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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 26 novembre 1998

• 0901

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia)): Je souhaite la bienvenue aux témoins.

L'ordre du jour est long et chargé, ce matin. Nous siégerons pendant quatre heures, soit jusqu'à 13 heures. La première moitié de la séance sera consacrée à l'Organisation mondiale du commerce. Il faudra donc profiter au maximum du peu de temps dont nous disposons.

Nous accueillons à la table des représentants de trois organismes, soit Martin Parent et Richard Watson de la Canadian Alliance of Agri-Food Exporters, Don Dewar et Marcel Hacault que nous connaissons déjà, de Keystone Agricultural Producers, et Greg Rockafellow et Ed Armstrong de Western Barley Growers Association.

J'ai décidé très arbitrairement que les premiers témoins que nous entendrons ce matin seront les producteurs d'orge. J'ai demandé à M. Rockafellow s'il était disposé à témoigner en premier, ce qu'il a accepté. Nous commencerons donc par entendre les cultivateurs d'orge, puis les porte-parole de Keystone et, enfin, la Canadian Alliance of Agri-Food Exporters.

Monsieur Rockafellow, soyez le bienvenu.

M. Greg Rockafellow (président, Western Barley Growers Association): Monsieur le président, je vous remercie.

Tout d'abord, au nom de la Western Barley Growers Association, je tiens à remercier le ministre Vanclief et le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de nous avoir invités à prendre la parole dans le cadre de ces audiences visant à déterminer quels résultats de la négociation amélioreraient la croissance de l'industrie canadienne.

À mon avis, il faudrait d'abord se poser une question plus réaliste: de quelle façon l'agriculture canadienne devra-t-elle s'adapter et changer pour demeurer concurrentielle dans ce monde en pleine évolution? À mesure que seront éliminées les frontières nationales, l'adaptation et l'évolution de l'industrie agricole canadienne se feront-elles dans un contexte de coopération internationale ou de conflit externe?

Nous serions tous d'accord pour dire qu'à la fin des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, les résultats souhaités seraient un meilleur accès au marché des biens et produits canadiens, tant au Canada qu'à l'étranger, l'abolition des subventions nationales et des subventions à l'exportation, une réduction appréciable des tarifs, l'élimination mondiale des programmes de soutien de la catégorie «bleue», l'harmonisation des accords sur l'application de mesures sanitaires et phytosanitaires, l'adoption de règles négociées et fondées sur des faits scientifiques, de même que la transition vers des règles du jeu uniformisées pour tous les partenaires commerciaux du monde.

Au cours des derniers mois, le monde a pu se faire une idée de ce que les deux plus importants signataires de l'OMC proposeront à la table. L'Union européenne, d'après son Agenda 2000, abolira les subventions à l'exportation et les remplacera par des paiements directs aux producteurs, ce qui leur permettra de mieux suivre les cours mondiaux et, peut-être, de commercer légitimement sur le marché mondial.

Les réformes viseront aussi à forcer le reste du monde à adopter l'environnementalisme et la protection des animaux tel que définis par l'Union européenne, en vue tout d'abord d'obtenir des contribuables les fonds si essentiels pour financer l'agriculture, puis à obliger le reste du monde à respecter un nouvel ensemble de règles qui pourraient nuire à notre compétitivité. La survie des producteurs nord-américains sera compromise quand les consommateurs du monde auront le choix entre le système agroalimentaire de l'Union européenne qui interdit par définition la fertilisation excessive, les organismes génétiquement modifiés, l'utilisation d'hormones pour l'élevage du boeuf et d'autres percées technologiques et l'utilisation que nous faisons des technologies pour assurer au monde une source alimentaire sûre et peu coûteuse. La science solide n'a peut-être rien à voir avec le genre de système agroalimentaire que sont disposés à payer les consommateurs du monde, et la perception pourrait primer sur la réalité quand nous entamerons la négociation des questions environnementales.

Dans le cadre du litige commercial qui a opposé les États-Unis au Canada récemment, nous avons aussi pu juger du poids des Américains. Nul ne doute, je crois, qu'il sera impossible d'en arriver à un véritable échange libre avec réciprocité durant la prochaine série de négociations de l'OMC. Il faut que l'industrie agricole canadienne continue de se battre pour que soient uniformisées les règles mais, point plus important encore, pour que s'effectue une réforme des politiques internes qui nous aideront à mieux nous adapter aux préoccupations des consommateurs et aux réalités du marché.

• 0905

L'été dernier, le groupe du commerce agricole a tenu une série de réunions de groupes de réflexion partout en Alberta. Certaines opinions revenaient constamment. Les trois plus courantes étaient que les programmes nationaux du Canada entravent plus notre succès sur le marché international que les barrières et règles commerciales internationales; que la réglementation fiscale et les normes canadiennes nuisent au commerce et à la concurrence; et, enfin, que l'industrie et les institutions continuent de se concentrer sur la production et sur l'échange de marchandises alors que, d'après les données statistiques, nos meilleurs débouchés commerciaux sont de toute évidence les créneaux de produits à valeur ajoutée.

L'industrie de l'orge s'identifie facilement à ce qu'a décrit l'ARCLAF, soit l'American Ranchers-Cattlemen Legal Action Fund, dont vous avez peut-être entendu parler. C'est en effet cet organisme qui a accusé l'industrie canadienne du bétail d'avoir des pratiques antidumping. Bien que cette affaire ait visé l'industrie du bétail, la plainte se fonde en grande partie sur la façon dont les producteurs américains perçoivent la Commission canadienne du blé et les organismes étatiques de commerce. La situation pourrait avoir de très graves conséquences non seulement sur le secteur de l'élevage, mais aussi sur l'industrie du grain fourrager.

Des changements à la politique canadienne s'imposent si l'on tient compte du fait que la Commission canadienne du blé ne commercialisera probablement que 300 000 tonnes métriques des 12 millions de tonnes d'orge fourragère produite cette année.

Quelque chose cloche vraiment dans nos normes relatives aux céréales si les producteurs arrivent constamment à cultiver un produit de bien meilleure qualité que ce que nous exportons. De nouvelles variétés d'orge sont souvent récoltées à raison de 55 à 58 livres par boisseau, un demi de 1 p. 100 de cette masse étant représenté par des matières étrangères, alors que les normes canadiennes à l'exportation sont de 47 livres par boisseau comportant 2,5 p. 100 de matières étrangères. Qui plus est, on exige des agriculteurs qu'ils paient des frais de nettoyage.

Comment peut-on s'attendre que les producteurs d'orge fourragère du Canada se feront respecter sur le marché mondial s'ils n'ont que peu d'influence sur la qualité des normes à l'exportation qu'ils n'ont pas les moyens de livrer un produit de qualité supérieure? En 1994, il existait un marché continental de l'orge qui exportait plus d'orge fourragère en provenance de l'ouest du Canada que nous n'en avions jamais vu. Ce marché n'a été freiné que lorsque les compagnies céréalières canadiennes ont traîné le gouvernement fédéral devant les tribunaux pour faire abolir ce marché. En 1998, ces mêmes compagnies céréalières ont importé de l'orge américaine pour l'industrie de l'alimentation des bovins du sud de l'Alberta. Cela allait à l'encontre de tout objectif constructif que pourrait avoir le Canada en matière de libéralisation des échanges.

L'orge de brasserie est une autre industrie canadienne qui connaît une période très difficile. Les approvisionnements bon marché en provenance d'Europe rendent la vie très difficile aux Canadiens qui cherchent à livrer concurrence sur le marché international. Cependant, le fait est que les sociétés brassicoles et les exportateurs d'orge brassicole canadiens n'arrivent pas à passer des contrats d'approvisionnement parce que le prix initial est trop élevé pour permettre une concurrence sur le marché mondial, et l'industrie d'alimentation du bétail paie actuellement une prime par rapport à l'industrie brassicole.

Si nous voulons que notre industrie brassicole survive au Canada, nous allons devoir laisser les compagnies brassicoles passer elles-mêmes les contrats d'approvisionnement, ce qui permettra en retour aux producteurs de gérer les risques, ce qui sera essentiel pour maintenir la rentabilité dans le contexte agrocommercial actuel.

Il est impératif que le Canada s'aligne sur ses alliés commerciaux en vue de lutter contre l'énorme influence mondiale qu'aura l'Union européenne en pleine croissance. Il a été établi, lors du Sommet canado-américain sur les grains qui a eu lieu à Banff, cette année, que les rencontres de producteurs permettre de redresser bien des idées fausses. L'industrie a montré qu'elle était disposée à aller de l'avant avec l'harmonisation pour des questions comme la réglementation des pesticides, les normes de classification des grains et du boeuf de même que les règlements de transport concernant le poids des camions et les restrictions de charge.

Les trois dernières années ont été vraiment désastreuses pour les producteurs de grains des Prairies. En 1996, la neige et le temps froid ont entravé la livraison des produits au port. En fin de compte, les chemins de fer ont été tenus responsables du manque de transport des grains. En 1997, on a trouvé des excréments de chevreuil dans les approvisionnements en orge canadienne de l'Ouest. Cela s'est en fin de compte transformé en incident international qui a noirci la réputation du Canada en tant que fournisseur de produits de qualité.

L'année 1998 s'est avérée désastreuse à cause de la crise financière survenue sur de nombreux marchés à l'échelle de la planète, ce qui s'est traduit par une diminution de la demande de pratiquement tous les produits. Les producteurs ne peuvent plus être assujettis à des politiques agricoles inflexibles qui ne sont pas en mesure de réagir au marché en constante évolution. Nous ne pouvons plus accepter d'excuses année après année.

Les industries et les entreprises rentables savent bien qu'il faut que les renseignements passent instantanément et constamment du consommateur au producteur. C'est un aspect absolument essentiel de la réalité du milieu commercial d'aujourd'hui et beaucoup d'industries agricoles en tiennent compte. L'industrie bovine sera bientôt en mesure de reconstituer toute l'histoire des carcasses de boeuf à partir de la naissance de l'animal, tout en obtenant des renseignements pertinents relatifs aux soins et à la gestion de ce produit.

• 0910

Lorsqu'un marché d'exportation du foin en rapide expansion envoie un contenant de ce produit à destination du marché asiatique, il est possible de reconstituer l'histoire de ce contenant jusqu'au champ du producteur où ce foin a été cultivé. Un tel accès à l'information permet aux producteurs et à l'industrie de s'adapter rapidement aux exigences du marché.

Malgré ce que nous entendons dire aujourd'hui, beaucoup de points positifs apparaissent dans le domaine de l'agriculture au Canada. Les producteurs d'avoine bénéficient du prix de l'orge pour un produit de haute qualité dont le rendement est 40 p. 100 supérieur à celui de l'orge et dont le coût de production est plus bas. Les producteurs de foin reçoivent actuellement quatre fois le coût brut à l'exportation que celui que reçoivent les producteurs d'orge de brasserie, avec un coût de production beaucoup plus bas et moins de risque.

Les producteurs agricoles canadiens peuvent devenir très compétitifs sur la scène internationale sans avoir à puiser dans les coffres de l'État, ainsi que l'UE et les États-Unis l'ont prouvé. L'octroi de subventions ne se traduit pas par des prix plus élevés de produits ou par un résultat net bien meilleur. Le fait est que ces fonds sont réinvestis dans l'entreprise, non nécessairement dans la poche des producteurs, indépendamment de la région du monde où ils se trouvent.

La crise du revenu agricole n'est pas seulement une réalité locale ou régionale, mais c'est plutôt une préoccupation mondiale. Avant d'aller à l'OMC pour obtenir ce que nous pouvons, nous devons être sûrs que nos politiques internes donnent aux producteurs canadiens tous les avantages possibles pour être compétitifs sur le marché international. Face à une globalisation qui progresse à un rythme sans précédent, il faut examiner nos politiques internes, car elles toucheront le reste du monde et pas seulement les producteurs canadiens.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Rockafellow.

Lorsque j'ai présenté les témoins, les représentants du Syndicat national des cultivateurs n'étaient pas encore arrivés. J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à Cory Ollikka et Randall Affleck. Messieurs, nous nous proposons d'entendre votre témoignage tout de suite après celui des Keystone Agricultural Producers.

Nous passons maintenant à M. Dewar, de KAP. Bienvenue, monsieur Dewar.

M. Donald R. Dewar (président, Keystone Agricultural Producers): Merci, monsieur le président et membres du comité, de nous avoir invités à faire un exposé devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Don Dewar et je suis président de Keystone Agricultural Producers. Je suis accompagné par Marcel Hacault, notre premier vice-président qui est également président de notre Comité du commerce international.

Les producteurs manitobains ont été profondément touchés par la dernière série de négociations de l'Organisation mondiale du commerce. Notre production est suffisante pour nourrir six millions de personnes et nous ne sommes qu'un million de personnes. Nous dépendons fortement des exportations, puisque nous exportons 1,1 milliard de dollars de produits agroalimentaires et que nous en importons moins de 500 millions de dollars; le rapport de dépendance en matière d'exportation est donc de trois à un.

Il ne fait aucun doute que par suite de la perte de la subvention du Nid-de-Corbeau, le Manitoba est tout d'un coup devenu l'endroit le plus coûteux d'où exporter. Nos produits sont donc devenus les moins coûteux au Canada, par rapport au coût de la production.

Il a suffi d'une seule signature en 1995 pour provoquer des changements au niveau des avantages comparatifs. Cela a donné lieu à une plus grande diversification dans l'industrie agroalimentaire, notamment la production du bétail. Malheureusement, la diversification s'est faite essentiellement au niveau de la production de porc et nous savons ce qui s'est passé suite à l'effondrement du marché asiatique. Cela témoigne de la dépendance du Manitoba à l'égard des échanges—85 p. 100 de notre production de porc est destinée à l'exportation.

