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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 29 avril 1999

• 0834

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. La séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité principal examine aujourd'hui les objectifs commerciaux du Canada et le programme de l'Organisation mondiale du commerce.

Son sous-comité du commerce international étudie par ailleurs les intérêts prioritaires du Canada au sujet de la zone de libre- échange des Amériques. Les audiences publiques que notre comité tient dans tout le pays sur les principaux aspects de la future politique internationale du Canada en matière commerciale se situent à un moment où le Canada doit prendre des décisions cruciales dans le cadre des négociations complexes qui se déroulent à la fois sur le plan multilatéral, à l'OMC, et au sujet du développement de tribunes régionales comme la zone de libre-échange proposée pour les Amériques. En entreprenant ces vastes consultations publiques sur les intérêts canadiens dans le contexte des négociations de l'OMC et des négociations sur la ZLEA, le comité et son sous-comité du commerce international sont parfaitement d'accord avec le ministre du Commerce international, Sergio Marchi, quant à la nécessité de fournir aux Canadiens des occasions plus nombreuses de participer à l'élaboration de la position qu'adoptera le Canada pour aborder ces négociations.

• 0835

Notre comité s'est rendu au Québec et dans les provinces de l'Atlantique en mars. Et cette semaine, pendant que la moitié de nos membres tient des audiences dans les provinces de l'Ouest, l'autre moitié se trouve au Manitoba et en Ontario. Nous espérons recueillir ainsi un échantillon aussi vaste que possible de l'opinion publique canadienne et en faire état dans un rapport que nous comptons déposer à la Chambre des communes d'ici l'été, bien avant les principales négociations qui auront lieu plus tard cette année.

Avant d'entamer la présente phase de nos consultations pancanadiennes, nous avons d'abord entendu le ministre et ses fonctionnaires en février. Par la suite, nous avons organisé à Ottawa un certain nombre de tables rondes qui ont connu beaucoup de succès. Avant même le début de nos audiences à travers le pays, nous avions reçu dès la mi-avril plus de 100 témoignages de fond sur un vaste éventail de questions et de préoccupations essentielles. Et j'ajoute que, depuis lundi, pendant deux jours à Vancouver et deux autres à Edmonton, nous avons entendu encore une centaine de témoins.

Comme l'a déclaré le ministre Marchi dans sa déclaration préliminaire, lorsqu'il a comparu devant nous, le commerce international est maintenant une question locale. Ce qui se passe à la table des négociations, même si c'est bien loin de nous, a des répercussions jusque sur notre table de cuisine et dans les autres aspects de notre vie quotidienne. Et, comme la mondialisation accentue sans cesse cette tendance, l'élaboration de la politique commerciale ne peut plus se faire derrière des portes closes; elle doit faire appel à la participation de l'ensemble de la société et des gouvernements de tous les paliers.

Les membres du comité se réjouissent donc de la tenue des audiences en cours, qui s'inscrivent dans le cadre d'un processus continu. Nous avons été impressionnés par la qualité des témoignages et des mémoires écrits qui nous ont été présentés. Mais nous devons poursuivre nos consultations, et c'est pourquoi nous venons d'ajouter sur le site Web de notre comité toute une série de notes de discussion, avec des questions soumises au grand public; nous prévoyons aussi inclure dans notre rapport un guide qui permettra aux citoyens de se familiariser avec l'OMC. Nous encourageons les habitants de toutes les régions du Canada à continuer de participer à nos travaux et à suivre le déroulement de notre étude parlementaire au cours des semaines et des mois à venir.

Sur ce, je souhaite la bienvenue à nos témoins de ce matin. Avant que nous passions à vos présentations, je voudrais toutefois inviter mes collègues à se présenter chacun leur tour en quelques mots.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Charlie Penson, député de Peace River. Je suis le critique du Parti réformiste en matière de commerce.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Bon matin. Je me nomme Benoît Sauvageau. Je suis député du Bloc québécois et je représente un comté près de Montréal. Je suis aussi porte-parole au Commerce international.

[Traduction]

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Je m'appelle Murray Calder. Je représente la circonscription de Dufferin—Peel—Wellington—Grey, dans le centre de l'Ontario. Et, dans mon autre vie, je suis éleveur de poulets.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Il est aussi vice-président du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

M. Murray Calder: En effet.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Bob Speller. Je suis député de la circonscription de Haldimand—Norfolk—Brant et secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je m'appelle Sarmite Bulte, et j'ai l'honneur et le privilège de présider les consultations du comité dans l'Ouest. Je suis également présidente du Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux. Je représente la circonscription torontoise de Parkdale—High Park. Bienvenue.

Qui va commencer? Monsieur Randall, s'il vous plaît.

M. Stephen Randall (doyen de la Faculté des sciences sociales, Université de Calgary): Bonjour, madame la présidente, madame et messieurs les membres du sous-comité. Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à participer à vos délibérations.

La perspective dans laquelle je vais vous parler des enjeux et des défis du libre-échange des Amériques ne correspond pas à ce qu'on pourrait décrire dans une déclaration préliminaire comme une vision locale, ou un point de vue local; j'espère plutôt vous présenter la question dans une perspective nationale. Je voudrais vous parler d'un certain nombre de sujets. J'ai déjà fourni des exemplaires de ma présentation—qui sera très courte—aux membres du comité.

Nous savons bien sûr que le sommet de Miami, en décembre 1994, a débouché sur un plan d'action en 23 points. Les signataires s'y engageaient notamment à chercher à établir d'ici l'an 2005 une zone de libre-échange des Amériques, dont les mécanismes seraient compatibles avec leurs obligations dans le cadre du GATT et de l'OMC. Le plan d'intégration comprenait notamment des dispositions sur le développement et la libéralisation des marchés financiers, l'amélioration de l'infrastructure, la coopération en matière énergétique, le développement de l'infrastructure régionale des télécommunications et de l'information, la coopération en sciences et en technologie, et l'augmentation du tourisme.

• 0840

Les signataires s'engageaient toutefois également, dans la même déclaration, à préserver et à renforcer la communauté des démocraties, à mettre fin à la pauvreté et à la discrimination, à garantir le développement durable et à protéger notre environnement naturel pour les générations à venir. Ils confirmaient aussi la nécessité d'assurer l'égalité d'accès à l'éducation et de promouvoir l'avancement des droits de la personne.

Ces objectifs généraux cadrent parfaitement, à mon avis, avec la grande tradition de la politique étrangère du Canada et la conception canadienne du développement international. Le Canada a d'ailleurs accepté d'assumer, aux côtés du Brésil, un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre des priorités énoncées dans la déclaration de Miami en ce qui concerne l'avancement de la démocratie et la défense des droits de la personne. Naturellement, il a déjà contribué à la création de l'Unité pour la promotion de la démocratie à l'Organisation des États américains. Depuis son adhésion à l'OEA en 1989, notre pays a apporté une contribution que je qualifierais de très positive à la mise en place graduelle de mécanismes et de cultures plus démocratiques dans l'hémisphère occidental, en particulier aux Antilles et en Amérique latine.

L'implantation d'une ZLEA soulève plusieurs questions, et j'espère que le comité mixte les examinera d'ici la fin de son enquête. Il s'agit de questions complexes, qui exigent une analyse beaucoup plus approfondie que ce qui est possible, évidemment, au cours d'une séance aussi courte que celle d'aujourd'hui. Ce sont notamment les questions suivantes: Quels ont été les progrès réalisés dans la réalisation des engagements pris au sommet de Miami, puis à celui de Santiago, en vue de la mise en place d'une ZLEA? Quels ont été les obstacles à ces progrès? Faudrait-il en faire une priorité de la politique étrangère canadienne? Quels sont les intérêts économiques et politiques du Canada dans les Antilles et en Amérique latine? Avons-nous des intérêts en matière de sécurité nationale dans cette région? Quelle est l'ampleur actuelle des échanges commerciaux entre le Canada et cette région? Est-il possible d'améliorer la situation à cet égard? Y a-t-il un lien entre la libéralisation du commerce et de l'investissement, d'une part, et le développement économique et la démocratisation, d'autre part? Si oui, lequel? Et, pour finir—bien qu'il y ait encore beaucoup d'autres questions que nous pourrions nous poser—, faut- il s'attendre à ce que la libéralisation du commerce et de l'investissement, par suite de l'instauration d'une ZLEA, fasse des victimes?

Permettez-moi maintenant de vous parler très brièvement des progrès que nous avons réalisés depuis le sommet de Miami, en 1994. L'Amérique du Nord a progressé considérablement en ce qui concerne le développement des blocs commerciaux régionaux existants, la réduction des obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce intrarégional, la modernisation des législations nationales sur le commerce et l'investissement, la privatisation des entreprises d'État et l'amélioration des lois protégeant la propriété intellectuelle. Les pays de l'hémisphère ont modifié leurs stratégies de développement depuis vingt ans, et ils mettent maintenant l'accent sur la promotion des exportations et l'ouverture de leur économie plutôt que sur le développement des marchés intérieurs et la protection des industries nationales.

Ces changements politiques et économiques ont donné lieu à la redéfinition des outils d'intégration en place et à la promotion de l'intégrationnisme. Les outils existants, par exemple le Marché commun d'Amérique centrale, la Communauté et le Marché commun des Caraïbes (le CARICOM) et le Pacte andin, ont été revitalisés et combinés à des mécanismes plus récents comme le MERCOSUR, créé en 1991, et—naturellement—l'Accord de libre-échange nord-américain, signé en 1994. Il en a résulté une augmentation considérable du commerce intrarégional. C'est ainsi que la valeur des échanges commerciaux à l'intérieur du Marché commun d'Amérique centrale, par exemple, est passée de 450 millions de dollars en 1986 à 1,5 milliard en 1997. Les échanges entre pays du MERCOSUR dépassaient pour leur part les 4,7 milliards de dollars en 1997, comparativement à 3 milliards en 1991. À mon avis, le renforcement de ces trois groupes commerciaux régionaux—auxquels il faut ajouter l'ALENA, évidemment—offre une assise solide pour bâtir quelque chose d'aussi ambitieux—puisque c'est effectivement une entreprise ambitieuse—qu'une zone de libre-échange des Amériques.

Le fait que l'administration Clinton n'a pas réussi à faire adopter la procédure nécessaire pour accélérer la négociation des accords de libre-échange a sérieusement ralenti les progrès sur ce front plus général, mais il n'a pas empêché le Canada—et je pense qu'il est très important de le souligner—de prendre des initiatives importantes de son propre chef. Je pense par exemple à l'accord de libre-échange Canada-Chili. Il y a eu aussi quatre rencontres importantes des ministres du Commerce extérieur entre le sommet de Miami et celui de Santiago: à Denver en 1995, à Carthagène en 1996, à Belo Horizonte en 1997 et à San José, Costa Rica, en 1998.

La rencontre de Belo Horizonte, en particulier, avait ceci d'intéressant que les milieux d'affaires y ont participé aux discussions. Les sujets à l'étude allaient de l'accès aux marchés jusqu'aux normes et aux obstacles non tarifaires au commerce, en passant par les règles douanières et les règles d'origine, les subventions, la politique de concurrence, les marchés publics, la technologie, les droits de propriété intellectuelle et l'investissement.

• 0845

Les entretiens de San José ont débouché sur la création d'un Comité de négociations commerciales, un comité de niveau ministériel composé de neuf groupes de négociation. Ce comité assumera la responsabilité globale des efforts visant à assurer la pleine participation de tous les pays au processus de négociation de la ZLEA. Le Canada, comme vous le savez sûrement, est le premier pays à assumer la présidence du comité, jusqu'en octobre prochain. Les États-Unis et le Brésil seront coprésidents par la suite, pendant une période qui ne sera probablement pas la période finale et cruciale, en réalité, puisque l'échéance de 2005 ne me semble pas vraiment réaliste. Quoi qu'il en soit, ils seront coprésidents du comité de novembre 2002 jusqu'à la fin de 2004.

La rencontre ministérielle de San José a également donné lieu à une autre mesure importante, celle de la création d'un Groupe consultatif sur les économies de petite taille chargé d'examiner les inquiétudes persistantes des petits pays des Antilles et de l'Amérique centrale, qui craignent d'être sérieusement malmenés par les nouveaux efforts d'intégration et d'être encore plus marginalisés dans ce processus. Les pays de l'est des Antilles, par exemple, s'inquiètent depuis longtemps des efforts d'intégration des pays de l'hémisphère, surtout depuis la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain. Il n'est donc pas surprenant que la Jamaïque et le Guatemala aient été choisis pour présider ce groupe consultatif, mais je doute fort qu'il soit possible de faire grand-chose de substantiel pour atténuer l'effet du libre-échange et de l'intégration des économies de l'hémisphère sur ces économies de petite taille.

Les ministres présents à San José ont par ailleurs réaffirmé leur engagement à assurer la transparence du processus de négociations et à faciliter la participation constructive des différents secteurs de la société—ce que votre comité cherche de toute évidence à faire lui aussi—, à savoir les milieux d'affaires et les autres secteurs de production, les syndicats, les écologistes et les universitaires, auxquels j'ajouterais les femmes et les peuples indigènes. Il est extrêmement important que cet engagement se traduise par des mesures concrètes, et pas seulement par des gestes symboliques, et que les questions comme l'amélioration des normes du travail et la protection de l'environnement—dont mon collègue Dixon Thompson va vous parler dans un moment—fassent partie intégrante de tout accord de libre- échange à l'échelle de l'hémisphère, de la même façon qu'elles ont été associées pour la première fois à un accord de ce genre lors de la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain, ne serait-ce que dans un accord parallèle.

Cet engagement est consigné dans la déclaration ministérielle de San José, dont les objectifs généraux sont—et je cite:

    Promouvoir la prospérité grâce à une intégration économique accrue et au libre-échange entre les pays de l'Hémisphère comme facteurs clés pour élever le niveau de vie, pour améliorer les conditions de travail des populations et pour mieux protéger l'environnement.

    Mieux assurer, en accord avec nos lois et règlements respectifs, le respect et la promotion des droits des travailleurs tout en renouvelant notre engagement à respecter les normes fondamentales du travail reconnues internationalement et en tenant compte du fait que l'OIT est l'organe compétent

—ce qui reste à voir, à mon avis—

    pour établir et s'occuper des normes fondamentales du travail.

Les gouvernements et la société civile devront se montrer vigilants pour s'assurer que ces déclarations ne sont pas seulement de belles phrases creuses, compte tenu surtout du passé de certains pays d'Amérique latine, où les droits et les normes du travail, tout comme les normes de protection de l'environnement, n'ont souvent bénéficié que d'une attention toute théorique—quand ils ne faisaient pas carrément l'objet de violations éhontées.

Pour ce qui est des intérêts de politique étrangère du Canada dans la région, notre pays y entretient depuis longtemps des liens étroits, surtout avec les pays des Antilles et avec ceux où les mines, l'exploitation du pétrole et du gaz, l'industrie forestière et les services bancaires sont des activités importantes. Les Canadiens ont également noué depuis longtemps des liens culturels avec les populations de la région, surtout ceux du Québec et des Maritimes dont les missionnaires sont très actifs dans ce coin du monde depuis le XIXe siècle.

En outre—et je pense que c'est un aspect extrêmement important—, la définition de la sécurité nationale a évolué considérablement depuis dix ans, ou en tout cas depuis la fin de la guerre froide. Avec la fin de la guerre froide et l'apaisement des tensions Est-Ouest, nous en sommes arrivés à reconnaître qu'il y a bien d'autres menaces qui pèsent sur notre sécurité nationale. Il s'agit par exemple de la dégradation de l'environnement, de la pauvreté, de la faible scolarisation, des problèmes politiques découlant des situations politiques non démocratiques, du trafic des stupéfiants, des migrations humaines et de la violence associée à tous ces problèmes. Il s'agit de questions de sécurité nationale majeures—que nous considérons maintenant comme des questions de sécurité humaine—auxquelles le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international accorde énormément d'importance depuis deux ans et qui représentent une menace tout aussi réelle que le spectre d'une guerre ouverte.

• 0850

Le Canada a également d'importants intérêts économiques dans la région, au chapitre de l'investissement et du commerce des marchandises, même si les États-Unis demeurent évidemment le principal partenaire économique du Canada et des pays d'Amérique latine. Les exportations des 25 principales industries canadiennes vers l'Amérique du Sud, en 1998-1999, ont augmenté par exemple de plus de 100 p. 100, et les pourcentages sont absolument considérables pour certaines industries. Ils s'élèvent par exemple à près de 80 p. 100 pour le papier journal, à 50 p. 100 pour le matériel de télécommunications, à plus de 670 p. 100 pour les produits de pâtes à papier et à plus de 12 000 p. 100 pour les produits de papier de consommation courante, pour ne nommer que quelques produits. Les exportations canadiennes vers le Mexique ont augmenté de 230 p. 100 pendant la même période, et les importations provenant de ce pays, de plus de 23 p. 100.

Les importations canadiennes provenant de l'ensemble de l'Amérique du Sud, encore une fois pour les 25 principales industries, ont toutefois décliné de 14 p. 100 pendant cette période. Ce déclin des importations en provenance de la région a été enregistré pour une bonne partie des pays d'Amérique du Sud, ainsi que pour ceux des Antilles et de l'Amérique latine.

Qu'en est-il maintenant du lien entre la démocratisation—la libéralisation politique, si on veut—et le libre-échange? L'existence d'un lien direct de cause à effet entre la démocratisation, le libre-échange et le développement économique est loin d'être établie, du moins dans les milieux universitaires. Il faut se rappeler que la décennie des années 80 a été une période de crise économique pour l'Amérique latine. En fait, la Commission économique des Nations Unies pour l'Amérique latine a même parlé de décennie perdue. C'est à cette époque-là que l'Amérique centrale s'est libérée graduellement du joug des dictatures civiles et militaires, en même temps que des pays comme le Chili et l'Argentine amorçaient un important mouvement vers la démocratisation, ou plutôt le retour à la démocratie.

Ces pays ont également entrepris dans les années 80 et 90 des efforts de libéralisation du commerce et de l'investissement, dont l'ouverture du Mexique vers le Nord sous la gouverne du président Salinas a été l'exemple le plus frappant. Nous savons pourtant que le gouvernement mexicain, au moment même où il entreprenait cette libéralisation économique, demeurait extrêmement corrompu, se montrait sans pitié pour sa population indigène, supprimait souvent le droit des travailleurs à la libre association et ne cherchait guère à favoriser la mise en place d'une structure politique plus pluraliste. Je dois dire cependant que le pays semble être en train de changer profondément maintenant qu'il n'est plus dominé uniquement par le Parti révolutionnaire institutionnel du Mexique.

Autrement dit, la libéralisation économique ne garantit absolument pas la mise en place d'un système politique plus ouvert et plus démocratique. Mais, en même temps, la participation plus active de la société civile lors des débats sur le libre-échange et sur la signature d'accords dans ce domaine—et je pense que les activités de votre comité le reflètent—représente un progrès extrêmement positif, qui va certainement contribuer à long terme à la démocratisation. En fait, je dirais que c'est une composante essentielle de toute société démocratique.

Quant à savoir s'il y aura des victimes, ou s'il y en a déjà eu, la plupart des économistes et des autres observateurs s'entendent pour dire que le libre-échange et la libéralisation de l'investissement font toujours des victimes, surtout parmi les travailleurs des secteurs les moins concurrentiels sur le plan international, du moins à court terme. Les plus marginalisés, surtout en Amérique latine, sont souvent les femmes et les peuples indigènes. Il semble d'ailleurs exister à cet égard une certaine tension entre l'orientation fondamentale de la politique canadienne de développement international, qui privilégie par exemple le développement de petites industries artisanales, gérées le plus souvent par des femmes indigènes, et nos objectifs plus généraux en matière de politique économique internationale, qui—s'ils se réalisent—vont justement rendre ces industries moins concurrentielles, sinon carrément désuètes.

L'historique de l'expansion économique depuis la révolution industrielle du début du XIXe siècle ne laisse place à mon avis à aucune autre conclusion possible. Les petites entreprises artisanales d'Amérique latine comme celles qui fabriquaient des bottes et des chaussures sur mesure au XIXe siècle n'ont tout simplement pas pu survivre à l'arrivée des produits de série fabriqués à la machine. Et ce qui est vrai pour le secteur industriel l'est également pour l'agriculture, qui s'est mécanisée dans les régions où elle pouvait se mécaniser. À court terme, certains travailleurs seront inévitablement déplacés par l'arrivée d'une production plus efficace à grande échelle. Mais, en même temps, il se créera de nouvelles possibilités d'emploi. Donc, à court terme, nous pouvons certainement nous attendre à une certaine dislocation.

Tous ceux qui connaissent les industries des maquiladoras, au Mexique, sont forcés de reconnaître que les travailleurs qui s'y trouvent ont souvent quitté des emplois non spécialisés et mal rémunérés pour occuper là-bas des emplois plus spécialisés et mieux payés. Ce qui n'enlève rien à la gravité des problèmes associés aux maquiladoras, par exemple la dégradation de l'environnement, la nécessité de protéger le droit des travailleurs à la libre association, et ainsi de suite. Mais si vous demandiez à des travailleurs de ce secteur s'ils préféreraient s'assurer une maigre subsistance en faisant pousser du maïs sur des terres louées ou concédées, ou gagner le minimum vital dans les maquiladoras, ils vous répondraient généralement qu'ils préfèrent de loin la deuxième option, avec tous les problèmes que cela comporte.

• 0855

Pour conclure, donc, le Canada est présent depuis longtemps dans la région, comme il l'a démontré de façon très concrète quand il s'est joint à l'Organisation des États américains en 1989 et qu'il a signé l'Accord de libre-échange nord-américain en 1994. Il y entretient des intérêts économiques de plus en plus importants, et ses objectifs de politique étrangère dans le domaine de la sécurité humaine requièrent une étroite collaboration avec toutes les nations de l'hémisphère occidental.

La politique canadienne doit continuer à mettre l'accent sur la région et à favoriser l'implantation d'une zone de libre-échange panaméricaine, ou la signature d'une entente à cet égard, à condition—ce qui est important—que nous nous montrions vigilants pour protéger les normes du travail et de l'environnement, de même que les gens et les économies susceptibles d'être désavantagés et marginalisés par l'implantation d'une zone de libre-échange des Amériques. Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Randall.

Monsieur Beaulieu.

M. Eugene Beaulieu (département d'économie, Université de Calgary): Bonjour. Merci, madame la présidente, madame et messieurs les membres du comité permanent. Merci aussi de vos efforts pour inviter la société civile à participer à vos travaux et pour chercher à connaître les vues des Canadiens de tout le pays.

Je vais moi aussi vous présenter mes commentaires dans une perspective nationale. Je vais commencer par la prémisse suivante: comme nous le savons tous, quand le GATT a créé l'Organisation mondiale du commerce, il a décidé d'en faire un regroupement de membres; or, ces membres ont non seulement des privilèges, mais aussi des responsabilités. Je vais ensuite vous parler du leadership que le Canada devra exercer, et qui prendra de plus en plus d'importance au fur et à mesure que l'OMC prendra de l'expansion. Je vais enfin vous décrire quelques-uns des obstacles qui semblent s'opposer au leadership du Canada dans le processus de négociations de l'OMC, et quelques-unes de mes préoccupations à cet égard.

Je dirais pour commencer qu'il est important que le Canada, en tant que chef de file de l'Organisation mondiale du commerce, respecte les règles du jeu. Nous savons que, d'ici quelques années, le commerce des marchandises, des biens et des services atteindra plus de 8 billions de dollars. L'Organisation mondiale du commerce comptera bientôt plus de 160 pays membres, ce qui représente 95 p. 100 du commerce mondial. Cela inclut un certain nombre de pays qui sont loin de disposer des ressources nécessaires pour négocier efficacement à la table mondiale et qui ont beaucoup de mal à respecter leurs obligations de membres. C'est dans ce sens-là que le Canada doit exercer son leadership et s'assurer qu'il s'acquitte bien de ses obligations au sein de l'Organisation mondiale du commerce.

Tout comme il l'a fait comme membre d'origine du GATT, au cours de la première ronde de réduction des tarifs, le Canada doit continuer d'assumer ce rôle de leader. Ce sera de plus en plus important à mesure que l'OMC prendra de l'expansion. Selon Curtis et Wolf—ce renseignement vient d'ailleurs de vos notes d'information, que j'ai trouvées très utiles et très intéressantes à lire:

    Le leadership du Canada est particulièrement important dans le domaine des idées relatives aux règles et aux principes du système commercial.

Ce sont ces règles et ces principes qui sont importants, et nous devons nous assurer que le Canada, en tant que chef de file, donne le bon exemple.

Pour ce qui est des problèmes, des préoccupations et des obstacles possibles, le premier se rattache à ce que j'appellerais les écueils du néo-protectionnisme. Nous assistons à un retour à la politique du chacun pour soi en matière commerciale et, dans certains cas, c'est un peu l'histoire de la paille et de la poutre.

Le ministre Marchi a affirmé clairement qu'il jugeait prioritaire, au cours des futures négociations à l'OMC, de limiter le recours abusif aux mesures antidumping, aux droits compensatoires et aux mesures de sauvegarde, notamment en raison de la prolifération de ces types de mesures. Tout le monde s'accorde pour dire qu'il ne s'agit en réalité que de nouvelles formes de protectionnisme, qui ont remplacé les anciens régimes tarifaires et qui coûtent en fait très cher au système commercial mondial.

Depuis 15 ou 20 ans, ce sont surtout les pays comme les États- Unis, le Canada et d'autres pays industrialisés qui ont adopté des mesures antidumping, des droits compensatoires et des mesures de sauvegarde. Ils étaient peu nombreux au départ, mais d'autres pays commencent maintenant à faire la même chose. C'est ce qui inquiète le Canada.

• 0900

Les restrictions antidumping coûtent extrêmement cher au Canada. Le Tribunal du commerce extérieur a rendu récemment un jugement favorable à Heinz dans une affaire qui l'opposait à la compagnie Gerber, ce qui a eu pour effet de créer un monopole au Canada. Le coût de ce protectionnisme a d'ailleurs été dénoncé également par un autre organisme du gouvernement canadien, le Bureau de la concurrence, ce qui confirme le bien-fondé de la décision du Tribunal du commerce extérieur.

Il est donc très clair que ce type de protectionnisme coûte très cher et que nous devons chercher à l'éliminer lors des futures rondes de négociations. Mais, pour que le Canada puisse défendre ce grand principe, il doit prêcher par l'exemple et commencer par renoncer à certaines mesures de ce genre.

Le Canada doit aussi se concentrer sur la nécessité de respecter les décisions et les règlements de l'OMC. Il est fier d'avoir joué un rôle de premier plan dans les premières négociations du GATT sur la réduction des tarifs et d'avoir toujours respecté les mandats du GATT, par exemple. Il y a cependant un exemple récent qui semble indiquer que notre pays ne fait pas toujours ce qu'il préconise; je veux parler du projet de loi C-55. Le Canada fait semblant d'ignorer qu'un groupe spécial de l'Organisation mondiale du commerce a déjà décrété que certains éléments de la politique canadienne relative aux magazines étaient contraires aux dispositions du GATT. La décision originale faisait état de trois violations des règles du GATT et, quand le Canada a porté cette décision en appel, il s'est fait reprocher une quatrième violation. C'est une chose de se doter d'une politique visant à protéger notre culture, mais en mettant de côté les règles du GATT dans cette affaire, nous ne donnons pas le bon exemple. Si nous voulons soutenir la culture canadienne et les producteurs de magazines du Canada, il y a d'autres façons de nous y prendre sans donner ainsi le mauvais exemple aux autres membres de l'Organisation mondiale du commerce.

M. Randall a mentionné un élément dont M. Thompson va vous parler lui aussi, à savoir les questions dont les négociateurs devraient discuter et ce qui devrait être mis sur la table à l'Organisation mondiale du commerce. Je vous dirais, brièvement, que les normes relatives au travail et à l'environnement sont importantes à mon avis et que nous devons trouver le moyen d'en discuter. Je crois également que ces questions font partie des droits et des obligations de chaque pays, dans sa propre société civile, et que chacun doit prendre ses propres décisions à cet égard. Je pense aussi que l'Organisation mondiale du commerce n'est peut-être pas le meilleur endroit pour régler les questions de ce genre et que d'autres institutions, par exemple l'Organisation internationale du travail, seraient peut-être plus appropriées pour ce genre de discussions.

Pour finir, il faut nous demander avec qui nos négociateurs devraient négocier. Autrement dit, devrions-nous chercher à conclure de nouvelles ententes régionales ou nous concentrer principalement sur l'Organisation mondiale du commerce et les négociations multilatérales?

Il y a tout un débat entre économistes sur la question de savoir si le régionalisme constitue une étape vers le multilatéralisme, ou plutôt un obstacle à cet objectif. Les tenants du non affirment que les accords régionaux représentent une forme de protectionnisme. Je vous parle dans une perspective purement économique. Les accords régionaux offrent effectivement une certaine protection parce qu'ils distinguent un groupe donné de pays. Ils sont également contraires au principe de la nation la plus favorisée adopté par le GATT. Il s'agit d'un principe fondamental du GATT et de l'Organisation mondiale du commerce, auquel contreviennent les accords régionaux.

D'un autre côté, en ce qui concerne plus précisément le Canada, notre pays a toujours adopté un rôle relativement pragmatique, surtout au milieu des années 80, quand il a entrepris ses négociations avec les États-Unis. Il a décidé, en raison du coût et de la longueur des négociations portant sur les accords multilatéraux, qu'il était préférable de regarder ailleurs et d'essayer de défendre ses priorités dans une tribune bilatérale plutôt que multilatérale.

• 0905

Les partisans de l'Accord de libre-échange canado-américain estimaient aussi que, si nous pouvions réussir sur ce plan-là, nous pourrions faire la même chose ailleurs et que, si nous ouvrions notre marché aux Américains, les entreprises canadiennes seraient plus compétitives et pourraient soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux. C'est un argument qui a été avancé quand nous avons signé cet accord commercial avec les Américains.

Il est bien possible que les accords de ce genre soient une étape vers les négociations multilatérales, mais je dirais que la signature d'un accord de libre-échange panaméricain ne répondrait pas tout à fait à cette définition. Elle implique elle aussi un processus de négociations très lourd, avec un grand nombre de pays et un nombre encore plus grand de sujets de discussion. Et chaque pays a ses propres priorités.

Cela devient donc une mini-OMC, et il n'est pas certain que les avantages que comportent des négociations plus courtes et plus efficaces avec un ou deux partenaires soient valables pour l'accord de libre-échange des Amériques.

D'un autre côté, il peut-être intéressant, sur le plan stratégique, que le Canada cherche à instaurer une zone de libre- échange des Amériques, puisque cette région commence à prendre une grande importance. Le Canada a la possibilité d'exercer son leadership à cet égard, étant donné que les Américains se font tirer l'oreille pour négocier cet accord de libre-échange panaméricain. Je dirais donc que le Canada pourrait faire valoir ses priorités aux négociations de l'OMC et à celles qui porteront sur la ZLEA, et que ce ne sont pas des objectifs incompatibles.

Il y a une autre mise en garde à faire au sujet de la négociation d'un grand nombre d'accords commerciaux préférentiels. Une des raisons pour lesquelles nous entreprenons des négociations de ce genre, c'est que nous les jugeons moins coûteuses et plus efficaces que les négociations multilatérales. Mais j'ai une étudiante de deuxième cycle, Annette Hester, qui est en train d'examiner si la prolifération des accords bilatéraux et multilatéraux sur le commerce et l'investissement favorise effectivement les entreprises et si elle multiplie vraiment les occasions de commerce et d'investissement, ou si elle n'y fait pas plutôt obstacle.

Sylvia Ostry a qualifié ces négociations sur le commerce et l'investissement de «bol de spaghetti». Les relations entre pays sont devenues tellement coûteuses et tellement lourdes que ces négociations ne nous permettront peut-être pas d'atteindre les objectifs que nous avions envisagés.

J'ajouterais pour conclure que le Canada devrait continuer à travailler sur plusieurs fronts dans le domaine du commerce et de l'investissement, et qu'il devrait poursuivre ses objectifs multilatéraux. S'il considère que ses négociations avec des pays comme le Chili, le Mexique, les États-Unis et d'autres pays d'Amérique latine représentent une étape vers la signature d'un accord commercial multilatéral et vers le renforcement de l'OMC, alors je recommande fortement qu'il y procède.

Le Canada devrait suivre les recommandations découlant de l'examen de l'OMC. Il fait l'objet d'un examen tous les deux ou trois ans. Il a été invité à réduire ses mesures protectionnistes dans les domaines de l'agriculture, des textiles et du vêtement, des véhicules automobiles et des services. S'il doit jouer un rôle de premier plan à l'OMC, il doit faire tout ce qu'il peut pour appliquer ces recommandations, même si je comprends que ces mesures protectionnistes font partie du processus de négociations.

Le Canada doit donner l'exemple et respecter les règles de l'Organisation mondiale du commerce. Il doit travailler à l'élimination du néo-protectionnisme.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Monsieur Thompson.

M. Dixon Thompson (Faculté de design environnemental, Ekos 707, Université de Calgary): Bonjour et merci de me donner l'occasion de vous exposer mes idées.

Je m'intéresse à cette question depuis le début des années 80, à l'époque de la Commission Macdonald, et j'y travaille en particulier depuis quatre mois avec un groupe d'étudiants de deuxième cycle, dont beaucoup sont ici ce matin.

Nous avons déjà soumis un mémoire sur la ZLEA et nous allons vous présenter un mémoire écrit, avec documents à l'appui, d'ici quelques jours.

Vous avez déjà reçu des notes sur notre présentation d'aujourd'hui.

• 0910

J'ai choisi de répondre à deux aspects de votre invitation. Le premier aspect, c'est l'invitation que vous avez faite à la société civile pour qu'elle vienne vous présenter ses commentaires sur la protection de l'environnement et l'utilisation efficace des ressources. Le deuxième, c'est la question de l'exportation de biens et de services d'environnement. La Société pour l'expansion des exportations estime que les exportations canadiennes pourraient se chiffrer à un milliard de dollars d'ici l'an 2002.

