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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 février 1999

• 1907

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Ontario, Lib.)): Bonsoir, mesdames et messieurs. La réunion du sous-comité du Comité permanent du patrimoine canadien est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité permanent procède à une série de tables rondes sur l'évolution du rôle que joue le gouvernement pour appuyer la culture canadienne, dans un contexte national et international en constante évolution.

[Français]

Je souhaite la bienvenue à nos invités et je les remercie d'être venus. C'est un honneur pour nous de nous retrouver parmi vous ce soir.

[Traduction]

Habituellement, nous écoutons les témoins nous présenter leurs exposés. Mais, cette fois-ci, nous avons décidé de réunir les membres du comité et les orateurs invités en une table ronde, dans l'espoir de susciter un échange plus fructueux.

Notre comité entreprend actuellement une étude sur les défis suscités, en cette veille du XXIe siècle, par la mondialisation du commerce et de l'économie, les technologies nouvelles, l'Internet et d'autres facteurs, qui auront des effets sur notre culture et sur nos instruments culturels, sans compter les changements démographiques qui transformeront le Canada actuel en une société tout à fait différente au cours du XXIe siècle.

Le comité qui nous a précédés avait commencé cette étude avant les dernières élections et le nôtre a heureusement décidé de poursuivre ce travail.

Nous désirons examiner d'abord les mesures de soutien déjà mises en place par le gouvernement fédéral et nous demander comment ces appuis nous permettront de faire face au défi du prochain millénaire, par exemple la réglementation sur la propriété et le contenu culturel, les subventions aux institutions fédérales, ou encore les incitations fiscales. Ce sont ces enjeux qui nous intéressent.

[Français]

Comme je le disais, les trois principaux défis qui nous confrontent, du moins pour ce qui concerne les besoins de notre étude, sont l'arrivée de nouvelles technologies, l'évolution de l'économie mondiale et du commerce international et, enfin, l'évolution démographique de notre pays.

• 1910

Dans un premier temps, les membres de ce comité ont cherché à bien se renseigner. Il y a un an, nous avons tenu un forum parlementaire sur la politique culturelle, le commerce international et la technologie au cours du prochain millénaire. À cette occasion, nous avons organisé des tables rondes sur divers secteurs: les arts, la patrimoine, l'industrie de la télévision, le cinéma et la vidéo, ainsi que la radiodiffusion et l'enregistrement sonore.

Ce forum a donné de très bons résultats. Il a permis de dégager quelques grands thèmes que nous aurons, je l'espère, la possibilité d'examiner aujourd'hui ou ce soir avec vous.

[Traduction]

Nous avons entendu des représentants des institutions culturelles fédérales ainsi que des hauts fonctionnaires de divers ministères. Nous avons reçu des mémoires d'experts en évolution de la technologie, en commerce international et en démographie. Au cours de cette dernière phase, nous espérons, grâce à ces tables rondes, étudier certains sujets précis sur lesquels nous entendrons vos contributions, vous qui êtes aux premières lignes de la pratique culturelle. Nous voulons savoir comment vous faites pour survivre dans le milieu culturel et comment vous ferez face aux défis du siècle prochain. Évidemment, dans un cadre comme celui-ci, avec si peu de temps, il est impossible de couvrir beaucoup de terrain mais nous souhaitons avancer le plus possible.

Au verso de vos programmes, vous trouverez cinq questions dont nous aimerions que vous parliez. Vous ne voudrez pas tous aborder les cinq sujets. Vos vues nous intéressent. Nous aimerions que, à la fin de la semaine, vous ayez répondu à quelques questions, comme: Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer à l'avenir pour appuyer les industries du secteur culturel? Devrait-il, par exemple, s'engager dans les rôles suivants ou dans d'autres du même ordre, et, si oui, comment: législateur, organe de réglementation; propriétaire et exploitant d'institutions nationales; partenaire financier, mécène, promoteur ou organisateur d'entreprise?

[Français]

Naturellement, les deux langues sont de mise. Vous pouvez employer celle que vous préférez. Nous n'attendons pas des discours, mais plutôt des interventions brèves afin que l'échange d'opinions se déroule rondement.

[Traduction]

Pour démarrer, je demanderais à chaque participant de se présenter très brièvement en nous indiquant simplement ce que vous faites en ce moment et quels sont vos liens avec les industries artistique et culturelle. Après les présentations, je vous inviterai à faire des commentaires. Nous avons installé des microphones dans la salle pour recueillir les commentaires du public.

Nous avons deux heures mais je vous demanderai de limiter vos interventions à deux ou trois minutes afin que si des questions sont posées ou des déclarations sont faites, vous aurez l'occasion de les commenter peut-être cinq ou six fois. Nous avons constaté que cela fonctionne extrêmement bien.

Je commencerai immédiatement à ma gauche par les présentations. Si vous voulez bien vous nommer à tour de rôle.

M. Chris Axworthy (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Je vous remercie. Je m'appelle Chris Axworthy. Je suis député de Saskatoon—Rosetown—Biggar.

Vous nous avez demandé de vous dire ce que nous faisons.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Une courte notice biographique.

M. Chris Axworthy: Je pense que c'est aux autres de juger de notre travail. Dans chaque collectivité, bien entendu, nous sommes touchés par les industries culturelles de bien des façons, sur le plan de l'emploi et du divertissement et la façon dont nous nous présentons aux autres et au reste du monde. Donc il m'intéresse de connaître les défis auxquels fait face l'industrie culturelle en Saskatchewan, et je me ferai un plaisir d'y trouver des solutions.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous sommes ravis que vous ayez pu vous joindre à nous, monsieur Axworthy. Je vous remercie.

Monsieur Hébert.

M. Gilles Hébert (directeur, Mendel Art Gallery and Civic Conservatory): Je m'appelle Gilles Hébert et je suis directeur de la Mendel Art Gallery. Je suis à Saskatoon depuis cinq mois. Je viens de Winnipeg où j'ai travaillé dans un certain nombre d'organisations dont le Musée des beaux-arts de Winnipeg, le St. Norbert Arts and Cultural Centre, l'Office national du film, etc. Donc, j'ai des antécédents assez généraux dans le domaine des arts visuels et des arts médiatiques.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie. Soyez le bienvenu.

Mme Kate Davis (directrice, Musée des beaux-arts MacKenzie): Je m'appelle Kate Davis et je suis directrice du Musée des beaux-arts MacKenzie à Regina. J'y travaille depuis deux ans. Auparavant, j'étais directrice adjointe du Musée des beaux-arts de Winnipeg et avant cela, j'étais directrice des programmes au musée Glenbow après avoir été conservatrice en chef du Musée des beaux-arts d'Edmonton. Donc ma contribution se situe davantage au niveaux des arts, de la culture et du patrimoine et non au niveau des industries culturelles.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie.

• 1915

M. R. Bruce Shepard (directeur, Diefenbaker Canada Centre—Native Law Centre, Université de la Saskatchewan): Je m'appelle Bruce Shepard. Je suis directeur, conservateur, administrateur, publiciste, collecteur de fonds et hôte au Diefenbaker Canada Centre de l'Université de la Saskatchewan.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Soyez le bienvenu.

M. Terry Fenton (président, Alliance des arts de la Saskatchewan): Je m'appelle Terry Fenton. J'ai travaillé surtout dans le domaine des arts visuels en tant que directeur de musée au Musée des beaux-arts d'Edmonton et à la Leighton Art Foundation à Calgary, et tout récemment, c'est-à-dire il y a quelques années à la Mendel Art Gallery de Saskatoon. Je suis également peintre et j'écris aussi sur l'art et je représente à l'heure actuelle l'Alliance des arts de la Saskatchewan. Je suis le président de cette organisation qui est une coalition englobant les organisations des arts en Saskatchewan.

M. Burt Wolfe (président, Saskatchewan Publishers Group): Bonjour à tous. Je m'appelle Burt Wolfe. Je travaille à la Extension Division de l'Université de la Saskatchewan, où j'administre la University Extension Press, qui est une petite imprimerie qui produit des ouvrages pédagogiques. J'ai également le privilège de représenter les éditeurs de la Saskatchewan en tant que président du Saskatchewan Publishers Group. J'ai avec moi aujourd'hui une description des membres de notre groupe, si cela vous intéresse, ainsi que certaines des publications que nous publions à l'université.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie beaucoup, monsieur Wolfe.

[Français]

Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Bonsoir. Je m'appelle Benoît Sauvageau. Je suis député à la Chambre des communes à Ottawa et je représente le Bloc québécois. Ça me fait très plaisir d'être parmi vous pour entendre vos commentaires concernant la promotion de la culture et du patrimoine. Je suis aussi porte-parole en matière de Commerce international. Donc, mon regard est peut-être un peu plus axé sur les accords internationaux et la protection culturelle.

[Traduction]

M. Jack Walton (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je m'appelle Jack Walton et en autres choses, je conduis un autobus. J'ai été très heureux d'aller vous chercher à l'aéroport aujourd'hui dans l'autobus Canada.

Je suis un militant dans le domaine des arts et je participe à de nombreuses organisations communautaires que ce soit dans domaine de la cinématographie et de la télévision, l'Alliance des arts ou Saskculture. Je suis un organisateur de festivals, un compositeur et un musicien. Récemment, j'ai représenté la Saskatchewan à la Conférence canadienne des arts.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie, monsieur Walton, et au du comité, je tiens à vous remercier d'avoir assurer notre transport en toute sécurité depuis l'aéroport.

M. Jack Walton: Je vous en prie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Pankiw.

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Je vous remercie, madame la présidente.

Je m'appelle Jim Pankiw. Je suis député de la circonscription de Saskatoon—Humboldt.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bienvenue. Il est merveilleux d'être dans votre circonscription et en Saskatchewan.

M. Jim Pankiw: Il est toujours merveilleux d'être en Saskatchewan. Bienvenue.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Boyko.

M. Lee Boyko (directeur exécutif, Association des musées de la Saskatchewan): Je m'appelle Lee Boyko. Je viens tout juste de déménager en Saskatchewan de Colombie-Britannique, et j'en suis très heureux. Je suis le nouveau directeur exécutif de l'Association des musées de la Saskatchewan. J'ai travaillé dans des musées communautaires et j'ai également travaillé pour des organisations similaires en Colombie-Britannique. Notre organisation ici représente toute une gamme de musées, de galeries et même de zoos en Saskatchewan.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Soyez le bienvenu.

Monsieur Steele.

M. Bruce Steele (coordonnateur de la diffusion, Réseau des communications de la Saskatchewan): Je m'appelle Bruce Steele. Je suis un radiodiffuseur pigiste, un hôte de la radio et de la télévision, un réalisateur, un directeur, etc. Je travaille actuellement à contrat pour le Réseau des communications de la Saskatchewan, le radiodiffuseur d'émissions éducatives en Saskatchewan.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie.

M. Patrick Close (directeur exécutif, Front des artistes canadiens de Saskatchewan): Je m'appelle Patrick Close. Je suis le directeur exécutif du Front des artistes canadiens de Saskatchewan. Nous sommes l'Association de la Saskatchewan affiliée au Front des artistes canadiens. Nous sommes une organisation nationale de services artistiques. Nous exploitons une société de gestion collective nationale de droit d'auteur et sommes désignés comme l'Organisation des arts visuels et médiatiques dans le cadre de CAPPRT. Nous sommes également affiliés à RAAV au Québec.

Je suis artiste et aussi le président sortant de la Conférence canadienne des arts. Ce soir, je m'intéresse particulièrement au rôle que peut jouer le gouvernement fédéral pour soutenir les artistes ordinaires, et à l'équité sociale et économique pour les artistes.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie, monsieur Close.

Monsieur Bélanger.

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Je m'appelle Mauril Bélanger et je suis député du comté d'Ottawa—Vanier, dans la Capitale nationale.

[Traduction]

Je tiens à saluer M. Shepard. Si vous voulez visiter le centre qu'il dirige, demandez la visite du directeur. Il vous fera le récit fascinant de la vie de l'un de nos premiers ministres, M. Diefenbaker.

[Français]

Avant d'arriver ici ce soir, il y a environ une demi-heure, j'ai reçu un appel de Mme Lorraine Archambault, la présidente de l'Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan, qui s'est excusée de ne pouvoir être ici. Elle m'a aussi présenté les excuses de sa vice-présidente, Mme Perreault, qui est retenue dans son patelin par le verglas.

• 1920

Je transmets donc à mes collègues, et tout particulièrement à M. Sauvageau, les excuses de ces personnes. Elles m'ont affirmé qu'elles soumettraient un mémoire au comité d'ici la fin mars.

[Traduction]

J'aimerais savoir si ce qu'on a dit la dernière fois que j'étais ici est vrai—à savoir que, par habitant, Saskatoon est la première ville au pays pour ce qui est de l'achat de livres. J'ai trouvé cela très impressionnant.

Je tiens à dire à M. Pankiw que Saskatoon est une très jolie ville. La dernière fois que j'étais ici, j'ai passé deux jours sur une moissonneuse batteuse simplement pour avoir une idée du sentiment que procurent ces vastes horizons. Je peux comprendre l'influence de ces vastes paysages sur l'expression artistique des habitants de cette région, et j'ai hâte d'entendre vos commentaires ce soir.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie, monsieur Bélanger.

