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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 29 octobre 1998

• 0902

[Traduction]

Le président (M. John Harvard, Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): La séance est ouverte. Mesdames et messieurs, nous pouvons commencer. Nous avons le quorum, nous pouvons donc entendre les témoignages.

J'invite donc les personnes suivantes à se présenter à l'avant: Mashoud Janjua et Mike Dungate, qui représentent les Producteurs de poulets du Canada; Robert de Valk, de l'Association canadienne des transformateurs de volaille; et Neil Currie, Félix Destrijker et Laurent Souligny, de l'Office canadien de commercialisation des oeufs.

Messieurs, je suppose que chaque organisme a déterminé qui présentera le témoignage du groupe. Monsieur Dungate, est-ce vous ou M. Janjua qui témoignez? M. Janjua? D'accord, au risque d'adopter un classement arbitraire, nous pourrions commencer par M. Janjua, et poursuivre avec M. de Valk et un représentant de l'Office canadien de commercialisation des oeufs—M. Destrijker. Après les témoignages, nous passerons aux questions.

Monsieur Janjua, nous vous prions de bien vouloir présenter votre exposé avec concision. Vous aurez tout le temps de préciser votre point de vue pendant la période de questions. Je profite de l'occasion pour vous souhaiter la bienvenue; nous sommes heureux de vous accueillir.

M. Mashoud Janjua (premier vice-président du conseil, Les Producteurs de poulets du Canada): Bonjour, merci monsieur le président.

• 0905

Je commencerai par poser une question fondamentale: quel est notre objectif à l'aube des négociations commerciales de l'OMC en 1999?

    Il ne faut pas perdre de vue le simple fait que le commerce ne doit pas servir uniquement qu'à rehausser l'infrastructure d'un pays: le commerce doit également enrichir la vie des citoyens. Toutefois, nous ne visons pas la libéralisation du commerce à cette seule fin. Nous voulons libéraliser le commerce parce qu'une telle mesure récompense les gens pour leur travail, les marchés pour leurs produits et offre de l'espoir pour l'avenir.

Cette réponse n'est pas la mienne, mais plutôt celle de l'honorable Sergio Marchi. Permettez-moi de réitérer ce point encore une fois parce qu'il est fondamental à la façon dont le Canada s'y prendra pour élaborer sa position en vue des négociations:

    Nous ne visons pas la libéralisation du commerce à cette seule fin. Nous voulons libéraliser le commerce parce qu'une telle mesure récompense nos gens pour leur travail, les marchés pour leurs produits et offre la prospérité pour l'avenir.

Quel est donc notre objectif à l'aube des négociations commerciales de l'OMC en 1999? Je partage l'avis du ministre Marchi, mais je pose cette question parce qu'il semble que plusieurs intervenants clés de l'industrie agroalimentaire n'ont peut-être pas pris le temps d'y penser, et certainement pas d'y répondre. En fait, plusieurs considèrent les accords commerciaux comme des solutions miraculeuses, mais, comme le sait le ministre, le commerce n'est pas une fin en soi.

L'objectif des Producteurs de poulets du Canada à l'aube des négociations commerciales de l'OMC en 1999 est le suivant: l'obtention de règles commerciales justes et efficaces pour les producteurs canadiens, des règles qui rehaussent leurs valeurs et appuient leurs réalités et leurs besoins, peu importe la denrée ou le marché en jeu. Nous voulons un traité commercial qui nous offrira l'occasion de poursuivre l'expansion de notre industrie en réponse aux besoins du marché, de bâtir à même les succès déjà réalisés et de rehausser notre contribution à l'économie du pays. En principe, nous cherchons à conclure l'entente qui donnera les meilleurs résultats pour le Canada. C'est aussi simple que cela.

Les agriculteurs canadiens sont le pilier de plusieurs communautés rurales et contribuent de façon importante au succès et au mode de vie d'un nombre important de Canadiens. En fait, l'avenir de plusieurs de ces communautés est étroitement relié au succès futur du secteur agricole canadien. En 1997, l'industrie de la production de poulet a généré une valeur de 3,2 milliards de dollars au détail. Le poulet est assurément une industrie en expansion. La production a grimpé de 45 p. 100 durant les 10 dernières années. Plus de 15 500 personnes travaillent directement sur les fermes et dans les usines de transformation à l'échelle du pays. Aussi, des milliers d'autres citoyens occupent des emplois connexes dans les couvoirs, les meuneries, le transport, les services alimentaires et le secteur du détail. Ce processus de création d'emplois est profitable pour les communautés rurales et urbaines dans toutes les régions du pays.

Cette croissance régulière a été rendue possible en partie à cause du désir des Canadiens de consommer du poulet. Les exportations ont aussi contribué à la hausse de production. En 1998, nous prévoyons exporter 6 p. 100 de notre production comparativement à 0,5 p. 100 en 1993.

En grande partie, notre succès est attribuable aux importantes modifications que nous avons apportées au fil des ans dans un effort pour améliorer les relations entre tous les partenaires de l'industrie du poulet. Au cours des quatre dernières années, nous avons élaboré un nouveau programme de gestion des approvisionnements. Ce programme est mieux adapté au contexte dans lequel nous évoluons et offre plus de souplesse entre les provinces.

Le conseil d'administration des PPC a aussi été accru et compte maintenant deux transformateurs, un surtransformateur et un restaurateur. Nous avons appliqué une approche ascendante à la détermination des besoins dans le cadre d'une nouvelle entente nationale sur l'allocation.

• 0910

Une politique d'exportation conforme aux obligations de l'OMC a aussi été mise au point en étroite consultation avec le secteur de la transformation du poulet. Elle permet aux exportateurs de profiter des occasions d'exportation tout en veillant à ne pas nuire au marché intérieur. Les transformateurs sont donc en mesure de profiter de la demande mondiale croissante pour le poulet, et la politique permet à l'industrie canadienne du poulet d'être plus concurrentielle au niveau à la fois de la ferme et des usines.

La nouvelle composition du conseil d'administration, la politique d'exportation et l'entente nationale sur l'allocation sont tous de vibrants exemples de notre esprit progressiste et d'entrepreneurship et de notre désir d'élaborer des politiques qui répondent aux besoins de notre clientèle et des marchés d'exportation, tout en maintenant l'intégrité et la viabilité à longue échéance du marché canadien du poulet.

Alors, que cherchons-nous à obtenir de ces négociations commerciales? L'impact le plus significatif sur l'industrie canadienne du poulet et découlant du traité final de la ronde Uruguay a été la conversion des contingents d'importation en des contingents tarifaires, un processus mieux connu sous le nom de tarification. Le gouvernement fédéral doit obtenir un traité qui protège l'aptitude des Canadiens à maintenir leurs programmes de gestion des approvisionnements et les structures de marketing nécessaires à la stabilité et à la rentabilité du secteur agricole canadien. Pour l'industrie canadienne de la production de poulets, cela signifie qu'il faut maintenir les contingents tarifaires.

L'objectif de la tarification était d'offrir un niveau d'accès au marché égal à ce qu'il était dans le cadre du système précédent de contingents à l'importation. Cet objectif vaut toujours de nos jours. Le Canada doit conserver son droit d'administrer les CT de la façon qui convient le mieux aux besoins de notre marché intérieur et qui appuie les objectifs de nos programmes de marketing et ceux des industries agroalimentaires. Nous devons être en mesure de déterminer les récipiendaires de ces importations, conformément à une solide stratégie d'expansion économique. Il s'agit là d'un point clé pour le secteur de la surtransformation. Notre pays (au contraire de plusieurs membres de l'OMC) offre un accès contingenté véritable à ses marchés, un accès qui est déjà bien supérieur aux prescriptions de l'OMC. En 1998, l'accès au marché canadien du poulet par l'entremise du CT est égal à 10,7 p. 100 de notre consommation nationale durant la période de référence de 1986 à 1988, soit plus du double de nos obligations face à l'OMC.

Avant d'accepter d'autres engagements, les négociateurs canadiens doivent s'assurer que tous les membres de l'OMC respectent entièrement leurs engagements actuels face à l'OMC et, tout particulièrement, que les autres pays offrent le même niveau d'accès véritable à leur marché, et ce, avant que le Canada n'accepte d'ouvrir ses marchés davantage.

Comme je l'ai déjà dit, le Canada offre effectivement un accès véritable à ses marchés. Les importations canadiennes de poulets se sont accrues de 85 p. 100 au cours des 10 dernières années. En 1997, nous avons importé 67 millions de kilogrammes, ce qui est supérieur à la production totale de poulets dans les provinces atlantiques du Canada. De plus, ces importations qui proviennent des États-Unis arrivent au Canada libres de douane. Comme résultat, le Canada est donc le troisième marché en importance des États-Unis en matière d'exportations. Comme vous le constatez sans doute, notre marché n'est pas aussi fermé qu'on voudrait le laisser croire.

Toutefois, depuis l'arrivée de l'industrie du poulet sur la scène des exportations, nous nous sommes rendu compte que les autres pays n'appliquent pas toujours des règles justes. L'été dernier, les États-Unis ont revu leur programme d'amélioration des exportations pour les produits avicoles destinés au Moyen-Orient. Dans le cas de l'Union européenne, l'accès au marché du poulet est inférieur à 1 p. 100. Certains membres du Groupe Cairns, qui favorisent officiellement la libéralisation commerciale, ne mettent même pas en pratique ce qu'ils préconisent. Les Philippines appliquent un tarif de 50 p. 100 sur le poulet et, en novembre dernier, l'Australie promulguait un règlement portant que toute la chair de poulet importée devrait être cuite à une température de 70o Celsius pendant 143 minutes—autrement dit, la viande est tout juste bonne pour les chiens. De tels exemples illustrent bien le fait que notre objectif doit reposer au niveau de l'accès véritable aux marchés.

• 0915

Quelle est la recette du succès? Il faut travailler en collaboration! Nous devrons élaborer une position crédible de négociation. Plus important encore, notre position de négociation doit susciter la confiance des agriculteurs canadiens. Ensuite, elle doit être logique, c'est-à-dire acceptable aux yeux des autres parties. Enfin, elle doit être crédible pour les principaux pays qui participeront aux négociations, c'est-à-dire qu'elle doit être réalisable. Ces trois conditions sont essentielles à la crédibilité de la position de négociation du Canada, une position qui rehaussera la concurrence de notre secteur agricole et qui fera valoir les points qui donneront vraiment les résultats voulus pour le Canada.

Les Producteurs de poulets du Canada se sont engagés à l'endroit d'un consensus national sur une position de négociation du secteur agricole par une participation active auprès de la Fédération canadienne de l'agriculture et dans le cadre de leurs relations directes avec d'autres organismes agricoles et agroalimentaires. Nous croyons fermement que l'industrie agricole canadienne peut collaborer et contribuer à l'élaboration d'une position qui reflète les principaux intérêts de l'agriculture au Canada.

En conclusion, à mesure que prend forme la scène internationale, l'industrie canadienne du poulet évolue rapidement. Notre industrie n'est pas ce qu'elle était il y a 20 ans, 10 ans, voire même cinq ans. L'industrie du poulet est un bon exemple de ce que représente la gestion des approvisionnements pour l'économie du pays. Notre système de commercialisation ordonnée a permis de créer des emplois, offert une stabilité et suscité la croissance en milieu rural et urbain dans chacune des 10 provinces. Il a aussi servi d'infrastructure solide à partir de laquelle l'industrie a été en mesure de croître au Canada et, plus récemment, au-delà des frontières nationales.

Dans le cadre des efforts de l'industrie canadienne du poulet visant à rehausser son efficacité, il est important que le gouvernement appuie le maintien de notre système de commercialisation ordonnée en élaborant une position de négociation dynamique qui assurera la concurrence du secteur agricole canadien. Un contexte politique aussi stable permettra à notre industrie de continuer à contribuer de façon importante à l'économie du Canada.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Janjua.

Je cède maintenant la parole à M. Destrijker. Soyez le bienvenu.

M. Félix Destrijker (président, Office canadien de commercialisation des oeufs): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici ce matin. Je suis accompagné de M. Neil Currie, président-directeur général de l'Office canadien de commercialisation des oeufs, et de M. Laurent Souligny, vice-président du conseil et producteur d'oeufs ontariens. Je suis, pour ma part, producteur d'oeufs au Québec. Puisque nous sommes dotés de la technologie nécessaire, j'aimerais m'adresser à vous en français.

