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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 3 novembre 1998

• 1103

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia)): La séance est ouverte.

Nous allons entendre au cours de la séance les mêmes organisations que nous avons entendues au cours des deux dernières heures, mais cette fois-ci, elles nous communiqueront des informations très importantes sur la situation du revenu agricole au Canada. Je les remercie d'avoir accepté notre invitation ce matin.

Je dirais à tous nos témoins que si j'ai un espoir pour la séance d'aujourd'hui et celles qui suivront au cours des trois ou quatre prochaines semaines, c'est que nous, les politiciens, les représentants du public, en sortions mieux informés que nous le sommes maintenant.

Je sais que nous tous ici présents comptons sur vous pour mieux connaître la situation difficile dans laquelle se retrouvent nos collectivités agricoles. Je sais que le gouvernement compte sur les informations que vous allez lui communiquer parce qu'il a besoin d'informations solides pour intervenir d'une manière responsable et opportune.

Je tiens à vous dire également qu'au moment où nous nous apprêtons à étudier cette situation, il faut se souvenir que nous ne sommes pas au tribunal ici. Il n'y a pas d'avocat de la Couronne, j'espère, ni d'avocat de la défense. Il s'agit simplement pour vous de nous communiquer des informations qui nous éclaireront tous—pas seulement les personnes ici présentes, mais surtout ce que l'on pourrait appeler les puissances qui nous gouvernent.

• 1105

Le gouvernement a besoin d'informations solides. Je ne crois pas qu'il se trouve une seule personne ou organisation qui détienne toutes ces informations. Voilà pourquoi, au cours des trois ou quatre prochaines semaines, nous allons entendre le plus grand nombre d'organisations possible, et de là nous analyserons toutes ces informations et déciderons des correctifs à prendre.

Donc, ces quelques observations étant faites, nous allons entendre de nouveau nos témoins, mais dans l'ordre inverse cette fois. Nous allons commencer par M. Wilkinson, qui sera ensuite suivi de M. Edie et de M. Larsen, si cela vous va. C'est le même format, c'est-à-dire déclarations liminaires suivies de questions.

Malheureusement, c'est journée d'opposition à la Chambre aujourd'hui, et on y présentera une motion sur cette question même, ce qui nous fera concurrence d'une certaine manière, mais il est important que vos informations soient portées à la connaissance du public.

Alors allez-y, s'il vous plaît.

M. Jack Wilkinson (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci beaucoup. Nous avons un mémoire qui vous a été remis et que nous aimerions intégrer dans le procès-verbal. Mais au lieu de vous le lire mot à mot, je me contenterai d'en citer les idées principales et de faire quelques observations supplémentaires.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le président, de quel mémoire s'agit-il précisément?

M. Jack Wilkinson: D'accord, nous allons vous le dire. Il y avait aussi un texte sur le revenu agricole. Les deux textes ont la même page de couverture brune, mais Sally Rutherford, je crois...

M. Howard Hilstrom: C'est le texte sur le revenu agricole.

M. Jack Wilkinson: Oui.

À mon avis, on peut dire sans se tromper que les événements des quelques derniers mois ont créé une crise dans certaines régions et au niveau de certains produits de base au pays.

L'an dernier, les organisations agricoles nationales, régionales et provinciales ont joint leurs efforts pour dresser un rapport sur l'état actuel des filets de protection—les programmes de sécurité du revenu agricole au Canada—et faire une recommandation. Ce texte a été communiqué au ministre de l'Agriculture lors de la rencontre fédérale-provinciale de Niagara en juillet dernier. On y recommandait l'établissement d'un programme d'aide aux sinistrés pour le revenu agricole.

Même si les prix ne posaient pas de problème critique à ce moment-là, de manière générale, nous avons fait état—et cela remonte à la troisième ligne de défense originale que réclamaient les organisations agricoles lorsqu'a été conclu le premier protocole d'entente il y a cinq ans sur les mesures de protection actuelles—d'un chaînon manquant, d'un problème très grave. Nous avions ainsi un Compte de stabilisation du revenu net qui était conçu de toute évidence pour compenser les fluctuations des prix dans des circonstances normales. Il en coûte environ 200 millions de dollars au gouvernement fédéral et environ 100 millions de dollars aux gouvernements provinciaux, les producteurs y versant des contributions à parts égales.

Nous avions alors environ 180 millions de dollars de plus dans le système d'assurance-récolte du gouvernement fédéral, ce qui, de manière générale, est considéré comme un dispositif de protection tout à fait raisonnable contre les pertes dues aux intempéries pour la plupart des produits de base, dans la plupart des régions du pays. On note ici des ratés et des échecs, mais, de manière générale, un grand nombre de fermiers y ont recours. Nous avions également environ 220 millions de dollars dans les autres programmes fédéraux. Cela donnait une grande souplesse aux provinces, qui pouvaient ainsi décider, de concert avec leurs organisations de producteurs ou avec l'industrie agroalimentaire, comment dépenser une partie de cet argent. Même si nous avions des réserves quant à l'orientation des autres programmes, tout le monde s'était entendu sur ces autres programmes plusieurs années auparavant—pas toujours avec enthousiasme, mais telle était la réalité.

Puis la réforme budgétaire a suivi. Il y a eu des compressions dans les programmes, et en 1986 nous touchions 2,5 milliards de dollars en sécurité du revenu agricole. Nous avons maintenant au niveau fédéral environ 670 millions de dollars, auxquels s'ajoutent environ 400 millions de dollars provenant des provinces. Mais certaines provinces, par exemple le Manitoba et la Saskatchewan, ont décidé de bonifier leur assurance-récolte au cours des quelques dernières années et ont, à toutes fins utiles, éliminé les programmes de soutien des prix des produits de base. Donc, pour ce qui est des programmes garantis, les producteurs ne disposent pratiquement que du CSRN; c'est tout.

L'Alberta a mis de l'avant un programme. La Colombie-Britannique a mis de l'avant un programme qui vise à compenser les pertes sur marge. L'Île-du-Prince-Édouard a mis de l'avant son programme aussi. Le Québec a le sien. L'Ontario a le programme de revenu du marché pour ses récoltes et rien à toutes fins utiles pour le bétail. Ces programmes varient considérablement d'un bout à l'autre du pays.

Après, un tas de contrats conclus avec la Russie ont été annulés, et il y a eu cet effondrement incroyable du marché asiatique, et tout à coup nos débouchés ont disparu. Comme vous pouvez l'imaginer, notre marché fluctue selon l'offre et la demande, et comme il s'agit d'aliments périssables, quand vous avez 10 p. 100 de porc de trop, par exemple, sur le marché international, les prix chutent abruptement, ce qui a été le cas partout dans le monde.

• 1110

Les producteurs canadiens sont relativement vulnérables. Le prix du blé durum a baissé de 41 p. 100 par rapport à ce qu'il était il y a 12 moins. Il est impossible que le CSRN puisse compenser de telles fluctuations dans les prix. C'est impossible, et nous le reconnaissons. Nous ne faisons de reproches à personne, et nous ne dirons pas que nous vous l'avions bien dit. Nous disons cependant qu'en 1974 le revenu agricole net au Canada était de 5 milliards de dollars; en 1986, il était de 3,5 milliards de dollars; et l'an dernier, il était de 1,7 milliard de dollars. On sait qu'il est intervenu ici une forte dépréciation artificielle, et ce n'était peut-être pas si mauvais que cela, mais selon les prévisions de cette année Agriculture et Agroalimentaire Canada admet que ce sera 2 milliards de dollars, et on ne s'attend pas à ce que les choses s'améliorent l'an prochain. C'est 2 milliards de dollars, mais il se peut que ce soit pire en fait.

La situation est exacerbée par la guerre commerciale entre l'Union européenne et les États-Unis, qui se battent pour prendre pied sur les marchés et protéger leurs producteurs. Ils protègent leurs producteurs, comme le confirment ces 7 milliards de dollars de plus qui ont été versés aux producteurs américains l'an dernier, et ce, dans le cadre d'un programme qui était de loin supérieur à ce que nous avions au départ.

Nous sommes venus ici aujourd'hui pour vous dire qu'il faut agir. Le gouvernement fédéral a équilibré son budget annuel. À peu près toutes les provinces, sauf une, ont équilibré leur budget. Nous vous demandons de réinvestir dans l'agriculture et de créer un programme d'aide aux sinistrés pour le revenu agricole qui nous permettra de faire face aux intempéries, aux pertes dans les récoltes, à l'effondrement des prix, et à tout ce qui ravage l'agriculture, et ce programme doit être conçu de manière à ne pas compromettre nos exportations. Ce qui veut dire que ce programme ne saurait s'appliquer aux produits de base uniquement. Il doit être offert à tous, il doit viser à remédier à tout le problème du revenu agricole, et il doit être détaché des prix individuels des produits de base.

Nous pensons avoir un programme détaillé. Nous pensons que si ce programme n'est pas conforme aux règles vertes du GATT, il sera à tout le moins à l'abri des droits compensateurs. Nous pensons qu'il y a moyen de créer un programme conforme aux règles vertes du GATT au départ. Mais même si cela ne se fait pas, nous avons la certitude de pouvoir offrir un programme qui échappera aux droits compensateurs. Nous pensons qu'il est essentiel d'agir maintenant.

Nous savons qu'il y a 2,3 milliards de dollars dans le CSRN. La moitié a été versée par les agriculteurs. Quarante-deux mille des quelque 140 000 comptes ont un solde inférieur à 1 000 $. Nous ne prétendons pas que le CSRN est un échec; nous disons simplement qu'il ne peut suffire à compenser les pertes de revenus attribuables à la baisse des prix. C'est un programme utile, qui a des avantages, mais il n'a jamais été conçu pour faire face à la situation actuelle.

Nous devons agir dès maintenant. Nous espérons que le comité et tous les partis vont reconnaître que le milieu agricole traverse une crise du revenu. Nous ne pouvons faire des dépenses tout en respectant nos obligations à l'égard du GATT en matière de soutien intérieur. Nous en sommes à 15 p. 100 du niveau observé en 1986. Nous pouvons passer à 80 p. 100 sans créer de problèmes commerciaux si le programme est bien conçu. Bien sûr, nous ne demandons pas tant d'argent. Nous savons qu'il y a des limites, mais nous savons aussi qu'il faut agir.

Je vous implore tous... Nous répondrons à toutes les questions que vous pourriez avoir à ce sujet. Nous pensons avoir un programme qui va fonctionner, et c'est maintenant le temps d'agir sur le plan politique. Compte tenu de la situation internationale, nous estimons qu'il est impératif d'agir, et nous aimerions obtenir l'appui du comité et de tous les intervenants pour le faire.

Le président: Je vous remercie de votre déclaration liminaire, monsieur Wilkinson.

La parole est maintenant à M. Edie.

M. Kenneth Edie (membre du conseil, Agricore): Merci beaucoup, monsieur le président. Je ne lirai pas en détail les commentaires que nous avons formulés dans notre mémoire; je vais plutôt en résumer quelques-uns.

Agricore, au nom de ses membres agriculteurs, est très préoccupé par la situation financière des agriculteurs des Prairies. Nous vous remercions de prendre le temps d'examiner la situation du revenu, et nous nous réjouissons à l'avance de collaborer avec vous en vue de trouver la meilleure solution possible aux problèmes.

La meilleure façon de comprendre la situation du revenu dans les Prairies consiste à rencontrer sur place des agriculteurs qui sont directement touchés. Nous devons parfois utiliser des chiffres pour essayer de mesurer les problèmes, mais il ne faut pas oublier qu'on peut parfois utiliser les chiffres pour leur faire dire tout ce qu'on veut. Voici donc quelques données.

En 1997, selon Statistique Canada, le revenu agricole net total dans les Prairies a chuté de 35 p. 100 en Alberta, de 40 p. 100 au Manitoba et de 84 p. 100 en Saskatchewan par rapport à 1996. De plus, les producteurs des Prairies ont vu leur revenu diminuer considérablement en 1998. Les encaissements des entreprises agricoles dans les Prairies pendant les six premiers mois de 1998 ont considérablement diminué par rapport à la même période l'an dernier. La baisse est de 10,2 p. 100 en Alberta, de 8,9 p. 100 en Saskatchewan, et de 12,5 p. 100 au Manitoba. Cette baisse touche l'ensemble des produits agricoles, et non pas seulement les céréales. Cela illustre bien la gravité de la situation.

