Passer au contenu
Début du contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 juin 1998

• 1125

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Comme vous le savez tous, nous sommes réunis conformément à l'article 108(2) du Règlement. Notre comité reprend ses consultations prébudgétaires. Nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des banquiers canadiens, de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules et de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada.

Nous commencerons par le représentant de l'Association des banquiers canadiens, Ron Friesen. Soyez le bienvenu.

M. Mark Weseluck (vice-président, Opérations bancaires, Association des banquiers canadiens): Bonjour, je m'appelle Mark Weseluck et je suis vice-président, Opérations bancaires, de l'Association des banquiers canadiens. À mes côtés se trouve Ron Friesen, vice-président, Fiscalité, à la Banque de Montréal, et président du Comité des affaires fiscales de l'ABC.

Je crois qu'on est justement en train de distribuer nos notes.

Au nom du secteur bancaire, j'aimerais remercier le Comité permanent des finances de la Chambre des communes de l'occasion qu'il nous offre de présenter les points de vue de notre secteur sur le rapport du comité technique, connu sous le nom de Comité Mintz. Le secteur bancaire considère ce rapport comme un élément important du cadre de révision de la structure de la fiscalité des entreprises.

Compte tenu des paramètres à l'intérieur desquels le comité a dû réaliser ses travaux, il a réussi à produire un rapport qui, dans l'ensemble, offre une approche constructive et pratique pour atteindre ses objectifs.

Le rapport ne se penche pas longuement sur la fiscalité du secteur des services financiers, car on en a reporté l'analyse approfondie à une étude de recherche commandée par le comité technique et le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens. Néanmoins, le rapport souligne que les impôts fédéral et provinciaux tendent à être plus élevés à l'égard de ce secteur que de tout autre secteur et que cette situation engendre des déformations importantes des transactions financières.

Le comité recommande qu'aucun secteur, et tout particulièrement le secteur des services financiers, lequel est en pleine croissance et doit de plus en plus s'adapter à un environnement international et concurrentiel, n'ait à supporter des impôts beaucoup plus élevés que les autres secteurs des entreprises.

Cependant, le rapport suggère de reporter les mesures de correction du fardeau fiscal proportionnellement plus élevé des institutions financières jusqu'à ce que le groupe de travail et le gouvernement aient terminé leur révision de la structure de réglementation du secteur financier.

Comme on pouvait s'y attendre, le secteur bancaire est tout à fait d'accord avec la conclusion que son fardeau fiscal est beaucoup plus élevé que celui d'autres secteurs de l'économie et préconise l'élimination de ce traitement partial.

En plus de payer les taux d'impôt sur le revenu fédéral et provincial les plus élevés de tout le secteur des entreprises, les banques font également l'objet de surtaxes soi-disant temporaires. La surtaxe fédérale a été imposée dans le contexte de la lutte au déficit, mais elle demeure en vigueur en dépit de l'élimination du déficit budgétaire.

Qui plus est, les hausses successives d'impôt sur le revenu des banques, année après année depuis l'imposition de cette surtaxe, représentent plusieurs fois le montant du déficit que devait couvrir cette surtaxe. Par exemple, pour les deux exercices financiers suivant l'introduction par le gouvernement fédéral de sa surtaxe temporaire de 1995, l'impôt sur le revenu fédéral des six grandes banques canadiennes a augmenté de plus de 755 millions de dollars, soit plus de six fois le montant de la surtaxe perçue.

Une autre des conclusions clés du rapport reflète l'expérience qu'ont vécue les banques: l'accroissement des impôts établis sans égard aux bénéfices a entraîné le traitement partial d'un certain nombre d'entreprises en les obligeant à payer des montants d'impôt beaucoup plus élevés que les coûts d'utilisation des ressources publiques.

Parmi ces impôts établis sans égard aux bénéfices, les taxes sur le capital causent des problèmes tout particulièrement. Les banques sont tenues par réglementation de maintenir des niveaux élevés de capitaux pour des motifs de sécurité et de stabilité. Or, les gouvernements fédéral et provinciaux sapent leurs propres objectifs de politique publique en pénalisant les banques au moyen d'une taxe sur leur capital.

Comme peu d'autres grands pays imposent une telle taxe, le coût plus élevé de leurs capitaux nuit à la capacité concurrentielle des banques canadiennes par rapport à leurs concurrents étrangers. À l'instar des autres taxes visant les entreprises, ces coûts supplémentaires sont en bout de ligne refilés, à divers degrés, aux clients, actionnaires, employés et fournisseurs des banques. Toutefois, si ces coûts supplémentaires amènent également les banques canadiennes à perdre des occasions d'affaires sur les marchés internationaux en raison du coût plus élevé de leurs capitaux, ce ralentissement de la croissance se fera sentir éventuellement sur la croissance économique et la création d'emplois au Canada.

Le rapport étend la nécessité d'adopter une structure fiscale concurrentielle à l'ensemble du système fiscal au Canada, compte tenu de l'importance du commerce et de l'investissement étranger pour notre économie. La contribution des exportations à l'expansion de l'économie canadienne constitue l'une des raisons pour lesquelles les secteurs d'exportation traditionnels, tels que le secteur des ressources naturelles et le secteur manufacturier, sont imposés à des taux inférieurs à ceux du secteur des services, lequel n'est pas perçu comme un secteur d'exportation. Toutefois, comme l'indique nettement la référence au schéma de la page suivante, ce point de vue n'est plus justifié.

Le schéma démontre que, en moyenne, les six grandes banques canadiennes tirent environ 40 p. 100 de leurs revenus des activités qu'elles poursuivent à l'extérieur du Canada. Elles ne versent à des gouvernements étrangers que 16 p. 100 des impôts qu'elles paient, tandis qu'elles en remettent 84 p. 100 à des gouvernements au Canada.

• 1130

Qui plus est, ces activités étrangères contribuent à maintenir 90 p. 100 des emplois dans les banques au Canada. Il y a fort à parier que si on effectuait des analyses dans d'autres secteurs des services tels que les services publics et l'ingénierie, on constaterait une situation semblable.

Le désavantage fiscal qui afflige le secteur des services porte atteinte à la création du type d'emplois que les gouvernements tentent de promouvoir—les emplois à haute qualification dans un secteur en croissance axé sur le savoir.

Étant donné l'importance de la technologie dans notre secteur, les banques ont besoin d'employés hautement qualifiés pour demeurer concurrentielles. Depuis 1990, l'emploi dans les banques a fortement progressé dans les secteurs nécessitant des aptitudes mieux rémunérées et axées sur le savoir, au détriment des postes axés sur l'exécution de transactions. Aujourd'hui, les banques emploient plus de 221 000 personnes et consacrent chaque année plus d'un quart de milliard de dollars à la formation de leurs employés afin de maintenir leurs connaissances au diapason des progrès technologiques et du développement de nouveaux produits.

Un régime fiscal qui pénalise les entreprises en raison du type d'activités qu'elles poursuivent nuira à l'emploi dans ce secteur, au lieu de le favoriser. Cette situation est aggravée par la forte croissance des charges sociales et le niveau élevé de l'impôt sur le revenu qui incitent les personnes les plus qualifiées à s'expatrier.

Un régime fiscal dissuasif a également un effet différé sur les nombreux fournisseurs qui offrent des produits et services à des sociétés de ce secteur. Les banques canadiennes achètent chaque année près de 6 milliards de dollars en biens et services auprès de fournisseurs canadiens, dont bon nombre appartiennent au secteur de la technologie de pointe que les gouvernements désirent encourager. Ces achats contribuent à la création de 159 000 autres emplois.

Par ailleurs, les répercussions néfastes des taux d'impôt trop élevés, comparativement à d'autres secteurs et à d'autres pays, se manifestent également sur l'investissement étranger au Canada. Dans le contexte du secteur bancaire, il convient de considérer l'impact d'un fardeau fiscal élevé sur la nature de la concurrence des banques étrangères au Canada. Bien que le régime fiscal ne soit généralement pas le seul élément entrant dans le choix du lieu d'un investissement, il s'agit souvent d'un facteur que le gouvernement peut maîtriser. Dans le cas du secteur des services en particulier, la technologie est un outil clé qui permet aux concurrents étrangers de profiter des économies d'échelle à un coût supplémentaire relativement bas.

