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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 19 novembre 1998

• 0906

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): Chers collègues, je vois qu'il y a quorum. La séance est donc ouverte.

Nous avons aujourd'hui l'honneur d'accueillir des représentants de quatre organismes. Il s'agit de M. Gordon Bacon, président, Pulse Canada; de M. William Leask, vice-président administratif, et de M. Bruce Hunter, directeur du développement des produits, Association canadienne du commerce des semences; de MM. Robert Broeska et Simon Sigal, Canadian Oilseed Processors Association; et de M. Phil de Kemp, Malting Industry Association of Canada.

Qui va commencer aujourd'hui? Est-ce M. Bacon? J'accorde d'abord la parole à M. Bacon.

Bienvenue. Je vous demande de bien vouloir d'abord nous présenter la position de vos associations respectives. Nous vous poserons ensuite des questions.

M. Gordon Bacon (président, Pulse Canada): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais d'abord vous présenter brièvement Pulse Canada. Comme il s'agit d'un nouvel organisme, son rôle et ses responsabilités ne vous sont sans doute pas familiers.

Notre association est une association nationale qui représente des organismes agricoles de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Ontario ainsi que l'ensemble de l'industrie des légumineuses de la Colombie-Britannique jusqu'à la côte Est. Son rôle essentiel est de favoriser le développement des marchés et la promotion des ventes de l'industrie des légumineuses. On considère comme appartenant à ce groupe de produits les pois, les haricots, les lentilles et les pois chiches qui sont cultivés et exportés par les producteurs canadiens.

Si notre objectif premier est de promouvoir les ventes et de développer les marchés, force nous est de nous intéresser de très près à la question de l'accès aux marchés. On comprend aisément l'importance de cette question pour les producteurs de légumineuses quand on tient compte de l'histoire, de la situation actuelle et de la croissance anticipée de notre industrie.

Le Canada est actuellement le plus important exportateur de lentilles et de pois au monde. L'an dernier, 25 000 acres ont produit des pois; l'an prochain, la superficie consacrée à cette culture devrait atteindre 300 000 acres. La production de haricots colorés augmente, pour sa part, rapidement dans l'Ouest canadien. Le Manitoba est d'ailleurs la province qui produit le plus de haricots au pays. À notre avis, cette culture présente un potentiel prometteur grâce à son aptitude à fixer l'azote—c'est-à-dire qu'elle ne nécessite pas d'engrais à l'azote—et qu'elle se prête à la rotation des cultures.

L'industrie canadienne des légumineuses vise essentiellement à avoir le même accès aux marchés que d'autres pays exportateurs. Le mémoire que je vous ai remis aborde un certain nombre de questions liées à l'accès aux marchés, mais je me contenterai d'en faire ressortir quelques-unes seulement. La parité en ce qui touche les tarifs à l'exportation visant nos produits est sans doute notre objectif principal. Je pourrais vous donner de nombreux exemples qui montrent que nous n'avons pas un accès égal aux marchés dans bien des régions du monde. Pour n'en citer qu'un, mentionnons l'accord du MERCOSUR en Amérique latine en vertu duquel l'Argentine obtient un accès préférentiel à certains importants marchés dans la région.

Comme le Canada élabore actuellement sa position en matière de négociations commerciales, le gouvernement canadien doit réfléchir soigneusement aux problèmes de l'accès préférentiel aux marchés accordé à certains de nos partenaires commerciaux et aux concessions qu'il convient de réclamer de leur part à cet égard.

De toutes les légumineuses, ce sont les pois de provende que nous exportons le plus. Et cela m'amène à aborder un autre sujet qui revêt beaucoup d'importance pour nous et sur lequel le gouvernement doit prendre position lors des prochaines négociations commerciales. Il convient en effet que le gouvernement réclame la parité tarifaire ou la parité en matière de marché à l'égard de toutes les provendes qui se font concurrence.

• 0910

Sur le marché mondial des provendes, les pois canadiens doivent faire concurrence à des produits de l'alimentation animale aussi divers que le maïs, le tourteau de soja ou le tapioca de l'Extrême-Orient. On doit considérer que les pois canadiens font concurrence à ces produits et qu'ils doivent donc avoir le même accès aux marchés qu'eux. À titre d'exemple, la Corée impose des droits de douane de plus de 30 p. 100 sur nos pois et n'impose aucun droit sur certains autres produits d'alimentation animale. Nos négociateurs doivent comprendre que tous les produits d'alimentation animale, dont les pois de provende, doivent faire l'objet de droits de douane égaux.

La question des droits de douane qui s'appliquent aux provendes soulève la question secondaire de l'élimination accélérée des droits de douane frappant certains produits. Nous appuyons l'objectif général de l'élimination des droits de douane, mais il ne faudrait pas viser l'élimination de droits portant sur certains produits seulement, de sorte que les pois de provende seraient défavorisés par rapport aux produits auxquels ils font concurrence. En effet, les pois de provende pourraient continuer de faire l'objet de droits de douane élevés alors qu'on aurait réduit ou éliminé complètement les droits de douane s'appliquant à d'autres types de produits d'alimentation animale.

Il importe aussi d'attacher beaucoup d'importance à la classification des produits. Sur de nombreux marchés mondiaux, on ne fait aucune distinction entre les pois de consommation humaine et les pois de consommation animale. Pour que des droits de douane concurrentiels s'appliquent à nos produits, il faut veiller à ce qu'ils soient considérés comme des produits d'alimentation animale. À titre d'exemple, la Chine, un marché sur lequel nous venons d'organiser des ateliers pour faire suite aux essais de nos produits, ne classe pas les pois de provende dans la catégorie des produits d'alimentation animale, de sorte qu'ils font l'objet de droits de douane plus élevés. En outre, les pois sont considérés comme un produit alimentaire et sont assujettis à ce titre à la taxe à la valeur ajoutée. Il importe donc de dissiper le malentendu à cet égard et de faire en sorte que d'autres gouvernements établissent une distinction entre les produits de consommation humaine et les produits de consommation animale.

Il y a ensuite la question des contingents. Mon mémoire donne un exemple du problème qui se pose à cet égard sur le marché mexicain. En vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain, les États-Unis se sont vu accorder par le Mexique un contingent d'importation pour les haricots de 56 000 tonnes contre 1 600 tonnes pour le Canada. Ce contingent a été établi en fonction de la part traditionnelle du marché de chaque pays, et on n'a sans doute pas tenu compte du fait que l'industrie des haricots est en pleine expansion au Canada. On n'a peut-être pas non plus tenu compte du fait qu'une quantité importante de haricots produits au Canada est vendue à des entreprises américaines qui par la suite exportent leurs produits au Mexique sans mentionner le fait qu'une partie de leur production provient du Canada.

Voilà donc une autre question sur laquelle notre pays doit prendre position. Si nous devons faire concurrence à des pays qui imposent des contingents d'importation, la façon dont ces contingents sont répartis devrait nous intéresser. Dans des industries en expansion comme celle des légumineuses, l'établissement de contingents en fonction de la part traditionnelle du marché va poser des difficultés.

À l'heure actuelle, la réglementation phytosanitaire ne pose pas de problèmes immédiats pour l'industrie des légumineuses, bien que nos producteurs se préoccupent grandement des politiques qui pourraient être adoptées à cet égard par nos partenaires commerciaux et nos compétiteurs. Il importe de réclamer l'adoption de protocoles interdisant l'imposition de règlements phytosanitaires déraisonnables ou injustifiés dans le seul but d'empêcher les exportateurs canadiens de se tailler une place sur les marchés d'exportation.

Notre industrie ne se préoccupe pas pour l'instant des restrictions qui pourraient s'appliquer aux produits transgéniques pour la simple raison qu'il n'y a pas pour l'instant de légumineuses transgéniques dans l'Ouest ou dans l'est du Canada. Il est cependant bien évident que cette question revêt une grande importance pour notre compétitivité future. Un accord international clair doit régir ces produits pour que l'industrie canadienne des légumineuses puisse investir dans ce domaine en toute quiétude.

En terminant, j'aimerais attirer votre attention sur quelques dernières questions qui ne sont peut-être pas directement liées à la position que nous devons adopter dans le cadre des négociations commerciales, bien qu'il s'agisse de questions qui revêtent une grande importance pour la compétitivité internationale de notre industrie. À l'heure actuelle, nous faisons face non seulement à la concurrence d'autres pays producteurs de légumineuses, mais aussi à celle des Trésors de nos compétiteurs, comme celui des États-Unis. Je donne les États-Unis en exemple, bien que je pourrais tout aussi aisément mentionner l'Australie ou l'Union européenne.

• 0915

Parmi ses concurrents, Pulse Canada compte le U.S. Dry Pea and Lentil Council ou le National Dry Bean Council, deux organismes américains dont les activités de commercialisation sont grandement appuyées par le gouvernement des États-Unis.

Dans nos efforts pour obtenir des règles commerciales qui favoriseront notre compétitivité, nous voulons aussi nous assurer que le gouvernement adopte des plans qui se compareront à ceux de nos concurrents. Lorsque le gouvernement se demande quelles politiques il doit adopter pour aider l'industrie et les organismes agricoles au Canada, il doit viser à mettre en oeuvre des politiques et des programmes comparables à ceux d'autres pays.

Le dernier point sur lequel j'aimerais insister revêt vraiment beaucoup d'importance, compte tenu de l'évolution de l'industrie agricole au Canada. Étant donné que le gouvernement a réduit ses dépenses et qu'il a très peu d'argent à investir dans la mise en oeuvre de nouveaux programmes, il convient de veiller à ce que les programmes en place reflètent l'évolution des marchés. L'industrie des légumineuses a pris beaucoup d'ampleur au cours des 10 dernières années, et nous exhortons le gouvernement à faire en sorte que ces programmes et ces institutions s'adaptent comme il convient aux changements survenus dans le domaine de l'agriculture. Voilà sans doute le plus grand défi auquel fait face le gouvernement, c'est-à-dire veiller à ce que les fonds accordés à la recherche et les priorités dans ce domaine évoluent à mesure qu'évolue la production agricole dans l'Est et l'Ouest canadiens.

Voilà qui met fin à mon exposé. Le mémoire de notre association comporte davantage de détails. Je répondrai volontiers à vos questions portant sur l'industrie des légumineuses ainsi que sur les points que j'ai abordés au cours de mon exposé.

Le président: Je vous remercie, monsieur Bacon.

J'accorde maintenant la parole à M. Leask, de l'Association canadienne du commerce des semences. Bonjour, monsieur Leask.

M. William Leask (vice-président administratif, Association canadienne du commerce des semences): Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs. Je suis heureux de comparaître devant le comité.

Vous avez reçu un exemplaire de notre mémoire, qui aborde en détail les questions dont je vous entretiendrai maintenant brièvement.

J'aimerais d'abord commencer par préciser la raison pour laquelle nous comparaissons aujourd'hui devant le comité. Nous vous renvoyons à l'accord sur l'OMC lui-même. L'article 27 de la partie 5 porte sur les brevets. L'article 3.b) prévoit que les membres de l'OMC protégeront les variétés végétales soit par un système de brevets, soit par un système sui generis efficace, soit par un système mixte. L'OMC considère les végétaux comme une forme de vie distincte et exige que ses membres en assure la protection par l'entremise de brevets, d'un système sui generis ou d'un système mixte. L'industrie des végétaux s'interroge donc sur ce que devrait être la position du Canada à cet égard.

Permettez-moi d'abord de préciser que l'Association canadienne du commerce des semences représente environ 200 entreprises qui produisent des semences au Canada. Comme ces entreprises exportent leurs produits sur les marchés internationaux et qu'elles font beaucoup de R-D, il va sans dire que la question de la protection de la propriété intellectuelle les intéresse au plus haut point. Notre industrie a changé considérablement, en particulier au cours de la dernière décennie, avec l'avènement de la biotechnologie et l'évolution vers une transformation plus poussée des produits. À de nombreux égards, c'est d'abord dans l'industrie des semences que se reflètent les changements qui touchent les autres industries en aval.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Bruce Hunter, ancien professeur de l'Université de Guelph, qui est maintenant directeur des produits à la Novartis Seeds. J'aimerais maintenant céder la parole à Bruce, qui vous expliquera dans quelle direction il pense que cette industrie se dirige.

M. Bruce Hunter (directeur du développement des produits, Novartis Seeds, Plattsville, Ontario): Je vous remercie Bill. Je remercie aussi le comité de l'occasion qui m'est donnée de lui adresser la parole.

Je suis phytogénéticien de formation et j'ai travaillé dans le domaine des obtentions végétales tant au sein du secteur public qu'au sein du secteur privé. J'ai aussi une certaine expérience internationale dans ce domaine et j'ai notamment participé à des activités s'y rapportant en Europe et aux États-Unis. Je participe aussi aux activités d'un organisme basé au Mexique qui s'appelle CIMMYT. Je crois donc pouvoir dire bien connaître le domaine des obtentions végétales.

J'estime que les investissements publics et privés consentis dans le domaine des obtentions végétales ont été extrêmement bénéfiques pour notre secteur. Ces investissements ont été fort rentables. Grâce à ces investissements, on cultive maintenant du maïs dans tout l'Ontario et le Québec, et non pas seulement au fond du sud-ouest de l'Ontario. La même chose vaut pour les fèves de soya. Les recherches dans le domaine des obtentions végétales ont même abouti à la création d'une nouvelle culture appelée le canola à partir de la graine de colza. Ces recherches ont aussi permis de sauver les récoltes du blé de l'Ouest de la rouille. On peut donc attribuer de grands succès aux activités de recherche dans le domaine des obtentions végétales, où le Canada a joué un rôle de chef de file.

