Passer au contenu
Début du contenu

FAIT Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
a l’honneur de présenter son

 

DEUXIÈME RAPPORT

 

Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, votre Comité a examiné la question du maintien de la participation du Canada à la Force de stabilisation (SFOR) en Bosnie, et a convenu de rapporter ce qui suit :

 

OBSERVATIONS DE LA DÉLÉGATION CONJOINTE DES COMITÉS PERMANENTS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL ET DE LA DÉFENCE NATIONALE ET AFFAIRES DES ANCIENS COMBATTANTS APRÈS SA VISITE EN BOSNIE-HERZÉGO VINE ET EN ITALIE, NOVEMBRE 1997

 

Les récents événements en Bosnie-Herzégovine font ressortir combien sont liées étroitement la politique étrangère et la politique de défense. Pour mieux comprendre ces liens et aider le gouvernement du Canada à décider s’il convient ou non de maintenir sa participation en Bosnie, huit membres des Comités permanents des affaires étrangères et du commerce international et de la défense nationale et affaires des anciens combattants se sont rendus dans la région en novembre 1997 pour constater sur place les éléments de la politique canadienne d’édification de la paix : le rétablissement de la paix par notre participation militaire à la Force de stabilisation (SFOR) dirigée par l’OTAN; la reconstruction par des projets financés par l’Agence canadienne de développement international (ACDI) ainsi que par des ONG et l’armée canadienne; et la démocratisation en collaboration avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Groupe international de police (GIP), entre autres.

Les membres ont constaté que tous les intéressés s’entendaient généralement pour dire que des progrès considérables ont été réalisés en Bosnie au cours des deux années ou presque qui se sont écoulées depuis la signature de l’Accord-cadre général pour la paix (Dayton) et que le Canada y a puissamment contribué sur les plans à la fois militaire et civil. Le mandat de la SFOR prend fin en juin 1998, mais, étant donné les efforts considérables déjà déployés et les progrès accomplis, on s’entendait également pour dire qu’une présence militaire internationale resterait nécessaire en Bosnie après cette date et que le Canada devrait y participer.

 

LA SITUATION MILITAIRE EN BOSNIE 

Comme Dayton avait pour premier but de mettre fin aux hostilités en Bosnie, la délégation a passé les premiers jours de sa visite à examiner cet aspect de la situation et la contribution du Canada à cet égard. Partout les membres ont bénéficié de séances d’information et participé à des réunions informelles avec des militaires canadiens, entre autres. Ils ont constaté un degré élevé de professionnalisme et de fierté chez les militaires canadiens en poste dans la région et ont été impressionnés de voir jusqu’à quel point tous comprennent la mission globale et les progrès réalisés jusqu’ici. Les membres sont convaincus que tous les Canadiens peuvent être fiers du travail des forces militaires canadiennes dans la région et que, moyennant un soutien adéquat, les Forces canadiennes pourront s’acquitter de toute mission que leur confie le gouvernement canadien.

La délégation a commencé ses réunions à la base aérienne américaine d’Aviano, en Italie, d’où se sont envolés à compter de la mi-août 1997 six chasseurs canadiens CF-18 équipés de nouvelles munitions à guidage de précision dans le cadre de plus de 250 missions opérationnelles destinées à faire respecter la zone d’exclusion aérienne sur la Bosnie. La contribution militaire du Canada dans la région se compose surtout de forces terrestres, mais il ressort des séances d’information détaillées dont les membres ont bénéficié à Aviano que d’autres forces peuvent apporter aux opérations une contribution considérable. Un aspect important de la mission des CF-18 consistait à assurer une capacité aérienne accrue pendant les importantes élections municipales qui ont eu lieu en Bosnie en septembre 1997. Ces élections se sont bel et bien déroulées sans la violence organisée que beaucoup appréhendaient et le personnel et les avions canadiens sont rentrés au pays comme prévu à la mi-novembre 1997.