• 1115

Comme je l'ai dit, nous avons sorti les chiffres. Dans le cas du blé, le prix à la ferme est de 3,66 $ le boisseau. Et même pour le canola, qui est dans une situation relativement meilleure, le prix a baissé de 35 $ la tonne par rapport à l'année dernière. Cela représente presque 1 $ le boisseau, étant donné qu'il y a 44 boisseaux dans une tonne.

Ces prix ne laissent aux agriculteurs des Prairies qu'une marge très étroite après qu'ils ont payé leurs coûts de production de base. Il leur sera difficile de faire face aux dépenses de ménage élémentaires, et il est peu probable que des investissements en capital soient réalisés. De fait, selon des données de l'Institut canadien d'équipement agricole et industriel, certains investissements en capital ne sont pas réalisés. Au cours des neuf premiers mois de 1998, les ventes de tracteurs ont chuté de 54 p. 100, les ventes de moissonneuses-batteuses sont en baisse de 40 p. 100, et les ventes de presses à fourrage et d'andaineuses ont reculé respectivement de 13 p. 100 et de 14 p. 100 par rapport à la même période l'année dernière.

Pour l'instant, on ne s'attend pas à des améliorations importantes pour la campagne agricole 1998-1999. La production mondiale de blé atteindra plus de 590 millions de tonnes, ce qui est légèrement inférieur au record historique. Devant l'augmentation continue de blé et d'orge et d'autres cultures appartenant aux gouvernements, l'Union européenne a haussé ses subventions à l'exportation. Les États-Unis ont recours aux subventions à l'exportation dans le marché international des céréales, et cela risque de se poursuivre.

Le gagne-pain des agriculteurs des Prairies dépend presque entièrement des marchés. Comme cela a été démontré, lorsque les prix mondiaux sont faussés par des subventions et d'autres activités qui se répercutent sur le commerce, le revenu agricole au Canada en souffre.

Nos principaux concurrents sur le marché international ne sont pas aussi vulnérables aux fluctuations des prix mondiaux. En moyenne, l'agriculteur européen reçoit 175 $ canadiens simplement pour exploiter une culture.

Parmi les mesures prises pour soutenir les producteurs de céréales, le gouvernement américain achète deux millions de tonnes de blé à titre d'aide alimentaire. Cet achat s'ajoute au programme normal d'aide alimentaire. Le but de cette mesure est de soutenir le prix du blé pour les agriculteurs américains. Mais le gouvernement des États-Unis s'est aussi engagé à fournir cette année une aide substantielle aux agriculteurs. La Chambre des représentants et le Sénat ont entériné un programme de soutien du revenu qui s'élèvera à plus de 6 milliards de dollars américains.

Par comparaison, les agriculteurs des Prairies ne jouissent pas de ce genre de programmes. Les agriculteurs en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba reçoivent au total 600 millions de dollars des gouvernements fédéral et provinciaux.

J'aimerais vous soumettre quelques idées pour faire face au problème. À court terme, il n'est pas trop tôt pour commencer à élaborer un programme afin d'aider les agriculteurs à traverser la crise causée par la situation financière mondiale et par les activités de nos concurrents à l'échelle internationale. Nous aimerions collaborer avec le gouvernement en vue d'évaluer la situation et d'élaborer un programme destiné à corriger le problème sans fausser la production ou réduire la souplesse du marché que notre industrie a tant cherché à créer.

Parallèlement, nous devons nous attaquer à la question des coûts. Le gouvernement a un rôle à jouer à cet égard. D'entrée de jeu, nous exhortons le gouvernement à suspendre immédiatement ou à annuler les initiatives de recouvrement des coûts. On estime que chaque année les agriculteurs canadiens paient plus de 100 millions de dollars pour des services fournis ou requis par le gouvernement. Selon nos calculs, les initiatives de recouvrement des coûts réduisent la marge d'exploitation nette des producteurs de céréales et d'oléagineux de plus de 1 p. 100.

Malgré le ralentissement important de l'économie agricole, de nouvelles initiatives de recouvrement des coûts et des augmentations dans le cadre des initiatives actuelles sont prévues. Par exemple, la Garde côtière canadienne prévoit instaurer des frais d'utilisation pour briser la glace sur les cours d'eau. Elle a déjà annoncé une augmentation des frais pour l'entretien et le dragage de la voie maritime du Saint-Laurent. L'Agence canadienne d'inspection des aliments a annoncé une augmentation des frais d'inspection; certains de ces frais sont attribuables aux heures supplémentaires effectuées pendant les inspections sur les navires. On a annoncé une augmentation des frais exigés pour avoir accès aux programmes de prêts du gouvernement, comme les prêts destinés aux améliorations agricoles. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, aux prises avec un déficit budgétaire, pourra bientôt proposer une augmentation des droits d'enregistrement des produits antiparasitaires. La Commission canadienne des grains, vu la réduction des volumes de grains lui permettant de recouvrer ses coûts, aura probablement à composer avec un déficit budgétaire.

D'autres frais attribuables aux initiatives de recouvrement s'ajoutent aussi aux dépenses agricoles. Il faudrait un engagement immédiat en vue de réduire les efforts de recouvrement des coûts et de ne pas lancer d'autres initiatives de ce genre.

• 1120

Nous aimerions que le ministre nomme un groupe de travail spécial qui sera chargé de déterminer tous les coûts imposés aux agriculteurs, directement et indirectement, par le gouvernement fédéral et de formuler des recommandations portant sur un retrait à court terme ou permanent des initiatives de recouvrement.

Pour que ce processus soit utile, le groupe de travail devrait comprendre des représentants de l'industrie. Ils devraient avoir des échéances très serrées à respecter, et le gouvernement doit s'engager à examiner sérieusement ses recommandations.

Un examen important du système de transport des céréales dans l'Ouest est presque terminé. Nous espérons qu'il se traduira par des recommandations qui permettront de réaliser des gains en efficacité représentant plusieurs centaines de millions de dollars pour les agriculteurs des Prairies. Nous avons exhorté le ministre des Transports à entreprendre immédiatement des consultations auprès des intervenants de l'industrie au sujet des recommandations et de prendre rapidement des mesures constructives pour réduire les frais de transport assumés par les producteurs tout en s'assurant que ces derniers reçoivent un service efficace.

Tous les ordres de gouvernement devraient prendre des mesures immédiates pour corriger les règles fiscales qui désavantagent nos producteurs par rapport à leurs concurrents. Par exemple, l'impôt foncier payé par les terminaux céréaliers au Canada est de loin supérieur à celui payé par les terminaux aux États-Unis. En outre, la taxe de vente provinciale imposée sur les wagons loués pour transporter les céréales entre les provinces est à la fois coûteuse et inéquitable. Nous sommes conscients que les questions fiscales sont délicates, mais les agriculteurs, les Prairies et le Canada ont intérêt à collaborer en vue d'uniformiser les politiques fiscales.

À long terme, nous espérons que les gouvernements vont collaborer afin de permettre à notre industrie de soutenir la concurrence en misant sur ses avantages naturels et qualitatifs. Il faudrait pour cela éliminer les subventions à l'exportation et accroître considérablement l'accès aux marchés; déterminer et supprimer les obstacles réglementaires intérieurs et autres obstacles qui désavantagent notre industrie par rapport à ses concurrents; élaborer un programme national efficace de protection du revenu agricole qui comprendrait un programme d'aide aux sinistrés pour aider les producteurs à faire face aux risques liés au climat et au marché; et veiller à ce que les producteurs aient les meilleurs instruments agricoles et techniques disponibles en s'engageant fermement à financer la recherche agricole fondamentale.

En terminant, j'aimerais réitérer que les agriculteurs des Prairies sont dans une situation financière très difficile cette année. La situation va probablement s'aggraver à mesure que l'Union européenne va augmenter ses inventaires et utiliser les subventions à l'exportation pour les vendre sur le marché international. Les effets de la crise financière asiatique continuant de se faire sentir, Agricore tient à collaborer avec le gouvernement et les autres intervenants pour élaborer des stratégies à court terme afin d'aider les agriculteurs à faire face à la chute des prix mondiaux et de la demande. À long terme, nous espérons que de nouvelles règles sur le commerce international favoriseront une concurrence équitable et que les programmes nationaux vont contribuer à accroître notre compétitivité au lieu de la miner.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Edie.

Je cède la parole à M. Larsen.

M. Leroy Larsen (président et directeur, conseil d'administration, Saskatchewan Wheat Pool): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis désolé de ne pas avoir de mémoire à soumettre au comité. Cependant, je vais m'entretenir avec mes collègues de ce côté-ci de la table.

Tout d'abord, je pense que nous devrions déterminer comment nous en sommes arrivés à cette situation dans le secteur agricole au Canada. Nous devons reculer dans le temps. Ken a parlé très clairement de l'augmentation de la production internationale de nombreuses denrées que nous produisons au Canada. La situation monétaire internationale n'a certainement pas aidé le marché. La grippe asiatique, comme on l'appelle maintenant, s'est répercutée sur le pouvoir d'achat de bon nombre de nos clients traditionnels. Et comme nous en avons parlé plus tôt ce matin, les subventions qui faussent le commerce et le marché se répercutent sur mon revenu agricole et sur celui de tous les autres agriculteurs.

De plus, les programmes canadiens ont changé la donne pour l'agriculteur. L'élimination du tarif du Nid-de-corbeau a entraîné une hausse importante des coûts pour mon exploitation agricole. J'ai dit plus tôt que je ne pouvais produire de l'orge fourragère pour le marché d'exportation et payer les pleins coûts de transport. Je dois étoffer à ce sujet. Oui, il y a eu un rachat du programme du Nid-de-corbeau, comme je l'appelle, et de nombreux producteurs ont fait des investissements en capital pour diversifier ou changer leurs activités agricoles, mais ils n'ont pas encore eu l'occasion de récolter les fruits de l'investissement qu'ils ont fait grâce au rachat ou du capital qu'ils ont investi dans leurs unités de production.

• 1125

Ken et Jack ont parlé des initiatives de recouvrement des coûts et des questions fiscales qui se répercutent sur mon revenu agricole. Bon nombre de ces coûts sont cachés pour les producteurs et sont difficiles à déterminer, mais nous savons qu'ils existent et qu'ils réduisent le résultat net pour nos agriculteurs.

J'étais particulièrement content lorsque j'ai appris que le gouvernement avait réussi à équilibrer son budget. Mais je tiens à dire à tous les députés ministériels que j'ai été très déçu qu'on n'ait pas fait état de la contribution du secteur agricole. Le milieu agricole a fait de nombreux sacrifices. Nous avons généré des revenus qui ont profité à tous les Canadiens. Un des commentaires que j'ai faits aux médias lors du dernier budget, c'est que j'estimais qu'on aurait dû remercier le secteur agricole pour sa contribution à l'équilibre du budget. J'aurais bien aimé qu'on le fasse.

On a laissé entendre que vous devriez vous rendre sur une ferme. À cet égard j'aimerais vous parler de mon fils, qui essaie de suivre mes traces. Vous pourrez vous en servir comme d'un exemple de la situation de l'agriculteur aujourd'hui, en particulier du jeune agriculteur qui essaie de s'établir, et qui doit surmonter certains obstacles. Le jeune agriculteur assume habituellement une trop lourde dette. Les taux d'intérêt sont raisonnables, mais c'est tout de même une obligation qu'il doit respecter. La possibilité d'ouvrir au compte au CSRN n'est pas offerte au nouvel agriculteur ou au jeune agriculteur, et il n'a aucun filet de sécurité.

En Saskatchewan, il suffit de se rendre dans un encan agricole et de voir la liste des articles à vendre pour se rendre compte que les collectivités agricoles sont moribondes. Il y a une grande compagnie de ventes aux enchères dans le Nord de la Saskatchewan qui a un programme complètement chargé. Il est impossible d'obtenir ses services pour l'instant, parce qu'elle est occupée jusqu'aux semailles le printemps prochain.

