Passer au contenu
Début du contenu

CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 février 1999

• 0908

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour mesdames et messieurs. Je déclare ouverte cette séance du sous-comité du Comité permanent du patrimoine canadien.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité permanent procède à une série de tables rondes sur l'évolution du rôle que joue le gouvernement fédéral pour appuyer la culture canadienne, dans un contexte national et international en constante évolution.

[Français]

Je souhaite la bienvenue à nos invités et je les remercie. C'est pour nous un honneur de nous retrouver parmi vous aujourd'hui.

[Traduction]

Habituellement, nous écoutons les témoins présenter leurs exposés. Mais cette fois-ci, nous avons décidé de réunir les membres du comité et les orateurs invités en une table ronde, dans l'espoir de susciter un échange plus fructueux.

Comme vous le savez, notre comité entreprend actuellement une étude sur les défis suscités à l'aube du prochain siècle par la mondialisation du commerce et de l'économie, les technologies nouvelles, Internet et d'autres facteurs qui auront un impact sur notre culture et sur nos instruments culturels, sans compter tous les changements démographiques qui transformeront le Canada actuel en une société tout à fait différente au XXIe siècle.

Le comité qui nous a précédés avait commencé cette étude avant les dernières élections et le nôtre a heureusement décidé de poursuivre ce travail.

• 0910

Nous désirons examiner d'abord les mesures de soutien déjà mises en place par le gouvernement fédéral et nous demander comment ces appuis nous permettront de faire face aux défis du prochain millénaire (par exemple la réglementation sur la propriété et le contenu culturel, les subventions aux institutions fédérales ou les incitatifs fiscaux). Ce sont ces enjeux qui nous intéressent.

[Français]

Comme je le disais, les trois principaux défis qui nous confrontent en ce qui concerne les besoins de notre étude sont l'arrivée des nouvelles technologies, l'évolution de l'économie mondiale et du commerce international et, enfin, l'évolution démographique de notre pays.

Dans un premier temps, les membres du comité ont cherché à bien se renseigner. Il y a un an, nous avons tenu un forum parlementaire sur la politique culturelle, le commerce international et la technologie au cours du prochain millénaire. À cette occasion, nous avons organisé des tables rondes sur divers secteurs: les arts, le patrimoine, l'industrie de l'édition, le cinéma et la vidéo, ainsi que la radiodiffusion et l'enregistrement sonore. Ce forum a donné de très bons résultats. Il a permis de dégager quelques grands thèmes que nous aurons, je l'espère, la possibilité d'examiner aujourd'hui avec nous.

[Traduction]

Nous avons entendu des représentants des institutions culturelles fédérales ainsi que des hauts fonctionnaires de divers ministères. Nous avons reçu des mémoires d'experts sur l'évolution de la technologie, sur le commerce international et sur les données démographiques. Au cours de cette dernière phase, nous espérons, grâce à ces tables rondes, étudier certains sujets précis sur lesquels nous entendrons vos contributions, vous qui êtes aux premières lignes de la pratique culturelle. Nous voulons savoir comment vous faites pour survivre dans le milieu culturel et comment vous ferez face aux défis du prochain siècle. Dans un cadre comme celui-ci, avec si peu de temps, il est bien entendu impossible de couvrir beaucoup de terrain, mais nous souhaitons avancer le plus possible.

Au verso de vos programmes, vous trouverez cinq questions dont nous aimerions que vous parliez. Certains parmi vous voudront peut-être n'en aborder qu'un seul ou quelques-uns d'entre eux. Vos vues nous intéressent. À la fin de la semaine, nous aimerions que vous ayez répondu à quelques questions, comme: quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer à l'avenir pour appuyer les industries du secteur culturel? Devrait-il, par exemple, jouer les rôles de législateur, d'instance de réglementation, de propriétaire et d'exploitant d'institutions nationales, de partenaire de financement, de mécène pour les arts, de promoteur d'entreprise ou un ensemble de ces rôles?

[Français]

Naturellement, les deux langues sont de mise. Vous pouvez employer celle que vous préférez. Nous n'attendons pas de discours, mais plutôt des interventions brèves afin que l'échange d'opinions se déroule rondement.

[Traduction]

Pour démarrer, je demanderais à chacun d'entre vous de se présenter en faisant un tour de table dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Nous ne demandons pas une biographie complète. Vous pourriez simplement nous dire votre mon et ce que vous faites en ce moment dans les industries des arts et de la culture. Après les présentations, nous serons heureux d'entendre ce que chacun de vous a à dire. Je me chargerai d'accorder la parole aux divers intervenants. Comme nous avons un service d'interprétation, je vous demanderais de ne parler qu'un seul à la fois. Je souligne qu'il y a des microphones à l'arrière et nous encourageons le public à faire également des commentaires. Il vous suffira de lever la main pour que je vous accorde la parole. Nous vous demandons de limiter vos observations ou déclarations à deux ou trois minutes tout au plus. Même si nous revenons à vous à quatre ou cinq reprises, nous aimerions vraiment susciter un échange en table ronde et ne pas nous limiter à des déclarations.

Sans autre préambule, nous allons commencer par M. Bélanger.

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Bonjour. Je m'appelle Mauril Bélanger et je suis député de la circonscription d'Ottawa—Vanier, dans la Capitale nationale, et secrétaire parlementaire de Mme Copps. Je participe à cette étude depuis le tout début.

J'espère que les gens qui sont dans l'auditoire et qui voudront intervenir se sentiront à l'aise de parler dans une ou l'autre des langues officielles du pays.

[Traduction]

Je vous remercie tous d'être venus et de nous aider dans notre tâche assez informe parfois, mais très importante pour notre pays. Je vous remercie.

M. David Carr (directeur, University of Manitoba Press; Association of Manitoba Book Publishers): Je représente l'Association of Manitoba Book Publishers. Je travaille pour l'University of Manitoba Press.

Le Manitoba compte 12 éditeurs de livres qui publient environ 80 livres par année, en anglais et en français. Notre industrie culturelle génère des revenus de 4 millions de dollars. Nous recevons l'appui des gouvernements tant fédéral que provincial et nous aidons à créer environ 75 emplois à temps plein au Manitoba.

• 0915

Mme Pat Sanders (agent de la rédaction et de la publication et agent des communications, Conseil des arts du Manitoba): Je m'appelle Pat Sanders. Je suis agent de la rédaction et de la publication de même qu'agent des communications au Conseil des arts du Manitoba. J'ai des antécédents dans les domaines de la rédaction et de l'édition dans l'industrie de l'édition de livres au Manitoba.

Mme Cherry Karpyschin (directrice générale, Prairie Theater Exchange): Je suis Cherry Karpyschin, directrice générale du Prairie Theater Exchange. Nous sommes une compagnie théâtrale professionnelle de Winnipeg qui produit des spectacles destinés aux adultes et aux enfants. Nous présentons des pièces sur scène et effectuons des tournées dans la province et parfois à travers le pays. Nous avons aussi une école de théâtre fréquentée par un peu moins de 500 étudiants.

M. Allen MacInnis (directeur adjoint, Prairie Theater Exchange): Je suis Allen MacInnis, directeur adjoint du Prairie Theater Exchange ici à Winnipeg. Je fais partie de cette vibrante communauté artistique depuis cinq ans, mais j'ai aussi 20 ans d'expérience comme pigiste en tant que metteur en scène par tout le Canada.

Mme Marilyn Stothers (vice-présidente, région de l'Amérique du Nord, Conseil mondial de l'artisanat): Je suis Marilyn Stothers. Je suis vice-présidente pour l'Amérique du Nord du Conseil mondial de l'Artisanat. En cette qualité, je représente le Conseil canadien des métiers d'art, connu maintenant sous le nom de Fédération canadienne des métiers d'art. Je remplis tous ces rôles à titre bénévole. Je suis brodeuse en matelassage d'art. C'est ma profession.

M. Bruce Leslie (directeur des communications, CANWEST Global): Bonjour. Je suis Bruce Leslie, directeur des communications de la CANWEST Global Communication Corporation dont le siège social est à Winnipeg. Nous participons à cette table ronde principalement en tant que propriétaire du Global Television Network par tout le Canada. Nous sommes aussi propriétaires de réseaux de télévision que nous exploitons en Irlande, au Royaume- Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande de même que de chaînes spécialisées au Canada comme Prime Television.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Bon matin, tout le monde. Je m'appelle Benoît Sauvageau et je suis député du Bloc québécois. Je représente la circonscription de Repentigny, en banlieue de Montréal. Ça me fait très plaisir de vous voir tous et toutes ici, ainsi que les gens du public qui sont en arrière. Comme Mauril, je vous invite tous et toutes à poser des questions. Profitez-en, car on ne vient pas vous visiter souvent. Donc, c'est le temps ou jamais.

À titre de porte-parole de mon parti en matière de Commerce international, je m'intéresse plus spécifiquement à l'aspect de la culture en rapport avec les accords internationaux, mais je souhaite savoir ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas présentement et ce qui est perfectible. On se doit de le savoir. J'ai bien hâte de participer à la discussion. Merci.

[Traduction]

Mme Trudy Schroeder (coordonnatrice des arts, Arts and Heritage Solution): Bonjour. Je suis Trudy Schroeder. Je suis une consultante en arts basée ici à Winnipeg. J'ai participé activement à l'élaboration de politiques culturelles pour des municipalités et de politiques culturelles aux niveaux fédéral et provincial. J'ai aussi travaillé à un large éventail de projets pour le développement local des arts.

M. Bob Sochasky (directeur, finances et administration, Royal Winnipeg Ballet du Canada): Je m'appelle Bob Sochasky. Je suis le directeur des finances du Royal Winnipeg Ballet, la plus ancienne troupe de ballet du Canada. Au fil des ans, nous avons établi un partenariat avec le gouvernement fédéral afin de nous produire outremer dans différents pays. Je suis ici pour aider à élaborer, je l'espère, une politique culturelle dont nous pouvons tous être fiers, que nous pouvons tous appuyer largement et qui pourrait être plus durable que les budgets.

M. Stephen Schipper (directeur artistique, Manitoba Theatre Centre): Bonjour. Je suis Stephen Schipper, le directeur artistique du Manitoba Theatre Centre, le plus ancien théâtre régional anglophone du Canada. À l'heure actuelle, nous avons le plus large auditoire des arts de la scène au Manitoba avec plus de 200 000 entrées annuellement. Notre théâtre est ouvert 300 jours par année. Nous offrons un abonnement à une série de six pièces au théâtre de même qu'à une série de quatre pièces à l'entrepôt. Nous organisons une tournée en province, nous nous occupons d'un programme de théâtre destiné aux jeunes artistes et du Winnipeg Fringe Festival.

M. Zaz Bajon (directeur général, Manitoba Theatre Centre): Mon nom est Zaz Bajon et je suis directeur général du Manitoba Theatre Centre.

M. Bruce Duggan (président, Manitoba Cultural Coalition): Je m'appelle Bruce Duggan. Je suis le président de la Manitoba Cultural Coalition. J'ai aussi un vrai emploi puisque je suis directeur administratif de la Plug-in Gallery. La coalition regroupe environ 105 organismes au Manitoba. On y retrouve de grandes et petites associations, des associations urbaines, des associations rurales représentant tous les secteurs et tous les groupes ethniques. Presque toutes les villes de la province y sont représentées. J'aimerais, au nom de la province, vous souhaiter la bienvenue à Winnipeg, le centre culturel du Canada.

Mme Shelley Sweeney (présidente, National Association of Canadian Archivists): Je m'appelle Shelley Sweeney et je suis présidente de la National Association of Canadian Archivists, laquelle regroupe 700 membres au Canada. Dans le Canada anglophone, nous représentons également près de 3 000 archivistes ainsi que tous ceux qui s'intéressent aux archives. Notre association représente non seulement les archivistes professionnels, mais aussi ceux qui s'intéressent aux archives: les généalogistes, les historiens locaux, les historiens, divers genres de journalistes, les chercheurs, etc. Je suis archiviste professionnelle à l'Université du Manitoba.

• 0920

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Je m'appelle Judy Wasylycia-Leis et je suis députée néo-démocrate de Winnipeg-Centre-Nord. Je crois que je vais appuyer les propos de Bruce Duggan et vous souhaiter à tous la bienvenue au coeur de la culture du Canada.

Je remplace Wendy Lill, notre porte-parole NPD en matière de culture. Je suis très heureuse de me trouver ici et de revoir tant de visages que je connaissais il y a 12 ou 13 ans, alors que j'étais ministre provinciale de la culture. Les questions que je veux poser aujourd'hui portent sur les changements ou les progrès réalisés depuis 12 ans, alors que nous nous trouvions confrontés à l'entente de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et que nous cherchions des façons d'élaborer une politique culturelle pour le Canada. Je vais également demander si des progrès ont été accomplis en ce qui concerne l'ébauche 1993 de la politique culturelle de la Conférence canadienne des arts.

Je suis très intéressée à participer au débat et à faire part de vos observations à Wendy Lill et à notre caucus.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bienvenue.

Mme Alexa Saborowski (administratrice, production de films, Manitoba Film & Sound): Je m'appelle Alexa Saborowski et je suis administratrice, production de films, pour Manitoba Film & Sound. Je remplace Carole Vivier, notre PDG, qui est actuellement en déplacement.

Nous sommes une agence provinciale de financement du cinéma. Nous appuyons également l'enregistrement sonore et finançons aussi le développement et la production tout en jouant le rôle de bureau du cinéma de la province.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci. Bienvenue. Maintenant que nous savons qui nous sommes...

Oui, monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Pour que nous ne nous fassions pas jouer le même tour qu'hier, j'aimerais qu'un représentant des Franco-Manitobains viennent s'installer à la table. Je remarque qu'ils sont absents. Je ne sais pas s'il y en a dans la salle.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Ils ont été invités...

Qui souhaite commencer? Madame Sweeney.

Mme Shelley Sweeney: Ce qui nous préoccupe beaucoup, et je tiens à en faire part au comité, c'est la perte de documents électroniques. De plus en plus d'organisations gouvernementales et culturelles créent des documents sous une forme très fragile et à l'heure actuelle, en raison de la perte de l'information causée par les technologies obsolètes—les ordinateurs, les formats, les programmes ne cessent de changer—ce qui nous inquiète beaucoup, c'est que l'on s'attend à ce que nos membres non seulement travaillent avec ces technologies fugaces et ces documents éphémères, mais aussi à ce qu'ils soient à l'avant-garde dans ce domaine. Ce qui nous inquiète beaucoup, c'est que le patrimoine national du Canada est arrivé à un point critique, puisque l'on risque d'en perdre une grande partie, étant donné que nous ne pouvons capter ces documents. C'est donc un point très critique pour nous.