Si vous êtes une institution financière américaine dotée d'une énorme capacité informatique d'évaluation du crédit ou d'extraction de données à l'égard des demandes de cartes de crédit, pourquoi mettriez-vous en place de vastes opérations au Canada alors que vous pouvez vendre vos services ici tout en maintenant une présence minime, s'il en est, et en réduisant au minimum votre assujettissement à des taux d'imposition plus élevés?

Permettez-moi de revenir brièvement aux recommandations du rapport relatives au secteur des services financiers pour souligner que les banques ne sont pas d'accord de reporter les modifications à la structure fiscale jusqu'à ce que le groupe de travail et le gouvernement aient apporté les modifications à la réglementation. La concurrence dans le secteur est déjà vive et s'accentue encore davantage en raison de l'utilisation de la technologie par d'importants joueurs qui disposent de structures de coût beaucoup moins élevées.

Bien que le secteur présente des écarts qu'il convient de combler, particulièrement entre les plus petites et les grandes institutions, le fardeau fiscal d'ensemble que supportent les joueurs les plus importants dans les secteurs financiers clés mérite une attention particulière pour les raisons mentionnées ci-dessus.

Les raisons qui motivent l'élimination du traitement partial affligeant les autres secteurs de services s'appliquent également au secteur financier, et probablement encore davantage en raison des taxes et des coûts de réglementation supplémentaires visant notre secteur.

À noter que l'application de la hausse de la surtaxe temporaire suggérée par le comité mixte n'est prévue qu'en attendant l'entrée en vigueur des modifications apportées à la réglementation. Nous nous opposons vivement à une telle augmentation, même si elle devait véritablement avoir pour effet de compenser pleinement toute économie d'impôt immédiat. Comme nous l'avons déjà souligné, les surtaxes temporaires ont tendance à se prolonger au-delà de l'atteinte de l'objectif visé. Toutefois, ce qui est encore plus important, le report de toute répercussion fiscale jusqu'à l'entrée en vigueur des modifications à la réglementation ne ferait que perpétuer les effets néfastes d'un régime fiscal dissuasif sur les grandes institutions financières, au détriment de la croissance économique et de la création d'emplois. En conséquence, tout changement apporté à la structure fiscale de l'entreprise devrait s'appliquer au secteur financier en même temps qu'aux autres secteurs.

Permettez-moi aussi de formuler quelques brefs commentaires sur certaines des recommandations plus techniques de ce rapport.

Ce dernier recommande de ne plus admettre les taxes provinciales sur le capital en déduction de l'impôt sur le revenu des sociétés après une période de transition appropriée. Cette recommandation repose sur l'hypothèse que les gouvernements réduiraient leur recours aux taxes sur le capital en raison de la possibilité de déduire la taxe sur le capital et de l'adoption des mesures d'élargissement de la base préconisées dans le rapport.

Ce dernier reconnaît également que les entreprises financières et manufacturières, qui versent des montants de taxe sur le capital supérieurs à la moyenne, seraient désavantagées, si l'impossibilité de déduire la taxe sur le capital était appliquée de façon isolée. En conséquence, les banques recommandent de mettre fin à la possibilité de déduire les taxes sur le capital, à moins que celles-ci ne soient réduites au point de compenser au moins pleinement l'effet de l'impossibilité de déduire les taxes sur le capital sur toutes les entreprises visées.

Nous reconnaissons les raisons qui motivent la proposition du rapport d'exonérer de l'impôt canadien les intérêts payables à des non-résidants autonomes, peu importe la durée de l'endettement. Toutefois, une telle exonération désavantagerait les prêteurs commerciaux canadiens par rapport à leurs concurrents étrangers, car de nombreux pays, dont les États-Unis, ne prévoient pas de mesures similaires. Plutôt que d'exonérer d'impôt tous les intérêts, le Canada devrait négocier des exonérations bilatérales par le biais de conventions fiscales.

La proposition d'enlever aux contribuables canadiens la possibilité de demander une déduction actuelle à l'égard des frais d'intérêt reliés à des placements dans des filiales étrangères pourrait nuire à la croissance des entreprises canadiennes. Cette élimination obligerait les entreprises canadiennes à rechercher davantage de financement à l'étranger, alors que bon nombre d'entre elles ont de la difficulté à emprunter sur les marchés.

• 1135

Il faudrait tout au moins relever le seuil pour permettre aux plus petites entreprises d'établir davantage leur crédit, ce qui leur faciliterait l'obtention de financement à l'étranger.

De plus, le repérage des placements pourrait être très coûteux sur le plan administratif, et devrait être évalué d'un point de vue pratique.

La proposition du rapport préconisant l'introduction d'une évaluation partielle du niveau d'expérience aux fins de l'assurance-emploi rejoint la position du secteur bancaire sur cette question.

En 1994, l'ABC a appuyé l'utilisation d'une évaluation limitée du niveau d'expérience dans son mémoire présenté au Comité permanent du développement des ressources humaines de la Chambre des communes dans le cadre de son étude de la réforme de la sécurité sociale.

En conclusion, les banques pressent les gouvernements fédéral et provinciaux de procéder rapidement à la réforme de la fiscalité des sociétés. Nous reconnaissons que le gouvernement accorde une plus grande priorité à la réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers. Toutefois, la création d'emplois et la croissance économique demeurent en tête des priorités du gouvernement et il serait plus aisé d'y arriver, sur une base renouvelable, si le gouvernement adopte un régime fiscal favorable aux entreprises.

Étant donné l'interrelation entre la fiscalité des entreprises et celle des particuliers, il est avisé d'envisager d'y apporter des modifications parallèlement, tout en échelonnant l'entrée en vigueur au fil des besoins.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Weseluck.

Nous passons maintenant à M. David Adams qui représente l'Association canadienne des constructeurs de véhicules.

M. David Adams (directeur, Élaboration des politiques, Association canadienne des constructeurs de véhicules): Monsieur le président, mesdames et messieurs, au nom des membres de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, j'aimerais vous remercier de votre invitation.

Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, l'ACCV, représente six constructeurs, à savoir, Chrysler, Ford, Freightliner, General Motors, Navistar et Volvo. Ces entreprises ont fabriqué 2,1 des 2,5 millions de véhicules produits au Canada l'année dernière et représentent donc une part importante de l'industrie automobile qui, en passant, est le premier secteur d'exportation du pays, contribue aussi le plus au PIB manufacturier, sa part étant de 12 p. 100, et emploie directement et indirectement plus de 500 000 Canadiens. Pour la dernière décennie seulement, ce secteur a également été responsable de plus de 20 milliards de dollars d'investissement au Canada.

C'est dans le contexte d'un secteur manufacturier majeur, d'un secteur à l'exportation majeur et d'une source majeure d'investissement étranger direct que nous vous offrons nos commentaires.

Il est évident que nos commentaires porteront principalement sur les conclusions du Comité Mintz, ce comité technique sur la fiscalité de l'entreprise créé il y a deux ans et auquel on avait confié les objectifs suivants: améliorer le régime fiscal pour promouvoir la création d'emplois et la croissance économique dans une économie ouverte; simplifier l'imposition du revenu des sociétés pour en faciliter l'observation par les contribuables et l'administration par Revenu Canada; et renforcer l'équité du régime fiscal en veillant à ce que toutes les entreprises participent au financement de la prestation des services gouvernementaux.

Cependant, comme l'a rappelé le témoin précédent, ce comité devait atteindre ses objectifs en respectant deux contraintes importantes, à savoir formuler des recommandations fondées sur le concept de la neutralité des recettes et se pencher essentiellement sur la fiscalité du palier fédéral sans prendre nécessairement en considération les implications au niveau des provinces.

Notre association a trouvé ces deux contraintes problématiques. Nous craignons qu'elles n'aient limité indûment les recommandations qu'aurait faites ce comité.

Le concept de neutralité des recettes ne permettait pas au comité de tenir compte du fait que la fiscalité des entreprises n'est déjà pas compétitive par rapport à celle de nombreuses juridictions dans le monde auxquelles le Canada doit faire concurrence pour attirer des investissements et créer de l'emploi et elle limite ainsi le comité à déplacer le fardeau fiscal entre les contribuables actuels.

Bien que le concept de neutralité soit égalitaire, à de nombreux égards, le Canada dépend plus de certains secteurs économiques pour soutenir son activité économique et certains de ces secteurs clés, comme la fabrication d'automobiles, seront moins compétitifs, à l'échelle internationale, à cause de ce principe de neutralité.