Je répète que nous avons besoin d'un autre programme pour compléter les programmes de sécurité du revenu actuels. Nous avons besoin d'un programme pour faire face à la baisse prolongée des prix que nous observons en ce moment, et il doit pouvoir servir en cas de catastrophe naturelle ou autres. Il suffit de se rendre dans le Nord-Ouest de la Saskatchewan et d'en discuter avec les agriculteurs. Je pense qu'on peut faire la même chose dans une grande mesure dans le nord de l'Alberta, une région qui n'avait pas connu de sécheresse depuis de nombreuses années, pratiquement depuis que je suis au monde. Les régions de Meadow Lake et de Lloydminster ont connu des sécheresses records. Lorsqu'on parle aux agriculteurs des programmes de sécurité du revenu, ils nous disent: «Ma cotisation au régime d'assurance-récolte a augmenté et ma protection a diminué. Le CSRN? Je n'ai rien dans mon compte. Je n'ai pas pu contribuer au CSRN à cause des mauvaises récoltes pendant trois des cinq dernières années.»

Je dirais, comme l'ont déjà fait mes deux collègues ce matin, qu'il faut investir dans l'économie agricole aussitôt que possible. Comme nous nous apprêtons à renégocier le renouvellement du programme de sécurité du revenu, il faut envisager d'instaurer un programme complémentaire. Je pense qu'une injection de capital pourrait servir de mesure temporaire jusqu'à l'instauration d'un programme complémentaire. Nous allons devoir nous asseoir et discuter des meilleurs moyens à prendre à cet égard. Je sais que le ministre de l'Agriculture tient demain une réunion à laquelle la plupart d'entre nous participeront. Les ministres provinciaux de l'Agriculture y seront également présents. J'espère que nous pourrons progresser dans ce dossier.

La situation est grave pour de nombreux producteurs dans l'Ouest du Canada, et je dirais même dans l'ensemble du Canada.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Larsen.

Je pense que ces trois exposés constituent un bon point de départ.

Avant de céder la parole à M. Hilstrom, j'ai deux petites questions à vous poser, auxquelles vous pouvez répondre d'un seul coup. Je vais les poser à M. Wilkinson.

• 1130

Monsieur Wilkinson, mes deux questions partent de l'hypothèse que la crise du revenu agricole suscitera des effets multiples. Certains fermiers souffrent plus que d'autres. Je vais donc commencer par vous demander si le gouvernement est en mesure d'identifier avec précision tous les fermiers qui vont souffrir de ces effets.

J'aimerais ensuite savoir ce que doit faire le gouvernement. Doit-il venir en aide expressément aux fermiers qui sont le moins en mesure d'absorber le choc de la crise actuelle?

M. Jack Wilkinson: Eh bien, il est quelque peu difficile de dire précisément quels seront ces effets. Plusieurs fermes se sont diversifiées dans une certaine mesure. Par conséquent, il se peut que vous ayez sur votre ferme des produits qui n'auront pas souffert autant dans le cadre de ce régime de prix, alors que d'autres en auront pâti. Tout dépend de votre spécialisation, des produits de base qui forment votre spécialisation et de votre degré de diversification, et de là on saura dans quelle mesure vous êtes touché.

Mais je pense qu'on peut dire que l'on peut examiner le revenu agricole net sur une base individuelle. Ce que nous proposons à titre de programme de secours aux sinistrés, par exemple, tiendrait compte de la marge individuelle de votre ferme. Si votre marge baisse au-dessous des 30 p. 100, ce programme interviendrait. C'est donc un programme très spécialisé, qui tient compte de chaque ferme à titre individuel et de toutes les baisses. Et si cette baisse est de plus de 30 p. 100, ce programme intervient.

Le programme sera compatible avec le GATT. Tous les revenus seront pris en compte; il s'agira donc du revenu net de la ferme. Il ne tiendra pas compte expressément des produits, par exemple, si un produit en particulier souffre. Si c'est ce que nous faisons, nous risquons d'avoir de sérieux problèmes au niveau des échanges commerciaux.

Nous proposons donc de tenir compte de chaque ferme, et dans le système que nous proposons, vous pouvez identifier ces fermes, et cela ne créera pas de problème au niveau des échanges commerciaux.

Il est difficile de déterminer exactement combien il en coûtera, même si nous vous en donnons une idée dans notre mémoire. Si vous aviez une protection de 70 p. 100, c'est-à-dire une baisse de la marge de 30 p. 100, le programme vous protégerait, et il vous protégerait contre les marges négatives, et il pourrait en coûter 500 millions de dollars au total au Canada. Mais il y a déjà en place au Canada des programmes provinciaux qui absorbent déjà une partie de ces pertes. Il en coûterait donc probablement moins.

Le président: Tout cela est délicat sur le plan politique. Êtes-vous disposé, Jack, à dire que certains de vos membres ne souffrent pas assez, que toute assistance aux sinistrés ira à...

M. Jack Wilkinson: Oui.

Le président: ...votre voisin ou vos voisins parce qu'ils souffrent plus que vous?

M. Jack Wilkinson: Nous l'avons déjà dit, et nous maintenons notre déclaration.

Le président: D'accord.

M. Jack Wilkinson: Nous parlons d'un programme qui fait intervenir le CSRN à ce niveau, l'assurance-récolte à ce niveau, et un programme de secours aux sinistrés couvrira le reste.

Nous savons parfaitement bien que les gens ne seront pas tous traités de la même manière en raison du mélange des produits. Mais il y a une autre façon de considérer les choses, et nous pensons que ce programme traitera tout le monde également. Si votre revenu a connu telle ou telle baisse, vous pourrez profiter de ce programme. Ce sera donc un programme acceptable et équitable.

Le président: Merci.

Je vais quitter mon fauteuil de président quelques instants. Il y a un mois que j'ai promis à l'Institut canadien pour la protection des cultures de le rencontrer. Ça fait je ne sais combien de fois que j'annule cette rencontre, et je vois que ses représentants viennent d'entrer dans la salle. Je vais m'absenter quelques minutes et demander à Mme Ur de me remplacer.

Monsieur Hilstrom, vous avez sept minutes.

M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président. Je vais faire quelques observations pour donner le ton à notre échange. Nous avons un peu de temps devant nous aujourd'hui.

Chose certaine, j'ai aimé ce que vous avez dit, monsieur Larsen. J'espère que cela ne vous dérange pas si je vous appelle par votre prénom. Est-ce que cela vous dérange si on oublie parfois l'étiquette?

D'accord, le concept de budget équilibré s'est appliqué à tous les secteurs, à la fonction publique comme à l'économie agricole. Les fermiers ont connu leur part de difficultés avec ce budget équilibré. Cela ne fait absolument aucun doute. On le vit aujourd'hui, et le moment est tout trouvé pour voir ce que nous pouvons faire aujourd'hui.

Cette question est tellement importante que j'ai cru bon... lorsque notre comité a commencé à siéger, il a adopté une motion pour étudier cette question, motion qui a reçu l'aval des députés du gouvernement et de l'opposition.

J'ai également proposé la motion de crédits qui sera débattue aujourd'hui à la Chambre toute la journée. Le président a bien parlé aussi. Dans un sens, il est quelque peu malheureux que les deux doivent partir au même moment.

• 1135

Le fermier canadien vient à Ottawa et voit 301 députés. Si nous lui disons qu'on n'a pas le temps de l'écouter ou de mener trois ou quatre activités différentes au même moment, ce fermier a le droit de nous demander pourquoi nous sommes si nombreux ici.

Je crois donc que nous irons jusqu'au bout de la présente audience, peu importe le nombre d'activités qui ont lieu en même temps. En tant que députés, nous devons nous assurer qu'au moins un d'entre nous reste pour vous écouter.

Je ne crois pas qu'à une prochaine séance, le président va nous demander qui doit poser la première question sur ce problème. Nous en reparlerons entre nous plus tard.

Mais le Canadien moyen, le monsieur qui vit en ville, les hommes et les femmes qui vivent dans les villes ne comprennent pas vraiment cette crise. Le gouvernement, nous, les députés, tout comme vous, les représentants de l'industrie, avons un problème de communication, et nous devons nous assurer que les grandes populations des villes comprennent ce qui se passe. Ce sont eux qui alimentent pour une bonne part le budget fédéral, par leurs impôts, et ils doivent être d'accord avec les solutions que nous finirons par proposer.

J'aimerais faire deux autres observations avant de continuer. Il y a tout d'abord cette histoire du fermier homogène, ce fermier mythique qui fait tout, alors qu'il faut toujours parler en termes sectoriels. On ne peut pas simplement tous les appeler des «fermiers», parce que c'est trompeur. Moi, je suis producteur de boeuf, et vous, vous produisez essentiellement du canola et des grains, ou autre chose de ce genre. Donc, quand on parle de fermiers, parlons davantage d'un point de vue sectoriel.

Même chose avec tous ces chiffres qu'on lance. J'aimerais que nos témoins et le comité parlent plutôt... Ils parlent du revenu agricole total et de ce genre de chose.

À mon avis, il est nécessaire de rappeler que dans bon nombre de cas on parle des statistiques de Statistique Canada, alors qu'en fait il faut tracer des distinctions si l'on veut parler d'autre chose que du revenu net total. Il y a le revenu net et le revenu net en liquidités. Bien sûr, vous autres, vous comprenez tout cela. On ne tient pas compte de la déduction pour amortissement et de ce genre de chose.

Voilà donc ce que je pense de manière générale, et si vous voulez parler d'autre chose que du revenu net total, qui tient compte de la dépréciation ou non, vous devez le dire. Je veux seulement que vous établissiez cette distinction.

La présidente suppléante (Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.)): Monsieur Wilkinson.

M. Jack Wilkinson: Eh bien, les chiffres que nous avançons ont toujours été uniformes, et nous avons toujours été constants. Mais j'aimerais dire deux autres choses.

Tout d'abord, je ne pense pas que les contribuables canadiens y voient un inconvénient. Je veux bien qu'ils ne comprennent pas, mais ils élisent des députés pour que ceux-ci prennent des décisions.

Très franchement, je ne pense pas que le ministre de l'Agriculture rencontra de l'opposition s'il vient dire qu'il y a une crise très précise que l'on peut quantifier et que le gouvernement fédéral, de concert avec les gouvernements provinciaux, a décidé d'intervenir en instaurant un programme de secours. Je ne crois pas que les consommateurs se plaindront, parce qu'ils sont tellement loin maintenant de l'agriculture qu'ils ne savent vraiment pas ce qui se passe dans ce secteur.

D'autre part, nous avons des faits et chiffres pour défendre une telle action. Lorsque la situation leur sera expliquée, ils diront qu'ils n'avaient aucune idée du problème et qu'il est en effet normal d'intervenir. Ils ne veulent pas que les agriculteurs disparaissent.

Pour ce qui est de la démarche sectorielle, même si un agriculteur va dire: «Pourquoi ne toucherais-je pas d'argent alors que le prix de mon boeuf, de mon porc ou de mes céréales a chuté... Pourquoi considérez-vous l'ensemble de mon exploitation agricole?»

Il faut considérer les choses de cette façon. Les éleveurs canadiens, par exemple, ou les producteurs de porc, ou toute autre association qui s'occupe de commerce extérieur, viendront vous dire: «Si vous nous donnez un programme qui s'applique spécifiquement à un produit, les États-Unis vous nous opposer immédiatement des droits compensateurs. Donc, s'il vous plaît, ne faites rien qui puisse entraîner des difficultés sur le plan commercial.»

C'est la raison pour laquelle il nous faut considérer l'ensemble du revenu agricole, indépendamment de la production. Même si un producteur estime que ce n'est pas la meilleure méthode, je crains qu'étant donné les obligations commerciales que nous avons, nous n'ayons pas le choix. Toutes ces associations nationales qui font de l'exportation seraient certainement entièrement d'accord avec nous là-dessus.

M. Howard Hilstrom: D'accord. Il faut d'autre part comprendre ceci. Tout le monde devrait le comprendre. Ce n'est pas simplement le contribuable qui vit dans les villes et dans le reste du Canada qui est en cause. Mais si l'on considère le budget fédéral... Et c'est là que nous parlons de la solution finale. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur l'urgence de la chose. C'est parce qu'il faut que cela soit dans le prochain budget fédéral, qui, si je ne m'abuse, est prévu pour février. En préparant ce budget, il faut comprendre que le gouvernement doit choisir ses priorités. Où doit aller l'argent? Les fonds ne sont pas illimités.