Nous avons également assisté à une plus forte demande en matière de répartition des contingents des produits soumis à la gestion de l'offre. L'industrie ovocole est à mon avis un bon exemple de la volonté de changer et d'innover en matière de gestion de l'offre. Au Manitoba, nous voyons que l'industrie du poulet à griller de la Saskatchewan s'adapte vu qu'elle se rend compte qu'il est nécessaire de changer pour s'adapter aux règles commerciales internationales.

Nos producteurs bénéficient-ils véritablement des dernières négociations OMC? Sommes-nous en mesure de soutenir la concurrence, compte tenu des règles qui nous ont été fixées? Je crois que c'est la question qui se pose et nous allons souligner certains des éléments que nous aimerions voir modifiés—certaines des règles—à l'OMC, j'imagine, lors de la prochaine série de négociations sur l'accord, pour nous permettre d'améliorer la situation de l'agriculture au Canada et particulièrement au Manitoba.

M. Marcel Hacault (vice-président et président, Comité du commerce international, Keystone Agricultural Producers): Les Jacobson, notre ancien président, a lancé tout un processus relatif à une stratégie commerciale propre au Manitoba. Nous représentons divers organismes comme la Saskatchewan Equine Ranchers Association et la Farm Women's Institute, soit 19 groupes de produits qui varient en termes de gestion de l'offre.

• 0915

Nous vous avons remis un document qui malheureusement n'est pas traduit, si bien que certains membres du comité risquent de ne pas y avoir accès.

Notre position se rapproche beaucoup de celle de la FCA, mais nous mettons probablement plus l'accent sur l'accès aux marchés d'exportation. La prochaine entente commerciale devrait permettre d'améliorer certains points comme la possibilité de pouvoir facilement et rapidement contester des mesures commerciales illégales. Il suffit de citer l'exemple des mesures prises par le Dakota du Sud et le Montana, lorsque ces États ont essayé de limiter les échanges dans nos provinces.

Il faudrait également plus clairement définir toute la question de la «boîte verte». Il a été aussi fortement suggéré d'éliminer toutes les dépenses de la catégorie «boîte bleue».

Nous avons besoin de resserrer les liens et d'améliorer les règles à propos de la question des OGM, des questions phytosanitaires, de l'harmonisation de l'étiquetage et du travail administratif et de la façon dont sont traités les pesticides et les inspections, éléments considérés comme préjudiciables au commerce, surtout aux États-Unis.

Se pose également toute la question de l'administration des contingents tarifaires et de la façon dont ils sont calculés. Sont-ils calculés en dollars et s'agit-il de dollars américains?

Se pose également la question de la mise aux enchères des contingents. Certains pays adoptent des méthodes différentes en matière de contingents. Il faut se pencher sur la question du calcul des contingents.

Ce sont les détails techniques qui, à notre avis, devraient être précisés, puisque chaque pays les interprète à sa façon et, en général, à son avantage. D'après nous, cela fait partie du problème.

Nous pensons que le Canada est vraiment allé au-delà de ce qu'on lui a demandé lors des dernières négociations OMC. Nous aimerions profiter de ce que nous avons déjà réalisé dans le passé pour les prochaines négociations. Au lieu de repartir de zéro, je pense que nous pourrions reporter ces crédits.

Il y a ensuite la question du report effectué par l'UE dans le domaine des subventions. Si je ne me trompe pas, la Chine ne fait pas partie de l'OMC, or, il serait très important d'englober certains de ces grands pays dans la prochaine entente.

Au sujet de la question des accords bilatéraux et de tous les autres accords secondaires, nous pensons que l'OMC devrait être l'endroit où doivent être fixées les règles commerciales loyales, tout le reste y étant assujetti.

Il faudrait prévoir des règles de conduite en matière de garanties de crédit, de fluctuations des taux de change et de toute la question des organismes commerciaux d'État. La Commission du blé a probablement retenu beaucoup d'attention sur la scène internationale, mais une telle attention devrait toutefois viser non seulement les organismes d'achat, mais aussi les organismes de vente. Si l'on veut englober les entreprises commerciales d'État, il faut englober la Commodity Credit Corporation des États-Unis, la coopérative du sucre de l'Australie et l'agence de commercialisation agricole de la Pologne. Il y a en effet beaucoup d'entreprises commerciales d'État, la Commission canadienne du blé n'est pas la seule.

C'est en résumé ce que nous proposons au nom du Manitoba. J'imagine qu'il y aura des questions par la suite.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Dewar et monsieur Hacault.

Nous passons maintenant aux représentants du Syndicat national des cultivateurs. Qui va commencer?

M. Randall Affleck (coordonnateur pour les Maritimes, Syndicat national des cultivateurs (Î.-P.-É.)): Moi-même, monsieur.

Bonjour. Je suis heureux de pouvoir faire un exposé au nom du Syndicat national des cultivateurs.

Le gouvernement du Canada et la plupart des gouvernements provinciaux se sont lancés dans une stratégie agricole de déréglementation, de privatisation, de libéralisation des échanges et de promotion des exportations de l'agro-alimentaire dans l'espoir qu'une partie des gains générés par l'exportation reviendraient aux exploitations agricoles.

Du point de vue des agriculteurs, cette stratégie est un échec. C'est un échec, lorsque l'on compare les exportations agroalimentaires du Canada au revenu agricole net total réalisé depuis 1970. De toute évidence, les agriculteurs n'ont pas bénéficié de cette énorme augmentation des exportations agroalimentaires. En fait, le revenu agricole net canadien—en dollars de 1998—a considérablement chuté et atteint des niveaux caractéristiques des années 40.

• 0920

Alors que le document de la politique à moyen terme du ministère canadien de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, daté d'avril 1998, prévoit que les exportations canadiennes nettes de porc devraient pratiquement doubler entre 1998 et l'année 2007, il prévoit également que le revenu des producteurs de porc va dégringoler au cours de cette même période. À titre de référence, une exploitation de porc naissage-finition dans le centre de l'Alberta, comptant 140 truies et dont la superficie équivaut à 640 acres, verra son revenu net régulièrement chuter à l'avenir.

Alors que les accords commerciaux et l'augmentation des exportations ne semblent pas vraiment relever le revenu agricole, il apparaît clairement que la vente dirigée et les organismes de gestion de l'offre, compromis par ces accords, augmentent le revenu agricole. Par exemple, d'après le rapport Kraft, Furtan et Tyrchniewicz de 1996, la Commission canadienne du blé a augmenté le revenu des producteurs de blé d'environ 265 millions de dollars chaque année entre 1981 et 1995.

Par ailleurs, le rapport Schmitz et al en est arrivé à la conclusion que la Commission canadienne du blé a augmenté le revenu des producteurs d'orge de 72 millions de dollars par an entre 1985-1986 et 1994-1995. En outre, le document de la politique à moyen terme du ministère canadien de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire prévoit la croissance régulière du revenu d'une exploitation laitière québécoise de référence. Des organismes comme les offices canadiens de commercialisation du lait, de la volaille et des oeufs, la Commission canadienne du blé et l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario, donnent aux agriculteurs une influence sur un marché de plus en plus dominé par d'énormes sociétés agroalimentaires. Ils permettent d'augmenter et de stabiliser le revenu agricole.

Notre syndicat n'est pas opposé au commerce, mais il est par contre fortement opposé au commerce qui sape et appauvrit les agriculteurs et qui, en même temps, empêche à des millions de personnes d'avoir accès à une alimentation suffisante. C'est le résultat du système commercial agroalimentaire actuel.

Le Syndicat national des cultivateurs est membre fondateur et coordonnateur nord-américain de Via Campesina, mouvement international regroupant 69 organisations agricoles de 37 pays. Notre syndicat a considérablement tiré profit de son travail avec des groupes d'agriculteurs du monde entier. Grâce à leur travail international, le Syndicat national des cultivateurs et ses membres ont acquis une perspective internationale de la production, du traitement, de la distribution et du système commercial agricole, lesquels se globalisent de plus en plus.

Via Campesina a fait la déclaration suivante sur l'OMC lors de la rencontre du 17 mai 1998, à Genève:

    La perte de la souveraineté alimentaire nationale au sein de l'OMC est dangereuse et inacceptable. Via Campesina s'oppose fortement à la conduite de négociations sur l'agriculture sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce. La politique OMC favorise avant tout les intérêts des sociétés multinationales qui dominent le commerce international, détruisant notre capacité en matière de production alimentaire, nos collectivités et nos milieux naturels.

    Le commerce international doit servir les intérêts de la société!

Le mouvement poursuit en exigeant que le gouvernement et les organisations internationales:

    Retirent à l'OMC toutes les négociations dans les domaines de la production et de la commercialisation alimentaires.

Le Syndicat national des cultivateurs recommande que le gouvernement canadien profite du mécontentement international à l'égard du processus OMC pour consolider sa position de négociateur.

En outre, le Syndicat national des cultivateurs recommande que le gouvernement fédéral du Canada adopte une position clairement favorable aux agriculteurs dans la prochaine série de négociations OMC et s'aligne avec les autres pays du monde qui s'efforcent de modifier l'orientation de ces négociations.

Le Syndicat national des cultivateurs recommande que les négociateurs canadiens à l'OMC défendent le droit inconditionnel du Canada d'instaurer et de consolider la vente dirigée et les organismes de gestion de l'offre.

Dans le numéro du Western Producer du 19 novembre 1998, le sous-secrétaire américain à l'agriculture est cité à propos des prochaines négociations:

    [...] les États-Unis exigeront une diminution des subventions nationales, la réforme des organisations commerciales d'État, une diminution des tarifs douaniers qui protègent des secteurs comme le secteur laitier et avicole du Canada et des contrôles plus rigoureux en ce qui concerne les subventions à l'exportation.

De toute évidence, les États-Unis cibleront les programmes et les organismes canadiens qui actuellement desservent et protègent les agriculteurs. Des tarifs douaniers élevés sur la production hors contingents ont été fixés pour protéger les secteurs agricoles canadiens fragiles en matière d'importation, soit les organismes de gestion de l'offre du lait et de la volaille. Nous prévoyons que lors des prochaines négociations OMC, il sera question de diminuer ces tarifs, or, toute réduction dans ce domaine déstabilisera le secteur de la gestion de l'offre et diminuera le revenu agricole.

• 0925

L'huile de beurre est un bel exemple de l'effet négatif des importations à bas tarif sur le secteur laitier du Canada. En l'absence de taux tarifaires sur les mélanges huile de beurre-sucre, les importations ont augmenté considérablement; elles correspondaient à moins de 2 p. 100 de l'utilisation du gras de beurre dans la crème glacée au Canada en 1995 et devaient correspondre à 20 p. 100 en 1997. Cela a coûté aux producteurs laitiers canadiens près de 50 millions de dollars de pertes chaque année.

Le Syndicat national des cultivateurs recommande que les négociateurs canadiens refusent de céder aux exigences visant à réduire les tarifs qui protègent les secteurs de gestion de l'offre. La Commission canadienne du blé n'est pas une entreprise commerciale d'État. C'est un organisme axé sur le marché, non subventionné et qui ne fausse pas les échanges. C'est une solution de rechange qui met l'accent sur les agriculteurs et non pas sur les énormes sociétés céréalières multinationales.

Plusieurs pays, dont les États-Unis, demandent avec insistance une nouvelle définition élargie de «subventions des exportations agricoles», laquelle considérerait les avantages découlant d'ententes de mise en commun de prix comme une forme d'aide indirecte à l'exportation, même si le gouvernement n'y participe absolument pas financièrement. Les négociateurs canadiens devraient faire tout ce qu'ils peuvent pour mettre un frein aux subventions à l'exportation, mais ils devraient s'opposer agressivement à toute tentative visant à élargir la définition de subventions à l'exportation jusqu'au point où une telle définition serait susceptible d'englober les activités des offices canadiens des marchés agricoles.

Le Syndicat national des cultivateurs recommande que le gouvernement canadien protège la capacité du Canada et d'autres pays d'appuyer leurs agriculteurs par l'entremise de soutiens nationaux, jusqu'à ce que les problèmes plus vastes qui se posent au sein du système commercial de l'agriculture soient réglés. Les États-Unis comme l'Union européenne ont montré qu'ils étaient prêts à maintenir leur production et leur statut de gros exportateurs agricoles. En outre, les récentes mesures prises par le Dakota du Sud et d'autres États, les menaces américaines en matière d'étiquetage du pays d'origine et les différends commerciaux bilatéraux à répétition, mettent en question la possibilité que le Canada ne puisse jamais obtenir accès aux marchés américains. L'Union européenne est décidée à maintenir sa capacité de production intérieure et partant, ses exportations.

En conclusion, les agriculteurs se sont aperçus que les augmentations des exportations agroalimentaires sous l'égide de l'Accord OMC n'ont pas amélioré le revenu net agricole. En fait, l'accord n'a fait qu'empirer les choses. Le Syndicat national des cultivateurs en déduit, d'après l'histoire, qu'une stratégie visant à donner aux agriculteurs une influence sur le marché est beaucoup plus rentable qu'une stratégie qui garantit un accès au marché au détriment des offices des marchés agricoles.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Affleck.

Tout va bien et se déroule dans les temps. Nous allons maintenant entendre les représentants de la quatrième organisation, l'Alliance canadienne des exportateurs agroalimentaires. Je crois que M. Parent—ou M. Watson—va commencer.