Je m'appelle Sarmite Bulte, mais tout le monde m'appelle Sam. Je suis députée de la circonscription de Parkdale—High Park à Toronto. Je suis membre du Comité permanent du patrimoine canadien, et j'ai l'honneur et le privilège de présider la tournée ouest de nos consultations. Je suis également présidente du Sous-comité du commerce international, différends commerciaux et investissement. Auparavant, j'étais présidente de la Canadian Stage Company.

Bienvenue. Qui voudrait commencer? Il vaut mieux se porter volontaire plutôt que d'être désigné.

Monsieur Steele, vous avez été désigné.

M. Bruce Steele: C'est un honneur.

Je pense qu'il est évident pour tous ceux qui sont présents ici que la question cinq est vraiment la seule question dont nous sommes ici pour discuter. Le reste appuie la tendance évidente vers la mondialisation dans le domaine du commerce international en ce qui concerne la technologie, et les programmes gouvernementaux au fil des ans. Probablement depuis l'avènement de la législation sur la propriété intellectuelle au début des années 70, le secteur culturel s'est vu forcer de se mettre à l'heure de la mondialisation. Je n'ai pas l'intention de déplorer l'homogénéisation, l'américanisation, et ainsi de suite car nous connaissons tous le refrain.

Je pense que la question qui se pose pour la plupart d'entre nous—et je suis peut-être présomptueux, mais je connais bien des gens ici présents et nous avons déjà eu l'occasion d'en parler—ce n'est pas tant s'il existe un appui pour la mondialisation en matière de commerce international et de culture, mais s'il existera jamais un appui pour les programmes régionaux. Dans le domaine de la radiodiffusion au cours des trois dernières années, nous avons vu disparaître de la Saskatchewan tous les importants réseaux de radiodiffusion canadiens. L'expression, «la tasse de café à 2 000 $»—auparavant c'était 700 $ et avant cela 300 $—fait allusion au prix d'une réunion à Toronto, Vancouver ou Montréal.

Il y a une blague qui circule dans le milieu de la radiodiffusion. Une fois que les radiodiffuseurs quittent la Saskatchewan, qu'ils quittent le réseau des communications de la Saskatchewan qui est le seul endroit où les producteurs pouvaient tâcher d'obtenir un certain accès aux programmes de financement du gouvernement fédéral pour la réalisation d'émissions...

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

...pour représenter la Saskatchewan, nous avons tous choisi Halifax parce que c'est là où nous avons le plus de choses en commun.

Les milieux de la production dans la province sont assez désespérés de constater l'établissement d'un fonds consacré au théâtre, prélevé en majeure partie à même les fonds qui, dans une certaine mesure, parvenaient à se frayer un chemin jusqu'à la province. Il existe sûrement un marché international pour les émissions de radio et télévision, pour les ordinateurs, l'Internet, le World Wide Web, etc.

• 1925

Ici, dans ce coin reculé—et j'utilise l'expression en toute connaissance de cause étant donné que je suis né à Toronto—nous avons un point de vue très différent car nous sommes loin d'être myopes. Nous voyons l'horizon de façon régulière. Et nous voyons se profiler à l'horizon toutes sortes de possibilités que nos amis au centre de l'univers parfois ne voient pas. Notre problème, c'est que nous n'avons pas vraiment l'impression d'être appuyés pour que nous puissions exprimer ce que nous voyons à moins que ce soit en fonction de principes d'homogénéisation, de mondialisation et du marché international.

J'ai préféré ne pas mâcher mes mots.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): C'est très bien. Et je tiens à vous remercier d'avoir ouvert la discussion.

Je profite de l'occasion pour indiquer aux membres du comité que la semaine dernière, le groupe de consultation sectoriel sur l'industrie culturelle a présenté son rapport sur les nouvelles stratégies en matière de culture et de commerce. Intitulé Canadian Culture in a Global World: New Strategies for Culture and Trade, il tâche de répondre à certaines des préoccupations que vous avez soulevées. Je vous encourage fortement à le lire; si vous n'en avez pas d'exemplaires, nous pouvons vous donner l'adresse du site web. Ce rapport sera déposé et nous vous donnerons l'occasion de présenter vos commentaires et de l'examiner en détail.

Je tiens à vous remercier de vos déclarations préliminaires.

Qui aimerait continuer sur le même sujet abordé par M. Steele ou passer à un autre sujet? Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Je vais lancer quelques questions. On a entendu cet après-midi et ces jours derniers quelques commentaires, et je voudrais vous les faire partager pour que vous nous disiez ce que vous en pensez.

Le premier commentaire qui nous a été fait, et je prends au bond la balle que M. Steele a lancée, avait trait au rétablissement du financement des programmes d'aide régionale à la culture ou des organismes régionaux. Ce même souhait a été exprimé dans les villes de Winnipeg et Thunder Bay.

À la rencontre de ce matin, on nous a parlé d'un problème particulier. On vous donne du financement pour seulement une année, et vous ne savez pas si vous pouvez établir le programme parce que vous n'aurez peut-être pas de financement l'année suivante. On a donc exprimé le souhait qu'on accorde un financement minimal de trois ans. Si on prend la décision d'octroyer 5 000 $ ou 10 000 $, ce montant devrait être octroyé trois années de suite pour permettre à l'organisation de prendre son envol.

J'aimerais donc vous entendre sur la question du rétablissement et ensuite sur celle de la durée. Est-ce qu'un financement de deux ou trois ans suffirait?

J'ai remarqué que M. Wolfe travaillait dans le domaine de l'édition. Ce n'est pas une grande trouvaille, car c'est mon voisin. J'aimerais qu'il nous dise ce qu'il penserait d'une subvention augmentée de 7 p. 100 par l'abolition de la TPS sur les livres. J'aimerais aussi entendre les autres intervenants à ce sujet. Cela pourrait arriver et cela pourrait donc être dans le rapport.

Mon troisième commentaire porte sur les incitatifs fiscaux possibles. Dans les petites et moyennes communautés, les gens se parlent entre eux et trouvent parfois des trucs. C'est le temps de nous les présenter. Selon vous, est-ce que des incitatifs fiscaux faciliteraient la création de fondations? Il y a des campagnes de financement à tout bout de champ. On fait souvent des campagnes de financement et on sait que c'est difficile. Avez-vous pensé à des moyens concrets pour vous faciliter la vie? Le gouvernement pourrait faire le relais à ce moment-là.

Ce sont mes trois commentaires. Je vais vous écouter attentivement et peut-être intervenir un peu plus tard. Merci.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous avons les cinq questions, mais il s'agit de questions supplémentaires parce que nous voulons que le dialogue se poursuive. S'il y a un autre aspect que vous aimeriez aborder, n'hésitez pas à le faire.

Monsieur Steele.

M. Bruce Steele: Rapidement, dans le secteur que je représente à cette table jusqu'à un certain point, la Loi sur la radiodiffusion parle très clairement d'appui régional. Ma question s'adresserait par conséquent aux députés qui sont présents. Comment proposent-ils de modifier la loi pour s'assurer que dans cette ruée vers la mondialisation, l'un des grands principes de la loi est respecté? Je n'en suis pas vraiment sûr, à moins que nous voulions revenir aux principes culturels de base selon lesquels chaque collectivité contrôle ces aspects, de manière à prévenir l'ingérence du gouvernement fédéral à tous les niveaux—et je les qualifie de principes premiers parce qu'ils remontent à très longtemps. Autrement, je pense qu'il faudra alors assurer l'application des dispositions de la loi. Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse vraiment d'une question de collecte de fonds à notre niveau, d'incitatifs fiscaux à l'échelle locale ou quoi que ce soit, qui contribueront à rehausser la valeur des régions de notre pays.

• 1930

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Fenton.

M. Terry Fenton: En ce qui concerne le terme «régions», ça me dérange toujours d'entendre le gouvernement fédéral parler des régions du Canada. Politiquement, le Canada se compose de provinces. Il se trouve que deux ou trois de ces provinces sont des régions également. D'autres ne le sont pas, et je crois que cela marginalise les provinces qui ne se trouvent pas à être en soi des régions lorsqu'on utilise ce genre de formulation. Je nous encouragerais tous à parler plutôt de relations fédérales-provinciales en ce qui concerne la culture plutôt que de parler des relations du gouvernement fédéral avec les régions. Je pense que cela décourage ceux d'entre nous qui vivons dans ces régions éloignées.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Wolfe.

M. Burt Wolfe: En ce qui concerne la TPS, nous aimerions certes que la TPS sur les livres soit éliminée. Notre problème en Saskatchewan concerne davantage la production proprement dite des livres que l'aide financière qu'offre à cet égard le gouvernement fédéral. Nous aimerions voir des critères plus souples afin que les petites maisons d'édition qui ne produisent pas suffisamment de livres et suffisamment de volume, et qui ne touchent pas suffisamment de recettes, soient admissibles au programme de subventions actuel. Nous aimerions que ce programme soit assoupli pour que nos petites maisons d'édition—et en Saskatchewan, cela englobe la plupart de nos maisons d'édition—y aient accès.

Par ailleurs, je pense que nous devons reconnaître que le gouvernement fédéral, surtout en ce qui concerne les subventions qu'il a fournies à notre groupe c'est-à-dire le Saskatchewan Publishers Group, a fait preuve d'une grande générosité. Cette générosité nous a permis de mener à bien certaines importantes initiatives de mise en marché qui auraient été impossibles autrement. Nous espérons qu'à l'avenir nous continuerons à être admissible à ce genre de subventions qui nous aident financièrement en Saskatchewan.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie, monsieur Wolfe.

Monsieur Close.

M. Patrick Close: Pour répondre à votre question directement, oui, nous estimons qu'un financement sur trois ans serait utile. C'est à cause de l'insécurité qui règne dans le milieu des arts que l'on réclame ce genre de mesure pour ne pas que le programme soient remis en question chaque année, car leur existence est précaire. Ils ignorent s'ils pourront continuer. Bien sûr nous aimerions un financement sur trois ans. Un financement sur dix ans serait encore mieux et un financement sur cinquante ans serait encore préférable.

Les artistes qui travaillent dans le domaine des arts visuels appuient l'élimination de la TPS. Nous pensons que l'élimination de cette taxe serait bénéfique au marché de l'art, et aurait également une influence sur l'achat de nos matériaux.

Les incitatifs fiscaux sont un aspect intéressant. Lorsque nous parlons d'industries culturelles, nous devons comprendre que les industries culturelles sont simplement un groupe de créateurs. Si nous comprenons qu'il s'agit de groupes de créateurs dont l'existence consiste à faciliter les activités de ces créateurs, alors nous comprendrons mieux le rôle des industries culturelles.

Il existe un certain nombre d'initiatives fiscales que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour améliorer la vie de ces créateurs. Il pourrait éliminer la TPS, il pourrait reconnaître la double occupation chez les artistes. Il pourrait rétablir l'étalement du revenu sur les années suivantes. Il pourrait éclaircir et normaliser les dispositions du bulletin d'interprétation IT-504R2, qui est aussi difficile à interpréter qu'à prononcer. Il pourrait faciliter l'évaluation des biens et services dont les artistes font don en tant que biens en nature. Il pourrait modifier le règlement sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance pour les organisations de services artistiques. Il pourrait préciser que les subventions ne sont pas un revenu d'affaires et il pourrait également établir des incitatifs à l'investissement pour encourager les gens à investir dans les arts.

• 1935

Mais il ne faut pas oublier que le fondement même des industries culturelles sont les créateurs eux-mêmes. Cela n'est pas difficile au Québec, mais ici vous êtes au Canada anglais. Nous ne devons jamais oublier qu'au Québec il y a quatre choses essentielles à la vie et au Canada anglais il n'y en a que trois. Au Canada anglais, il s'agit de l'air, de l'eau et de la nourriture. Au Québec, il s'agit de l'air, de l'eau, de la nourriture et de la culture. Au Québec, on ne songe même pas à se passer de culture pendant une seule journée tandis qu'au Canada anglais on songe à se passer d'air, d'eau ou de nourriture. Donc il existe une différence subtile entre ces deux régions.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Madame Davis.

Mme Kate Davis: J'aimerais introduire un autre aspect dans le débat des questions fédérales et provinciales en matière de mondialisation. Rien n'est jamais tout blanc ou tout noir, ou bien ou mal. Ce n'est souvent même pas une question de l'un ou de l'autre; c'est souvent beaucoup moins clair que cela.

En ce qui concerne la culture et le patrimoine selon le point de vue d'un musée des beaux-arts et d'une galerie d'arts, l'une des choses qui préoccupe beaucoup la collectivité à l'heure actuelle c'est le débat, par le biais du programme d'aide aux musées, sur le pan-nationalisme, et le fait que les fonds du programme d'aide aux musées sont consacrés expressément au rapprochement des régions et très axés sur le contenu canadien, la culture canadienne et la pratique canadienne de l'art.

Le fait est que les artistes qui travaillent dans les arts visuels et les muséologues peuvent être très fiers de leurs caractéristiques nationales, de leur profil national et de leurs réalisations nationales, mais parallèlement, ils se sentent tenus de participer à un univers plus vaste. Cela fait partie de leur profession; c'est ce qui leur donne leur passion; et c'est ce qui leur permet de donner le meilleur d'eux-mêmes.

