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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 3 novembre 1998

• 0902

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia)): La séance est ouverte.

Je me réjouis de voir que tout le monde est frais et dispos, car nous avons une séance marathon devant nous—soit quatre heures d'audience aujourd'hui. Les deux premières heures seront consacrées à l'OMC, et les deux heures suivantes, soit de 11 h à 13 h, au revenu agricole. Nous entendrons les mêmes organismes, de sorte que chaque organisme aura deux présences au bâton, mais, Jack, nous vous enverrons la même balle rapide.

Le quorum étant atteint pour entendre les témoins, nous devrions commencer. Nous allons d'abord entendre le Syndicat du blé de la Saskatchewan, représenté par Leroy Larsen, qui est président et chef du conseil d'administration, et par Gordon Pugh, le vice-président. Nous allons aussi entendre Agricore du Manitoba, la nouvelle recrue qui fait son entrée sur le terrain, représentée par Kenneth Edie et Patty Townsend. Et représentant la Fédération canadienne de l'agriculture, nous avons l'inimitable Jack Wilkinson et bien sûr Sally Rutherford, qui est directrice générale, soit la tête dirigeante de l'organisation.

Des voix: Oh, oh!

M. Jack Wilkinson (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Comme je peux le voir, la matinée s'annonce prometteuse.

Le président: Elle s'annonce très prometteuse.

Comme l'a suggéré Patty Townsend—je suis toujours ses conseils—, nous allons d'abord entendre le Syndicat du blé de la Saskatchewan, puis Agricore, et nous donnerons ensuite l'occasion à Jack Wilkinson de vider les buts. Nous avons toujours besoin d'un bon frappeur pour vider les buts. Jack, ce sera votre rôle aujourd'hui.

Leroy, je vous souhaite la bienvenue à vous et à votre organisme. Nous allons vous écouter, vous et les autres témoins, puis nous passerons à la période des questions.

M. Leroy Larsen (président et chef du conseil d'administration, Syndicat du blé de la Saskatchewan): Merci beaucoup de cette introduction, John. Je ne vais pas m'excuser pour la réputation de Jack qui l'a précédé devant ce comité, mais je sais qu'il fera un bon travail comme frappeur de relève.

Le Syndicat du blé de la Saskatchewan se félicite d'avoir l'occasion de s'adresser au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Notre organisme et les producteurs qui en sont membres reconnaissent l'importance des futures négociations commerciales multilatérales. Pour nous, les audiences exploratoires d'aujourd'hui représentent une occasion unique de participer à la définition du rôle du Canada dans ces futures négociations.

• 0905

Le Syndicat du blé de la Saskatchewan est une coopérative cotée en bourse qui regroupe plus de 74 000 membres propriétaires. Le Syndicat est la société de manutention du grain la plus importante de l'Ouest canadien; elle emploie plus de 3 000 personnes et traite plus de 30 p. 100 du grain, des oléagineux et des cultures spéciales qui sont livrés aux silos de collecte des Prairies.

En outre, le Syndicat possède des installations de manutention du grain en Saskatchewan et au Manitoba, ainsi que des silos terminus à Thunder Bay et à Vancouver, et une installation en copropriété située à Prince Rupert. Nous participons dans toute une gamme d'initiatives axées sur la valeur ajoutée et la transformation.

Le Syndicat du blé de la Saskatchewan est convaincu que l'industrie de l'agroalimentaire est un secteur qui recèle beaucoup de potentiel, aussi bien sur le plan des produits bruts que sur celui des produits à valeur ajoutée destinés à l'exportation. Toutefois, pour que cette industrie canadienne puisse pleinement exploiter ce potentiel, elle doit avoir accès aux marchés du monde entier ainsi que la possibilité de se mesurer à la concurrence à l'échelle internationale.

Plus tôt cette année, le Syndicat du blé de la Saskatchewan a publié une stratégie portant sur le revenu agricole. Elle énonce les idées lancées par notre organisme dans le but d'améliorer la situation financière des agriculteurs des Prairies qui va en se dégradant. Le mémoire que nous présentons aujourd'hui est dans le droit fil de ce document. Les arguments que nous allons faire valoir ont pour objet de raffermir notre position concurrentielle à l'échelle internationale et de permettre aux producteurs d'obtenir un rendement maximum sur le marché.

Dans le cadre de sa structure démocratique, le Syndicat du blé de la Saskatchewan élabore et préconise diverses positions de principe sur des sujets importants aux yeux de ses membres. C'est ce que nous leur avons demandé de faire à propos du dossier des échanges commerciaux. Dans ce contexte, le Syndicat du blé de la Saskatchewan appuie les initiatives axées sur la libéralisation du commerce international, à condition que les modalités arrêtées élargissent les horizons du commerce des produits agricoles.

J'aimerais profiter de cette occasion pour remercier le gouvernement et les membres de ce comité pour le rôle qu'ils ont joué dans les différends commerciaux que nous avons eus récemment avec les États-Unis. Je suis persuadé que par le dialogue, nous parviendrons à résoudre les différends canado-américains à l'avantage des producteurs des deux côtés du 49e parallèle.

Toutefois, cet appui ne signifie pas que notre organisme approuve la suppression des programmes d'aide à l'agriculture canadienne, ni des mesures qui aboutiraient à ce que les gouvernements canadiens aient les coudées moins franches pour aider les agriculteurs. Nous avons toujours besoin au Canada de programmes susceptibles de prêter main-forte aux agriculteurs canadiens.

Le mémoire que nous présentons aujourd'hui comporte deux sections distinctes. La première traite de la reprise des négociations sur l'agriculture, en vertu de l'article 20 de l'Accord de l'OMC sur l'agriculture. Ces négociations porteront sur de nouveaux engagements concernant l'accès au marché, la concurrence à l'exportation et les aides nationales.

La seconde section porte sur des questions d'ordre commercial qui n'entrent pas dans le cadre de l'accord sur l'agriculture, mais qui peuvent avoir des effets importants sur l'agriculture canadienne à l'avenir.

Le premier sujet a trait à l'accès au marché. Les négociations d'Uruguay ont changé la façon dont on envisage de par le monde les questions commerciales touchant l'agriculture. Cependant, pour faire d'autres progrès, les producteurs canadiens ont besoin d'un accès élargi et plus sûr aux marchés internationaux. Nous devrions nous fixer comme objectif: une nouvelle révision à la hausse des engagements concernant l'accès minimum, une réduction des tarifs et une plus grande transparence dans l'administration des contingents tarifaires. Ces mesures devraient viser non seulement les céréales et les oléagineux en vrac, mais aussi les produits prêts à consommer et les produits à valeur ajoutée comme le malt d'orge, l'huile de canola, la moulée, la farine, ainsi que le bétail et les produits carnés.

Aujourd'hui, les producteurs canadiens ne peuvent pas se permettre des délais aussi longs que ceux que nous avons observés lors de la dernière période de négociations et de mise en oeuvre. Il faudrait que des changements substantiels soient apportés assez tôt dans le processus.

Le deuxième sujet a trait à la concurrence à l'exportation. Les gouvernements doivent supprimer les programmes de subvention à l'exportation qui faussent le commerce mondial, qui font baisser les prix et qui réduisent le revenu des producteurs. Les producteurs canadiens doivent avoir la possibilité de réagir aux forces et aux possibilités du marché, sans être exposés aux distorsions créées par des concurrents qui offrent des produits fortement subventionnés.

• 0910

Compte tenu de l'évolution récente des marchés, même si cette question est résolue dans le cadre de futures négociations, ce sera peut-être trop tard pour de nombreux agriculteurs canadiens. Tandis que les négociations d'Uruguay ont laissé aux États-Unis et à l'Union européenne la possibilité de subventionner fortement les exportations, les producteurs de grain canadiens assument aujourd'hui en totalité les coûts du transport des céréales. L'impact de ces frais additionnels se fait sentir sur le revenu agricole. Les agriculteurs canadiens ne pourront survivre à une autre guerre de subventions qui toucherait relativement peu les producteurs américains et européens. Nous ne pouvons rivaliser avec les moyens financiers dont on dispose là-bas.

Le troisième point a trait aux aides nationales. En tant que grand exportateur de produits agricoles, le Canada devrait préconiser de nouvelles réductions des aides plus ou moins cachées, l'élimination des paiements de la boîte bleue, ainsi qu'un plafonnement du soutien découplé du revenu. Il importe de reconnaître que même le soutien découplé du revenu, lorsqu'il est fourni de manière excessive, influence les décisions relatives à la production et, par conséquent, fausse le commerce.

Il y aura des conséquences à long terme si les producteurs canadiens sont placés dans une situation concurrentielle désavantageuse sur le marché. Le Canada doit accorder des niveaux de financement stables pour les filets de sécurité, l'infrastructure et la recherche. Les programmes comme le CSRN et l'assurance-récolte ne doivent être soumis ni à des droits compensateurs ni à des engagements qui en réduiraient l'importance.

Le quatrième sujet porte sur les autres questions commerciales connexes. Au-delà des questions qui seront examinées lors de la prochaine série de négociations de l'OMC sur l'agriculture, plusieurs autres dossiers connexes de nature commerciale s'inscrivant dans un cadre multilatéral auront un impact sur le secteur. En tant que fervent partisan, du moins nous l'espérons, de la suppression totale des subventions à l'exportation, le Canada sera pressé d'accepter des restrictions s'appliquant à l'exploitation d'entreprises commerciales d'État comme la Commission canadienne du blé. Cependant, le Canada doit résister énergiquement et ne pas faire de telles concessions.

Même si on se rend compte que les entreprises commerciales d'État, surtout au chapitre des importations, peuvent fausser le marché, les innombrables investigations du fonctionnement de la Commission canadienne du blé ont toujours mis en évidence sa loyauté commerciale. Vu le rôle clé que joue un organisme comme la Commission canadienne du blé sur le marché canadien, les producteurs canadiens ne peuvent se permettre d'accepter des restrictions qui les placeraient dans une situation commerciale désavantageuse ou qui restreindraient la capacité de la Commission à gérer un système de prix communs.

Les pays ne devraient pas avoir le droit d'utiliser des obstacles sanitaires et phytosanitaires pour bloquer l'accès à leurs marchés nationaux. Des critères scientifiques devraient être établis et mis en oeuvre à cet égard.

Plusieurs développements résultant des activités du Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC et des négociations internationales relatives au Protocole sur la sécurité biologique auront des conséquences pour l'agriculture canadienne. Il faut aborder ces questions dans une perspective garantissant la pérennité et la compétitivité de l'industrie agroalimentaire.

Parce qu'ils permettent l'adoption de règles claires et universellement applicables, les divers accords commerciaux tendent à créer un environnement commercial plus prévisible et plus stable. Les négociations futures ouvrent la perspective de nouveaux débouchés et d'une réduction de divers obstacles au commerce qui rendrait les exportations canadiennes plus compétitives sur le marché mondial. L'industrie agroalimentaire recèle beaucoup de potentiel, à la fois en ce qui concerne l'exportation de produits et les activités à valeur ajoutée. Toutefois, pour que l'industrie réalise ce potentiel, l'objectif du Canada doit être de parvenir à une plus grande liberté et à un accès plus prévisible et plus transparent des marchés internationaux, et de faire en sorte que les subventions à l'exportation soient totalement supprimées.

Le Syndicat du blé de la Saskatchewan et ses adhérents dépendent des débouchés économiques offerts par le commerce international et continueront par conséquent d'encourager les initiatives allant dans le sens d'une évolution positive.

Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, de m'avoir permis de vous présenter cet exposé. Le moment venu, je pourrai répondre aux questions.

Le président: Merci beaucoup.

Avant que je ne cède la parole à M. Edie, nous avons une petite question d'ordre administratif qui, je l'espère, sera de votre goût. Nous sommes très démocratiques ici et, pour que nous puissions commander à déjeuner, il faudrait que quelqu'un en fasse la motion. Quelqu'un pourrait proposer, par exemple, que nous commandions à manger chaque fois que le comité se réunit pendant l'heure du déjeuner afin que les membres puissent continuer à bien travailler.

• 0915

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): J'invoque le Règlement, monsieur le président. La journée d'aujourd'hui à la Chambre est consacrée à une motion de crédits concernant l'agriculture. Je crois, si vous faisiez un tour de table, que vous vous rendriez compte qu'un certain nombre d'entre nous ne seront pas là pour le déjeuner puisque nous devons prendre la parole sur cette motion. Il se peut bien que nous devions nous absenter pour une bonne partie de la réunion de ce matin. Je tiens, monsieur le président, à présenter mes excuses à nos témoins. La journée d'aujourd'hui est toutefois consacrée à une motion de crédits qui va au coeur même des soutiens à l'agriculture.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Monsieur le président, je propose que nous commandions à manger pour nos témoins et ceux d'entre nous qui pourrons rester.

Le président: Quelqu'un appuie la proposition? M. Calder l'appuie.

[La motion est adoptée]

Le président: Excellent! Nous pourrons manger aujourd'hui. Je me sens très bien.

Je me sens donc en grande forme et nous pouvons maintenant entendre M. Edie, qui représente Agricore, du Manitoba.

Soyez le bienvenu, monsieur Edie. Merci d'être venu nous rencontrer.

M. Kenneth Edie (administrateur, Agricore): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis certainement très heureux d'être là aujourd'hui pour vous parler au nom d'Agricore Cooperative. J'ai essentiellement deux messages à vous livrer: je veux tout d'abord vous parler du commerce agricole, mais je veux aussi vous présenter Agricore.

Agricore est une nouvelle coopérative d'agriculteurs issue de la fusion des plus anciennes coopératives d'agriculteurs du Canada, l'Alberta Wheat Pool et le Manitoba Pool Elevators. Avec plus de 60 000 membres producteurs actifs et plus de 2 000 employés, nous sommes maintenant l'une des plus grandes coopératives. Agricore traite plus de 50 p. 100 des grains, des graines oléagineuses et des cultures spéciales livrées aux silos de collecte en Alberta et au Manitoba, et elle possède 23 p. 100 de la capacité totale de traitement des Prairies.

Seule ou de concert avec ses partenaires, Agricore possède et exploite des installations de silos terminus dans les ports d'exportation de Vancouver, Prince Rupert et Thunder Bay. Nous sommes également, pour les agriculteurs des Prairies, un très important fournisseur d'apports agricoles comme les engrais, les semences et des produits de protection des cultures. Toutes les activités d'Agricore sont dirigées par ses membres propriétaires, et les profits de ses activités sont redistribués aux agriculteurs.

