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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 26 novembre 1998

• 1101

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): La séance est ouverte.

M. Breitkreuz veut faire un rappel au Règlement; ensuite, je présenterai les témoins.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, en examinant la liste de nos témoins, je pense que l'on a oublié quelque chose d'important. Je croyais comprendre que la délégation en provenance de la Saskatchewan serait multipartite, mais je vois qu'il n'y a qu'une seule personne assise à la table. Serait-il acceptable que je demande que le comité permette aux deux autres partis, le Parti libéral et le Parti de la Saskatchewan, d'être également représentés? Ai-je besoin du consentement des autres pour cela? C'est une délégation qui vient de bien loin, de la Saskatchewan, mais ils ne sont pas tous inscrits ici.

Le président: Monsieur Breitkreuz, il n'y a absolument aucun oubli. Cette rencontre est prévue depuis bien des jours. Nous avons envoyé des invitations, et, avec mon autorisation, le greffier a prévu quatre organisations pour aujourd'hui. Nous n'avons de la place que pour quatre, puisque nous n'avons que deux heures. Je regrette pour toute autre personne qui voudrait faire un exposé, mais c'est l'horaire auquel nous devrons nous tenir aujourd'hui.

M. Garry Breitkreuz: Ils font partie de la délégation qui est venue de la Saskatchewan. Ce n'est pas un groupe supplémentaire.

Le président: Monsieur Breitkreuz, j'ai parlé à M. Upshall de cela. M. Upshall m'a bien dit, au cours de notre conversation, qu'il y aurait d'autres personnes qui viendraient, mais je lui ai dit clairement qu'il serait le porte-parole et qu'il n'y aurait personne d'autre à prendre la parole; c'est tout. Merci.

Nous allons maintenant passer à nos travaux. Nous avons la bonne fortune d'entendre ce matin quatre organismes différents. Bien sûr, le dossier que nous examinons est celui de la crise actuelle du revenu agricole. Nous allons entendre une fois de plus la Western Barley Growers Association, représentée par M. Rockafellow et M. Armstrong. De la Canadian Canola Growers Association, nous avons MM. Bruce Dalgarno et Curtis Egert. De l'UPA, du Québec, M. Yvon Proulx. Et, comme je l'ai déjà dit, l'honorable Eric Upshall, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, est présent pour nous parler au nom du gouvernement de la province de la Saskatchewan.

Nous entendrons d'abord les producteurs de canola, suivis des producteurs d'orge, puis de l'UPA; le quatrième à prendre la parole sera M. Upshall. Nous disposons de cette salle jusqu'à 13 heures. J'espère que tous les exposés seront aussi rapides et succincts que possible, afin que nous ayons beaucoup de temps pour les questions.

Sans plus tarder, monsieur Dalgarno.

M. Bruce Dalgarno (ex-président, Canadian Canola Growers Association): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je voudrais seulement m'assurer que notre mémoire a été distribué à tous les membres du comité.

Au nom de la Canadian Canola Growers Association, je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui à communiquer nos vues sur la crise actuelle du revenu agricole et d'examiner nos recommandations.

• 1105

Bien que nous ayons atteint, en 1997, des niveaux extrêmement bas de revenus agricoles nationaux, Agriculture et Agroalimentaire Canada prévoit une baisse supplémentaire de 20 p. 100 en 1998. Les perspectives pour 1999 ne sont pas prometteuses non plus, vu la possibilité d'un affaiblissement des prix et du maintien de la baisse du revenu agricole. À l'échelle nationale, les revenus de 1998 ne sont inférieurs que de 4 p. 100 à ceux de la moyenne des cinq dernières années. Toutefois, lorsqu'on examine la situation de plus près, il est facile de voir qui assume le gros des pertes. On s'attend que, en 1998, les agriculteurs de la Saskatchewan et du Manitoba soient les plus durement touchés, leurs revenus chutant de 70 et de 40 p. 100 respectivement, relativement à la moyenne des cinq dernières années. À l'Île-du-Prince-Édouard, on s'attend également que le revenu agricole baisse de 40 p. 100 relativement à la moyenne des cinq dernières années, du fait d'une grave attaque de la brunissure de la pomme de terre et du fait que la sécheresse a eu un effet dévastateur sur les exploitations agricoles de l'Île-du-Prince-Édouard l'an dernier.

Les agriculteurs des Prairies se retrouvent coincés entre une augmentation du coût des facteurs de production et la diminution des prix. Cette situation est causée principalement par la faiblesse des prix des denrées et du bétail; les coûts de transport élevés, en particulier pour les producteurs de cultures d'exportation du Manitoba et de la Saskatchewan; des hausses marquées des taxes foncières; et, pour les machines, les pièces et les services, des dépenses de fonctionnement qui dépassent de très loin le prix des denrées. En attendant, on prévoit, pour les provinces des Prairies, en 1998, un revenu net de 143 millions de dollars pour le Manitoba, de 83 millions de dollars pour la Saskatchewan et de 540 millions de dollars pour l'Alberta, soit un revenu net total de 766 millions de dollars.

Il convient de noter que les agriculteurs des provinces des Prairies ont produit 13,2 millions d'acres de canola en 1998. Le revenu net moyen du Canada étant d'environ 50 $ l'acre, cela représente un total de 660 millions de dollars, ce qui signifie que 86 p. 100 du revenu agricole net des trois provinces des Prairies sont dérivés du canola. Autrement dit, c'est certainement le canola qui soutient les exploitations agricoles des Prairies, dans bien des cas. Bien que l'industrie du canola ne connaisse pas les mêmes reculs que les autres denrées, beaucoup de nos agriculteurs, pour des raisons de diversification agronomique ou économique, cultivent d'autres cultures et élèvent également du bétail. Nos préoccupations portent sur ces producteurs.

Malgré la crise économique de certains segments, l'élevage de porcins en particulier, nous ne trouvons pas que les paiements ponctuels que les gouvernements versaient dans le passé puissent représenter une solution pour l'avenir de l'agriculture. Les paiements ponctuels ne sont ni envisageables ni souhaités, que ce soit du point de vue des échanges mondiaux ou du point de vue de la concurrence. Les paiements ponctuels représentent une solution à court terme qui a des répercussions à long terme.

Les gouvernements fédéral et provinciaux disposent des outils nécessaires pour réduire immédiatement certains des coûts des facteurs de production agricole et pour aider les agriculteurs, sans causer du tort aux négociations sur le commerce extérieur. Tant à l'échelle fédérale qu'à l'échelle provinciale, une façon de faire cela serait de bloquer les initiatives de recouvrement de frais portant sur l'agriculture. On évalue que les agriculteurs canadiens payent actuellement plus de 100 millions de dollars par année pour des services offerts ou demandés par divers paliers de gouvernement. Et les gouvernements peuvent également réduire les taxes sur le carburant et les machines et outillage agricoles dont nous nous servons.

Il faudrait également que les taxes à l'éducation soient tirées, non plus des taxes foncières, mais de l'impôt sur le revenu. Tous les Canadiens profitent du système d'éducation, mais ce sont seulement les propriétaires fonciers qui assument le gros des frais. Nous estimons qu'il est temps que les taxes à l'éducation soient distribuées de façon plus équitable. Il faudrait également que les paiements de transfert du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux soient augmentés afin que les gouvernements provinciaux puissent s'occuper des carences en matière d'éducation.

• 1110

La Canadian Canola Growers Association recommande également que le gouvernement fédéral élabore un plan de mesures d'urgence en cas de catastrophe agricole nationale, au cas où il y aurait effondrement total du marché. Ce plan devrait être conçu de façon à compléter les programmes existants de protection du revenu, tels que le compte de stabilisation du revenu (CSRN) et l'assurance-récolte. Le CSRN sert à corriger les fluctuations de revenu dans le cadre d'un marché en bon fonctionnement. Il a été conçu pour stabiliser les revenus, non pour servir de béquille au cas où le marché s'effondre totalement. Le plan de mesures d'urgence ne doit pas avoir un effet de distorsion des échanges. Il doit être d'un effet neutre sur les denrées tout en portant sur l'ensemble de l'exploitation agricole. Et il devrait être offert à tous les producteurs agricoles canadiens.

Pour se conformer aux directives de l'OMC, les paiements gouvernementaux aux agriculteurs ne peuvent pas dépasser certaines limites. Actuellement, nous avons la possibilité, dans le cadre des négociations sur le commerce extérieur ou des accords d'échange, d'établir des programmes de soutien qui équivaudraient à 3 ou 4 milliards de dollars annuellement. Toutefois, la contribution actuelle est inférieure à 1 milliard de dollars. Dans le cadre des négociations sur le commerce extérieur, nous avons toute la place voulue pour utiliser 2 ou 3 milliards de dollars pour créer un plan de mesures d'urgence en cas de catastrophe agricole nationale.

La Canadian Canola Growers Association propose également que ce plan de mesures d'urgence nationale prenne pour modèle celui de l'Alberta, le Alberta Farm Income Disaster Program. C'est un programme de soutien volontaire à l'ensemble de l'exploitation agricole des cultivateurs de l'Alberta, et il a pour objectif de fournir des revenus de soutien aux agriculteurs actifs lorsque, pour des raisons incontrôlables, ils subissent une réduction extrême de leurs revenus agricoles. Certaines caractéristiques de ce plan sont les suivantes: disponibilité pour tous les agriculteurs de l'Alberta et pour toutes les denrées agricoles; les agriculteurs eux-mêmes s'occupent des variations normales du revenu annuel; le programme n'entre en jeu que lorsque les chutes de revenus dépassent la variation normale.

Pour ce qui est du commerce extérieur, il faut plus d'efforts pour libéraliser le commerce agricole. Dans les marchés mondiaux d'aujourd'hui, il est essentiel que les règles du jeu soient les mêmes pour tous les pays. Plus nous arriverons rapidement à cette situation, mieux cela vaudra. En 1999, dans les négociations commerciales qui commenceront bientôt, nous exhortons le gouvernement canadien à continuer de réclamer des réformes qui limitent la capacité des États-Unis et de l'Union européenne de subventionner généreusement les oléagineux, les céréales et la production de bétail. En outre, il faudrait éliminer les droits tarifaires pétroliers du Japon, de la Corée, de la Chine et du Mexique.

Pendant la ronde de l'Uruguay des négociations du GATT, on a présenté la proposition zéro pour zéro relative aux oléagineux. Certaines suggestions incluaient l'élimination des subventions à l'exportation, des tarifs d'importation et des taxes à l'exportation sur les oléagineux et les produits d'oléagineux. Bien qu'elle n'ait pas été adoptée, la proposition zéro pour zéro a été assez bien reçue. Une étude récente, Trade Liberalization of the International Oilseed Complex (Libéralisation du commerce du secteur international des oléagineux), du professeur Karl Meilkie, de l'Université de Guelph, a évalué l'incidence de la proposition zéro pour zéro si elle avait été acceptée. Il concluait que le «Canada ainsi que plusieurs autres pays industrialisés et quelques pays moins industrialisés, tireraient profit de l'adoption de la proposition zéro pour zéro».

Pour ce qui est de certains problèmes relatifs au transport, qui représente un coût énorme pour les cultivateurs, étant donné que les producteurs assument maintenant tous les frais de transport, il nous faut un système efficace de transport des céréales aux moindres coûts possible. La CCGA a fait le recommandations suivantes à l'étude Estey: nous devons mettre sur pied des contrats commerciaux à tous les niveaux de manutention et de transport des céréales, pour que les entreprises aient un encouragement financier à créer des économies et à se débarrasser des méthodes non efficientes; nous devons passer d'un système axé sur l'expédition des produits de l'intérieur du pays à un système axé sur la réclamation des produits par chaque navire; et tout le système devrait être centré sur le service aux clients, la fiabilité et la réduction du gaspillage.

Pour ce qui est de certains dossiers particuliers au Canada, le canola est actuellement plus financièrement viable que le blé ou l'orge, bien qu'il coûte environ 20 p. 100 de plus à produire. Les marchés sont réceptifs, et demandent aux cultivateurs d'en produire plus. Combien plus? Cela dépendra de ce que les marchés à terme indiqueront d'ici à mars. Certaines analyses ont prédit une poussée, les superficies ensemencées passant de 13,2 millions d'acres en 1998 à un record de 15 ou 16 millions d'acres en 1999.

• 1115

Toute augmentation de cette étendue de la superficie de canola aura certainement une incidence considérable sur le secteur du canola. Premièrement, cela exerce des pressions à la baisse sur les prix, mais c'est encore possible dans le cadre d'un marché fonctionnel. Ce qui est également préoccupant, c'est le fait qu'avec le resserrement préoccupant, c'est le fait qu'avec le resserrement des rotations de cultures, une augmentation de la production de canola va rapprocher le seuil des maladies végétales et des infestations par les insectes. Deux études actuelles en Alberta examinent le resserrement des rotations de canola et l'incidence d'une augmentation des maladies végétales et du parasitisme. Des résultats préliminaires indiquent des pertes allant jusqu'à 35 p. 100 pour le canola lorsqu'il est constamment récolté, comparativement aux résultats obtenus dans le cas des rotations déjà serrées de deux ans. La menace d'une augmentation des ennemis des cultures aura une incidence négative sur la production de canola des trois ou cinq années à venir. Troisièmement, la plupart des augmentations de superficie proviendront des régions où la production de canola est moins traditionnelle et plus risquée d'un point de vue environnemental. Cela fait courir un plus grand risque de mauvaises récoltes aux agriculteurs concernés. Enfin, l'augmentation des coûts de production du canola obligera les producteurs qui n'ont que peu de liquidités ou qui n'en ont pas à obtenir plus de crédit, ce qui augmente leurs risques de faillite.

En conclusion, les agriculteurs canadiens se retrouvent dans un étau financier. L'expérience antérieure des paiements ponctuels prouve qu'ils ne fonctionnent pas. À leur place, la CCGA exhorte le gouvernement à prendre des mesures immédiates pour réduire les coûts des facteurs de production en réduisant les taxes et en bloquant toutes les initiatives de recouvrement de frais. Une solution à long terme serait de concevoir un programme national de mesures d'urgence en cas de catastrophe agricole. Il est également impérieux que la délégation canadienne continue de réclamer la suppression des programmes américains et européens de subventions des produits agricoles au cours de la prochaine ronde de négociation de l'OMC.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Dalgarno.

J'invite tous les témoins à faire des exposés liminaires aussi brefs que possible. Nous n'avons que deux heures.