En ce qui concerne l'aspect patrimonial, nous avons constaté une diminution de l'appui qui permettrait la mise en commun du savoir muséologique partout dans le monde. Il existe de nombreux secteurs où le Canada a fait preuve d'un leadership extraordinaire grâce à la politique, l'engagement et l'investissement du gouvernement fédéral. Le Réseau canadien d'information sur le patrimoine en est un exemple. Simplement pour vous donner un exemple, l'Agence suédoise de développement international accorde 200 000 $ par année aux musées suédois pour qu'ils soient jumelés à des musées africains. Est-ce que cela est même inscrit dans un budget fédéral? C'est une somme tellement minime qu'elle ne paraîtrait même pas. Cette initiative de jumelage, qui s'élève à 200 000 $ par année, sert de ferment, se développe et croît et est l'occasion de développer le leadership et les échanges internationaux.

Je suis tout à fait partisane qu'Ottawa et Toronto reconnaissent Saskatoon, Regina, Moose Jaw et Prince Albert et nos réalisations extraordinaires, mais il n'en reste pas moins que je veux aussi que nous puissions déborder nos frontières et bénéficier d'un certain appui pour vraiment montrer notre leadership.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie.

On a signalé à plusieurs reprises que la culture devait être le troisième pilier de notre politique étrangère.

Mme Kate Davis: Le budget ne le reflète pas.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie.

Monsieur Boyko, puis monsieur Fenton.

M. Lee Boyko: Je veux simplement poursuivre un peu sur la question du programme d'aide aux musées qui a été mentionné. Il ne fait aucune doute que c'est une très grande préoccupation pour les musées. Nous constatons qu'un fonds qui, à une époque, était surtout axé sur les besoins muséologiques des musées est en train d'être modifié et est davantage axé sur les besoins politiques. Je pense bien honnêtement que c'est la seule façon de décrire la situation.

• 1940

Je trouve intéressant que les musées qui ont des créateurs qui préparent des expositions et qui sont des créateurs au même titre que des écrivains ou qui que ce soit d'autre, se voient dicter, pour une raison quelconque, le genre d'exposition qu'ils doivent préparer et le type de relations qu'ils doivent nouer. Je ne connais aucun autre secteur culturel ni aucun autre secteur d'activité auquel le gouvernement fournit une aide financière soumise à de telles conditions.

Est-ce que l'on dit aux hôpitaux qu'ils doivent faire des opérations avec les hôpitaux d'autres provinces? Mais on dit aux musées que nous pouvons seulement obtenir de l'argent que si nous entretenons des liens avec les musées dans d'autres provinces. Cela élimine l'accès à de nombreux musées dans cette province. Leur mandat, leur mission, est de parler de leurs collectivités dans certains cas. Donc, c'est une situation vraiment difficile.

Nous sommes aujourd'hui le 23 février et l'échéance du programme d'aide aux musées était le 1er février. Les nouvelles lignes directrices n'ont pas encore été diffusées. On nous dit maintenant qu'elles le seront le 15 avril et qui sait quand nous saurons quand les fonds seront accordés. Je sais que des musées ont dû annuler des expositions à cause de la lenteur des décisions. Je connais des gens sont prêts à payer pour devenir membres de musées, qui se sont retirés parce qu'ils ont trouvé très frustrant d'attendre qu'une décision soit prise.

À un certain niveau, le ministère de Patrimoine canadien a fait du bon travail dans certains des exemples dont nous avons parlé, comme le Réseau canadien d'information sur le patrimoine et certaines autres initiatives au cours des ans. Mais je pense que nous en avons vraiment assez d'attendre, et c'est un problème réel. Le ministère du Patrimoine canadien n'est pas le seul en cause. Nous ne savons toujours pas ce qui se passera en ce qui concerne les programmes d'études estivales. Les lignes directrices de ce programme n'ont pas encore été rendues publiques. Bien sûr, les étudiants universitaires ne terminent pas leurs études avant avril mais ils sont déjà à la recherche d'emplois. Il faut du temps pour préparer une demande de subvention.

Par conséquent, si j'ai un message à vous transmettre, c'est de penser aux besoins de la clientèle et à sa façon de fonctionner. Je sais qu'il faut attendre le budget, mais il n'y a aucune raison pour ne pas mettre les programmes en place à l'avance. Cela pose un problème. Ce problème existe depuis une vingtaine d'années que je travaille dans ce domaine. Il n'a rien de nouveau, alors pourquoi n'est-il pas possible de le résoudre? Je l'ignore. Comme je le dis, à part la première partie concernant la modification des critères, cela pose un sérieux problème.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Boyco. Je crois que cette question a également été soulevée à Thunder Bay.

Monsieur Fenton et monsieur Close.

M. Terry Fenton: Sans vouloir faire de surenchère, je travaille dans ce domaine depuis 30 ans et j'ai donc un petit avantage sur M. Boyco. J'étais là en 1973 quand la Société des musées nationaux a été fondée et que Gérard Pelletier a énoncé la politique des musées nationaux. C'était un programme très progressiste pendant trois ou quatre ans. Il n'a cessé d'être grignoté depuis. Ce qui était au départ une politique tournée vers l'avenir est devenue une politique de froide indifférence.

Le ministère du Patrimoine canadien a agi de façon absolument scandaleuse, d'un gouvernement à l'autre, en ce qui concerne son soutien aux musées, son financement et sa politique. La responsabilité de cette situation, qui dure depuis 20 ans, n'est attribuable à aucun gouvernement en particulier. Cela a empêché les musées d'assurer des services décents à la société canadienne.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Close.

M. Patrick Close: Je crois qu'il est possible de remédier à certains des sujets de mécontentement dont Lee et Terry vous ont fait part. Une de nos recommandations consisterait à adopter une politique culturelle globale pour notre pays. Si nous avions une politique culturelle, nous pourrions coordonner certaines différences.

Nous avons une gamme époustouflante de programmes fédéraux, de délais à respecter et de ministères chargés des divers aspects de notre domaine. Nous représentons un secteur énorme sur le plan économique, social et matériel. Nous représentons un grand nombre de travailleurs et une grande partie de notre produit national brut. Je crois que nous avons besoin d'une politique culturelle pour assurer la coordination des divers éléments, nous donner un certain contrôle et consolider et rationaliser certains programmes.

Les programmes et les initiatives de Revenu Canada vont complètement à l'encontre de certaines autres initiatives. Nous avons de la difficulté à faire une coordination entre les divers programmes—nous avions de la difficulté avec la formation fédérale, et maintenant le problème se pose au niveau provincial. Une politique coordonnée devrait permettre l'harmonisation des diverses initiatives étant donné qu'à l'heure actuelle les divers éléments vont dans des directions opposées, ce qui ne sert pas nos intérêts.

• 1945

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Close.

Pour faire suite à ce que vous venez de dire, la Conférence canadienne des arts a publié son document de travail sur la politique culturelle pour le XXIe siècle. Vous dites qu'il nous faut une politique culturelle globale. Le rapport de la CCA mentionne que la politique culturelle des gouvernements qui se sont succédé se fondait sur deux principes: d'une part, elle était orientée vers l'artiste et le processus de création, et d'autre part, il fallait que l'infrastructure serve à montrer l'artiste à l'oeuvre. Je vais vous laisser réfléchir à cela avant de donner la parole à M. Steele. Cela suffit-il ou cette même politique est-elle toujours valide aujourd'hui? Dans le cas contraire, que faudrait-il y ajouter?

Monsieur Steele.

M. Bruce Steele: Il est encourageant de voir que d'autres secteurs, d'autres éléments de l'industrie culturelle, doivent également faire face à des délais fixés sans définition... À l'heure actuelle, SCN emprunte sur son futur budget pour financer des projets de producteurs et d'artistes alors qu'elle risque fort de ne jamais obtenir l'argent voulu. Si nous devons hypothéquer l'avenir et soutenir le maximum de projets, c'est qu'autrement nous n'aurions rien à diffuser.

Le problème est que... Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les réseaux quittent les provinces, à part deux ou trois. Pour SCN, cela veut dire qu'en 1995, nous avons soutenu 42 projets en Saskatchewan, des projets proposés par des producteurs de la province. Cela représentait 20 p. 100 de notre budget d'acquisition. En 1998-1999, ce chiffre a grimpé à 123, soit 52 p. 100 de notre budget alors que nous avons dû, entre-temps, faire face à des compressions budgétaires de 10 p. 100. Nous parions sur des chevaux qui n'arriveront jamais à la ligne d'arrivée, qui ne prendront sans doute jamais le départ.

Les choses évoluent très rapidement dans tous les secteurs. Le Globe and Mail d'hiver, je crois, citait une étude de la SRC selon laquelle au milieu des années 80, pour chaque heure de télévision que vous regardiez, il y avait 15 heures de programmation disponible. Il y en a maintenant 48. Ce qu'il y a de curieux, c'est que personne ne regarde davantage la télévision. Il y a simplement plus d'émissions. Il y a plus de produits culturels. Nous avons augmenté notre productivité, mais sans accroître la consommation. Les marges se rétrécissent. Il y a davantage de requins dans les eaux de la culture. Et en fin de compte, pour ce qui est des créateurs qui ont des idées à exprimer, qu'ils rejoignent un auditoire local ou universel... Je me demande si nous servons leurs intérêts. Nous les empêchons de progresser dans leur expression.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Steele.

Madame Davis et peut-être aussi monsieur Boyko, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la politique culturelle énoncée par l'ACCA en ce qui concerne le patrimoine, les musées et la préservation de la culture.

Mme Kate Davis: Une des choses que j'ai trouvé les plus utiles dans ce document était la liste de tout ce que le gouvernement a fait, au cours des années, pour nous soutenir. C'est assez impressionnant et nous devrions tous en être très fiers. Je sais que, dans mon domaine, j'en ai bénéficié, de même que ma clientèle et que nos institutions ont été bâties grâce à cet appui. Je crois que le gouvernement fédéral a investi énormément dans la culture.

Ce qui m'inquiète c'est que, plus l'infrastructure gouvernementale s'élargit, plus les budgets diminuent et plus les besoins de la clientèle augmentent. Nous nous retrouvons dans un environnement plutôt dysfonctionnel. Et je dois passer beaucoup plus de temps à rédiger des demandes de subventions et à réorganiser les services publics essentiels de mon institution pour essayer d'atteindre les critères d'efficacité et de rentabilité. Je ne vois pas la bureaucratie se servir de ces mêmes critères de rendement pour son propre travail.

• 1950

D'autre part, j'ai vu comment notre programme avait évolué—ou je devrais plutôt dire basculé comme Lee l'a laissé entendre. Par exemple, dans le bon vieux temps du ministère du Patrimoine et de la Société des musées nationaux, il y avait un merveilleux programme d'expositions itinérantes. C'était là une formidable occasion de faire de la recherche, de se perfectionner, d'échanger des renseignements, d'échanger des artistes et d'échanger des idées. Cet argent s'est évaporé et a été redistribué ailleurs. Ces programmes ont disparu faute de soutien et parce qu'un crédit d'impôt n'allait pas nous permettre de les poursuivre. Il est curieux que le ministère qui a réduit ce financement veut maintenant que nous recommencions et nous donne un an pour rajuster nos programmes.

Je suis donc quelque peu inquiète. J'aime la simplicité, la souplesse et la stabilité qui découlent de l'engagement des artistes et de l'infrastructure dont ils ont besoin. J'aime aussi la simplicité, la souplesse et la stabilité venant de la priorité accordée aux besoins de la collectivité et de la clientèle plutôt qu'à la politique.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Monsieur Boyko et ensuite M. Fenton.

M. Lee Boyko: Pour ce qui est des deux principes, je n'y vois pas d'objection et je crois que nos membres les appuieraient. Il y a une ou deux choses que j'ai entendu dire à plusieurs reprises et qui m'inquiètent. Il s'agit notamment du fait que la politique culturelle fédérale met énormément l'accent sur le ministère sans se rendre compte qu'il y a un tas d'autres domaines, un tas d'autres activités auxquelles le gouvernement se livre et qui se répercutent sur la communauté culturelle.

Bien souvent... dans cette province par exemple, j'ai vu le ministère du Développement des ressources humaines appuyer davantage les musées que le programme d'aide aux musées. Il ne leur accorde peut-être pas plus d'argent, mais il aide davantage de musées. Le programme d'aide aux musées ne soutient pas les musées qu'il considère non professionnels ce sur quoi je ne suis pas d'accord. Sa définition de «professionnel» dépend de la rémunération du personnel et il y a de nombreux musées qui sont gérés par des bénévoles.

Il faudrait également que vous examiniez tous les autres ministères qui jouent un rôle. Celui de l'industrie a fait un excellent travail ces dernières années et je crois qu'il y a tout lieu d'être fier de certaines de ses réalisations comme le projet Rescol. Il s'est rendu compte qu'il fallait un contenu et qu'il serait bon d'avoir un contenu canadien venant des musées locaux des quatre coins du pays. C'est certainement un bon exemple de ce qu'il est possible de faire.

Il y a une autre chose dont j'aimerais parler à propos de la politique de la CCA. Dans l'ensemble, je l'appuie. J'ai certaines objections quant à la façon dont elle est libellée et à la terminologie employée, mais je crois qu'une politique globale serait utile dans la mesure où le gouvernement en tiendrait compte.