La neutralité des recettes, comme l'a, je crois, aussi fait remarquer le témoin précédent, est une contrainte qui n'est peut-être plus nécessaire à l'heure actuelle étant donné que le déficit est enfin maîtrisé, et, à mon avis, il faut certainement féliciter le gouvernement du travail qu'il a fait sur le front financier.

L'autre aspect sur lequel insiste le rapport de ce comité est que 60 p. 100 du total de l'impôt payé par les entreprises, comme j'y ai fait allusion tout à l'heure, sont perçus au palier provincial; nous nous interrogeons donc sur l'opportunité, étant donné le rôle des provinces au niveau de la fiscalité des entreprises, de ne pas s'intéresser strictement qu'à l'aspect fédéral.

Il y a de nombreuses initiatives proposées dans ce rapport qui auraient notre appui.

• 1140

Somme toute, nous estimons nécessaire que les recommandations correspondent à une solution équilibrée ouvrant des perspectives de croissance économique et de création d'emplois pour les Canadiens. Cependant, cette solution équilibrée, à notre avis, est financée par des mesures d'élargissement des recettes fiscales qui auront une incidence négative sur les manufacturiers.

Le comité lui-même a indiqué que ses propositions auraient pour incidence globale de majorer le taux d'imposition effective sur les investissements marginaux du secteur manufacturier. En conséquence, l'ACCV ne saurait entériner les recommandations du comité dans leur ensemble. Celles-ci réduiront la compétitivité internationale du secteur manufacturier et en particulier de l'industrie de l'automobile.

Cela dit, l'ACCV appuie certaines recommandations particulières dont je vais vous dresser la liste et auxquelles nous pourrons revenir pour plus d'explications pendant la période des questions.

Le partage des pertes à des fins fiscales est une recommandation que notre association peut appuyer. L'exemption de retenue fiscale pour les paiements d'intérêts à des prêteurs non résidants sur toute la dette, quelle que soit son échéance, est une initiative que notre association peut appuyer.

Il est certain que l'approche visant à améliorer la coordination, l'harmonisation fiscale entre le gouvernement fédéral et les provinces par le biais d'une base neutre commune pour l'impôt sur le revenu et les taxes sur le capital ainsi que l'adoption d'une méthode d'attribution de l'impôt sur le revenu et des taxes sur le capital sont des mesures souhaitables.

Tout comme le témoin précédent, l'Association canadienne des constructeurs de véhicules appuierait le concept d'expérience acquise pour l'assurance-emploi. Nous avions d'ailleurs examiné cette question il y a plusieurs années et constaté que nos trois plus gros membres versaient des cotisations supérieures de plus de 200 millions de dollars aux prestations reçues par leurs employés.

Une étude effectuée en 1990 par le Centre canadien du marché du travail et de la productivité révélait que l'industrie automobile affichait un ratio prestations/cotisations de .65, ce qui signifie que pour chaque dollar versé à ce moment-là en cotisations à l'assurance-emploi, 65c. étaient rétrocédés en prestations.

Même si le rapport comporte de nombreuses recommandations auxquelles les membres de l'ACCV peuvent souscrire, nous demeurons tout autant préoccupés par le fait que bien d'autres recommandations ne seraient guère utiles pour réaliser les objectifs déjà cités du comité. Ce serait tout particulièrement le cas si ces recommandations étaient extraites du contexte d'ensemble du rapport qui présente une approche équilibrée. Nous craignons en l'occurrence que les gouvernements futurs décident de choisir celles des recommandations qui les arrangent au lieu de les considérer comme faisant partie d'un tout, c'est-à-dire le rapport dans son ensemble.

L'un des éléments sur lesquels nous sommes en désaccord est la diminution de la déduction pour amortissement qui nuirait beaucoup à la compétitivité du secteur manufacturier. Les 6,8 milliards de dollars d'investissement effectué par nos membres depuis un ou deux ans ont pour la quasi-totalité été axés sur le matériel et l'outillage. Nos compagnies travaillent beaucoup pour l'exportation et jouent avec des capitaux très mobiles sur le plan international, et il est impératif qu'elles soient donc concurrentielles non seulement sur le plan international, mais également sur le plan interne, entre compagnies, pour ce qui est de la localisation des unités de production et de l'obtention de nouvelles exclusivités mondiales.

À cet égard, les recommandations du comité auraient pour effet de réduire le rendement net après impôt de l'investissement de nos compagnies membres et d'influer sur la localisation des unités de production au sein de l'économie planétaire.

Une autre recommandation qui nous pose problèmes est celle qui concerne le crédit à la fabrication et à la transformation. Nous estimons que ce crédit, ajouté aux crédits provinciaux, est essentiel pour que le Canada offre des taux d'imposition concurrentiels par rapport à ceux d'autres pays, surtout dans le cas de l'industrie automobile, et à ceux d'autres pays de l'ALENA qui se disputent les investissements dans ce secteur.

S'agissant de l'impôt sur le capital, nous ajoutons encore une fois notre voix aux préoccupations du dernier intervenant, en ce sens que le comité a semblé faire un assez bon travail en faisant valoir pourquoi ce genre d'impôt n'est pas une bonne idée, tout en arrivant toutefois à la conclusion que cet impôt était nécessaire pour des raisons d'assiette fiscale.

• 1145

Le comité a recommandé le maintien des impôts actuels sur le capital, en précisant toutefois que les assiettes fiscales fédérales et provinciales relevant de cette catégorie devraient être harmonisées afin de simplifier l'administration fiscale et de réduire les frais d'observation.

Le comité a également recommandé que l'impôt provincial sur le capital ne soit pas déductible de l'impôt fédéral sur le revenu, ce sur quoi nous ne sommes absolument pas d'accord.

L'autre élément qui a été recommandé était la permanence de l'impôt sur les grandes sociétés.

L'impôt sur les distributions de capital semblerait pouvoir faire en sorte qu'un impôt minimum soit acquitté sur les bénéfices distribués par les entreprises lorsque l'impôt sur le revenu des mêmes entreprises a été réduit par un quelconque avantage fiscal accordé à l'entreprise. Le comité constate que même si la distribution de tous les excédents actuels non grevés d'un impôt sur la distribution du capital est plus équitable, il propose de permettre un report d'impôt en compensation des impôts sur le revenu des entreprises acquittés pendant les cinq années précédant la mise en oeuvre de l'impôt sur la distribution du capital. Nous estimons ici également qu'il serait mal avisé de mettre en oeuvre un tel impôt étant donné que le gouvernement utilise déjà la méthode des avantages fiscaux pour stimuler certains secteurs de l'économie et certaines activités économiques. On peut donc supposer que ce sont des activités pour lesquelles le Canada affiche un certain avantage concurrentiel ou qu'il a d'autres bonnes raisons de vouloir stimuler.

Le comité a recommandé de réduire à 2 pour 1 le maigre ratio actuel de capitalisation qui est de 3 pour 1 parce que ce serait un succédané du capital qui serait généralement disponible dans une relation de complète indépendance. Nous estimons que le ratio actuel de 3 pour 1 est probablement approprié.

Nous craignons beaucoup la réduction de 20 p. 100 à 15 p. 100 des incitatifs fiscaux accordés à la recherche et au développement. Le comité semble avoir admis l'intérêt qu'il y a d'encourager la recherche et le développement, mais il semble aussi laisser entendre que le Canada a un système trop généreux mais sous-utilisé, et cela semble être, dans le contexte de la neutralité fiscale, un élément qu'on semblerait prêt à sacrifier pour permettre une diminution générale des taux d'imposition des entreprises.

Il est certain que cela aurait un effet très nuisible sur le secteur automobile, comme nous le signalons d'ailleurs dans notre rapport. À en croire le rapport du comité, le secteur manufacturier représente 48 p. 100 de la valeur de toutes les demandes au titre de la recherche scientifique et du développement expérimental.

Enfin, un autre élément sur lequel nous exprimons nos commentaires sans manifester notre désaccord est celui de la taxe sur les carburants. Le comité a semblé suggérer que cette taxe devrait être réduite et que des taxes semblables devraient être imposées à d'autres carburants qui sont tout autant, sinon plus, préjudiciables pour l'environnement. Nous estimons que toute mesure fiscale à caractère plus général destinée à faire en sorte que l'entreprise paie une plus grande partie du coût social imposé par son activité, en d'autres termes qu'elle paie le plein équivalent du coût des mécanismes de protection de l'environnement, doit être considérée en tenant compte du fait qu'une telle mesure aurait un impact direct sur la compétitivité du Canada au plan international.