• 0920

Au départ, c'est le secteur public qui s'est intéressé aux obtentions végétales. Autrement dit, toutes les activités dans ce domaine au Canada et aux États-Unis ont d'abord été menées par le secteur public. À cette époque, il n'était pas nécessaire de protéger les obtentions végétales au moyen de brevets, puisque les produits obtenus étaient distribués gratuitement à l'industrie et aux agriculteurs. Certaines nouvelles variétés végétales ont été directement données à des agriculteurs qui se sont spécialisés dans la commercialisation et la manutention des semences. C'est à ce moment qu'ont été créées les premières sociétés de semences.

Le secteur privé s'intéresse maintenant de beaucoup plus près au secteur des obtentions végétales pour ce qui est des nombreuses cultures, mais c'est toujours le secteur public qui veille à l'amélioration de certaines cultures particulières. C'est à partir du moment où le secteur privé s'intéresse aux obtentions végétales que se pose la question de la protection de la propriété intellectuelle. Force est de constater que le Canada a pris du retard par rapport à d'autres pays en ce qui touche la protection des obtentions végétales, bien qu'une certaine protection existe maintenant dans ce domaine. J'y reviendrai dans un instant.

Comme Bill y a fait allusion, de grands changements sont survenus dans l'industrie des semences, dans la mesure où l'on considère maintenant que la technologie a un rôle beaucoup plus grand à jouer dans le domaine que par le passé. Grâce à la biotechnologie, nous pouvons aujourd'hui obtenir des résultats qu'il nous était impossible d'obtenir autrefois. La biotechnologie et la sélection des plantes nous permettent de produire des semences pouvant résister aux ravages des insectes, des maladies et des virus. Certaines semences vendues actuellement sur le marché contiennent des protéines pouvant tuer certains insectes.

Nous sommes aussi maintenant en mesure de créer des gènes qui tolèrent les herbicides, ce qui nous permettra d'utiliser des herbicides plus écologiques qui pourront être utilisés pour certaines cultures. Il s'agit des facteurs liés aux intrants. Nous commençons aussi à pouvoir intervenir sur les facteurs abiotiques, ce qui nous permettra de produire des cultures qui répondent mieux aux engrais et qui tolèrent mieux la sécheresse et la chaleur.

Pour ne donner qu'un exemple, Château des Charmes a introduit dans son cépage un gène produit à l'Université de Guelph. Ce gène permettra au cépage de mieux résister aux rigueurs de l'hiver canadien.

Voilà donc où nous en sommes. Nous voyons donc que le domaine des semences est un domaine où la valeur ajoutée augmente continuellement, et notamment en ce qui touche les extrants. Nous produisons maintenant un maïs à forte teneur en huile. Nous pouvons aussi modifier la composition en protéines et en acides gras de l'huile. Nous pouvons aussi ajouter des antioxydants ou végétaux pour des raisons de santé. Le phytase, un antioxydant qui sortira bientôt sur le marché, permet d'ajouter du phosphore dans les semences, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter ce produit à l'alimentation des animaux. Il en résulte que le fumier, un polluant, contient moins de phosphore. Voilà donc certains des changements qui surviennent dans notre domaine.

Le fait est que la biotechnologie ainsi que les obtentions végétales vont nous permettre d'améliorer les semences en y ajoutant des éléments nutraceutiques et pharmaceutiques.

Je n'ai pas à insister sur l'importance des investissements en cause. L'industrie des semences est en train de se réorganiser à l'échelle mondiale, et cette réorganisation repose sur le principe de la protection de la propriété intellectuelle. Ce principe n'est pas le seul dont il faut tenir compte, mais c'est l'un des principes importants. Nous faisons valoir dans notre mémoire que le Canada doit actualiser sa Loi sur la protection des obtentions végétales. Il lui convient de le faire pour être en mesure de ratifier la convention de l'UPOV de 1991 qu'il s'est engagé à ratifier. Il ne serait cependant pas nécessaire de modifier de fond en comble la loi.

• 0925

Le Comité consultatif national sur la biotechnologie a également fait ressortir quelques-uns des enjeux qui se posent en ce qui touche la protection des brevets. Permettez-moi de vous lire un extrait de ce rapport:

    Le présent rapport vise à sortir le Canada de sa torpeur. En effet, le Canada peut jouer au cours du prochain millénaire un rôle de chef de file dans le domaine de la biotechnologie, l'un des domaines d'innovation technologique qui sont le plus fascinants et le plus importants à l'heure actuelle. Pour relever le défi qui se pose au Canada dans ce domaine, il lui faudra adopter certaines politiques. S'il ne le fait pas, il ne tirera pas parti de son vaste potentiel dans ce domaine.

Il s'agit d'un défi de taille qui a en partie trait à la protection de la propriété intellectuelle.

M. William Leask: En résumé, notre association réclame la modernisation de la Loi sur la protection des obtentions végétales pour qu'elle se conforme aux normes internationales. La loi actuelle, qu'on peut comparer à un ordinateur vieux de dix ans, ne nous permet pas d'être concurrentiels. Si elle répondait à nos besoins à l'époque où elle a été adoptée, ce n'est plus le cas.

Nous réclamons également une révision de la Loi sur les brevets afin de favoriser notre compétitivité à l'échelle internationale.

Notre industrie doit croître encore davantage dans l'avenir. On estime que l'industrie génère actuellement 23 milliards de dollars de recettes à l'échelle internationale. On s'attend à ce que ce chiffre augmente d'au moins 20 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Si nous voulons que l'industrie canadienne soit compétitive et obtienne la part de marché qui lui revient, nous devons nous doter d'un régime compétitif de protection de la propriété intellectuelle.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Je vous remercie, messieurs.

J'accorde maintenant la parole à M. Robert Broeska, de la Canadian Oilseed Processors Association. Bonjour.

M. Robert Broeska (président, Canadian Oilseed Processors Association): Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie beaucoup. Notre industrie vous sait gré de nous donner l'occasion de vous faire part de notre point de vue.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Simon Sigal, conseiller spécial en matière de politiques de notre industrie. Il travaillait autrefois au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Il est également président du Conseil canadien du canola.

Vous avez reçu un exemplaire de mon mémoire, mais si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, je vais vous faire lecture de notes que j'ai préparées et qui résument ce mémoire.

L'industrie canadienne des oléagineux exploite une grande part de sa production de semences, d'huile végétale et de culture protéagineuse aux États-Unis et à l'étranger. Plus de 75 p. 100 de la production d'oléagineux, qu'elle se présente sous forme de semences ou de produits, est exportée annuellement, ce qui souligne l'importance pour les agriculteurs et les transformateurs des règles commerciales établies par l'Organisation mondiale du commerce.

L'industrie des oléagineux au Canada, et notamment tous les organismes représentant les producteurs et les transformateurs, a réclamé activement la libéralisation du commerce des oléagineux et des produits dérivés. Dans le cadre des négociations de l'Uruguay Round, nous avons presque obtenu avec nos homologues internationaux l'élimination des droits de douane portant sur les oléagineux. Le gouvernement du Canada continue de réclamer l'adoption de règles uniformes d'accès aux marchés pour les oléagineux et les produits dérivés. C'est l'objectif essentiel que vise l'industrie canadienne des oléagineux dans le cadre des négociations de l'OMC de 1999.

L'industrie canadienne des oléagineux est en pleine croissance. Il s'agit d'un secteur agricole qui se porte bien, ce qui devrait tous nous réjouir. L'élimination des subventions au transport ferroviaire, la libéralisation des échanges commerciaux dans le cadre de l'ACCEU et de l'ALENA et les discussions menées dans le cadre de l'OMC ont eu un impact positif sur notre secteur. Les agriculteurs canadiens ont produit 11 millions de tonnes d'oléagineux en 1998, dont la valeur à la ferme a été de 3,7 milliards de dollars. L'industrie de transformation achètera 5,1 millions de tonnes d'oléagineux en 1998, pour une valeur de 1,7 milliard de dollars. Les achats de semences ainsi que la transformation des oléagineux génèrent actuellement des retombées économiques de 3,6 milliards de dollars au Canada.

En outre, la transformation des oléagineux améliore sans cesse notre balance des paiements. Les exportations d'huile végétale et de culture protéagineuse ainsi que les produits de remplacement des importations ont représenté 2,5 milliards de dollars en 1998. Cette activité économique repose sur des règles commerciales équitables, justes et non restrictives.

• 0930

Voici certaines des tendances qui se dessinent dans l'industrie. Il existe un lien très évident entre l'essor économique de l'industrie de la transformation des oléagineux et la tendance généralisée vers la libéralisation du commerce. Dans un effort en vue d'être de plus en plus concurrentiels sur les marchés d'exportation, les agriculteurs se tournent de plus en plus vers la biotechnologie pour améliorer leurs semences. L'accroissement de la population, l'augmentation des revenus des consommateurs et du niveau de consommation ainsi que les préoccupations en matière d'alimentation expliquent l'augmentation de la demande d'oléagineux que le Canada peut produire de façon compétitive. La libéralisation des échanges commerciaux oblige les producteurs et les transformateurs à réduire continuellement leurs coûts. La mondialisation de l'industrie entraîne une augmentation de la demande d'oléagineux transformés, améliore la compétitivité des producteurs, réduit les coûts et assure une stabilité de l'offre sur les marchés de consommation. Toute l'évolution du secteur des oléagineux repose sur la libéralisation du commerce.

J'aimerais maintenant vous parler quelque peu des conséquences de l'Uruguay Round.

Les négociations dans le cadre de l'Uruguay Round ont eu des conséquences importantes pour le secteur de transformation des oléagineux. La mise en place de mesures visant à réglementer le commerce des oléagineux et des produits dérivés constitue un premier pas prometteur vers une libéralisation plus complète des échanges.

Il importe de noter que depuis l'Uruguay Round, le commerce de produits à valeur ajoutée tirés des oléagineux a été deux fois plus important que le commerce d'oléagineux en vrac. Or, la dernière série de négociations sur l'accès aux marchés n'en tenait pas compte. Dans la plupart des cas, les droits de douane frappant les importations de produits oléagineux à valeur ajoutée sont demeurés très élevés, au détriment des transformateurs. Pour leur part, les oléagineux non transformés ont été assujettis à des droits de douane moins élevés.

Les négociations de 1999 vont bientôt débuter. La plupart des intervenants de notre secteur pensent que les importants investissements en capitaux dans le domaine de la propriété intellectuelle consentis dans le cadre de l'accord sur l'agriculture de l'Uruguay Round devraient permettre d'aboutir à une entente plus rapide en 1999. Dans le secteur des oléagineux, l'objectif principal continue d'être l'établissement de règles uniformes d'accès aux marchés, en espérant que cela mènera à une libéralisation des marchés et à l'élimination des pratiques commerciales déloyales.

Les membres de la COPA appuient l'élimination des subventions à l'exportation.

Pour assurer des règles uniformes d'accès aux marchés des oléagineux, nos membres sont aussi favorables à l'imposition de mesures régissant les crédits à l'exportation pour l'aide alimentaire ainsi qu'à l'élimination de toute forme de droits à l'exportation.

Les transformateurs canadiens d'oléagineux réclament un accès élargi aux marchés ainsi que l'élimination de tout obstacle tarifaire et non tarifaire au commerce de produits tirés des oléagineux. En particulier, l'industrie réclame l'élimination des droits de douane discriminatoires et progressifs qui défavorisent la transformation au Canada des oléagineux ainsi que les exportations d'huile végétale et de culture protéagineuse.

À l'échelle nationale, l'industrie de transformation des oléagineux s'oppose complètement à toute forme de soutien interne qui fausse la production ainsi que le commerce des produits tirés des oléagineux.

Dans le cadre de la série de négociations commerciales qui va bientôt débuter, notre industrie se préoccupe en particulier des conditions qui seront fixées à la Chine pour devenir membre de l'OMC. Les membres de la COPA estiment que le Canada devrait s'opposer à l'adhésion de la Chine à l'OMC jusqu'à ce que sa production d'oléagineux, ses droits de douane, ses contingents commerciaux et ses règles commerciales soient justes, équitables et non discriminatoires.

Monsieur le président, cela met fin à mes remarques liminaires. Dans mon mémoire, vous trouverez une foule de détails sur l'accès aux marchés et les subventions à l'exportation. J'y décris en détail ce qui représenterait pour nous l'égalité des chances dans le commerce des oléagineux.

Je peux déjà vous dire que notre proposition jouit d'un grand soutien à l'échelle mondiale. Nous savons aussi que nous avons l'appui du ministère du Commerce international et du ministère de l'Agriculture du Canada. Les négociateurs sont des fonctionnaires d'Agriculture Canada. Nous sommes très optimistes et convaincus de pouvoir faire progresser notre proposition à la prochaine ronde de négociation.

Le président: Merci. Je suis heureux de l'entendre. Je suis certain qu'on vous posera des questions à ce sujet plus tard.

Je cède maintenant la parole à Phil de Kemp, de la Malting Industry Association of Canada. Bonjour, monsieur de Kemp.