[Français]

Merci, monsieur le président. C'est avec plaisir que l'Office canadien de commercialisation des oeufs, au nom des 1 300 producteurs d'oeufs réglementés, présente ce mémoire devant le Comité permanent de la Chambre des communes sur l'agriculture dans le cadre de ses audiences consultatives sur les négociations de l'Organisation mondiale du commerce en agriculture.

Les producteurs d'oeufs du Canada sont d'avis qu'il faut faire preuve de réalisme à l'aube des prochaines négociations et qu'il faut bien comprendre la nature de l'industrie mondiale des oeufs et le rôle que l'industrie canadienne y joue. Il faut aussi comprendre ce que l'industrie domestique contribue à la société canadienne et se demander s'il vaut la peine de maintenir cette contribution. La réponse est évidemment oui.

Les producteurs d'oeufs réglementés du Canada, qui produisent leur denrée dans le cadre d'un programme strict de gestion des approvisionnements, se retrouvent dans chaque province. L'adhésion des Territoires du Nord-Ouest au programme se fera sous peu et nous nous attendons également à une participation très prochaine du Yukon. De nombreuses fermes familiales de production d'oeufs dans toutes les régions du pays fournissent aux consommateurs des oeufs frais et sécuritaires, utilisant des intrants locaux.

• 0920

La viabilité des économies locales s'en trouve rehaussée. Ces économies sont tout aussi importantes pour les citoyens qu'elles affectent que pour les milieux urbains.

Annuellement, les oeufs produits dans le cadre du programme national de commercialisation contribuent environ 460 millions de dollars à l'économie du pays, et ce montant passe à 620 millions de dollars lorsqu'on tient compte des secteurs du classement et de la transformation. De cette somme, une tranche de près de 21 millions de dollars provient de l'exportation des produits transformés. Les producteurs d'oeufs du Canada achètent chaque année plus de 700 000 tonnes de grain d'une valeur supérieure à 200 millions de dollars.

Il est clair que les enjeux des négociations de l'Organisation mondiale du commerce sont importants pour notre industrie nationale. Il en va de même pour les communautés rurales du Canada, qui profitent de la présence locale des fermes de production et des usines de transformation des oeufs. Donc, à l'aube de ces négociations, il faut tenir compte de la nature de la production d'oeufs dans les autres pays qui amorcent les négociations, qui sont aussi déterminés que nous à maintenir, sinon à accroître la viabilité de leur secteur agricole.

En 1997, le troupeau national aux États-Unis comptait 246,4 millions d'oiseaux, tandis qu'au Canada, il n'en comptait que 17,2 millions. Cinquante-neuf producteurs américains ont un million de poules pondeuses ou plus; au Canada, personne ne possède un million de poules. En fait, un seul commerce américain, la Michael Foods, produit plus d'oeufs à lui seul dans un an que toute la production annuelle de tous les producteurs d'oeufs du Canada. En moyenne, nos fermes ont une taille équivalente à un centième de celles des États-Unis.

En dépit de notre taille, l'industrie canadienne des oeufs a joué un rôle très important au niveau de l'alimentation des Canadiens et de la viabilité des économies rurales. Le contraste démontre jusqu'à quel point la gestion des approvisionnements d'oeufs a permis la promotion de la diversité rurale, tout en permettant aux Canadiens de se procurer une denrée canadienne fraîche et nutritive.

Étant déjà le troisième marché en importance pour les oeufs et les produits à base d'oeufs américains, le Canada peut s'attendre à des pressions croissantes visant l'accès à son marché. Compte tenu du fait que les Indes et la Chine cherchent maintenant à accroître leur marché d'exportation pour les oeufs, les États-Unis pourraient perdre des clients de longue date. Face à une concurrence mondiale de plus en plus vive, ces mêmes producteurs se doivent d'exercer des pressions auprès de leur gouvernement pour des subsides dans le cadre de programmes de promotion des exportations.

Entre-temps, l'Union européenne a clairement stipulé qu'elle maintiendrait son secteur agricole en limitant les importations ou en augmentant les paiements directs du gouvernement à ses producteurs. De telles mesures seront amorcées en appui aux communautés rurales et pour contrer les effets de la concurrence des importations en provenance de pays où on trouve des normes de production inférieures ou des coûts plus bas. L'écodumping, les organismes modifiés génétiquement, la densité de stockage et le bien-être de l'animal en général sont des points que les citoyens de l'Union européenne et leurs gouvernements ont à coeur. Il ne serait pas sage pour nous de considérer toutes ces questions comme non pertinentes au commerce, parce qu'elles le sont pour au moins deux des plus importants participants aux négociations.

Voici donc la réalité de l'industrie mondiale des oeufs: l'un des plus importants intervenants dans les négociations cherchera agressivement à obtenir de nouveaux marchés ou procédera à les rafler grâce à des subsides à l'exportation. L'autre plus important participant bloquera les importations en invoquant des arguments touchant la production et l'environnement. Ensuite, les pays qui, par tradition, importent des oeufs en auront besoin de moins en moins à mesure que croîtra leur propre secteur domestique de production en réponse aux besoins de leurs citoyens et à la promotion du développement des milieux ruraux.

• 0925

Dans ce contexte de mondialisation, l'industrie canadienne des oeufs devra maintenir une structure stable qui permette de gérer les approvisionnements nationaux tout en limitant l'accès des pays étrangers aux marchés domestiques. Une telle structure assure également un approvisionnement stable de produits de qualité pour nos clients et permet aux producteurs de récupérer les coûts associés à la production d'oeufs sécuritaires et de qualité élevée.

L'objectif du gouvernement fédéral, soit d'atteindre 40 milliards de dollars en matière d'exportation, est en fait très admirable, et l'industrie canadienne des oeufs s'efforcera de l'aider à l'atteindre dans la mesure du possible. Dans la poursuite de cet objectif par le Canada, l'Office canadien de commercialisation des oeufs demande au comité de bien vouloir tenir compte de l'importante contribution des oeufs produits dans un cadre de programme de commercialisation ordonnée.

Le secteur des oeufs n'est pas différent d'autres secteurs comme ceux des céréales et du porc. Nos collègues producteurs des autres coins du monde font état d'approvisionnements excessifs et de prix à la baisse. Imaginons l'impact pour nos communautés rurales d'une baisse de prix supplémentaire au sein des industries canadiennes, et plus précisément au sein des productions sur la gestion de l'offre.

À mesure que nous approchons de plus en plus de la journée où le Canada devra établir sa position commerciale, il faut se demander quel genre d'agriculture on veut pour ce pays. Mais ce n'est pas tout. Il faut se demander ce que l'on veut également pour les régions rurales de ce pays, pour nos fermes, nos villes et nos villages, et pour notre société dans son ensemble.

Pour les producteurs d'oeufs du Canada, il ne fait aucun doute qu'il faut maintenir et raffermir notre programme de gestion des approvisionnements. Nous désirons donc collaborer activement avec le gouvernement dans l'élaboration d'une politique commerciale qui permettra aux producteurs d'oeufs canadiens de maintenir leur contribution à l'économie locale, tout en veillant à ce que le marché leur permette de récupérer leurs coûts et de toucher les revenus raisonnables.

[Traduction]

Monsieur le président, nous tenons à vous remercier de l'occasion qui nous est offerte de présenter un exposé.

Le président: Merci beaucoup.

Passons maintenant à M. de Valk. Nous écouterons votre exposé, et nous passerons à la période de questions par la suite.

Bienvenue, monsieur.

M. Robert G. de Valk (directeur général, Association canadienne des transformateurs de volaille): Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité et participants.

Je remercie le comité de l'occasion de témoigner. Il y a déjà un certain temps que nous avons demandé de témoigner, et nous n'étions pas certains d'en avoir la possibilité. J'apprécie la formule que vous préconisez, car j'estime qu'elle favorise l'établissement d'un dialogue qui, je l'espère, permettra aux membres du comité de prendre connaissance de certains des enjeux.

Je crois que la prochaine ronde de négociations de l'OMC sera très intéressante pour le Canada. Le Canada jouera un rôle déterminant à l'occasion des négociations, car, malheureusement, il y a peu de leadership à l'échelle mondiale, et le Canada a toujours adopté une position plutôt raisonnable en ce qui concerne le commerce des produits agricoles.

Nous voulons nous assurer que le Canada peut miser sur ses réalisations antérieures et aller de l'avant. Ce n'est pas un hasard que le Canada soit si bien placé, car l'agriculture canadienne a atteint de nouveaux sommets, et même fixé un nouvel objectif en ce qui concerne l'exportation. Je crois que cela tient au fait que l'agriculture canadienne jouit d'une base forte, et c'est là un grand avantage pour notre pays.

Nous sommes responsables de veiller à ce que les aliments canadiens soient acheminés aux endroits où l'on en a besoin, et à ce que personne dans le monde n'ait faim. C'est un autre aspect que nous avons tendance à laisser de côté, car nous nous attachons toujours aux profits et aux prix. Il est certain que le Canada a été béni de ressources agricoles importantes et que nous avons la responsabilité de veiller à ce qu'elles soient bien gérées.

Vous remarquerez que les positions que nous adoptons sont partiellement liées au dynamisme du secteur. Je crois que la dernière fois que nous avons rencontré les membres de votre comité, monsieur le président, vous parliez de la vision. Nous avons trouvé cette discussion très utile, et nous avons apprécié la participation du comité, car le gouvernement élabore souvent de telles visions sans consulter votre comité autant qu'il le devrait. Nous étions heureux de voir cela. Cette discussion vous a permis d'acquérir une très belle vision du secteur agricole canadien. Nous partageons encore cette vision, et nous continuons de croire que l'avenir du Canada est très prometteur, et l'OMC fait partie de cet avenir.

• 0930

Avant l'aller plus loin, il serait peut-être utile que je vous donne un aperçu de l'Association canadienne des transformateurs de volaille, car le comité compte un certain nombre de nouveaux membres. Certains d'entre vous ont survécu au processus et sont revenus: c'est une bonne chose, car nous avons besoin d'assurer une certaine continuité.

Le président: On ne nous a pas encore éviscérés.

M. Mike Dungate (directeur général, Producteur de poulets du Canada): Ça va, il n'éviscère pas.

M. Robert de Valk: Nous ne faisons qu'ajouter de la valeur, monsieur le président.

L'ACTV est une association professionnelle où les fabricants de produits à valeur ajoutée à base de volaille peuvent échanger sur leurs perceptions et leurs préoccupations. L'association a été fondée par trois fabricants de produits de volaille élaborés indépendants—lorsque nous disons «indépendant», nous voulons simplement préciser que ces fabricants se distinguent des transformateurs qui peuvent être intégrés, du fait qu'ils ne sont pas pourvus d'installations d'abattage. L'association, donc, a été fondée en août 1985, de sorte que nous existons depuis un certain temps, et nous avons participé à l'évolution d'un grand nombre de questions touchant l'agriculture au Canada.

La cause commune qui a rassemblé les membres à l'époque était leur préoccupation au sujet de l'approvisionnement en matières premières, préoccupation qui demeure d'actualité après toutes ces années.

Nos membres répondent à la demande des consommateurs de produits pratiques. Nous sommes à la limite du marché. Nous sommes juste à côté du coeur de l'action. Nos membres répondent à la demande par des opérations de valeur ajoutée de transformation du poulet, de la dinde et de la chair de volaille—nous utilisons beaucoup de chair de volaille, pour des raisons que nous pourrions présenter plus tard—en la marinant, en la cuisant, en la formant, et en ajoutant d'autres ingrédients afin de produire des produits et repas prêts à consommer ou cuits.

Certains de nos membres produisent des produits de volaille aux termes de l'ALE. Il s'agit de produits contenant de la chair de poulet et de dinde qui peuvent être importés librement au Canada. Cela fait partie de l'accord de libre-échange que nous avons conclu avec les États-Unis et que nombre d'entre vous qualifient d'accord de gestion du commerce. Nous avions déclaré, entre autres, que ces produits peuvent être importés librement parce qu'ils pouvaient déjà l'être autrefois.

Ces produits sont connus plus couramment sous le nom de repas de volaille ou de produits de type Kiev. La demande à l'égard de ces produits est en croissance au Canada, et c'est le cas aussi pour l'importation de ces produits. Mais c'est une politique du gouvernement qui a permis à notre industrie de maintenir sa part de ce marché en croissance.