Le comité a également admis, à juste titre je crois, que certaines questions d'ordre environnemental se règlent par des interventions internationales concertées, en particulier lorsqu'il y a débordement important des retombées d'un pays à l'autre. Ce serait manifestement le cas pour une taxe sur les hydrocarbures qui, si vous vouliez vraiment vous demander ce que veut le comité dans le domaine de la fiscalité environnementale, serait probablement le moyen le plus équitable et le plus juste pour taxer ainsi les carburants en cause.

Une autre chose qu'il faut également admettre en parlant de la diminution des taxes sur les carburants est que, comme nous l'avons constaté dans notre secteur, chaque fois que le rendement énergétique d'un véhicule augmente ou que le coût d'acquisition du même véhicule diminue, ce qui serait la résultante d'une diminution de la taxe sur le carburant, il y a effet de rattrapage, ce qui porte à penser qu'à mesure que le coût d'acquisition ou le coût d'utilisation d'un véhicule diminue, on a tendance à l'utiliser davantage. Nous ne sommes pas donc pas convaincus que les avantages environnementaux cités par le comité seraient possibles par une réduction de la taxe sur les carburants, et en particulier les carburants automobiles.

Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir permis de comparaître devant le comité aujourd'hui et nous vous remercions de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Adams.

• 1150

Nous allons maintenant entendre M. Jayson Myers qui représente l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada.

M. Jayson Myers (premier vice-président et économiste en chef, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir permis de prendre part à cette discussion importante sur les recommandations du comité mixte et sur ce qu'il propose pour la restructuration de la fiscalité des entreprises au Canada.

Permettez-moi de me présenter et de présenter aussi les autres membres de ma délégation. Je m'appelle Jay Myers et je suis le premier vice-président et économiste en chef de l'Alliance. Je suis accompagné aujourd'hui par M. John Allinotte, directeur des Services fiduciaires de la Société Dofasco. John est le coprésident de notre comité national sur la fiscalité. Brian Collinson est également parmi nous. Il est le directeur responsable du dossier de la fiscalité nationale et des politiques commerciales de l'Alliance.

Comme vous le savez, l'Alliance compte 3 500 membres et 4 000 membres affiliés qui représentent environ 80 p. 100 de la production industrielle du Canada et 95 p. 100 de ses exportations. Nos membres représentent tous les secteurs de l'entreprise canadienne, depuis les services financiers jusqu'au secteur manufacturier en passant par les industries de haute technologie, et ils représentent également toutes les provinces.

Les membres du comité ont déjà reçu notre mémoire et vous serez soulagés d'apprendre qu'au lieu de le reprendre point par point, je vais me contenter de quelques observations très générales.

Pour commencer, il est impérieux de procéder d'urgence à une réforme de la fiscalité des entreprises au Canada. Soixante-seize pour cent des membres que nous avons interrogés lors de notre dernier sondage sur les questions de gestion nous ont déclaré que le niveau élevé des taxes et des impôts faisait obstacle à leur plan d'expansion ainsi qu'à la croissance économique nationale dans son ensemble, et 84 p. 100 nous ont dit que le gouvernement fédéral, tout comme d'ailleurs les gouvernements provinciaux, devrait avoir pour priorité une réforme de la fiscalité des entreprises et une réduction des taux d'imposition.

Le seul fait que le gouvernement revoie le système d'imposition des entreprises et envisage d'y apporter des changements est déjà extrêmement important. Des réformes s'imposent et ces réformes devraient aller en parallèle avec une réforme de la fiscalité des particuliers. Toutefois, il ne faut pas conduire des réformes pour le simple plaisir.

Il est vraiment essentiel que les changements apportés à la fiscalité des entreprises au Canada correspondent aux véritables besoins des entreprises et aux véritables besoins de l'économie et non pas à l'une ou l'autre théorie ou priorité bureaucratique comme on en voit à l'occasion dans certaines des propositions de réforme de la fiscalité des entreprises qui sont soumises au comité et qui font d'ailleurs partie du rapport.

Le secteur manufacturier et les industries exportatrices du Canada ont des préoccupations très réelles et très impérieuses non seulement au sujet des barèmes d'imposition, mais également des recommandations qui figurent dans le rapport. Il s'agit incidemment du secteur qui anime la croissance de l'économie depuis le début des années 90. Ce secteur représente 40 p. 100 des nouveaux emplois créés au Canada depuis 1992 et plus de 90 p. 100 de toutes les activités de recherche et de développement conduites dans notre pays. C'est le secteur qui est également en première ligne de la concurrence, non seulement pour obtenir des débouchés pour les produits et services canadiens, mais également pour l'investissement. Sans cet investissement, nous n'aurions pas d'emplois et nous n'aurions pas non plus de clients pour les services que nous offrons.

Nous sommes en première ligne de l'investissement en ce qui concerne les entreprises à vocation planétaire, et même les petites entreprises canadiennes qui sont actives sur la scène internationale doivent pouvoir offrir un rendement intéressant sur l'investissement afin de pouvoir s'implanter et durer ici au Canada.

S'agissant du système fiscal, la toute première préoccupation de nos commettants tient avant tout au fait que le système fiscal canadien n'est tout simplement pas compétitif lorsqu'il s'agit d'attirer de nouveaux investissements directs ou même de faire en sorte que ces investissements demeurent au Canada. Nous ne devons pas oublier que nous ne sommes pas simplement les concurrents des États-Unis pour ce qui est de la création d'un environnement fiscal favorable. Nous nous trouvons également opposés à d'autres pays offrant un climat fiscal plus favorable que le nôtre, par exemple la France, l'Irlande et Singapour.

Je vous renvoie ici à la page 17 de notre mémoire où vous trouverez la liste des barèmes statutaires qui s'appliquent aux industries manufacturières des autres pays du monde. Singapour, la Malaisie, Israël et la Chine ont un taux d'imposition qui est à toutes fins utiles de zéro. Le Brésil est à 8 p. 100, l'Irlande à 10 p. 100, Hong Kong à 16,5 p. 100 et le Royaume-Uni à 30 p. 100. Le barème combiné de l'impôt fédéral et de l'impôt ontarien totalise 35,6 p. 100, ce qui ne se compare même pas au barème américain lorsqu'on tient compte de l'effet net du fisc.

Voilà donc les systèmes fiscaux qui sont nos concurrents pour la recherche d'investissements neufs et, bien franchement, les barèmes fiscaux du Canada ne font pas le poids. Ce n'est pas seulement une question d'image, c'est également la réalité. Le Forum économique mondial place le Canada à la 43e place pour ce qui est de la compétitivité fiscale. Le Conference Board du Canada affirme que l'absence de compétitivité fiscale est la principale raison pour laquelle le Canada voit diminuer sa part des investissements directs. Nos propres membres signalent que bien souvent, le Canada n'est même pas pour eux en lice dans leurs plans d'expansion et d'investissement, et cela simplement parce que les barèmes fiscaux sont trop élevés.

• 1155

L'impôt sur les revenus des entreprises est tout simplement trop élevé. Du point de vue des manufacturiers et des exportateurs, même si la réduction des barèmes fiscaux imposés aux entreprises qui a été recommandée par le rapport Mintz permettrait de redresser un peu les choses, cette réduction ne suffit pas, loin de là, comparée à la situation de nos concurrents dans les États faiblement ou non taxés, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs dans le monde.

Un autre problème tient à ce que le Canada est à la remorque des autres pays. La France, le Royaume-Uni, les États-Unis et beaucoup d'autres pays sont déjà bien avancés dans leurs initiatives de réforme du système fiscal. Ces pays sont en train de modifier le régime fiscal de leurs entreprises pour pouvoir être plus concurrentiels au plan international. Nous devons faire en sorte que nos réformes fiscales soient effectuées non pas seulement dans l'optique de l'économie canadienne, mais surtout dans une optique planétaire plus large. Nous devons faire en sorte que le traitement fiscal que nous accordons au prix de transfert ou aux retenues d'impôt ainsi qu'aux revenus de sources étrangères est dans toute la mesure du possible aligné sur les changements qu'on observe au niveau international, et pas uniquement sur les changements apportés au régime fiscal américain.

