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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 avril 1998

• 1007

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Je déclare la séance du comité ouverte.

Nous sommes heureux de recevoir M. Sein Win, premier ministre du gouvernement de coalition nationale de l'Union de Birmanie ainsi que ses collègues. Il est également accompagné par Micheline Lévesque du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique de Montréal.

Madame Lévesque, je crois que vous allez présenter M. Win. Nous souhaitons que M. Win et vous-même, et peut-être certains de vos collègues, au besoin, fassiez des remarques préliminaires. Nous donnerons ensuite la parole aux membres du comité pour les questions.

Mme Micheline Lévesque (coordonnatrice, Programme pour l'Asie, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Merci.

J'ai l'honneur de présenter le premier ministre du gouvernement de coalition nationale de l'Union de Birmanie, Le NCGUB, M. Sein Win. M. Win est un cousin du prix Nobel et leader du mouvement pour la démocratie de Birmanie, Aung San Suu Kyi. M. Sein Win a obtenu un siège au cours des élections générales de mai 1990 et a été élu premier ministre après l'instauration du NCGUB en décembre 1990.

M. Sein Win (premier ministre, gouvernement de coalition nationale de l'Union de Birmanie): Merci.

Je remercie le président, les vice-présidents et les membres du comité.

Je suis déjà venu au Canada en 1994, et encore une fois je vous remercie de me donner l'occasion d'exposer notre situation au Parlement.

Je vais vous dire brièvement quelle est la situation depuis ma dernière visite de 1994. Elle a de façon générale empiré, bien que Aung San Suu Kyi ait été relâchée en 1995. À ce moment-là, nous avons espéré que les choses allaient prendre un meilleur tour, mais force nous a été de constater que ce n'est pas le cas. Bien que Aung San Suu Kyi ne soit plus en résidence surveillée, ses mouvements sont tout de même très entravés, sa ligne de téléphone est surveillée, et ceux qui veulent lui rendre visite constatent qu'il est très difficile de la rencontrer.

Notre regroupement de la fin de semaine est maintenant terminé; il a été contenu physiquement par l'armée dans le secteur de l'enceinte.

En 1998, nous avons constaté l'arrestation de nombreux membres actifs de la LND. L'une des plus récentes est celle d'une députée de 60 ans, Daw San San. Elle a été condamnée à 25 ans d'emprisonnement.

• 1010

Les universités ont été fermées en décembre 1996. Elles le sont toujours et les étudiants souffrent de cette situation.

La répression des groupes ethniques de la région frontalière, surtout dans la région non peuplée par des Birmans, se fait plus vive également.

Nous avons beaucoup entendu parler des réfugiés karens. Les camps de réfugiés ont été incendiés. Bien que situés en Thaïlande, l'armée y a fait incursion pour les brûler.

On a beaucoup entendu parler de l'État des Chans très récemment. Bien sûr, c'est une situation qui ne cesse de se répéter. Ce sont les rapports d'Amnistie internationale qui nous apprennent en grande partie les atrocités qui se passent dans l'État des Chans.

Et cela ne vaut pas uniquement pour les États des Karens et des Chans, c'est général. Cela se passe aussi dans la région occidentale de l'État des Chins. De nombreuses atrocités sont perpétrées surtout sous forme de persécution religieuse. La majorité des Chins sont, comme on le sait, des Chrétiens. Il s'agit d'une persécution et on détruit... Vous pourrez poser par la suite des questions sur les violations des droits de la personne.

La situation est telle que de nombreux problèmes politiques et surtout économiques se posent. L'économie ne connaît pas de développement; elle se détériore. Les prix augmentent et il y a en outre une pénurie d'aliments qui arrive en Birmanie.

Nous avons eu une inondation grave l'année dernière. La plupart des rizières ont été détruites et l'armée n'a pas pu exporter le riz. Nous nous inquiétons même pour la consommation intérieure.

Les autorités espèrent que des investissements étrangers vont arriver. Mais au contraire, les pays retirent leurs investissements surtout ceux de notre région, la région de l'ASEAN. La Malaisie, la Thaïlande et de nombreux autres pays retirent leurs investissements en raison de la crise économique que connaît la région. Nous nous inquiétons beaucoup du mécontentement que cela provoque et des difficultés économiques qui pourraient donner lieu à des bouleversements et à des soulèvements, un peu comme ce que nous avons connu en 1988.

Nous voulons une transition pacifique. C'est pourquoi nous souhaitons un dialogue tripartite. Jusqu'à maintenant, les autorités ont refusé, mais nous demandons à la communauté internationale de continuer à faire pression. Sans cela, le gouvernement ne bougera pas. Il continuera sur sa lancée.

Nous essayons aussi de préparer l'avenir. Nous avons beaucoup de problèmes qu'il faudra résoudre à l'avenir. Problèmes de réfugiés, problèmes de réinstallation. Nous préparons actuellement un plan. Nous avons déjà commencé en fait à travailler à un plan économique. C'est ce que nous essayons de faire.

L'une des inquiétudes que nous avons, c'est que l'armée essaie actuellement d'obtenir un financement auprès de toutes les sources possibles. Le programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues: nous avons entendu dire que le programme allait favoriser l'élimination du trafic de drogue en Birmanie au cours des 10 prochaines années. Nous pensons que c'est un programme irréaliste. Nous pensons que les causes qui sont à l'origine du problème de la drogue en Birmanie sont d'ordre politique. Sans régler ce problème-là d'abord, nous ne pourrons pas venir à bout du trafic de drogue. C'est un problème beaucoup plus complexe qu'on ne le croit en fait.

Le programme nous inquiète donc beaucoup. L'armée ne va pas résoudre ce problème puisqu'elle fait partie du problème.

• 1015

Afin de nous préparer pour l'avenir, nous essayons de prévoir une transition pacifique. Nous aimerions demander au gouvernement canadien de faire ce qui suit.