• 1140

Les batailles qui vont se livrer au sein du conseil des ministres, au sein du groupe parlementaire—le groupe parlementaire rural est probablement représenté par des gens qui sont ici—vont être énormes. Il ne faut pas ignorer que le grand public qui influe sur ces députés doit être d'accord.

La présidente suppléante (Mme Rose-Marie Ur): Monsieur Hilstrom...

M. Howard Hilstrom: En arrivons-nous à la fin?

La présidente suppléante (Mme Rose-Marie Ur): Vous avez une minute pour la réponse.

M. Howard Hilstrom: D'accord. Donc, nous commençons, et il est important que le comité essaie de comprendre et de donner le ton.

Vos exposés sont intéressants, et nous vous poserons d'autres questions. J'ai beaucoup parlé de ce premier point, mais il faut nous assurer que lorsque nous vous poserons nos dernières questions, vous sachiez pourquoi nous vous les posons.

Quelqu'un veut-il faire un commentaire sur ce que j'ai dit?

M. Leroy Larsen: Vous savez, je veux simplement ajouter quelque chose à ce que signalait Jack tout à l'heure dans sa proposition. Une des choses qui doit être très claire, c'est que nous ne voulons certainement pas d'un programme qui pénalise les gens qui ont essayé de se protéger dans le contexte du programme de filet de sécurité, de l'assurance-récolte, du CSRN, etc.

Je pense donc que nous devons être très clairs à ce sujet. Cela doit faire partie de l'équation qui consiste à répartir l'assistance.

La présidente suppléante (Mme Rose-Marie Ur): Merci, monsieur Larsen.

Nous allons passer à M. McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci, madame la présidente.

La crise agricole est certainement très sérieuse. Il y a des années que la situation n'a pas été aussi grave.

Il peut être dangereux de réfléchir tout haut, mais une des choses que nous avons faites au gouvernement—et quelqu'un a parlé du «groupe parlementaire»—c'est de nous entendre entre nous. Nous nous gagnons même l'appui de collègues des régions urbaines. Toutes ces petites choses, comme les informer du fait que les effets seront ressentis dans toutes les localités du pays... La sidérurgie et tous les autres produits qui entrent dans la fabrication de ces équipements... tout va ralentir, sinon pratiquement cesser.

Je lis simplement l'ordre du jour. Nous avons donc très bien contrôlé cela. On parle de l'étude de la crise imminente des revenus agricoles. De mon côté, je veux dire que la crise est actuelle. Je conviens qu'il nous faut avoir ces audiences pour en mesurer l'importance. J'écouterai certainement, et j'aimerais que nous puissions siéger toute la journée de demain pour entendre tout cela. Mais nous avons la réunion du groupe parlementaire national et un certain nombre d'autres choses au programme, si bien que nous allons vous écouter et entendre ce que vous pensez et ce que vous croyez que le gouvernement et le ministre sont en train de dire. J'espère que le ministre sera là pour vous écouter.

J'ai une question à poser sur le revenu agricole. Vous avez dit, Jack, que s'il a diminué de 30 p. 100 ou plus... Une des choses que j'entends dire dans ma région, c'est qu'il nous faut être très prudents lorsque nous parlons de ce revenu agricole. Il faut savoir si l'on inclut le revenu gagné en dehors de l'exploitation; je pense aux conjoints qui sont très souvent des femmes qui travaillent à l'extérieur.

J'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. Jack Wilkinson: Ma foi, nous ne pensons pas que le revenu non agricole devrait entrer dans l'équation. Je crois que c'est tout à fait injuste: en fait, prenez une exploitation agricole et examinez tout et dites que soit par choix, soit par nécessité, vous travaillez à l'extérieur pour compléter votre revenu ou pour toute autre raison, et que cela devrait être déduit de votre entreprise. Nous pensons que c'est totalement inapproprié.

Ce chiffre est souvent indiqué, même dans les chiffres d'Agriculture Canada. C'est dire que puisqu'il y a possibilité de gagner de l'argent à l'extérieur, il n'est pas nécessaire de s'occuper du revenu agricole.

La politique agricole, ce n'est pas avoir une usine automobile tous les 200 milles pour permettre aux gens d'aller travailler en dehors de l'exploitation. La politique agricole, c'est concevoir les programmes nécessaires pour traiter de problèmes agricoles. Nous estimons donc qu'elle se défend toute seule.

• 1145

Les chiffres indiquent clairement qu'il y a une crise dans le secteur agricole. On a bien précisé que l'on avait certaines lacunes dans les programmes. Comme je l'ai dit plus tôt, il ne s'agit pas de lancer la pierre à quiconque; tout le monde reconnaissait qu'il y avait des lacunes. En opérant des coupes dans les budgets et en essayant d'équilibrer les livres, on a laissé des vides importants. Nous disons que c'est maintenant tout à fait évident et qu'il faut remédier au problème, agir rapidement et faire les choses de façon à ne pas entraver le commerce international.

M. Larry McCormick: Merci.

Il y a là des chiffres qui pourraient représenter approximativement 460 millions de dollars, dont une partie pourrait provenir des provinces et des programmes provinciaux existant actuellement. Certes, nous sommes heureux de savoir que tous les joueurs seront demain autour de la table, notamment les ministres provinciaux. Mais s'il faut 400 ou 450 millions de dollars, j'aimerais savoir comment cela pourra aider nos producteurs et pendant combien de temps, parce que ce n'est pas un problème qui sera réglé à la fin de cette année civile. Je me demandais simplement si vous pourriez me préciser un petit peu les choses.

La présidente suppléante (Mme Rose-Marie Ur): Voulez-vous répondre à ce commentaire?

M. Kenneth Edie: Je pourrais répondre au commentaire précédent et à ceux qu'a faits Howard.

Jack a simplement décrit une des méthodes qui peuvent être employées. Elle doit être peaufinée, mais je ne suis pas convaincu qu'on puisse le faire maintenant, ou même demain. Peut-être cette solution fonctionnera-t-elle, peut-être pas. L'examen de la politique agroalimentaire de décembre 1989 a eu lieu ici, à Ottawa. C'est à la suite de cet examen qu'est né le processus du filet de sécurité. Jack et moi étions là à l'époque, et nous sommes conscients des difficultés qui accompagnent la conception de ce genre de choses et de ce genre d'activités.

Pour ce qui est du revenu agricole, vous devrez composer avec certaines personnes. Patty disait qu'elle a eu un appel hier d'un agriculteur de l'Alberta qui n'a jamais rien demandé. Il était assez jeune; il a simplement dit qu'il ne serait plus là. Ces choses existent, et nous devons bien comprendre quels sont les besoins des particuliers, et déterminer comment y répondre. Ce ne sera pas tâche facile.

Quand nous étions ici la première semaine d'octobre, nous avons commencé à parler d'une de ces choses. La réaction immédiate a été qu'on demandait un programme spécial, alors que vous pensiez qu'on n'aimait pas ce type de programme. Eh bien, c'est vrai, nous n'aimons pas les programmes spéciaux, mais le processus a été entamé en 1989 et a donné certains résultats. Comme Jack l'a expliqué, cela varie selon la province, mais il n'y avait pas de troisième ligne de défense nationale et des choses de ce genre établies comme plan à long terme. Quel choix avons-nous? Nous devons nous présenter et dire qu'il existe un problème, et qu'il nous faut essayer de le régler le plus tôt possible.

La présidente suppléante (Mme Rose-Marie Ur): Monsieur Larsen.

M. Leroy Larsen: J'aimerais ajouter un petit commentaire à ce qu'a dit M. McCormick à cet égard.

Je crois qu'un de nos représentants a bien résumé la situation lorsqu'il a dit: «Je travaille sur ma ferme pour nourrir le monde, pour me nourrir et nourrir ma famille.» Nous ne devrions pas avoir ce genre d'industrie au Canada.

M. Larry McCormick: C'est vrai. Je suis d'accord.

La présidente suppléante (Mme Rose-Marie Ur): Monsieur Wilkinson.

M. Jack Wilkinson: J'aimerais faire un commentaire sur la durée possible du programme.

Il est assez difficile d'analyser la situation, mais je crois qu'il est juste de dire que pour l'industrie du porc, par exemple, la liquidation a déjà été entamée dans des fermes en Europe, et vient à peine de commencer aux États-Unis. Tout semble indiquer que cela se produit également au Canada, clairement parce que les prix sont très faibles. Actuellement, il y a entre 8 et 10 p. 100—il s'agit de chiffres récents, mais je n'ai pas les données pour aujourd'hui—de surproduction parce que plusieurs commandes ont été annulées. Il faudra un certain temps pour que le marché s'en remette. Il faudra se défaire des géniteurs, et je crois que certains pensent qu'il faudra entre six et neuf mois tout au moins pour le faire.

Il est également très difficile de déterminer ce qui se produira avec le prix des grains; cela dépendra de la question de savoir pendant combien de temps encore la situation sera difficile dans l'Union européenne, et aux États-Unis, ou encore pendant combien de temps la température aura un impact sur la surproduction qui existe actuellement. Je crois qu'il est juste de dire qu'il est fort probable que cela durera plus d'un an. Je crois qu'il est également juste de dire que tout programme que nous mettrons sur pied doit pouvoir composer avec cette situation d'entrée de jeu. Il ne s'agit pas simplement des prix d'aujourd'hui, parce que cela durera.

C'est une situation qui existe dans le monde entier. Le revenu agricole net au Royaume-Uni, par exemple, était de 4 milliards de livres il y a deux ans. Cette année il s'élève à environ 750 millions de livres. Le pays de Galles enregistrera un revenu agricole net négatif, et il en va de même pour l'Écosse et bien d'autres pays. Au Canada, le Manitoba et la Saskatchewan auront cette année un revenu agricole net négatif. Il ne s'agit pas ici de l'élimination totale des dépenses du ménage, mais cela reflète plutôt le fait que l'agriculteur ne peut pas financer ses dépenses agricoles lorsque son revenu net est négatif.

• 1150

Il ne s'agit pas simplement ici de gens qui se demandent ce qui pourrait peut-être se passer demain. Comme nous le savons pertinemment simplement en étudiant les chiffres, les problèmes existent actuellement pour certains produits. Certaines régions ont été plus durement ébranlées que d'autres, mais il s'agit pour certains secteurs d'un problème national, d'un problème très grave. Je crois que nous devons tous en convenir; je suis donc heureux qu'on ne mette pas en doute les chiffres présentés. Tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'un gros problème. Ce qu'il faut maintenant déterminer, c'est la meilleure façon, compte tenu des ressources limitées, de trouver une solution au problème; il faut donc assurer l'optimisation des ressources utilisées et éviter de créer des problèmes commerciaux.

La présidente suppléante (Mme Rose-Marie Ur): Merci, monsieur Wilkinson.

Monsieur Hilstrom, vous avez cinq minutes.

M. Howard Hilstrom: Merci, madame la présidente.

Je tiens à rassurer les témoins; notre comité est très heureux d'accueillir des témoins—et c'est le cas de tous les comités dont j'ai fait partie à la Chambre des communes. À l'occasion on pose des questions un peu pointues, mais il ne s'agit pas du tout d'attaques contre les témoins. Le témoin est le roi dans la salle d'audience. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus témoigner.

Je voulais avoir quelques précisions. Jack, vous parlez dans votre exposé de la crise à venir. Entendez-vous par là que vous ne croyez pas qu'elle existe encore, ou voulez-vous dire que les choses seront pires dans quelques mois?

M. Jack Wilkinson: Je veux dire en fait qu'à tous les mois l'impact des faibles prix est plus marqué pour les exploitations agricoles familiales. Plus les faibles prix durent...

Nous reconnaissons que la crise existe déjà pour certains produits, et nous sommes convaincus qu'elle deviendra généralisée. Il est juste de dire que souvent lorsque les prix du porc sont très faibles, ils entraînent à leur tour une baisse des prix du boeuf, et puis cet impact se fait sentir sur les autres produits. Il se pourrait fort bien que tout cela se généralise. Plus ça dure longtemps, plus les ressources des familles et le Compte de stabilisation du revenu net diminueront, ce qui rendra la vie encore plus difficile aux familles qui essaient de composer avec la crise.

Nous essayons d'obtenir ce programme depuis le début. Je crois que si vous vous renseignez, vous apprendrez que la FCA s'est vraiment trompée au début lorsqu'elle a essayé d'identifier le problème et les mesures à prendre. Ce n'est pas notre cas; il y a déjà longtemps que nous avons identifié le problème.