D’Aviano les membres se sont rendus en Bosnie, où pendant les trois jours suivants ils ont visité les quatre grandes installations militaires canadiennes : la Caserne de l’Ours noir à Velika Kladusa, le Camp Holopina à Coralici, le Camp de la Feuille d’érable à Zgon et le camp non encore baptisé à Drvar. Comme tout le personnel de la SFOR, les 1 240 militaires canadiens en poste en Bosnie ont pour mission première de faire respecter l’accord de Dayton en assurant l’environnement sûr nécessaire à la reconstruction et à la démocratisation du pays.

À Velika Kladusa, les membres ont bénéficié de séances d’information sur les opérations militaires dans la zone de responsabilité canadienne en Bosnie, une région d’une superficie comparable à celle de l'Île-du-Prince-Édouard. Ils ont pu se familiariser avec les activités de soutien (approvisionnement en nourriture et en matériel, réparation des véhicules, courrier, etc.) qui se déroulent à Velika Kladusa pour l’ensemble des forces militaires canadiennes en poste dans la région. Ils ont également assisté à leurs premières séances de sensibilisation aux mines dans le cadre desquelles on leur a expliqué la forme et la fonction de diverses mines antipersonnel et antichar, les procédures qu’il est recommandé de suivre pour les éviter ou les neutraliser au besoin ainsi que la forte intensité de main-d’oeuvre des opérations de déminage. À Zgon, le lendemain, ils ont vu des mines à peu près indétectables enfouies dans un petit «champ de mines» utilisé à des fins d’entraînement ainsi que l’équipement que porte les ingénieurs militaires affectés à des activités de déminage. Ces séances d’information étaient d’une importance particulière non seulement parce que les mines terrestres sont la menace la plus grave qui pèse sur les troupes canadiennes et les autres troupes de la SFOR en Bosnie, mais aussi parce que les membres ont pu acquérir une nouvelle perspective sur le processus d’Ottawa en vue d’interdire les mines antipersonnel.

De Velika Kladusa les membres se sont rendus aux camps canadiens de Coralici (Holopina nommé en l’honneur d’un jeune ingénieur militaire canadien qui a été tué lorsqu’il essayait de venir en aide à des troupes du SFOR prises dans un champ de mines) et de Zgon. De Zgon ils se sont rendus à Drvar, où ils ont pu mesurer toute l’ampleur des problèmes auxquels est confrontée la Bosnie. Après sa capture pendant la guerre, Drvar, traditionnellement une ville bosniaque serbe, est devenue presque totalement non serbe. Comme les réfugiés ont été autorisés à voter dans leur localité d’avant-guerre, un conseil municipal dominé par les Serbes a été élu à Drvar aux élections municipales de septembre 1997; le difficile processus d’installation de ces conseils municipaux en Bosnie retiendra l’attention de la SFOR et des autorités canadiennes dans les mois qui viennent.

Les membres ont pu prendre connaissance des efforts canadiens de reconstruction en Bosnie à Drvar, où ils ont visité une école que des ingénieurs militaires canadiens ont aidé à reconstruire dans le cadre d’un de leurs projets de coopération civilo-militaire. De Drvar ils se sont rendus à Bihac, où une sous-station électrique a été réparée avec l’aide de l’ACDI dans le cadre d’un grand projet de stabilisation du réseau électrique dans l’ensemble de l’ancienne Yougoslavie. Ils se sont ensuite rendus à un autre projet de coopération civilo-militaire, un hôpital à Cazin. À tous ces endroits, les politiciens bosniaques locaux ont souligné l’importance de ces projets pour leur peuple et ont demandé aux membres de transmettre leurs remerciements au peuple canadien. La soirée s’est terminée par un dîner de travail donné par le commandant du Groupement tactique canadien, dîner pendant lequel les membres ont discuté de leurs impressions avec des représentants du Groupe international de police (GIP) et de l’OSCE, entre autres.