Nous passons maintenant à M. Rockafellow, de la Western Barley Growers Association.

M. Greg Rockafellow (Western Barley Growers Association): En fait, monsieur le président, c'est M. Armstrong qui commencera.

Le président: Très bien. Monsieur Armstrong, bienvenue.

M. Ed Armstrong (membre du conseil d'administration, Western Barley growers Association): Au nom de la Western Barley Growers Association, je vous remercie de nous avoir invités à exprimer nos vues sur la crise du revenu agricole. Je ne pense pas que notre mémoire soit disponible, parce qu'il ne vous a pas été remis suffisamment à l'avance pour être traduit. Je vais devoir vous en lire l'essentiel.

La Western Barley Growers Association (WBGA) a fait partie en 1990 du Comité national sur la protection du revenu chargé de mettre au point le Compte de stabilisation du revenu net (CSRN), le Régime d'assurance-revenu brut (RARB) et l'assurance-récolte. Signalons tout de même que l'assurance-récolte existait auparavant; toutefois, pour satisfaire les cultivateurs d'orge, nous avons maintenu l'assurance-récolte. Ces programmes devaient préparer financièrement l'agriculture canadienne à affronter l'an 2000 et au-delà. Or le nouveau millénaire approche à grands pas, et l'agriculture canadienne se trouve dans un état de désarroi financier. Qu'est-ce qui s'est passé et pourquoi ces programmes ne permettent-ils pas de faire face à la crise actuelle?

Tout le processus était vicié dès le début en 1990. La WBGA croit que c'est parce que le gouvernement fédéral avait établi quelques années auparavant un comité de réflexion sur les finances agricoles, d'où est issu le CSRN. Dans le rapport de 1986 sur l'assurance-récolte en Alberta (pages 82 à 84), il y a une section intitulée Régime d'assurance-ressources des Prairies, d'où est issu le RARB. Le Comité national sur la protection du revenu avait pour unique fonction de veiller à ce que ces deux programmes soient recommandés et mis en oeuvre. Le gouvernement pouvait alors dire que les agriculteurs concernés en étaient responsables. La WBGA et le SNC ont été les deux seuls organismes à exprimer leur opposition à ces deux programmes. L'Ontario a finalement mis en oeuvre le genre de RARB que la WBGA aurait voulu pour l'Ouest canadien. Le RARB de l'Ontario dispose d'environ 300 millions de dollars en prévision d'une chute des prix du maïs et du blé, mais il n'a pas payé grand-chose jusqu'à présent. Le problème que pose ce problème à long terme, c'est qu'il est ROUGE d'après les règlements de l'Organisation mondiale du commerce, c'est-à-dire axé sur les produits et réservé au secteur céréalier.

• 1120

Dans l'Ouest canadien, les agriculteurs pouvaient facilement manipuler le RARB dans leur propre intérêt. Il n'a duré que trois ans environ. Parce que le programme était mal conçu, on peut dire que l'argent versé a été dans une large mesure gaspillé. Le programme permettait aux agriculteurs de s'agrandir et de s'endetter encore davantage au lieu de rembourser leur dette et d'assainir la situation financière de leur exploitation. Dans la crise actuelle, ces agriculteurs auront du mal à se tirer d'affaire. Nous nous trouvons ainsi à avoir creusé l'écart entre les agriculteurs «nantis» et les agriculteurs «démunis».

En Alberta, il y a quelque 500 millions de dollars dans le CSRN, mais environ 4 p. 100 des titulaires contrôlent 80 p. 100 de l'argent. Or, en Alberta, cette année, le Farm Income Disaster Program versera environ 100 millions de dollars.

En Saskatchewan, il y a environ 1 milliard de dollars dans le CSRN, mais l'agriculture n'en traverse pas moins une crise financière. Là encore, on estime qu'environ 4 p. 100 des titulaires du compte contrôlent 80 p. 100 de l'argent. Compte tenu de l'âge des bénéficiaires, c'est l'agriculteur à la veille de la retraite ou qui se retire de l'Agriculture qui a bénéficié de ces programmes, et non l'ensemble des agriculteurs.

La WBGA a trouvé frustrant et décevant le processus de protection du revenu en 1990. En janvier 1992, le sous-ministre albertain de l'Agriculture nous a informés que des changements allaient être apportés au RARB et, à la lumière de la crise agricole en Nouvelle-Zélande...

... la WBGA a décidé de participer activement à l'élaboration de la politique en matière de protection du revenu agricole. En mars 1992, elle a convoqué une réunion à laquelle ont assisté 11 organisations agricoles. Ce jour-là, nous avons convenu que les programmes de protection du revenu existants posaient des problèmes et décidé que nous nous appellerions l'Alberta Safety Net Coalition et que nous demanderions au gouvernement de l'Alberta de nous donner Frank Kehoe, du Alberta Agriculture Planning Secretariat, comme facilitateur.

Jusqu'à l'automne 1993, nous avons tenu de nombreuses réunions qui ont donné lieu à un exposé de position sur les critères auxquels devait se conformer un programme de protection du revenu. Les agriculteurs doivent avoir l'assurance que le processus d'élaboration a été orienté, évalué et encadré par des agriculteurs. Le programme de protection du revenu doit être jugé vert au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Les quatre piliers partenaires dans la croissance doivent être présents, notamment une plus grande sensibilité aux marchés; une plus grande autonomie, une prise en compte de la diversité régionale; et une meilleure protection de l'environnement. Il faut également aider les agriculteurs à faire face aux fluctuations imprévisibles des prix et des revenus.

Le processus doit répondre rapidement aux besoins de trésorerie. Le programme et les soutiens qu'il fournit doivent être acceptables au public. Le potentiel de droits de douane compensateurs doit être réduit au minimum. Le programme doit dédommager les agriculteurs des risques non assurables au même niveau que dans les autres industries.

Il faut en outre que le programme de protection du revenu agricole donne les résultats suivants: abolir les obstacles hors marché à l'entrée ou à la sortie du secteur agricole et solidité sur le plan actuariel.

Nous avons présenté cet exposé de position au gouvernement de l'Alberta en décembre 1993. Celui-ci l'ayant approuvé, nous avons organisé 10 groupes de discussion dans cinq localités de la province en vue de déterminer dans quelle mesure les agriculteurs de la base étaient d'accord ou pas avec l'ASNC.

Les résultats nous ont surpris dans la mesure où les agriculteurs réclamaient un relâchement des restrictions imposées à l'agriculture, un bon programme d'aide en cas de désastre et un programme d'assurance-récolte efficace. En somme, pour parler carrément, ils disaient: «Que le gouvernement nous laisse tranquilles, qu'il remballe ses programmes et qu'il nous fiche la paix.»

C'est en collaboration avec l'ASNC que le gouvernement de l'Alberta a élaboré et mis en oeuvre le FIDP pour l'année d'imposition 1995. Voici les principes fondamentaux du régime: axé sur le marché; données et principes fiscaux; mesure l'évolution des coûts et des revenus de l'agriculteur; priorité à la marge bénéficiaire; dépenses aussi faibles ou rentables que possible; revenus: maximiser le rendement du marché; marge bénéficiaire, élément essentiel; comptabilité agricole absolument nécessaire; et il incombe à l'agriculteur de tenir des registres précis sur les stocks, les comptes à recevoir et les comptes à payer à la fin de l'année.

• 1125

En outre, à compter de 1996, le CSRN a été lié au programme FIDP. Par défaut, nous avons fait fonctionner le CSRN en Alberta.

En effet, en Alberta, s'il y a versement aux termes du FIDP, depuis 1996 il vous faut d'abord vous prévaloir du programme fédéral CSRN, et ensuite demander la différence du FIDP. Que vous soyez un agriculteur participant au CSRN dont le compte est complet, ou à moitié, ou un agriculteur débutant qui n'a pas de compte, vous allez être traité de la même façon.

Le programme est opérationnel depuis trois ans, et il fonctionne. Tout le monde y gagne dans la mesure où, comme le programme est axé sur les besoins, il coûte moins cher au gouvernement et permet de mieux utiliser l'argent des contribuables.

En cas de désastre financier, l'agriculteur dispose maintenant d'un programme qui lui verse de grosses sommes d'argent au moment où il en a le plus besoin. Dans le cadre de l'enquête que le gouvernement de l'Alberta vient de mener sur le programme, 88 p. 100 des 1 000 agriculteurs interrogés ont déclaré que, sans les paiements du FIDP, ils auraient connu de très graves difficultés financières. Ils ont déclaré en outre qu'ils avaient utilisé l'argent pour payer des comptes en souffrance ou des arriérés de remboursement de prêts.

Grâce aux mesures prises par la WBGA en 1992, les organisations agricoles de l'Alberta ont pris en main la politique de protection du revenu de leur province, et les agriculteurs albertains disposent d'un programme qui les aide à faire face aux baisses de revenu.

Sur la scène nationale, il y a, en 1998, une grave crise financière qui touche certains secteurs et certaines provinces plus que d'autres. En 1992, nous avions du temps, mais pas aujourd'hui. Les deux niveaux de gouvernement et les organisations agricoles doivent agir dès maintenant. Le versement d'un paiement ponctuel n'est pas la solution. Les pouvoirs publics et les organisations agricoles doivent engager sans parti pris et sans arrière-pensées des pourparlers sur l'ensemble de l'agriculture canadienne plutôt que sur tel ou tel secteur ou province.

Le processus doit permettre d'élaborer les critères et le cadre de fonctionnement des programmes de protection du revenu et une déclaration d'objectif pour l'agriculture canadienne. Le Comité sur la protection du revenu a établi que l'assurance-récolte et le CSRN étaient des programmes nationaux. Il nous faudra cependant déterminer si ces programmes répondent aux critères qui seront élaborés et, dans la négative, pourquoi et ce qu'il faut changer.

Les agriculteurs et leur gouvernement provincial doivent élaborer des programmes parallèles, mais ceux-ci doivent répondre aux critères nationaux. Il doit y avoir dans l'enveloppe de protection du revenu la flexibilité nécessaire pour que les agriculteurs et les gouvernements provinciaux puissent réaffecter les fonds à un programme parallèle capable de répondre au besoin actuel.

Il faut faire la même chose dans le cas de l'assurance-récolte, et, en Alberta, c'est là la prochaine tâche à laquelle l'ASNC s'attellera.

Il faut charger un groupe de travail ou comité d'examiner les causes du fléchissement du revenu agricole.

Les groupes de travail nous ont conseillé d'examiner les causes de la situation—c'est-à-dire la protection à l'échelle mondiale, le manque de diversification agricole, les subventions de l'État, les contraintes de commercialisation, le transport, le coût des intrants, et le manque d'activités de transformation. Il faut réellement ajouter le financement et le calcul des arriérés. Enfin, il faut réévaluer la Société du crédit agricole et les institutions prêteuses provinciales.

En bref, la WBGA est d'avis que nous pouvons trouver une solution à court terme à la plupart des problèmes, mais que cette solution à court terme doit s'inscrire dans la solution à long terme. Il faudra pour cela que les deux niveaux de gouvernement et les agriculteurs s'y mettent. Cependant, comme la WBGA l'a prouvé en Alberta, la chose est possible, et, en fin de compte, nous pouvons assurer la compétitivité de l'industrie agricole canadienne sur le marché planétaire.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Armstrong.

Nous allons maintenant passer à M. Proulx, de l'UPA. Bonjour, monsieur Proulx.

[Français]

M. Yvon Proulx (économiste, Direction de la recherche et de la politique agricole, Union des producteurs agricoles du Québec): Merci, monsieur le président. Au nom de l'Union des producteurs agricoles du Québec, je vous remercie de nous avoir invités à venir vous faire cette présentation.

Comme vous le savez, l'Union des producteurs agricoles du Québec est l'organisation qui représente l'ensemble des producteurs et productrices agricoles du Québec. C'est une voix unique pour l'ensemble des producteurs et productrices. Je vais vous faire aujourd'hui une présentation brève et non technique, ayant pour objet de presser le gouvernement de reconnaître l'existence d'un problème et la nécessité d'y appliquer une solution dès maintenant.

• 1130

Pour faciliter la tâche des interprètes, je vais m'en tenir à peu près au texte et le lire assez lentement.

Votre comité a été mandaté pour examiner la crise appréhendée du revenu agricole au Canada et pour faire rapport sur des solutions possibles. Dans les quelques minutes que l'on a mises à ma disposition, je voudrais faire voir que la crise n'est pas qu'appréhendée mais bien réelle, et que le gouvernement canadien doit très rapidement se pencher sur ce problème. Je veux aussi exprimer l'appui de l'UPA, que je représente ici, à l'élément de solution mis de l'avant par le Comité consultatif national sur la sécurité du revenu, un comité où je représente l'UPA.

La crise est bien réelle. La crise du revenu n'est pas qu'appréhendée, elle est bien réelle. Je ne vais pas rappeler les estimations du revenu agricole global pour 1998 et 1999, qu'on vous a sans doute déjà présentées. D'ailleurs, monsieur qui est ici à ma gauche l'a démontré tout à l'heure en nous en rappelant les chiffres. Je vais plutôt tenter d'illustrer ce que signifie, pour un producteur moyen de porc, l'effondrement du prix de ce produit, lequel ne cesse de s'accentuer.

Vous savez peut-être qu'hier, ce prix était de 80 $ pour 100 kilos au Québec. Hier, c'était le moment où j'écrivais ce document. Aujourd'hui, je dois dire qu'il est de 70 $ et même d'un peu moins pour 100 kilogrammes, alors qu'il en coûte au moins deux fois plus pour produire cette quantité. Un producteur moyen, qui produit facilement 5 000 porcs par année, soit 425 000 kilogrammes de porc, doit donc composer avec un manque à gagner de plus de 300 000 $ par année si le prix se maintient à ce niveau pendant toute cette période. Espérons qu'il ne restera pas à ce niveau pendant toute l'année parce que ce sera alors extrêmement difficile. Il n'est pas nécessaire de faire un dessin pour expliquer que ce producteur, non seulement se trouve sans revenu ou salaire, mais ne peut même pas acquitter de nombreuses factures.

Vous direz probablement qu'au Québec le producteur ne perd pas autant parce qu'il y a l'ASRA. L'ASRA est le programme d'assurance-stabilisation des revenus agricoles du Québec. Vous en tirerez l'argument qu'à cause de l'ASRA, un producteur du Québec ne perd pas autant d'argent. Vous vous direz que l'ASRA s'occupe d'un problème de ce genre.

