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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 3 décembre 1998

• 0901

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia)): Chers collègues, nous allons commencer notre réunion à 9 heures pile. Je crois savoir qu'il y aura un vote vers 10 h 30, alors nous ferons ce que nous pourrons avant le vote. Avec un peu de chance, nous pourrions peut-être finir.

Un de nos groupes de témoins n'est pas encore arrivé; il s'agit du Conseil canadien du porc. Nous souhaitons toutefois la bienvenue aux représentants du Conseil des viandes du Canada et du Conseil national de l'industrie laitière du Canada. Nous accueillons Bill Mulock, président du Conseil des viandes du Canada, qui est accompagné de Robert Weaver, directeur général. Nous accueillons aussi Kempton L. Matte, du Conseil national de l'industrie laitière du Canada.

Nous allons commencer par M. Mulock, du Conseil des viandes du Canada. Soyez le bienvenu.

M. Bill Mulock (président, Conseil des viandes du Canada): Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Bill Mulock et j'occupe cette année la présidence du Conseil. C'est à ce titre que je témoigne devant vous. Je gagne ma vie comme propriétaire d'une entreprise torontoise appelée Tasty Chip Steak Products, qui produit du bacon enrobé de pois. L'appellation est trompeuse, mais elle existe depuis longtemps. En réponse à l'invitation que vous nous avez lancée, monsieur Harvard, je demanderais à Bob Weaver de bien vouloir vous présenter notre exposé.

Le président: Oui, bien sûr, soyez le bienvenu, monsieur Weaver. Nous avons déjà rencontré M. Weaver, qui est un éminent représentant de votre organisation. Nous sommes très heureux de vous voir là, Robert.

M. Robert Weaver (directeur général, Conseil des viandes du Canada): Merci beaucoup. Je suis accompagné de Brian Read, vice-président aux ventes et au marketing chez Levinoff Meat Products Ltd., qui exploite deux usines près de Montréal. Je suis aussi accompagné d'un transformateur de porc et d'un propriétaire d'entreprise d'abattage et de conditionnement de la viande, qui pourrait nous être utile quand viendra le temps de répondre aux questions.

Je tiens tout d'abord à vous dire quelques mots au sujet du Conseil des viandes du Canada. Le Conseil des viandes du Canada est une association professionnelle qui représente les abattoirs et les transformateurs sous inspection fédérale: porc, boeuf, veau et agneau. Le chiffre d'affaires de l'industrie est d'environ 10,4 milliards de dollars. Du moins, c'est ce qu'il était en 1997. Notre industrie est le troisième secteur manufacturier au pays. Elle employait directement 35 500 personnes en 1997 et, cette année-là, ses exportations de viande rouge, qui comprenaient d'autres produits animaux, mais pas d'animaux vivants, s'élevaient à quelque 3 milliards de dollars. Le Conseil des viandes du Canada représente un peu plus de 85 p. 100 de la production totale de viande rouge au Canada.

Étant donné que nous nous occupons aussi bien de boeuf que de porc, je voudrais maintenant vous présenter les statistiques concernant les bovins et le boeuf, qui se trouvent à l'onglet bleu du document, si vous voulez suivre.

Vous verrez, d'après les statistiques que je vous donnerai, que l'année 1998 se révèle être une assez bonne année pour le secteur canadien des bovins et du boeuf, sur le plan du volume. Je ne peux pas vous donner de montants pour 1998, puisqu'ils ne seront publiés que beaucoup plus tard, quand nous aurons les données officielles de Statistique Canada au printemps. Pour ce qui est des bovins, l'abattage de bovins sous inspection fédérale est en hausse de 3,3 p. 100 cette année, tandis que la production de boeuf est en hausse de 7,9 p. 100, ce qui est révélateur quant au poids des carcasses, qui est donc plus élevé que l'an dernier. Les exportations d'animaux vivants, dont la totalité va aux États-Unis, sont en baisse de 2,3 p. 100.

Même si nos amis de la Canadian Cattlemen's Association diraient qu'il n'y a pas lieu de se réjouir d'une baisse de 2,3 p. 100 des exportations de bovins vivants, le Conseil des viandes du Canada estime qu'il s'agit d'une très bonne nouvelle, car ce sont là des animaux qui sont abattus et transformés au Canada, et c'est ce qui explique que la production de boeuf soit en hausse de 7,9 p. 100. Jusqu'à maintenant, jusqu'au milieu de novembre 1998, les exportations de boeuf ont augmenté de 5,4 p. 100 par rapport à l'année dernière. L'année dernière était presque une année record pour les exportations de boeuf, si bien que le bilan est très bon en 1998 pour ce qui est du volume.

• 0905

Voilà un très bref aperçu du côté boeuf, et je vais maintenant vous parler du porc, qui se trouve à l'onglet brun.

Nous sommes conscients du fait que vous êtes bombardés d'informations sur ces différents sujets et que vous participez à beaucoup de discussions là-dessus, si bien que vous aurez du mal à suivre le dossier des négociations de 1999. Nous regardons la télévision et nous vous voyons à la Chambre; nous sommes au courant des reportages que présentent les médias. Nous sommes donc très conscients des pressions qui s'exercent sur vous. Cependant, je tiens à vous dire que, de notre point de vue, l'année 1998 est jusqu'à maintenant une bonne année pour la production de porc et c'est aussi une année fort acceptable pour les exportations de porc.

Si je dis cela, c'est parce que les abattages fédéraux de porc au Canada sont jusqu'à maintenant, 13 novembre, en hausse de 5,6 p. 100. La production de porc est en hausse de 6,2 p. 100, tandis que les exportations de porc, qu'on signale ici comme étant en baisse de 0,7 p. 100... Je n'ai pas besoin de vous dire que les chiffes qui viennent d'Agriculture Canada ne sont pas toujours exacts, en raison du délai de six semaines qui est nécessaire pour la production de documents sur les exportations. Quand nous aurons les chiffres réels, contrairement à cette baisse de 0,7 p. 100, les exportations de porc seront en fait en hausse pour 1998, et d'ici à la fin de l'année, elles auront certainement atteint un niveau plus élevé que celui de 1997.

Cet accroissement de la production et des exportations s'est produit malgré les deux grèves que l'industrie a connues et qui ont été les pires de son histoire. Une de ces grèves a touché les usines Maple Leaf. Vous avez entendu parler de celles de Burlington et de Winnipeg, et il y a aussi eu une fermeture d'usine à Edmonton. Une fois que ces grèves-là ont été réglées, nous en avons eu une autre à Fletcher, puis une autre usine, celle de Red Deer, en Alberta, a fermé. En dépit de ces grèves très importantes, les exportations de porc sont à peu près au même niveau que l'an dernier, et la production de porc est de 6,2 p. 100 plus élevée que l'an dernier. Ainsi, d'ici la fin de l'année, nous pourrons faire état de chiffres tout à fait acceptables.

Qu'en est-il de l'avenir de l'industrie? Je sais que vous allez nous poser la question. D'après les prévisions à l'échelle mondiale pour 1998—il s'agit de la feuille qui se trouve au milieu de la partie concernant le porc—, la production de porc augmenterait de 3 p. 100, la consommation augmenterait aussi de 3 p. 100 et le commerce et la concurrence s'accroîtraient à l'échelle internationale. Cette dernière prévision ne vous surprendra certainement pas étant donné l'autre sujet qui nous préoccupe tous et dont nous discuterons sûrement de façon plus approfondie.

D'après les prévisions pour le porc canadien, la concurrence s'intensifierait, le secteur prendrait de l'ampleur tout au long de 1999, à condition que nous réussissions à sortir de la crise actuelle, les stocks et la production de porc augmenteraient et le secteur de l'abattage et du conditionnement se caractériserait par une concurrence accrue.

Dans un récent rapport de Canada Porc International, dont j'ai inclus copie dans le livret, on cite cette petite phrase qui résume l'avenir de l'industrie:

    Le Canada, avec son approvisionnement abondant et une monnaie compétitive, est bien placé pour faire face à la concurrence acharnée, qui se prépare pour 1999, entre les principaux exportateurs pour des parts du marché mondial.

Je tiens à préciser que ce rapport a été rédigé avant le début de la crise.

Je voudrais maintenant prendre quelques minutes pour vous parler des activités du Conseil des viandes du Canada au chapitre du commerce international, car c'est de cela que vous nous avez invités à venir vous entretenir.

Le Conseil des viandes du Canada appuie la libéralisation des échanges. Cela ne fait aucun doute. Nous représentons le secteur agroalimentaire qui exerce son activité dans un contexte de libre-échange depuis plusieurs centaines d'années, exception faite de quelques interruptions. Quand je suis arrivé dans l'industrie au début de 1993, nous en étions toujours à la dernière série de négociations. J'arrivais d'un autre secteur et j'avais donc du mal à comprendre pourquoi les gens de l'industrie ne s'enthousiasmaient pas à l'idée que les échanges soient libéralisés. La raison était bien simple: ils avaient déjà le libre-échange depuis 200 ans. J'ai moi-même vérifié les chiffres. C'est pour cette raison que le libre-échange ne les intéressait guère; ils l'avaient depuis toujours.

• 0910

Il convient toutefois de préciser que l'industrie évolue sur le marché nord-américain. Tous ceux qui consomment de la viande rouge—si, par exemple, vous avez une cafétéria dans l'immeuble et qu'on y utilise du veau, du porc, du boeuf ou de l'agneau—et qui n'aiment pas ce qu'ils obtiennent de l'Ontario, des Maritimes, de l'Alberta ou du Québec, n'ont qu'à téléphoner en Iowa, en Caroline du Nord, au Nebraska ou n'importe où ailleurs aux États-Unis, et ils peuvent y obtenir leur viande sans avoir à payer de droits de douane. Il en va de même pour les Américains, qui peuvent acheter ici sans payer de droits de douane. C'est là une des caractéristiques fondamentales de l'industrie.

Le Conseil des viandes du Canada a donc un rôle à jouer auprès de deux groupes d'exportateurs. Le premier est la Canada Beef Export Federation—nous avons de nos administrateurs qui siègent au conseil de cette organisation, avec la Canadian Cattlemen's Association—qui a pour mandat de faire la promotion des exportations de boeuf à l'étranger. Nous participons donc aux activités de ce groupe, et nous participons aussi à celles de Canada Porc International, qui est la propriété conjointe du Conseil des viandes du Canada et de nos collègues—qui sont arrivés avec un peu de retard, mais qui sont là—du Conseil canadien du porc. Nous appuyons les deux groupes.

Il n'est pas trop difficile de résumer les chiffres relatifs aux exportations d'animaux et de viande rouge en 1997, car elles se chiffrent à près de 5 milliards de dollars—elles se chiffrent en fait à 4,7 milliards de dollars. Les animaux vivants—porcs et bovins—représentent environ 2 milliards de dollars, et les produits animaux et la viande rouge, 3 milliards de dollars.

Cela représente donc 24 p. 100 de toutes les exportations agro-alimentaires canadiennes. Quand on tient compte aussi des exportations de l'Alliance pour le commerce, qui a témoigné devant vous la semaine dernière—et j'étais là pour le témoignage—, le total dépasse 65 p. 100 des exportations agro-alimentaires du pays dans son ensemble.

Le Conseil des viandes du Canada appuie, jusqu'à maintenant en tout cas, la position de l'Alliance pour le commerce. Nous appuyons la libéralisation des échanges, l'accès au marché, la réduction des droits de douane, l'élimination des barrières non tarifaires, la réduction des subventions et le recours à des filets de sécurité verts, dont nous savons qu'ils ont fait l'objet de discussions intenses ces derniers jours, l'élimination des subventions à l'exportation et le recours à des critères scientifiques pour régler les différends commerciaux.

Nous sommes aussi devenus, depuis quelques semaines, membres fondateurs d'un groupe appelé North American Meat Industry Trade Alliance. Il s'agit d'une alliance entre l'American Meat Institute, qui a son siège à Washington, et les transformateurs de viande mexicains, à laquelle nous participons maintenant. L'objectif premier est d'élaborer des positions communes à l'industrie nord- américaine de la viande en vue des négociations mondiales qui doivent commencer l'an prochain. L'Alliance a comme principe fondamental une politique sur la libre circulation des produits du bétail en Amérique du Nord et dans le monde. Dans le secteur de la viande rouge, les Mexicains, les Américains et les Canadiens se sont mis d'accord là-dessus.

Je m'arrête là pour l'instant. Je me doute bien des sujets que vous voudrez aborder au cours de la période des questions. J'ai laissé des exemplaires français et anglais de notre mémoire.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Weaver, et merci aussi à vous, monsieur Mulock. J'ai pris note de la façon dont vous prononcez votre nom. Ayant travaillé dans la radiodiffusion, je suis sensible à la prononciation.

Je tiens aussi à faire mes excuses à M. Matte. J'ai déjà travaillé au réseau CBC avec Terry Matte, qui épelait son nom exactement comme vous épelez le vôtre. J'ai toutefois appris il y a longtemps que, pour les noms de famille, toutes les prononciations sont possibles.