La création d'Agricore cadre bien avec le thème de vos audiences exploratoires. Agricore a été créée pour que nous soyons en mesure de nous positionner de manière à soutenir la concurrence sur le marché national et international, et ce, au nom des agriculteurs. Nous visons à étendre nos activités, tant à l'échelle internationale qu'outre-mer.

Nous aiderons nos agriculteurs à produire davantage; nous traiterons des quantités plus importantes avec plus d'efficacité; nous accélérerons la commercialisation et la transformation des produits; et, si la conjoncture est favorable, nous exporterons davantage. Notre coopérative et ses producteurs membres pourront prospérer.

Nous savons que c'est possible. En 1995, le gouvernement du Canada a fixé pour l'an 2000 un objectif de 20 milliards de dollars pour les exportations de produits agricoles et agroalimentaires. Nous avons atteint cet objectif en l'espace d'un an.

Un nouvel objectif a maintenant été fixé: le Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires dit que le Canada devrait doubler ses exportations—les porter à 40 milliards de dollars—afin d'en arriver à une part de 4 p. 100 du commerce international des produits agricoles, d'ici 2005. Nous nous préparons à atteindre ce nouvel objectif, mais cette fois nous aurons besoin d'aide. À moins de pouvoir réaliser des percées importantes sur le marché international, nous n'avons guère de chance d'atteindre cet objectif.

J'étais moi-même à la réunion où l'objectif a été fixé, et je considère qu'il est très ambitieux. Il ne pourra pas être atteint à moins que le gouvernement fédéral n'intervienne en notre nom, sur le plan tant intérieur qu'extérieur.

Ce que j'ai à vous dire est très semblable à ce que vous a dit le Syndicat du blé de la Saskatchewan, mais nous estimons qu'il est important de le dire publiquement, et nous considérons par ailleurs que nous présentons à certains égards une optique différente.

Nous attendions beaucoup des négociations d'Uruguay quand elles ont débuté en 1986. Ces négociations ont marqué un tournant: pour la première fois, le commerce agricole était soumis à certaines règles. Toutefois, à l'approche de la fin de la période de mise en oeuvre, nous nous heurtons à des barrières insurmontables pour accéder à certains marchés: les subventions à l'exportation font toujours baisser les prix mondiaux et provoquent toujours des excédents sur les marchés internationaux du grain, et nous n'avions pas prévu à quel point les préoccupations relatives à la santé et à l'environnement seraient invoquées pour bloquer les importations.

À l'approche de la prochaine série de négociations sur l'agriculture, nous devons nous fixer comme objectif primordial la libéralisation et l'ouverture accrues des marchés internationaux, ainsi que l'élimination des pratiques commerciales déloyales. Et nous devons y parvenir beaucoup plus rapidement que dans le cas des négociations d'Uruguay. Celles-ci ont duré sept ans et il a fallu six ans pour les mettre en oeuvre. Il faut que les nouvelles négociations aboutissent plus rapidement.

• 0920

Nous exhortons le gouvernement canadien à insister sur un délai de négociation très court et sur une période de mise en oeuvre très courte. En outre, pour que nos agriculteurs en profitent le plus tôt possible, les pays membres devraient être tenus de concrétiser la majeure partie de leurs engagements peu après le début du délai de transition. Les négociations devraient, par ailleurs, être aussi complètes que possible. Plus elles seront complètes, plus nous aurons de chance de faire des percées importantes.

Je veux maintenant vous parler de ce que le Canada devrait, selon nous, inclure dans sa position de négociation. Conscients que l'objectif primordial doit être le décloisonnement des marchés mondiaux et l'élimination des pratiques commerciales déloyales, nous exhortons le gouvernement à faire porter ses efforts sur les questions suivantes.

Nous devons réaliser des gains appréciables en ce qui a trait à l'accès des marchés. Les négociations d'Uruguay ont permis de faire un pas important dans cette voie quand les restrictions relatives aux importations ont été converties en tarifs. Cependant, à cause du niveau auquel certains tarifs ont été fixés, à cause du regroupement de certains produits et à cause des moyens novateurs que certains pays ont trouvés pour concrétiser leurs engagements, nous n'avons pas obtenu l'accès que nous espérions obtenir au départ.

Au cours des négociations à venir, le Canada doit obtenir l'accroissement maximal des engagements en matière d'accès minimum, et ces engagements doivent être dégroupés—c'est-à-dire, qu'ils doivent être appliqués, non pas à un vaste éventail de denrées, mais à des produits ou des lignes tarifaires en particulier.

Il faudra aussi éliminer les droits intra-contingents. Le but des engagements en matière d'accès minimum est de permettre l'importation de certaines quantités d'un produit donné. Pourtant, certains pays continuent à imposer des tarifs aux quantités qui ne dépassent pas le contingent. Les droits intra-contingents sont incompatibles avec l'objectif de la libéralisation des échanges. Ils devraient être interdits.

Le Canada doit aussi s'efforcer d'obtenir une réduction maximale des tarifs. Pour que nous puissions réaliser de véritables gains en matière d'accès, les tarifs les plus élevés devraient être l'objet des réductions les plus importantes. Une réduction de 50 p. 100 sur un tarif de 20 p. 100 constitue un gain appréciable, mais quand un tarif qui dépasse les 200 p. 100 est réduit de 50 p. 100, il n'en demeure pas moins prohibitif.

Dans la mise en oeuvre de leurs engagements en matière d'accès, certains pays font en sorte que ces engagements sont sous-utilisés ou qu'ils favorisent certains fournisseurs. Le Canada doit chercher à obtenir des règles exécutoires claires en ce qui a trait à la mise en oeuvre de contingents exempts de droits tarifaires.

Il faut mettre un terme à la progressivité tarifaire. Bien des pays imposent un tarif bien plus élevé aux importations à valeur ajoutée qu'aux produits bruts. Il en est de même du tarif imposé par le Japon sur l'huile. Les graines de canola peuvent être importées au Japon en franchise de droits, mais l'huile de canola y est toujours soumise à un tarif prohibitif. L'huile de canola raffinée est soumise à un tarif encore plus élevé que l'huile brute. Notre secteur des produits à valeur ajoutée se trouve ainsi défavorisé.

Il faut interdire les subventions à l'exportation. Les négociations d'Uruguay ont cherché à les réglementer quelque peu, mais ces subventions continuent à faire baisser les cours mondiaux, quand bien même que nous approchons de la fin de la période de mise en oeuvre. Ainsi, l'Union européenne accorde actuellement une subvention aux exportations de blé qui équivaut à 36 $US la tonne, elle accorde une subvention aux exportations d'orge de plus de 78 $US la tonne et elle subventionne les exportations d'avoine à raison de presque 70 $US la tonne. Ces subventions sont autorisées aux termes de l'actuel accord.

Les États-Unis ont prévu 320 millions de dollars US dans leur budget de 1999 pour leur programme d'encouragement des exportations. Le Canada, par contraste, a complètement éliminé la seule subvention qu'il accordait aux exportations de céréales et d'oléagineux. Il a peut-être ainsi donné l'exemple aux autres pays membres de l'OMC, mais il oblige nos producteurs à soutenir la concurrence sur des marchés fortement subventionnés sans qu'ils soient eux-mêmes outillés pour le faire.

Les subventions à l'exportation font baisser les cours mondiaux. Elles doivent être éliminées.

Il est aussi important que d'autres mesures qui peuvent être—et, d'après nous sont—utilisées pour remplacer les subventions à l'exportation soient soumises à une certaine réglementation.

Les crédits à l'exportation sont un outil très utile pour tous les exportateurs, y compris les exportateurs canadiens. Cependant, la prolifération de ces crédits en l'absence de règles claires pourrait déclencher une guerre commerciale.

L'aide alimentaire est une activité louable. Nous appuyons les efforts pour apporter une aide alimentaire afin d'enrayer la faim dans le monde, mais quand elle intervient sur les marchés commerciaux, cette aide devient une subvention à l'exportation. Nous avons été très inquiets d'apprendre que le gouvernement américain avait acheté d'importantes quantités de blé à ses producteurs pour en faire don à l'Indonésie. En 1996, l'Indonésie était le quatrième client commercial du blé canadien. Il faut définir des règles claires et pratiques en ce qui a trait à l'utilisation de l'aide alimentaire.

• 0925

Les dépenses qui sont autorisées au titre des programmes nationaux de subventions et qui faussent les échanges doivent être considérablement réduites. Les négociations d'Uruguay ont permis de réglementer jusqu'à un certain point les programmes nationaux de subventions et ont obligé l'Union européenne et les États-Unis à mettre un terme à leurs programmes de soutien direct des prix, mais le niveau autorisé des dépenses au titre des subventions nationales demeure très élevé.

Ainsi, les agriculteurs européens reçoivent l'équivalent de 175 $CAN l'acre du simple fait d'avoir semé un champ. En outre, les producteurs de blé européens ont un prix garanti de 205 $CAN la tonne. Ces montants dépassent de beaucoup les prévisions relatives aux cours mondiaux, à tel point que les stocks de blé des gouvernements de l'Union européenne n'ont jamais été aussi élevés. Qui dit stocks élevés dit prix à la baisse pour tous les autres ?

La prochaine série de négociations doit se solder par des réductions maximales des dépenses au titre des programmes de soutien dits «feu jaune». Elles doivent aussi conduire à l'élimination des programmes de soutien de la catégorie «boîte bleue». Cette catégorie a été créée vers la fin des négociations d'Uruguay pour permettre à certains pays, notamment ceux de l'Union européenne, d'apporter des modifications à leurs programmes nationaux de soutien. La plupart des programmes de l'Union européenne qui visent à stimuler la production sont de la catégorie «boîte bleue».

Les règles sanitaires et phytosanitaires et le commerce d'organismes génétiquement modifiés doivent se fonder sur des données scientifiques prouvées. J'ai récemment entendu un négociant dire: «Les tarifs élevés ont au moins le mérite d'être prévisibles». Le recours croissant aux préoccupations relatives à l'environnement et la santé pour bloquer l'accès des marchés internationaux est complètement imprévisible et injustifié. Il faut établir des règles claires fondées, non pas sur des considérations émotives ou politiques, mais sur des données scientifiques.

Je conclurai en répétant encore une fois que nous attendons beaucoup de la prochaine série de négociations commerciales. Les producteurs, les manutentionnaires, les commerçants et les exportateurs travaillent tous ensemble afin de pouvoir profiter d'un marché international plus ouvert qui n'est pas faussé par des pratiques commerciales déloyales.

Nous vous remercions, monsieur le président, d'avoir bien voulu nous rencontrer aujourd'hui.

Le président: Merci, monsieur Edie.

Ce sera maintenant au tour de la Fédération canadienne de l'agriculture. M. Wilkinson aura quelques minutes pour nous présenter un exposé avant que nous ne passions aux questions.

Monsieur Wilkinson.

M. Jack Wilkinson: Merci beaucoup.

Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à témoigner.

Sally, notre directrice générale, est assise derrière nous. Jennifer Higginson, qui est une de nos principales responsables des échanges, est ici avec moi.

Je ne reprendrai pas exactement ce que vous ont dit les deux témoins qui m'ont précédé. Je demanderais que notre document soit consigné au compte rendu, et je n'aborderai pas de nouveau les mêmes questions. Le fait est qu'il n'est pas mauvais que nos positions se ressemblent énormément, bien au contraire. Quand on veut élaborer une position commerciale canadienne au nom des producteurs canadiens et dans leur intérêt, il est toujours rafraîchissant de constater que les points de vue que nous présentons au gouvernement, loin de diverger, se ressemblent.

Il est raisonnable de dire que la Fédération canadienne de l'agriculture, en sa qualité d'organisation qui représente l'ensemble du secteur agricole canadien, a à coeur d'en arriver, en ce qui a trait au secteur agroalimentaire canadien, à la position équilibrée qui pourra servir de point de départ aux négociations. Dans une certaine mesure, nous avons donc des intérêts qui n'ont pas été exprimés par les deux témoins précédents. Nous mettrons l'accent sur ces points, même si nous appuyons les arguments avancés à bien d'autres égards.

Nous entendons de temps en temps les négociateurs commerciaux canadiens et d'autres dire qu'il nous faut en quelque sorte faire preuve de noblesse et élaborer une position crédible en vue des prochaines négociations, si bien qu'il faudrait passer sous silence un certain nombre de points de vue du secteur agroalimentaire canadien.

Nous avons deux objectifs qui seront aussi ceux de bien d'autres pays en vue des prochaines négociations. Nous voulons d'abord améliorer l'accès des marchés—et j'y reviendrai un peu plus longuement—et nous avons aussi un certain nombre de denrées qui présentent un intérêt national particulier. Presque tous les pays qui participeront aux négociations à venir auront ces mêmes objectifs. Il n'y a rien de surprenant à vouloir poursuivre ces deux dossiers de front, car presque tous les pays du monde auront ces deux objectifs concomitants pour la prochaine série de négociations.

• 0930

Nous n'avons donc pas à renoncer à ces deux objectifs, car c'est exactement là-dessus que finiront par porter les négociations: comment aborder l'accès de façon concrète et réaliste de manière à établir un ensemble de règles qui permettront aux producteurs de s'adapter à un marché plus grand et comment optimiser en même temps l'accès des marchés du monde au moyen d'un ensemble très clair et très précis de règles commerciales en vertu desquelles les Canadiens, notamment les exportateurs canadiens, pourront profiter de ce marché.

Comme il a été indiqué, le Canada a sensiblement réduit le niveau de soutien national. En conséquence, avec l'élimination des subventions à l'exportation lors des dernières négociations, qui, du point de vue canadien, a non seulement permis d'équilibrer les budgets—et nous demanderons tout à l'heure à récupérer une partie de cet argent...

Des voix: Ah, ah!

M. Jack Wilkinson: Non seulement on a pu de cette façon équilibrer les budgets, mais on a voulu, par noblesse, respecter les engagements qui avaient été pris, de sorte que nous avons éliminé le soutien à nos producteurs et constaté après que le monde ne nous avait pas emboîté le pas. L'écart entre le niveau de soutien aux producteurs canadiens, dans le contexte du commerce international, et celui qui est accordé dans les autres pays du monde est encore plus grand qu'il ne l'était.