M. Richard Watson (directeur du marketing, Aliments Canamera, Alliance canadienne des exportateurs agroalimentaires): Merci. M. Parent et moi-même allons vous présenter notre exposé d'aujourd'hui. Je vais commencer et j'interviendrai de façon intermittente par la suite.

L'Alliance canadienne des exportateurs agroalimentaires apprécie la démarche proactive du gouvernement fédéral qui entreprend ses négociations en vue de la prochaine série de négociations de l'OMC. Nous sommes des plus satisfaits de l'engagement qu'a pris le gouvernement du Canada de fournir des renseignements exacts à toutes les parties intéressées et, grâce à des tribunes telles que les audiences thématiques d'aujourd'hui, d'offrir la possibilité de contribuer à la définition du rôle du Canada. Une telle démarche a permis de susciter le débat et la discussion dès les premières étapes du processus et permettra d'assurer l'élaboration fructueuse d'une position canadienne réaliste.

L'Alliance canadienne des exportateurs agroalimentaires est composée de 15 membres représentant pratiquement tous les secteurs de production et de transformation axés sur l'exportation. Nous nous sommes réunis afin de démontrer au Canada et au monde entier que la survie d'une partie importante de l'industrie agroalimentaire canadienne dépend essentiellement du marché international. Ensemble, nos membres affichent un chiffre d'affaires qui dépasse les 30 milliards de dollars, offrent des centaines de milliers d'emplois au Canada et leurs exportations dépassent les 20 milliards de dollars, soit plus de 7 p. 100 du total des exportations canadiennes. De 40 à 80 p. 100 de la production des membres de l'Alliance est exportée.

• 0930

Notre alliance est unie par les objectifs communs que constituent le développement des débouchés d'exportations et l'élimination des pratiques commerciales déloyales. Lors de la prochaine série de négociations, le Canada doit réaliser des progrès importants en matière d'accès au marché et d'élimination des subventions l'exportation, afin de permettre un accroissement réel des exportations agroalimentaires dans un large éventail de secteurs. Le Canada doit jouer un rôle de chef de file et continuer d'exiger des réformes lors des futures négociations multilatérales. Pour être efficace, le Canada doit toutefois être perçu comme un interlocuteur crédible et arriver aux discussions avec une stratégie de négociations qui soit cohérente et réaliste.

[Français]

M. Martin Parent (directeur, Canada Porc International, Alliance canadienne des exportateurs agroalimentaires): Les négociations devraient porter sur un nombre assez élevé de domaines pour inciter réellement les membres de l'OMC à négocier une libéralisation dudit marché qui soit importante et constructive.

Avec le cadre de discipline agricole actuellement établi, la prochaine série de négociations devra renforcer la méthode de négociation selon des principes ou des formules et, dans toute la mesure du possible, éviter les compromis.

La prochaine série de négociations devra permettre d'obtenir une meilleure prévisibilité en ce qui concerne la libéralisation des échanges commerciaux agricoles. Pour y parvenir, il faudrait prévoir des exigences précises pour l'élimination progressive des obstacles et la suppression de l'approche globale des produits, c'est-à-dire l'établissement de lignes tarifaires ainsi que d'autres mesures qui permettraient de rendre le processus de libéralisation plus transparent et plus objectif.

Finalement, les futures négociations devraient permettre d'obtenir des résultats significatifs dès le tout début du processus. Bien que les exportations canadiennes de produits agroalimentaires aient connu une forte croissance pendant toutes les années 1990, les activités de développement des marchés et les gains qu'elles auraient procurés ont été limités par divers facteurs, notamment les taux prohibitifs des tarifs douaniers appliqués au dépassement de quotas, les niveaux des agrégations d'engagement, le manque de discipline réelle à propos de l'administration des mesures douanières aux frontières et la transparence limitée en ce qui concerne l'administration des contingents tarifaires.

Les futures négociations devront aboutir à des réductions importantes des tarifs douaniers qui permettront l'entrée des produits et l'ouverture réelle des marchés à l'échelle mondiale. Cela nécessitera un accroissement considérable des engagements sur l'accès minimal applicable aux produits selon les lignes tarifaires, l'obtention d'une réduction maximale des tarifs douaniers applicables au dépassement de quotas, la restriction de la pratique de l'escalade des tarifs douaniers et la minimisation des tarifs douaniers appliqués à l'intérieur des quotas lorsque les pays assurent la protection de leur marché intérieur à l'aide de contingents tarifaires.

En plus des engagements relatifs à l'accès minimal et des tarifs douaniers, plusieurs autres problèmes concernant l'accès au marché continuent de gêner nos activités en matière d'exportation. Le Canada doit trouver des solutions à ce problème en prenant les mesures suivantes: négocier des modalités administratives qui soient transparentes et prévisibles; établir un système permettant la réaffectation des quotas qui ne sont pas entièrement utilisés; finalement, veiller à ce que les pays ne puissent pas exploiter le souci de sécurité des consommateurs ou les préoccupations environnementales en employant des barrières sanitaires ou phytosanitaires pour limiter leurs importations.

[Traduction]

M. Richard Watson: Il faudra encore travailler sur cette question des subventions à l'exportation, car non seulement les exportations canadiennes restent vulnérables sur les marchés mondiaux, mais les subventions continuent aussi de faire baisser les prix, de réduire directement les bénéfices pour les producteurs canadiens et de représenter un avantage injuste pour les importations. Il est essentiel que les futures négociations assurent l'élimination et l'interdiction totales de toutes les subventions aux exportations et établissent des règles de conduite réelles sur l'utilisation des crédits pour les exportations de produits agricoles. On doit permettre aux producteurs canadiens de répondre aux forces du marché et aux occasions qu'il offre, sans avoir à subir la concurrence de produits fortement subventionnés. Le Canada devrait aussi s'efforcer de négocier des limites sur le recours aux restrictions à l'exportation, car ces restrictions sont souvent appliquées à l'exportation de produits bruts seulement, ce qui avantage les transformateurs étrangers lorsqu'ils se procurent des matières premières.

• 0935

Les futures négociations doivent permettre de réduire substantiellement les niveaux de soutien national à l'agriculture qui faussent les chiffres de production ou qui ont une influence sur les échanges commerciaux. Les dépenses de la catégorie «boîte bleue» devraient être considérées comme une mesure provisoire et être entièrement éliminées. Bien que ces paiements de soutien indirects faussent les échanges commerciaux à un degré moindre que les mesures de soutien des prix, ces injections directes de capital auront rapidement des répercussions sur les futures décisions en matière de production dans une industrie de capital comme l'agriculture. Il faudrait déterminer dans quelle mesure ce soutien fausse les données sur les échanges commerciaux et en tenir compte lors des futures négociations. Le Canada doit aussi traiter de la question des mesures de soutien national dans le contexte de la compétitivité internationale et s'efforcer de maintenir pour les programmes de la catégorie «verte» le statut d'exemption en ce qui concerne les mesures de compensation et d'antidumping.

[Français]

M. Martin Parent: En plus de ces questions, les négociations multilatérales fournissent l'occasion d'aborder d'autres questions que notre alliance considère très importantes, notamment: la nécessité d'obtenir un renouvellement des engagements à ce que les mesures de protection sanitaires et phytosanitaires reposent sur des données scientifiques et la garantie que ces restrictions techniques ne deviendront pas des barrières commerciales visant à empêcher les importations ou à remplacer les mesures douanières qui restreignaient auparavant l'accès aux marchés; travailler à assurer que les données scientifiques soient la seule raison en vertu de laquelle les pays évaluent si des organismes modifiés génétiquement et leurs produits sont acceptables; et que les exigences en matière d'étiquetage ne représentent pas des obstacles non douaniers aux échanges commerciaux.

Récemment, les ministres de l'Agriculture ont convenu de travailler avec le secteur pour doubler les exportations agroalimentaires du Canada et atteindre l'objectif de 4 p. 100 des ventes agroalimentaires mondiales d'ici à 2005. Pour réaliser à l'avenir son plein potentiel de croissance économique et de création d'emplois, le Canada doit arriver aux prochaines discussions de l'OMC sur l'agriculture avec une position de négociation qui soutienne une industrie agroalimentaire concurrentielle à l'échelle internationale.

Nous approuvons pleinement le rôle que le Canada joue au sein du groupe Cairns et l'occasion qui lui a été donnée de présider les discussions sur le libre-échange en Amérique. Toutefois, s'il veut capitaliser sur cette lancée, le Canada doit être considéré comme un participant crédible lors de ces discussions. Par conséquent, il importe que ses représentants arrivent aux réunions avec une stratégie de négociation qui soit cohérente et réaliste.

Nous apprécions que vous nous ayez invités à donner notre opinion sur les documents de consultation publique et nous espérons participer activement aux consultations ultérieures. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Les quatre organisations ont présenté de bons exposés.

Nous allons maintenant passer aux questions. Nous disposons de plus d'une heure pour ce faire et nous allons commencer par M. Hoeppner qui dispose de sept minutes.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président.

Bienvenue ce matin, messieurs. J'aimerais reprendre la question abordée hier par M. Penson.

En 1995, lorsque la question de l'importation du boeuf s'est posée, lorsque du boeuf préparé était importé d'Australie et de Nouvelle-Zélande, j'ai fait un peu de recherche et j'ai découvert que les États-Unis étaient le seul partenaire commercial avec lequel nous avions un excédent. Notre excédent commercial était de près de 27 milliards de dollars cette année-là et nous l'avons ramené à 9 milliards de dollars à cause des bilans commerciaux négatifs avec d'autres pays. Comme l'a dit M. Penson hier, en tenez-vous compte lorsque vous vous adressez aux gouvernements provinciaux et fédéral? Utilisez-vous d'autres leviers mis à part celui de l'agriculture lorsque vous abordez la question commerciale?

Lorsque je vois un pays comme l'Italie qui, en 1995, importait notre blé dur et nous le renvoyait pour la plupart sous forme de pâtes, uniquement pour afficher un excédent commercial d'un milliard de dollars avec le Canada, je me dis que quelque chose ne va pas. J'aimerais demander à chacun d'entre vous si vous avez tenu compte des distorsions commerciales dans le contexte des excédents ou des bilans négatifs.

M. Richard Watson: Les mesures que nous prenons visent à ouvrir des débouchés commerciaux. C'est une étape vers l'élimination des obstacles que posent nos partenaires commerciaux du monde entier, et nous visons ainsi à accroître nos débouchés. Le moyen d'accroître notre balance commerciale est d'ouvrir les marchés.

• 0940

M. Jake Hoeppner: Ne craignez-vous pas que si vous dites cela aux négociateurs, que nous n'avons pas besoin des voitures japonaises s'ils n'ont pas besoin de nos...

M. Richard Watson: Le commerce international repose sur un ensemble de règles. Ça ne se fait pas à sens unique; c'est un échange. Cela nécessite la libéralisation du commerce et la reconnaissance que cette libéralisation ouvrira les vannes des échanges internationaux pour tout le monde du secteur agricole. En soutenant le commerce international et en éliminant les obstacles, nous avons l'occasion d'augmenter les échanges et les revenus de tout le monde du secteur agricole. Il ne s'agit pas uniquement d'accroître les revenus des producteurs canadiens, mais aussi des producteurs mondiaux, des producteurs européens, non pas avec des subventions, mais plutôt dans un contexte orienté sur le consommateur, de réactions dictées par le marché. Voilà ce que nous aimerions voir: un marché qui paie la juste valeur des biens, non pas des gouvernements qui versent des subventions ou qui offrent une protection aux éléments inefficients du marché.

Donc, dans un contexte très vaste, nous visons ce dont vous parlez, mais en tant qu'exportateurs et qu'alliance d'exportateurs, bien sûr, nous visons à promouvoir l'importance de procéder à ces changements chez nos partenaires commerciaux. Cela ne peut se faire sans bien comprendre comment nous mettons en oeuvre nos pratiques commerciales ici.

M. Jake Hoeppner: Je voudrais ajouter quelques mots là-dessus. L'intervenant du syndicat des agriculteurs a parlé de l'huile de beurre. Il y avait une faille, qui n'a été découverte qu'après le fait. Si elle avait été fermée, cela aurait joué quelque peu en faveur du Canada. Donc si nous ne marchandons que des subventions agricoles, je ne crois pas que nous ayons la moindre chance d'arriver où que ce soit, parce que nous avons déjà tout donné sur le plan agricole.

Maintenant, j'aimerais entendre d'autres réponses.

Le président: Je crois que M. Rockafellow avait un commentaire à faire, puis M. Affleck.

M. Greg Rockafellow: Merci, monsieur le président.

Monsieur Hoeppner, je voudrais appuyer les propos de M. Watson. Récemment, j'ai lu une allocution du directeur général de l'OMC—je crois que son nom est Renato Ruggiero. Il n'y a pas très longtemps, il a parlé de ce qui est arrivé depuis la ronde de négociations de l'OMC qui s'est tenue à Genève. On a constaté une augmentation des revenus, dans le monde, de 500 milliards de dollars.

Nous allons manifestement devoir compter sur les échanges commerciaux, et le monde offre d'énormes possibilités de nos jours. La compétition sera forte. Oui, il y a beaucoup d'anomalies dans les tarifs douaniers et tout ce qui ce qui se passe. Mais je crois que nous devons nous concentrer sur la perspective d'ensemble. Cela prendra longtemps pour que tout se place comme nous le voulons.

Nous serons un pays exportateur. Nous devrons faire des efforts pour tenter d'ouvrir ces marchés. Il y aura des victimes, comme les questions de commerce en ont déjà fait de nombreuses dans le monde entier. Le fait est cependant que l'occasion est trop belle. Les échanges commerciaux ont augmenté de 500 milliards de dollars depuis la dernière ronde de négociations de l'OMC, et ce sera probablement encore plus après la prochaine ronde. Je ne crois pas que nous pouvons nous contenter de rester assis sur nos séants à dire que nous ne voulons pas devenir une nation exportatrice, parce que ce serait difficile.