Je vous souhaite la bienvenue et je souhaite aussi la bienvenue, bien entendu, à MM. Asnong et Rice, du Conseil canadien du porc.

Je cède maintenant la parole à M. Matte. Soyez le bienvenu.

M. Kempton L. Matte (président-directeur général, Conseil national de l'industrie laitière du Canada): Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.

Le Conseil national de l'industrie laitière du Canada est l'organisme professionnel qui représente les fabricants et les négociants canadiens de produits laitiers en ce qui touche les questions d'intérêt national. Ses membres transforment plus de 95 p. 100 de la production laitière annuelle qui est destinée à une industrie dont le produit dépasse les 8 milliards de dollars. Au nombre des membres du Conseil figurent des entreprises familiales, des sociétés régionales et nationales, des coopératives laitières et des multinationales de propriété canadienne et étrangère. Notre industrie fournit directement un emploi à quelque 21 000 travailleurs des opérations de fabrication et elle appuie environ 24 000 producteurs laitiers dans l'ensemble du Canada.

• 0915

Le Conseil national de l'industrie laitière du Canada et ses membres ont été le fer de lance des mécanismes d'apport et de réponse aux dossiers internationaux du secteur laitier, notamment auprès de l'ancien GATT et, maintenant, de l'OMC. Nous nous réjouissons donc de l'occasion qui nous est donnée de vous exposer à titre provisoire ce que pourraient être, à notre avis, les préoccupations du Canada en matière de négociations et les points sur lesquels on pourrait mettre l'accent.

De toute évidence, il nous faut compter avec la poursuite des grandes tendances dans le contexte des prochaines négociations du secteur agricole, à savoir le maintien de l'accent dans trois domaines principaux d'importance première pour les transformateurs laitiers du Canada. Les trois domaines principaux où nous devrons lutter sont le dossier de l'accès au marché, y compris les niveaux et les contingents tarifaires, l'élimination des subventions à l'exportation et la question du soutien des agriculteurs au Canada.

Il ne fait aucun doute que les négociations de l'Uruguay Round ont, pour la première fois dans l'histoire du GATT, assujetti l'agriculture à une discipline en matière d'accès au marché et à des règles commerciales. Cela a été et demeure une réalisation de taille et une amorce de bon augure au processus permanent qui doit maintenant être peaufiné dans le détail et dans son application. Le principal point faible, en l'occurrence, était l'incapacité des pays participants, qui avaient convenu d'un système fondé sur des règles rigides d'accès au marché, à s'entendre sur des règles particulières pour arrêter et attribuer les engagements des pays à l'égard de cet accès. Il en est ressorti un ensemble de lignes directrices que les pays membres de l'OMC ont, depuis, interprétées de diverses façons, comme il fallait s'y attendre.

Les conséquences pour le Canada étaient assez prévisibles. Fidèle à lui-même, il s'est montré à la hauteur de son image de boy-scout et a pris, en matière d'accès, des engagements permettant d'atteindre les objectifs énoncés par l'OMC, ce qu'il aura essentiellement réalisé à la fin de la période prévue.

L'examen des efforts faits par nos partenaires commerciaux pour respecter les mêmes critères force à conclure qu'il reste encore beaucoup à faire. À cet égard, le Canada a une position très bien assise, qui lui fournit des arguments irréfutables en faveur d'un accès équitable. Il ne saurait accepter d'être privé d'un accès approprié aux marchés internationaux qu'il convoite, du fait que ses rivaux finassent à l'égard de leurs engagements sur ce plan.

En ce qui touche l'accès aux marchés de l'Union européenne (UE) et des États-Unis, le Canada doit négocier sérieusement sur une base quelconque d'équivalence de taille ou de valeur des marchés. À quoi cela servirait-il de s'engager à accorder aux États-Unis l'accès à son marché pour 1 000 tonnes de crème sure laitière en contrepartie d'une quantité équivalente? De toute évidence, cela ne rimerait à rien, compte tenu de la taille relative de nos marchés respectifs. En l'occurrence, le Canada devrait demander l'accès pour environ 6 000 tonnes.

La situation est la même face à l'UE. Avec elle, le Canada a réussi à négocier un rajustement de sa part de fromage destinée au Royaume-Uni à la suite des négociations de l'Uruguay Round, mais seulement moyennant la réciprocité en poids de l'accroissement garanti de l'accès de l'UE à notre marché, et cela, alors que le marché de l'UE est 15 fois plus gros que le nôtre. De plus, la négociation de ce rajustement aurait dû se faire pendant l'Uruguay Round, alors que le Canada avait une certaine force de frappe, et non après. L'industrie laitière canadienne, qui ne peut se satisfaire de cette approche, compte bien que la position du Canada à l'égard des négociations répondra à ses attentes, à savoir une amélioration réelle de l'accès aux marchés, à condition que cette amélioration corresponde à la taille de ces marchés.

En ce qui touche l'actuelle structure tarifaire, nous sommes d'avis que le Canada a besoin d'y trouver une protection suffisante pour ses entreprises agricoles et agroalimentaires, à qui il faut plus de temps pour s'adapter au marché international, souvent plus concurrentiel. Il y a donc lieu d'inciter les secteurs touchés, dont le nôtre, à procéder aux rajustements nécessaires pour faire face à la réalité future des tarifs douaniers plus bas.

Il est toutefois important de se rappeler qu'il importe beaucoup aux consommateurs canadiens que l'industrie agroalimentaire du Canada réussisse à concurrencer l'industrie étrangère. Il suffit de regarder le marché intérieur des ingrédients laitiers pour se rendre compte que, même aujourd'hui, les consommateurs choisissent les produits principalement en comparant valeur et prix. Les pizzas congelées importées qu'on trouve dans les supermarchés sont un bon exemple de produits qui se vendent moins cher que s'ils étaient fabriqués avec des ingrédients canadiens. L'industrie laitière canadienne voit s'effriter sa part du marché intérieur.

Les tarifs ne devraient donc pas être élevés au point de favoriser l'inefficacité, à quelque échelon que ce soit de la chaîne de l'alimentation. D'autres pays, il est vrai, ont aussi établi des obstacles tarifaires très élevés en raison de politiques intérieures. Néanmoins, nous sommes d'avis que ces négociations commerciales viseront principalement à baisser les niveaux tarifaires sur une période qui doit être convenue.

• 0920

Le Canada devrait encourager cette approche et y voir l'occasion d'adopter une position qui lui permette au fil du temps d'atteindre ses objectifs avoués en matière d'exportation. Les fabricants canadiens de produits laitiers brûlent de pouvoir contribuer davantage à la croissance des exportations canadiennes. Ce souhait traduit l'optique du Conseil national de l'industrie laitière, selon laquelle l'avenir de l'industrie laitière doit reposer sur une croissance et une rentabilité soutenues pour les producteurs et les négociants.

Il est essentiel d'avoir une structure tarifaire permettant les ajustements voulus dans l'industrie. La mise en place d'une telle structure offre au Canada l'occasion de négocier avec les autres pays des niveaux tarifaires qui ne demeureront pas indéfiniment des obstacles aussi insurmontables au commerce.

Les contingents tarifaires visent les produits laitiers transformés primaires, et non la grande majorité des aliments contenant des produits laitiers comme ingrédients. Leur administration est donc importante et, à notre avis, la position du Canada doit être de négocier avec insistance pour que ces contingents soient répartis de manière à offrir aux partenaires commerciaux la possibilité de les utiliser pleinement. Bon nombre de contingents sont attribués à des pays qui ne réussissent pas à fournir les produits correspondants.

Au chapitre de l'élimination des subventions à l'exportation, le Canada peut marcher la tête haute et miser sur une position de négociation vraiment solide: il ne subventionne plus ses exportations de produits laitiers. Le gouvernement du Canada peut donc se permettre de faire valoir avec force que les trésors publics ne doivent plus financer les exportations de produits agricoles. Ce sera sûrement une lutte difficile mais essentielle pour instaurer des conditions internationales justes sur les plans commercial et concurrentiel. Il n'est guère réaliste d'attendre des producteurs ou des transformateurs de premier cycle qu'ils rivalisent avec les trésors publics sur les marchés d'exportation.

Cependant, les régimes de prix multiples, tel celui des producteurs laitiers canadiens, sont actuellement contestés et continueront sans doute de l'être. Il incombe au gouvernement du Canada d'être fin prêt à maintenir son engagement actuel à l'égard de ces régimes. Les connaissances que nous a procurées le différend présentement devant l'OMC au sujet des classes spéciales de lait pourraient nous être d'un secours inestimable pour les prochaines négociations.

La question des programmes de soutien intérieurs sera sûrement un point important des négociations. À cet égard, la position fondamentale du Canada devrait probablement être que la production des agriculteurs du pays puisse être rentable, qu'ils la destinent au marché intérieur ou à celui de l'exportation. En pareille situation, on ne devrait pas interdire les programmes publics de remplacement ou de stabilisation du revenu qui visent expressément à éviter toute incidence sur le commerce international.

Les régimes de gestion des approvisionnements ne devraient, comme tel, être la cible des négociateurs, dans la mesure où ils respectent les politiques ne faussant pas les échanges en deçà des paramètres convenus à l'égard de l'accès et des tarifs. Comme nous le savons tous, le marché est un milieu hostile qui oblige sans cesse à améliorer les compétences, l'efficacité et la production.

Les programmes de soutien doivent tenir compte de ces réalités sans oblitérer les signes émanant du marché, qui sont nécessaires pour susciter des gains en efficacité.

Voici des observations découlant des négociations de l'Uruguay Round. La croissance et la prospérité sont la source du mouvement de libéralisation des échanges. Aussi un commerce plus libre et plus juste doit-il profiter à l'ensemble de la chaîne de l'alimentation, du secteur primaire jusqu'au consommateur, en passant par le transformateur, le négociant, le grossiste et le détaillant.

Ce point est très important. Si le consommateur n'en profite pas, les objectifs de la libéralisation des échanges ne sont pas atteints. Compte tenu des engagements déjà pris à l'égard d'un niveau minimal d'accès, tous les maillons de la chaîne de l'alimentation sont tenus de revoir leur mode d'exploitation pour assurer des pratiques optimales. C'est le seul moyen de valoriser un produit à chaque étape vers le marché. Personne n'échappe à cette réalité.

La rentabilité est essentielle à toute entreprise et à tout entrepreneur. Elle n'est pas garantie et ne peut l'être par aucun gouvernement. Tous les intervenants d'une industrie ont l'obligation de se donner la main pour assurer la croissance de leur secteur et se donner des possibilités optimales de rentabilité. Cependant, les piètres gestionnaires continueront de diriger des entreprises fonctionnant à perte, qu'il s'agisse d'entreprises agricoles ou manufacturières. On devrait laisser aller à la dérive les entreprises aussi mal préparées.

Voici quelques conclusions préliminaires. Les négociations commerciales sur les produits agricoles doivent profiter aux consommateurs, et le Canada doit négocier l'accès au marché en faisant entrer en ligne de compte la taille et la valeur relatives des marchés visés. Le Canada doit négocier en misant sur l'élimination complète des subventions à l'exportation et il doit négocier son droit à maintenir ses programmes de soutien des agriculteurs, dont la gestion des approvisionnements, qui n'a aucune incidence sur le commerce international. Le Canada doit négocier un accord commercial qui permette à ses exportateurs de maximiser leur rapport à l'économie du pays.

• 0925

Je répondrai volontiers aux questions du comité, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Matte.

Chers collègues, avant de donner la parole aux représentants du Conseil canadien du porc, je vous rappelle que nous devons aller voter à 10 h 35. Si la sonnerie se met en marche plus tard que prévu, nous pourrons en faire davantage. Je ne sais pas ce que vous souhaitez. J'aimerais terminer la séance avant d'aller voter. Il sera difficile de revenir ici pour seulement 15 ou 20 minutes. Voyons ce que nous pouvons faire. Nous pouvons peut-être comprimer nos questions.

Passons maintenant au Conseil du porc. Bonjour, monsieur Asnong.

M. Edouard Asnong (président, Conseil canadien du porc): Bonjour et merci, monsieur le président.

Je voudrais d'abord remercier le comité permanent d'avoir ainsi permis aux groupes de l'industrie de présenter leur intérêt pour une libéralisation du commerce des produits agroalimentaires et de proposer des objectifs précis que devrait se fixer le Canada pour la prochaine ronde de négociations multilatérales dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

Je suis ravi de vous parler aujourd'hui des positions communes aux secteurs de la production, de la transformation et de l'exportation. Canada Porc International est une entreprise en coparticipation du Conseil canadien du porc et du Conseil canadien des viandes, destinée à coordonner nos démarches visant à accroître les exportations de porc canadien.

Lorsqu'on a compris qu'une ronde de négociations aurait lieu avant la fin du siècle, CPI a décidé de rédiger un énoncé de position représentant les intérêts communs à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement pour le porc d'exportation. Je suis donc content de fournir aux membres du comité notre énoncé de principes commercial publié tout récemment, qui, comme on le dit, a été endossé par les conseils d'administration des trois organismes.