M. Phil de Kemp (président, Malting Industry Association of Canada): Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Merci de m'avoir invité ce matin.

Notre association compte quatre entreprises; trois de leurs présidents sont soit en Amérique du Sud, soit en Asie, et le quatrième accueille des visiteurs asiatiques à son usine. Ils parcourent le globe à la recherche de nouveaux marchés pour leurs exportations.

À l'heure actuelle, le secteur compte quatre grandes entreprises. Canada Malting est la plus grande. Je crois avoir déjà dit qu'elle appartient à parts égales à ConAgra et à Tiger Oats, de l'Afrique du Sud.

Dominion Malting se trouve à Winnipeg. Ce sont ADM et Sumitomo, du Japon, qui détiennent la participation majoritaire. Ils ont récemment signé une entente de coentreprise avec le malteur français Lesaffre.

Prairie Malt a son usine à Biggar, en Saskatchewan. Ses intérêts sont détenus en majorité par Cargill et en minorité par le Saskatchewan Wheat Pool et les employés de l'usine.

La dernière entreprise est Westcan, située à Alix, en Alberta. Une famille d'Edmonton est actionnaire minoritaire et un malteur américain, l'actionnaire majoritaire.

• 0935

Dans les dix minutes que vous avez bien voulu m'accorder, j'aimerais vous parler un peu de notre situation actuelle, de ce que nous sommes, de ce que nous souhaitons devenir, de ce qu'a fait pour nous le GATT dans le passé, de ce que nous attendons des prochaines négociations du GATT et de certaines des mesures proactives que nous avons prises.

Au cours des huit ou neuf dernières années, notre secteur a consacré plus de 250 millions de dollars à la construction, à l'agrandissement et à l'amélioration d'usines se trouvant toutes dans l'Ouest du Canada. À l'heure actuelle, notre secteur achète un peu plus d'un million de tonnes d'orge brassicole de la Commission canadienne du blé. Nous sommes le plus important client de la Commission canadienne du blé. Cette année, nous achèterons probablement plus de 60 p. 100 de l'orge brassicole qu'a à offrir la CCB.

Les marchés sont assez bien divisés, en ce sens que, il y a environ huit ans, de 60 à 70 p. 100 de ce que nous produisions étaient vendus au pays, et le reste à l'étranger; c'est maintenant le contraire. Il y a dix ans, nous n'exportions qu'environ 140 000 tonnes de malt. En multipliant ce chiffre par 1,3, vous obtenez l'équivalent d'orge brassicole. L'an passé, nous avons produit près de 600 000 tonnes de malt, dont seulement 275 000 tonnes pour le marché intérieur. Ce chiffre est attribuable uniquement à la stagnation de la consommation de la bière au Canada.

Cela dit, la croissance explosive de notre secteur a plusieurs causes. La première—qui s'est produite il y a quelques années—est l'apparition de la variété d'orge Harrington, une variété d'orge brassicole à deux rangs.

À l'heure actuelle—et il en va de même pour les agriculteurs—notre secteur est en bien mauvaise posture strictement en raison de ce qui se passe au sein de l'Union européenne. Lorsque les agriculteurs font des profits, notre secteur fait des profits; lorsque les agriculteurs n'en font pas, nous n'en faisons pas non plus.

Les prix que nous accordons actuellement aux agriculteurs ont chuté de près de 50 p. 100 au cours des deux ou trois dernières années. Du coup, manifestement, le prix que nous avons demandé à nos clients a baissé radicalement. Il y a trois ans, nous payions 265 $ la tonne aux agriculteurs. Pour les producteurs de l'Ouest, c'était la culture au plus haut rendement par acre. Cette année, dans certains marchés, le prix était légèrement supérieur à celui de l'orge fourragère.

Cela s'explique. Contrairement à ce que certains croient, cela n'a rien à voir avec ce qui se passe aux États-Unis, mais tout a à voir avec ce qui se passe en Europe. Dans notre secteur, on aime à dire que ça bougera non pas lorsque les poules de Hadès auront des dents, mais plutôt lorsque les poules de la Commission européenne auront des dents.

Notre secteur est très sensible aux subventions à l'exportation. Qu'avons-nous fait ces dernières années? Nous avons adopté une approche des plus proactives. Ces deux dernières années, nous sommes allés à Bruxelles deux fois chaque année pour des rencontres avec la Commission européenne. En trois jours environ, nous, la Commission canadienne du blé et les représentants de l'industrie du maltage de l'Australie tiennent des rencontres avec la commission.

Cela nous permet entre autres choses d'indiquer à la commission ce que devraient être les valeurs sur le marché mondial. Dans le passé, la commission prétendait que le Canada dissimulait ses positions commerciales en ce qui concernait les prix, et le reste; nous avons donc décidé de lui donner une indication de ce que les prix et les marchés devraient être à notre avis.

Cela a-t-il porté fruit? Manifestement pas. Les ministères de l'Agriculture et des Affaires étrangères et du Commerce international nous ont bien sûr beaucoup appuyés dans ces missions commerciales. Mais je vous donne un exemple éloquent. L'an passé, lorsque nous sommes allés à Bruxelles, le marché était tel que nous nous sommes dit: ce sera décevant, il en sera de même aux prochaines négociations du GATT; nous savions ce que c'était lorsque nous allions là-bas pour parler des prix sur le marché mondial. L'an dernier, nous leur avons fait part de notre insatisfaction à l'égard des subventions. Nous avons indiqué que nous comprenions pourquoi elles existaient, mais qu'elles ne nous plaisaient pas. Nous avons ajouté que nous aurions aimé qu'elles soient sinon éliminées, du moins réduites.

Le système européen prévoit que les subventions ne doivent servir qu'à combler la différence entre le prix sur le marché mondial et le prix sur le marché intérieur. L'an dernier, les subventions ont doublé par suite des pressions exercées par les agriculteurs français, surtout les malteurs français, qui s'y connaissent en politique et savent ce qu'ils doivent faire à Bruxelles. Moins de 24 heures après notre visite, les subventions ont doublé.

Cette année, la subvention est de 145 $ la tonne de malt. C'est presque 120 $ la tonne pour l'équivalent en orge brassicole. C'est pratiquement le prix de l'orge fourragère. En fait, c'est probablement le prix de l'orge fourragère à Lethbridge.

• 0940

Les seuls qui profitent de cela à l'heure actuelle sont les brasseurs d'un peu partout dans le monde, les Heineken, Lowenbrau, Sapporo et Kirin. Cela est attribuable uniquement à la tendance particulièrement forte actuellement en Amérique du Sud qui veut qu'on mette le grappin sur toutes les parts de marché possibles.

C'est surtout vrai au Brésil. Le Brésil est un marché en pleine croissance depuis six ou sept ans. Il a presque triplé sa consommation de malt. Les Européens ont toujours cru qu'il leur fallait conserver leur part traditionnelle du marché. Lorsqu'il y a eu une sécheresse, une année, nous avons pu pénétrer ce marché. Une fois que nous y sommes, nous y sommes pour de bon. Mais les Européens, eux, veulent leur part traditionnelle du marché. Vous en entendrez parler pendant les prochaines négociations du GATT. Moi, j'en ai souvent entendu parler.

Mais qu'est-ce que la part traditionnelle du marché? Le Canada devra-t-il revenir à la situation des années 50 ou 60, alors qu'il était le premier exportateur de farine de blé au monde? De nos jours, nous n'exportons de la farine de blé que pour l'ACDI.

Cela n'inquiète pas trop notre secteur. Nous savons où se trouvent les marchés. Nous avons déjà entrepris de très bonnes initiatives dans ces marchés. Le véritable enjeu, ce sont les subventions et les tarifs douaniers.

Le secteur du maltage a-t-il obtenu quoi que ce soit des dernières négociations du GATT? Depuis la signature de ce document, je dirais que la réponse est non, à 95 p. 100. Il n'y a qu'une exception: la Corée, où il y avait des contingents tarifaires. Depuis leur élimination, nous avons pu y exporter notre produit, mais ailleurs les subventions sont plus élevées que jamais.

Qu'attendons-nous de la prochaine série de négociations? Je ferai écho à ce qu'a dit Bob et réclamerai d'abord la tolérance zéro pour ce qui est des subventions et des tarifs. La réduction des obstacles tarifaires en Europe ne nous intéresse pas; tant que la Commission européenne existera, nous ne vendrons pas de malt en Europe. Cela ne nous intéresse pas. Ce sont l'Asie et l'Amérique latine qui nous intéressent.

Cela dit, notre objectif peut-il être atteint? Honnêtement, nous croyons que c'est possible pour notre secteur, ainsi que pour le secteur des oléagineux. À l'échelle du globe, nous ne faisons pas le commerce de 50, 60 ou 70 millions de tonnes de blé. Seulement 3 millions de tonnes de malt sont vendues dans le monde. Les Européens en vendent 2 millions de tonnes; nous en vendons 600 000 tonnes. Nous vendons notre malt à des clients tels que le secteur de la bière. Il ne s'agit pas d'un aliment qu'on consomme tous les jours, bien que nous aimions à dire qu'une bouteille de bière par jour, c'est bon pour la santé. C'est notre première demande.

Voici la deuxième: aux dernières négociations du GATT, toutes les céréales secondaires et celles qui s'y apparentaient ont été incluses dans la même catégorie aux fins de la détermination de la subvention. Le malt est produit à partir d'orge brassicole. Mais il y a aussi de l'orge fourragère, et les deux ont été considérées comme faisant partie de la catégorie de l'orge. On a donc additionné toute l'orge, tout le blé et toutes les céréales fourragères pour déterminer quelles subventions seraient accordées à cette catégorie, en fonction de ce qu'on estime qui devrait être produit.

Cette fois-ci, nous disons non. Il faut prévoir des sous- catégories. Si on ne peut éliminer complètement les subventions à l'exportation, il faut prévoir des sous-catégories et des limites précises pour le malt, l'orge, le blé et la farine de blé. Il ne faut pas permettre à tous les pays de mettre ce qu'ils veulent dans cette catégorie pour ensuite voir comment cela pourra être réparti, car il en résultera, surtout en Europe, une subvention à outrance des produits à valeur ajoutée.

Surtout, n'oubliez pas ce qu'a fait l'Europe ces dernières années lorsque les temps étaient durs. Elle impose une taxe à l'exportation sur les produits crus lorsque l'offre diminue au sein de la communauté. L'exportation des produits crus devient alors très coûteuse. Puis elle permet la subvention des produits à valeur ajoutée. Vous pouvez acheter le produit pour pas cher et l'exporter, car vous n'aurez pas à payer la taxe à l'exportation. L'exportation de produits crus est assujettie à une taxe prohibitive. L'Europe ne veut pas exporter de produits crus; elle veut exporter des produits à valeur ajoutée. Cela a certainement causé de la consternation et de l'inquiétude dans notre secteur.

Aux États-Unis, il existe bien sûr les prêts d'appoint—lorsque le prix du marché est inférieur au taux du prêt—qu'on appelle aussi parfois les paiements d'appoint. Les agriculteurs font alors du dumping, et leurs produits sont vendus à un prix quelconque. Eux, ils recevront la différence entre ce prix et le prix garanti. Est-ce une forme de subvention à l'exportation? Oui, cela ne fait aucun doute.

• 0945

On espère que des modifications seront apportées dans ce domaine à l'issue de la prochaine série de négociations du GATT, mais ce qui compte pour nous, c'est l'Europe. En ce qui concerne l'orge, la frontière est ouverte.

Notre dernière demande, mais non la moindre—et Bob en a aussi parlé—concerne la Chine. Si la Chine nous laissait 20 p. 100 de son marché du malt, je ne serais pas ici, l'Europe n'accorderait pas de subventions et l'Australie ne jetterait pas les hauts cris. Ce marché est énorme, mais on y impose un tarif douanier de 40 p. 100 à l'heure actuelle. Les Chinois aiment bien parler de coentreprises et de construction d'usines, mais dans ces coentreprises ils veulent que nous investissions tout l'argent nécessaire, mais rester propriétaires à 50 p. 100. Ce marché représente près de deux millions de tonnes par année, uniquement pour l'orge brassicole. La Chine a le statut de nation la plus favorisée, mais si vous avez de jeunes enfants, vous savez que tous les jouets sont faits en Chine. Essayez d'exporter un bien à valeur ajoutée en Chine. C'est extrêmement difficile, et c'est le même genre de chose.

C'est là en gros ce que nous attendons des prochaines négociations.

En venant ici dans ma voiture ce matin, j'ai eu une idée intéressante. Je suis venu d'une ferme juste à l'ouest d'Ottawa, et je pensais à trois choses que j'ai faites le week-end dernier. Je suis allé au magasin d'alcool, où j'ai vu du vin français et toutes sortes de bières importées. On ne voit pas cela en Europe—j'y vais assez souvent—ou en Asie.

Puis je suis allé à l'épicerie. Dans la section des charcuteries, la moitié des fromages provenait d'Europe. Dans la section des surgelés, tous les gâteaux au fromage surgelés, toutes les lasagnes, et le reste, provenaient des États-Unis. Dans les denrées sèches, j'ai vu que la moitié des pâtes alimentaires était importée. Parmi les céréales, il y avait des Cheerios faits à moitié, probablement, d'avoine provenant de la Scandinavie qui est ensuite transformée aux États-Unis pour enfin être vendue ici sous forme de Cheerios. Dans la section des produits laitiers, on trouve maintenant des boîtes de sauce anglaise qui est un produit de Belgique. Vous pouvez trouver ces produits dans n'importe quelle épicerie au Canada. La prochaine fois que vous irez en Europe ou en Asie—mais surtout en Europe—je vous parie que vous ne trouverez aucun produit du Canada dans les épiceries.