Le gouvernement canadien devrait éviter d'accorder de l'aide, surtout au Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues car le gouvernement en place va de cette façon recevoir l'argent qu'il recherche et le problème ne sera pas résolu.

Il souhaite aussi un programme de remise de dette. Nous nous en inquiétons car l'armée va utiliser tout ce qu'elle pourra pour acheter des armes. C'est là l'une de nos inquiétudes.

Si possible, nous aimerions que le gouvernement canadien augmente les sanctions qu'il applique actuellement et nous voudrions qu'il divulgue les visées du gouvernement birman chaque fois qu'il a une tribune pour le faire.

Nous voulons donc que les problèmes de la Birmanie et que la Birmanie soient à l'ordre du jour de la communauté internationale.

Nous voulons aussi augmenter l'aide à la démocratie, tant sur les plans politiques qu'humanitaires. Le Canada est le premier gouvernement à nous avoir accordé une aide financière par l'intermédiaire du CIDPDD, le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.

Nous avons aussi un programme de développement futur qui comprend une caisse pour les bourses scolaires et une caisse pour l'éducation et la formation.

Nous aimerions aussi essayer d'organiser une rencontre des groupes ethniques pour qu'ils puissent discuter ensemble. Il leur est très difficile de se réunir parce qu'ils sont très éparpillés et qu'ils se trouvent dans une situation très difficile. Ils vivent au Bangladesh, en Inde, à la frontière thaïlando-birmane. Mais nous aimerions qu'ils arrivent à se réunir pour discuter. Ce type de réunion est très important, c'est pourquoi nous aimerions que le gouvernement canadien facilite une rencontre de ce type.

Nous aimerions que le gouvernement canadien encourage aussi le dialogue grâce à un mécanisme de consultation officieux des Nations Unies. C'est un mécanisme dont nous disposons actuellement, mais il rencontre encore des difficultés, aussi aimerions-nous que le gouvernement canadien essaie de faciliter ce dialogue. Peut-être que M. Thaun Tung pourra en parler plus tard.

Nous voulons aussi garantir aux réfugiés un asile, et nous aimerions que le gouvernement canadien tire profit de son influence pour que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés puisse garantir la protection des réfugiés en Thaïlande. Comme je l'ai déjà dit, les camps de réfugiés ont été incendiés et les traitements subis par ces réfugiés dans ces camps sont souvent très injustes. Nous en avons entendu parler et nous nous soucions de leur protection.

J'aimerais pour finir demander au gouvernement canadien, chaque fois qu'il rencontre ses homologues de la région de l'ASEAN... ils constituent pour nous un problème. Les travailleurs immigrants et réfugiés sont ceux qui ont quitté le pays; ils n'auraient pas pu rester en raison de la répression. Nous nous inquiétons de leur rapatriement forcé et des mesures sévères dont ils pourraient faire l'objet, c'est pourquoi nous demandons instamment aux gouvernements de l'ASEAN, surtout à la Thaïlande et à la Malaisie, de traiter les réfugiés et les travailleurs migrants avec la plus grande indulgence possible. Nous aimerions que le gouvernement canadien, chaque fois qu'il consulte les gouvernements des pays de l'ASEAN que sont la Thaïlande et la Malaisie, d'aborder ces questions.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup. Y en a-t-il parmi vos collègues qui veulent ajouter quelque chose ou ne sont-ils venus que pour répondre aux questions?

Très bien.

Christine, vous essayez de glisser un mot, ou essayez-vous simplement de vous glisser à la tribune?

• 1020

Mme Christine Harmstone (coordonnatrice, Friends of Burma): Non. Je voulais simplement porter à l'attention du comité que nous venons de terminer une conférence consultative nationale de deux jours sur la Birmanie au cours de cette dernière fin de semaine, et que mes collègues qui sont ici dans cette salle y ont participé, ainsi que 80 délégués canadiens de l'ensemble du pays représentant pratiquement toutes les provinces. Il s'agissait d'une réunion stratégique de deux jours qui avait pour objectif précis d'exploiter les énergies et les intérêts canadiens sur la question, de nous réunir pour former des plans d'action et des stratégies que nous pourrons adopter pour l'année à venir et pour les mois qui viennent.

L'un des principaux objectifs était de savoir comment renforcer le réseau national pour la Birmanie, le mécanisme de soutien qui existe, comment l'asseoir davantage, lui donner un fondement plus sûr pour pouvoir être plus efficaces dans notre travail. Nous avions un autre objectif du même ordre: comment la société civile canadienne peut-elle jouer un plus grand rôle pour soutenir le mouvement pour la démocratie et quelles recommandations pouvons-nous faire au gouvernement canadien? Nous allons notamment présenter certaines de nos recommandations aujourd'hui.

J'attire votre attention sur la question pour vous montrer qu'elle n'intéresse pas seulement la région d'Ottawa, mais le pays tout entier. Nous avons des groupes sur tout le territoire qui travaillent très fort dans leur région respective pour soutenir vraiment le mouvement. Et il s'agit d'un mouvement mondial. Il existe en effet des groupes en Afrique du Sud, en Asie, partout en Europe, et en Amérique du Nord.

J'aimerais intervenir brièvement pour faire au comité les trois recommandations suivantes.

La première consiste à appuyer ce que vient de dire le premier ministre Sein Win, à savoir que le gouvernement canadien augmente son aide au mouvement pour la démocratie, en commençant par une aide financière immédiate aux forces démocratiques par l'entremise du NCGUB, en la faisant parvenir par des organisations telles que le Centre international des droits de la personne et du développement de la démocratie.