Les opérations de transformation sont le moteur de la croissance de l'industrie; d'ailleurs, c'est ce que vous ont dit les Producteurs de poulets du Canada ce matin. Ils ont dit que l'industrie du poulet est en croissance. Ils ont tout à fait raison, mais l'un des éléments clés de cette croissance est la transformation. Cette croissance est avantageuse pour eux et pour nous, bien sûr, et nous voulons qu'elle se poursuive.

Notre association compte actuellement 28 transformateurs de volaille dont les ventes totalisent environ 560 millions de dollars et sont composées de produits de détail et de produits de restauration. Nous employons plus de 2 500 salariés à temps plein, et nos membres sont aussi actifs sur les marchés d'exportation. Nous avons réussi à exporter nos produits aux États-Unis, en Russie, à Cuba et en Afrique du Sud. L'association est dirigée par un conseil d'administration dont le président actuel est M. Fred Williamson, de Pinty's Premium Foods.

Notre secteur d'activité existe parce que nous fournissons à nos consommateurs des services et des produits que personne d'autre n'offre. Autrement dit, on ne pourrait offrir nos services s'il n'existait pas un besoin sur le marché. Les spécifications de nos produits sont souvent très exigeantes, et c'est en respectant ces spécifications que nous faisons de l'argent: c'est notre moyen de subsistance, notre créneau. Un bon nombre de nos produits doivent être concurrentiels par rapport aux coûts dédouanés aux États-Unis, et nous devons garantir nos prix pendant des périodes allant de six à 12 mois.

Pour répondre aux besoins spécifiques de nos consommateurs, nos membres se procurent leur matière première auprès de fournisseurs canadiens et américains. On a mentionné, plus tôt ce matin, que les CT et l'application des CT sont très importants pour notre secteur, et c'est tout à fait vrai. En notre qualité d'association commerciale, nous nous préoccupons non seulement de la gestion du commerce au chapitre de l'exportation, mais aussi au chapitre de l'importation: nous sommes, en quelque sorte, des deux côtés de la clôture.

• 0935

Nos vues sur la politique commerciale tiennent en grande partie à notre conviction que le Canada est l'un des heureux pays du monde qui possède un territoire qui lui confère un avantage comparatif dans la production de nombreux produits agricoles. Nous avons la possibilité de cultiver et de fabriquer bien plus de denrées alimentaires que nous pouvons en consommer. Notre pays a donc un rôle à jouer dans l'approvisionnement des autres pays du monde.

Par conséquent, nous croyons que le libre-échange, ou l'élargissement du libre-échange, et le commerce même sont des éléments clés de l'agriculture canadienne. Autrement dit, le Canada doit, en raison de sa position, pratiquer des activités commerciales et se préoccuper de l'accès partout dans le monde afin de veiller à ce que son secteur agricole prospère et exploite son plein potentiel. Cela comprend le poulet, la dinde, les oeufs et les produits laitiers. En d'autres mots, je ne crois pas que les secteurs soumis à la gestion de l'offre sont différents des autres et qu'ils n'ont pas besoin d'une telle visibilité. Nous tenterons de vous expliquer ce point.

Étant donné que le Canada peut exporter du grain de façon compétitive sur la plupart des marchés mondiaux et que jusqu'à 60 p. 100 des coûts de production de la volaille sont constitués des coûts de l'alimentation animale, il devrait s'ensuivre que l'on peut exporter de la volaille canadienne à des prix concurrentiels sur la plupart des marchés mondiaux. Nos membres l'ont d'ailleurs prouvé, même sur le marché américain, très compétitif. Cela montre qu'un bon nombre de nos usines de transformation et d'élaboration sont exploitées de façon aussi économique que celles des États-Unis. D'ailleurs, croyez-le ou non, certains de nos membres achètent leur matière première aux États-Unis, la transforment au Canada, l'expédient jusqu'en Floride et réalisent un profit. Le simple fait que nous puissions faire cela en dit beaucoup.

Certaines des personnes qui sont ici ne seront peut-être pas d'accord avec nous, mais nous sommes convaincus que les éleveurs, conditionneurs et transformateurs de volaille du Canada peuvent soutenir la concurrence des États-Unis et des autres grands pays producteurs de volaille à la condition que la concurrence s'exerce de manière loyale et se fonde uniquement sur les coûts sans subvention. Autrement dit, si on laisse l'avantage comparatif prendre de l'importance, nos chances d'être concurrentiels à l'échelle mondiale sont bonnes. Il n'y a aucune raison de se contenter de la deuxième place.

Quelles sont, donc, les grandes politiques que le Canada devrait élaborer en vue de la prochaine ronde de négociations? Pour garantir que la concurrence entre les pays producteurs de produits alimentaires demeure loyale et repose sur les coûts réels, il faut bâtir sur les progrès réels visés lors de la dernière série de négociations à l'OMC, et nous encourageons le gouvernement du Canada à réclamer l'élimination de toutes les formes de subventions restantes (visant les exportations et la production intérieure), y compris le recours à des modalités de crédit préférentielles. Il suffit de penser aux pratiques du Brésil dans le domaine de l'aéronautique. Cependant, ce type de modalité de crédit existe aussi en agriculture.

Il arrive que des pays demandent de l'aide pour fournir des denrées alimentaires aux populations dans le besoin, et cette aide doit être accordée, mais il arrive aussi que la différence entre les opérations d'aide alimentaire et les opérations commerciales normales soit minime. Le Canada doit faire diligence pour s'assurer que tout avantage comparatif demeure intact, ce qui est manifestement dans l'intérêt de notre pays. Le secteur agricole américain est bien conscient de l'importance de cet enjeu, et c'est la raison pour laquelle il a exercé de fortes pressions afin qu'on attribue au président le pouvoir de procéder à des négociations accélérées. Ils savent que si on laisse tout avantage comparatif intact, ils ne peuvent qu'en ressortir gagnants. Et cela s'applique à nous aussi. Nous sommes en Amérique du Nord, et notre situation est comparable à la leur.

Même lorsque les subventions sont supprimées, les flux commerciaux peuvent être stoppés ou limités à cause des contrôles à la frontière, soit sous la forme de contrôle direct—comme des systèmes de contingents—, soit par la voie d'obstacles non tarifaires comme des exigences en matière d'étiquetage ou de santé. Depuis la tarification des contingents d'importation, on observe une augmentation sensible du recours à des obstacles non tarifaires pour limiter et restreindre le commerce des produits de la volaille, de même que le commerce d'autres produits agricoles et alimentaires, partout dans le monde.

• 0940

Par conséquent, au cours de la prochaine série de négociations de l'OMC, le Canada devrait vivement réclamer l'élimination des obstacles au commerce qui demeurent et proposer des moyens plus rapides de composer avec les barrières non tarifaires qui ne reposent pas sur des données scientifiques.

Le mécanisme actuel de règlement des différends fonctionne bien, mais on peut probablement l'améliorer et le renforcer. À l'issue de cette prochaine série de négociations, nous devons obtenir un ensemble de règles commerciales plus prévisibles de manière que les marchés d'exportation ne puissent pas être fermés du jour au lendemain et qu'on interdise les interventions à la frontière servant essentiellement des fins politiques.

La volatilité des marchés d'exportation constitue un risque que la plupart des entreprises sont prêtes à accepter, mais il n'est pas aussi facile de composer avec des changements soudains des règles régissant le commerce de la volaille adoptées pour des raisons politiques. Je suis certain que vous êtes en mesure de comprendre cela. C'est à cet égard que le gouvernement du Canada a la responsabilité de réduire le risque du commerce international.

La question des échanges commerciaux touche aussi la notion d'économie d'échelle. Certains pourraient se demander pourquoi chercher à exporter si le marché d'exportation des produits de volaille canadiens est volatile. Outre celles que nous avons mentionnées précédemment, deux raisons probantes ont convaincu nos membres de la nécessité d'assurer la rentabilité et la durabilité de l'industrie canadienne de la volaille.

La première est que les exportations sont nécessaires pour équilibrer le marché canadien du poulet et de la dinde. Dans l'ensemble, les consommateurs canadiens préfèrent la chair blanche à la brune. Or, l'élevage du poulet et de la volaille produit presque autant de chair brune que de chair blanche.

Il nous arrive parfois de ne pas être capables d'expliquer ce point. Pourtant, lorsqu'on cite un exemple touchant les produits laitiers, les gens ont l'air de comprendre davantage. Par conséquent, j'utiliserai cet exemple aujourd'hui. Lorsqu'on produit du beurre, on obtient du beurre et de la poudre de lait écrémé. Ils sont indissociables: on ne peut produire le premier sans obtenir le deuxième. Nous fixons nos exigences en fonction de nos besoins en beurre, mais la demande canadienne de poudre de lait écrémé ne correspond pas à la quantité produite dans le cadre de la fabrication du beurre, de sorte que nous devons exporter la poudre de lait écrémé.

C'est exactement la même chose pour le poulet et la dinde. Lorsque nous produisons de la viande blanche, nous fixons nos quotas de sorte que la quantité de viande blanche dont nous avons besoin soit produite par les producteurs canadiens. Nous faisons cela dans la mesure du possible, et nous obtenons le reste de la viande blanche grâce à l'importation. Cependant, cela occasionne un surplus de viande brune, et nous devons l'utiliser. Par conséquent, notre industrie doit se doter d'un mécanisme d'échange commercial afin de pouvoir se débarrasser de cette viande. Heureusement, de nombreux autres pays veulent de la viande brune. C'est donc une solution idéale.

Le même raisonnement s'applique à la viande séparée mécaniquement, qui, pour ceux d'entre vous qui ne le savez pas, est un sous-produit du désossage. C'est ce que nous utilisons pour fabriquer des saucissons et autres produits. C'est essentiellement de la viande hachée. C'est un autre produit dont le volume de production est supérieur à la demande nationale, et on doit l'exporter.

Donc, sur le marché international, la VSM et la viande brune comptent parmi les sources de protéines les plus abordables qu'un être humain puisse acheter. Par conséquent, le Canada connaît un énorme succès sur ces marchés, car il y a beaucoup de gens partout dans le monde qui n'ont pas les moyens d'acheter des viandes de premier choix. Mentionnons l'exemple de Cuba, l'un des plus gros clients du Canada. Nous fournissons chaque semaine aux Cubains les protéines dont ils ont besoin. De nombreux enfants cubains tirent avantage du programme que nous avons établi avec Cuba, car la viande séparée mécaniquement est leur seule source de protéines.

La seconde raison d'exporter tient au fait que la plupart de nos usines de transformation de la volaille ont besoin de traiter des volumes plus importants pour optimiser l'utilisation de l'usine et du matériel. La plupart des entreprises qui ne desservent que le marché canadien n'arrivent pas à réaliser des économies d'échelle. Pour conserver notre part des marchés canadiens du poulet et de la dinde, les transformateurs de volaille doivent rationaliser le plus possible leurs activités, et, bien souvent, l'exportation leur permet d'y arriver. Sachez que si on trouve un seul client aux États-Unis, ce client est susceptible de commander un volume supérieur à ce qu'on produirait pour l'ensemble du Canada. C'est pourquoi l'exportation est nécessaire.

Si le Canada veut avoir des chances, au cours de la prochaine série de négociations sous l'égide de l'OMC, d'éliminer les subventions, d'améliorer l'accès aux marchés étrangers et de faire disparaître les obstacles au commerce, le gouvernement fédéral doit être lui-même prêt à adopter des politiques analogues vis-à-vis du secteur de l'agriculture. Autrement dit, on doit être conséquent. Le Canada a fait des progrès intéressants à cet égard dans de nombreux secteurs. Lorsqu'on envisage tous les pays qui participent aux négociations de l'OMC, le Canada est probablement l'un des plus conséquents.

• 0945

Cependant, des droits de douane élevés continuent de frapper les produits assujettis à des programmes de gestion de l'offre. Nous nous attendons donc d'ailleurs à ce qu'ils fassent l'objet de débats au cours des prochaines négociations à l'OMC. Le cas échéant, le Canada doit être prêt à accepter la disparition progressive de ces droits de douane—et c'est sur ce point, je crois, que mon point de vue se détache des autres témoignages de ce matin—, afin qu'on puisse établir une période de transition convenable. Étant donné que la valeur du dollar canadien nous confère actuellement une protection supplémentaire considérable que nous n'avions pas prévue, la prochaine série de négociations de l'OMC serait propice au déclenchement de ce processus.