Le président: Monsieur Affleck.

M. Randall Affleck: Il n'y a pas de doute qu'il y a un surplus dans notre balance commerciale avec les États-Unis. De fait, je croyais qu'il s'agissait de plus de 6 milliards de dollars.

Ce que je voudrais souligner, c'est que nous devons nous demander si la libéralisation des règles commerciales augmentera le revenu des agriculteurs. Nous avons un accord commercial avec les États-Unis depuis 1989. Nos exportations ont connu une augmentation phénoménale, mais les revenus des agriculteurs n'ont pas cessé de baisser depuis. Ça n'a tout simplement pas été bon pour les producteurs.

Pour ce qui est de l'huile de beurre, je vais répondre rapidement. Voilà un exemple d'une situation où nous avons négocié une entente pour le Canada, un moyen de nous défendre, et l'esprit de la loi a été systématiquement bafoué. C'est bien beau que les autres pays interprètent la loi à leur avantage, mais à mon avis nous ne l'avons pas fait au Canada et l'esprit de la loi a été bafoué.

Le président: Il vous reste environ une minute, monsieur Hoeppner.

M. Jake Hoeppner: J'ai une autre courte question.

À propos de la Commission canadienne du blé, je sais que les opinions sont partagées. Ça me tracasse un peu lorsque j'entends des gens dire que la Commission leur a rapporté 350 millions de dollars, sans rien pour étayer ce chiffre. Comme vous le savez, M&J Farms a intenté une poursuite, qui a été devant la Cour d'appel du Manitoba, mais la Cour suprême n'en a rien voulu savoir. Nous avons fait la preuve, hors de tout doute raisonnable, que les agriculteurs ont perdu jusqu'à 54 $ par tonne qui n'ont jamais été comptabilisés dans notre système de mise en commun. Le seul argument qu'a pu donner la Commission canadienne du blé pour se défendre est qu'elle n'avait pas le mandat de vendre vos céréales au meilleur prix; son mandat consiste seulement à en organiser la vente ordonnée.

• 0945

Si nous ne nous reprenons pas suffisamment et ne laissons pas au moins le vérificateur général vérifier ces registres, les Américains vont nous fermer la porte au nez, je peux vous le garantir. Nous avons tout intérêt à être vigilants. Je détesterais perdre ces marchés. Si nous perdons les marchés américains, nous avons un problème.

Qu'avez-vous à dire à cela?

Le président: Vous devrez être très bref, nous n'avons plus de temps.

M. Randall Affleck: D'accord. Il s'agissait de 265 millions de dollars, et ce chiffre a été avancé par des économistes très respectés au Canada. Vous ne pouvez pas vendre la récolte de blé ou d'orge au meilleur prix.

Le président: Merci, monsieur Affleck.

[Français]

Madame Alarie, je vous accorde cinq minutes.

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Bonjour, messieurs. Ma première question s'adresse aux représentants de l'Alliance canadienne des exportateurs agroalimentaires. Vous dites qu'avant de se présenter à la table des négociations, le Canada doit avoir une stratégie de négociation cohérente et réaliste. Est-ce que comité ne devrait pas adopter au départ une attitude un peu critique et, à la suite des premières négociations, faire un bilan ou faire ressortir les aspects négatifs avant de songer à des éléments de stratégie?

Par exemple, vous avez dit qu'il fallait faire un peu le ménage au niveau des barrières non tarifaires. Ces questions ne sont toujours pas réglées et elles sont encore sur la table. Certaines discussions sur les produits phytosanitaires et l'étiquetage traînent depuis 1991. Vous avez une idée très claire de ce que vous aimeriez voir à l'avenir, mais est-ce que notre comité ne devrait pas d'abord faire une analyse plus approfondie du passé et faire le point avant d'aller plus loin?

M. Martin Parent: Je crois que nous nous sommes engagés dans la bonne voie et qu'on a obtenu des résultats positifs lors des dernières séances de négociations. Il s'agit maintenant de garder le momentum et de continuer dans cette même voie.

C'est pourquoi nous préconisons l'élimination des barrières tarifaires et non tarifaires. Nous sommes prêts à faire face à l'ouverture des marchés mondiaux. Certains pays ont recours à des barrières non tarifaires en vue de restreindre l'accès d'autres pays, dont le nôtre, à leur marché. Il faut donc garder le momentum créé jusqu'ici et poursuivre dans cette voie au cours des prochaines séances de négociations.

Mme Hélène Alarie: Pendant j'écoutais l'exposé que nous a présenté le Syndicat national des cultivateurs, la phrase suivante m'a interpellée: «On a l'impression que les négociateurs devraient défendre davantage les producteurs.» Ce n'est pas tous les jours qu'on entend un tel discours. Vous nous avez donné l'exemple du cas de l'huile de beurre, où l'on avait réclamé que le gouvernement agisse de façon concrète et rapide. On nous a dit qu'au moment des négociations, on ne pouvait pas prévoir tout ce qui pouvait arriver et on a laissé cette affaire entre les mains des tribunaux. À force d'attendre, les pertes de 6 millions de dollars de pertes se sont élevées à 50 millions de dollars. Cela semble irréversible. Avez-vous l'impression que lors de négociations, on défend suffisamment les intérêts des producteurs? Vous sentez-vous en marge ou au coeur de la situation?

[Traduction]

M. Randall Affleck: Puisqu'il faut être bref, je dirai non. Je crois que le public canadien et le gouvernement du Canada, en surface, veulent protéger les régions rurales du Canada et les producteurs qui s'y trouvent.

Nous représentons des fermes familiales de petite et de moyenne envergure, et ce que nous constatons au Canada c'est que cela n'avantage pas les producteurs. Alors pour répondre à votre question, je ne crois pas que nos intérêts sont représentés.

• 0950

Le président: C'est tout? Merci, madame Alarie.

[Français]

Monsieur Coderre.

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Merci beaucoup. Je m'appelle Coderre; c'est un nom de souche normande. Cela veut dire que ce n'est pas noir et blanc; c'est peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Cela veut dire que j'ai une position beaucoup plus équilibrée. D'un côté, je souhaite fortement appuyer les entreprises familiales et trouver un moyen de les protéger, ce qui ne fait pas de moi un protectionniste. D'un autre côté, évidemment, je suis conscient qu'on doit exporter nos produits sur les autres marchés et qu'on doit ouvrir les marchés.

J'aimerais continuer dans la foulée de mon collègue du Parti réformiste et de ma collègue du Bloc québécois. Un de nos problèmes se situe au niveau de l'huile de beurre. On a vu comment cette situation a évolué. De toute façon, personne ne va nous donner un laissez-passer gratuit. Chaque fois qu'on adoptera une loi ou qu'on proposera une façon de fonctionner, il y aura toujours un pays qui essayera de nous fourvoyer. Je ne sais pas comment les interprètes vont traduire ce mot.

Au niveau de la transparence, on sait bien que les États-Unis accordent certaines subventions et que, bien souvent, d'autres pays jouent les vierges offensées. Quand on en discute, ils jouent leurs petits jeux tandis que nous avons l'air un petit peu trop fatalistes. Au lieu d'accepter d'ouvrir les marchés tout d'un coup et de laisser régner le free-for-all, ne devrions-nous pas établir certains paramètres afin de protéger nos propres marchés? Il ne faut pas penser seulement aux gros producteurs, qui représentent des milliards de dollars, mais aussi aux petits producteurs que représente le Syndicat national des cultivateurs. Dans ma province, au Québec, ils sont nombreux.

Sans aller à un extrême ou à l'autre, comment peut-on en arriver à une approche équilibrée? Cette question est davantage destinée à l'Alliance canadienne des exportateurs agroalimentaires, que représente M. Watson. Je soulèverai un autre problème un peu plus tard.

[Traduction]

M. Richard Watson: Je ne dis pas qu'une approche équilibrée ne serait pas avantageuse, mais l'équilibre que nous souhaitons vise l'élimination des restrictions et l'ouverture des débouchés à l'échelle mondiale. Je crois qu'un bon exemple pour illustrer cela est l'une des études effectuées par l'industrie agricole canadienne et le gouvernement canadien sur la libéralisation du commerce des graines oléagineuses. Cette étude a démontré que si nous adoptions une démarche visant l'élimination complète des tarifs douaniers sur les graines oléagineuses à l'échelle mondiale, cela stimulerait la consommation d'huile alimentaire et ferait augmenter le prix des huiles alimentaires de 5 p. 100. Sur le marché des produits de base qui est déprimé actuellement, cela signifierait 20 $ par tonne de graines de colza, ce qui n'est pas négligeable.

M. Denis Coderre: Donc vous êtes contre la gestion de l'approvisionnement.

M. Richard Watson: Oui. Nous visons plus à réaliser l'efficience, la rentabilisation et une compétitivité afin de pouvoir stimuler le marché et créer des débouchés, plutôt que d'essayer de protéger...

M. Denis Coderre: Mais si vous voulez une approche équilibrée, comme on dit en français, vous jetez le bébé avec l'eau du bain. Ne croyez-vous pas que nous avons besoin de protection maintenant? Sans elle, on condamne la ferme familiale.

M. Richard Watson: Je ne crois pas que nous condamnions la ferme familiale. Je crois que nous allons promouvoir les fermes efficientes, permettre aux bonnes fermes de croître et réduire l'intervention du gouvernement dans le domaine des affaires. Si vous regardez le secteur des huiles alimentaires au Canada, c'est là qu'il y a le moins d'appui du gouvernement et le moins de restrictions, et c'est pourtant le produit agricole dont le prix est le plus élevé et qui donne le plus de possibilités de croissance. C'est parce que le marché pousse à l'efficience et à la croissance. C'est vers cela que nous nous dirigeons.

Même pour l'accès Internet et la mondialisation en général, il faut égaler ou dépasser n'importe qui dans le monde. Nous ne devons pas protéger les marchés inefficaces. Il faut agir progressivement et par étape, parce que certains secteurs ne peuvent passer d'un seul coup d'un marché réglementé à un marché libre. Il est certain que les secteurs qui n'ont pas d'aide actuellement doivent être favorisés par la libéralisation...

[Français]

M. Denis Coderre: Monsieur Watson, nous devons apprendre de nos erreurs et nous protéger d'une certaine façon. Je ne travaille pas dans l'intérêt des autres pays; je travaille en vue d'accroître les marchés et je prêche pour ma paroisse. J'essaie de me protéger, moi, et je pense à mes producteurs de lait, de poulet, etc.

• 0955

Puisque vous semblez dire qu'au niveau des barrières non tarifaires, il ne faut pas invoquer des questions de santé publique ou d'environnement pour empêcher ou limiter les importations, je vais me faire l'avocat du diable. Dois-je vous parler de la tremblante du mouton, de la maladie de la vache folle, de la tuberculose ou d'autres maladies que la science est incapable de déceler tout de suite pour vous convaincre qu'il faut se donner des paramètres de santé publique? On doit se protéger face aux autres marchés, faute de quoi on risque d'avoir de graves problèmes en bout de ligne. Les problèmes que vivent les éleveurs de mouton au Québec sont très graves. On ne sait pas si cette maladie est venue des États-Unis ou de chez nous, mais chose certaine, si on ne se protège pas au niveau de la santé, on en verra les conséquences directes dans la vie même des gens. On ne peut pas penser comme ça, monsieur Watson.

M. Martin Parent: Nous ne préconisons pas une diminution de notre protection à ces niveaux-là, mais nous recommandons qu'on s'engage encore une fois à faire en sorte que les mesures de protection reposent sur des données scientifiques. On ne peut accepter qu'un pays dise qu'il respecte les normes de protection phytosanitaire s'il fait face à des problèmes sur son territoire.

M. Denis Coderre: Donnez-moi un exemple, en Europe peut-être où, à ce que je sache, il n'y pas un contexte de free-for-all. Ce n'est pas là qu'on va regarder une vache, déclarer qu'elle ne va pas bien et décider qu'on arrête tout. On y fonctionne de façon sérieuse. Alors, donnez-moi un exemple.

M. Martin Parent: Par exemple, la Chine exige que nous lui fournissions un certificat d'un vétérinaire attestant que le porc est exempt de maladies respiratoires.

M. Denis Coderre: La Chine ne participe pas aux négociations de l'OMC.

M. Martin Parent: C'est un exemple que je vous donnais.

M. Denis Coderre: D'accord.

M. Martin Parent: Mais chez eux, ils n'ont pas à certifier que leurs porcs sont exempts de ces maladies. Nous préconisons qu'on donne une preuve scientifique et qu'ils ne nous imposent pas des obligations qu'ils ne respectent pas chez eux, dans leur propre cour. On ne dit pas qu'il faut risquer de mettre en danger la santé de nos consommateurs. Ce n'est absolument pas le free-for-all. Il faut se baser sur des données scientifiques.

D'autre part, je crois qu'en éliminant les barrières tarifaires, nous donnerons aux industries qui sont compétitives l'occasion de prendre de l'expansion. Cela poussera peut-être graduellement, avec le temps, certains producteurs à se recycler et à s'orienter vers d'autres productions.

M. Denis Coderre: Monsieur Parent, vous travaillez auprès des producteurs de porc. Dois-je comprendre qu'étant donné qu'au Québec, on a un programme spécial sur l'incidence des coûts de production, on devrait laisser tomber toutes ces personnes au nom des négociations internationales, de l'ouverture des marchés et du free-for-all? Est-ce bien ce que vous nous dites?