L'OMC a exigé, à la fin des négociations de l'accord de l'OMC, une réduction de 20 p. 100 des programmes nationaux de soutien. Nous, au Canada, avons en fait réduit notre soutien de 85 p. 100 et, encore là, notre conduite exemplaire n'a fait qu'accroître l'écart entre les agriculteurs canadiens et les autres intérêts commerciaux.

Nous voulons donc, comme d'autres l'ont dit, aborder cette question d'une façon très fondamentale aux prochaines négociations. Dans ces négociations, comment pouvons-nous amener tous les pays à éliminer les programmes d'aide à l'exportation qu'ils ont en place? L'élimination de ces programmes est d'une importance critique pour nos intérêts. Par ailleurs, comment pouvons-nous améliorer l'accès des marchés dans le contexte actuel, comme je l'ai dit, tout en étant sensibles à notre intérêt national? Il est possible de réaliser les deux objectifs. Notre position n'est pas hypocrite et les deux objectifs ne s'excluent pas.

Compte tenu du comportement de certains pays à l'égard des engagements en matière d'accès minimum qu'ils avaient pris aux termes de l'OMC, le gouvernement fédéral peut réaliser des gains appréciables dans l'intervalle, d'ici au début des négociations et pendant les négociations, afin que ces engagements soient effectivement concrétisés, comme ils l'ont été ici au Canada.

En ce qui a trait, par exemple, à nos denrées qui sont soumises à la gestion de l'offre, la presque totalité du contingent d'importation autorisé est utilisée, du point de vue canadien. Nous avons été très honnêtes, et nous avons accordé, de façon très claire et sans chercher à nous dérober à nos engagements, l'accès que nous avons négocié. Nous disons qu'il s'agit là d'un point de départ minimum pour les prochaines négociations, car il y a manifestement un certain nombre de pays qui, au moyen de diverses entraves, rendent l'accès très difficile: vente aux enchères de permis aux organisations de producteurs; recours, comme on l'a dit tout à l'heure, à des mesures phytosanitaires; et imposition de barrières commerciales non tarifaires, depuis l'étiquetage jusqu'à une foule d'autres mesures, notamment en ce qui a trait aux hormones en Europe, qui font en sorte qu'il est très difficile pour nos exportateurs de profiter des engagements en matière d'accès minimum qui avaient été négociés lors des négociations précédentes. Ces engagements doivent être une grande priorité.

Je ne sous-estime absolument pas la nécessité d'accroître, dans certains cas, l'accès de ces marchés. Il peut être intéressant, par exemple, de discuter sur le plan théorique de la nécessité d'accroître l'accès du marché européen de la viande, mais le contexte actuel est tel que nous n'avons pas réussi à exporter d'énormes quantités de boeuf en Europe. Oui, l'accroissement de l'accès des marchés est important pour nous, mais il est aussi important de régler la question des préoccupations phytosanitaires relatives aux hormones. Comment régler la question des OGM relativement au canola? Ces questions-là seront des plus fondamentales. Quand nous négocierons l'accroissement de l'accès des marchés—question qui sera capitale—, nous devrons veiller à pouvoir effectivement bénéficier de cet accès accru. C'est sur cela qu'il faudra faire porter nos efforts en priorité.

Nous devrons aussi nous attaquer à la question fondamentale de savoir comment, au cours de ces négociations à venir, nous pourrons préserver les droits des organisations et des producteurs canadiens de choisir les structures de commercialisation qu'ils veulent, qu'il s'agisse de la Commission canadienne du blé ou d'une foule d'autres systèmes de commercialisation qui sont en place chez nous.

Manifestement, les États-Unis vont s'attaquer énergiquement à nos entreprises publiques qui s'occupent de vendre nos produits, et, comme l'ont déjà dit Leroy et Ken, la Commission canadienne du blé a, par exemple, été tellement souvent l'objet d'enquêtes qu'il ne devrait subsister aucun doute que nous avons en place un ensemble de règles très justes et transparentes. Il n'existe pas de subvention déloyale en vertu du régime de la Commission canadienne du blé.

• 0935

Il est raisonnable de supposer que les agriculteurs ont, sur un marché international très concurrentiel, le droit de choisir les structures de commercialisation qui leur rapporteront un rendement maximal. Il n'y a absolument rien de mal à cela.

Les quatre ou cinq grandes sociétés céréalières internationales sont bien plus grosses que nous et ont des règles moins transparentes que les nôtres. Elles ont leur siège social aux États-Unis et voudraient manifestement que soient éliminés le peu d'avantages que nous avons au Canada et qui nous permettent d'influer sur le marché international. Il n'est pas du tout déraisonnable de vouloir préserver nos organisations afin d'optimiser le rendement pour les producteurs.

Comme je l'ai indiqué, pour ce qui est subventions à l'exportation, nous appuyons entièrement à la FCA les positions qui ont déjà été exprimées: il faudrait éliminer les subventions à l'exportation et établir un ensemble très clair de règles relativement au crédit à l'exportation et à l'aide alimentaire. Nous reconnaissons que ces mesures sont nécessaires, notamment du point de vue humanitaire, pour l'Union soviétique et un certain nombre de pays asiatiques. Il faut toutefois qu'il y ait des règles bien définies quant aux modalités régissant l'utilisation de ces mesures afin qu'elles ne nuisent pas aux marchés commerciaux. Il s'agit là d'un élément critique de notre position de départ aux négociations à venir.

Les États-Unis, par exemple, continuent dans certains cas à accorder des crédits qui vont jusqu'à 30 ans pour des produits alimentaires. Il est aberrant de penser qu'on puisse, année après année, accorder à un pays des crédits s'étendant sur 30 ans et que cela n'ait aucune conséquence néfaste pour les marchés commerciaux. Qu'on parle d'aide alimentaire et qu'on définisse ce que c'est, qu'on établisse un ensemble de règles relatives à l'aide alimentaire pour que chacun sache en quoi elle consiste et comment elle peut être utilisée, mais qu'on ne permette pas des activités comme celles-là. À notre avis, la durée du crédit ne devrait pas dépasser la durée du produit. S'il s'agit d'un produit périssable et que l'on suppose qu'il va être consommé dans les 12 mois, la durée du crédit devrait être de 12 mois.

J'ai déjà parlé de l'accès minimum. L'important, c'est de s'assurer que tout est clair au départ. Puis, il faut parvenir à un équilibre. Je crois que tout le monde sait que la prochaine série de négociations sera très difficile en ce qui a trait à l'Union européenne. Quiconque s'imagine que l'Union européenne ne fera pas tout son possible pour ne faire aucune concession au cours de la prochaine série de négociations ne se rend pas compte à quel point ces négociations seront difficiles. Nous pouvons toutefois réaliser des gains réels pour nos exportateurs, sans pour autant qu'il soit nécessaire pour en arriver à une entente sur toutes ces barrières commerciales non tarifaires de renoncer au départ à certaines protections pour nos denrées nationales particulièrement sensibles.

Par ailleurs, il est éminemment clair que nous avions un accès plus grand aux termes de l'ALENA que ce n'est le cas à l'heure actuelle dans le cadre de l'OMC. Je peux dire, sans craindre de me tromper, que l'on accepte qu'il faille éliminer les subventions qui faussent le plus les échanges et qu'on pourra ensuite essayer de trouver une façon équilibrée de définir notre intérêt national.

Cela dit, il vaut peut-être mieux passer aux questions. Je conclurai en disant que tout ne sera pas noir ou blanc dans les négociations commerciales à venir. Il ne s'agira pas de choisir entre le libre-échange et la protection des intérêts nationaux. La discussion se situera plutôt dans la zone grise entre les deux. La discussion portera plutôt sur les barrières commerciales non tarifaires. Elle portera sur l'étiquetage, sur la façon de régler ces questions pour pouvoir pénétrer de nouveaux marchés.

La discussion portera sur les questions phytosanitaires, dont on a déjà parlé. Les préoccupations phytosanitaires ont en fait permis d'entraver considérablement les échanges ces dernières années et ce sont ces préoccupations qui contribuent le plus au risque que les négociations échouent. La maladie de la vache folle et l'encéphalopathie spongiforme des bovins en Europe en sont un bon exemple, comme d'ailleurs le canola et les OMG. Il s'agit là d'autant d'exemples très concrets et très importants de questions fondamentales auxquelles nous devrons nous attaquer si nous voulons réaliser des gains au cours des prochaines négociations, pour ce qui est tant de nos exportations que du maintien d'un ensemble de règles qui régiront nos activités à l'avenir.

Merci beaucoup de nous avoir accueillis comme témoins. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Wilkinson.

Merci à vous tous pour vos exposés. Il nous reste environ 1 heure 20 minutes pour les questions avant que nous ne passions à l'autre partie de la réunion avec les mêmes témoins. Je ne crois pas aux miracles mais si, par miracle, les membres ont fini de poser toutes leurs questions avant 11 heures, nous pourrions peut-être commencer plus tôt à discuter du revenu agricole. Il faudrait toutefois un miracle pour cela.

Avant de donner la parole à M. Hilstrom, j'aimerais poser une question à M. Wilkinson.

• 0940

Vous connaissez, Jack, certains de vos homologues dans le reste du monde. Pensez-vous que nous pouvons nous joindre à une coalition de pays avec lesquels nous avons des intérêts communs dans le but d'atteindre certains de nos objectifs—quels que puissent être ces objectifs—lors de la prochaine série de négociations de l'OMC? Ou pensez-vous plutôt que le Canada devra faire cavalier seul, du moins sur certaines questions?

M. Jack Wilkinson: Le Canada fait déjà partie du groupe de Cairns et a à peu près le même point de vue que les États-Unis sur certaines questions, dont l'élimination des programmes de soutien aux exportations.

Je crois cependant honnêtement que le Canada adoptera une position qui se situe à mi-chemin entre les deux principaux joueurs, c'est-à-dire l'Union européenne et les États-Unis. Comme à l'habitude, nous aurons des divergences avec l'un comme avec l'autre. Nous partageons cependant beaucoup de points communs avec les pays notamment du groupe de Cairns, mais aussi avec d'autres pays, ce qui devrait nous permettre de réaliser certains gains. Je crois que nous n'avons pas à être gênés comme nous l'avons été lors des dernières négociations pour admettre d'entrée de jeu que certains produits ne peuvent pas être traités comme les autres sur le marché intérieur.

Nous présumons parfois que des pays comme l'Australie qui mènent la charge dans le groupe de Cairns ont une position unifiée et plus ou moins cohérente. Or, les producteurs de porc voulant importer du porc en Australie depuis deux ou trois ans se sont rendu compte que cela n'allait pas nécessairement de soi. Les exportateurs de saumon se sont aussi rendu compte qu'il existe des producteurs de saumon en Australie. À peu près tous les pays du groupe de Cairns sont dans la même situation.

Nous nous allierons donc à certains pays sur certaines questions, et à d'autres sur certaines autres. Nous ne devrions pas craindre de faire preuve de souplesse à cet égard.

Le président: Je vous remercie. J'accorde maintenant la parole à M. Hilstrom pendant sept minutes.

Je vous prie de commencer.

M. Howard Hilstrom: Je vous remercie.

Toutes les négociations s'enchaînent. Vous l'avez déjà clairement indiqué. Pourriez-vous chacun nous dire si les autres pays, et en particulier l'Union européenne et les États-Unis, ont respecté les engagements qu'ils avaient pris lors de la dernière série de négociations? Faut-il leur reprocher de ne pas avoir réduit leurs subventions à l'exportation? À titre d'exemple, les États-Unis ont maintenu la EEP, c'est-à-dire la politique de soutien aux exportations.

Faudrait-il exiger d'entrée de jeu que ces pays s'engagent à respecter les engagements qu'ils ont pris la dernière fois? Qu'avez-vous à dire sur cette question de portée générale?

M. Jack Wilkinson: Une position semblable se justifierait à l'égard de certains pays. Je ne pense pas que ce reproche pourrait être adressé dans tous les cas aux États-Unis et aux pays européens, même s'il était justifié dans certains secteurs.

Le fait est que bien des gens ont mal compris les engagements qui avaient été pris la dernière fois. Ainsi, en ce qui touche les subventions à l'exportation, il était clairement... Les États-Unis continuent de contourner les règles sur les subventions à l'exportation qui ont été négociées. Tout ce qui avait été exigé d'eux au départ—et nous aurions voulu davantage—était qu'ils réduisent de 36 p. 100 le niveau des subventions à l'exportation accordées à l'égard d'un certain pourcentage d'exportations.

Là où le bât blesse, c'est qu'on a permis aux États-Unis de reporter les subventions à l'exportation non utilisées d'une année à l'autre bien que les agriculteurs s'y soient opposés. La partie non utilisée des subventions a été ajoutée aux subventions totales pouvant être versées. Parce que les prix étaient assez élevés il y plusieurs années, les États-Unis n'ont pas eu à recourir au programme de soutien à l'exportation. Comme ils ont économisé ces subventions, ils se retrouvent exactement avec les mêmes subventions totales—dont nous subirons les effets au cours des deux ou trois prochaines années—que ce qu'ils avaient avant la dernière série de négociations.

Le président: Je pense que M. Edie voulait ajouter quelque chose.

M. Kenneth Edie: Comme Jack l'a fait remarquer, la lettre, mais non pas l'esprit de la loi, a été respectée, ce qui a donné lieu à de nombreux problèmes.

Lors des dernières négociations, la position initiale adoptée par nos négociateurs ne nous a pas entièrement plu. Le Canada, bon joueur, a tenu à faire savoir à tous d'entrée de jeu que la LTGO constituait une subvention à l'exportation. Les États-Unis et les pays européens, pour leur part, ne reconnaissent pas avoir des subventions à l'exportation, mais plutôt des programmes agricoles. Notre position initiale revêt de l'importance pour l'issue des négociations.

Le président: Monsieur Larsen.

• 0945

M. Leroy Larsen: Nous avons fait ressortir l'importance dans notre mémoire de la nécessité de mettre en oeuvre rapidement les mesures qui seront négociées lors de la prochaine série de négociations. Je n'aurais jamais pu m'imaginer jusqu'où on pourrait étirer l'esprit des accords conclus sans en enfreindre trop la lettre. Il faut veiller à éliminer cette échappatoire cette fois-ci. Il faut que tous sachent à quoi s'en tenir dès la signature du nouvel accord et peut-être même avant cela si c'est possible.