Le principal élément de notre mémoire, c'est que les gouvernements doivent inclure dans les négociations commerciales des mesures visant à encourager et à faciliter l'application de systèmes et d'outils de gestion de l'environnement. Nous voulons vous parler de ce qui peut être fait à cet égard et de ce qui a déjà été fait dans l'accord parallèle de l'ALENA. Donc, le Canada a déjà fait ce genre de chose dans un accord commercial international.

Il y a six points dont nous voulons vous parler: les raisons pour lesquelles les facteurs environnementaux doivent être inclus; certains aspects économiques; le rôle du marché; les façons d'inclure ces systèmes et outils de gestion de l'environnement dans les négociations; certains des bénéfices que le Canada devrait retirer de ces systèmes et outils de gestion; et enfin, la nécessité d'assurer une certaine cohérence avec les autres initiatives canadiennes.

Pour ce qui est du premier point, à savoir les raisons pour lesquelles nous devrions inclure l'environnement dans ces négociations, je dirais premièrement que celles-ci ne doivent pas compromettre ou freiner nos efforts pour respecter nos obligations nationales et internationales en matière d'environnement. Le Canada a de nombreuses obligations à cet égard. Nous allons en énumérer quelques-unes dans un moment.

Notre position dans les négociations commerciales devrait être conforme aux principes établis dans le cadre de l'ALENA, de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement et de la Commission de coopération environnementale, de même que de nos négociations avec le Chili.

Troisièmement, nous devrions nous doter de meilleurs outils de gestion de l'environnement. Ce serait bon sur le plan économique, non seulement pour le secteur public, mais aussi pour le secteur privé.

Quatrièmement, il ne s'agit pas d'adopter de nouvelles politiques. Quand on examine les autres obligations des participants en matière d'environnement—les participants aux négociations sur la ZLEA et à celles de l'Organisation mondiale du commerce—, on constate que presque tous ces pays ont des obligations internationales dans le domaine de l'environnement et que ces obligations sont assez nombreuses dans bien des cas. Un certain nombre de ces pays ont des systèmes d'application volontaires pour leur secteur industriel—le Programme de gestion responsable en est un bon exemple—, et nous en avons déjà inclus dans d'autres accords commerciaux.

Toujours au chapitre des obligations internationales, j'ai sur un transparent le tableau 1, que j'aurais aimé vous présenter. Permettez-moi de vous résumer ce qu'il contient.

Quand on regarde les accords internationaux sur la biodiversité, sur les changements climatiques et sur les déchets dangereux, le protocole de Montréal sur les substances appauvrissant la couche d'ozone, les accords sur les pesticides et les produits chimiques, les initiatives d'application volontaire comme le Programme de gestion responsable et la norme TC 207 de l'ISO—qui concerne le groupe de négociation sur la gestion de l'environnement—, on se rend compte que la quasi-totalité des 34 pays de la ZLEA ont pris des engagements en vertu de ces cinq ou six accords internationaux. Et, dans les pays où il existe une industrie chimique, celle-ci applique déjà volontairement le Programme de gestion responsable; en outre, 14 de ces pays ont participé aux négociations de l'ISO sur la gestion de l'environnement.

Donc, tous ces pays ont déjà pris des engagements de ce genre. Ils sont déjà actifs dans ces domaines-là.

Mais de quel genre d'outils de gestion de l'environnement voulons-nous parler? Vous en trouverez une liste à la deuxième page de mes notes.

Nous voulons parler des analyses des effets sur l'environnement; des vérifications environnementales; des analyses du cycle de vie; de la gestion des risques; de l'éducation et de la formation; de l'écocomptabilité, ce qui inclut en particulier le rajustement du PIB; des instruments économiques, et ainsi de suite.

La plupart de ces instruments économiques sont mentionnés dans l'accord parallèle de l'ALENA, et tous sont utilisés régulièrement—à l'exception du rajustement du PIB, je dois dire—par le secteur privé, de même que par les gouvernements dans certains cas.

Je vais maintenant passer aux aspects économiques. Il a été démontré à maintes reprises que l'amélioration de la gestion de l'environnement accroît les avantages du commerce et limite ses inconvénients. On dit toujours que le commerce est avantageux. C'est vrai, et ces outils et systèmes de gestion de l'environnement nous permettent de profiter au maximum de ses retombées positives. En même temps, tout le monde reconnaît que cela entraîne aussi des problèmes. Ces outils et systèmes de gestion nous permettent donc de limiter les difficultés qui surgissent quand nous intensifions le commerce.

Deuxièmement, bon nombre d'études réalisées au gouvernement, dans le secteur privé et dans les milieux universitaires ont démontré les avantages économiques des systèmes de gestion de l'environnement et de l'application des outils de gestion de l'environnement. Je n'ai pas l'intention de vous présenter une longue thèse à ce sujet-là, ni de vous citer une foule de références, mais il y a beaucoup d'études sérieuses qui montrent les avantages pouvant découler de ce genre de choses.

• 0915

Troisièmement, la promotion des systèmes et des outils de gestion de l'environnement favorisera l'exportation de biens et de services d'environnement canadiens.

Quatrièmement, les coûts liés au nettoyage, à la remise en état et à la réhabilitation dépassent les avantages qu'il y a à ne pas tenir compte des systèmes de gestion de l'environnement dès le départ, à causer des dommages et à essayer de les réparer plus tard. Les outils de gestion de l'environnement nous aident à le démontrer. Il faut également souligner qu'une partie de ces dommages sont irréversibles. Une fois que nous les avons laissés se produire, il est impossible de revenir en arrière.

Enfin, le déséquilibre entre les coûts et les avantages qu'il y a à ne pas réduire la pollution et à exploiter nos ressources de manière inefficace signifie à toutes fins utiles que nous transférons de l'argent des victimes de la pollution aux responsables de cette pollution. Le principe du pollueur payeur ne s'applique donc pas.

Je voudrais maintenant vous faire quelques commentaires sur le marché, parce que le marché est censé contrôler tous ces facteurs. Il présente certains avantages quand il y a moins de contraintes et moins de subventions. Par conséquent, il faudrait appliquer le principe de l'élimination de toutes les subventions, mais quand on laisse la pollution se poursuivre, on accorde en quelque sorte une subvention indirecte. Le pollueur ne paie pas pour la subvention dont il bénéficie du simple fait qu'on le laisse polluer ou exploiter les ressources de manière inefficace. Il faut donc internaliser des coûts qui sont actuellement externes. Les systèmes et les outils de gestion de l'environnement dont nous parlons nous permettent de le faire.

Mais comment devrions-nous inclure ces facteurs environnementaux? Les négociations devraient favoriser l'application des systèmes de gestion de l'environnement comme la norme ISO 14001, un système d'application volontaire axé sur le marché, qui est déjà en place et dont des entreprises de pointe se servent activement dans le monde entier. Nous devrions encourager et faciliter l'utilisation des outils de gestion de l'environnement que j'ai mentionnés, et d'autres également. Nous devrions en particulier tirer des leçons de l'expérience de la Commission nord- américaine de coopération environnementale, qui a son siège à Montréal, et de nos négociations avec le Chili.

Nous devrions ajouter au processus de la ZLEA un dixième groupe de négociation chargé des questions environnementales. Il y avait un groupe de travail sur l'environnement parmi ceux qui ont été établis au début des négociations sur la ZLEA, mais il a été mis de côté quand les groupes de négociation ont été constitués. J'estime que le principe de l'inclusion des questions environnementales, qui a été établi à Miami en 1994, devrait être repris pour les groupes de négociation sur la ZLEA.

Le principal élément à cet égard, la principale contrainte qui s'oppose au développement de capacités en Amérique latine, c'est le manque d'instruction et de formation. Le Canada peut jouer un rôle important en aidant les pays d'Amérique latine à bâtir des capacités dans ces domaines, par exemple par des ententes de partenariat.

Quels sont les avantages? Nous pouvons maximiser les retombées positives de l'intensification du commerce et limiter les dommages qu'elle cause. Nous pouvons respecter nos autres obligations nationales et internationales. Nous pouvons exporter des biens et des services d'environnement. Nous pouvons améliorer l'accès aux marchés. Le Japon, par exemple, a affirmé clairement que l'adhésion à la norme ISO 14000 rendrait les marchés japonais beaucoup plus accessibles. Ce sera un aspect de plus en plus courant. Les directives d'achat des grandes entreprises industrielles comme IBM et Ford encouragent l'adhésion de leurs fournisseurs à la norme ISO 14001, quand elles ne l'exigent pas purement et simplement.

Enfin, les outils de gestion de l'environnement dont nous avons parlé nous permettent de quantifier les avantages que nous retirons de la protection de l'environnement et de l'amélioration de l'efficience commerciale.

Le dernier point dont je veux vous faire part porte sur la conformité aux initiatives canadiennes. Le Canada a fait beaucoup de choses dans ce domaine, et nous ne devons pas laisser nos interventions au cours de ces négociations commerciales compromettre ces autres initiatives. Nous avons beaucoup d'initiatives venant du secteur privé, et nos organisations industrielles et nos entreprises jouent un rôle de premier plan sur la scène internationale. Il serait ridicule, à mon avis, que le Canada participe à des négociations commerciales qui rendraient ces initiatives plus difficiles.

L'Association canadienne de normalisation fait office de secrétariat pour les négociations et les efforts de normalisation portant sur la norme ISO 14000, à Toronto.

• 0920

La Commission nord-américaine de coopération environnementale établie dans le cadre de l'ALENA a ses bureaux à Montréal. Bien qu'elle n'ait qu'un personnel très restreint, elle a fait un excellent travail. Je vous recommande de l'inviter si vous voulez étudier plus à fond les questions liées au commerce et à l'environnement.

L'Institut international du développement durable, établi à Winnipeg, est issu des négociations menées par le Canada au Brésil, en 1992, dans le cadre de la conférence de l'ONU.

Enfin, le Canada sera l'hôte de l'OEA en 2000, et je pense que nous devrons exercer notre leadership à cette occasion. Merci beaucoup.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions.

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Merci, madame la présidente. Bienvenue à vous, messieurs, et merci d'être venus nous aider à nous y retrouver dans le domaine plutôt technique des négociations commerciales, et également de ce que nous devrions faire au sujet de la zone de libre-échange des Amériques. J'ai trouvé vos commentaires fort intéressants.

J'ai une question à poser à chacun de nos invités. J'espère que nous avons assez de temps, madame la présidente.

Ma première question s'adresse à M. Randall. Dans les pays latino-américains, il semble y avoir tout un débat sur le rôle que la société civile devrait jouer dans ces négociations. Ici, au Canada, nous tenons à peu près pour acquis qu'elle doit y participer. Mais j'ai assisté à une conférence en décembre, à Miami. Un certain nombre de ces pays étaient d'avis... Ce sont des représentants élus. J'ai déjà mentionné devant le comité que plusieurs de ces pays ont un régime démocratique plutôt fragile, qui ne date que de quelques années.

Jusqu'à quel point devrions-nous essayer de forcer les autres pays à adopter le même processus que nous? Devrions-nous envisager la chose en disant: «Voilà ce que nous comptons faire; c'est notre façon de procéder, mais nous vous laissons libres de déterminer comment vous entendez gérer vos propres affaires»?

M. Stephen Randall: Vous posez là une question très intéressante, et j'ai envie de vous renvoyer à un commentaire qu'Eugene Beaulieu a fait tout à l'heure au sujet des normes du travail, par exemple, et peut-être aussi de la protection de l'environnement.

Il ne fait aucun doute que les questions de souveraineté nationale sont cruciales pour l'ensemble du processus. Il ne fait aucun doute non plus que nous avons des cultures politiques très différentes, et que l'Amérique latine elle-même n'est pas homogène. La participation de la société civile prend toutes sortes de formes différentes selon les pays. Sans vouloir être trop précis—et sans vouloir pointer du doigt les deux extrémités du spectre politique en Amérique latine—, il est certain que le rôle de la société civile y est généralement plus réduit qu'ici. Mais on pourrait tout aussi bien affirmer qu'il y est plus marqué.

En effet, la société civile joue toujours un rôle très important dans un certain nombre de pays qui ne sont pas extrêmement démocratiques, parce que l'absence de démocratie a justement obligé de nombreux groupes civils à se mobiliser. Les organisations étudiantes sont beaucoup plus radicales en Amérique latine qu'ici, et ce depuis bien plus de 100 ans. Et les organisations syndicales sont elles aussi beaucoup plus radicales et plus militantes.

Je pense que, si nous laissons chaque pays agir selon sa propre tradition politique, comme vous le suggérez dans votre question, nous allons voir la société civile y forger sa propre dynamique selon sa situation particulière. Vous semblez laissez entendre dans votre question que nous ne pouvons pas obliger les autres nations à adopter les normes canadiennes relatives à la vie politique et à la société civile; je suis d'accord avec vous, et notre modèle n'est pas nécessairement le meilleur qui soit de toute façon.

C'est une question très importante. Il faut évidemment avoir un débat aussi vaste, aussi diversifié et aussi général que possible dans ce processus. Merci.

M. Charlie Penson: Merci beaucoup. J'aimerais bien vous poser d'autres questions, monsieur Randall, mais le temps nous manque.

Monsieur Beaulieu, vous avez évoqué la nécessité d'établir des règles claires pour tous les pays, en ce qui concerne le respect des décisions rendues. Vous avez indiqué que le Canada devrait exercer un rôle de premier plan à cet égard parce que nous avons participé de très près à l'élaboration de ces décisions dès les premières négociations du GATT en 1947. Je comprends tout à fait votre commentaire sur l'acceptation des décisions des groupes spéciaux. On ne peut pas participer au processus à moitié.

Mais j'ai certaines réserves au sujet du mécanisme de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce, par exemple. Nous savons que la seule chose à faire pour gagner à l'OMC, c'est soit d'accepter la décision, soit d'en payer le prix, c'est-à-dire des droits de douane supplémentaires équivalents.

• 0925

Mais est-ce que c'est satisfaisant? Pouvons-nous faire mieux?

Prenons l'exemple de l'entente que nous avons conclue avec les États-Unis au sujet du bois d'oeuvre. D'après ce que j'ai compris, si nous acceptons la gestion du commerce dans ce secteur, c'est en partie parce que l'industrie craint de devoir attendre un an et demi pour obtenir une décision si nous portons l'affaire devant l'Organisation mondiale du commerce et que, même si nous l'emportons, nous aurons dû payer pendant tout ce temps des droits de douane que nous ne pourrons peut-être pas récupérer. Y a-t-il quelque chose à faire à ce sujet-là? Pensez-vous qu'il y ait un consensus international sur la nécessité d'améliorer ce processus de règlement des différends pour qu'une victoire veuille vraiment dire quelque chose?

M. Eugene Beaulieu: Premièrement, je ne suis pas spécialiste de ces mécanismes de règlement des différends, mais je pense qu'il y a de précieuses leçons à en tirer—nous en avons d'ailleurs déjà tiré certaines. Je crois que l'OMC essaie de mettre en place un processus d'examen plus ouvert et plus efficace, en imposant par exemple des limites de temps.

L'Accord de libre-échange canado-américain et l'ALENA ont vraiment fourni le modèle des mécanismes de règlement des différends multilatéraux et bilatéraux. Un des éléments importants, c'est qu'il y a un processus d'examen bien défini par un groupe spécial, ce qui est nouveau par rapport à l'ancien GATT. Il y a aussi des limites de temps pour rendre les décisions. Je pense que ce sont des éléments utiles, mais c'est un des domaines où il faut apporter certaines améliorations. Je suis d'accord avec vous.

M. Charlie Penson: Parfait. C'est une question importante, à laquelle il va falloir travailler encore un peu.

M. Eugene Beaulieu: En effet.

M. Charlie Penson: Mais vous avez mentionné expressément le droit commercial canadien, ou le recours au droit commercial en cas de dumping.

J'ai siégé il y a trois ans au groupe spécial chargé de l'examen des mesures d'importation, avec quelques collègues. Nous nous sommes demandé si l'usage du dumping dans les soi-disant zones de libre-échange était encore acceptable, ou même souhaitable. Mais le problème, c'est que même si nous pensons que non, nous pouvons difficilement nous passer de lois commerciales défensives puisque les États-Unis sont un de nos principaux partenaires commerciaux et qu'ils ne veulent pas lâcher prise, n'est-ce pas?

M. Eugene Beaulieu: C'est important. Nous devons adopter une position ferme contre ce genre de chose et essayer de persuader les Américains que c'est ce qu'il convient de faire. Si nous pouvons en convaincre aussi d'autres pays, ce sera utile. Le problème que j'entrevois, c'est que les mesures de ce genre vont proliférer maintenant que d'autres pays y ont accès eux aussi, et qu'il sera plus difficile de se débarrasser de ce type de protectionnisme dans cinq ou dix ans.

Pour l'instant, c'est encore gérable. Il n'y a qu'une poignée de pays qui adoptent ces pratiques. Il est évident que les Américains ne voudront pas lâcher prise, mais les affaires soulevées par le Canada sont beaucoup plus nombreuses qu'avant. Le Canada a recours beaucoup plus souvent qu'avant aux outils de ce genre. Donc, si nous voulons essayer de négocier ou de convaincre les Américains de ne pas s'en servir, je pense que nous devons adopter une position ferme en ce sens.

M. Charlie Penson: Proposez-vous que le Canada se débarrasse lui-même de ses lois commerciales pour donner l'exemple? Est-ce que c'est ce que vous suggérez?

M. Eugene Beaulieu: Je suggère que nous trouvions des arguments convaincants contre l'application de règles de ce genre.

Dans le cadre de l'ALENA, je suppose que nous devrions continuer de fonctionner selon ces règles, mais nous pourrions quand même montrer la voie. Nous avons négocié ces règles avec les Américains. En un sens, vous me demandez si nous devrions renoncer à ce que nous avons et cesser d'appliquer ces règles. Oui, peut- être.

M. Charlie Penson: Je suis désolé, mais le temps nous presse. Monsieur Thompson, je devrai peut-être vous demander de me répondre par écrit si nous manquons de temps.

Ma question porte en réalité sur le problème de la dégradation de l'environnement et sur les meilleurs moyens de l'empêcher. Dans la présentation qu'ils nous ont faite à Winnipeg, les gens de l'Institut international du développement durable nous ont laissé entendre que les subventions à l'agriculture causaient de façon générale beaucoup de tort à l'environnement. Étant donné que l'agriculture est une assez grosse industrie dans les pays avec lesquels nous négocions la ZLEA, que pensez-vous de la suggestion de ces témoins selon laquelle nous devrions dans la mesure du possible abandonner les subventions au profit d'un système plus libéralisé afin d'aider à protéger l'environnement?

• 0930

M. Eugene Beaulieu: Je ne peux pas commenter longuement cette déclaration sans avoir vu les détails de leur présentation, mais pour vous répondre très brièvement, je vous dirais que tout dépend de ce qu'on subventionne. Je pense notamment à un certain nombre de subventions à l'agriculture qui seraient très importantes pour permettre aux gens d'adopter des pratiques plus durables et plus respectueuses de l'environnement, par exemple des subventions visant la formation et l'éducation, l'achat de nouvel équipement, et le développement de systèmes qui permettraient de réduire l'érosion des sols et la nécessité des pesticides, par exemple.

M. Charlie Penson: Je suppose que vous voulez parler des subventions à la production. Ce que je veux dire, c'est que les pays de l'Union européenne, par exemple les Pays-Bas, avec leur industrie du porc—qui est très importante là-bas et qui a été bâtie en grande partie à coups de subventions—, ont de graves problèmes d'environnement en raison par exemple des niveaux élevés de nitrates.

M. Dixon Thompson: J'offrirais plutôt des subventions pour trouver des moyens d'utiliser les effluents à forte teneur en nitrates comme engrais, pour remplacer les engrais chimiques.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Penson.

Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Bon matin. Je souhaite la bienvenue à tous les témoins ainsi qu'aux étudiants. Ça me fait toujours plaisir de voir des gens qui s'intéressent à la question, que ce soit à la table ou dans l'assistance.

J'ai des questions un peu générales qui peuvent s'adresser aux trois panélistes.

Vous avez parlé du rôle de la société civile et des consultations. M. Penson en a aussi un peu parlé. On a entendu des commentaires sur le rôle de la société civile à Vancouver, Edmonton et Ottawa. Je vais d'abord parler du Canada, puis on va passer aux autres pays.

Au Canada, comment devrait-on consulter les groupes de la société civile? On peut l'écrire dans des documents et le proposer lors de tables rondes, mais comment doit-on le faire? Par exemple, à Vancouver, on a rencontré 70 témoins qui représentaient quelque 250 000 personnes, disaient-ils. Est-ce qu'on a rencontré la société civile? Qu'est-ce que cela veut dire et de quelle façon peut-on rencontrer la société civile?

M. Penson a parlé indirectement du rôle des parlementaires. Au Canada, jusqu'à preuve du contraire, on est élus pour représenter la population. Quel est le rôle des parlementaires dans ces ententes internationales?

Mon troisième commentaire portera sur le régionalisme par opposition au multilatéralisme. Je pense que c'est M. Beaulieu qui en a le plus parlé. Je me questionne là-dessus. Plusieurs témoins nous ont dit que le Canada tirait de tous côtés au niveau des ententes de libre-échange et faisait beaucoup de marketing auprès des pays d'Amérique latine. On sait qu'on a une équipe de négociateurs limitée. Ils sont très bons, soit dit en passant, mais leur nombre est limité. Est-ce qu'on ne tire pas trop partout en même temps et est-ce qu'on ne diminue pas nos forces en s'éparpillant de cette façon-là?

Mon dernier commentaire s'adresse à M. Thompson. Dans votre document, vous parlez de mesures volontaires au plan de l'environnement. N'est-ce pas un peu faible que d'encourager les mesures volontaires au niveau environnemental? Merci.

M. Stephen Randall: Je vais vous répondre en anglais.

[Traduction]

Sur les deux points que vous avez soulevés au sujet de la participation de la société civile, d'abord quant au rôle des parlementaires et ensuite de façon plus générale, pour ce qui est de la façon d'assurer une participation générale de la société civile, ma réponse sera sensiblement la même que celle que j'ai faite à M. Penson. La formule va varier selon les pays.

Quant à savoir comment nous pouvons favoriser la participation de la société civile dans le contexte canadien, je pense que vous le faites déjà. Il me semble que ce que vous faites dans la région, à Vancouver, Calgary, Winnipeg et ailleurs, et ce que fait l'autre moitié du comité...

M. Benoît Sauvageau: Est-ce que c'est suffisant?

M. Stephen Randall: ...représente le point culminant de la contribution parlementaire, tout en encourageant la société civile à participer à l'exercice elle aussi.

• 0935

Depuis la signature de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, à la fin des années 80, la participation de la société civile aux débats sur les questions commerciales a atteint des niveaux inégalés au Canada, et peut-être aussi aux États-Unis. Le niveau d'ouverture des discussions, le besoin—si on veut—de consulter à peu près tous les groupes d'action du secteur privé, depuis les milieux d'affaires jusqu'aux peuples indigènes, en passant par les organisations syndicales féminines et tous les autres groupes, est vraiment sans précédent à mon avis dans l'histoire de l'hémisphère occidental. Il n'y a pas d'autre exemple de consultations aussi vastes auprès de la société civile avant les années 80.

Je vous dirais, pour répondre à votre question, que nous sommes sur la bonne voie à cet égard. Quel est le rôle du Parlement? Je pense qu'il doit évidemment contribuer à façonner la politique étrangère canadienne sur une vaste gamme de questions et agir comme un filtre—un filtre parmi d'autres, évidemment, mais peut-être le principal filtre, puisque vous êtes des représentants élus—du mouvement d'idées du secteur privé et de la société civile dans le processus d'élaboration de la politique étrangère.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Beaulieu, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Eugene Beaulieu: Pas sur ce point. Mais je peux répondre à la deuxième question.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Allez-y.

M. Eugene Beaulieu: En ce qui a trait au régionalisme et au multilatéralisme, je pense que nous nous éparpillons effectivement trop, et pas seulement nous, mais d'autres pays aussi. Je vous ai parlé d'une de mes étudiantes de deuxième cycle qui étudie la question. Elle n'a pas encore terminé son analyse, mais elle cherche à déterminer si cette prolifération de négociations sur le commerce et l'investissement entre un grand nombre de pays et de groupes différents... Il y a des négociations entre le Brésil et le Canada, et entre le Canada et le MERCOSUR; il y a une foule de négociations bilatérales.

J'ai de sérieuses réserves à ce sujet-là, et je ne pense pas que ce soit la bonne façon de procéder. Au moins, les négociations sur la ZLEA réunissent tout le monde, et l'Organisation mondiale du commerce est une tribune multilatérale. Je crois que, si tous ces pays ont adopté cette voie-là, c'est parce qu'ils savent qu'il faut cinq à six ans avant que les négociations du GATT débouchent sur quelque chose, et qu'elles ne sont pas toujours très efficaces de toute façon; c'est pourquoi ces pays ont choisi la formule régionale. Pour le Canada, dans le cas de ses négociations avec le Mexique, c'était clairement la meilleure chose à faire à cause de l'importance de ces deux pays pour l'édification de la région.

Il s'agissait donc pour le Canada d'une étape vers une participation aux institutions multilatérales, mais je ne crois pas qu'il soit souhaitable de négocier avec chaque pays séparément.

M. Benoît Sauvageau: Merci.

M. Dixon Thompson: Merci de vos questions. Je voudrais faire un commentaire très bref. Il est très important à mon avis de consulter la société civile, parce que l'économie n'est pas la seule chose importante dont nous devons nous occuper; c'est donc une des façons d'inclure la population.

Deuxièmement, en ce qui concerne les négociations et la consultation, les tribunes comme votre comité permettent un type de consultation—une vaste consultation nationale—, mais bon nombre des outils de gestion de l'environnement dont il est question dans notre mémoire exigent que les promoteurs de projets précis consultent les gens qui seraient touchés par ces projets. Il y a donc différents niveaux auxquels la consultation est importante. Ce n'est pas seulement à ce niveau-ci, mais aussi à un niveau plus restreint. En incluant ces outils de gestion de l'environnement, qui exigent ou qui devraient exiger de la consultation, il est possible d'en faire plus à ce niveau-là. La situation s'améliore d'ailleurs en Amérique latine sur ce plan-là, quoique lentement.

Enfin, sur la question des mesures d'application volontaire, elles ne sont absolument pas conçues pour remplacer la réglementation ou le recours à des instruments économiques visant à encourager les comportements que nous jugeons souhaitables et à décourager les autres. Elles peuvent fournir un complément important quand elles sont crédibles, mais, encore une fois, cette crédibilité exige des outils de gestion de l'environnement, et en particulier des vérifications environnementales. Donc, il faut qu'une tierce partie puisse vérifier le comportement d'une entreprise donnée pour démontrer qu'elle fait effectivement de la consultation et qu'elle applique les mesures volontaires qu'elle s'est engagée à appliquer.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Calder et monsieur Speller, il nous reste environ cinq minutes.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: D'accord, merci. Messieurs, une des choses que je constate dans ces négociations, et dans nos efforts pour essayer de créer une communauté mondiale... À l'heure actuelle, l'OMC compte 134 nations membres, et il y en a 30 autres qui veulent s'y joindre. Par conséquent, nous sommes en présence de ce que nous appelons à la ferme la règle d'or: celui qui possède l'or dicte les règles. Les pays comme les États-Unis et le Canada, qui ont un PIB élevé, peuvent envoyer des spécialistes, des négociateurs chargés de chaque secteur, qu'il s'agisse de l'agriculture, de l'industrie, des services sociaux, de l'éducation ou de quoi que ce soit d'autre—puisque tout est inclus—, tandis que les pays plus pauvres ne peuvent envoyer qu'une seule personne pour s'occuper de tout. Bien franchement, il faut faire attention parce qu'il n'y a aucune justice là-dedans. Je me demande si vous avez une idée de ce que nous pourrions faire pour remédier à ce problème. Voilà ma première question.

• 0940

La deuxième, Eugene, porte sur votre déclaration selon laquelle le Canada devrait montrer la voie et prêcher par l'exemple. Eh bien, du point de vue de la réduction des tarifs et des subventions, le Canada est déjà en tête. En fait, les gens de chez Angus Reid ont déjà dit que le Canada avait environ dix ans d'avance sur les autres. Mais que faut-il faire maintenant? Faut-il continuer de donner l'exemple et renoncer à la monnaie d'échange dont nous disposons actuellement pour les négociations? Ou faut-il faire du surplace et laisser les autres pays nous rattraper?

Je vais vous donner un exemple. Je suis vice-président du Comité permanent de l'agriculture, et nous sommes allés le mois dernier à Washington, où nous avons comparu devant l'International Trade Commission. Quand j'ai demandé au commissaire ce qu'il souhaitait voir sur la table, il m'a répondu «tout». Je lui ai demandé ce qu'il envisageait au sujet des tarifs et des subventions, et il m'a répondu: «Je veux qu'ils soient ramenés à zéro.» J'ai dit: «Au Canada, pour le moment, nous n'avons aucun tarif sur le sucre et les arachides. Allez-vous ramener immédiatement vos tarifs à zéro sur ces produits?» Et nous en sommes arrivés très rapidement à une discussion ponctuée de «oui, mais».

J'aimerais avoir votre avis sur ces deux points.

M. Stephen Randall: Je vais d'abord faire un commentaire sur le premier point.

Je pense qu'il ne faut pas sous-estimer la capacité des autres nations de l'hémisphère occidental à négocier efficacement pour leur propre compte. Si vous avez suivi de près les négociations de l'ALENA, vous aurez sûrement constaté que les Mexicains étaient beaucoup mieux préparés que les Américains, sur tous les plans. Les Américains étaient très mal préparés. C'est probablement une des raisons pour lesquelles le Mexique est sorti vainqueur des négociations sur l'Accord de libre-échange nord-américain. Donc, il ne faut pas sous-estimer la capacité de l'élite latino-américaine, qui est très scolarisée et très bien préparée, à...

M. Murray Calder: Que faites-vous de l'Ouganda?

M. Stephen Randall: Il n'est pas question de l'Ouganda. Nous négocions avec le Chili, l'Argentine, le Mexique, la Colombie, etc.

N'allez surtout pas sous-estimer la capacité de nos voisins du Sud à l'emporter sur nous sur bien des points, dans ces négociations. Ce sont des négociateurs très avisés.

Vous avez aussi fait allusion au rôle des États-Unis dans l'hémisphère occidental. Vous avez tout à fait raison. Les Américains font figure de canards boiteux depuis quelques années. Ce ne sera pas toujours le cas. Ils vont revenir à la table des négociations avec un programme commercial beaucoup plus énergique, à mon avis, et la Maison Blanche va pouvoir jouer un rôle beaucoup plus important que celui qu'elle joue depuis les cinq ou six dernières années. Sans entrer dans les détails, je pense que l'équilibre du pouvoir dans l'hémisphère occidental ne risque guère de changer d'ici vingt ans. Il va encore y avoir dans l'hémisphère une superpuissance et une nation de deuxième rang, si vous voulez, c'est-à-dire le Canada. Je ne crois pas que les choses changent. Donc, vous avez raison quand vous parlez de la règle d'or à cet égard. Mais, quand même, il ne faut pas sous-estimer la capacité des Latino-Américains à négocier efficacement pour leur propre compte.

Pour en revenir rapidement à ce qu'Eugene a dit tout à l'heure, il me semble que les blocs commerciaux régionaux qui ont été créés ou consolidés au cours des dix dernières années en Amérique latine reflètent le fait que les États-Unis n'ont pas réussi à y jouer le rôle dominant qu'ils détenaient traditionnellement. Ces blocs ont permis d'abattre des obstacles politiques et économiques très importants entre les pays. Il y a encore des tensions entre l'Argentine et le Brésil, par exemple, mais ces deux pays commercent aujourd'hui de façon beaucoup plus efficace qu'avant et ont éliminé beaucoup de barrières tarifaires et non tarifaires qui s'opposaient traditionnellement à leurs échanges bilatéraux.

• 0945

Donc, en un sens, oui, le multilatéralisme est peut-être préférable, mais l'élimination des barrières bilatérales est une première étape très efficace vers la mise en place de cette tribune multilatérale, du moins il me semble.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Malheureusement, nous sommes à court de temps. Un des problèmes, quand nous n'avons qu'une heure environ, c'est que nous avons une foule de choses à dire quand nous nous lançons dans une discussion. Je vous encourage toutefois à poursuivre le dialogue que nous avons amorcé ici aujourd'hui. Ce n'est pas la fin du processus de consultation, mais le début. Si vous avez d'autres préoccupations ou si vous jugez que le comité devrait se pencher sur d'autres questions, vous n'avez qu'à en faire part à notre greffière ou à communiquer directement avec n'importe quel membre du comité. Nous vous encourageons à le faire.

Monsieur Beaulieu, j'ai remarqué que, pour ne pas prendre trop de temps, vous avez passé rapidement sur les avantages de l'Accord de libre-échange canado-américain, mais si vous avez une analyse plus détaillée sur la question, nous vous serions reconnaissants de nous la faire parvenir. C'est certainement une question qui a fait surface assez souvent dans nos consultations: la question des avantages, des inconvénients, des salaires perdus. Nous apprécierions beaucoup que vous nous fassiez parvenir cette analyse.

M. Eugene Beaulieu: Oui. J'ai au moins une étude que je pourrais vous envoyer.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Parfait.

Mon dernier commentaire—mais non le moindre—concerne la déclaration que vous avez faite sur votre deuxième point, à savoir que le Canada refuse souvent de tenir compte des décisions et des recommandations de l'OMC et que le projet de loi C-55 en est un exemple. Je pense que ça reste à voir.

Des voix: Oh, oh!

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Sur ce, je vous remercie tous sincèrement d'être venus.

• 0946




• 0948

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Chers collègues, nous allons commencer la deuxième partie de nos consultations de ce matin. Nous avons avec nous le président de l'ACTRA, M. Brian Gromoff. Il est accompagné de M. Gary Neil, que nous connaissons évidemment pour l'excellente analyse qu'il a réalisée l'an dernier au sujet de l'AMI, pour le compte de la Conférence canadienne des arts.

Bienvenue.

Monsieur Gromoff, c'est vous qui allez commencer?

M. Brian Gromoff (président national, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists): Bonjour, madame la présidente, madame et messieurs les membres du comité, et bienvenue à Calgary.