Enfin, nous voudrions que des changements soient apportés au régime fiscal des entreprises afin d'encourager l'innovation et la croissance dans les secteurs les plus productifs de l'économie canadienne. Le gouvernement a pour objectif d'édifier une économie compétitive et innovatrice pour en faire la base d'une croissance économique à forte valeur ajoutée. Nous souscrivons à cela et ce sont précisément les normes que nous nous fixons lorsque nous évaluons les recommandations du rapport du comité Mintz. À notre avis, non seulement ces recommandations ne vont pas assez loin, mais je dirais même qu'elles font reculer le Canada pour ce qui est de sa compétitivité planétaire.

Nous avons des réserves très graves à propos du rapport Mintz et nous doutons même des prémisses sur lesquelles reposent ses recommandations.

Pour commencer, il faut nécessairement remettre en question l'analyse sous-jacente à l'étude des fardeaux fiscaux relatifs. En effet, le rapport ne prend pas en compte toutes les taxes et tous les impôts, et c'est certainement vrai aussi dans le cas des autres pays.

Consultez donc la dernière page de notre mémoire qui est en fait un tableau représentant le pourcentage des taxes et impôts fédéraux perçus par les divers secteurs de l'économie par rapport à la contribution au PIB du secteur privé que fait chacun de ces secteurs. Il est vrai certes que les services financiers, les institutions de dépôt en particulier, payent davantage en impôts fédéraux que leur contribution individuelle à l'économie nationale—il s'agit d'une valeur directement ajoutée à l'économie du Canada—, et il en va de même pour les industries primaires du secteur manufacturier. Si vous regardez les autres catégories d'industries, leur quote-part des impôts fédéraux et des impôts sur le capital est de loin inférieure à celle de l'économie intérieure privée dans son ensemble.

Nous contestons donc l'hypothèse fondamentale qui sous-tend bon nombre des recommandations du rapport Mintz. Comme je le disais, cette analyse ne tient pas compte de toutes les taxes et de tous les impôts payés par les entreprises. Elle ne tient pas compte du fait que les divers secteurs de l'économie fonctionnent dans des marchés différents et ont à faire face à des degrés de concurrence différents pour ce qui est des barèmes fiscaux, des dépenses et des investissements en biens d'équipement et en technologie, en recherche et en développement et en frais de main-d'oeuvre. Tous les secteurs de l'économie ne sont pas les mêmes et tous les secteurs de l'économie ne devraient donc pas être traités de la même façon au niveau fiscal.

Nous contestons également l'hypothèse sous-jacente voulant que les provinces adaptent simplement leurs propres régimes fiscaux à mesure que le gouvernement fédéral change le sien. Je dirais que beaucoup de conclusions dépendent de cette hypothèse de base. D'un point de vue historique, cela n'a certes pas toujours été le cas. Je pense qu'il est douteux, peu réaliste même, de croire que ce sera le cas, même si c'était souhaitable.

Mais étant donné la nature des propositions du comité, si les provinces refusent ou si elles en arrivent à s'implanter dans les champs fiscaux laissés libres par le gouvernement fédéral, le gain net sera nul. D'ailleurs, je dirais même que ce serait un recul pour l'ensemble du système fiscal applicable aux entreprises. Cela serait assurément très coûteux pour l'entreprise. Après tout, il n'y a en fin de compte qu'un seul contribuable.

Qui plus est, il ne me semble pas y avoir dans ce rapport d'analyses des impacts économiques de ces réformes. J'aimerais en voir avant qu'on aille plus loin dans ce sens.

On ne tient pas compte non plus de l'effet sur les revenus nets, les revenus qui découleraient des mesures mises en oeuvre pour encourager une croissance économique productive. Cela aussi j'aimerais le voir. La neutralité fiscale ne consiste pas simplement à modifier la provenance des recettes fiscales. Il est certain que nous devons également envisager les recettes créées par un regain de croissance économique.

• 1200

J'en conviens, l'hypothèse sur laquelle s'est fondé le Comité Mintz et selon laquelle nous devions avoir une certaine neutralité au niveau des recettes fiscales impose effectivement un important surcoût à l'industrie canadienne. Le professeur Mintz le reconnaît lui-même dans un renvoi bien caché à la page 23 de son rapport, au chapitre 4, là où il dit: «Comme nous en avons discuté, cela pourrait être le cas», et je puis vous dire qu'il y a «selon notre proposition de graves préoccupations concernant la compétitivité internationale des nouveaux investissements dans le secteur manufacturier. Tout incitatif devrait être offert sous la forme d'un crédit à l'investissement.» Ce serait bien si cette recommandation était effectivement intégrée aux recommandations proprement dites du rapport au lieu d'être dissimulée dans un renvoi bien caché dans la partie 4 des recommandations.

Soyons francs. Les recommandations ne sont certainement pas neutres du point de vue fiscal, du moins sous l'angle des manufacturiers ou des exportateurs qui devraient payer pour l'abaissement du barème général dans d'autres secteurs de l'économie au détriment du leur propre. En particulier, nous nous opposons vivement aux recommandations du rapport qui concernent les changements à la déduction pour amortissement et les changements au système de crédits d'impôt pour la recherche et le développement. Je puis vous dire que le dépôt de recommandations visant à changer le crédit d'impôt pour la recherche et le développement à ce moment-ci augmente l'incertitude, qui existe déjà d'ailleurs, quant à la viabilité et à l'avenir de ce programme.

Je pense que le simple fait de jeter un coup d'oeil sur certaines des recommandations figurant dans le rapport et qui rendraient le programme moins efficace a déjà causé un tort certain.

Nous nous opposons également très vivement aux recommandations concernant les frais d'intérêt liés aux investissements étrangers, les investisseurs canadiens, l'impôt sur la distribution, le crédit d'impôt pour dividendes et la restructuration de la déduction à l'égard des ressources. Nous ne voulons pas nous retrouver avec une réforme fiscale telle que le régime fiscal applicable aux manufacturiers soit encore moins compétitif et encore plus coûteux qu'il l'est déjà.

L'Alliance collabore avec Industrie Canada et nous avons d'ailleurs commandé notre propre analyse de l'impact des réformes de la fiscalité des entreprises dans le secteur manufacturier. Cette étude a été conduite par le professeur Jeffrey Bernstein de l'Université Carleton dont les travaux économétriques vont d'ailleurs être publiés très bientôt par Industrie Canada. Le texte est actuellement à la traduction et à la composition. L'Alliance a déjà en main les conclusions de ce travail concernant les politiques et nous serions heureux d'en faire part au comité. Nous allons utiliser cette recherche si nous en venons à formuler nos propres recommandations en matière de réforme fiscale au comité ainsi qu'au ministère des Finances à l'occasion des prochaines consultations budgétaires.

Permettez-moi de résumer certaines de ces conclusions pour ce qui est de l'élément coût. Vous pouvez voir à la page 7 de notre mémoire une analyse succincte des coûts et des avantages des trois composantes des recommandations du professeur Mintz. Il s'agit de notre propre analyse et nous avons chiffré la chose en nous servant du travail du professeur Bernstein.

Faire passer de 22,12 à 20 p. 100 le taux de l'impôt fédéral sur le revenu des entreprises ferait épargner environ 456 millions de dollars aux fabricants, créerait des emplois et favoriserait les nouveaux investissements. Mais si vous ne prenez que deux autres recommandations, les changements au niveau de la déduction pour investissement et la réduction des crédits d'impôt à la recherche et au développement, l'effet combiné net de ces deux mesures annulerait les économies produites par la diminution du barème d'imposition et ce serait pour nous une perte nette tant au niveau des dépenses d'investissement que des dépenses de recherche et de développement à cause de ces deux recommandations qui, je le répète, feraient plus qu'annuler les gains produits par la baisse des barèmes d'imposition.

L'Alliance propose quatre critères pour une réforme de la fiscalité des entreprises, critères qui devraient s'appliquer au rapport de ce comité technique et à toute autre initiative de la part du gouvernement. Tout d'abord, les réformes devraient apporter une solution aux véritables problèmes et non pas aux problèmes théoriques. En second lieu, les réformes ne devraient pas empirer la situation d'un secteur quel qu'il soit. Troisièmement, les réformes devraient refléter ce qui se produit dans le reste du monde et offrir ce dont le Canada a besoin pour être fiscalement compétitif par rapport aux autres juridictions où les entreprises sont plus faiblement taxées ou ne sont pas taxées, ce qui n'est pas notre cas à l'heure actuelle, et les changements qui doivent se produire sont donc de loin plus marqués que ce que recommandait le professeur Mintz. Enfin, le gouvernement fédéral doit prendre l'initiative au niveau de la réforme fiscale sans pour autant tenir pour acquis que les provinces vont emboîter le pas.