Notre deuxième recommandation serait d'envoyer une délégation parlementaire dans la région. Nous aimerions qu'une délégation parlementaire se rende à la frontière thaïlando-birmane; rende visite à des collègues, à des députés qui ont été élus au cours des élections de 1990 et qui se trouvent maintenant dans les régions frontalières; qu'elle visite les camps de réfugiés et qu'elle rende visite aux groupes de défense des droits de la personne qui donnent des preuves des violations perpétrées. Il faudrait qu'elle aille ensuite de la frontière thaïlando-birmane à Rangoon. Qu'elle essaie de rencontrer Aung San Suu Kyi, le prix Nobel de la paix et leader de la Ligue nationale pour la démocratie. Qu'elle aille ensuite à New Delhi pour visiter la partie occidentale du pays et voir quelle est la situation dans cette région, qu'elle rende visite également aux forces démocratiques de ce secteur.

Notre troisième recommandation serait, pour répéter ce qu'a dit le premier ministre Sein Win, que le Canada, tout en soutenant le mouvement pour la démocratie, ne permette pas aux entreprises canadiennes d'aller dans le pays offrir leur collaboration au Comité d'État pour la restauration de la loi et de l'ordre du régime militaire actuel en lui donnant de l'argent et en l'aidant à remplir les coffres du régime. Cela doit cesser immédiatement. Cela veut donc dire appliquer des sanctions supplémentaires; interrompre les investissements canadiens, c'est-à-dire imposer des sanctions au secteur des investissements, et envisager d'autres façons d'empêcher que l'argent des Canadiens aille soutenir ce régime.

J'aimerais aussi vous mentionner les personnes suivantes qui sont ici dans cette salle et qui seront très heureuses de répondre à vos questions. M. Thaun Tung est directeur du Bureau de liaison de Birmanie avec les Nations Unies situé à New York. Nous avons également David Tackarbaw qui a son siège à la frontière thaïlando- birmane et qui est directeur du Centre d'information des Karens, les Karens étant l'un des groupes des diverses nationalités ethniques. Et nous avons M. Sein Win.

Sui Khar est secrétaire des affaires étrangères du Front national des Chins, les Chins étant une autre nationalité ethnique de la région occidentale de Birmanie. Harn Yawnghwe est directeur du Bureau euro-birman qui a son siège à Bruxelles.

Et Kevin Heppner qui est un Canadien qui a son siège à la frontière thaïlando-birmane et qui est directeur du Groupe des droits de la personne des Karens qui recueille les témoignages des villageois des zones rurales et des gens qui fuient la Birmanie. Il essaie d'obtenir leur version de ce qui se passe dans le pays. Il fournit des données essentielles aux Nations Unies, à Human Rights Watch d'Amnistie internationale et aux gouvernements sur ce qui se passe dans le pays. M. Heppner a aussi beaucoup de renseignements qu'il serait heureux de vous donner: des transcriptions de témoignages de villageois qui disent ce qui se passe, aussi vous sera-t-il possible de lire leurs propres déclarations.

Le président: Merci beaucoup, madame Harmstone. Lorsque vous aurez un compte rendu des résultats de la conférence, peut-être pourriez-vous le faire parvenir au comité. Seriez-vous assez aimable pour l'envoyer au comité?

Mme Christine Harmstone: Certainement.

Le président: La greffière pourra ensuite le distribuer aux membres du comité.

Mme Christine Harmstone: Le rapport est en cours d'élaboration actuellement.

Le président: Très bien, nous saurons ainsi quelles sont vos autres recommandations. Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants pour votre aide.

Monsieur Mills.

• 1025

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Je veux simplement préciser qu'en 1996, j'ai participé à plusieurs manifestations en Thaïlande. J'ai rencontré des réfugiés. J'ai également rencontré des députés birmans. J'ai donc une idée de la question. Je dois y retourner cet été et je dois aussi aller à New Delhi pour rencontrer certaines des personnes dont vous avez parlé. Je voulais simplement vous le signaler pour que vous sachiez qu'il y a des Canadiens qui s'intéressent au problème et qui s'impliquent.

Lorsque je pense à la question des sanctions, cela me pose des problèmes car les pays de l'ASEAN reconnaissent pratiquement la Birmanie. Ses voisins commercent avec la Birmanie. Donc toute sanction que le Canada pourrait prendre pourrait paraître minime et de peu d'utilité si les voisins font du commerce et collaborent avec ce gouvernement.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez car il me semble que le problème ne se limite pas au Canada.

J'aimerais aussi savoir à quel stade en est la constitution de l'opposition dans le pays. J'ai posé la question assez souvent, et je n'ai pas vraiment réussi à avoir une idée claire de l'opposition qui pourrait être appelée par la suite à remplacer le gouvernement militaire.

Bien sûr, l'ambassadeur a comparu devant le comité et nous a dit qu'il ne pouvait même pas faire reconnaître ses lettres de créance par Rangoon. Lorsqu'on se renseigne sur les problèmes que l'on peut avoir à entrer dans le pays, notre ambassadeur n'arrive même pas à entrer. Je me demande quelle efficacité nous pourrions avoir si nous essayions d'y aller, car nous constituerions de toute évidence une menace puisque nous pourrions révéler ce qui s'y passe.

Je me demande ensuite quel est l'effet du gazoduc et de l'achat de pétrole par la Thaïlande. Quelle est l'implication dans tout cela?

Je pourrais vous poser bien d'autres questions, mais si vous vouliez vous contenter de répondre à quelques-unes de celles que je viens de vous proposer, je serais heureux de les entendre.

Le président: Tout ce que vous pourriez dire pour encourager M. Mills à entrer dans le pays serait très utile.

Des voix: Bravo!

Le président: Nous ne tenons pas à ce qu'il soit gardé en dehors; nous voulons simplement qu'il puisse entrer.

Qui aimerait répondre à cette question?