Au cours des 20 dernières années, on a assisté à une croissance très rapide des exportations de porc du Canada, et plus particulièrement depuis la fin de l'Uruguay Round, qui a mené à la création de l'OMC. C'est vrai pour toutes les grandes catégories de produits du porc, y compris les salaisons et les abats. En trois ans, depuis la mise en oeuvre de l'Uruguay Round, les exportations canadiennes sont passées de 800 millions de dollars en 1994 à plus de 1,3 milliard de dollars en 1997. Le Canada vend maintenant des porcs et des produits du porc à plus de 80 pays étrangers.

Le nouvel ordre commercial mondial n'est pas la seule raison de l'augmentation rapide des exportations de porc canadien, mais l'OMC nous a certainement donné accès à des marchés qui nous étaient auparavant fermés. Elle a aussi assuré notre accès à des marchés, dans le cas où des pays importants essaieraient d'imposer unilatéralement des restrictions non tarifaires à l'importation ou d'autres mesures nuisant au commerce.

Il reste que nous sommes loin d'avoir le système le plus ouvert qui soit pour le commerce des produits agricoles et alimentaires. L'Union européenne a récemment rétabli, pour la première fois depuis la fin de l'Uruguay Round, ses subventions à l'exportation de porc désossé, produit qui entre directement en concurrence avec le porc canadien sur les marchés du Japon et d'autres marchés développés. Des restrictions relatives à la protection sanitaire des animaux nous sont imposées pour les marchés australiens, notamment; elles semblent plutôt destinées à protéger le marché contre des importations qu'à vraiment éviter la transmission de maladies.

Les membres de l'industrie canadienne du porc, comme nos homologues américains, sont exposés à tout événement mondial ayant une influence sur les coûts et les prix ou sur la concurrence. Toutefois, à cause des préjugés envers l'importation et des mesures d'intervention sur les exportations qui existent dans presque tous les pays à l'extérieur de l'Amérique du Nord, le complexe nord-américain a en matière de porc, sans qu'on le veuille, assumé le rôle d'amortisseur mondial pour tous les changements qui se produisent dans la demande et l'offre de porc. Aucune autre région n'est si dépourvue de garanties, de mécanismes et d'obstacles pour la protéger contre des changements majeurs dans la disponibilité des aliments ou dans la demande, causés par des irrégularités climatiques ou économiques.

• 0930

En revanche, le porc est l'un des secteurs agroalimentaires les plus importants sur la scène mondiale et il connaît la plus forte croissance. C'est la viande la plus consommée dans des régions qui ont connu une croissance économique très rapide au cours des 20 dernières années, tout en restant la viande préférée de l'ensemble de l'Europe.

Les producteurs de porc canadien, les transformateurs de porc et les commerçants en viande ont donc un intérêt très net à ce que le Canada fasse des efforts soutenus pour que l'on réduise les barrières commerciales dans le domaine agroalimentaire.

J'aimerais maintenant parler des questions de négociation commerciale qui nous intéressent de plus près et qui, à notre avis, pourraient le mieux améliorer les exportations de porc du Canada.

Du côté de l'accès aux marchés, l'industrie du porc du Canada recommande un resserrement des règles afin que les engagements par rapport aux quotas et aux tarifs soient pleinement mis en oeuvre et soient utilisables par les pays exportateurs. On a trop laissé à la discrétion des pays la façon de calculer et de mettre en oeuvre les engagements relatifs à un accès minimum pris dans le cadre de l'Uruguay Round.

Un autre résultat important a été obtenu lors de la dernière ronde de négociation multilatérale. Il s'agit des engagements d'accès minimum, destinés à permettre des importations à compter de 3 p. 100 du niveau de consommation national d'un produit, dans le pays importateur, et devant atteindre 5 p. 100 avant la fin de la période de mise en oeuvre. Là encore, l'Union européenne a interprété les règles à sa façon, faisant fi de ce qui avait été négocié et fixant un accès minimum du porc sur ces marchés à seulement 75 000 tonnes, soit bien en deçà des 600 000 tonnes prévues initialement comme étant l'objectif à atteindre avant la fin de l'Uruguay Round. La période de mise en oeuvre ne portait que sur la viande de porc.

Nous recommandons fortement qu'au cours de la prochaine négociation, on sépare l'engagement d'accès minimum pour la viande, pour l'Union européenne, et que le principe directeur soit celui d'un accès minimum défini en fonction de la consommation historique réelle des produits, selon une définition de consommation historique à quatre chiffres, par exemple, 0203 pour le porc— frais, frigorifié ou congelé.

Les systèmes de taxe à l'importation doivent pouvoir être examinés davantage par d'autres pays afin qu'on puisse s'assurer qu'ils existent pour les raisons pour lesquelles ils ont été créés. Les prix plus élevés à l'interne pour l'alimentation du bétail, chez les éleveurs sont dus au fait que l'on prend pour exemple la variabilité des taxes à l'importation en Europe.

Un objectif plus général, pour l'accès aux marchés, serait d'obtenir des conditions plus favorables pour les produits de transformation secondaires et de réduire les préjugés qu'ont certains pays en ce qui concerne l'importation de produits non transformés. Cela devrait favoriser la transformation à valeur ajoutée au Canada.

Au sujet du Japon, en acceptant de baisser ses normes de prix à l'importation, ce pays a usé de son droit d'imposer des mécanismes de protection contre un brusque gonflement des importations. Les résultats ont toutefois été décevants tant pour les exportateurs que pour les importateurs japonais, puisqu'on a obtenu exactement le contraire de l'effet stabilisateur escompté.

L'industrie canadienne du porc demande l'élimination ou la désactivation de ce recours. Autrement, nous demandons que ce pourcentage minimum soit haussé par rapport au niveau actuel de 19 p. 100. Ce mécanisme, utilisé dans le cas du porc par les Japonais, aurait un effet moins perturbateur sur les importations s'il était réévalué chaque trimestre afin qu'il puisse être supprimé plus tôt qu'avant le début de l'exercice suivant.

Dans le domaine de l'accès aux marchés, voici d'autres objectifs possibles pour les négociations: une augmentation supplémentaire du niveau de consommation interne actuellement fixé à 5 p. 100, pour ce qui est de l'engagement d'accès minimal; l'élimination des taux tarifaires à l'importation dans les contingents tarifaires, de manière à réduire au minimum les contraintes relatives aux engagements d'accès minimal; et une réduction supplémentaire de tous les autres taux tarifaires à l'importation.

Les subventions à l'exportation sont certainement l'un des principaux obstacles à la création d'une situation commerciale juste. Les subventions gouvernementales qui font baisser directement le prix de vente des produits pour les clients des exportateurs devraient être éliminées entièrement.

Les taxes à l'exportation sur les intrants nécessaires à la production d'autres produits agro-alimentaires, comme celles imposées par l'Union européenne sur les grains au cours des récentes années, devraient être considérées comme une forme de subvention à l'exportation et être aussi interdites.

• 0935

Au sujet du soutien ou des subventions nationales, le Canada est allé bien au-delà de ses engagements en vertu de l'OMC, pour réduire le soutien à l'interne. Agriculture et Agroalimentaire Canada a calculé que le Canada aura réduit ses mesures globales de soutien de plus de 50 p. 100 au-dessous des engagements qu'il a pris pour l'an 2000 dans le cadre de l'OMC. L'élimination complète des droits compensateurs imposés sur les porcs canadiens exportés aux États-Unis montre à quel point le Canada a fait des progrès dans l'élimination des programmes pouvant faire l'objet de sanctions.

Il est probable qu'il y aura une sorte de vérification qui assurerait que tous les pays membres de l'OMC se conforment à leurs engagements au chapitre de la réduction du soutien interne et, à notre avis, il devrait y avoir d'autres réductions afin que l'agriculture soit tout à fait conforme à un système commercial international qui fonctionne idéalement selon le principe de l'avantage concurrentiel et où les pays membres de l'OMC ne conserveront que des programmes de sécurité en matière agricole sans effet de distorsion.

L'industrie canadienne du porc considère que l'entente sur les mesures sanitaires et phytosanitaires est une réussite colossale de la dernière ronde de l'OMC, puisqu'on y dit que la crédibilité scientifique est absolument nécessaire pour justifier tout obstacle technique au commerce d'importation. Nous recommandons fortement que cet accord ne soit pas renégocié, afin qu'on n'affaiblisse pas ce critère essentiel servant à évaluer la légitimité des mesures faisant obstacle au commerce.

Nous sommes de plus en plus préoccupés par l'idée que des pays voulant justifier des obstacles techniques à l'importation qui n'ont pas de véritable fondement scientifique, recourent de plus en plus à des avis scientifiques peu orthodoxes. Les connaissances scientifiques sur lesquelles sont fondées les restrictions techniques à l'importation doivent correspondre au point de vue d'un groupe raisonnablement représentatif du milieu scientifique.

Il y a d'autres améliorations que nous souhaitons et qui, à notre avis, n'exigent pas nécessairement la renégociation de l'accord. Je citerai la réduction des délais accordés pour la mise en oeuvre par les membres d'une décision des groupes spéciaux sur les différends, et aussi, un libellé plus précis quant à l'équivalence, qui fait en sorte que les pays doivent permettre les importations provenant de pays où le programme d'inspection est au moins équivalent à celui du pays importateur, même si à certains égards, la façon de faire est différente.

L'industrie canadienne du porc souhaite ardemment que les programmes, normes et règlements gouvernementaux se rapportant aux problèmes environnementaux ou aux préférences des différents pays en matière d'élevage des animaux ne servent pas à créer des obstacles au commerce.

Pour ce qui est des règles sur les recours commerciaux, un domaine bien connu de notre industrie étant donné les enquêtes commerciales et celles sur les droits de compensation qui ont été menées à notre sujet, afin d'éviter de répéter cette expérience pour nous-mêmes ou pour d'autres secteurs, nous recommandons de rendre permanent le fait que les programmes d'agriculture verte, comme la recherche publique et les dépenses de transfert technologique, ne soient pas passibles de droits compensateurs.

À mesure que se libéralise le commerce agricole mondial, les pays ne devraient plus pouvoir bloquer les importations et forcer des pays ayant un commerce ouvert, comme l'Amérique du Nord dans le cas du porc, à assumer tout le poids de l'adaptation à la situation des surplus internationaux. Nous pensons donc que, dans les cas d'antidumping, la référence pour la comparaison des rendements d'exportation ne devrait être que celle des prix nationaux du pays exportateur. En utilisant la valeur du marché en fonction du coût de production dans ce pays, on devrait considérer qu'on a une base acceptable pour savoir s'il y a ou non dumping par un pays membre de l'Organisation mondiale du commerce. Chacune des trois associations qui souscrivent à cette position en matière de politique commerciale est membre de l'Alliance canadienne des exportateurs de denrées agroalimentaires, et nous appuyons tout à fait la position qui vous a été présentée la semaine dernière.

Merci, monsieur le président. S'il y a des questions, nous y répondrons volontiers.

Le président: Merci, monsieur Asnong.

• 0940

Chers collègues, habituellement, le deuxième intervenant est un représentant du Bloc, mais M. Desrochers a demandé à être le quatrième. Je me plierai à ses désirs. À moins que des représentants des deux plus petits partis de l'opposition ne se manifestent, voici la liste des intervenants, du moins pour commencer: M. Breitkreuz, Mme Ur, M. McCormick, puis M. Desrochers.

Monsieur Breitkreuz, vous avez sept minutes.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci, monsieur le président.

Et merci beaucoup à vous. Il est très intéressant que vous nous présentiez chacun votre position. Nous vous donnerons l'occasion maintenant de vous expliquer davantage, essentiellement à partir des questions que je vous poserai.

Le premier exposé m'a bien intéressé en ce sens que vous avez dit que cette année avait été bonne pour la production porcine. Voulez-vous dire que pour les produits exportés du porc, sauf pour les animaux vivants, l'année a été bonne, ou parlez-vous de l'industrie du porc en général? La production a augmenté de 3 p. 100, si je me souviens bien de ce que vous avez dit. J'aimerais avoir une explication plus détaillée. Que vouliez-vous dire, en disant que l'année avait été bonne pour la production porcine? Il semble pourtant que les choses sont au plus mal.

M. Robert Weaver: J'ai expliqué qu'il s'agissait du volume de production.

M. Garry Breitkreuz: Bien.

M. Robert Weaver: On a dit que les prix n'étaient pas très bons, surtout au début de l'année, et que les producteurs de porc ont éprouvé des difficultés pendant la première moitié de l'année. Mais une augmentation de l'abattage fédéral de 5,6 p. 100 en 1998, par rapport à la même période, et jusqu'à la mi-novembre 1997, a été une bonne chose pour notre secteur.

Comme je le disais, la production de porc a augmenté de 6,2 p. 100, et les exportations sont à peu près au même niveau que l'an passé. Nous savons qu'on a exporté aux États-Unis davantage de porcs vivants que l'an dernier. Notre secteur de l'industrie essaye de garder autant de porcs que possible au Canada, parce que si on les envoie vivants aux États-Unis, nous ne pourrons pas nous en servir pour la transformation. Nous savons que le nombre de porcs vivants envoyés chez nos voisins du Sud a dû être augmenté cette année à cause des deux grèves que nous avons subies. C'était un facteur.