Je suis président national de l'ACTRA, qui représente plus de 13 000 professionnels du spectacle—comédiens, chanteurs, danseurs, cascadeurs, animateurs et autres—qui participent à la production de films, d'émissions de radio et de télévision, d'enregistrements sonores et de produits des nouveaux médias absolument vitaux pour la vie culturelle canadienne.

Je suis accompagné aujourd'hui du conseiller en politiques de l'ACTRA, M. Gary Neil, qui est également spécialiste des liens entre la politique culturelle et les accords commerciaux internationaux. M. Neil est très souvent consulté sur ces questions, il a beaucoup écrit à ce sujet-là et il est souvent invité à commenter ce dossier dans les médias.

• 0950

Je suis particulièrement heureux de comparaître devant vous aujourd'hui dans ma ville natale, où vivent et travaillent près de 300 membres de l'ACTRA. Si la culture canadienne est aussi vivante et aussi dynamique, c'est en partie grâce à ses profondes racines régionales. Ici, à Calgary, nous créons des émissions de télévision, des films, des produits des nouveaux médias et des messages publicitaires non seulement pour des publics locaux et nationaux, mais aussi pour les marchés mondiaux. Des producteurs du monde entier viennent à Calgary pour profiter de son important bassin de professionnels et d'équipes techniques. Vous avez peut- être même vu certains d'entre nous à la télévision, dans des séries comme North of 60 et Honey, I Shrunk the Kids, ou encore au grand écran dans des films comme The Edge, Cool Runnings, Legends of the Fall et Unforgiven.

L'existence d'une infrastructure bien établie ici à Calgary, et dans l'ensemble du Canada, est attribuable à un ensemble de politiques et de programmes gouvernementaux qui visent à mettre les producteurs culturels canadiens sur le même pied que les autres, et également à l'esprit d'entreprise de tous les membres de notre industrie.

Comme le savent maintenant les Canadiens, ces politiques et ces programmes, qui sont le fondement de notre réussite, sont de plus en plus menacés par les multiples accords commerciaux internationaux que le Canada a signés depuis dix ans. L'ACTRA tire la sonnette d'alarme depuis la négociation du premier accord de libre-échange, entre le Canada et les États-Unis. Et, malheureusement pour le Canada, nos prédictions quant aux conséquences de cet accord ne se sont révélées que trop exactes.

Le gouvernement du Canada a publié en 1994 un document intitulé Le Canada et l'Uruguay Round: trousse d'information, dans lequel il faisait part aux Canadiens des résultats de ces négociations multilatérales et des raisons pour lesquelles le Canada avait signé l'accord qui en découlait. Au sujet des implications de cet accord et de la création de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, sur la politique culturelle canadienne, on peut lire dans ce document:

    Le Canada conserve l'entière capacité de promouvoir la vitalité de son identité nationale et de ses industries culturelles.

On peut y lire également que le Canada a obtenu l'équivalent des exemptions d'ordre culturel contenues dans l'ALENA et l'ALE, et que l'Accord général sur le commerce des services, le GATS:

    n'a aucun effet sur les programmes de subventions du gouvernement ni sur ses autres mesures de soutien aux secteurs culturels (p. ex. édition, radiodiffusion, cinéma et enregistrements sonores).

Alors, qu'est-ce qui s'est passé? Pourquoi les mesures culturelles que prend le Canada sont-elles encore contestées? Pourquoi la contestation des mesures que nous avons prises pour protéger nos magazines a-t-elle donné des résultats positifs à l'OMC? Parce que les mécanismes actuels ne fonctionnent pas, pas plus que le vocabulaire que le Canada essaie d'employer dans ces accords commerciaux pour protéger notre droit de soutenir notre culture. C'est insuffisant.

Nous avons toutefois constaté des progrès importants au Canada depuis dix ans. La plupart des Canadiens, y compris les membres de tous nos partis politiques sauf un, partagent maintenant les préoccupations de l'ACTRA et de l'ensemble de la communauté culturelle. Il ne s'agit plus de savoir si nous devrions soustraire la culture à l'application des accords destinés à libéraliser le commerce des biens et des services traditionnels. La seule question qui se pose encore est la suivante: comment pouvons-nous atteindre ce but efficacement? L'ACTRA estime que la seule façon de protéger pleinement la souveraineté culturelle de toutes les nations et d'assurer une certaine diversité culturelle mondiale, c'est d'élaborer et de mettre en oeuvre une charte mondiale des droits culturels.

L'ACTRA demande donc instamment à votre comité de recommander au gouvernement que le Canada joue un rôle de chef de file dans la préparation de cette charte. Je sais que d'autres témoins du secteur culturel ont déjà évoqué la nécessité de cette charte devant vous et que les membres de votre comité s'intéressent aux aspects théoriques de la question, par exemple au rapport qu'il devrait y avoir entre la charte, les accords commerciaux et l'OMC.

J'aimerais maintenant demander à Gary Neil de vous parler brièvement de ces aspects avant de vous inviter à poser vos questions, mais je voudrais d'abord ajouter en terminant que, même si nous ne serons peut-être jamais au premier rang pour les voyages dans l'espace ou la production cinématographique, il y a bien des pays ailleurs dans le monde qui comptent sur nous pour montrer la voie au chapitre de la protection de la vie culturelle. Si vous me permettez de paraphraser un de nos chefs de guerre dont certains d'entre vous sont assez vieux pour se souvenir: «Nous nous battrons pour nos écrivains. Nous nous battrons pour nos artistes. Nous nous battrons pour nos interprètes. Nous ne renoncerons jamais à notre politique culturelle ni à notre patrimoine.»

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Gromoff.

Monsieur Neil.

M. Gary Neil (conseiller en politiques, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists): Merci, madame la présidente. Je voudrais seulement faire quelques brefs commentaires sur la façon dont j'envisage l'élaboration de cette charte.

• 0955

Il faut bien sûr applaudir les efforts de la ministre Copps pour réunir ses collègues de la Culture, mais à mon avis, la seule façon de faire en sorte qu'un accord culturel ne soit pas asservi ou accessoire aux accords commerciaux, ou qu'il ne soit pas potentiellement menacé par eux, c'est de donner à cette charte un statut équivalent au GATS, aux TRIM, à l'ADPIC et aux autres instruments de ce genre. Malgré les difficultés que cela pourrait susciter, cela signifie que le Canada devrait mettre la question de la charte culturelle à l'ordre du jour de la prochaine rencontre ministérielle de l'OMC.

En fait, comme nous le savons tous, je pense, d'autres pays vont faire état de leurs préoccupations sur divers aspects de la culture, notamment la politique relative à l'audiovisuel. Il me semble donc que la meilleure approche, c'est une approche proactive qui consiste à réclamer un accord distinct sur le commerce des biens, des produits et des services culturels, un accord qui aurait un statut équivalent aux autres accords administrés par l'OMC.

Deuxièmement, il doit s'agir quand même d'un instrument tout à fait séparé des autres, parce qu'une partie du problème, depuis dix ans, c'est que les règles conçues pour des biens et des services plus traditionnels ne sont tout simplement pas adaptables à nos industries culturelles.

Troisièmement, la charte doit être auto-définie. Ce qui est une question importante pour un pays sur le plan culturel ne l'est peut-être pas du tout pour un autre.

Quatrièmement, les définitions doivent pouvoir évoluer avec le temps. Après tout, qui aurait pu prédire en 1930 que la télévision aurait une telle importance culturelle? Et en 1980—ou peut-être même en 1990—, qui aurait pu prévoir l'importance d'Internet?

La charte reconnaîtrait l'importance de la diversité culturelle et le fait que les biens et les services culturels sont très différents du blé, des voitures, des services de génie, et ainsi de suite. Il serait possible, dans une charte de ce genre, d'établir des règles sur les mesures nationales pouvant être adoptées pour soutenir cette diversité culturelle. Par exemple, des règles sur l'expropriation et l'indemnisation équitable des expropriés sembleraient appropriées, tout comme l'obligation, pour les entreprises étrangères, de contribuer à l'expression culturelle des pays où elles sont implantées. Et, évidemment, des règles de transparence et de certitude relatives aux investissements sont essentielles.

À mon avis, il y a également place pour une certaine créativité. La charte pourrait peut-être définir des seuils relatifs au contrôle étranger des marchés intérieurs, au-delà desquels les nations seraient libres de prendre les mesures nécessaires pour réserver le reste de leur marché à leurs produits nationaux. Comment pourrait-on s'opposer si ce seuil était fixé par exemple à 60 p. 100? Cela laisserait quand même au Canada une marge de manoeuvre amplement suffisante pour maintenir les mesures existantes et pour en appliquer de nouvelles, puisque les produits étrangers dominent généralement notre marché bien au-delà du seuil des 60 p. 100.

Pour finir, les différends et les contestations en vertu de la charte devraient être arbitrés par des spécialistes de la culture, et non du commerce. C'est un aspect qui a posé un problème important au Canada dans l'affaire des magazines, à l'OMC, parce que les membres du groupe spécial ne saisissaient pas la véritable signification culturelle des magazines. C'est pourquoi ils ont décrété que les magazines canadiens et américains étaient des produits semblables, même si leur contenu rédactionnel est fondamentalement différent.

Merci, madame la présidente.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Neil.

Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: M. Penson m'a gentiment dit qu'il me donnait ses 10 minutes. J'en ai donc 20. Ce n'est pas vrai.

Bonjour, messieurs, et merci d'être là. J'ai des questions pour M. Gromoff et M. Neil.

Monsieur Gromoff, à la page 4 de votre document, vous dites que les mesures d'exception qui existent présentement pour protéger la culture canadienne sont inefficaces et vous donnez pour preuve qu'elles sont souvent mises au défi. Vous donnez l'exemple des magazines canadiens.

Je partage votre opinion, sauf pour ce qui est des magazines. On ne parlait pas du contenu des magazines, mais de la publicité vendue, si mes connaissances sont exactes. Quels autres secteurs culturels ont été attaqués, soit dans l'ALENA, soit à l'OMC, mis à part les magazines canadiens? Je ne pense pas que les pages de publicité de Smirnoff ou de cigarettes américaines affectent beaucoup la culture canadienne.

J'aimerais plutôt entendre vos commentaires sur les quelque 90 p. 100 de films américains qui sont sur nos écrans, sur les 75 p. 100 de livres ou sur les 70 p. 100 d'émissions de radio. Ces choses me semblent a priori être plus directement liées à la culture que les pages de publicité dans les magazines. Donc, quels autres secteurs ont été attaqués?

• 1000

Je m'adresse maintenant à M. Neil. La négociation d'une charte des droits culturels est une orientation, mais je m'interroge sur sa faisabilité. Vous dites qu'elle devrait faire l'objet de négociations à la réunion ministérielle de Seattle. Je ne suis pas un expert de ces processus, mais est-il réaliste d'envisager cela? Le Canada peut-il décider que les quelque 130 autres ministres discuteront d'une charte culturelle? Sinon, par quel processus faut-il amener cela à la table de négociation? Quels pays sont nos alliés pour cette question d'une charte internationale de la culture? Avec tout le respect que je porte au Canada, il n'est quand même pas un des joueurs majeurs à l'OMC. Est-ce qu'on a un nombre suffisant d'alliés pour défendre cette cause? Étant donné que ça pourrait prendre au moins quelques années pour en arriver à cette charte, quel serait le plan B et qu'est-ce qu'on fait en attendant?

[Traduction]

M. Gary Neil: Merci beaucoup.

Les autres contestations qui ont déjà eu lieu portaient sur les réseaux New Country Network et Country Music Television. Quand le CRTC a accordé un permis au New Country Network, il a retiré en même temps des ondes un service américain, le réseau Country Music Television; le bureau du délégué commercial général des États-Unis a protesté, tout comme Country Music Television. Le litige a pris fin avec la fusion de Country Music Television et de New Country Network, et c'est pourquoi il n'y a pas eu de requête officielle sous le régime de l'ALENA.

J'ajouterais cependant qu'à la suite de cette décision, le CRTC a annoncé qu'il ne retirerait plus des ondes aucun service étranger lorsqu'il accorderait un permis à un service canadien concurrent. Donc, la politique en vertu de laquelle cette décision avait été prise—une politique tout à fait légitime à mon avis—n'existe plus.

Nos lois sur le droit d'auteur, qui accordent certains droits aux interprètes et aux producteurs d'enregistrements sonores—une question qui fait actuellement l'objet d'un examen de la Commission du droit d'auteur—, ont été conçues de manière à assurer en quelque sorte une pleine réciprocité. Nous n'accordons des droits d'auteur à des ressortissants étrangers que quand leur pays accorde des droits équivalents aux Canadiens.

Quand la Commission du droit d'auteur rendra sa décision, ce qui pourrait se faire dès le mois de juin, les États-Unis pourraient bien la contester en invoquant les dispositions de l'ALENA. Il y a eu des entretiens préliminaires entre le Canada et les États-Unis au sujet de la Loi sur le droit d'auteur. Les Américains nous ont fait savoir qu'ils n'étaient pas du tout satisfaits des bases selon lesquelles nous comptons accorder ces droits et ils ont laissé entendre qu'ils pourraient prendre certaines mesures à cet égard.

Il y a pour finir le cas de Polygram. En vertu de la politique canadienne sur la propriété étrangère dans le domaine cinématographique, la compagnie Polygram Films Entertainment, une compagnie européenne basée aux Pays-Bas, n'a pas pu étendre son réseau de distribution au Canada autrement que pour la distribution de ses propres produits. La Communauté économique européenne était sur le point de contester cette décision devant l'OMC. L'affaire est encore en suspens parce que, comme vous le savez sans doute, Polygram a été achetée par Seagram's et pourrait donc être devenue une société canadienne.

En ce qui concerne la publicité, j'ai trois commentaires à faire. Premièrement, les recettes publicitaires sont essentielles à la production de produits culturels commerciaux; elles sont vitales pour l'industrie du magazine, tout comme pour celle de la radiodiffusion. C'est pourquoi nous avons adopté des mesures pour tenter de les protéger contre toute concurrence déloyale. À mon avis, cela demeure un élément crucial de nos mécanismes de soutien à la culture.

Deuxièmement, pour ce qui est de la publicité elle-même et de la production de messages publicitaires, je dirais que ce sont des outils culturels très puissants. Les messages publicitaires nous renvoient une bonne partie de nos moeurs culturelles, de nos traditions et de nos visions du monde. Je ne sous-estimerais donc pas leur importance culturelle.

• 1005

Le troisième point, au sujet de la publicité, c'est ce qui va se produire—je le crains—si nous n'en arrivons pas à un règlement avec les Américains au sujet du projet de loi C-55, à savoir que les Américains ne porteront pas l'affaire devant l'OMC.

Je comprends pourquoi notre gouvernement veut s'en remettre à l'OMC, parce que je soupçonne que le projet de loi C-55 est tout à fait acceptable en vertu des règles de cette organisation. Il pourrait cependant y avoir matière à contestation sous le régime de l'ALENA parce que l'ALENA, qui est un prolongement de l'ALE, inclut expressément l'industrie de la publicité dans les disciplines prévues par ses dispositions. Je ne suis pas certain que nous ayons examiné la question à fond, et il est bien possible que je sois le seul à entretenir cette crainte dans tout le secteur culturel, mais je pense que le projet de loi C-55 risque bien davantage d'être contesté sous le régime de l'ALENA.

Pourtant, il serait difficile d'essayer de créer cette charte. Les autres pays sont, en un sens, très en retard sur nous parce qu'ils ne sont pas voisins du principal producteur de produits culturels au monde, les États-Unis, ou alors parce que la barrière linguistique les a protégés jusqu'ici contre l'invasion des produits américains. Bien sûr, tout cela est en train de changer. Quand on voyage en Europe de nos jours, on peut maintenant regarder les émissions et les films américains directement en anglais, sans sous-titres ni doublage. Les gens les regardent tout simplement en anglais.

Nous savons bien sûr qui sont nos alliés naturels. Ce sont les Français, qui nous comprennent très bien, les Australiens et un certain nombre d'autres pays européens. Les Irlandais, par exemple, ont adopté des mesures équivalentes aux nôtres; les Espagnols et les Portugais aussi. Nous savons où nous trouver des alliés à court terme.

Je ne sais pas exactement comment on fait pour inscrire des questions à l'ordre du jour de l'OMC. Je sais en tout cas que nous pourrions proposer cet élément. Rien ne nous garantit que ce serait accepté, que l'OMC étudierait effectivement la question, mais nous avons certainement le droit de le proposer.

Mon plan B, en fait, consiste à continuer dans la mesure du possible à nous servir des instruments dont nous nous servons déjà. Donc, si nous décidons de conclure de nouveaux accords commerciaux, ils doivent prévoir une exemption pour la culture. Si c'est impossible, nous devons adopter des réserves spécifiques, applicables à chaque pays, contre toute mesure susceptible d'avoir une influence sur notre programme culturel. Et, bien sûr, nous ne devons prendre aucun engagement qui risque d'affecter nos politiques et nos programmes culturels.

M. Brian Gromoff: J'ajouterais, si vous me le permettez, que les Américains contestent toujours nos dispositions sur le droit d'auteur sous le régime de l'ALENA et devant la Commission du droit d'auteur, en ce qui concerne les décisions relatives au versement de redevances aux interprètes et aux producteurs de disques dont les oeuvres sont utilisées à des fins commerciales.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, madame la présidente.

Je voudrais en revenir au projet de loi C-55. Les témoins précédents nous ont dit que le Canada commençait à avoir la réputation de ne pas tenir compte des décisions et des recommandations de l'OMC, et ils ont cité l'exemple du projet de loi C-55. Ils nous ont dit que le Canada refusait de respecter la décision d'un groupe spécial de l'OMC, qui a décrété en février 1997 que trois des éléments de la politique canadienne relative aux magazines étaient contraires aux règles du GATT. Les membres du groupe ont évoqué notamment l'interdiction visant les importations de magazines contenant de la publicité dirigée vers les Canadiens, et ils ont mentionné le numéro tarifaire 9958.00.00. Le deuxième élément est la taxe d'accise spéciale de 80 p. 100 de la valeur de la publicité publiée dans les magazines à tirage partagé. Et le troisième est l'imposition de tarifs postaux discriminatoires sur les magazines importés. Quand le Canada en a appelé de cette décision, il s'est fait dire qu'il était en contravention sur un quatrième point, celui de la subvention postale discriminatoire accordée aux magazines produits au Canada.

Je comprends la raison d'être du projet de loi C-55. Il vise essentiellement à montrer aux Américains que, pendant les négociations qui s'en viennent... nous ne nous laisserons pas faire sans réagir.

Mais en même temps, si ces messieurs ont raison—je n'ai pas eu l'occasion de m'en assurer, et vous avez probablement plus d'information que moi à ce sujet-là—, cela nous laisse dans une position très précaire. J'aimerais avoir votre avis là-dessus, et sur ce que nous devrions faire pour corriger le problème.

M. Gary Neil: C'est exactement ça, le problème, monsieur Calder, parce que la décision du groupe spécial de l'OMC... Premièrement, M. Gromoff a fait un commentaire dans sa déclaration préliminaire. Nous avions reçu l'assurance, quand nous sommes entrés à l'OMC, quand nous avons adhéré au GATS, aux TRIM et à l'ADPIC, que ces instruments n'auraient aucun effet sur nos industries culturelles, Pourtant, moins de 18 mois plus tard, nous constatons qu'ils ont des conséquences très profondes sur une importante industrie culturelle, celle du magazine, malgré toutes ces assurances. Il y a des raisons à cela.

• 1010

Le numéro tarifaire lui-même était probablement susceptible d'être contesté en vertu du GATT original de 1947, et son maintien pendant aussi longtemps n'était peut-être pas une bonne décision stratégique de notre part. Mais la décision du groupe spécial n'est pas nécessairement rassurante pour nous, de l'industrie culturelle, parce que le groupe a décrété que les magazines étaient des biens et que, par conséquent, ils étaient assimilables aux magazines américains. À mon avis, cette décision aura des implications énormes, et profondes. Cela revient à dire qu'il n'y aucune différence entre une émission de télévision canadienne et une émission américaine; ce sont toutes deux des émissions de télévision. C'est ce que cette décision veut dire.

Les membres du groupe spécial ont invoqué les précédents du tabac et de l'alcool pour rejeter notre politique. C'est un des aspects les plus profonds de leur décision. Ils ont dit qu'un magazine, quel que soit son contenu rédactionnel, ne diffère en rien des autres magazines. En droit commercial, un magazine canadien ne diffère en rien d'un magazine américain à leurs yeux et, en tant que Canadien, je trouve cette attitude insultante et inadmissible. C'est exactement ça, le problème, quand on a des accords commerciaux et quand ce sont des avocats du droit commercial qui examinent les questions de ce genre; on obtient des décisions de ce genre.

Il est tout à fait évident, je dois dire, que le projet de loi C-55 va à l'encontre d'une décision claire rendue par le groupe spécial de l'OMC. D'un autre côté, j'appuie sans réserve les efforts du gouvernement pour le faire adopter. Nous devons le faire parce que nous devons continuer d'offrir à nos producteurs de magazines la possibilité de bénéficier des mêmes règles que les autres. Autrement, notre industrie du magazine va disparaître. Il ne nous restera plus que la soi-disant édition canadienne du Time, du Newsweek, du Harper's et de tous les autres magazines. Donc, c'est la raison pour laquelle il faut appuyer le projet de loi C-55. Mais il est évident que la décision du groupe spécial a créé un précédent extrêmement négatif pour nous.

M. Murray Calder: En gros, ce que vous me dites, c'est que nous allons devoir discuter notamment, pendant ces négociations... Je suppose que la meilleure façon de nous y prendre, ce serait de faire adopter des paramètres descriptifs pour indiquer clairement qu'un magazine canadien est un magazine canadien, qu'un magazine américain est un magazine américain, qu'un magazine mexicain est un magazine mexicain, et ainsi de suite; ils ne sont pas tous pareils. La question qui se pose par conséquent, je suppose, c'est de savoir comment nous pouvons en arriver à l'établissement de ces paramètres au cours de ces négociations, de manière à ce que, s'il y a des conflits, les groupes spéciaux puissent rendre leurs décisions en fonction de ces paramètres?

M. Gary Neil: C'est exactement pour cette raison-là que le secteur culturel a suggéré l'adoption d'un instrument international distinct qui porterait sur le secteur culturel et qui engloberait toutes ces questions; c'est ce que nous avons appelé la charte mondiale des droits culturels. C'est précisément pour cette raison- là parce que, quand on essaie d'inclure la protection de la culture dans des accords commerciaux qui ont pour principal objectif de libéraliser les échanges et d'éliminer les prétendus obstacles à ces échanges, ça ne fonctionne tout simplement pas. Nous serons toujours confrontés à cette érosion de notre capacité à soutenir nos propres producteurs culturels, nos propres produits et nos propres artistes, tant que nous n'aurons pas un nouvel instrument qui insiste sur l'importance de la diversité culturelle et de la souveraineté culturelle, et qui maintienne la souveraineté de toutes les nations.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Il ne nous reste presque plus de temps. À moins de faire très vite, monsieur Penson, nous n'avons plus de temps.

M. Charlie Penson: Je voudrais seulement poser trois courtes questions pour faire suite au témoignage que M. Beaulieu nous a présenté ce matin, à savoir que nous prenons certains engagements quand nous entamons des négociations commerciales et que nous signons des accords commerciaux. Je suppose que nous nous présentons à ces négociations les yeux ouverts et que nous devons par conséquent savoir clairement à quoi nous attendre. Nos gouvernements ont signé ces ententes. Donc, nous avons conclu l'Accord de libre-échange original, puis l'ALENA, et maintenant l'OMC. Quelqu'un a dit aussi que, quand nous avons adhéré à l'OMC, nous avions reçu l'assurance que la culture ne serait pas visée par les mesures de ce genre. Premièrement, j'aimerais savoir qui nous a donné cette assurance.

• 1015

Deuxièmement, au sujet de la charte dont vous parlez, ne reconnaissez-vous pas que nous avons encore l'Accord de libre- échange original, et aussi l'ALENA, qui fixent ces paramètres? Or, il me semble que les pressions sur les industries culturelles, que vous avez évoquées, viennent en majeure partie des États-Unis, qui ont un point de vue très différent sur la question. Ça ne changera pas. Le Canada ne peut pas se retirer tout simplement de ces accords. Comment la charte pourrait-elle s'appliquer alors que nous avons encore l'Accord de libre-échange original qui stipule que la culture est exemptée de ses dispositions, mais que les États-Unis ont le droit de prendre des mesures de représailles équivalentes chaque fois que nous faisons quelque chose?

Troisièmement, je voudrais faire un commentaire—plutôt que poser une question—au sujet de la publicité. Je me demande souvent ce qui se passerait si des pays comme les États-Unis disaient à leurs entreprises qu'elles ne peuvent pas faire de publicité dans les magazines canadiens. Quand je regarde le magazine Maclean's, qui est probablement celui qui bénéficie le plus de cette politique culturelle, je constate souvent que 60 à 70 p. 100 de la publicité qu'il contient vient d'entreprises étrangères. S'il devait perdre ces recettes, qu'est-ce qu'il adviendrait d'un magazine comme le Maclean's?

On m'a déjà dit qu'il s'agissait par exemple de messages publicitaires de General Motors Canada, mais il faut être réaliste. La société mère est aux États-Unis, et c'est donc de là que viennent les grandes orientations.

Voilà mes questions, madame la présidente.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je ne pense pas que le témoin puisse répondre à toutes ces questions en une minute, mais il pourrait peut-être nous exposer sa pensée dans les grandes lignes. En fait, nous encourageons tous nos témoins à nous faire parvenir plus tard de l'information et des documents complémentaires.

M. Charlie Penson: Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Si ces messieurs ne peuvent pas nous répondre maintenant, puis-je leur demander de nous fournir des réponses écrites pour que tout le comité puisse en bénéficier?

M. Brian Gromoff: Très brièvement, pour répondre à votre toute première question, il est possible que le gouvernement ne choisisse pas bien ses experts quand il négocie ses accords commerciaux.

M. Charlie Penson: Vous jugez que vous n'avez pas été suffisamment consultés au cours des négociations touchant l'OMC.

M. Gary Neil: Si j'ai des cheveux gris, c'est que je travaille à ce dossier depuis des années. En fait, j'ai déjà travaillé à temps plein pour l'ACTRA; je ne suis plus un employé de l'association, je ne suis maintenant que consultant. Mais j'étais là en 1977, au moment de l'ALE. Par la suite, j'ai été nommé au Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur pour les industries culturelles; j'y suis resté sept ou huit ans, pendant les négociations sur l'ALENA et l'OMC.

Je suis tout à fait d'accord avec Brian quand il dit que, pendant la dernière manche des négociations... J'ai été longtemps négociateur syndical et je sais comment ces choses-là fonctionnent. Il est très réconfortant de savoir qu'on nous protège et qu'on nous défend «en cours de route», mais à la dernière manche des négociations, ce sont les négociateurs assis à la table—et leurs maîtres politiques dans leur capitale—qui prennent les décisions définitives. Et c'est là que les choses s'érodent sérieusement.

Je me rappelle une discussion que j'ai eue en 1977 avec les gens qui nous ont rapporté l'ALE; je leur ai parlé du dilemme que soulevait l'inclusion de l'industrie de la publicité dans les disciplines prévues par l'accord. Je les ai avertis que ça nous poserait des problèmes un jour.

M. Charlie Penson: Ils n'ont pas tenu compte de votre avis dans ce cas-là, pour l'accord original...

M. Gary Neil: Et puis, on nous a dit au GCSCE que la taxe d'accise imposée au secteur des magazines visait expressément à nous permettre de l'emporter en cas de contestation sous le régime de l'OMC. C'est ce que nous ont dit les avocats du gouvernement et les hauts fonctionnaires, au GCSCE. Ils nous ont dit: «C'est la raison pour laquelle nous avons agi de cette façon, pour pouvoir résister à une contestation sous le régime de l'OMC.»

M. Charlie Penson: Compte tenu de votre expérience, et du fait qu'ils n'ont pas pris votre avis en considération dans le cas de l'Accord de libre-échange original, ni au moment de l'ALENA—alors qu'ils auraient pu en profiter pour corriger la situation, mais qu'ils ne l'ont pas—ni lors du cycle d'Uruguay, à l'OMC, comment pouvez-vous faire confiance au gouvernement pour qu'il essaie de vendre votre idée de charte?

• 1020

M. Gary Neil: Je suis un éternel optimiste et je pense que nous avons franchi une étape fondamentale. Je me souviens très bien qu'en 1977, quand nous avons commencé à sonner l'alarme au sujet de l'ALE, nous n'avions même pas toute la communauté culturelle dans notre camp. Il y avait des membres de la communauté culturelle qui pensaient que l'accord pouvait nous ouvrir des possibilités intéressantes. Il est clair que la situation a changé il y a déjà longtemps. À peu près toute la communauté culturelle fait maintenant front commun.

Je suis convaincu que la population canadienne a elle aussi franchi une étape et qu'elle est plus consciente qu'avant des questions que nous soulevons aujourd'hui. Je suis certain qu'en dernière analyse, c'est ce qui va l'emporter, quels que soient les chefs politiques en place à ce moment-là.

Je voudrais ajouter un dernier commentaire au sujet de la publicité. Le principal mécanisme que nous appliquons dans ce domaine, c'est le paragraphe 19(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui stipule que les entreprises canadiennes qui font de la publicité dans les stations américaines des régions frontalières ou dans les magazines américains ne peuvent pas déduire cette dépense de leur revenu pour le calcul de leur impôt. Et il y a une disposition équivalente en vigueur aux États-Unis. Donc, il n'y a rien qui empêche les annonceurs d'annoncer ici. Seulement, ils ne peuvent pas déduire cette dépense dans leur déclaration d'impôt aux États-Unis, même s'ils le font par l'intermédiaire d'une filiale. De la même façon, il n'y a rien qui empêche expressément les entreprises canadiennes ne faire de la publicité aux États-Unis.

M. Charlie Penson: Ce n'est pas exactement ce que je voulais savoir. Ma question était la suivante: étant donné que le projet de loi est en quelque sorte une mesure législative de portée extraterritoriale, qu'est-ce qui empêcherait les Américains d'appliquer le même genre de raisonnement et de décréter que leurs entreprises devront payer une amende de 250 000 $ si elles veulent annoncer dans des magazines canadiens? Si le Maclean's devait perdre ces recettes publicitaires, qu'est-ce qu'il deviendrait?

M. Gary Neil: Il aurait un sérieux problème. Je présume que les décideurs qui ont élaboré le projet de loi C-55 ont réfléchi à la question et déterminé qu'il n'y avait pas de risque de ce genre. D'un autre côté, j'aurais plutôt tendance à être d'accord avec vous quand vous dites que, si j'étais au bureau du délégué commercial général des États-Unis, ce serait certainement quelque chose que j'envisagerais immédiatement.

M. Brian Gromoff: Je voudrais faire un dernier commentaire.

Pour en revenir à votre dernier point au sujet de Ford Canada, et du fait que son siège social est en réalité aux États-Unis, il faut prendre garde que Washington ne devienne le siège social du Canada lui-même.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Encore une fois, nous vous encourageons à poursuivre le dialogue. Si vous voulez porter d'autres questions à l'attention du comité, n'hésitez pas à en faire part à la greffière ou à communiquer personnellement avec les membres du comité.

Merci beaucoup d'être venus.

J'invite maintenant nos témoins de l'Agri-Industry Trade Group, de l'Alberta Barley Commission, du Syndicat national des cultivateurs et de la Western Canadian Wheat Growers Association. Veuillez vous installer à table. Vous voudrez peut-être également sortir vos insignes d'identité, s'il vous plaît.

Messieurs, bienvenue devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. D'après mon ordre du jour, monsieur Riddell, vous êtes coprésident de l'Agri-Industry Trade Group et c'est vous qui allez commencer.

M. Dale A. Riddell (coprésident, Agri-Industry Trade Group): Merci beaucoup de nous donner l'occasion de vous faire cette présentation au nom de l'Agri-Industry Trade Group.

L'AITG est une coalition regroupant environ 90 entreprises d'alimentation, associations professionnelles agricoles et entreprises de transformation qui s'intéressent au commerce extérieur. Les membres de notre groupe viennent surtout de l'Ouest canadien. Nous travaillons actuellement à définir la position de notre industrie en vue de la prochaine ronde de négociations de l'OMC de manière à refléter les intérêts à long terme des organisations membres de l'AITG et, espérons-le, ceux de toute l'agriculture canadienne. Nous avons l'intention de présenter le détail de cette position aux gouvernements fédéral et provinciaux d'ici juin 1999.

L'AITG a déjà fait un bon bout de chemin en ce sens, mais il reste du travail à faire pour atteindre le meilleur consensus possible. Nous sommes d'avis que la prochaine ronde de négociations sera probablement notre meilleure chance de promouvoir la réforme et la libéralisation des marchés agroalimentaires, qui se dessinaient déjà à l'issue du cycle d'Uruguay des négociations du GATT.

Le cycle d'Uruguay a fixé le cadre de cette réforme. Nous devons maintenant capitaliser de façon concrète sur les nouvelles règles et les nouvelles disciplines établies pour l'agriculture. Les enjeux sont donc très importants.

• 1025

La réduction continue et accélérée des obstacles à l'accès aux marchés, ainsi que des subventions à la production et des autres subventions qui créent un effet de distorsion, ouvre des perspectives fort intéressantes pour le secteur canadien de l'agroalimentaire. Des études coparrainées par l'AITG montrent que l'élimination des tarifs d'ici dix ans rapporterait à notre secteur quelque 2,5 milliards de dollars années en bénéfices nets, ce qui n'inclut pas les retombées potentielles pour les activités à plus forte valeur ajoutée et pour le secteur des cultures spéciales.

Il y a aussi une menace très concrète qui plane sur nos industries si les négociations ne permettent pas de faire avancer le programme de réforme. Le recul vers le protectionnisme représenterait la consécration des importants obstacles actuels à l'accès et permettrait à nos concurrents d'utiliser leurs ressources considérables pour subventionner leurs industries. Je n'ai pas besoin de vous dire que ce serait un scénario très inconfortable pour le secteur canadien de l'agroalimentaire. Si elles sont sur le même pied que les autres, nos industries devraient être capables de soutenir la concurrence et de prospérer; mais elles ne peuvent rien faire contre le trésor public de nos concurrents.