Il y a un an et demi environ, je nettoyais un bureau et j'ai commencé à empiler des rapports préparés par le gouvernement fédéral à compter des années 80 au sujet des musées, de la culture, etc. Je les ai entassés sur une hauteur de quatre pieds et je me suis rendu compte qu'un tas d'études avaient été rédigées au cours des années. Peut-être devriez-vous en examiner certaines. Si nous nous dotons d'une politique culturelle, il faudrait que ce soit un document de travail et pas un document supplémentaire qui va venir grossir la pile. Quatre pieds de hauteur, c'est déjà suffisant.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Fenton.

M. Terry Fenton: J'aurais quelques mots à ajouter à ce qu'ont dit M. Boyko et Mme Davis.

Pour aborder un autre sujet, celui de la technologie, l'une des calamités qui nous sont tombées dessus pour ce qui est des demandes de subventions et des critères de financement gouvernementaux et pas seulement fédéraux, c'est l'ordinateur. Cela permet au gouvernement de demander de plus en plus de renseignements détaillés et de faire remplir des demandes de subventions de plus en plus longues et de plus en plus complexes.

• 1955

Il y a 30 ans, c'était impossible. Nous avions des machines à écrire et des secrétaires. Maintenant, avec l'ordinateur, les demandes de subventions sont aussi épaisses qu'un livre.

Une fois, il y a une quinzaine d'années, nous avons adressé une série de demandes de subventions au Conseil des arts et la pile était si haute que je les ai photographiées à côté d'une règle à mesurer.

Il ne faut pas oublier que ce genre d'excès réduit le montant d'argent disponible pour les programmes sans parler du travail énorme que cela représente pour le personnel professionnel du musée qui doit passer de plus en plus de temps à justifier ses actes sans même obtenir d'argent en retour. J'ai l'impression que cela ne s'applique pas uniquement au secteur des musées, mais à toute l'industrie culturelle. Il y a de quoi désespérer et la situation est critique. On oblige nos professionnels à gaspiller leur temps.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Quand vous parlez de demandes de subventions, à qui s'adressent-elles?

M. Terry Fenton: À n'importe quel organisme.

M. Mauril Bélanger: À tous ou...

M. Terry Fenton: À peu près tous, cela vaut pour toutes les subventions culturelles.

M. Mauril Bélanger: Si vous le permettez, monsieur...

M. Terry Fenton: D'après mon expérience...

M. Mauril Bélanger: Je voudrais apporter une précision. Les généralisations peuvent être encourageantes, mais elles ne nous aideront pas à remédier à la situation.

M. Terry Fenton: D'accord. Les demandes dans le cadre du programme d'aide aux musées, les demandes au Conseil des arts, sont celles qui me préoccupent particulièrement. Je ne peux pas parler au nom de tous. Les autres vous diront quels sont les programmes de subventions qui leur ont posé des problèmes.

M. Gilles Hébert: Les choses commencent peut-être à changer au Conseil des arts. Le processus de demandes de subventions est beaucoup plus succinct et concis, mais on peut se demander quel est l'objectif de son programme.

Je me demande si le Conseil des arts et les gens qui mettent au point le programme d'aide aux musées ont des contacts. J'aimerais beaucoup parler du programme d'aide aux musées car j'essaie d'obtenir des précisions depuis cinq mois. J'attends que des critères et le formulaire de demandes soient publiés, mais je pense que j'aurais sans doute à répéter certains commentaires que nous avons déjà entendus ici ce soir.

Le programme semble répondre avant tout à des motifs politiques pour ce qui est du rapprochement entre les provinces et les régions en y organisant des expositions. Sans que ce soit nécessairement le cas, cela peut avoir des répercussions sur le contenu, la conception et la préparation de ces expositions, car si vous voulez organiser une exposition itinérante, vous devez veiller à ce qu'elle plaise au grand public de trois provinces, ce qui veut dire qu'il faut parfois faire des concessions.

C'est à peu près tout ce que j'ai à dire. Je suis d'accord avec vous. Les demandes de subventions au Saskatchewan Arts Board sont très compliquées. Vu le temps que cela prend, c'est tout un document de planification qu'il faut préparer.

Le Conseil des arts a modifié son programme dans une large mesure. C'est un programme plus solide, bien que l'orientation de son financement reste assez discutable.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Nous avons pu constater aujourd'hui à Winnipeg, et de nouveau ici, que la politique culturelle ne peut pas être définie par un seul ministère et que cet éparpillement entre les ministères nous empêche pratiquement d'avoir une politique culturelle.

J'ai entendu dire encore une fois que Revenu Canada allait à l'encontre de la politique culturelle. C'est ce que nous avons entendu dire également à Thunder Bay où l'on s'est plaint de la façon dont Revenu Canada avait traité les membres de l'orchestre au bout de 36 ans.

On nous a suggéré d'intégrer la politique culturelle, de faire pratiquement une analyse de la politique culturelle dans chaque ministère avant de mettre en place un programme. Cela serait-il utile? Comment cela pourrait-il faciliter une coordination?

Monsieur Shepard et M. Close.

• 2000

M. Bruce Shepard: Je crois depuis longtemps que c'est absolument nécessaire. Comme on l'a déjà dit, et je suis entièrement d'accord, la culture dont nous parlons est un processus très diffus. Mais je crois que ce n'est pas seulement un problème de coordination. À propos de ce qu'a dit Lee, quand j'ai fait le ménage dans mon bureau, ma pile avait plutôt cinq pieds de hauteur.

Je crois que nous devrions suivre l'exemple de nos cousins du Québec. Nous devons faire de la culture une priorité. Il ne s'agit pas seulement de réunir ensemble des programmes disparates. Patrick l'a souligné très éloquemment. C'est le quatrième élément et dans cette région du pays, dans ce qu'il est convenu d'appeler le Canada anglais, ce qui est loin de correspondre à la réalité, nous ne prenons pas cela au sérieux et cela s'explique par toutes sortes de raisons historiques et autres.

Il faut que le gouvernement fédéral décide qu'il s'agit de quelque chose d'essentiel, car la situation a pris des proportions de crise. Je n'utilise pas le mot à la légère; c'est une véritable crise.

Si je me souviens bien de mes cours de grec, le mot «krisis» veut dire choix et nous devons faire un choix. Je ne crois pas qu'il y ait vraiment une culture canadienne, du moins pas encore. Pour ce qui est du choix à faire, il s'agit de savoir si nous voulons une culture canadienne ou non.

Nous avons des cultures autochtones au Canada. Les Québécois ont certainement une culture. Il s'agit de savoir si nous voulons une culture canadienne? Nous pouvons discuter de la forme qu'elle peut revêtir, mais je crois qu'il faut se poser la question au niveau national. Si nous ne le faisons pas, non seulement nous serons soumis aux forces de la mondialisation... que je ne crains pas, soit dit en passant; mon livre se vend aussi bien aux États-Unis qu'au Canada, ce qui est pour moi une source de fierté et de petits revenus.

La mondialisation offre donc des possibilités réelles et c'est l'autre danger. Si nous ne faisons pas de cela une priorité au niveau national, non seulement nous nous ferons submerger, mais nous ne pourrons pas profiter de possibilités bien réelles.

Il y a beaucoup de gens dans le monde—et je peux certainement parler pour les États-Unis étant donné que j'y suis invité à y prendre la parole régulièrement—qui veulent entendre parler de nous et nous avons là des débouchés concrets. Mais nous ne pouvons pas les exploiter si nous ne produisons pas de films; nous ne pouvons pas les exploiter si nos écrivains ne peuvent pas se faire publier ou si nous n'organisons pas d'expositions itinérantes. Il faut non seulement une coordination, mais également un engagement.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Shepard.

M. Close, M. Wolfe et M. Fenton.

M. Patrick Close: Je viens de faire une expérience intéressante. Je me suis fait faire récemment des verres à double foyer et quand je suis allé me verser un verre d'eau, j'ai inondé toute la table.

Je me suis dit que c'était une expérience intéressante. C'est un peu comme la fonction publique fédérale. Elle regarde les choses avec le verre du dessous tandis que le gouvernement les regarde avec le verre du dessus, mais nous ratons notre objectif, sans vouloir offenser les fonctionnaires qui pourraient être présents.

Le gouvernement provincial a étudié la situation des artistes pendant deux ans et a publié un rapport en septembre 1993. Ce rapport formulait un certain nombre de recommandations et il a été transmis immédiatement à un comité inter-ministériel qui a commencé à voir s'il était possible ou non de suivre les recommandations en question. Tout a été arrêté totalement car les uns et les autres disaient que de leur point de vue, telle ou telle chose n'était pas possible. Cela a déclenché une guerre de territoire entre les bureaucrates.

Personne n'a demandé au ministère des Pêches et des Océans ou au ministère de la Défense nationale si les règlements en matière de logement ou de transport s'appliquaient à eux; on a veillé à ce qu'ils s'y adaptent. C'est simplement une priorité. Les Pêches sont responsables de certaines choses et elles assument ses responsabilités.

• 2005

Il y a certaines susceptibilités à l'égard des cultures différentes et au niveau régional—désolé Bruce—il y a aussi certaines susceptibilités quant à savoir qui devrait définir ce qu'est la culture. Mais dans les domaines qui relèvent clairement du gouvernement fédéral, je suis convaincu que si l'on constituait un comité inter-ministériel, il devrait simplement faire rapport à un autre organisme et ne pas être chargé de l'élaboration de la politique, mais simplement de fournir des renseignements pour ce faire. Je suis convaincu qu'il faut constituer un comité permanent pour surveiller la situation et faire bouger les choses. Autrement, l'inertie s'installera et rien ne se produira. Les différentes bureaucraties se contenteront de jouer un jeu d'échecs compliqué, comme c'est le cas actuellement, sans que nous puissions faire le moindre progrès ou comprendre ce qui se passe.

Du moment que ces personnes relèvent d'une autorité compétente et font des recherches pour vous et vous fournissent des renseignements, s'il y a quelque part une personne éclairée qui pourra faire bouger les choses, je serais pour. Autrement je serais contre.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

M. Bruce Shepard: Si je peux ajouter quelques mots rapidement, il faut en faire une priorité. Il faut également une volonté politique, car la seule façon d'éviter la bureaucratisation dont vous parlez—et je suis entièrement d'accord—est de faire preuve de volonté politique. Il faut en faire une priorité.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Wolfe.

M. Burt Wolfe: En tant qu'éditeur de publications éducatives, je rêve du jour où Parcs Canada m'appellera pour me dire Burt, voudriez-vous publier un livre sur la faune de la province ou m'aider à trouver un éditeur de la Saskatchewan qui pourra le faire? Nous avons un montant d'argent pour les publications éducatives et nous voulons le dépenser pour publier des livres qui intéresseront les jeunes et moins jeunes de la Saskatchewan.

Pour le livre que nous avons édité l'année dernière, Mushrooms of the Boreal Forest, nous avons obtenu des subventions du gouvernement fédéral. Nous avons reçu des subventions de Parcs Canada, d'Industrie Canada ainsi que d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous nous sommes adressés à ces sources de financement, entre autres. Mais elles n'ont pas vraiment de structure qui nous permettrait d'obtenir de l'argent de façon régulière. Ces ministères ne viennent pas non plus nous demander des publications qui pourraient sans doute intéresser bien des gens et qui seraient non controversées par rapport à certains autres produits culturels. Je pense aux publications éducatives.

Pour le moment, cela ne semble pas exister et si nous avions une politique culturelle quelconque, s'il y avait, dans chaque ministère, un montant d'argent auquel nous pourrions avoir accès ou que le ministère pourrait utiliser pour créer des publications, ce serait tout à fait souhaitable.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Fenton, monsieur Boyko puis monsieur Steele.

M. Terry Fenton: J'ai quelques mots à dire au sujet de la culture canadienne. Je crois que nous avons une culture. La culture canadienne est la culture produite par les Canadiens. Je croyais, et je le crois toujours à bien des égards, que ce qu'il y a de merveilleux au Canada c'est que c'est sans doute le pays industrialisé dont l'identité nationale est la moins forte. Et je pense que c'est une chose positive. À dire vrai, je crois que nous avons beaucoup de culture.

Ce qui m'inquiète c'est que le gouvernement tente d'établir quelle devrait être la teneur de cette culture et je crois que nous courons là un grave danger. C'est aussi un risque inutile, car nous avons au Canada de nombreux créateurs et nous avons passé beaucoup trop de temps à essayer de réglementer la teneur de leur production, mais pas assez à leur donner les ressources voulues pour s'exprimer ou offrir les produits de leur créativité aux Canadiens. Après tout, ils vivent au Canada, ils sont Canadiens et ils créent des productions pour les Canadiens. C'est tout ce que nous devons leur demander.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Boyko.

M. Lee Boyko: Pour aborder brièvement certaines questions que vous avez posées, en commençant par la technologie, le secteur des musées de la Saskatchewan a été l'un des chefs de file de l'établissement de normes pour la gestion des collections, sous la direction du Réseau canadien d'information sur le patrimoine, à Ottawa, qui a subi de nombreuses transformations ces dernières années. Beaucoup de gens s'inquiètent de l'orientation future de ce service.

• 2010

Mais je crois que le gros défi à relever n'est pas tant du côté du financement de la technologie, que ce soit les logiciels ou le matériel bien que, pour la plupart de mes musées, le prix d'un ordinateur absorberait à peu près leur budget annuel. Il semble relativement facile d'obtenir la technologie voulue, mais cela continue à poser un sérieux problème pour la plupart des musées. Ce n'est pas tant la technologie, mais plutôt la main-d'oeuvre nécessaire pour inscrire les données dans le système.