C'est vrai qu'au Québec, il y a l'ASRA. Oui, c'est vrai que l'ASRA s'occupe d'un problème de cette nature. Mais l'ASRA est un programme qu'il faut financer, et les règles du jeu sont telles que le producteur doit financer lui-même le tiers du manque à gagner. Il est bien évident que quand le manque à gagner est de l'ordre mentionné, en financer le tiers, pour un producteur moyen—je dis bien un producteur moyen—peut signifier un manque à gagner de 100 000 $ par année.

D'ailleurs, la situation est difficile aussi pour le gouvernement du Québec qui, selon ses dires, n'a pas d'argent. À cause de la lutte qu'il mène contre le déficit, le gouvernement n'a effectivement pas d'argent. Il est même obligé de couper dans le budget des hôpitaux. Or, le gouvernement doit financer les deux tiers du programme. Par conséquent, il est devenu extrêmement difficile, à la fois pour le gouvernement du Québec et pour le producteur, de financer un manque à gagner de cet ordre de grandeur.

Le gouvernement canadien doit intervenir maintenant. Il est important de se rappeler qu'il y a quelques années, quand la dernière crise importante du revenu agricole s'était produite, vers la fin de la décennie 1980 et au début de la décennie 1990, il existait au Canada un système de protection du revenu agricole d'une bien plus grande envergure que celui qu'on a maintenant. Il y avait les programmes tripartites, le RARB et le CSRN, en somme un filet de sécurité du revenu bien plus élaboré que maintenant.

Les gouvernements fédéral et provinciaux y consacraient plus de trois fois les sommes qu'ils y consacrent aujourd'hui. En ce temps-là, on consacrait facilement de 3,5 à 4 milliards de dollars par année aux programmes de sécurité du revenu agricole au Canada. Aujourd'hui, les deux paliers de gouvernement ensemble y consacrent à peine 1 milliard de dollars.

Plusieurs éléments importants de ce système sont maintenant disparus; les programmes tripartites n'existent plus, le RARB non plus, à cause des règles nouvelles du commerce international et des compressions budgétaires extrêmement importantes appliquées dans la foulée de la lutte au déficit. On constate sans doute aujourd'hui que plusieurs de ces éléments étaient importants et essentiels. À défaut de pouvoir les réinstaurer, il apparaît clairement que le gouvernement canadien devra rapidement offrir aux producteurs et productrices agricoles canadiens un autre instrument de protection du revenu sur une base permanente.

Avant de m'étendre sur ce que devrait être la nature de ce nouvel instrument, je veux insister sur l'obligation qu'a le gouvernement de décider très rapidement d'y injecter de l'argent neuf en quantité substantielle.

• 1135

Je rappelle à cet égard que les producteurs et productrices agricoles américains, nos principaux concurrents sur les marchés, ont vu leur gouvernement, il y a déjà quelques mois, doubler les sommes qu'il consacre au soutien de leur revenu. Pourtant, la crise du revenu agricole aux États-Unis est moins grave qu'elle l'est ici. Les estimations qu'on en a faites sont que le revenu agricole aux États-Unis aura baissé de 16 p. 100 en 1998. Ici, au Canada, il est évident qu'il aura baissé davantage, soit de 20 à 30 p. 100, selon nos estimations.

Néanmoins, le gouvernement américain a décidé, il y a déjà deux mois, de doubler les sommes d'argent qu'il consacre à la sécurité du revenu des producteurs et productrices américains. Il a ajouté 5,9 milliards de dollars aux 5,6 milliards prévus, sans compter les sommes et les mesures importantes qui servent à faciliter la vente à l'exportation des produits américains. Il est donc extrêmement important que le gouvernement canadien fasse de même.

Dans le cours des négociations commerciales internationales qui se sont tenues depuis une dizaine d'années, il est arrivé souvent que les gouvernements, que ce soit le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux, pressent les producteurs et productrices agricoles d'être compétitifs. Aujourd'hui, ce sont les producteurs et productrices agricoles qui demandent au gouvernement de se montrer compétitif et d'égaler ce que le gouvernement américain et le gouvernement de l'Union européenne font.

Je signale finalement une autre raison importante qui devrait convaincre le gouvernement canadien d'intervenir: son objectif de croissance importante des exportations, objectif qui ne pourra certainement pas être atteint si le gouvernement n'est pas capable d'aider les entreprises à demeurer en affaires quand se présentent des périodes de crise de l'ampleur de celle qu'on vit présentement.

Je ne vais pas m'étendre longuement sur ce que devrait être un Programme national de protection du revenu en cas de désastre ni en décrire la nature. Tout cela est contenu dans la proposition qui a été faite par le Comité consultatif national sur la sécurité du revenu, proposition qui vous a sans doute été transmise. La Fédération canadienne de l'agriculture est fort probablement venue vous présenter en détail la proposition du Comité consultatif national sur la sécurité du revenu sur la création d'un Programme national de protection du revenu en cas de désastre.

Ce que je tiens à dire ici, c'est que l'UPA, l'Union des producteurs agricoles du Québec, appuie totalement cette proposition et estime que le gouvernement doit rapidement prendre les décisions qui s'imposent pour qu'un tel programme soit offert maintenant, de façon à couvrir les baisses du revenu de l'année 1998, et sur une base permanente par la suite. C'est la nouvelle pièce que le gouvernement canadien doit ajouter cette année au filet de sécurité du revenu.

Le seul commentaire que je ferai sera pour insister sur le fait que le fonctionnement de ce programme ne doit pas entraver celui des autres éléments du système de protection du revenu existant, mais agir en complémentarité. À cet égard, la suggestion récente voulant que les producteurs agricoles doivent d'abord vider leur compte CSRN avant d'avoir accès aux paiements du programme en cas de désastre doit être carrément rejetée. Il serait injuste de pénaliser ainsi le producteur qui a fait preuve de prudence en se bâtissant un compte en vertu du programme et de l'obliger à vider ce compte avant d'avoir accès à la protection du programme en cas de désastre. Ce serait d'ailleurs une façon d'inciter le producteur à ne plus investir d'argent dans les programmes du CSRN.

Je termine en mentionnant que l'organisation que je représente presse instamment le gouvernement fédéral de mettre de l'argent neuf, en quantité substantielle, dans ce nouveau programme et que notre organisation va évidemment veiller à ce que le Québec obtienne sa part de ce nouveau programme de sécurité du revenu.

Sur ce, je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Proulx.

Pour compléter les déclarations, nous allons maintenant entendre le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation de la Saskatchewan, l'honorable Eric Upshall. Monsieur Upshall.

L'honorable Eric Upshall (ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, gouvernement de la province de la Saskatchewan): Merci, monsieur le président.

Je suis accompagné aujourd'hui de deux personnes, M. Bob Bjornerud, député de Saltcoats, qui représente le caucus du Parti de la Saskatchewan, et M. Gerard Alridge, député de Thunder Creek, qui représente le caucus libéral.

• 1140

Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui, parce que je suis solidaire du besoin. L'opposition a présenté une motion à la Chambre il y a quelque temps, qui a été acceptée par tous les partis et envoyée à Ottawa, à l'appui de la demande d'aide de la Saskatchewan. Cela s'est produit, je pense, parce que la situation va au-delà de la politique.

Je viens tout juste d'assister à une réunion agricole hier à Neiburg, où plus de 400 personnes m'ont demandé d'envoyer un message à Ottawa. Bien que ce ne soit pas le moment le plus opportun pour moi, il était urgent que je vienne ici, car les familles et les enfants des milieux agricoles risquent de devoir quitter les fermes à cause du faible prix des produits de base.

Cela va au-delà... Permettez-moi de vous demander si vous avez tous l'exposé. Je vais lire le mémoire, page après page. Est-ce qu'on l'a distribué?

Le président: Non, nous ne pouvons pas le distribuer.

M. Eric Upshall: Vous ne pouvez pas le distribuer, mais nous pouvons le faire.

M. Garry Breitkreuz: J'invoque le Règlement. Je pense qu'il faudrait faire savoir aux témoins qu'ils peuvent distribuer leur mémoire aux membres du comité, mais non pas par l'entremise du comité.

M. Eric Upshall: Je demandais simplement si on l'avait distribué.

Je m'excuse aussi, car—et c'est tout à fait ma faute—j'ai apporté des modifications de dernière heure, et donc nous n'avons pas pu faire faire la traduction en français, mais je suppose que cela se produit.

Le président: Excusez-moi, je viens de vérifier auprès du greffier. Vous ne pouvez pas le distribuer. C'est le règlement. Nous ne pouvons pas donner un avantage à un député par rapport à un autre, et donc je vous demanderais de ne pas le distribuer.

M. Eric Upshall: Très bien, parfait.

Le président: Merci.

M. Eric Upshall: Excusez-moi, nous pensions pouvoir le faire. Mais si c'est ça le règlement, parfait. Ce n'est pas un problème. Je vais dire la même chose.

Il ne s'agit pas d'être en mesure de produire; il s'agit d'obtenir un rendement pour votre produit. Les agriculteurs de la Saskatchewan, tout comme ceux du reste du Canada, sont aussi efficaces que les agriculteurs du monde entier et ont démontré qu'ils sont concurrentiels.

Il suffit de regarder la réaction de la Saskatchewan face à ce problème mondial, comparativement à la réaction des Américains ou des Européens. Nous avons réduit les emblavures de blé de printemps de neuf millions d'acres de 1992 à 1998. Nous sommes passés de plus de 18 millions d'acres à environ neuf millions d'acres pendant cette période. Voilà comment les producteurs ont réagi au marché.

Si vous comparez avec l'Europe, cette année on y augmente de 15 p. 100 la superficie consacrée au blé. Si vous regardez les États-Unis, la superficie est demeurée relativement stable. Les programmes de subventions dans ces pays n'ont pas forcé les agriculteurs à réagir au marché. Nous, en Saskatchewan, nous avons fait un travail énorme en remplaçant la culture du blé par d'autres denrées sur près de 10 millions d'acres, si vous pouvez vous l'imaginer.

Nous sommes incapables de régler ce problème en Saskatchewan, à l'exploitation agricole même ou au niveau provincial, parce que nous luttons contre le Trésor national européen et le Trésor national américain. Il faut donc trouver des solutions, et aux problèmes à court terme et aux problèmes à long terme, par des négociations avec nos concurrents mondiaux. À court terme, il nous faut des liquidités pour nous permettre de mettre en place un programme du genre assurance-sinistre à long terme, sur plusieurs années.

Le problème du revenu agricole, c'est... Je vais l'expliquer brièvement. De 1993 à 1997, la moyenne sur cinq ans du revenu net gagné était de 596 millions de dollars pour un revenu net de 1 400 millions de dollars. En 1998, par rapport à la moyenne de cinq ans, on en était à 189 millions de dollars; en 1999, nous prévoyons moins 170 millions de dollars. Ce n'est pas très réjouissant.

Les mesures prises par les Américains et les Européens, comme je l'ai dit, de concert avec les mesures prises par le gouvernement du Canada, qui avait pris certains engagements... Je ne conteste pas la décision d'abolir le Nid-de-Corbeau, une subvention équivalant à près de 100 p. 100, afin de respecter vos engagements envers l'OMC et de remplir vos obligations budgétaires. Nous avons vécu la même chose en Saskatchewan, et nous avons pris des décisions que nous n'aimions pas toujours. Donc je ne conteste pas cette décision.

Par contre, je critique le résultat de cette décision et le fait que la décision a été prise sans consultation avec les Américains et les Européens, tenant compte de ce qu'ils pourraient faire à l'avenir. Par conséquent, trois pays ont coincé nos producteurs, qui voient le coût des intrants augmenter de façon marquée à cause de l'augmentation de près de 150 p. 100 du coût du transport et qui voient les prix en chute libre à cause des subventions que les Américains et les Européens continuent à verser à leurs producteurs.

• 1145

Nous sommes coincés. Cela n'a rien à voir du tout avec notre capacité de produire, mais avec le fait que des influences à l'extérieur de nos frontières nous privent de notre gagne-pain. Nous tentons donc de faire concurrence aux Européens et aux Américains.

Regardons ce que ces derniers font. Les Européens versent 175 $ l'acre aux producteurs de blé. Le prix plancher est de 205 $ la tonne au silo. Il y a également une subvention à l'exportation de 60 $ la tonne. Aux États-Unis, on offre un paiement compensatoire pour les prêts de 15 $ la tonne ou d'environ 50 sous le boisseau. On verse 37 $ la tonne pour un contrat souple de production aux termes de la FAIR, leur loi agricole, ce qui représente environ un dollar le boisseau. Il y a une aide supplémentaire de 6 milliards de dollars qui a été annoncée il y a un mois.

Je veux décrire brièvement le paiement compensatoire pour les prêts. Si vous avez 10 000 boisseaux de blé aux États-Unis, le paiement compensatoire pour prêt équivalent au Canada est d'environ 3,90 $ le boisseau, et donc on obtient un prêt équivalant à 10 000 fois 3,90 $. Si le prix augmente et que je vends mes céréales et rembourse le prêt, tout va bien. Si le prix chute à 2 $ et que je vends mes céréales, je garde la différence. C'est très différent de notre régime. Et en Europe, c'est encore plus grave.

Les faibles prix dus aux guerres commerciales et l'augmentation du coût des intrants ont une incidence forte et directe sur nos familles agricoles: réduction du revenu; impossibilité de payer les intérêts; revenu réduit.

Hier, à Neiburg, une jeune femme, très intelligente, qui s'exprimait très bien—son mari ne pouvait être là parce qu'il travaille à l'extérieur, comme 60 p. 100 des producteurs—nous a montré les chiffres de leur exploitation agricole. Il leur manquait 80 $ l'acre sur une exploitation d'environ 1 000 acres. Ce n'est pas la norme ni quelque chose que les programmes habituels peuvent régler.

Ces familles se retrouvent dans l'impossibilité de rembourser les intérêts sur leurs prêts, sont incapables de remplacer les biens qui se déprécient, et font face à l'éventualité d'une faillite de leur entreprise. De plus, on constate en Saskatchewan des ventes réduites aux entreprises agroalimentaires, et un recul des ventes de nouvelles machines. Déjà, 500 personnes ont été mises à pied chez l'un des plus grands fabricants d'équipement à Saskatoon, et cette même situation se reproduit ailleurs. Le niveau d'activité économique de toute la province a beaucoup diminué. Il nous faut donc de l'aide.