Dans le même ordre d'idées, un des principaux thèmes de la position que préconise l'AITG pour la prochaine ronde de négociations, c'est que le Canada devrait montrer la voie en demandant aux autres pays de ramener leurs subventions à des niveaux comparables à ceux du Canada et des autres pays exportateurs, par exemple ceux du Groupe de Cairns.

Nos principaux concurrents, les États-Unis et l'Union européenne, sont encore tout à fait capables de subventionner leurs exportations. Mais le Canada s'est privé de presque tous ses moyens à cet égard. Dans le cas du blé, par exemple, l'Union européenne peut débourser jusqu'à 1,4 milliard de dollars pour subventionner ses exportations; les États-Unis disposent de 444 millions de dollars à ce chapitre, et le Canada, de zéro dollar. Pour les oléagineux, l'Union européenne peut dépenser jusqu'à 25 millions; les États-Unis, 22 millions, et le Canada, encore zéro dollar. Dans le cas du boeuf, l'Union européenne dispose de 1,5 milliard, les États-Unis, de 25 millions, et le Canada, de rien du tout. Et dans le cas de la poudre de lait écrémé, l'Union européenne peut verser jusqu'à 283 millions, les États-Unis, 90 millions, et le Canada, 22 millions seulement.

Ce ne sont là que quelques exemples de la capacité de subventions à l'exportation qui menace les marchés mondiaux. Ces subventions sont particulièrement dommageables sur les marchés mondiaux, et c'est pourquoi l'AITG compte réclamer leur élimination complète à la prochaine ronde de négociations.

Il y a également d'importantes disparités entre les membres de l'OMC au sujet des mesures de soutien intérieures. Encore une fois, le Canada est allé trop loin dans ses engagements, plus loin que tous les autres. Dans la catégorie des mesures de soutien intérieures assujetties aux objectifs de réduction de l'OMC, les dépenses de l'Union européenne s'élevaient à 61,5 milliards de dollars en 1998, celles des États-Unis, à 6,2 milliards, et celles du Canada, à 566 millions. Ces chiffres représentent respectivement 60, 27 et 15 p. 100 des niveaux d'engagement pris dans le cadre de l'OMC. Et ce résumé ne reflète même pas ce qu'on a appelé les «subventions de la boîte bleue» versées par l'Union européenne, qui représentent un montant important.

Ces chiffres montrent à quel point le Canada a réduit bien avant les autres ses mesures faussant les échanges. Ils révèlent également la richesse des trésors publics auxquels les industries agroalimentaires canadiennes doivent faire concurrence. Au cours de la prochaine ronde, le Canada doit non seulement insister sur la réduction accélérée des mesures de soutien à la production et des autres formes de soutien qui faussent les échanges, mais également veiller à ce que les autres pays s'engagent immédiatement à ramener leurs subventions à un niveau comparable à celui des pays qui offrent des subventions moins élevées.

En même temps que les industries canadiennes doivent supporter les effets néfastes de ces transferts gouvernementaux excessifs, elles doivent continuer à se battre contre d'importants obstacles à l'accès aux grands marchés. Surtout pour les produits à valeur ajoutée, qui représentent un secteur particulièrement prometteur pour l'industrie agroalimentaire canadienne, les tarifs et l'administration des régimes d'importation continuent de limiter la compétitivité de notre industrie. Le Japon, par exemple, applique encore des tarifs de 40 p. 100 sur le boeuf, de 25 à 47 p. 100 sur le fromage, et de 183 $ la tonne métrique sur le canola.

Le canola fait l'objet d'un type de restriction particulièrement onéreux, qu'on appelle la progressivité paritaire et qui consiste à imposer un tarif beaucoup plus élevé sur le produit à valeur ajoutée, en l'occurrence l'huile, que sur le produit brut, c'est-à-dire la graine de canola. Ce genre de structure tarifaire nuit à l'emploi dans le secteur de la production des pays exportateurs concurrents comme le Canada. Et, quand on ajoute à ces exemples la pléthore d'autres barrières tarifaires et les régimes d'importation lourds et restrictifs appliqués par l'Union européenne et certains autres pays, on perçoit l'autre aspect des résultats des études dont j'ai parlé tout à l'heure. Les coûts, pour l'industrie canadienne, atteignent au moins 2,5 milliards de dollars par année.

• 1030

Il faut absolument profiter de la prochaine ronde pour abaisser les tarifs et les mesures administratives connexes qui font obstacle au commerce, ainsi que pour supprimer la progressivité tarifaire. L'effet combiné des subventions et des mesures aux frontières sur la compétitivité du Canada se reflète dans l'équivalent subvention à la production, ou ESP, calculé par l'Organisation de coopération et de développement économiques. Cette mesure reflète essentiellement le montant du soutien gouvernemental aux produits agricoles dans les différents pays. Pour chaque personne pratiquant l'agriculture à plein temps en 1997, l'Union européenne accordait un soutien de 18 000 $, les États-Unis, de 13 000 $, et le Japon, de 24 000 $, comparativement à 8 000 $ au Canada. Pour ce qui est des différents produits de base, l'Union européenne subventionnait le blé à 36 p. 100 de sa valeur marchande, l'orge à 45 p. 100, les oléagineux à 48 p. 100 et le boeuf à 60 p. 100, tandis que ces chiffres étaient respectivement de 32, 28, 8 et 4 p. 100 aux États-Unis et de 10, 7, 10 et 14 p. 100 au Canada.

Avec la diminution des barrières tarifaires et des interventions sur les marchés ayant pour effet de fausser les échanges internationaux, ces dernières années, nous avons assisté à une montée de ce qu'on a appelé les obstacles techniques au commerce, souvent mis en oeuvre sous le couvert de mesures visant à protéger la vie humaine, animale ou végétale. Dans le jargon du métier, c'est ce qu'on appelle les mesures sanitaires et phytosanitaires.

Depuis quelques temps, diverses mesures ont été mises en place aux frontières afin de limiter le commerce des organismes modifiés génétiquement, les OGM, un secteur en pleine croissance. Nous pouvons nous attendre à l'avenir à des pressions de plus en plus grandes reflétant les préoccupations sociales, par exemple au sujet de la santé animale...

M. Charlie Penson: J'invoque le Règlement, madame la présidente. Je me demandais simplement, monsieur Riddell, si vous aviez des exemplaires du texte que vous êtes en train de lire pour que nous puissions suivre avec vous.

M. Dale Riddell: Oui. Votre greffière en a reçu des exemplaires.

M. Charlie Penson: Voici ce que nous avons. Ça ne fait pas partie de ce que vous êtes en train de lire.

D'accord, je l'ai. Merci.

M. Dale Riddell: Je suis rendu à la page 8. L'AITG est d'avis que le Canada devra faire diligence au cours de la prochaine ronde pour s'assurer que les mesures commerciales prises à cet égard sont fondées sur des données scientifiques fiables et qu'elles ne constituent pas en réalité des obstacles déguisés au commerce.

Mesdames et messieurs, je vous ai résumé quelques-uns des principaux problèmes, des principaux thèmes et des principaux éléments de négociation que le Canada devrait soulever au cours de la prochaine ronde de négociations sur l'agriculture à l'OMC. Je suis loin de vous en avoir dressé une liste exhaustive et j'espère que le comité sera prêt à examiner un énoncé plus détaillé de notre position, que nous avons l'intention de lui soumettre un peu plus tard.

Pour résumer, la prochaine ronde de négociations de l'OMC est cruciale pour la croissance et la prospérité futures du secteur canadien de l'agriculture et de l'alimentation. Dans l'établissement et la défense de sa position de négociation, le Canada ne doit pas laisser passer cette occasion. Il doit avoir une position crédible et efficace. Il est clair à nos yeux que, pour que cette position soit crédible et efficace, elle doit être dénuée de toute ambiguïté; nous devons savoir ce que nous voulons et nous débrouiller pour l'obtenir. Comme l'a dit le ministre Vanclief la semaine dernière, dans son discours de clôture de la conférence nationale de l'OMC, le Canada est particulièrement efficace dans les négociations internationales quand il fait valoir ses priorités de bonne heure.

Mais si nous voulons être efficaces de bonne heure cette fois- ci, nous ne pouvons pas nous contenter d'attendre comme nous l'avons fait la dernière fois, en adoptant une approche soi-disant équilibrée qui a fini par nous obliger à nous contenter de ce qu'on a bien voulu nous laisser. Au contraire, nous devons travailler énergiquement pour obtenir ce que nous voulons, et ce dont le secteur agroalimentaire a besoin, c'est-à-dire maximiser nos moyens de négociation en vue d'obtenir la réduction des obstacles au commerce, ainsi que la suppression des mesures faussant les échanges et des disparités au chapitre du soutien gouvernemental, qui limitent sérieusement le potentiel du Canada. Voilà le point de vue de l'Agri-Industry Trade Group.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Riddell. Je tiens à ajouter que nous avons encouragé les organisations et les particuliers à nous fournir des mémoires complémentaires détaillés s'ils le désirent. Nous avons hâte de les recevoir.

Nous entendrons maintenant les porte-parole de l'Alberta Barley Commission: nous avons son président, M. Logan, et son directeur général, M. Foster. Et si je comprends bien, monsieur Kriz, vous représentez l'Alberta Barley Commission vous aussi. Qui va nous présenter la déclaration préliminaire?

M. Glenn Logan (président, Alberta Barley Commission): C'est moi.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci. Veuillez commencer, monsieur Logan.

M. Glenn Logan: Je crois que vous avez reçu des exemplaires de notre présentation. Je n'ai pas l'intention de vous la lire. Vous pourrez le faire vous-mêmes plus tard. Je préfère garder du temps pour une discussion à la fin de ma présentation. Je vais donc me contenter de vous résumer quelques points de notre document.

• 1035

Bien que le mandat de votre comité n'inclue pas seulement l'agriculture, mais également les questions culturelles et institutionnelles liées au commerce, nous sommes heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui de vous présenter notre point de vue sur l'industrie canadienne de l'orge.

L'Alberta Barley Commission est une organisation financée, dirigée et contrôlée par des producteurs, qui coordonne des travaux de recherche, de développement de marchés et d'élaboration de politiques pour le compte d'environ 36 000 producteurs d'orge de notre province. Notre conseil d'administration se compose de neuf agriculteurs élus qui représentent les diverses régions de la province et qui établissent les positions que défend notre organisation.

Plus de la moitié des 12 à 14 millions de tonnes d'orge produites au Canada chaque année viennent de l'Alberta. Au cours de la prochaine ronde de négociations commerciales, nous devons viser la libéralisation complète du commerce de l'orge et des produits de l'orge, ce qui est essentiel pour notre industrie.

La libéralisation complète du commerce pour un produit donné constitue ce qu'on appelle un accord zéro-zéro, et c'est ce genre d'accord que préconise l'industrie canadienne de l'orge. Le comité doit savoir que notre industrie s'est associée aux autres membres de l'industrie internationale de l'orge et du malt pour appuyer la signature d'un accord zéro-zéro sur l'orge et les produits de l'orge.

L'International Barley and Malt Coalition for Free Trade est un regroupement de producteurs d'orge et d'organisations de maltage des principaux pays exportateurs. Cette coalition a été constituée pour appuyer la signature d'un accord zéro-zéro sur l'orge et les produits de l'orge. Les membres de la coalition sont des producteurs d'orge et des organisations de maltage du Canada et des États-Unis. Nous discutons actuellement de ces questions avec nos homologues australiens et nous sommes confiants qu'ils se joindront à la coalition.

À mes yeux, l'élément le plus important de notre document se trouve à la page 4; il s'agit des objectifs de cet accord zéro- zéro, que vous trouverez dans l'encadré. De nombreuses études réalisées depuis un an environ ont démontré que cette position commerciale serait extrêmement avantageuse, sur le plan économique, pour les producteurs d'orge.

Pour conclure, l'élimination des subventions à l'exportation, des obstacles à l'accès aux marchés et des pouvoirs particuliers des sociétés commerciales d'État contribuera substantiellement à la mise en place d'un système commercial libre et juste. Il est essentiel que le comité défende l'objectif de l'accord zéro-zéro dans l'intérêt de l'industrie canadienne de l'orge et, en particulier, des producteurs d'orge de notre province.

Nous vous demandons donc de recommander que le mandat des négociateurs canadiens, lors des pourparlers à l'OMC et sur la ZLEA, inclue les point suivants: la signature d'un accord zéro-zéro touchant l'orge et les produits de l'orge; la signature d'une entente visant à mesurer les transferts de soutien intérieurs pour chaque produit de base; et la signature d'une entente visant la réduction accélérée des niveaux de soutien des produits de base, dans le but d'éliminer les disparités entre les pays qui accordent un soutien important et ceux qui en accordent moins.

Un accord zéro-zéro sur l'orge et les produits de l'orge permettra d'uniformiser les règles du jeu à cet égard, et de tenir compte des véritables signaux du marché et des lois de la concurrence, ce qui sera profitable pour l'industrie canadienne de l'orge.

Merci.

Le président suppléant (M. Murray Calder): Merci beaucoup, Glenn.

Nous entendrons maintenant M. Ted Menzies, de la Western Canadian Wheat Growers Association.

M. Ted Menzies (vice-président, Western Canadian Wheat Growers Association): Merci, monsieur le président.

Je voudrais apporter une petite précision. Je pense que je suis désigné comme président dans vos notes. Mais ce n'est pas moi le président; je ne peux donc pas prendre le blâme pour tout ce qui ne va pas. Je suis seulement vice-président.

Le président suppléant (M. Murray Calder): Vous venez d'être rétrogradé.

M. Ted Menzies: Eh bien, nous n'en dirons rien au président; il ne l'apprendra peut-être pas.

Le président suppléant (M. Murray Calder): D'accord.

M. Ted Menzies: Je vais vous dire quelques mots sur moi, pour ceux qui sont ici ce matin. J'exploite une ferme à une heure environ au sud de Calgary. Je produis des céréales, des oléagineux et des légumineuses alimentaires, et je suis probablement une des rares personnes dans cette salle à ne pas déplorer qu'il ait neigé hier soir. Nous sommes contents d'avoir de l'humidité, sous n'importe quelle forme. Nous ne pouvons pas travailler en ce moment, alors je ne me sens pas trop coupable d'être ici.

Nous vous avons remis notre énoncé de position, et je pense que vous en avez tous un exemplaire. J'en ai ici un résumé dont j'aimerais vous lire quelques points, mais tout est dans le document que vous avez en main, ou à peu près.

Premièrement, nous tenons à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de nous adresser au comité permanent. Le document que nous vous présentons contient les vues de notre association sur la position que notre pays devrait adopter au cours des négociations commerciales de 1999.

• 1040

L'industrie du grain de l'Ouest est axée surtout sur l'exportation, qu'il s'agisse de produits primaires ou de produits transformés, et elle continuera probablement de dépendre des exportations dans un avenir prévisible.

Les producteurs de grain se sont adaptés à la suppression des subventions au transport en diversifiant leurs cultures et en investissant dans des installations de transformation pour ajouter de la valeur à leurs récoltes. Nous avons également accepté le fait que le soutien ponctuel que le gouvernement accordait couramment à notre secteur n'était plus possible en raison des contraintes budgétaires, et qu'il n'était pas souhaitable de toute façon du point de vue de la compétitivité.

Notre association maintient que le secteur peut prospérer sans aide ni intervention du gouvernement, à condition que les règles soient les mêmes pour tout le monde dans l'environnement commercial mondial et sur la scène nationale. Il est essentiel pour nous—et nous comptons là-dessus—que les négociations sur l'agriculture débouchent sur des règles uniformes.

Nos préoccupations portent principalement sur trois grandes questions: les subventions à l'exportation, l'accès aux marchés et les mesures de soutien intérieures. Mes commentaires vont donc porter sur ces trois aspects-là.

L'élimination complète des subventions à l'exportation est notre grande priorité. Les dispositions que contient la politique agricole commune—ce qu'on appelait la PAC—à cet égard et le programme américain de stimulation des exportations sont les deux programmes les plus dommageables pour l'industrie du grain de l'Ouest. Bien qu'il y ait une réduction prévue sur ces deux fronts, les niveaux autorisés en vertu de l'ancienne entente sur l'agriculture demeurent suffisamment élevés pour causer un tort important aux prix mondiaux du grain. Il est urgent que les subventions soient réduites et même éliminées de façon prioritaire. Nous ne pouvons pas prospérer tant que subsiste l'incertitude qu'entraîne le recours aux subventions à l'exportation par d'autres pays.

Même si la tarification a rendu la réduction des tarifs applicables aux importations plus simple et plus transparente, certains des tarifs imposés demeurent de sérieux obstacles au commerce. Les pays ont bénéficié d'une importante marge de manoeuvre au cours du cycle d'Uruguay en ce qui concerne la tarification des obstacles qu'ils opposaient à l'accès à leur marché. Beaucoup d'entre eux ont fixé des contingents tarifaires élevés pour les produits qu'ils tenaient le plus à protéger et ils ont réussi ainsi à maintenir un niveau élevé de protection contre les importations.

La progressivité tarifaire pose également un sérieux problème dans l'ouest du Canada. De nombreux pays ont adopté cette formule et appliquent des tarifs plus ou moins élevés selon le degré de transformation des produits importés. Le Japon, par exemple, impose un tarif beaucoup plus élevé pour ses importations d'huile de canola que pour ses importations de graines de canola, ce qui limite l'accès de notre huile au marché japonais. Cette pratique est particulièrement dommageable pour l'industrie du grain de l'Ouest puisque ces tarifs ont obligé notre région à dépendre davantage des exportations de grain brut plutôt que de produits transformés à plus forte valeur ajoutée.

L'élimination des subventions au transport dans l'ouest du Canada a favorisé la transformation à forte valeur ajoutée en mettant en lumière le coût réel du transport des produits de base de faible valeur. Nous devons absolument avoir accès aux marchés mondiaux pour nos produits à plus forte valeur ajoutée.

Les mesures de soutien intérieures ont été soumises à certaines disciplines au cours de la dernière ronde de négociations. Cependant, parce que ces mécanismes de soutien sont mesurés globalement, les membres de l'OMC ont réussi à maintenir d'importantes mesures protectionnistes et des subventions élevées pour certains produits, tout en continuant à respecter globalement leurs engagements au chapitre de la réduction de leurs mesures de soutien. Ils continuent ainsi d'encourager une production qui va au-delà des prix d'équilibre, et de limiter le commerce par le fait même. Il faut donc envisager, pour la négociation des engagements futurs au chapitre de la réduction des mesures de soutien intérieures, des objectifs visant des produits précis plutôt que des objectifs de réduction globaux.

Il faut modifier les mesures de soutien qui visent à stimuler la production et qui ont des effets de distorsion excessifs sur les échanges afin de s'assurer qu'elles sont conformes aux critères relatifs à la boîte verte. Les industries tributaires du commerce d'exportation, comme l'industrie du grain de l'Ouest, en souffrent quand la production excédentaire de grain de certains pays est écoulée sur les marchés étrangers, ce qui fait chuter les prix mondiaux. Il est essentiel de préciser et de resserrer les critères applicables à la boîte verte afin de limiter la capacité des membres de l'OMC à maintenir des niveaux élevés de soutien, même dans le cadre de leurs obligations actuelles au sein de l'OMC.

Nous appuyons l'élimination de la catégorie de la boîte bleue pour les mesures de soutien intérieures, parce qu'elle permet de maintenir de hauts niveaux de soutien qui ne sont pas assujettis aux objectifs de réduction.

Les barrières non tarifaires risquent d'être utilisées plus souvent si les tarifs et les subventions à l'exportation sont éliminés. Nous avons déjà demandé au gouvernement canadien de faire quelque chose au sujet de l'utilisation des barrières non tarifaires pour limiter le commerce. Plus précisément, il ne faut pas laisser des règles et des exigences d'étiquetage excessives, qui ne reposent pas sur des données scientifiques fiables, limiter le commerce des organismes génétiquement modifiés, ou OGM. Nous nous opposons à l'application d'exigences d'étiquetage particulières pour les OGM, qui pourraient obliger à les traiter séparément et pourraient les rendre vulnérables à la propagande négative de certains groupes d'intérêts.

• 1045

De même, le Canada doit défendre énergiquement l'accord relatif aux mesures sanitaires et phytosanitaires pour s'assurer que les membres de l'OMC ne peuvent pas profiter de ces mesures pour restreindre l'accès à leur marché intérieur.

Maintenant que les blocs commerciaux sont devenus une façon courante de commercer dans le monde, le Canada doit chercher à conclure un accord de libre-échange plus complet avec les États- Unis. Nous ne sommes pas assez gros pour tenir tête seuls à ces grands blocs commerciaux, et nous pourrons avoir une position de négociation plus forte pour la ronde de 1999 si nous nous y présentons comme des alliés des Américains plutôt que comme leurs adversaires sur certaines questions importantes.

J'aimerais ajouter un petit à-côté sur ce point. Les gens de la Food Quality Protection Agency américaine et de l'Agence canadienne de réglementation de la lutte antiparasitaire doivent se rencontrer jeudi prochain à Washington, ce qui sera une première des deux côtés. Nous travaillons à l'harmonisation dans le domaine des produits chimiques. J'ai été invité à présenter un exposé à l'occasion de cette rencontre. Je pense que ce sera une étape d'une importance primordiale vers l'élimination de certains des obstacles au commerce que nous avons vu érigés aux frontières des pays du Nord. C'était un petit à-côté. Cette rencontre a lieu la semaine prochaine, et nous espérons qu'il y en aura d'autres.

La compétitivité internationale de l'industrie du grain de l'Ouest canadien est étroitement liée à la politique intérieure relative à la commercialisation et au transport du grain. Pour pouvoir soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux, les agriculteurs de notre région doivent pouvoir contrôler leurs coûts d'entreprise. Il est essentiel de réformer en profondeur notre politique de commercialisation et de transport du grain pour permettre un développement plus poussé de notre production à valeur ajoutée et assurer la viabilité à long terme des fermes de l'Ouest. Nous poursuivons nos pressions sur le gouvernement fédéral pour qu'il accepte les recommandations du juge Willard Estey au sujet de la réforme du régime de transport du grain et qu'il entreprenne de mettre ces recommandations en oeuvre avec le concours de tous les groupes d'intéressés. Nous avons également besoin de réformes touchant la commercialisation de nos produits, de manière à laisser aux agriculteurs la liberté de prendre leurs propres décisions sur l'endroit et le moment où ils veulent vendre leurs récoltes. Les sociétés commerciales d'État qui s'occupent d'importation et d'exportation continuent de limiter le commerce au niveau mondial, surtout sur les marchés où le Canada a d'importants intérêts commerciaux.

La Commission canadienne du blé va continuer de subir les pressions des Américains, en particulier, même si elle affirme qu'elle ne contrevient pas au droit commercial. La Western Canadian Wheat Growers Association encourage le Canada et les autres pays de l'OMC à exiger l'établissement de règles obligeant les sociétés commerciales d'État qui s'occupent d'importation et d'exportation à assumer les risques du marché et à fonctionner uniquement sur une base volontaire, ce qui reviendrait autrement dit à supprimer le monopole de la Commission canadienne du blé.

Au cours du cycle d'Uruguay, le Canada a tenté à la fois de protéger ses secteurs soumis à la gestion de l'offre et de demander des concessions au chapitre des subventions à l'exportation et de l'accès aux marchés. L'industrie du grain de l'Ouest a accepté le fait qu'il n'est ni possible, ni souhaitable de protéger notre industrie contre la concurrence extérieure. Les producteurs de grain se sont adaptés à un environnement commercial mondial et, pour cette raison, nous devons exiger que les obstacles au commerce loyal des produits que nous vendons sur les marchés mondiaux soient réduits ou éliminés. Les industries soumises à la gestion de l'offre, qui bénéficient d'une excellente protection, vont devoir prendre de la maturité, comme l'industrie du grain l'a déjà fait, pour permettre à leurs produits névralgiques d'avoir accès au marché canadien et pour tirer profit des possibilités d'exportation.

Les producteurs de grain ont participé à un certain nombre d'initiatives préparatoires aux négociations de l'OMC. Notre association a été l'une des organisations hôtesses du sommet canado-américain sur le grain qui a eu lieu à Banff en septembre, et auquel des représentants de plus de 50 organisations agricoles canadiennes et américaines se sont réunis pour discuter de questions commerciales. Nous participons activement aux travaux de l'Agri-Industry Trade Group, dont vous avez entendu les représentants plus tôt aujourd'hui et qui est une coalition de 100 intervenants travaillant à l'élaboration d'une position commune sur le commerce extérieur. Nous participons également à la planification d'une conférence Alberta-Montana sur les perspectives en agriculture, qui doit avoir lieu à Great Falls, au Montana, les 1er et 2 juin. Nous avons aussi pris une part active à la récente conférence fédérale-provinciale intitulée «Vers une position commerciale concertée en agriculture: À l'écoute de l'industrie canadienne», à l'occasion de laquelle nous avons exposé notre position sur le commerce extérieur et appris à mieux comprendre celle des autres secteurs.

• 1050

Je voudrais conclure en disant que nous sommes prêts à relever les défis de la mondialisation, mais que nous devons pouvoir compter pour ce faire sur des règles commerciales claires et réalistes. Nous devons chercher à conclure un accord commercial répondant aux intérêts de l'ensemble de la nation. Nous devons adopter une position très ferme sur les questions dont nous venons de vous parler, sous peine de nuire davantage à l'industrie du grain à un moment où la rentabilité demeure une préoccupation grave pour les agriculteurs.

Merci encore une fois de nous avoir permis de nous adresser au comité.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Menzies.

Nous souhaitons maintenant la bienvenue à Michelle Melnyk, la présidente des jeunes du Syndicat national des cultivateurs. Je crois savoir que votre organisation a déjà déposé deux mémoires et que vous n'avez aucun document écrit à nous présenter aujourd'hui.

Mme Michelle Melnyk (présidente des jeunes du Syndicat national des cultivateurs): C'est exact. Nous en avons présenté un à Vancouver et un autre à Winnipeg et je vais donc me contenter d'une brève présentation, si vous le voulez bien.

Je vous prie d'excuser mon retard. J'ai eu ce matin quelques problèmes imprévus avec un pneu.

Je suis une jeune agricultrice qui travaille avec ses parents et ses deux frères une exploitation agricole située à une heure au nord-est d'Edmonton, dans le petit village de Waskatenau. Le milieu agricole entend répéter sans cesse par les médias et les porte-parole de l'industrie et du gouvernement, que nous devrions nous réjouir du fait que les exportations de produits agroalimentaires aient doublé au Canada au cours des cinq dernières années, pour atteindre le chiffre de 20 milliards de dollars. Lorsque les médias avancent de tels chiffres, nous avons une certaine difficulté à comprendre vraiment ce que cela signifie pour l'économie. Je peux vous dire que les agriculteurs que je rencontre autour d'un café, à la station-service et près des silos-élévateurs de ma région, ne sont pas très enthousiastes à l'idée que les exportations aient augmenté de 20 milliards de dollars alors que le revenu agricole net a diminué de 19 p. 100 au cours de ces cinq mêmes dernières années.

Pour moi, les ventes aux enchères qui ont lieu tous les ans au printemps sont un des moyens les plus tangibles de juger de la santé d'une région agricole. Je peux vous dire que les ventes aux enchères publiées dans le journal local—j'aurais pu en apporter un, si j'y avais pensé—ont augmenté d'au moins 25 p. 100. Je peux vous dire également que ces ventes aux enchères ne sont pas aussi prospères qu'elles l'étaient pas le passé. Cela indique que la population agricole ne se porte pas bien. Les agriculteurs ne dépensent pas d'argent, parce qu'ils n'en ont pas.

Je pense que les agriculteurs sont confrontés à cette situation difficile, même s'ils ont suivi les recommandations du gouvernement et de l'industrie. Nous avons doublé nos exportations. Nous produisons plus de grains. Nous nous diversifions. Il y a maintenant des éleveurs de bisons, de lamas et d'orignaux. Nous cultivons le carvi et les graines à canari, toutes sortes d'autres choses, ainsi que les cultures commerciales qui sont censées subventionner la culture du blé et de l'orge dont le cours est bas. Je ne sais même plus quel est le cours du colza canola dans notre région.

J'ai l'impression peut-être qu'on nous encourage à ne pas travailler mais en fait, cette situation risque d'avoir des effets à long terme bien plus graves que les simples crises de liquidités que nous connaissons actuellement. À mon sens, il s'agit d'une dépopulation et d'une régression systémique. Dans un rayon de 25 milles de mon exploitation, je peux compter sur les dix doigts de la main le nombre de personnes de moins de 40 ans qui travaillent dans l'agriculture. On a beau vouloir augmenter les exportations, si personne ne travaille dans l'agriculture, cela ne sert pas à grand-chose.

Je n'ai pas beaucoup confiance dans les gestionnaires des exportations de l'industrie, quel que soit le titre qu'on leur donne. Je pense que les grandes sociétés mondiales se moquent pas mal qu'il y ait 1 000 ou 10 000 producteurs de grains dans l'Ouest du Canada. Dès que l'on considère les produits alimentaires comme une marchandise, ils deviennent un objet abstrait, complètement détaché du milieu dans lequel on vit. Mais moi, je vis dans mon milieu, j'en suis une composante et j'ai besoin d'avoir autour de moi des gens qui contribuent à soutenir cette collectivité.

• 1055

C'est un rapport de cause à effet. Notre silo-élévateur de Waskatenau n'accepte déjà plus du grain que trois jours par semaine. Il est desservi par une petite ligne de chemin de fer. Dans quelques mois, un silo terminus de 100 voitures sera ouvert à environ une demi-heure de route de chez nous. Avant longtemps, par conséquent, le silo de Waskatenau fermera définitivement ses portes. Je devrai faire plus de chemin pour transporter mon grain, à une demi-heure de route plus loin. Petit à petit, l'exploitant qui se charge de toutes ces opérations verra ses activités diminuer. Ce type de régression de l'activité a des conséquences évidentes... Les écoles et les banques fermeront. Cette situation est très angoissante pour une jeune personne comme moi qui tente de vivre et de travailler dans une région rurale du Canada.

Il y a quelques mois, j'ai eu une conversation des plus éclairantes avec une agricultrice. Son mari et elle ont travaillé dans le domaine agricole pendant 35 ans et ils envisageaient de prendre leur retraite. Nous avons alors évoqué les différentes options et elle m'a dit qu'ils savaient à peu près ce qu'ils voulaient faire. Ensuite, elle m'a dit: «C'est alors que notre fils nous a déclaré qu'il voulait travailler dans l'agriculture.» Elle ne détestait pas l'agriculture et au fond, elle ne s'opposait pas vraiment à cette décision de son fils, mais elle était inquiète, parce que l'agriculture n'est pas seulement difficile physiquement—ce serait une erreur de le prétendre—mais c'est également un véritable combat...

Sur le plan de la gestion des risques et de la recherche de soutien... Je ne peux pas imaginer un domaine ou une profession où les risques soient plus élevés, parce que nous prenons le risque de cultiver le grain, de financer nos opérations, sans parler des risques climatiques. Et de plus en plus, nous sommes enfermés dans un marché dont je ne suis pas certaine qu'il agit dans le meilleur intérêt des agriculteurs. Le marché protège sans doute les intérêts des entreprises de transformation et de l'industrie, mais je ne suis pas certaine qu'il a à coeur ceux des agriculteurs qui produisent le grain.

Quelle est la position du gouvernement? La semaine dernière, j'ai assisté à Ottawa à une réunion rassemblant des représentants du gouvernement et de l'industrie pour définir la position qui sera présentée à l'OMC. Un économiste américain nous a dit que l'objectif principal, dans cette nouvelle série de négociations, serait d'augmenter l'accès aux marchés. Là encore, le gouvernement souhaite doubler ses exportations et les porter à 40 milliards de dollars d'ici 2005. Or, les revenus des agriculteurs sont loin derrière. J'hésite beaucoup à me jeter à l'eau sans un gilet de sauvetage. L'accès au marché est une chose, mais il faut bien examiner les marchés que l'on nous propose... Nous cédons l'accès canadien à nos propres marchés où les prix sont assez élevés et stables pour nous tourner vers des marchés qui ne sont pas nécessairement aussi stables; ce sont pour la plupart des marchés asiatiques ou même ceux des pays en voie de développement. Il suffit de penser à la crise du porc pour avoir une idée des résultats.

Je propose au comité de procéder très lentement et prudemment. Je pense que les mécanismes qui permettent de juger de la prospérité et de l'efficacité du système commercial tiennent compte uniquement des chiffres cités de 20 milliards et 40 milliards de dollars qui sont beaucoup trop élevés. Ces chiffres ne nous permettent pas de brosser un tableau réellement concis de la situation à la campagne. Je crois que nous devons tout d'abord prendre du recul et analyser un peu plus la situation afin de déterminer quels ont été les effets de cette hausse du commerce avant de vouloir poursuivre cette augmentation.

J'ai bien peur de ne pas être d'accord avec mon collègue ici présent. Je crois aussi que nous devons être très prudents et éviter d'abandonner nos systèmes ordonnés de gestion des approvisionnements et de commercialisation pour pouvoir accéder à des marchés qui sont loin d'être aussi concrets que les systèmes de soutien dont nous bénéficions ici.

Voilà qui termine mes remarques.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, madame Melnyk, et merci aux autres participants. Nous allons maintenant passer aux questions.

Monsieur Penson.

• 1100

M. Charlie Penson: Merci, madame la présidente. Je souhaite la bienvenue au groupe venu témoigner aujourd'hui. Je pense que nous allons avoir un bon débat. Merci pour tous vos commentaires. Je suis d'accord avec Mme Melnyk pour dire que nous avons un problème. La question est de savoir comment le résoudre.

J'ai entendu le témoignage du SNC à deux ou trois reprises jusqu'à présent et je reconnais que le revenu agricole net n'a pas évolué depuis une vingtaine d'années. Mais les représentants des agriculteurs soulignent aussi que les règles commerciales qui ont placé l'agriculture sous le régime de l'OMC dans l'Uruguay Round n'ont pas été efficaces et, dans une certaine mesure, je suis d'accord avec eux.