Durant la prochaine ronde de négociations, des pays—y compris le Canada—pourraient être tentés d'accorder un élargissement de l'accès à leur marché en contrepartie d'un allongement de la période de transition. Autrement dit, offrez un accès plus large, et vous obtiendrez une période de transition plus longue. Nous sommes contre cette solution si elle donne un accès élargi à notre marché dans le cas du poulet, par exemple. Des augmentations d'accès importantes pourraient compromettre les restrictions quantitatives actuellement appliquées à la frontière et donc raccourcir la période de transition. J'estime donc que nous devrions les maintenir.

Certains de nos membres ont discuté de la possibilité d'établir une période de transition comparable à la période sur laquelle se sont entendus le Mexique et les États-Unis, soit une période d'élimination progressive sur 10 ans qui s'assortirait d'un plateau de six ans. Nos membres encouragent le gouvernement du Canada à faire les démarches pour obtenir la disparition, à la longue, des mesures de protection tarifaire visant la volaille et la dinde. Nous ne savons pas exactement combien de temps on devrait mettre pour les éliminer, mais c'est un élément qui doit faire l'objet de discussions. Nous pourrions peut-être en parler dès aujourd'hui.

Cependant, soutenir à l'OMC que le Canada a besoin de droits élevés pour protéger indéfiniment son secteur de la volaille revient à dire que l'industrie canadienne de la volaille ne sera jamais concurrentielle, et nous ne partageons pas ce point de vue. Je crois qu'un tel point de vue sera difficile à défendre à l'échelle internationale.

En 1994, le comité permanent avait prévu de bonnes perspectives d'avenir pour l'agriculture canadienne, dont une importante augmentation des exportations de produits agricoles et agroalimentaires. Nous avons toujours eu l'impression que le poulet, la dinde et les produits laitiers avaient une place dans ces perspectives d'avenir. Pour atteindre les cibles d'exportation de produits agroalimentaires canadiens, nous avons besoin de règles transparentes et uniformes au niveau du commerce international. Cet objectif peut être réalisé, sous l'impulsion du Canada.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur de Valk

Nous passerons à M. Hilstrom dans un instant.

Tout d'abord, j'aimerais obtenir des précisions. Monsieur de Valk, vous déclarez vouloir obtenir un meilleur accès aux marchés internationaux pour vos produits, et vous êtes disposé à abandonner la protection tarifaire à cette fin.

Monsieur Janjua, si je ne me trompe pas, vous avez dit vouloir un meilleur accès aux marchés internationaux à l'issue de la prochaine série de négociations de l'OMC, mais vous voulez qu'on maintienne les contingents tarifaires. Habituellement, les négociations sont une affaire de concessions mutuelles. Si, monsieur Janjua, vous souhaitez bénéficier d'un plus grand accès aux marchés mondiaux, mais que vous n'êtes pas disposé à renoncer, disons, ne serait-ce qu'à une partie de la protection douanière dont vous bénéficiez, qu'êtes-vous prêt à donner en échange?

Monsieur Dungate.

M. Mike Dungate: Si je peux me permettre, je ne pense pas qu'il s'agisse nécessairement d'une question de concessions mutuelles concernant les tarifs. Lorsque, dans en un sens, on se penche sur l'accès que nous assurons déjà au Canada... et je m'en tiendrai strictement à notre secteur. Les États-Unis sont le plus important exportateur de poulet du monde. Ils en exportent trois fois plus que le deuxième exportateur en importance, c'est-à-dire le Brésil. Pourtant, nous sommes, pour les États-Unis, le troisième marché en importance. Les États-Unis sont le plus important exportateur de poulets au monde, et nous sommes leur troisième marché en importance.

Depuis 1987, nos importations en provenance des États-Unis ont augmenté de 85 p. 100. L'accès existe. Lorsqu'on examine les engagements relatifs à l'accès convenu à l'OMC, on constate qu'ils s'établissent à 5 p. 100 à la fin de la période de mise en oeuvre, mais l'accès que nous assurons augmente chaque année. Plus nous produisons au Canada, et plus nous produisons aux fins de l'exportation. Pour chaque quantité de 100 kilogrammes que nous exportons, les États-Unis en vendent 7 kilogrammes et demi de plus à notre pays. Je pense qu'ils sont heureux que nous nous lancions dans l'exportation parce qu'ils obtiennent ici un accès plus grand.

• 0950

Avant d'aller de l'avant, nous voulons que les autres pays assurent un accès égal à celui qu'offre le Canada dans le domaine du poulet. Pourquoi voudrions-nous ouvrir davantage nos frontières tandis que nous ne pouvons accéder au marché de l'UE, où l'accès est à 1 p. 100? Dès que les barrières commencent à être levées, les Australiens invoquent des données scientifiques bidon. Si nous ne faisons que remplacer les tarifs par des barrières non tarifaires, nous n'allons pas en sortir gagnants. Ce qui nous intéresse, c'est l'accès véritable.

Le président: Monsieur Dungate, je suis certain que d'autres membres voudront pousser plus avant la discussion. Je vais maintenant donner sept minutes à M. Hilstrom.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Intercale, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président. On peut dire que vous avez lancé le débat.

Si, dans toutes ces négociations, on convient que l'économie agricole du Canada est très diversifiée et dispersée, nos producteurs de grain sont incontestablement durement touchés, et ils produisent bon nombre d'intrants utilisés dans l'industrie du poulet et de la plume. Monsieur de Valk, vous avez invoqué la réduction des subventions, les mesures commerciales non tarifaires et la tendance au libre-échange. Vous avez également fait allusion à l'avantage concurrentiel. Je veux maintenant vous demander si le Canada peut ou non demeurer concurrentiel en produisant au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, régions qui ne bénéficient peut-être pas d'un avantage concurrentiel. Pourquoi l'industrie agirait-elle ainsi?

M. Neil Currie (président-directeur général, Office canadien de commercialisation des oeufs): Je pense que le Yukon appartient à l'industrie ovocole, de sorte que, avec votre permission, je vais répondre à votre question.

L'industrie n'a pas véritablement choisi de produire des oeufs dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce sont des producteurs d'oeufs de l'Alberta qui ont décidé d'y produire des oeufs. Je crois comprendre qu'ils bénéficient de certains avantages concernant les aliments pour animaux qui viennent du district de Peace River, particulièrement depuis l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau, mais leurs coûts de production sont raisonnablement comparables à ceux des autres producteurs du reste du Canada.

En ce qui concerne l'avantage comparable dans l'ensemble, nous disposons de sources d'approvisionnement en grain faciles d'accès, mais, dans l'industrie ovocole, nous avons affaire à de petites unités de production dispersées d'un océan à l'autre. On peut peut-être réaliser des économies d'échelle, comme on le voit aux États-Unis, où l'industrie est 100 fois plus importante que la nôtre. Cependant, ce n'est pas le choix que nous avons fait, ni notre politique. Nous n'avons pas l'intention de nous lancer dans de vastes exploitations intégrées. En théorie, un ou deux producteurs d'oeufs des États-Unis pourraient approvisionner tout le marché canadien, et ce n'est tout simplement pas le choix que nous avons fait.

Nous avons plutôt choisi de nous intéresser aux exportations. Le marché des marchandises ne nous semble pas particulièrement intéressant pour les produits à base d'oeufs transformés. Nous nous tournons plutôt vers d'autres créneaux dans les produits dérivés des oeufs, ainsi que nous les appelons—ce qu'on extrait des oeufs. Nous aimerions concentrer nos efforts dans les produits à forte valeur ajoutée dérivée des oeufs.

M. Howard Hilstrom: En ce qui concerne l'avantage concurrentiel du Canada par rapport aux États-Unis ou à d'autres pays, êtes-vous jamais parvenu à une compétitivité pure, sans gestion de l'offre?

M. Neil Currie: Si nous avions, au Manitoba ou en Saskatchewan, une exploitation de 20 millions d'oiseaux, nous serions probablement capables de le faire.

M. Howard Hilstrom: D'accord, je vous remercie.

Mon autre question s'adresse à M. Destrijker. Dans votre exposé, vous avez évoqué la possibilité de limiter carrément l'accès au marché canadien. Voilà une attitude plutôt décisive. Vous avez également fait allusion à des considérations sociales, notamment en ce qui concerne le Canada rural. L'industrie laisse-t-elle entendre qu'elle souhaite adopter un style européen en vertu duquel, au pays, on assujettirait la production de poulets, de dindes et d'autres produits de toutes sortes de considérations sociales et rurales? S'ils octroient toutes sortes de subventions, c'est, nous disent les Européens, pour conserver un certain cachet rural, pour préserver l'environnement, pour... comprenez-vous ce que j'essaie de dire?

M. Félix Destrijker: Oui.

M. Howard Hilstrom: D'accord. Dans ce cas, pourriez-vous faire quelques commentaires à ce sujet? Est-ce bien l'orientation que l'industrie souhaite voir prendre au Canada?

M. Neil Currie: Nous avons effectivement eu certaines rencontres avec les Européens, et nous sommes très intéressés par leur approche de l'agriculture. Selon ce que nous comprenons, ils souhaitent protéger le monde agricole et, en particulier, les petites exploitations. Dans le cadre des négociations commerciales internationales, la notion de multifonctionnalité joue un rôle relativement important—les Européens apprécient les rôles multiples que joue l'agriculture dans la société. Il ne s'agit pas uniquement de produire des aliments. Il ne s'agit pas uniquement de gagner de l'argent. Il s'agit de préserver le milieu rural, de respecter l'environnement et ainsi de suite.

• 0955

Voilà qui est très intéressant et aussi très près de notre propre façon de voir les choses. La gestion de l'offre a débouché sur une politique agricole intérieure qui, d'une certaine façon, vise à préserver le milieu rural du Canada aussi bien que la petite unité de production, et c'est exactement ce que nous souhaitons poursuivre.

M. Howard Hilstrom: J'aimerais maintenant céder la parole à mon collègue, si vous le permettez, pour les quelques minutes qu'il me reste.

Le président: Monsieur Hoeppner, vous avez deux minutes.

M. Jake Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Messieurs, soyez les bienvenus. Je n'ai pas beaucoup de temps.

Les producteurs d'oeufs européens paient-ils le prix intérieur pour l'orge ou les aliments pour animaux qu'ils achètent ou ont-il droit au prix subventionné? Je connais un producteur du Manitoba qui aménage une exploitation avicole où se retrouveront 1,5 million d'oiseaux à seules fins d'exporter des oeufs. Que se passe-t-il? Je ne comprends pas. Nous savons que les aliments pour animaux bénéficient d'une subvention à l'exportation de 119 $ la tonne, et vous nous dites que les aliments pour animaux comptent pour 60 p. 100 du coût de vos intrants. Si, au prix actuel, le producteur en question dépend du marché des exportations, il aura tôt fait de faire faillite. On ne peut pas, pour produire des oeufs, payer l'orge fourragère à 300 $ ou 400 $ la tonne.

M. Neil Currie: Au sein du marché international, les producteurs d'oeufs européens perdent de l'argent; ils nous le répètent année après année. Les prix des oeufs dont bénéficient les agriculteurs en Europe sont extrêmement élevés. Les prix au détail sont peut-être deux fois ou trois fois supérieurs à ceux qui se paient au Canada. Puis, comme vous le savez probablement, les agriculteurs européens, dont les producteurs d'oeufs, bénéficient de mesures directes de soutien du revenu. Ils disposent d'un programme de revenu garanti. Grâce aux politiques relatives à la gestion de l'offre, nous tirons du marché un revenu raisonnable.

Au Canada, on retrouve des entrepreneurs—si je comprends bien, il y en a dans votre circonscription—qui sont prêts à assumer des risques considérables en produisant des oeufs pour les marchés d'exportation.

M. Jake Hoeppner: S'ils réussissent, ne vont-ils pas avoir raison de la gestion de l'offre? À mes yeux, les chiffres sont astronomiques. Il a 1,5 million d'oiseaux uniquement pour l'exportation; il ne s'intéresse même pas au marché intérieur.

M. Neil Currie: Oui, le chiffre exact est en fait de 0,5 million d'oiseaux. Il s'agit d'un producteur d'oeufs intérieur qui bénéficie d'un quota, et il est plutôt satisfait de produire des oeufs en vertu du régime de quota, et il tient à ce que le régime demeure en place. Il court également un risque en cherchant... en vertu d'un esprit d'entreprise très poussé, et nous ne sommes pas certains qu'il réussira. Il veut utiliser son propre grain pour nourrir ses animaux et voir s'il peut produire des oeufs par l'intermédiaire du transformateur pour le marché d'exportation.