Ici encore, je voudrais souligner que la réforme de la fiscalité des entreprises est un problème à la fois urgent et prioritaire. Nous voyons déjà des investissements disparaître, de même que de nombreux emplois à forte valeur ajoutée. C'est là le problème fondamental et je souhaiterais que le rapport en prenne acte. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Myers.

• 1205

Avant de passer aux questions et réponses, je voudrais profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à un groupe de fiscalistes du ministère des Finances de la Russie qui assistent en observateurs à notre réunion. Ils s'intéressent au processus de consultation publique qui entoure la préparation du budget fédéral.

Bienvenue donc, messieurs, au nom du comité. C'est un grand plaisir pour nous.

Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par M. Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président, et bienvenue à nos témoins. Je reconnais d'ailleurs plusieurs visages.

Je voudrais commencer en vous disant que je compatis un peu avec votre sentiment sur la neutralité fiscale. Je pense que c'est un peu un faux problème. À mon avis, la levée de boucliers qui se fait partout au Canada va dans le sens d'une diminution des impôts plutôt que dans celui d'un remaniement de ceux-ci. Je souscris à ce que vous dites et je pense que votre argument est excellent.

Par contre, je dois également préciser que le travail du professeur Mintz est le reflet du mandat qui lui a été donné par le gouvernement fédéral. J'ai d'ailleurs été moi-même heureux de voir le petit renvoi en question. Nous l'avons trouvé nous aussi. Nous l'avons vu. Je pense qu'il répondait simplement aux ordres qui lui avaient été donnés.

Je voudrais donc commencer en disant que, si nous sommes tous d'accord pour dire que les impôts sont trop élevés, et je voudrais d'ailleurs que le débat aille plus loin que le seul mandat, quel devrait être notre objectif pour ce qui est des barèmes fiscaux imposés aux entreprises au Canada? Que pouvons-nous faire pour résoudre le problème des provinces qui viennent combler le vide fiscal laissé par le gouvernement fédéral? Pourrions-nous conclure des accords fédéraux-provinciaux?

J'imagine qu'en fin de compte la question est de savoir quel traitement fiscal nous devons réserver aux entreprises. Je sais que c'est une question extrêmement vaste, mais si nous voulons éliminer une fois pour toutes les impôts sans rapport aucun avec les bénéfices, comment nous y prendre?

M. Jayson Myers: Permettez-moi de m'essayer d'abord, en commençant peut-être par la dernière question.

Je ne pense pas que le Canada doive absolument arriver à un taux d'imposition zéro. Si d'autres États l'ont fait, c'est qu'ils avaient leurs raisons. Il y a toute une série de coûts qu'il faut compenser, et c'est cela qu'ont fait ces États dans une certaine mesure. Il est évident que nous devons faire quelque chose, et pas uniquement pour nous rendre aussi compétitifs que nos concurrents américains, mais si nous voulons vraiment attirer des investissements au Canada, il faut faire baisser les taux d'imposition des entreprises afin de nous rendre plus concurrentiels.

Le second élément est en revanche que nous voulons faire en sorte que l'argent qui serait ainsi libéré soit autant que possible réinvesti dans l'économie canadienne. Il faudrait donc un genre de complémentarité avec un crédit d'impôt à l'investissement qui encouragerait les compagnies à investir dans la recherche et le développement, dans l'innovation et dans l'achat de biens d'équipement. Voilà donc une série de recommandations.

Nous devons également, je crois, arriver à une vision plus large du régime fiscal des entreprises. Je sais que ces recommandations ne sont pas nécessairement acceptées de façon uniforme par tous les secteurs que nous représentons, de sorte que si je vous dis cela, c'est avec un grain de sel.

Il y a des combinaisons de changements fiscaux qui pourraient améliorer notre position concurrentielle et qui encourageraient également beaucoup l'investissement dans des éléments novateurs, par exemple la main-d'oeuvre hautement qualifiée que le comité, je le sais, souhaite également voir rester au Canada.

Il s'agit d'un problème, lorsqu'on pense à toute la palette des mesures de réforme fiscale, en ce sens qu'il y aura forcément un coût initial. Ce qu'il faut se demander, je crois, c'est si le gouvernement veut vraiment consentir un investissement initial et faire en sorte que nous puissions conserver, je ne parle même pas d'attirer, les investissements qui vont assurer la pérennité de notre industrie. En faisant cela, nous en tirerons en fin de compte un dividende qui est la création d'emplois. Et c'est précisément cela qui produira la croissance future des recettes fiscales. Certes, le facteur coût apparaît déjà, et il s'agit des investissements que nous perdons. C'est cela que nous allons devoir continuer à endurer si nous conservons le régime fiscal actuel.

• 1210

Le président: Merci, monsieur Myers.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Il est de plus en plus difficile, même du point de vue...

[Note de la rédaction: Inaudible] et compte tenu de la mobilité des capitaux d'imposer les sociétés. C'est un peu comme tenter de tordre une barre de savon. En raison de la mobilité des capitaux, on ne peut plus obtenir de l'argent des sociétés comme on le faisait auparavant.

Vous recommanderez une baisse de l'impôt des sociétés, et je suis d'accord avec vous. Mais le gouvernement a besoin d'argent pour fonctionner; et s'il réduit le fardeau fiscal des sociétés, où trouvera-t-il cet argent? Recommandez-vous davantage de taxes à la consommation ou une augmentation de l'impôt des particuliers?

Où pourrait-on trouver cet argent à votre avis? Avez-vous une préférence?

M. John Allinotte (directeur, Impôt des sociétés, Dofasco Inc., Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): D'où proviendrait la perte de recettes fiscales?

M. Scott Brison:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. John Allinotte: C'est généralement l'objectif des réductions d'impôt. La réduction d'impôt, autant dans le taux prévu par la loi que dans les avantages fiscaux, entraîne une croissance économique.

Nous l'avons constaté. Malheureusement, l'histoire ne se répète jamais de la même façon, mais si vous pensez à ce qui s'est passé au début des années 70, lorsqu'on a prévu pour les fabricants des incitatifs sous forme de déduction pour amortissement accéléré, le régime fiscal prévoyait alors un amortissement sur deux ans. Cela a généré des milliards de dollars en investissement de capitaux au pays. Malheureusement, au début et au milieu des années 80, on a oublié tout cela et on a commencé à supprimer ces avantages fiscaux.

À mon avis, une réduction des taux d'imposition ou une augmentation des avantages fiscaux serait compensée par une accélération de l'activité économique et des paiements en taxes et impôt en général.

M. Mark Weseluck: Je suis d'accord. Vos remarques sur le commerce électronique soulignent le fait qu'on ne peut freiner une tendance en tentant de s'approprier une assiette fiscale qui peut quitter le pays. Il faut être accueillant pour les investissements, attirer les investissements futurs et, ainsi, se doter d'une assiette fiscale large et solide qui produit des recettes fiscales. Essentiellement, c'est sur ce principe que le gouvernement devrait fonder sa politique.

M. Scott Myers: Dans quelle mesure les autres pays explorent-ils les possibilités de neutralité comme celles proposées dans le rapport Mintz?

M. Jayson Myers: Plusieurs pays ont déjà pris des mesures, mais il s'agissait surtout non pas de mesures neutres mais plutôt de mesures de réduction du fardeau fiscal.

Il est certain que cela aurait une incidence sur l'équilibre financier en général. Mais je crois que les autres pays ont préféré ne pas tenir compte seulement du régime fiscal, mais bien de tout le système financier. Les réductions d'impôt entraînent une croissance, certes, mais permettent aussi de réduire les dépenses. Si davantage de gens travaillent, les dépenses sociales diminuent, tout comme le soutien accordé aux chômeurs. On réalise des économies en plus de générer des recettes.

Certains, surtout en Irlande, ont fait d'autres analyses. J'ignore combien de pays tentent de concevoir un régime sans effet sur les recettes avant d'agir. Je crois que la plupart ont constaté que les pays où les taxes et les impôts sont peu élevés, comme en Irlande, ont réussi à attirer des investissements de haute technologie dans les secteurs des services et de la fabrication.