[Traduction]

Le président: Une réponse brève.

[Français]

M. Martin Parent: Ma réponse est non. Il faut se pencher sur les conditions particulières du marché.

[Traduction]

Le président: Merci, messieurs.

Comme M. Breitkreuz m'a signalé qu'il avait un engagement à 10 h 5, je vais demander à M. Proctor de lui céder sa place. M. Proctor prendra la parole après M. Breitkreuz. Nous céderons ensuite le tour à deux députés du parti ministériel avant de reprendre l'ordre habituel.

Monsieur Breitkreuz, vous avez cinq minutes.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous en suis reconnaissant ainsi qu'à M. Proctor.

La crise agricole actuelle est causée en grande partie par la faiblesse du prix des denrées, qui est liée à un excédent de l'offre, probablement attribuable aux subventions versées par d'autres pays, à commencer par ceux de l'Union européenne.

Je m'interroge sur nos rapprochements avec nos partenaires commerciaux et les alliances que nous pouvons former. D'après vous—et j'aimerais que tous les groupes de témoins me répondent—quels sont les facteurs qui irritent les autres participants aux négociations? À la table de négociations, qu'est-ce qui irrite les autres pays à notre sujet?

Comment pouvons-nous consolider notre position? Pouvons-nous, au sein du Groupe de Cairns, agir en ce sens, ou devrions-nous nous rapprocher davantage des États-Unis? Pouvons-nous d'une certaine façon reproduire les programmes américains de façon à rendre le marché plus ouvert et à nous permettre d'être plus en accord avec les États-Unis à la table des négociations? Notre position en serait-elle renforcée?

• 1000

Essentiellement, que pouvons-nous faire pour avoir plus d'influence à la table de négociations? J'ai proposé quelques suggestions. Je pense qu'il est important de répondre à cette question pour prévenir les crises qui ont tendance à se répéter. La crise actuelle est beaucoup plus grave que la plupart des autres, et je pense qu'il faut s'attaquer au problème.

M. Randall Affleck: Dans notre mémoire, nous encourageons le Canada à s'aligner sur les pays qui favorisent d'importants changements dans les négociations de l'OMC.

Je tiens à affirmer le concept de la souveraineté alimentaire. En effet, chaque pays devrait pouvoir protéger ou assurer sa production alimentaire intérieure. La crise des revenus agricoles est mondiale; elle ne touche pas seulement le Canada ou les producteurs canadiens.

Quand je suis allé en Australie au printemps, un producteur de céréales du sud du pays m'a dit que sa situation ne serait pas si difficile si le Canada ne subventionnait pas les exportations de céréales. On dresse les producteurs les uns contre les autres à ce sujet. C'est aussi pourquoi je pense que nous faisons fausse route en nous associant aux pays membres du Groupe de Cairns.

Je sais que ce n'est pas l'avis de mes collègues d'en face, mais le Syndicat national des cultivateurs est d'avis que nous devrions nous rapprocher de pays comme l'Inde. Le Mexique et le Brésil ainsi que beaucoup de petites organisations agricoles de différents pays européens s'opposent vivement à certaines des orientations que prend l'OMC. Nous devrions favoriser ce qui est avantageux pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien. Du point de vue des producteurs agricoles, le Canada doit vraiment revoir ses alliances pour faire évoluer les négociations de l'OMC.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il répondre?

M. Garry Breitkreuz: Comment répondriez-vous à cette question? Qu'est-ce qui est le plus irritant?

M. Greg Rockafellow: L'Union européenne regroupe 350 millions de personnes et, après l'expansion, elle en comptera 500 millions. Elle va agrandir son territoire de 44 p. 100 avec l'entrée de la Pologne et d'autres pays du bloc de l'Est.

Il n'y a pas de doute là-dessus, à mon avis. Il faut absolument mettre fin à nos différends commerciaux avec les Américains. Il faut réussir à faire comprendre aux États-Unis ainsi qu'aux pays membres du Groupe de Cairns que nous devons former des alliances avec certains pays parce que le PIB de l'Union européenne va être plus important que celui des États-Unis. Les Américains n'ont pas l'air de s'en rendre compte. Ils pensent encore qu'ils sont les plus forts, mais ils sont aussi vulnérables que nous.

Les Américains sont évidemment inquiets au sujet des agences commerciales, que leur crainte soit fondée ou non. La gestion de l'offre les préoccupe également. Nous devons essayer de faire aboutir ces négociations et réaliser une certaine harmonisation entre nos deux pays, sinon nous serons terriblement vulnérables.

Je m'entretenais hier soir avec un producteur de porcs originaire de la Hollande. Comme je l'ai dit, il y a 350 millions d'habitants en Europe et le coût moyen de l'agriculture est de 800 $ pour chaque homme, femme et enfant de l'Union européenne; c'est ce qui est versé à l'agriculteur. Nous ne pouvons concurrencer des subventions de ce genre, et nous ne le pourrons jamais; voilà pourquoi nous devons former des alliances.

Le président: Il reste une demi-minute si quelqu'un veut prendre la parole.

Oui, monsieur Dewar.

M. Donald Dewar: Le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire nous dit que, dans certains domaines, des pays sont d'accord avec nous. Donc, des alliances finissent par se former à la table de négociations parce que nos négociateurs—et je pense que nous devons leur en accorder le crédit—repèrent les pays qui sont du même avis que nous dans des dossiers précis. Je pense que des alliances se forment.

Le président: Merci.

Nous passons maintenant au député suivant. Je tiens à remercier M. Proctor de sa collaboration.

Monsieur Proctor, vous avez cinq minutes.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous souhaite la bienvenue, messieurs.

Je comprends que nous parlons de la prochaine ronde de négociations de l'OMC, mais nous le faisons évidemment compte tenu de la situation actuelle des agriculteurs et nous savons, du moins dans notre pays, que leur situation n'est pas très reluisante.

• 1005

Je m'adresse à la Canadian Alliance of Agri-Food Exporters parce que, monsieur Watson, je crois que c'est vous qui avez dit qu'il faudrait éliminer les obstacles tarifaires et non tarifaires à la prochaine ronde de négociations. Quelle monnaie d'échange reste-t-il au Canada, pensez-vous, outre peut-être la vertu, compte tenu de ce qui s'est passé à la dernière ronde?

M. Richard Watson: J'aime bien l'idée de la vertu. Agir de façon juste et convenable est un bon point de départ pour essayer de comprendre ce que tous les producteurs et toute l'industrie cherchent à réaliser. Si les règles du jeu sont équitables, je pense que le Canada peut être un partenaire commercial de premier plan sur la scène internationale. Je pense que nous pouvons favoriser l'essor des industries dans bien des secteurs de la production agricole au Canada parce que nous sommes plus efficaces et plus compétents.

M. Dick Proctor: Je pense que nous sommes probablement tous d'accord avec vous là-dessus. Mais en fait, tant que les Américains et les Européens subventionnent autant qu'ils le font, et rien n'indique que ces avantages financiers vont être réduits de façon importante...

M. Richard Watson: Précisément. Je pense que c'est la voie que nous essayons de suivre. Nous voulons que les pays du monde suppriment les subventions et les restrictions. Cela exige une certaine initiative de notre part pour libéraliser nos pratiques commerciales. Je pense que nos négociateurs ont bien travaillé lors de la première ronde de négociations et qu'ils doivent continuer dans la même voie. Quels que soient les moyens de négociations qu'ils prennent, nous devons viser la libéralisation et la suppression des restrictions commerciales. Ce qui va ouvrir des débouchés, ce n'est pas protéger ce qui est faible, mais offrir des conditions favorables à ce qui est fort.

M. Dick Proctor: Monsieur le président, j'aimerais entendre l'avis du Syndicat national des cultivateurs. Je pense que ses représentants voulaient aussi répondre.

M. Cory Ollikka (vice-président, Syndicat national des cultivateurs (Alberta)): Merci, monsieur le président.

Nous nous sommes un peu penchés là-dessus hier quand nous avons parlé de la crise des revenus agricoles. Il est clair que l'Organisation mondiale du commerce ne respecte pas les accords déjà conclus sur les subventions à l'exportation.

Pour répondre en partie à votre question, je pense que nous ne devrions pas agir tant que ce qui a déjà été convenu n'est pas suivi. Il faut se demander si l'économie et le commerce sont au service des gens, ou si ce sont les gens qui sont au service de l'économie et du commerce.

Je pense que les agriculteurs ne profitent vraiment pas des retombées que la libéralisation des échanges commerciaux est censée produire. Je ne dis pas qu'il ne doit pas y avoir d'échanges commerciaux, mais les échanges doivent évidemment servir la société.

Quand on libéralise les échanges commerciaux, il y a deux possibilités. La concurrence internationale fait probablement intervenir une des deux possibilités suivantes. Comme mon collègue l'a dit, vous devez faire concurrence soit à des produits lourdement subventionnés sur le marché mondial—bien sûr par des gouvernements étrangers—soit à des institutions et à des entreprises puissantes qui ont beaucoup d'influence sur le marché, ce qui, dans un cas comme dans l'autre, empêche la richesse de profiter aux producteurs de matières premières.

Il faut donc être très prudents quand on libéralise les échanges pour ne pas restreindre la circulation des capitaux. L'Accord de Bretton Woods de 1944, qui visait à libéraliser les échanges commerciaux, a également limité et réglementé la circulation des capitaux. Si on ne favorise pas les deux en même temps, les institutions et les sociétés influentes qui contrôlent les marchés mondiaux ne produiront pas dans l'intérêt de la population du pays parce qu'elles ne font pas fructifier les capitaux dans le pays.

M. Dick Proctor: J'ai seulement une autre question à poser, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre réponse.

Hartley Furtran, ancien sous-ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan, est maintenant un économiste respecté de l'Université de la Saskatchewan. Il y a quelques semaines, il a déclaré que la situation économique du Québec dans le secteur agricole ne semblait pas être si désespérée parce qu'on faisait front commun pour tous les agriculteurs dans cette province.

Nous parlons ce matin de former des alliances avec d'autres pays partageant les mêmes idées que nous. Mais pensez-vous—et je m'adresse ici aux trois groupes avec lesquels j'ai le plus d'affinités et qui représentent divers groupes de producteurs agricoles—que vous pouvez former une alliance quelconque entre vous de façon à parler d'une même voix? Il y a beaucoup de disparités. Les groupes précédents nous en ont beaucoup parlé. Il faut le savoir pour que nos négociateurs commerciaux puissent bien comprendre ce que nous devrions faire au cours de la prochaine ronde. J'aimerais que chacun d'entre vous me réponde assez rapidement si possible.

• 1010

Le président: Très rapidement.

M. Randall Affleck: Je serai bref.

Je ne crois pas que ce soit réaliste de s'attendre à ce qu'on ait une position commune sur les questions d'intérêt public, pas seulement dans le secteur agricole, mais dans tous les domaines. Si c'était le cas, beaucoup de nos problèmes nationaux seraient faciles à régler. Je participerais toujours à un débat nous permettant d'exposer nos idées et permettant aux agriculteurs de se prononcer. Je respecterais leur verdict quel qu'il soit. Mais pour ce qui est d'une position commune, franchement, je ne crois pas que ce soit réaliste.

Le président: Une réponse brève, M. Hacault.

M. Marcel Hacault: Je pense que ce serait possible dans le cas d'objectifs communs; et il y a probablement beaucoup d'objectifs communs sur lesquels beaucoup de groupes pourraient s'entendre. Mais il y aura des dossiers à propos desquels on ne parviendra pas à un accord. Je ne sais pas comment remédier à cela, mais nous devrions au moins nous concentrer sur les points communs qui existent entre les groupes.

Le président: Il faudra attendre plus tard pour entendre la réponse de quelqu'un d'autre à ce sujet. Je cède maintenant la parole à M. Bonwick pour cinq minutes.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président. Contrairement à mon ami normand, je pense que j'ai tendance à être un peu plus tranché sur la question, étant donné que je viens d'une circonscription rurale.

Je suis sensible à ce que M. Affleck a dit et j'ai pensé prendre un petit moment pour répondre à mon collègue du Parti réformiste, M. Hoeppner, qui a contesté les systèmes de vente dirigée malgré le succès obtenu au cours des années, et cité en exemple le cas de la CCB et des difficultés qu'il a eues avec elle. Toutefois, il y a sûrement des résultats très positifs attribuables à la CCB.

Vous avez parlé de la gestion de l'offre et des systèmes de vente dirigée. M. Calder a aussi abordé cette question la semaine dernière, je crois. On tient ces méthodes pour acquis dans beaucoup d'autres industries, mais on semble les rejeter dans le secteur agricole. Beaucoup d'autres industries ont des systèmes de vente dirigée et des programmes de gestion de l'offre et, pourtant, dans certains milieux politiques, on a tendance à les contester.

Je me demande ce qu'il y a de mal à savoir comment vous devez produire, ce qui vous permet de gérer de façon efficace, d'atteindre les niveaux de qualité très élevés auxquels les Canadiens s'attendent et d'obtenir, en retour, un prix équitable.

Je n'ai pas entendu les producteurs de porcs en discuter, et si cela m'a échappé, je m'en excuse. Ont-ils pensé à demander au comité ou au ministère de l'Agriculture de vérifier s'il ne serait pas possible de mettre en oeuvre un système de gestion de l'offre dans ce secteur de l'économie?

Si vous comptez poser la question aux producteurs de porcs, je vais passer à ce que M. Watson a dit et qui me préoccupe beaucoup au sujet d'une industrie agricole complètement ouverte, qui sèmerait la pagaille si je puis dire, une industrie déréglementée, sans tarif.