Les programmes actuels de soutien du revenu sont utiles et doivent être maintenus. Bien que l'on puisse toujours améliorer des programmes comme l'assurance-récolte et le CSRN, ceux-ci sont des programmes de stabilisation du revenu et de protection contre les pertes de production; ils ne sont pas prévus pour faire face à une chute énorme des prix, comme c'est le cas aujourd'hui. Certainement, il y a des lacunes dans le CSRN. Environ 36 p. 100 des producteurs ont un solde qui équivaut à moins de 10 p. 100 de la moyenne de leurs ventes nettes admissibles. La situation ne s'en trouve qu'aggravée.

Il faut donc faire quelque chose. Nous faisons face à des problèmes considérables de liquidités. Il faut un programme immédiat pour permettre les semences cette année. Lorsque je parle des semences, je parle également du bétail. Comme vous le savez, hier le prix du porc en Saskatchewan était inférieur à 50 sous le kilogramme, donc moins de 50 $ les 100 kilos. Il faut une aide immédiate en termes de liquidités afin de permettre aux producteurs d'attendre un programme à long terme.

La Saskatchewan croit fermement à la mise en place d'un programme d'aide national en cas de désastre, mais il faut que ce soit un programme national. Cela signifie en effet que les producteurs seront protégés, quelle que soit l'assiette fiscale de leur province. La situation de la Saskatchewan est critique à cause de la différence qui existe entre notre superficie, nos terres arables, et notre assiette fiscale.

Le programme doit être conçu de façon à offrir de l'aide, et doit être possible sur le plan administratif, abordable, et éviter les distorsions de la production.

Nous sommes également fermement convaincus, à cause de la situation que j'ai décrite, que le gouvernement fédéral doit financer ce programme. La principale cause de cette catastrophe, échelonnée sur plusieurs années, comme je l'ai dit, vient de l'extérieur. Les gouvernements nationaux des pays d'Europe et des États-Unis, et non pas ceux des niveaux inférieurs, fournissent le financement. Le gouvernement fédéral a choisi de mettre fin au tarif du Nid-de-Corbeau, ce qui n'a fait qu'aggraver le problème.

• 1150

Les provinces ayant un grand secteur agricole et une petite assiette fiscale n'ont pas la capacité de financer des programmes nationaux. Je ne me défile pas de mes responsabilités, parce qu'en Saskatchewan nous donnons, par habitant, quatre fois autant que le gouvernement fédéral et 4,7 fois autant que tout autre gouvernement provincial. En fait, nous donnons pratiquement plus que le double de ce que notre plus proche rival, l'Alberta, donne par habitant.

Qu'est-ce que le revenu agricole en Saskatchewan? C'est 10 p. 100 de notre PIB. Environ 40 p. 100 des emplois sont liés à l'agriculture. Nous avons 3 p. 100 de l'assiette fiscale du Canada et nous avons 47 p. 100 des terres cultivées. Vous pouvez donc voir pourquoi des chutes importantes des prix nous causent de vastes problèmes quant à notre capacité de nous autotransfuser en cas d'hémorragie. Notre secteur agricole ne profite pas de la stabilité des programmes de gestion de l'offre autant que celui des autres provinces. Au Canada, les autres provinces bénéficient d'une certaine stabilité grâce à ces programmes. Chez nous, nous n'avons qu'une très petite partie des programmes de gestion de l'offre.

Nous partageons actuellement les coûts de l'assurance-récolte et du CSRN selon la proportion 60-40 et nous continuerons de le faire. Toutefois, pour ce qui est de la nécessité d'offrir des liquidités provisoires en attendant un programme de mesures d'urgence à long terme, il faut vraiment que le gouvernement fédéral se joigne à nous. Un partage fixe des coûts signifie que le contribuable de la Saskatchewan est plus sollicité, comme je l'ai dit, vu les pourcentages de 3 p. 100 de l'assiette fiscale canadienne et de 47 p. 100 des terres cultivées. Je ne pense pas que cela soit très juste. Un partage des coûts à 60-40 serait tout à fait inapproprié dans ce programme national.

Dans le mémoire que vous recevrez, vous verrez une comparaison entre les gouvernements au Canada et les types de transferts; par «réglementaire», nous entendons la gestion de l'offre; par «transferts indirects», nous entendons des choses telles que les sommes consacrées à la recherche; et par «paiements directs», nous entendons l'argent versé au CSRN, à l'assurance-récolte et à d'autres programmes. Dans ce graphique, vous constaterez que, si nous avons des proportions de paiements directs et indirects équivalentes, nos transferts réglementaires, c'est-à-dire en vertu de programmes de gestion de l'offre, sont pratiquement inexistants.

En conclusion, il nous faut un programme pluriannuel de mesures d'urgence en cas de catastrophe agricole. Il faut que la Saskatchewan et le Manitoba fassent du financement provisoire. L'aide doit être entre les mains des agriculteurs le plus tôt possible, avant les semailles du printemps. Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement fédéral pour atteindre cet objectif.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Upshall.

Merci à tous les témoins. Il nous reste un peu plus d'une heure pour les questions. Je suis sûr que les membres du comité en ont beaucoup à poser. Je passe à M. Breitkreuz, pour sept minutes.

M. Garry Breitkreuz: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous remercie tous de vos exposés.

Monsieur Upshall, bienvenue à la table. Je voudrais vous poser ma première question.

Je me rends compte que vous êtes à Ottawa avec le reste de votre délégation. Il y a eu une certaine frustration, il y a un certain temps, parce que le gouvernement de la Saskatchewan ne s'exprimait pas avec plus de vigueur sur cette question. Nous devrons nous serrer les coudes dans ce cas-ci. Nous devons montrer au gouvernement fédéral ce qui se passe dans notre province, lui montrer la gravité du problème. Je suis heureux de voir que vous avez inclus tous les partis dans votre délégation.

La crédibilité de la province serait accrue par l'adoption de certaines mesures que le ministre fédéral, j'en suis sûr, s'empressera de vous souligner. Le gouvernement de la Saskatchewan a activement encouragé la diversification des secteurs agricoles, y compris celui de l'élevage du porc. Les problèmes se sont multipliés dans la province du fait de l'influence du gouvernement sur des décisions que, normalement, les agriculteurs prendraient tout seuls lorsqu'ils décident ce qu'ils vont produire. L'encouragement donné aux agriculteurs à s'occuper d'élevage de porcins a pratiquement détruit certains agriculteurs à cause de la chute des prix du porc, comme vous l'avez dit.

Ne vaudrait-il pas mieux réduire le fardeau fiscal de tous les agriculteurs? Ils paient des impôts fédéraux et provinciaux. Beaucoup d'entre eux m'ont dit que s'il y avait un traitement plus équitable dans ce secteur, ils pourraient livrer concurrence. Monsieur le ministre, quelle responsabilité la province accepte-t-elle à cet égard?

• 1155

M. Eric Upshall: Vous voulez parler de la fiscalité réduite? Je voudrais faire deux ou trois observations. Je vous remercie de cette question: elle est excellente.

Premièrement, je ne sais pas si vous m'avez entendu en parler, mais je parle de cette question depuis longtemps. Je ne veux pas me vanter, mais je me suis cramponné à la réunion fédérale-provinciale de juillet et j'ai refusé de partir tant que l'on ne discuterait pas des programmes à long terme de mesures d'urgence en cas de catastrophe. Grâce à M. Vanclief, qui s'est dit d'accord, cette question est inscrite à l'ordre du jour, et on en discute. Vous n'êtes peut-être pas souvent dans votre circonscription, mais je crois que certaines personnes en ont marre de m'entendre parler de cette question dans les médias de la Saskatchewan.

En ce qui concerne les incitatifs pour l'élevage du porc, je ne sais pas au juste ce que vous essayez de dire de façon subliminale, mais si on éliminait tout l'élevage du porc de la Saskatchewan, le prix ne changerait pas en Amérique du Nord. Le prix nord-américain est fixé. Je vais donc continuer à promouvoir l'industrie de l'élevage du porc parce qu'elle représente une valeur ajoutée à notre secteur céréalier, et cela va faire la différence dans l'économie de notre province. Il nous faut plus de porcs, de poulets, de bisons, d'élans et de tout ce que nous pouvons élever.

Pour ce qui est de la réduction de la fiscalité, je suis vraiment heureux que vous souleviez cette question, parce que c'est précisément le message que je veux transmettre. Qu'il s'agisse de réduire les taxes à l'éducation pour les exploitations agricoles ou, comme cela a été bien proposé, que l'on répartisse plus également sur les contribuables le financement de ce secteur; qu'il s'agisse de réduire la TPS ou l'impôt sur le revenu... Nous avons pratiquement exonéré les exploitations agricoles de toutes les taxes, exception faite d'un petit montant au titre de la taxe sur le carburant. Le diesel est entièrement exonéré. Nous avons un remboursement de la taxe sur le carburant qui nous coûte 140 millions de dollars par année. Donc, en ce qui concerne les taxes sur les ventes, c'est pratiquement un fait accompli. La taxe sur les matières premières existe encore dans une certaine mesure.

Dans une crise de ce type, la capacité du gouvernement de la Saskatchewan—et n'oublions pas que le gouvernement de la Saskatchewan, ce n'est rien d'autre que les contribuables de la Saskatchewan—sa capacité, donc, de percevoir des taxes et de les réduire pour aider les contribuables, pour ensuite retourner les voir et leur demander plus de taxes pour les aider à se sortir des difficultés causées par la chute des prix, tient de l'absurde. Pas besoin d'être un chirurgien spécialisé en fusées, comme dirait Don Cherry, pour se rendre compte que cela est presque impossible à faire.

M. Garry Breitkreuz: Merci.

Vous avez parlé de la taxe à l'éducation, comme l'a fait un autre témoin. Je pense que ce sont les producteurs de canola qui ont parlé de l'éducation financée par les taxes foncières. Je me demande comment vous répondriez... beaucoup d'agriculteurs viennent me voir, comme vous, j'en suis sûr. Depuis des années, ils essayent de rendre cet élément fiscal plus équitable. La taxe à l'éducation représente en fait un immense fardeau pour eux.

Relativement à la taxe sur le carburant, les agriculteurs savent que la province perçoit auprès des transporteurs ferroviaires une taxe beaucoup plus lourde que celle perçue auprès de leurs concurrents. Cette taxe n'est pas payée par les transporteurs; elle est transférée aux agriculteurs. Les frais de transport représentent l'un des plus grands coûts pour les agriculteurs.

M. Eric Upshall: Vous savez peut-être que les chemins de fer essayent de résoudre ce problème en réduisant le nombre de trains qui parcourent la voie ferrée.

M. Garry Breitkreuz: Je suis bien conscient de cela.

M. Eric Upshall: Vu l'ensemble de la situation, c'est également un problème. Nous pourrions réduire la taxe sur le carburant des compagnies ferroviaires. Nous pourrions réduire encore plus la taxe de vente provinciale. Nous pourrions transférer le coût de l'éducation à un plus grand nombre d'activités du gouvernement provincial ou à l'ensemble de l'assiette fiscale. Le fait est que le gâteau ne changera pas de taille et qu'il faut décider comment on va le trancher. C'est là que nous en sommes en ce moment, et c'est pour cela qu'il est pratiquement impossible de demander à nos contribuables d'assumer le fardeau supplémentaire d'essayer de réinvestir dans le système les centaines de millions de dollars que la chute des prix des céréales nous coûte.

M. Garry Breitkreuz: Oui. Je comprends très bien et je suis d'accord avec ce que vous essayez de faire aujourd'hui. Ce que j'essaie d'expliquer, c'est qu'il ne faudrait pas se contenter d'une solution à court terme. Nous devons absolument accompagner cela d'une solution à long terme.

Un des témoins a fait valoir que les paiements spéciaux, ou ponctuels, constituent une solution à court terme, mais qu'il faut aussi tenir compte de leurs conséquences à long terme. En Saskatchewan, le problème se développe depuis bon nombre d'années. Nous exerçons des pressions pour que le gouvernement fédéral trouve une solution à court terme, mais ne croyez-vous pas que nous devrions également, en parallèle, élaborer une stratégie à long terme?

• 1200

Le président: Veuillez répondre brièvement, monsieur Upshall.

M. Eric Upshall: Je répondrai par l'affirmative. J'ai commencé en juillet, à la réunion fédérale-provinciale, et nous allons continuer. J'ai dit qu'il y avait deux types de solutions, des solutions à court terme et des solutions à long terme. Je suis d'accord.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Breitkreuz.

Madame Alarie, vous avez sept minutes.

[Français]

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Ma question s'adresse à M. Proulx. Vous avez parlé de la proposition qu'a formulée le Comité consultatif sur la sécurité du revenu. Sans entrer dans les détails, j'aimerais que vous me disiez si le Programme national de protection du revenu en cas de désastre est tel que le ministre de l'Agriculture aimerait le voir. Est-ce que ce programme saura résister aux pressions de l'OMC? Sera-t-il OMC proof, si je puis ainsi dire? Est-ce qu'on prévoit que ce programme sera rétroactif et couvrira toute l'année 1998? Je sais que le gouvernement éprouve toujours beaucoup de réserves à appliquer un programme de façon rétroactive. Je ne voudrais pas que la mise en oeuvre d'un nouveau programme vienne mettre fin à d'autres programmes qui le précédaient. Ce sont les producteurs qui ont fait face à de sérieuses difficultés en 1998 qu'il faut aider. Lors de cette rencontre, avez-vous évalué les coûts? J'imagine que c'est là que le bât blesse.

M. Yvon Proulx: Merci, madame Alarie, de cette question. Le Comité consultatif national sur la sécurité du revenu a maintenant finalisé tous les détails de son Programme national de protection du revenu en cas de désastre. Ce programme national s'applique à l'ensemble et à tous et chacun des producteurs et productrices agricoles du Canada.

Vous m'avez demandé si le programme respectait les règles du commerce international. Ce programme correspond exactement à la définition que donne l'Organisation mondiale du commerce d'un programme vert. Il va sans dire que nous demanderons à des avocats d'examiner notre proposition afin que nous soyons absolument certains qu'elle ne contrevient pas aux règles du commerce international. Mais le programme a été conçu explicitement en se basant sur la définition précise d'un programme de sécurité du revenu qui est vert selon l'Organisation mondiale du commerce. Par conséquent, je pense que sous cet angle-là, il est absolument correct.

Mme Hélène Alarie: Et en termes de coûts?