Je demanderais à Gord de bien vouloir vous dire quelques mots là-dessus également.

M. Gordon Pugh (vice-président, Relations avec les membres, Syndicat du blé de la Saskatchewan): Je voulais simplement vous donner un complément d'information. Ce que je vais dire n'est pas directement lié à votre question, monsieur Hilstrom, mais je crois que cela revêt néanmoins de l'importance à l'aube de ces nouvelles négociations.

La dernière fois, le Canada a dévoilé sa position de négociation très tôt dans le processus. J'oublie exactement quand nos négociateurs l'ont fait, mais c'était deux ou trois ans avant l'aboutissement des négociations. Comme nous le savons tous, les négociations ont traîné pendant longtemps et elles ont finalement abouti avec la signature de l'accord dit Accord Blair House à l'issue d'une séance de négociation bilatérale marathon entre le Canada et les États-Unis.

Nous avons l'impression que si nos négociateurs avaient su à l'époque quel serait l'accord que les États-Unis et l'Union européenne concluraient, ils n'auraient pas adopté la même position que celle qu'ils avaient adoptée deux ans plus tôt. Je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire Jack que cette fois-ci, il vaudrait peut-être mieux ne pas dévoiler notre jeu jusqu'à ce que les autres joueurs l'aient fait.

M. Howard Hilstrom: Je vous remercie. La position initiale qui est adoptée lors de négociations revêt certainement une importance capitale. Nous devons nous donner un plan solide. Il vaut mieux ne pas aborder la question de savoir si nos négociateurs ont fait du bon travail ou pas.

Une fois que nous aurons présenté notre position initiale, quelle sera notre marge de manoeuvre lors de ces négociations? Les négociations reposent habituellement sur le principe des concessions mutuelles. On ne peut pas habituellement tout avoir. Vous semblez croire que les autres pays, et notamment les deux principaux joueurs, ont obtenu tout ce qu'ils réclamaient. Nous pensons qu'il était bon de viser l'objectif de la libéralisation du commerce—objectif qui a été atteint—, mais nous nous sommes retrouvés dans une mauvaise position. Nous n'avons pas eu accès à certains marchés d'exportation pour des produits comme le blé.

Quelle est la marge de manoeuvre dans le domaine des exportations de produits primaires, secteur qui est représenté par les syndicats du blé et Agricore? Pouvons-nous faire des concessions ou allons-nous opter pour l'immobilisme? J'adresse ma question aux représentants des syndicats du blé et à Jack.

Le président: Les témoins devront répondre très brièvement puisqu'il ne vous reste qu'une minute.

M. Jack Wilkinson: Je ne pense pas qu'il s'agisse de savoir si nous avons des concessions à faire. Il est très clair, à l'issue de cette série de négociations, que chacun peut se retrancher dans ses positions. Certains pays ont très clairement indiqué lors de la dernière série de négociations qu'ils étaient prêts à discuter des oléagineux, par exemple, sur une base bilatérale ou régionale. Nous pouvons aussi discuter de certains règlements phytosanitaires et de questions liées au commerce qui vont revêtir une très grande importance dans le cas notamment des produits transgéniques.

Il est clair que beaucoup peut être fait pour aider nos exportations au cours de la prochaine série de négociations.

Le président: Monsieur Larsen, soyez très bref.

M. Leroy Larsen: Nous pouvons débuter la série de négociations en commençant par préciser clairement les mesures qui ont déjà été prises. Par comparaison avec nos compétiteurs dans le reste du monde, nous avons beaucoup réduit nos programmes de soutien aux agriculteurs ainsi que nos subventions à l'exportation. Nous pouvons le préciser d'entrée de jeu.

Nous avons fait au-delà de ce que nous devions faire. Nous devons maintenant exiger l'adoption rapide de règles uniformes d'accès aux marchés.

Le président: Très bien. Je dois mettre fin à ce tour de questions. Je vous remercie beaucoup.

La remarque que M. Pugh a faite plus tôt m'a fait penser au fait qu'il ne faut tirer sur l'ennemi qu'au dernier moment.

Madame Alarie, vous avez sept minutes.

• 0950

[Français]

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Bonjour messieurs, madame.

Vous avez parlé, monsieur Wilkinson, d'un piège et je trouve effectivement qu'on a peut-être parfois négocié en culottes courtes, avec une âme de scout.

Est-ce qu'il n'y aurait pas un autre piège dans l'air, qui serait celui d'un bilan de ce qui s'est fait, bilan qu'on n'a pas vraiment? On a des bribes du bilan; on a certains aspects du bilan. On parle de la communauté européenne et des États-Unis au niveau des subsides, mais comme préambule à une négociation, est-ce qu'on ne devrait pas tous être instruits du bilan des dernières négociations: là où ça a flanché, là où on a atteint les buts et même là où on a dépassé les objectifs du départ?

[Traduction]

M. Jack Wilkinson: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Certains progrès ont été réalisés au cours des dernières négociations. Certaines des mesures qui ont été mises en place ont permis aux producteurs de l'industrie agroalimentaire de faire certains gains depuis ce temps. Il se trouve simplement que les prix des produits alimentaires sont très bas depuis neuf mois. Nous en discuterons un peu plus tard. Cette situation est attribuable à plusieurs facteurs.

En tant que puissance moyenne, le Canada n'a d'autre choix que de participer à ce genre de négociations. Nous serions vraiment à plaindre compte tenu du fait que nous faisons concurrence dans le domaine agricole aux États-Unis si l'ACCEU et l'ALENA n'existaient pas. Nous serions très à plaindre à l'échelle internationale si ce n'était des mesures qui ont été prises pour discipliner les marchés. Les négociations commerciales ne peuvent pas aboutir en une seule séance.

Au cours de la dernière série de négociations, on avait commencé à s'entendre sur un processus pour discipliner les marchés. Il ne faut pas s'en prendre à l'Organisation mondiale du commerce si le Canada a décidé de réduire ses dépenses en matière de programmes internes non pas de 20 p. 100 comme on lui avait demandé de le faire, mais de 85 p. 100. Si l'on a autant réduit les dépenses, à mon avis, c'était pour équilibrer nos budgets.

Certains pays ont donc continué à verser des subventions à leurs producteurs, mais il y en a également d'autres qui n'ont pas respecté les règles. Nous devons les obliger à le faire. Prenons la façon dont les permis sont vendus aux enchères dans certains pays. En réalité, ils sont accordés à des organismes de producteurs qui n'ont absolument pas intérêt à ce qu'une seule livre de produits entre au pays. Nous pouvons donc réclamer avec force l'accès à ces marchés lors de la prochaine série de négociations.

Comme on l'a déjà dit, de nombreux problèmes se posent également en ce qui touche aux aliments transgéniques, à l'étiquetage et aux hormones de croissance. Nous avons clairement respecté nos engagements en matière scientifique pendant que d'autres pays ne l'ont pas encore fait. Comme il existe maintenant certaines règles, nous pouvons réclamer que des comités d'examen imposent des sanctions aux pays qui les enfreignent. Nous pouvons être implacables.

Nous avons donc réalisé des gains très positifs et certaines règles ont été mises en oeuvre. Nous devons simplement continuer de réclamer l'élimination des subventions à l'exportation. Nous avons obtenu que ces subventions soient réduites de 36 p. 100. Lors de la prochaine série de négociations, nous devrions simplement réclamer qu'elles soient complètement supprimées. Nous pouvons aussi veiller à ce que les conditions d'accès soient les mêmes pour tous sur d'autres marchés, comme on vous l'a déjà dit, ce qui permettra à nos producteurs de se tailler une meilleure part du marché international.

On peut faire davantage, mais nous ne pouvons nier que des gains ont été réalisés.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Vous parlez aussi d'éliminer les subventions qui faussent les règles du marché et vous mentionnez, monsieur Wilkinson, qu'on devrait s'assurer que le Canada est capable de mettre en application les mesures nationales nécessaires pour la stabilité et la rentabilité de l'agriculture canadienne. Comment arrive-t-on à faire passer les deux?

[Traduction]

M. Jack Wilkinson: Il suffit d'être créateur. Il est bien évident qu'un accord commercial ne réglera pas tous les problèmes, et notamment celui du fléchissement des prix mondiaux. Un accord commercial ne pourra pas régler le problème que pose l'effondrement de la Russie qui a annulé tous ses permis d'importation et ses commandes. Un accord commercial ne réglera pas non plus le fait que le marché asiatique s'est effondré il y a neuf mois, ce qui explique le fait qu'il y a maintenant un surplus de porc sur le marché alors qu'il n'y avait pas suffisamment de porc pour répondre à la demande de 6 à 9 mois plus tôt. Un accord commercial n'a aussi aucun effet sur le temps. Il y a trois ans, les prix du blé ont atteint un sommet inégalé depuis 30 ans. Les prix du blé ont maintenant atteint leur point le plus bas depuis 30 ans parce que la demande en blé a diminué. Au cours des trois dernières années, les producteurs de blé ont connu le même cycle des prix que sur une période de 60 ans.

L'OMC ne peut pas régler tous les problèmes, mais elle peut veiller à ce que les programmes agricoles de ses membres n'exercent pas une influence indue sur les prix des produits sur le marché international. Si le prix des céréales est bas, par exemple,...

• 0955

À l'heure actuelle, les agriculteurs de l'Union européenne ne sont presque pas touchés par les prix mondiaux. Ils continuent de toucher au bas mot des centaines de dollars de subvention par acre, quel que soit le niveau des prix mondiaux, pendant que nos producteurs n'ont jamais obtenu un prix plus bas pour leurs produits depuis 30 ans.

Certaines mesures peuvent être prises pour que si ces pays continuent de subventionner leurs agriculteurs, ils le fassent de façon à ce que cela ne perturbe pas les signaux du marché et que cela ne nuise pas à nos producteurs. Cela peut être fait.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Je comprends cela en principe, sauf que présentement, on vit une situation de crise dans le domaine de la sécurité du revenu. Normalement, on est porté à dire que c'est pour suppléer à un manque à gagner, mais il faudrait peut-être...

[Traduction]

M. Jack Wilkinson: On peut tout de même le faire.

Le président: Monsieur Edie, vous vouliez ajouter quelque chose? Allez-y.

M. Kenneth Edie: J'aimerais faire une remarque qui se rapporte à ce que vient de dire Mme Alarie.

Nous allons plus tard discuter des problèmes liés au revenu agricole, mais ce qu'il faut faire comprendre à nos négociateurs, ce qui s'est produit la dernière fois... Il y avait un feu rouge, un feu vert, un feu jaune, et tout d'un coup, une boîte bleue. Pour les négociateurs, le fait de remplacer le feu rouge par une boîte bleue signifiait qu'ils avaient atteint leurs objectifs. Mais comme nous le voyons maintenant, la boîte bleue des mesures de soutien interne a bien une incidence négative sur le commerce, contrairement à ce qu'on soutenait.

Prenons l'exemple de l'orge du Montana qui est vendue en Alberta. Les agriculteurs du Montana se préoccupent peu du prix du marché de l'orge parce que le prix qu'ils obtiennent pour leur produit est fixe en vertu du programme FAIR, le programme fédéral d'amélioration et de réforme de l'agriculture. Le prix qu'ils obtiennent couvre leurs frais généraux et certains de leurs frais variables. Peu leur importe le prix du marché pourvu que la somme qu'on leur accorde soit plus élevée que leurs coûts variables résiduels. C'est un élément dont il faut tenir compte. Voilà ce qu'il faut faire comprendre à nos négociateurs.

Le président: Monsieur Pugh, voulez-vous ajouter quelque chose?

Allez-y, madame Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Monsieur Edie, vous avez parlé dans votre discours de l'aide alimentaire. Personnellement, je trouve qu'on ne parle jamais suffisamment de cet aspect du travail des producteurs, qui ont une production fort intéressante. C'est peut-être quelque chose à faire au plan mondial.

Avez-vous une idée de la façon dont on pourrait participer à une aide alimentaire mondiale sans fausser les règles du marché?

[Traduction]

Le président: Madame Alarie, votre temps est presque épuisé. L'un ou l'autre de nos témoins mais pas les deux peuvent répondre à cette question puisque votre temps est écoulé.

M. Gordon Pugh: J'ai deux observations à faire, madame.

Pour ce qui est du premier point que vous soulevez et qui a trait aux sommes que le Canada peut dépenser pour soutenir le revenu agricole, j'aimerais qu'il n'y ait pas de malentendu sur les aspects techniques de cette question. Le Canada s'est engagé à ne pas dépenser plus de 3,5 ou 4 milliards de dollars en mesures de soutien du revenu agricole à l'issue des négociations d'Uruguay. Nos dépenses réelles à ce titre sont actuellement de 1 milliard de dollars. Notre marge de manoeuvre est donc assez grande.

La deuxième question portait sur l'aide alimentaire. Comme M. Edie l'a dit plus tôt, je crois, nous sommes aussi de grands partisans de l'aide alimentaire. Nous nous opposons cependant à ce que les États-Unis se servent de l'aide alimentaire pour maintenir leurs subventions à l'exportation. M. Edie faisait essentiellement allusion à la situation de l'Indonésie.

Le président: Je vous remercie. Le temps est écoulé.

Monsieur McCormick, vous avez sept minutes.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous remercie tous d'être ici.

J'aimerais bien pouvoir être ici pendant toute la durée de la prochaine séance, mais je dois rencontrer les représentants du groupe Rural Physicians of Canada. Il est difficile d'être à trois endroits à la fois.

J'ai une brève remarque à faire au sujet de la faim qui sévit sur cette planète. Chaque fois que nous aidons ceux qui ont faim, nous devons le faire de manière à ne pas léser nos producteurs. J'ai suivi la situation en Corée du Nord depuis deux ans, et j'ai été ébahi de voir que ce pays, qui se classait au septième rang parmi nos principaux partenaires commerciaux il y a deux ans et demi, est passé au sixième rang, et la Coré du Sud se classe maintenant au quatrième rang depuis la crise qui a frappé les marchés asiatiques.

Entre temps, en Coré du Nord, où l'on achète sans doute pas chose à qui que ce soit, 2 millions de personnes sont mortes de faim au cours des deux dernières années. Comme les gens n'ont toujours pas suffisamment de nourriture à se mettre sous la dent, ils continuent de manger de l'écorce d'arbre et de l'herbe.