Dans le passé, on a permis l'importation au Canada de certains de ces produits; quant à savoir pourquoi nous le permettons encore alors que nous ne pouvons même pas avoir accès à certains marchés étrangers... Faisons-nous figure de chevalier blanc? Probablement. Devrions-nous modifier notre comportement? Il est vrai que, dans l'ensemble, nous ne sommes qu'un petit joueur, mais le Canada jouit d'une bonne réputation à l'échelle internationale, et notre industrie a beaucoup à offrir, surtout en ce qui concerne les produits à valeur ajoutée. Cela vaut pour tous les secteurs représentés ici et tous les autres dont vous avez entendu des représentants.

Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le président: Merci, monsieur de Kemp, et à vous aussi, messieurs. Il nous reste une heure 12 minutes pour la période de questions. Nous commençons par M. Hilstrom, qui a sept minutes.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Messieurs, vous nous avez présenté d'excellents exposés. Nous avons des millions de questions à vous poser, mais nous ne pourrons bien sûr que vous en poser quelques-unes en une heure.

Les Européens représentent l'un de nos principaux problèmes; ils se lanceront dans ces négociations avec des demandes très différentes des nôtres. Pour aider notre secteur agricole, devrons- nous user de représailles là où cela les blesserait le plus? Ils aiment bien nous vendre des avions Airbus, des biens manufacturés et d'autres choses. Devrions-nous tenter d'obtenir des concessions par secteur pour aider nos agriculteurs? Ils font obstacle à nos exportations de boeuf vers l'Europe. Ils nous causent aussi des problèmes relativement au canola. Quelle stratégie devrions-nous adopter à leur égard? Comment pourrions-nous les amener à changer d'attitude?

M. Robert Broeska: Monsieur le président, je ne suis pas certain de pouvoir répondre à la question de savoir si nous devrions imposer des sanctions commerciales en matière agricole ou industrielle. Toutefois, de plus en plus, c'est une possibilité qu'on envisage, du moins dans le secteur mondial de la transformation des oléagineux. Je reviens d'une conférence internationale organisée par l'Association internationale des transformateurs de graines oléagineuses au Japon, où d'éminents conférenciers ont abordé ces questions. Le concept qui s'en dégage semble être celui qui veut que l'Agenda 2000, la soi-disant réforme de la politique agricole commune de l'Europe, pourrait comporter des solutions eu égard à la production agricole, aux subventions, à la crise de l'intervention et des dédommagements en matière d'exportation. Il faut avant tout déterminer la structure financière de la politique agricole commune et quelles pressions s'exercent sur elle.

• 0950

Onze pays d'Europe centrale et de l'Est souhaitent devenir membres de l'Union européenne. Si l'Agenda 2000 est adopté, s'il abaisse le niveau de soutien, la production de certaines de ces denrées—celles qui sont actuellement produites en Europe de l'Ouest grâce à de fortes subventions—ne se fera dorénavant plus en Europe de l'Ouest, mais plutôt en Europe centrale et orientale, où des ressources agricoles considérables restent non exploitées. Toutefois, le niveau de soutien baissera en conséquence, ce qui réduira la pression qui s'exerce actuellement en raison de l'importance des subventions dans le régime actuel.

Il est difficile de prévoir si cela se concrétisera. Cependant, le secteur des oléagineux est prêt à parier sur le succès de l'Agenda 2000 en raison des pressions financières qui mèneront à l'élargissement de la CEE, et nous nous attendons à ce que de nombreux correctifs en découlent. Le problème de l'embargo sur les exportations de canola en raison du recours à la biotechnologie ne sera un enjeu important qu'après l'an 2000, si l'Agenda 2000 est adopté, surtout parce que les producteurs européens imposeront l'accès à la biotechnologie plutôt que de suivre les conseils de la commission et des Verts, qui ont la main haute sur le dossier actuellement.

M. Howard Hilstrom: Merci.

Depuis plusieurs années, la Commission canadienne du blé étouffe toute innovation dans la mise en marché. Je pense qu'elle a même fait obstacle à la R-D relativement aux céréales qui auraient pu être produites dans l'Ouest. Cette forte dépendance existe donc toujours.

En ce qui concerne la CCB, qui brasse de grosses affaires en matière d'échanges commerciaux, monsieur de Kemp, en ce moment, vous achetez votre malt et votre orge par l'entremise de la Commission canadienne du blé. Des producteurs de blé du Sud de l'Ontario ont voulu adopter de nouvelles méthodes novatrices de mise en marché de leur blé, mais le secteur de la transformation—surtout les secteurs du biscuit et de la minoterie—leur a dit que ce n'était pas possible. On s'est opposé à leur volonté de changement. Quelle est la position du secteur du maltage concernant le contrôle qu'exerce la Commission canadienne du blé sur l'orge? Votre secteur veut-il continuer à acheter l'orge par l'entremise de la CCB, ou serait-il disposé à signer d'autres ententes d'achat?

M. Phil de Kemp: Dans notre secteur, on ne pourrait dire que la CCB a étouffé l'innovation. Cela ne lui était pas nécessaire. La CCB met en marché des produits crus. Nous ne sommes pas toujours d'accord avec ce que fait la commission, comme tout client par rapport à ses fournisseurs, mais, dans l'ensemble, la commission nous a bien appuyés. La croissance de notre secteur en témoigne. En général, la commission a su nous accorder un prix correspondant à celui du marché.

M. Howard Hilstrom: Vous souhaitez donc que votre secteur continue de traiter avec la commission.

M. Phil de Kemp: Je voudrais préciser une chose. Pour ce qui est des marchés doubles et des marchés continentaux de l'orge, cela ne fonctionne pas.

M. Howard Hilstrom: Je vous pose la question directement. À titre d'acheteur d'orge brassicole, voulez-vous continuer à acheter votre orge de la Commission canadienne du blé?

M. Phil de Kemp: Oui, car tant que l'Union européenne et son système de dédommagement existent, la CCB a sa raison d'être. Nous ne voulons pas nous cacher derrière la commission. Mais lorsque les Européens subventionnent un secteur, cela a un prix pour le marché. Ils consacreront près de 300 millions de dollars aux subventions cette année, mais nous, nous n'avons pas demandé un cent au gouvernement. D'où vient cet argent? C'est nous qui le payons. Ce sont les producteurs aussi qui paient. Les producteurs doivent vendre leurs produits au prix du marché.

M. Howard Hilstrom: Les seuls qui sont en difficulté semblent être les agriculteurs qui traitent avec des agences de mise en marché. Le secteur du canola et les autres ne se bousculent pas au portillon de la Commission canadienne du blé. Cela m'amène à croire qu'il y a un problème, et je me demande pourquoi un secteur de transformation ultérieure comme le vôtre voudrait continuer de traiter avec la commission, sachant qu'elle accorde un prix peu élevé aux agriculteurs.

• 0955

M. Phil de Kemp: J'ignore ce qu'il en est de l'orge fourragère, mais je sais que, pour l'orge brassicole, il y a deux ans, le prix moyen était de 265 $; c'était le prix final commun pour l'orge à deux rangs. En 1996-1997, le prix était de 251 $, et il continuera de baisser.

La situation des producteurs d'orge fourragère est peut-être différente, mais il n'en reste pas moins que 70 p. 100 de l'orge produite dans l'Ouest du Canada est de l'orge brassicole. On ne peut faire de distinction entre l'orge fourragère et l'orge brassicole. Si nous l'acceptons parce qu'elle est bien pleine et pour d'autres raisons... Mais il y a beaucoup d'orge que nous ne pouvons accepter parce qu'il n'y a pas de marché pour ce produit, et il est ensuite vendu sur le marché de l'orge fourragère.

Nous avons perdu une vente d'orge fourragère il y a deux ans. Cette orge a été vendue aux États-Unis, où elle a été convertie en malt. Elle a été vendue au Japon, elle a été vendue comme orge fourragère, et elle a été vendue comme orge à deux rangs. Tant que les Européens seront là, nous aurons besoin de la Commission canadienne du blé. Mais le véritable enjeu dans notre secteur, c'est la différence entre le prix à l'exportation et le prix sur le marché intérieur, car les deux tiers de notre production sont exportés.

Cette année, le prix moyen à l'exportation est légèrement supérieur à celui de l'orge fourragère, mais ce que nous payons à la commission pour le marché intérieur... À l'heure actuelle, le prix en Amérique du Nord de l'orge brassicole qui servira à la fabrication de la bière en Amérique du Nord est, la tonne, supérieur de 80 $ à 100 $ au prix à l'exportation.

M. Howard Hilstrom: Alors, pourquoi agir ainsi?

Le président: Votre temps est écoulé depuis un bon moment.

M. Phil de Kemp: Il y a deux marchés différents; comment établir deux prix différents le même jour, à moins de supprimer la commission pour n'avoir alors qu'un prix? On est gagnant sur le marché des exportations, on est perdant sur le marché intérieur, et on doit recourir à l'arbitrage.

Le président: Merci, monsieur de Kemp.

Je demanderais aux témoins de jeter de temps en temps un coup d'oeil sur le président, car je dois minuter les interventions, sinon, nous n'en finirons jamais. Je sais que vous préférez vous adresser à celui qui vous a posé la question, mais ne m'oubliez pas, car j'ai tendance à m'inquiéter.

Madame Alarie, vous avez sept minutes.

[Français]

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Tous les exposés sont particulièrement intéressants ce matin. J'ai appris beaucoup de choses. Je suis très étonnée de ce que M. Hunter nous a révélé. J'avais la ferme conviction que les lignées de plantes que nous développions au Canada présentement étaient brevetées, alors que je lis dans votre mémoire qu'au Canada, pas une seule plante n'a été brevetée, à mon grand étonnement, d'autant plus que nous sommes dans un marché fort compétitif et qu'on fait des efforts considérables dans chaque centre de recherche des provinces de l'Ouest, de l'Ontario ou du Québec pour développer des lignées de plantes qui soient de plus en plus rentables, compétitives et résistantes à la maladie. Tout ça me laisse vraiment perplexe et je n'arrive pas à comprendre.

Dans les recommandations que vous faites, vous dites qu'il est primordial de modifier le choix des brevets et la protection des obtentions végétales. À une autre page du mémoire, vous dites qu'il est important d'avoir un certificat d'obtention végétale et que le Parlement a plusieurs raisons incontournables de réexaminer la Loi sur la protection des obtentions végétales. Je me rends compte que cette promesse-là avait été faite en 1991, au moment de la rencontre avec l'UPOV. Comment se fait-il qu'on en entende si peu parler, ou comment se fait-il que ce ne soit pas quelque chose de primordial dans un domaine où on est en pleine progression, où la compétition est très forte et où ça devient une barrière commerciale avec les autres pays? Pouvez-vous m'expliquer tout cela?

[Traduction]

M. Bruce Hunter: Je crois savoir qu'il existe plusieurs formes de protection de la propriété intellectuelle que représentent les obtentions végétales ou les plantes issues de la biotechnologie. Souvent, on fait breveter les procédés ou les gènes qui ont une certaine fonction, par exemple, mais au Canada, actuellement, on ne peut faire breveter une obtention végétale comme telle ou une obtention végétale pour un de ses gènes. Autrement dit, on peut faire breveter seulement un élément.

Aux États-Unis, on peut obtenir un brevet pour une obtention végétale comprenant un élément issu de la biotechnologie ou non, et c'est une très bonne protection.

• 1000

En Europe, on a choisi le juste milieu. On permet les obtentions végétales avec un gène et on permet ainsi les deux possibilités.

Le Canada n'a pas permis l'octroi de brevet pour un organisme. Il faudra se pencher sur cette question, et nous devrions envisager de suivre la voie adoptée par les pays étrangers.

Une autre forme de protection est aussi prévue par la Loi sur la protection des obtentions végétales. Cela ressemble un peu à un brevet pour les produits de la sélection des plantes. Cette loi prévoit des exceptions importantes. Premièrement, vous pouvez améliorer le fruit des recherches d'un autre. Cela vous permet en quelque sorte de tabler sur les succès des autres. C'est une mesure importante. La deuxième porte sur les droits des agriculteurs. L'agriculteur a le droit de garder une partie des semences que vous lui avez vendues pour les semer sur sa ferme. Ce sont là les deux exceptions.

Le plus important, c'est que le Canada a fondé ses dispositions sur les droits des sélectionneurs sur la convention de l'UPOV de 1978. Le monde a depuis adopté une nouvelle convention, en 1991, qui n'est pas entièrement différente, mais qui accorde une protection accrue au sélectionneur.

En outre, si vous créez une obtention végétale à partir d'une variété obtenue par quelqu'un d'autre, il faut que cette nouvelle obtention soit fondamentalement différente de la première, qu'elle ne porte pas tout simplement un autre nom.

Le Canada accusait un retard lorsqu'il a enfin adopté sa Loi sur la protection des obtentions végétales. En 1991, il a déclaré avoir l'intention de signer la nouvelle convention.