M. Howard Hilstrom: Merci. Je suis heureux d'obtenir cette petite précision, parce que nous allons devoir étudier tout ce que nous avons entendu et préparer un rapport comportant des recommandations; nous devons vraiment bien saisir la portée de votre intervention.

J'ai vu les rapports, mais j'aimerais quand même obtenir des précisions des pools—et également de vous, Jack. Croyez-vous que le gouvernement dispose d'une certaine marge de manoeuvre en ce qui à trait aux programmes de recouvrement des coûts et aux taxes qu'il prélève dans le secteur agricole? J'inclus ici toutes les taxes et les autres coûts connexes, comme le carburant.

Le gouvernement fédéral peut-il collaborer avec les provinces? Un des gros problèmes que je vis sur mon ranch au Manitoba, c'est que j'ai un territoire énorme et que je paie des taxes scolaires très élevées. Donc, cela me coûte cher et cela a un impact sur les intrants. Est-ce qu'on peut essayer de régler cette crise en collaborant avec les provinces? Qu'en pensez-vous?

M. Kenneth Edie: Madame la présidente, j'aimerais répondre à cette question et donner un exemple.

Je représente la Fédération canadienne de l'agriculture au sein de ce qu'on appelle le Comité consultatif pour la protection des cultures. Je suis également membre du Comité de gestion de l'environnement de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Nous nous sommes réunis hier, et je me servirai de certains des chiffres qu'on a alors présentés. L'exploitation et le fonctionnement de l'agence coûtent 28 millions de dollars; on nous demande de recouvrer 16 millions de dollars, ce qui donne un manque à gagner de 12 millions de dollars. Les chiffres et les dollars sont importants, mais ce qui importe surtout, c'est que l'agence fonctionne de façon efficace et rapide, ayant des délais d'exécution brefs pour les nouveaux produits, et qu'elle procède à des réévaluations efficaces lorsqu'elles sont nécessaires. Ça, c'est la politique du gouvernement. Nous pouvons avoir un comité consultatif sur la gestion économique, mais nous ne pouvons que composer avec la politique établie pour la ARLA. J'ai beaucoup de compassion pour ces gens, parce qu'ils n'ont pas la tâche facile.

La réunion que nous avons eue hier, sous la coprésidence de Jack, a été notre meilleure réunion. Nous avons fait certains progrès, mais il reste quand même beaucoup de pain sur la planche. Par exemple, ce manque à gagner est compensé en partie à même le budget de services votés d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, soit 2,5 millions de dollars par année pendant six ans. Comme agriculteur je trouve cela absolument inacceptable qu'on prenne de l'argent d'Agriculture Canada pour combler ce manque à gagner.

• 1155

Ce n'est pas simplement une question d'argent, mais plutôt de pouvoir intervenir rapidement. Nous pouvons parler du transport maritime. Si nous finissons assez tôt, nous pourrons en parler cet après-midi. Les gens doivent être conscients de ces problèmes et du fait qu'ils peuvent avoir un impact autre qu'un impact monétaire.

La présidente suppléante (Mme Rose-Marie Ur): Merci, monsieur Edie.

Madame Townsend, vous avez 30 secondes.

Mme Patty Townsend (gestionnaire, Affaires nationales, Agricore): Je laisserai Leroy répondre, parce qu'il l'a demandé en premier.

La présidente suppléante (Mme Rose-Marie Ur): Très bien.

M. Leroy Larsen: Je désire simplement réitérer qu'il existe une certaine marge de manoeuvre en ce qui a trait au recouvrement des coûts. Nous demandons depuis un bon moment que l'on mette fin aux programmes de recouvrement des coûts, et nous avons même proposé pour certains secteurs une diminution des coûts prélevés. Cela ne semble peut-être pas très important, mais, comme vous le savez, il n'y aura pas qu'une solution unique; il y a toutes sortes de petites choses qui doivent se produire.

Nous revenons constamment à la charge avec le gouvernement provincial en ce qui a trait aux mesures fiscales qui touchent le secteur agricole. En effet, les taxes foncières pour les biens en région rurale du Saskatchewan Wheat Pool ont doublé l'année dernière en raison du rajustement de l'évaluation. Doublé. D'où vient cet argent? Encore une fois de la tonne de grains qui se trouve dans le silo régional et des fournitures agricoles. Ce genre de choses doivent absolument diminuer.

Je sais que notre ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan sera ici demain. Nous lui avons également présenté le problème du point de vue de l'agriculteur. Il dira que la Saskatchewan dépense plus par habitant dans le domaine agricole que n'importe quelle autre province; mais en Saskatchewan c'est une grosse industrie que l'agriculture. Tout le monde devra mettre la main à la pâte si on veut régler le problème.

Mme Patty Townsend: J'aimerais faire un bref commentaire.

Personne n'aime que l'on propose la création d'un groupe de travail ou d'un comité. Cependant, il y a tellement de coûts cachés dans les taxes provinciales, les politiques fédérales et provinciales, et les politiques régionales, que le temps est venu pour nous et le gouvernement d'accorder la priorité à l'identification de ces coûts afin de déterminer une façon de les réduire. Il ne s'agit pas là d'un objectif à long terme, mais de quelque chose qu'il faut accomplir très rapidement. Nous sommes d'avis que le ministre devrait mettre sur pied immédiatement ce groupe de travail composé de représentants de l'industrie pour atteindre cet objectif.

Le président: Merci beaucoup.

M. Jack Wilkinson: Puis-je intervenir brièvement?

Le président: Oui.

M. Jack Wilkinson: Je crois qu'il y a deux grandes questions. La première concerne le très court terme, et il faut intervenir dès maintenant. L'autre porte sur les autres sujets dont on a déjà fait état.

Supposons que nous étudions la crise qui se dessine au niveau du revenu et que nous décidons qu'on peut régler le problème grâce à une réforme fiscale, etc. Nous savons tous—et nous l'avons dit publiquement—ce que nous devons faire. Cependant, demeure le problème à court terme. Si nous étudions les économies du côté des intrants qui permettraient de composer avec le problème qui existe actuellement au niveau du revenu agricole, l'agriculteur, lui, aura disparu avant que les ministères responsables, ou peu importe, agissent et que l'argent soit réinvesti dans le secteur.

Il importe donc de faire certaines des choses qui ont été proposées. Je ne le nie pas. Mais cela ne réglera pas le problème qui existe actuellement au niveau du revenu. Nous devons mettre sur pied maintenant un programme national pour les sinistres. La collectivité agricole a convenu des principes qu'il faut retenir pour agir, et je crois qu'il serait possible de mettre sur pied un tel système en quelques mois. Toutes les autres questions qui touchent les solutions à moyen et à long terme devront en découler.

Le président: Merci. Nous passons maintenant à M. Steckle.

Madame Ur, voulez-vous poser des questions après M. Steckle?

Mme Rose-Marie Ur: Je poserai mes questions après M. Proctor.

Le président: Très bien. Monsieur Steckle, vous avez cinq minutes.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Bonjour, monsieur le président. Je m'excuse de mon retard. En fait je dois me rendre à une autre réunion sous peu, mais je resterai suffisamment longtemps pour faire mes commentaires et poser mes questions.

Nous avons eu ce matin un exemple parfait de ce qu'on entend quand on dit que la nécessité rend ingénieux. Nous devons inventer quelque chose assez rapidement pour composer avec la crise à laquelle nous sommes confrontés.

Je me souviens qu'en 1991 et 1992 j'écoutais celui qui était alors notre ministre de l'Agriculture et d'autres intervenants qui s'étaient réunis pour discuter des questions agricoles. Dans mon coin de pays, on avait mis sur pied un comité qu'on appelait the Line in the Dirt. Je crois que Jack sait de quoi je parle. On étudiait la troisième ligne de défense. Mais les choses se sont améliorées. Les cinq dernières années ont été assez bonnes. Bon, on se retrouve maintenant avec des problèmes à nouveau.

Quand pourrons-nous convaincre la communauté agricole et le gouvernement de se rencontrer et d'essayer de trouver un filet de sécurité globale pour régler ces problèmes? Je sais que nous avons trois programmes—en fait nous en avons deux, selon la région où vous vivez—mais lorsque nous connaissons des années de vaches grasses, nous ne faisons jamais ce que nous devrions faire. Nous attendons toujours les années de vaches maigres avant d'agir. Il est trop tard.

• 1200

J'ai entendu des commentaires très positifs ce matin sur le recouvrement et la réduction des coûts. Tous les députés, de tous les partis, ont longuement discuté de la question et se sont demandé s'il était juste d'assumer ces coûts, parce qu'il n'existe aucun mécanisme qui nous permette de les transférer aux utilisateurs.

Les agriculteurs se retrouvent donc dans une situation difficile. Oui, nous pouvons dire que les éleveurs de porc auraient dû prédire que cela se produirait en raison de l'expansion énorme qu'a connue ce secteur. J'avais moi-même prédit que cela se produirait.

Les seules personnes qui sont probablement à l'abri aujourd'hui sont celles qui participent à des programmes de gestion de l'offre. Certains n'aiment pas le filet de sécurité qui a été mis en place en raison du programme de gestion de l'offre. Il y a des choses qui clochent dans ce programme, mais aujourd'hui ces gens ne viennent pas nous aider.

Il faut donc faire beaucoup de choses. Il nous faut, comme agriculteurs, l'accepter. Je m'inclus dans cette catégorie même si je suis politicien aujourd'hui. Je n'oublie vraiment jamais ce que c'est qu'être agriculteur, et en fait je retourne à la ferme tous les week-ends. Je sais à quel point les choses sont difficiles.

Comment pouvons-nous composer avec ces situations dans ma région? Il y a les sécheresses régionales. Ainsi, à un endroit on aura peut-être les meilleures récoltes depuis 25 ans alors que 15 milles plus loin un type a perdu toutes ses récoltes en raison de la sécheresse. Il n'a plus rien. Nous devons pouvoir composer avec ces problèmes qui se produisent dans certaines exploitations agricoles. Nous ne voulons pas de programmes spéciaux, mais je crois qu'il nous faut agir rapidement.

J'ai bien aimé ce qu'on a proposé ce matin. Je crois que c'est Ken qui l'a mentionné en premier, et Patty nous a donné de plus amples détails. On a proposé de constituer un groupe de travail. Je crois que quelque chose doit être fait rapidement. Je crois que nous savons qu'il faut agir, mais comment composer avec ces problèmes qui touchent seulement quelques exploitations agricoles?

M. Jack Wilkinson: Pour ce qui est du programme que nous proposons, il ne faut pas oublier qu'il y a déjà beaucoup de travail qui a été fait. Il y a eu 33 organisations agricoles qui se sont réunies tout l'hiver dernier. Elles ont formulé des suggestions et des propositions pour le deuxième volet du filet de sécurité. Il y a un protocole d'entente de cinq ans, et il doit être revu. Ce processus a donc eu lieu.

L'une des recommandations que nous avons adressées à la rencontre ministérielle fédérale-provinciale de juillet faisait état de la nécessité d'établir un programme d'aide aux sinistrés au Canada. Il s'agissait de combler le chaînon manquant, soit la troisième ligne de défense dont nous avions parlé dans la dernière négociation et qui n'avait jamais vu le jour.

Il y a un fort degré d'unité entre les organisations agricoles quant à la manière de régler le problème. Il y a eu de nombreuses conversations sur les correctifs à prendre, lesquels doivent minimiser les problèmes relatifs aux exportations et nous permettre d'intervenir rapidement. Nous n'avons pas besoin d'un groupe de travail pour lancer un programme d'aide aux sinistrés. J'espère que lorsque nous entrerons en pourparlers avec le ministre demain après-midi, nous pourrons le convaincre que c'est la solution. En substance, le milieu agricole est d'accord. Ce qui est essentiel.

Comme nous le proposons, ce correctif s'appliquera à la situation de chaque ferme. On tiendra compte des calculs sur marge de chaque fermier. S'il y a une baisse de plus de 30 p. 100, le programme s'appliquera et compensera toute perte passée ce point. Ce ne sera donc pas un filet de protection tous azimuts. Une baisse sur marge de 30 p. 100 modifie de beaucoup l'état des choses sur une exploitation agricole. Nous n'exigeons pas des compensations pour tout le monde et pour toutes les pertes, mais ce correctif réglera le problème d'une ferme dans votre circonscription qui a souffert de la sécheresse et qui n'avait reçu qu'un demi-pouce de pluie au milieu de l'été. Si le revenu de cet agriculteur baisse au-delà de ce pourcentage, il sera protégé.