• 1000

J'aimerais poser une question amicale à laquelle je devrais déjà connaître la réponse aux représentants des syndicats du blé. Y a-t-il des ententes entre les gouvernements fédéral et provinciaux et les principaux intervenants du domaine pour aider les populations qui se trouvent dans des situations aussi tragiques?

M. Leroy Larsen: Vous utilisez un bon exemple. Comme vous l'avez fait remarquer, la Corée du Nord n'est pas en mesure d'acheter beaucoup à qui que ce soit. Ce pays ne fait donc pas partie du marché pour l'instant. L'aide alimentaire qui est accordée à ce pays ne devrait pas fausser les prix des produits agricoles qui proviennent du Canada ou d'ailleurs dans le monde. C'est un bon exemple. Nous devons préciser clairement quels sont les pays qui ont besoin d'aide et qui ne font pas partie pour l'instant du marché. Nous pouvons établir les pays où toute aide alimentaire donnée aurait une incidence sur les prix.

M. Kenneth Edie: Les agriculteurs peuvent faire des dons de céréales eux-mêmes, et le gouvernement fédéral accorde un don de contrepartie trois fois plus important. La Corée du Nord a reçu certains de ces dons. Des projets communautaires de ce genre ont été mis en oeuvre avec l'appui de la population canadienne.

Nous sommes favorables à ce genre de programme. Nous souhaitons d'ailleurs que toutes les mesures possibles soient prises pour venir en aide à ces malheureux.

M. Larry McCormick: Je suis heureux que vous le mentionniez parce que les agriculteurs de toutes les régions ont fait don de leurs récoltes ou du produit de leur vente à la banque des céréales alimentaire.

J'aimerais maintenant vous poser une question au sujet de la prochaine série de négociations qui approche à grands pas. J'aimerais savoir si vos groupes ont été invités à participer à toutes les facettes de ces négociations. Si c'est le cas, je suis sûr que votre grande connaissance du domaine nous sera utile.

J'aimerais aussi savoir ce que vous pensez de l'équipe de négociation canadienne. On peut l ire dans la presse que certains ne font pas confiance à nos négociateurs. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.

M. Jack Wilkinson: Nos négociateurs suivent les directives qui leur sont données par le gouvernement du jour. Nos négociateurs n'ont pas nécessairement mérité la mauvaise presse dont ils ont été l'objet, mais il est vrai que des inquiétudes planent quant à la position qu'adoptera le gouvernement fédéral lors des prochaines négociations.

On a toujours l'impression que le Canada veut passer pour un bon joueur dans ce genre de négociations internationales et que nos négociateurs cherchent à bien se faire voir. Ce n'est pas toujours la bonne attitude à avoir. Il ne s'agit pas d'un jeu et les concessions ne peuvent pas être unilatérales...

Les enjeux sont importants. Les revenus de nos producteurs, les revenus de l'industrie agroalimentaire, et des emplois canadiens sont en jeu. Je répète qu'il ne s'agit pas d'un jeu. Je suis convaincu que nos négociateurs feront du bon travail si on leur donne d'entrée de jeu des directives claires. L'importance des enjeux est telle que s'ils ne font pas du bon travail, on les remplacera par d'autres.

Quant à savoir si nous allons participer à toutes les séances de négociation, je crains que les choses ne fonctionnent pas tout à fait de cette façon. Nous ne serons pas tous là au moment où se déroulent les négociations. Je dois cependant admettre en toute justice que le gouvernement fédéral fait de son mieux pour faire participer les milieux agricoles à l'élaboration de nos positions. Lors de la dernière série de négociations, nous avons entretenu d'excellents rapports avec le gouvernement du jour, le ministre du Commerce et le ministre de l'Agriculture. Nous ne voyons pas pourquoi il en serait autrement cette fois-ci.

Notre rôle, à titre d'organisme qui représente les agriculteurs, est de défendre ce qui peut paraître à première vue, pour un profane, des intérêts contradictoires. J'ai bonne confiance que les milieux agricoles arriveront à s'entendre là-dessus et à présenter une position commune à notre ministre. Si cette position est bien pensée et raisonnable, je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas la position commerciale qu'adoptera le gouvernement.

• 1005

M. Gordon Pugh: Puis-je ajouter quelque chose? J'aimerais vous faire part d'une conclusion à laquelle j'en suis venu à l'Organisation mondiale du commerce où j'ai travaillé pendant cinq ans avant d'occuper mon poste actuel. Je ne représentais pas le Canada à l'OMC, mais je travaillais pour l'organisation elle-même. J'ai toujours été épaté—et j'en étais très fier comme Canadien—par la grande compétence des négociateurs et des fonctionnaires canadiens qui travaillent à Genève. Il n'y a pas de meilleurs négociateurs. Je peux vous assurer que nos négociateurs sont aussi bons que ceux des autres pays.

Voilà qui explique que le Canada a toujours joué un rôle beaucoup plus important au sein de l'OMC que ce qu'il devrait jouer compte tenu de sa puissance économique. Nous avons la plus grande confiance dans nos négociateurs commerciaux.

Le président: Merci, monsieur McCormick.

Je voulais simplement signaler le fait que certains de nos négociateurs ont beaucoup d'expérience. Ils ont participé aux négociations de l'ALENA, de l'Accord de libre-échange et d'Uruguay. Je pense qu'ils peuvent bien nous représenter.

Monsieur Proctor, vous avez cinq minutes.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Avant de poser une question, j'aimerais m'excuser auprès de nos témoins. Je devrai partir tout à l'heure parce que je dois être à la Chambre. J'espère pouvoir revenir. Je lis les notes de Rick.

M. Rick Borotsik: Oui, je sais.

Des voix: Oh, oh!

M. Dick Proctor: Ma première question s'adresse à M. Larsen.

Vous avez dit que le Canada ne pouvait pas faire concurrence aux trésors des pays européens et à celui des États-Unis. Cela m'a intrigué. Je me demande pourquoi vous dites cela. À ma connaissance, le Canada fait partie du G-7, c'est-à-dire qu'il est l'une des sept plus grandes puissances économiques au monde. Notre économie est certainement plus importante que celle de certains pays européens. Notre situation financière est équilibrée. Je me demande donc pourquoi vous pensez que le Canada ne peut pas faire concurrence à ces pays.

M. Leroy Larsen: J'ai dit que nos producteurs ne pouvaient pas faire concurrence à ces trésors, parce que c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle, compte tenu des programmes de soutien aux exportations qui existent aux États-Unis et dans l'Union européenne.

M. Dick Proctor: Vous ne dites donc pas que le Canada comme pays ne peut pas leur faire concurrence sur les marchés internationaux.

M. Leroy Larsen: Je pense que nous aurions du mal à le faire. Nous n'avons pas l'assiette fiscale ni les ressources de certains autres intervenants.

Étant donné la faiblesse de notre population, nous exportons une proportion beaucoup plus grande de notre production agricole que de nombreux autres pays. Ainsi, nous exportons jusqu'à 80 p. 100 de notre production céréalière totale contre 20 p. 100 pour les États-Unis. Le Canada, étant donné la faiblesse de sa population et son assiette fiscale beaucoup moins étendue, est dans une situation bien différente des États-Unis et des pays membres de l'Union européenne. Nos producteurs font actuellement concurrence à ces trésors, et ils y perdent au change.

M. Dick Proctor: Vous pensez donc comme M. Edie que nous n'avons pas joué assez dur pendant la dernière série de négociations de l'OMC?

M. Leroy Larsen: Oui, je suis d'accord avec lui là-dessus. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons dépassé de beaucoup les engagements que nous avions pris dans le cadre des accords commerciaux actuellement en vigueur. Nous devons d'entrée de jeu réclamer des conditions égales pour tous. C'est la position initiale qu'il conviendrait d'adopter.

M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

J'ai une question à vous poser, monsieur Wilkinson. Vous avez dit que les questions sanitaires et phytosanitaires seraient les questions clés lors des prochaines négociations.

M. Rick Borotsik: Vous avez lu mes notes.

Des voix: Oh, oh!

M. Dick Proctor: Désolé, Rick. J'ai d'aussi bons yeux que de bonnes oreilles.

Quel conseil offririez-vous aux négociateurs canadiens dans ce domaine?

M. Jack Wilkinson: Tout d'abord, il faut régler les problèmes actuels et faire cesser la prolifération des barrières commerciales non tarifaires déguisées sous forme de questions relevant entre autres de la santé et des drogues à usage vétérinaire.

• 1010

À l'heure actuelle, un certain nombre de pays qui veulent être protectionnistes—qui ne souhaitent pas respecter leurs engagements ou qui veulent réduire au minimum l'accès qu'ils ont négocié au cours des négociations—se servent de multiples prétextes pour entraver dans les faits l'accès autorisé. Par exemple, même si nous avons remporté la victoire au niveau du groupe d'experts, les pays européens continuent d'utiliser les hormones pour le boeuf. Il nous faudra adopter une position ferme à leur égard, les obliger à adhérer au système scientifique qui, à notre avis, est le seul valable.

Ainsi, en Europe, on évoque la multifonctionnalité, et des tas d'autres raisons pour justifier que l'on continue de bloquer l'accès. À notre avis, toutes ces questions seront cruciales. Le Protocole sur la sécurité biologique pourrait porter préjudice à la façon dont s'effectuent les échanges commerciaux de produits génétiquement modifiés.

Il y a énormément de problèmes sérieux auxquels nous devons nous attaquer d'entrée de jeu. Il faut définir les règles entourant ces questions pour ne pas se retrouver ultérieurement aux prises avec de réelles entraves au commerce. Le plus important, c'est d'être proactif à cet égard.

M. Dick Proctor: Tout à fait. Je vous remercie beaucoup.

M. Kenneth Edie: Je voudrais dire une ou deux choses et revenir en particulier sur le fait que le Canada veut passer pour un bon joueur à la table des négociations. Ensuite, il a été question des personnes avec lesquelles nos négociateurs doivent travailler et des directives que leur donne le gouvernement. Lorsque je parle des boîtes bleues, c'est une politique avec laquelle nous devons composer. Parfois, nous nous en prenons au messager lorsque le message ne fait pas notre affaire.

Il y a autre chose dont je voudrais parler, même s'il s'agit d'un sujet trop vaste pour l'aborder vraiment aujourd'hui, mais j'invite tous les membres du comité, et particulièrement le président, à prendre connaissance du Protocole sur la sécurité biologique dont Jack vient de parler. Ce document a des ramifications épouvantables, et il est très mal compris, même au Canada. Mais si l'on va en Europe, les gens là-bas ne savent pas du tout de quoi il retourne, notamment pour ce qui est de l'accord préliminaire. Ils croient qu'un OGM est une petite chose gluante dans une éprouvette, plutôt qu'une semence.

Je vous incite donc à demeurer vigilants à cet égard et à poser des questions, car c'est un dossier d'une extrême importance. Si vous voulez appeler Bill Leask de l'Association canadienne du commerce des semences, il fait partie de ce comité, ou encore Doug Mutch, du Conseil des grains du Canada, n'hésitez pas. Faites en sorte d'être breffés à ce sujet, car c'est très important. Les États-Unis ne semblent pas l'avoir encore compris, et il est assez incroyable de voir qu'ils ferment les yeux sur le problème, comme s'il allait disparaître. Il ne disparaîtra pas.

Le président: Merci. Comme vous l'aurez constaté, nous nous plaisons à taquiner M. Proctor en raison de ses tendances maintenant célèbres. Sans doute vous demandez-vous ce qu'il va nous sortir encore.

Monsieur Proctor, vous avez cinq minutes.

M. Rick Borotsik: M. Proctor a déjà eu ses cinq minutes.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Désolé, monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Je remercie les membres de la table ronde d'être venus nous rencontrer. Je suis désolé, mais je devrai malheureusement partir. Aujourd'hui, on discute à la Chambre des programmes de soutien, et il est important que nous exprimions notre position en faveur de l'agriculture et des agriculteurs. Veuillez accepter mes excuses.

Nous devions entendre vos observations au sujet de ces programmes de soutien mercredi dernier, mais manifestement cela a été changé pour ce mercredi-ci. Par conséquent, je vais rater votre contribution. Je sais que vous étiez disponibles, mais... Je sais aussi que je peux parler à chacun d'entre vous individuellement, et je le ferai.

Premièrement, je tiens à dire que j'ai moi aussi toute confiance dans nos négociateurs commerciaux. D'ailleurs, nous les recevons ici régulièrement. En tant que Canadiens, ils sont compétents pour faire valoir nos positions dans le domaine du commerce. Ils ont toute ma confiance. Je soupçonne que leur problème tient au fait que nous sommes un acteur de second plan sur la grande scène internationale. Cela dit, nous avons tout de même beaucoup d'influence, peut-être même plus que ne le justifie notre population et nos moyens financiers.

Tout d'abord, Jack, j'aimerais vous poser une question. Vous avez dit que nous devrions négocier des accords pour les cinq à 10 prochaines années. Nous avons parlé de la biodiversité, des barrières non tarifaires, des questions sanitaires et phytosanitaires. À votre avis, sommes-nous dans la bonne voie? Ne devrions-nous pas plutôt nous préoccuper de nos rapports avec notre principal partenaire commercial, les États-Unis, et régler nos problèmes avec lui, au lieu de diluer notre message en essayant de pénétrer de nouveaux marchés?

Je serais ravi de pénétrer le Marché commun européen, mais on nous en empêche avec toutes sortes d'obstacles. Pensez-vous que nous devrions consacrer nos énergies à ce volet, au lieu de mettre l'accent sur nos relations avec les Américains, compte tenu du fait qu'à l'heure actuelle, 80 p. 100 de nos échanges se font avec les États-Unis.

• 1015

M. Jack Wilkinson: Il faut pouvoir livrer bataille sur plus d'un front à la fois. Personnellement, je ne pense pas que l'on doive opter pour l'un ou l'autre scénario. Nous avons à l'heure actuelle un accord défini avec les États-Unis. Nous avons fait énormément d'efforts pour obtenir le succès que nous avons tiré de cet accord. Certaines denrées agricoles au Canada ont souffert beaucoup pour les gains que nous avons réalisés.