Je me demande si vous y pensez. N'êtes-vous pas inquiet de constater qu'il n'y a jamais eu si peu de stabilité dans l'industrie agricole, que de moins en moins de jeunes prennent la relève de leurs parents dans l'exploitation familiale ou achètent des exploitations agricoles? Il y a sûrement différents problèmes rattachés à cela, mais un des grands malaises est le fait qu'il y a beaucoup d'instabilité et d'incertitude entourant l'avenir des exploitations familiales. Ce que vous dites ne ferait qu'accroître l'incertitude. Si on ne peut produire un produit de façon efficace et être assuré, en fonction de la qualité exigée, d'en tirer un prix équitable, on ne peut rester en affaires.

À mon avis, on ne peut comparer une exploitation agricole à une voiture ou à un ordinateur. C'est différent. La souveraineté de notre pays, notre capacité de vivre, dépend de ce que les agriculteurs produisent, et je pense qu'il faut les traiter en conséquence et non pas les assimiler aux fabricants d'automobiles ou d'ordinateurs.

Voilà des commentaires que je voulais exprimer...

Le président: Les commentaires vont devoir être assez courts. Je dois rappeler aux députés que, s'ils prennent beaucoup de temps pour poser leurs questions, il ne restera pas beaucoup de temps pour les réponses. Il s'agit de définir vos priorités.

Monsieur Watson, vous avez à peu près une minute pour répondre.

• 1015

M. Richard Watson: À mon avis, nous voulons qu'il y ait libéralisation des échanges commerciaux pour offrir des débouchés aux producteurs agricoles. On a dit plus tôt que certains problèmes sur les marchés mondiaux sont attribuables aux subventions versées par d'autres pays. Quand on parle de règles équitables en matière de commerce et de libéralisation des échanges commerciaux, on ne parle pas seulement des obstacles tarifaires, mais aussi de l'aide et de la participation gouvernementales. Si le marché peut déterminer le prix indépendamment des mesures internationales en jeu—et je pense que nous savons tous ce qui fait baisser les prix à l'étranger et nous cause des ennuis—et si nos négociateurs peuvent réussir à éliminer cet obstacle qui exerce des pressions sur notre marché, les prix vont monter, il y aura des débouchés pour le secteur agricole canadien et cela va aider nos producteurs.

Le président: Qui veut répondre à la première question?

M. Paul Bonwick: Je m'excuse, j'ai parlé des producteurs de porcs.

Le président: Je m'excuse. M. Armstrong ou...

M. Martin Parent: Au sujet des producteurs de porcs, si les pratiques commerciales dans le monde sont équitables, les producteurs canadiens auront des perspectives de croissance. Ils vont se développer, créer plus d'emplois au Canada et générer plus de revenus si les pratiques commerciales sont équitables. Voilà pourquoi nous voulons l'élimination des tarifs douaniers pour les autres pays importateurs et des obstacles non tarifaires.

Le président: Merci, M. Parent.

Le temps du député est écoulé. Nous passons à Mme Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Watson, dans votre exposé, vous avez dit deux fois—de façon à bien faire passer le message, manifestement—que la stratégie de négociation doit être cohérente, réaliste et réalisable. Voulez-vous dire que les dernières négociations ne l'étaient pas?

M. Richard Watson: Non. Je pense qu'évidemment il faut ramper avant de pouvoir marcher, et marcher avant de pouvoir courir, et que nous avons franchi les premières étapes nécessaires. Je pense que nous devons simplement continuer dans cette voie et progresser.

Mme Rose-Marie Ur: Encore dans votre exposé, vous avez dit que, malgré un accord commercial multilatéral destiné à diversifier la destination finale des exportations canadiennes, nos ventes sont aujourd'hui encore plus concentrées sur les marchés américains qu'elles ne l'étaient en 1990. Comment proposez-vous de commencer à changer les choses à ce sujet?

M. Richard Watson: Par exemple, dans le secteur des oléagineux, qui est visé par un accord de libre-échange, nous exportons deux fois plus de tourteau de canola et peut-être trois fois plus d'huile de canola. Les activités de production et de traitement dans ce secteur se sont développées de façon à soutenir l'industrie agricole. Il faut simplement étendre le concept des pratiques commerciales ouvertes à d'autres pays, comme la Chine et le Japon, et exporter ailleurs dans le monde, en réduisant au minimum nos restrictions aux États-Unis. En bout de ligne, c'est l'industrie et l'agriculture du Canada qui en profiteront.

Mme Rose-Marie Ur: Je m'adresse maintenant aux représentants du Syndicat national des cultivateurs. Hier, quand vous avez fait votre exposé, il a été question des problèmes des producteurs laitiers avec l'huile de beurre et le sucre et, aujourd'hui, vous dites que nos représentants doivent défendre davantage les producteurs, comme Mme Alarie l'a aussi fait remarquer. Même si j'étais une toute nouvelle députée à l'époque, en 1993, j'avais l'impression que les informations—et c'est toujours ce qu'on nous a dit au cours des présentes audiences sur l'OMC—venaient des producteurs de denrées de base pour être transmises au... C'est M. Doyle, je crois, qui était votre représentant aux négociations. Dites-vous que les informations que les producteurs ont fournies à M. Doyle n'ont pas été présentées à la table au nom des producteurs? Le gouvernement ne peut tenir compte que des informations qui lui sont transmises par les dirigeants agricoles.

M. Randall Affleck: Les négociateurs et le gouvernement du Canada sont arrivés à un compromis. Ils ont converti les barrières non tarifaires à l'importation en contingents tarifaires, et ils ont instauré un tarif élevé pour protéger l'industrie. Leur objectif était, en bout de ligne, de les réduire à zéro. C'est ce qui a compromis la gestion de l'offre. L'industrie laitière ne s'en va pas à la dérive à la suite de cela, mais elle n'est sûrement pas aussi rentable qu'au début.

J'aimerais répondre à la question de M. Proctor qui demandait ce qu'il nous restait comme monnaie d'échange. Toutes les mesures demandées, la réduction des contingents tarifaires, une définition plus ou moins large des questions environnementales, une définition plus étendue des subventions à l'exportation, vont nuire à la politique nationale du Canada en matière d'exportation.

• 1020

Mme Rose-Marie Ur: C'est juste. Je peux comprendre ce que vous dites. Je vous crois. Mais j'aimerais savoir pourquoi vos représentants ne s'en sont pas aperçu et n'ont pas signalé la chose.

M. Randall Affleck: Oh, je crois qu'ils l'ont fait. Je crois vraiment qu'ils savaient que l'industrie était en danger. Mais pour ce qui est de la protection, la décision a été prise par le gouvernement du Canada.

Mme Rose-Marie Ur: Parlez-vous de l'huile de beurre et du sucre?

M. Randall Affleck: Non.

Mme Rose-Marie Ur: Bien, c'est ce que je dis.

M. Randall Affleck: C'est quelque chose qui a échappé à tout le monde.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord, c'est ce que j'essaie d'éclaircir.

M. Randall Affleck: Bon. Voici comment j'interprète ce que j'ai lu sur le comité qui s'est occupé de l'huile de beurre. Il y avait des fonctionnaires de je ne sais plus quel ministère qui étaient spécialisés dans les lignes tarifaires, je crois. Avant que les négociations là-dessus commencent, un importateur leur a demandé si, comme le pourcentage était de 49 p. 100 pour l'huile de beurre et de 51 p. 100 pour le sucre, le tarif s'appliquerait. Il ne devait pas s'appliquer à ce moment-là.

Puis, les négociations ont commencé. Ils ont négocié en sachant très bien qu'il y avait une faille. Ce n'était pas nécessairement les négociateurs ni les représentants du gouvernement. Mais c'était connu avant. C'est du moins ce que je crois comprendre de ce que j'ai lu. Pour moi, c'est criminel.

Le président: Il vous reste une minute.

Mme Rose-Marie Ur: Monsieur Watson, vous dites que votre organisme est composé de membres de l'industrie de la transformation.

M. Richard Watson: Oui, nous regroupons 15 membres de l'industrie de la transformation au Canada.

Mme Rose-Marie Ur: Et ils oeuvrent tous seulement dans le secteur de la transformation?

M. Richard Watson: Nous regroupons aussi des associations, comme la Canadian Oilseed Processors Association et le Conseil des viandes du Canada.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord, alors il y a transformation.

M. Richard Watson: Ce sont leurs représentants industriels.

Mme Rose-Marie Ur: Je trouve seulement que...

Mme Patty Townsend (représentante, Alliance canadienne des exportateurs agroalimentaires): Madame Ur, puis-je...

Mme Rose-marie Ur: Je n'ai plus qu'une minute.

Mme Patty Townsend: Si vous avez une minute, ce sont les représentants de producteurs et de fabricants de première transformation.

Mme Rose-Marie Ur: C'est bien.

Ce que vous avez dit sur la gestion de l'offre m'a pour le moins quelque peu choquée. N'est-il pas avantageux d'avoir, grâce à la gestion de l'offre, des produits de qualité et de prix constants, ce qui vous permet de savoir à quoi vous attendre et de pouvoir travailler plus efficacement? Dieu seul sait où nous en serions si la gestion de l'offre n'existait pas pour venir en aide à nos producteurs agricoles.

Le président: Que votre réponse soit brève, je vous prie.

M. Richard Watson: Encore une fois, nous voulons avoir des pratiques commerciales équitables. Nous ne voulons pas compromettre la qualité ni les produits de l'industrie, mais nous voulons promouvoir l'essor de l'industrie. Je pense qu'un marché libre peut nous permettre de le faire.

Mme Rose-Marie Ur: Ce sera au détriment de la gestion de l'offre.

Le président: Merci.

M. Richard Watson: Non, je ne pense pas que ça nuise à qui que ce soit. Je pense que c'est une occasion d'offrir plus.

Le président: Merci, monsieur Watson.

Mesdames et messieurs, j'aimerais terminer cette partie de la séance cinq minutes avant l'heure pour pouvoir poursuivre avec nos autres témoins à 11 heures précises.

Cinq députés veulent encore poser des questions. Nous aurons juste assez de temps, je pense, pour qu'ils puissent le faire. Je cède la parole à M. Thompson pour cinq minutes.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Je vais essayer de faire vite.

Dans ma circonscription, il y a énormément de producteurs d'orge, comme certains d'entre vous le savent. Je me rappelle qu'en 1993-1994 le marché s'est ouvert au continent. La situation était florissante. Pour la première fois depuis des années, les marchés rapportaient vraiment des bénéfices aux producteurs.

Je me rappelle aussi quand la porte s'est refermée. La concurrence a cessé et on est revenu à la vente à guichet unique.

J'ai assisté à des conférences sur l'orge à Banff auxquelles ont participé des acheteurs américains. Ils voulaient acheter notre produit dans les pires moments. Nous avons tout tenté parce que nous voulions conclure des ventes. Mais toutes nos initiatives ont été interrompues par les sociétés céréalières qui ont poursuivi le gouvernement fédéral devant les tribunaux et mis un terme à cette pratique.

Je suis vraiment choqué d'entendre que les producteurs doivent payer des frais de nettoyage et que leur produit est dévalué. C'est ce qu'a dit M. Rockafellow. On dit que c'est ainsi que le système fonctionne. Quel genre de système fermerait la porte à des gens qui essaient de gagner leur vie et qui réussissent à le faire dans certaines circonstances et pas dans d'autres? La porte se ferme.

À peine cinq ans plus tard—et même moins—les mêmes producteurs vivent comme dans les années 30. Nous avions fait des progrès. Nous avions ouvert la porte. Les choses commençaient à changer.

• 1025

Je m'excuse, mais ça me paraît tout à fait insensé que la situation progresse très nettement et qu'ensuite notre gouvernement et les tribunaux ferment la porte à un marché qui fonctionnait si bien, à un marché que les acheteurs américains recherchaient manifestement. Quelqu'un va devoir m'expliquer cela clairement.

J'aimerais d'abord entendre les commentaires du Syndicat national des cultivateurs sur ce que la WBGA dit, puis sur ce que j'ai dit, et sur tout autre sujet, et je vais me taire.

M. Greg Rockafellow: Évidemment, monsieur Thompson, c'est ce que nous sommes venus dire. C'était une période difficile. Nous avions accès au marché continental de l'orge et l'industrie prospérait, et les producteurs étaient en fait très heureux des résultats de cette culture. Hélas, les choses ont changé.

J'ai signalé dans notre mémoire que la Commission du blé va probablement exporter seulement 300 000 tonnes d'orge fourragère cette année, au lieu de deux millions de tonnes, comme elle en avait l'habitude. C'est dû en grande partie à la conjoncture sur le marché mondial, bien sûr, mais aussi à la qualité du produit livré depuis quelques années, qui n'était pas très bonne.

Les 58 livres d'orge fourragère que je produis sur ma terre contiennent 0,5 p. 100 de matières étrangères. Quand elles quittent Vancouver, il reste 46 livres d'orge contenant 2,5 p. 100 de matières étrangères, et on me charge 4,50 $ la tonne en frais de nettoyage. C'est ridicule. Si on ne réussit pas à améliorer le système, les producteurs vont cesser de cultiver cette céréale.

Dans la région où je vis actuellement, il y a cinq usines de traitement de la fléole des prés qui est exportée sur le marché asiatique. Ces producteurs touchent 205 $ la tonne de foin à la sortie de leur exploitation et produisent quatre tonnes à l'acre. Ils ne cultivent plus d'orge. L'an dernier, une de ces cinq usines a vendu la valeur de 30 000 acres de graines de fléole. Les producteurs vont arrêter cette culture si le système ne change pas.