Pour ce qui est de l'évolution démographique, je dirais que beaucoup de gens prennent leur retraite et la généalogie devient une activité de loisirs fort importante. Nous voulons faire en sorte d'appuyer cette activité, car je crois que c'est quelque chose que les Canadiens, en général, apprécient.

Pour terminer, je dirais que la mondialisation a des répercussions tangibles sur le Canada, comme en témoigne le projet de loi C-54 qui vise à réglementer la transmission des données d'information électronique sur les particuliers outre-frontières et dans d'autres pays. Cela a un effet important non seulement sur les documents du gouvernement, mais aussi sur ceux des particuliers. Nous tenons beaucoup à assurer la protection des renseignements personnels et à permettre au public canadien d'y avoir accès.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, madame Sweeney.

Le projet de loi C-54 vise le commerce électronique et la protection des renseignements personnels. Si cela vous inquiète, je peux vous dire que nous allons rencontrer le comité de l'industrie si bien que vous pourrez peut-être y présenter un mémoire.

Mme Shelley Sweeney: Nous venons de présenter un mémoire il y a quelques jours à peine.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien, merci.

M. Bruce Duggan: J'aimerais soulever un point général et par la suite quelques points particuliers.

• 0925

De manière générale, j'aimerais reprendre les propos de Bob. Nous avons tenu quelques séances préliminaires au sein de la collectivité et il est ressorti très clairement—entre autres—que les organismes manitobains voués aux arts sont d'avis que le gouvernement fédéral devrait avoir une politique culturelle fédérale. J'ai remarqué avec un peu d'inquiétude que d'après vos remarques liminaires, cela ne fait pas partie de l'ordre du jour; j'espère simplement qu'il s'agit d'un oubli, étant donné que vous cherchez à aborder toutes les questions en l'espace de deux heures.

Ce que je voudrais dire, c'est que le gouvernement fédéral a toutes sortes de programmes fédéraux, lesquels sont assortis de politiques; il devrait toutefois élaborer une politique culturelle fédérale globale, fixer des objectifs, en préciser la raison d'être et prévoir un mécanisme pour en évaluer le succès ou l'échec.

Une politique culturelle fédérale devrait être plus qu'une politique pour le ministère de Patrimoine canadien, vu que la politique culturelle fédérale n'est pas promulguée par l'entremise d'un seul ministère. La politique culturelle doit s'appuyer sur certaines bases et ne pas être simplement un amalgame de ce que nous faisons actuellement, mais expliquer pourquoi, en tant que pays, le gouvernement fédéral devrait prendre telle ou telle mesure. Il faut l'élaborer et l'évaluer.

Dans les années 70 ou 80, Bernard Ostry a peut-être écrit le premier ouvrage demandant une politique culturelle fédérale au Canada. C'est toujours un très bon document qu'il vaut la peine de relire. Je suis membre du conseil d'administration du CAC, lequel, en 1993 et encore cette année, a demandé l'élaboration d'une politique culturelle. Je crois qu'il en a fait une ébauche assez détaillée.

Il me semble qu'en tant que comité, vous vous lancez dans un débat très intéressant qui permettra de savoir si le gouvernement fédéral devrait avoir une telle politique ou non, et quelle devrait en être la nature, le cas échéant.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Voulez-vous intervenir à ce sujet, monsieur Leslie?

M. Bruce Leslie: J'aimerais présenter mes excuses à l'avance, étant donné que je vais devoir partir avant la fin du débat pour prendre l'avion. Je vais probablement dans le même sens que vous.

Vous avez commencé la discussion en parlant du rôle du gouvernement fédéral. Cela va peut-être être un choc pour certains qui connaissent CANWEST Global, mais le fait est que nous ne sommes pas opposés à la présence du gouvernement fédéral dans la politique culturelle, certainement pas lorsqu'il joue le rôle de législateur ou de régulateur. D'après nous, c'est véritablement un rôle qui doit revenir au gouvernement fédéral.

Vous avez indiqué toutefois que vous vous demandez si le gouvernement fédéral peut jouer le rôle de vérificateur. Nous avons certainement quelques idées qui s'opposent à cela et nous participerons probablement au débat à ce sujet un peu plus tard.

Je voulais revenir brièvement sur quelques-unes des questions que vous posez dans votre mémoire. Tout d'abord, le changement technologique va certainement avoir d'importantes répercussions sur notre industrie dans le très proche avenir. Comme nous le savons tous, le CRTC examine les nouveaux médias, se demande s'il doit jouer le rôle de régulateur, comment il va s'occuper de la réglementation ou s'il peut même assurer une telle réglementation.

D'après nous, cela va considérablement modifier notre industrie, qu'il s'agisse de diffusion sur le Web ou de particuliers diffusant ce qui est maintenant disponible sur nos ondes par l'Internet ou par d'autres moyens. Les répercussions vont être importantes pour notre industrie, nos publicitaires et nous devons nous demander comment cela va nous toucher et comment nous allons réussir à ne pas étouffer le contenu canadien qui se trouve maintenant sur l'Internet ou qui pourrait s'y trouver. Comme tout le monde le sait, c'est l'industrie la plus évolutive que nous ayons vue depuis longtemps et il va falloir être très prudent.

Nous voulons encourager ce comité, le CRTC et d'autres intervenants à penser à tout ceci, lorsqu'ils seront amenés à décider si le gouvernement doit jouer un rôle de régulateur de l'Internet ou des nouveaux médias.

En ce qui concerne la première question de votre mémoire, j'aimerais faire quelques remarques rapides. Pour ce qui est des mesures fédérales de soutien culturel actuelles, là encore, contrairement à certains articles des médias au sujet de notre société, nous ne sommes pas opposés aux règlements relatifs au contenu canadien. En fait, nous croyons qu'ils ont été très précieux et qu'ils ont permis à des producteurs de démarrer au Canada. Ce que nous aimerions, c'est une gestion fine à ce sujet, de manière que nous puissions utiliser les moyens de promotion qui sont à notre disposition pour faciliter la promotion de la production canadienne dans tout le pays et attirer des spectateurs grâce à des émissions de qualité, dont on pourrait assurer la promotion correctement ainsi que leur survie à long terme. C'est l'une des choses que nous avons demandées au CRTC et nous allons continuer de le faire.

Nous aimerions également une augmentation du soutien public, du financement public, si vous voulez, pour la production canadienne. La création d'émissions de télévision à succès est l'une des choses les plus difficiles et les plus coûteuses du point de vue des investisseurs. À notre avis, il s'agit surtout d'un projet de recherche et de développement et nous aimerions que cela soit considéré de la même façon que dans les autres industries.

• 0930

Il y a probablement une chance sur dix, au mieux, qu'une émission pilote devienne éventuellement une émission à succès. Nous aimerions que soit créé un système ou un mécanisme de financement, qu'il s'agisse d'incitatifs fiscaux ou d'autres choses, pour aider ces productions indépendantes à produire une émission pilote, à la présenter à un radiodiffuseur comme Global, CTV ou la SRC. Si nous avions un système où les émissions pilotes étaient considérées comme de la R et D, où des producteurs indépendants du Manitoba ou d'ailleurs dans le pays pouvaient avoir accès à des fonds d'investisseurs, avec l'aide d'institutions culturelles ou des assemblées législatives, cela serait à l'avantage de la collectivité et nous aiderait, au bout du compte, à assurer le contenu canadien de nos émissions.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

M. Zaz Bajon: J'aimerais faire quelques observations.

J'aimerais remercier le gouvernement fédéral des 25 millions de dollars—125 millions de dollars étalés sur cinq ans—versés au Conseil des arts du Canada. C'est à mon avis un bon investissement qui devrait se poursuivre. Je tiens à préciser que le Manitoba Theatre Centre ne bénéficie pas d'une partie de ces 25 millions de dollars, mais que nous approuvons une telle subvention et espérons que le gouvernement fédéral va la maintenir.

Nous sommes également en faveur des crédits pour gains en capital—prévus par Paul Martin—accordés aux gens qui font des dons à des organismes à but non lucratif, non seulement les organismes voués aux arts, mais toutes sortes d'autres organismes à but non lucratif. Nous tenons à ce que le gouvernement et le secteur privé participent au processus de manière que les planificateurs financiers en aient parfaitement conscience. Lorsqu'ils rencontrent des particuliers pour des questions de succession, d'assurance et autres choses, ils pourraient peut-être leur dire qu'ils peuvent en tirer parti pour eux-mêmes et pour leur collectivité. Je pense qu'il est non seulement très important d'en disposer—et j'espère que cela sera maintenu même après la période d'essai—mais il faudrait aussi que la collectivité soit au courant.

Ce que nous attendons d'une initiative culturelle, c'est le rétablissement du programme de subventions. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup d'installations dans tout le pays, notamment à Winnipeg, ne sont pas rénovées—et leur équipement n'est pas remplacé—à moins qu'elles n'appartiennent à la province, à la ville ou au gouvernement fédéral. Le problème, c'est que nous affectons tous nos fonds à la programmation et qu'il est très difficile d'assurer la programmation tout en essayant de moderniser l'équipement.

Le gouvernement fédéral avait autrefois un programme d'initiative culturelle prévoyant des capitaux; c'était un très bon programme, car il obligeait la province et la municipalité à y participer. Le gouvernement était alors le chef de file. Aujourd'hui ce n'est plus le cas; il est devenu un suiveur ou ne se manifeste absolument pas dans beaucoup de domaines, surtout lorsqu'il s'agit de capitaux. Vous savez, les fonds semblent tout simplement ne pas exister. C'est une question sur laquelle nous aimerions que ce comité se penche, pour que nos installations et l'équipement que nous avons puissent être modernisés régulièrement afin que nous puissions continuer à produire nos spectacles.

Un autre point me semble important pour le gouvernement fédéral; comme je l'ai dit plus tôt, il doit devenir un chef de file dans le domaine artistique. La politique culturelle dont a fait mention Bruce indiquerait la voie à suive non seulement en matière de culture, mais aussi à tous les ministères du gouvernement qui auraient ainsi la même orientation. Elle servirait également de modèle aux autres paliers de gouvernement auxquels nous devons nous adresser pour obtenir un financement et poursuivre notre programmation.

J'aimerais également que le gouvernement fédéral se rende compte que certaines des régions plus petites du pays ont probablement besoin de plus d'aide que les grands centres, qui regroupent beaucoup plus de sièges sociaux, où il est plus facile...pas nécessairement plus facile, puisque la concurrence est plus forte, mais où au moins, il est possible d'avoir accès à certains de ces fonds.

J'aimerais également que le gouvernement fédéral ne se concentre pas uniquement sur ce que j'appelle les industries séduisantes. Nous avons parlé des nouveaux médias, de l'électronique et d'autres industries, mais l'autre domaine, qui n'est pas aussi séduisant, qui n'est pas électronique, est vivant, puisque c'est là que se réunissent les gens pour se raconter, etc. Il est étonnant qu'à notre époque dominée par l'électronique, il soit toujours possible qu'un acteur parle en direct aux spectateurs et que, en quelque sorte, une transformation se produise et que l'on se raconte. Les spectateurs croient que l'acteur n'est pas un acteur, mais une personne jouant un rôle. Nous n'avons pas besoin de tous ces gadgets électroniques pour que cela fonctionne. Il est toujours important que les gens se rassemblent dans une salle, au lieu de s'asseoir à leur ordinateur et de se brancher sur l'Internet pour communiquer par des médias électroniques. Nous pouvons communiquer et travailler à distance, mais, même quand on travaille à distance, on a toujours besoin d'avoir des contacts avec d'autres êtres humains. C'est toujours important. J'aimerais que le comité ne l'oublie pas dans ses délibérations.

• 0935

J'aimerais également dire que la culture est l'un des éléments de l'unité de notre pays. Nous le voyons dans tous les pays du monde. La culture est ce qui unit les gens. Il ne faut pas l'oublier.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Madame Schroeder.

Mme Trudy Schroeder: J'ai fait quelques entrevues préliminaires auprès des organismes voués aux arts et des artistes du Manitoba avant votre arrivée. Nous sommes très heureux de vous accueillir ici.

Je crois que nous avons appris grâce au travail politique que nous avons fait au palier municipal, ainsi qu'au palier provincial, que le processus est en lui-même très important. Le fait de commencer à penser à une politique culturelle fédérale est important et très utile. La première chose dont je me suis aperçue lorsque j'ai rencontré les gens, c'est que la politique culturelle fédérale semble très lointaine pour beaucoup d'artistes et d'organismes voués aux arts et même pour des gens qui appartiennent à la collectivité depuis longtemps.

On peut l'expliquer en partie par le fait que le dossier de la culture est très épais et varié. La semaine dernière, au début d'une émission de nouvelles de la CBC, j'ai entendu: «Nous allons parler ce matin de la politique culturelle fédérale»; il a été en fait question des magazines et de la publicité. Je me suis dit: «Un instant, est-ce bien cela? Est-ce bien la politique culturelle du Canada?» Beaucoup d'autres personnes que j'ai contactées ont eu la même impression: «Que voulez-vous dire par politique culturelle fédérale? Cela n'a rien à voir avec ce que je vis.»

J'aimerais reformuler la question comme suit: «Lorsque vous pensez à des programmes fédéraux ou à diverses activités proposées par le gouvernement fédéral, lesquels ont un impact sur vous? Qu'est-ce qui vous manque? Qu'est-ce qui vous paraît utile? Qu'est- ce qui a facilité ou amélioré votre vie d'artiste ou d'organisme voué aux arts?» Lorsqu'ils y réfléchissent, ils disent qu'effectivement la SRC joue un rôle très important dans le développement des artistes de tous genres et que, effectivement, les divers programmes du Conseil canadien des arts sont très importants.