Nous avons une série de règles précises. Nous ne devrions ménager aucun effort pour nous assurer que les États-Unis respectent leurs engagements. Nous devrions exercer des pressions sur ce front, mais il faut aussi nous efforcer de faire des gains à l'échelle internationale.

M. Rick Borotsik: Pensez-vous qu'il est vraiment possible de pénétrer ces marchés étrangers?

M. Jack Wilkinson: Oui.

M. Rick Borotsik: Donnez-moi un délai. Envisageons-nous que cela se réalise d'ici un an ou d'ici 10 ans?

M. Jack Wilkinson: Franchement, je pense que nous réalisons des progrès tous les ans. Ainsi, grâce au dernier accord, nous avons obtenu un certain accès à l'Europe et à d'autres pays. Nous avons défini certaines règles du jeu notamment en ce qui a trait aux limites de dépenses, par exemple pour les subventions à l'exportation. C'est vrai que ces subventions sont plus élevées que nous le souhaiterions et que les restrictions à cet égard ne vont pas aussi loin que nous l'aurions espéré, mais il y a quand même certains paramètres.

Par exemple, si l'accord actuel avait été en vigueur il y a 10 ans, les États-Unis et l'Union européenne n'auraient pas pu avoir recours aux subventions à l'exportation. Un régime disciplinaire a été instauré.

M. Rick Borotsik: Parlons maintenant de la biodiversité.

M. Jack Wilkinson: Bien sûr.

M. Rick Borotsik: Parlons du canola et des obstacles non tarifaires qui s'y appliquent. Soit dit en passant, le canola produit dans l'ouest du Canada à l'heure actuelle représente un potentiel énorme sur le marché de l'Europe. Dans quelle mesure pouvons-nous y accéder avec succès? Quelles mesures prenons-nous à cet égard?

M. Jack Wilkinson: Au cours de la prochaine série de négociations, la principale pierre d'achoppement avec l'Union européenne sera l'étiquetage des produits génétiquement modifiés. Il règne là-bas une attitude différente.

M. Rick Borotsik: Que faudra-t-il céder en contrepartie?

M. Jack Wilkinson: Nous n'avons pas à céder quoi que ce soit. Nous devons définir la façon dont se feront les échanges commerciaux.

Il faut partir de l'hypothèse qu'il y a des gens dans le monde qui veulent acheter notre produit et qu'il y en a d'autres qui veulent protéger certains intérêts fondamentaux. Dans ce contexte, comment négocier une série de règles qui rendront les échanges internationaux plus équitables, négociation après négociation?

Il nous faut trouver un moyen de convaincre les gouvernements et les consommateurs européens qu'un organisme génétiquement modifié, comme Ken l'a dit, n'est pas un machin gluant dans une éprouvette, et qu'il n'y a pas lieu d'en avoir peur. Comment créer un cadre réglementaire qui fasse en sorte qu'une fois un OGM approuvé par le système au Canada, cela suscite la confiance. Il faut pouvoir compter sur une série de règles fondées sur des principes scientifiques sains. C'est ainsi que nous pourrons expliquer aux pays étrangers que nos produits respectent des critères rigoureux en matière de santé et de sécurité du consommateur et sont conformes aux ententes internationales. C'est la seule façon pour nous d'entrer en Europe, et il faudra plus d'une réunion pour y arriver.

S'il n'y a pas de tribune internationale qui nous permette de négocier ce genre de chose—et de convoquer devant un groupe d'experts les parties qui bloquent nos exportations—, voici ce qui va arriver: les grands gagnants seront uniquement les principaux joueurs, l'Union européenne et les États-Unis, et nous serons toujours relégués à l'extérieur de ce marché. Nous devons réaliser des gains progressivement, année après année. Nous avons besoin de définitions, et il nous faut les faire évoluer progressivement au point où nos producteurs, qui bénéficient d'un soutien relativement modeste, puissent réussir.

M. Rick Borotsik: Votre optimisme me plaît, Jack. Continuons le combat.

Le président: Il nous reste une minute. Monsieur Larsen, voulez-vous...?

M. Leroy Larsen: Je ne prendrai qu'une minute.

Nous pouvons ajouter à cela le tarif qu'imposent les Japonais sur le pétrole. Nous devons continuer d'enfoncer notre clou au sujet des produits transformés afin de tirer un meilleur parti de tous nos échanges dans cette région en général.

Mme Patty Townsend (directrice, Affaires nationales, Agricore): Puis-je ajouter quelque chose très rapidement? Je sais que tout le monde ici aime bien entendre ma voix.

M. Rick Borotsik: C'est vrai, Patty.

Mme Patty Townsend: Je le sais.

M. Rick Borotsik: Nous sommes heureux que vous soyez là.

Mme Patty Townsend: Le marché américain est très important pour nous, mais nous avons constaté que depuis les dernières négociations, au lieu de diversifier nos exportations, nous nous sommes concentrés sur les États-Unis, et nous savons où cela nous mène. C'est un marché important, nous n'en disconvenons pas, mais il nous faut diversifier davantage.

Nous avons fait des gains, et nous continuons d'en faire, mais l'une des choses les plus intéressantes que nous pouvons accomplir à l'heure actuelle sur les marchés asiatiques et les autres, c'est la désagrégation de l'accès au marché. Désagrégation signifie qu'au lieu de parler de céréales secondaires, et de définir l'accès en fonction des céréales secondaires, on parle de l'accès pour l'orge, le lin, le seigle, et ainsi de suite.

M. Rick Borotsik: Nous avons tous parlé spécifiquement d'agriculture. Y a-t-il des compromis que nous pourrions faire dans d'autres secteurs industriels, qui pourraient nous aider dans le dossier agricole?

Mme Patty Townsend: Voilà pourquoi nous souhaitons que la série de négociations soit très vaste, car nous pensons que c'est possible.

M. Rick Borotsik: Oui, absolument. Ils ont fait trop de compromis dans l'agriculture. Faisons des compromis ailleurs.

Le président: Madame Ur, cinq minutes.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je m'adresse à mon ami M. Wilkinson; si les autres intervenants veulent répondre, ils pourront le faire aussi.

Pensez-vous que la prochaine fois, avant le début des négociations, nous devrions établir les règles et les définitions, de façon claire et nette, et examiner ce qui s'est passé ces cinq dernières années? Avant d'amorcer le processus de négociation, devrions-nous d'abord mettre sur pied un processus de définition, afin que nous sachions tous exactement quel est notre point de départ?

M. Jack Wilkinson: Ce travail a déjà été accompli en partie. Ce n'est pas du tout un système parfait, j'en conviens. Mais nous avons toujours dit au gouvernement fédéral que si les gens ne respectent pas les modalités de la dernière entente, il n'est pas nécessaire d'attendre à la prochaine série de négociations pour remédier à ce problème. C'est exactement ce que nous attendons de la part de notre gouvernement: qu'il exerce des pressions au niveau politique pour essayer de régler le problème, de façon constante, sans relâche.

• 1020

Et nous avons fait des progrès. Dans le cas du canola—et d'autres témoins vous le diront mieux que moi—, nous avons éprouvé de graves difficultés pour offrir sur le marché japonais un produit génétiquement modifié. Entre les rencontres, il a fallu d'intenses négociations pour tirer au clair la question de l'accès au marché. Nous avons réussi même si tout n'est pas parfait. C'est pour ce genre de chose que nous voulons pouvoir compter sur notre gouvernement en tout temps. Par exemple, si Taïwan ne respecte pas ses engagements concernant l'accès, il faudra que ce soit négocié sur-le-champ, grâce à d'intenses pressions.

Je comprends votre argument lorsque vous dites que mais nous ne sommes pas toujours du même avis qu'un autre pays. Je ne nie pas cela. Je suis convaincu toutefois que nous ne pouvons pas ne pas progresser lors de la prochaine série de négociations. Nous ne pouvons nous résigner à l'immobilisme en attendant que tout le monde chante à l'unisson. Il y a des démarches qui s'imposent entre les cycles de négociation pour trouver des solutions diplomatiques, pour exercer toute la pression possible. Il faut poser pour hypothèse que nous devons entreprendre le prochain cycle. Il faudra que nous fassions de notre mieux pour régler ce qui est en suspens mais il faut continuer de faire avancer les choses. C'est le jeu des négociations qui veut cela.

Mme Rose-Marie Ur: Dans votre mémoire, vous dites que la FCA estime qu'à long terme, notre objectif devrait être d'établir un régime multinational de règlement des différends à l'épreuve des manipulations de la part d'un autre pays. Pouvez-vous développer votre pensée?

M. Jack Wilkinson: Nous affirmons cela pour le marché nord- américain comme pour le marché international. Parce que nous sommes un partenaire commercial modeste, nous ne disposons pas des gros canons que possèdent les superpuissances. À tout le moins, nous devons pouvoir compter sur un train de règles bien définies et des groupes spéciaux de règlement des différends que nous pouvons saisir d'une plainte advenant que nous ne sommes pas traités équitablement. Par le passé, nous avons obtenu d'excellents résultats auprès des groupes spéciaux en invoquant le détail des règles. Pour nous, c'est la seule façon de procéder. Il faut négocier adroitement, cerner le problème et en saisir les groupes spéciaux, au besoin, pour défendre nos intérêts.

Voilà ce que nous voulons dire ici. Il nous faut pouvoir compter sur un réseau international de groupes spéciaux musclés, de sorte que si l'on nous interdit l'accès à un marché, si les choses aboutissent à une impasse, si les règles ne sont pas respectées, nous avons un recours. Ainsi, nous pouvons compter sur une décision qui nous permet d'exiger que ces marchés soient ouverts et qu'on respecte les engagements pris.

Dans nos échanges avec les États-Unis, nous avons dû avoir recours à des groupes spéciaux à plusieurs reprises. Si nous n'avions pas pu compter sur l'ALENA ou l'Accord commercial Canada-États-Unis, nous aurions eu beaucoup de mal dans ces marchés, mais il s'avère que nous avons obtenu gain de cause devant chacun des groupes spéciaux, sauf dans une petite partie du dossier des porcs vivants. Pouvoir compter sur ce mécanisme a été bénéfique et il faudrait pouvoir en faire autant à l'échelle internationale.

M. Kenneth Edie: Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose à ce que Jack a dit. Rappelez-vous qu'il y a un mois ou un mois et demi, nous avons fait face à certaines difficultés quand le Dakota du Sud a pris certaines mesures, suivi du Dakota du Nord et du Montana. Notre gouvernement mérite des félicitations pour la maîtrise dont il a fait preuve dans son intervention. Les Américains ont en fait reconnu qu'ils devaient mettre un terme à ces pratiques et qu'ils respecteraient les règles dont Jack a parlé.

Il faut dire cependant que nous ne devrions pas être aussi durs envers nous-mêmes car il suffit de regarder nos exportations. Nous avons atteint la barre des 20 milliards de dollars et voilà qu'on s'attend à ce que nous atteignons 40 milliards de dollars. Tout cela est formidable, mais nous sommes entravés par ailleurs notamment à cause du recouvrement des frais, qu'il s'agisse de ceux que demande l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, la Commission canadienne du grain, l'Association canadienne des industries de l'alimentation animale, ou un autre organisme. Le gouvernement devrait revoir la politique à cet égard. La somme d'argent en cause est relativement minime, mais si ces fonctions de réglementation ne sont pas accomplies rapidement, avec efficacité et efficience, il en résulte des effets préjudiciables qui ne peuvent être compensés par les économies réalisées en ne les mettant pas à la disposition de la population.

Mme Rose-Marie Ur: Vous avez tous dit aujourd'hui qu'il nous fallait donner de l'expansion aux marchés d'exportation. J'en conviens assurément, mais il faut également tenir compte du sort des producteurs primaires. Retirent-ils autant d'avantages que le pays des marchés d'exportation?

M. Jack Wilkinson: Je ne pense pas que ce soit ici tout l'un ou tout l'autre. Nous pouvons oeuvrer sur divers fronts. Quand le prix mondial est à la baisse, un accès accru aux marchés ne signifie pas nécessairement qu'un agriculteur va s'enrichir. Nous comprenons cela. C'est à ce moment-là qu'il faut pouvoir compter sur des programmes de soutien nationaux à l'agriculture pour faire face à la situation.

À long terme toutefois, le Canada peut compter sur le commerce international dans une grande mesure pour ce qui est de sa croissance économique, dans le secteur agricole comme dans les autres. Dans la mesure où nous pouvons compter sur des règles justes, dans l'ensemble, le marché se révèle plus rentable pour nous. Il adviendra toutefois que le prix mondial, pour une foule de raisons, sera déplorable.

• 1025

Voilà pourquoi—et nous en parlerons plus tard—il faut instaurer un programme pour contrer les désastres, financé par les gouvernements provinciaux et fédéral, afin de venir en aide aux producteurs. En règle générale, nous nous en tirerons mieux si...

Notre population ne compte que 30 millions d'habitants. Nous ne pouvons pas consommer toute la nourriture produite ici. Il faut que nous puissions compter sur des règles internationales équitables, un accès raisonnable aux marchés afin de pouvoir réaliser, bon an mal an, des bénéfices appréciables sur le marché mondial. Il est vrai que de temps à autre, il y a quelque chose qui cloche.

Le président: Merci.

Monsieur Pugh, nos exportations de produits alimentaires ont augmenté de 11 p. 100 par rapport à 1996, mais elles ont baissé de 5 p. 100 par rapport à 1997. Étant donné cette tendance constatée récemment, pensez-vous que nous pouvons maintenir comme objectif une part de 4 p. 100 du marché mondial?

M. Gordon Pugh: Si le dollar continue de chuter...

M. Kenneth Edie: Monsieur le président, nous pouvons réaliser d'autres progrès mais en fin de compte, je le répète, le gouvernement doit veiller à ce que certaines de ces politiques de recouvrement de coût ne soient pas destructrices pour nous.

Je reviens à ce que Mme Ur disait à propos du marché national—et elle avait raison—car j'ai remarqué hier un dépliant publié par les producteurs d'oeufs, et les producteurs de poulets à griller et les producteurs de dindes dans lequel on signale que depuis 1991, leurs exportations avaient augmenté substantiellement en même temps que leurs ventes au pays.

Le président: Autrement dit, 4 p. 100, c'est encore réaliste, n'est-ce pas?