M. Harn Yawnghwe (directeur, Bureau européen pour le développement de la démocratie en Birmanie): Merci.

Pour les sanctions, ce que vous avez dit était vrai, disons, avant la crise dans la région de l'ASEAN. Ce qui s'est passé depuis cette crise, c'est que de nombreux pays de l'ASEAN sont en train de retirer leurs investissements. Cela met donc l'armée dans une situation difficile. Les militaires doivent chercher de l'argent ailleurs. Si nous pouvons maintenir ces pressions, nous espérons qu'ils vont entamer un dialogue politique. Sans cela, ils ne le feront pas.

Pour ce qui est de l'opposition dans le pays, pour commencer, vous avez la Ligue nationale pour la démocratie qui a remporté les élections de 1990. C'est une organisation d'envergure nationale. Le problème qu'elle rencontre c'est qu'en raison des restrictions imposées au parti par l'armée, il lui est difficile de s'organiser, mais la structure existe.

Nous avons vu davantage d'agitation récemment parmi les travailleurs des usines de vêtement appartenant à des étrangers et même dans les mines appartenant au gouvernement. La population est en train d'exercer ses droits. Il y a aussi eu les mouvements étudiants. C'est pourquoi l'armée a fermé toutes les universités du pays en décembre 1996. Elle ne les a pas rouvertes parce qu'elle craint un rassemblement des étudiants. Il y a donc une opposition grandissante.

En dehors de cela, il faut se rappeler qu'il y a d'autres partis ethniques qui ont remporté les élections. Ces partis sont toujours intacts même si plusieurs d'entre eux sont gravement entravés. Il y a d'autres groupes ethniques qui sont à l'état de sommeil sur le plan politique à l'heure actuelle, d'une certaine façon, parce qu'ils ont signé des cessez-le-feu avec les militaires, mais ils ne sont pas satisfaits de la situation pour autant. Il y a donc de nombreux groupes.

Quant au gazoduc...

Le président: Merci, monsieur Yawnghwe. Pour la question des sanctions, étant donné que vous êtes auprès de la Communauté européenne, y a-t-il des sanctions ou un embargo de la part de la Communauté européenne ou cela vient-il des États individuellement? Les mesures européennes sont-elles efficaces?

• 1030

M. Harn Yawnghwe: Pour l'instant, c'est un peu comme ce que fait le Canada. Ils ont cessé d'appliquer les mesures préférentielles commerciales en vertu du système généralisé de préférences à cause du travail forcé. Très peu de commerce se fait. Il s'agit davantage d'exprimer le mécontentement de l'Union européenne.

L'un des principaux problèmes que posent les sanctions venant d'Europe vient de la France parce que c'est une entreprise française qui est impliquée dans le gazoduc.

Le président: Merci.

M. Harn Yawnghwe: Pour le gazoduc, peut-être Kevin pourra-t-il vous répondre.

M. Kevin Heppner (directeur, Groupe des droits de la personne des Karens): Le gazoduc en soi a eu beaucoup d'effets tant sur l'économie que sur la situation des droits de la personne. De nombreuses personnes ont été déplacées et des villages ont été détruits en Birmanie à cause du gazoduc. Nous avons interrogé quelques personnes qui ont fait du travail forcé pour la construction de l'infrastructure du gazoduc.

Même si les compagnies pétrolières ne voulaient pas utiliser la main-d'oeuvre contrainte de travailler, le fait est que le régime les a obligés à donner l'argent et il a ensuite rassemblé les travailleurs pour les forcer à travailler. C'est un juste un exemple de la façon dont les compagnies qui arrivent à pénétrer dans le pays ne peuvent pas vraiment maîtriser leurs propres projets.

Maintenant que l'essentiel du gazoduc du côté birman est construit, le projet rencontre des problèmes en Thaïlande parce que les villageois thaïlandais ont un peu plus de liberté pour protester. Et ils protestent. Si on ajoute à cela la crise économique, on a l'impression que le gazoduc pourrait connaître un très gros retard du côté thaïlandais. Il y aura même peut-être des problèmes parce que les Thaïlandais ont l'argent pour acheter le gaz.

Ceux qui sont pris au milieu de tout cela cependant sont également les réfugiés de Birmanie qui ont en grand nombre fui les chantiers de construction du gazoduc, avec ceux qui ont fui les autres projets auxquels on les contraignait de travailler dans la région comme le chemin de fer Ye-Tavoy. Ils sont vraiment restreints de la part de la neuvième division de l'Armée royale thaïlandaise. La neuvième division a un intérêt financier dans la construction du gazoduc et contrôle cette région de la frontière thaïlandaise.

On ne sait donc encore trop ce qu'il va en être de ce projet, mais dans l'ensemble, il a déjà causé beaucoup de souffrances et va sans doute continuer à le faire. Il constituera également le principal apport financier à venir renflouer la junte militaire de Birmanie. Ce sont 400 millions de dollars américains que devrait rapporter ce projet chaque année.

Par notre travail, nous voyons une situation s'instaurer en Birmanie selon laquelle l'armée relocalise systématiquement des milliers de villages et détruit l'économie villageoise pour être sûre de maîtriser totalement toute la population. Elle est en train de faire disparaître totalement la structure villageoise des régions rurales.

Bien sûr cela supprime l'approvisionnement alimentaire dans le pays même. Il n'y a pas d'argent non plus. Il n'y a pas d'approvisionnement alimentaire parce qu'une grande partie de la structure de base de l'agriculture a déjà été supprimée. L'argent pillé dans les régions rurales finance un semblant d'amélioration économique dans les villes mais l'ensemble du système n'est tout simplement pas viable. Cela se traduit par la dépréciation de la monnaie et par la crise économique sui sévit là-bas.

La seule façon pour la junte de maintenir en place ce système qui n'est pas viable, c'est grâce à ces apports d'argent de l'étranger comme ils espèrent que ce sera le cas avec le projet du gazoduc.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue aux représentants du gouvernement en exil, à vous, monsieur le premier ministre, et à vos collègues, et vous dire que le Bloc québécois, le parti que je représente ici, non seulement est compatissant à vos griefs à l'égard du gouvernement birman actuel, mais soutient et continuera de soutenir la cause très noble que vous défendez et que vous venez défendre ici même devant le comité. Nous aurons d'ailleurs tout à l'heure l'occasion de rencontrer le chef de mon parti, M. Duceppe, et nous pourrons continuer nos discussions.