Il sera très difficile de constituer une base de données à l'échelle de la province ou à l'échelle nationale. Quelqu'un m'a posé la question tout à l'heure: Existe-t-il une banque, facile d'accès, où sont regroupées les données sur les oeuvres des Premières nations et des Métis dans les musées de la province. Il y a des enquêtes, assurément, et il y a sans doute des sources de renseignements, mais sous forme de cartes cataloguées. Avec un peu de chance, cela existe. Mais il faudra bien plus d'un an, deux ans ou cinq ans, plutôt de 10 à 15 ans, pour que ces renseignements deviennent accessibles. Hélas, c'est la réalité.

La technologie est épatante et elle a fait des choses formidables dans notre secteur mais elle comporte encore des limites insurmontables. Les gens sont en train de découvrir que c'est bien beau d'afficher une page d'accueil sur l'Internet, par exemple, mais les choses ne sont pas toujours roses quand il s'agit de l'entretenir. C'est un véritable problème.

Parlons maintenant de la libéralisation du commerce. L'incidence en est indéniable, surtout dans l'ensemble de l'économie de la Saskatchewan. Sur le plan démographique, il faut bien se rendre à l'évidence qu'un grand nombre de petites villes de Saskatchewan périclitent. Notre population qui vieillit est à la fois un avantage et un inconvénient.

En effet, on trouvera avantageux au fur et à mesure que les baby boomers vieilliront, qu'ils s'intéressent aux musées qu'ils disposent de temps pour faire du bénévolat. Pour l'heure, ce n'est pas le cas. Un grand nombre de musées d'étiolent car les bénévoles qui s'en occupent depuis 20 ans, dont certains les ont fondés, ne sont plus disponibles, ne sont plus capables de poursuivre leur oeuvre. Nous nous posons de graves questions quant au sort de ces ressources et de ces musées.

Dans notre province, l'évolution démographique que représente la croissance de la population des Premières nations et des Métis constitue un autre facteur crucial. De nouveaux musées ouvriront leurs portes. On peut se féliciter qu'un grand nombre d'entre eux seront l'oeuvre des Premières nations et des Métis. Mais il faut se demander qui l'on trouvera pour s'occuper de l'infrastructure.

Les musées communautaires dont j'ai parlé et qui existent ici sont, dans bien des cas, excellents et représentent de longs efforts et un appui soutenu grâce au programme d'aide aux musées. Le programme des musées nationaux et les conservationnistes canadiens appuient les musées depuis des années. Si l'on ne trouve pas les infrastructures nécessaires pour abriter les nouveaux musées—et un certain appui, d'après ce qu'on me dit, venant du gouvernement fédéral—qu'arrivera-t-il? Cela m'inquiète énormément.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Steele.

M. Bruce Steele: Je voudrais revenir un peu en arrière sur des remarques que j'ai faites car j'aimerais ajouter qu'il est indéniable que dans tous les secteurs, le gouvernement fait preuve d'un extrême bonne volonté. On essaie de mettre en valeur ce que nous sommes et qui nous sommes, c'est indéniable. Parfois, nous réussissons à cause de ce que nous faisons, parfois malgré ce que nous faisons, et parfois les choses se produisent de toutes façons.

Dans notre secteur en particulier, on a annoncé récemment un nouveau réseau de télévision autochtone pour répondre aux besoins des 40 p. 100 de la population de Saskatchewan qui seront constitués de Premières nations dès 2020. Les données démographiques de la province révèlent que depuis les années 70, la combinaison d'Anglais-Français n'est plus majoritaire dans la province.

La mosaïque ne cesse d'évoluer ici. Le vieillissement de la population dont on a parlé est un facteur majeur. Les choses changent constamment. Je disais autrefois que la Société Radio-Canada était gérée en dents de scie. En effet, il y a eu l'époque où tout a été concentré dans les régions, mais sept ans plus tard, on a renversé la vapeur. Ensuite, on a construit un énorme immeuble à Toronto qui a été désaffecté, pour être ensuite repris.

Les nouveaux dirigeants de Radio-Canada font preuve d'une grande bonne volonté et appuient la création d'entreprises de radiodiffusion mais juste au moment de l'arrivée de la nouvelle équipe—peu importe du reste qu'elle soit nouvelle—pleine d'énergie et d'enthousiasme, voilà que, coup de théâtre, il n'y a plus d'argent.

Cela nous a amenés à former des alliances en catimini—et nous le faisons tous. Quand nous ne sommes pas occupés à remplir des formulaires, nous travaillons ensemble pour créer des partenariats propices à des réalisations. Pour citer Kafka, c'est inéluctable. Je me dis parfois que nous perdons trop de temps à nous inquiéter de ce qui devrait se produire et pas assez de temps à laisser les choses se faire, à les laisser grandir.

• 2015

Comment encourager cette croissance? C'est sans doute une question pertinente. Téléfilm Canada a stimulé une industrie dans le secteur que je représente. Dans les années 80, et au début des années 90, il existait un fonds qui n'était pas destiné au théâtre, distribué par le ministère des Approvisionnements et services, pour le financement de documentaires, pour des projets semi-industriels, des projets provinciaux/régionaux/locaux. C'était un guichet unique. Il suffisait de présenter son idée et d'obtenir l'appui d'autres organismes publics de même qu'un appui local. Il existait un fonds.

Ce fonds est devenu le fonds indépendant du film et de la vidéo, qui actuellement est ni plus ni moins un fonds commercial—destiné au secteur du théâtre qui voulait trouver sa place au soleil sur le marché mondial. À la bonne heure. C'est ce que nous souhaitons car c'est là que se trouve la marché lucratif.

L'industrie qui a pris de l'essor grâce à Téléfilm et au financement des oeuvres théâtrales est en train de péricliter car elle n'a pas accès aux fonds nécessaires pour s'implanter sur le marché mondial.

Le chiffre d'affaires de l'industrie du film et de la vidéo dans cette province était de 4 à 5 millions de dollars, il y a cinq ans. L'année dernière, il était de 47 millions de dollars. Cette année, on prévoit qu'il sera sans doute de 60 millions de dollars. On s'inquiète soudainement. A-t-on atteint la limite? Actuellement, et c'est une initiative locale, on veut donner un cours de film et de vidéo dans une école secondaire à Regina. Nous sommes en train de créer de plus en plus de gens compétents mais qui produiront quoi et pour qui?

J'ai été frappé par une constatation que j'ai faite dans mon travail—et cela est dû sans doute au fait que la radiodiffusion est repliée sur elle-même et ne s'inscrit pas dans le secteur culturel plus général. Quand je fais des démarches auprès des bibliothèques ou des musées pour que des oeuvres d'art, des oeuvres littéraires, ou des vignettes sur la Saskatchewan paraissent à la télévision, on est au premier abord extrêmement réticent car on craint que je vais moi-même y figurer. Deuxièmement, l'idée surprend. Troisièmement, on craint que ce soit une sorte de coalition entre organismes et divers éléments du secteur.

Ce qui serait des plus utiles, je le répète, ce n'est pas tellement de tenter de voir comment diverses régions du pays peuvent se rapprocher, mais comment divers aspects du secteur culturel—et je suis un peu embrouillé entre les secteurs les industries et les aspects mais je pense que vous me suivez—peuvent travailler en collaboration pour partager les ressources de ce que l'on définira plus tard comme étant la culture canadienne.

Merci beaucoup. Je me sens beaucoup mieux.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Steele.

Je vais demander maintenant à ceux qui se trouvent dans l'auditoire de poser des questions s'ils le souhaitent, ou encore de faire une brève déclaration car ce que vous aurez à dire nous intéresse vivement.

Mme Catherine McKeehan (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Catherine McKeehan, et je suis la directrice générale de la Société symphonique de Saskatoon. Je voudrais dire deux choses.

D'abord, sans vouloir contredire Bruce, et je suis d'accord avec Terry, je ne peux pas laisser dire et consigner au compte rendu de cette réunion que la culture canadienne est inexistante.

Deuxièmement, je me sens un peu désorientée car c'est par hasard que je suis entrée dans cette salle. J'ai travaillé pendant des années à Ottawa et je travaille maintenant dans cet immeuble. J'ai toutefois l'impression que ce soir je me trouve à Ottawa.

Si je suis venue, c'est parce qu'hier l'Association des orchestres m'a signalé, par télécopieur, la tenue de la séance de ce soir en m'exhortant à y assister. Je constate que je suis la seule représentante des arts de la scène ici présente, et que je ne suis même pas assise à la table. Je vais donc vous poser une question là-dessus même si je comprends bien la différence entre les industries culturelles et les autres secteurs.

• 2020

Quelques remarques maintenant. Tout d'abord, on n'a pas parlé beaucoup du Conseil des arts au cours de la discussion et je pense qu'on aurait dû. Le Conseil des arts pourrait appuyer le secteur culturel canadien s'il disposait des ressources lui permettant de le faire. On trouve au sein du Conseil des arts, ou du moins on trouvait, toute une équipe de spécialistes, ce qui n'est pas nécessairement le cas au sein des autres ministères à vocation culturelle. Les compressions budgétaires imposées au Conseil des arts l'ont hélas forcé à réduire ses effectifs spécialisés de telle sorte qu'une personne qui était autrefois secrétaire dans un service se trouve maintenant chef d'un autre service. Il faut espérer que si l'on trouve les ressources nécessaires, le Conseil des arts pourra recouvrer son caractère spécialisé.

Il y a 15 ans, j'étais directrice générale, ici même, d'une organisation dédiée aux arts de la scène et récemment je suis revenue pour occuper les mêmes fonctions au sein d'une autre organisation. La différence majeure que je constate maintenant, par rapport à il y a 15 ans, est l'importance des levées de fonds. Un tiers de mon budget doit être fourni par le secteur privé et sans personnel exclusivement affecté à ces fonctions, je dois m'en occuper moi-même. J'ai besoin de deux garde-robes pour cela, de deux vocabulaires, c'est-à-dire que j'ai besoin de me dédoubler car c'est un travail extrêmement difficile, et rendu encore plus ardu du fait qu'au même moment où je dois intensifier mes efforts pour lever des fonds, je subis une concurrence féroce de la part d'un plus grand nombre de personnes qui sont dans le même cas que moi.

Ce serait fort utile si l'on donnait aux mécènes un encouragement fiscal, comme on le fait par exemple dans le cas de ceux qui contribuent à des organisations politiques.

Troisièmement, et c'est dans la même veine que ce que vous disiez Sam—si je peux me permettre de vous appeler Sam car nous avons des amis communs—l'Orchestre symphonique de Thunder Bay est véritablement dans une très mauvaise passe actuellement. Tout le monde est sur des charbons ardents en ce moment. Dans notre communauté, l'anxiété est à son comble car nous risquons que nos employés... Il y a quatre personnes qui travaillent au bureau, et les 60 musiciens qui travaillent sur scène sont essentiellement des artistes pigistes dont la situation fiscale est en train d'être examinée d'une façon plutôt capricieuse et arbitraire. Il ne semble pas exister de recours et nous osons espérer que quelqu'un là-haut va défendre la cause des musiciens et des gestionnaires qui épaulent les administrateurs qui travaillent au nom des artistes.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Permettez-moi de répondre. Quand les représentants de l'Orchestre symphonique de Thunder Bay sont venus témoigner, nous leur avons demandé de préparer un mémoire circonstancié sur l'état des négociations et des discussions avec Revenu Canada. Nous prenons les choses très au sérieux. Nous avons demandé qu'un document soit préparé.

Je suis ravie de constater que c'est toute la communauté symphonique qui s'inquiète de ce problème. Nous n'étions pas au courant et nous allons certainement assurer un suivi.

Les encouragements fiscaux que l'on accorderait aux mécènes sont une suggestion qui a été faite à maintes reprises. On propose la pleine déduction, encore que les sociétés par actions qui font des dons bénéficient d'une exemption fiscale au titre des gains en capital. Hélas, chaque fois que nous parlons de gains en capital, les gens répliquent qu'il s'agit d'une aide aux riches et que ce sont les organisations dites séduisantes qui obtiennent l'argent. Ainsi, si vous pouvez nous aider à trouver le moyen de faire bénéficier de cette mesure les groupes locaux ou les petites troupes de théâtre...

Quant à votre remarque sur la composition du groupe de témoins, ce soir, nous avons des gens de divers secteurs mais je vais me renseigner sur la façon dont le choix a été fait.

Merci beaucoup de vos remarques.

• 2025

Monsieur Walton, voulez-vous répondre précisément à ce qui vient d'être dit?

M. Jack Walton: Je voudrais répondre précisément à ce que vous venez de dire. Je sais que la question a été soulevée il y a quelques semaines.

En effet, s'agissant des mesures fiscales, comment procéder sans avoir l'air d'aider les riches... Si les déductions éventuelles et les crédits d'impôt n'étaient valables que si l'argent allait au Conseil des arts et si le Conseil des arts à son tour, grâce à un jury de pairs, procédait à la distribution des fonds, nous serions extrêmement satisfaits—il s'agirait d'un guichet unique.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Close.