M. Kenneth Edie: Il faut certainement se fixer comme objectif ces 4 p. 100, et essayer à tout prix de les atteindre. Toutefois, rappelez-vous que c'est un organisme du gouvernement qui a fixé cet objectif. Il est vrai qu'on nous a consultés au mois de juin, nous avons assisté à une jolie conférence près de Toronto et c'était très agréable, je le reconnais. Le ministre de l'Agriculture y était conférencier invité.

Nous répétons toutefois qu'il y a certaines mesures qui doivent être prévues pour nous venir en aide, sans quoi la réalisation de l'objectif est compromise.

Le président: Merci.

Monsieur Hoeppner, vous avez cinq minutes.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Je suis ravi de vous rencontrer ici ce matin.

Jack, ce que vous avez dit m'a impressionné. Vous êtes dans la bonne voie. Nous ne sommes pas toujours d'accord mais...

M. Jack Wilkinson: C'est juste.

M. Jake Hoeppner: Plus tard, quand vous aurez répondu aux quelques questions que j'ai à vous poser, j'aimerais que vous me parliez de la question de l'aide alimentaire. N'est-ce pas obligatoire? Si nous ne fournissons pas aujourd'hui du grain à la Corée du Nord et à l'Union soviétique, leur population va mourir de faim, car ces pays ont un tel endettement actuellement qu'ils ne peuvent plus acheter. Je voudrais que vous me parliez de cette question, vous tous.

Par ailleurs, voici ce que je voudrais savoir. Mike Gifford a comparu devant le comité il y a une semaine environ, et il a laissé entendre que nous ne sommes pas aussi irréprochables que nous le prétendons sur le plan des subventions qui ont un effet de distorsion sur le commerce. Il a dit que les États-Unis versaient à leurs agriculteurs des subventions à effet de distorsion à hauteur de 16 p. 100, tandis que le Canada le faisait à hauteur de 20 p. 100. Pour ce qui est des programmes qui ont le feu vert, notre aide à nos agriculteurs représente seulement 8 p. 100 alors que l'aide américaine représente 24 p. 100. Ainsi, nous disposons d'une certaine marge de manoeuvre par rapport aux États-Unis, du moins à mon avis. Ils sont un de nos principaux partenaires commerciaux.

J'hésite à aborder la question de la Commission du blé encore une fois car je soupçonne que nous sommes probablement d'avis contraire mais quant à moi, je remercie le ciel. Si les cultures spéciales n'étaient pas vendues librement, je me demande bien où en serait mon exploitation. Pour le canola et le tournesol, et toutes les autres cultures, où en serions-nous? Nous aurions tous fait faillite. Nous sommes tous très serrés aujourd'hui, plus que jamais, non seulement à cause de la chute des prix mais parce que les coûts de production sont énormes. Ils ont grimpé à un rythme effarant par rapport aux prix. Voilà donc un élément qu'il nous faut prendre en compte.

Voici ce que j'ai à dire aux partisans de la Commission canadienne du blé. Puisque vous ne jurez que par ce régime de commercialisation, pour aider les agriculteurs, vous pourriez aligner vos salaires et vos indemnités sur les prix des céréales vendues par l'intermédiaire de la Commission car vous verriez alors ce que signifie une réduction de 40 p. 100 ou 70 p. 100. Les agriculteurs eux en savent quelque chose.

Monsieur le président, je voulais rappeler que c'est parfois le gouvernement qui nous met dans des situations difficiles. Prenez par exemple la commercialisation du porc en Saskatchewan. Il n'y a pas eu uniquement l'intervention du gouvernement car la Saskatchewan Pool a encouragé les agriculteurs à élever des porcs: «C'est une question de valeur ajoutée. Il existe une grande quantité de marchés en Asie.» Mais aujourd'hui, l'élevage du porc connaît des difficultés inouïes. Au cours des six prochains mois, il faudra 20 millions de dollars uniquement pour couvrir les pertes. Comment ces éleveurs vont-ils survivre?

• 1030

Il est facile de blâmer les autres, mais il faut être logique et regarder les choses en face. Mes fils voulaient se lancer dans un gros élevage de porcs il y a deux ans et je leur ai dit: «Suivez mon conseil, gardez-vous-en bien. Pour l'amour du ciel, n'en faites rien.» J'ai été témoin de cela à trois reprises dans ma vie. Nous voilà dans une situation pire que jamais.

Comment donc allons-nous nous tirer d'affaires? Il y a un élément de commerce international mais chaque fois, il semble qu'il y ait sur réaction de la part de nos propres industries.

Le président: Monsieur Hoeppner, il va falloir cinq heures pour répondre à toutes vos questions. Nous disposons de cinq minutes dont deux minutes et demie sont déjà écoulées.

M. Jack Wilkinson: Dans notre mémoire, nous cernons et nous expliquons certaines des dépenses. En 1995, par exemple, le Canada versait au total 15 p. 100 des subventions ambrées autorisées par l'OMC. Les États-Unis—et vous trouverez ces chiffres dans notre mémoire—versaient quant à eux 26,9 p. 100, l'Union européenne, 60,4 p. 100 et le Japon, 73 p .100. Ces chiffres indiquent clairement que les autres pays, présents comme nous dans le marché international, subventionnent considérablement plus leurs agriculteurs que le Canada. Je voulais que cela soit bien clair.

À propos des porcs, du prix et de bien d'autres éléments dont il est question ici ce matin, il m'est impossible de prévoir ce qui va se produire dans le marché international. Nous tous ici présents serions très riches si nous avions pu prévoir l'effondrement que connaît l'Asie actuellement.

Il n'en demeure pas moins que d'habitude le Canada produit pour répondre aux besoins du marché. Le marché prenait de l'expansion, nos exportations également, et notre production était alignée là-dessus. Il s'est avéré que le marché international a pris un virage qui nous force à faire face à de très sérieuses difficultés. Dans ce contexte, c'est seulement grâce aux règles que nous pouvons évoluer et des règles équitables nous permettent de maximiser nos bénéfices.

Le président: Monsieur Larsen.

M. Leroy Larsen: Je voudrais rappeler que la Commission canadienne du blé n'est pas à l'origine des bas prix pour le blé et l'orge. La situation est la même aux États-Unis. C'est le marché mondial qui fixe les prix et je ne pense pas que l'on puisse accuser la Commission canadienne du blé de déprimer le marché.

La Saskatchewan Wheat Pool a des ententes de partenariats dans certaines localités qui élèvent des porcs. Nous savons tous que l'élevage de porcs suit le cycle. Ce ne sont pas les porcs de la Saskatchewan Wheat Pool qui ont fait chuter le marché car il n'y a qu'une seule de nos exploitations qui a mis du porc en marché jusqu'à présent. Qu'on ne blâme donc pas la Saskatchewan Wheat Pool.

Je vais vous expliquer pourquoi la valeur ajoutée s'impose dans le cas de l'orge. Il n'est pas rentable pour moi de cultiver l'orge sur mon exploitation étant donné les tarifs de transport des marchandises aujourd'hui, car ils ne me permettent pas de vendre mon orge avec profit sur les marchés d'exportation. Il faut donc ajouter de la valeur. Le porc et le bétail, que nous élevons, peuvent ajouter cette valeur.

Le président: Merci.

Cinq minutes, monsieur McCormick.

M. Larry McCormick: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'espère qu'aujourd'hui quelqu'un parmi les témoins pourra nous parler des semences génétiquement modifiées car nous voulons être renseignés là-dessus. La biotechnologie m'intéresse car c'est un domaine fascinant au Canada, et à bien des égards nous sommes à la fine pointe par rapport aux autres pays. Les membres du comité se sont rendus à Saskatoon et nombreux sont ceux parmi nous qui sont allés à Guelph et à Saskatoon à d'autres occasions.

À propos du canola que nous exportons vers l'Europe, pouvez-vous me dire... Vous avez dit que le groupe spécial s'était prononcé là-dessus, n'est-ce pas?

M. Jack Wilkinson: Non, c'est sur les hormones qu'il y a eu une discussion.

M. Larry McCormick: Et non pas sur le canola? Bon, sur les hormones. Dans quelle mesure cette question est-elle politique? Que dit-on dans les rues? Peut-on comparer cela à la somatotrophine dans 20 ans ou plus tard? Je suppose qu'on peut dire qu'il s'agit de renseigner le consommateur. Va-t-on semer la panique ou la question sera-t-elle confinée à la table de négociation? Pouvez-vous nous en dire davantage?

M. Jack Wilkinson: À mon avis, il est simpliste de dire que la question est politique. De façon générale, le consommateur européen est très différent du consommateur d'autres pays. Si l'on sous-estime cette différence—mais il n'est pas question non plus de l'exagérer—nous allons rater le coche.

Le consommateur européen n'a pas confiance dans le régime de réglementation en vigueur en Europe. On a pu le constater lors de l'incident de la vache folle. En Amérique du Nord, aux États-Unis et au Canada, le consommateur fait confiance au régime de réglementation en vigueur. On se dit que si un produit est sur le marché, c'est qu'il a franchi toutes les étapes, et la plupart des consommateurs présument alors qu'il est propre à la consommation. En Europe, cela est moins vrai et il va falloir en tenir compte.

• 1035

Les produits génétiquement modifiés sont très prometteurs pour l'avenir, pour l'industrie pharmaceutique et pour la production de produits améliorés. Il faut donc prendre cette question au sérieux. Il importe que nous offrions au consommateur européen une image positive et il faut parvenir à susciter sa confiance pour le convaincre que tous les aspects scientifiques sont compris, vérifiés, et que l'innocuité a été établie de façon rigoureuse.

Nous ne pouvons pas prévoir si dans cinq ans ce que nous aurons décidé demain sera encore parfait. Nous nous fondons sur des pourcentages, sur les meilleurs renseignements disponibles, sur une méthode scientifique, et nous essayons de trouver des tierces parties indépendantes. Nous présumons que quand un produit est disponible...

D'énormes économies sont possibles. Par exemple, cette année, ma facture d'herbicides pour le canola a été réduite considérablement car j'ai pu me servir de certains produits génétiquement modifiés. J'ai pu mieux me débarrasser des mauvaises herbes grâce à un produit moins dommageable pour l'environnement, dont il m'a fallu le quart de la quantité nécessaire auparavant. Il faut donc tenir compte de cela également. Les avantages pour la protection de l'environnement sont également indéniables.

M. Gordon Pugh: Je voudrais ajouter un complément d'information. Je conviens avec Jack qu'effectivement le consommateur européen moyen se méfie des découvertes scientifiques et des organismes de réglementation bien davantage que le consommateur américain. C'est un fait. Par ailleurs, quand vous demandez si cela est politique, moi je dis que oui car l'Union européenne peut compter sur un mécanisme qui permet l'approbation des variétés de canola que nous essayons d'exporter là-bas. Tous les éléments techniques et de réglementation existent. C'est au niveau des hommes politiques que les choses bloquent.

Je voudrais aussi ajouter quelque chose à propos de la valeur. Nous allons aborder la question du revenu agricole sous peu. Notre exploitation nous fournit une expérience directe car nous cultivons le canola transgénique depuis quatre ans. Pour un agriculteur moyen de la Saskatchewan, la culture de ces produits représente entre 15 $ et 30 $ l'acre en revenu. Grâce à ces variétés le canola peut être cultivé alors qu'autrement, il aurait dû être abandonné.

M. Leroy Larsen: Je tiens à ajouter que jamais nous n'avons préconisé que l'on sacrifie la qualité et l'innocuité des aliments. Nous sommes des inconditionnels de cela.

M. Larry McCormick: En terminant, j'ajouterai qu'il nous faudra peut-être mieux faire connaître les avantages du point de vue de l'environnement, du point de vue des pesticides, etc.

Monsieur le président, merci.

Le président: Merci, monsieur McCormick.

Monsieur Hilstrom, vous avez cinq minutes

M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.

Dans ces négociations commerciales, il est important de rappeler que le secteur agricole se compose de sept à dix sous-secteurs différents. Vous parlez constamment des agriculteurs comme s'il s'agissait d'un groupe homogène. Les intérêts des agriculteurs qui réclament l'accès aux marchés peuvent être en conflit avec ceux des groupes qui souhaiteraient restreindre l'accès à notre pays. Si nous prétendons avoir accès aux autres pays, ces derniers voudront sans doute faire de même au Canada.

Jack, je dois vous avouer que je vous admire. À cause des gens que vous représentez, il vous faut ménager la chèvre et le chou et vous l'avez fait brillamment. Le Canada devrait tenter d'obtenir une plus grande part des marchés, mais il nous faut en même temps protéger nos frontières pour les produits dont nous faisons la gestion de l'offre.

Ensuite je suis amené à vous demander ce que les autres pays veulent obtenir du Canada. Il est important de le savoir quand il s'agit de négocier. La Nouvelle-Zélande et les États-Unis attaquent notre industrie laitière et, si je ne m'abuse, nos gains également.

Je voudrais connaître votre opinion. Est-ce que la chose est assez importante pour qu'on en parle?

M. Jack Wilkinson: Je vous remercie de l'admiration que vous portez à la FCA et à sa position très nuancée sur le plan commercial. Je suis du même avis que vous. Je ne dis pas cela ironiquement. Qu'on me cite un pays dans le monde qui ne produise pas une denrée exigeant protection.

Aux États-Unis, c'est le sucre, le tabac et les arachides. La liste est longue. Lors de la dernière série de négociations où nous subissions les attaques des Américains, le président des États-Unis a adopté une loi disposant que tous les paquets de cigarettes vendus aux États-Unis devraient contenir 50 p. 100 de tabac cultivé aux États-Unis.

• 1040

Nous aurions tort de ne pas comprendre comment ces discussions sont menées. Nous pouvons réaliser et définir certaines choses, tout en sachant que les aliments et d'autres produits sont des sujets hautement politiques et qu'il nous faut faire face à la musique dans ces conditions.

Par exemple, il faut reconnaître que la gestion de l'offre au Canada a respecté à la lettre ce qui avait été négocié lors de la dernière série. Nous avons respecté le quota sur l'accès aux marchés et si lors de la prochaine série, il faut négocier encore quelque chose, je suis sûr que nous serons à la hauteur. Ce que nous souhaitons avant tout c'est que les autres pays en fassent autant, et nous attendrons l'issue de la prochaine série de négociations à l'OMC.