Cela réglera par exemple la situation désastreuse des éleveurs de mouton du Québec. Votre programme a permis la liquidation du cheptel, mais il n'a pas réglé le problème de la perte du revenu. Prenez le cas de l'inondation au Manitoba ou au Québec, ou de la tempête de verglas en Ontario et au Québec. Si c'est votre ferme qui est ravagée, vous serez protégé. Toutes les pertes de revenu seront traitées de la même façon. Je pense que c'est une manière très positive de prévoir les cas futurs, et nous n'aurons pas à revenir ici et à tenir les mêmes audiences à tous les six ou sept ans.

Le président: Vous avez encore une minute, si vous la voulez.

M. Paul Steckle: Je vais céder la parole à mon collègue.

Le président: Bien. C'est maintenant au tour de M. Proctor.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup. Veuillez me pardonner d'être arrivé au milieu de la séance.

Au sujet de ce groupe de travail, je pense que M. Wilkinson vient de me donner des éléments de réponse, mais vous dites qu'on pourrait faire un rapport très rapidement. Vous dites qu'on pourrait agir très rapidement.

M. Jack Wilkinson: Je pense que tout ce que nous avons à régler, c'est... Agricore et d'autres ont dit qu'il faut se pencher sur les effets à long terme du recouvrement des coûts, de la politique fiscale et de toutes ces choses. Nous sommes parfaitement d'accord.

Du point de vue de notre organisation, il y a deux choses à faire. Premièrement, il y a toutes ces répercussions à moyen et à long terme qui poseront toujours un problème du côté des dépenses agricoles et auxquelles il faut voir au niveau des politiques des gouvernements provinciaux et fédéral. Mais nous pensons qu'il y a une grande communauté d'esprit quant aux choses à faire pour remédier au problème du revenu agricole aujourd'hui. Nous ne voulons pas donner au comité permanent, ou à quiconque, l'impression qu'il faut lancer tout un processus pour identifier les correctifs.

• 1205

La FCA a tenu une discussion à son assemblée annuelle, et nous avons proposé une politique à notre assemblée semestrielle. Les 33 organisations agricoles ont dressé un rapport au printemps et l'ont remis au ministre l'été dernier. Nous pensons qu'il existe une grande communauté d'esprit quant aux correctifs à prendre, que nous pouvons bouger de ce côté, sachant parfaitement bien qu'il existe aussi des problèmes à moyen et à long terme qu'il faut identifier et régler.

Mme Patty Townsend: Ce problème du recouvrement des coûts dont nous avons parlé ne se pose pas seulement à long terme. Nous exigeons un gel immédiat ou la suppression de toutes les mesures de recouvrement des coûts afin qu'on assure à tout le moins qu'on n'impose pas de coûts supplémentaires aux fermiers, et nous espérons réduire certains coûts que l'on impose aux fermiers. Le groupe de travail est une proposition pour le court terme. Nous demandons que ce groupe de travail soit créé maintenant et qu'il identifie tous les coûts qui existent pour que l'on puisse décréter une suppression immédiate ou un gel. Ce n'est pas seulement pour le long terme.

M. Kenneth Edie: Un certain travail a déjà été fait. Brian Paddock, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, a fait un certain travail il y a un bout de temps de cela sur les conséquences du recouvrement des coûts. Je suis d'accord avec Jack pour dire que nous avons besoin de cela immédiatement.

Une bonne partie de tout cela vise le long terme, mais une certaine partie vise le court terme. Par exemple, la Commission canadienne des grains songe ou bien à diminuer les services, ou alors à augmenter les frais. Si elle diminue les services et qu'il devient plus difficile pour nous de nous acquitter de nos obligations au niveau du contrôle de la qualité et de toutes les mesures qui accompagnent cela, et que nous ne respectons pas les exigences pour les expéditions, cela veut dire que c'est le fermier qui va essuyer une perte parce qu'on n'aura pas fourni ces services. Si on n'a pas fourni ces services le 15 janvier, c'est la catastrophe automatique.

Il faut tenir compte des deux points de vue. Dans un sens, il y a deux problèmes distincts, mais dans un autre, ils se confondent. Il faut donc voir au court terme, et on peut y voir en partie du côté des initiatives de recouvrement des coûts dans les cas où nous ne pouvons pas nous acquitter de nos obligations réglementaires en temps opportun.

Le président: Merci. On me dit que je dois changer de micro parce que celui-ci ne fonctionne plus.

En réponse à Patty Townsend, je dirai que chaque fois qu'on parle de groupe de travail, on pense à des retards, etc. Ce qui me préoccupe, c'est qu'il faut venir en aide aux fermiers aujourd'hui... demain. Avez-vous dit qu'ils toucheraient de l'argent si le gouvernement était d'accord pour leur en verser avant les semailles printanières?

Mme Patty Townsend: Nous ne disons pas qu'un gel ou une suppression des mesures de recouvrement des coûts est la seule chose à faire. Sachez-le, nous sommes tout à fait d'accord pour dire qu'il faut faire quelque chose à court terme pour remédier au problème du revenu agricole. Rien que pour vous donner une idée, sachez qu'au moment où l'on parle de mettre au point un programme qui donnera un peu d'argent aux fermiers, ou n'importe quel autre programme, la Garde côtière songe à exiger des fermiers 25c. par tonne de plus pour les brise-glace. De son côté, l'ACIAA parle d'augmenter les frais d'inspection pour les navires. Donc, pendant qu'on parle d'injection d'argent frais, d'autres instances parlent de nous en prendre plus. Il faut faire les deux exactement au même moment.

M. Dick Proctor: Monsieur Larsen, vous parliez des taxes foncières, et certains fermiers de ma circonscription commencent à me parler de ce problème. Leurs préoccupations ne sont peut-être pas fondées, ou elles sont mal inspirées, mais ils semblent attribuer la forte augmentation de leurs taxes foncières aux accords qui sont intervenus sur les revendications territoriales issues des traités. Je me demande si certains de vos membres tiennent le même langage. Il se peut qu'ils soient mal informés dans ce dossier; je l'ignore. Mais quand vous avez parlé des taxes foncières, vous avez réveillé ce souvenir en moi.

M. Leroy Larsen: Je ne suis pas au courant de quoi que ce soit de ce genre. Si je comprends bien les accords sur les revendications territoriales, on prévoit des compensations pour les municipalités pour toute perte dans le cadre de ces accords.

Faisant suite à ce que vous dites et à ce qu'ont dit d'autres personnes ici présentes, je tiens seulement à dire qu'il ne s'agit pas ici de trouver un correctif ponctuel, par exemple qu'on leur donne de l'argent pour les semailles printanières et qu'on oublie tout ça. Il faut mettre en place un programme soutenu, et il faut que cela soit clair dans l'esprit de chacun. Il faut qu'il y ait un pont avec un programme soutenu.

M. Steckle a demandé comment on pouvait résoudre à long terme le problème du revenu agricole: il nous faut un filet de sécurité qui tienne compte de tous les éléments auxquels l'agriculture est exposée, et dont certains ont été identifiés par Jack: le verglas, les inondations, la sécheresse et les fluctuations sur les marchés internationaux.

• 1210

M. Dick Proctor: Merci de cette précision. Je voulais dire que si ces protections ne sont pas mises en place avant le printemps prochain, il y aura beaucoup moins d'agriculteurs dont on devra se préoccuper.

M. Jack Wilkinson: Absolument.

M. Leroy Larsen: Oui.

Le président: Pour ceux d'entre vous qui ont besoin de se sustenter, il y a des sandwiches dans le fond de la salle. Je vous invite à vous lever discrètement, à prendre un sandwich et à reprendre votre place. Je voudrais éviter d'interrompre la réunion.

Madame Ur, vous avez cinq minutes.

Mme Rose-Marie Ur: Merci, monsieur le président.

Je tiens à féliciter ces 33 groupes qui ont travaillé au programme, et j'ai hâte de voir ce qui va se passer à la réunion de demain. Laissons donc tomber toutes les considérations politiques. Il s'agit là d'une question non partisane. Nous mangeons tous, certains plus que d'autres, et c'est une véritable question d'envergure nationale. Travaillons dans l'intérêt de nos agriculteurs, car si le Canada n'est plus en mesure de nourrir sa population, nous allons connaître de graves difficultés.

Jack, j'aurai peut-être la réponse demain, mais peut-être pouvez-vous m'aider dès maintenant. Ce qui me préoccupe dans le programme national d'indemnisation, c'est la façon dont on va l'appliquer aux agriculteurs—et j'ai déjà été moi-même agricultrice; je sais dans quelles conditions on doit travailler—qui, soit ne pouvaient pas se permettre de contribuer au Compte de stabilisation du revenu net, soit ont décidé de ne pas y contribuer, n'ont pas opté pour l'assurance-récolte et sont victimes d'un désastre; ils auront cette troisième ligne de défense. Quel sera le mode d'application du programme dans un cas pareil?

M. Jack Wilkinson: À notre avis, le Compte de stabilisation du revenu net devrait être autonome, et nous ne voulons pas d'un programme national d'indemnisation des victimes de catastrophes qui dissuade les agriculteurs de participer au CSRN. C'est une question différente, de même que l'assurance-récolte. Je tiens à l'indiquer très clairement. Le programme d'indemnisation des victimes que nous préconisons ne va pas combler les pertes de revenu de chaque agriculteur. Nous parlons ici d'un programme concernant les catastrophes. Nous parlons d'un programme suffisamment modeste pour respecter la volonté des contribuables, qui veulent limiter les dépenses, tout en venant en aide aux victimes dans toute la mesure du possible. Mais il faut quand même inciter les agriculteurs à souscrire à l'assurance-récolte et au CSRN, car ces deux programmes permettent de faire face aux premières fluctuations du revenu agricole. Notre programme vise à faire face à la chute catastrophique des prix qui n'avait pas été prévue et qui peut résulter d'une guerre commerciale, de l'effondrement des marchés en Asie ou en Russie ou de quelque autre cause inattendue, et qui fait chuter les prix de 40 p. 100.

Je vais donc continuer à souscrire à l'assurance-récolte, car elle me propose un niveau de protection beaucoup plus élevé. Les agriculteurs vont toujours souscrire au CSRN. Mais ce sont là des programmes modestes, et les trois ensemble proposeront une formule intégrée permettant de faire face aux problèmes futurs.

Mme Rose-Marie Ur: Merci.

Le président: Monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom: Merci beaucoup.

Comme l'a dit Mme Ur, nous essayons de tenir les considérations politiques à l'écart, mais M. Steckle a jugé bon de dire que quelqu'un, de ce côté-ci de la table, s'opposait à la gestion de l'offre. Il regardait M. Proctor, et je pense qu'il me regardait aussi ou qu'il s'adressait à moi et au Parti réformiste. Mais j'affirme que le Parti réformiste et moi-même ne sommes pas opposés à la gestion de l'offre.

La gestion de l'offre est en place. C'est le cas, par exemple, de la Commission canadienne du blé. Il y a cinq ans, 99 p. 100 des Canadiens auraient dit qu'il n'était pas question de toucher à la Commission canadienne du blé. Je dis, comme le Parti réformiste, que nous sommes favorables à cette institution à l'heure actuelle, mais que l'évolution de l'agriculture a besoin d'innovation; il faut que cela soit plus concurrentiel. Je conteste donc ce qui a été dit à propos de la gestion de l'offre.

Quoi qu'il en soit, les conséquences sont très importantes du côté des coûts des intrants, et c'est pourquoi je voudrais tout d'abord parler des engrais. Ce sont les coopératives comme la vôtre qui fournissent les intrants aux agriculteurs. Tout d'abord, quelle est la part du revenu provenant des coopératives et des mises en commun d'agriculteurs dans l'effort d'atténuation de certains coûts d'intrants? Est-ce que le rendement pour les agriculteurs est important?

• 1215

M. Leroy Larsen: Il varie considérablement. Prenons le cas des Western Co-op Fertilizers il y a deux ans. L'entreprise appartient à Agricore et à nous-mêmes. Elle avait une marge bénéficiaire très satisfaisante et fonctionnait selon les prix du marché. Mais quelques années avant, l'industrie était à bout de souffle. Les fluctuations sont donc très importantes.