M. Garry Breitkreuz: Est-ce que les négociations de l'Organisation mondiale du commerce—l'OMC—ont eu un effet sur la crise actuelle de la production porcine?

M. Robert Weaver: De quel genre?

M. Garry Breitkreuz: Les subventions ne semblent pas être la cause des difficultés actuellement vécues par les producteurs de porc, alors quel effet les négociations de l'OMC auraient-elles pu avoir sur votre industrie?

M. Robert Weaver: Nous pensons que l'explication de la situation actuelle se trouve dans les subventions, au niveau international. Nous avons lu cette semaine encore que l'Europe a augmenté ses subventions de 50 à 70 p. 100 pour le porc destiné aux marchés internationaux. Vous savez quelles mesures d'assistance ont été offertes aux États-Unis, quelles mesures d'appui ont été accordées aux exploitations agricoles. Nous pensons que c'est en partie ce qui cause la crise actuelle.

Je savais que nous entrerions dans ce sujet assez rapidement et qu'on quitterait le sujet du commerce international, alors autant se lancer maintenant.

Aux États-Unis, l'un des principaux déclencheurs de la crise de cette année a été la surproduction de porc, et aussi la prédiction selon laquelle l'an prochain, à moins que cette crise n'ait un effet sur le problème, il y aura une augmentation de 3 p. 100 de la production. Mais cette augmentation de la production s'est produite au moment même où l'on réduisait la capacité d'abattage et de transformation des porcs. Cela s'est produit en raison de fermetures d'usines, par exemple celle de Thornapple Valley, ce qui a fait que l'augmentation de la production a dépassé la capacité de traitement des porcs, soit ce qu'on appelle dans l'industrie les étriers disponibles. Lorsqu'il y a plus de porcs que d'étriers disponibles, cela a un effet sur le prix du porc et c'est ce qui a déclenché cette situation.

M. Garry Breitkreuz: Quel est le niveau de subvention aux États-Unis pour la production porcine? Qu'est-ce qui a causé l'augmentation de la production?

M. Robert Weaver: Je n'ai pas les chiffres exacts sous la main. Je pense que mes amis du Conseil canadien du porc les ont peut-être. Mais la presse a fréquemment rapporté ces dernières semaines le montant des subventions accordées par les Américains à leur industrie. Ils ont un forfait, d'après ce que nous comprenons, et cela en fait partie.

• 0945

M. Garry Breitkreuz: Cette question s'adresse aux producteurs laitiers. Certains pourraient contester les conclusions que vous présentez ici. Vous dites que le Canada devrait négocier le droit de maintenir les programmes de soutien aux agriculteurs canadiens, y compris la gestion des approvisionnements, s'ils n'ont pas d'effet sur le commerce international.

Comment le Canada pourrait-il proposer un système à double prix pour l'industrie laitière à la prochaine ronde de négociations? Cela ne doit-il pas être sur la table? Je crois que vous en avez parlé. Vous avez dit que le système à double prix devait être éliminé, mais je crois que vous devez nous fournir des explications.

Nous affirmons ne pas avoir de subventions à l'exportation. Mais avec un système à double prix, il est évident qu'il y a tromperie, puisqu'un secteur peut subventionner l'autre.

Le système à double prix a été jugé injuste pour le blé, il y a quelques années. On a présenté des arguments très forts pour établir que la gestion des approvisionnements a une incidence sur le commerce international. Comment y répondez-vous?

M. Kempton Matte: Eh bien, je dirais comme vous que l'argument en ce sens est très fort. Je ne dirais pas nécessairement, toutefois, que c'est un fait. C'est une chose qui reste à déterminer.

Nous savons que la Nouvelle-Zélande et les États-Unis contestent actuellement le système des classes spéciales, qui est en fait un système à double prix. Il est toutefois intéressant de constater que, du point de vue du commerce international, les mots ont leurs poids. La façon dont le système est structuré et administré a beaucoup à voir avec son évaluation par rapport à une échelle de subvention, de non-subvention, de demi-subvention, etc.

Tant que nous n'aurons pas la décision du groupe spécial de l'OMC, nous ne pourrons savoir si le système actuel est considéré ou non comme ayant une incidence sur le commerce international. On se place là du point de vue international, en tenant compte des obligations commerciales du Canada et de l'accord signé.

Nous ne croyons pas qu'il ait une incidence. Si on prouve le contraire, il est évident que l'industrie laitière devra procéder à d'importantes adaptations dans des délais relativement courts. Voilà donc quelle est la situation.

Le président: Merci.

Le temps de M. Breitkreuz est écoulé. Nous passons à Mme Ur, qui a sept minutes.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Je vais partager mon temps avec mon honorable collègue, M. Steckle.

Si j'émettais un communiqué de presse dans lequel je disais que l'année 1998 a été bonne pour la production de porc, je peux dire que je serais dans une usine de transformation.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Vous seriez morte.

Mme Rose-Marie Ur: Je serais bonne pour l'abattoir. Je n'en crois pas mes oreilles.

Vous dites ensuite que les volumes sont extrêmement faibles, et qu'ils étaient bons la première année. Je ne suis pas d'accord. Les choses se sont aggravées. Et la première année, elles n'allaient déjà pas très bien.

Je sais que nous ne sommes pas ici... Nous sommes censés parler de l'OMC. Mais nous demandons un accès au marché à cause de cela. Cela montre vraiment que, de la façon dont vont les choses avec la crise agricole actuelle, l'accès au marché n'a vraiment pas été prudent pour notre industrie porcine.

Vous êtes satisfait du nombre de bêtes abattues et de tout le reste. Mais nous avons reçu un communiqué du Conseil du porc du Canada. Je l'ai reçu le 1er décembre; il provenait d'Ottawa. On y dit que les transformateurs de porc canadiens sont essentiels à la survie des producteurs pendant cette crise.

Et cela est relié aux exportations et à l'OMC, aussi. Il faut suivre l'exemple américain et exploiter les usines au maximum.

Les membres provinciaux du Conseil canadien du porc essaient maintenant de voir avec les exploitants d'abattoirs ce qu'on peut faire pour augmenter les opérations de conditionnement du porc au Canada pour réduire la nécessité d'expédier du porc sur pied aux États-Unis.

Vous dites une chose et ils en disent autre chose et cela nuit à la mise en marché du porc à l'étranger.

M. Robert Weaver: Je serais ravi de vous expliquer un peu mieux notre position, si vous me le permettez.

Mme Rose-Marie Ur: Allez-y.

M. Robert Weaver: Depuis six ans, le secteur industriel, c'est-à-dire ceux qui produisent la viande rouge, se plaint constamment d'une pénurie du porc. Il s'en plaint constamment depuis six ans.

Nous n'avons jamais eu assez de porcs, et les abattoirs affirmaient que cela limitait leur capacité d'exporter la viande de porc à l'étranger. Pourtant, l'industrie du porc avait augmenté sa production relativement rapidement. Nos abattoirs disaient que cela limitait les exportations du porc. À part cela...

Mme Rose-Marie Ur: Comme cela peut-il limiter...

M. Robert Weaver: Puis-je avoir un instant pour terminer mon explication?

Non seulement cela limitait les exportations du porc, mais les abatteurs exportaient plus de produits et laissaient la consommation baisser au Canada. Nous espérons avoir réussi à mettre fin à cette tendance cette année.

• 0950

Si vous jetez un coup d'oeil aux chiffres de consommation pour la viande rouge, la volaille, etc., ainsi de suite, vous verrez que nous avons effectivement réussi et nous espérons avoir mis fin à cette tendance.

Nous avons maintenant un surplus de porcs. Il y a aussi la possibilité que les États-Unis empêchent l'expédition de trois millions ou quatre millions de porcs sur pied. C'est la première fois que nous faisons face à une telle menace, et elle n'existe que depuis six ou sept semaines.

Les fermetures d'usines, comme celle de Gainers à Edmonton, entraînent toutes sortes de réadaptations et de réorganisations de l'industrie. Presque toutes les entreprises d'abattage et de conditionnement du porc ont dû augmenter leur production.

Par exemple, l'entreprise Fletcher à Red Deer a dû ajouter une équipe et augmenter sa production. Schneider et Intercon ont fait la même chose. Maple Leaf conditionne maintenant 45 000 porcs par jour, à son usine de Burlington, soit plus que jamais auparavant.

Les usines du Québec ont aussi augmenté leur production. Les Salaisons Brochu Lafleur ont annoncé il y a une semaine et demie qu'elles ajoutaient une équipe et qu'elles abattraient 7 500 porcs de plus par semaine.

Nous nous adaptons donc à la situation, mais nous n'avons pas eu tellement de temps pour le faire. Nous nous efforçons d'augmenter notre production et nous y avons réussi.

Il faudra voir maintenant dans quelle mesure les usines d'abattage et de conditionnement réussiront à vendre et à exporter cette production supplémentaire. Elles y réussissent jusqu'ici et nous n'avons pas d'énormes accumulations de viande de porc au Canada. Cela représente cependant une augmentation considérable et il faudra attendre de voir comment les usines s'en tireront.

Mme Rose-Marie Ur: Vous avez cependant dit que la consommation canadienne avait baissé. Était-ce parce que les prix de gros étaient trop élevés et que les prix de détail ne tenaient pas compte de la surproduction?

M. Robert Weaver: Je pense que c'était dû à une combinaison de tous les facteurs.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord.

Je partage mon temps de parole avec M. Steckle.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Monsieur Weaver, merci d'être venu ce matin. Je voudrais vous poser une question. L'année 1998 a-t-elle été bonne pour les abattoirs et les usines de transformation?

M. Robert Weaver: Voulez-vous répondre?

M. Bill Mulock: Absolument. C'est une question intéressante mais plutôt tendancieuse. Je vous répondrai cependant que, pour la première fois depuis bien des années, nous avons eu suffisamment de porcs pour fonctionner à pleine capacité et que nous en avons eu suffisamment pour rendre nos opérations rentables.

Relativement à la question de la rentabilité, je rappelle aux membres du comité que c'est à la demande des producteurs de porc, il y a quatre ou cinq ans, que le prix du porc est maintenant fixé d'après le marché américain.

Comme le disait un économiste l'autre soir lors du débat au réseau TVO, il ne s'agit pas pour les abattoirs de payer 20 $ de plus par bête aux producteurs parce qu'il y a encore trop de porcs. Il y a encore un goulot d'étranglement. Peu importe le prix qu'on paie pour les porcs.

Ce qui arrive, c'est que si nous payons 20 $ de plus par bête, ceux qui veulent acheter les porcs voudront payer moins cher et iront aux États-Unis pour s'en procurer.

M. Paul Steckle: Je me demande si, comme l'un des députés d'en face le disait l'autre soir, le prix dans les magasins est établi en fonction d'un petit déjeuner à 5 $ comprenant du bacon. Il disait que le bacon aurait pu être servi pour presque rien. La quantité de bacon sur son assiette aurait pu être prélevée sur un porc sans qu'il pousse un cri.

Je ne veux pas dire un seul instant que nous devrions forcer vers le bas le prix des autres viandes rouges ou de la viande blanche. Ce serait logique uniquement s'il y avait des pressions vers le bas sur le... parce que le produit est là. Les prix devraient aussi baisser, mais ce n'est pas arrivé.

Je ne veux pas dire que nous devons forcer les prix à baisser. Ce que je veux dire, c'est que les abattoirs ont eu une bonne année, mais pas les agriculteurs.

Je me rappelle qu'il y a trois ou quatre ans, vous vouliez passer le cap des 70 000 porcs par semaine parce que vous en aviez besoin pour vos usines de conditionnement. Il n'y avait pas suffisamment de porcs. Pourtant, même si vous aviez besoin de plus de porcs, les prix n'étaient pas plus élevés sur le marché. Vous aviez besoin de porcs. Je me suis demandé à l'époque, s'il y avait une pénurie de porcs, mais que la demande était constante... Était- ce seulement la demande des entreprises d'abattage et de conditionnement qui voulaient simplement continuer à alimenter leurs usines alors que la demande finale était à la baisse?

• 0955

Le président: Je prierais les témoins de répondre brièvement.

M. Robert Weaver: On nous demande souvent si les prix au détail reflètent le prix des porcs sur pied. Comme je l'ai dit tantôt, le phénomène ne date que de six ou sept semaines.

Je l'ai déjà dit, notre industrie fonctionne sur le marché nord-américain. Nous ne pouvons pas vendre le porc à une chaîne de vente au détail ou ailleurs plus cher qu'on ne paierait si on achetait le porc en Iowa, au Nebraska ou en Caroline du Sud, parce que les acheteurs iraient ailleurs. Nous avons un marché ouvert.

Quant à savoir si les prix au détail reflètent le prix du porc sur pied, je pense que c'est ce qui commence à arriver. Cela fait déjà quelques semaines que c'est le cas. On nous dit que les prix au détail ont baissé d'environ 25 p. 100 depuis un mois.