Ce qui m'a paru très intéressant et qui, je crois, pourrait être pris en compte, c'est qu'au Manitoba nous avons un très bon exemple de la façon dont trois ou quatre paliers de gouvernement—ou plus—peuvent travailler ensemble. Nous avons un groupe très actif appelé le Tri-level Arts Committee, qui se réunit au Manitoba et qui regroupe les gouvernements fédéral, provincial et municipaux ainsi que plusieurs agences de financement, comme la Winnipeg Foundation. L'approche adoptée à l'égard des questions culturelles dans la région est très collégiale et je crois que c'est à l'avantage de tous les Manitobains. Ce comité fonctionne extrêmement bien.

Bien sûr, il y a quelques tiraillements, certains étant particulièrement sensibles aux divers rôles, mais compte tenu des ressources que nous avons au Manitoba, je crois que nous tirons parti de la façon dont ce comité a pu travailler et examiner les façons dont les programmes des divers paliers peuvent servir l'intérêt de la communauté artistique du Manitoba. C'est donc quelque chose de merveilleux.

J'ai lu dans le magazine Time de la semaine dernière un article—et j'imagine que c'était l'édition canadienne du Time, mais je crois qu'on le retrouve probablement dans la version internationale—sur la façon dont le Canada a en fait un impact beaucoup plus important sur les affaires internationales qu'on ne le supposerait compte tenu de sa taille. On disait que cela s'explique par la diplomatie canadienne et la façon dont nous sommes capables de présenter des idées et de rallier les autres à notre point de vue sans faire preuve d'autoritarisme.

Dans le domaine culturel, il me semble que le Canada pourrait faire de même. Par rapport à la taille de notre pays, je crois que nous avons un certain nombre d'artistes de renommée internationale. Certains de nos programmes et organismes ont un impact sur la scène internationale. Dans le processus d'élaboration d'une politique culturelle, nous pourrions mettre l'accent sur cette réalité et donner ainsi au Canada une importance à l'échelle internationale plus grande que l'on pourrait naturellement le supposer.

Je me demande ce que nous aimerions être dans 10, 20 ou 50 ans—quel genre de pays aimerions-nous avoir et comment pouvons- nous atteindre ces objectifs. J'ai deux suggestions pour commencer. Je suis sûre que chaque discipline a des idées à propos de l'évolution des archives, du théâtre, du cinéma ou de la télévision d'ici 10, 20 ou 50 ans. Une politique culturelle ne peut durer éternellement, c'est un consensus de l'instant. Si elle est bien élaborée, elle peut véritablement avoir un impact à long terme sur plusieurs années.

• 0940

Selon moi, je dirais qu'en général il faudrait que notre culture soit connue et appréciée des Canadiens. Bien sûr, cela a des répercussions sur notre système d'éducation, notre système national de radiodiffusion et de télédiffusion, mais aussi sur nos organismes voués aux arts, lesquels devraient en fait faire de gros efforts pour se rapprocher des Canadiens moyens, des Canadiens de tous les horizons. Deuxièmement, les artistes devraient être en mesure de vivre et de travailler au Canada sans sombrer dans la pauvreté. Troisièmement, les artistes devraient pouvoir se lancer dans une carrière internationale à partir du Canada et rester dans notre pays. Je suis sûre qu'il y a bien d'autres points, mais c'est un début.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Juste avant de poursuivre, j'aimerais dire ce qui, d'après moi, ressort au sujet de la politique culturelle fédérale. Bien sûr, dans son document sur la politique culturelle pour le XXIe siècle, la Conférence canadienne des arts indique dans son rapport provisoire que la politique culturelle fédérale du Canada s'appuie sur deux éléments: tout d'abord, elle est axée sur l'artiste et le processus de création; deuxièmement, elle est axée sur l'infrastructure qui doit permettre de présenter cet artiste et sa création. Peut-être pourriez-vous nous dire si, d'après vous, cette politique est toujours pertinente aujourd'hui ou s'il faut la développer davantage.

Madame Sanders.

Mme Pat Sanders: Eh bien, j'aimerais revenir un peu sur certains des points soulevés par Trudy, mais je vais également répondre à votre question.

Dans toute bonne infrastructure, on ne peut avoir un sommet bancal. Il faut injecter des fonds dans la recherche et le développement, effectués par des petits groupes qui ont de la difficulté à accéder aux marchés—non seulement les marchés nationaux, mais aussi les marchés internationaux. Au Manitoba, la qualité du travail est, je crois, formidable. Nous avons quelques grands organismes, mais nous avons également une collectivité pleine d'énergie pour tout ce qui touche aux arts. Toutefois, les membres de cette collectivité n'ont pas l'occasion de diffuser leur oeuvre à l'extérieur de la province ou même du Canada. À mon avis, toute politique culturelle doit envisager des moyens d'aider les petits groupes et la base pour qu'ils puissent se développer, de la même manière qu'elle aide le sommet, pour que ces groupes aient accès au financement qui leur est nécessaire.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Sochasky.

M. Bob Sochasky: Ce que je vais dire est peut-être la suite de ma déclaration liminaire, mais j'aimerais simplement parler un peu de la politique culturelle et de la façon dont elle influe sur nous. Je vais parler de notre école, car j'ai oublié de dire que nous avons une école où sont offerts des cours professionnels ainsi qu'un programme de loisirs. J'aimerais parler un peu de ce qui nous est arrivé à cause de l'inexistence d'une politique culturelle à long terme.

Toute politique culturelle, s'il s'agit d'une bonne politique à long terme, prévoit certaines choses comme un financement pluriannuel, un financement pour la recherche et le développement. Dans le passé, nous avons été financés par divers secteurs du gouvernement. Notre financement a été supprimé, puis rétabli. Lorsque l'on dirige une institution comme l'école du Royal Winnipeg Ballet, cette façon de faire perturbe ce que nous essayons d'accomplir et entrave les progrès réalisés jusqu'ici.

Lorsque le financement du Conseil des arts du Canada a été supprimé et qu'il a fallu attendre une année ou deux pour en bénéficier de nouveau par l'entremise de Patrimoine canadien, nous avons dû supprimer des programmes et certains postes de professeurs, car nous ne pouvions plus nous permettre de telles dépenses. Le fait que nous ayons pu ravoir tout cela est merveilleux et nous sommes reconnaissants d'avoir récupéré ces fonds, mais il reste que ce genre de perturbation nous ramène plusieurs années en arrière.

Tous les programmes offerts dans notre école doivent passer par trois étapes de base. D'abord, on décide des programmes à adopter et on détermine ceux qui sont importants pour le pays et pour notre ville. On les évalue aussi pour voir si nous pouvons les améliorer. Enfin, la mise en oeuvre et le maintien des programmes sont très importants. À cause du financement qui parfois varie d'un exercice budgétaire à un autre en fonction de ce qui est à la mode et de ce qui ne l'est pas, nous prenons vraiment du retard. Beaucoup des progrès accomplis doivent l'être de nouveau.

• 0945

Une autre question se pose à cet égard. Si nous avions une politique culturelle étalée sur plus d'un exercice budgétaire—n'oubliez pas que je suis dans les finances—nous pourrions définir ce qu'est une institution culturelle nationale. D'un côté, nous sommes considérés comme une institution culturelle par un secteur du gouvernement, mais non par un autre. Il faut faire des efforts énormes et passer beaucoup de temps pour être reconnus comme institution nationale de formation dans tous les secteurs du gouvernement.

J'aimerais enfin parler de ce qui s'est également produit quant à la disponibilité du financement pour divers projets. D'un côté, des fonds sont maintenant disponibles pour les projets du millénaire à cause du millénaire, et certainement, ces fonds sont bien appréciés. De l'autre côté, il peut être parfois préjudiciable que les fonds apparaissent pour finalement, disparaître.

Lorsque nous nous sommes lancés dans une campagne de mobilisation de fonds pour le Royal Winnipeg Ballet, nous avions prévu la construction d'une résidence pour notre école, ce qui nous semblait important pour la survie de l'école. Nous avons donc eu accès à des fonds d'infrastructure pour le financement de cet édifice. Par contre, à cause des délais du projet qui étaient si serrés, nous n'avons pas... Une fois la construction terminée, il est très difficile de trouver un financement privé pour l'édifice en question. Les gens préfèrent financer la construction d'édifices ou certains éléments qui en sont à l'étape de la planification; en ce qui nous concerne, il est très difficile d'obtenir un financement privé une fois l'édifice ouvert.

Si nous avions un financement à long terme pour certains éléments comme notre résidence et notre école, et si nous pouvions le combiner avec un financement privé, cela nous avantagerait au moment du paiement de l'édifice. À l'heure actuelle, l'édifice est fonctionnel depuis trois ans, mais il n'est toujours pas payé. Il est très difficile maintenant de trouver un financement privé, vu que l'édifice est opérationnel.

C'est ce qui se produit, d'après nous, à cause de l'inexistence d'une politique culturelle à long terme. Bien sûr, des fonds pour la culture sont disponibles, et divers secteurs du gouvernement ont des politiques en place, mais une politique coordonnée et à long terme nous permettrait de trouver ce genre de financement privé.

Ce ne sont que quelques exemples de ce qui nous est arrivé ces quatre, cinq ou six dernières années. D'un côté, nous sommes reconnaissants du financement que nous obtenons. De l'autre, si les choses étaient un peu plus planifiées, un peu plus organisées, nous pourrions nous arranger pour trouver un financement privé qui nous permettrait de compléter le financement que nous recevons du secteur public.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Duggan, avez-vous une observation à faire?

M. Bruce Duggan: J'aimerais simplement répéter certains des propos exprimés au sujet de la nécessité pour le gouvernement fédéral de jouer un rôle de leader. Il suffit d'observer ce qui s'est produit ces dix dernières années, notamment en ce qui concerne le financement provenant du ministère de Patrimoine canadien, pour clairement s'apercevoir que la collectivité culturelle s'épuise lentement. C'est un véritable problème.

Certains ont proposé de déléguer la politique ou l'activité fédérale, selon le modèle retenu pour la formation, par exemple. Je tiens à souligner que cela poserait des problèmes extrêmement graves pour la vie culturelle manitobaine. Je ne peux pas parler au nom des autres provinces, mais je sais que ce genre de délégation, ce retrait de la responsabilité du gouvernement fédéral, poseraient de graves problèmes ici. Nous vous incitons à ne même pas envisager une telle solution.

Par voie de conséquence, les ministères fédéraux qui s'occupent de la culture devraient avoir des bureaux régionaux solides; je veux parler surtout du ministère de Patrimoine canadien, mais aussi d'autres organismes. Il y a ici un bureau de Patrimoine canadien extrêmement important pour nous. Par contre, il n'y a pas de bureau de Téléfilm Canada, ni d'autres organismes nationaux. D'autres entités nationales, comme l'ONF et la SRC, ont disparu des régions comme le Manitoba. Nous vous incitons à renverser ce processus, à augmenter le nombre de bureaux régionaux et à les consolider.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Bajon, vous vouliez également intervenir.

M. Zaz Bajon: Oui, je voulais simplement faire remarquer que Bob a raison. À l'heure actuelle, nous nous lançons dans une campagne de mobilisation de fonds de 5 millions de dollars uniquement pour rénover notre édifice, sans y ajouter de fioritures. Il ne semble pas qu'il y ait de financement fédéral. Nous avons tout essayé, il n'y a pas d'argent.

• 0950

Nous avons reçu 2 millions de dollars de la province, laquelle nous a par ailleurs beaucoup aidés. Nous avons la chance de vivre dans cette province où la culture est très importante par comparaison à certaines des autres provinces.

À mon avis, il faut financer la remise à neuf et la revalorisation des édifices, et non simplement leur construction, même si cela paraît beaucoup plus séduisant. Lorsque l'on construit quelque chose de neuf, il faut ensuite penser à toute l'infrastructure liée à la gestion, à la programmation, etc. Je crois que c'est très important.

La culture est importante, car c'est ce qui définit un pays. C'est difficile à expliquer; lorsque l'on parle aux autres de ce qu'est la culture et de ce que l'on fait, la seule comparaison que je puisse faire, c'est celle de la santé mentale, car il s'agit du bien-être spirituel et psychologique d'une collectivité, quelle qu'elle soit.

Tout le monde sait ce qu'est la santé physique: cela pourrait être un édifice, une infrastructure ou un réseau de distribution. Par contre, la programmation est en quelque sorte la santé mentale d'un organisme culturel. À mon avis, la santé mentale n'est pas vraiment abordée de la même façon, surtout lorsqu'il s'agit de culture. Il est plus facile de s'attarder sur les éléments physiques, y compris dans le système de santé auquel le gouvernement fédéral s'intéresse en ce moment. Je crois qu'il ne faut pas oublier que la culture et le bien-être psychologique, spirituel et mental de la collectivité.

Par conséquent, lorsqu'il n'y a pas de culture, on peut être fort physiquement, mais qu'est-ce que cela dit de nous en tant qu'êtres humains? Je crois qu'il faut se pencher sur la question et trouver une solution, rapidement. Les gens la comprendront si elle est claire et nette; par contre, si vous allez trop dans les détails, vous sèmerez la confusion. La seule comparaison que j'ai pu trouver, c'est celle de la santé mentale; nous parlons ici du bien-être spirituel et psychologique d'une collectivité, chose que nous ne pouvons oublier. Cela semble avoir peu d'importance lorsque tout va bien, mais lorsque les choses se gâtent, c'est ce qui nous permet de tenir le cap; c'est ce qui garantit la santé physique d'une collectivité.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'aimerais reprendre tous les points et demander aux participants quels sont les obstacles au développement d'une politique culturelle fédérale. Je ne pose pas cette question dans un esprit de parti, mais simplement parce que je suis relativement nouvelle sur la scène fédérale.

Il me semble que depuis plus de dix ans maintenant, la même recommandation est faite au sujet de l'existence d'une politique culturelle fédérale. J'ai examiné les recommandations du groupe de travail qui ont été publiées en janvier ou en juin 1998 et qui se rapprochent beaucoup des recommandations du CAC de 1991 et de l'ébauche de 1993. J'essaie de comprendre quels sont les obstacles qui nous empêchent de réaliser cet objectif. S'agit-il de questions financières? De questions commerciales? De la mondialisation? De questions d'ordre constitutionnel?