Le personnel militaire canadien en poste en Bosnie opère à l’intérieur de la zone de responsabilité britannique. Dans la Republika Srpska le lendemain, les membres ont été accueillis et mis au courant de la situation par des Canadiens qui occupent des postes importants au quartier général de la Division multinationale du sud-ouest et ont rencontré brièvement le commandant de la Division, le major-général britannique Angus Ramsay. Le général Ramsay, qui doit quitter sous peu la Bosnie pour une autre affectation, a louangé le travail des Canadiens affectés à la Division multinationale. En se fondant sur son expérience en Bosnie et ailleurs, il a expliqué la différence doctrinale entre les premiers efforts de «maintien de la paix» dans la région et les efforts de «rétablissement de la paix» en cours sous l’égide de la SFOR. Lui aussi estime que des progrès considérables ont été réalisés en Bosnie depuis Dayton, ajoutant que les choses avançaient plus vite ici que dans les autres régions comparables qu’il avait vues.

 

LA SITUATION POLITIQUE EN BOSNIE 

L’accord de Dayton est un succès évident sur le plan militaire, mais la reconstruction et la démocratisation de la Bosnie se font plus lentement. La situation politique et économique en Bosnie a donc été le point de mire de la deuxième moitié de la visite. Les principales questions en suspens sont l’incapacité des centaines de milliers de personnes déplacées et de réfugiés à réintégrer leur foyer et la présence de personnalités accusées de crimes de guerre en liberté.

Les membres se sont rendus à Banja Luka dans la Republika Srpska (RS), où ils ont rencontré la présidente de la RS le Dr Biljana Plavsic, qui est engagée dans une âpre lutte pour le pouvoir avec des forces loyales au criminel de guerre mis en accusation Radovan Karadicz, basé à Pale. Les élections législatives prévues pour les 22 et 23 novembre débloqueront, on l’espère, la situation. Les membres ont interrogé de façon directe la présidente Plavsic, qui a admis qu’elle restait une nationaliste serbe, expliquant que, selon elle, le nationalisme veut dire «patriotisme» au nom d’un groupe plutôt que «chauvinisme» contre les autres. La discussion a couvert beaucoup de terrain, mais l’essentiel du message de la présidente Plavsic, c’est probablement que, bien que Dayton ne soit pas parfait, il est la seule solution pratique pour la Bosnie. Selon elle, c’est l’absence de développement économique dans la Republika Srpska et ailleurs qui retarde la mise en oeuvre des aspects civils de Dayton. C’est pourquoi elle espère que les prochaines élections législatives (puis présidentielles) dans la RS permettront de former un gouvernement légitime et efficace. À cette réunion, l’ambassadeur du Canada Serge Marcoux a annoncé une contribution canadienne à la réforme du système judiciaire de la RS et remis à la présidente Plavsic la première caisse d’une cargaison de produits pharmaceutiques donnés par l’Association canadienne de l’industrie du médicament, dont un tiers est destiné à la Republika Srpska.

L’itinéraire du lendemain a dû être modifié à cause du mauvais temps, mais le trajet en automobile de Banja Luka à Sarajevo a permis aux membres de voir une campagne bosniaque principalement rurale. Des travaux de reconstruction de petite envergure sont en cours dans certaines régions, mais la campagne reste dominée par des maisons en ruines, certaines détruites par les bombes pendant la guerre, d’autres démolies pour empêcher le retour de leurs habitants. Comme c’était le 11 novembre, la délégation a organisé au bord de la route une petite cérémonie privée pour le jour du Souvenir.