Ce n'est peut-être pas les cas dans tout le pays, mais je rentre chez moi, je vois une affiche sur l'avenue Merivale où l'on annonce des côtelettes de porc à 1,49 $ la livre. Je n'avais jamais vu un tel prix auparavant. On commence à voir une baisse, mais cela ne peut pas se faire du jour au lendemain.

Le président: Nous allons manquer de temps.

Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Le prix du porc commence effectivement à baisser. Lors du débat d'urgence l'autre soir, j'ai presque parlé d'un voisin de mon bureau de circonscription, M. Joyce, qui vend la demi-carcasse de porc local 99c. la livre depuis plusieurs semaines. Je me suis ensuite rendu compte qu'on ne pouvait pas donner des exemples de ce genre. Peut-être que ce détaillant pouvait offrir de tels prix et que d'autres ne pouvaient pas.

Un de mes amis est allé se renseigner sur les prix d'une coupe particulière de porc au magasin A et P de Napanee il y a deux semaines. Pendant plusieurs années, cet ami a exporté du porc sur pied dans le monde entier et il avait les meilleures bêtes d'élevage du Canada. Il a maintenant vendu son entreprise, qui continue à exporter toutes les semaines dans le monde entier. Il est donc allé voir combien se vendait ce produit au magasin A et P et il a vu qu'il était à 2,49 $ la livre. Il s'est donc dit la semaine dernière qu'il devrait peut-être acheter davantage de porc, comme nous devrions encourager les consommateurs à le faire. Bien entendu, le porc était à ce moment-là en promotion à 3,19 $ la livre.

Les détaillants indépendants font déjà beaucoup, mais nous avons aussi besoin de votre collaboration. La crise remonte à il y a plus de six semaines

La question que je veux poser à M. Matte porte sur l'industrie laitière. Il y a une précision que je voudrais obtenir. Votre position et celle des producteurs correspondent-elles en ce qui concerne les négociations? Est-ce que les deux parties sont relativement d'accord? Je voudrais savoir ce que vous en pensez.

J'ai ensuite une autre question à poser, monsieur le président, après quoi je céderai la parole à M. Calder.

M. Kempton Matte: D'après ce que j'ai pu constater, le seul point de divergence porte sur les éclaircissements à apporter. Les producteurs jugent que l'on ne doit plus faire de concessions relativement au niveau tarifaire même s'ils sont prêts à envisager des considérations relatives à l'accès et des contingents tarifaires.

Selon nous, une telle position est rétrograde. Il faut accepter le fait que les tarifs ont un rôle à jouer. Il ne serait pas réaliste d'entamer des négociations internationales avec plus de 100 pays en principe pour libéraliser le commerce sans s'attendre à une certaine souplesse sur le plan des tarifs. Selon nous, le Canada ne peut pas arriver aux négociations avec une position rigide relativement aux niveaux tarifaires, surtout pour l'industrie laitière où les tarifs sont extrêmement élevés.

M. Larry McCormick: Merci.

Relativement aux programmes de soutien pour la production interne, vous dites que, en fin de compte, les agriculteurs canadiens devraient pouvoir produire pour le marché intérieur ou le marché d'exportation. C'est ce que réclament plusieurs secteurs. J'ai quelques inquiétudes parce que cela pourrait avoir des conséquences négatives pour l'industrie et que cela pourrait venir de l'industrie elle-même. D'après vous, ceux qui peuvent exporter devraient-ils le faire uniquement s'ils ont un contingent ou bien ceux qui ne détiennent pas de contingents devraient-ils aussi pouvoir produire pour l'exportation dans l'industrie laitière?

M. Kempton Matte: C'est vraiment une question intéressante. Je ne peux pas réellement y répondre, parce que même si...

M. Larry McCormick: Donnez-nous votre avis.

M. Kempton Matte: Selon moi, cela ne devrait pas dépendre du fait que les producteurs ont un contingent ou non. Ces contingents visent la consommation intérieure. Si l'on fait une distinction entre la production pour le marché canadien dans le cas d'un système à prix multiples par exemple, le fait que le producteur détient ou non un contingent ne devrait pas l'empêcher de produire pour le marché d'exportation. Cela ne devrait pas avoir de conséquence pour celui qui produit pour le marché canadien.

M. Larry McCormick: Merci. Je voudrais bien pouvoir poser la même question pour tous les produits alimentaires.

Monsieur le président, je vais céder la parole à M. Calder.

Le président: Monsieur Calder.

• 1000

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur McCormick.

Kempton, vous avez déclaré que le Canada devrait réclamer l'élimination totale des subventions à l'exportation lors des négociations. Je me demande bien comment nous pourrions faire une telle chose, vu que lors des dernières négociations, les États-Unis avaient suspendu l'EEP. Quand j'en avais parlé à Pat Roberts il y a quelques années, il m'avait dit que cette politique avait été suspendue et que les États-Unis n'y auraient plus jamais recours. Eh bien, surprise!

On a eu des subventions de plus de 8 milliards de dollars dans le cadre du FAIR Act, de plus de 6 milliards de dollars en aides aux agriculteurs et de 35 milliards de dollars pour l'année suivante dans le cadre de loi agricole américaine. Quant à la Communauté économique européenne, elle a, pour le blé, une disposition de report sur les années ultérieures selon laquelle on pourrait mettre sur le marché près de 38 millions de tonnes de blé subventionné au cours des deux prochaines campagnes agricoles. Comment pourriez-vous obtenir l'élimination des subventions?

M. Kempton Matte: Tout d'abord, si nous ne fixons pas un objectif, nous ne l'atteindrons jamais. Je n'ai pas la naïveté de croire que le Canada ou un autre pays pourra convaincre les autres pays, lors des négociations à venir, de supprimer entièrement les subventions à l'exportation. Ce serait probablement irréaliste. Je crois cependant que le Canada peut présenter des arguments très convaincants à ce sujet. Plus ces arguments sont convaincants, moins il est probable que nous ayons les subventions massives que nous avons vues dans le passé.

Vous vous rappellerez ce qui est arrivé aux prix des denrées juste après les négociations de l'Uruguay Round et avant que l'on rétablisse l'EEP. Les prix ont commencé à augmenter. Il y a eu des problèmes par la suite, vais-je oser le dire, à cause de certaines politiques dans certains pays, et l'on a rétabli les subventions. Nous savons donc que si nous pouvions nous entendre pour réduire au strict minimum les subventions à l'exportation, ce serait à l'avantage du producteur primaire, des entreprises de conditionnement et, en fin de compte, des consommateurs. C'est pourquoi nous sommes convaincus que ce doit être la position du Canada pour les négociations. Nous devons nous attaquer à l'EEP des États-Unis et aux subventions de l'Union européenne. C'est essentiel.

M. Murray Calder: Je suis d'accord. En 94, on était convaincu que les faibles prix mettraient fin à la baisse des prix, mais nous savons que c'est faux.

Vous avez aussi déclaré que le Canada a environ 50 p. 100 d'avance sur d'autres pays pour ce qui est de réduire ses subventions. Il faudrait dire les choses telles qu'elles sont. Ces négociations ne sont qu'un système d'échanges. Nous allons gagner sur certains points et les autres pays vont gagner sur d'autres points. Nous allons céder sur une chose s'ils cèdent sur autre chose. Nous avons cependant 50 p. 100 d'avance sur eux. Dans quelle position cela place-t-il le Canada pour négocier?

M. Kempton Matte: Je ne suis pas négociateur commercial, mais j'ai eu la chance d'être à Bruxelles et à Genève à quelques reprises en même temps que les négociateurs. Les négociateurs sont eux aussi des êtres humains. Quand vous êtes sans reproche, vous êtes en position de force pour négocier. Si nous avons pris certaines mesures, si nous avons respecté et même dépassé nos engagements, cela nous place en position de force pour convaincre les autres pays de respecter aussi leurs engagements. C'est pour cela que nous pensons que le Canada a une réputation de boy scout. Nous avons respecté nos engagements et nous devrions miser là- dessus pour les négociations. Nous ne devons pas être timides et nous cacher sous les couvertures. Nous avons fait quelque chose dont nous pouvons nous enorgueillir. Si nous réussissons, bien d'autres pays suivront notre exemple parce que ce sont surtout les mesures instaurées par les États-Unis et l'Union européenne qui faussent la situation.

M. Murray Calder: Nous pourrions donc simplement rester sur nos positions pendant que les autres pays nous rattrapent.

M. Kempton Matte: Non. À la fin, il faut accepter des compromis. C'est inévitable.

Une voix: Autrement dit, il faut être un bon boy scout.

M. Murray Calder: Bien essayé.

M. Kempton Matte: Mais si vous n'êtes pas prêts à vous battre au départ, vous ressortirez des négociations en rampant.

Le président: Puisqu'il est question d'axiome, il est inévitable que j'intervienne quand nous manquons de temps.

Je voudrais poser une question à M. Rice ou à M. Asnong. Dans le dépliant que vous avez remis aux membres du comité, vous parlez de barrières non tarifaires. Je voudrais en lire une phrase:

    Les connaissances scientifiques sur lesquelles les restrictions techniques à l'importation sont fondées doivent refléter les vues d'un groupe raisonnablement représentatif du monde de la communauté scientifique.

Que voulez-vous dire par là?

• 1005

M. Martin Rice (directeur exécutif, Conseil canadien du porc): Nous savons qu'il arrive rarement que tous les scientifiques s'entendent sur l'interprétation de données. C'est comme si tous les économistes s'entendaient sur ce que sera le PNB de l'année prochaine. On peut toujours trouver un scientifique quelque part qui contredira ses collègues et c'est ce qui est arrivé dans l'affaire des hormones pour le boeuf à l'OMC. Les Européens ont eu la chance de trouver un scientifique aux États-Unis qui était prêt à affirmer que ces hormones représentaient un risque pour la santé des êtres humains, même si l'on a beaucoup de preuves du contraire.

Nous n'obtiendrons probablement pas le consensus, mais nous devons obtenir l'appui de la majorité et ne pas laisser un ou deux bons orateurs faire pencher la balance dans le mauvais sens.

Le président: Vous dites donc que, si l'on présente des opinions scientifiques, elles devraient refléter un certain équilibre, peut-être les opinions d'un groupe quelconque.

Comme M. Desrochers n'est pas de retour, M. Bailey aura cinq minutes.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Merci, monsieur le président. Cela me donne l'occasion de féliciter les producteurs de porcs et l'industrie elle-même puisque la situation m'inquiétait depuis déjà quelque temps et qu'ils ont eux-mêmes pris l'initiative. Je veux parler du fait que les porcs sont produits au Canada et que la plus grande partie du conditionnement, etc., a lieu au Canada et fournit du travail à des Canadiens. C'est donc à peu près la seule industrie agricole d'exportation qui ait une valeur ajoutée, beaucoup plus que celle du blé et celle du boeuf, bien entendu.

J'habite une circonscription où il y a neuf postes frontières et où, à cette époque-ci de l'année, on peut voir énormément de camions chargés de bovins d'engraissement se diriger vers le Sud. Nous avons très peu d'activités en matière de valeur ajoutée pour le boeuf et, en Saskatchewan, bien sûr, nous ne faisons à peu près rien pour donner une valeur ajoutée au blé. C'est l'un des bons points de l'industrie du porc, et je tiens à ce que les Canadiens le sachent.

Je voudrais poser une question aux représentants de l'industrie du porc et une autre aux représentants de l'industrie laitière.

Vous avez dit que, pendant la grève dans les abattoirs de porcs, on expédiait du porc sur pied aux États-Unis pour alimenter le marché américain. Savez-vous si les Américains vont vouloir plus de porcs sur pied à l'avenir? À ce moment-là, nous pourrions perdre la valeur ajoutée. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Robert Weaver: Tout d'abord, je voudrais dire un mot au sujet de la valeur ajoutée. Notre secteur de l'industrie est tout à fait en faveur de ce principe. Nous essayons d'ailleurs d'en convaincre les producteurs de bovins et de porcs et nous y avons réussi dans une certaine mesure depuis quelques années déjà.

Dans notre secteur, l'abattage et le conditionnement de 846 porcs représentent un emploi au Canada et l'abattage et le conditionnement de 192 bovins représentent un autre emploi. Pour l'instant, c'est-à-dire cette année, nous exportons suffisamment de bovins et de porcs pour créer quelque chose comme 9 900 nouveaux emplois si nous pouvions conditionner tous ces bovins et tous ces porcs au Canada. Nous sommes donc tout à fait en faveur de la valeur ajoutée et nous pensons que tous les échelons gouvernementaux, c'est-à-dire le gouvernement fédéral et chacun des gouvernements provinciaux qui s'intéressent aux exportations agroalimentaires devraient charger des gens de voir exactement comment ce principe de la valeur ajoutée peut s'appliquer dans leur région.

Pour ce qui est des expéditions de porcs sur pied, je pense qu'on en a exporté quelque chose comme 3 millions l'année dernière, ce qui comprend les porcs d'engraissement et les porcs de marché. Cette année, le chiffre atteindra probablement 4 millions si la tendance actuelle se maintient.