Le président: Nous n'avons plus de temps pour la présente ronde. Je vous remercie, monsieur Hoeppner.

Madame Alarie, vous avez sept minutes.

[Français]

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Il ressort de l'ensemble des interventions que j'ai entendues ce matin—vous pourrez me corriger si je me trompe—qu'au fond, on veut des règles transparentes et uniformes au niveau du commerce international. Mais ce qu'on vit présentement, à la suite des dernières négociations, c'est que tous ne respectent pas ces règles transparentes et uniformes; on n'a qu'à penser aux subsides à l'exportation ou aux paiements directs versés aux producteurs. Dans la vraie vie, ça ne se passe pas nécessairement comme c'est écrit sur papier. Pendant que se poursuivent toutes ces négociations en vue de régler des différends, certains secteurs de l'industrie ont le temps de souffrir.

Vous avez abordé à certains égards un autre aspect dont j'aimerais vous entendre parler davantage. Il s'agit des obstacles non tarifaires. Est-ce qu'on travaille simultanément à essayer de comprendre ces obstacles non tarifaires? Est-ce qu'on essaie d'harmoniser, sur un plan international, un code de biotechnologie, de l'environnement, etc.? Est-ce qu'on fait quelque chose en parallèle?

[Traduction]

M. Mike Dungate: Madame Alarie, je pense que vous avez absolument raison. La semaine dernière, nous avons assisté à une réunion entre les têtes dirigeantes du secteur agricole d'Amérique du Nord et de l'Union européenne à San Diego. Je pense qu'il ne fait aucun doute que nous nous apprêtons à ouvrir la boîte de Pandore que sont les barrières tarifaires. Les tarifs, on les voit: ils sont visibles, et on sait à quoi tient l'accès. Nous parlons ici des questions environnementales, des questions syndicales et des questions biotechnologiques—ce qu'on appelle les organismes génétiquement modifiés.

• 1000

Voilà des enjeux qui constituent de véritables entraves à l'accès. Si vous parlez aux éleveurs de bétail canadiens, ils vous diront que les tarifs ne sont pas les principaux obstacles auxquels ils font face. Ils sont incapables d'écouler du boeuf traité aux hormones sur le marché de l'UE. Demandez-leur s'ils préféreraient obtenir une réduction des tarifs de 10 p. 100, et si, le cas échéant, ils consentiraient à une telle réduction si, en contrepartie, on ne les autorisait pas à vendre du boeuf traité aux hormones; je pense que leur réponse serait non. Voilà où se trouve le véritable obstacle.

En ce qui concerne l'exportation de porcs vers l'UE, ce sont des questions sanitaires qui font obstacle. En ce qui concerne l'exploitation de grain vers l'UE, ce sont les exigences relatives à la teneur en protéines qui font obstacle. Voilà où on doit consacrer notre énergie—Quels sont les obstacles qui nuisent à notre agriculture axée sur l'exportation? J'oserais dire que ce ne sont pas les tarifs. Ce sont tous les autres problèmes auxquels nous nous heurtons. Lorsque, dans certains pays, on a abaissé les tarifs, l'industrie a poussé les hauts cris, comme l'ont fait les Australiens, et aujourd'hui l'industrie porcine australienne fait pression sur le gouvernement pour qu'il impose des exigences sanitaires. Dès qu'on perd sa protection douanière, on a tout simplement recours à d'autres moyens.

Faute de s'attaquer au problème des barrières non tarifaires, on ne parviendra pas à améliorer l'accès, quelles que soient les mesures prises pour réduire les barrières tarifaires.

M. Robert de Valk: Madame, je tiens à préciser que Mike a tout à fait raison sur ce point, mais que le Canada s'est bien tiré d'affaire avec le mécanisme de règlement des différends et que, avec les États-Unis, nous avons acquis une expérience valable en ce qui concerne certaines de ses opérations visant le règlement de différends. Nous ne devons pas oublier que des barrières non tarifaires se dresseront sans nul doute sur notre route et que, à l'occasion de la prochaine ronde de négociations, nous ne serons pas en mesure de les aborder toutes. De nouvelles feront sans cesse leur apparition, mais, si nous mettons en place un mécanisme de règlement des différends de qualité capable de disposer rapidement de ces questions et que nous faisons de la science un facteur décisif dans le cadre du Codex Alimentarius, je pense que nous pourrons, au fil des ans, régler certains de ces problèmes.

Alors, selon moi, on doit agir. Le Canada doit savoir que le mécanisme de règlement des différends auquel on aboutira doit être véritablement solide et donner des résultats rapides. Axé sur les données scientifiques, il doit être régi par certaines règles prévisibles. La situation ne sera pas parfaite, mais il y aura malgré tout amélioration.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant passer à M. McCormick pour sept minutes.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Je vous remercie beaucoup, et je vous remercie tous de votre présence.

Je veux donner suite à la question de l'Office de commercialisation des oeufs au Manitoba. Mais d'abord, je veux m'assurer de bien comprendre... Vous avez dit qu'il existe dans toutes les régions du Canada de nombreuses poches d'exploitation ovocole familiale. J'apprécie moi aussi le fait d'avoir accès aux aliments de la meilleure qualité et les plus sûrs du monde, et je crois que c'est ce à quoi j'ai droit lorsque j'achète des oeufs produits au niveau local. Si ces producteurs locaux sont régis par la gestion de l'offre, quelle forme de contrôle exerce-t-on sur eux, et, s'ils ne sont pas assujettis aux règles concernant la gestion de l'offre, quelle est la taille du troupeau de volailles auquel ils ont droit? Puis-je obtenir des éclaircissements, s'il vous plaît?

M. Neil Currie: En vertu du système national, nous allouons des quotas aux provinces, et ce sont les offices provinciaux qui, dans les faits, allouent des quotas aux producteurs. On produit des oeufs dans les dix provinces, et chaque producteur s'est vu assigner un quota, à la suite d'un échange de quotas ou à titre de nouvel arrivant dans le système. L'importance des quotas varie considérablement d'un producteur à l'autre. Au Canada, la taille moyenne des quotas augmente légèrement en raison d'une certaine forme d'intégration au sein de l'industrie. Aujourd'hui, le quota moyen se situe probablement à environ 15 000 volailles par producteur. C'est ce qui correspond à environ un centième de la taille moyenne du troupeau de volailles aux États-Unis.

M. Larry McCormick: Je vous remercie. La personne ou la société manitobaine qui construit ces nouvelles installations bénéficie d'un quota, et elle aménage des installations distinctes pour l'exportation...

M. Neil Currie: C'est juste.

M. Larry McCormick: Aujourd'hui, une personne qui n'a pas de quota peut-elle produire uniquement aux fins de l'exportation?

M. Neil Currie: Non. Pour l'organisme de commercialisation des oeufs, il s'agit d'un problème inédit.

M. Larry McCormick: Ma question était pourtant très claire. Puis-je, sans quota, produire des oeufs à des fins d'exportation?

M. Neil Currie: Non. C'est impossible.

• 1005

M. Larry McCormick: Je vous remercie.

Pour ma prochaine question, j'aimerais qu'on revienne un instant aux transformateurs. Je sais qu'il est très complexe d'obtenir que des produits traversent les frontières, et, à maints égards, vous remportez de vifs succès. Pourtant, les deux camps sont représentés ici, et je suis heureux de constater que vous êtes réunis au même endroit.

Je me demandais si vous pourriez nous indiquer brièvement le pourcentage de vos ventes de produits finis qui s'effectuent ici au Canada et le pourcentage approximatif des intrants, en ce qui concerne les ventes canadiennes, qui proviennent du Canada et des États-Unis. Puis, pourriez-vous vous livrer au même exercice à propos des ventes que vous effectuez aux États-Unis, c'est-à-dire le pourcentage approximatif des produits qui proviennent de fournisseurs canadiens et de fournisseurs américains?

M. Robert de Valk: Je ne suis pas en mesure de vous fournir ces pourcentages sans préparation préalable, mais...

M. Larry McCormick: Approximativement.

M. Robert de Valk: ...je vais tenter de répondre à votre question.

L'exportation vers les États-Unis est un phénomène relativement nouveau. L'activité n'est guère considérable. Le chiffre que je vous ai donné, soit 560 millions de dollars de ventes, a trait à tout ce qui est produit au Canada pour le marché canadien, ou peu s'en faut.

Le ministère des Affaires étrangères a mis au point pour nous un programme que nous appelons le programme d'importation à des fins d'exportation. Il nous permet d'importer de la viande américaine des États-Unis, d'y ajouter de la valeur, puis de la réexpédier sur le marché américain ou sur tout autre marché du monde et d'être concurrentiel. La plupart des exportations américaines qui s'effectuent actuellement passent par ce programme. En d'autres termes, ces exportations seraient constituées presque à 100 p. 100 de viande américaine. Avec certaines des personnes ici présentes, nous tentons de mettre au point un programme intérieur apparenté au programme laitier, que vous connaissez peut-être. On a établi diverses catégories, et on s'est donné les moyens de faire que le lait produit au pays puisse être utilisé pour garantir notre compétitivité et nous permettre d'exporter.

Pour ce qui est des exportations pures, on dispose déjà d'un programme d'exportation, mais on devra élaborer un programme spécial pour remplacer le programme d'importation à des fins d'exportation. On s'intéresse actuellement à cette question afin, en dernière analyse, de donner à un fabricant canadien la possibilité de s'adonner à une telle activité. Pourquoi devrions-nous donner cette possibilité à un fabricant américain? Voilà ce que nous disons. Nous devrions tenter de le faire au Canada. Nous y travaillons, et nous sommes relativement optimistes quant à nos chances de réussite.

M. Larry McCormick: Je vous remercie.

Il y a quelques années à peine, on a fait état dans les publications courantes d'un peu partout du fait que vous, ou d'autres parties, souhaitiez acheter davantage de poulets aux États-Unis parce que les producteurs canadiens n'étaient pas en mesure de fournir à McDonald le poulet désiré. Nombreux sont ceux qui ont eu du mal à avaler cette révélation en raison de l'excellence de notre production.

La question est donc la suivante: si on parvient un jour, aux termes d'un processus graduel, à supprimer les tarifs, serez-vous alors en mesure d'acheter ici tous les produits dont vous avez besoin auprès de producteurs canadiens, à supposer que l'offre soit suffisante? Ou allez-vous malgré tout vouloir importer?

M. Robert de Valk: Non, lorsque ce moment arrivera—et, soit dit en passant, cela ne sera pas avant, même avec une réduction graduelle, l'an 2018, environ. En attendant, nous mettrons au point ce genre de programmes nationaux pour que, essentiellement, les transformateurs de deuxième niveau que nous sommes puissent, grâce à notre système d'implantation et à nos programmes intérieurs, choisir un produit particulier entre un fabricant canadien et un fabricant américain.

Pour l'industrie canadienne, l'avantage d'un tel système est que nous serons en mesure de nous approvisionner par exemple en filets, produit que les fabricants canadiens peuvent ne pas avoir en quantité suffisante puisqu'il s'agit d'un sous-produit de la poitrine. Il s'agit d'un petit filament de la poitrine qui, certains d'entre vous l'auront peut-être noté, dépasse un peu. Il s'agit du petit filet de la poitrine, qui se distingue par sa tendreté. Au Canada, nous utilisons plus de filets que nous en produisons—beaucoup plus. Nous consommons également plus d'ailes que nous en produisons. Si nous parvenions à produire des volailles à trois ailes, nous nous tirerions mieux d'affaire.

Vous comprendrez donc que le fait d'avoir accès aux marchés américain et canadien représente, pour les transformateurs de deuxième niveau, un avantage susceptible de renforcer notre industrie. Nous pouvons acheter le produit dont nous avons besoin et le vendre sur les marchés où il est en demande.

Le président: Je vous remercie.

Votre temps est écoulé, monsieur McCormick.

Monsieur Proctor.

• 1010

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Je n'ai qu'une seule question à poser, mais j'aimerais entendre la réponse de tous les groupes représentés ici ce matin.