À Sarajevo, les membres ont visité le Bureau du haut-représentant (BHR) chargé de la mise en oeuvre globale des aspects civils de Dayton. La communauté internationale envisage actuellement de renforcer les pouvoirs du BHR et, pendant cette réunion, les membres ont discuté de l’importance de médias indépendants et objectifs joueraient dans la démocratisation à long terme de la Bosnie. Ils ont ensuite rencontré le ministre des Affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine, M. Jadranko Prlic, qui a répondu à leurs questions sur divers aspects de l’accord de Dayton et les priorités de politique étrangère de la Bosnie. M. Prlic a avoué sans ambages qu’il y avait un manque de volonté politique en Bosnie et qu’il était difficile de formuler et de mettre à exécution une politique étrangère en l’absence d’un gouvernement central fort. Au Centre de déminage de l’ONU, le représentant supérieur des Nations Unies en Bosnie a félicité le Canada pour sa contribution au succès de Dayton et déclaré souhaiter qu’elle se poursuive. Les membres ont ensuite été mis au courant du travail des ingénieurs militaires dans les armées des anciennes factions en guerre et des démineurs civils engagés à contrat pour s’occuper du problème des mines terrestres (il en reste jusqu’à un million) en Bosnie. Les membres ont terminé leur journée en compagnie de Canadiens qui oeuvrent au sein d’ONG et d’organisations internationales.

La dernière journée de leur visite, certains membres ont rendu visite à des représentants de l’Université Queen’s, qui leur ont expliqué leur contribution aux projets communautaires de réhabilitation en Bosnie. Ils ont ensuite visité des cliniques de réhabilitation et un hôpital. À la Faculté de médecine endommagée de l’Université de Sarajevo, l’ambassadeur Marcoux a remis au ministre de la Santé de la Fédération une partie des dons canadiens de produits pharmaceutiques. Il a annoncé également que le Canada aiderait à la réparation de la Faculté de médecine.

Les membres ont terminé leur visite avec des membres du personnel canadien en poste au siège de la SFOR à l’extérieur de Sarajevo. Ils ont bénéficié de séances d’information de la SFOR sur la situation militaire et politique en Bosnie de même que sur les perspectives d’avenir. Pour ce qui est de l’avenir, les officiers de la SFOR ont répété que la question de savoir s’il convient de maintenir la SFOR ou comment la remplacer après juin 1998 était politique plutôt que militaire; par contre, même si les militaires feront ce qu’on leur dit de faire, s’il doit y avoir une force de deuxième échelon, il serait logique de commencer à élaborer des options le plus tôt possible.

 

RECOMMANDATIONS :

 

Sur la foi de ces observations et d’autres, le Comité recommande ce qui suit : 

  1. Même si les CF-18 déployés dans la région au cours des trois derniers mois ont apporté une contribution importante à la Force de stabilisation (SFOR), le gouvernement du Canada n’a pas pour le moment à offrir une autre contribution aérienne semblable; 
  2. Étant donné les progrès réalisés en Bosnie au cours des deux années qui se sont écoulées depuis la signature de l’accord de Dayton ainsi que le professionnalisme et le moral dont continuent de faire preuve les militaires canadiens dans la région, le Canada devrait participer à la SFOR jusqu’à la fin de son mandat en juin 1998; 
  3. Le Canada devrait suivre la situation de près en Bosnie et discuter avec ses alliés de la question d’une force de suivi après le retrait de la Force de stabilisation. Si une telle force devait s’avérer nécessaire, les planificateurs de l’OTAN devraient être autorisés dès maintenant à examiner les solutions de rechange. Si le mandat devait être de nouveau prolongé, il devrait être défini avec précision et prévoir un examen périodique. Cet examen porterait sur les termes mêmes du mandat, le coût et la capacité d’exécuter le mandat. Tout débat sur cette question devrait avoir lieu à la Chambre; 
  4. Le Canada devrait poursuivre ses activités de reconstruction, en mettant l’accent sur la mise en place d’un gouvernement constitutionnel, le rétablissement et le renforcement de la paix civile dans toutes les régions de la Bosnie, et en tenant bien compte des différences ethniques et culturelles.

 

 Un exemplaire des Procès-verbaux pertinents (réunions nos 10, 12 et 13) est déposé.

 

Respectueusement soumis,

Le président,

 

 

 

 

Bill Graham