons donné une bouffée d'oxygène ce qui lui permettra peut-être de retenir de bons employés.

Le président: Les députés ont entendu la motion. Quelqu'un veut-il rajouter quelque chose?

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Je répéterai simplement que, d'après tout ce que nous avons entendu ce matin et dans d'autres séances, même si nous avons besoin de plus d'argent, même si la science a raison et si on ne la comprend pas, même si les messages ne sont pas transmis et si l'on ne prend pas des mesures en fonction des recommandations formulées, il ne sert à rien de dépenser de l'argent pour faire exactement ce que nous avons fait dans le passé, parce que cela n'a pas porté fruit. Partant, je voterai contre cette motion.

M. Wayne Easter: Une dernière intervention, monsieur le président, pour mémoire. Il est difficile de traiter de ce genre de motion. Vous constaterez que, de ce côté de la Chambre, nous voulons augmenter les dépenses quand cela convient, les diminuer dans le cas contraire, pour les cibler sur tout ce qui pourra être bénéfique aux pêches, en général et aux pêcheurs. Compte tenu de la façon dont cette motion est libellée, je n'aurai d'autre choix que de m'y opposer. Si elle était acceptée, elle ferait des merveilles pour les grands titres, mais ne permettrait pas de réaliser grand chose à long terme.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Pour poursuivre dans la même veine, si M. Stoffer veut bien se renseigner, il se rendra compte que la dernière fois où nous sommes intéressés à la façon dont les réductions de dépenses étaient accomplies, nous nous sommes penchés sur ce que cela aurait donné. J'ai rencontré des fonctionnaires au ministère et je leur ai dit qu'il y avait un bureau, à Ottawa, qui pourrait soutenir une activité très importante pour ma région, le saumon de l'Atlantique. Mais ils ont préféré conserver ce bureau, laisser le fonctionnaire en place, là-bas sur la rue Kent, et se débarrasser de trois scientifiques sur le terrain, dans la région de la Miramichi.

C'est pour cette raison que je vais me prononcer contre la motion. Tant que vous n'aurez pas vraiment défini les secteurs d'activités touchés par les réductions budgétaires et ce à quoi vous allez consacrer l'argent supplémentaire, je pense que je ne serai pas en mesure de voter pour votre motion.

M. Peter Stoffer: Je respecte l'opinion de mes honorables collègues du côté du gouvernement, mais il se trouve que je ne réclame pas une augmentation du budget. Je demande simplement qu'on ne le réduise pas davantage. Nous avons entendu M. Anderson, nous avons entendu les témoins, nous avons entendu parler de toutes ces belles choses que le MPO veut faire dans l'avenir. Ce que je crains et ce que craignent surtout les 40 000 pêcheurs et leurs familles, c'est que le MPO et son secteur scientifique ne seront pas capables de s'acquitter de leurs tâches sans le financement dont ils disposent actuellement. Et cette nouvelle coupure budgétaire va éroder davantage sa capacité d'action. Voilà ce que je pense. Je ne demande pas plus d'argent; je demande simplement qu'on laisse au MPO le budget qu'on avait prévu de lui allouer au départ.

M. Wayne Easter: Je propose qu'on reporte cette motion. Elle est superflue. Nous avons déjà parlé du budget des dépenses.

Le président: Chers collègues, vous avez entendu la motion proposée par M. Stoffer.

M. Wayne Easter: Une proposition de report a préséance sur les autres, n'est-ce pas? Je propose qu'on la reporte parce qu'elle est superflue et que le délai de révision du budget des dépenses est écoulé.

Le président: Le problème, c'est que nous devons d'abord traiter de la motion dont le comité a été saisi en premier.

M. Wayne Easter: Pas si l'on a une proposition de report. Le report revient à statuer sur la motion.

Le président: C'est une modification à la motion de l'honorable député.

M. Wayne Easter: Non, je propose de reporter la motion parce qu'elle est superflue.

Le président: Donc vous la reportez sur six mois. C'est cela?

M. Wayne Easter: Tout à fait.

Le président: M. Easter propose que la motion soit reportée de six mois, ou qu'elle soit simplement reportée sans délai.

M. Wayne Easter: Qu'elle soit simplement reportée sans délai.

Le président: Que ceux qui sont en faveur de la motion de M. Easter lèvent la main.

(La motion est adoptée)

Le président: Nous allons remercier nos témoins d'aujourd'hui avec qui nous nous sommes entretenus par vidéotéléconférence depuis Halifax en Nouvelle-Écosse: M. Myers, M. Campana, M. Fanning et M. Chouinard. Merci, messieurs, d'avoir comparu devant le comité.

La séance est levée.