À mon avis, c'est ce qui deviendra la norme. Vous pouvez consacrer beaucoup de temps à la recherche de la solution parfaite, mais je peux vous dire, à titre d'économiste, que vous ne la trouverez jamais. N'attendez pas d'avoir la solution parfaite pour agir.

• 1215

Le président: Merci, monsieur Brison.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Pour faire suite à la dernière question de M. Brison, quelle est l'incidence sur les autres recettes fiscales d'une structure fiscale dont les effets ne se neutralisent pas? Pourrait-il y avoir érosion de l'assiette fiscale canadienne à mesure que les sociétés réorganisent leurs affaires et leurs structures fiscales? Le gouvernement ne serait-il pas obligé de compter davantage sur d'autres taxes et impôts, tels que les impôts établis sans égard aux bénéfices, les charges sociales et les taxes d'accise?

M. John Allinotte: Vous avez demandé quels seraient les effets d'une réduction fiscale sur les autres activités générant des recettes?

Mme Karen Redman: S'il s'agit de modifications dont les effets ne se neutralisent pas.

M. John Allinotte: J'estime qu'une des raisons d'être de la structure fiscale, surtout au Canada, est d'encourager l'investissement, car l'investissement, à son tour, suscite une croissance économique. Comme nous l'avons constaté au cours des dernières années, la demande de fonds provenant de la caisse d'assurance-emploi a baissé. Le gouvernement dispose donc d'un joli excédent pour la prochaine reprise économique.

Un régime fiscal qui permet les mouvements de caisse en offrant des avantages fiscaux ou de faibles taux d'imposition encouragera la croissance économique. Il n'aura pas d'effet sur les autres taxes et impôts. Les dépenses, surtout les dépenses sociales, diminueront. Par conséquent, la perte de recettes découlant de la réduction d'impôt sera compensée.

M. Jayson Myers: C'est un domaine où on discute beaucoup en se fondant sur des perceptions et des ouï-dire.

Honnêtement, on n'a pas encore effectué de bonnes analyses de l'incidence des réductions d'impôt dans les pays où on a entrepris des réformes fiscales.

Si vous envisagez de modifier le régime fiscal, je vous suggère de commander une analyse de ce genre. Il faudrait examiner attentivement les pays comme l'Irlande et d'autres pays européens, ainsi que les États-Unis, pour déterminer ce qu'ont été, dans ces pays, les conséquences de la réduction des impôts.

Le régime actuel d'imposition des consommateurs et de l'industrie a un effet de distorsion sur la façon dont nous dépensons notre argent et dont nous prenons nos décisions, non seulement en matière d'investissement, mais aussi en matière de niveau de production et de coût d'affaires. D'ailleurs, d'après notre analyse, cette distorsion ajoute environ un demi pour cent à l'inflation chaque année, simplement parce que les entreprises ne prendraient pas les décisions qu'elles prennent si le coût de la main-d'oeuvre et le coût du capital d'investissement ne subissaient pas les effets de distorsion du régime fiscal.

Dans toute réforme de l'impôt des sociétés, il faudra s'attaquer à ce genre de problème. Si le régime fiscal prévoyait des impôts sur les profits purs, cela n'aurait pas d'effet de distorsion sur les décisions en matière de production ou d'investissement. Si les taxes à la consommation étaient uniformes, il n'y aurait pas non plus d'effet de distorsion. Mais ce n'est pas ce qui prévaut actuellement; on peut parler, en théorie, d'impôt sur les profits purs ou d'impôt sur les dépenses pures, mais, du point de vue politique et si l'on est réaliste, ce genre de système n'existera jamais au Canada.

Tentons donc d'améliorer la situation actuelle et de réduire ces distorsions... sans pour autant croire qu'elles disparaîtront.

M. Brian W. Collinson (directeur, Politiques commerciales, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): J'aimerais faire quelques remarques.

Je suis entièrement d'accord avec Jay pour dire qu'il faut faire davantage d'analyses empiriques. Toutefois, si on regarde ce qui s'est fait dans les pays où l'on a récemment abaissé le taux de l'impôt sur les sociétés, on constate que cette décision était motivée par la conviction que, ultimement, à long terme, ces changements seraient sans effet sur les recettes ou auraient des effets positifs. Mais la question de savoir à quel moment ces changements deviendront sans effet sur les recettes reste sans réponse. Il semble y avoir une différence entre l'échéance qu'envisage le professeur Mintz, qui est très courte, et la vision à long terme du processus d'imposition, d'investissement et de production de recettes qu'ont peut-être adoptée d'autres pays.

• 1220

Le président: Monsieur Iftody.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci de vos exposés. Certains d'entre vous viennent témoigner devant ce comité pour la deuxième ou troisième fois en six ou sept mois.

J'aimerais commencer par une remarque générale sur la politique fiscale. Il y a quelques jours nous avons entendu des représentants de l'Association médicale canadienne qui ont réclamé plusieurs choses. C'est tout juste s'ils ne nous ont pas réprimandés. Ils souhaitent une réduction de l'impôt des particuliers. Ils réclament du gouvernement fédéral qu'il dépense davantage en matière d'éducation, surtout au niveau de la recherche de pointe. Le groupe qui a témoigné avant vous a fait les mêmes demandes. On réclame des réductions d'impôt générales tout en nous disant qu'il faut doubler le salaire des médecins pour qu'il se compare à celui des médecins américains. C'est ce que certains nous ont dit.

Je vais commencer par demander aux représentants de l'Association des banquiers, puis à Jay Myers de commenter ces témoignages.

John McCallum a déclaré récemment que le gouvernement fédéral devrait avoir un excédent d'environ 11 milliards de dollars d'ici deux ou trois ans. Mais il est d'avis que nous ne pouvons nous permettre aucune réduction d'impôt que ce soit. Impôt sur les particuliers, impôt des sociétés, reports d'impôt, peu importe, il estime que nous n'en avons pas les moyens et que nous devrions reporter toute réduction d'impôt à plus tard, au moins après la fin du mandat de ce gouvernement.

Il y a donc divergence d'opinions. Nous avons déjà parlé de certains aspects du rapport Mintz. Je présume que l'on s'est fondé sur la possibilité d'une autre récession économique. Le gouverneur Thiessen et d'autres témoins qui ont comparu devant notre comité récemment nous ont dit qu'il nous reste de 24 à 30 mois avant que ne s'amorce un certain déclin, avant que nous n'atteignions notre pleine capacité et que commencent à se faire sentir les pressions inflationnistes. Certains économistes craignent que de trop grandes réductions d'impôt ne provoquent une récession d'ici quatre ou cinq ans.

Compte tenu de ces vues divergentes et des observations qui ont été faites à notre comité et au gouvernement, j'aimerais savoir ce que l'Association des banquiers, d'abord, pense des dépenses fédérales en matière de recherche et de développement, de soins de santé, d'éducation et de rémunération des médecins.

Deuxièmement, j'aimerais savoir ce que vous pensez des observations du très estimé M. McCallum qui est d'avis que c'est de la folie que de passer tant de temps à se demander ce qu'on fera du dividende.

M. Mark Weseluck: Je ferai quelques remarques générales, puis, Rob vous donnera son point de vue d'économiste.

Bien des gens estiment qu'on doit d'abord s'attaquer à la dette. Je crois que c'est l'opinion de John McCallum et de bien d'autres.

Cela devrait-il être notre seul objectif ou ne pourrait-on pas envisager d'autres dépenses ou une réduction d'impôt? Il faut aussi tenir compte de la compétitivité du Canada, de sa position au sein de l'économie mondiale, surtout du point de vue des investissements et de nos niveaux d'imposition.

Deuxièmement, il y a actuellement une fuite importante des cerveaux, une migration de nos meilleurs talents vers les États-Unis. Même si on investit davantage dans l'éducation, cet investissement est perdu si nos meilleurs éléments quittent le pays. Il faut pouvoir garder notre talent au pays et garder les entreprises qui créent des emplois et la croissance économique.

• 1225

Pour notre part, nous estimons que, puisqu'on dispose d'une marge de manoeuvre financière, il faudra, tôt ou tard, examiner la structure financière en plus de s'attaquer à la dette. Les économistes des grandes banques préfèrent l'an 2001 ou 2002, selon leur perspective. Nous, à notre association, n'avons pas fait de projection pour une année particulière.