M. Patrick Close: Il faut reconnaître que le gouvernement du Canada, selon nous, a presque complètement abandonné le travailleur autonome, en particulier le travailleur culturel qui travaille à son compte. Les artistes ont pendant des années travaillé en tant qu'entrepreneurs, et leurs réalisations sont importantes. Pourtant, on nous impose des règlements punitifs, qui nous embrouillent et qui rendent notre travail plus difficile. La tendance démographique est telle que presque tous les Canadiens seront à leur propre compte sous peu et il faudrait donc que le gouvernement du Canada s'empresse de faire quelque chose. Pour l'instant, les choses augurent mal. Les diverses organisations syndicales ne cessent de prendre du recul et leur rôle diminue constamment.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Close.

Nous allons maintenant demander au public de participer à la discussion. Allez-y.

M. Robert G. Doucette (témoignage à titre personnel): Bonsoir. C'est pour moi un grand honneur de pouvoir m'adresser à vous ce soir. J'ai entendu ici des propos qui toutefois me troublent. Il ne s'agit pas de parler du Canada anglais ou du Canada français mais de notre pays. Régionalisme ou non, c'est notre pays.

La culture canadienne, c'est un peu comme l'émission de Jerry Seinfeld. C'est à la fois tout et rien. Au bout du compte, vous avez le sourire aux lèvres, et vous en redemandez. Voilà ce que j'en pense. Voilà pourquoi elle est indéfinissable.

Je suis un Métis d'origine crie-dénée de la région du traité 10 dans le nord de la Saskatchewan, en l'occurrence de Buffalo Narrows. Je m'appelle Robert G. Doucette.

Je suis assez impressionné par cette réunion de gens intelligents ici autour de cette table et cela me rend optimiste quant à la culture canadienne. Toutefois, je ne vois pas d'Autochtone, outre moi-même. Je voudrais remercier ici un de mes collègues que je ne vais pas nommer. Je suis venu ici au pied levé.

Les membres du comité pourront peut-être nous dire pourquoi il n'y a pas d'Autochtones. Nous n'étions peut-être pas sur la liste. Il y a eu la Commission royale sur les peuples autochtones... mais la vie reprend ses droits. Les Autochtones ne sont ici que pour parler de la démographie, comme un de mes collègues l'a fait.

J'ai quatre enfants, cinq soeurs et un frère, qui eux-mêmes ont ensemble 16 enfants. La démographie se porte bien.

Cela aura une incidence sur le secteur culturel car de plus en plus de Métis, d'Indiens des Premières nations et d'Inuit veulent pouvoir se reconnaître dans les symboles et les icônes culturels. Actuellement, il y a beaucoup de gens d'origine ukrainienne ou britannique... mais je ne vois pas beaucoup de Métis.

Quand je suis allé à Batoche, pour vous donner un exemple—et sans vouloir critiquer Parcs Canada, car cet organisme a signé une entente avec la nation métisse de Saskatchewan en vue de la cogestion—j'y ai visionné un film sur les Métis. J'ai eu l'impression que notre race était éteinte, que notre culture avait disparu et j'ai eu l'impression... Je ne savais pas que nous avions disparu pour la bonne raison que j'existe.

Face aux technologies dans le secteur culturel, les Autochtones encore une fois, étant donné leur instruction limitée et la croissance démographique... Je vais vous donner un exemple: nous avons fait une enquête auprès des Métis dans les trois principaux centres urbains et 60 p. 100 des répondants nous ont dit avoir un niveau d'instruction inférieur à la huitième année. Il y a donc beaucoup de rattrapage à faire, ne serait-ce que pour tirer parti de la technologie qui sera disponible dans toutes les industries culturelles.

• 2030

Je vous prie d'excuser mon ignorance, mais je ne connais pas les mesures d'appui au secteur culturel qui existent actuellement. Pourtant, je pensais être une personne assez bien informée. Quand il s'agit d'argent—et j'ai déjà dit cela—il semble que les gens soient égoïstes et protectionnistes. On ne peut pas leur en vouloir car, étant donné que les fonds sont limités, charité bien ordonnée commence par soi-même.

On trouve en Saskatchewan le Western Development Museum qui retrace le passé colonial et agricole. Le Ukrainian Museum of Canada qui se trouve à quelques pas d'ici. Le Saskatchewan Indian Cultural Centre également. Ce sont de très beaux musées, diversifiés, mais il y a un grand absent, car les Métis n'ont ni musée ni centre culturel et pourtant ils ont participé à l'édification du Canada. C'est peut-être parce que nous n'avons pas frappé aux bonnes portes.

Je ne veux pas dénigrer mes cousins des Premières nations car mon arrière-arrière-grand-mère était en 1906 une Indienne inscrite, mais les Indiens reçoivent 500 millions de dollars du ministère des Affaires indiennes, sans compter ce que leur donnent le ministère du Développement des ressources humaines et l'Agence de diversification de l'économie de l'Ouest, les industries culturelles au Québec et toutes les autres industries. Notre race est peut-être destinée à l'extinction et nous ne serons plus qu'une épitaphe. J'espère me tromper car nous avons joué un rôle majeur dans toute cette histoire.

Pour ma part—et je ne voudrais pas vous dénigrer—je pense que le gouvernement fédéral a échoué sur le plan de la promotion d'un grand nombre d'identités culturelles au Canada.

J'espère ne pas avoir insulté qui que ce soit en disant que ce pays est notre pays parce que c'est le cas.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Absolument pas. Merci beaucoup de vos remarques. Nous en prenons bonne note.

Vous avez posé des questions pour lesquelles je n'ai pas de réponse. Toutefois, je vais me renseigner.

J'exhorte tous ceux qui sont ici ce soir à se sentir libres de mettre par écrit, à l'intention du comité, leurs commentaires et de signaler à d'autres organisations, que ce soit l'Association des orchestres du Canada ou ceux qui vous ont signalé la tenue de cette réunion, qu'ils peuvent en faire autant. Nous vous en remercions. Si nous faisons cette tournée au Canada, c'est pour entendre les préoccupations de chacun et pour combler toutes lacunes éventuelles.

M. Robert Doucette: Si je vous donne mon adresse, m'enverrez-vous un exemplaire du document que tout le monde semble avoir lu?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui.

M. Robert Doucette: Je vous remercie. J'ai parlé à Lee et je lui ai dit qu'un groupe d'universitaires et d'activistes communautaires métis essayaient de former ce qui s'appelle le Centre culturel métis Howard Adams Inc. Il ne s'agit pas de faire concurrence à d'autres organismes. Nous voulons travailler avec les musées de Saskatchewan et avec le Centre canadien Diefenbaker parce qu'il s'y trouve une collection extraordinaire d'oeuvres autochtones.

Dief était le chef—car vous savez qu'il portait toujours une coiffure, ce qui me va tout à fait. Il semble qu'il avait beaucoup de bannock. Cela me réconforte.

Toutefois, pour que le dialogue soit fructueux, il faut que nous suivions tous la même règle du jeu. Cela signifie qu'il nous faut avoir le même accès aux renseignements car tout découle de là.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci. La greffière vous verra immédiatement après la réunion.

Monsieur Shepard.

M. Bruce Shepard: Je pense que c'est Peter Ustinov qui a dit que la seule façon de faire la différence entre un Canadien et un Américain était de dire devant eux qu'il n'y avait pas de différence car le Canadien ne tarderait pas à rouspéter pour dire qu'il y en a une. Je constate qu'il a toujours raison.

Quand j'ai dit que nous n'avions pas de culture, je ne voulais pas dire que nous ne possédons pas les éléments d'une culture. Cela revient à la première question posée, c'est-à-dire qu'est-ce qui a eu du succès. Nous avons une littérature. Avant toute chose, nos publications, surtout nos oeuvres de fiction, ont eu du succès, un énorme succès.

• 2035

J'ai été invité à assister à diverses conférences aux États-Unis et j'ai très vite découvert que mon rôle était d'expliquer le contexte historique de nos écrivains—ce qui les avait façonnés, comment ils avaient évolué.

La littérature canadienne est internationale et on la reconnaît comme telle mais ce n'est pas le cas de la musique, du cinéma ou du théâtre. En histoire, nous jouissons d'une reconnaissance partielle. Le problème vient du fait que nous avons créé—et c'est un succès—une infrastructure extraordinaire mais il suffit, comme je le fais, de vous adresser à des écoliers en leur demandant s'ils savent qui était M. Diefenbaker. Ils vous répondront: «C'est un chien à la télévision». En effet, on voit dans une émission de télévision un chien qui s'appelle M. Diefenbaker. En toute honnêteté, ils vous demanderont: «Était-il conservateur ou libéral?» Je le sens se retourner dans sa tombe car il est enterré tout près. Quand on leur demande qui est le chef du gouvernement au Canada, ils vous disent 90 fois sur 100 que c'est un président.

Nous avons fait des efforts énormes pour conserver et protéger notre patrimoine, mais nous ne le transmettons pas, et il y a plusieurs raisons à cela.

Avec beaucoup de bonheur, nous avons créé une infrastructure. Nous avons des salles de spectacle, des musées et des galeries. Je vais vous parler des musées. Je pense que l'on peut faire une analogie avec les soins de santé car nous avons là aussi construit des hôpitaux extraordinaires, dans toute la province, que nous nous empressons maintenant de fermer. Nos musées frôlent ce genre de sort. Il fut un temps où la Saskatchewan avait plus de musées par habitant que toute autre province. Malheureusement, ces musées ne vont pas tous survivre et Lee vous en a expliqué les raisons.

Il faut vraiment s'occuper de l'appui institutionnel. En 1990, nous avons perdu notre financement fédéral à cause des compressions. Heureusement, un groupe de citoyens intéressés a organisé une levée de fonds nationale. L'année dernière, nous avons été contactés et on nous a dit: «Après sept ans, nous sommes épuisés. Voici l'argent recueilli, débrouillez-vous». Ce jour-là, mes fonctions ont changé. Je comprends très bien ceux qui disent que dans leurs fonctions il leur faut maintenant faire beaucoup plus de levées de fonds. C'est à peu près ce qui nous est arrivé. Nous avons toutefois connu certains succès.

Tout le monde le sait, la technologie est une arme à double tranchant. On a parlé tout à l'heure des investissements, mais il faut y affecter du personnel. Il y a également une formation nécessaire. Nous avons besoin d'aide à cet égard.

La libéralisation du commerce dont j'ai parlé tout à l'heure est aussi une arme à double tranchant. Nous courons le danger d'être envahis par nos voisins du Sud qui sont extrêmement prolifiques. Toutefois, ils représentent un marché énorme et je peux vous assurer que nous les intéressons et qu'ils achèteront nos produits. Il y a des débouchés de ce côté-là.

On a parlé de la démographie, mais il faut bien dire que la population de la Saskatchewan n'a pas bougé depuis 1929. Nous sommes encore un million de personnes, comme au moment où la société agricole a atteint son maximum. Bien entendu, la modification majeure vient du fait que la population autochtone augmente rapidement et que la population en général vieillit.

Mon ami Robert a déjà dit que les Métis veulent leurs propres institutions. Nous avons déjà le Wanuskewin Heritage Park, où les Autochtones veulent leurs propres institutions. Nous sommes en train de négocier et de discuter certains programmes avec eux. Fidèles à la tradition de la Saskatchewan, unir ses efforts pour résoudre les problèmes, nous avons jeté les bases d'une coopération.

Quant au rôle du gouvernement fédéral, comme M. Steele l'a dit avec éloquence, tout est là. J'ai déjà dit que la volonté politique et le rôle de coordination sont essentiels. La proposition de la CCA contient, à mon avis, le germe d'une politique fédérale très efficace à deux volets, un volet pour appuyer les artistes et un autre pour appuyer les institutions.

• 2040

Je sais que, dans notre cas, la tâche n'est pas facile. Je fais parfois des blagues. Quand on me demande comment ça va, je réponds que je suis en train de devenir aussi musclé que Popeye à force de constamment m'accrocher.

Je sais que nous ne sommes pas seuls. Il y a dans tous les secteurs de notre pays des institutions qui se trouvent dans la même situation exactement. M. Sauvageau a soulevé des questions très intéressantes—il serait effectivement très utile d'avoir un financement pluriannuel. Tout financement, dans notre cas, serait très utile. L'abolition de la TPS sur les livres—pourquoi pas pour toutes les industries culturelles? Pourquoi uniquement la littérature? La TPS est une taxe sur le travail intellectuel, et il me semble que nous aurions intérêt à suivre l'exemple de l'Irlande qui, il y a plusieurs années de cela je crois, a aboli les taxes, même les impôts sur le revenu, pour les écrivains vivant en Irlande. Il y a aussitôt eu beaucoup d'écrivains qui ont décidé de s'y installer en permanence.

Il me semble qu'il faut songer très sérieusement à élargir ce principe. Pourquoi devrait-il y avoir une TPS sur le développement culturel? Des incitatifs fiscaux, oui. Je crois qu'il faudrait faire passer la déduction aux fins de l'impôt de 75 p. 100 à 100 p. 100, voire plus encore. Les États-Unis ont une déduction de 100 p. 100 depuis toujours, à ma connaissance. Ce n'est que dernièrement que nous avons fait passer la nôtre à 75 p. 100. C'est une amélioration, mais il faut faire plus encore. Je crois, encore là, que le leadership politique, la volonté politique—il s'agit là d'une composante primordiale au Canada—et la coordination sont les deux éléments clé.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Axworthy.

M. Chris Axworthy: Je serai bref. J'ai une observation à faire et une question à poser qui découlent de ce que nous avons entendu tout à l'heure au sujet de la nécessité d'une volonté politique et d'une vision nationale.