Je vous demande des conseils pour que nous soyons plus efficaces à la Chambre des communes au moment où nous insisterons auprès du gouvernement fédéral pour que cela devienne une réalité. Comme l'a dit Zaz, je pense que nous comprenons tous que la politique culturelle est en quelque sorte la santé mentale d'un pays. Je crois que nous comprenons tous les retombées économiques d'une politique artistique et culturelle dynamique. Ceci dit, quels sont les obstacles et que faut-il faire pour que cela devienne une réalité avant le millénaire?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci. Peut-être pourriez-vous y penser et nous en faire part.

Avant de passer à M. Leslie et à M. MacInnis, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Paul Léveillé, du Cercle Molière. Peut-être, monsieur Léveillé, pourriez-vous nous dire un peu plus qui vous êtes et ce que fait votre organisme.

[Français]

M. Paul Léveillé (Cercle Molière): Je vous remercie, madame la présidente. Pour commencer, je dois m'excuser de mon retard. Je me suis rendu au Radisson, le seul que je connaissais qui était tout près de l'aéroport, et c'est la raison de mon retard. Je m'en excuse. Ce n'est pas intelligent, n'est-ce pas?

Je dois vous dire que je trouve vraiment intéressantes les grandes discussions publiques de ce genre. Je vous encourage à vous pencher sur les questions de façon aussi sincère et raisonnable que possible.

Je représente le Cercle Molière. Nonobstant le fait que Radio-Canada annonce depuis quelques semaines que le Rideau Vert est le théâtre le plus ancien au Canada, ce n'est pas vrai. C'est le Cercle Molière qui est le théâtre le plus ancien. Plus précisément, le Rideau Vert était le théâtre professionnel. Nous avons obtenu ce statut-là il y a une vingtaine d'années.

• 0955

Je suis heureux d'être ici. Je reconnais bien des gens. C'est encourageant de voir que vous vous présentez à nous pour entendre nos réactions. Je voudrais faire écho à bien des choses qui ont été écrites dans les mémoires. J'en ai vu certains à l'avance, en particulier les commentaires de M. Duggan et ceux de Zaz, qui me semblent très à propos.

Je dois vous dire que le Cercle Molière va célébrer son 75e anniversaire l'année prochaine, l'année du millénaire. Comme l'a dit le Globe and Mail il y a plusieurs années, le Cercle Molière est un miracle au Canada. La contribution de groupes culturels, à Winnipeg et dans l'Ouest, qui démontre une ouverture d'esprit, nous a encouragés pendant toutes ces années. Nous sommes minoritaires. Il y a environ 60 000 personnes d'expression française au Manitoba. Nonobstant cela, notre public per capita se compare à celui de presque n'importe quel autre théâtre au Canada.

Quand vous venez au Manitoba, vous venez dans un centre qui, au niveau culturel, ne se compare pas à ce qu'on trouve à travers le Canada. On veut préconiser le concept qui a été énoncé dans les commentaires que vous avez entendus. On parle d'un centre culturel du coeur du Canada, et Winnipeg se présente très bien dans ce contexte-là.

J'ai remarqué qu'il y a des gens qui causaient des problèmes. Je ne veux pas parler trop longtemps parce que les commentaires interminables ne sont pas toujours intéressants, mais je voudrais soulever une chose qui va de pair avec ce que Bruce disait en ce qui a trait à la nécessité d'une structure centrale au Manitoba, de bureaux qui pourraient nous représenter de façon responsable.

Vous savez très bien qu'il arrive souvent que le ministère du Patrimoine canadien et les autres ministères fédéraux qui sont responsables des langues officielles n'atteignent pas leurs objectifs qu'ils ont énoncés publiquement. Il y a plusieurs raisons à cela. Ayant eu une expérience d'au-delà de 30 années comme fonctionnaire provincial, expérience qui n'a pas été tellement heureuse mais pas sans plaisir, je sais qu'on profite des fonctionnaires dans l'Ouest d'une façon qui n'est vraiment pas responsable. Il y a, par exemple, la Loi sur les langues officielles. La majorité des fonctionnaires à qui on confie la tâche de promouvoir ce dossier se voient imposer ces responsabilités par-dessus toutes leurs autres responsabilités, ce qui démontre un préjugé bien malheureux. Donc, ces gens qui ont les mêmes responsabilités que tout autre fonctionnaire se voient imposer des tâches over and above, comme on dit en anglais.

Ce n'est pas un point crucial, mais il faut y penser. Il faut des bureaux régionaux bien structurés, avec qui on puisse établir de bonnes relations. Au Manitoba, Patrimoine Canada et d'autres ministères font tous les efforts possibles pour nous faciliter nos tâches, et il est important de le dire. Cependant, des progrès pourraient vraiment se faire si on pouvait établir des relations au niveau de la planification à long terme au lieu de simplement répondre à des formulaires qui, souvent, nous confondent.

C'est mon seul commentaire. Je vous en remercie, madame la présidente.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Leslie et ensuite, monsieur MacInnis.

M. Bruce Leslie: J'aimerais simplement faire une ou deux observations.

Une députée de Winnipeg a demandé quels sont les obstacles à la politique culturelle du Canada. Je crois que l'un des obstacles, c'est que nous pensons avoir besoin d'une politique culturelle canadienne omnibus. Je crois qu'il faut examiner la question sous l'angle de chaque ministère—Finances, Revenu, Patrimoine, Commerce international et Industrie Canada—qui a un rôle à jouer dans l'élaboration d'une politique culturelle.

• 1000

Nous arriverons à un résultat plus rapidement si nous évitons de croire que nous avons besoin d'une seule politique qui englobe tout; en effet, il se peut que tous ces ministères aient à changer d'attitude pour en quelque sorte comprendre qu'ils ont un impact sur leur politique culturelle.

À titre d'exemple, Trudy a dit qu'elle aimerait que les artistes du Canada puissent vivre dans notre pays, ce qui est un point très important. Pensez aux exportations de notre pays dans les domaines de la télévision et du cinéma. Il ne fait aucun doute que si la moitié de ces artistes revenaient ici, le Canada serait le numéro un en matière de production artistique.

Nous aimerions une politique qui nous permette de ramener certaines de ces personnes, ou, à tout le moins, de conserver celles que nous avons ici. Il faut peut-être se rendre compte que notre économie est «mondialisante», si vous voulez. Je viens d'inventer ce mot. Nous devons confronter cette réalité et élaborer une politique culturelle de manière à grandir à l'échelle mondiale et à créer la masse critique d'investissements et d'artistes qui resteraient au Canada. Nous devons être en mesure de leur offrir au moins autant que ce qu'ils obtiendraient ailleurs, non pas seulement en termes de dollars, mais en termes de capacité à produire les spectacles qu'ils veulent produire au Canada.

Nous voulons une politique qui nous aidera à créer de grandes entités en mesure de le faire, et nous espérons être l'une d'entre elles, bien sûr. Cela entraîne beaucoup de questions, y compris des questions relatives aux intérêts étrangers, aux politiques culturelles d'autres pays et à la possibilité de faire venir au Canada des partenaires capables de nous donner les fonds dont nous avons besoin pour créer de telles productions. Je crois donc que notre approche à l'égard de la politique culturelle doit être ouverte et non pas rétrécie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Leslie.

Juste avant de passer à M. MacInnis, vous avez parlé de la mondialisation et de la culture du Canada dans le monde. Mercredi dernier, Sergio Marchi a publié le rapport du Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur et l'industrie culturelle, dont la rédaction a duré trois ans et qui porte sur la culture du Canada dans le monde. Si vous ne l'avez pas encore vu et si cela vous intéresse, j'ai l'adresse du site Web. Ce rapport traite des points dont nous traitons aujourd'hui: la globalisation, les différends commerciaux et ce qu'il faut faire pour ne pas se trouver dans une position de défense. Il représente un échantillonnage des intervenants de l'industrie culturelle. Si cela vous intéresse, ce serait un bon sujet de discussion.

Nous ne savons pas quel comité va examiner ce document. Il pourrait s'agir du Comité des affaires étrangères et du commerce international. Je vous recommande fortement de l'examiner et une fois que le comité aura décidé qui va l'étudier, vous pourrez nous dire ce que vous en pensez.

Monsieur MacInnis, s'il vous plaît.

M. Allen MacInnis: Je voudrais répéter et affirmer que nous avons besoin d'une politique culturelle fédérale. Vous avez parlé, Bruce Leslie, d'un changement d'attitude plutôt que de la nécessité d'un projet de loi omnibus. D'une certaine façon toutefois, je crois qu'une politique culturelle fédérale serait un changement d'attitude.

Si cela s'impose, c'est à cause, entre autres, du nombre de ministères fédéraux, du Conseil des Arts du Canada et de Patrimoine canadien, ainsi que des façons dont nous avons accès au financement et à un appui des arts et de la culture. Dans une certaine mesure, cela nous ramène aussi à des questions de fiscalité et à toutes sortes d'autres ministères fédéraux qui, à première vue, ne semblent pas avoir quoi que ce soit à faire avec la culture. Il apparaît évident que certains principes doivent être soutenus par une politique culturelle fédérale étant donné que régulièrement, un organisme—ou son travail—butte contre un autre.

La commandite est, je crois, l'exemple le plus frappant. D'une part, on veut s'occuper de la santé physique des gens en supprimant le tabac, et d'autre part, on est confronté à un énorme problème causé par la commandite des sociétés de tabac.

J'espère qu'une politique culturelle fédérale—ce projet de loi omnibus—ne sera pas précise au point que nous nous sentirons entravés, mais qu'elle soutiendra les principes garantissant que nous ne nous marchons pas les uns sur les autres et fera en sorte que les arts et la culture ne deviennent pas secondaires par rapport aux besoins et aux objectifs d'autres ministères fédéraux.

• 1005

La présidente (Mme Sarmite Bulte): Voudriez-vous toutefois répondre à ma question et me dire ce que sont les obstacles, d'après vous? Quels sont les obstacles à ce projet de loi omnibus?

M. Allen MacInnis: L'un des obstacles, à mon avis, c'est qu'au cours des dernières années, nous avons perdu notre sentiment d'appartenance à un grand pays, car, nous avons soutenu de nombreuses façons la vitalité et la spécificité des diverses régions. À certains niveaux, des questions constitutionnelles se posent uniquement parce que notre concept de pays unique n'est pas partagé partout de la même façon, au même moment. La spécificité des diverses régions et collectivités mérite certainement d'être soulignée; je crois que ce problème peut être surmonté mais que cela va prendre pas mal de travail et probablement beaucoup de temps. A mon avis, 10 ou 11 années d'efforts à cet égard semblent peu de chose. En tant qu'artiste, j'ai hâte que cette politique culturelle fédérale me donne un peu confiance en l'avenir, mais je crois que cela risque de prendre 10 ou 11 années de plus. Nous allons, je pense, connaître beaucoup de difficultés de croissance avant de parvenir à un sentiment d'esprit national.

La présidente (Mme Sarmite Bulte): Mme Sweeney, Mme Stothers, M. Duggan, M. Bajon et Mme Schroeder ont demandé à prendre la parole. Madame Sweeney.

Mme Shelley Sweeney: Je voulais juste dire que le projet de loi C-54 qui traite de la protection des renseignements personnels et de questions liées au commerce électronique, est extrêmement important et je félicite le gouvernement d'avoir pris une telle initiative. Je crois toutefois qu'il faut en faire davantage dans le domaine de la politique informationnelle et je tiens à souligner que les Archives nationales n'ont pas d'archiviste national depuis près de deux ans, ce qui, à mon avis, a de graves répercussions sur la collectivité et sur notre capacité de leadership dans le domaine de l'information au niveau fédéral.

Le Canada jouit d'une bonne réputation à l'échelle internationale, surtout dans le domaine des documents électroniques, mais aussi dans plusieurs autres domaines culturels; nous avons véritablement besoin de leadership à ce haut niveau. Comme vous le savez, M. English examine le rôle des Archives nationales, de la Bibliothèque nationale, etc., en vue de l'élaboration d'une politique informationnelle fédérale qui serait, dans une certaine mesure, équivalente à une politique culturelle.

J'aimerais revenir sur les propos de Trudy: une culture connue et appréciée des Canadiens. Les archivistes s'inquiètent beaucoup à ce sujet et souhaitent que le réseau d'information d'archives fasse connaître nos ressources documentaires aux Canadiens. Je crois que nous devons sortir de l'ombre et transmettre au grand public l'information à laquelle il souhaite avoir accès. Je crois que c'est très important pour le développement de l'identité canadienne. Alors que l'information circule librement et que les frontières traditionnelles entre pays s'estompent, il est encore plus important d'être conscient de son patrimoine et de son histoire.

Vous le voyez au Québec qui a parfaitement conscience de son histoire et qui crée un environnement favorable pour ses archives. C'est exemplaire. Par contre, le Canada anglais qui ne perçoit pas un tel danger ne réagit pas de la même façon. Par rapport aux États-Unis, on tient bien sûr à ce que le Canada se démarque et à ce que les Canadiens sachent vraiment qui ils sont. La connaissance de notre patrimoine et de notre histoire est essentielle à cet égard.

Je termine en vous disant que nous collaborons énormément avec des sociétés de télédiffusion, la Société Radio-Canada, les auteurs dramatiques, les artistes de même que les musées. Nous leur fournissons le matériel nécessaire à la création de leur oeuvre artistique. Ce n'est pas très excitant. Nous sommes en quelque sorte derrière... Je ne veux pas dire que je ne suis pas très excitante.

Des voix: Bravo.

Mme Shelley Sweeney: Vous pouvez rayer cette observation.

Une voix: Nous ne le dirons à personne.

• 1010

Mme Shelley Sweeney: Mais le fait est que comme les archives n'attirent pas beaucoup l'attention, les gens ont tendance à oublier notre existence. Et pourtant nous sommes là à essayer d'appuyer tranquillement tous ces efforts. Je veux simplement nous mettre un peu plus en évidence.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, madame Sweeney.

Madame Stothers.

Mme Marilyn Stothers: J'aimerais vous parler de mon secteur, celui des beaux-arts.

Vous posez deux questions: l'une sur les mesures de soutien de la culture actuelles ou passées qui ont été prises par le gouvernement fédéral dans mon secteur, l'artisanat, et l'autre sur ce qui a été fait en matière de réglementation commerciale et le reste dans le domaine des métiers d'art. Pour y répondre, je dois être très précise, si vous n'y voyez pas d'inconvénients, parce que je crois que cela témoigne de l'absence d'une politique culturelle.