M. Roy Bailey: Est-ce à cause des grèves?

M. Robert Weaver: C'est en partie à cause de la grève. J'imagine qu'il y a probablement 750 000 porcs de plus à cause de la grève. Cependant, ce qui arrive aux États-Unis depuis quelques semaines, c'est que le National Pork Producers Council, qui représente les producteurs de porcs des États-Unis, écrit aux abattoirs américains pour leur demander d'utiliser des porcs américains de préférence aux porcs canadiens, ce qui pourrait être très dangereux pour nos marchés. Ce serait épouvantable si l'on mettait fin à ces expéditions de porcs du jour au lendemain. Cela nous inquiète et je suis certain que cela inquiète aussi les représentants du Conseil canadien du porc, qui voudront peut-être ajouter un mot là-dessus.

• 1010

M. Roy Bailey: Merci, monsieur.

M. Edouard Asnong: Le Conseil canadien du porc et le Conseil des viandes du Canada ont organisé une table ronde pour traiter précisément de cette question.

Les prix qui ont été versés aux producteurs de porcs au cours des dernières années, des cinq ou dix dernières années, par exemple, sont sans rapport, à notre avis, avec les prix versés aux producteurs américains. Au Québec, la Fédération des producteurs de porcs a signé un accord avec ses exploitants d'abattoirs pour obtenir un prix équivalent au prix américain, mais pour atteindre ce prix, sur une période de cinq ans...

D'autres mesures ont été prises dans d'autres régions du pays pour atteindre ce résultat, et il y a également des producteurs qui sont plus près, géographiquement, des exploitants d'abattoirs américains. Lorsque certains producteurs se lèvent le matin, s'ils peuvent voir les abattoirs américains... je parle de Thornapple Valley. Ces producteurs avaient le choix entre livrer leurs porcs à ces abattoirs ou parcourir 200 milles pour emmener leurs bêtes à Toronto. C'est un autre problème que nous sommes en train de traiter.

Également, la vie peut nous donner de bonnes leçons. Il vaut mieux ne pas dépendre de l'État pour l'abattage de ses porcs, car s'il y a un problème, tous les producteurs en souffrent.

Le président: Merci.

Nous manquons de temps. Nous essaierons de vous donner de nouveau la parole, monsieur Bailey.

M. Roy Bailey: Oui, d'accord. Merci.

Le président: Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): De l'autre côté aussi, on parle d'agriculture ce matin. Vous savez que l'OMC constituera un élément du mandat d'ensemble d'un comité qui sera chargé de définir les règles à observer dans le commerce international. Je suis donc allé conseiller mon collègue qui avait des questions à poser sur l'OMC.

J'aimerais poser une question générale à tous les panélistes, en raison de la crise qui prévaut encore dans le secteur du porc et de la demande de soutien qu'ont faite les producteurs. Comment pourriez-vous conseiller le gouvernement canadien, qui doit respecter des engagements assez fermes en ce qui concerne l'élimination des subsides à l'exportation et le réaménagement des mesures intérieures? Comment le gouvernement canadien pourrait-il à la fois sauvegarder l'industrie porcine et répondre aux éventuelles critiques de l'OMC?

M. Edouard Asnong: Premièrement, il faut dire que nous ne demandons pas une subvention à l'exportation. Nous demandons un programme en cas de désastre, un programme qui serait inclus dans un programme global pour la ferme et non pas un programme spécifique pour la production porcine. C'est un programme qui devrait toujours être en état de fonctionner, peu importe la denrée qui est frappée. C'est une chose autorisée dans les ententes de l'OMC, à l'article... Autrement dit, c'est un programme-désastre à 70 p.100. À l'époque, cela s'appelait GATT 70. C'est autorisé par ...

M. Odina Desrochers: Autrement dit, ce programme-là ne viendrait pas contrecarrer les négociations éventuelles.

M. Edouard Asnong: Non, parce que c'est permis par l'accord actuel.

M. Odina Desrochers: Est-ce que ce programme-là va s'accorder avec ce qui existe actuellement au Québec? Vous savez que le filet de la sécurité du revenu fonctionne de deux façons différentes. Est-ce que cela sera complémentaire?

M. Edouard Asnong: Cela fonctionnerait exactement comme le programme CSRN. En vertu du programme CSRN, l'argent est versé au Québec; la somme est équivalente à celle qui est versée dans les autres provinces et fonction du pourcentage ou de l'importance des secteurs agricoles. Une fois cet argent versé à la Régie des assurances agricoles, il sera réparti entre les divers programmes ou les divers fonds existants. Donc, on ne peut pas dire que cela sera attribué spécifiquement à la production porcine ou à une autre production.

M. Odina Desrochers: Voulez-vous dire que ce programme spécial devrait être en vigueur tout au long des négociations avec l'OMC, ou après les négociations de l'OMC?

M. Edouard Asnong: C'est un programme actuellement permis et qui devrait toujours exister. Tant mieux si on n'a pas à s'en servir. Il n'y a pas un seul producteur qui souhaite retirer moins d'argent du marché et plus d'argent des programmes de sécurité du revenu. C'est un programme dont on n'aime pas devoir se servir. On aurait pu s'en servir peut-être à deux reprises au cours des 25 ou 30 dernières années, lors de périodes creuses. Donc, on ne souhaite pas avoir à s'en servir. Cependant, on se sentira en sécurité et on aura l'assurance qu'il sera là le jour où on en aura besoin.

• 1015

M. Odina Desrochers: Alors, selon vous, c'est une sorte de police d'assurance que fournirait ce programme à vos producteurs.

M. Edouard Asnong: Absolument.

M. Odina Desrochers: Merci beaucoup.

M. Edouard Asnong: J'aimerais ajouter une autre chose. Un producteur ne peut pas mettre assez d'argent à la banque pour prévoir des situations comme celle qu'on vit actuellement. Si nous devions mettre tout notre argent à la banque pour prévoir des coups comme celui-là, nous ne serions plus en production d'ici deux ou trois ans parce que nous ne pourrions pas investir dans nos fermes afin de demeurer compétitifs.

[Traduction]

Le président: Merci.

M. Breitkreuz, puis M. Calder.

M. Garry Breitkreuz: Merci.

La position exprimée par le Conseil national de l'industrie laitière me semble contradictoire. D'une part, le Conseil dit que nous devons réduire les tarifs, mais il dit, d'autre part, que nous devons protéger la gestion de l'offre. Comment peut-on concilier les deux? Deuxièmement, s'il n'était possible d'obtenir qu'une de ces deux mesures, laquelle choisiriez-vous?

M. Kempton Matte: Tout d'abord, je ne sais pas s'il est possible de protéger—pour reprendre votre terme—la gestion de l'offre. À mon avis, la gestion de l'offre a été très avantageuse pour l'industrie.

Notre organisme estime que la gestion de l'offre, dans sa forme actuelle, n'existera probablement plus dans 10 ou 15 ans—à vous de choisir l'échéance. Nous croyons toutefois qu'il existera une forme quelconque de gestion de l'offre, et il incombera aux producteurs de lait—en consultation avec nous, qui sommes leurs principaux clients, et avec d'autres parties intéressées—de déterminer quelle sera sa structure et son fonctionnement.

Je ne crois pas que les deux mesures soient nécessairement incompatibles. Nous croyons que les tarifs doivent être réduits car des tarifs excessivement élevés produisent nécessairement un manque d'efficacité. Notre industrie est comme toutes les autres. Nous devons être efficaces. Si le secteur de la production laitière veut jouer un rôle important dans l'atteinte des objectifs canadiens en matière d'exportation, il devra être plus efficace qu'il ne l'est maintenant. Je ne trouve pas que ces deux objectifs soient opposés; en fait, ils sont complémentaires. La tâche est ardue, mais notre industrie a déjà relevé bien d'autres défis, et je suis certain qu'elle peut le faire également dans cas-ci.

M. Garry Breitkreuz: Oui. Les industries dans lesquelles il y a une gestion de l'offre constituent souvent des irritants commerciaux, tout comme les producteurs de céréales qui essaient... Je suis certain que vous connaissez très bien ce dossier.

M. Kempton Matte: Oui.

M. Garry Breitkreuz: La question s'adresse à tous les témoins.

Il faut toujours beaucoup de temps pour mettre en oeuvre certaines décisions des tribunaux commerciaux. Combien en coûte-t- il à votre industrie—et je m'adresse aux trois témoins—et comment pouvons-nous nous protéger contre les poursuites sans fondement en vertu des règles antidumping?

M. Robert Weaver: Puis-je répondre à cette question au nom de notre industrie?

M. Garry Breitkreuz: Bien sûr.

M. Robert Weaver: Depuis trois ou quatre mois, c'est-à-dire depuis les élections aux États-Unis, il y a eu une augmentation des problèmes commerciaux. Mais nous avons toujours de tels problèmes. Dans ce cas-ci, les problèmes ont pris des proportions extrêmes. C'est pourquoi nous nous sommes retrouvés avec des barrages routiers dans le Dakota du Sud et le Montana. Ces barrages pourraient se reproduire lundi prochain. Il y a eu le problème de l'étiquetage du pays d'origine, et il pourrait y avoir maintenant des mesures de représailles du groupe RCALF au sujet du bétail. L'Australie a appliqué des mesures de sauvegarde contre le porc canadien, mesures qui viennent de prendre fin, et l'Union européenne a interdit certaines hormones. Les problèmes ne manquent pas.

Mais parallèlement, les exportations agroalimentaires canadiennes sont passées de 11 milliards de dollars à 21 milliards de dollars ou 22 milliards de dollars depuis 1991—presque le double. Les exportations de notre industrie sont passées de 1,3 milliard de dollars à 2,7 milliards de dollars durant la même période, et les exportations d'animaux sur pied, c'est-à-dire de bovins et de porcs, sont passées de 886 millions de dollars à 1,97 milliard de dollars, c'est-à-dire plus du double, également durant cette période. D'une façon générale, nos secteurs de l'agroalimentaire et l'agroalimentaire en général se portent for bien, mais le Canada doit défendre ses droits. Il doit insister pour que le système se fonde sur des règles.

Il y a eu, par exemple, ce problème en Australie. Le Conseil canadien du porc et le Conseil des viandes du Canada ont payé chacun la moitié des frais judiciaires de la défense, et nous nous sommes battus comme si nos vies en dépendaient. Je ne sais pas très bien quel en sera le résultat. Nous avons également reçu de l'aide du gouvernement fédéral par le truchement de Commerce international ainsi que d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. C'est le genre de chose qu'il faut faire. Il faut être prêt à y investir beaucoup d'efforts, à défendre ses droits et ceux du pays.

• 1020

M. Garry Breitkreuz: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Rice, vous avez un peu de temps pour répondre.

M. Martin Rice: J'aimerais répondre à la deuxième partie de la question.

Vous avez parlé des poursuites sans fondement en vertu des règles anti-dumping. Dans notre accord commercial, il y a une disposition que nous avons dû présenter à nos collègues mexicains, que nous avons rencontrés il y a deux semaines. Les Mexicains disaient qu'ils sont en droit de s'attendre à ce que nous n'exportions pas nos denrées sur leur marché à des prix inférieurs à un certain niveau raisonnable, qui tienne compte de coûts raisonnables de production. Nous leur avons répondu que si nous appliquions une telle mesure, nous ne serions sans doute jamais capables de vendre sur leur marché. Personne ne serait prêt à payer ce prix.

Les poursuites fondées sur le dumping en fonction du coût de production correspondent à ce que vous dites, c'est-à-dire à une fermeture du marché; ces marchés ne sont pas prêts à absorber leur part des adaptations qui sont nécessaires ici en raison d'une offre excessive de porc. Et ces problèmes se répercutent sur les pays exportateurs.

À l'heure actuelle, les Américains sont saisis d'une poursuite relative aux bovins du Mexique. Les États-Unis ont également entamé une poursuite contre le Canada au sujet des bovins parce que, dit-on, le produit est exporté à un coût inférieur au coût de production. Pourtant, il ne s'agit pas de vendre à des prix inférieurs sur ce marché, mais plutôt d'obtenir le meilleur rendement possible. En éliminant le coût de production de ce calcul, il serait possible d'éliminer bon nombre de ces poursuites.

Le président: Merci.

Avant de donner la parole à M. Calder, monsieur Matte, il me semble vous avoir entendu dire il y a un instant que la gestion de l'offre, dans sa forme actuelle, n'existerait plus dans 10 ou 15 ans. Vous avez dit toutefois qu'il existerait une forme quelconque de gestion de l'offre. C'est un peu comme être à moitié enceinte, non?

M. Kempton Matte: Peut-être, mais moi je viens du secteur laitier. Si j'étais un producteur de lait, je tiendrais mordicus à conserver la gestion de l'offre. C'est la position que défendent les producteurs laitiers.

Nous, les transformateurs, ne blâmons pas les producteurs laitiers de vouloir conserver leurs entreprises. Nous avons grandement besoin d'eux. Une entreprise laitière non viable n'est utile à personne. Et un transformateur de produits laitiers non viable est tout aussi inutile.