J'aimerais vous demander de commenter, à l'intention des membres du comité, un document que vous faites circuler aujourd'hui et qui émane du groupe Associés pour le développement d'une Birmanie démocratique. On y retrouve des commentaires assez inquiétants, mais qui méritent peut-être des précisions de votre part, et qui suggèrent que la situation est peut-être beaucoup plus grave qu'on ne le pense et qu'on ne le sait.

• 1035

On dit que le SLORC est

[Traduction]

    [de conception...] orwellienne et [d']intention hitlérienne.

[Français]

J'aimerais que vous commentiez cette façon de qualifier le régime. Est-ce qu'il y a des intentions génocidaires de la part du gouvernement actuel? Si tel est le cas, est-ce que vous croyez que la communauté internationale en est consciente? C'est ma première question.

[Traduction]

M. David Tackarbaw (Centre d'information de l'Union nationale des Karens): On enfreint très généralement les droits de la personne, surtout lorsqu'il s'agit des groupes ethniques des régions rurales. Les peuples ethniques de Birmanie vivent essentiellement dans les régions rurales. Par exemple, c'est le cas de la région d'où je viens, celle de la frontière thaïlando- birmane. C'est-à-dire la zone orientale du pays.

Une opération militaire a eu lieu dans ce secteur contre les résistants ethniques qui s'opposaient à ce que l'on empiète sur leurs terres. Ils doivent les défendre parce qu'on applique la politique de la terre brûlée.

L'armée essaie de supprimer physiquement les peuples ethniques. Elle incendie les villages. Elle détruit l'approvisionnement alimentaire. Et ce n'est pas tout, elle détruit également les moyens de survie. Cela veut dire les fermes, le bétail et les animaux de trait utilisés en agriculture, par exemple. On abat également les arbres des plantations. Il leur faut en général de cinq à six ans pour arriver à maturité et produire, mais une fois qu'ils sont abattus, il est très difficile d'en tirer quelque chose par la suite.

C'est ce que nous voyons comme la politique de la terre brûlée, et les gens sont contraints par la force de s'installer ailleurs. Si ce n'est pas possible, on essaie de les fusiller sur place. Beaucoup doivent aller se cacher dans la jungle et essayer de survivre dans ce milieu. C'est très difficile. Ils doivent se nourrir de légumes sauvages. S'ils arrivent à pénétrer en Thaïlande, c'est mieux, parce qu'il y a dans ce pays des camps de réfugiés où les ONG leur apportent l'essentiel, mais beaucoup sont piégés.

Nous pensons qu'il y a environ un million de personnes qui sont bloquées à l'intérieur dans les États des Chans, des Karens et des Mons. Dans certains cas, ils ne veulent pas entrer en Thaïlande parce qu'il y a eu des cas de rapatriements forcés, mais certains ne peuvent pas venir parce qu'ils sont piégés par les forces militaires du gouvernement central et ils doivent donc rester cachés. Cette situation touche un million de personnes appartenant aux différents groupes ethniques.

[Français]

M. Daniel Turp: Merci. J'aurais juste deux commentaires à faire. M. le président m'indique qu'on doit partager équitablement le temps.

Madame Harmstone, votre deuxième recommandation est intéressante. Si ce comité de parlementaires pouvait voyager en Algérie et au Mexique, comme le souhaite le ministre des Affaires étrangères, sans doute devrait-il à tout le moins demander au gouvernement d'accueillir la délégation, même si le succès n'est pas assuré. Je suis très sensible à cette recommandation.

• 1040

Il est vrai que les investissements canadiens ne sont pas importants; on exporte au-delà de 15 millions de dollars de biens de la Birmanie au Canada. Peut-être est-on dans une situation comparable à certaines autres situations, où le Canada avait cherché à éliminer complètement les échanges avec un pays. Ce fut le cas de l'Afrique du Sud, à un certain moment, et on avait dû émettre des directives à l'intention des institutions et des entreprises canadiennes. Le Bloc québécois pense que ce devrait être le cas et nous allons pousser le gouvernement à le faire. Merci.

[Traduction]

Le président: Vous savez bien sûr que la seule façon légale de le faire au Canada serait par voie législative; cela nous permettrait d'appliquer les sanctions prévues par les Nations Unies. Je ne crois pas que nous puissions faire quoi que ce soit de façon unilatérale, mais nous pourrons en discuter au cours de nos réunions ultérieures, si vous le voulez.

Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Merci.

Plusieurs de vos recommandations m'intéressent. Tout d'abord, pour le financement, c'est assez clair pour tout le monde. Tout mouvement a besoin d'argent. Vous dites que le Canada devrait financer et faciliter... était-ce d'une conférence annuelle dont vous parliez? Pourriez-vous nous l'expliquer davantage? C'est ma première question.

L'autre question à laquelle j'aimerais avoir une réponse est la suivante: l'objectif final est une Birmanie démocratique. Qu'avez-vous fait, étant donné toutes les petites zones isolées dans lesquelles vivent les groupes ethniques, pour vous préparer à l'avènement de la démocratie dans le pays?

M. Harn Yawnghwe: Les réponses sont liées.

L'armée birmane prétend qu'elle peut résoudre le problème des populations ethniques et de la démocratie en Birmanie en les contraignant à accepter sa version de la Birmanie de l'avenir. Le programme du gouvernement de coalition nationale consiste à agir de façon inverse: au lieu d'imposer ses vues, du haut vers le bas, on procède du bas vers le haut. Le programme du gouvernement de coalition nationale consiste à aider les divers groupes ethniques à se réunir chacun de leur côté pour discuter de leurs propres problèmes pour commencer et ensuite à se réunir entre eux pour envisager l'avenir, pour voir quel genre de Birmanie ils souhaitent avoir.