M. Yvon Proulx: Vous avez abordé la question de la rétroactivité. Le Comité consultatif national sur la sécurité du revenu s'est réuni à trois ou cinq reprises au cours des derniers mois afin de définir l'ensemble des caractéristiques du programme. La proposition qu'il a présentée vise à couvrir les agriculteurs qui ont subi des chutes de revenu en 1998, c'est-à-dire ceux qui vivent la crise actuelle. Nous nous attendons à ce que le ministre fédéral de l'Agriculture présente très bientôt cette proposition au Cabinet des ministres, que le Cabinet l'approuvera, qu'on sera en mesure d'offrir ce programme à l'ensemble des producteurs et productrices agricoles du Canada et qu'il sera applicable à la saison de production 1998 et, bien sûr, de façon permanente par la suite.

Il est encore plus difficile de répondre à votre question sur les coûts parce qu'il s'agit d'un programme individuel. Selon les dispositions de ce programme, si, en 1998, un producteur déclarait que ses revenus ont chuté de 50 000 $, il pourrait arriver qu'en tenant compte du déductible et en respectant les règles du commerce international, on lui rembourse 30 000 $. Mais si un producteur de porc est aussi un producteur de céréales ou un producteur laitier et que ses affaires vont extrêmement bien dans un des domaines où il oeuvre, il ne recevra pas la même indemnisation puisque le programme tient compte de l'ensemble des revenus de son entreprise. Il est donc extrêmement difficile d'évaluer les coûts.

Nous avons toutefois en main des estimations globales qu'ont compilées certains membres de notre comité. On prévoit des dépenses de l'ordre de 600 millions de dollars.

• 1205

Bien qu'on propose que les paliers fédéral et provincial subventionnent conjointement ce programme, M. le ministre semble souhaiter que ce soit uniquement le fédéral qui verse des subventions. Je vous signale que ces 600 millions de dollars représentent une très modeste somme pour le gouvernement fédéral comparativement aux 3, 4 ou 5 milliards de dollars qu'il déboursait au moment de la dernière crise. Je crois que le gouvernement fédéral dispose de ces sommes et qu'il doit les investir dans un programme de sécurité du revenu en vue de régler le très grave problème que nous affrontons aujourd'hui même.

Mme Hélène Alarie: Merci, monsieur Proulx. Dans l'ensemble, j'entends dire que les agriculteurs sont productifs et concurrentiels et qu'on n'a pas de problèmes à ce niveau. Par contre, il y a un problème de surproduction mondiale qui ne pourra que s'aggraver lorsque les pays d'Europe de l'Est seront mieux organisés. Je ne prévois pas qu'il y aura une décroissance de cette surproduction mondiale.

Dans le fond, ce qui me trouble un peu, c'est qu'on ne respecte pas les règles du jeu internationales. Je n'ai vu aucune action concrète de la part du gouvernement en vue de dénoncer haut et clair ce qui se passe aux États-Unis ou en Europe. Par ailleurs, je n'ai pas vu non plus une évaluation de l'impact que cela pourra avoir sur nos producteurs agricoles.

Vous dites que, surtout dans l'Ouest, des producteurs devront abandonner la production ou changer de domaine de production, ce qui se traduira à long terme par une perte d'expertise qui risque d'être assez grave. Dans l'ensemble du pays, ou du moins au Québec, cela affecte directement le tissu social ou la ruralité, si je puis ainsi dire.

Ne devrait-on pas, parallèlement à la mise en oeuvre du Programme national de protection du revenu en cas de désastre, dénoncer ce qui se passe avant d'entamer nos prochaines négociations dans le cadre de l'OMC? J'ai l'impression que c'est un des facteurs de la crise qui sévit actuellement. Je suis d'accord qu'on réclame des fonds à titre de mesure d'aide concrète et rapide, mais est-ce qu'on ne devrait pas en même temps dénoncer ce qui se fait à l'échelle de la planète?

[Traduction]

Le président: Pourriez-vous répondre brièvement, monsieur Proulx?

[Français]

M. Yvon Proulx: Nous reviendrons comparaître ici le 8 décembre prochain afin de discuter plus particulièrement des règles du commerce international, d'étudier la possibilité de les rendre plus sévères et de les améliorer en vue de s'assurer que les pays s'y conformeront.

Nous convenons tous que nos producteurs sont productifs, mais à mon avis, la surproduction n'est pas à l'origine de la crise actuelle. La crise découle plutôt du fait que la demande de ces produits axés sur l'exportation a chuté de façon dramatique à la suite de la crise asiatique et de la crise en Russie. Le producteur agricole à lui seul se sent impuissant face à cette crise financière qui a secoué toute l'Asie.

[Traduction]

Le président: Merci.

Je rappelle aux témoins et aux membres du comité qu'il y a des sandwiches au fond de la salle. Malheureusement, il n'y en a pas suffisamment pour tout le monde. Les gens de notre auditoire devront avoir recours aux services de l'une de nos bonnes cafétérias de la colline.

J'ai remarqué que mon bon ami, Dave Rinn, a piqué un sandwich il y a quelques minutes. Dave, nous demanderons au bureau du contrôleur de vous envoyer la facture.

Monsieur Calder, sept minutes.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le ministre, vous avez parlé d'un programme national de secours aux sinistrés. Si j'ai bien compris votre description d'un tel programme, celui-ci devrait être, à votre avis, entièrement financé par le gouvernement fédéral. Vous n'êtes pas vraiment intéressé par un partage des coûts à 60 p. 100 et 40 p. 100. Vous ai-je bien compris?

M. Eric Upshall: Pour le programme à court terme? Oui, vous avez tout à fait raison. C'est également ce que je préférerais pour un programme national de secours aux sinistrés à long terme.

M. Murray Calder: Le gouvernement fédéral paierait donc toute la facture?

M. Eric Upshall: Oui, si ce programme vise à régler des problèmes qui s'étendent au-delà des limites des provinces. Il faudrait également tenir compte de la capacité des contribuables de la province de résoudre leurs propres problèmes.

M. Murray Calder: D'accord.

Je sais qu'on a abandonné le programme RARB en 1993 pour le mettre au recyclage. Quel type de programme faudrait-il maintenant pour éviter de se trouver dans la même situation?

• 1210

M. Eric Upshall: Il faudrait un programme semblable au programme des exploitations agricoles. Je ne sais pas exactement ce qu'envisage le gouvernement fédéral, mais il faudrait déterminer si l'indemnisation serait axée sur des produits ou en fonction du nombre d'acres. C'est une très bonne question, car à notre avis il ne serait pas possible de verser une indemnisation axée sur les produits ou en fonction du nombre d'acres, car une telle mesure ferait l'objet de représailles. Et pourtant, les pays qui sont nos concurrents versent, sous le régime du même accord, des indemnisations axées sur des produits ou en fonction du nombre d'acres.

M. Murray Calder: Je suis d'accord avec vous. Je m'inquiète entre autres de la disposition de report dont peuvent se prévaloir actuellement les Européens, disposition qui permettrait, en 1999-2000, d'inonder le marché de quelque 37,8 millions de tonnes de grain. Êtes-vous d'accord?

M. Eric Upshall: Je ne connais pas le chiffre, mais je reconnais que c'est un problème.

M. Murray Calder: D'accord.

Passons maintenant aux solutions à court terme. Je crois savoir que votre gouvernement enregistrera cette année un surplus de 100 millions de dollars. Est-ce exact?

M. Eric Upshall: C'est à peu près cela.

M. Murray Calder: Allez-vous utiliser une partie de ce surplus pour résoudre à court terme les problèmes que vous avez actuellement en Saskatchewan?

M. Eric Upshall: Si vous analysez ce surplus, qui est d'un peu plus de 100 millions de dollars, vous constaterez que, de cette somme, 100 millions de dollars viennent de la vente d'un bien. Cela limite dans une certaine mesure ce que nous pouvons faire.

Nous avons chaque année dû combler les lacunes laissées par les compressions budgétaires dans des domaines comme les soins de santé et l'éducation, par exemple, et nous continuons de le faire. La pression est donc forte. Comme je l'ai dit, notre province continue d'accorder davantage d'aide par habitant que les autres, et nous continuerons dans cette voie.

M. Murray Calder: Autrement dit, vous exercez sans doute dans votre propre Cabinet les mêmes pressions que notre ministre dans le Cabinet d'ici, n'est-ce pas?

M. Eric Upshall: En agriculture, nous avons de nombreux problèmes dont nous traitons, en matière de coûts d'intrants. L'un de mes collègues ici, M. Aldridge, nous demande constamment de régler le problème des coûts d'intrants, qui représente un enjeu important, car nous devons trouver le moyen de déterminer comment répartir ces coûts, comment conserver une marge de manoeuvre, et les coûts d'intrants sont un élément important de tout cela.

Nous discutons de nombreuses questions, mais à court terme. Notre capacité—et quand je dis nous, je parle des contribuables de la province—de gérer cette crise, au-delà même de notre capacité, de la comparer à ce qui se produit dans d'autres parties du pays... Je compare toujours cela au problème de la morue. On dit que la politique du gouvernement a contribué en partie à l'effondrement des stocks de morue. Tous les contribuables ont payé leur part des mesures d'indemnisation dans ce domaine. Je suis d'accord avec cela. Notre problème n'est pas différent.

M. Murray Calder: Auparavant, j'étais éleveur de volaille en Ontario, et je connais donc les avantages de la gestion de l'offre et des offices de commercialisation. À l'heure actuelle, vous avez pratiquement démantelé l'office de commercialisation du porc en Saskatchewan. Était-ce la bonne solution, compte tenu de la situation actuelle du porc, et si c'était à refaire, referiez-vous la même chose?

M. Eric Upshall: Tout d'abord, il faut faire la distinction entre la gestion de l'offre et l'office de commercialisation. Ce sont deux choses bien différentes. Je n'aurais pas pris une telle mesure si je ne l'avais pas estimée valable. Je suis encore convaincu que c'était la bonne solution. Cela nous a permis de doubler pratiquement la production de porc en deux ans. Notre production est encore inférieure à celle de l'Alberta et du Manitoba, mais la croissance se fait bien. Cette mesure a été utile et semble donner de bons résultats.

M. Murray Calder: Combien me reste-t-il de temps, monsieur le président?

Le président: Il vous reste deux minutes.

M. Murray Calder: Très bien.

C'est un sujet qui est un peu pour moi l'objet du litige. Nous avons entrepris ces négociations en 1993, et nous avons participé au processus un peu en retard, lorsque le gouvernement a été élu. Je dois dire que les solutions et les projections qui, pensions-nous, nous permettraient d'atteindre ces résultats n'ont pas encore donné les résultats escomptés. C'est évident. Nous étions censés faire remonter les prix, et cela ne s'est pas produit. Si cela ne s'est pas produit, c'est que d'autres pays donnent des subventions à leurs producteurs. En Europe, par exemple, vous savez comme moi que les subventions aux producteurs de blé sont de 2,75 $ supérieures aux nôtres, et que les subventions aux États-Unis sont de 1,55 $ plus élevées que les nôtres. Cela place nos agriculteurs dans une situation précaire.

• 1215

Compte tenu de ce que les négociations entraînent toujours des compromis—chacun fait des concessions, mais les nôtres, à mon avis, sont toujours trop grandes—comment peut-on amener nos négociateurs à ne pas démordre de ce que les Européens et les États-Unis doivent ramener leurs subventions au même niveau que les nôtres avant que nous puissions même entreprendre de négocier pour faire avancer les choses? Que devrions-nous faire pour cela?

Le président: Il vous reste moins d'une minute.

M. Eric Upshall: Avant de commencer à négocier, j'aime bien m'assurer que tout le monde est sur le même pied. Vous dites que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle, et je vous répondrai, entre autres, qu'il faudrait dans ce cas remettre toutes les parties au même niveau. Mettons en place un programme d'aide aux sinistrés, allons aussi loin que le permet l'OMC et alignons nos subventions nationales sur celles des Européens et des Américains. De cette façon, lorsque nous nous retrouverons à la table des négociations, tout le monde sera sur le même pied. Vous avez raison, il faudrait avoir certains atouts en main avant de reprendre les négociations.

Le président: Merci.

Je vais maintenant donner la parole à M. Proctor, qui disposera de cinq minutes.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bienvenue à tous.

Monsieur le ministre, hier soir, alors que vous étiez probablement dans l'avion avec votre délégation pour venir ici, on a divulgué au bulletin de nouvelles de l'émission The National et, ce matin, dans le Globe and Mail, des chiffres que le ministre de l'Agriculture présentera aujourd'hui au comité du Cabinet; il s'agit de sommes de 350 à 400 millions de dollars cette année et de 500 millions de dollars l'an prochain, dans le cadre d'un projet spécial à court terme qui pourrait se prolonger. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Croyez-vous que ces mesures seront suffisantes pour pallier les problèmes que nous reconnaissons tous?

M. Eric Upshall: Malheureusement, j'ai reçu ces renseignements moi aussi des médias. Je ne connais pas le programme. Sans savoir comment le programme est structuré, il est difficile de savoir ce que signifie une aide 350 millions de dollars, de 400 millions de dollars ou d'un milliard de dollars. Malheureusement, nous n'avons pas été consultés sur la conception du programme, et j'espère que nous le serons.

Si cette somme—quelle que soit son ampleur—signifie que l'on met sur pied un programme d'aide aux sinistrés qui puisse être transférable selon les besoins dans tout le Canada, c'est-à-dire qui puisse s'appliquer aux éleveurs de porc et aux producteurs de céréales pour certaines choses, c'est peut-être très bien. Mais si l'on a fixé des pourcentages selon les régions du pays, alors le montant prend beaucoup plus d'importance. Ce programme sera-t-il entièrement financé par le gouvernement fédéral? Les coûts seront-ils partagés? Je ne connais pas les détails, et c'est ce qui me frustre dans toute cette histoire.

M. Dick Proctor: Ce qui est proposé, si j'ai bien compris, c'est que certains des coûts soient partagés avec les provinces. Mais là encore, ce n'est qu'une supposition.

Dans votre exposé, vous avez dit qu'il était temps de faire une transfusion de sang. Bien des gens dans l'industrie ont dit qu'il est peut-être nécessaire d'injecter un milliard de dollars immédiatement à titre d'aide à court terme. Je me demande s'il sera suffisant de verser 350 ou 400 millions de dollars cette année et 500 autres millions de dollars plus tard, ou si cette mesure ne fera que ralentir la perte des agriculteurs.