La Loi sur la protection des obtentions végétales au Canada sera revue en l'an 2000. C'est une bonne loi, et il est tout à fait logique qu'elle se conforme à la convention de l'UPOV de 1991, comme c'est le cas dans bien des pays d'Europe, ainsi qu'aux États- Unis et au Japon.

[Français]

Mme Hélène Alarie: On se rend compte ici qu'il y a les grandes barrières tarifaires dont on parle, qui sont plus faciles à comprendre, mais qu'il y a aussi toute une série de mesures sous-jacentes qui sont presque aussi importantes et qui créent des obstacles au commerce international. Vous venez d'en nommer quelques-unes. Je pense aussi à l'harmonisation des mesures phytosanitaires. J'en parle presque à chaque groupe parce que c'est en quelque sorte un dada pour moi, mais l'harmonisation des mesures phytosanitaires pour la protection des végétaux est quand même une problématique majeure. On se rend compte que certains se servent de toutes sortes de moyens, qui sont des échappatoires, pour ne pas avoir des ententes faciles avec les autres pays.

Ma deuxième question s'adresse à M. de Kemp. J'ai aussi trouvé votre exposé intéressant. Je me demande si le Canada n'est pas un peu naïf quand il croit qu'il va y avoir des changements majeurs dans les règles du jeu, qui sont très protectionnistes en Europe et qui le sont aussi aux États-Unis, parce qu'on a vu toute la série de subventions qui existent. Il y a trois semaines, j'ai assisté à une conférence où il y avait un négociateur des États-Unis et un de l'Europe qui ont dit clairement qu'ils n'avaient pas l'intention, mais pas du tout, de réduire les mesures protectionnistes actuelles. C'est bien, au début d'une négociation, de mettre ses gros sabots, mais... On s'en parle, mais je trouve qu'on n'est pas très proactifs ou qu'on est très doux quand vient le temps de discuter de ces règles du jeu. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

M. Phil de Kemp: Tout à fait. J'ai assisté à la dernière série de négociations du GATT. J'étais alors un employé d'Agriculture Canada, et j'allais régulièrement à Genève à l'époque. Il n'y a pas un seul pays qui soit prêt à parler de sa position définitive avant trois jours de la fin des travaux. Que ce soit pour des raisons politiques ou autres, je m'attends à ce qu'il en soit ainsi aux prochaines négociations.

En ce qui concerne l'Europe, notre secteur, ainsi que quelques autres, je crois, ne demandent pas l'accès à l'Europe. Tout ce que nous demandons... Nous estimons qu'on pourrait probablement adopter la procédure accélérée pour l'option double zéro, parce que ce n'est pas un produit de grande production. Nous avons fait une tentative en ce sens la dernière fois, mais en vain. Bob a tenté la même chose, mais il a échoué 48 heures avant que ne soit signée l'entente finale du GATT.

• 1005

Chaque pays veut faire ajouter quelque chose. Pourrait-on trouver une contrepartie? Peut-être. Je crois que M. Hilstrom a une bonne idée lorsqu'il dit qu'on devrait peut-être examiner d'autres secteurs. Ce pourrait être les avions d'Airbus, par exemple. Pour notre part, nous ne réclamons pas l'accès au marché européen. Il y a bien d'autres marchés en pleine croissance, et cela n'a pas tant d'importance... Je ne parle pas au nom de tout mon secteur, mais je suis certain qu'il y a bien d'autres marchés.

Nous ne voulons donc pas nécessairement l'accès au marché européen. C'est un marché qui a atteint sa pleine maturité. Nous voulons plutôt pouvoir faire des échanges commerciaux justes sur d'autres marchés ou... Si l'Europe veut verser 300 millions de dollars chaque année à ses producteurs d'orge, qu'elle le fasse, mais à même ses propres coffres. Si les Européens veulent aller au Club Monaco chaque année, qu'ils le fassent, mais qu'ils s'assurent que l'orge de ce pays y reste.

Le président: Merci. Je cède maintenant la parole à M. McGuire.

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le président, j'ai une question à poser sur le privilège des agriculteurs, qui fait l'objet de pressions, surtout de la part des États-Unis, où on a adopté différentes mesures, dont les gènes terminateurs.

On mène une campagne de lettres à Washington pour obtenir une loi qui protégerait le privilège des agriculteurs. Croyez-vous que c'est parce que, de temps immémorial, les agriculteurs peuvent conserver une partie de leurs semences pour la récolte de l'année suivante? Estimez-vous que ce privilège sera miné à court terme?

M. William Leask: D'abord, il y a plusieurs genres de protection de la propriété intellectuelle. Le plus souvent, c'est la Loi sur la protection des obtentions végétales qui s'applique. Même la convention de l'UPOV de 1991 prévoit ce privilège pour les agriculteurs, à savoir qu'ils peuvent garder suffisamment de semences pour ensemencer leurs propres terres. Dès que l'agriculteur commercialise les semences, il viole la convention.

Toutefois, certaines entreprises de semences jugent que cela ne suffit pas. Elles tentent d'obtenir d'autres formes de protection de la propriété intellectuelle. Certains réclament la protection accrue conférée par un brevet.

On constate plus particulièrement que le recours à des mesures telles que le gène terminateur soulève la colère de certains. Pour d'autres ce n'est qu'une autre forme de protection de la propriété intellectuelle; c'est un contrat, une entente sur l'usage de la technologie dans laquelle l'agriculteur s'engage à ne pas utiliser ses semences.

Le gène terminateur est une forme technologique de protection de la propriété intellectuelle, qui ressemble à ce qu'on avait déjà pour les hybrides. En général, les agriculteurs ne sèment pas de graines provenant d'hybrides sur leur propre terre, que ce soit du maïs hybride, des légumes hybrides, etc.

Les entreprises recourent donc à diverses méthodes de protection de la propriété intellectuelle.

J'aimerais aussi souligner autre chose. Les témoins présents aujourd'hui ont parlé d'incitatifs à l'investissement par opposition aux obstacles aux échanges commerciaux.

Il vous intéressera peut-être de savoir que, sur le marché mondial des semences commerciales, marché de 23 milliards de dollars, le Canada est un marché d'à peu près la même taille que les Pays-Bas. Le Japon est six fois plus gros que nous.

La valeur du secteur des semences commerciales n'a rien à voir avec la superficie de terre dont on dispose. Plutôt, elle est fonction du niveau d'activité humaine, qui dépend de l'investissement dans la recherche, lequel doit s'accompagner d'une protection de la propriété intellectuelle.

Notre secteur est prêt à doubler sa taille. Si nous parvenions à mettre un peu d'ordre chez nous, nous pourrions non seulement obtenir notre part du marché, mais peut-être même la tripler ou la quadrupler et, ce faisant, devenir un des principaux acteurs.

Nous n'avons pas su investir dans la R-D des légumes, car, dans le passé, nous sommes restés inactifs et n'avons pas su attirer des investissements, ce que les Pays-Bas, le Japon et d'autres ont fait.

Il est certain que le gène terminateur déplaît, mais ce n'est qu'une autre technique. La même chose s'est produite avec les hybrides. Cela existe depuis un certain temps, et il incombe aux entreprises d'y recourir ou non. Mais il est certain que cela soulève toutes sortes de questions morales, éthiques et autres.

M. Joe McGuire: Vous croyez donc que les agriculteurs renoncent à leur privilège pour obtenir un meilleur rendement?

• 1010

M. Bruce Hunter: Ils prennent cette décision lorsqu'ils choisissent d'acheter le gène terminateur aux termes de ces ententes, mais rien ne les y oblige. On a beaucoup critiqué le gène terminateur, et, pour ma part, je n'aime pas beaucoup cette méthode.

Notre organisation, nos organisations, sont d'accord pour qu'on accorde une exemption aux agriculteurs. C'est une façon de contourner le problème. Mais c'est à chaque agriculteur de faire son choix, et il faut quand même qu'il y ait une certaine valeur ajoutée. C'est comme dans le cas d'une entente d'utilisation de la technologie. Si vous signez l'entente, c'est que vous estimez que la valeur de la technique en vaut le coup. Dans le cas contraire, il ne faut surtout pas signer l'entente. Mais il ne fait aucun doute que cela a fait des vagues.

M. Joe McGuire: Merci beaucoup.

Encore une brève question à M. de Kemp. Vos ventes d'orge ont augmenté, avez-vous dit?

M. Phil de Kemp: Oui, tout à fait. Essentiellement, elles ont été destinées au Japon au cours des 10 dernières années. Nous avons eu accès à la Corée grâce à l'OMC. Nous souhaitons certainement avoir accès au marché chinois, comme le souhaiterait n'importe quel pays.

M. Joe McGuire: Il est étrange qu'ils achètent de l'orge et non pas du blé.

M. Phil de Kemp: Je ne saurais dire pourquoi.

M. Joe McGuire: Merci.

Le président: Si je vendais de la bière, je me verrais très bien en vendre à un milliard d'amateurs chinois.

Monsieur Borotsik, vous disposez de cinq minutes.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, monsieur le président.

J'ai beaucoup apprécié votre exposé. Si j'ai bien compris, exception faite peut-être des sélectionneurs, ou obtenteurs végétaux, on s'entend pour préconiser la suppression des tarifs douaniers, ainsi que le libre-échange aussi bien pour le marché extérieur que par rapport aux exportations. Votre message est très clair, et je suis convaincu que nos négociateurs l'ont très bien compris eux aussi et se préparent à tenter d'établir des rapports plus équitables entre nous et nos partenaires commerciaux.

Tout d'abord, pour ce qui est des obtenteurs végétaux, il m'a semblé très clair en écoutant les témoins—et je crois bien que tous ici sont d'accord là-dessus—que la biotechnologie est certainement la voie de l'avenir. Nous nous rendons tous compte du potentiel qui existe à cet égard, pour le Canada notamment.

J'ai cru comprendre par contre—et vous me corrigerez si j'ai tort—qu'il ne s'agit pas d'un enjeu commercial à l'heure actuelle. Il s'agit d'une question interne. Nous devons examiner notre politique à l'égard des obtenteurs végétaux et trouver des moyens de vous aider, ici au Canada, vous et vos organisations, à accroître vos marchés. Ai-je bien raison?

M. William Leask: En effet. Nous devons veiller à ce qu'il existe un environnement concurrentiel en matière de propriété intellectuelle, étant donné...

M. Rick Borotsik: Il ne s'agit donc pas d'un enjeu commercial. Nous n'allons pas traiter de la question à la table de négociation.

M. William Leask: Il y a là un enjeu commercial du fait que l'OMC oblige chaque pays à assurer une protection. Deux aspects sont à signaler. Il nous semble nécessaire de revoir notre Loi sur la protection des obtentions végétales et de la modifier de manière à ce qu'elle soit plus concurrentielle. Notre texte contient plusieurs propositions importantes à cet égard.

Nous devons également avancer avec prudence et, de ce fait, autoriser également les brevets, étant donné que bon nombre d'autres pays le font. Les pays qui accordent cette protection supplémentaire seront les premiers à récolter leur part de ces 20 milliards de dollars d'investissements qui sont imminents. Dans la mesure où nous voulons être concurrentiels, nous devons commencer à adopter le même genre de démarches.

M. Rick Borotsik: Avez-vous fait valoir vos points de vue à Agriculture Canada ou à nos négociateurs commerciaux? Est-on au courant de votre position?

M. William Leask: Je siège au comité consultatif du Bureau de la protection des obtentions végétales. Nous appuyons entièrement les propositions de cet organisme. Nous ajouterions certaines dispositions qui sont essentiellement d'ordre administratif et que nous n'aurons pas le temps d'aborder aujourd'hui.

La question des brevets est relativement nouvelle, mais elle va au-delà du monde végétal, ce qui pose problème. Lorsque nous faisons valoir la nécessité des brevets dans le cas des plantes, nous nous rendons souvent compte que nous nous sommes mis la main dans l'engrenage, puisqu'on saute immédiatement à d'autres formes de vie, de ce qui nous semble convenable sur le plan de l'éthique et de la morale lorsqu'on l'applique aux plantes à ce qui ne l'est plus nécessairement lorsqu'on l'applique à des formes de vie plus évoluées ou différentes. De toute évidence, ce que la société permet pour les plantes, elle ne le permet pas nécessairement pour d'autres formes de vie.

M. Rick Borotsik: Nous parlons de perspectives d'avenir, je le comprends bien. Nous devons prévoir 10 ans à l'avance les mesures de protection qui nous donneront plus tard les occasions que nous anticipons. Évidemment, il n'est pas toujours facile de prévoir l'avenir à long terme. Vous nous avez dit que la technologie informatique que vous exploitez aujourd'hui date déjà d'un certain nombre d'années et qu'elle n'a pas été mise au point en fonction des connaissances actuelles. Je comprends fort bien votre point de vue à cet égard.

• 1015

M. William Leask: L'analogie me plaît. En effet, il y a dix ans, lorsque les premiers ordinateurs personnels ont fait leur apparition, il s'agissait d'une innovation. Il y a un parallèle à faire avec la protection des obtentions végétales en 1978. En effet, nous devons passer à autre chose.

M. Rick Borotsik: J'aimerais maintenant passer à Bob et obtenir également un éclaircissement au sujet de l'un de vos commentaires. À cause des modifications génétiques, nous savons que le canola que nous destinons aux marchés européens pose de graves problèmes. Or, vous avez déclaré que ces problèmes seraient surmontés dès l'an 2000. Pouvez-vous donc nous expliquer cela et nous en dire davantage?