Le gouvernement a commencé à financer des séminaires et des conférences pour divers groupes. Les Chins doivent en fait se réunir au cours des deux prochains jours. Il s'agit des chefs du mouvement chin du monde entier qui doivent venir ici discuter de leurs propres problèmes internes pour essayer de voir comment ils vont pouvoir s'insérer dans l'Union de Birmanie. Ils ont pu parvenir à cela grâce à vos bons offices; ils ont pu obtenir des visas pour venir au Canada se rencontrer. Il est difficile pour divers groupes birmans de se réunir, car nous ne pouvons pas obtenir des visas et nous ne voulons pas nous réunir en Thaïlande ou en Inde parce que ce n'est pas sûr.

Je crois que la recommandation voulait que si le Canada pouvait faciliter les choses pour ce qui est des visas et du lieu de réunion afin que ces gens puissent se retrouver en toute sécurité et discuter vraiment de leurs problèmes, cela contribuerait au programme du gouvernement qui vise à faciliter la rencontre des divers peuples de façon démocratique et à résoudre les problèmes.

Il y a eu une autre demande faite auprès des Nations Unies pour faciliter les choses et peut-être que M. Thaun Tung pourrait l'expliquer davantage.

M. Thaun Tung (directeur, gouvernement de coalition nationale de l'Union de Birmanie (NCGUB), Bureau de liaison avec les Nations Unies): Le gouvernement canadien est tout à fait favorable à toutes les résolutions des Nations Unies concernant la Birmanie; le mouvement birman pour la démocratie est vraiment très reconnaissant envers le gouvernement canadien pour cette aide-là.

Sept résolutions ont déjà été prises concernant la Birmanie par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et sept autres par l'Assemblée générale des Nations Unies. Toutes les résolutions des Nations Unies sont très utiles pour ce qui est de critiquer les violations des droits de la personne. Et toutes ces résolutions reconnaissent également les résultats des élections générales de 1990 et demandent au régime militaire d'avoir un dialogue politique de fond avec la Ligue nationale pour la démocratie dirigée par Aung San Suu Kyi et les chefs des groupes ethniques.

Malheureusement, les conditions de la résolution des Nations Unies n'ont pas encore été mises en oeuvre. Il faudrait donc que la communauté internationale s'intéresse à la question et essaie de voir comment appliquer les conditions de la résolution des Nations Unies.

• 1045

Il y a deux ans, le secrétaire général des Nations Unies a instauré un mécanisme connu comme le mécanisme officieux de consultation qui a pour objectif de faire des recommandations au secrétaire général et de l'aider à tâcher de mettre en oeuvre les conditions de la résolution.

Nous avons huit membres au sein du mécanisme officieux de consultation. Le Canada en fait partie. La Thaïlande et la Malaisie représentent également l'Asie et c'est assez intéressant d'avoir des membres de notre propre région. Mais le problème, c'est que la Thaïlande et la Malaisie hésitent encore à faire partie du processus officiel, il n'y a donc pas de réunion régulière du groupe officieux de consultation et il n'y a pas de coordination politique entre les membres.

Nous pensons qu'il pourrait être très utile que le gouvernement canadien facilite les réunions officieuses à l'occasion. La mission canadienne de New York pourrait accueillir ces réunions officieuses, en invitant tous les membres du groupe officieux.

Par ailleurs, le service des affaires politiques du Bureau du secrétaire général des Nations Unies envisage d'organiser une réunion du groupe officieux de consultation à Bangkok car la plupart des missions et ambassades de Bangkok sont bien informées et bien au courant de la situation en raison de la proximité géographique avec la Birmanie. Le service des affaires politiques envisage donc d'organiser une telle réunion en Thaïlande dans un avenir proche. Il serait très utile que le gouvernement canadien facilite cette rencontre de Bangkok.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Folco.

[Français]

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le premier ministre, vous avez parlé de la question des réfugiés dans les camps en Thaïlande et plus particulièrement à la frontière entre la Thaïlande et la Malaisie. Je me demande s'il y a une entente entre les gouvernements de la Thaïlande et de la Malaisie et le régime de la Birmanie quant au rapatriement de ces réfugiés. Est-ce que le gouvernement ou des ONG canadiens jouent un rôle dans l'administration des camps de réfugiés en Thaïlande ou ailleurs? Que peut faire le gouvernement canadien en ce qui concerne l'administration de ces camps? Je sais qu'à l'intérieur, il y a souvent énormément de problèmes de criminalité, de prostitution, de drogue et ainsi de suite.

[Traduction]

M. Sein Win: Il n'y a pas d'entente officielle entre les militaires de Rangoon et le gouvernement thaïlandais pour le rapatriement des réfugiés et des immigrants clandestins. Mais nous savons qu'il y a eu des rapatriements forcés de réfugiés de Thaïlande. Nous avons aussi entendu parler du traitement dur qui est réservé à ces immigrants clandestins birmans de Thaïlande.

Nous nous inquiétons bien sûr de la sécurité des réfugiés dans les camps, et également du traitement convenable des réfugiés car nous entendons parler de mauvais traitements subis dans ces camps. C'est pourquoi nous serions très heureux que le gouvernement thaïlandais accepte l'équipe du HCNUR dans les camps de réfugiés pour qu'elle puisse surveiller la situation et éviter ces mauvais traitements.

Je crois que Kevin pourrait...

M. Kevin Heppner: D'une part, ce que l'on peut dire de la situation des réfugiés à l'heure actuelle, c'est qu'elle est extrêmement tendue en raison des attaques permanentes des forces birmanes qui traversent la frontière pour aller détruire les camps de réfugiés et essayer de les contraindre à revenir en Birmanie. Cette situation est encore aggravée par la politique thaïlandaise actuelle qui consiste en gros à refuser l'asile à tous les nouveaux réfugiés.