M. Eric Upshall: Il est bien difficile de répondre à cette question. Comme je l'ai dit, il est important de pouvoir investir un montant forfaitaire, et s'il s'agit de 350 ou de 400 millions de dollars pour l'industrie du porc et celle des céréales, c'est-à-dire les industries qui en ont besoin, c'est peut-être très bien. Dans le cas du partage des coûts, je ne sais pas quels seraient les pourcentages. Je comprends votre question, mais il m'est bien difficile d'y répondre.

Je souhaiterais qu'il y ait davantage de consultations quant aux mesures qui pourraient être prises, car si le gouvernement fédéral met sur pied un programme que nous devrons accepter ou rejeter en totalité, un programme dont diverses parties seraient attribuées un peu partout au Canada, il deviendra difficile pour une province comme la Saskatchewan, dont le nombre de contribuables est assez faible, de procéder à cette transfusion sanguine.

• 1220

Lorsqu'on y pense, 60 p. 100 de nos agriculteurs travaillent à l'extérieur de la ferme et 40 p. 100 de la population dépend du revenu agricole. On demanderait maintenant à ces mêmes personnes dont les revenus et les heures de travail ont diminué et qui ont perdu leur emploi de faire encore davantage pour qu'on puisse les aider. C'est stupide.

M. Dick Proctor: En réponse à une question précédente, vous avez dit qu'il ne serait sans doute pas possible d'accorder d'indemnisations axées sur des produits ou en fonction du nombre d'acres, car une telle mesure constituerait une infraction aux accords que nous avons signés. Et pourtant, c'est exactement ce que font nos principaux concurrents. D'après vous, pourquoi ne pouvons-nous pas le faire si les autres le font?

M. Eric Upshall: Cela vient des dispositions dont on a convenu aux dernières négociations de l'OMC, mais lors de ces négociations il y avait une certaine marge de manoeuvre. Il serait possible à mon avis de revoir ces dispositions et d'augmenter nos subventions. Je sais que c'est possible. Si nous voulons être sur le même pied que les autres, nous devrions peut-être appliquer les mêmes méthodes.

Ce n'est pas ce que je préconise; je dis simplement que nous devrons être sur le même pied que nos concurrents lorsque nous négocierons. À l'heure actuelle, c'est eux qui ont tous les atouts en main, et c'est pourquoi nous devons agir à l'échelle fédérale et dans tous les domaines. Tous les gouvernements se partagent les coûts des programmes d'application générale, mais nous devons déterminer ce qui est d'application générale et ce qui ne l'est pas.

M. Dick Proctor: Merci.

Le président: Merci, monsieur Proctor.

Évidemment, nous sommes tous impatients, et les rapports qu'ont présentés les médias ont augmenté les suppositions quant aux mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre. Toutefois, monsieur Upshall, ne vous sentez-vous pas encouragé par la nouvelle que M. Vanclief, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, pourrait sous peu présenter des mesures importantes à ses collègues du Cabinet?

M. Eric Upshall: Comme je l'ai dit à plusieurs reprises aux médias de ma province au cours des deux dernières semaines, compte tenu du temps qu'il faut parfois au gouvernement des provinces et du pays pour réagir, les choses vont assez vite dans ce cas-ci, et j'en félicite le gouvernement. Je l'ai dit à de nombreuses reprises. Ce que j'aimerais, toutefois, c'est être un peu plus au courant de ce qui se fait.

Le président: Merci.

Je suis certain que mes collègues du Cabinet apprécieront vos commentaires, tout comme moi.

Passons maintenant à M. Coderre, pour cinq minutes.

[Français]

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Je veux d'abord vous souhaiter la bienvenue, monsieur le ministre, et faire de même à l'endroit des autres témoins, à votre endroit, monsieur Proulx.

On sait que la situation est particulière au Québec, dans le secteur du porc. Le blocage de l'autoroute 20 nous a un peu sensibilisés au problème. Au fond, si je veux que vous en parliez, c'est pour alerter mes collègues des autres provinces.

Puis il y a l'ASRA. Ce programme ne me pose pas de problème, pas plus que le projet d'un programme national. Comme vous, je pense que lorsque des problèmes précis se présentent, il faut y répondre. Je pense aussi que la vraie souveraineté d'un peuple réside dans sa capacité de se nourrir. Il faut donc protéger nos agriculteurs.

Cependant, le gouvernement fédéral, qui fait beaucoup, qui est à l'écoute et qui doit s'engager lorsqu'il le faut, a donné des sommes appréciables, notamment au gouvernement du Québec. Celui-ci a choisi d'instituer l'ASRA plutôt que de faire comme les autres provinces.

Êtes-vous en faveur d'un programme national? Dans le secteur du porc, notamment, le gouvernement du Québec s'y était déjà intéressé. Il avait déjà eu une entente avec les producteurs. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il y a eu ce blocage de la route 20. Préférez-vous que cet argent soit administré sur un plan national ou qu'il soit remis aux provinces en échange de garanties comme quoi on n'ira pas fouiller dans la caisse, comme on l'a fait pour le porc au palier provincial?

M. Yvon Proulx: Pour comprendre la crise qui a secoué le secteur du porc au Québec, cet automne, il faut voir que nos gestes visaient à faire réintroduire le secteur porcin dans le programme ASRA, tel qu'il existait il y a un an.

Dans la foulée de la lutte au déficit et des compressions budgétaires, on avait réduit le niveau de soutien à ce secteur de façon considérable et extrêmement rapide.

M. Denis Coderre: Malgré l'entente, on avait fouillé dans les réserves.

M. Yvon Proulx: Oui, c'est cela, en faisant l'hypothèse que l'accroissement de la productivité, extrêmement rapide, permettait d'affirmer que le coût de production avait baissé de façon importante. Cependant, la coupure qui avait été faite là-dedans avait été trop importante et trop drastique.

• 1225

Par conséquent, les mesures exceptionnelles prises par les producteurs avaient pour but de convaincre le gouvernement de ramener ce programme à ce qu'il était il y a un an. C'était là l'objet de la démonstration des producteurs et productrices de porcs, qui étaient appuyés par les autres producteurs. On voulait ramener le programme à son degré d'efficacité d'il y a un an.

M. Denis Coderre: À ce moment-là, au lieu d'instaurer un programme national de crise, notamment pour le porc, ne devrait-on pas augmenter les sommes versées par Ottawa au Québec pour le programme de l'ASRA?

M. Yvon Proulx: C'est clair. Notre organisation appuie la mise sur pied du Programme national de protection du revenu en cas de désastre, mais il va de soi qu'au Québec, on va négocier un arrangement distinct avec le gouvernement fédéral à ce sujet. Ce n'est pas le producteur individuel qui va toucher un montant d'argent du programme puisqu'il reçoit déjà une indemnisation de l'ASRA. Les versements du programme fédéral en cas de désastre iront dans la caisse de l'ASRA.

M. Denis Coderre: J'aimerais bien, monsieur Proulx, que l'UPA soit quelquefois reconnaissante au gouvernement fédéral. On a appliqué un programme en cas de désastre notamment lors de la crise du verglas. Il a très bien fonctionné.

M. Yvon Proulx: Oui.

M. Denis Coderre: Pourtant, lors de la campagne électorale provinciale, on a entendu le premier ministre du Québec dire que c'était entièrement dû à lui si les choses avaient bien fonctionné. J'espère donc que du côté de l'UPA, on saura reconnaître le rôle effectivement joué par le gouvernement fédéral auprès du Québec et reconnaître que ce rôle a été extrêmement important. Êtes-vous d'accord sur cela?

M. Yvon Proulx: Cela ne me pose pas de problème. Il est certain que nous le reconnaissons. S'il n'en était pas ainsi, on ne travaillerait pas au sein de ces comités.

M. Denis Coderre: C'est tout à votre honneur.

[Traduction]

Monsieur Upshall, croyez-vous que nous devrions avoir un programme comme le ASRA du Québec pour résoudre le problème des éleveurs de porc? Je ne connais pas le titre anglais de ce programme. Nous croyons que ce programme a très bien fonctionné au Québec. Il serait peut-être intéressant de l'appliquer à l'échelle nationale.

M. Eric Upshall: Tous les programmes de sécurité du revenu comportent des éléments qui sont négociés entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ce que nous demandons, entre autres, c'est que ces programmes soient transparents afin que nous puissions comprendre de quoi il s'agit. Le déroulement des négociations et le résultat final sont déterminés au moyen de ces négociations, mais j'aimerais que l'on accorde une aide aussi égale que possible aux producteurs, à l'échelle nationale.

M. Denis Coderre: Voici ma dernière question. Il y a bien sûr la question du leadership, mais aussi celle du partenariat. Je ne vois pas pourquoi les frais d'un tel programme ne pourraient être partagés entre les provinces et le gouvernement fédéral. Ce sont les mêmes qui paient, en fin de compte. Ce sont les citoyens qui paient la facture. On dit maintenant que votre gouvernement enregistre un surplus, et j'en suis très content, mais il serait peut-être plus intéressant que le programme soit réalisé en partenariat. Il serait peut-être plus viable si les frais étaient partagés plutôt que d'être payés en totalité par le gouvernement fédéral. C'est trop facile de toujours laisser le gouvernement fédéral tout payer.

M. Eric Upshall: Par le passé, c'est le gouvernement fédéral qui a payé tous les frais. Au fil des ans, le gouvernement a décidé de changer cette politique, et les proportions de partage sont passées de 80-20 p. 100 à 60-40 p. 100 maintenant. Nous participons à ces programmes et nous continuerons de le faire.

Je ne saurais trop insister sur le fait que si votre revenu familial diminue de 70 p. 100 cette année, il vous sera bien difficile de payer vos factures—votre hypothèque, vos paiements d'automobile, etc.—et en plus de nourrir tout le monde.

M. Denis Coderre: Nous sommes tous d'accord avec cela.

M. Eric Upshall: Nous appartenons à la grande famille canadienne, et l'un des éléments de cette famille a un problème financier. Quelqu'un dira sans doute qu'il suffit d'aller chercher l'argent nécessaire dans le compte en banque. Mais est-ce possible? Ce ne l'est pas.

• 1230

C'est la situation actuelle de la province de la Saskatchewan. Nous avons déjà des programmes à coûts partagés et, à long terme, nous en aurons encore. Je ne refuse jamais de participer à des programmes à frais partagés. Mais à l'heure actuelle, avec 3 p. 100 de l'assiette fiscale et 47 p. 100 des terres cultivées et un programme fixe de sécurité du revenu net...

M. Denis Coderre: Ce n'est pas possible.

M. Eric Upshall: ... ce n'est pas possible.

Le président: Votre temps est écoulé. Avant de donner la parole à M. Hoeppner, monsieur Upshall, vous avez parlé de l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau. C'est peut-être parce que je viens moi-même d'une famille d'agriculteurs. Mais je suis certes le dernier à minimiser les difficultés avec lesquelles les agriculteurs de votre province sont aux prises. Mais pour situer l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau dans un contexte plus général, il ne faut pas oublier que des indemnisations d'ajustement ont été versées pour contrer les effets de l'abolition de ce programme.

N'est-il pas exact, monsieur Upshall, que depuis 1994, date à laquelle la subvention du Nid-de-Corbeau a été abolie, les fonds de rajustement qui ont été versés ont été relativement équivalents à la subvention du Nid-de-Corbeau?

M. Eric Upshall: En dollars, le revenu agricole net réalisé était en 1996 d'environ 500 millions de dollars. La subvention du Nid-de-Corbeau représentait 900 millions de dollars. Il y a eu la même année 180 millions de dollars en remise d'actions des syndicats du blé. Le revenu de 1996 était remarquablement élevé. Mais permettez-moi de vous en expliquer le contexte. Si l'on ne tient compte que des dollars, c'est exact. Toutefois, ce qui s'est produit, c'est que les producteurs en ont profité en 1994 pour améliorer leurs machines et ont utilisé cet argent pour accroître leur capacité de continuer à produire.

Mais ce n'est plus le cas, et, de 1996 à 1999, il y a eu une énorme diminution. L'argent qui avait été investi s'est évaporé. Pour les producteurs agricoles, l'argent a été bien reçu à cette époque, mais il a été englouti dans la machinerie, les paiements de terrains, et dans tout ce qui devait être fait. Et voilà maintenant qu'il y a cette énorme diminution. Sans cette diminution, ou si la subvention du Nid-de-Corbeau avait été versée chaque année, nous n'aurions sans doute pas ce problème. Je ne mets pas en doute la discussion; je dis que ce n'était peut-être pas une bonne décision de verser tout cet argent en une seule année pour qu'il s'évapore en immobilisations. Maintenant, nous n'avons plus la capacité... pour les opérations ordinaires.

Le président: Monsieur Hoeppner.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président.

Bienvenue, monsieur Upshall. C'est vous qui serez la vedette aujourd'hui, probablement, car nous ne nous rencontrons pas très souvent. Cela dit, je m'en voudrais de négliger nos autres témoins.

Je viens de payer mes impôts fonciers au Manitoba, et ils ont augmenté de 9 p. 100. Vos impôts fonciers ont-ils augmenté l'an dernier?

M. Eric Upshall: Oui. En Saskatchewan, nous avions un organisme gouvernemental indépendant, le SAMA. Le conseil d'administration de cet organisme était composé de trois membres venant de municipalités locales rurales, de trois membres venant de municipalités urbaines et de trois représentants du gouvernement. Cet organisme a décidé de modifier le régime fiscal, qui était demeuré intact depuis 30 ans. Il y a eu par conséquent des augmentations ou des modifications spectaculaires de ces impôts. Lorsque l'on a ajouté la formule relative à l'éducation, cela n'a fait qu'accroître le problème, et j'en suis très conscient.

M. Jake Hoeppner: Lorsque vous avez reçu cette remise de la subvention du Nid-de-Corbeau, vous avez profité de quelques années de vaches grasses, et j'imagine que vos impôts sur le revenu ont dû augmenter considérablement. Le Trésor de la province en a donc profité dans une grande mesure, n'est-ce pas?

M. Eric Upshall: Pour être gentil et reprendre les termes d'autres gens, la province a connu une reprise remarquable parce que nous avons demandé aux contribuables de faire certains sacrifices depuis 1991. Les contribuables ont fait des sacrifices remarquables, et nous avons pu équilibrer notre budget il y a cinq ans. Nous avons continué d'avoir un budget relativement équilibré après avoir vendu certains biens, dans des cas particuliers. Effectivement, les recettes venant des impôts sur le revenu ont augmenté. Nous avons pu réduire notre taxe de vente provinciale de 2 p. 100 pour réduire l'impôt sur le revenu. C'est de cette façon que les gouvernements sont gérés, comme vous le savez.