M. Howard Hilstrom: Nous allons entendre un autre commentaire sur ce thème-là, mais récemment, les représentants de l'industrie du sucre ont comparu devant nous. Sans préciser exactement quels secteurs de l'économie agricole l'avaient emporté sur eux, ils ont dit qu'ils avaient l'impression que leurs intérêts avaient été sacrifiés.

Monsieur Larsen, avez-vous quelque chose à ajouter là-dessus? Le groupe que vous représentez est plus circonscrit car beaucoup de ceux que vous représentez ont absolument besoin d'accéder aux marchés étrangers.

Je voudrais rappeler que ce sont les secteurs commerciaux qui rapportent des devises étrangères au Canada et non les secteurs assujettis à une gestion de l'offre. Donc, les négociations commerciales doivent avant tout insister sur les produits qui nous rapportent le plus de devises étrangères. Nous savons tous que les céréales de l'Ouest canadien, et peut-être également les produits d'exportation ontariens, sont des piliers à cet égard. Dites-nous ce que vous en pensez.

M. Leroy Larsen: Comme je le disais tout à l'heure, il est impossible que nous puissions consommer toute la production canadienne de céréales et d'oléagineux. Il nous faut donc des marchés à l'étranger et plus nous y aurons accès, mieux cela vaudra.

En même temps, comme nous le signalons dans notre exposé, les producteurs canadiens devraient avoir le droit d'établir leurs propres processus de commercialisation. Les secteurs assujettis à une gestion de l'offre, que j'appelle l'industrie avicole, doivent déterminer ce qui est le plus avantageux pour eux. Ken a signalé qu'il y avait eu augmentation des exportations de denrées de ce type-là, mais ce sont les producteurs eux-mêmes qui devraient déterminer ce qu'ils souhaitent, en faire part au gouvernement, pour que cette position soit présentée lors de la prochaine série de négociations.

M. Howard Hilstrom: Que veulent les autres pays de la part des secteurs que vous représentez? Ont-ils des revendications?

M. Leroy Larsen: Comme l'a dit Jack, chaque pays veut à la table de négociation protéger une denrée ou une autre. Il faut donc analyser la position que présenteront les autres afin de voir comment nous allons réagir.

M. Howard Hilstrom: Vous ne savez pas ce qu'elle est actuellement, n'est-ce pas?

M. Leroy Larsen: Non. Cela exige des analyses, des renseignements précis et une préparation adéquate. Comme l'a dit Jack tout à l'heure, cette fois-ci, ce sont les zones grises que nous allons aborder.

Le président: Je pense que Mme Townsend veut dire quelque chose.

Vous avez 30 secondes.

Mme Patty Townsend: Je serai très brève.

Ils ont tout à fait raison de dire que chaque pays se présente à la table de négociation en souhaitant protéger certaines denrées et obtenir l'accès à d'autres marchés. Voilà pourquoi nous pensons que s'il y a des négociations générales, où sont discutés d'autres secteurs que le secteur agricole, nous pourrons peut-être réaliser des progrès plus intéressants. Voilà pourquoi nous exhortons le gouvernement du Canada à élargir le plus possible la portée des négociations.

Le président: Allez-vous faire de moi un de ceux qui croient aux miracles? J'adorerais ça.

Oui, Jack?

M. Jack Wilkinson: Je voudrais apporter une précision. L'agriculture canadienne constitue un tout. Ce n'est pas tout l'un ou tout l'autre; ce n'est pas blanc ou noir.

Vous avez fait valoir des arguments très percutants. Tout ce que mon exploitation produit est acheminé sur les marchés d'exportation. Toutes les denrées, le boeuf, les céréales et les oléagineux, tout cela est exporté et je sais que c'est important. Toutefois, le secteur national, qu'il y ait valeur ajoutée ou non, profite au pays dans son ensemble également. L'industrie avicole, par exemple, emploie 15 000 personnes dans la transformation. La gestion de l'offre, si l'on tient compte des producteurs comme des transformateurs, permet donc le maintien de 100 000 emplois.

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Je ne me ferai pas prendre au piège en disant «ceci est plus important que cela», parce que cela ne fonctionne pas comme cela. Il faut envisager cela globalement. Il y a du pour et du contre, il y a des compromis dans tout ce que nous faisons dans le domaine de l'agriculture au Canada, et tous les secteurs ont quelque chose à offrir au Canada.

Le président: Howard, vous avez des questions à poser.

M. Howard Hilstrom: C'est un fait que quand on négocie, on finit toujours par sacrifier quelque chose pour obtenir autre chose en retour. À l'heure actuelle, d'après l'attitude de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis, on dirait bien qu'ils s'en prennent à notre système de gestion de l'offre. On peut ne pas être d'accord, mais c'est un fait qu'ils s'attaquent à ce système.

Qu'est-ce que le Canada pourra obtenir dans ces négociations si cette question n'est pas réglée? Ou bien sera-t-elle réglée auparavant?

M. Jack Wilkinson: Je pense que ce qui va se passer, c'est ce que nous avons tous déterminé. Par exemple, nous avons éliminé nos programmes d'exportations au Canada. C'est très facile d'aller à la table et d'insister pour que les pays qui continuent de jouer ce petit jeu éliminent tous leurs programmes au cours de cette présente série. Nous avons réduit notre soutien intérieur au Canada de 85 p. 100, alors qu'à la dernière ronde de l'OMC, on exigeait seulement une réduction de 20 p. 100. C'est très facile pour nous de nous présenter à la table et d'insister pour obtenir des réductions draconiennes de la part des autres pays.

Il y en a une longue liste. Il y a une foule de domaines dans lesquels nous sommes passés de la parole aux actes, nous avons été à l'avant-garde et nous pouvons nous présenter à ces négociations en insistant pour obtenir des résultats.

Il y a aussi l'exemple de l'accès aux marchés. D'autres pays jouent à de petits jeux et refusent d'honorer leurs engagements; on peut donner comme exemple le porc en Europe. Les Européens ont calculé globalement leur quantité de viande rouge et en fait, les centaines de milliers de tonnes d'accès que nous pensions obtenir en Europe dans le secteur du porc se sont révélées en fin de compte être un maigre 75 000 tonnes. Nous pouvons nous présenter à cette série-ci de négociations, comme Patty l'a dit, et essayer de nous attaquer à cette question de la ségrégation, pour essayer d'obtenir un meilleur accès au marché.

Nous pouvons adopter une position ferme sur une foule de questions, notamment les mesures phytosanitaires, sans même commencer à nous demander à quoi l'on pourrait renoncer. Nous avons déjà donné beaucoup et nous pouvons insister pour que les autres pays en fassent plus. Notre position est inattaquable.

Le président: J'ai l'impression que mon espoir d'un miracle est en train de s'évanouir.

M. Gordon Pugh: De notre point de vue, que ce soit pour les céréales ou le bétail, nous voulons obtenir des gains. Je ne vais pas me lancer dans le débat sur la gestion de l'offre, parce que la question n'est pas là.

M. Howard Hilstrom: Je parle de la dure réalité.

M. Gordon Pugh: Mais les marchés auxquels nous voulons avoir accès, que ce soit le Japon ou l'Europe ou les pays de l'Asie du Sud-Est, ce sont des pays qui n'ont pas grand-chose à gagner en obtenant l'accès au Canada pour y écouler leurs produits agricoles. Ils cherchent plutôt à obtenir un accès pour leurs produits industriels ou leurs services, etc.

Comme Patty le disait, malheureusement—ou heureusement, cela dépend—il nous faut une série de négociations globales pour remporter du succès en ce qui a trait à l'agriculture des Prairies. Il faut que l'envergure soit suffisamment large pour pouvoir faire des compromis et pas seulement dans le domaine agricole.

Le président: Madame Ur, après quoi nous terminerons avec Jake Hoeppner.

Mme Rose-Marie Ur: Je ne voudrais pas vous décourager, monsieur le président, mais Jack a soulevé une question importante. Nous, Canadiens, pouvons bien aller là-bas et insister et dire que nous avons fait ceci ou cela, mais nous sommes par ailleurs une quantité assez négligeable dans le grand jeu. Nous pouvons insister et insister à mort, mais quels sont nos points, quels sont nos atouts, compte tenu de la taille de notre pays, en comparaison des États-Unis et de l'UE?

M. Jack Wilkinson: Eh bien, environ 130 pays ont signé à l'issue de la dernière série. D'autres pays n'ont pas la capacité de soutenir leur agriculture. On s'imagine parfois qu'il n'y a que deux négociateurs, c'est-à-dire l'Union européenne et les États-Unis; il est vrai qu'ils ont beaucoup de poids et que l'on a tendance à oublier les autres. Mais il y a beaucoup d'autres pays qui ont des choses en commun, qui n'ont pas assez d'argent pour soutenir leur agriculture, qui veulent voir des réductions de la part des deux principaux intervenants afin que les règles soient équitables pour tous.

Nous pouvons nous allier à beaucoup de pays de petite taille ou de taille moyenne. Telle est la raison d'être du groupe Cairns. Il y a énormément de pays en développement qui veulent souvent la même chose que nous au moment d'aborder cette série de négociations, notamment une certaine discipline. Nous pouvons exercer des pressions et, je vous le dis franchement, au bout du compte, il y aura un compromis entre les deux principaux intervenants, car les deux ne voient pas les choses du même oeil. Nous avons donc l'occasion d'intervenir précocement et d'insister très fort pour obtenir un règlement raisonnable qui sera bon pour notre agriculture également.

Mme Rose-Marie Ur: C'est important. Je n'ai qu'une autre question, et il n'est pas encore 11 heures.

Le président: Nous devons encore entendre M. Hoeppner. Allez-y.

Mme Rose-Marie Ur: Bon, ce ne sera pas long.

C'est vrai, mais c'est quasiment la répétition de 1993, parce que nous avions alors des alliés au moment d'aborder les négociations de 1993...

Une voix: Très juste.

Mme Rose-Marie Ur: ...et voici que tout à coup, nous nous sommes retrouvés tout seuls.

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M. Jack Wilkinson: Il faut être naïf ou optimiste si l'on veut être fermier, politicien ou négociateur. On fait des erreurs et on en tire les leçons et l'on fait mieux la prochaine fois et l'on gagne un petit peu de terrain à chaque fois. Cela fait partie de la description de poste. Il faut simplement ne pas lâcher, faire mieux cette fois-ci que la dernière fois, et encore mieux la prochaine fois.

Mme Rose-Marie Ur: Bien.

Le président: Il faut aussi être ou bien irréaliste ou bien naïf pour ne pas croire qu'il y a certains éléments de base dans toute négociation. On se retrouve parfois tout seul, mais il ne faut pas se laisser arrêter par cela.

Monsieur Hoeppner, vous avez le dernier mot.

M. Jake Hoeppner: Merci, monsieur le président.

Je m'adresse à Jack.

Nous savons que les Européens paient en moyenne une subvention de 175 $ l'acre pour la culture des céréales. Nous savons qu'ils versent ensuite des subventions à l'exportation atteignant 2 $ le boisseau. Jusqu'où devons-nous aller pour être compétitifs? Cela me semble épouvantable; 230 $, c'est incroyable. Pour réduire cela... Il faut faire autre chose. Avez-vous fait un modèle pour savoir jusqu'où ces subventions doivent descendre pour que nous soyons compétitifs?

M. Jack Wilkinson: Il y a deux choses.

Premièrement, quand nous voulons tenter de nous débarrasser des modalités les pires en fait de distorsion commerciale... Par exemple, la façon dont le système fonctionne en Europe, comme vous le savez bien—et nous donnons là-dessus des chiffres et tout cela dans l'annexe—quand les prix baissent à un certain niveau, ils maintiennent le soutien de leurs producteurs nationaux et permettent à leurs exportateurs de rabaisser les prix et de faire du dumping sur le marché international, un peu comme le programme EEP aux États-Unis.

Tout ce que nous disons, c'est que nous voulons obtenir à la prochaine série l'élimination complète des programmes de subvention de la «boîte bleue» qui leur ont permis la dernière fois d'établir un soutien agricole d'un montant illimité associé à n'importe quel programme de réduction. Et nous voulons mettre en place des mesures disciplinaires quant à la façon dont on peut dépenser l'argent des programmes verts.

Nous allons insister très fort, nous les Canadiens. Nous avons tous dit que nous voulons l'élimination de la boîte bleue. Si nous obtenions cela, cela permettrait de discipliner de façon extraordinaire les sommes qu'ils sont autorisés à dépenser.

Nous devons comprendre un aspect important de l'évolution actuelle dans l'Union européenne. Ils ont mis en place un processus commun de réforme agricole. Cinq nouveaux pays ont adhéré et cinq autres en discutent. La Pologne, par exemple, a trois millions d'agriculteurs qui, dans le modèle européen, sont tous—enfin, la plupart—considérés comme rentables. Cela va exercer des pressions énormes sur les systèmes de soutien agricole de l'Union européenne et il y aura toutes sortes de pressions budgétaires. Il y a 11 gouvernements socio-démocrates dans l'Union européenne qui n'appuient pas la communauté agricole comme ils l'ont fait par le passé.

Il est très possible, lors de cette série de négociations, que les gouvernements là-bas saisissent cette occasion de réduire leur aide à l'agriculture. Nous pourrions en tirer des avantages. Il faut simplement continuer à exercer des pressions, monsieur Hoeppner, dans tous ces domaines.

M. Jake Hoeppner: C'est très bien.

Le président: Ce seront vos dernières observations.

M. Jake Hoeppner: Jack, pouvez-vous envisager, dans un proche avenir, qu'on fournira quelques programmes verts afin de réaliser les objectifs que vous visez? C'est précisément ce dont nous avons besoin.

M. Jack Wilkinson: Certainement, et nous en parlerons justement plus tard ce matin lorsque nous aborderons les programmes—la nécessité de mesures vertes internes ou de mesures qui ne donneront pas lieu à un prélèvement de droits compensateurs afin de maintenir nos producteurs à flot jusqu'à la fin de ce creux dans les prix.

Le président: Merci.

Il a été démontré encore une fois que votre président a raison: il n'y a pas de miracles autour de cette table.

M. Jack Wilkinson: Nous en attendons un dans une demi-heure.

Le président: Il y aura peut-être des miracles ailleurs, mais autour de cette table, il n'y en a pas.

Nous allons prendre une pause de cinq minutes—et j'ai bien dit cinq minutes—et nous reprendrons à 11 heures pile. Cette séance est levée pour une période de cinq minutes.