Je vais tenter d'expliquer tout cela en replaçant la situation dans son contexte historique et soumettre la question aux membres du forum. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aucune règle commerciale ne s'appliquait dans le domaine de l'agriculture comme c'était le cas pour les produits industriels et beaucoup d'autres produits. Ces règles n'ont été adoptées que dans le cadre de l'Uruguay Round, après sept années de négociation.

Les participants ont reconnu qu'ils ne pouvaient pas obtenir tout ce qu'ils souhaitaient sur le plan de l'élimination progressive des tarifs et des subventions, mais ils ont décidé d'entamer le processus, d'obtenir quelques gains modestes, de remplacer les quotas à la frontière par des tarifs et de faire peu à peu quelques progrès. Tout cela a abouti à une réduction d'environ 15 p. 100 des subventions et des tarifs au cours des six premières années.

Ils ont également reconnu qu'il faudrait une deuxième série de négociations—celle qui commencera en l'an 2000. L'idée était d'obtenir des avantages importants pour les secteurs qui avaient besoin d'une libéralisation commerciale. Les secteurs du grain, des oléagineux et du boeuf en sont de bons exemples. Ces attentes ont été créées et les agriculteurs de l'Ouest, par exemple, espèrent avec impatience atteindre ce but, puisque, comme l'a dit Mme Melnyk, le revenu agricole n'est pas très bon. Nous savons tous que certains agriculteurs en souffrent beaucoup.

Par conséquent, la question est de savoir comment atteindre nos objectifs. M. Riddell l'a très bien expliqué et je partage ses préoccupations. Comment le Canada, qui a été jusqu'à présent essentiellement un chef de file dans les négociations et dans l'application des règles commerciales, peut-il maintenir ce rôle alors qu'il fait face à deux groupes très distincts? Il y a le secteur de la gestion des approvisionnements qui rejette essentiellement tout changement, et le secteur des grains, des oléagineux, du boeuf et les autres secteurs qui souhaitent d'importants changements dans l'accès au marché.

Cette approche équilibrée que semble préconiser essentiellement le gouvernement, est aussi utile qu'un bouvillon dans un troupeau de vaches. Je ne pense pas que vous obtiendrez les avantages que vous recherchez, à moins de déclarer clairement et fortement que l'approche équilibrée n'est pas crédible pour le Canada. Je sais que certains membres du forum ne partagent pas mon point de vue, mais j'aimerais savoir ce qu'ils en pensent.

J'ai également une autre question portant sur la collaboration avec les États-Unis pour tenter d'atteindre ces objectifs, comme l'a déclaré M. Menzies. Peut-être que d'autres témoins souhaiteront présenter des commentaires à ce sujet.

M. Brian Kriz (membre d'office, Alberta Barley Commission): Merci. Permettez-moi de me présenter. Je suis l'ancien président de l'Alberta Barley Commission et j'ai une exploitation agricole avec mes frères à Rimbley, à une heure et demie au nord d'ici.

J'aimerais commenter certaines déclarations de Michelle avant de répondre directement à la question de Charlie concernant la position que nous devrions adopter.

J'aimerais rappeler aux membres du forum que l'on oublie souvent la prospérité qu'ont connue les Prairies. Je représente la troisième génération d'une famille d'agriculteurs qui s'est installée ici à la fin des années 30. Mes grands-parents avaient émigré de la Tchécoslovaquie juste avant la Seconde Guerre mondiale. J'ai grandi dans la ferme familiale avec cinq frères et soeurs dans les années 50 et la situation à l'époque n'était pas brillante. Je ne sais pas si vous l'avez oublié.

Quand on regarde à la campagne la taille des exploitations agricoles, on se rend compte qu'il y a eu d'énormes progrès parce que nous avons accepté d'apporter des changements. Le statu quo—les règles et règlements avec lesquels les agriculteurs doivent composer—nous a empêchés de progresser plus vite. Les agriculteurs ont dû se résoudre à consacrer de nombreuses heures à des tâches qui ne leur étaient pas familières, comme celle de participer à des forums comme celui-ci et à présenter des exposés au gouvernement pour demander des mesures simples de déréglementation.

Les succès que nous avons connus sont dus à l'initiative privée et non pas aux entreprises qui sont entièrement contrôlées. Le secteur soumis à la gestion de l'offre n'a pas un très bon palmarès sur le plan de l'expansion, surtout sur le plan de l'exportation ou de la concurrence des produits. Les secteurs qui n'ont pas été réglementés, comme celui du boeuf canadien, obtiennent de très bons résultats. Ils ont leurs hauts et leurs bas.

• 1105

Cela tient à la nature des marchés des produits de consommation. Mais il faudrait que le gouvernement tienne compte des réussites et pas seulement des histoires pitoyables.

Le milieu agricole est difficile et nécessite beaucoup de compétences et d'avoirs propres. Compte tenu de la concurrence à laquelle il fait face, un agriculteur débutant ne peut s'attendre à s'installer dans une exploitation d'un million de dollars et à rembourser rapidement ses dettes. La plupart des exploitations agricoles ne sont pas très endettées. Les exploitations courantes ont beaucoup d'avoirs propres—ce sont nos voisins. Ceux qui s'apprêtent à s'installer dans le secteur doivent en avoir conscience.

Le point de vue de l'Alberta Barley Commission qui représente une coalition d'intérêts canadiens du secteur de l'orge, est que nous devons accélérer la libéralisation du commerce. La nature du commerce va dans cette direction. Il n'y a pas si longtemps, les accords commerciaux n'existaient pas. L'agriculture est simplement un nouveau volet de ces accords commerciaux et, c'est un élément vital pour le secteur de l'orge.

Pour vous donner un exemple, cette année, la Commission canadienne du blé exportera environ 2 p. 100 de l'orge fourragère canadienne. Ce genre de chiffre explique l'influence que le monopole commercial d'État a eu sur le marché international d'exportation de l'orge. Il y a plusieurs façons d'expliquer les difficultés qu'a connues cette année la localisation des sources d'approvisionnement en orge, mais ces difficultés sont dues en grande partie à l'accès et au prix, tandis que la position de monopole ne fait rien pour améliorer la situation. Le malt représente 20 p. 100 du volume total des exportations d'orge canadien et il existe un monopole sur le malt. Une grande partie de la production est écoulée localement de l'autre côté de la frontière ou exportée directement vers le Sud, aux États-Unis, par camion.

La coalition du malt et la coalition de l'orge préconisent une approche zéro pour zéro. Permettez-moi de vous expliquer ce que Glen a mentionné dans notre mémoire. La formule zéro pour zéro signifie que nous devons supprimer immédiatement les restrictions s'appliquant aux importations, ainsi que les subventions aux exportations. C'est une règle commerciale que nous souhaiterions appliquer à l'orge. Ce point de vue a été adopté par une coalition d'intérêts américains et canadiens dans le secteur de l'orge.

Il existe quatre importants producteurs d'orge dans le monde: l'Union européenne, l'Australie, le Canada et les États-Unis. Pour le moment, l'Union européenne constitue un important problème, puisque son programme de subvention est à peu près l'équivalent du marché de Lethbridge où l'orge atteint un cours élevé. Autrement dit, le cours de l'orge à Lethbridge, un peu plus au sud d'ici, se situe autour de 120 $ la tonne. Le programme de subvention de l'Union européenne fixe le prix à 135 $ la tonne.

Voilà ce que nous contestons dans le secteur de l'orge. Le commerce mondial de l'orge est totalement perturbé par les subventions européennes. Les producteurs d'orge du Canada ne se sentiront pas très bien servis par leur gouvernement s'ils ne peuvent pas compter sur lui pour faire changer ces règles au cours des prochaines séries de négociations.

Nous représentons un secteur compétitif et les producteurs canadiens d'orge ont un avantage comparatif. Notre climat et nos techniques de culture sont une chose, mais nous réclamons des mesures de libéralisation commerciale, parce que nous ne pouvons pas laisser l'Europe faire ce qu'elle veut et continuer à cultiver l'orge comme nous le faisons.

M. Charlie Penson: Monsieur Riddell, vous avez parlé des avantages que le Canada pourrait retirer de la réduction des tarifs à l'extérieur du Canada pour nous permettre d'accéder à d'autres marchés. Les subventions intérieures et les subventions à l'exportation jouent également un rôle important. Votre estimation indique 2,5 milliards de dollars pour les tarifs. A-t-on tenté d'évaluer l'avantage potentiel pour les agriculteurs canadiens d'une réduction des subventions afin de laisser plus ou moins s'appliquer les conditions du marché mondial?

M. Dale Riddell: C'était une des hypothèses principales d'une étude que nous avions commandée au George Morris Centre et que nous n'avons pas encore rendue publique. C'est donc de ce document que je tire ce chiffre de 2,5 milliards de dollars qu'apporterait la libéralisation du commerce. Je réalise que cette évaluation repose sur un certain nombre d'hypothèses, mais elle examine essentiellement les avantages que représentent l'exportation des produits et leur écoulement au Canada, ainsi que les conséquences qu'aurait l'élimination des barrières sur la circulation de ces marchandises.

M. Charlie Penson: La Canola Crushers Association de Winnipeg a présenté un témoignage qui allait à peu près dans le même sens. Compte tenu des tarifs qui s'appliquent à notre huile au Japon et en Corée, je crois que l'association a conclu que le revenu agricole net augmenterait considérablement dans l'ouest du Canada si l'on pouvait négocier une formule zéro pour zéro.

M. Dale Riddell: Oui, et la formule zéro pour zéro dans le secteur du colza canola est également une option qu'appuie le groupe commercial de l'industrie agricole.

M. Charlie Penson: Très bien.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci. Nous reviendrons à vous pour le deuxième tour des questions.

Monsieur Calder.

• 1110

M. Murray Calder: Merci beaucoup, madame la présidente. Les présentes audiences me paraissent très intéressantes. Je suis vice-président du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire et je suis par ailleurs aviculteur. Par conséquent, je relève des groupes de gestion de l'offre.

Certains des commentaires que j'entends au sujet de la gestion de l'offre me semblent très intéressants, parce qu'ils traduisent soit un manque de connaissance, soit une désinformation.

Pour votre gouverne, Brian, le groupe qui est soumis à la gestion de l'offre a abandonné, après les dernières négociations, l'article 11 au profit de l'application de tarifs, comme le proposaient les États-Unis que nous avons essentiellement battus à leur propre jeu. Depuis lors, nous avons réduit notre protection à la frontière et nous avons un plus grand accès à nos marchés ici au Canada grâce aux quotas à l'importation, et cet accès est plus grand que la part que les États-Unis nous accordent chez eux. Par conséquent, lorsque vous réclamez la suppression des tarifs, on peut dire que les États-Unis ont encore beaucoup de chemin à faire pour nous rattraper.

L'autre chose, c'est que la gestion de l'offre étant assujettie à la formule des coûts de production, le prix de vos produits a diminué, celui du nôtre également. L'année dernière, les poulets que j'expédiais directement de ma ferme se vendaient environ 1,20 $ le kilo. Actuellement, le cours est à 1,13 $. Il tient compte des coûts de production et c'est la façon dont nous fonctionnons.

L'autre aspect, c'est l'efficience du GO-5 dont je suis le coprésident. Nous avons déjà établi notre position de négociation commerciale qui a été adoptée par la FCA. Notre produit est un des moins chers, peut-être même le moins cher sur le marché aujourd'hui, ce qui en dit long sur l'efficience du système.

Dale, une remarque sur ce que vous avez dit au sujet des exportations subventionnées de l'Union européenne et des États-Unis... Je crois que vous faites essentiellement allusion à la disposition de report que les Européens ont négociée en 1993. D'après vous, pensez-vous qu'ils vont essayer d'utiliser ces reports de subventions en 1999 et en l'an 2000?

C'est une question que j'ai soulevée le mois dernier au Congrès et au Sénat américains, parce que cela pourrait inciter les États-Unis à remettre sur pied leur programme de soutien aux exportations EEP. J'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet.

M. Dale Riddell: Je pense que la formule du report présente une menace réelle et nous savons que les États-Unis ont des fonds dans leur programme de soutien des exportations, l'EEP. C'est une sorte de menace voilée qui nous rend très nerveux. Nous avons longuement parlé aux représentants de l'American Farm Bureau et du gouvernement américain et nous les avons encouragés à ne pas le faire parce que, à notre avis, ce serait un grand pas en arrière dans tous nos efforts de libéralisation du commerce, alors que la plupart des agriculteurs américains sont, d'après moi, en faveur.

M. Murray Calder: Je suis d'accord avec vous. En fait, d'après ce que j'ai pu observer aux dernières séries de négociation, le Canada a jusqu'à présent respecté les règles, alors que les autres pays les ont discutées. Lorsque nous étions aux États-Unis, nous avons comparu devant la Commission du commerce international et j'ai demandé au commissaire sur quoi allaient porter les discussions. Il m'a répondu: «Tout est sur la table.» Je lui ai alors demandé son point de vue sur les tarifs et les subventions. Il m'a répondu qu'il voulait les éliminer. Je lui ai dit alors: «Très bien, le Canada n'applique actuellement aucun tarif sur le sucre et les arachides. Est-ce que vous me dites que vous allez immédiatement annuler le tarif sur ces produits pour nous imiter?». Très rapidement, nous en sommes venus au «oui, mais».

Cela étant dit et compte tenu des constatations de l'institut de sondage Angus Reid qui a révélé—officieusement, mais quand même—que le Canada avait dix ans d'avance sur les États-Unis en matière de réduction des subventions, au moment d'aborder ces nouvelles négociations, est-ce que nous devons continuer à aller de l'avant ou est-ce que nous faisons du sur place pour les attendre? Que faisons-nous de cette disparité?

M. Dale Riddell: Je vais essayer de vous répondre et je suis sûr que mes collègues iront eux aussi de leurs commentaires. Évidemment, nous ne voulons pas jouer aux boy-scouts et observer toutes les règles pour nous retrouver dans une situation moins bonne ou pire que celle que nous connaissons actuellement par rapport à nos concurrents sur les marchés mondiaux. Si nous poursuivons nos efforts et que les autres ne nous suivent pas ou n'essaient pas de proposer des mesures d'égalisation, c'est que nous ne sommes probablement pas très malins. Je crois que certains exposés présentés ce matin autour de la table ont déjà évoqué la nécessité d'une égalisation et d'un accord permettant d'uniformiser les niveaux à mesure que nous éliminerons les subventions, aussi bien dans le secteur intérieur qu'à l'exportation. Il me semble que c'est la logique que nous devons appliquer.

• 1115

M. Murray Calder: Est-ce que quelqu'un d'autre a des commentaires à ajouter à ce sujet?

M. Clifton Foster (directeur général, Alberta Barley Commission): Oui. Nous avons beaucoup discuté également avec les Américains au sujet du commerce de l'orge. Je suis parfois un peu découragé parce qu'ils donnent l'impression de vouloir subventionner l'agriculture chez eux, et d'insister pour avoir accès au marché des autres pays. Par conséquent, les Américains ne sont certes pas un exemple à imiter.

Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, le Canada accorde un équivalent subvention à la production de l'orge de 7 $ par tonne métrique, selon la méthode de calcul de l'OCDE. En Australie, l'équivalent subvention à la production est de 10 $ environ par tonne métrique, aux États-Unis, il est de 40 $ et dans l'Union européenne de 135 $ par tonne métrique. Il est donc clair que leur industrie de l'orge ou leurs producteurs sont nettement plus subventionnés qu'ici.

C'est une des raisons pour lesquelles nous estimons que notre gouvernement devrait réclamer l'application générale de la formule zéro pour zéro pour l'orge. Nous pensons que c'est possible pour l'orge, parce que l'orge n'est pas un produit de premier plan, une récolte importante dans le monde. Ce n'est pas le maïs, ce n'est pas le blé, ce n'est pas le riz. L'orge ne présente pas les mêmes problèmes que ces différentes cultures. Elles sont peut-être plus délicates. Nous pensons qu'il est possible d'appliquer la formule zéro pour zéro à l'orge et nous estimons que notre gouvernement devrait insister à ce sujet, peut-être pour en faire un exemple pour toutes les autres marchandises.

Évidemment, nous ne sommes pas tout à fait innocents non plus. Dans la proposition zéro pour zéro, les STE posent problème, parce que le reste du monde les considère comme un problème. Certains affirment qu'ils n'entraînent aucune distorsion commerciale, mais s'ils sont d'une certaine utilité et s'ils se traduisent par les avantages qu'ils sont censés offrir aux agriculteurs, on peut dire alors qu'ils provoquent une distorsion commerciale. Si ce n'est pas le cas, en avons-nous vraiment besoin? Par conséquent, les STE font partie intégrante de cette proposition et pas seulement du point de vue de l'exportation, mais également au niveau des importations.

L'agence japonaise de réglementation des produits alimentaires crée, par exemple, une distorsion grave au niveau des exportations vers le Japon. Nous estimons que cette distorsion devrait elle aussi disparaître.

Par conséquent, si les négociations de l'OMC nous permettent d'appliquer à l'échelle mondiale la formule zéro pour zéro à l'orge, nous ferions un grand pas en avant. En tant que produit d'exportation dans notre pays, l'orge est une denrée extrêmement importante pour le succès économique occidental et j'aimerais que notre gouvernement donne son appui à cette initiative. Nos homologues américains réclament aussi l'intervention de leur gouvernement et je pense que c'est quelque chose que nous pouvons obtenir si nous combinons nos efforts. Cependant, je crois que c'est l'Union européenne qui va poser le plus grand problème et nous n'y parviendrons jamais si nous ne présentons pas un front uni.

M. Brian Kriz: J'aimerais ajouter que la formule zéro pour zéro n'est pas uniquement une initiative des producteurs d'orge; c'est une initiative de l'industrie, ce qui est tout à fait spécial, car il n'est pas très courant que les producteurs s'entendent avec l'industrie. Cette coalition représente l'industrie du malt au Canada, secteur très orienté vers les exportations et qui est une industrie de croissance si nous lui permettons de se développer. Les membres de cette coalition sont les signataires de cette formule zéro pour zéro et ce sont eux, je pense, qui sont à l'origine de cette initiative. Il y a eu de véritables problèmes au niveau des acquisitions et ils éprouvent actuellement de graves difficultés dans le marché des exportations, à cause des subventions de 130 $ par tonne métrique consenties en Europe.

Par conséquent, nous pensons que c'est une démarche vitale et possible et nous aimerions recommander au forum d'utiliser encore l'orge comme exemple. Nous vous demandons très sérieusement d'agir en ce sens.

M. Murray Calder: C'est une des choses que j'ai remarquées dans le secteur agricole. Comme je l'ai dit, nous avons établi notre position de négociation pour le GO-5. Cette position tient compte également de l'industrie du conditionnement alimentaire.

Lorsque j'ai participé, en février, au Forum des perspectives de l'agriculture, les agriculteurs à qui j'ai parlé aux États-Unis se sont montrés très inquiets à la base, à cause de l'intégration verticale. Par exemple, Don Tyson possède plus de 30 p. 100 du marché du conditionnement alimentaire aux États-Unis, ce qui est énorme. Les agriculteurs commencent actuellement à exprimer ce genre de préoccupations à leurs politiciens, parce qu'ils s'inquiètent de la disparition possible des exploitations agricoles familiales.

• 1120

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Merci madame la présidente et merci aux témoins pour les exposés que nous avons entendus ce matin.

Permettez-moi de me présenter. Je suis le secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international. Mes responsabilités englobent l'agriculture et les questions agricoles. J'ai déjà été président du Comité permanent de l'agriculture avant de m'intéresser au commerce international.

Sur le plan de la solidarité des différents groupements de producteurs spécialisés, j'ai été impressionné, la dernière fois que nous nous sommes rendus à Genève, par le front commun qu'ont présenté, quoique tardivement, les représentants des différents groupements de producteurs. Je sais que la position équilibrée, comme on l'appelle, soulève certaines critiques, mais elle a prouvé au moins que les différents groupements du Canada étaient solidaires et décidés à apporter des changements aux pratiques des autres pays entraînant une distorsion des échanges.

Cette fois, cependant, vos commentaires donnent l'impression que vous rejetez cela. Vous semblez demander au gouvernement du Canada de choisir entre les produits non soumis aux règles de la gestion de l'offre qui ne proviennent pas uniquement de l'Est... mais Charlie ne sait peut-être pas que l'ouest du Canada produit également des denrées qui ne sont pas soumises à la gestion de l'offre, quoiquÂen quantité moindre.

La Fédération canadienne des agriculteurs est un groupe qui a essayé de présenter une position. Je ne sais plus exactement comment elle s'appelait. Les représentants de la fédération ont tenté de réunir différents groupes de toutes les régions du pays. Je suis certain que vous avez pris connaissance de leur document. Pouvez commenter leur position, expliquer les raisons de leur position commerciale et nous dire si vous pensez que leur solution sera viable?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Menzies.

M. Ted Menzies: J'en ai reçu un exemplaire à Ottawa la semaine dernière, alors que j'aurais dû être chez moi à faire mes semailles. Je n'ai pas eu beaucoup de temps et je vous prie de m'excuser de ne l'avoir pas lu. Je peux probablement, en m'appuyant sur la position antérieure de la fédération, vous donner une idée de ce qu'il contient.

Pour revenir à votre commentaire sur le fait que notre groupe ne semble pas aussi uni que la dernière fois, j'aimerais que l'on se demande dans quelle mesure nous étions vraiment unis au moment des dernières négociations. Ce fut une décision de la dernière heure et je reconnais que ce sont des décisions difficiles à prendre lorsque les négociations touchent à leur fin.

M. Bob Speller: Il est clair que cela s'est fait assez tard dans le processus.

M. Ted Menzies: Je pense que nous avons adopté assez tard une position commune. Il faut reconnaître que le secteur agricole a bénéficié cette fois de l'occasion et de la compréhension pour se préparer et l'AITG en est un parfait exemple. Il existe une centaine d'organisations qui rassemblent à la fois les producteurs, les groupes soumis à la gestion de l'offre, les producteurs de grains et d'oléagineux, aussi bien que le secteur du conditionnement et les exportateurs sous un même chapeau.

Dale et moi-même et beaucoup d'autres y avons consacré beaucoup d'heures à titre de bénévoles... et nous savions que nous ne parviendrions pas à obtenir un consensus. Nous avons éliminé le mot «consensus» avant même de commencer, parce que nous savions que nous ne pourrions pas y parvenir. Nous savions que tous ces secteurs différents devaient pouvoir présenter une position commune à nos négociateurs. Nous devions, en tant que groupement agricole, pouvoir présenter le point de vue que nous voulions appuyer au cours de ces négociations.

Pour répondre à votre commentaire concernant notre manque d'unanimité, le secteur des grains et des oléagineux estimait peut-être que nous étions relégués dans un coin, alors que le secteur de la gestion de l'offre avait peut-être reçu un peu plus d'attention au cours des dernières négociations. C'est peut-être une perception subjective.

• 1125

Nous voulons nous assurer de faire partie cette fois du processus de négociation. Dan Glickman a assez bien résumé notre position la semaine dernière au cours d'une allocution qu'il a présentée lors d'un dîner à Ottawa: le secteur de la gestion de l'offre et les entreprises commerciales d'État vont être à la table des négociations, qu'on ne veuille ou non.

Nous ne voulons pas montrer du doigt la Commission canadienne du blé; je suis particulièrement sûr que la Chine participera aux prochaines négociations. Il semble qu'ils y seront avant même que cela commence. La COFCO est une entreprise commerciale d'État spécialisée dans les importations qui sera un intervenant très important à la table de négociation. Par ailleurs, et avec l'agence japonaise des produits alimentaires, plus de 200 entreprises commerciales d'État du monde entier seront présentes. Par conséquent, nous ne visons pas uniquement la Commission canadienne du blé. Pour en revenir à ce qu'a dit Clif, nous n'avons pas besoin des entreprises commerciales d'État si nous laissons le marché décider des prix.

On peut discuter de l'utilité relative du secteur de la gestion de l'offre et du secteur des grains et oléagineux, mais il me semble que les producteurs de grains sont plus efficients parce qu'ils s'accommodent des prix actuels des produits qui sont à leur niveau le plus bas en dollars réels. Nous ne nous enrichissons pas, nous survivons. Et nous ne travaillons pas sur la base du coût de production; nos prix ne sont pas calculés sur nos coûts de production.

Nous pourrions en parler pendant longtemps et probablement que je ne serai jamais d'accord avec M. Calder.

M. Murray Calder: Je crois que vous avez raison.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Riddell, avez-vous quelque chose d'autre à ajouter?

M. Dale Riddell: J'aimerais tout simplement ajouter que nous réunissons une gamme très variée de membres, comme l'a indiqué M. Menzies, puisque certains d'entre eux ont des intérêts dans la gestion de l'offre et d'autres dans les exportations. Jusqu'à présent, les discussions ont révélé que la plupart des membres entrevoient une possibilité extraordinaire d'avoir accès au marché et ils souhaitent nous voir poursuivre cette option avec beaucoup de vigueur cette fois.

Parallèlement, nous nous sommes débattus avec la question de savoir comment affirmer que nous voulons accéder au marché intérieur d'un pays sans lui accorder la réciproque. C'est là que réside toute la difficulté. C'est pourquoi, nous avons essayé de tenir compte du marché global et des avantages économiques... et de l'étude dont j'ai parlé un peu plus tôt.

J'aimerais souligner tout simplement que l'AITG n'a toujours pas défini sa position sur l'entreprise commerciale d'État. Il ne faudrait pas confondre les déclarations de M. Menzies avec la position adoptée par l'AITG.

Je crois que je peux résumer le point de vue de nos membres en disant qu'ils reconnaissent de manière générale la nécessité de définir des règles et des disciplines dans le libellé du texte adopté la prochaine fois par l'Organisation mondiale du commerce... afin de connaître la portée des entreprises commerciales d'État, qu'elles s'intéressent à l'exportation ou à l'importation, et que leur fonctionnement soit équitable. C'est à peu près tout ce que nous avons fait. Comme je l'ai dit plus haut, nous avons l'intention de vous présenter d'autres documents une fois que nous aurons poursuivi notre réflexion au sein du groupe AITG.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Michelle Melnyk.

Mme Michelle Melnyk: La discussion au sujet des États-Unis, de l'Union européenne et du Canada me donne l'impression de deux grands jouant à la balle au-dessus de la tête du Canada qui essaie en vain d'attraper la balle.

Je ne vois pas l'utilité de se présenter à la table de négociation dans l'idée de faire lentement des concessions de manière à obtenir des petits avantages de temps en temps. Les États-Unis importent/exportent tout ce que nous voulons vendre chez eux pour accéder à leur marché. Je me demande s'il est vraiment utile de rechercher l'accès au marché si nous ne sommes pas en position d'appuyer nos prétentions.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Est-ce que vous souhaitez commenter, monsieur Kriz?

M. Brian Kriz: La formule zéro pour zéro nous donne les deux, puisqu'elle élimine à la fois les subventions aux exportations et les tarifs à l'importation. Il n'est pas question d'abandonner quoi que ce soit. Les subventions et les tarifs appliqués actuellement ne nous donnent pas ce genre d'accès. C'est notre position et elle mène vers la libéralisation du commerce qui est, à notre avis, l'objet même des prochaines négociations.

• 1130

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Foster, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Clif Foster: Oui. J'aimerais commenter les propos de Bob au sujet de la position équilibrée. J'ai pour cette formule une analogie moins flatteuse. Pour moi, c'est comme aspirer et souffler en même temps.

Il est impossible de vouloir à la fois protéger son marché intérieur tout en souhaitant que les autres pays ouvrent le leur. Ce sont deux tendances contradictoires. Aussi, ce que nous voulons, c'est ne pas sacrifier le secteur de la gestion de l'offre. Nous ne voulons même pas émettre un commentaire au sujet de la gestion des approvisionnements. Vous avez vos propres problèmes.

J'ai déjà oeuvré dans ce secteur et je sais que tout n'est pas toujours rose. Mais le système qui a été mis au point a donné naissance je crois à une industrie assez repliée sur elle-même, alors que le secteur des grains, du porc et du boeuf sont tous axés sur les exportations et nous sommes à la recherche de marchés.

Nous recherchons aussi des marchés équitables dont les règles du jeu ne sont pas faussées par les subventions. Notre but est de nous débarrasser des subventions... De fait, toute la question de la Commission canadienne du blé paraît anodine en comparaison des énormes subventions que l'Union européenne accorde actuellement à ses producteurs d'orge.

Si nous parvenions au moins à atteindre ce but, nous aurions fait une énorme percée sur le marché mondial, et je crois que c'est possible dans le cas de l'orge.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller?

M. Bob Speller: Non, je n'ai pas de question.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous avons deux autres intervenants au second tour, M. Penson et M. Calder.

M. Charlie Penson: J'aimerais simplement reprendre certains commentaires de M. Calder afin d'obtenir le point de vue des membres du forum. Contrairement à certains autres pays, le Canada a respecté les règles de l'OMC et M. Murray a donné son point de vue à ce sujet.

J'aimerais tout simplement rappeler aux membres du forum que l'Uruguay Round ne nous a permis d'obtenir qu'un modeste départ, comme je l'ai dit précédemment. Nous avions donc cette formule adoptée par tous les pays que le Canada a appliquée plus rapidement que nécessaire en réduisant les subventions, les avantages prévus par l'accord du Nid-de-Corbeau et le programme RARB. Nous avons abandonné tous ces avantages, mais, essentiellement, pour différentes raisons, budgétaires et autres.

En passant, on oublie souvent que le Canada consent encore à ses producteurs laitiers des subventions d'environ 300 millions de dollars qui n'ont pas été rapidement éliminées comme dans le cas du programme RARB.

M. Murray Calder: Il n'y en a pas pour les poulets.

M. Charlie Penson: Non, pas pour les aviculteurs—simplement pour les producteurs laitiers. Ce que je veux dire, c'est que les États-Unis continuent à appliquer leur programme de soutien aux exportations—nous avons vu récemment que les Américains ont livré de l'orge ici même en Alberta—mais ils respectent le cadre des six premières années, comme le fait l'Union européenne.

À mon avis, il faut aller plus loin, parce que l'année de base retenue à l'origine pour l'application des réductions était 1986, une année au cours de laquelle les subventions avaient été extrêmement élevées dans le monde entier. C'est ce qui explique les débuts modestes que nous avons connus. Par conséquent, les avantages ont été minimes pour nous.

D'un autre côté, le Canada a éliminé les subventions à l'agriculture, ce qui, à mon avis, est une bonne chose. Cependant, il faut tout replacer en contexte, car le même cadre s'applique à tous.

Quant aux secteurs américains du sucre et de l'arachide qui bénéficient d'exemptions, nous avons l'équivalent au Canada avec la gestion de l'offre. Les Américains appliquent des tarifs prohibitifs sur ces produits tout comme nous le faisons dans le secteur qui relève de la gestion de l'offre. J'aimerais souligner également que les États-Unis accordent d'importantes subventions—subventions d'État, programmes de déjeuner à l'école, rachat des troupeaux de vaches laitières, tout ça dans le secteur laitier—qui nous interdisent l'accès à ce marché, et je crains que nous en subissions le contrecoup si l'on s'attaque cette fois-ci à ces tarifs élevés. Comment pouvons-nous nous préparer en vue de l'accès à d'autres marchés, étant donné que nous n'avons pas précisé que nous devons examiner ces subventions qui ne sont pas nécessairement des subventions au niveau fédéral, mais au niveau des États?

L'autre point que j'aimerais aborder—et dont j'ai déjà un peu parlé—est la coopération avec les États-Unis afin de résoudre la question de ces subventions et tarifs nationaux élevés. Il me semble que l'Union européenne a maintenu des tarifs élevés pour des raisons différentes, à cause de sa politique sociale.

• 1135

Les autres pays, comme le groupe Cairns, et même les États-Unis, d'après moi, ont répondu en grande partie parce qu'ils ne veulent pas être écartés de ces marchés. Je crois que nous pouvons nous en faire des alliés naturels si nous collaborons avec eux pour atteindre cet objectif.

La fin de semaine dernière, je suis revenu du Montana où j'ai eu des entretiens avec trois sénateurs et il me semble que c'est une possibilité. Je me demande si vos organisations souhaitent cette collaboration afin de résoudre cette question des 60 ou 70 milliards de subventions de l'Union européenne—les Européens ne sont pas les seuls—il y a aussi les États-Unis—afin de mettre fin à ces subventions qui font beaucoup de tort à notre secteur agricole.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Riddell.

M. Dale Riddell: Oui, pour vous donner une réponse directe, nous explorons d'autres marchés. Quant à la possibilité de collaborer avec les États-Unis, nous avons, sur l'encouragement de Mike Gifford, un des principaux négociateurs fédéraux canadiens, tissé des liens étroits avec l'American Farm Bureau Federation. Je sais également que la Commission de l'orge collabore avec d'autres groupes agricoles américains. Je suis convaincu que c'est la chose à faire et nous devons continuer à encourager et poursuivre ce genre de choses si nous voulons collaborer.

Pour vous donner un exemple, au cours des récentes escarmouches qui ont eu lieu à la frontière lorsque des agriculteurs américains ont voulu empêcher des camions canadiens d'entrer aux États-Unis, nous avons été en mesure de communiquer avec l'American Farm Bureau qui partage notre point de vue sur l'importance de l'accès aux marchés dans nos deux pays. À mon avis, ils nous ont beaucoup aidés en prenant position dans leur propre pays et en tant que groupement agricole américain contre les mesures prises à la frontière, dans le Dakota du Nord et le Dakota du Sud, pour imposer des barrières non tarifaires aux produits canadiens. Nous reconnaissons que cela a été positif et, de notre côté, nous nous sommes penchés sur certaines préoccupations soulevées par certains agriculteurs américains en matière d'accès aux marchés canadiens.

Par exemple, certains de nos membres ont désigné des points de livraison au Canada, afin de montrer notre bonne foi en matière de circulation du grain américain au Canada. De fait, certains de nos membres ont transporté et transportent encore du grain des États-Unis au Canada pour montrer que la circulation est libre dans les deux sens. C'est comme cela en effet que les choses devraient se passer.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Foster.