Premièrement, il y a une réalité qui devrait donner à réfléchir à tous les intervenants du secteur culturel, et c'est que les Canadiens, quand on les invite à dresser l'ordre de leurs priorités, mettent les arts et la culture près du bas de la liste. Si l'on veut que le gouvernement ait la volonté politique nécessaire pour en faire une priorité, il faut manifestement faire quelque chose pour faire remonter cet élément plus vers le haut de la liste de priorités, car personne ne peut raisonnablement s'attendre à ce que le gouvernement en fasse une priorité quand la population dans son ensemble n'est pas de cet avis.

Je comprends tous les problèmes relatifs à la culture populaire et je sais que le gouvernement appuie Jerry Seinfield et plein d'autres activités de ce genre. C'est une difficulté que doivent reconnaître tous ceux qui souhaitent rehausser le profil de la culture et son importance sur le plan politique. Cela ne peut se faire qu'avec l'appui de Monsieur Tout-le-Monde. Ma question finalement est la suivante: quelqu'un a-t-il des idées sur la façon d'obtenir cet appui?

L'observation que je veux faire a trait à l'idée d'une vision. Il me semble que, tant avant mon arrivée au Parlement que depuis que je suis là, cela fait presque partie de la culture canadienne que de ne pas avoir de vision. Nous n'avons pas de stratégie nationale en matière d'éducation. Nous n'avons pas de stratégie industrielle nationale. Pourquoi nous surprendre alors que nous n'ayons pas de stratégie culturelle nationale? Il semble que nous ne croyions tout simplement pas à la nécessité d'avoir des stratégies abstraites qui s'apparentent à une vision; nous y croyons certainement sur le plan concret, mais pas sur le plan abstrait.

Ce n'est donc pas demain que nous aurons une vision, car notre conditionnement culturel ne semble tout simplement pas nous avoir préparés à cela. C'est malheureux, car cela me paraît tout à fait ridicule. Comme disait cet Américain—il est difficile de trouver un héros culturel canadien—nommé Yogi Berra, quand on ne sait pas où l'on s'en va, il se peut bien qu'on se retrouve quelque part d'autre. C'est bien sûr ce qui arrive quand on n'a pas de vision; on ne sait pas vraiment où l'on veut s'en aller. Nous ne savons pas où nous voulons aller.

Je dis cela, bien sûr, en étant conscient de toutes les réserves pour ce qui est de savoir qui détermine le contenu de notre culture. Il me semble que c'est par percolation en quelque sorte que le contenu de notre culture doit être déterminé. Nous ne pouvons certainement pas nous attendre et nous ne voudrions pas non plus que le gouvernement ait un rôle à jouer à cet égard. Je lance finalement la question de savoir comment l'on pourrait donner à ceux d'entre nous qui exercent leurs activités sur la scène politique et qui souhaiteraient accorder une plus grande priorité à la culture les munitions nécessaires pour ce faire. Je ne m'attends pas à recevoir de réponse définitive à cette question; je ne fais que la lancer comme sujet de discussion.

• 2045

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Axworthy.

Je tiens à rappeler que nous acceptons les mémoires jusqu'à la fin de mars.

Comme il nous reste 15 minutes, vous aurez l'occasion de répondre aux questions soulevées par M. Axworthy. Je voudrais toutefois essayer de donner la parole à tout le monde. Nous allons entendre notre auditoire.

Mme Cline a été tellement patiente. Vous pourriez peut-être vous présenter et nous parler aussi de votre organisation.

Mme Heather M. Cline (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Heather Cline, et je suis la présidente de CARFAC Saskatchewan.

J'ai une réponse très simple à vous donner: la culture est synonyme d'emplois. Un des grands problèmes dont on a entendu parler ce soir est celui des ressources humaines dans le domaine de la culture. Je crois que notre société a une certaine perception de ce qui constitue un travail de valeur. Pour une raison que j'ignore, nous semblons considérer que travailler dans les musées est affaire de bénévoles. Je ne dis pas que nous n'apprécions pas nos bénévoles—ces gens-là jouent un rôle très important—mais pourquoi ne les payons-nous pas? Nous cherchons à créer des emplois au Canada, pourtant nous ne nous donnons pas la peine de regarder du côté des emplois qui existent déjà et qui devraient être rémunérés.

C'est tout ce que j'ai à dire.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'ai sur ma liste Mme Davis, puis M. Boyko et M. Steele.

Mme Kate Davis: Les tribunes culturelles sont souvent des occasions assez tristes faites de plaintes et de jérémiades: nous sommes un groupe d'intérêts particuliers, nous n'en recevons pas assez, nous ne sommes pas bien servis. Nous donnons l'impression que nous pensons avoir droit à tout cela, et on nous accuse en tout cas d'être frivoles et irresponsables. Je suis très sensible aux préoccupations de ceux qui s'intéressent à notre vie culturelle et qui trouvent que la tâche n'est pas facile. Comment donner à ceux qui veulent favoriser l'élaboration d'une vision culturelle les munitions dont ils ont besoin, c'est là la question clé.

Je trouve, pour ma part, qu'il faut pratiquer la gestion axée sur la réalité. J'en ai fait ma nouvelle devise. Elle a remplacé celle que j'avais avant et qui me venait des Spice Girls: «Dis-moi ce que tu veux, ce que tu veux vraiment».

M. Chris Axworthy: De qui vous vient cette nouvelle devise?

Des voix: Ah, ah!

Mme Kate Davis: Pour cela, il faut notamment veiller à poser les bonnes questions, pas les mauvaises. La mauvaise question, c'est celle qui demande de choisir entre un hôpital et un musée des beaux-arts. Je préfère avoir un hôpital, même si j'ai déjà été directrice d'un musée des beaux-arts. C'est donc là un exemple d'une mauvaise question.

La gestion axée sur la réalité exige aussi que nous tenions compte de l'élément financier, et le pourcentage d'argent qui est consacré aux activités culturelles est l'équivalent—pardonnez-moi cette expression vulgaire—de pisser dans l'océan. Il me semble qu'il faut s'assurer de bien comprendre cela.

Enfin, il y a ce vieux dicton biblique, selon lequel on récolte ce qu'on sème. Je parlais tout à l'heure à Bruce et j'essayais de trouver des mots de conclusion liés à l'agriculture, puisque nous sommes en Saskatchewan. Je crois donc qu'on récolte ce qu'on sème. Je m'arrête là.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Je donne maintenant la parole à M. Boyko, qui sera suivi de M. Steele.

M. Lee Boyko: Le rôle du gouvernement consiste notamment à se rendre compte de ce qui doit être fait, à exercer un certain leadership et, à certains moments, à courir des risques. Dans le milieu culturel, nous avons aussi notre part de blâme. Une des erreurs que nous avons commises au début des années 70 a été d'essayer de quantifier nos activités et de les faire ainsi passer dans une autre sphère. Oui, nous créons des emplois. C'est un élément important de ce que nous faisons. Oui, nous sommes des moteurs économiques.

Je suis de la Colombie-Britannique, et je veux vous raconter cette anecdote au sujet d'un ministre créditiste nommé Evan Wolfe, qui était vendeur de voitures de son métier. Il est venu rencontrer un certain nombre de gens du milieu culturel après une réunion et leur a dit: «Vous vous êtes tiré dans le pied. Vous parlez maintenant du nombre d'emplois que vous créez, de l'argent que vous contribuez à l'économie, et de choses de ce genre.» Il leur a dit: «Ce sont là des choses que je peux comprendre ayant été vendeur de voitures. Je sais faire un bilan. Dès que vous commencez à parler en ces termes, je n'ai qu'à prendre ma règle de calcul pour décider si votre entreprise marchera.» Auparavant, comme la plupart d'entre eux n'avaient pas de diplôme d'études secondaires, les ministres créditistes pensaient qu'ils devaient s'en remettre aux spécialistes des domaines culturels.

Nous devons accepter une bonne part du blâme pour cet état de chose. Nous avons cessé de dire que la culture était une valeur en soi.

• 2050

J'ai remarqué une certaine évolution. On revient de plus en plus à ce message-là. Peut-être ce qu'il faut faire, c'est notamment reconnaître que la culture est une valeur en soi. Bien entendu, elle peut contribuer à certains secteurs de l'économie, et elle peut faire bien d'autres choses. Cela revient finalement à ce qu'on disait au début, c'est notre raison d'être. C'est ce par quoi nous nous définissons, c'est ce qui justifie notre existence.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant M. Steele, suivi de M. Wolfe et de M. Close.

M. Bruce Steele: Je me souviens d'être allé au cabinet du premier ministre en 1969 avec Graham Spry, le dernier de nos grands polémistes, d'avoir laissé sur le bureau de la secrétaire de M. Trudeau un exemplaire de sa dernière brochure, The Need for a National Cultural Policy, et de nous être ensuite retirés en prononçant les politesses d'usage. C'est un moment dont je me souviendrai longtemps, pour diverses raisons que je vous épargne.

J'avais une merveilleuse relation avec la personne que je considérais être mon maître, car je pouvais l'engager dans des dialogues socratiques de ce genre. Nous avions notamment conclu que la culture était affaire de promotion. Par sa culture, une société peut faire sa promotion aux yeux du monde et aux yeux de ses membres. Qu'il s'agisse de promouvoir la croissance, comme dans l'agriculture, ou de promouvoir l'esprit, l'intelligence, les valeurs, les vertus, peu importe, c'était là l'essentiel de la culture. Les entreprises, comme chacun le sait, réservent de 10 p. 100 à 20 p. 100 de leur budget à la promotion. Il y a donc cette idée-là.

La deuxième idée, c'est que les économistes parlent maintenant de la troisième vague, du mariage entre les secteurs public et privé, du fait que l'on en vient enfin à se rendre compte que ni l'un ni l'autre ne peut faire avancer les choses à lui seul. La réponse à la cinquième question, concernant le rôle du gouvernement, est donc qu'il peut au besoin avoir un rôle à jouer, mais que, comme dans le domaine de la fiscalité, ce rôle est dynamique. Il change selon les circonstances.

Ce dont on a besoin en Saskatchewan diffère de ce dont on a besoin dans le Grand Toronto. Il est impossible d'en arriver à des généralités. L'avenir de toute fédération dépend de sa capacité à tenir compte de ces différences, à savoir exactement comment s'adapter aux besoins des différentes régions qui composent ce pays infiniment petit et infiniment grand.

Cela m'amène à la troisième idée. Les règles du jeu ne peuvent jamais être équitables. C'est tout simplement impossible. Nous parlons d'avoir des règles du jeu équitables avec nos voisins au Sud. Si nous n'avions pas d'hiver, avec toutes les dépenses liées à cette saison, si notre population n'était pas le dixième de celle de notre voisin et si elle n'était pas répartie sur un pays qui est deuxième au monde par sa superficie, si nos ports ne gelaient pas pendant six mois de l'année, si ce n'était tous ces facteurs, nous pourrions avoir des règles du jeu équitables et nous pourrions être exactement comme eux. Nous ne le sommes pas cependant.

Il nous arrive de nous tourner vers Reagan ou Thatcher, ou encore vers John Kenneth Galbraith, pour avoir des réponses à ces questions troublantes, mais ce sont toutes des questions dynamiques, en évolution constante, et qui ne seront jamais réglées. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est ce qui fait l'essence de notre fédération. Qu'il s'agisse des rapports entre les Français et les Anglais, ou entre les Premières nations et les Blancs, ou encore avec les nouveaux immigrants venus de je ne sais trop où, la situation évolue constamment. Dans la mesure où nous aurons opté pour une démarche fondée sur la diversité et le dynamisme, nous aurons fait tout ce que nous aurons pu.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Steele.

Monsieur Walton.

M. Jack Walton: J'ai deux ou trois observations à faire.

Tout d'abord, je tiens à répondre à la question de M. Axworthy au sujet de la façon d'obtenir l'appui du grand public et de changer les attitudes et les mentalités, de manière à créer un élan politique en quelque sorte. Le régime politique en place fonctionne de bien des façons, il me semble. Il nous incombe d'élire des visionnaires qui ont ces mêmes valeurs. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que ces valeurs soient celles de toute la population.

• 2055

Comment changer la situation? Comment amener le changement? Eh bien, il ne faut pas oublier que les arts sont tout ce qu'il y a de politique comme entité et qu'il faut, de temps en temps, les aborder sous cet angle. Il n'est pas déraisonnable de s'attendre à ce que le milieu des arts donne suite à beaucoup des recommandations de la CCA, du groupe de travail, notamment celles concernant la nécessité de nous doter d'une politique culturelle et de jouer un rôle actif, d'exercer des pressions, pour faire comprendre la situation aux décideurs. Nous n'avons certainement pas les ressources nécessaires pour faire certaines des choses fondamentales que nous essayons de faire. Il serait très difficile dans ce contexte de nous lancer dans une immense campagne publique. Il faut donc opter pour une démarche stratégique axée sur le caractère politique des arts.

Deuxièmement, en ce qui a trait au commerce international et au marché mondial, il y a une citation du récent rapport du Groupe de consultation sectorielle sur le commerce extérieur qui me vient à l'esprit. Je l'ai relue à quelques reprises et je la trouve très significative. Elle me semble nous donner des pistes de solutions pour nous attaquer à beaucoup de ces questions. Le groupe déclare, en termes simples, que la capacité des industries culturelles à relever le défi de la concurrence des producteurs culturels étrangers dépend de l'esprit créateur et du talent des artistes, des créateurs et des producteurs canadiens. Elle dépend aussi, en partie, des politiques et des programmes gouvernementaux visant à promouvoir la culture canadienne.