Franchement, ça m'est plutôt égal, mais ce sont les producteurs de porcs et d'aliments pour bétail qui vont souffrir si la situation reste la même. J'ai des choix en tant que producteur agricole. Je peux contourner le système de réglementation quand il ne m'avantage pas, et c'est ce que je vais faire.

Le président: Monsieur Affleck, voulez-vous dire quelque chose?

M. Randall Affleck: Pour ce qui est de mélanger les résidus de nettoyage à l'orge, dans l'industrie de la pomme de terre, par exemple, nous signons un contrat avec un acheteur pour obtenir un produit de catégorie un ou deux du Canada et nous en acceptons une certaine quantité. C'est avantageux pour le producteur qui peut tirer davantage du 100 livres qui sort de son exploitation et maximiser ses recettes. Le client sait à quoi s'attendre.

Pour ce qui est de l'appui, on a tenu un vote sur la question de l'orge récemment, et je crois que les deux tiers des producteurs de l'ouest du Canada ont donné leur appui.

Le président: Je pense que le temps est écoulé. Je cède maintenant la parole à M. Calder pour cinq minutes.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Watson, j'ai écouté certains de vos propos. Vous avez dit que nous devions ramper, puis marcher et ensuite courir. Vous avez parlé de pratiques commerciales équitables et de règles équitables et vous avez dit que nos négociateurs avaient fait du bon travail.

Peut-être devrions-nous revenir un peu sur 1998, sur les résultats des négociations et ce qui a été réalisé. Nous savons, par exemple, que les États-Unis ont adopté la loi FAIR, les mesures d'aide aux agriculteurs, et qu'ils ont revitalisé leurs politiques de stimulation des exportations à un tel point qu'ils vont offrir à leurs agriculteurs des subventions de l'ordre de 15,225 milliards de dollars cette année.

Si on faisait un petit sommaire, par exemple, de la situation du blé et du genre de subventions pour sa production; les agriculteurs européens reçoivent des subventions d'environ 116 $ par tonne de blé, ou 3,15 $ par boisseau; aux États-Unis, c'est environ 72 $ par tonne ou 1,95 $ par boisseau; le Canada, offre 15 $ la tonne ou environ 40c. le boisseau de blé, et en Australie c'est 13 $ la tonne ou environ 35c. le boisseau.

Comment en arriverons-nous à créer les règles du jeu équitables dont vous parliez et des pratiques commerciales loyales? Est-ce que nous ne ferons que rester là à ne rien faire pendant que tout le monde nous rattrape? Donnons aux négociations le titre de ce qu'elles sont réellement; c'est un système de troc. Comment nous y prendre?

M. Richard Watson: Je suppose que si j'avais une réponse à cette question, je serais avec les négociateurs plutôt que d'être l'un des représentants du groupe d'exportateurs.

• 1030

Je crois que nos négociateurs mettent de l'avant certains concepts en vue de l'adoption de pratiques commerciales plus équitables et plus équilibrées. Au milieu de tout cela, il y a les pratiques qui exercent un effet de distorsion sur les échanges, que vous avez mentionnées. Lorsque nous parlons d'échanges commerciaux équitables et ouverts, nous faisons allusion à l'égalité entre tous les compétiteurs sur le marché mondial. À mon avis, c'est ce que nous devrions viser, et nous devons faire en sorte que nos négociateurs fassent pression en ce sens. Il me semble qu'ils ont déjà adopté cette orientation. Je reconnais en outre que cela n'a rien à voir avec les restrictions qui ont été imposées sous forme de tarifs douaniers, de quotas, etc. Il faudra du temps, et procéder en plusieurs étapes. La première étape n'a pas eu tous les résultats escomptés, mais c'était un début, et nous devons continuer sur la même voie.

M. Murray Calder: Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Cory Ollikka: Merci, monsieur le président.

Le commerce ouvert, c'est bien beau, et je ne crois pas que quiconque s'y oppose. Bien que les agriculteurs étaient bien prêts à croire qu'ils allaient bénéficier des retombées du commerce ouvert, ils ont compris que ce ne serait vraiment pas le cas. C'est une question d'accès libre par opposition au pouvoir sur le marché et je crois que, du point de vue des agriculteurs, ce serait une erreur que les négociateurs ne négocient pas plus que l'accès libre à divers marchés auxquels ils veulent peut-être, ou peut-être pas, accéder. Manifestement, c'est en Europe et aux États-Unis que les cours sont élevés sur les marchés.

Ce qu'il faut vraiment aux agriculteurs, c'est avoir la liberté et les moyens de créer leur propre pouvoir collectif de mise en marché. Cela touche aussi la Commission canadienne du blé. Il est clair que le vote sur l'orge, dont mon collègue a parlé, démontre que les agriculteurs trouvent que le meilleur moyen pour eux de rivaliser sur le marché mondial est d'assurer collectivement la mise en marché de leurs produits, ou par le truchement de ce qu'on peut appeler, si on veut, des organismes commerciaux d'État; ce concept a une petite consonance soviétique—la mise en marché assurée directement par les agriculteurs.

C'est une question d'accès par opposition au pouvoir sur le marché, et manifestement, l'accès n'a rien donné, à cause des pratiques commerciales déloyales dont vous avez parlé, monsieur Calder.

M. Murray Calder: Est-ce que quelqu'un a des commentaires à faire?

M. Marcel Hacault: Certaines personnes ont mentionné que nous devrions peut-être analyser ou cerner ce qui n'a pas été déterminé lors de la dernière ronde de négociations avant de poursuivre, mais je crois que ce n'est qu'un élément de la solution. Nous devrions aller de l'avant, probablement par étapes, pour définir les règles d'harmonisation et comment régler les questions relatives à l'Accord SPS, et tout cela.

D'un autre côté, le Canada devrait probablement se montrer plus agressif. Comme le disait M. Hoeppner, pourquoi sommes-nous dans une situation déficitaire dans nos relations commerciales avec l'Italie? Est-ce à cause des règles commerciales ou des obstacles non commerciaux? Je crois que nous devons faire preuve d'agressivité et tenter de déterminer pourquoi il en est ainsi. Une fois que nous le saurons, nous devrons l'ajouter à la liste des choses à régler afin d'accéder à ces marchés.

Le président: Ça y est, le temps est écoulé pour ce tour de questions.

Laissons maintenant la parole à Mme Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Monsieur Rockafellow, dans votre exposé, vous disiez que les politiques internes du Canada bloquaient en quelque sorte la compétitivité et que les politiques agricoles étaient vraiment inflexibles. Pouvez-vous m'en donner des exemples concrets?

[Traduction]

M. Greg Rockafellow: En ce qui concerne la politique intérieure, je voudrais attirer votre attention sur l'incroyable difficulté dans laquelle se trouve actuellement l'industrie de l'orge brassicole. J'ai parlé avec plusieurs personnes, des négociants de grandes malteries. L'un d'eux me disait, il y a quelques semaines, qu'il avait besoin de 700 000 tonnes d'orge brassicole et qu'il n'arrivait pas à l'obtenir. Nous savons, bien sûr, que les cours de l'orge sur les marchés mondiaux sont au plus bas. La Commission canadienne du blé—ce n'est pas sa faute—a établi une politique de prix, en fixant le paiement d'acompte à un certain niveau, et parce que les cours mondiaux sont tombés au-dessous de ce niveau, les entreprises de maltage ne peuvent tout simplement acheter aucun produit pour le vendre sur le marché mondial. Elles y perdraient de l'argent.

Au pays, je crois que les acheteurs de malt aux fins d'exportation paient environ 190 dollars par tonne. Je ne connais pas les chiffres réels parce que je n'ai pas le droit de les connaître. C'est un secret. Le cours du malt sur le marché mondial, je crois, est de 130 dollars la tonne. La Commission du blé les oblige à payer 190 dollars par tonne. Ils ne peuvent pas vendre leur malt sur le marché de l'exportation. Ils y perdraient à tout coup. Nous vendons habituellement environ 2,4 millions de tonnes d'orge brassicole hors du Canada, sur une récolte d'environ 13,5 millions à 15 millions de tonnes. Cette année, ce sera peut-être un million de tonnes.

• 1035

[Francais]

Mme Hélène Alarie: Je pense que monsieur voulait continuer à répondre.

[Traduction]

Le président: Vous avez la parole, M. Ollikka.

M. Cory Ollikka: Merci, monsieur le président.

Je crois qu'il est important de mentionner que le problème n'est pas dans les programmes d'échanges intérieurs qui font obstacle aux échanges commerciaux. Le vrai problème, ce sont les échanges commerciaux qui empêchent une nation de s'acquitter de son devoir souverain de protéger ses citoyens et ses agriculteurs. Nous avons déjà eu cette discussion hier, dans le cadre de l'audience sur la crise des revenus agricoles. Beaucoup de gens redoutent déjà que notre pays soit empêché de protéger ses citoyens et ses agriculteurs par des dispositions du GATT, de l'OMC ou d'autres accords. Un pays comme le Canada ne devrait pas craindre le contenu des accords commerciaux s'il a voix au chapitre à la table de négociation de l'OMC sur les dispositions de ces accords relatives aux droits de protection des citoyens et des agriculteurs. Le problème, c'est que lorsque les négociateurs vont à la table de négociation, ils ne devraient pas être prêts à marchander le droit souverain du pays de mettre en oeuvre des programmes d'échanges intérieurs.

Le président: Avez-vous terminé, madame Alarie?

Mme Hélène Alarie: Oui.

Le président: D'accord. Merci.

Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Avant de poursuivre, je tiens à m'excuser pour avoir manqué votre intervention, plus tôt. J'assistais à une autre réunion.

J'aimerais tirer quelque chose au clair, avec M. Affleck. Le fait est que le gouvernement actuel n'avait pas d'article 11 à négocier. Nous sommes arrivés au pouvoir en 1993, et la question avait déjà été réglée deux ans plus tôt. On a voulu nous faire croire que notre gouvernement avait quelque chose à y voir, mais c'est faux. Cela dit, je voudrais passer à l'étape suivante.

Dans le fond, si on compare notre situation d'il y a cinq ans avec celles d'aujourd'hui, les accords de commerce international étaient censés faciliter les choses, ou rendre les règles du jeu plus équitables, si on veut. Mais il n'y a qu'à regarder la situation des agriculteurs aujourd'hui; les secteurs qui ont été l'objet de la gestion des approvisionnements sont maintenant à nos portes à réclamer de l'aide.

Il n'y a pas une seule industrie, au pays, qui ne soit pas autonome. Je me rappelle très bien l'époque, il y a longtemps, où Chrysler était en crise. Ils avaient des voitures qu'ils ne pouvaient vendre, et ils ne pouvaient même pas en offrir deux pour le prix d'une parce qu'ils n'arrivaient pas à les vendre. Ils les ont reprises, en ont sorti les moteurs, les ont refait fondre et ont fabriqué de nouvelles voitures. Les agriculteurs ne peuvent en faire autant. En tant qu'agriculteurs, il est temps que nous nous reprenions—et je devrais préciser que je suis éleveur de porcs, alors je sais très bien de quoi je parle.

Monsieur Watson, lorsque je vous entends parler des obstacles qui se posent à nous, l'obstacle, d'après vous, à ce que je peux voir, c'est que vous n'avez pas accès à assez de produit pour rien ou à très bas prix. À mon avis, vous faites insulte aux agriculteurs. Ils sont prêts à produire tout ce que vous voulez du moment que vous le payez à sa juste valeur. Il n'y a qu'une chose qui compte pour eux, et c'est le résultat net à la fin de l'année.

Lorsque nous négocions des accords, le plus grand obstacle qui se pose à nous, ce sont les trésors étrangers. Si on peut négocier une entente qui empêche les trésors étrangers d'octroyer des subventions, les agriculteurs canadiens pourront se mesurer aux meilleurs marchés du monde.

J'aimerais entendre vos commentaires sur certaines de ces questions, même si j'ai des tas d'autres choses à dire. Vous avez parlé d'obstacles, mais j'ai l'impression que l'obstacle dont vous parliez, c'est en réalité l'accès au produit.

M. Randall Affleck: J'aimerais souligner que la clé du succès, pour l'industrie laitière qui n'a pas besoin de subventions, c'est la discipline dans la production, comme vous le disiez. Je voudrais brièvement citer Harlan Hughes, un économiste spécialiste du domaine du bétail, de la North Dakota State University. Il a écrit récemment un article dans le journal The Manitoba Co-Operator, dans lequel il affirme que «le principal problème des marchés agricoles modernes est qu'il faut faire quelque chose pour réduire fondamentalement l'approvisionnement de la plupart des produits agricoles». Pour ce qui est du bétail, il continue en parlant des quantités records de boeufs et de porcs—et nous sommes au courant aussi des niveaux records de production de céréales.

Nous avons constaté que la stratégie actuelle ne donne rien aux agriculteurs. Pour les aider, pourquoi le Canada ne prendrait-il pas les devants lors des négociations de l'OMC en proposant de définir une espèce de discipline internationale en matière d'approvisionnement? Il ne me semble pas que nous ayons essayé cela. Je ne sais pas dans quelle mesure nous y arriverions, mais le Canada peut, lui aussi, être un chef de file dans le cadre de ces négociations.

Le président: M. Dewar voulait intervenir.

• 1040

M. Donald Dewar: Vous avez parlé des trésors d'autres pays. J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Franz Fischler, lorsqu'il était ici en juin. Il nous a bien fait comprendre que les politiques intérieures européennes soutiendraient l'agriculture. En vertu du programme d'Action 2000, lorsqu'ils devront modifier leurs subventions à la production afin de respecter les exigences relatives aux dépenses de catégorie «boîte verte», les Européens verseront ces subventions à titre de subventions à l'environnement, et ils les augmenteront. Nous rêvons en couleurs si nous pensons pouvoir les faire changer d'idée, parce que pour eux, c'est une question sociale. Nous ne devrons pas oublier cela, lorsque nous arriverons à la table de négociation.