M. Jake Hoeppner: C'était une très sage décision, à mon avis. Mais j'aimerais revenir sur la question que vous a posée M. Calder. Votre réponse ressemblait un peu à celle que les Libéraux nous donnent lorsque nous leur posons des questions.

M. Murray Calder: Ah, Jake, pourquoi dites-vous cela?

M. Jake Hoeppner: Nous passons un peu par la bande. Si la prestation d'un programme d'aide dépend de la participation des provinces, la Saskatchewan investira-t-elle l'argent nécessaire pour que cette aide soit offerte? Votre régime fiscal vous a avantagés pendant plusieurs années, et j'aimerais que vous disiez officiellement si vous êtes prêts à défendre les agriculteurs et à verser une partie de cet argent des impôts dans un programme d'aide.

• 1235

M. Eric Upshall: Vous ne m'avez peut-être pas écouté. La Saskatchewan défend ses agriculteurs plus que toute autre province, et même plus que le gouvernement fédéral. Malgré notre faible assiette fiscale, nous faisons de quatre à quatre fois et demie davantage.

M. Jake Hoeppner: Oui ou non?

M. Eric Upshall: Je vous ai déjà répondu. Ce que je demande, c'est une injection de capitaux à court terme pour aider nos familles—vous pouvez sourire, mais cela n'a rien d'amusant...

M. Jake Hoeppner: Je sais bien.

M. Eric Upshall: ... pour que nos familles des régions rurales de la Saskatchewan survivent. Cela entraîne également des avantages indirects pour les fabricants, les enseignants, les infirmières et tous ceux qui dépendent de ces familles. Je demande une aide financière à court terme payée par le gouvernement fédéral, comme cela a été le cas à Terre-Neuve pour les stocks de morue. C'est la même chose. À long terme, nous partageons toujours le coût des programmes.

M. Jake Hoeppner: Monsieur Upshall, je me suis rendu dans votre province en 1993. On nous a parlé aujourd'hui du RARB et des programmes dont pouvaient se prévaloir les agriculteurs. Quand j'étais dans votre province, je n'ai entendu parler que de catastrophes dues à votre ingérence dans la prestation du RARB, ingérence à laquelle s'opposaient totalement les agriculteurs. Ce programme fonctionnait toutefois fort bien au Manitoba, en Ontario et au Québec.

Si nous avions encore le RARB, nous aurions au moins une arme en main pour nous présenter aux négociations de l'OMC; nous pourrions dire que si ce programme entre dans la catégorie rouge, nous voudrions bien savoir ce à quoi les autres pays renonceront.

M. Eric Upshall: C'est une vision du monde simpliste et inexacte. Si la Saskatchewan a été l'une des premières provinces à se retirer du RARB—et le Manitoba nous a rapidement emboîté le pas, car le programme ne fonctionnait pas très bien—c'est que la province n'avait pas les moyens d'offrir ce programme. Nous n'avions pas suffisamment d'argent. Nous ne pouvions pas aller chercher l'argent de notre petite assiette fiscale pour y remettre les dollars nécessaires. Voilà quel était le problème.

C'est bien beau de parler de rétablir le RARB, mais il faut tenir compte de la réalité. Le RARB n'existe plus, et il y a une très bonne raison à cela.

Nous avons des programmes de remplacement à long terme, comme l'assurance-récolte et le CSRN, qui sont de bons programmes. Il y a évidemment de la place pour des améliorations, mais ce sont de bons programmes. Nous avons besoin de programmes de secours à long terme, applicables sur plusieurs années. C'est ce que je répète constamment depuis six ou huit mois. Nous avons également besoin d'injection d'argent à court terme.

Le président: Merci. Nous manquons de temps.

Madame Alarie, vous avez cinq minutes.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Ma question s'adresse à M. le ministre.

On a mentionné tout à l'heure l'accord du Nid-de-Corbeau. À ce sujet, je me pose depuis longtemps une question que vous pouvez sans doute m'aider à résoudre.

À l'époque, les sommes d'argent relatives au Nid-de-Corbeau, qui représentaient pour tout l'Ouest quelques milliards de dollars, ont été versées aux individus, aux agriculteurs mêmes, si ma mémoire est fidèle. Au même moment, le Québec a reçu des montants compensatoires devant servir à des mesures d'adaptation, qui se sont chiffrés à 66 millions de dollars en tout et pour tout. Ces montants ont été versés à l'union, de sorte que même si 66 millions de dollars ne constituaient pas une somme énorme, celle-ci a servi à la formation et l'éducation.

Il est bien certain qu'un producteur qui a besoin d'argent—on en a toujours besoin sur une ferme—et qui reçoit un chèque va en profiter pour remplacer son tracteur, certaines pièces de machinerie, etc. D'une certaine façon, on a un peu l'impression que l'argent, pour employer l'expression utilisée tout à l'heure, s'est évanoui.

Ma question est la suivante. Est-ce qu'on ne risque pas aujourd'hui de tomber dans ce panneau si l'argent est versé aux agriculteurs et non à un lieu de redistribution?

[Traduction]

M. Eric Upshall: Une injection à court terme, nous en avons besoin pour conserver nos agriculteurs. C'est pour éviter de perdre davantage de producteurs. Il faut conserver les exploitations jusqu'à ce que les choses s'arrangent et que les prix reviennent à un niveau raisonnable.

Quand je dis que la subvention du Nid-de-Corbeau s'est évaporée, c'est qu'elle a été investie en majeure partie dans l'amélioration des terres et de la machinerie. Cette fois-ci, il faut de l'argent pour payer les factures. Cet argent sera entièrement investi dans le paiement des factures. Il servira directement à nourrir les familles et à payer les hypothèques foncières.

C'est pourquoi je dis que nous avons besoin de cet argent à court terme. Ensuite, il faudra structurer un programme de secours à long terme applicable sur plusieurs années afin de pouvoir surmonter le creux de la vague, qui se produit tous les dix ans.

Le président: Merci, madame Alarie.

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je ne fais pas de longs préambules, mais j'ai une déclaration à faire avant de poser ma question.

• 1240

J'aimerais mentionner aux témoins que dans une vie antérieure j'ai été agricultrice en Ontario, et femme politique, et que je suis ici pour représenter les producteurs de porc, qu'ils soient de l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, du Québec, ou d'ailleurs. Voilà pourquoi j'ai assisté à ces réunions. Nous ne sommes pas ici pour jouer une province contre l'autre. Il y a une calamité, et il nous faut travailler ensemble pour la surmonter.

J'ai quelques questions. Je vais les poser, et ensuite vous pourrez y répondre.

Monsieur le ministre, pouvez-vous m'expliquer pourquoi, à la lumière du prix actuel du porc, on continue à construire des granges? Pouvez-vous m'expliquer la logique de cela à notre époque?

M. Eric Upshall: Certainement. Oui, je le peux. Tout d'abord, l'industrie du porc est cyclique.

Mme Rose-Marie Ur: Je comprends.

M. Eric Upshall: Les marchés à terme sur marchandises sont à la hausse. Les prix vont remonter. Je peux justifier cela comme Canadien de l'Ouest parce que c'est ce qu'il faut pour soutenir notre économie. Il nous faut prendre les céréales, y ajouter une valeur, soit en nourrissant des porcs ou du boeuf. En l'occurrence, il s'agit du porc. Il faut qu'on puisse continuer à le faire.

Nous allons continuer notre croissance. Pourquoi? Parce que lorsque nous aurons traversé cette crise, amplifiée à cause de la grippe asiatique... Et nous allons traverser tout cela; la consommation de porc continue à augmenter dans des pays qui traditionnellement ne mangeaient pas beaucoup de viande. La consommation de viande—boeuf, porc et volaille—augmente et continuera à augmenter. Nous avons la production la plus efficace en Amérique du Nord parce que nous avons un très bon accès aux grains. Nous pouvons faire une concurrence beaucoup plus efficace que d'autres régions du Canada. Donc, la consommation va continuer à augmenter, et je vais continuer à l'encourager parce que, à long terme, c'est ce qu'il nous faut pour maintenir une économie plus stable.

Mme Rose-Marie Ur: Je ne sais pas si les autres groupes de producteurs de denrées accepteraient cette idée pendant longtemps, pour surmonter les tendances cycliques. Je pense que l'industrie du porc est probablement plus cyclique que d'autres. Les hausses y sont très rapides, mais les chutes aussi.

M. Eric Upshall: C'est en général un cycle de quatre ans.

Mme Rose-Marie Ur: Justement.

Le président: Excusez-moi, Rose-Marie, M. Armstrong voulait dire quelque chose.

M. Ed Armstrong: Oui. J'aimerais répondre à cette question que vous avez posée sur l'expansion de la production de porc.

C'est l'un de nos principaux critères, et c'est pourquoi si notre programme fonctionne—et les producteurs de l'Alberta vivent cela—il faut que ce soit axé sur le marché. Si l'expansion se fait au haut de la vague, vous allez perdre de la valeur dans le programme. Et il nous faut revenir à cela en agriculture: regarder le marché et se laisser guider par le marché. Au lieu de vendre au creux de la vague et d'acheter à son sommet il nous faut nous organiser.

Mme Rose-Marie Ur: Incontestablement.

En réponse à l'exposé des producteurs de canola, vous avez déclaré qu'au cours de la prochaine ronde l'équipe canadienne doit préconiser l'abolition des subventions aux États-Unis et dans l'Union européenne. Or vous n'êtes pas ici comme représentant des producteurs de canola; vous êtes le négociateur. Comme négociateur, comment vous y prendriez-vous?

M. Bruce Dalgarno: Au cours de la dernière ronde de négociation du GATT, on a davantage pris connaissance de la politique zéro concernant les tarifs des oléagineux, et ce, partout dans le monde. Je ne sais vraiment pas quoi vous répondre, mais comme Canadien...

Mme Rose-Marie Ur: Mais vous êtes les spécialistes qui devez nous dire comment nous y prendre.

M. Bruce Dalgarno: Je pense qu'il faut mettre au point un mécanisme qui permette de persuader ceux qui ont des tarifs en vigueur—les Japonais, les Coréens, les Chinois, et jusqu'à un certain point les Mexicains—que ces tarifs ne favorisent pas l'uniformité des règles du jeu. Ils ont des tarifs discriminatoires en ce qui concerne l'huile de canola et l'huile de soja. Si les règles du jeu sont équitables, nous pouvons être des producteurs d'oléagineux aussi compétitifs que quiconque.

Je pense donc que nos négociateurs commerciaux devraient en tenir compte. Ils en sont de plus en plus conscients, et je crois que cela se remarquera lors de la prochaine série de négociations. Ce dossier avancera, et nous pourrons arriver à une conclusion.

Le président: Merci. Bruce est expert en la matière, j'en suis sûr, mais cela me rappelle toujours ce que ma mère me disait, qu'un expert, c'est «quelqu'un qui n'est pas de chez nous».

Monsieur Proctor.

• 1245

M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

Je voudrais poser une ou deux questions au ministre. S'il me reste du temps, j'aimerais également en poser une à M. Proulx.

Aujourd'hui, nous avons passé beaucoup de temps à discuter de la stratégie à court terme, mais vous abordez également la solution à long terme dans votre exposé. Monsieur Upshall, je me demande si vous pourriez développer vos idées sur ces stratégies à long terme pour le compte du comité.

M. Eric Upshall: Cette stratégie reposerait sur un programme pluriannuel d'aide en cas de catastrophe, programme qui ne peut pas être pris en charge par le CSRN actuel ni par les programmes d'assurance-récolte du Canada. À mon avis, il faut créer un mécanisme qui offre ces programmes supplémentaires. Le Compte de stabilisation du revenu net est un programme régulateur. Un programme pluriannuel d'aide en cas de catastrophe pourrait servir à l'industrie du porc, puisqu'il permettrait d'avoir accès au programme rapidement sans trop de formalités. Ce programme pourrait être déclenché lorsque l'industrie du grain ou du boeuf périclite.

Ce modèle de programme ressemble un peu au programme d'aide au revenu agricole de l'Alberta. Or, cela nous préoccupe. Hier, plusieurs représentants de l'Alberta étaient à la réunion de Neiburg, et le FIDP ne leur disait pas grand-chose non plus.

Je n'en connais pas les détails. Tout ce que je sais, c'est que nous avons besoin de ce programme. Nous sommes tout à fait disposés à en négocier les détails avec le gouvernement fédéral.

M. Dick Proctor: Nous ne cessons de demander au ministre de l'Agriculture—moins souvent ces dernières semaines, mais beaucoup plus souvent auparavant—ce qu'il entend faire, ou ce que son gouvernement entend faire à propos des problèmes qui sont les nôtres. Il ne cesse de répéter, en guise de réponse, que le CSRN existe, que l'assurance-récolte existe, soit deux bons programmes.

Je crois vous avoir entendu dire que le CSRN ne vous pose pas de problème, sauf qu'il ne sert à rien en présence de ce genre de catastrophe. Pourriez-vous développer, je vous prie?

M. Eric Upshall: Par exemple, près de 40 p. 100 des comptes de stabilisation du revenu net ne représentent qu'un tiers des ventes annuelles nettes, si bien que le volume n'y est pas. Voici quelques exemples très brefs. Si vous êtes nouvellement arrivé, votre compte ne vous donne rien. Si vous avez augmenté la superficie de vos terres, votre compte n'est pas égal à cette superficie. Si vous élevez du bétail dans l'Ouest depuis 1994 seulement, il ne suffit pas. Si vous avez connu plusieurs années catastrophiques d'affilée, votre compte est vide. Si votre moissonneuse-batteuse est tombée en panne et que vous n'aviez pas déposé d'acompte, vous avez résilié votre contrat, et on vous a imposé une pénalité de trois ans.

Ce programme est associé à de nombreux problèmes. C'est un programme qui demeure valable, mais il n'a jamais été conçu pour composer avec une telle chute de prix.

M. Dick Proctor: Merci.

[Français]

J'ai une question à poser à M. Proulx. Récemment, monsieur Proulx, un économiste agricole de l'Université de la Saskatchewan disait que les fermiers du Québec ont plus d'avantages que les autres fermiers canadiens parce qu'ils parlent d'une seule voix, celle de votre association, l'UPA. Dans l'Ouest, nous avons beaucoup de groupes de fermiers qui ont chacun leurs priorités. Pensez-vous que les fermiers en dehors du Québec bénéficieraient d'un regroupement de leurs associations?