M. Robert Broeska: Je ne suis pas certain d'avoir établi un lien avec l'an 2000. J'ai parlé plutôt des réformes envisagées dans le cadre de la politique agricole commune, que l'on appelle Agenda 2000. Agenda 2000 prévoit un découplage encore plus poussé des programmes de soutien agricole et, par voie de conséquence, une baisse des prix d'intervention.

Nous avons l'impression, dans notre sous-secteur tout au moins, que la nécessité d'adopter le niveau d'intervention et de soutien plus faible et de découpler davantage les mesures de soutien s'impose dans la Communauté européenne en raison des pressions financières qui résultent de l'intégration des économies de l'Europe centrale et de l'Est au programme agricole commun et de l'insuffisance des ressources financières. Autrement dit, dans l'Union européenne telle qu'elle existe à l'heure actuelle on sent une résistance à l'idée de transférer des subventions agricoles aux nouveaux producteurs d'oeufs de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est.

Il s'agit là d'hypothèses, mais elles sont fondées sur l'idée qu'une baisse des prix d'intervention et des subventions visant des productions agricoles de ce genre, comme les oléagineux, accentuera les pressions qui s'exercent sur l'Union européenne et sur la commission qui doit prendre des décisions en matière de biotechnologie. Les groupes d'intérêts agricoles favoriseront l'adoption de ce genre de technologie pour s'assurer des avantages concurrentiels dans leurs domaines respectifs.

Le président: Merci beaucoup.

M. Rick Borotsik: Je ne pourrai pas interroger M. de Kemp?

Le président: On ne sait jamais.

M. Rick Borotsik: J'aimerais parler de la Commission canadienne du blé.

Le président: Avant que nous passions à M. Calder, monsieur Bacon, vous avez parlé dans vos commentaires de l'évolution des marchés, de l'évolution de votre secteur, de l'évolution des divers types de programmes et aussi du fait que les budgets des gouvernements sont à la baisse. Y a-t-il donc une transformation fondamentale des rapports qui existent entre votre secteur et le gouvernement? La chose vous inquiète-t-elle?

M. Gordon Bacon: Nous sommes aujourd'hui à l'ère du partage des coûts: le secteur de l'entreprise et le secteur gouvernemental partagent des coûts pour que des investissements aient lieu dans certains domaines précis.

Lorsque la base de production connaît une transformation importante—et je veux dire par là que lorsqu'on arrive à produire plus de deux millions de tonnes de pois, soit une production supérieure à cinq des sept catégories de blé, et lorsqu'on peut dire que le Canada est le plus important exportateur de lentilles et est en voie de devenir un grand producteur de pois chiches, il y a lieu de parler d'une transformation fondamentale—je me demande si les ministères du gouvernement, et je pense plus précisément ici au ministère de l'Agriculture et à ceux qui ont des responsabilités en matière d'agriculture, ont également transformé leurs activités de base.

Notre sous-secteur est relativement nouveau. Nous ne bénéficions pas de programmes comparables à ceux qui visent le sous-secteur du blé à l'heure actuelle. Il serait intéressant, me semble-t-il, que le gouvernement et ses institutions s'interrogent sur le rôle qu'ils ont à jouer dans le soutien et le développement de nouveaux secteurs agricoles.

Les mêmes règles doivent s'appliquer à tous les produits au Canada. Le sous-secteur des légumineuses à graines ne doit être ni mieux ni moins bien traité que celui du blé. Il importe donc que des organismes comme la Commission canadienne des grains, l'Institut international du Canada pour le grain, ou la Direction générale de la recherche d'Agriculture Canada adaptent leur financement à l'importance des divers sous-secteurs, effectuent des projections sur dix ans, et établissent les programmes de financement en conséquence.

Le président: Merci, monsieur Bacon.

Monsieur Calder, vous disposez de cinq minutes.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Comme la plupart de mes collègues ministériels, j'ai été élu en 1993. Cette année-là, nous avons dû pratiquement sauter dans le train en marche des négociations concernant l'OMC. Phil, vous-même et Bob étiez à la table à Genève. D'après ce que je pouvais voir à l'époque, on semblait vouloir combattre les bas prix par les bas prix. Il faut dire pourtant que personne ne peut produire à perte durant très longtemps. C'est dans cet esprit qu'on a pensé à une réduction de la subvention.

• 1020

Avec ce que nous voyons maintenant, de toute évidence ça ne se passe pas comme cela, puisque les excédents d'un côté augmentent et les prix continuent à être très bas. Il y a des pays qui continuent à subventionner, alors qu'ils avaient dit qu'ils ne le feraient pas. En fait, ce que devrait faire le comité, c'est se rendre aux États-Unis. J'aimerais pouvoir en débattre personnellement avec le comité permanent de l'agriculture américain, et je vais vous expliquer de quoi je veux parler.

Je veux simplement vous dire ce qu'ont fait les États-Unis en 1998. Au titre de la FAIR Act, 6 milliards de dollars ont été débloqués pour des contrats portant sur une production non déterminée à l'avance, 1,5 milliard de dollars pour une réserve de conservation, 750 millions de dollars pour des prêts non remboursés. Cela fait 8,25 milliards de dollars au titre de cette loi. Au titre de l'aide à l'agriculture, 2,8 milliards de dollars ont été versés pour les pertes sur ventes, 1,5 milliard concernant des récoltes faites à pertes, 875 millions de dollars concernant les pertes sur récoltes pluriannuelles, 200 millions de dollars au titre de l'aide à l'alimentation du bétail dans les zones sinistrées, 200 millions de dollars de versements aux producteurs laitiers américains, et 27 millions de dollars d'autres dépenses pour sinistres, pour un total de 5,9 milliards de dollars. Cela fait au total 14,225 milliards de dollars qui ont été déboursés pour les producteurs agricoles cette année.

De toute évidence—même si c'est beaucoup plus difficile pour moi de me brancher sur les sites Internet européens, car il y en a beaucoup—c'est exactement la même chose là-bas. Les subventions sont tout à fait comparables. C'est une des raisons pour lesquelles nous organisons ces réunions, afin de ne pas attendre la dernière heure. J'aimerais donc savoir comment nos négociateurs s'y prennent, dans ces conditions.

Ce qui a été dit la dernière fois n'avait de toute évidence aucune portée, et personne n'a tenu ses promesses. Comment donc nous présenter aux négociations cette fois-ci en nous assurant que les gens vont respecter leurs engagements, au lieu de n'en faire qu'à leur tête une fois qu'on a le dos tourné? Nous nous retrouvons maintenant dans une situation, comme l'ont dit mes collègues d'en face, où finalement nous avons reculé. S'agit-il alors de rester les bras croisés et de s'enfoncer lentement, en nous laissant dépasser par tout le monde, ou allons-nous décider de jouer le même jeu? Franchement, nous n'avons pas les ressources financières voulues pour le faire. Comment donc procéder? Je vous soumets toutes ces questions; essayez d'y répondre.

M. Robert Broeska: Je ne sais pas à qui exactement vous vous adressiez: sans doute à nous tous. Je vais donc essayer.

Excusez-moi, mais je vais être obligé de me rabattre sur le secteur que je connais le mieux. En ce qui concerne les oléagineux, et jusqu'à environ 1985, c'est-à-dire avant l'Accord de libre- échange canado-américain, l'industrie canadienne des oléagineux, particulièrement du côté de la transformation, était à terre. On pourrait même prétendre que nous avons perdu une partie importante de nos investissements en raison de ces guerres de prix la fin des années 70 et du début des années 80.

La négociation de l'Accord de libre-échange canado-américain a permis de sauver l'industrie des oléagineux canadienne. L'accès au marché américain, sans tarifs douaniers et sans quotas, nous a sauvés.

Le problème, c'est que nous sommes devenus prisonniers de la situation. Oui, il y a le marché intérieur, mais nous avons aussi cette capacité de produire des récoltes énormes, et nous pouvons également transformer des quantités considérables pour l'exportation, mais tout cela est maintenant axé sur le marché américain.

La leçon que nous avons tirée de notre expérience américaine est précisément celle que nous voulons mettre à profit à l'OMC. Si nous avons réussi sur le marché américain, imaginez ce que nous pourrions faire si nous avions accès au Japon, à la Chine, et à tous ces pays d'Asie du Sud-Est qui sont complètement protectionnistes.

Je pense qu'il faut insister et persister dans ce que nous voulons, et avoir des propositions de mesures à soumettre. Nous avons réussi à conclure des alliances avec notre secteur dans le monde entier, pour parvenir à des règles équitables, c'est-à-dire donnant, donnant, pour ce qui est des oléagineux, et toutes les nations exportatrices ont appuyé notre démarche, y compris l'Europe.

Je crois que nous avons ici un schéma que nous pourrions appliquer à d'autres produits de base canadiens. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et les négociateurs d'Agriculture Canada sont d'accord, et c'est dans cette direction qu'ils entendent travailler.

Le président: Merci.

Monsieur Breitkreuz, vous avez cinq minutes.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'ai quatre questions à poser. Je n'ai pas beaucoup de temps, et je n'aurai sans doute pas un deuxième tour; je vais donc vous soumettre toutes mes questions en même temps. Si vous ne pouvez pas y répondre maintenant, vous pourrez peut-être le faire par écrit. Je ne vois pas comment faire autrement.

Beaucoup d'entre vous ont dit que nous devrions répondre aux programmes qu'offrent les autres États en ayant nos propres programmes. Oui, mais tout est une question de détails. Certains d'entre vous, ainsi M. Bacon, si je ne me trompe, ont parlé de répondre au coup par coup, alors que pour M. Broeska il ne faut surtout pas s'engager dans la voie des subventions, qui a des effets de distorsion sur les échanges. Alors, si nous voulons aider nos agriculteurs, face aux subventions que les autres pays accordent aux leurs, quelle forme cette assistance devrait-elle prendre? Nous nous opposons aux subventions, d'un côté, mais dans l'immédiat il va peut-être falloir intervenir. Est-ce que ça va être un versement selon la superficie? Est-ce que ça va être un allégement fiscal? Quelle forme cela devrait-il prendre, à votre avis?

• 1025

Ma deuxième question est celle-ci: qu'est-ce qui nous empêche d'obtenir des autres pays qu'ils abaissent leurs subventions? Serait-ce que c'est que nous ne sommes pas suffisamment bien organisés? Se pourrait-il qu'il y ait des irritants commerciaux, et que ces autres pays nous demandent de régler cela d'abord avant que l'on négocie plus avant?

La question suivante est peut-être une conséquence de la précédente. Est-ce qu'il y a quelque intérêt à se joindre aux États-Unis pour la négociation avec les Européens et les autres pays? Vous avez dit d'un côté que nous ne cessons de vendre des produits venus d'Europe, des États-Unis et d'ailleurs. Peut-être que nous ne sommes pas un marché très important pour eux, et si nous disons que nous allons refuser d'importer leurs produits à valeur ajoutée à moins qu'ils ne nous permettent d'exporter les nôtres chez eux, cela n'aura pas beaucoup d'influence sur la négociation. Mais si nous pouvons nous joindre aux États-Unis, cela nous donnera peut-être une masse critique suffisante. Est-ce possible?

Ma dernière question, et je suis surpris que personne ne l'ait abordée, concerne ce qui me paraît être un irritant majeur à propos de l'Europe, à savoir que les Européens peuvent fermer leurs portes à nos produits, en arguant de ce que ceux-ci ont été modifiés sur le plan génétique et qu'ils ne sont pas naturels. Y a-t-il eu des recherches de faites là-dessus montrant que cela est justifié? Comment allons-nous par ailleurs contrer les accusations selon lesquelles notre canola, ou autre céréale, a subi des manipulations génétiques? J'ai quelques notions scientifiques, et je comprends que peut-être dans certains cas nous avons mis au point certaines variétés nouvelles en court-circuitant les méthodes traditionnelles, grâce aux moyens dont nous disposons à l'heure actuelle. Mais comment répondre à ce reproche concernant les produits transgéniques?

Voilà les quatre questions que j'avais à poser, monsieur le président. Je voudrais bien que l'on puisse y répondre, d'une manière ou d'une autre.

Le président: Voilà quatre questions, et il reste deux minutes. Qui se sent de taille?

M. Gordon Bacon: Une petite remarque, d'abord. Lorsque j'ai dit qu'il fallait répondre en adoptant des programmes semblables à ceux que les autres États offrent à leurs producteurs, je pensais surtout aux aides à la commercialisation. Je ne parlais pas de subventions à la production, ni à l'exportation. Je parlais surtout de promotion commerciale, d'aides à la commercialisation, avec des garanties de crédit pour les ventes, ou des partenariats avec le secteur privé permettant de l'aider. Je partais du principe que les échanges étaient libres et sans entraves. Vous pourrez donc vous reporter à mon exposé écrit pour le détail; cela vous expliquera la chose de façon plus claire.

M. Garry Breitkreuz: Mais il faudra peut-être attendre des années avant que quelque chose ne soit mis en place. Qu'allons-nous faire d'ici là? C'est cela ma question.

M. Phil de Kemp: Je vais pouvoir répondre à certaines des questions, j'aimerais en tous les cas essayer. Ce que je vais dire renvoie également à ce qu'a dit Murray.