En ce qui concerne la compétitivité, c'est ce qui produit la croissance économique; il faut donc adopter une vision à long terme de la source de cette croissance, particulièrement compte tenu de l'importance que prend la technologie qui permet la fabrication à l'étranger de biens qui sont ensuite vendus au Canada. Vous ne créez pas d'investissements dans de l'emploi d'infrastructure; vous vendez simplement des biens et des services à un pays, des biens et des services qui quittent le pays.

M. David Iftody: Lorsque nous avons entendu M. Myers à Toronto—je me souviens d'en avoir pris note car cela avait piqué ma curiosité—on a laissé entendre alors, au sujet de la compétitivité et de notre capacité à attirer des investissements étrangers—que nos faibles taux d'intérêt étaient avantageux pour l'emprunt de capital d'investissement. On a laissé entendre que cela devrait être notre cible.

Autrement dit, si notre dette est abaissée à un niveau comparable à celui des États-Unis, notre compétitivité augmentera. On fera davantage d'investissements au Canada. Nous paierons moins pour nos emprunts. Cela libérera plus d'argent pour les investissements.

Les taux d'intérêt constituent probablement l'un des éléments clés de cette équation. Si les taux d'intérêt sont à 20 p. 100 et que le ratio de la dette au PIB est de 40 p. 100, c'est un problème. Si le ratio est de 60 p. 100 mais que les taux d'intérêt sont de 4 ou 5 p. 100, au taux préférentiel, le fardeau est manifestement moindre.

Cette analyse a piqué ma curiosité. Je l'ai trouvée très intéressante.

Puisque c'est une variable indépendante, quels seraient ses effets sur une période de cinq ans ou de dix ans? Aurait-elle un effet à la baisse? Quelle serait son incidence sur le taux d'imposition des particuliers et des sociétés? Est-ce que le pays dans l'ensemble ne s'en porterait pas mieux puisqu'on aurait réduit le déficit et abaissé les taux d'intérêt sur 10 ans? Qu'est-ce qui serait le plus important pour les Canadiens?

M. Mark Weseluck: Il faut se demander si l'un exclut l'autre ou si on ne peut conserver de faibles taux d'intérêt tout en modifiant, légèrement au départ, l'assiette fiscale des sociétés afin d'en obtenir certains avantages, comme Jack Mintz l'a déjà mentionné. Déjà, en indiquant qu'on prendra des mesures à ces égards, on signifie un message important à la communauté internationale. Que l'on prenne des mesures d'envergure, comme il le préconisait peut-être à certains de ces changements, à court terme ou non, il importe d'indiquer clairement que le Canada agira. Les taux d'intérêt sont un élément clé, mais ce qui reste après impôt est aussi important.

Nous sommes certainement d'accord pour dire qu'on doit prendre des mesures à cet égard. Je tiens à ce que ce soit clair.

M. Jayson Myers: À mon avis, c'est une question d'équilibre. Le niveau des taux d'intérêt est important et il est certain que la réduction du déficit a eu un important effet à la baisse sur les taux d'intérêt au Canada. Encore une fois, la perception selon laquelle le gouvernement allait intervenir et est intervenu a contribué à ce succès.

Pour ce qui est du ratio de la dette au PIB, lorsque je parle à des investisseurs étrangers, je constate que cela les préoccupe tout comme le niveau d'imposition. Il serait bien de pouvoir corriger tous les problèmes en même temps, mais, compte tenu de la situation financière actuelle, évidemment, c'est impossible.

La principale question est de savoir comment on peut s'assurer que les taux d'intérêt resteront bas et que la situation financière restera stable tout en commençant à abaisser les niveaux d'imposition dans les domaines où cela aura la plus grande incidence sur la croissance. C'est là notre principale préoccupation.

• 1230

L'expérience de la dernière récession nous a montré que ce n'est pas pendant cette période qu'il faut adopter de nouveaux impôts ou taxes. Cela a vraiment été le coup de grâce pour l'économie canadienne à cette époque.

Depuis 1990, le revenu des particuliers après impôt par habitant a baissé d'environ 12 p. 100 de 1989 à la fin de l'an dernier. Les Canadiens disent: «Ma situation financière ne s'est pas améliorée» et ils ont tout à fait raison. Le revenu a baissé de 12 p. 100.

Comment pouvez-vous répondre à cette préoccupation tout en réglant certains des problèmes de compétitivité et d'investissement que vous avez soulevés? Nous avons beaucoup de problèmes à régler dans ce domaine. Nous n'avons pas beaucoup d'argent en trop, mais nous devons intervenir sur tous les fronts.

Le président: Merci, monsieur Myers.

M. Solberg posera la dernière question.

M. Monte Solberg: Merci, monsieur le président.

Ma question porte sur la situation des services financiers dans une certaine mesure, mais elle s'applique probablement aux autres secteurs aussi. D'une part, le rapport Mintz signale que votre secteur est lourdement imposé par rapport aux autres mais, d'autre part, et je crois que les faits le confirment, votre secteur crée bon nombre d'emplois bien rémunérés dans un domaine de haute technologie. Ce matin, nous avons eu une séance sur la fuite des cerveaux et on se plaignait du fait qu'on ne parvient pas à garder la crème de la crème au pays. Dans une certaine mesure, c'est grâce aux banques si on parvient à garder certains de ces gens les plus talentueux.

Lorsque vous discutez de ces enjeux avec les fonctionnaires du ministère des Finances, comment expliquez-vous cette incohérence; d'une part, la politique officielle est d'encourager la création de ce genre d'emplois, mais, d'autre part, on vous impose un fardeau fiscal anormalement lourd qui fait obstacle à la création de ces emplois? Comment justifie-t-on cela? Je suis certain que M. Myers fait face au même dilemme puisqu'il représente un secteur fortement imposé mais qui crée des emplois qu'on veut garder.

M. Mark Weseluck: Nous avons fait l'objet de surtaxes particulières dont l'une, nous l'espérons, sera supprimée par le ministère des Finances dans le prochain budget. Cette surtaxe devait servir à réduire le déficit. Nous estimons que le déficit est maintenant comblé et que nous payons plus que la surtaxe. Ce serait une première mesure qui aiderait à restaurer l'équilibre entre les secteurs.

Nous avons invoqué le même argument que vous, et nous vous saurions gré d'en faire mention dans le rapport du comité, et nous en avons discuté avec les fonctionnaires. Nous créons des emplois et de la croissance dans le secteur des services; or, c'est l'un des secteurs les plus lourdement imposés. Le gouvernement a-t-il pour politique de cibler les secteurs en pleine croissance? Cette politique devrait être réévaluée et rééquilibrée. Nous croyons que les emplois que nous créons sont précisément ceux qu'on tient à voir apparaître.

Nous contribuons considérablement à l'autoroute de l'information, au commerce électronique, etc. Nous continuerons d'invoquer ces arguments pour demander l'élimination de ces surtaxes.

Je suis heureux que l'Alliance des manufacturiers ait fait remarquer que le secteur primaire verse des sommes disproportionnées en taxes et impôts. Nous aimerions que, dans notre domaine au moins, les taux d'imposition soient semblables. Nous voyons mal pourquoi ils ne le sont pas.

Mme Karen Redman: J'ai une question complémentaire à poser. À la page 3 de votre mémoire, vous dites qu'environ 221 000 personnes consacrent plus d'un quart de milliard de dollars chaque année à la formation. Comment cela se compare-t-il au nombre d'employés de votre secteur il y a trois ans, disons?

M. Mark Weseluck: Nous voulions mettre l'accent sur les emplois spécialisés plutôt que sur les emplois du domaine des transactions. Je sais que depuis 1994, il y a eu une augmentation d'environ 17 p. 100 des emplois spécialisés au niveau des cadres intermédiaires. Je pourrai vous faire parvenir des chiffres sur la croissance générale. Toutefois, je sais que ce changement, que je souligne au premier paragraphe, se produit à ce niveau-là.

Mme Karen Redman: J'aimerais beaucoup avoir ces renseignements. Merci.

M. Mark Weseluck: D'accord, je vous enverrai ces informations.

Le président: Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie beaucoup de vos témoignages. Ils nous seront très utiles lorsque nous tenterons de relever les nombreux défis qui nous attendent dans la formulation de recommandations au ministre des Finances et au gouvernement en vue du prochain budget. Comme toujours, votre contribution nous est des plus précieuses et nous vous en remercions.

La séance est levée.