Je pense que vous avez tous dit à votre manière que le Canada devrait s'efforcer d'éliminer les subventions à l'exportation et à la production qui restent. Ma question est la suivante. Si, à l'occasion de la prochaine ronde de négociations de l'OMC, nous ne parvenons pas à atteindre cet objectif—dans le mémoire des Producteurs de poulets du Canada, on affirme que le Canada n'est pas en mesure de soutenir la concurrence du trésor public de ces deux importants intervenants—, quelle est notre position de repli? Si, en d'autres termes, l'UE et les États-Unis disent au Canada d'aller, dans le dossier, se faire cuire un oeuf, qu'allons-nous faire? Comme je l'ai indiqué, j'aimerais si possible vous entendre tous sur cette question.

M. Mike Dungate: Je pense qu'il s'agit d'une question extrêmement valable.

Au Canada, nous avons supprimé les subventions à l'exportation. Les Américains se plaisent à dire—c'est l'expression qu'ils aiment utiliser—que nous avons «unilatéralement rendu les armes». Chez nous, il n'y a plus de subventions à l'exportation.

L'UE et les États-Unis octroient toujours des subventions à l'exportation. Ils ont dit qu'ils allaient les éliminer graduellement, et c'est ce qu'ils font. Jusqu'ici, ils respectent leur engagement, mais, dès que la situation le commande, ils rétablissent ces subventions. On a ici affaire aux plus importants exportateurs de poulet du monde, nommément les États-Unis, qui recourent à des subventions à l'exportation de 1 500 $ la tonne pour pénétrer le marché du Moyen-Orient. Je pense donc que la question est fort valable.

Intéressons-nous à la question du soutien intérieur. Au Canada, nous étions en proie à des difficultés budgétaires que nous avons tenté de résorber. Nous avons réduit les dépenses gouvernementales. C'est le secteur de l'agriculture qui a été le plus durement touché.

Aux États-Unis, dès qu'un problème touchant le revenu agricole se pose... la semaine dernière, on a alloué six milliards de dollars à l'agriculture américaine. Le gouvernement est toujours là pour investir. D'après ce qu'on nous a dit à San Diego, l'argent reçu par le secteur agricole ne suffira peut-être pas à assurer un revenu moyen sur dix ans, mais il n'en permettra pas moins de garantir le revenu agricole le plus élevé qu'aient connu les États-Unis. On a donc affaire à un gouvernement qui, d'une certaine façon, se dit prêt à mettre en place un système commercial ouvert et équitable, mais qui, dès que la situation se corse, est prêt à se lancer dans les dépenses.

Nous ne revendiquons pas la mise en place d'un tel système au Canada, mais, étant donné que nous savons à quoi nous sommes confrontés, nous devons réfléchir à l'approche que nous allons adopter.

Le président: Monsieur Currie ou monsieur de Valk. Voulez-vous répondre, monsieur Currie?

M. Currie: Je vous remercie, monsieur le président.

L'industrie ovocole du Canada exporte principalement des produits transformés, de sorte que nous n'avons habituellement pas affaire aux mêmes marchés que ceux des États-Unis. Aux États-Unis, les subventions directes à l'exportation visent l'exportation d'oeufs entiers destinés au marché de la consommation. Voilà donc ce qui explique que le marché soit déprimé.

À mon avis, la principale position des intervenants majeurs vise l'élimination des subventions à l'exportation, en surface tout au moins. Comme nous le montrent les barrières à l'importation et le reste, nous mettrons au point, j'en suis sûr, des programmes nouveaux et créatifs pour nous procurer un avantage commercial vis-à-vis des subventions à l'exportation. L'industrie ovocole ne sera pas nécessairement directement touchée. La situation a certes pour effet, du fait des subventions à l'exportation manifestes ou des programmes d'aide aux exportations sous-jacents, de déprimer le marché international des oeufs.

Le président: Monsieur de Valk, voulez-vous répondre?

M. Robert de Valk: L'une des réalités que nous ne devons pas perdre de vue, c'est que les subventions que les États-Unis n'hésitent pas à verser à gauche et à droite ont un avantage indirect pour nous, dans l'industrie des viandes. Souvent, les subventions céréalières se traduisent par une diminution du prix du grain aux États-Unis. En ce qui concerne le grain de provende, Chicago est notre marché principal. Aujourd'hui, le maïs, par exemple en Ontario, est considéré comme un produit d'importation. Chez nous, le prix du maïs est directement relié à celui qui se paie à Chicago. Les coûts de nos intrants tiennent donc compte de cette situation.

Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que les États-Unis, avec leurs efforts de promotion et leurs subventions, ouvrent pour nous de nombreux marchés. Notre poulet est aujourd'hui présent sur les marchés japonais et coréen. Pourquoi? Parce que les États-Unis ont ouvert ces marchés.

Même si elle existe toujours, cette situation n'est pas sans présenter pour nous certains avantages. Cependant, je pense que nous devons toujours redouter que les États-Unis et l'Europe, s'ils... n'oubliez pas qu'il s'agit uniquement de deux pays. Le Canada peut recruter de nombreux partenaires pour s'attaquer à ces deux pays; s'ils font preuve d'entêtement, je pense que le reste du monde doit adopter la ligne dure sur le même sujet et dire: «D'accord. Si vous faites ceci, nous allons faire cela.»

• 1015

Le président: Monsieur Proctor, vous n'avez plus de temps.

Monsieur de Valk, j'aimerais revenir sur ce point. Les exportateurs américains de volaille ont créé en Russie un marché solide, mais, dans le courant de l'été, le rouble a été dévalué, et le marché s'est effondré. Les Américains regardent ailleurs, par exemple vers la Chine et d'autres pays, mais, en même temps, ils ont demandé de l'aide à Washington—des crédits à l'exportation. Cette situation a-t-elle des conséquences pour le Canada? Est-elle d'intérêt pour nous?

M. Robert de Valk: Oui, je crois en avoir fait mention dans mon exposé.

Le fait que les clients internationaux bénéficient d'un crédit plus facile est incontestablement un facteur qui limite notre capacité de mettre en marché les produits capables de concurrencer ceux des États-Unis, pays qui mise assurément sur des programmes de crédit plus imaginatifs. Mais n'oubliez pas—je pense que Neil y a aussi fait allusion—que bon nombre de ces formules de crédit visent des produits précis, le plus souvent des produits de base. Pour notre part, nous tentons d'accroître nos exportations dans des domaines autres que les seuls produits de base, de sorte qu'il s'agit peut-être ici d'un facteur de moins grande importance. Cependant, il ne fait aucun doute que le Canada doit faire preuve de plus d'imagination en ce qui concerne l'aide à accorder à nos exportateurs sur la scène internationale.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Borotsik, vous avez cinq minutes.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Je vous remercie, monsieur le président. Je n'ai que deux questions, dont une pour M. de Valk.

J'ai été intéressé par le programme d'importation à des fins d'exportation dont vous nous avez parlé. En fait, vous avez indiqué acheter des matières premières aux États-Unis, les transformer au Canada, puis les mettre en marché en Floride. Pouvez-vous me donner une idée de la valeur actuelle de ce programme pour les transformateurs? À votre connaissance, ce type d'importation à des fins d'exportation est-il en expansion?

M. Robert de Valk: La valeur du programme est tout juste un peu moins de deux millions de dollars.

M. Rick Borotsik: Il ne s'agit donc que d'une toute petite partie de l'ensemble.

M. Robert de Valk: Comme je l'ai indiqué, le programme en est au stade embryonnaire, mais il est intéressant de noter qu'il s'agit d'une possibilité, et le programme est en expansion.

M. Rick Borotsik: Prévoyez-vous une croissance considérable?

M. Robert de Valk: Nous prévoyons une croissance, mais nous ignorons quelle en sera l'ampleur. Les États-Unis ne vont pas rester les bras croisés. Ils surveillent la situation de très près.

M. Rick Borotsik: Je soupçonne nos producteurs de ne pas non plus demeurer les bras croisés.

M. Robert de Valk: Non. Je pense que nos producteurs y voient une occasion de croissance et qu'ils souhaitent élever du poulet pour ce genre de produit.

M. Rick Borotsik: Dans le cadre du programme d'importation à des fins d'exportation, le coût des matières premières est-il inférieur à celui qui se pratique au sein du marché intérieur?

M. Robert de Valk: Oui, si on compare les matières premières américaines à celles que nous achetons habituellement.

M. Rick Borotsik: L'écart est de quel ordre?

M. Robert de Valk: Tout dépend du produit.

M. Rick Borotsik: D'accord, c'est une bonne question.

M. Mike Dungate: En 1996, l'industrie du poulet tout entière s'est réunie. Nous avons trimé pendant un an et mis en place une politique d'exportation. Aujourd'hui, plus de 30 transformateurs de poulet exportent activement dans le cadre d'un programme national d'exportation. Au pays, la part de notre production à des fins d'exportation est passée de 0,5 p. 100 à 6 p. 100. Comme M. de Valk l'a indiqué, nous exportons la viande brune et nous équilibrons notre marché.

Ainsi, un transformateur n'a pas à tirer tous ses revenus de la vente de viande blanche sur le marché canadien. En tirant des revenus de la vente de viande brune sur le marché de l'exportation, nous réduisons en fait, grâce aux exportations, le prix de la viande blanche que paient les consommateurs canadiens.

M. Rick Borotsik: J'aimerais voir certaines des comparaisons entre les prix à la consommation aux États-Unis et au Canada, mais je ne veux pas me faire l'avocat du diable à ce sujet, parce que j'ai une autre question à poser.

Charlene Barshefsky, attachée commerciale aux États-Unis a adressé à notre ministre responsable du commerce une lettre portant sur les irritants commerciaux. La question s'est posée en octobre dans le dossier du Dakota du Sud. Dans le cadre des irritants commerciaux en question, on n'a fait nulle mention de la gestion de l'offre. Je ne sais s'il s'agit d'un oubli ou s'il s'agira d'un important point à l'ordre du jour à l'occasion de la prochaine ronde de négociations de l'OMC. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi la gestion de l'offre ne faisait pas partie de la liste des irritants commerciaux?

Je vous prie de m'excuser. Je sais que vous n'êtes pas Charlene Barshefsky, mais pouvez-vous m'expliquer pourquoi la gestion de l'offre a été omise? J'aimerais également entendre les transformateurs sur ce point. Dois-je en conclure que, à l'occasion de ces négociations, on s'attend à ce que la gestion de l'offre ne pose aucun problème?

M. Neil Currie: En matière de commerce, il ne faut pas grand-chose pour irriter un Américain, et nous rencontrons régulièrement nos homologues des États-Unis, et ils comprennent notre système. En fait, ils l'admirent. Nos exportations ne sont pas destinées au marché américain proprement dit. Nous vendons nos oeufs transformés en Asie. Jusqu'à un certain point, nous en vendons en Europe.

• 1020

Ils souhaitent incontestablement accéder à notre marché. Nous nous apprêtons à offrir un accès à 5 p. 100, entièrement au profit des fournisseurs américains. En fait, l'accès que nous offrons est aujourd'hui d'environ 7 p. 100, parce que nos transformateurs ont besoin de plus de produits pour leur marché en expansion, et nous sommes en voie de déplacer lentement ces derniers 2 p. 100. Ils sont donc relativement satisfaits de la situation, et nous allons continuer de travailler avec eux pour tenter de les faire adhérer à un régime nord-américain de gestion de l'offre.

M. Rick Borotsik: Je dois donc en conclure que la gestion de l'offre ne constituera pas, à l'OMC, un enjeu ni un irritant de taille.

M. Neil Currie: Je pense que vous devriez poser la question à Mme Barshefsky.

M. Rick Borotsik: C'est l'impression que m'a donnée votre réponse.

M. Neil Currie: J'espère que la réponse est oui.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant passer à M. Calder, suivi par M. Hoeppner. Je tiens simplement à faire un rappel aux membres du comité: cinq d'entre vous avez demandé à poser des questions aux témoins, et nous avons encore trois groupes à entendre après celui-ci.

Monsieur Calder, vous avez cinq minutes.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Nous avons élaboré une politique nationale en matière d'exportation, et je suis curieux de savoir comment les choses se passent. De toute évidence, nous en sommes à nos premiers balbutiements à cet égard, mais l'une des choses que j'aimerais que nous examinions ici, à l'interne... je sais que nous exportons de la viande brune, que nous en produisons en quantité excédentaire. Il s'agit d'un résumé. Au Canada, on retrouve actuellement environ 9,8 millions d'enfants du baby-boom, et nous nous préoccupons du cholestérol, de la teneur en gras, toutes choses excellentes, mais nos enfants, qui sont environ 5,5 millions, ne s'en inquiètent pas. Ils atteindront bientôt leur potentiel de gain, de sorte qu'on pourrait assister à une résurgence, à une demande de viande brune, et je me demande si l'industrie elle-même s'est intéressée à cette question, ou si les transformateurs s'en sont préoccupés.