M. Clif Foster: J'aimerais préciser que nous collaborons très étroitement avec nos homologues américains, les producteurs d'orge. En septembre dernier, nous nous sommes rencontrés à Banff au moment du différend frontalier. Nous avions réuni une cinquantaine d'organisations, surtout des groupements agricoles canadiens et américains pour examiner la question du commerce transfrontalier avec les États-Unis. C'est de ces discussions qu'est née entre autres choses la proposition concernant la formule zéro pour zéro.

Il y a déjà beaucoup d'échanges au niveau du gouvernement en vue d'harmoniser la question des pesticides et d'autres questions et il y a beaucoup d'initiatives dans ce domaine. Cependant, la formule zéro pour zéro est issue de ce sommet des producteurs de grains et depuis, nous ne cessons de poursuivre dans cette direction.

Je suis absolument convaincu comme vous que nous devons continuer à collaborer avec nos homologues américains pour constituer une coalition mondiale qui sera une structure émanant de la base plutôt qu'une discipline imposée par le gouvernement.

Pour ce qui est de la Communauté européenne, je pense que nous devons réaliser—et les États-Unis aussi—que les subventions européennes ont été beaucoup plus élevées qu'au Canada. En effet, nous n'avons pas beaucoup de subventions au Canada. Nous sommes très raisonnables.

M. Charlie Penson: Oui, je pense que nous sommes très raisonnables.

M. Clif Foster: Nous sommes très bons et très compétitifs sur le marché mondial. Mais les autres pays ont des subventions beaucoup plus conséquentes et les agriculteurs ont capitalisé ces subventions dans le prix de leurs terres. Maintenant, ils sont coincés et ils ne savent pas comment se passer de ces subventions. Comment faire en sorte qu'elles causent moins de distorsions commerciales, moins de distorsions au niveau de la production et moins de distorsions du marché tout en maintenant un semblant de secteur agricole? Plus on subventionne les agriculteurs et plus ils vont investir cette subvention dans la terre.

M. Charlie Penson: Monsieur Foster, j'aimerais faire une suggestion. Je reconnais que c'est un problème grave et que la situation est difficile également pour les agriculteurs européens, mais il me semble qu'une possibilité extraordinaire s'offre à nous actuellement. L'Union européenne est de nos jours en pleine expansion, accueillant de nouveaux pays membres—cinq au cours des cinq prochaines années et cinq encore par la suite.

• 1140

Des pays comme la Pologne ont un potentiel de production immense. Ils savent qu'ils doivent éviter d'accorder des énormes subventions à la production agricole.

À mon avis, c'est le bon moment pour nous de collaborer avec l'Australie, les États-Unis et d'autres pays afin de mettre un peu de pression. Cela donnerait à l'Union européenne une porte de sortie. Elle pourrait se dire contrainte de changer les règles des subventions en raison de l'accord international qu'elle a signé. Les Européens savent qu'ils doivent aller dans ce sens, mais politiquement, c'est très difficile à faire accepter.

Que pensez-vous de tout cela?

M. Clif Foster: Je ne pourrais pas être plus d'accord avec vous. C'est pourquoi nous sommes très encouragés par la formule zéro pour zéro pour l'orge. Nous pensons que c'est faisable.

Les Européens vont peut-être y voir une porte de sortie. Et si la formule fonctionne pour l'orge, elle pourrait s'appliquer également, en temps utile, aux autres produits.

On assiste actuellement en Europe à une tendance consistant à découpler les subventions agricoles des subventions concernant les autres produits. Dans une certaine mesure, cette tendance prépare le terrain de la formule zéro pour zéro, bien qu'il faille veiller à ce que les subventions découplées permettent malgré tout à la production agricole de continuer d'exister.

Par conséquent, la distorsion est diminuée, mais pas totalement éliminée.

M. Charlie Penson: Mais, les subventions ne seraient-elles pas moins élevées si elles n'étaient pas directement liées au niveau de production? Actuellement, le plus grand problème est la surproduction et les excédents sont écoulés sur le marché à des prix très bas que nous devons égaler.

Nous déplorons de ne pas pouvoir accéder aux marchés des pays de l'Union européenne, mais, ce qui est plus grave à mon avis, ce sont les conséquences sur le marché mondial.

Est-ce qu'on ne pourrait pas réduire la surproduction en accordant la subvention directement aux agriculteurs plutôt qu'en la calculant selon la superficie ou le volume produit?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je crois que M. Kriz aimerait faire un commentaire.

M. Brian Kriz: En tant qu'agriculteur, je veux répondre à cette question. Si je reçois une subvention au printemps, je vais acheter plus d'engrais. Je vais utiliser une meilleure technologie et de meilleures graines et je vais augmenter ma production. Nous sommes faits comme cela. Ces subventions n'incitent pas les agriculteurs à acheter une nouvelle camionnette, mais à augmenter leur production.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): M. Foster et ensuite M. Calder.

M. Clif Foster: Je suis d'accord avec Brian, mais je crois, jusqu'à un certain point, que si l'on paie des gens à ne rien faire, ils ne feront rien.

M. Charlie Penson: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Clif Foster: Je n'ai rien contre les agriculteurs; de manière générale, je pense qu'ils seraient peut-être un peu moins productifs... Je ne leur jette pas la pierre... Je sais qu'il y a beaucoup de gens comme Brian qui feraient un meilleur travail, mais je crois qu'il y en a aussi beaucoup d'autres qui en feraient moins.

À mon avis, si l'on faisait en sorte que les paiements de soutien aux agriculteurs n'étaient plus liés à la production, la distorsion serait moindre, car dans la situation actuelle, les agriculteurs sont incités à produire plus. En revanche, il ne faut pas perdre de vue le fait que ces subventions risquent de maintenir en activité des exploitations qui devraient disparaître.

Par conséquent, je ne pense pas que ce soit la solution.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup madame la présidente.

Comme vous l'avez peut-être remarqué, Charlie et moi sommes d'accord pour ne pas être d'accord de temps à autre.

Ce que j'ai remarqué... et j'y ai moi-même participé lorsque j'ai été élu pour la première fois en octobre 1993. Je peux vous dire franchement que je ne voudrais plus jamais revivre cette situation. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici et c'est pourquoi le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire se déplace, tout comme le Comité du commerce international: Nous sommes prêts à intervenir cette fois, sans attendre la onzième heure.

La chute des prix était censée s'arrêter d'elle-même, puisqu'en principe il est impossible de produire quelque chose à perte pendant très longtemps. La banque finit par prendre possession de l'exploitation. Ces négociations étaient censées faire obstacle au prix très bas des produits. Elles étaient censées mettre fin aux guerres commerciales. Elles étaient censées faire toutes sortes de choses.

Nous savons maintenant que rien de tout cela ne s'est produit. Bien entendu, les subventions sont toujours là, au même niveau que vers le milieu des années 80.

D'autre part, je sais que l'an dernier les États-Unis ont injecté dans leur économie agricole locale environ 15,2 milliards de dollars en 1998 par l'intermédiaire du FAIR Act, du programme Farm Aid et du Farm Debt Review Act. L'Europe a dû compenser en imitant les États-Unis, à moins que ces derniers n'aient réagi de cette manière en raison des politiques européennes.

• 1145

Voilà la situation que nous devons prendre en considération.

M. Charlie Penson: Je suis d'accord avec vous.

M. Murray Calder: Oui.

Dans une telle situation, c'est un fait: nous sommes des chefs de file. Je reviens à l'approche qui serait la plus efficace, lors de ces négociations, qui consiste à nous adresser à l'Union européenne et aux États-Unis. Il faudrait les confronter à la situation et leur dire que nous avons respecté les règles alors qu'eux les ont discutées et ne les ont pas appliquées.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Des commentaires?

Monsieur Menzies.

M. Ted Menzies: Je ne sais pas si je suis entièrement d'accord avec vous, mais je partage le point de vue que vous avez exprimé dans certaines déclarations que vous avez faites ce matin.

Je pense que ces pays ont réduit leurs subventions, mais il faut replacer tout cela dans une juste perspective. Tous les pays ont accepté de réduire leurs subventions de 6 p. 100, mais nous avons l'impression d'avoir pratiqué des réductions plus grandes, étant donné que nos subventions étaient moindres au départ. Mais quand on parle de pourcentages...

Ces questions ont été soumises aux tribunaux. Des études leur ont été consacrées. Il y a eu des règlements de différends.

Ne croyez pas que je veux protéger l'Union européenne. Je suis convaincu que les Européens subventionnent beaucoup trop leur secteur agricole. Mais je pense que beaucoup de Canadiens se demandent pourquoi le Canada devrait réduire ses subventions quand les autres ne le font pas.

Le montant paraît négligeable, mais je pense qu'ils ont beaucoup réduit.

M. Murray Calder: Mais ne pensez-vous pas, Ted, qu'ils ont réduit leurs subventions dans un domaine et qu'ils les ont réinstituées ailleurs? L'effet reste le même.

M. Ted Menzies: Mais est-ce que nous ne faisons pas la même chose en protégeant la gestion de l'offre...

M. Murray Calder: Non.

M. Ted Menzies: ...et en affirmant par ailleurs que nous voulons ouvrir notre marché aux exportations?

M. Murray Calder: Non. L'examen de notre industrie révèle que nous avons déjà réduit les tarifs par rapport au calendrier proposé.

Au Canada, par exemple, le secteur de l'aviculture ne reçoit aucune subvention du gouvernement fédéral. Dans le cas de l'industrie laitière, les subventions ont également diminué. On se dirige très rapidement vers l'élimination complète.

Dans le cas de notre industrie, tous les membres du groupe que l'on appelle GO-5 ont adopté une politique d'exportation qui se tourne activement vers le marché international. Nous l'avons fait en collaboration avec notre secteur du conditionnement.

Dans l'industrie avicole, par exemple, en Ontario, je sais, même si je ne peux pas vous donner de chiffres, que l'on comptait environ 750 aviculteurs à la fin des années 80. Nous en avons actuellement près de 1 200.

Le secteur avicole est en expansion. On construit de nouvelles granges partout en Ontario et je suppose qu'il y en aura aussi ici.

M. Ted Menzies: La seule chose que je voudrais dire—et en cela je rejoins les commentaires de M. Penson au sujet de l'alignement avec les États-Unis—c'est qu'il est impératif d'arrêter de nous disputer de part et d'autre du 49e parallèle. Nous sommes trop petits pour avoir une réelle influence sur le marché international. Nous avons besoin d'un allié, d'un allié puissant. Les États-Unis peuvent être cet allié. Ce n'est pas parce qu'une frontière nous sépare de nos voisins que leurs possibilités ou leurs problèmes de marketing sont différents des nôtres.

Je pense que les réformistes ont fait de l'excellent travail la fin de semaine dernière. Je crois savoir que vous allez les amener au salon agricole au moins de juin. C'est un événement magnifique. On pourrait peut-être compter sur la participation des organisations de producteurs.

M. Murray Calder: Ted, si vous écoutiez le ministre de l'Agriculture, vous sauriez que cela s'est fait il y a cinq mois.

M. Ted Menzies: Je croyais que c'était un processus continu.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie tous d'être venus témoigner, d'avoir présenté des exposés et des mémoires et d'avoir accepté de dialoguer avec nous.

Nous espérons aussi qu'il s'agit là d'une amorce de consultation et que nous continuerons à vous consulter régulièrement. S'il y a d'autres points que vous souhaitez partager avec le comité, n'hésitez pas à faire parvenir vos commentaires à la greffière ou à communiquer directement avec certains membres du comité.

Merci d'être venus. Merci de votre participation.

La réunion est suspendue jusqu'à 13 heures.

• 1150




• 1311

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bon après-midi mesdames et messieurs et bienvenue.

Nous avons le plaisir de vous accueillir devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international au moment où nous examinons les intérêts prioritaires du Canada en vue des négociations de l'OMC et au sujet de la création d'une ZLEA.

Puisque vous êtes notre dernier groupe de la journée, je vais donner à mes collègues l'occasion de se présenter brièvement.

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Je suis Charlie Penson, député de Peace River et critique du Parti réformiste en matière de commerce.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Bon après-midi. Je me nomme Benoît Sauvageau et je suis député du comté de Repentigny.

[Traduction]

M. Bob Speller: Je m'appelle Bob Speller, je suis le député de Haldimand—Norfolk—Brant, dans le sud-ouest de l'Ontario. Je suis également secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international.

Auparavant, j'ai déjà été président du Comité de l'agriculture de la Chambre des communes.

Mme Colleen Beaumier: Je suis Colleen Beaumier, députée et j'aime souligner que je suis de l'extérieur de Toronto.

Je suis par ailleurs présidente du Sous-comité des droits de la personne et du développement international.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je suis Sam Bulte et je me trouve à représenter Toronto. Colleen s'est fait un point d'honneur toute la semaine de me répéter qu'elle n'était pas de Toronto.

J'ai le privilège de présider les audiences du comité dans l'Ouest. Par ailleurs, je préside le Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux.

Bienvenue à tous. Qui va commencer? Est-ce M. Beattie? Très bien.

Merci monsieur Beattie pour le crayon.

M. Benoît Sauvageau: Ah! oui, merci pour le crayon.

M. Bruce Beattie (porte-parole des producteurs de lait, Poultry and Dairy Industries of Alberta): Je vous en prie.

Au nom du groupe et de nos membres, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui afin de vous présenter quelques-unes de nos positions concernant les prochaines négociations.

Nous reconnaissons l'importance des négociations auxquelles le Canada va participer, ainsi que l'importance pour notre pays de présenter une position forte et unie dans le domaine agricole. Nous voulons être partie prenante de cette position unie que nous présenterons aux négociations.

Je suis Bruce Beattie, producteur de lait de Sundre. Je travaille dans le domaine de la production laitière depuis environ 28 ans. Sundre se trouve à une heure et demie au nord-ouest de Calgary.

Je vais laisser mes collègues se présenter eux-mêmes.

M. Don Sundgaard (vice-président des producteurs de volaille, Poultry and Dairy Industries of Alberta): Merci Bruce.

Je m'appelle Don Sundgaard et je travaille une exploitation à environ 60 milles d'ici, en direction de l'Est. J'ai bien envie de vous souhaitez «Joyeux Noël» puisque nous avons reçu ce matin à peu près quatre pouces de neige lorsque je suis parti de chez moi.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): C'est peut-être bien Noël; nous sommes en déplacement depuis si longtemps!

Des voix: Ha! Ha!

M. Don Sundgaard: Les beaux jours viendront, la neige fondra et viendra alors le temps des semailles.

Je suis un aviculteur de la troisième génération et un petit producteur de grains de la région.

M. Tony Wooldridge (président des producteurs d'oeufs, Poultry and Dairy Industries of Alberta): Je m'appelle Tony Wooldridge et je suis un producteur d'oeufs. Je suis installé avec ma famille à l'ouest d'Okotoks qui se trouve au sud-ouest par rapport à ici.

Nous sommes très heureux d'avoir la possibilité de dialoguer avec vous aujourd'hui. Nous espérons que cela sera utile.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous.

Tina.

Mme Tina Notenbomer (directrice, Hatching Egg Producers Board, Poultry and Dairy Industries of Alberta): Je suis Tina Notenbomer et je suis une exploitante et productrice d'oeufs pour l'approvisionnement des couvoirs. Nous avons une ferme près de Lethbridge qui se trouve à environ une heure et demie au sud d'ici. Nous travaillons dans ce secteur depuis une vingtaine d'années.

C'est un grand plaisir pour moi aussi d'être ici.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Enarson.

M. Dale Enarson (président des producteurs de dindes, Poultry and Dairy Industries of Alberta): Je suis Dale Enarson. Je fais de l'élevage de volaille, surtout des dindes, mais à l'occasion des poulets lorsqu'il y a un quota disponible et lorsqu'un de nos bâtiments est vide. Je suis un exploitant de la troisième génération.

Qu'est-ce qui fait glouglou, c'est la bonne dinde de chez nous!

• 1315

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Moi, j'adore la dinde.

Je vais profiter de l'occasion pour présenter M. Calder—il me semble qu'il faudrait le présenter. Il est membre du comité, mais...

Murray, veuillez vous présenter.

M. Murray Calder: Je m'appelle Murray Calder. Je suis vice-président du Comité permanent de l'agriculture. Je viens du centre de l'Ontario et je suis également un producteur de volaille. Dale, vous faites face à la concurrence.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Beattie.

M. Bruce Beattie: J'espère que nous ne vous ennuierons pas. Nous avons un bref exposé de quatre pages que j'aimerais vous lire. Après, chacun d'entre nous sera heureux de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir à nous poser et nous pourrons peut-être ainsi faire la lumière sur ce que nous pensons des négociations commerciales.

Les producteurs de lait, d'oeufs, de poulet, de dindon et d'oeufs de poulet à griller de l'Alberta sont heureux de l'occasion qui leur est offerte de présenter leurs vues au comité sur les négociations agricoles de l'Organisation mondiale du commerce. L'avenir de nos exploitations agricoles dépend de ces négociations. Nous comptons sur nos députés et sur les représentants commerciaux du Canada pour défendre nos intérêts durant ces négociations pour que l'Alberta et le Canada soient assurés d'un secteur agricole fort et en santé. Les ventes à la ferme de volaille et de produits laitiers en Alberta s'élèvent à environ 505 millions de dollars par année, ce qui représente 14 p. 100 à peu près des rentrées de fonds totales pour les animaux d'élevage en Alberta.

En plus d'avoir une importance économique pour nos collectivités rurales, nos industries sont importantes pour le bien-être de nos grandes villes. Par exemple, Lilydale, dont le siège social est à Edmonton, expédie 147 000 douzaines d'oeufs canadiens et 2,6 millions de kilogrammes de dinde et de poulet canadiens chaque semaine. Dans les grands centres de l'Alberta, Dairyworld Foods transforme plus de 8 millions de litres de lait frais par semaine et une variété de fromages et d'autres produits laitiers.

Les industries avicole et laitière emploient directement de nombreux Albertains. Par exemple, Lilydale et les producteurs laitiers de l'Alberta emploient à eux seuls 5 200 personnes. Nos industries emploient aussi indirectement de nombreux milliers d'autres Albertains. On évalue à plus de 10 000 le nombre des emplois créés par l'industrie laitière dans le secteur du détail et des services alimentaires, dans la fabrication de provendes et d'équipement et dans toute une kyrielle d'autres industries de service.

La position commerciale des industries laitière et avicole dans les négociations agricoles multilatérales est tout à fait conforme à celle des organisations nationales de gestion de l'offre qui nous représentent. Nous avons été consultés dans le cadre de l'élaboration de la position nationale et nous avons souscrit à cette position durant le récent atelier sur le commerce national qui a réuni des producteurs et des administrateurs de toutes les régions du Canada.

Je peux vous résumer notre position en six courtes phrases: il faut éliminer les subventions à l'exportation. Nous avons besoin de règles équitables qui s'appliquent à tous les pays. Les tarifs sur la production excédentaire doivent être maintenus. Nous devons avoir librement accès à la production contingentée. Le soutien interne devrait comporter certaines limites. Les règles sanitaires et phytosanitaires doivent reposer sur des principes scientifiques solides.

En ce qui concerne les subventions à l'exportation, les subventions gouvernementales utilisées pour exporter des produits primaires et des aliments transformés sont celles qui ont le plus grand effet de distorsion sur le commerce mondial. Les États-Unis et l'Union européenne sont passés maîtres dans l'art d'utiliser ces subventions. Par exemple, ils subventionnent 99,4 p. 100 de toutes les exportations de volaille subventionnées dans le monde. Le Canada, par contre, a éliminé ses subventions à l'exportation. Nous avons besoin de règles équitables qui s'appliquent à tous les pays. Le prochain cycle de négociations doit déboucher sur un système véritablement fondé sur des règles. Ces règles doivent être obligatoires et exécutoires au lieu de consister uniquement en des lignes directrices que les pays peuvent interpréter à leur avantage.

Cela est particulièrement vrai dans le cas de l'accès aux marchés. Lors du Cycle d'Uruguay, des engagements en matière d'accès aux marchés ont été établis en fonction d'une série de lignes directrices, ce qui fait qu'aujourd'hui les possibilités d'accès aux marchés offertes par les pays de l'OMC sont très inégales. Un bon exemple est celui du tarif spécifique pour la crème glacée offert à la Jamaïque par les États-Unis même si la Jamaïque n'est de toute évidence pas un grand producteur de crème glacée sur les marchés mondiaux.

Les tarifs sur la production excédentaire doivent être maintenus. Les équivalents tarifaires doivent être maintenus à leur niveau actuel pour assurer un effet équivalent aux mesures à la frontière que prévoyait l'article XI du GATT. La prévisibilité des niveaux d'importation est essentielle à la survie des industries avicole et laitière au Canada. Un des principes clés de l'OMC est l'instauration d'un environnement commercial stable et prévisible. La réduction des tarifs sur la production excédentaire est contraire à ce principe.

La prévisibilité n'est possible que grâce à des offres d'accès en fonction des contingents tarifaires qui soient sans contraintes et tout à fait réalisables. À cette fin, les producteurs d'oeufs, de produits laitiers et de volaille du Canada appuient la réduction à zéro de tous les tarifs sur la production contingentée.

• 1320

Les fluctuations des taux de change, l'utilisation des subventions à l'exportation et des programmes de soutien interne trop généreux de la part de nos concurrents obligent le Canada à maintenir ses tarifs sur la production excédentaire pour que le niveau d'accès puisse être déterminé.

Il nous faut un accès sans réserve à la production contingentée. Un bon moyen d'améliorer l'accès aux marchés partout dans le monde est de réduire à zéro les tarifs sur les niveaux d'accès aux contingents de 5 p. 100 établis dans le cadre du Cycle d'Uruguay. Malheureusement, certains pays imposent encore des tarifs restrictifs à cet accès.

Des règles précises sur l'administration des contingents tarifaires augmenteront également l'accès. À l'heure actuelle, chaque pays peut choisir ses propres méthodes d'administration des contingents tarifaires, ce qui peut nuire et nuit effectivement à l'accès. Il peut tricher en assignant un contingent tarifaire à un pays qui n'est pas fournisseur des marchandises en question. Il peut imposer des limites aux expéditions. Il peut assigner des droits à l'importation à des organisations qui n'ont aucun intérêt à importer.

En ce qui concerne le soutien interne, nous sommes en faveur du plafonnement du soutien interne total, y compris les programmes des boîtes oranges, bleues et vertes. Tant l'Union européenne que les États-Unis ont réussi à manipuler les lignes directrices de manière à faire passer les subventions de la boîte orange, qui doivent être réduites, à la boîte verte ou à la boîte bleue.

Les règles sanitaires et phytosanitaires doivent reposer sur des principes scientifiques solides. Si les mesures sanitaires et phytosanitaires ne sont pas fondées sur la science, les pays peuvent les utiliser sous le couvert d'obstacles au commerce. Cela se fait déjà. L'Union européenne, par exemple, interdit les importations de volaille refroidie dans de l'eau chlorée. Quant à la Nouvelle-Zélande et à l'Australie, elles interdisent l'importation de produits de la volaille crus non transformés.

En conclusion, madame la présidente, nos industries offrent une position crédible—une position agressive—que le Canada peut adopter aux négociations de l'OMC. C'est une position pragmatique qui comporte des mesures réalisables pour améliorer l'accès et accroître l'équité.

Nous espérons que vous nous appuierez et nous écouterons avec plaisir toutes les questions ou les commentaires que vous pourriez avoir. Nous avons joint à notre mémoire une copie de la position du GO-5, à laquelle nous avons tous souscrit à l'intérieur de la province.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Est-ce que quelqu'un aurait quelque chose à dire avant que nous passions aux questions? Ne vous gênez pas, allez-y.

Monsieur Sundgaard, s'il vous plaît.

M. Don Sundgaard: Merci, madame la présidente.

Étant un producteur de volaille de la troisième génération, je me souviens de l'époque où la gestion de l'offre n'existait pas et je peux donc comprendre votre point de vue. Je doute que l'industrie avicole serait aussi viable aujourd'hui si nous n'avions pas eu la gestion de l'offre. Je me souviens de l'époque où mon père—comme les autres producteurs—lorsqu'il vendait ses poulets, n'avait pas assez d'argent pour payer tous ses intrants; c'est donc dire qu'il n'était pas riche.

Murray aurait peut-être quelque chose à ajouter. Je ne sais pas ce qu'il faisait à cette époque-là.

M. Murray Calder: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Don Sundgaard: D'accord. Vous êtes à la même page que moi.

M. Murray Calder: Oui.

M. Don Sundgaard: Ils sont d'accord avec le gouvernement. Ils ont déjà énoncé leur position. Ils sont en faveur de la gestion de l'offre. Nous ne sommes pas différents, en Alberta, du reste du Canada.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Enarson, s'il vous plaît.

M. Dale Enarson: Merci.

Dans le même ordre d'idées, j'ai vécu une expérience très intéressante. J'étais en vacances dans le Nord du Canada à Watson Lake et je devais m'envoler vers les territoires, un peu au nord du parc national Nahanni. Il y a des gens qui faisaient un circuit en autocar qui sont arrivés et je me suis mis à jaser avec des Américains. Nous avons commencé à faire des comparaisons. J'ai dit que j'étais producteur de volaille et un homme a répondu que c'était intéressant, parce qu'il était lui-même producteur de dinde. Je lui ai dit que je faisais l'élevage des dindes et, parle parle jase jase, il a fini par me dire qu'il avait «l'habitude» d'élever des dindes.

Lorsque je lui ai demandé ce qui s'était passé, il m'a répondu qu'il élevait des milliers de volailles chaque année, mais qu'il était un petit producteur par comparaison à de nombreux autres et qu'une des grandes multinationales qui dominaient en quelque sorte la région a dit à l'usine de transformation: «L'an prochain, vous allez acheter uniquement nos produits ou nous ne ferons plus affaire avec vous.» C'est ce qui s'est passé.

S'il n'y a pas de règles pour nous protéger, nous les petits producteurs, nous n'en mènerons pas large. Sans la gestion de l'offre... les secteurs de la volaille et des produits laitiers vont continuer à exister, je suis d'accord. On va continuer à traire les vaches et à ramasser des oeufs, mais ce ne sont pas les petits agriculteurs qui vont en profiter.

• 1325

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à dire? Sinon, je vais passer aux questions, en commençant par M. Penson.

M. Charlie Penson: Merci, madame la présidente.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre groupe d'aujourd'hui.

Je n'ai qu'une ou deux questions à vous poser. L'agriculture est à l'ordre du jour de la prochaine série de pourparlers commerciaux, bien sûr, tout comme les services, mais il y a un mouvement qui se dessine en faveur de négociations générales. Je me demande si votre industrie pense que c'est une bonne chose. Ou préféreriez-vous que les négociations portent uniquement sur l'agriculture?

La deuxième question que je me pose, c'est si l'industrie de la gestion de l'offre est réaliste. Comme vous le savez, des tarifs ont été établis lors du Cycle d'Uruguay et je pense que le principe général de l'OMC, et du GATT à l'époque, était d'imposer des tarifs pour ensuite essayer de les éliminer graduellement. Six années se sont écoulées et il y a encore des tarifs pas mal élevés, surtout dans l'industrie laitière, où ils sont de l'ordre de 300 p. 100. D'autres pays ont fait savoir qu'ils essaieraient de voir où il y a des crêtes tarifaires et de négocier des réductions.

J'ai bien peur que... Je comprends le point de vue de votre industrie. Vous voulez conserver ce que nous avons—pas de réductions tarifaires. Je me demande ce que vous allez faire si ce n'est pas le cas. Nous ne sommes qu'un de 134 pays membres à ces négociations, et même le Canada... Certains d'entre vous étaient probablement ici plus tôt et ont entendu les autres préoccupations des producteurs de céréales et d'oléagineux au sujet de l'accès aux marchés. Je me demande ce qui arriverait à votre industrie si nous perdions la moitié de notre protection tarifaire. Je sais que cela se ferait graduellement et que les choses ne changeraient pas du jour au lendemain.

Ce que je me dis, c'est que si nous cherchons à avoir un meilleur accès aux marchés en général, pourquoi ne pas parler durant ces pourparlers du fait qu'un pays comme les États-Unis a probablement presque autant de restrictions que nous en ce qui concerne l'accès aux marchés? C'est sous une forme différente. Je pense entre autres aux subventions, aux programmes des dîners dans les écoles et aux subventions versées par les États. Je pense que personne n'a parlé de la nécessité de les forcer à aborder ces questions à la table et à accorder un accès à leurs marchés, et j'ai peur que si nous revenons de ces négociations et que vous n'ayez pas cette protection tarifaire... Qu'est-ce qui arriverait à votre industrie?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Qui veut répondre? Monsieur Beattie? Monsieur Sundgaard?

M. Bruce Beattie: Merci.

Je vais d'abord essayer de répondre à la deuxième question, celle de savoir si notre position est réaliste. Lorsque je pense à ce que le Canada devrait faire à la veille de ces prochaines négociations, je me dis que nous devrions adopter au départ une position aussi ferme que possible.

Un des points que nous faisons valoir dans notre petit livre, c'est qu'il faut commencer par le commencement. Lorsque nous regardons ce qui s'est passé durant le Cycle d'Uruguay, où nous avons parlé de l'accès, force nous est d'admettre que nous n'avons pas obtenu l'accès voulu. Nous savons que l'accès, le soutien interne et d'autres questions de ce genre ont un impact beaucoup plus grand sur le commerce et les prix mondiaux que les tarifs sur les importations.

Prenons, par exemple, les tarifs imposés sur les oléagineux au Japon. Plus le produit est transformé, plus le tarif est élevé.

M. Charlie Penson: Oui.

M. Bruce Beattie: Nous sommes tout à fait en faveur de l'élimination de ce genre de tarifs. Nous pensons qu'ils n'ont pas leur place. Nous devrions les abolir. Nous sommes d'accord. En fait, nous sommes nous aussi en faveur du concept zéro pour zéro. Si les producteurs d'oléagineux peuvent en venir à un accord, nous croyons que ce serait une excellente façon d'aborder la question.

J'ai trouvé la conférence commerciale intéressante. J'étais assis à côté de Bob Weaver, du Conseil des viandes du Canada. Il a parlé du tarif sur le boeuf qui est d'à peu près 35 p. 100. Ce tarif empêche une partie du boeuf concurrentiel qui entrerait normalement au Canada d'y pénétrer. C'est donc un tarif de 35 p. 100 qui est efficace et il est tout aussi efficace qu'un tarif de 300 p. 100 peut-être sur les produits laitiers, en raison simplement du genre du soutien qui existe, qu'il s'agisse des fluctuations de la devise, du soutien interne ou peu importe. Donc, il est difficile de dire qu'un tarif de 300 p. 100 offre une meilleure protection qu'un tarif de 35 p. 100 lorsqu'il faut tenir compte de ces différents éléments.

• 1330

M. Charlie Penson: Je suis d'accord. Il s'agirait du niveau qui mettrait un frein aux importations, peu importe lequel.

M. Bruce Beattie: C'est exact, et la base de la gestion de l'offre, c'est que nous pouvons gérer ce qui entre au Canada. Cette année, 2 700 tonnes de beurre vont entrer dans notre pays d'après nos contingents tarifaires, sans tarif. Nous l'acceptons, parce que nous savons que c'est ce qui va arriver et nous pouvons faire face à la situation. Notre problème, c'est lorsqu'il y a un afflux une année, puis peut-être rien l'année suivante. Cela crée des problèmes non seulement pour nos producteurs, mais aussi pour les consommateurs, parce que, tout à coup, soit que le produit n'est pas disponible soit que son prix a augmenté de 20 p. 100 ou 30 p. 100.

Il y a donc de nombreux avantages à savoir ce qui va entrer dans le pays, ce que seront les volumes, pour agir en conséquence au lieu d'essayer de deviner. C'est la façon dont notre industrie fonctionne. Les producteurs de poulet ne peuvent pas demander à leurs poules d'arrêter de pondre lorsqu'ils ont assez d'oeufs. C'est la même chose pour moi; je ne peux pas fermer le robinet quand je trouve que mes vaches m'ont donné assez de lait.

Je peux vraiment comprendre ce que Don disait, parce que lorsque je me suis lancé en agriculture, ici, à Sundre, la gestion de l'offre n'existait pas. J'avais l'habitude d'envoyer mes bidons à la crémerie locale et le propriétaire me disait: «Je vais en prendre 11 aujourd'hui, mais je n'en veux que huit demain.» Il fallait donc que j'explique aux filles que je n'aurais besoin que de huit bidons de lait le lendemain.

Des voix: Ah! Ah!

M. Bruce Beattie: Malheureusement, elles ne m'écoutaient pas et je devais donc séparer le lait et donner la crème. J'avais l'habitude de donner le lait écrémé à mon voisin qui était éleveur de porcs.

Je sais comment les choses se passaient et j'ai vu le genre de stabilité que le régime de gestion de l'offre a assuré à notre industrie. C'est pourquoi je suis vraiment en faveur du maintien des tarifs. Réglons les autres questions avant d'aller voir l'organisme mondial pour lui dire que nous sommes prêts à modifier notre système. Nous devrions lui dire que nous accepterons de négocier lorsque nous serons certains que le système est géré honnêtement.

M. Charlie Penson: Je comprends tout à fait votre point de vue, monsieur Beattie, et je comprends que vous ne vouliez renoncer à rien avant les négociations, mais la situation m'inquiète. Est-ce que quelqu'un a pensé aux restrictions de marché auxquelles nous pourrions devoir faire face?

Le gouvernement canadien pourrait très bien dire au moment des négociations qu'il appuie notre gestion de l'offre, mais les pays membres sont au nombre de 134 et des pressions sont exercées. Donc, si quelque chose arrivait, et qu'il ne puisse pas maintenir sa position, comme il n'a pas pu le faire en ce qui concerne l'article XI, que ferions-nous au sujet de l'accès dans le pays voisin où il y a peut-être des possibilités qui s'offrent? Voudriez-vous que les subventions américaines soient examinées? Je n'ai jamais rien vu de tel.

M. Bruce Beattie: Les subventions à l'exportation et les subventions nationales sont sûrement deux domaines où nous voulons qu'il y ait des réductions. Nous voulons éliminer les subventions à l'exportation et imposer un plafond aux subventions nationales.