• 1050

Dans le cas des réfugiés qui sont sortis, il y a une pratique courante, surtout de la part de l'armée thaïlandaise, que l'on appelle la dissuasion humaine, et par laquelle on rend délibérément la vie dans les camps de réfugiés si difficile qu'on espère que les gens vont repartir spontanément.

Pour cela, par exemple, il y a un camp où les réfugiés sont arrivés il y a plus d'un an et où ils vivent toujours par terre sous des feuilles de plastique parce que l'armée thaïlandaise n'autorise pas les ONG à apporter les matériaux de construction voulus pour ériger des écoles et des lieux de culte.

Dans d'autres camps, on force les réfugiés à construire des clôtures autour des camps. On ne les autorise pas à faire quoi que ce soit pour obtenir un revenu. Il y a de nombreux exemples de réfugiés battus, volés, utilisés comme main-d'oeuvre forcée, et dans certains cas tués, tout cela par les forces thaïlandaises qui sont chargées d'assurer la sécurité des camps.

Il est important de préciser qu'en Thaïlande, il y a une séparation très nette entre l'armée et le gouvernement et autres autorités thaïlandaises. L'armée est tout à fait favorable à cette politique de répression des réfugiés et, éventuellement, lorsque personne ne regarde, de rapatriement forcé.

Le gouvernement thaïlandais actuel a adopté une position plus indulgente que son prédécesseur et est un peu plus ouvert en ce qui concerne les problèmes des réfugiés. Toutefois, le gouvernement thaïlandais actuel ne plaît pas du tout à l'armée. Il y a même eu un incident où un réfugié a été tué et où beaucoup de personnes ont eu l'impression que l'armée le faisait délibérément pour essayer de donner mauvaise presse au gouvernement sur la scène internationale.

On est donc toujours confronté à cette séparation entre l'armée et le gouvernement. Je sais que les gens de l'ambassade canadienne de Bangkok connaissent parfaitement cette dynamique politique et je suis sûr qu'ils pourraient vous renseigner davantage.

Une chose est certaine, l'ambassade canadienne est l'une de celles qui ont agi de façon préventive sur la frontière thaïlando- birmane en allant rendre visite aux réfugiés et en usant de son influence auprès du gouvernement thaïlandais. Je sais que tout le monde là-bas souhaite que ce genre d'activité continue parce que les ambassades au cours de l'année écoulée ont sans doute réussi à sauver la vie à de nombreux réfugiés, et ont certainement évité à des milliers de personnes un éventuel rapatriement forcé par l'armée thaïlandaise.

En ce qui concerne le HCNUR, il est vrai que c'est la seule organisation à avoir un mandat de protection et sa présence est vraiment nécessaire dans les camps. Toutefois, il est aussi important de voir quel sera son rôle car il semble que l'armée thaïlandaise souhaite que l'HCNUR prenne les camps en charge pour le contraindre en quelque sorte à légitimer les rapatriements forcés. Cela pourrait être vrai si l'on regarde ce qu'a fait l'HCNUR au Bangladesh. Cela prouve qu'il peut participer à des rapatriements forcés.

La plupart des réfugiés et de ceux qui se préoccupent de leur bien-être aimeraient que l'HCNUR ait un mandat de protection mais ne dirige pas le secours dans les camps et ils recommandent que l'HCNUR soit surveillé de près pour voir à quoi il participe, afin qu'il ne légitime pas les rapatriements forcés.

Le président: Merci.

Monsieur Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président. Je m'associe à mes collègues pour souhaiter la bienvenue à la délégation.

J'aurais deux brèves questions à poser mais auparavant, j'aimerais faire une remarque. Si l'on regarde la déplorable situation des droits de la personne en Birmanie, je pense que la communauté internationale aurait pu faire un peu plus qu'elle n'a fait jusqu'ici. Je trouve aussi tout à fait regrettable qu'un ministre ait fait des remarques malvenues il y a quelque temps. Elles ont été, je crois, un sujet de gêne pour le Canada.

Ma première question concerne le fait que les Nations Unies ont adopté huit résolutions, me semble-t-il, jusqu'à maintenant en ce qui concerne la Birmanie et que la plupart d'entre elles ne sont pas mises en oeuvre de la façon dont elles devraient l'être. Quelles sont les raisons essentielles, à votre avis, qui font que ces résolutions ne sont pas mises en oeuvre et que pourrait-on faire?

Ma deuxième question porte sur des rumeurs que j'ai entendues selon lesquelles le gouvernement militaire fournit une protection aux producteurs de drogue de Birmanie et en obtient des revenus. Autrement dit, la production de drogue en Birmanie est devenue officielle. Pourquoi la communauté internationale ne fait-elle rien à ce sujet, à moins que vous ne pensiez qu'il est normal qu'un gouvernement militaire cruel obtienne un financement d'une source lucrative comme l'est la production des drogues de façon officielle dans le pays, surtout lorsqu'il s'agit du Triangle d'or et de tout le reste?

• 1055

M. Thaun Tung: Monsieur le président, permettez-moi de vous faire part de mon analyse de la mise en oeuvre des résolutions. Tout d'abord, vous savez que les résolutions des Nations Unies n'ont pas force exécutoire. C'est bien sûr l'autorité morale supérieure. Le fait d'obtenir une résolution à l'unanimité concernant la Birmanie revient à dire qu'il s'agit là de l'opinion publique internationale que le régime devrait respecter. Malheureusement, le régime ne respecte pas les conditions de la résolution.

Les Nations Unies ont également donné le mandat au secrétaire général de continuer le dialogue avec l'armée birmane ainsi qu'avec les chefs du mouvement pour la démocratie. Le secrétaire général a, si j'ai bonne mémoire, demandé à son envoyé spécial d'aller en Birmanie à trois reprises, mais l'armée n'a pas accepté que les Nations Unies jouent le rôle de médiateur et la médiation du secrétaire général n'a fait aucun progrès.