En ce qui concerne les programmes de soutien, le Canada a toujours été cohérent, à savoir qu'il n'y a pas de subventions—c'est après coup; il s'agit de programmes de soutien du revenu agricole. Les agriculteurs ne peuvent pas se vanter de pouvoir ensemencer telle superficie de blé, parce qu'ils auraient la certitude qu'à la fin de l'année ils toucheront une subvention. Or, c'est ce qui se passe dans la Communauté européenne. Si vous envisagez des programmes de soutien, c'est parfait. Ce sont des choses qui s'appliquent après coup, ça n'a aucun effet de distorsion sur les échanges, et ça reste neutre au niveau de la production. C'est du soutien au revenu agricole.

En ce qui concerne les États-Unis, et tout le reste, ce que Murray a expliqué, c'est qu'il s'agit d'aide aux agriculteurs, versements pour sinistre, et programmes de réserve de terres sous conservation. Il s'agit simplement de ne pas ensemencer une certaine superficie. En Europe, les prix très bas... Lors du dernier tour de table du GATT, on a parlé de réduire ce que l'on mettrait de côté. Ça a effectivement été réduit de 10 p. 100, mais la production a augmenté de 20 p. 100.

Si vous voulez vraiment prendre le taureau par les cornes, et aboutir, regardez ce qu'est exactement leur potentiel de production maximale, qui reste impressionnante. Allez en France, et regardez une bande de blé ou d'orge qui vient d'être moissonnée, vous ne verrez pas la terre, il n'y a aucun espace vide.

Nous avons plus de choses en commun avec les États-Unis, quelles que soient par ailleurs les difficultés sur le plan des échanges. J'imaginerais plutôt quelque chose comme le Groupe de Cairns plus les États-Unis, face à l'Europe. C'est aussi simple que cela. C'est là que nous aurons une marge de manoeuvre, en nous alliant aux États-Unis contre l'Europe. Le Groupe de Cairns est un petit peu sur la touche. Mais nous avons plus de choses en commun avec notre premier partenaire commercial qu'avec qui que ce soit d'autre.

• 1030

Qu'est-ce qui nous retient, sur le plan des échanges? Si nous pouvions nous associer aux États-Unis, vous pourriez concocter quelque chose et de cette façon nous pourrions avoir un peu de poids.

Le président: Je vais permettre à M. Hunter et à M. Sigal de répondre une minute.

M. Bruce Hunter: En ce qui concerne les OGM, je crois que la surveillance au Canada est excellente, comme elle l'est d'ailleurs aux États-Unis et en Europe. C'est un mode de surveillance scientifique de ces organismes qui ont subi des modifications génétiques. Aucune étude n'a été faite en Europe sur des OGM venus du Canada, laquelle permettrait de dire qu'il y a des problèmes, à partir du moment où c'est fait scientifiquement. Tout cela est sans fondement. En ce qui concerne notre maïs Bt, par exemple, il a été réévalué et réexaminé à plusieurs reprises, sans que jamais qui que ce soit puisse trouver quoi que ce soit. Ça n'est donc pas un problème. C'est une affaire politique. C'est une question de barrières commerciales, c'est comme la maladie de la vache folle. C'est qu'en Europe on ne fait plus confiance, qu'il s'agisse des instances de réglementation ou du gouvernement. Voilà donc les quatre raisons pour lesquelles tout est différent en Europe.

En ce qui concerne le maïs et le soja, les OGM ont été approuvés aux États-Unis et en Europe. Notre canola ne l'a pas été. C'est peut-être une question de pouvoir d'influence. Les États- Unis, eux, se sont battus pour défendre leur position. Ils sont très déterminés et même menaçants. Je ne pense pas que nous ayons fait la même chose.

Le président: Excusez-moi, le temps est écoulé. Monsieur Sigal, vous pourrez peut-être avoir la parole tout à l'heure.

Madame Ur, cinq minutes.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Bacon, dans votre exposé, vous avez dit, en ce qui concerne le secteur des fèves et haricots, que votre quota n'est que de 1 688, alors qu'il est de 56 200 et quelque pour les États- Unis. Qu'est-ce que cela représente comme pertes pour les exportateurs canadiens, puisque les États-Unis peuvent nous acheter nos haricots et les revendre grâce à leurs quotas? Qu'est-ce que ça représente comme pertes pour les agriculteurs canadiens?

M. Gordon Bacon: Je ne peux pas répondre à la question, je ne sais pas. Ce serait par ailleurs impossible à évaluer, puisque tout produit entrant au Mexique au titre du quota de l'ALENA doit avoir un certificat d'origine stipulant s'il s'agit d'un produit du Canada ou des États-Unis. Nous savons, et les Mexicains savent, que les haricots canadiens sont exportés aux États-Unis et ensuite revendus au Mexique comme produit américain; mais il serait difficile de déterminer de façon précise ce que cela...

Mme Rose-Marie Ur: Il y a donc une étiquette, avec l'origine et la destination du produit, États-Unis par exemple? Si cela a été récolté au Canada, on devrait le préciser au moment de l'entrée au Mexique, n'est-ce pas?

M. Gordon Bacon: Oui, ça devrait être indiqué. Mais quel que soit le produit, il est en fait impossible de savoir exactement d'où il vient vraiment. Si une société prétend que c'est un produit américain, rien n'est là pour vérifier de façon absolue que c'est bien un produit américain.

Mme Rose-Marie Ur: Vous dites que pour les grains de provende, la Chine n'a pas de système de calibrage distinct. Est-ce le seul pays?

M. Gordon Bacon: Non. C'est un problème qui se présente dans beaucoup de pays, dans peut-être même tous les pays qui n'utilisent pas les pois comme composants de l'alimentation des animaux; et ça c'est presque le monde entier, à l'exception de l'Europe de l'Ouest.

Mme Rose-Marie Ur: Monsieur de Kemp, vous disiez que vous avez assisté aux dernières négociations. Nous avons aujourd'hui un débat préliminaire sur l'OMC. Vous y étiez?

M. Phil de Kemp: Oui.

Mme Rose-Marie Ur: Y aurait-il quelque chose que vous feriez différemment aujourd'hui?

M. Phil de Kemp: Je ne sais pas si je peux me risquer à parler.

Une voix: Dites les choses telles qu'elles sont.

M. Phil de Kemp: Ce que je trouve bien cette fois-ci, au moins pour le démarrage, c'est qu'il y a beaucoup plus de consultations. Sur le plan politique ça pourrait être bon, car vous pouvez dire que vous consultez les industries et secteurs considérés.

Nous ne sommes pas naïfs, et beaucoup d'entre nous savent très bien qu'au Canada c'est un point très sensible sur le plan politique, à savoir la défense du marché intérieur par opposition aux intérêts de l'exportation, etc. Mais au moins cette fois-ci on dialogue... beaucoup plus que la dernière fois.

Mais je pense que je sais d'où l'on partira quand nous nous présenterons au GATT. Ce sera en gros la même position pour tous les pays, et il n'y aura pas beaucoup de changements. C'est-à-dire que le Canada va parler d'une démarche équilibrée, ce qui peut à peu près tout vouloir dire. C'est-à-dire que tous les pays vont avoir la même démarche, et rien ne sera fait jusqu'à la dernière heure, ou disons les 48 dernières heures, par exemple.

• 1035

Ce qui est intéressant, à ce propos, c'est que ce sera peut- être un peu plus facile cette fois-ci, parce qu'il y a un modèle. C'est-à-dire que l'on parlera de faire reculer les paiements de soutien, ou d'une méthodologie qui est déjà là.

Le problème, la dernière fois, consistait en grande partie à essayer de déterminer quelle méthode allait être utilisée pour décider de ce qu'était une barrière non tarifaire afin de pouvoir ensuite lui trouver un équivalent tarifaire.

Est-ce que ce sera plus facile cette fois-ci? En partie, oui, parce que le système est devenu plus manipulable. La dernière fois, ce que vous croyiez avoir obtenu et la façon dont les gens avaient interprété cela étaient deux choses différentes. Je pense qu'on pourra limiter les dégâts ici et là.

Ce que j'aimerais bien voir cette fois-ci... La seule force du Canada c'était le Groupe de Cairns, où nous nous sommes toujours considérés comme libres-échangistes. Il y a quelques disparités, car certaines de nos transactions passent directement par des agences, etc.

Personnellement, je crois que nous avons plus en commun avec les États-Unis, et c'est en nous accrochant à eux et au Groupe de Cairns que nous réussirons. Vous savez, 50 p. 100 de ce que les États-Unis produisent est exporté. C'est au moins cela, sinon plus, en ce qui nous concerne, du moins pour beaucoup de nos secteurs. Pour l'Europe c'est moins. Les 10 ou 15 p. 100 de ce qu'ils exportent met par terre tout le marché mondial, et tout le barème des prix. Sitôt que nous pouvons développer de nouvelles alliances, je pense que c'est effectivement la solution.

Mme Rose-Marie Ur: Y a-t-il des possibilités de ce côté?

M. Phil de Kemp: Politiquement? Je crois, comme je le disais, que le Canada et les États-Unis ont d'assez bonnes relations commerciales. Même avec les litiges dans le secteur de l'agriculture, nous arrivons toujours à nous entendre. Il y a beaucoup de grandes déclarations politiques qui accompagnent ces querelles, mais ça finit par être résolu. Je pense donc que c'est de ce côté-là qu'il faut chercher.

Je ne blâme pas les États-Unis pour tout l'argent qu'ils dépensent. S'ils l'ont, qu'ils le dépensent. S'ils le dépensent pour des affaires du marché secondaire, en ce qui concerne l'aide en cas de désastres, soit. Écoutez, s'ils ont l'argent pour le faire, excellent. Mais pour ce qui est des versements par anticipation, où vous savez que vous aurez accès au marché parce que vous aurez 5 000 $ de plus pour le faire, d'une ferme... Non, absolument.

Le président: Merci.

Avant qu'on passe à M. Hilstrom, M. Sigal avait quelque chose à dire en réponse à un commentaire de M. Breitkreuz.

M. Simon Sigal (consultant, Canadian Oilseed Processors Association): Plusieurs choses, en fait.

Pour revenir à une question posée par mon collègue, je pense que nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis l'Uruguay Round. L'agriculture est sans doute l'élément le plus délicat à traiter, et le point de départ est différent de celui qu'on avait alors. Il y aura plus de discussions accélérées. Et l'on sait comment aborder certaines de ces questions, ce qu'on ne savait pas avant.

J'aimerais ajouter une chose. Le Canada ne peut pas aller à ces négociations sans avoir quelque chose en main. Vous savez, on n'a rien pour rien.

M. Murray Calder: Exact.

M. Simon Sigal: Si on vient à la table sans rien offrir, on deviendra ce que j'appellerais marginalisés en quelques minutes. On deviendrait quantité négligeable. Si nous avons quelque chose à proposer...

Je viens d'assister à une réunion internationale des producteurs. Ils ont parlé des 6 milliards de dollars. Il y avait des Américains là, et des Européens aussi. Ils ont dit: «Nous n'avons pas demandé ces 6 milliards de dollars; c'était de la politique. On venait d'avoir les élections aux États. C'est pourquoi on nous a donné les 6 milliards—c'est la seule raison.»

Une bonne partie de cet argent est allée à des non- agriculteurs. Elle est allée à des gens qui cultivaient le riz et l'orge, qui ne sont pas des cultures majeures. Ce sont des cultures plutôt inhabituelles. Et je le répète, ils ne l'avaient pas demandée.

En ce qui concerne les OGM, il y a un moratoire de deux ans sur le canola en Europe. Les producteurs européens que je viens de rencontrer, qui sont les chefs de file parmi les agriculteurs, me disent qu'ils veulent cultiver des OGM. Ils en voient les avantages, comme tout le monde. Mais ils ont affaire à ce qu'ils appellent des valeurs éthiques et morales, non pas à des revues basées sur la science. Ils ont dit que les Européens n'ont pas confiance en la science, parce qu'ils ont trop souvent été trompés. Ils croient beaucoup plus en ce qu'on appelle l'éthique. Or, la signification de l'éthique change selon les gens, et je ne sais pas exactement comment aborder cette question.

M. Murray Calder: Négocier, c'est troquer.

M. Simon Sigal: Oui.

Le président: Monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom: Monsieur le président, quand on commence à parler statistiques, je pense qu'il faut garder la bonne perspective. On parle des grandes subventions versées par les Américains. Eh bien, il faut se rappeler que le Canada en verse entre 700 millions et 1 milliard de dollars aussi, et leur secteur agricole est 10 à 15 fois plus grand que le nôtre. Alors il faut garder une perspective juste, et ne pas accuser nos partenaires commerciaux de verser des subventions ridicules quand ils ont un marché beaucoup plus grand.

• 1040

Je remarque, et c'est intéressant, qu'on parle encore une fois ici des élections pour expliquer les motivations des Américains. Eh bien, j'aimerais savoir pourquoi le sénateur Dorgan continue à parler des entraves au commerce maintenant que les élections sont terminées. Il persiste à s'en plaindre. C'était dans la presse encore la semaine dernière. Alors je ne crois pas qu'il faille blâmer uniquement les élections.

Il faut traiter avec les États-Unis, notre meilleur partenaire commercial, dans le cadre de discussions bilatérales pour former ce groupe capable de négocier au niveau mondial pour les marchés nord- américains, où nous vivons. C'est la réalité.