La création du Conseil canadien des métiers d'art remonte à en 1974. Le gouvernement fédéral assumait à peu près la moitié du financement du Conseil parce qu'il y avait un bureau à Ottawa. Le ministère des Communications à l'époque s'en remettait au bureau du Conseil à Ottawa pour l'aider et le conseiller dans différents secteurs. Le conseil a conseillé au fil des ans le ministère au sujet de la TPS, du statut des artistes, de la législation sur le droit d'auteur, etc. Le Conseil canadien des métiers d'art était le porte-parole des artisans d'un bout à l'autre du pays. Les membres du Conseil des métiers d'art proviennent de chacun des conseils provinciaux. Ainsi il y a dans chaque province un conseil des métiers d'art rattaché au conseil canadien.

Le gouvernement fédéral a annoncé en 1994 qu'il n'assumait que la moitié du financement du Conseil et qu'en 1995, il ne verserait plus un sou. Ainsi, depuis 1995, le gouvernement ne soutient d'aucune façon les métiers d'art.

Lorsque je me présente au Conseil mondial de l'artisanat, là où je représente la Fédération canadienne des métiers d'art, comme on l'appelle maintenant, et que des pays me demandent ce qui se passe au niveau fédéral, j'ai assez honte—le mot est fort, mais c'est un fait—d'avoir à dire que mon gouvernement fédéral, dans mon pays le Canada, n'apporte plus son soutien aux artisans canadiens comme il avait l'habitude de le faire ou comme il devrait le faire.

Ainsi depuis 1995, le Conseil canadien des métiers d'art, qui est devenu l'an dernier la Fédération canadienne des métiers d'art, est dirigé par des volontaires, sans argent pour ainsi dire. Mais nous estimons que les produits de l'artisanat canadien sont une composante très importante de notre patrimoine et de notre culture. Je crois qu'il vous suffit d'aller dans n'importe quel musée de ce pays pour voir à quel point ils sont redevables au travail qu'ont accompli les artisans au fil des siècles qu'a connus le Canada.

Ainsi, si vous songiez à élaborer une politique culturelle, je crois qu'il faut en lier une partie au financement afin de mettre en place un organisme national représentant tous les secteurs de la culture. La Fédération canadienne des métiers d'art dont le fonctionnement, comme je l'ai dit, est assuré par des bénévoles qui n'ont pour ainsi dire pas d'argent, exerce ses activités à partir du bureau de l'Ontario Crafts Council de Toronto auquel le gouvernement de l'Ontario a coupé les vivres. Et pourtant nous avons là un groupe de personnes qui contribue très largement à l'économie canadienne.

Pour le Manitoba seulement, j'ai des documents de 1996 qui révèlent que le Manitoba Crafts Council, avec l'aide du ministère de la culture, du patrimoine et de la Citoyenneté, a effectué une étude économique sur l'importance que les métiers d'art revêtent pour l'économie canadienne et plus particulièrement pour celle du Manitoba.

Nous avons donc ces choses et nous sommes un groupe déterminé à l'instar, je crois, de tout le monde ici, parce que la culture nous tient énormément à coeur. Cependant, je crois qu'il est très important que le gouvernement fédéral prenne position.

Prenons par exemple l'artisanat, nous n'avons aucune revue nationale sur le sujet alors que les Américains et les Européens ont la leur. Partout, les pays très industrialisés disposent d'un organisme national dans le secteur de l'artisanat afin de sensibiliser la population. Ce n'est pas le cas au Canada.

Je veux donc vous donner l'exemple d'un groupe culturel très solide qui se débrouille seul—sans succès, dans un certain sens; cela pourrait être tellement mieux. Une politique culturelle, comme nous en avons discuté ici, servirait certes de fer de lance.

Le sous-comité qui tient des séances dans l'Est, à Toronto, recevra le mémoire du groupe qui représente la Fédération canadienne des métiers d'art.

Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous vous encourageons aussi à déposer des mémoires écrits assortis de recommandations précises—et cela s'adresse à tout le monde—d'ici le 30 mars. Nous serions heureux de recevoir ces recommandations précises.

• 1015

Mme Marilyn Stothers: Me permettez-vous d'ajouter une toute petite chose? Il s'agit d'une question très importante.

L'accord de libre-échange avec les Américains a engendré un grave problème pour les métiers d'art canadiens, particulièrement au Québec, où il se fait beaucoup de mise en marché, mais aussi dans d'autres régions comme l'Alberta. Les personnes qui travaillent dans des ateliers et veulent commercialiser leurs oeuvres ou que sais-je encore de l'autre côté de la frontière éprouvent énormément de difficulté parce qu'il leur arrive d'être arrêtés à la frontière et de se voir refuser l'accès aux États- Unis. Ils sont repoussés et ne peuvent retourner aux États-Unis. Quelqu'un devrait donc étudier la question de la mise en marché à l'extérieur de notre propre pays.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Comme la liste s'allonge, il faudrait peut-être que vous abrégiez tous vos réponses. J'ai sur ma liste M. Duggan, M. Bajon, Mme Schroeder, M. Bélanger, M. Sauvageau, Mme Karpyschin, M. Sochasky et M. Carr. Monsieur Duggan.

M. Bruce Duggan: Deux heures ne suffisent pas. Je voulais simplement le signaler et je crois que c'est le moment tout désigné pour le faire.

J'aimerais parler de quelque chose que Mme Stothers et M. Sauvageau ont dit au sujet du commerce international et d'autres questions du même genre. La première position officielle que j'ai prise en matière d'arts et de culture portait sur la composante culturelle de l'accord du libre-échange. En fait, c'est la dernière fois où j'ai comparu devant votre comité à Ottawa. Je me rappelle y avoir dit que la disposition d'exemption—à cette époque la disposition d'exemption était la chose la plus obscure dont vous pouviez parler—renfermait une bombe à retardement qui exploserait un jour ou l'autre lorsque les Américains voudraient nous punir d'une action culturelle. Je me souviens d'avoir dit que le problème que pose cette disposition n'est pas propre au secteur culturel et que les Américains peuvent se venger dans un autre secteur, l'acier par exemple. Beaucoup de membres du comité ont alors dit que c'était ridicule que cela n'arriverait jamais. Il est assez clair que cela s'est produit et que cela peut encore se produire.

Dans le cadre d'une réunion avec une délégation suisse qui est venue au Canada pour discuter de la qualité de la culture et des échanges culturels internationaux, j'ai entre autres trouvé l'idée suivante vraiment intéressante: au lieu de réagir tout le temps, de nous demander constamment ce que feront les Américains et comment nous pouvons contourner la difficulté, nous devrions plutôt nous demander dans quels genres d'échanges culturels, qui incluent le commerce sans s'y limiter, sommes-nous prêts à nous engager. De quels échanges s'agit-il? À quelles conditions voulons-nous envoyer nos artistes, le travail de nos artistes et les produits de notre industrie culturelle dans d'autres pays et à quelles conditions voulons-nous les rapatrier? Posons-nous ces questions.

En outre, trouvons au départ certains partenaires sérieux pour négocier à cet égard, comme l'Union européenne, le Brésil et les pays asiatiques, qui reconnaissent la valeur et le rôle de la vie culturelle. Ils reconnaissent qu'il ne faut pas la limiter à des applications industrielles et à des répercussions commerciales.

Il convient de mettre au point un protocole concernant les modalités des échanges dans ce domaine. Une fois que nous aurons énoncé un plan directeur multilatéral en matière de culture, nous pourrons inviter les Américains à se joindre à nous dans ce processus. Au lieu de constamment s'attacher à éteindre des feux, il faut se demander comment nous voulons établir nos relations avec le reste du monde.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Encore une fois, je vous invite à lire Culture and Trade: Canadian Culture in a Global World, parce que c'est précisément de cela dont il est question. Je vous invite également à fournir vos commentaires ainsi que ceux de la CCA.

M. Bruce Duggan: J'ai une autre observation.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): La dernière.

M. Bruce Duggan: La culture n'est pas un thème porteur. Je serai très bref. Si un pays est un mariage, la culture, c'est le sexe.

Des voix: Oh, oh.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Bajon.

M. Zaz Bajon: Comment puis-je prendre le relais?

Judy voulait savoir pourquoi nous n'avons pas de politique de la culture. Entre autres raisons qui me viennent à l'esprit, il y a le fait que nous vivons dans un environnement qui change constamment, ce qui fait qu'on hésite à s'engager. Il faut trouver un moyen de répondre à ce changement. Ou encore, c'est que le gouvernement du jour, quel qu'il soit, ne veut pas être mis sur la sellette lorsque les choses vont mal et qu'il y a des problèmes.

Je pense qu'on complique beaucoup trop les choses. À mon avis, nous devrions nous en tenir à des généralités et ensuite, nous attacher aux questions de détail. La politique de la culture pourrait être très simple, et elle pourrait s'appliquer à tous les ministères.

• 1020

Allen a mentionné qu'il fallait énoncer des principes d'affirmation. Il s'agit, somme toute, d'encourager, de promouvoir et d'appuyer l'activité culturelle par le biais des organismes gouvernementaux dans tout le pays. On pourrait aussi établir cela à l'échelle provinciale.

Étant donné que nous sommes un pays bilingue, il est très important que la culture existe et que le bilinguisme existe. Je pense qu'un exemple parfait de cela est Le Cirque. Bien des gens qui ne vivent pas au Québec pensent que le Québec est très unique et qu'il a beaucoup de chance de vivre aux côtés d'un grand voisin qui utilise la même langue que nous. Les Québécois ont le plaisir de tout traduire dans leur propre langue. Par cet exercice, ils se trouvent à moduler l'oeuvre d'art dans leur langue. Ils ont donc une façon de l'exprimer qui est différente de celle des Américains. Nous ne sommes pas aussi chanceux que les Québécois à cet égard.

Mais pour décomposer tout cela, il faudra faire de la discrimination à l'endroit de certaines régions car le gouvernement a le mandat spécifique d'encourager, disons, le bilinguisme. Par conséquent, on devrait peut-être injecter davantage d'argent dans les régions qui ne reçoivent pas autant de soutien. Nous pensons que le Québec reçoit beaucoup d'argent, mais à d'autres égards, il ne bénéficie pas d'autant de soutien.

Je pense qu'on pourrait commencer par un énoncé général comme «Encourager, promouvoir et appuyer l'activité culturelle». Au départ, cela pourrait s'appliquer à tous les ministères. Il s'agit simplement d'encourager, de promouvoir et d'appuyer l'activité culturelle. Par conséquent, si un problème survient dans un autre ministère qu'on nous demande quel est notre mandat, notre mandat est d'encourager, d'appuyer et de promouvoir la culture. Nous voulons que le gouvernement et les fonctionnaires se disent: «Voilà ce qu'il faut faire et voilà comment il faut fair au lieu d'invoquer que cela n'est pas conforme à la législation, ainsi qu'aux règles et règlements en vigueur».

On pourrait ensuite appliquer cela aux diverses régions. En effet, compte tenu de la grande diversité géographique du Canada, il est difficile et fastidieux d'essayer d'élaborer une politique culturelle pour l'ensemble du pays. Plus une politique est lourde et compliquée, moins elle risque de devenir réalité.

Voilà pourquoi je pense que si nous pouvions trouver des principes d'affirmation, pour reprendre les termes d'Allen, qui puissent s'appliquer partout, tous les ministères pourraient les appliquer selon leurs besoins au sein du gouvernement, les faire correspondre à la législation gouvernementale, etc.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Mme Schroeder.

Mme Trudy Schroeder: Pour en revenir à la question qui nous occupe—c'est-à-dire quels sont les obstacles à une politique de la culture au Canada—j'ai examiné des documents rendus publics par la CCA et un certain nombre d'autres organismes culturels depuis 10 ou 15 ans, et il me semble que ces obstacles ont toujours été inextricablement liés à des questions d'argent. En fait, nous avons connu une période où le gouvernement fédéral a dû accepter le fait que le Canada avait un excédent de dépenses.

Voilà qui nous amène à aujourd'hui, à un moment où notre situation financière est telle qu'il y a possibilité de réinvestissement. Enfin, il est possible d'envisager, de façon très rationnelle et réfléchie, un réinvestissement dans le domaine de la culture. Il ne prendra pas nécessairement la forme d'une injection de fonds considérable ou rapide, mais je pense que cette possibilité existe maintenant. Et c'est sans doute pourquoi il est moins délicat maintenant de parler de politique culturelle. Je vois mal comment on aurait pu défendre les dossiers culturels face à des besoins criants. Il aurait été difficile de faire accepter cela à une époque où le gouvernement réduisait les paiements de transfert aux provinces dans le domaine des soins de santé. À un moment comme celui-là, la politique culturelle ne pèse pas lourd, même si j'estime qu'elle le devrait.

Je pense qu'il faut marquer un temps d'arrêt avant ce réinvestissement de fonds et envisager un cadre philosophique. Dans un premier temps, il convient de dissocier cela du volet financier. Il se peut fort bien que l'on doive adopter une formulation un tant soit peu plus compliquée que les trois verbes porteurs que j'ai mentionnés, mais je pense que c'est un début. Nous pourrions ensuite travailler à partir de ces principes directeurs. À mesure que se présenteront des possibilités de réinvestissement, nous pourrions veiller à ce que ce réinvestissement se fasse dans la direction que nous aurons choisie. Je pense que c'est faisable et pas trop alarmant.

Je suis sûre que votre comité mène depuis plusieurs années une réflexion approfondie sur ces questions, mais il n'a pas été possible de la présenter à l'ensemble du Parlement et de faire adopter une mesure. Je pense qu'il est maintenant temps que tout ce travail préparatoire porte fruit.

Au premier rang des obstacles, citons les problèmes financiers et au deuxième, la complexité du dossier. Faisons en sorte que tout soit simple au début.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Monsieur Bélanger.

• 1025

M. Mauril Bélanger: Merci, madame la présidente. Avec votre permission, je voudrais réprimander très gentiment l'une de nos participantes, Mme Sweeney. J'ai eu l'occasion de faire la même chose hier soir, et je vous demande donc votre indulgence.

Vous avez utilisé dans votre exposé, tout à l'heure, une expression qui m'a dérangé, «le Québec et le Canada anglais». Je suis un député originaire de l'Ontario. Je représente une circonscription qui compte 40 p. 100 de francophones. Il y a environ un million de francophones hors Québec, et 60 000 ici. Il y a une province, appelée le Nouveau-Brunswick, qui est officiellement bilingue. Selon votre définition du Canada anglais, il y a lieu de demander où s'intègrent ces personnes.