Voilà qui résume bien le défi qui se pose à l'échelle aussi bien nationale qu'internationale. Ainsi donc, si l'Orchestre symphonique de Saskatoon passe autant de temps à faire des levées de fonds, c'est que nous n'y sommes pas du tout au Canada quand il s'agit d'appuyer notre culture.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Walton.

Monsieur Close.

M. Patrick Close: Notre industrie a un chiffre d'affaires de 22 milliards de dollars. Nous comptons pour 4 p. 100 du produit intérieur brut du Canada. Notre main-d'oeuvre a grossi deux fois plus vite que la main-d'oeuvre normale depuis 1971. Vous n'écoutez tout simplement pas, monsieur Axworthy. Vos remarques sont un affront. J'estime que nous avons eu des visionnaires dans notre milieu—cela ne fait aucun doute. Il me semble que vous leur rendez un très mauvais service par les propos que vous avez tenus devant le comité. S'il y a un manque de vision, je trouve que c'est le fait de nos parlementaires, monsieur.

Il y a certains parlementaires qui ont reconnu le travail que nous faisons. Je songe notamment à Gérard Pelletier. Nous demeurons un milieu démocratique et décentralisé, et ce, malgré les tentatives du gouvernement fédéral de détruire tout cela, de contribuer à l'ériger pour ensuite le démanteler. Je constate avec amertume que ce que nous avons accompli, nous l'avons accompli, non pas avec le gouvernement fédéral, mais malgré lui dans une large mesure. Si nous sommes invisibles, c'est parce que nous n'avons pas de politique culturelle.

En Saskatchewan, le secteur minier est moins important que le secteur culturel. Nous avons pourtant un ministre responsable des mines. Les mines sont représentées à la table. Elles sont représentées à la table de la main-d'oeuvre, à la table économique, à toutes les tables budgétaires. Leur présence à ces tables est la reconnaissance de leur importance économique dans nos vies.

La culture—plus grande, plus forte, plus souple, plus adaptable, avec des taux de croissance plus élevés, une part plus importante du PIB—est invisible. Pourquoi? Le point de départ serait à mon sens une politique culturelle fédérale. Il faut commencer quelque part. Depuis des années, nous présentons des rapports à vos comités. Nous vous présentons année après année notre vision et nos rêves, tout comme quantité d'autres organisations et minorités du Canada tout entier. La valeur d'une démocratie se mesure à la façon dont elle traite ses minorités. Sur ce plan, nous arrivons à un constat d'échec, échec auprès des Autochtones, échec auprès des industries culturelles. Il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi. Nous pouvons renverser la vapeur. C'est pourquoi nous sommes ici ce soir. Nous sommes ici pour vous dire qu'il faut cesser de tergiverser et passer à l'action.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Close.

Monsieur Pankiw.

• 2100

M. Jim Pankiw: Il est intéressant de constater que les propos de M. Axworthy soient ainsi devenus le centre de la discussion à la fin de notre réunion, car ce que j'ai à dire s'inscrit dans le même ordre d'idées. Je respecte l'opinion de M. Close, mais comme mes propos seront assez critiques, je tiens à dire qu'ils ne visent absolument personne en particulier.

Ce n'est pas que je n'apprécie pas la contribution ou le travail de bien des personnes qui sont à la table et dans l'auditoire, ou encore certaines des suggestions qui ont été faites, comme celles du directeur général de l'Orchestre symphonique de Saskatchewan qui souhaite une amélioration aux déductions pour don de charité. Les membres du milieu culturel se trouvent toutefois réunis ici à l'hôtel Bessborough pour demander de l'argent des contribuables, pour obtenir du gouvernement un financement stable à long terme à même l'argent des contribuables, mais où sont ces contribuables? Où sont les familles qui ont du mal à joindre les deux bouts à cause de la lourdeur du fardeau fiscal qui leur prend chaque jour une part importante de leur chèque de paye? Où sont les patients qui ont besoin d'une opération et qui sont sur les listes d'attente de l'hôpital qui se trouve à quelques minutes à pied d'ici? Où sont ces gens dans ces discussions sur le rôle que le gouvernement devrait jouer à l'égard de la culture canadienne? Il me semble que c'est là une question sur laquelle le comité devrait se pencher très sérieusement.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Pankiw.

Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Bon, j'ai gardé le silence jusqu'à maintenant, mais permettez-moi de discourir pendant quelques minutes.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Le temps presse. Je vais donc surveiller l'horloge. Nous avions prévu une séance de deux heures.

[Français]

M. Mauril Bélanger: Premièrement, permettez-moi de faire un commentaire, monsieur Close. Je ne le fais pas de façon méchante. Vous avez été le premier ce soir à utiliser une expression... Je m'excuse auprès de mes collègues qui ont déjà entendu ma rengaine et auprès de M. Sauvageau en particulier.

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Benoît Sauvageau: ...

M. Mauril Bélanger: D'accord. Je le reconnais.

M. Benoît Sauvageau: Merci.

M. Mauril Bélanger: Monsieur Close, vous avez utilisé une expression qui fausse la réalité canadienne. Vous avez parlé du Canada anglais et du Québec. Cela fausse la réalité en ce sens qu'il y a un certain nombre de Canadiens français qui sont natifs de provinces autres que le Québec. Pour ma part, je suis natif de l'Ontario. Je suis député au Parlement canadien et je représente un comté où il y a 40 p. 100 de francophones. Il y a 700 000 francophones en Ontario. Il y en a en Saskatchewan, qu'on a vus ce matin, et ainsi de suite. Il y a même une province qui est officiellement bilingue, et ce n'est pas le Québec. C'est le Nouveau-Brunswick. Dans cette vision du Québec et du Canada anglais, le communauté canadienne-française ne se retrouve pas et la communauté anglophone du Québec se sent négligée.

C'est tout ce que je veux dire à ce sujet. Il faut être conscient de cela, parce que cela fait partie de notre réalité canadienne.

[Traduction]

Nous avons évité jusqu'à maintenant de tomber dans des discours partisans, et j'ai tenté autant que possible d'éviter cette tentation, mais certains des commentaires que je viens d'entendre appellent une réponse.

Toute nation, toute société, se doit de respecter, de mettre en valeur et d'appuyer, et parfois aussi de protéger, ses manifestations culturelles—artistiques, historiques ou autres—et, qu'on le veuille ou non, cela suppose la dépense de deniers publics. Il est extrêmement injuste de confronter ce secteur de l'activité humaine à d'autres priorités pour justifier de ne pas y affecter de ressources prises à même le trésor public.

On parle de création d'emplois et d'autres choses semblables, mais il ne faut pas oublier le rôle de l'art, pas l'art pour l'art, mais l'art pour le bien de notre âme collective. Il est ici question de l'art dans son expression la plus générale, si bien que le fait qu'il soit confronté à d'autres priorités m'irrite au plus haut point, et j'ose espérer que nous éviterons de faire de ces comparaisons à l'avenir, parce que nous avons évité de les faire au cours des deux dernières années, et j'espère que nous n'allons pas commencer à le faire maintenant. Première chose.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

• 2105

M. Mauril Bélanger: Monsieur Shepard, quand vous irez la prochaine fois à Prince Albert, je vous encourage à aller visiter la maison de M. Diefenbaker. J'ai rencontré cet homme à Charlottetown dans les années 70. Il avait sur un mur chez lui une photo qui est à la base de la compréhension que j'ai de l'histoire de notre pays. Sur cette photo, on voyait John Diefenbaker et Gabriel Dumont. Diefenbaker était enfant à l'époque; je suppose qu'il avait environ huit ans. Cette photo m'a fait comprendre à quel point notre pays est jeune. Le fait que Gabriel Dumont—Dumont, pour moi, c'est l'histoire; enfin, on m'a parlé de lui et de Louis Riel à l'école—avait rencontré l'homme que j'avais moi-même rencontré, John Diefenbaker... En tout cas, notre pays est très jeune.

Je ne suis pas non plus d'accord avec certaines de vos observations selon lesquelles nous n'avons pas de culture. Je ne vais pas tomber dans le piège Peter Ustinov, soit. La culture canadienne est en évolution, et je tiens à relier cela à certaines remarques de M. Boyko concernant les caractéristiques démographiques et la pile d'études qui fait quatre ou cinq pieds.

Au moins, on en parle. C'est mieux que de ne pas en parler du tout, car il y a d'autres secteurs de l'activité humaine au Canada qui sont presque complètement négligés. Dans ce secteur, nos pensées, nos discussions et nos discours ne se traduisent peut-être pas de façon aussi complète que nous le voudrions, mais le moment ne va peut-être pas tarder.

Le comité a notamment examiné les caractéristiques démographiques de notre pays. Nous avons invité les démographes, si c'est bien comme cela qu'on les appelle, à nous faire part de leurs idées. Ils nous ont dit que le moment ne devrait pas tarder dans le cas de beaucoup des formes d'expression artistique et culturelle que nous avons. Notre population vieillissante consommera davantage de ces produits et contribuera à en accroître l'importance par les pressions qu'elle exercera sur le plan politique oui, bien sûr, mais aussi sur le plan commercial. Ne désespérez pas. Vous avez peut-être entendu des affirmations semblables, j'en conviens.

Il me semble que d'ici dix ans—il ne s'agit pas du mois prochain, mais d'un certain nombre d'années—nous devrions assister, grâce à l'assainissement des finances, à un virage important dans le sens que vous souhaitez. J'ose espérer que les consultations que nous menons ici, et que nos collègues mènent à Moncton ou à Halifax ce soir, nous amèneront dans cette direction. Ne relâchez pas vos efforts.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Il y a quelqu'un dans l'auditoire qui a été très patient. Je sais que nous avons dépassé nos deux heures. Nous n'avons malheureusement plus de temps, mais je tiens à ce que vous nous fassiez part de vos observations. Je vous donne la parole pour que vos observations puissent être consignées au compte rendu. Je vous demanderais toutefois d'être brève.

[Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Ann Kipling Brown (témoignage à titre personnel): ...pour vous si vous le voulez, mais je ne le ferai pas. Je pourrais le faire très brièvement et c'est ce que je ferai.

Je représente l'organisation cadre Saskculture—bien des gens la connaissent—et je voudrais, à ce titre, faire quelques remarques. La première concerne l'initiative de la CCA en vue de l'élaboration d'une politique culturelle fédérale. Je tiens à féliciter la CCA pour cette initiative. Je voudrais que le gouvernement souscrive à cette politique culturelle—pas qu'il la rédige, mais qu'il y souscrive et qu'il la fasse sienne.

Nous avons une politique culturelle à Saskculture, et nous encourageons le gouvernement de la Saskatchewan à se doter aussi d'une politique culturelle pour qu'il puisse s'attaquer à certains règlements et à certaines injustices qui existent. La CCA a donc élaboré un modèle de politique culturelle qui peut servir de référence. J'ai toutefois une réserve. Je trouve que les termes «arts» et «culture» ne sont pas clairs et qu'ils semblent interchangeables. Je voudrais qu'on précise davantage dans cette politique ce qu'il faut entendre par «arts» et par «culture». Les deux termes sont parfois utilisés mais de façon interchangeable.

J'aimerais répondre à la question de mon collègue, à savoir si les fonds consacrés à la culture sont justifiés. Je crois que oui, puisque les gens qui souffrent de problèmes de santé, etc., sont justement ceux qui apprécient, qui mettent en valeur et qui encouragent la culture en Saskatchewan—et je ne parle que de ma province. On ne peut pas mettre des gens dans des catégories. Tout le monde participe à la culture d'une façon ou d'une autre.

• 2110

Je conseillerais donc vivement à mon collègue de réfléchir au fait que nous sommes tous touchés par la culture, par la santé, et que tout le monde devrait être à la table avec le gouvernement pour écouter ce qui se passe. L'un n'exclut pas l'autre. Les deux domaines sont importants.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Je regrette de dire que notre temps est écoulé. Je suis heureuse que nous ayons entamé ce dialogue, car je crois que c'est bien le début, et non la fin, du dialogue. Le comité est venu ici pour écouter, pour apprendre, pour constater les lacunes. Je vous encourage à continuer à communiquer avec le comité. Si certaines questions soulevées vers la fin de la soirée n'ont pas été abordées, je vous invite à nous soumettre un texte par écrit. Le comité est là pour vous. Vous n'avez pas besoin d'attendre les audiences publiques. Je me ferai un plaisir de rester si vous avez d'autres commentaires à faire qui ne seront pas transcrits.

Au nom de mes collègues de la Saskatchewan, et de tous les membres du comité et du personnel, j'aimerais vous remercier tous d'avoir pris le temps, malgré vos nombreux autres engagements et votre vie professionnelle et privée, d'être venus ici pour communiquer vos préoccupations et vos priorités au comité. On a pris bonne note de beaucoup de commentaires.

Je le répète, il s'agit ici d'un début de partenariat, d'un travail en commun qui vise à élaborer une politique culturelle. Ce n'est pas la fin du processus. Je vous conseille de continuer à communiquer non seulement avec le gouvernement fédéral mais aussi avec d'autres paliers de gouvernement, afin que nous puissions travailler ensemble en partenariat.

Merci beaucoup.

La séance est levée.