Monsieur Bacon, je vais vous poser une question, et vous donner l'occasion de répondre publiquement oui ou non. Aimeriez- vous que votre secteur relève de la Commission canadienne du blé?

M. Gordon Bacon: Eh bien, Pulse Canada, comme je l'ai dit, a pour rôle de promouvoir et de développer des marchés. Notre conseil n'a jamais discuté du marketing dans le sens où je pourrais vous dire le point de vue de Pulse Canada dans ce domaine, alors je dirais qu'on n'a pas de point de vue à cet égard. Ce n'est pas un domaine qui...

M. Howard Hilstrom: Alors, vous ne parlez pas au nom des producteurs?

M. Gordon Bacon: Non. Nous représentons les producteurs dans un secteur précis de la promotion des marchés de l'industrie, du développement des marchés et de l'accès aux marchés, mais pas au niveau de la politique intérieure.

M. Howard Hilstrom: Eh bien, ce n'est pas une question de politique intérieure. Il s'agit de commerce mondial; il s'agit de la façon dont on met nos produits en marché. Cela intéresserait-il vos producteurs?

M. Gordon Bacon: Encore une fois, je devrai consulter le conseil d'administration pour recevoir ses instructions. C'est une question dont on n'a pas discuté.

M. Howard Hilstrom: Merci.

Le Japon est un important marché. Ils ont beaucoup d'argent, et c'est une occasion. Qu'est-ce qu'on peut faire, ou qu'est-ce qu'on peut offrir en termes de concessions—pas de concessions, ce n'est pas le mot juste—que pouvons-nous proposer pour obtenir des compromis des Japonais? Peut-être les graines oléagineuses...

M. Robert Broeska: Je peux faire des commentaires. Je suis sûr que les autres peuvent en faire aussi.

Comme toute notre industrie, j'ai passé beaucoup de temps au cours des deux dernières années à essayer de connaître les Japonais. Comme vous le savez, en ce qui concerne les oléagineuses, ils sont très protectionnistes.

Il semblerait qu'on assiste à une division au sein de l'administration japonaise au sujet du commerce agricole et industriel. L'isolement engendré par le protectionnisme commence à créer de la frustration au Japon. Les administrateurs disent: «Il faut résoudre nos problèmes internes, et on va le faire en abandonnant une partie de ce protectionnisme; en même temps, il faut recevoir quelque chose sur la scène internationale».

Ils semblent dire qu'ils aimeraient voir renforcer l'article 12 de l'accord de l'OMC. C'est-à-dire, «nous voulons bien libéraliser, mais il faut avoir votre garantie que vous serez là pour nous approvisionner, parce que nous sommes un grand importateur net. Si vous, en tant qu'exportateurs, pouviez inclure des éléments contraignants dans l'article 12 qui nous assureraient que vous n'allez pas appliquer d'embargos ou que vous n'allez pas nous exclure du commerce quand les denrées se font rares, et que nous aurons des recours si nous sommes exclus, alors en contrepartie on va libéraliser un peu nos échanges si vous voulez bien renforcer l'article 12». C'est le seul endroit où on a vu une possibilité de négociation jusqu'ici.

Comme M. Calder l'a dit, c'est une négociation commerciale.

Le président: D'accord, merci beaucoup.

Madame Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Ma question question s'adresse à M. Sigal. Si j'ai bien compris, quand on arrive à la table des négociations, il faut avoir un pouvoir de marchandage et donc être prêt à faire des concessions. Étant donné tout ce qu'on sait maintenant, j'ai l'impression qu'on a été très bons joueurs et qu'on a respecté tous nos engagements, mais que ce n'est pas le cas de nos partenaires. Alors, quelles concessions peut-on faire dans le monde agricole? J'ai l'impression qu'on a déjà tout donné.

• 1045

[Traduction]

M. Simon Sigal: Je pense que nous avons rempli nos engagements. On a fait des compromis au sujet de la LTGO. C'était la seule subvention à l'exportation qu'on avait à l'égard de bien des produits agricoles. Cependant, ce qu'on n'a pas fait dans la dernière série et ce qu'on demande dans les négociations préliminaires, c'est la suppression de certains des tarifs restrictifs que nous avons sur la gestion des approvisionnements. Cette question est constamment soulevée.

À la dernière réunion à laquelle j'ai assisté, cette question a été adressée au Canada, et il y avait entre 25 et 30 représentants de la gestion de l'offre canadienne à cette réunion- là. Les États-Unis et l'Europe ont tous les deux dit la même chose. Ils ont parlé des entreprises commerciales d'État comme d'un fourre-tout, et ils y englobaient la Commission canadienne du blé et la gestion de l'offre. Ils sont très fermes là-dessus. Ils ont leurs propres inconsistances, bien sûr, et ont dit qu'ils allaient envisager la suppression des tarifs et restrictions visant les arachides et le sucre. Ils seraient prêts à négocier cela.

Les États-Unis et l'Union européenne semblent être de plus en plus prêts à faire des concessions, ce qui n'était pas le cas avant. Nous devrons nous aussi montrer notre volonté de faire des concessions. Je ne sais pas si nous pouvons en donner plus.

Pour un pays importateur, l'article 12 est un aspect très important et très sérieux. Si j'étais dans ce pays importateur, je voudrais m'assurer d'avoir une source d'approvisionnement et que personne n'imposera d'embargo. Ce sont donc des questions dont nous devrons discuter.

M. Garry Breitkreuz: Cela répond à ma question aussi, sur ce qui constitue des entraves commerciales.

Le président: Pourrais-je poser une question à M. de Kemp?

Un des témoins qui a comparu l'autre jour a dit que nous avions de bons négociateurs lors de l'Uruguay Round mais que nous nous sommes quand même retrouvés à court, ce qui n'était pas tout à fait inattendu. Je me demande si, lors de ces négociations, la taille d'un pays est un facteur. Notre marché interne est petit, mais notre production est très forte. Par conséquent, nous dépendons énormément des exportations. Le reste du monde semble être très différent, du moins lorsqu'on parle des gros joueurs. Le marché européen compte plus de 300 millions d'habitants, et l'Europe ne dépend pas des exportations comme nous. Il y a aussi la Chine, avec une population d'un milliard, et le Japon, avec plus de 100 millions d'habitants. Est-ce que nous sommes désavantagés par notre petite taille dans cette formule?

M. Phil de Kemp: Absolument. Nos négociateurs ont fait de leur mieux, compte tenu des barrières politiques qui étaient en place et de nos intérêts du point de vue international. C'est la raison pour laquelle on essaie de forger des alliances. Dans notre industrie, nous avons des entreprises communes avec nos homologues européens, ce qui n'existait pas il y a cinq ans. Donc c'est la même chose ici.

Est-ce que l'union fait la force? Oui. Je le crois fermement. Au plan politique et comme pourcentage du PNB, l'agriculture est très importante. Nous ne vendons pas des Airbus et il ne s'agit pas de la haute technologie, mais le tissu social est là, et cela compte au Canada. Dans le cadre de leurs activités, beaucoup plus de gens dépendent de cela que de l'industrie de la haute technologie.

Entamer la prochaine série de négociations, c'est comme dire qu'il faut faire un pacte avec le diable, pour ainsi dire, ou vendre son âme. Je ne le crois pas. Mais je crois honnêtement que nous pouvons travailler ensemble, avec le Groupe de Cairns et nos homologues américains. Ce sont des exportateurs tout comme nous.

Le président: Me permettez-vous de poser une autre question à M. Sigal? Vous disiez que lors de la prochaine série de négociations, nous devrons trouver quelque chose à mettre sur la table. Je ne sais si vous l'avez dit explicitement, mais j'en déduis que si vous représentiez le Canada autour de cette table, vous renonceriez à un des aspects de la gestion de l'offre.

• 1050

Ne donnez-vous pas l'impression d'appuyer le principe de faire du «pas dans ma cour»? Vous êtes prêt à renoncer à quelque chose dans un autre secteur, mais pas à quelque chose qui est importante pour vous. Comment peut-on s'asseoir autour de cette table si c'est l'attitude qui prévaut? On est toujours prêt à renoncer à quelque chose qui appartient à quelqu'un d'autre, mais pas à soi.

M. Simon Sigal: On n'a pas beaucoup à donner aux autres industries ni à qui que ce soit d'autre. On n'a plus rien à donner des côtés des oléagineux, ni du côté du blé, sauf peut-être au niveau de la CCB, et c'est toujours ce que l'on propose.

Il ne nous reste pas beaucoup à mettre sur la table dans le domaine agricole. Il y a des pépins dans le secteur du porc et ainsi de suite, mais de façon générale, notre environnement est exempt de tarifs dans bien des cas, sauf pour l'Asie. Nous ne considérons pas l'Europe comme étant un énorme marché pour nous comme certains le font. Nous parlons généralement de commerce international. Notre marché, c'est l'Asie. Nous savons ce que nous avons à offrir. Au bout du compte, nous sommes très vulnérables en tant que pays. Nous sommes petits, comme vous l'avez dit. À mon avis, la raison pour laquelle nous sommes si vulnérables, et c'est très évident cette année, c'est que si les prix des différents produits baissent, nous nous trouvons dans une situation très difficile.

Notre part du total des exportations mondiales dans le secteur agroalimentaire se situe autour de 3,5 p. 100. C'est un pourcentage très faible. Et ces prix-là sont stables. Du côté des oléagineux, tout va assez bien cette année. Aucun producteur ne demande d'aide. Le secteur de l'huile et de la farine des graines oléagineuses nous ont vraiment aidés à maintenir le statu quo pour les agriculteurs. D'après moi, on pourrait dire la même chose de tout produit transformé. Ici au Canada, nous préférons ne pas transformer nos produits.

Le président: Merci beaucoup. Vous avez très bien expliqué votre position. Cela nous aide à comprendre votre situation, surtout de votre point de vue.

Monsieur Hilstrom, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président. J'aimerais faire un bref commentaire et clarifier quelque chose qui a été dit.

Mon commentaire porte sur votre dernière question au témoin. J'estime que si vous regardez le compte rendu des délibérations de cette séance, vous verrez que l'orientation de votre question ne reflète pas les propos de M. Sigal. Je n'insisterai pas davantage là-dessus, mais je n'aimerais pas que M. Sigal pense qu'on lui attribue des propos qu'il n'a jamais prononcés. C'est tout.

Le président: J'estime que M. Sigal est un grand garçon, qui peut très bien se défendre lui-même.

Si nous ne posons pas ces questions, nous n'arriverons jamais au fond des choses. C'est pour ça que je les pose, monsieur Hilstrom. Je ne peux pas toujours compter sur vous pour poser les meilleures questions.

Monsieur Calder, voulez-vous ajouter quelque chose avant que nous ne levions la séance?

M. Murray Calder: Oui, merci, monsieur le président.

À propos des commentaires de M. Hilstrom: Jadis, j'étais producteur de volaille. J'appuie la gestion de l'offre, et je sais ce que nous avons accompli dans le secteur de la volaille. Nous avons abandonné l'article 11, pour passer à la tarification. Nous avons réduit notre protection de 15 p. 100, et maintenant nous sommes bloqués à 85 p. 100. Quelle concession estimez-vous qu'il faudra donc faire dans ces négociations?

M. Simon Sigal: Cela va dépendre beaucoup des producteurs de volaille et des autres. Il faudra voir ce qu'ils pensent pouvoir faire pour changer la structure du secteur, et pour la rendre plus intégrée.

J'ai assisté à une réunion où on a demandé aux Canadiens d'indiquer les sujets dont on devrait discuter avec la Chine. Les producteurs de volaille disent très clairement qu'ils veulent plus d'accès à la Chine. À présent, parmi nos marchés de la volaille, celui de la Chine occupe le troisième rang en importance.

M. Murray Calder: C'est exact.

M. Simon Sigal: Cela m'a beaucoup surpris, franchement. Je ne l'avais pas constaté.

Dans le secteur de la gestion de l'offre, nous n'avons pas fait beaucoup pour l'exportation. On a eu tendance à se concentrer sur le côté national. On importait même quand on manquait de produits. Cela comprend la volaille, d'ailleurs. Quand McDonald's a lancé les croquettes de poulet et d'autres produits semblables, nous n'avons pas pu réagir assez vite. Nous devons étudier la façon dont l'industrie évolue.

M. Murray Calder: L'industrie change. En 1996, nous avons établi une politique d'exportation pour la volaille, pour répondre aux besoins du marché national. Il y a un surplus de chair brune, parce qu'actuellement un tiers de la population canadienne ne veut pas ingérer trop de cholestérol. Notre industrie a toujours réagi aux besoins du marché national.

• 1055

M. Simon Sigal: Je crois qu'on peut dire la même chose des autres secteurs de la gestion de l'offre. Vous apportez les changements structurels. D'autres ne l'ont pas encore fait.

M. Murray Calder: C'est vrai.

M. Simon Sigal: Ils devraient penser à le faire.

M. Murray Calder: D'après moi, c'est une des raisons pour lesquelles le seul secteur de l'industrie agricole n'ayant pas de problème en ce moment-ci, c'est le secteur soumis à la gestion de l'offre.

Le président: Merci, messieurs. Vos présentations et vos réponses étaient excellentes. Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais vous remercier d'être venus aujourd'hui. Nous avons beaucoup appris pendant cette réunion. J'espère que nous allons vous revoir dans un très proche avenir. Merci.

La séance est levée.