Mme Shelley Sweeney: J'ai une bonne raison. L'Association des archivistes du Québec estime être l'organisation qui représente officiellement les francophones des autres régions du Canada.

M. Mauril Bélanger: Je comprends cela, mais je vous demanderais de ne pas tomber dans ce piège.

Mme Shelley Sweeney: D'accord.

M. Mauril Bélanger: Ce n'est qu'une aimable réprimande. Rappelez-vous la réalité du pays. Il y a un million de francophones et 800 000 ou peut-être un peu moins maintenant, mais 600 000 à 700 000 anglophones qui vivent au Québec. L'expression «le Québec et le Canada anglais» évacue ces deux millions de personnes. Il faut être sensible à cela, c'est tout. Ce n'était qu'une petite remontrance.

Mme Shelley Sweeney: De notre point de vue, nous travaillons très étroitement avec l'Association des archivistes du Québec et dans nos rapports, nous tentons de reconnaître leur définition. Mais je comprends votre point de vue.

M. Mauril Bélanger: J'ai dit ce que j'avais à dire sur le sujet.

En ce qui concerne les archives, je suis heureux que vous ayez fait état du rapport en anglais qui se trouve au ministère à l'heure actuelle. Je pense qu'il donnera lieu à des changements importants au niveau de la structure et qu'il permettra de finaliser la nomination d'un archiviste pour remplacer celui qui est parti il y a quelque temps.

J'aimerais poser quelques questions aux personnes qui sont ici présentes. En ce qui a trait à la politique culturelle, y a-t-il une volonté—car cette volonté a été exprimée très clairement à Thunder Bay—de créer, sur le plan fiscal, des fondations à grande échelle? J'envisage une initiative d'une portée sans précédent au pays, qui aurait cours pendant 25 ans peut-être. Au bout du compte, ces fondations, sans garantir l'autonomie financière, permettraient à tout le moins de s'en rapprocher. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

Je voudrais savoir quelle est la contribution par habitant à Winnipeg, pour autant qu'un tel chiffre soit disponible. Je voudrais également savoir s'il y a une politique culturelle à Winnipeg ou au Manitoba. Il serait sans doute utile pour le comité et son personnel d'examiner cela.

J'ai bien aimé le dernier commentaire de Mme Stothers, qui a dit que le moment est sans doute plus propice qu'auparavant. À mon avis, vous avez très bien décrit la situation dans laquelle nous nous trouvons au pays. La plupart des gouvernements, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux, se trouvent dans une situation financière analogue. Après avoir connu une période de difficultés financières, il me semble que même si nous n'en sommes pas tout à fait sortis, le problème est en bonne partie derrière nous. Voilà pourquoi c'est peut-être le moment d'agir. Même si nous ne pouvons pas réussir à 100 p. 100, selon les voeux de M. Duggan, nous pourrions à tout le moins donner le coup d'envoi au processus, prendre le départ.

Notre comité devrait pouvoir présenter un rapport d'ici la fin de juin, d'ici la fin de la session, et à ce moment-là, il appartiendra à des organisations comme la vôtre de pousser, d'inciter et d'encourager les députés de l'opposition et les députés ministériels à faire en sorte que cet objectif se concrétise.

Voilà donc les commentaires généraux que je voulais faire. J'aimerais que les prochains intervenants qui prendront la parole répondent précisément à mes propos. Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Je n'alimenterai pas la discussion concernant les francophones hors Québec. Je vais passer tout de suite à un autre point.

Je ne voudrais pas vous déplaire, mais je vais vous raconter une anecdote, une expérience que j'ai vécue avec M. Marchi. Il s'agissait d'une table ronde un peu semblable à celle-ci, à Chicago, où il y avait des représentants de l'Orchestre symphonique de Chicago, des milieux du théâtre et du ballet et de différentes autres formes d'art et de culture.

• 1030

Pendant la discussion, les Américains ont dit: «C'est quoi, la culture canadienne?» Je ne veux pas dire qu'ils avaient tort ou qu'ils avaient raison. Je veux simplement vous faire part de leur perception. Je ne dis pas qu'ils avaient raison de demander ce qu'était la culture canadienne. Je vous dis simplement ce qu'ils ont dit à M. Marchi: «C'est quoi, la culture canadienne? Nous, les Américains, lorsque nous recevons chez nous un artiste canadien, une troupe de théâtre ou une troupe de danse, on ne sait même pas que ces gens viennent du Canada. On pense qu'ils viennent d'un autre État américain. Donc, comment pouvez-vous vous définir par rapport à nous?» Lorsque M. Marchi est sorti de là—ce n'est quand même pas Mme Copps, la ministre du Patrimoine—, il était ébranlé et il a dit: «On a une longue côte à remonter.»

Cette expérience m'a un peu marqué. Je trouve plaisant et enrichissant d'être ici, quand je vois avec quelle passion vous définissez votre culture. Il y a donc une question de perception. Là-bas, on ne la perçoit pas de façon aussi claire que vous semblez ou que nous semblons la percevoir ici, autour de la table. Donc, c'est une première expérience que j'ai vécue.

Hier, à Thunder Bay, on a entendu une proposition concrète très intéressante, et je voudrais que vous la commentiez. On a gaspillé beaucoup d'argent pour les campagnes anti-tabac. Je dis qu'on a gaspillé de l'argent parce que cela n'a pas donné les résultats escomptés. Par ailleurs, on a investi de l'argent dans des campagnes comme ParticipACTION. Voulez-vous que le gouvernement donne de l'argent à vos entreprises et à vos organisations ou qu'il fasse un genre de campagne de publicité pour faire la promotion de la culture?

M. Carr n'est pas en intervenu, si ma mémoire m'est fidèle, et j'aimerais lui poser une question. Si on vous offrait une subvention durable de 7 p. 100, soit l'abolition de la TPS sur les livres, est-ce que cela pourrait être intéressant pour l'édition du livre? Il me semble avoir déjà lu quelque chose là-dessus. Ce n'est peut-être pas dans un livre que vous avez publié, mais il me semble avoir déjà entendu quelque chose à ce sujet.

Monsieur Sochasky, vous avez parlé de financement récurrent et de financement à long terme. Lorsque Patrimoine Canada vous octroierait une subvention, il dirait que vous allez l'avoir pour trois ans. Est-ce que cela pourrait être un exemple de subventions souhaitées et souhaitables pour votre organisme?

Je tiens également à vous rappeler—je sais que M. Duggan est intervenu là-dessus—que nous, du Bloc québécois, malgré le fait que la barrière linguistique nous assure une forme de protection contre les médias américains, appuyons le projet de loi C-55.

Je voudrais aussi entendre vos commentaires sur la clause d'exception culturelle dont il pourrait être question lors des prochaines négociations. On va négocier des accords de libre-échange ou des accords de commerce avec d'autres pays. Est-il obligatoire que la clause d'exception culturelle soit présente dans tous ces accords, sans exception?

Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Cherry Karpyschin.

Mme Cherry Karpyschin: Je vais tout d'abord répondre à la question de M. Bélanger au nom du Prairie Theatre Exchange. Je vais simplement vous lire notre document parce que je pense qu'on y trouve la réponse à votre intervention.

    Pour que prospèrent les arts et la culture dans notre pays, le gouvernement fédéral doit assumer un rôle de leadership, être proactif et non passif face aux besoins de ce secteur. Aux prises avec des difficultés, la plupart des groupes artistiques et culturels ne veulent pas de cadeaux. Ils veulent mériter leur argent.

    Nous devons collaborer pour instaurer une infrastructure durable et un système d'investissement à long terme pour que les arts et la culture n'aient pas à survivre de façon précaire, de chèque de paie en chèque de paie.

Évidemment, le problème est plus vaste et quant à savoir si je connais la réponse maintenant, je peux vous dire que c'est une conversation qui se poursuit autour de cette table ainsi que dans la communauté artistique, ici à Winnipeg.

Comment survivre à l'avenir et quelles mesures prendre? Il existe ici au Manitoba, comme d'ailleurs en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, un plan de stabilisation des arts. Est-ce la voie à suivre?

À mon avis, c'est certainement un point de départ mais j'estime—et Judy, cela répond partiellement à votre intervention—qu'il faut avoir une vision à long terme. J'ai fait quelques calculs. Au Manitoba seulement, où l'on compte quatre groupes artistiques, le Cercle Molière, le MTC, le PTE et le Manitoba Theatre for Young People, cela représente 150 ans de vie culturelle. Et ce uniquement pour quatre organisations.

• 1035

Je pense l'avoir déjà dit, nous sommes là pour rester. Nous existons depuis longtemps et nous voulons continuer d'exister encore longtemps. La question est de savoir comment tirer parti de nos atouts. Nous avons des assises formidables, non seulement au Manitoba, mais dans tout le Canada. Comment faire pour tirer parti de cet acquis, traverser les épreuves et s'assurer que nous serons encore ici demain et pour l'avenir de nos enfants?

Je pense que l'une des façons d'y arriver est de revenir à la base. Il faut retourner dans les écoles et faire en sorte que les arts soient une matière crédible. Il ne faut pas que tout tourne autour des connaissances académiques et de la science. Il y a énormément d'enfants en milieu scolaire qui ne sont pas doués pour les matières scolaires. Ils ne sont pas férus de science. Ce sont des artistes créateurs, mais ils n'ont pas de débouchés parce qu'ils sont nuls en maths. Ce n'est pas acceptable. Si on leur donne un pinceau, ils sont capables de dessiner une murale fantastique. J'aimerais bien pouvoir en faire autant. Je suis assez forte en calcul, puisque je fais mon budget, Dieu merci, mais je pense que c'est un facteur important.

Je connais des jeunes qui ont abandonné l'école en 10e année, pas parce qu'ils ne sont pas intelligents, mais parce qu'ils ne peuvent faire ce qu'on exige d'eux. Mais l'école ne devrait-elle pas être l'endroit où l'on découvre qui l'on est et où l'on a toutes les possibilités de s'épanouir dans son domaine d'excellence, et non seulement dans les matières où l'on juge que tous les élèves devraient exceller? L'école ne serait-elle pas un endroit où il fait meilleur vivre si elle pouvait embrasser les arts et la culture et permettre à ces étudiants de s'épanouir dans ce domaine?

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Je veux faire suite à ce que vous avez dit. En décembre 1997, un article a paru en première page de la section des arts. Heureusement, c'était dans la section des arts et non dans le rapport sur les affaires. Le titre était: «Les arts, et non les ordinateurs, stimulent la créativité des enfants». On s'y demandait—et c'est une question que nous devons nous poser en tant que membres du gouvernement, dans quels domaines seraient les emplois de l'avenir et comment il convenait de préparer la jeunesse à l'avènement du prochain millénaire.

Dans l'article, on citait des données empiriques concernant l'exposition des enfants aux arts, particulièrement à la musique, dès leur bas âge. En fait, ces enfants obtenaient de bien meilleures notes dans leur test d'habileté scolaire en mathématique et en science mais encore là, c'est une chose qui n'a jamais vraiment été étudiée et à laquelle on n'a jamais vraiment réfléchi.

Je vous inviterais à fouiller cela davantage car c'est peut-être une indication de la direction à prendre afin de préparer nos jeunes pour l'avenir. Je vous remercie d'avoir soulevé cela.

Le prochain intervenant sur ma liste est M. Sochasky.

M. Bob Sochasky: J'aimerais répondre à quelques interventions des membres du comité. J'essayerai de le faire très rapidement car je sais que le temps file.

Pour ce qui est du financement à long terme, un financement sur trois ans représenterait un progrès, même si personnellement je préférerais sans doute cinq ans.

Le financement comporte deux volets. D'abord, le financement opérationnel et le financement lié à la production, c'est-à-dire l'argent qui sert à payer le loyer, et ainsi de suite.

En ce qui concerne les fonds pour les dépenses de capital, l'important, c'est de recevoir de tels fonds, même s'ils sont répartis sur plusieurs exercices financiers. Il s'agit simplement de faire des prodiges de comptabilité. Ce n'est pas plus grave que cela. Nous aurions beaucoup aimé obtenir des fonds pour bâtir notre résidence et ensuite préciser dans notre plan que les dépenses seraient étalées sur deux ou trois ans, selon l'arrivée des fonds.

Par conséquent, si nous avions pu compter sur des engagements et faire quelques prodiges de comptabilité pour étaler les fonds d'un exercice financier à l'autre, pour nous cela aurait été plus avantageux en raison de notre accès à des fonds du secteur privé.

Au sujet de la deuxième question portant sur les fondations, c'est tout à fait la solution qui permettrait à une organisation comme la nôtre de survivre. Nous célébrerons l'an prochain notre 60e anniversaire et si nous voulons survivre encore 60 ans, il faut commencer à constituer des fondations. Nous devons créer de tels fonds dès maintenant pour être en mesure de financer nos activités futures. Il m'est arrivé souvent de travailler avec des sociétés des États-Unis. Leurs fondations sont incroyables. Elles sont riches à millions.

Et cela m'amène directement à mon troisième point. Nous démarrons notre fondation. Nous avons lancé une fondation afin d'assurer le financement de la production de nouvelles oeuvres pour l'avenir. Nous donnons le coup d'envoi à une fondation de 10 millions de dollars.

• 1040

Parmi les cinq points, on voulait savoir quelles initiatives ont donné de bons résultats. J'y arrive précisément. Je sais que Revenu Canada a pris des mesures pour accroître les allégements fiscaux pour les personnes qui font des dons aux arts et aux institutions culturelles. C'est une initiative qui a bien fonctionné. Il faut travailler davantage en ce sens. Il y a de multiples partenaires qui sont disposés à faire des dons à des institutions comme la nôtre et à d'autres qui sont représentés ici. Il faut poursuivre ces efforts. Nous devons affirmer que nous avons, à l'heure actuelle, de nombreux partenaires corporatifs qui n'hésiteraient à nous donner plusieurs milliers de dollars s'ils pouvaient recevoir, en contrepartie, certains avantages de nature fiscale.