L'année dernière, il y a eu une certaine baisse. Cette année, on prévoit encore des réductions des marges bénéficiaires et des dividendes payés aux producteurs.

M. Howard Hilstrom: Savez-vous ce qu'il en est de l'imposition...

Excusez-moi, allez-y, Ken.

M. Kenneth Edie: Si vous me permettez de répondre, nous sommes parfois victimes des politiques agricoles. Il y a trois ans, à la Western Co-op Fertilizers, dont Leroy a parlé et dont nous sommes également propriétaires en partenariat, nous avons dû réserver 62,5 millions de dollars en prévision de problèmes environnementaux. Je ne dis pas que ces réserves sont contestables, mais c'est ce que nous avons dû faire à l'initiative du gouvernement. Nous sommes responsables de ce que nous faisons, mais c'était quand même un montant de 62,5 millions de dollars.

Ensuite, nous avons fait d'autres gains. Dans notre cas, à la fin de l'exercice se terminant le 31 juillet 1997, nous avons restitué aux agriculteurs 8,8 p. 100 de leur facture de fournitures agricoles. Cette année, ce sera 4,6 p. 100. Au Manitoba Pool, pour l'exercice de 1998, nous allons verser plus de 8 millions de dollars aux agriculteurs.

M. Howard Hilstrom: Il y a donc un certain rendement. Lorsque je considère mon exploitation et celle de mes voisins, je constate que les intrants représentent des montants astronomiques. Il ne s'agit pas uniquement des engrais; il y a de nombreux intrants.

Avez-vous des commentaires à faire concernant les expéditeurs de céréales? Je crois savoir que la question des pilotes sur les Grands Lacs a posé un problème considérable. Qu'avez-vous à dire à cet égard? Je crois savoir que les capitaines disaient qu'ils n'avaient pas besoin de pilotes dans ce secteur et ne comprenaient pas qu'on leur en impose. Des changements sont-ils possibles à cet égard?

Faut-il vous appeler Patricia ou Patty?

Mme Patty Townsend: C'est Patty. Je vais commencer.

Le pilotage pose un problème depuis un certain temps. Il y a quelques années, le Comité permanent des transports a fait une étude approfondie des problèmes qui nuisaient à la compétitivité des transports maritimes. Il a notamment étudié la Loi sur le pilotage.

Le problème est bien simple, mais le comité a reconnu que le pilotage constituait un véritable monopole résultant de la législation fédérale. C'est non seulement un monopole, mais l'administration du pilotage récupère intégralement ses coûts. Le service du pilotage constitue un monopole, et il récupère intégralement ses coûts. Il n'a donc de comptes à rendre à personne.

Cela nous préoccupe donc gravement. En fait, si vous regardez le coût du pilotage à l'heure actuelle—et nous ne contestons pas que les pilotes sont indispensables dans certains secteurs et sur certains navires—le pilote coûte plus cher actuellement sur un bateau que tout le reste de l'équipage. Nous voulons donc que ce secteur soit soumis à une certaine concurrence. Nous pensons qu'en réglant ce problème, on pourrait faire des économies considérables.

Parlons maintenant des capitaines. Sur les navires canadiens, les capitaines ont beaucoup plus d'expérience de la navigation dans les Grands Lacs que les pilotes qui sont payés pour monter à bord des navires pour les guider.

Nous avons appuyé l'une des solutions proposées, à savoir que si un capitaine réussit les mêmes tests de qualification qu'un pilote, il devrait être certifié et devrait pouvoir se passer de pilote sur son navire.

On procède actuellement à une révision de la Loi sur le pilotage qui devrait se terminer en 1999. Nous sommes pleins d'espoir.

M. Howard Hilstrom: Merci.

Le président: Essayons de ne pas sortir du sujet du revenu agricole.

Mme Patty Townsend: Mais cela en fait partie.

Le président: Oui, je sais. On peut trouver un lien entre l'agriculture et n'importe quoi d'autre, mais je pense que nous devrions essayer de traiter spécifiquement de l'actuelle crise des liquidités.

Je voudrais demander à M. Wilkinson...

M. Howard Hilstrom: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Je m'oppose à votre intervention, parce que le pilotage et tous ces coûts d'intrants... C'est de cela que j'étais en train de parler. Les intrants font partie du problème du revenu agricole.

Même si nous avons déjà entendu ces arguments, je pense qu'il n'est pas inutile d'en parler publiquement avec un témoin qui connaît bien la question. Tout cela doit figurer au compte rendu, pour qu'on puisse le retrouver dans notre rapport final.

Merci.

Le président: Monsieur Wilkinson, vous parliez d'un montant éventuel de 500 millions de dollars pour secourir les victimes, si je peux m'exprimer ainsi.

• 1220

Actuellement, nous avons des filets de sécurité de l'ordre d'un milliard de dollars, soit 600 millions du gouvernement fédéral et 400 millions des provinces, pour l'assurance-récolte, le CSRN, et les programmes annexes. Lorsque vous parlez d'un montant supplémentaire de 500 millions de dollars, vous attendez-vous à ce que ce montant soit partagé par le fédéral et les provinces? Par ailleurs, si on ajoute 300 ou 500 millions au total, quelles en seront les conséquences pour les autres éléments des programmes qui forment le filet de sécurité? Par exemple, si l'on consacre 300 ou 400 millions au dédommagement des victimes, ne faudra-t-il pas retrancher un certain montant aux programmes connexes de l'assurance-récolte ou du CSRN? Voyez-vous ce à quoi je veux en venir?

M. Jack Wilkinson: Je comprends exactement ce à quoi vous voulez en venir.

Quand on parle de mise au point de programmes et de chiffres, on court toujours le risque de perdre de vue l'objectif essentiel, mais nous avons jugé qu'il était important de bien indiquer l'étendue du problème, ou du moins de tenter de le faire.

Je vais vous dire ce qui risque de se produire. À cause des prix, le Manitoba et la Saskatchewan n'ont pas de programme de protection du revenu à part le CSRN. L'Alberta a un programme fondé sur la marge bénéficiaire, qui intervient après une perte de 30 p. 100. Pour mettre en oeuvre notre programme en Alberta, le seul problème à régler pour compléter le programme albertain serait celui des marges négatives. Une bonne partie des problèmes de revenu auxquels nous nous intéressons sont déjà pris en compte dans le programme de l'Alberta, dans le programme ontarien des revenus du marché ou dans le programme québécois d'assurance-stabilisation des revenus agricoles.

Certaines provinces n'ont encore aucune protection, d'autres ont une protection partielle. Lorsque nous parlons de 500 millions de dollars, nous tenons compte de l'existence de certains programmes. Le programme québécois d'assurance-stabilisation des revenus agricoles, par exemple, est déjà partiellement financé par le gouvernement fédéral en tant que programme annexe, par le gouvernement provincial et par les primes des producteurs du Québec. Par conséquent, les 500 millions de dollars ne constitueraient pas un montant supplémentaire, puisqu'il existe déjà un programme. Il faudrait simplement trouver une formule qui tienne compte des programmes déjà en place, pour éviter le cumul des avantages. Par exemple, un producteur de maïs de l'Ontario ne pourrait pas bénéficier du programme des revenus du marché et toucher en plus un chèque d'indemnisation des victimes. Il faudrait trouver une formule permettant de faire tous ces calculs et d'indemniser les véritables victimes en tenant compte des prestations qu'ils ont déjà reçues.

Ce n'est donc pas un montant supplémentaire de 500 millions de dollars, mais il permettrait effectivement d'économiser sur le financement des programmes annexes. Si notre programme était mis en oeuvre à l'échelle nationale en juillet prochain, lorsqu'on définira l'ensemble des programmes qui formeront le filet de sécurité à l'avenir, les ministres fédéral et provinciaux devraient parler de la façon dont ils pourraient s'en partager le coût. Quant à nous, nous préconisons une formule semblable à la formule actuelle, c'est-à-dire 60 p. 100 pour le fédéral et 40 p. 100 pour les provinces.

Le président: C'est la formule actuelle.

M. Jack Wilkinson: Oui, mais si les ministres fédéral et provinciaux peuvent se mettre d'accord sur une autre formule pour l'année prochaine, cela nous conviendra parfaitement. Nous proposons simplement que les provinces apportent elles aussi une certaine contribution à la solution du problème.

Le président: Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Merci beaucoup. Je voudrais poser une courte question à M. Wilkinson, monsieur le président.

Ce matin, à la Chambre, le ministre de l'Agriculture s'est dit préoccupé par les millions de dollars du programme américain d'aide aux agriculteurs—c'est un programme de près de 6 milliards de dollars—dont vont profiter des agriculteurs qui n'en ont pas besoin. Je m'intéresse donc de très près à votre formule de 30 p. 100, et j'aimerais que vous nous donniez l'assurance que l'argent ne sera versé qu'à ceux qui en ont le plus besoin si le programme est mis en oeuvre au Canada.

M. Jack Wilkinson: Je suis certain que toutes les garanties seront prises lors de la conception même du programme que nous envisageons. On devra calculer la perte réelle subie par une exploitation avant qu'un premier versement puisse être effectué. J'en suis tout à fait certain.

Nous avons les crédits votés par le Congrès des États-Unis, tels qu'ils nous ont été communiqués. De toute évidence, le programme américain est déconnecté de la réalité et ne s'applique pas en fonction des pertes effectivement subies par l'agriculteur. Par exemple, on a prévu 200 millions pour les producteurs laitiers. Au cours d'une réunion à laquelle nous avons assisté la semaine dernière, les producteurs laitiers des États-Unis ont dit que les prix actuels sont les meilleurs qu'ils aient connus depuis des années, mais que de toute façon ils allaient recevoir 200 millions de dollars en plus. Leurs organismes représentatifs ont dit qu'ils n'obtiendraient rien de la loi américaine FAIR, que les prix allaient baisser dans l'avenir, et qu'ils auraient donc bien tort de ne pas accepter cet argent.

• 1225

Il est évident que le programme américain est indépendant du revenu individuel de l'agriculteur. Le producteur de blé a droit à x cents supplémentaires, le producteur laitier a droit à x dollars supplémentaires. Ce n'est pas ce que nous revendiquons. Nous disons que l'agriculteur doit faire la preuve de ses besoins. Nous parlons d'un programme qui s'applique en cas de catastrophe, selon le revenu agricole, et il faut faire la preuve des besoins avant de pouvoir obtenir un chèque.

M. Dick Proctor: Merci, monsieur le président. Je n'ai pas d'autres questions.

Le président: Monsieur Hoeppner.

M. Jake Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Je n'ai pas entendu ce que vous avez dit, mais je voulais poser une autre question sur le programme américain. Les producteurs américains vont bénéficier d'un allégement fiscal de 4 milliards de dollars, pour lequel on ne fournit aucune explication. J'ai payé mes taxes foncières la semaine dernière, et elles avaient augmenté de 9 p. 100.

Est-ce que vous considérez un facteur comme celui-là? Je n'ai pas regardé ma comptabilité aujourd'hui, mais c'est un fait, et vous le savez. Les taxes n'auraient pas dû augmenter, mais tout cela est dû à des facteurs précis.

M. Jack Wilkinson: Il est juste de dire qu'au cours des cinq à sept dernières années, l'augmentation des dépenses a largement dépassé la croissance des revenus agricoles, ce qui laisse une marge de manoeuvre de plus en plus étroite aux agriculteurs. Comme certains autres témoins, nous l'avons reconnu, et il convient d'étudier très attentivement la façon de limiter les dépenses dans une exploitation agricole. Une partie des facteurs, comme vous le savez, relèvent de la compétence provinciale, comme les taxes foncières. Nous ne pouvons donc pas y apporter de solution dans le cadre de ce débat avec le gouvernement fédéral, mais il existe d'autres facteurs qui relèvent d'une compétence conjointe; il faut aussi parler de la récupération des coûts, comme certains l'ont proposé.

Certaines mesures pourront occasionner un soulagement immédiat, d'autres auront un effet à plus long terme. Ce que nous disons, c'est qu'il y a des lacunes dans le filet de sécurité. Il y en a toujours eu. C'est ce que nous avons toujours appelé la troisième ligne de défense. Nous parlons maintenant d'un programme d'indemnisation des victimes de catastrophes. Nous pensons qu'il faut le mettre immédiatement en place pour atténuer le problème des liquidités, étant parfaitement entendu qu'il faut également agir énergiquement du côté des dépenses.