M. Yvon Proulx: C'est évident qu'au Québec, l'organisation que je représente ici aujourd'hui, l'Union des producteurs agricoles, est très forte. C'est évident que lorsqu'elle fait pression pour obtenir quelque chose, elle arrive généralement à des résultats.

Maintenant, sur le plan canadien, je ne dirais pas qu'il y a morcellement ou désorganisation de l'ensemble. Je pense que la Fédération canadienne de l'agriculture, organisme dont l'UPA est membre, comme toutes les autres organisations agricoles du Canada, est l'organisation qui donne une voix à l'ensemble des producteurs et productrices agricoles du Canada, qui les représente.

On pourrait soutenir que la Fédération canadienne de l'agriculture devrait devenir plus puissante, être mieux financée de façon à augmenter son personnel et son pouvoir de pression sur le gouvernement canadien. Il serait admissible de le croire. Cependant, elle est déjà la voix qui les représente et c'est elle qu'on voit actuellement faire pression pour obtenir ce fameux programme en cas de désastre dont on parle aujourd'hui et qui va sans doute réussir à le décrocher.

[Traduction]

Le président: Je crois que M. Armstrong voulait répondre brièvement à une question posée antérieurement par M. Proctor.

• 1250

M. Ed Armstrong: Oui. Il me semble que nous avons tout fait pour obtenir des crédits supplémentaires. Nous avons prouvé que le programme actuel ne donne pas les résultats escomptés en Alberta. Il y a un énorme problème de distribution, comme je l'ai dit dans mon rapport. Il faudrait retirer de l'argent du programme actuel et l'investir dans le programme d'aide en cas de catastrophe pour qu'il donne des résultats. Je pense que cet argent pourrait profiter à la province.

Le président: Bien; voilà comment nous allons terminer la séance. Ce sera M. Breitkreuz, suivi de Mme Ur qui piétine d'envie de poser une autre question, ensuite M. Hoeppner, et enfin moi- même; je poserai une ou deux questions, et ce sera tout.

M. Garry Breitkreuz: Monsieur le ministre, si les mesures d'aide offerte dépendent de la participation des provinces, négocierez-vous?

M. Eric Upshall: Absolument.

M. Garry Breitkreuz: Il y a environ deux semaines, le ministre fédéral a dit qu'il montrerait aux agriculteurs comment se servir de tous les outils qui se trouvent dans leur boîte à outils. Le ministre fédéral a sous-entendu que l'aide offerte passera par les programmes existants. Pensez-vous que cela donnera de bons résultats?

M. Eric Upshall: Je n'en connais pas les détails, et il m'est donc difficile de répondre à cette question. Je me contenterai de dire ceci: des coûts administratifs sont associés au CSRN. Nous devrions réduire ces coûts au minimum et verser le plus d'argent possible aux agriculteurs en passant par les voies existantes.

M. Garry Breitkreuz: Je n'aurai pas le temps de vous demander pourquoi la province encourage les agriculteurs à diversifier leur production alors qu'elle s'intéresse uniquement au porc et pourquoi vous n'encouragez pas cela dans d'autres secteurs.

M. Eric Upshall: Nous le faisons dans tous les secteurs. Le secteur du porc est le plus manifeste, c'est tout.

M. Garry Breitkreuz: Je suis également surpris de vous avoir entendu dire que les paiements versés au titre de la subvention du Nid-de-Corbeau suffisaient. J'ai parlé aux exploitants agricoles, et ils m'ont dit que ces versements équivalaient à environ un ou deux ans de leurs frais de transport.

M. Eric Upshall: Le président m'a posé une question à propos des sommes totales. En Saskatchewan, cette somme était de 900 millions de dollars, alors que nous avons obtenu à peu près 300 millions de dollars. Cela s'équivalait. Mais vous avez raison, c'est un problème tout à fait différent lorsqu'on considère que ces versements étaient dilués, et surtout la façon dont ces sommes ont été versées à chaque producteur.

M. Garry Breitkreuz: En 1993, nous avions déjà exercé des pressions pour que 80 p. 100 de ces subventions du Nid-de-Corbeau soient mises de côté en cas d'événement de ce genre. Si cela avait été le cas chaque année, il y aurait 3 milliards de dollars dans ce compte à l'heure actuelle. Il est tout à fait injustifié que le gouvernement s'en désintéresse et ne s'en serve même pas à la table des négociations.

J'ai trop de questions à poser. Monsieur le président, je trouve qu'il est tout à fait injuste que tous ces gens-là soient regroupés aujourd'hui, alors que nous pourrions vraisemblablement passer une heure avec chacun d'entre eux.

Il est de la plus haute importance que la Canadian Canola Growers Association nous dise pourquoi les paiements spéciaux sont une solution à court terme qui aura des conséquences à long terme.

M. Bruce Dalgarno: Tout simplement à cause des conséquences commerciales; nous, producteurs, nous ne voulons pas que des paiements spéciaux nous soient versés, ce que nos partenaires commerciaux verraient d'un mauvais oeil, et ils en profiteraient pour monter la barre. Ils verseraient davantage de subventions et imposeraient davantage d'obstacles tarifaires pour que notre produit ne parvienne pas sur leurs marchés.

M. Garry Breitkreuz: Quelle serait la stratégie à long terme à adopter à votre avis? Si vous étiez le gouvernement, si vous étiez à notre place, que devrions-nous faire? J'aimerais que tout le monde ici... Certains d'entre vous n'ont pas pu intervenir vraiment parce que le ministre Upshall était ici avec vous.

M. Bruce Dalgarno: Nous avons tous abordé la question dans une certaine mesure. Il faut créer un programme national d'aide en cas de catastrophe qui aille de pair avec notre programme d'assurance- récolte, avec notre CSRN; ce programme doit être implanté pour lutter contre les situations catastrophiques comme celle que nous connaissons aujourd'hui et être destiné à tous les exploitants agricoles, indépendamment de leur secteur d'activité.

M. Ed Armstrong: Oui, c'est ce qui nous inquiète le plus. Nous ne sommes pas d'accord avec le programme d'aide en cas de catastrophe parce qu'il faut qu'il fasse partie du programme qui y est associé. Il y a le programme national d'assurance-récolte, le CSRN. Il faut y associer un programme dont les exploitants agricoles et la province se chargeront pour parer aux besoins dans cette province. Il faut que ce programme puisse être déclenché très rapidement.

• 1255

Il faut des critères au niveau fédéral qui traceront le cadre de ces programmes. Nous sommes très vigoureux. Il y a des variantes d'un bout à l'autre du pays. Chaque agriculteur et chaque province devraient pouvoir créer le programme... répondre aux besoins le plus rapidement possible. Le programme national n'y parviendra pas.

M. Yvon Proulx: Il n'y a pas suffisamment d'argent actuellement dans le programme correspondant pour faire face à la crise actuelle. C'est pourquoi nous demandons un programme national de secours aux victimes de catastrophes. Les milieux agricoles de la plupart des provinces font cette demande parce que le budget normal des régimes de protection du revenu du pays ne dispose pas de suffisamment de fonds pour faire face à ce genre de difficultés.

Le président: Merci.

M. Garry Breitkreuz: Je vous remercie beaucoup d'être tous venus ici.

Il faudra examiner beaucoup plus attentivement votre suggestion, monsieur Armstrong.

Le président: Merci, monsieur Breitkreuz.

Mme Rose-Marie Ur: Je n'ai pas de question à poser, mais je voudrais demander un éclaircissement à la Western Barley Growers Association.

Dans votre exposé, vous avez dit, je crois, que le gouvernement devrait vous laisser tranquilles. Qu'il supprime ses programmes, avez-vous dit. Vers la fin de votre déclaration, si je me souviens bien, vous avez dit avoir besoin d'une solution à court terme pour pouvoir trouver une solution à long terme. Il faudra pour cela un effort des deux niveaux de gouvernement ainsi que des agriculteurs.

Peut-être vous ai-je mal compris. N a-t-il pas là une contradiction? Tout d'abord, vous voulez que l'on débarrasse le terrain, puis vous voulez qu'on rapplique. Que voulez-vous?

M. Ed Armstrong: Trop de règlements sont imposés aux agriculteurs. Les vieux programmes sont inefficaces, et ce qu'ils veulent, c'est un bon programme de secours aux sinistrés. Débarrassons-nous de cette réglementation, et laissez-nous faire notre travail.

La difficulté, c'est que nous sommes en situation de crise actuellement. En Alberta, nous avons pris les choses en main et nous avons préparé les producteurs à y faire face. Notre expérience nous dit qu'il est possible de trouver une solution à court terme, vu la solution à long terme, et que nous pouvons régler ce problème. Il suffit de modifier un peu le programme actuel. C'est essentiellement ce que nous avons fait en Alberta. Il y a un problème de distribution.

En Saskatchewan, un milliard de dollars traînent dans les comptes des agriculteurs, et vous me dites qu'il y a un problème de crise agricole? Il y a quelque chose qui ne va pas. C'est pourquoi nous, les agriculteurs de l'Alberta, avons décidé d'y remédier. C'est pourquoi nous avons établi le lien avec le CSRN: il faut retirer l'argent, et, de cette façon, tous les agriculteurs sont traités équitablement. Si on ne procède pas ainsi, un secteur sera privilégié par rapport à l'autre.

Mme Rose-Marie Ur: Merci.

Le président: Merci.

Nous allons clore par M. Hoeppner.

M. Jake Hoeppner: Il suffit de regarder autour de la table pour voir toute l'importance de la coopération, non seulement entre les pays, mais aussi entre les provinces.

Nous savons que les prix agricoles peuvent chuter si les Américains élèvent un autre barrage routier. Comment peut-on éviter cela? Cela va aggraver le problème. Comment devrait-on s'y prendre? J'aimerais que quelqu'un me donne des conseils.

M. Eric Upshall: Nous nous occupons des communications avec le gouvernement américain et le gouvernement fédéral. Je sais qu'il parle aussi avec Washington. Le problème est grave, car cela touche non seulement les relations commerciales, mais aussi les revenus des producteurs de l'Ouest.

Ce que nous vous demandons, c'est d'arrêter un peu, et de donner à cette proposition la chance de réussir après le dernier accrochage.

M. Jake Hoeppner: Et qu'en est-il des producteurs d'orge de l'Alberta? On dirait que vous avez toujours la solution aux problèmes.

M. Greg Rockafellow: Je ne suis pas certain qu'il y ait de solution à ce problème, mais je sais qu'il y avait beaucoup de journalistes au sommet canado-américain sur les céréales. C'était au plus fort du litige. Ils ont encouragé le ministre Vanclief à communiquer avec tous les groupes agricoles pour essayer d'avoir un peu de cohésion.

Beaucoup de journalistes sont venus nous voir. La réponse qu'on leur donnait n'était pas celle qu'ils attendaient de nous. Nous ne cessions de leur dire: «Écoutez, continuez d'amener ici votre orge, vos bovins d'engraissement et vos porcs, et nous créerons des emplois en Alberta. Puis on va vous évincer du marché ailleurs, en Asie ou ailleurs, lorsque la situation va s'améliorer.» Cela leur a sérieusement fait redresser l'échine. Ils ont dit: «De quoi parlez-vous?» Ce n'est pas le genre de chose qu'ils voulaient entendre.

M. Jake Hoeppner: Cela m'amène à l'autre question. Combien de temps faudra-t-il avant que les marchés d'Asie redécollent? C'est le noeud du problème actuellement. Nous les avons perdus, et je suis un peu pessimiste. Je crains que le problème ne dure encore cinq ou six ans.

Est-ce que j'ai raison, monsieur Upshall? Vous en savez sans doute plus que nous.

M. Eric Upshall: J'espère que non.

M. Jake Hoeppner: Moi non plus.

• 1300

M. Eric Upshall: Qui sait? On pense en règle générale que d'ici au deuxième semestre de l'an prochain... Les marchés commencent à se raffermir. Ils vont fluctuer. C'est la tendance qu'il faut regarder, et elle commence à se dessiner. Espérons que cela va continuer. Ce n'est pas moi l'expert.

M. Jake Hoeppner: Il est bon de terminer sur une note aussi positive.

Le président: Pour terminer, monsieur Hoeppner, je voudrais faire une observation, puis poser une question.

Je suis heureux de vous entendre dire que vous ne boycotteriez pas des négociations qui reposeraient sur la participation des provinces à un programme de secours aux sinistrés.

Voici comment je formulerai ma question. Ici à Ottawa, M. Martin, notre ministre des Finances, prévoit un certain surplus, ce qui alourdira les pressions qui pèsent sur lui en faveur d'un programme de secours. Il va sans dire que les demandes de fonds affluent de partout. Ma question est la suivante: votre gouvernement prévoit-il lui aussi un surplus? Dans l'affirmative, accepteriez-vous d'en affecter une partie au financement d'un programme de secours?

M. Eric Upshall: Nous avons un plan qui prévoit des surplus, comme vous. On pourrait dépenser cinquante fois le surplus de M. Martin, et c'est la même chose pour le nôtre.

Ce n'est pas de gaîté de coeur que je viens quémander à Ottawa. J'espère avoir réussi à vous décrire combien nous avons du mal à demander à des gens victimes de quelque chose qui les dépasse de participer à un programme. Nous allons continuer de servir nos agriculteurs, comme je l'ai dit, en fonction de notre assiette fiscale et bien davantage que n'importe qui d'autre. Nous allons continuer à assumer notre part du régime d'assurance-récolte et des programmes de type CSRN. Nous allons examiner quelle sera notre participation au programme de secours pluriannuel à long terme.

Ce que je vous dis, c'est que tant qu'on n'en sera pas là, il nous faut une injection de fonds à court terme pour sauver nos agriculteurs et pour s'occuper des 40 p. 100 en plus de l'économie.

Le président: Si je vous comprends bien, votre gouvernement n'a pas prévu d'affecter une partie du surplus budgétaire au programme de secours aux sinistrés.

M. Eric Upshall: Pas le gouvernement, non, parce que nous demandons à Ottawa de nous aider ici parce que nous croyons que c'est sa responsabilité, comme c'était le cas pour les stocks de morue.

Le président: Merci beaucoup.

Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier tous. Vous avez accompli une besogne exceptionnelle. Je suis désolé que nous ayons eu parmi nous une telle célébrité: je crains que M. Upshall n'ait volé la vedette. Cela arrive.

La séance est levée.