Pour assurer le financement des institutions culturelles, il ne faut donc pas limiter le nombre de partenariats à ceux qui existent à l'heure actuelle. Il faut les multiplier. Nous pouvons pressentir des particuliers et des entreprises. Cela peut se faire immédiatement. Il n'y a pas de raison d'attendre.

Voilà le genre d'informations que votre comité peut rapporter et partager avec les autres secteurs du gouvernement. Si vous avez besoin d'aide, je vous aiderai volontiers. Chose certaine, je suis convaincu qu'il y a des initiatives que nous pouvons prendre immédiatement pour recueillir des fonds, non seulement auprès des gouvernements et des sources publiques, mais aussi du secteur privé. Voilà la façon de procéder.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Je pense que nous ferons appel à vous.

J'aimerais vous demander de réfléchir à un problème lorsque vous viendrez nous aider. Dans la foulée de l'élimination de l'impôt sur les gains de capital applicables aux dons à des entreprises de bienfaisance ouvertes, à des fondations ou encore au Royal Winnipeg Ballet, on nous a critiqués en disant que l'argent serait versé à des organisations riches, à celles qui sont connues. Que va-t-il se passer dans le cas du petit théâtre régional? Les riches dicteront où l'argent va aller. J'aimerais que vous nous aidiez à résoudre ce problème.

Monsieur Carr.

M. David Carr: Je ne sais trop quels sont les obstacles à la politique culturelle, ni même quels thèmes elle touche. Mais pour ce qui est de mon secteur, celui de l'édition et, d'un point de vue plus vaste, de l'écrit—et je pense que cela s'applique aux industries culturelles également—, je pense qu'un élément important de toute politique culturelle, quelle qu'elle soit, serait l'importance qu'il convient d'accorder à la clientèle nationale, au marché national. Pour reprendre ce que disait Shelley, ceux d'entre nous qui oeuvrons dans le domaine de l'imprimé ont souvent le sentiment que notre art n'est pas aussi attrayant que d'autres et que l'une des façons pour le gouvernement de nous rendre plus porteurs est de mettre l'accent sur les exportations.

Les livres canadiens ont une bonne feuille de route pour les exportations. Au Manitoba, environ 20 p. 100 de notre chiffre de ventes provient des exportations. Mais pour nous, le plus important demeure le lectorat canadien, la clientèle canadienne. Je ne sais pas quels sont les chiffres pour l'édition, mais c'est sans doute de 30 ou 40 p. 100 des ventes qui émanent du secteur à caractère canadien. Ce pourcentage devrait être beaucoup plus élevé. Il est plus élevé pour l'édition qu'il ne l'est dans d'autres industries culturelles, comme le cinéma.

Nous souhaitons qu'on continue à nous aider à renforcer notre position sur le marché intérieur, à continuer d'offrir des livres et des magazines qui racontent des histoires canadiennes aux Canadiens partout au pays et à solidifier l'infrastructure nécessaire pour y arriver.

L'ensemble des programmes destinés aux maisons d'édition est un bon exemple de la bonne façon de procéder. En effet, depuis les cinq ou dix dernières années, le gouvernement actuel et nos associations ont travaillé d'arrache-pied pour faire en sorte que soient accessibles aux éditeurs canadiens les programmes du Conseil des arts du Canada et, chose plus importante encore, celui du ministère du Patrimoine. Ce sont des efforts sans précédent. Les petites maisons d'édition, les maisons d'édition originales tirent maintenant de ces programmes des avantages qui leur échappaient il y a 10 ans. Cependant, il serait bon que l'on élimine la TPS applicable aux livres étant donné que c'est une taxe sur la lecture. Je suis d'accord avec vous à ce sujet.

J'avoue que nous sommes déçus par la récente décision du gouvernement au sujet de la prise de contrôle de Random House par Bertelsmann. Je pense que c'est un secteur important. D'ailleurs, tout cela s'inscrit dans un phénomène de mondialisation. Le Canada est un petit marché. Lorsque des joueurs imposants comme Bertelsmann, à ma connaissance une société aussi grosse que les cinq principales maisons d'édition canadienne combinées, s'implantent chez nous, il va de soi que tout l'environnement du marché du livre se trouve radicalement modifié.

Nous espérons que le gouvernement fédéral sera davantage proactif pour ce qui est de l'examen de la question de la propriété. Il va de soi que nous appuyons des initiatives comme le projet de loi C-55 dans le domaine du magazine.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, Monsieur Carr.

Madame Saborowski.

• 1045

Mme Alexa Saborowski: J'aimerais parler de films et de télévision pendant quelques instants. Je tiens à mentionner que l'appui du gouvernement fédéral à l'industrie cinématographique, par le biais de Téléfilm, du nouveau Fonds de la télévision canadienne et des allégements fiscaux, a été crucial pour son succès.

Pour réitérer, le Manitoba s'inquiète de l'accès des organismes régionaux aux programmes et au financement, et c'est d'ailleurs une chose que nous répètent constamment nos producteurs. Ils sont constamment inquiets à ce sujet. Si l'on regarde l'argent versé à Téléfilm au fil des ans, les demandes en provenance de l'Ouest ont décliné, et ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de producteurs, mais parce que le versement des fonds est lié aux licences de radiodiffusion. Lorsque les radiodiffuseurs ne dépensent pas dans l'Ouest, les productions y tombent au point mort. Par conséquent, même s'il y a des fonds du gouvernement fédéral disponibles, certaines conditions y sont rattachées.

Deuxièmement, je voudrais parler brièvement des réductions d'impôt, puisque personne n'en a encore parlé. C'est un sujet à la mode dans notre secteur et d'ailleurs, il en a été question dans les journaux récemment. Le crédit d'impôt sur le contenu canadien et le crédit d'impôt sur les services de production ont tous deux été très avantageux pour l'industrie et ont contribué au développement des producteurs et de l'infrastructure. Le crédit applicable aux services de production en particulier—on avait envisagé de le supprimer, et il vient tout juste d'être rétabli depuis un an ou deux—particulièrement dans l'Ouest, et ici au Manitoba, sert à développer l'infrastructure et l'industrie. Compte tenu de la nature du secteur et du temps qu'il faut pour concevoir et concrétiser des projets, les producteurs locaux n'ont pas le volume nécessaire pour maintenir l'infrastructure requise. Par conséquent, grâce aux encouragements en vue d'importer des productions, les équipes de tournage sont occupées, les fournisseurs sont occupés et les producteurs locaux en bénéficient. Cela permet de former les équipes de tournage, ce dont nous avons désespérément besoin. C'est une équation idéale, et nous avons un mélange de productions nationales et étrangères.

Par conséquent, le gouvernement provincial appuie sans réserves le crédit applicable aux services de production du gouvernement fédéral. Je m'en tiendrai là.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Monsieur Bruce Duggan.

M. Bruce Duggan: Quelques observations rapides.

En matière de politique culturelle, les Pays-Bas ont une très bonne ébauche qui, à mon avis, pourrait nous servir de modèle. Les Australiens aussi ont un modèle très valable. Il y a huit ou dix ans, le gouvernement fédéral avait publié un document intitulé Liens vitaux, qui était un très bon schéma pour les industries culturelles.

Au Manitoba, il existe une ébauche de politique culturelle pour la ville de Winnipeg. Trudy a participé à sa rédaction. C'est un excellent document, l'un des meilleurs que j'ai lu à l'intention d'une municipalité. Il existe une politique culturelle provinciale qui, si je ne m'abuse, a été instaurée lorsque vous étiez ministre de la culture ou à peu près à ce moment-là. Cette politique, qui est bonne, doit être mise à jour.

L'une des raisons pour lesquelles nous nous tournons vers le Québec, c'est qu'au Québec, toute association, municipalité, etc. doit se doter d'une politique culturelle. Je pense qu'il serait bon que les membres du comité mettent la main sur certains de ces documents et les fasse traduire et analyser.

En ce qui concerne les accords commerciaux, des accords bilatéraux sont signés régulièrement. Il me semble que cela pourrait être une mesure intérimaire, en attendant de signer un accord multilatéral sur la culture. En théorie, ces documents ne renferment pas de clause dérogatoire. La plupart des gouvernements avec lesquels nous concluons ces accords refuseraient une clause dérogatoire. Mais le problème, c'est que nous sommes assujettis à un modèle dont nous avons convenu à l'origine, mais qui ne sert pas notre propos.

Au sujet des fondations, je me fais l'écho de mon collègue. Il faut que le financement soit disponible et que toutes les organisations admissibles puissent en bénéficier, indépendamment de leur taille ou de leur situation géographique. Le Churchill Arts Council a autant besoin d'une fondation que le Royal Winnipeg Ballet.

Il me semble essentiel de hausser les avantages liés aux dons de charité. On dit de nous que nous sommes le coeur culturel du Canada. Premièrement, parce que nous avons le taux le plus élevé par habitant pour l'assistance aux manifestations artistiques, et deuxièmement, parce que les dons aux activités artistiques sont aussi les plus élevés par habitant au Canada. Ce n'est pas parce que nous sommes une province riche; c'est parce que les résidents de la province sont conscients de la nécessité et de la valeur de ces organisations et sont prêts à payer de leur poche pour assurer leur existence. J'invite instamment le gouvernement fédéral à renforcer cet appui en haussant l'exemption fiscale liée à tout don en espèces.

Pour ce qui est de renforcer les liens entre les provinces et d'assurer notre présence à l'échelle internationale, l'une des pires erreurs qu'a commise le gouvernement fédéral au cours des dix dernières années a été de se retirer presque complètement du secteur des tournées et des échanges, non seulement pour les arts de la scène, mais pour l'ensemble. Ce secteur mérite un réinvestissement important.

• 1050

Enfin, je voudrais parler des villes canadiennes de la culture...

M. Mauril Bélanger: Dans le pays?

M. Bruce Duggan: Oui, les tournées. Le gouvernement fédéral, ainsi que le Conseil des arts et d'autres organismes, se sont pratiquement retirés de ce volet. Si nous nous retrouvons aussi isolés, c'est à cause de la pauvreté des échanges.

Ma dernière suggestion serait de constituer des villes culturelles au Canada. Cela se fait en Europe. Diverses villes sont identifiées comme villes culturelles et l'Union européenne, ainsi que les pouvoirs publics étatiques, provinciaux et locaux, leur versent des fonds.

Je fais partie du Conseil du millénaire de Winnipeg, avec M. Léveillé, et à titre de projet du millénaire ou peu de temps après, nous voudrions que Winnipeg soit la première ville culturelle du Canada. Je suis convaincu que nous pourrons aller chercher l'argent nécessaire auprès du secteur privé ainsi que des instances provinciales et municipales. Pour sa part, le gouvernement fédéral pourrait inaugurer un programme de villes culturelles, et nous serions tout à fait disposés à ce que Winnipeg soit la première. Vous pourriez résoudre tous les problèmes avec Winnipeg et ensuite, continuer sur cette lancée.

Cela ne sera pas donné, mais si nous faisons les choses adéquatement et rationnellement, nous réussirons à modifier la perception qu'ont les Américains et les Canadiens du Canada. En effet, cela mettra en relief, année après année, endroit après endroit, le rôle et la valeur de la vie culturelle dans notre pays.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Zaz Bajon.

M. Zaz Bajon: Je voudrais parler des fondations. Les fondations ne sont pas une panacée. Bob a mentionné les États-Unis. Leur législation fiscale est totalement différente de la nôtre. Il y a aux États-Unis des familles riches qui, dans le cadre de la planification de leur succession, ont pris des mesures pour réduire ou éviter leur fardeau fiscal. Je ne pense pas que ce soit l'idéal. Cela fonctionne pour certains groupes, et d'ailleurs j'en parlerai dans un instant.

Comme la présidente l'a mentionné, certains petits groupes n'auront pas accès aux capitaux versés par les grandes sociétés. Ces sociétés ne sont pas intéressées à donner à des fondations car elles estiment qu'elles peuvent gérer leur argent mieux qu'un organisme sans but lucratif. Les dons individuels seront sans doute élevés et je pense que ce sont des particuliers qu'il faudrait cibler.

Pour les groupes importants, comme le Manitoba Theatre Centre, le Royal Winnipeg Ballet et d'autres, l'option fondation est valable. Cela contribuera à combler les lacunes qui existent et nous permettra de poursuivre notre programmation.

J'ai été stupéfait de constater la réaction négative qu'a suscité en Ontario la proposition de M. Jackman de créer des fondations pour tous les groupes culturels. On a jeté les hauts cris parce que ce n'était pas le bon modèle. Dans le modèle proposé, le groupe fondateur de la fondation ne détenait aucun contrôle. Il n'obtenait que le revenu généré par le capital de la fondation prévu dans leur plan. Le plan demeurait géré et contrôlé par le gouvernement provincial. C'est un peu comme un enfant à qui l'on donne une allocation. C'est le parent qui contrôle les cordons de la bourse. Cela ne permet aucune souplesse.

Le type de fondation que nous envisageons—et dont Bob a parlé—, est dirigé par l'organisation. C'est l'organisation qui assume le contrôle total du capital et qui peut en faire ce qu'il veut, dans le respect de la réglementation de Revenu Canada... Je pense que c'est une bonne idée et qu'il convient d'en faire la promotion. À mon avis, on devrait créer davantage de fondations dans le pays parce que c'est une autre façon d'appuyer le secteur sur le plan fiscal, avec des crédits d'impôt, etc.

Pour Benoît, je me hasarderai à aborder le délicat sujet des observations de M. Marchi à Chicago. Il est très difficile de définir la culture. Le Canada est un pays jeune, de sorte que notre culture continue d'évoluer. La culture n'est pas stagnante; elle change constamment. Avec l'avènement de la nouvelle technologie, les choses bougent. Il y a de nouvelles façons de faire du commerce. Mais essentiellement, la culture est...j'essaie de la définir, mais ma définition n'est pas très bonne. C'est l'expression d'un artiste canadien qui reflète—encore une fois ce terme de reflet—notre société par le biais d'une forme d'art. Ce n'est pas le reflet de quelqu'un d'autre; c'est notre reflet. Je pense que c'est vraiment ça. C'est intangible. Il faut que nous puissions nous exprimer, que ce soit par le biais d'oeuvres classiques ou d'oeuvres d'autrui—la façon dont nous le faisons est différente.