M. Jake Hoeppner: Est-ce que je peux vous demander, alors—vous avez peut-être déjà expliqué cela—ce programme viserait-il des récoltes particulières ou le revenu général?

M. Jack Wilkinson: Nous l'avons élaboré de manière à éviter des difficultés au niveau du commerce international. Pour les denrées importantes comme le porc et le boeuf et d'autres qui se vendent beaucoup à l'extérieur, on ne veut pas de programme axé sur la denrée parce qu'on craint l'imposition de mesures de compensation.

À notre avis, il faut viser le revenu agricole net. Ainsi, si les recettes d'une exploitation agricole baissent de plus de 30 p. 100, selon la marge de référence, l'agriculteur sera admissible au programme, qui compensera les pertes au-delà des 30 p. 100. Cette baisse de 30 p. 100 est quand même très élevée pour une exploitation agricole. Il ne s'agit donc pas d'un filet de sécurité qui compensera toutes les pertes de revenu d'une exploitation. C'est plutôt une mesure qui vise à répondre à la crise très grave à laquelle font face les agriculteurs en ce moment. Comme les calculs sont basés sur la marge de référence, il n'y aura pas de mesures commerciales.

M. Jake Hoeppner: S'agit-il de 30 p. 100 du revenu agricole net?

M. Jack Wilkinson: Non.

M. Jake Hoeppner: Ou une baisse de 30 p. 100?

M. Jack Wilkinson: C'est calculé selon la marge brute. Il y a donc certaines choses qui sont admissibles dans les calculs des revenus et des dépenses. Nous essayons de suivre... Les calculs sont semblables à ceux du programme qui est en vigueur à l'Île-du-Prince-Édouard, en Alberta et en Colombie-Britannique, exception faite de quelques petites modifications qui permettraient le démarrage rapide du programme.

M. Jake Hoeppner: Cela m'amène à une autre question. Je sais qu'au Manitoba le CAP a affirmé, à une audience de la FCA l'an dernier, que le revenu agricole net se chiffrait à 8 000 $ par exploitation agricole au Manitoba. C'est un revenu tout à fait insuffisant. Vos calculs des dépenses tiennent-ils compte du coût de la vie, pour que le mari et la femme n'aient pas tous deux à détenir un emploi?

M. Jack Wilkinson: On parle ici d'un programme en cas de désastre, il faut dire. Le programme ne compensera pas toutes les pertes. Nous croyons que les agriculteurs peuvent recourir au CSRN ou à d'autres mécanismes comme l'assurance-récolte ou à d'autres outils de gestion des risques et de protection du revenu.

Les exploitations familiales vont souffrir en ce qui concerne le revenu individuel avant de pouvoir avoir accès à cet argent. Nous l'appelons programme en cas de désastre, puisque les baisses de prix dépassent 40 p. 100 pour certaines denrées. Il ne s'agit donc pas d'un filet de sécurité complet. À notre avis, ce programme est équitable et raisonnable. Il y aura, cependant, des revenus individuels qui vont baisser avant que les exploitations aient accès à ces fonds.

M. Jake Hoeppner: Avez-vous consulté les provinces?

M. Jack Wilkinson: Pour vous donner un exemple, le CAP, qui est membre de la FCA, a vu la proposition et les principes sur lesquels on travaille, qui sont les mêmes que ceux utilisés par les pools. Nous avons donc l'appui général de tous nos membres pour la proposition.

M. Leroy Larsen: Les calculs, cependant, ne tiendraient pas compte des revenus d'appoint.

M. Jake Hoeppner: Très bien. Merci.

• 1230

Le président: Merci, monsieur Hoeppner.

Vous avez tous parlé de l'urgence de la situation, du fait que nous n'avons pas beaucoup de temps à gaspiller—nous n'avons effectivement pas de temps à gaspiller du tout. Si je comprends bien, cependant, votre programme proposé serait financé comme programme complémentaire avec les provinces. C'est bien ça, monsieur Wilkinson?

M. Jack Wilkinson: Nous sommes d'avis qu'il faudra un financement supplémentaire, et que les coûts devraient être partagés entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

Le président: C'est exact, puisque vous parlez dans votre mémoire d'un programme complémentaire qui donnerait aux provinces de la souplesse.

M. Jack Wilkinson: Eh bien, ce programme en cas de désastre...

Le président: Laissez-moi poser ma question, et ensuite vous pourriez peut-être...

M. Jack Wilkinson: Bien sûr.

Le président: Si la situation est urgente et s'il n'y a pas de temps à perdre, est-ce que vous n'ouvrez pas la porte avec cette proposition à toutes sortes de négociations prolongées avec les provinces qui pourraient ne jamais finir?

M. Jack Wilkinson: Non. Je sais que ce sera la partie la plus difficile à régler pour le ministre fédéral et ses homologues des provinces. En fin de compte, le gouvernement fédéral devra peut-être agir unilatéralement pour résoudre le problème de façon immédiate. Mais il faut avouer également que, compte tenu du mélange actuel de programmes qui existe, des programmes connexes...

Par exemple, en Saskatchewan—et il y a aussi des gens du Manitoba qui pourraient vous en parler—le gouvernement a décidé d'investir une partie de son argent dans un programme amélioré d'assurance-récolte, et il a éliminé le programme qui permettait de composer avec le risque que comportent les prix sur les marchés. D'autres provinces n'ont pas adopté cette solution. À l'heure actuelle, ce n'est donc pas équitable à l'égard des provinces qui ont choisi d'investir encore dans la protection du revenu, de dire qu'on mettra sur pied un programme fédéral spécial pour aider les victimes de cet effondrement des prix, que tout l'argent viendra du gouvernement fédéral et que trois provinces seulement pourront s'en prévaloir à cause de leurs décisions antérieures.

C'est pourquoi nous préconisons que les coûts de ce programme soient partagés, comme c'est déjà le cas dans le mélange actuel de programmes. La proportion est de 60-40. À notre avis, il s'agit d'un programme de protection du revenu agricole, et il faudrait donc conserver cette proportion de 60-40. Si les négociations avec les provinces sont rompues et qu'on en arrive à une impasse, dans ce cas nous réclamerons une mesure unilatérale.

Mais je ne saurais imaginer qu'un ministre provincial de l'Agriculture quitte la table des négociations à Ottawa... Si le ministre de l'Agriculture disait demain qu'il a l'argent pour régler ce problème et qu'il est prêt à prendre les mesures nécessaires dès que sera signé un accord avec les provinces, je ne vois pas comment le ministre de la Saskatchewan ou celui du Manitoba pourrait retourner chez lui et déclarer qu'il ne fera rien dans sa province, que les agriculteurs n'ont qu'à se débrouiller avec leurs problèmes de prix, car il refuse de verser le plus petit sou. À mon avis, ils accepteront.

Le président: Pouvez-vous faire des prévisions à partir des renseignements dont nous disposons maintenant? Je crois savoir que vous obtiendrez de nouveaux renseignements demain, mais pouvez-vous faire des prévisions à l'heure actuelle sur le nombre d'agriculteurs qui feront faillite d'ici au printemps si rien n'est fait?

M. Jack Wilkinson: Il est à peu près impossible de prévoir... Par exemple, des gens de l'industrie m'ont fait savoir que certains producteurs de porc perdent à l'heure actuelle 30 $ sur chaque nourrain, entre sa naissance et le moment où il est mis en marché. Lorsqu'une entreprise commerciale perd de 600 $ à 700 $ par truie, la possibilité de faillite dépend de la mise de fonds qui a été faite dans l'entreprise, cela dépend du solde de l'entreprise à son compte du CSRN, cela dépend si elle a...

Le président: Autrement dit, il est à peu près impossible de répondre à cette question.

M. Jack Wilkinson: On peut dire à l'heure actuelle que le problème est si grave que les exploitants n'arrivent pas à payer les coûts de base de leur entreprise. Dans une telle situation, ils ne pourront pas tenir le coup très longtemps.,

M. Gordon Pugh (vice-président, Rapports avec les membres, Saskatchewan Wheat Pool): À titre d'anecdote, monsieur Harvard, comme M. Larsen l'a dit dans son exposé, on nous a dit que la majorité des grandes maisons d'encan de la Saskatchewan ne sont plus en mesure de recevoir les demandes d'encans de liquidation d'entreprises agricoles jusqu'au printemps prochain, tant elles en ont déjà reçu. Cela montre bien qu'un grand nombre d'agriculteurs ont fait leur comptabilité à l'automne après les récoltes, et savent qu'ils ne pourront pas s'en sortir avec l'argent qu'ils ont.

Le président: Et qu'arrive-t-il à leurs entreprises?

M. Gordon Pugh: Quelqu'un d'autre la rachète. Mais cela signifie que cet agriculteur-là n'est plus en affaires.

Le président: Cela signifie-t-il que les grandes entreprises deviennent encore plus grandes et que les plus petites disparaissent? Est-ce bien ce que vous dites?

M. Gordon Pugh: Oui.

Le président: Monsieur Hoeppner.

M. Jake Hoeppner: J'aimerais ajouter une observation. Je suis allé aux États-Unis, dans le Dakota du Nord, dans le bassin hydrographique de la vallée de Pembina. J'ai pris un petit déjeuner avec un groupe d'hommes d'affaires et d'agriculteurs, et l'un des agriculteurs a signalé qu'il quittait son entreprise parce que s'il continuait encore un an ou deux, il perdrait toute sa mise de fonds. On m'a dit également que certains encanteurs vendent les entreprises d'agriculteurs qui n'ont pas vraiment de problèmes financiers, mais qui craignent de perdre toute leur mise de fonds si la situation se poursuit encore un an ou deux. Cela vient encore ajouter au problème.

M. Jack Wilkinson: À mon avis, il y a deux choses qui se produisent. Premièrement, si l'agriculteur habite dans une province où n'existe à peu près pas de protection du revenu, il peut se dire que la situation peut durer encore deux ou trois ans. Pourquoi essaierait-il de s'accrocher en dépensant les économies de toute une vie dans l'espoir que quelque chose se produise ou que la situation se rétablisse?

• 1235

Bien des gens ont connu des situations semblables à une ou deux reprises dans leur vie, et leurs conjoints ne les laisseront pas commettre la même erreur une troisième fois. J'entends par là qu'ils ne laisseront pas perdre de nouveau tout l'argent regagné en 10 ans. Bon nombre d'agriculteurs qui ont des enfants prêts à fréquenter l'université et qui n'ont pas d'autres régimes de retraite doivent se demander s'ils doivent baisser les bras ou s'accrocher dans l'espoir que les choses changent rapidement. Bon nombre de gens décident tout simplement de laisser tomber. Ce n'est toutefois pas de bon gré qu'ils le font.

Le président: Monsieur Edie.

M. Kenneth Edie: Au cours des deux dernières semaines, je me suis rendu à la vente d'une ferme; la machinerie ne trouvait pas d'acheteur; elle a littéralement été donnée. Ce n'est pas bon signe. Je sais que c'est l'automne et que ce n'est pas le meilleur moment de tenir un encan, mais les gens ne trouvent pas que c'est une bonne idée d'investir davantage d'argent dans la machinerie agricole.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, je tiens à remercier nos témoins. Nous apprécions beaucoup de vous avoir rencontrés. C'est un bon point de départ. Nous entendrons bon nombre d'autres organismes au cours du mois de novembre. J'espère que nous serons tous, surtout ceux qui siègent au Cabinet, mieux informés que nous le sommes maintenant.

Merci.

M. Jack Wilkinson: Pour conclure, nous avons tous essayé de montrer à quel point la question est urgente. Il est absolument essentiel que le comité et toutes les parties fassent tout ce qu'ils peuvent pour encourager l'adoption accélérée de mesures. Le problème est grave. Il existe un certain nombre d'éléments communs dans ce qui doit être fait, et je vous encourage à agir le plus tôt possible.

Le président: Le gouvernement vous a entendus, monsieur Wilkinson, cela ne fait aucun doute. J'en suis absolument certain. Nous avons entrepris un processus qui, je l'espère, produira des résultats positifs.

Merci.

La séance est levée.