À cet égard, il est nécessaire que le secrétaire général ait la collaboration totale de tous les États membres. Cela constitue une force pour la mise en oeuvre de la résolution.

Malheureusement, dans le cas de la Birmanie, il n'y a pas de stratégie internationale concertée. Les États-Unis ont leur propre politique, les pays de l'ASEAN ont une politique d'engagement constructif et l'UE a également une politique différente. Il est donc très important d'avoir une stratégie internationale bien coordonnée.

Il semble que le secrétaire général soit bien placé pour formuler ce genre de stratégie coordonnée. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement canadien de faciliter les réunions entre les membres du comité officieux de consultation. Merci.

M. Gurmant Grewal: En ce qui concerne les résolutions des Nations Unies, on a vu clairement comment elles sont appliquées en Irak, mais les mêmes résolutions, provenant de la même source, sont traitées différemment en Birmanie. C'est ce qui m'inquiète.

Quoi qu'il en soit, ma deuxième question...

M. Sein Win: Quant à votre deuxième question, nous sommes également très surpris de la réaction internationale. Nous connaissons très bien ces barons de la drogue. Il s'agit de gens très connus comme Lohsing Han et Khun Sa. On ne leur a pas intenté de procès. Khun Sa est très recherché par les États-Unis, mais on ne va pas l'extrader.

M. Gurmant Grewal: Bénéficient-ils de la protection militaire dans ce pays?

M. Sein Win: On dit qu'ils sont surveillés, mais nous savons qu'ils sont protégés par l'armée. Et ils sont tout à fait libres d'investir sans question—ce que l'on appelle le blanchiment de l'argent. Ce qui nous inquiète, c'est que la plupart de ces investissements sont faits dans les transports, dans les installations maritimes par Lohsing Han et dans les transferts de terrains par Khun Sa, et cela ressemble beaucoup au transport de la drogue.

Si nous ne pouvons rien dire des documents qu'ils signent ou autres... mais lorsque nous regardons l'association avec les barons de la drogue et ce qu'ils font de façon tout à fait libre, nous nous inquiétons beaucoup, et nous nous inquiétons aussi des nouvelles récentes concernant le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues. Il s'agit, à notre avis, d'un programme tout à fait inutile.

M. Harn Yawnghwe: Quant au problème de la drogue, comme nous l'avons dit, il est avant tout d'ordre politique. En 1989, l'armée a conclu des ententes avec les divers barons de la drogue en leur disant: «si vous ne vous joignez pas au mouvement pour la démocratie, vous pourrez vous livrer à tout le commerce que vous voudrez.»

Depuis lors, la production de la drogue en Birmanie a plus que triplé. Comme nous l'avons dit, ils vivent à Rangoon et ils peuvent déposer le produit de la vente de la drogue dans les banques birmanes sans qu'on leur pose de question, tant qu'ils paient une taxe de 25 p. 100 au gouvernement.

M. Gurmant Grewal: Une taxe sur la drogue?

M. Harn Yawnghwe: Sur l'argent qu'ils déposent.

• 1100

Le président: Cela semble être davantage un partenariat qu'une taxe.

Vouliez-vous poser une petite question, madame Augustine? Nous devons mettre un terme à notre réunion.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Étant donné l'heure qu'il est, je vais poser une très brève question.

Au Canada nous avons parlé de la question des droits de la personne. S'il y avait deux priorités et qu'il faille leur donner un ordre de préséance, serait-ce l'amélioration des droits de la personne ou le retour au processus démocratique? Quelle devrait être la priorité? Pouvez-vous répondre à cela?

M. Sein Win: Les deux sont très liés. Dans le cas de la Birmanie, nous n'avons pas de gouvernement démocratique, nous n'avons pas d'institutions indépendantes; les médias sont entièrement contrôlés par le pouvoir et il n'y a pas vraiment de primauté du droit. C'est pourquoi on peut enfreindre de la sorte les droits de la personne. Lorsque quelqu'un ne respecte pas les droits de la personne, on peut les laisser aller; et si c'est un membre de l'armée, il est libre de circuler. Il n'y a pas un seul exemple de procès intenté en l'occurrence. On entend beaucoup parler de violation des droits de la personne comme les viols et autres atrocités, mais personne n'est amené devant les tribunaux par l'armée pour être jugé publiquement. Je pense donc que les deux choses sont tout à fait liées.

Mme Jean Augustine: Merci.

Le président: Monsieur Win, je vois déjà le comité suivant à l'horizon. Plutôt que d'encourir sa colère, je préfère vous dire que je regrette que nous ayons épuisé le temps que nous devions vous consacrer. Je suis sûr que je m'exprime au nom de tous les membres du comité en vous souhaitant, à vous et à vos collègues, bonne chance dans cette mission très difficile qui est la vôtre.

Nous avons tous un immense respect pour la vie qu'est obligée de mener votre cousine dans des circonstances difficiles. Nous vous souhaitons bonne chance. Nous porterons certainement à l'attention du gouvernement les questions que vous avez soulevées à notre intention ce matin et nous essaierons d'une certaine façon d'être vos avocats auprès du gouvernement.

Je ferais preuve de grande négligence si je ne disais pas à Mme Harmstone, sans doute au nom de l'un de mes plus éminents électeurs, John Rowlston Saul, que nous appuyons sans conteste le travail que fait son organisation dans notre pays.

Nous voulons aussi féliciter M. Heppner pour le travail qu'il fait en tant que Canadien dans des circonstances très difficiles... en mettant sa vie en péril dans cette région du monde.

Merci infiniment à tous d'être venus. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce matin et nous vous souhaitons bonne chance dans votre travail.

La séance est levée. Notre prochaine réunion aura lieu jeudi à 9 heures.