• 1055

Je pense que Robert Lepage est un parfait exemple pour le Québec. C'est un artiste qui voyage partout dans le monde et dont les créations sont vraiment uniques. Il y a d'autres artistes qui reflètent le Canada. Fred Penner en est un. Il fait un travail remarquable et il est connu en tant que Canadien. Certaines des chansons qu'il chante sont reprises dans d'autres pays, par d'autres, mais tout est dans la façon dont la musique est arrangée, présentée.

Il y a de multiples façons de se définir. Le seul terme qui me vienne à l'esprit est celui du reflet. Tout tourne autour de la façon dont on fait ce qu'on fait; c'est notre reflet.

Les Américains ne sont pas sensibles à cela parce que leur culture est dominante. Ils n'ont pas à l'exprimer ou à la définir; elle est, tout simplement. C'est le présent. Ses racines sont tellement profondes qu'ils n'ont pas à lutter pour elle.

Notre problème, c'est que notre culture n'est pas profondément enracinée parce que le Canada est un pays jeune et qu'il continue d'évoluer. Notre culture n'est pas définie parce que c'est une combinaison de nombreuses cultures et que nous essayons encore de la façonner. Tout ce que nous pouvons faire, c'est refléter ce que nous faisons, car c'est le reflet de nous-mêmes. Cela devient très difficile.

C'est plus facile avec la langue. Si vous parlez une langue différente, vous pouvez lutter pour votre culture. Mais si votre langue est la même et que votre pays est multiculturel, cela devient encore plus difficile. La seule façon d'y arriver, c'est de permettre aux artistes de s'exprimer et d'offrir le reflet de notre société, de dire qui nous sommes, peu importe la forme d'art qu'ils choisissent.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Nous allons manquer de temps, et il me reste deux intervenants sur ma liste, Mme Schroeder et Mme Sweeney—, ou peut-être trois. Je voudrais inviter les membres de l'auditoire à participer à la discussion. Nous ne l'avons pas encore fait. Je vous demanderais donc d'être brèves pour que nous puissions donner la parole à l'auditoire.

Mme Trudy Schroeder: J'ai trois petites choses à dire au sujet des fondations.

La Ford Foundation aux États-Unis a fait de l'excellent travail. Lorsque leurs membres ont lancé leur programme de stabilisation des arts, ils ont attaché beaucoup d'importance à la caisse de dotation. Ils ont constaté qu'en encourageant simplement des fondations, d'une certaine façon, cela affaiblissait les organisations. Ces dernières devenaient dépendantes de la fondation et ne faisaient pas d'effort pour se doter de mécanismes propres à accroître leur autonomie. Des travaux de recherche très intéressants ont été effectués à la Ford Foundation et vous devriez en tenir compte dans votre réflexion.

Comme vous le savez sans doute, de nombreux groupes canadiens ont travaillé à des modèles de stabilisation des arts. C'est certainement notre cas, et j'ai participé de près à cette recherche. Dans le cadre de nos travaux, nous avons constaté que tout s'articulait autour de la question de savoir comment préserver notre patrimoine culturel, comment assurer le dynamisme, le bon fonctionnement et la pérennité de nos organisations?

Oui, les fondations sont une partie de la solution. La Ford Foundation estime que les organisations artistiques devraient pouvoir compter sur des fonds de dotation représentant intégralement leurs budgets de fonctionnement annuels et qu'en sus, elles devraient avoir un capital de roulement représentant 25 p. 100 de leurs budgets de fonctionnement annuels. Cela signifie qu'elles sont capables d'essayer de nouvelles choses et de travailler de façon très dynamique pour saisir les occasions qui se présentent et tirer des leçons des reculs qu'elles ont pu connaître pendant une saison donnée.

La troisième chose qui est très importante et, pour moi, c'est l'élément primordial qui est ressorti de toute la discussion—je ne parle pas de la discussion d'aujourd'hui, mais de tout le débat sur la stabilisation des arts—, c'est que les instances de financement ont été une partie du problème. En fait, on a traditionnellement récompensé des organisations qui affichaient constamment des déficits et qui avaient accumulé des dettes considérables. Ces organisations ont bénéficié d'opérations de sauvetage d'envergure à divers moments sans prendre de risques.

Les organisations qui ont été extrêmement bien gérées, qui ont eu de bonnes saisons et qui ont pris les bonnes décisions ont été pénalisées par les organismes de financement parce qu'elles ont semblé ne pas avoir besoin d'argent. À mon avis, ces organisations représentent les meilleurs investissements car elles ont prouvé qu'elles sont capables d'améliorer constamment leurs produits, de fidéliser leur clientèle, etc...non pas qu'une bonne organisation ne puisse pas avoir une mauvaise année ou besoin d'être renflouée, mais je pense que pour assurer la stabilité à long terme du milieu artistique, il faudra réfléchir à cette idée des fondations, de la stabilisation des arts et envisager un changement dans la façon dont les organismes de financement—et, en particulier, le Conseil des arts du Canada—examinent les finances des organisations et leurs efforts pour devenir autonomes.

Il y a eu une autre question au sujet du financement et des politiques culturelles. Au Manitoba, les organisations reçoivent un financement satisfaisant du Conseil des arts parce que nous avons de nombreux groupes artistiques de premier plan par habitant. Évidemment, le Conseil des arts verse l'argent à ces organisations éminentes, de sorte que le financement par habitant versé aux organisations manitobaines par le Conseil des arts est plus élevé que la moyenne ou, plus élevé qu'on s'y attendrait en se fondant sur notre population.

Cependant, pour les artistes individuels, le niveau de financement est beaucoup plus bas. Cela tient partie au fait que nos artistes sont loin du Conseil des arts et n'ont pas accès aux personnes qui pourraient les aider à obtenir des subventions. Nous devons faire des efforts pour qu'individuellement, nos artistes aient accès aux fonds du Conseil des arts.

• 1100

Deuxièmement, au niveau provincial, notre gouvernement nous aide énormément. Par ailleurs, au niveau municipal, les autorités de Winnipeg affichent le taux de soutien aux arts le plus faible par habitant comparativement aux autres grandes villes du Canada. Ce soutien s'établit à 3,03 $ par habitant et nous essayons de faire en sorte qu'il soit haussé.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Madame Sweeney.

Mme Shelley Sweeney: Je voulais parler des fondations. Comme vous le savez, la compagnie de la Baie d'Hudson a reçu du gouvernement un allégement fiscal de 65 millions de dollars pour avoir fait don des archives de la baie d'Hudson. Elle a ensuite pris la totalité de cette somme pour créer la Fondation de la baie d'Hudson, qui vient de construire un immeuble des plus modernes pour abriter le fonds documentaire. La contribution du secteur privé, à la lumière de cet exemple, peut être extrêmement valable. Par conséquent, comme ces archives ne dépendent plus des subventions du gouvernement, il reste plus d'argent pour des organismes comme le nôtre qui en ont encore besoin.

En dernier lieu, je voudrais revenir sur ce qu'a dit David. Archivaria est notre publication nationale et une maison d'édition étrangère a récemment voulu en prendre le contrôle. Une bonne partie des cotisations de nos membres sert à appuyer Archivaria et nous y consacrons aussi bénévolement un grand nombre d'heures de travail. Nous aurions pu laisser cette maison d'édition prendre le contrôle, mais nous aurions perdu tous nos droits sur cette publication. Cela signifie que nous aurions écrit les articles, mais que la maison d'édition étrangère aurait empoché les profits. Vous pouvez aussi être sûrs qu'elle n'aurait pas laissé Archivaria se vendre aussi peu cher qu'à l'heure actuelle. Elle en aurait haussé le prix, et nous aurions payé cher le fruit de nos propres efforts.

C'est une mise en garde que je fais au sujet de ces grandes maisons d'édition étrangères. Elles viennent ici cueillir les derniers fleurons des publications savantes qui restent. Comme vous le savez, les fonds que verse Patrimoine Canada à ces programmes diminuent constamment, de sorte que nous sommes des proies faciles et que nous devons être vigilants pour ne pas tomber entre les mains d'intérêts étrangers.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Je vais donner aux membres de l'auditoire la possibilité de faire quelques interventions rapides. Veuillez vous identifier, je vous prie.

Mme Helma Rojje (témoigne à titre personnel): Je m'appelle Helma Rojje et je suis artiste visuelle. Je travaille à Winnipeg Beach. Je tiens à dire que j'ai entendu aujourd'hui tout ce que je voulais entendre, même si l'on remonte à 1989, au moment où Bruce participait aux négociations sur le libre-échange et nous a montré la bonne voie.

Je voudrais parler de Marilyn Stothers. Marilyn fait partie du Crafts Council, l'Association des artisans.

Je suis artiste visuelle, mais je travaille en solo. Les observations qui ont été faites ici concernaient surtout les groupes jouissant d'une représentation. Bien sûr, les artistes individuels font également partie d'un groupe qui s'appelle Canadian Artists Representation, mais ce groupe fonctionne différemment. Je sais que cet organisme n'a reçu aucun fonds de roulement car il s'agit d'un organisme de services et que ce genre d'organismes at été rayé de la liste il y a longtemps.

Je vous recommanderais de renforcer un marché peu attrayant, le marché intérieur. Vous savez, il est tellement exotique d'aller à l'étranger, d'être exporté, mais ce n'est pas tout le monde qui peut faire cela. Ce ne sont pas tous les artistes qui oeuvrent dans un domaine qui se prête à cela, particulièrement des gens comme moi. En tant qu'artiste visuelle, on me reproche depuis des années déjà d'être un dinosaure. Que puis-je faire? J'ai appris à me servir du courrier électronique, j'ai appris à scanner mes images. Je m'intéresse aussi beaucoup à la technologie. Je fais mes propres reproductions et elles sont numérotées individuellement.

À mon avis, c'est un problème élémentaire. Les problèmes élémentaires ne sont pas énormes. Dans le domaine de l'éducation, puisqu'il faut commencer par nos enfants, il faut absolument et totalement évacuer les préjugés associés aux arts, préjugés auxquels nous sommes confrontés chaque fois que nous allons quelque part. Dans les réunions de famille, des oncles et des tantes qui nous demandent quand nous allons avoir un véritable travail. Ce n'est pas ainsi que les choses se décident. Nous n'avons pas le choix. Nous sommes des artistes. Nous avons déjà essayé plusieurs voies lorsque nous étions plus jeunes parce que nous pensions que qu'il fallait absolument gagner de l'argent. Au bout du compte, cependant, nous n'avons eu pas le choix. Il fallait que nous soyons des artistes visuels.

• 1105

Je voudrais paraphraser quelque chose que j'ai lue hier. J'ai jeté le papier en question, mais je l'ai montré auparavant à mon partenaire. J'aurais dû l'apporter aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, on disait que le rôle de l'artiste est d'exprimer les tabous, de déranger, de bouleverser le statu quo. Or, les artistes ne peuvent faire cela que s'ils sont appuyés. Si je veux être en mesure de payer mes factures, je ne peux me permettre de faire une oeuvre artistique qui soit totalement controversée. Autrement dit, si je n'ai aucuns appuis, je ne peux payer mes facteurs, mais je dois de les payer.

Cependant, je tiens à dire que tout n'est pas noir. J'ai reçu des subventions très généreuses du Conseil des arts du Manitoba. Dans l'intervalle, lorsque je n'ai pas de subvention, je fais du travail zen, de petites miniatures, et je les vends.

Ce que je tenais à dire, c'est qu'il faut faire ce travail de base. Il faut donner à nos enfants la possibilité de développer non seulement leur talent mathématique, mais aussi leur créativité. À l'heure actuelle, on ne se soucie plus du tout du passé ; c'est uniquement l'avenir qui compte.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Judy, pouvez-vous faire vite?

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai une autre question. Si vous envoyez des mémoires au comité, il serait utile d'aborder ce sujet. En fait, Trudy l'a effleuré brièvement.

À l'exception du Conseil des arts du Canada, le gouvernement a réduit sensiblement le financement du ministère, de la Société Radio-Canada, de Téléfilm, des archives et d'autres institutions culturelles clés du pays. J'ignore quel pourcentage ces compressions représentent. Je pense que c'est à peu près 1 ou 2 p. 100 de l'ensemble des dépenses du gouvernement fédéral. Quel serait le niveau d'investissement approprié pour le gouvernement fédéral dans le domaine des arts et des activités culturelles? Comment notre niveau d'investissement se compare-t-il à celui d'autres pays? Troisièmement, étant donné que les dépenses effectuées au chapitre des arts et des activités culturelles engendrent d'énormes retombées sur le plan de l'emploi et de la main-d'oeuvre, quel est le niveau actuel de cette contrepartie, en termes bassement économiques?

Il y a quelques années, on disait que le secteur culturel de l'économie était celui qui connaissait la croissance la plus rapide, qu'il était le plus grand créateur d'emplois. Est-ce encore le cas? Quel rapport existe-t-il entre l'investissement direct et ces retombées économiques?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie beaucoup de ces questions, Judy. C'est une très bonne façon de conclure étant donné que cela nous donne matière à réflexion.

Encore une fois, j'invite tous et chacun d'entre vous à présenter un mémoire écrit au comité d'ici la fin de mars 1999.

Pour conclure avec les propos de Judy, le Conseil des arts de Toronto vient tout récemment de rendre public son rapport et il renferme des statistiques sur le rendement de l'investissement culturel. Lorsqu'on aborde cette question, on parle toujours d'un ratio de sept pour un. On nous demande parfois d'où cela sort, mais nous n'en sommes pas trop sûrs. Je sais que la firme McKinsey & Company a effectué une étude dans l'État de New York intitulée You Gotta Have Art. On y examinait le rendement des activités culturelles dans l'État de New York. Je pense que c'était environ sept pour un. Mais comment évaluer et quantifier ce rendement?

En conclusion, je vous remercie tous d'être venus, d'avoir pris du temps dans vos horaires très chargés pour venir ici rencontrer le comité. Deux heures, ce n'est jamais assez. Mais comme cela arrive dans bien des cas, ce n'est pas une fin, ce n'est qu'un début. Nous avons commencé un dialogue, et il y a toujours une suite. Veuillez assurer la poursuite de cette conversation.

Encore une fois, au nom de mes collègues, merci d'être venus. Je remercie aussi le député local d'avoir participé aux travaux du comité aujourd'hui. Nous attendons vos mémoires et nous sommes impatients d'entendre vos commentaires au sujet de notre rapport.

Des voix: Bravo!

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): La séance est levée.