Tout d'abord, ce sont les producteurs laitiers qui contrôlent l'industrie laitière au Canada, il faut que ce soit très clair. Il est donc logique de penser qu'il continuera d'exister dans le secteur laitier, un système structuré quelconque, plutôt qu'un système de libre-échange entièrement ouvert. Notre problème, c'est la transition vers un tel système. Ce système doit être suffisamment souple pour nous permettre de réagir aux conditions du marché.

Le président: Eh bien moi, je suis un vieux fermier et je sais que s'il y a une brèche dans la clôture quelque part, le bétail va la trouver et en profiter pour s'échapper.

Cela peut s'appliquer également à la gestion de l'offre. S'il y a une brèche dans le mur entre deux pays, certains exploitants vont la trouver et s'ils ne peuvent gagner la bataille en se servant des prix, ils la gagneront en se servant du volume. S'ils peuvent traverser ce mur et user du volume pour gagner la bataille, il me semble que la gestion de l'offre va disparaître, n'est-ce pas?

M. Kempton Matte: C'est pourquoi nous pensons qu'il y a de fortes chances, à long terme, que ce régime disparaisse. En fait, à notre avis, la brèche dans le mur existe déjà. Cette brèche, c'est le marché des ingrédients, le marché des aliments. Nous perdons tous les jours du terrain sur les marchés à cause des produits finis ou transformés en provenance des États-Unis.

Toutefois, nos collègues exploitants agricoles ne sont pas de notre avis. Ils pensent qu'ils peuvent sauver le régime, qu'il est possible de conserver le statu quo.

Nous ne sommes pas de cet avis. Nous leur disons qu'il faut travailler de concert pour faire durer ce régime aussi longtemps que possible, mais que ce régime n'existera pas indéfiniment.

Le président: Passons maintenant à M. Calder. Des poules, il en voit tous les jours, n'est-ce pas, monsieur Calder?

M. Murray Calder: C'est tout à fait exact. En fait, ma femme élève des poules à plein temps. Je ne le fais qu'à temps partiel. Elle dit que je suis son pensionnaire.

Je vais continuer dans la même veine que notre président. Le régime de gestion de l'offre est-il aujourd'hui ce qu'il était il y a 25 ans?

M. Kempton Matte: Non, pas du tout.

M. Murray Calder: Autrement dit, ce régime évolue?

M. Kempton Matte: Oui, mais il évolue très lentement, et cette évolution est plus dangereuse, à notre avis, et très complexe. Le régime de gestion de l'offre du secteur laitier est si complexe aujourd'hui que très peu de gens le comprennent. J'irais même jusqu'à dire que 90 p. 100 des producteurs laitiers ne le comprennent pas.

M. Murray Calder: C'est pourquoi ils élisent des représentants, n'est-ce pas?

M. Kempton Matte: Oui, et 98 p. 100 des représentants élus ne le comprennent pas non plus.

M. Larry McCormick: Mais qui comprend ce régime?

• 1025

M. Kempton Matte: Je ne sais pas. Je ne sais pas qui pourrait comprendre ce régime. Je le dis bien franchement, et ce n'est pas une blague. J'ai dit à mon propre conseil d'administration que je ne comprends plus ce régime, et je fais partie de ce conseil depuis 1973. Ce régime est extrêmement complexe et devient de plus en plus compliqué chaque jour. C'est l'un des dangers. Ce régime risque de s'effondrer sous le poids de sa propre complexité s'il n'est pas rationalisé.

M. Murray Calder: Ce que vous dites, c'est que ces choses-là se sont simplifiées constamment sur les marchés mondiaux, n'est-ce pas?

M. Kempton Matte: C'est vrai à certains égards. Au moins, les objectifs sont clairs et certaines règles sont connues. Les gens peuvent se préparer et réagir. Je ne dis pas que ce soit simple, mais je puis vous garantir que ce n'est pas aussi complexe que notre régime national de gestion de l'offre dans le secteur laitier.

M. Murray Calder: Oui. Dans le secteur laitier, vous devez avoir un régime d'arbitrage des prix, etc. Cela existe dans le régime du secteur de la volaille et vous devez en avoir un équivalent.

M. Kempton Matte: Il en existe neuf.

M. Murray Calder: D'accord. Cela vous pose un problème?

M. Kempton Matte: Oui.

M. Murray Calder: Pourquoi?

M. Kempton Matte: Ce qui me dérange, c'est la complexité du régime.

M. Murray Calder: Je vois. Vous ne voudriez pas...

M. Kempton Matte: La complexité entraîne des coûts.

M. Murray Calder: Ce qui vous dérange, ce n'est pas seulement le fait que les agriculteurs qui participent au régime 5 de la gestion de l'offre, le SM-5, ont une formule qui inclut le coût de production?

M. Kempton Matte: Non. C'est l'un des facteurs, mais c'est loin d'être le seul.

M. Murray Calder: Mais c'est un des facteurs qui vous cause des difficultés.

M. Kempton Matte: Je n'ai rien à redire contre le fait qu'ils ont une formule de coûts de production. C'est contre la formule que j'en ai. Le fait qu'elle existe ne me dérange pas.

M. Murray Calder: Actuellement, d'après ce que je constate dans le secteur de l'agriculture, le SM-5 est le seul secteur où tout va rondement. Partout ailleurs, il y a des ratés.

M. Kempton Matte: Je ne peux pas parler pour d'autres secteurs que celui de la production laitière.

M. Murray Calder: Moi si. De par mes fonctions ici au comité, je sais ce qui se passe non seulement dans le secteur du poulet mais aussi dans tous les autres secteurs. C'est ce que je constate. On nous a dit que le seul secteur agricole où il n'y a pas de problème, c'est le SM-5.

M. Kempton Matte: Peut-être, mais il y a aussi des problèmes dans la production laitière, monsieur Calder.

M. Murray Calder: Oh, écoutez, il y a des problèmes...

M. Kempton Matte: Il y a beaucoup de problèmes dans le secteur laitier.

M. Murray Calder: ...dans tous les secteurs de l'agriculture. Prenez la volaille. Par le passé, nous n'avions pas de politique d'exportation parce que nous ne croyions pas en avoir besoin. En 1996, il nous en a fallu une parce qu'il y avait beaucoup de viande rouge au pays. Cela tient à la situation démographique. Je vieillis et je me préoccupe de mon poids et de mon cholestérol. Ma femme aussi. Elle me fait manger des viandes beaucoup plus saines. Cela signifie qu'il n'y a pas de gras. C'est la même chose pour le transformateur de produits laitiers. On fabrique beaucoup plus de lait écrémé, à 1 p. 100 et 2 p. 100, qu'il y a 25 ans. N'est-ce pas le cas?

M. Kempton Matte: Oui, c'est le cas.

M. Murray Calder: Le secteur évolue constamment. D'ici 25 ans, la gestion des approvisionnements sera différente de ce qu'elle est aujourd'hui, parce que cela aussi évolue. Mais je pense que c'est une...

M. Kempton Matte: On s'entend, alors?

M. Murray Calder: Oui, on s'entend. On s'entend là-dessus.

M. Larry McCormick: C'est entre 10 et 20, cependant.

M. Murray Calder: Il y a encore place pour l'organisation méthodique du marché, telle que nous la connaissons actuellement. Honnêtement, les produits que vous vendent les agriculteurs maintenant sont bien supérieurs à ce qu'ils étaient il y 25 ans. Pourquoi? Les agriculteurs savent exactement ce qu'ils vont gagner chaque année grâce au système. Ils peuvent réinvestir leurs recettes dans des immobilisations agricoles et vous donner un meilleur produit. Voilà l'efficacité du système. En fait, si je veux gagner davantage, la seule façon pour moi d'y arriver est de réduire mes frais généraux. C'est ainsi que je peux dégager de plus gros bénéfices. Cela m'incite à améliorer l'efficacité de mon exploitation. Vous, qui êtes un transformateur de produits, devez en faire autant. N'est-ce pas?

M. Kempton Matte: Tout à fait.

Le président: C'est vous qui aurez le dernier mot, monsieur Matte.

M. Kempton Matte: Je suis heureux de voir que M. Calder et moi-même sommes d'accord. Je pense que le secteur laitier a un bel avenir devant lui.

M. Larry McCormick: J'espère.

M. Kempton Matte: J'espère qu'il y aura une structure administrative. Nous avons appelé ça une certaine forme de gestion des approvisionnements. Je pense toutefois qu'il reste beaucoup à faire d'ici là.

Merci, monsieur le président.

Le président: Je donne maintenant la parole à M. Bailey.

M. Roy Bailey: Merci, monsieur le président.

Très rapidement, voici l'observation que j'aimerais faire aux représentants du secteur laitier. Dans vos conclusions préliminaires—concernant l'ensemble des producteurs—, vous dites que les négociations commerciales sur l'agriculture doivent procurer un avantage aux consommateurs. Comme vous représentez ici l'agriculture d'un bout à l'autre du pays, je pense que vous devriez parler d'un avantage pour le producteur et pour le consommateur, sans quoi vous ne défendez plus le produit. C'est ma suggestion.

• 1030

L'autre chose, à la troisième puce, vous dites: «Le Canada doit négocier en misant sur l'élimination complète des subventions à l'exportation». Vous conviendrez que c'est un peu utopique, n'est-ce pas? Y arrivera-t-on jamais?

J'ai ici le numéro de novembre de American Spectator, où je lis le titre suivant: Freedom to Farm Washington. On y dit que «la liberté de cultiver, c'est aussi la liberté de subventionner». Je vois bien à quels problèmes vous serez confrontés lorsque vous devrez négocier avec un pays qui compte 10 fois plus d'habitants et où la moitié des politiciens reconnaissent que les subventions sont populaires et sont peut-être prêts à aller plus loin. À votre avis, les négociations commerciales parviendront-elles jamais à éliminer les subventions?

M. Kempton Matte: Peut-être pas de mon vivant, mais si on n'essaie pas, ça n'arrivera jamais.

Le fait est que l'un des aspects les plus importants des dernières négociations, c'est que l'on s'est entendu pour réduire les subventions ainsi que le volume des exportations subventionnées. Ce sont ces ententes sur des questions connexes qui représentent de réels progrès et c'est pourquoi le Canada a l'occasion de présenter des arguments très convaincants.

Ce n'est pas parce que l'objectif ultime n'est pas atteint qu'on a échoué. Pas forcément. Il faut quand même présenter nos arguments.

M. Roy Bailey: Entendu. Merci.

Le président: Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick: Monsieur le président, j'aimerais formuler une ou deux observations ou questions, pour qui voudra y répondre.

On me parle souvent de cette image de boy-scout du Canada. Ce n'est peut-être pas foncièrement mauvais, mais cela nous a souvent nui.

Je suis sans doute le dernier à avoir entendu ce qui est arrivé il y a plusieurs années en Europe à des étudiants canadiens qui ont rencontré des Américains qui cousaient une feuille d'érable canadienne sur leur sac à dos. Nous récoltons ce que nous avons semé au centuple, et ce n'est pas toujours mauvais.

Mais dans le cas des négociations commerciales, cette image de boy-scout nous a fait du mal. À qui la faute? Est-ce que tous ceux qui sont autour de la table n'étaient pas présents lors du dernier cycle de négociations? Qui selon vous faut-il blâmer pour les échecs enregistrés lors des négociations jusqu'ici? À qui la faute?

M. Martin Rice: Permettez-moi de répondre.

Personnellement, je ne souscris pas à l'idée que les Canadiens sont de piètres négociateurs à l'échelle internationale. Voyez qui s'en charge: des hommes comme Simon Reisman, et maintenant John Weekes à Genève. Pour nous, le dernier cycle de négociations est loin d'avoir été un échec. Dans bien des domaines, nous jouissons maintenant d'un meilleur accès.

Le problème, c'est que nous faisons face à deux gros acteurs, l'Union européenne et les États-Unis. À toutes fins utiles, ils n'ont laissé entrer personne dans la salle jusqu'à la toute fin, puis ils ont dit: «Voilà l'accord—c'est à prendre ou à laisser». Dieu merci, un grand nombre de nos intérêts étaient semblables à ceux des Américains.

Là où nous avons excellé, c'est dans les comités, où nous avons collaboré à l'élaboration du règlement sanitaire et participé à beaucoup d'autres séances de négociations multilatérales. C'est sans doute là que nous allons continuer d'exceller.

M. Kempton Matte: Si vous me le permettez, je crois qu'effectivement cette image de boy-scout existe, mais je pense pour ma part qu'elle nous avantage. Comme Martin, pour ce qui est de notre secteur en tout cas—je ne sais pas ce que mon collègue Richard Doyle, des Producteurs laitiers du Canada, dira—je dirai que nous avons eu du succès lors des derniers cycles de négociations. Nous avons eu et nous avons toujours la chance de pouvoir compter sur des négociateurs commerciaux très professionnels et très capables. Le travail qu'ils accomplissent, en plus de cette image, leur donnent en fait un avantage lors des discussions en coulisse. Sur les questions majeures, ils peuvent obtenir les concessions qui sont le plus avantageuses possible pour le Canada. Je n'ai absolument rien de négatif à dire à leur propos.