Je suis d'accord avec la coalition. Nous devrons définir ces subventions des catégories «boîte bleue» et «boîte verte» et nous devrons veiller à ce qu'elles soient utilisées aux fins pour lesquelles elles sont prévues. Sur ce plan-là, nous faisons les choses... Nous devons colmater les failles des dernières négociations avant d'aller de l'avant.

Le président: Il vous reste moins d'une minute, Paul. Voulez-vous la consacrer à...

M. Paul Steckle: J'aimerais demander à M. Watson s'il veut bien commenter ces obstacles dont nous avons parlé.

Le président: Monsieur Watson, vous avez quelques secondes.

M. Richard Watson: Lorsque je parle d'obstacles, je veux dire ce qui nous empêche d'accéder aux marchés mondiaux pour stimuler notre marché.

Nous sommes bien conscients des pressions que subit le secteur porcin de la communauté agricole. Les éleveurs de porcs sont nos clients. Les producteurs de soja et d'huile de beurre, dans le secteur où j'oeuvre, sont nos fournisseurs et, d'une certaine manière, aussi nos clients. Les mesures qui favorisent les producteurs agricoles profitent à toute l'industrie, dont l'agriculteur et le transformateur. Nous cherchons des débouchés dont tout le monde, dans l'industrie, pourrait tirer parti, et particulièrement les producteurs puisqu'ils sont le fondement de notre industrie.

Je ne dis pas que je m'y objecte, mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec le point de vue selon lequel le principe des retombées ne donne rien. Je crois que ce qu'il nous faudrait, en ce moment, c'est plus que de petites retombées. Permettez-moi de vous donner un exemple. Dans l'industrie de la production de soja, en Ontario, lorsque l'office de producteurs de soja et les transformateurs négociaient entre eux, nous nous affrontions au sujet du prix à payer pour le soja. À un moment donné, au milieu la dispute, nous nous sommes rendu compte qu'il nous faudrait nous entendre. Nous allions devoir tenter d'élaborer des politiques favorables à la croissance de l'industrie et de notre compétitivité. En appuyant l'accord de libre-échange avec les États-Unis, nous avons amélioré l'accessibilité de tout le secteur des fèves oléagineuses et soutenu sa croissance. Nous avons doublé la superficie de production du soja. Nous avons conservé le cours du soja à un niveau supérieur à celui de toutes les autres céréales et fèves oléagineuses du pays. Tout cela ne s'est pas fait au profit des uns et au détriment des autres; ça a été pour stimuler et soutenir l'industrie.

Alors tout ce que nous essayons de faire, vraiment, c'est de libéraliser le secteur et d'ouvrir les débouchés. Ce n'est certainement pas pour saper le secteur. Nous cherchons à adopter une orientation qui soit profitable au secteur agricole du Canada.

Le président: Merci.

Avant de laisser la parole à M. Hoeppner, j'aimerais poser une question à M. Rockafellow.

Dans votre déclaration préliminaire, Greg, vous vous êtes dit en faveur de l'élimination totale des programmes qu'on dit de catégorie «boîte bleue». Plus loin, vous avez dit que l'Union européenne, dans le cadre de son programme Action 2000, allait éliminer les subventions à l'exportation et les remplacer par des paiements directs. Vous semblez appuyer ce genre de mesure, mais je croyais que les paiements directs s'inséraient dans les programmes de catégorie «boîte bleue». Donc, d'un côté vous appuyez les paiements directs mais de l'autre, vous souhaitez l'élimination des programmes boîte bleue. Pourriez-vous m'expliquer cela?

M. Greg Rockafellow: Oui, je vous remercie.

Comprenez-moi bien. Je ne suis absolument pas d'accord avec les programmes boîte bleue. Cependant, j'ai aussi eu l'occasion de rencontrer M. Fischler à Winnipeg. Monsieur Harvard, je sais que vous avez aussi eu cette chance, dans le cadre du sommet Canada-États-Unis sur les céréales qui s'est tenu à Banff. La semaine dernière, des participants de l'Union européenne ont assisté à la conférence Horizon le monde, qui a eu lieu à Red Deer. Chaque fois, le sujet de la boîte bleue est revenu sur le tapis.

J'ai eu la chance d'avoir pour compagnons de table, la semaine dernière, des représentants de l'Union européenne, et absolument rien ne pourra les convaincre d'abandonner les programmes de la catégorie boîte bleue. Nous assistons déjà à un raz-de-marée d'avoine sur les États-Unis, venant de l'Europe. Ce que je crains—et je crois que c'est ce qui se passe mais j'espère me tromper—c'est que lorsque le programme Action 2000 sera mis en place, l'Europe aura la possibilité de mettre sur le marché mondial plus de produits qu'elle n'a pu le faire ces quelques dernières années, depuis l'adoption des réformes, en 1992.

Donc non, je ne suis pas en faveur des programmes boîte bleue. Je suis d'accord que le Canada devrait remplacer les programmes de cette catégorie par des programmes de catégorie boîte verte—cela ne fait aucun doute—mais je crois que nous devons nous tenir prêts à ce que l'Europe s'y refuse.

Le président: Merci, Greg.

M. Hoeppner sera le dernier à poser des questions.

Jake Hoeppner: Merci beaucoup.

Je veux en venir à un délai d'exécution. Je suis l'un des députés dont un oncle est mort de faim en 1922, en Union soviétique, le pays le plus riche du monde à l'époque.

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Je ne pense pas que nous ayons un excédent de production. C'est plutôt la distribution qui fait défaut. Des millions de gens meurent encore de faim tous les jours. Ce que nous devons entre autres reconnaître, et je suis content de l'entendre dire ici aujourd'hui, c'est que les Européens ne laisseront jamais leurs agriculteurs de ne pas être rentables, qu'il s'agisse de dépenses de la catégorie «boîte bleue», de programmes de la catégorie «boîte verte» ou que sais-je encore. C'est un fait.

Je demande aux représentants de chaque industrie de me dire de combien de temps nous disposons selon eux pour rentabiliser l'industrie agricole au Canada? C'est le but qu'il faut viser si nous ne souhaitons pas sa disparition.

Monsieur Watson, je crois, n'a pas autant de problèmes car l'industrie des oléagineux se porte assez bien. Comme il l'a dit, s'il n'avait pas cultivé des oléagineux cette année sur ses terres, les siens seraient vraiment affamés. Je sais que les producteurs d'oléagineux font du mieux qu'ils le peuvent pour ne pas recevoir de subventions et pour en faire une industrie rentable, ce qui est probablement le cas pour les autres.

Je demande donc aux représentants de chaque industrie de combien de temps nous disposons, à leur avis, pour résoudre ces problèmes si nous voulons être rentables ou le demeurer?

Le président: M. Affleck.

M. Randall Affleck: En ce qui a trait au délai, cela dépend de la coopération et du partenariat que nous établirons avec le gouvernement pour axer nos efforts vers l'atteinte d'objectifs qui seront dans l'intérêt des agriculteurs et qui assureront l'autosuffisance alimentaire à l'échelle mondiale. M. Hoeppner ne pouvait tomber plus juste lorsqu'il a parlé des pays d'Europe. D'une part des gens meurent de faim et, d'autre part, les gouvernements ne sont absolument pas prêts à modifier les programmes agricoles pour ce qui est d'assurer leur sécurité alimentaire.

J'ai parlé plus tôt de la Via Campesina. Il s'agit d'une organisation internationale en expansion qui représente 37 pays à travers le monde dont un grand nombre sont très pauvres et ont du mal à nourrir leurs populations. L'offre excédentaire N'est pas attribuable à un manque de besoins mais plutôt à l'absence de marchés bien nantis financièrement. C'est ce qui complique la crise financière au Canada. Comment allons-nous nous en sortir? Où sont les marchés? C'est la raison pour laquelle la Via Campesina et un grand nombre de gouvernements à travers le monde poussent l'idée de l'autosuffisance alimentaire. Il s'agit de protéger avant tout votre base de production alimentaire nationale et d'exporter l'excédent en adoptant une approche coopérative.

Le président: Monsieur Watson.

M. Richard Watson: J'ai entendu dire que l'idée de se replier sur soi plutôt que de se tourner vers l'extérieur peut parfois donner lieu à quelques-uns des programmes que l'on retrouve au sein de la Communauté européenne, où on essaie de protéger les producteurs. Lorsque ces pays ont des surplus, comme ils ne savent pas comment les vendre à l'extérieur, ils les subventionnent. Cela ne facilite pas la concurrence. Nous ne voulons plus avoir de mal à soutenir la concurrence et cet aspect devra faire l'objet de la négociation commerciale. Comment convaincrons-nous les Européens de changer?

Cela voudra probablement dire que nous devrons changer nous aussi. Il nous faudra progresser également à travers un processus. Je le répète, les agriculteurs et les producteurs ne peuvent pas dire que nous n'en avons pas assez pour notre argent et des gens meurent de faim partout dans le monde. Ces gens qui meurent de faim n'ont pas d'argent pour acheter de quoi se nourrir. Nous devons ouvrir les marchés qui sont rentables et ont un potentiel de croissance de manière à élargir le bassin. Plus nous servirons efficacement les collectivités, plus nous répartirons largement la richesse à l'échelle de la planète. Au bout du compte, nous en sommes tous au même point. Il nous reste à unir nos efforts et à formuler une stratégie.

M. Jake Hoeppner: J'en suis conscient.

M. Randall Affleck: Me permettez-vous une courte observation?

Le président: Allez-y.

M. Randall Affleck: Pour que les collectivités rurales aient de l'argent, il suffit que les agriculteurs aient un revenu net, ce qui leur permettra d'acheter de la nourriture. Cela s'applique tant au Canada qu'ailleurs dans le monde.

Le président: M. Rockafellow, vous avez quelque chose à dire?

M. Greg Rockafellow: Oui. En fait, tout récemment j'ai fouillé dans quelques graphiques mensuels sur les produits céréaliers qui remontaient à une quinzaine d'années. J'y ai constaté que les prix ont de toute évidence baissé depuis cinq ans, mais que pour les dix années qui ont précédé nous sommes en fait un peu au-dessus.

Nous n'avons pas parlé aujourd'hui des coûts associés aux activités agricoles. Nous serions en bien meilleure posture si certains de nos coûts diminuaient.

Nous avons fertilisé le sol cet automne en vue de l'année prochaine. Le prix de l'ammoniaque ordinaire a baissé, mais tous les autres engrais coûtaient plus cher cet automne par rapport à l'année dernière. Je crois que nous devons aussi exercer des pressions du côté des facteurs de production agricole et tenter de réduire certains coûts. Le prix des produits chimiques ont augmenté deux ou trois fois au cours des deux dernières années. C'est une réalité avec laquelle nous devons composer.

Le président: Merci.

J'ai une brève question pour M. Dewar et nous terminerons là-dessus.

Monsieur Dewar, je vous demande de vous remémorer l'obstruction injustifiée et illégale dont ont été l'objet les camionneurs canadiens tout juste au sud de notre frontière au début de l'automne. Cela a probablement aidé le gouverneur Janklow du Dakota du Sud à se faire réélire, mais la situation a été intolérable pour nous.

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Je crois que cela justifie que nous réclamions un meilleur processus de règlement des différends. Ne nous faut-il pas quelque chose de meilleur que cela à tout le moins pour faire avorter ces différends? Nous avons besoin d'un mécanisme qui nous permettra, si une telle situation se répète, de nous adresser à un tribunal ou d'obtenir une injonction. Nous pourrons ensuite prendre ultérieurement le temps de régler un différend de ce genre.

M. Donald Dewar: Je crois que les choses ont traîné beaucoup plus longtemps que cela aurait dû. Mais, en fait, cela a démontré comment les règles ont joué en notre faveur lorsque le gouvernement du Canada s'est adressé à l'OMC pour obtenir des décisions de même que par l'entremise de l'ALÉNA.

Le président: Oui, mais cela a pris plusieurs jours.

M. Donald Dewar: Cela a pris trop de temps. Nous travaillions en très étroite collaboration.

Comme vous le savez, Keytone Agricultural Producers a des membres du Manitoba Pork Est, des éleveurs de bétail et de toute l'industrie des productions animales. Nous parlions à leurs membres. En les laissant procéder à leur manière, nous avons limité les conséquences au minimum pour nos membres. Ce fut un embêtement qui n'a toutefois pas coûté très cher.

Nous avions peur alors de les irriter davantage. Nous ne voulions pas leur dire que nous faisions toujours entrer nos porcs en Iowa à raison de 25 $ de plus la tonne. Nous ne voulions pas leur dire que le prix du porc avait augmenté parce qu'ils craignaient un approvisionnement limité.

Ces règles ont été salutaires pour nos producteurs. En fait, le système a fonctionné. Il y a toutefois encore lieu de l'améliorer de manière à accélérer le processus.

Le président: Merci beaucoup. Je remercie les témoins et les membres du comité. Je pense que nous avons tous bien collaboré aujourd'hui. Nous avons fait un bon bout de chemin.

Je rappelle à tous que nous reprendrons la séance à 11 heures pile.

Je sais que nous avons tendance à bavarder, mais il nous faudra libérer la place pour un nouveau groupe de témoins. Nous essaierons donc de faire de notre mieux.

Merci beaucoup. Les travaux du comité reprendront à 11 heures.

La séance est levée.