Lorsqu'on se met à parler avec des producteurs américains, on s'aperçoit que les choses ne vont pas particulièrement bien pour eux. J'ai trouvé que c'était intéressant quand M. Glickman a dit qu'en dépit de l'augmentation considérable des exportations, de gros problèmes se posent dans les fermes aux États-Unis, parce que les profits ne vont pas aux producteurs. C'est à cause de leur système et on doit finir par leur donner de l'argent.

Il y a longtemps que nos producteurs laitiers et nos producteurs de poulet n'ont pas eu à demander d'argent aux gouvernements.

M. Charlie Penson: Donc, la subvention nationale à laquelle vous faites allusion dans ce mémoire correspond au type de subvention dont je parle.

M. Bruce Beattie: Tout à fait.

M. Charlie Penson: D'accord.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Sundgaard, si vous voulez ajouter quelque chose, allez-y.

M. Don Sundgaard: Parfait. Je vais juste ajouter quelque chose au sujet du poulet.

Je ne sais pas si vous le savez, mais un nombre considérable de poulets américains sont importés au Canada. Les Américains possèdent le quatrième ou cinquième plus grand contingent au Canada, contingent qui est égal à celui de l'Alberta, par exemple, ou un peu plus généreux. Il est vrai que tous ces poulets ne sont pas écoulés dans l'Ouest du Canada—c'est dans le centre que la production américaine exerce le plus de pression—mais il y a des répercussions dans l'Ouest du Canada à cause de la production en Ontario ou au Québec. Le marché canadien n'est plus ce qu'il était il y a 10 ou 20 ans. Les poulets de l'Alberta sont expédiés jusqu'à Terre-Neuve et les poulets du Québec sont vendus en Alberta.

Il y a une prédominance de poulets américains ici. Lorsque je dis américains, je sais que la définition est un peu plus étroite lorsqu'on parle de l'OMC, mais parce que les États-Unis sont notre voisin le plus gros et le plus proche, lorsqu'on parle de poulet, c'est là que se situent notre plus grande force commerciale et notre plus grand défi.

• 1335

M. Charlie Penson: Avons-nous accordé de plus gros contingents tarifaires, plus de 5 p. 100, dans l'industrie avicole? J'avais cru comprendre que le système des contingents—l'accès minimum, du moins—voulait que nous relevions le niveau pour les produits laitiers de 3,5 p. 100 à 4,5 ou 5 p. 100. Est-il plus élevé dans l'industrie avicole?

M. Don Sundgaard: Je ne peux pas vous dire exactement quels sont les chiffres, mais ils avaient l'habitude de se situer entre 7 et 8 p. 100. Murray le sait peut-être mieux que moi.

M. Dale Enarson: Vous avez tous reçu un petit livre. Si vous regardez à la deuxième page, vous pourrez voir dans le coin inférieur droit l'accès aux marchés pour la volaille en tant que pourcentage de la consommation nationale en l'an 2000. Vous constaterez que le marché canadien est déjà approvisionné à 21 p. 100 par des produits étrangers pour ce qui est des oeufs d'incubation, à 5 p. 100 pour les oeufs, à 7,5 p. 100 pour le poulet et à 5 p. 100 pour la dinde. Si vous comparez ces chiffres à l'accès offert sur le marché européen, vous verrez qu'ils sont beaucoup plus bas en Europe.

On s'est aussi livré à toutes sortes de jeux avec les lignes directrices lors des derniers pourparlers du GATT et nous ne pouvons pas nous permettre que cela se reproduise dans le cadre des prochaines négociations de l'OMC. Les pays accordent apparemment l'accès, du moins sur papier, mais ils imposent toutes sortes de drôles de règles. Vous avez peut-être déjà entendu parler de certaines de ces statistiques. Nous faisons allusion dans notre mémoire à certains des règlements sanitaires et phytosanitaires qui sont imposés. Par exemple, les poulets qui sont importés en Australie doivent être cuits de deux heures à deux heures et demie à 70 degrés Celsius. Je ne sais pas comment vous aimez votre viande, mais je serais incapable de mâcher ça.

Il y a donc des pays qui accordent un accès de 5 p. 100, disons, mais ce taux est loin d'être atteint dans bien des cas.

Le Canada s'en tient à ses engagements. Nous ne pouvons pas nous montrer aussi tendres aux prochaines négociations de l'OMC en disant: «Nous voici. Que voulez-vous de nous cette fois?» Nous avons pris les devants la dernière fois, nous avons ouvert nos marchés et nous respectons les offres que nous avons faites tandis que d'autres pays... Ils font ce qu'ils ont dit qu'ils feraient selon les «lignes directrices», mais, à l'avenir, il faudra qu'il y ait en vertu des règles un véritable accès aux marchés. Si on veut un accès aux marchés, que ce soit sans réserve, qu'un accès soit offert et que d'autres pays puissent en profiter.

Prenons le porc, par exemple. Si l'Europe accordait un accès de 5 p. 100 pour le porc, pouvez-vous imaginer ce qui arriverait à l'industrie canadienne du porc, qui se porte actuellement très mal? Et je tiens à vous rappeler au cas où vous ne vous en souviendriez pas que ce n'est pas une industrie où il y a gestion de l'offre.

Des voix: Ah! Ah!

M. Dale Enarson: Pouvez-vous imaginer quels avantages cela représenterait pour l'industrie du porc si les autres pays faisaient simplement ce que le Canada a déjà fait? Nous ne pouvons pas rester là à ne rien faire en disant simplement «C'est parfait, que voulez-vous cette fois-ci?», parce que nous avons vraiment été généreux lors des dernières négociations.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Madame Beaumier, vous aviez une question.

Mme Colleen Beaumier: J'en avais une, mais je pense que les réponses se trouvent probablement ici.

Nous avons deux groupes différents. Celui que nous avons entendu ce matin voudrait réduire tous les tarifs, toutes les subventions et tous les offices de gestion de l'offre. Cependant, il ne produit pas une denrée périssable. Pensez-vous qu'il soit logistiquement possible, dans le cadre des négociations agricoles de l'OMC, de diviser le secteur agricole en des groupes différents, puisqu'ils ont des besoins différents, et d'aborder chacun individuellement?

Des groupes comme ceux de ce matin exercent d'énormes pressions et voudraient, dans le cas de l'orge, par exemple, que le commerce soit totalement ouvert. Comment régler cette question?

M. Don Sundgaard: Vous soulevez là un excellent point en ce qui concerne particulièrement nos produits au sein du GO-5. Nous en avons discuté. Il n'en est pas question dans notre document comme tel, mais c'est un excellent point.

• 1340

Au Canada, s'il y a une légère pénurie de poulets et qu'il se trouve que les États-Unis en ont un peu trop, les échanges se font très facilement. Si le produit doit venir de France, c'est une tout autre histoire, qu'il s'agisse de poulet, de dinde ou peu importe.

Étant donné la production du Canada par rapport aux États-Unis, un taux de 10 p. 100 équivaudrait à une prise de contrôle de notre marché. Cette réalité a des répercussions énormes pour nous. Le taux de change américain a des répercussions énormes pour nous. Je suis persuadé que c'est loin d'être la première fois qu'on vous le dit.

Ce serait peut-être une stratégie à retenir. Je pense que c'est ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de faire une distinction entre les produits agricoles périssables et non périssables. Prenons, par exemple, les exportations de canola et d'orge. Nous en cultivons dans notre ferme et je sais que ces produits sont exportés partout dans le monde. Je ne pourrais certainement pas faire la même chose avec notre poulet.

Mme Colleen Beaumier: J'ai une autre question à laquelle vous ne faites pas allusion ici. Produisons-nous suffisamment de poulets, d'oeufs, de lait et de dindes pour approvisionner le consommateur canadien ou nous faut-il en importer?

Je vais vous dire pourquoi je vous pose cette question. Il y a une usine de transformation du poulet dans mon comté, Maple Lodge Farms. Je reçois de nombreuses plaintes d'elle, parce qu'elle pense que les chiffres du Département américain de l'agriculture devraient être plus bas et qu'elle veut avoir un meilleur accès au marché américain pour y acheter des produits. Produisons-nous assez au Canada pour répondre aux besoins des consommateurs canadiens?

M. Don Sundgaard: Je vais d'abord prendre le cas du poulet.

Le poulet a un cycle de production très court. Nous pouvons faire éclore un oeuf en 21 jours, à condition d'avoir accès à des oeufs. Nous en achetons une grande quantité aux États-Unis également, et ce depuis quelques années. Nous pouvons produire en six semaines des poulets qui sont prêts à être vendus au consommateur. Ce n'est pas la même chose pour d'autres variétés de viande, mais, si on nous en donne la chance, s'il y a une demande, nous pouvons répondre aux besoins du marché. En fait, le Canada a actuellement environ 25 millions de kilogrammes de poulet en entrepôt, ce qui dépasse le niveau normal de 8 à 10 millions de kilogrammes.

Votre usine de transformation a probablement d'autres idées en tête, comme le maintien des niveaux, etc. Cela n'a rien de nouveau pour nous. Le taux de change du dollar américain entre en ligne de compte, tout comme la demande de produits d'une grosseur ou d'une couleur particulière. Ces gens-là veulent tout avoir.

Si votre question était de savoir si oui ou non les usines de transformation veulent que nous maintenions la gestion de l'offre au Canada, je pense que tous les transformateurs canadiens vous diraient qu'ils sont en faveur du maintien de la gestion de l'offre. Point final.

Mme Colleen Beaumier: D'accord.

M. Bruce Beattie: Dans le cas des produits laitiers, sur une base nationale, si on prend les approvisionnements en fromage, en yogourt, en beurre et ainsi de suite, les contingents sont fonction de la demande.

Le Comité canadien de gestion des approvisionnements de lait, auquel je siège à titre de représentant des producteurs de l'Alberta, se réunit quatre ou cinq fois par année pour examiner les tendances du marché et pour décider s'il faudrait augmenter ou diminuer les contingents pour répondre aux besoins du marché. Les contingents ont toujours été légèrement supérieurs à la demande et nous avons une réserve, qui était d'environ 0,5 million d'hectolitres l'an dernier, pour pouvoir répondre à toute augmentation sur le marché durant la période où nous établissons les contingents. Il ne faut pas oublier, encore une fois, qu'on ne peut pas ouvrir et fermer le robinet comme on veut.

Généralement parlant, les approvisionnements ont toujours été suffisants et nous avons toujours exporté une partie de notre production. En fait, cette année, alors que notre contingent national sera d'environ 44 millions d'hectolitres—ce sera la demande du marché pour le produit industriel—la production sera d'environ 49 millions d'hectolitres au Canada. Nous allons donc essayer de trouver des débouchés sur les marchés d'exportation pour à peu près 5 millions d'hectolitres. Nous agissons collectivement à ce moment-là et, selon la décision que le groupe aura prise, nous pourrions devoir procéder différemment.

• 1345

Nous avons aussi en place ce qu'on appelle un programme d'exportations optionnelles dans le cadre duquel les producteurs peuvent traiter directement avec un transformateur qui a trouvé un marché d'exportation et se servir de ce moyen pour planifier leur production et trouver des débouchés. Malheureusement, les profits sur ce marché n'ont pas été particulièrement intéressants à cause de toutes les subventions à l'exportation qui existent sur le marché mondial.

Quant au lait de consommation, il est considéré comme prioritaire. L'administration est assurée par les provinces. Il est considéré comme la priorité numéro un dans chaque province de sorte que c'est le premier marché qu'il faut desservir. Il y a donc toujours du lait de consommation. En fait, lorsque les contingents sont établis pour le lait liquide, ils sont supérieurs de 20 à 25 p. 100 à la demande prévue de sorte qu'il y a toujours un excédent. Ce lait est alors destiné au marché industriel. Nous avons donc deux façons d'aborder le marché intérieur.

Il est intéressant de signaler que les transformateurs se soient plaints l'année dernière qu'il y avait trop de lait. Il y a à peu près trois ans, ils se plaignaient qu'il n'y en avait pas assez de sorte qu'ils éprouvaient des problèmes. Depuis un an ou deux, ils se plaignent qu'il y en a trop. Parce qu'il y a trop de lait dans le système, leur marché en souffre et leur rendement est à la baisse. Il est donc parfois très difficile de contenter nos partenaires du secteur de la transformation quand il est question d'approvisionnement.

Je pense qu'il est très important de tenir compte des changements que la gestion de l'offre a subis au cours des quelques dernières années. C'est certainement vrai pour l'industrie laitière. Depuis la fin des dernières négociations, nous avons adopté un régime de mise en commun dans le cas duquel, par exemple, la totalité du marché de l'Ouest est partagée entre tous les producteurs pour ce qui est des profits et des débouchés. Nous avons vraiment essayé de nous adapter aux réalités du marché afin que le lait puisse être expédié partout où on en a besoin dans l'Ouest du Canada, et il en va de même pour l'est du Canada. Aucune restriction ne s'applique à la circulation interprovinciale du lait, de détail ou cru, de sorte que nous pouvons expédier ce produit un peu partout pour répondre aux besoins du marché.

L'autre chose qui est très importante, je pense, c'est que si vous regardez la productivité de nos producteurs laitiers, vous verrez que personne ne les surpasse dans le monde pour ce qui est de la production et de la qualité du produit. La gestion de l'offre n'a pas créé un tas de producteurs paresseux qui se la coulent douce en disant qu'ils vont être payés pour leur lait et qu'ils n'ont pas à s'inquiéter. Nous avons le meilleur lait au monde et certaines des vaches les plus productives au monde. C'est pourquoi la génétique canadienne est utilisée en Europe et en Nouvelle-Zélande.

Le problème, c'est que nous ne pouvons pas concurrencer les trésors. C'est une chose qui ne nous est pas permise ici au Canada et la raison pour laquelle nous croyons autant dans le système que nous avons.

Pour le détaillant et le consommateur, au cours des deux ou trois dernières années—et je pense que c'est d'ailleurs ce qu'a dit le ministre Vanclief—aux États-Unis, les prix à la consommation ont été beaucoup plus élevés qu'au Canada. En fait, aux dernières nouvelles, ils étaient supérieurs de 17 p. 100. Donc, non seulement les producteurs canadiens gagnent leur vie, mais les consommateurs sont gagnants eux aussi.

M. Charlie Penson: Pourquoi ne pas leur vendre nos produits?

M. Bruce Beattie: Ils n'autorisent pas l'accès à leurs marchés. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée de les amener à la table. Je pense que c'est une excellente idée, mais je me demande comment on pourrait s'y prendre avec les États-Unis.

M. Murray Calder: N'oubliez pas qu'ils ont plus facilement accès à notre marché que nous au leur.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci. Monsieur Enarson, s'il vous plaît.

Mme Colleen Beaumier: J'ai moi aussi grandi dans une ferme où on faisait l'élevage des dindes. Ce sont de vilaines petites bêtes.

M. Dale Enarson: J'ai toujours dit que lorsque Dieu avait créé la dinde, il avait créé une espèce très intelligente, mais que lorsque l'homme l'a domestiquée, il l'a complètement abrutie. C'est le problème.

Des voix: Ah! Ah!

M. Dale Enarson: En réponse à la question de tout à l'heure, qui était de savoir si nous sommes capables d'approvisionner nos transformateurs, dans l'industrie du dindon, nos transformateurs—qui, soit dit en passant, siègent maintenant au conseil d'administration de l'OCCD où ils ont le droit de vote—ne cessent pas de nous dire que nous produisons trop, que nous inondons le marché. Ils veulent un approvisionnement plus serré que bien des gens autour de la table. L'approvisionnement du marché canadien ne pose donc aucun problème.

Il arrive parfois qu'on entende parler de transformateurs qui font des vagues, qui se livrent en quelque sorte aux jeux auxquels on a fait allusion tout à l'heure. Par exemple, un transformateur—je ne dirai pas dans quelle province, mais elle est située à l'ouest d'ici—voulait une certaine grosseur de dindon. L'animal devait peser tant de kilogrammes à cause de ses fourneaux et de son produit plus élaboré particulier. La demande était apparemment très forte pour ce produit particulier. Mais ce n'était qu'un jeu, parce que dès que des dindons ont été disponibles en grande quantité, il s'est désisté. Il a refusé de signer un contrat à long terme.

• 1350

Nous travaillons en collaboration étroite avec l'industrie de la transformation pour nous assurer de lui fournir les produits dont elle a besoin, quand elle en a besoin, du style, de la forme et de la couleur qu'elle recherche. Mais si un transformateur nous dit qu'il a besoin d'un dindon adulte à trois pattes, je suis désolé, il ne joue pas franc jeu. S'il jouait franc jeu, nous signerions une entente à long terme. Certains des transformateurs qui aiment faire la manchette en disant qu'il y a pénurie ici ou là refusent de dire lorsqu'ils sont mis au pied du mur: «Je veux tant de kilogrammes par mois pendant tant de mois.» S'ils étaient prêts à s'engager noir sur blanc, nous serions ravis de leur fournir le produit demandé. Ce n'est souvent qu'un jeu.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, madame la présidente.

J'aimerais seulement vous lire quelques phrases d'un exposé que nous a présenté ce matin la Western Canadian Wheat Growers Association selon qui:

    Il n'est pas réaliste pour le secteur où il y a gestion de l'offre de s'attendre constamment à des niveaux élevés de protection contre la concurrence extérieure et à un rendement artificiellement accru du marché aux dépens des consommateurs canadiens. Ces industries hautement protégées et gérées vont devoir mûrir, comme l'industrie céréalière, pour permettre l'accès au marché canadien de leurs produits névralgiques et tirer parti des possibilités d'exportation.

D'après ce que je peux voir, c'est la bataille que vous devrez livrer. Chaque jour, j'essaie d'éduquer Charlie là-bas, et c'est une dure bataille.

En 1993, nous avons de toute évidence été confrontés au fait que nous étions l'un des seuls pays au monde à utiliser abondamment l'alinéa 2c) de l'article XI pour la gestion de l'offre, ce qui nuisait à nos échanges. Nous avons adopté avec succès la formule américaine de tarification pour notre industrie, comme presque tous les autres pays du monde d'ailleurs. Donc, aujourd'hui, au lieu de faire bande à part, nous sommes en plein dans la mêlée.

J'aimerais savoir si, d'après vous, ce sera un avantage ou un inconvénient pour nous au moment des prochaines négociations.

Mon autre question a trait à la position du GO-5. J'aimerais aussi savoir si l'industrie de la transformation est d'accord ou non avec ces principes. C'est un autre point fort de notre position de négociation.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Wooldridge.

M. Tony Wooldridge: Vous me posez là plusieurs questions. Laissez-moi essayer de répondre d'abord à la dernière.

Comme Don le disait il y a quelques instants, des questions honnêtes auxquelles on répondrait honnêtement auraient l'appui, et ont eu l'appui, de toute l'industrie de la transformation.

Je suis un producteur d'oeufs. Nous avons pris des mesures importantes au cours des deux dernières années notamment en ce qui concerne la transformation des oeufs. Les aviculteurs font des choses merveilleuses quand on pense aux produits qui sont offerts et aux coûts par comparaison à ceux d'autres produits concurrents. Dans le sud de la Californie, les oeufs se vendent à peu près 2,20 $ canadiens la douzaine lorsqu'ils ne sont pas un produit d'appel. S'ils sont un produit d'appel, une douzaine de gros oeufs de la catégorie A se vend à peu près 1,60 $. C'est le prix actuellement à Calgary. La comparaison est très favorable pour le produit offert par nos transformateurs.

Le problème pour les producteurs d'oeufs, c'est qu'un seul producteur américain parmi tant d'autres a autant de poules que le Canada au complet. Donc, pour ce qui est des capitaux et des produits d'appel, nous ne pouvons simplement pas soutenir la concurrence. Et nous n'y tenons pas non plus. Ce n'est pas notre style. Nous sommes pour l'entreprise agricole familiale.

• 1355

Donc, la réponse à la question de savoir si nous avons l'appui de l'industrie de la transformation est oui. Il y a des situations stupides, comme celle des restaurateurs qui veulent des oeufs moins chers. Si vous avez déjeuné à l'hôtel ce matin, vous avez payé 5 $ pour un oeuf de 10 cents. Même si nous leur donnions nos oeufs, vous paieriez quand même 5 $. Alors, à quoi bon? Cela ne servirait à rien. Mais ça n'a rien à voir avec les transformateurs. Ils nous appuient à 100 p. 100.

Aidez-moi, monsieur. Quelle était votre première question?

M. Murray Calder: Elle concernait l'article XI par opposition à la tarification.

M. Tony Wooldridge: Je pense que cela nous a causé du tort en offrant à des gens comme les producteurs de blé de ce matin la possibilité d'obtenir des concessions à notre détriment ou d'en recommander. L'article XI était unique. Il nous assurait des contrôles à la frontière. Sur le plan politique et dans la pratique, il était plus facile à gérer que la tarification et nous mettait dans une position spéciale. Ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, les producteurs d'orge et de blé veulent qu'on se débarrasse des tarifs, qu'on les réduise, qu'on les supprime. Ils pensent pouvoir obtenir quelque chose en échange. Ils y arriveront peut-être, mais ce n'est pas sûr. C'est pourquoi je pense que le passage à la tarification a été préjudiciable pour le Canada en général, et notamment pour le GO-5.

Si vous demandiez aux producteurs de blé et à tous les autres producteurs qui veulent se débarrasser des tarifs en quoi au juste ils leur sont préjudiciables, la plupart vous répondraient—exception faite des producteurs de canola—qu'ils pourraient très bien s'en sortir s'ils avaient librement accès aux contingents et si on arrêtait de jouer à toutes sortes de jeux. Ils exagèrent dans l'espoir d'obtenir plus que ce dont ils ont réellement besoin. S'ils essayaient vraiment de voir dans quelle mesure et où ils ont besoin d'avoir accès, si cet accès leur était assuré, ils nous appuieraient au sujet des tarifs. Ils ne le disent pas publiquement. Ils le disent en privé. Il reste que c'est ce qu'ils disent. Si tout le monde jouissait d'un accès raisonnable et sans entrave au marché, alors tous auraient amplement l'occasion, sauf les producteurs d'huile canola, de faire ce qu'ils souhaitent faire.

M. Murray Calder: Avez-vous d'autres commentaires?

M. Bruce Beattie: D'abord, je trouve qu'il est vraiment regrettable que les agriculteurs canadiens n'arrivent pas à s'entendre entre eux.

La FCA, la Fédération canadienne de l'agriculture, a réussi à définir une position commerciale que les groupes de gestion de l'offre appuient, tout comme ses membres. Elle a en fait adopté, du moins elle appuie, la position des organismes de gestion de l'offre. Il suffit que certains groupes de producteurs céréaliers... Je trouve extrêmement ironique le fait que la plupart de ces groupes aient été mis sur pied grâce à l'aide du gouvernement. Par exemple, l'Alberta Barley Commission a reçu des fonds du gouvernement de l'Alberta pour démarrer. Les producteurs de lait de l'Alberta n'ont jamais reçu un sou du gouvernement comme organisation.

Premièrement, je trouve ironique qu'ils aient eu l'appui du gouvernement pour démarrer. Deuxièmement, si je regarde ce que le secteur céréalier reçoit du gouvernement sous forme d'assurance-récolte, d'avances de fonds sans intérêt et de renflouement d'année en année pour survivre, je finis par en avoir assez des plaintes des céréaliculteurs au sujet de notre régime et de leur persistance à dire que nous faisons quelque chose de mal tandis qu'ils sont au-dessus de tout reproche. Je pense que nous avons réussi à définir une position qui va dans le sens de ce que les céréaliculteurs essaient de faire. Si on éliminait les subventions à l'exportation, que se passerait-il? En théorie, les prix des céréales dans le monde augmenteraient.

M. Murray Calder: C'est exact.

M. Bruce Beattie: Je dis bien en théorie, parce que si on éliminait le soutien interne et si un agriculteur européen ne recevait pas 800 $ pour la seule raison qu'il est propriétaire terrien, il faudrait peut-être qu'il fasse des profits, qu'il ne donne pas son produit sur les marchés mondiaux, et nos céréaliculteurs pourraient alors lui faire concurrence.

• 1400

L'autre chose que je ne comprends pas, c'est ceci. Ils ne se rendent pas compte de la quantité d'orge que j'achète, de la quantité d'orge que le secteur de la gestion de l'offre utilise et achète à haut prix. Je trouve que c'est très décevant parce que nous avons essayé de travailler très fort, et j'ai certainement moi-même travaillé très fort. Par exemple, nous avons travaillé très fort avec l'AITG, un des groupes qui était ici ce matin, pour trouver un moyen par lequel les agriculteurs canadiens pourraient au moins adopter une position unique au lieu de s'en prendre les uns aux autres. C'est frustrant lorsque ça arrive, et je m'aperçois que c'est ce que je suis en train de faire. On finit par en avoir assez.

M. Murray Calder: Je vous comprends.

M. Bruce Beattie: Je pense qu'il est très important que nous arrêtions une position. En ce qui concerne les tarifs et l'article XI, je trouve intéressant que l'article XI ait été proposé par les États-Unis. Nous nous en sommes servis légalement, il faisait légalement partie du GATT, mais ils n'ont pas aimé la façon dont nous nous en servions de sorte qu'ils ont dû s'en débarrasser. L'ironie caractérise toutes les négociations commerciales. Je pense que c'est ce que nous devons clairement comprendre comme pays et comme industrie. Nous nous apprêtons à négocier et nous ne voulons pas de règles du jeu équitables; nous voulons des règles qui favorisent le Canada pour une fois. Ce serait bien. Ce n'est peut-être pas réaliste non plus, mais rien ne nous empêche d'espérer.

Si nous pouvons faire mieux ou au moins être au même niveau, ce serait bien. Toute la notion de règles du jeu équitables, quand on parle aux Américains et aux Européens, paraît bien lointaine. Je pense donc que nous devons entamer ces négociations et s'il faut qu'elles englobent tout... C'est un point qui m'inquiète, parce qu'il faudrait peut-être 15 ans pour en arriver à un accord si nous entrons dans chaque secteur au lieu de nous en tenir uniquement à l'agriculture. Je ne sais pas ce qui va arriver si on commence à parler d'autres sujets. Je ne suis certainement pas assez bien informé pour vous dire ce qui arriverait alors. Il faut préciser les règles actuelles. Il faut terminer le Cycle d'Uruguay, parce que je ne crois pas que tout a été réglé en 1995.

Les Européens et les Américains voulaient que les négociations prennent fin et ils ont dit: «Voici ce que nous allons faire.» Et nous avons tous dit que nous étions d'accord.

M. Murray Calder: C'est évident pour moi, Bruce, parce que la philosophie en 1993 au moment des négociations était que de bas prix mettraient un terme aux bas prix. Ça n'a pas été le cas.

M. Bruce Beattie: Non.

M. Murray Calder: Il y a de toute évidence des subventions qui sont versées, sinon il ne nous serait pas aussi difficile d'atteindre le seuil de rentabilité. J'ai informé les représentants de l'AITG de la position du GO-5 ce matin et je leur ai dit qu'elle avait été acceptée par la FCA. Ils étaient au courant de sa position, mais ils n'en savaient pas plus et ils m'ont dit qu'ils allaient lire tout ça.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Enarson, puis monsieur Wooldridge.

M. Dale Enarson: Merci. Si vous voulez bien ouvrir votre petit livre à la page du milieu, vous y trouverez quelque chose d'assez intéressant. Vous pouvez voir l'aide totale reçue pour l'agriculture dans divers pays. Le seul défaut que je trouve à ce petit livre, c'est que nous ne pouvons pas avoir des statistiques exactes à jour. Ce sont là les meilleures statistiques que nous ayons.

Comme on l'a mentionné, le GATT est parti d'une année de base et, en fonction de cette année de base, vous pouvez voir qu'en 1995 l'aide totale du Canada pour l'agriculture canadienne était passée de 7 milliards à 4 milliards de dollars. Pendant le même intervalle, l'aide américaine, sous toutes ses formes—verte, bleue, orange, rouge, violette et turquoise—est passée de 50 milliards à 61 milliards de dollars. En Europe, le montant de l'aide est passé de 90 milliards de dollars pour l'année de base à 88 milliards de dollars. Il est évident que le Canada, pour des raisons financières, a au même moment... Le moment crucial a été celui où les politiciens de toutes les régions du Canada se sont aperçus qu'il fallait réduire le déficit. Cela a de façon fort opportune coïncidé avec le GATT de sorte que nos gouvernements ont été des plus ravis de s'y conformer. Les trésors des deux autres grands intervenants sur la scène agricole internationale sont de toute évidence un peu plus généreux que nous.

C'est une des raisons pour lesquelles nous demandons, entre autres, qu'un plafond soit imposé à l'aide totale qui est offerte à l'agriculture sous toutes ses formes, peu importe la boîte dans laquelle elle entre. Cela illustre ce à quoi nous sommes confrontés à l'échelle internationale dans le commerce des produits agricoles.

• 1405

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Wooldridge, avez-vous des commentaires?

M. Tony Wooldridge: Vous avez tellement de verve que j'en perds mes mots, mais je tenais à faire quelques commentaires sur ce que Murray a dit au sujet de l'AITG ce matin. C'est une bonne idée, mais il y a malheureusement 115 membres, comme il l'a indiqué ce matin, et seulement sept d'entre eux ont souscrit à cet exposé de position jusqu'à maintenant, dont cinq sont présents ici. Nous sommes seulement cinq représentants de la centaine d'autres personnes des secteurs qui n'ont pas entériné cette position.

Elle ne cadre pas avec ma façon de voir, ce qui est dommage parce que c'était vraiment une bonne idée. Mais elle est défendue par les mauvaises parties pour le moment et je pense que c'est ce qui explique en partie le problème. Nous nous réunissons et nous continuerons à nous réunir avec elles pour les amener à se ranger à notre avis, à comprendre. Mais les deux parties les plus difficiles étaient à la table ce matin et vous avez entendu leur position.

M. Murray Calder: Oui et, en ce qui me concerne, elle est impossible à défendre.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Merci, madame la présidente.

En réalité, je n'ai pas de question à poser. J'ai rencontré des représentants de votre industrie au cours des dernières années, non seulement à Ottawa, mais aussi à travers le pays et je veux vous remercier d'avoir dès le départ défini une position bien mûrie à ce sujet et d'en être arrivés à cette position ensemble, parce que je pense qu'il est important à l'approche des négociations que le gouvernement du Canada sache qu'il parle vraiment au nom des agriculteurs. Et je sais qu'aussi difficile que cela puisse être, cela nous facilite la tâche de savoir que la communauté agricole est derrière nous.

Comme Murray le signalait, je pense que vous avez encore un certain travail à faire en ce qui concerne non pas votre position, mais la coordination des diverses positions du secteur agricole à travers le pays. Et je me réjouis à l'idée de travailler avec vous en ce sens.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Oui, monsieur Sundgaard.

M. Don Sundgaard: Madame la présidente, si vous me permettez de revenir à la remarque que M. Penson a faite au tout début au sujet du chemin que nous avons parcouru et de la façon dont nous entendons nous comporter à l'avenir face au commerce mondial, aux États-Unis, etc.—et cela pourrait être utile non seulement à l'Alberta, mais aussi au Canada—j'aimerais vous citer quelques statistiques tirées du petit guide sur le poulet canadien. Je ne pense pas que ces chiffres soient biaisés parce qu'ils sont fondés sur des statistiques d'Agriculture Canada, mais ils montrent que la consommation de poulet a augmenté de 61,5 p. 100 entre 1978 et 1997—pour passer de 15,6 à 25,2 kilogrammes par personne—tandis que d'autres denrées qui n'étaient pas gérées ont en réalité accusé des baisses. Et je pourrais vous donner d'autres chiffres. Je ne veux pas faire de comparaison, mais cela montre que la gestion de l'offre a fonctionné pour les Canadiens et donné un bon produit, un produit acceptable dans le cas du poulet. Et je pense que si vous examiniez les autres denrées dont l'offre est gérée, vous constateriez la même chose.

Je dirais aussi qu'en Alberta, dans le secteur de la volaille—et je veux parler des oeufs d'incubation, du dindon et des oeufs de consommation et Bruce pourrait vouloir faire des commentaires sur le lait—nous sommes passés à l'offensive et nous avons pris des mesures proactives. Par exemple, côté marketing, nous nous intéressons à un projet appelé la séquence des valeurs. Vous êtes peut-être au courant de certains des principes que cela comporte. C'est un thème relativement nouveau. Ce n'est pas le sujet le plus à la mode, mais c'est quelque chose que nous espérons faire à long terme pour le consommateur afin d'éliminer les coûts inutiles et de lui offrir le produit qu'il veut, dont il a besoin et qui lui facilitera la vie de tous les jours.

Nous le faisons en élaborant des programmes sur les dangers dans les fermes afin de pouvoir offrir un produit sûr. Nous le faisons également dans une perspective nationale puisque la salubrité des aliments est une question de la plus haute importance. Je pense que cela nous aidera aussi dans nos pourparlers avec l'Organisation mondiale du commerce à l'échelle internationale. Chaque pays a un point de vue différent à ce sujet, mais nous n'accusons pas de retard; nous faisons ce qu'il faut faire en ce qui concerne la sécurité alimentaire—mais pas pour la sécurité alimentaire seulement, parce que nous pensons aussi à la qualité alimentaire du poulet.

• 1410

Je tenais à vous donner ces détails. Nous travaillons avec nos partenaires au sein de l'industrie, ceux qui nous fournissent des provendes, les fabriques d'aliments, les couvoirs, les usines de transformation, sans oublier le détaillant et le grossiste. C'est pourquoi je vous dis que nous avons pris l'offensive.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Sundgaard. C'est une introduction parfaite pour la deuxième série de questions de M. Penson.

M. Charlie Penson: J'ai cru comprendre, en écoutant votre réponse à la question de M. Calder au sujet surtout de l'industrie céréalière, dont nous avons rencontré des représentants ici ce matin, que vous ne la plaignez pas tellement de ne pas avoir accès à l'Union européenne parce que celle-ci s'est tournée vers l'intérieur et reçoit un généreux soutien interne, ce qui veut dire que les céréales, les oléagineux et le boeuf du Canada n'ont en fait pas accès à ce marché. Mais il y a aussi le fait que l'Union européenne a une surproduction à cause de son système et a tendance à pratiquer le dumping sur les marchés mondiaux, ce qui est pire encore, parce qu'elle fait baisser les prix pour les céréaliculteurs canadiens.