M. Robert de Valk: Oui, c'est juste. Nous constatons que la jeune génération établit une distinction moins forte entre la viande blanche et la viande brune. Dans certains cas, en fait, on semble même préférer la viande brune.

Vous avez donc raison, monsieur Calder. Nous devons être au fait de cette possibilité, et nous cherchons sans cesse à mettre en marché nos nouveaux produits à base de viande brune, parce que, en écoulant ce produit sur le marché intérieur, nous nous évitons de nombreux problèmes.

Nous sommes donc au courant. Le phénomène se produira, mais progressivement. On aura toujours besoin des marchés d'exportation pour établir un équilibre. Le fait de pouvoir vendre sur les marchés étrangers aussi bien que sur les marchés intérieurs constituera toujours un avantage, et on se prévaudra de ceux qui assurent les meilleurs débouchés. Pour optimiser les possibilités de planification, on devra toujours pouvoir compter sur ces deux options.

M. Murray Calder: Dans ce cas, nous avons vu les exportations s'accroître pour s'établir à 6 p. 100. Doit-on y voir un plafond? Si, au sein du marché intérieur, on assiste à une résurgence de la demande de viande brune, ce pourcentage va-t-il diminuer, ou allons-nous continuer de faire preuve de dynamisme dans le dossier des exportations?

L'une des choses qui me préoccupe quelque peu, c'est que, à l'époque des négociations en 1993, l'un des atouts que nous avions en main avait trait au fait que nous avons recours au système de la gestion de l'offre, que nous nourrissons un marché exclusivement intérieur et que, parce que nous n'exportons pas, nous ne causons aucun problème sur la scène internationale.

M. Robert de Valk: Je pense qu'il faut se tourner vers les États-Unis pour avoir accès à un modèle raisonnable.

Aux États-Unis, environ 16 p. 100 ou 17 p. 100 de la viande produite est exportée. Naturellement, il s'agit toujours de cuisses, et, donc, de viande brune, mais c'est à peu près l'état de la situation. Au Canada, nous pouvons probablement équilibrer le marché avec beaucoup moins, en raison du quota sur les importations. Nous avons recours aux quotas sur les importations pour acheter principalement de la viande blanche, c'est-à-dire 7 p. 100. On peut donc dire d'emblée que si, au pays, les consommateurs se répartissent à peu près comme aux États-Unis en ce qui concerne la viande blanche et la viande brune, le maximum s'établira ici à environ 10 p. 100. Nous ne sommes donc pas loin de l'équilibre.

M. Murray Calder: L'une des choses qui me préoccupe ici, monsieur de Valk, c'est la déclaration que vous avez faite selon laquelle le Canada devrait s'employer à éliminer les subventions qui restent, à la fois pour les exportations et la production intérieure. On sait que ce n'est pas le cas aux États-Unis, par exemple, puisque ce pays a mis l'EEP sur les tablettes pour ensuite la dépoussiérer et s'en servir. On y a aussi apporté la loi agricole américaine, qui représente 35 milliards de dollars sur sept ans—5 milliards de dollars par année. On vient aussi d'y adopter le programme d'aide aux exploitations agricoles d'une valeur de 6 milliards de dollars. En fait, 3,1 milliards de dollars sont directement consacrés aux subventions aux récoltes, et on l'affirme sans ambages.

• 1025

Je sais également que les États-Unis, quoi qu'ils disent au sujet de l'offre, ont également étudié cette option d'un oeil favorable: en effet, on recourt à la gestion de l'offre dans les domaines de la betterave à sucre, des arachides et du coton. Dans l'industrie laitière, on retrouve au Wisconsin le New England Interstate Dairy Compact. Les Américains ont donc eux aussi recours à la gestion de l'offre.

Vous entendre parler de la sorte me préoccupe. J'ai déjà dit qu'une telle attitude équivalait presque à se présenter à une table de «strip poker» sans chemise.

M. Robert de Valk: Je ne veux pas dire que les positions que nous soutenons devant vous aujourd'hui devraient se traduire par la position de négociation que le Canada couchera par écrit et fera parvenir à Genève. Ce que je dis, c'est que le Canada doit être préparé et doit fixer certains objectifs. Compte tenu du système agricole canadien, l'objectif devrait, comme un des témoins l'a indiqué plus tôt, consister à optimiser le potentiel de notre industrie dans le monde. À cette fin, nous avons besoin d'un monde assujetti à des règles prévisibles, d'où les subventions sont exclues. Nous ne pouvons pas y parvenir même de notre vivant, mais il s'agit d'un objectif valable qui profiterait à l'agriculture canadienne. Comme on l'a affirmé plus tôt, nous devons savoir que l'agriculture canadienne, si certaines subventions demeurent toujours en place, ne devrait être ni désavantagée ni affectée.

Ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles: je ne veux pas dire que nous devrions déclarer que le Canada entend éliminer toutes les subventions de façon unilatérale dans l'espoir que le reste du monde lui emboîtera le pas. Ce n'est pas la stratégie à adopter.

Le président: Merci.

Monsieur Hoeppner.

M. Jake Hoeppner: Je vous remercie, monsieur le président.

Je veux revenir sur ce qu'a déclaré M. McCormick au sujet des moyens de soutenir la concurrence. L'autre jour, Mike Gifford, qui comparaissait à titre de témoin, a déclaré que, en 1997, si je ne m'abuse, les Américains versaient à leurs agriculteurs des subventions à l'interne et à l'exportation de 16 p. 100; quant aux Canadiens, ils versaient des subventions pouvant atteindre les 20 p. 100. Par conséquent, les Américains ne sursubventionnaient pas vraiment par rapport à nous.

Ne peut-on pas considérer que ce sont des subventions à l'interne et à l'exportation que les Européens versent aux producteurs de céréales qui constituent le véritable facteur altérant les marchés et qui constitue le véritable enjeu? Si on assure des règles du jeu égales partout dans le monde, la production de viande et d'oeufs suivra le mouvement et sera réglementée par une véritable économie de marché. En ce qui me concerne, ce sont les produits de base qui ont un effet de distorsion sur tous les autres produits. Ai-je tort, ou ai-je raison? Dans un monde utopique, l'élimination des subventions, qu'elles soient européennes ou canadiennes, entraînerait la prise de mesures analogues dans tous les autres secteurs. Ai-je tort?

M. Robert de Valk: Je pense que vous êtes très près de ce sur quoi nous devrions nous concentrer. Si, en d'autres termes, le Canada avait certaines priorités, l'élimination des subventions sur les céréales entraînerait la disparition d'un plus grand nombre d'effets de distorsion que toute autre mesure. Je pense donc que vous avez raison sur ce point.

M. Jake Hoeppner: Merci.

M. Mike Dungate: J'aimerais également répondre à la question. Selon les analyses que nous avons effectuées à la Fédération canadienne de l'agriculture sur le soutien intérieur, tout dépend de la façon dont M. Gifford a présenté les choses.

Imaginons qu'il s'agissait du soutien de la «boîte verte», qui est censé s'inscrire dans le cadre de politiques n'ayant pas pour effet d'altérer le commerce. Revenez sur la dernière ronde de négociations. Tandis que le Canada a réduit ses mesures de soutien intérieur qui produisaient un effet de distorsion sur le commerce—il s'en est simplement débarrassé—les États-Unis les ont tout simplement transformées en mesures de soutien découplées. Les agriculteurs concernés ne recevaient pas un sou de moins; l'argent leur était simplement versé d'une autre façon. Au Canada, le soutien de la «boîte verte» correspond à 8,1 p. 100 de la valeur de la production, tandis que, aux États-Unis et dans l'UE, il correspond à 24 et à 28 p. 100, respectivement. Chez nous, le soutien est nettement inférieur.

M. Jake Hoeppner: Je comprends.

M. Mike Dungate: Oui.

Le président: Monsieur Breitkreuz.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'ai quelques questions à poser, et j'espère que j'aurai assez de temps pour toutes.

J'aimerais faire une observation en réponse aux questions de M. McCormick. Il me semble y avoir là une contradiction flagrante. S'il est impossible de produire des biens destinés à l'exportation sans un quota, pourquoi quiconque souhaiterait-il s'adonner à une telle activité? Quant au problème du financement d'une région par une autre, la question me paraît soulever un véritable problème.

Le véritable enjeu sur lequel je souhaite insister est que le revenu net des producteurs de céréales des Prairies pose un problème. On ne peut dissocier ce que nous faisons aujourd'hui dans le cadre d'un débat portant sur les offices de commercialisation et le reste de la situation dans d'autres secteurs de l'agriculture. Nous pratiquons la politique de l'autruche.

Un témoin a déclaré, je l'ai remarqué, que nous ne devrions jamais perdre de vue le fait pourtant simple que le commerce ne devrait pas avoir trait à la seule amélioration de nos résultats nets. Nous savons que l'un des principaux irritants commerciaux—et nous ne pouvons guère contester ce point—est que d'autres pays peuvent pointer du doigt les tarifs que nous imposons, ce qui nous porte véritablement préjudice lorsque nous tentons d'obtenir l'élimination des subventions que d'autres nations, par exemple les Européens et les Américains accordent pour leurs grains. Le moment venu de négocier, on ne peut nier qu'il existe un lien direct entre son propre secteur de l'agriculture et tous les autres, n'est-ce pas? Nous avons beau défendre nos positions autour de la table, cela ne nous est d'aucun secours lorsque, dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, nous tentons d'obtenir la réduction des subventions accordées par d'autres nations.

• 1030

Le président: Je vous rappelle que vous utilisez le temps de M. Hoeppner et qu'il vous reste environ 90 secondes.

M. Neil Currie: Pour clarifier la question de la production sans quota, il est vrai que, au Canada, on peut produire des oeufs sans quota dans une exploitation de grande taille, et nous nous employons à l'établissement de quotas à l'exportation ainsi qu'au raffinement de notre politique relative aux exportations, qui date de 20 ans. Nous faisons partie du monde agricole et, par conséquent, nous sommes liés, d'une façon ou d'une autre, à tous les autres secteurs de l'agriculture. Les consommateurs d'oeufs du Canada bénéficient à n'en pas douter des prix réduits du grain, ce qui est malheureux pour les producteurs de céréales. Nous pensons que le gouvernement du Canada devrait soutenir l'industrie céréalière et l'industrie de la viande rouge grâce à l'élimination des subventions à l'exportation, mesure qui aurait pour effet d'améliorer le marché—, peut être au moyen de l'établissement d'un régime d'assurance revenu.

Je tiens à souligner que d'autres pays appuient leur industrie agricole de nombreuses façons différentes. Dans les secteurs de la volaille et des oeufs, le Canada a opté, pour son plus grand profit, pour une politique de gestion de l'offre plutôt que pour des régimes d'assurance-revenu. C'est un choix stratégique, et nous aimerions qu'il soit préservé au terme des négociations.

M. Garry Breitkreuz: Oui, mais le problème, c'est qu'il n'y a pas d'équité entre les divers secteurs. Dans l'un, on bénéficie de protection, tandis que dans l'autre...

M. Neil Currie: Nous jouons exactement selon les mêmes règles que tous les autres, et nos taux tarifaires sont calculés selon les mêmes modalités que dans tous les autres pays. En fait, pour d'autres produits, nos taux sont en fait nettement inférieurs à ceux qu'imposent de nombreux autres pays.

M. Garry Breitkreuz: Le problème, c'est qu'on ne peut protéger les autres secteurs en raison des tarifs élevés imposés dans l'un.

M. Mike Dungate: Dans le cadre des négociations qui ont débouché sur l'accord de l'OMC, nous n'avons pas exercé de pression en faveur de la tarification puisque nous voulions obtenir l'adoption de l'article 11. Nous avons accepté la tarification parce que c'est ce que l'UE et les États-Unis voulaient. Ils ont exercé des pressions en ce sens, nous avons accepté la tarification, et nous avons converti nos tarifs au même titre que les autres. Nous avons 21 contingents tarifaires; dans le monde, il y en a plus de 1 300. Nous n'avons pas à nous défendre; nous devons exposer les autres et faire preuve de dynamisme dans la défense des intérêts du Canada, et non dans celle de nos politiques.