M. Larry McCormick: Merci.

J'aimerais adresser une petite question à M. Rice, monsieur le président.

La crise du revenu agricole ne frappe pas uniquement les éleveurs de porcs ou les céréaliculteurs. C'est une crise qui va durer, c'est certain. Quel effet risque-t-elle d'avoir pendant les préparatifs des négociations de l'OMC? Qu'en pensez-vous?

• 1035

M. Martin Rice: Je crains que les circonstances soient semblables à celles qui paralysaient les négociations de l'Uruguay Round; à l'époque, des pressions s'exerçaient en faveur de l'augmentation des subventions aux exportations et c'est ce qui est arrivé cette année. C'est de mauvais augure. Cela amènera peut-être les pays à réaliser qu'il est dans leur intérêt de négocier quelque chose qui leur évitera de devoir toujours réagir aux pressions intérieures en faveur de la protection des subventions.

M. Larry McCormick: Merci.

Le président: Monsieur Matte, les stratèges aiment disposer d'hommes qui ont réussi l'épreuve du feu. Comme il y a quelques années nous avons livré la bataille des négociations de l'Uruguay Round—et je crois vous avoir entendu dire que nos négociateurs étaient des professionnels très capables—et qu'à l'issue de cette bataille, nous avons tiré des leçons, le gouvernement y compris, et qu'il a fait tout son possible—peut-être davantage que le gouvernement précédent—pour solliciter un plus grand nombre d'avis, pensez-vous que nous soyons en meilleure posture aujourd'hui pour atteindre nos objectifs lors du prochain cycle de négociations à l'OMC?

M. Kempton Matte: Je l'espère, monsieur le président. Je pense que la situation sera sans doute encore plus difficile. En revanche, il y a eu des discussions beaucoup plus diversifiées au pays et dans notre secteur à nous. On est beaucoup plus informés. Tout le monde sera beaucoup mieux préparé, et les résultats seront encore plus fructueux, j'espère. Je ne suis pas un pessimiste sur ce point.

Le président: Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle: Tout à l'heure, M. Rice a dit que la porte de la salle de négociations nous était fermée et qu'on nous présentait à la fin un accord à prendre ou à laisser. Êtes-vous d'accord?

M. Kempton Matte: C'est ce qui est arrivé la dernière fois. Beaucoup de pays s'en rendent compte et veillent à ce que cela ne se reproduise pas. Par exemple, l'an prochain, dans la première semaine de juin, il y aura en Argentine une conférence consacrée aux intérêts laitiers à l'OMC. Elle rassemblera divers pays du monde entier, à divers niveaux de développement, qui examineront leur position face à ce que nous savons de celle de l'Union européenne et des États-Unis. Ce genre de discussion générale ne pourra que nous être utile à la fin. Cette fois-ci, il sera beaucoup plus difficile de nous exclure.

M. Paul Steckle: Tous ceux qui sont ici ne doivent pas oublier qu'il y a un acteur de toute première importance dans ce drame: le producteur. J'ai dit en 1994 après la conclusion de l'accord—qui a en fait été conclu en 1993—que, dans le secteur laitier en particulier, il devrait y avoir des consultations entre les producteurs eux-mêmes, le secteur laitier et nos homologues américains. Les Américains adorent ce que nous avons ici; ils voudraient beaucoup en avoir autant.

Au bout du compte, si les producteurs dégagent des bénéfices et offrent un bon produit, vous aussi allez faire des bénéfices, quel que soit le secteur: le lait, le porc et la viande. Quand nos affaires vont bien, c'est toute la société qui en profite. Il n'est plus nécessaire alors de réclamer des programmes d'aide ou de sauvetage, comme c'est le cas actuellement. N'oublions pas que si l'agriculteur-producteur dégage un bénéfice, même s'il n'est pas excessif—les agriculteurs n'en demandent pas tant—, ils ne veulent qu'un juste prix...

J'espère, monsieur Matte, que lorsque vous participerez à ces négociations, vous le ferez en parlant d'une seule voix. De toute évidence, il y a deux camps. Certains pensent que les transformateurs veulent se débarrasser de ce point de friction, ce qui n'est pas l'avis de certains de mes collègues. Pour ma part, je crois à l'organisation méthodique du marché, parce que cela assure des approvisionnements réguliers et garantis et vous donne à vous, les transformateurs de viande, un approvisionnement constant et garanti à bon prix. Que demander de plus? Le consommateur, quant à lui, a la certitude d'obtenir un produit sûr et de qualité. Êtes- vous de cet avis ou les avis sont-ils partagés à la veille de ces négociations?

Le président: M. Weaver puis M. Matte.

M. Robert Weaver: Je peux dire que pour le secteur des viandes rouges, il est bien loin le temps où nous considérions les éleveurs de bétail et de porc comme des ennemis. Nous savons que nous sommes des associés. Cela pose la question de savoir ce qui va arriver lorsqu'on connaît des difficultés commerciales avec divers pays et que l'un ou plusieurs de ces pays se mettent soudainement à subventionner largement un secteur donné. Que se passe-t-il au Canada?

• 1040

Il n'est pas dans notre intérêt de voir les éleveurs de porc canadiens faire faillite. Nous pensons que le Canada doit faire ce qu'il peut pour soutenir ce secteur et traverser la crise. C'est ce qu'il faut faire à l'heure actuelle.

Le président: Monsieur Matte.

M. Kempton Matte: Merci.

Tout d'abord, les membres du comité doivent savoir que malgré l'impression qu'ils ont peut-être, nous sommes bien en faveur de la gestion des approvisionnements. Nous travaillons sous ce régime depuis 30 ans. Il nous a été favorable, à nous et aux producteurs, et il a été très juste pour les consommateurs. Nous n'avons rien contre.

Nous continuerons de participer à ces négociations en association avec les producteurs laitiers, comme nous l'avons toujours fait. Nous parlerons à l'unisson. S'il y a des divergences de vue, nous allons les taire. Un point c'est tout.

Ce qui nous inquiète, C'est la façon dont nous gérons le régime intérieur pour protéger le revenu agricole au moment où les portes sont ouvertes sur le marché intérieur. Comment fidéliser le consommateur à nos produits au moment où il y a plus—et où il continuera d'y avoir plus—de produits importés sur notre marché? C'est pourquoi nous parlons expressément de l'avantage pour le consommateur.

Il faut pouvoir montrer aux consommateurs que ces accords commerciaux sont avantageux pour lui et pour d'autres. C'est alors qu'on redeviendra fidèles aux produits et aux produits transformés d'ici. C'est la solution.

Le président: Nous allons terminer par Mme Ur.

Mme Rose-Marie Ur: La dernière fois, nous étions un petit intervenant avec un petit nombre d'alliés à la veille des négociations. Nous sommes toujours un petit intervenant. Depuis la signature de l'accord, pensez-vous que nous ayons réussi à trouver plus d'alliés?

M. Kempton Matte: À mon avis, oui. Beaucoup de pays se tournent vers le Canada pour qu'il joue un rôle de chef de file dans les négociations, et je pense que cela est bon pour nous.

Mme Rose-Marie Ur: Quelqu'un d'autre veut-il répondre?

M. Martin Rice: Le Canada a toujours été mal à l'aise dans le groupe Cairns, qui est très axé sur les exportations. Si le Canada pouvait s'accommoder davantage de cette idée, nous n'aurions certes pas la solidité du bloc européen, mais nous aurions plus de facilité à défendre les intérêts des pays tiers contre l'Union européenne et les États-Unis.

Mme Rose-Marie Ur: Pour le prochain cycle de négociations commerciales, quel est pour chacun de vous le principal point de friction?

M. Edouard Asnong: Les subventions aux exportations.

Mme Rose-Marie Ur: Les subventions?

M. Kempton Matte: Les subventions aux exportations et les allocations d'accès.

M. Robert Weaver: Pour nous, il s'agirait de la manipulation d'ordre sanitaire et phytosanitaire des exigences de chaque pays.

Mme Rose-Marie Ur: Les définitions elles aussi sont importantes.

M. Robert Weaver: Oh, oui. On tend d'ailleurs à s'en servir de plus en plus au fil des années.

Le président: M. Breitkreuz voulait demander quelque chose, je crois.

M. Garry Breitkreuz: Eh bien, je n'avais pas de question jusqu'à ce que mon collègue M. Steckle pose la sienne.

M. Paul Steckle: Je pensais qu'il y avait répondu.

M. Garry Breitkreuz: Ce n'est pas tous les agriculteurs qui veulent de l'organisation méthodique des marchés. Il y a un gros problème en Saskatchewan parce que les agriculteurs veulent diversifier leurs activités. Nos choix sont limités. Ils ne peuvent pas se diversifier parce que les systèmes d'organisation méthodique du marché les en empêchent.

Les jeunes agriculteurs veulent participer au système, mais ils ne le peuvent pas. Ils n'ont pas les moyens. Ils ne peuvent pas se permettre les quotas de lait. On crée une économie artificielle qui leur lie les mains. Il est donc faux de dire que tous les agriculteurs veulent de ce système.

Le porc en Saskatchewan... Vous savez ce qui est arrivé à l'office de commercialisation lorsque la Saskatchewan Wheat Pool a voulu en faire partie. Il a disparu. Du jour au lendemain, il a disparu. Même chose pour le poulet.

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Ce qui compte, c'est la façon dont on va renforcer nos positions dans les négociations internationales lorsqu'une partie des interlocuteurs disent qu'il faut conserver ce système et que d'autres, qui se débattent dans les Prairies, disent qu'il faut l'ouvrir? Comment renforçons-nous notre position? Comment allons- nous y arriver?

Il faut nous aligner sur le groupe Cairns, les Américains, etc., pour avoir un peu plus de poids. Pouvons-nous y arriver tout en conservant nos offices de commercialisation et tout le reste? Le noeud du problème n'est-il pas d'ajuster nos flûtes pour avoir un peu de poids lors de nos négociations? N'est-ce pas ce qui compte dans une discussion comme celle-ci?

M. Edouard Asnong: C'est énorme ce que vous venez de dire. C'est énorme de dire que les producteurs ne veulent pas d'un marché régulier.

M. Garry Breitkreuz: Cela nuit beaucoup aux agriculteurs qui veulent y entrer. Beaucoup de gens se retrouvent les mains liées. Mais je ne dis pas que tous les agriculteurs en veulent.

M. Edouard Asnong: Je ne sais pas. Je ne veux pas parler pour la gestion des approvisionnements, mais nous savions, avant que l'on ait quelque chose comme cela dans certaines provinces, quel prix touchaient les producteurs. On a comparé les gros producteurs aux petits. Puisqu'il y a un guichet unique dans certaines provinces—je peux parler du cas du Québec—, nous sommes beaucoup plus prêts du prix américain. Les choses sont meilleures aujourd'hui.

C'est donc énorme. Pour ce qui est des provinces qui ont renoncé à la vente à guichet unique, il s'agissait plus d'une décision du gouvernement provincial que d'une décision des producteurs.

M. Garry Breitkreuz: C'est ce qu'a décidé le NPD. Ce sont les socialistes qui ont décidé de s'en défaire. Ici, ce sont les socialistes qui continuent de les défendre.

Le président: Monsieur Weaver.

M. Larry McCormick: Y a-t-il eu une résolution? Est-ce que je l'ai ratée?

Le président: Monsieur Weaver.

M. Murray Calder: Non, non. C'est typique.

Le président: Je pense que nous sommes à court d'idées. M. Weaver veut ajouter quelque chose, puis ce sera tout.

M. Larry McCormick: Je voudrais invoquer le Règlement après cette intervention.

Le président: Écoutons M. Weaver. Monsieur Weaver, je vous en prie.

M. Robert Weaver: Il n'y a pas vraiment de gestion des approvisionnements dans notre secteur. C'est sans doute la raison pour laquelle nous pouvons exporter pour près de 3 milliards de dollars de porc et de boeuf.

Le président: M. McCormick veut dire quelque chose d'amical. C'est peut-être à cause de la saison de Noël.

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président.

Je pense que nous sommes tous ici pour des raisons fort valables. Nous souhaitons, nous avons besoin que le secteur de la production soit solide. Dans ces conditions, nous sommes tous gagnants.

Mon collègue de l'Ouest a dit qu'il était très difficile pour les jeunes de se tailler une place dans ce secteur. Il a raison. Cela a été trop difficile et ça l'est encore.

Monsieur le président, je voulais saisir cette occasion pour parler d'un nouveau programme annoncé cet automne au Concours international de labourage. C'est une première. Par l'intermédiaire de la Société du crédit agricole, on a prévu un programme permettant aux gens qui ne travaillent pas dans le domaine agricole d'emprunter de l'argent pour l'acquisition d'une exploitation agricole et le soutien de leurs efforts. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction et je tenais à le signaler.

Merci, monsieur le président.

Le président: À la bonne heure. Merci.

À tous nos témoins, au nom des membres du comité, merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de vos exposés. Nous espérons de tout coeur que les négociations se dérouleront bien.

Aux éleveurs de porc, je dirai que j'espère que le marché va se relever bientôt.

Merci.

La séance est levée.