Je sais que cela nuit énormément aux céréaliculteurs de ma circonscription et d'un grand nombre de régions. Ils demandent l'accès et ils demandent que ces subventions soient réduites, parce qu'on s'attendait après les négociations d'Uruguay à vraiment récolter ce qu'on avait commencé à semer la dernière fois. Bien des céréaliculteurs ont l'impression que cette position prétendue équilibrée les en empêche, ce qui nous ramène à ce que Murray disait.

M. Murray Calder: Vous voulez que je mette ma tête sur le billot?

M. Charlie Penson: Monsieur Wooldridge, vous avez dit, si j'ai bien compris, qu'il suffirait peut-être que l'accès nous soit un peu plus clairement assuré aux tarifs minimums. Le problème est sûrement plus grave. Ce n'est pas uniquement une question de tarifs; il a également à voir avec les subventions versées dans les pays de l'Union européenne. Et il ne concerne pas uniquement non plus l'Union européenne, mais...

Monsieur Enarson, le tableau que vous nous avez présenté est un bon argument en votre faveur, mais c'est aussi un bon argument en faveur des producteurs canadiens qui se plaignent de ne pas pouvoir soutenir la concurrence de ces subventions internationales et, en conséquence, un bon argument en faveur de la nécessité de nous pencher sur cette question. C'est probablement une question de pure forme, parce qu'il n'y a peut-être pas de réponse puisque j'ai l'impression que nos vues sont complètement opposées.

M. Tony Wooldridge: Pardonnez-moi, mais nous sommes tout à fait d'accord avec vous. Vous préconisez l'élimination des subventions à l'exportation. Nous préconisons la réduction, sinon le plafonnement ou l'élimination éventuelle, des subventions nationales. Cela va tout à fait dans le sens de ce que vous préconisez et de ce que les céréaliculteurs préconisent...

M. Charlie Penson: Ce qui nous assurerait l'accès aux marchés.

M. Tony Wooldridge: Ce qui nous assurerait l'accès aux marchés. Cela n'a rien à voir avec les tarifs. Vous ne parliez que des subventions à l'exportation et des subventions nationales. Nous sommes tout à fait en faveur de l'élimination de ces pratiques de distorsion du commerce.

M. Charlie Penson: Merci. C'est utile.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): M. Enarson avait un commentaire à faire lui aussi, Charlie.

M. Charlie Penson: D'accord, mais j'aurais un autre élément à soulever ici qui pourrait stimuler le débat.

Je me fais l'avocat du diable, je suppose, mais il me semble que le problème avec cette position équilibrée du Canada, c'est que nous nous présenterons là-bas en demandant une réduction des subventions et des tarifs qui nous assurera l'accès aux marchés et qu'il y aura à la table des gens très intelligents d'autres pays qui diront: «Et vous les gars? Vous ne nous accordez pas l'accès à votre marché, parce que vous avez des tarifs prohibitifs.» C'est là que réside la difficulté, à mon avis, que je vous soumets.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Dale Enarson.

M. Dale Enarson: Merci. Tout d'abord, c'est ce qu'on était en train de dire lorsque j'ai demandé la parole. Si vous regardez ce que nous demandons ici, et c'est la position du GO-5, la toute première chose que nous voudrions, c'est l'élimination des subventions à l'exportation. C'est ce que nous faisons valoir, ne pas protéger notre marché intérieur. Ce qu'il faut avant tout, c'est éliminer les subventions à l'exportation. Ce n'est que lorsque nous serons rendus à l'étape trois ou quatre que nous pourrons commencer à parler des moyens à prendre pour maintenir les contingents tarifaires.

S'il vous plaît, monsieur Penson, n'utilisez pas l'expression «position équilibrée». Ça faisait partie du GATT. Nous n'avons pas encore arrêté notre position, mais j'aimerais bien que nous nous tenions loin de ce slogan. Il a été désastreux pour nous.

• 1415

M. Charlie Penson: Nous pouvons éviter d'utiliser cette expression, mais le principe est le même, selon moi. Je trouve que la FCA est schizophrène. Elle veut que nous ayons accès aux marchés, que nous réduisions les subventions intérieures et aux exportations tout en protégeant les tarifs que nous avons. J'ai l'impression qu'elle veut tout avoir. Je comprends le point de vue de la gestion de l'offre. Vous ne voulez pas de réductions tarifaires. Je comprends parfaitement. Mais comment une organisation comme la FCA pourrait-elle gagner sur les deux tableaux en même temps?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Beattie.

M. Bruce Beattie: La principale question à se poser, je pense, est de savoir si on va essayer... Je crois que quelqu'un a dit que si on avait un accès de 5 p. 100 au marché européen en franchise, cette part de marché serait tellement grande qu'on ne saurait pas quoi en faire. Je n'en sais rien. Je ne connais pas les chiffres, mais je sais qu'ils sont assez élevés.

Je crois que nous venons de signer un important contrat avec la Chine qui n'est même pas membre de l'OMC et qui n'impose certainement pas de tarifs sur les importations de céréales. En fait, j'ai demandé à un des membres du groupe des céréaliculteurs qui faisait partie de notre petit groupe de travail à Ottawa s'il devait faire face à des tarifs prohibitifs lorsqu'il essayait d'exporter ses produits. Il m'a dit que non. Je reconnais qu'il y en a en Europe, mais sur les marchés importants—la Chine en est un et la Russie en a été un jusqu'à ce qu'elle n'ait plus d'argent—il n'y a pas de tarifs protecteurs imposés sur les importations de céréales.

J'ai beau m'évertuer, mais je n'arrive pas à comprendre cette nécessité d'éliminer les tarifs. Cela ne les aidera pas à moins qu'ils croient vraiment que si nous renonçons à nos contingents tarifaires, tout comme les autres 36 pays qui en ont à l'OMC, tout à coup, ces autres pays vont arrêter de soutenir leur industrie nationale et vont mettre un terme aux subventions à l'exportation. Je n'en suis pas sûr.

M. Charlie Penson: Cela ferait partie du marché, n'est-ce pas?

M. Bruce Beattie: Je ne pense pas que ça va arriver.

M. Charlie Penson: Parce que vous ne le voulez pas. Mais, selon votre modèle, cela ferait partie du marché.

M. Bruce Beattie: Ce que nous disons, c'est qu'il faut aller chercher ce 5 p. 100, qu'ils nous donnent l'accès qu'ils nous ont promis, parce qu'ils ont dit 5 p. 100 et qu'ils ne nous offrent que 2 ou 3 p. 100.

M. Charlie Penson: Voulez-vous parlez des céréales et des oléagineux et de tout le reste?

M. Bruce Beattie: Généralement parlant, nous pensons que nous devrions avoir accès à 5 p. 100 du marché intérieur. À l'heure actuelle, dans certains cas, on nous en accorde 2 p. 100 et, dans d'autres, 3 p. 100, et cela varie vraiment énormément en fonction des denrées. Si vous prenez le marché américain du beurre, c'est point quelque chose. Pour le fromage, c'est encore moins. Tout dépend donc de la denrée dont on parle.

M. Charlie Penson: Il serait utile, monsieur Beattie, que vous ayez des preuves à l'appui. Si grâce à une réduction tarifaire ou à l'absence de tarifs jusqu'à concurrence de 5 p. 100 du marché européen, les céréales, les oléagineux et le boeuf du Canada pouvaient entrer... Je crois savoir que ce n'est pas le cas.

M. Bruce Beattie: Je ne pense pas qu'il y ait de contingent tarifaire dans le cas du boeuf. C'est une question d'hormones. Cela a à voir avec les mesures sanitaires et phytosanitaires dont il devrait être question également, selon nous.

M. Charlie Penson: Mais je crois comprendre que ce n'est pas la seule restriction au commerce. Il y a des prix planchers qui font que les consommateurs paient un prix très bas et, pourtant, les producteurs reçoivent un prix élevé pour une tonne de blé ou peu importe. Les tarifs à eux seuls ne seraient pas un facteur important en ce qui concerne l'accès. Il faut que quelque chose soit fait aussi au sujet des subventions intérieures.

M. Bruce Beattie: De la façon dont je vois les choses, ce sont les subventions nationales, le soutien interne et les subventions à l'exportation qui créent des problèmes de distorsion du commerce. Je ne suis pas un producteur céréalier et je ne connais donc pas les marchés européens. Je ne suis même pas certain que nous ayons déjà vendu sur ces marchés. Je sais que nous avons vendu à l'Inde, qui est maintenant un pays exportateur.

M. Charlie Penson: Nous avons vendu du blé à la Grande-Bretagne.

M. Bruce Beattie: Nous avions l'habitude de vendre énormément de fromage à l'Angleterre avant son entrée dans l'Union européenne.

M. Charlie Penson: Oui.

M. Bruce Beattie: Tout à coup, nous ne vendions plus du tout de fromage sur le marché britannique. Le principal marché du cheddar de l'Ontario était autrefois la Grande-Bretagne. C'est pourquoi nous pensons—et pourquoi j'ai dit qu'il faut commencer par le commencement—qu'il faut d'abord mettre de l'ordre dans tout cela avant de commencer à négocier, avant de commencer à ouvrir toutes les portes et avant que n'entrent chez nous des produits à bas prix, parce que peu importe au producteur ce qu'il reçoit pour son produit.

On parle de découplage du soutien. Il est ridicule de penser qu'il y a découplage parce qu'un producteur reçoit maintenant un chèque du gouvernement peu importe ce qu'il produit au lieu de recevoir un chèque du gouvernement à cause de ce qu'il produit. Peu importe ce qu'il reçoit pour son produit et peu importe le prix payé. Il peut le vendre à bas prix et je ne peux lui faire concurrence, parce que je ne peux pas faire concurrence aux subventions européennes.

• 1420

Lorsque les ministres de l'Agriculture de l'Europe se réunissent et décident qu'il va y avoir une réduction de 15 p. 100 et que tous les responsables se réunissent ensuite et décident qu'il n'y en aura pas parce qu'il y a trop de pressions politiques, cela ne m'inspire pas tellement confiance et ne me porte pas à croire qu'ils vont dire aux prochaines négociations qu'ils sont d'accord pour le faire parce que nous allons réduire nos tarifs.

Je ne suis même pas convaincu que la réduction des tarifs ait une incidence importante, parce que nous en avons eu une, de 15 p. 100, je pense... C'était en théorie. Le chiffre devait être de 36 p. 100 pendant la durée du GATT. Je ne pense pas que les prix des céréales aient remonté. Ce que je veux dire, c'est qu'ils n'ont pas été tellement plus élevés depuis l'abaissement des tarifs douaniers. Je ne pense pas que les réductions tarifaires soient la solution aux problèmes et je plains énormément les céréaliculteurs. Pourquoi pas?

M. Charlie Penson: C'est tout un défi.

M. Bruce Beattie: C'est pourquoi nous disons qu'il faut se débarrasser des subventions à l'exportation, du soutien... Plafonnons le soutien interne. Assurons-nous d'un accès de 5 p. 100 sans tarif sur la production contingentée.

M. Charlie Penson: Vous avez posé la question, monsieur Beattie, et il y a des gens dans l'industrie céréalière qui ont l'impression que ce n'est pas dans l'intérêt de la gestion de l'offre que les prix des céréales augmentent, ni dans celui de l'industrie des bovins, parce que ce sont des consommateurs du produit canadien.

M. Bruce Beattie: En fait, à cause de notre régime de gestion de l'offre, nos prix sont fondés sur nos intrants. Par exemple, nous avons une formule qui est basée sur le prix des céréales de sorte que s'il augmente, mon prix augmente lui aussi. Le consommateur va devoir payer un peu plus, comme ce devrait être le cas.

M. Murray Calder: C'est ce que je vous ai dit ce matin, Charlie.

M. Bruce Beattie: C'est la façon dont le système fonctionnerait. Pourquoi un agriculteur devrait-il donner son produit? Ce n'est pas juste et il faudrait que les consommateurs le comprennent. Les consommateurs financent l'industrie laitière, pas le gouvernement, et si nos ventes baissent, alors nous ajusterons nos prix.

M. Charlie Penson: Ma dernière question est la suivante: puisque vous pensez qu'il faudrait réduire les subventions nationales à l'échelle mondiale, vous ne verriez donc aucun problème à ce que l'industrie laitière renonce aux 300 millions de dollars qu'elle continue à recevoir?

M. Bruce Beattie: Cette somme est passée à environ 130 millions de dollars et nous met dans l'embarras, mais elle va disparaître dans deux ans, car, il y a trois ans, elle devait être réduite de 20 p. 100 par année. Elle vient d'être réduite de 20 p. 100 en février, et ce montant a alors été ajouté au prix que le consommateur paie pour le produit. C'est le choix du consommateur. C'est à lui de décider s'il veut ou non acheter le produit offert au prix demandé.

Si le prix est trop élevé, les producteurs vont alors se demander ce qu'ils doivent faire. Demandons-nous un prix trop élevé pour notre produit? Il va alors falloir le modifier. C'est une des composantes de la formule d'établissement du prix du lait liquide en Alberta—la demande des consommateurs. C'est un élément dont nous tenons compte lorsque nous décidons d'augmenter nos prix ou non.

M. Murray Calder: Ce n'est pas le conseil d'administration des services publics.

M. Benoît Sauvageau: Vous n'êtes pas le président des producteurs laitiers?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je tiens à vous remercier tous d'être venus ici aujourd'hui. Je vous remercie de nous avoir présenté un exposé et d'avoir bien voulu répondre à nos questions.

S'il y a d'autres questions ou des renseignements supplémentaires que vous aimeriez partager avec le comité, n'hésitez pas à le faire en communiquant soit avec la greffière, soit avec les différents membres du comité. Nous espérons entamer un dialogue permanent au lieu de nous en tenir à une simple consultation.

Pardonnez-nous d'avoir devancé votre témoignage, mais il nous fallait raccourcir la séance pour pouvoir entendre notre dernier intervenant un peu plus tôt de manière à prendre l'avion de 17 heures. Je vous remercie encore une fois d'être venus.

Benoît, avez-vous...?

M. Benoît Sauvageau: Non, c'est à un autre sujet.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): D'accord. Merci beaucoup d'avoir été des nôtres et merci encore une fois pour la plume.

• 1424




• 1434

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bienvenue, monsieur Watson, et merci encore une fois d'avoir bien voulu modifier votre horaire pour que nous puissions prendre notre avion cet après-midi.

Si je comprends bien, vous êtes président du Comité du commerce d'exportation de l'Alberta Economic Development Authority.

M. Peter Watson (président, Comité du commerce d'exportation, Alberta Economic Development Authority): C'est exact.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bienvenue, monsieur Watson.

M. Peter Watson: Merci, madame la présidente, et à vous membres du comité. Je vous suis personnellement reconnaissant, tout comme l'Alberta Economic Development Authority, de l'occasion qui m'est offerte de vous rencontrer aujourd'hui pour vous présenter nos vues sur les importantes négociations qui s'en viennent.

• 1435

Mes commentaires seront très généraux et très préliminaires. J'espère que nous aurons la chance plus tard d'exposer nos vues, peut-être pas au comité, mais par l'entremise du gouvernement de l'Alberta, d'une manière plus précise que je vais le faire aujourd'hui.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous espérons que la consultation et le dialogue vont se poursuivre et nous recommandons aux gens de continuer à utiliser le comité pour faire connaître leurs vues et leurs préoccupations, par l'entremise soit de la greffière soit des différents membres du comité. Nous en serions heureux.

M. Peter Watson: C'est parfait. Merci.

Pour que vous sachiez un peu qui nous sommes, laissez-moi vous dire que l'Alberta Economic Development Authority est ce qu'on appelle un partenariat entre le gouvernement et les entreprises, lequel a été établi en Alberta par le premier ministre il y a cinq ans, soit en 1994.

Je pense que vous avez notre document.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui. Merci.

M. Peter Watson: Vous avez le texte de notre mission qui consiste essentiellement à aider le gouvernement à abolir les obstacles au commerce et à créer plus de possibilités de commerce pour les entreprises de l'Alberta.

Nous sommes quelque 90 bénévoles du secteur privé, surtout des directeurs généraux à un titre ou à un autre dans la province. Nous sommes répartis en dix comités différents, dont cinq sont axés sur l'industrie: les forêts, l'énergie, l'agriculture, le tourisme et la technologie. Les autres sont à plus long terme et intersectoriels: l'impôt, l'infrastructure ainsi que les exportations et le commerce—comité que j'ai le privilège de présider.

Nous ne faisons pas partie du gouvernement. On me pose souvent la question. Je ne représente pas le gouvernement. J'exploite une entreprise et j'ai pris un engagement. Pour résumer, l'Alberta Economic Development Authority est là en fait pour que le premier ministre et ses ministres économiques aient un son de cloche du secteur privé. Cinq ou six d'entre eux ont un portefeuille économique.

L'Alberta, qu'on parle de l'industrie ou des gens en général, ou encore, je pense, du gouvernement—et je ne suis certainement pas ici le porte-parole du gouvernement—a toujours été en faveur de la libéralisation du commerce.

Il y a un chiffre dans le document que vous avez que je tiens à corriger immédiatement. J'aurais bien aimé que ce soit 230 p. 100, mais c'est 130 p. 100.

Voici un bref aperçu de ce qui s'est passé depuis la signature de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis il y a dix ans. Tous ces facteurs ne sont certainement pas attribuables à l'accord de libre-échange, mais nous croyons qu'ils ont énormément contribué aux résultats.

Les exportations ont augmenté considérablement, de plus du double en fait. À l'instar des autres grands secteurs de l'économie de l'Alberta, l'agriculture a pu se diversifier comme en témoignent les cultures spécialisées qui n'existaient simplement pas auparavant parce que le marché canadien n'était pas assez vaste pour que des produits comme les grains de moutarde et le canola y soient commercialisés, lesquels représentent aujourd'hui une très grosse industrie. L'industrie de la transformation des aliments a pris de l'expansion—par opposition à la production primaire, la production secondaire.

Les produits pétrochimiques et le gaz naturel revêtent aujourd'hui une très grande importance en raison de la sécurité des marchés qui a été rendue possible par l'accord de libre-échange il y a dix ans, dont un certain nombre de produits à valeur ajoutée comme le polyéthylène et divers autres produits dérivés de l'industrie pétrochimique.

De même, la foresterie est passée à des niveaux secondaires de fabrication et de transformation.

Dans le secteur de la fabrication, il y a eu une croissance importante des composantes qui ont à voir avec les secteurs primaires de l'économie albertaine. Cela nous amène à parler une fois de plus de l'industrie énergétique, de choses comme les pièces et accessoires pour le matériel de forage, l'équipement de fond et ainsi de suite.

De même, il y a eu dans les industries de service une croissance attribuable à l'expansion des secteurs primaires de l'économie albertaine.

• 1440

Tout cela a eu pour résultat la diversification et l'expansion de l'économie, une réduction de notre volatilité et, par conséquent, une réduction de notre vulnérabilité à la conjoncture économique. Donc, la volatilité de l'emploi a diminué considérablement, ce qui est une chose très positive.

Si je devais vous résumer notre position à ce stade-ci, je dirais que plus il y a libéralisation du commerce, mieux c'est. Nous croyons que l'industrie de l'Alberta a été gagnante au cours des dix dernières années et nous voyons des avantages à l'avenir à une plus grande libéralisation.

L'agriculture est certainement un secteur important de l'économie canadienne et elle est représentée au sein de l'Alberta Economic Development Authority. Mais je crois savoir que vous avez entendu parler d'agriculture toute la journée de sorte que je ne m'y attarderai pas. Cette position est complexe et est en voie d'élaboration depuis plus d'un an.

Permettez-moi donc de vous parler brièvement seulement non pas d'agriculture, mais du commerce des biens et services. D'énormes progrès ont été réalisés au cours des dix dernières années dans la réduction des obstacles au commerce des produits primaires et industriels, mais il existe encore des obstacles. Pour en revenir à mon thème, plus l'économie est libéralisée, mieux c'est. Comme le disait un de nos membres, les clôtures sont presque toutes tombées mais il y a encore ça et là quelques mines terrestres. Étant donné que le Canada veut se débarrasser des mines terrestres, débarrassons-nous de celles-là.

Je le répète, le thème que vous pourriez voir ici est que les obstacles qui nuisent à l'industrie de l'Alberta se situent surtout au deuxième stade de l'économie dans nos industries primaires. Je pense à l'énergie, aux forêts et aux produits pétrochimiques. Nous aimerions qu'il y ait une augmentation des avantages du genre de ceux dont il a été question dans la déclaration ministérielle de l'OMC sur le commerce et les produits de la technologie de l'information. C'est un exemple d'une approche sectorielle adoptée pour abolir les obstacles. Là encore, selon nous, l'industrie de l'Alberta s'en est trouvée gagnante.

Une des réussites particulières de l'Alberta au cours des quelques dernières années a été la croissance dans le secteur des appareils de transmission de l'industrie des télécommunications. C'est un secteur en plein essor de cette industrie très dynamique en Alberta. Nous serions en faveur d'accords sectoriels du même genre dans d'autres industries, et peut-être même de l'élargissement de celui dont je parle, quoiqu'il couvrirait, d'après ce que j'en sais, 90 p. 100 des échanges de ce produit.

Pour ce qui est des services, il est beaucoup plus difficile de savoir à quoi s'en tenir parce qu'il n'y a pas de définition communément acceptée de ce qu'on entend par services, entre autres choses. Il est donc difficile de mesurer le succès ou l'absence de succès dans le secteur des services. Évidemment, les produits circulent et peuvent être comptés, ce qui est beaucoup plus difficile dans le cas des services. Cependant, ceux-ci représentent les deux tiers environ de notre produit intérieur et moins d'un tiers de nos exportations. Les services sont un secteur en pleine croissance de notre économie.

Nous constatons que d'importantes possibilités s'offrent dans le secteur des services et nous entendons mieux les exploiter. Les entreprises de l'Alberta cherchent à les exploiter. Mais il y a des obstacles, du genre de ceux qui vous sont familiers, j'en suis sûr. Il y a le manque de reconnaissance des titres de compétence, le statut préférentiel accordé aux entreprises locales et ainsi de suite, l'absence de transparence et, dans certains cas, des interdictions ou des restrictions imposées aux fournisseurs de services étrangers.

• 1445

Je parle ici dans notre propre intérêt, mais les types de services sur lesquels il faudrait mettre l'accent en Alberta sont ceux qui découlent de ces industries primaires, comme la consultation dans les secteurs de l'énergie, des forêts et de l'environnement, des services de génie et ainsi de suite.

La question des normes environnementales et ouvrières est le dernier point que j'aimerais aborder. Certains sont d'avis que ces normes devraient être intégrées aux accords commerciaux. Nous ne partageons pas cet avis. Cela ne veut pas dire que nous ne croyons pas aux normes en matière d'environnement et de travail. Nous croyons cependant que ces normes devraient être établies séparément et régies par les organismes compétents qui s'occupent de normes environnementales ou du travail, au lieu d'être intégrées aux accords commerciaux.

Un modèle couronné de succès pour cette approche a été proposé dans le cadre de l'ALENA où des accords parallèles ont été signés, et il y a une différence importante entre les deux. Un accord parallèle prévoirait que le pays jouit du droit souverain d'établir, disons, des normes environnementales. Il établirait les normes qu'il juge appropriées et serait tenu de les appliquer. S'il n'appliquait pas ces normes, il serait passible de sanctions ou d'autres mesures tandis que si les normes étaient intégrées à l'accord commercial, une partie pourrait soutenir qu'un pays ou une entreprise n'a pas respecté une certaine norme en matière d'environnement ou de travail et lui imposer des restrictions commerciales, des tarifs ou un certain type de quota, par exemple.

Nous croyons que ce n'est pas la bonne façon de procéder. Les deux devraient être distincts.

Ce sont là mes points. Comme je l'ai dit au début, ils sont très généraux. Nous espérons avoir plus d'information de manière à être plus précis plus tard.

En résumé, comme je l'ai dit au début, l'industrie et les résidents de l'Alberta ont énormément profité de la libéralisation du commerce au cours des dix dernières années et nous croyons avoir tout intérêt à libéraliser encore davantage le commerce.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Watson.

Parce que MM. Speller et Sauvageau doivent partir, nous allons les laisser passer en premier.

Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Oui, mais on peut rester encore 15 minutes.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Vous pouvez commencer.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Merci. Vous êtes bien gentille.

Monsieur Watson, merci de votre présentation. J'ai quelques questions à vous poser.

En tant qu'organisme économique, savez-vous comment le gouvernement albertain consulte sa population afin qu'elle s'oppose moins à ses ententes de libre-échange? Est-ce qu'il y a une consultation provinciale? Si oui, comment est-elle faite?

À la toute fin de votre exposé, quand vous avez parlé des normes environnementales et des droits du travail, vous avez donné un soupçon d'orientation en disant que des pénalités ou des quotas pourraient être imposés à ceux qui ne respectent pas ces normes, mais que ce n'était pas la position que nous appuyiez. Quelle position appuyez-vous?

Comme Mme la présidente l'a dit, nous devons quitter. Je m'excuse de prendre votre temps de réponse pour parler d'autre chose, mais je voudrais tout de suite remercier les interprètes, Cindy, Claudia et Henri, le personnel de soutien, ainsi que la présidente et les autres membres du comité. Comme d'habitude, nous avons fait une tournée fort intéressante.

[Traduction]

M. Peter Watson: Merci, monsieur.

Je le répète, je ne peux pas parler au nom du gouvernement provincial au sujet de la consultation. Il a un processus de consultation sur diverses questions. Il utilise l'organisme dont je suis membre, l'Alberta Economic Development Authority, pour avoir le point de vue de l'industrie—et je dis bien de l'industrie seulement. Parce que l'Alberta Economic Development Authority participe à son organisation, je sais qu'il va y avoir une table ronde au cours des deux prochains jours à Edmonton sur le changement climatique et l'environnement. Il se fait aussi que je m'intéresse à la question des hôpitaux. Je sais qu'on a tenu toute une série de tables rondes pour solliciter les vues sur les soins de santé. Il existe donc un certain nombre de mécanismes de consultation.

• 1450

Quant à votre deuxième question au sujet des normes en matière de travail et d'environnement, je suis désolé de ne pas avoir été clair. Laissez-moi essayer d'être le plus clair possible.

Je n'ai pas dit que l'Alberta Economic Development Authority ne croit pas aux normes en matière d'environnement ou de travail. Nous sommes tout à fait pour. Ce que je disais, c'est que nous ne pensons pas que ces normes devraient être appliquées à l'aide d'un accord commercial, parce que ce sont des questions distinctes. Il y a des tribunes et il y a et devrait y avoir des mécanismes pour faire respecter les normes en matière de travail, les normes environnementales ou n'importe quelle autre norme. C'est là qu'il faudrait s'en occuper plutôt que dans un accord commercial qui serait utilisé pour les faire appliquer, ce qui pourrait avoir des répercussions auxquelles on n'avait pas songé.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: J'avais bien compris cet aspect. Vous avez dit que, comme dans le cas de l'ALENA, il devrait y avoir des accords parallèles sur l'environnement et les droits du travail. Vous avez aussi ajouté qu'il pourrait y avoir des sanctions si ces accords parallèles n'étaient pas respectés, mais que ce n'était pas la position de l'Alberta Economic Development Authority. On ne met pas cela dans l'accord de l'OMC, mais dans des accords parallèles. Quelle serait votre position, qu'il y ait ou non des sanctions?

[Traduction]

M. Peter Watson: Oui, nous serions en faveur de pénalités ou de sanctions. Je crois savoir qu'il existe actuellement des accords parallèles sur l'environnement, par exemple. Si un pays manquait au respect de ses propres lois en la matière, alors il serait passible de pénalités en vertu d'un mécanisme d'exécution dans le secteur du travail. Quelles que soient les sanctions... Je crois savoir qu'il s'agit surtout d'amendes, et nous sommes certainement en faveur.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Je voulais revenir sur ce point parce que c'est un concept intéressant. Bien des gens nous ont dit qu'on peut faire ce qu'on veut à l'OIT pour établir des normes de travail, mais à moins d'avoir un mécanisme pour les faire respecter, elles ne sont pas exécutables.

En ce qui concerne l'environnement, un autre groupe nous a demandé si une politique environnementale laxiste ne consistait pas en réalité en une subvention. Si c'est une subvention, pourquoi ne pas s'en occuper dans le secteur commercial avec l'OMC? Seriez-vous d'accord pour dire que ce serait une subvention? Ce que j'essaie de savoir, c'est comment faire le lien entre l'OIT et l'OMC. Vous avez dit qu'il pourrait y avoir des amendes, mais une amende, ce n'est rien. Comment faire respecter ces normes?

M. Peter Watson: Cela dépasse le champ de mes compétences. Ce que nous disons en fait, c'est que même s'il existe un mécanisme de règlement des différends commerciaux, qui consiste essentiellement en des tarifs ou en des contingents—des restrictions au commerce en quelque sorte—il ne faudrait pas s'en servir pour régler les différends en matière de travail.

Donc, quel genre de mécanisme l'OIT ou un autre organisme du secteur environnemental peut-il mettre en place? Je n'en suis pas sûr, mais il devrait bien y avoir un moyen de s'y prendre. Je ne suis pas certain qu'il devrait y avoir un lien entre les deux, autrement dit.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller, j'aurais une question à poser dans le même ordre d'idées, après quoi je vous céderai la parole.

• 1455

Monsieur Watson, je comprends ce que vous voulez dire, mais le problème, c'est que d'autres pays ont contesté les règlements du Canada en matière d'environnement. Ils s'en sont servis pour contester notre droit de réglementer... Prenons par exemple l'affaire du MMT. Nonobstant le fait qu'une décision n'a pas été prise en vertu de l'ALENA, ils se servent de ce véhicule pour contester... pour nous demander en fait de ne pas réglementer. C'est le problème avec lequel nous nous débattons et ce qui a soulevé la critique: l'OMC nous prive de notre droit souverain de prendre des règlements.

M. Benoît Sauvageau: Et la souveraineté est importante.

M. Peter Watson: C'est là le piège, n'est-ce pas? C'est exactement mon point de vue. S'il y a en place des mécanismes de règlement des différends commerciaux, quelqu'un va les utiliser à son propre avantage de toutes les manières qu'il le peut, tout comme n'importe quel avocat va utiliser un contrat à l'avantage de son client. Donc, si nous permettons que les mécanismes de règlement des différends soient utilisés pour régler des questions de normes environnementales, alors nous donnons aux gens un moyen de les utiliser à leur propre avantage.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je suis désolée, monsieur Speller, de m'être étendue sur ce sujet.

M. Bob Speller: Seriez-vous d'accord pour dire que des programmes environnementaux laxistes sont une subvention?

M. Peter Watson: Ça pourrait en être une.

M. Bob Speller: Pensez-vous alors que l'OMC pourrait peut-être...

M. Peter Watson: Nous pourrions ne pas aimer les normes environnementales du Mexique, mais il a décidé, dans sa sagesse, que c'était là les normes qu'il souhaitait établir. Si nous voulons commercer avec lui, nous devrons passer outre.

M. Bob Speller: Si un de vos concurrents n'avait pas à respecter les mêmes normes que vous, dans un autre marché, il est évident que ses coûts de production seraient beaucoup plus bas. Ne trouvez-vous pas qu'il s'agirait là d'une subvention et que, par conséquent, l'OMC aurait un rôle quelconque à jouer?

M. Peter Watson: Il se pourrait que ce soit une subvention, mais tout n'est pas parfait en ce bas monde. Maggie Thatcher a dit que c'est un drôle de vieux monde et qu'on ne pouvait que faire de son mieux. Au lieu d'essayer d'atteindre la perfection, notre suggestion serait de libéraliser le commerce le plus possible et de confier à d'autres le soin des normes en matière d'environnement et de travail et de toute autre norme.

M. Bob Speller: Merci.

Madame la présidente, avant de vous quitter, je voudrais moi aussi, comme M. Sauvageau, dire quelque chose pour le compte rendu. Au nom de mon parti et en mon nom personnel, je tiens à remercier le personnel, les interprètes, les pupitreurs et tout le monde du bon travail qu'ils ont fait au cours de la semaine qui vient de s'écouler. Ils ont fait plus que leur devoir.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Speller.

Madame Beaumier, avez-vous une observation ou une question?

Mme Colleen Beaumier: Non.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Sauvageau? Monsieur Calder? Parfait.

Monsieur Watson, je pense que nous avons touché au coeur du problème dans le domaine de l'environnement. De la manière dont je vois les choses, si une mesure nuit au commerce, si elle a un effet de distorsion sur le commerce, comme des règlements laxistes en matière d'environnement qui pourraient être considérés comme une subvention, le problème est alors de savoir quoi faire.

M. Peter Watson: D'après moi, le modèle de l'accord parallèle utilisé avec l'ALENA fonctionne assez bien. N'est-ce pas?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): C'est une question qui prête à discussion.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Je peux vous répondre que Mme Barlow dirait non.

Une voix: Je comprends.

[Traduction]

M. Murray Calder: Une source crédible...

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous venons d'apprendre que la Commission de l'environnement de l'ALENA a récemment témoigné à Winnipeg et nous avons bien hâte de lire la transcription.

Nous avons aussi des notes, monsieur Watson, aux fins de discussion publique sur notre site Web et nous vous invitons à suivre le dossier de près. Si vous avez des propositions plus précises à nous faire, nous serions certainement heureux de les connaître.

• 1500

M. Benoît Sauvageau: À www.omc.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui, c'est exact.

Je vous remercie une fois de plus, monsieur Watson, au nom de tous les membres du comité, de vous être joint à nous. Merci encore une fois d'avoir bien voulu réorganiser votre horaire. Laissez-moi vous répéter que nous comptons sur votre participation. Vous n'avez pas à nous faire connaître vos vues par l'entremise de votre gouvernement; sentez-vous libre de communiquer directement avec le comité.

M. Peter Watson: Merci beaucoup.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je repars demain et je vais alors confier la présidence à Mme Beaumier. Je tiens à remercier tous les membres du comité de leur dur labeur. Je veux également remercier les traducteurs, les techniciens et tous ceux qui nous ont accompagnés dans nos déplacements. Nos attachés de recherche et notre greffière ont fait un travail remarquable. Merci beaucoup.

La séance est levée. Le comité reprendra ses travaux à 8 h 30 à Saskatoon.