M. Garry Breitkreuz: Vous avez parfaitement raison.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Madame Ur, vous avez cinq minutes.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Mes questions s'inscrivent dans le prolongement de celles que mon collègue Murray Calder a posées à M. de Valk. Par rapport aux États-Unis, votre industrie n'a-t-elle pas déjà troqué tous ses atouts? Les Américains ont trois longueurs d'avance sur nous. Que nous reste-t-il à troquer ici, au Canada?

M. Robert de Valk: Je ne suis pas certain de bien comprendre la question, du point de vue de ce que nous avons troqué. Pouvez-vous vous expliquer?

Mme Rose-Marie Ur: Le fait est qu'ils disposent de programmes de bonification dans lesquels on investit des sommes additionnelles. À l'heure actuelle, les agriculteurs canadiens n'ont pas accès à de tels programmes. Devant l'OMC, que pouvons-nous offrir en échange? Essentiellement, nous avons joué selon les règles du jeu depuis le tout premier jour, au contraire des États-Unis, bien entendu. Comme le Canada s'est toujours comporté en bon citoyen, qu'a-t-il à céder?

M. Robert de Valk: Si vous êtes d'avis que le Canada est déjà bien positionné et qu'il appartient aux autres pays de le rattraper, je vous suggère de vous présenter à l'OMC avec une telle attitude et de voir jusqu'où cela va vous mener.

Mme Rose-Marie Ur: Un autre débat a trait au fait que notre industrie de la transformation de deuxième niveau existe parce qu'elle fournit aux consommateurs des services et des produits que d'autres n'ont pas, et je l'en félicite. Nous devons louanger la vertu et veiller à ce que nos exportations soient à la hausse, mais nous devons nous demander si nos principaux producteurs peuvent en dire tout autant à propos de l'expansion des marchés d'exportation. La transformation de deuxième niveau est une bonne chose, et l'un ne peut survivre sans l'autre, mais tenez-vous compte de ce phénomène dans l'analyse que vous faites de votre industrie?

• 1035

M. Robert de Valk: Oui, nous approchons d'un seuil critique, et, cet été, nous avons eu un très bon exemple des effets désastreux que peut avoir la dépendance à l'égard de certains produits américains. En effet, il ne fait aucun doute que les transformateurs de deuxième niveau du Canada ne viennent pas en tête de leur liste. Ils se préoccupent de leur propre industrie et, lorsque l'offre se raréfie, nous sommes en difficulté. C'est ce qui s'est produit cette année en raison du problème des oeufs à couver aux États-Unis.

Voilà ce qui nous a réveillés. D'une certaine façon, nous sommes peut être devenus trop dépendants à l'égard de certains produits américains. De plus, l'accès que nous assure l'ALE s'est épuisé, et nous devons le remplacer par de la croissance. Nous sommes donc plus enthousiastes à l'idée de mettre en place un programme intérieur et de faire en sorte que nous disposions, à l'interne, d'une solution de rechange de façon que les producteurs et les transformateurs aussi bien que les fabricants d'aliments pour animaux et les camionneurs du Canada puissent profiter de la croissance que nous générons au sein du marché d'exportation.

Mme Rose-Marie Ur: Dans votre industrie particulière, comparativement à nos producteurs primaires, les règles qui vous régissent s'apparentent-elles davantage à celles qui sont en vigueur aux États-Unis?

M. Robert de Valk: Nos transformateurs de deuxième niveau sont concurrentiels par rapport à ceux des États-Unis, oui. Les règles du jeu sont relativement égales, sauf en ce qui concerne le coût des matières premières.

Mme Rose-Marie Ur: De plus, vous avez affirmé que l'accès accru et amélioré au mécanisme actuel de règlement des différents avait donné de bons résultats, mais que la procédure pourrait probablement être bonifiée et renforcée. C'est vous qui l'avez dit. Pouvez-vous expliquer plus en détail ce que vous vouliez dire?

M. Robert de Valk: Je pense que le principal problème que posent les mécanismes de règlement des différends tient au fait qu'ils prennent tous beaucoup de temps. Si nous pouvions réduire le temps qu'exigent de telles procédures et clarifier les règles concernant les preuves qui seront prises en considération, un peu comme on l'a fait avec les États-Unis dans le cadre de l'Accord de libre-échange, je pense qu'il s'agit d'un bon modèle dont on pourrait s'inspirer. Sur le plan international, il serait utile que nous puissions clarifier les règles et raccourcir les délais.

Mme Rose-Marie Ur: Enfin, devrions-nous répondre aux subventions américaines en accordant des subventions équivalentes?

M. Robert de Valk: Non, je ne crois pas que ce soit une bonne stratégie. Les États-Unis ont plus d'argent que nous. Nous devons agir plus intelligemment. Dans de nombreux secteurs, nous pouvons deviner ce que font les États-Unis, travailler plus fort qu'eux et avoir le dessus sur eux. Dans certains secteurs, nous sommes plus astucieux qu'eux. Nous leur sommes supérieurs, par exemple, dans les produits tirés de la volaille, et nous leur sommes supérieurs dans le secteur de la VSM. Nous jouissons d'une bonne réputation sur la scène internationale. Il suffit que nous fassions notre entrée dans certains marchés pour en obtenir tout de suite une partie.

En tant que membres de l'industrie, nous devons travailler de concert, définir nos objectifs et faire preuve d'intelligence. Répondre aux subventions par d'autres subventions nous mènera sur un terrain où nous ne pouvons pas gagner.

Le président: Vous avez encore une minute.

Mme Rose-Marie Ur: J'ai une autre question. Les producteurs d'oeufs de l'Ontario ont déclaré pouvoir «répondre aux besoins de consommateurs d'ici et nourrir les citoyens de ce pays. Nous ne devons pas laisser à d'autres pays le soin de le faire.» Et vous aviez dit que nous devions nous interroger sur le genre d'agriculture que nous souhaitons avoir au Canada. Quel genre d'agriculture voulez-vous pour le Canada?

M. Neil Currie: Ce que nous voulons, c'est la gestion de l'offre.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Quatre membres ont indiqué avoir d'autres questions à poser. Si chacun des membres se prévaut de tout le temps qui lui est alloué, cela nous conduira jusqu'à la fin de l'heure, puis nous devrons conclure la discussion avec les groupes qui sont devant nous. Enfin, nous ferons entrer trois groupes de plus. Nous avons la salle jusqu'à treize heures.

Nous allons donc passer à Mme Alarie, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Je poserai une courte question dans la foulée de celle qu'a posée en dernier lieu Mme Ur. D'après les exposés que j'ai entendus ce matin, il semble vraiment se dégager une philosophie différente selon qu'on oeuvre au niveau de la production ou au niveau de la transformation. À partir de là, j'aimerais qu'on continue de débattre de la question qu'avait posée ma collègue. Lors des négociations, on peut avoir pour objectif une augmentation considérable des exportations actuelles du Canada. Mais, de façon sous-jacente, ne devrait-on pas adopter une philosophie selon laquelle le Canada ne devrait pas devenir dépendant des autres pays pour nourrir ses citoyens? Cela revient un peu à la préoccupation que j'ai perçue de la part de l'Office canadien de commercialisation des oeufs, qui s'inquiète beaucoup des contingentements et du maintien d'une communauté rurale saine. J'aimerais qu'on me parle un peu de ces deux philosophies, s'il vous plaît. Qu'est-ce qu'on veut pour le pays finalement? C'est la question qu'on se pose.

• 1040

[Traduction]

M. Neil Currie: C'est une très bonne question. En ce qui concerne la volonté d'accroître les exportations agricoles, nous sommes parfaitement d'accord. Par l'intermédiaire de notre secteur de la transformation, nous participons à l'établissement de nouvelles exportations à valeur ajoutée, et nous espérons que les producteurs pourront former des alliances avec le secteur de la transformation pour tirer profit de la production aux fins de l'exportation à valeur ajoutée.

Mais il s'agit de considérations macroéconomiques, et une bonification de 40 milliards de dollars ou 40 milliards de dollars d'exportation agricole ne signifie rien pour les collectivités rurales du Canada qui dépendent des entreprises indépendantes qui y sont établies, entreprises auxquelles la gestion de l'offre donne la possibilité d'acheter des intrants locaux et de faire appel au banquier local.

Il est très facile d'établir une exploitation ovocole et peut-être même une exploitation avicole à Medicine Hat, par exemple, laquelle pourrait approvisionner en oeufs tout l'Ouest canadien, à condition que le réseau de distribution nécessaire soit en place. Mais ce n'est pas la politique agricole que nous voulons pour le Canada; nous voulons la petite industrie ovocole diversifiée que nous avons aujourd'hui.

M. Mike Dungate: À mon avis, nous ne pouvons pas perdre de vue la mesure dans laquelle l'ensemble de l'industrie est aujourd'hui interreliée. Tous les intervenants de l'industrie doivent travailler ensemble—les producteurs, les transformateurs, les transformateurs de deuxième niveau et les restaurateurs. Dans la plupart des provinces du pays, on ne retrouve qu'un seul transformateur. Si ce dernier n'est pas concurrentiel, si les agriculteurs ne l'approvisionnent pas en intrants concurrentiels et que le transformateur en question fait faillite, les agriculteurs seront eux aussi acculés à la faillite.

Je vais vous donner un exemple. Lilydale s'apprête à fermer son établissement de transformation de la volaille sur l'île de Vancouver. Sur l'île, on retrouve une petite fabrique d'aliments. Si, sur l'île de Vancouver, il n'y a pas d'établissements de transformation de la volaille, les producteurs de poulet vont partir. Mais les producteurs laitiers et les autres agriculteurs seront aussi touchés parce que, à partir de maintenant, la fabrique de moulée n'a plus la capacité de poursuivre ses activités.

Dans le secteur de l'agriculture, tout est lié. Si nous commençons à éroder le secteur, nous allons un jour perdre la masse critique dont ont besoin nos collectivités rurales, et ces dernières seront acculées à la fermeture. Notre pays s'étend sur un vaste territoire. C'est là la réalité avec laquelle nous devons composer.

Le président: D'accord, je vous remercie.

Monsieur Coderre, vous avez cinq minutes.

[Français]

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Si M. de Valk pouvait revenir, j'aimerais lui poser une question. Saved by the bell! Je suis ce qu'on appelle un urban cowboy, but I eat a lot of chicken and eggs. Quand ma mère était enceinte, elle avait deux rages: elle mangeait beaucoup de poulet et de chips. Cela devrait vous aider un peu.

La souveraineté d'un peuple réside dans sa propre capacité de se nourrir. À la lumière de ce que j'entends, je vois deux philosophies différentes se dégager. D'un côté, on a les vrais producteurs, les gens de la terre, ceux qui travaillent sur le plancher des vaches—comme on dit chez nous—, qui sont là tous les jours et qui nourrissent leurs bêtes. De l'autre côté, on a les transformateurs, qui se servent évidemment des producteurs mais qui appartiennent la plupart du temps à des multinationales américaines. Si mes affirmations sont inexactes, veuillez me le dire; je suis jeune et disposé à apprendre. Monsieur de Valk, comment pouvez-vous dire vouloir protéger les intérêts du Canada alors que la plupart de vos membres appartiennent à des multinationales américaines? Est-ce pour cette raison que vous êtes contre la gestion de l'offre?

[Traduction]

M. Robert de Valk: Eh bien, vous avez commis deux ou trois erreurs.

M. Denis Coderre: Allez-y, dites-moi.

Le président: Pour Denis, c'est une bonne moyenne.

M. Robert de Valk: Premièrement, la plupart de nos membres ne font pas partie d'entreprises américaines; ce sont des sociétés canadiennes. En fait, il n'y en a que deux.

De plus, il est faux de prétendre que nous nous opposons à la gestion de l'offre.

M. Denis Coderre: Vous êtes donc en faveur de la gestion de l'offre.

M. Robert de Valk: Nous faisons partie d'un système axé sur la gestion de l'offre.

M. Denis Coderre: D'accord, vous êtes donc en faveur de la gestion de l'offre.

M. Robert de Valk: Nous faisons partie du groupe ici présent. La gestion de l'offre s'inscrit dans le contexte dans lequel nous travaillons.

M. Denis Coderre: Si je vous demande si vous êtes en faveur de la gestion de l'offre, vous allez donc répondre oui.

M. Robert de Valk: Oui.

• 1045

M. Denis Coderre: D'accord.

Monsieur Dungate, j'aimerais avoir votre réaction, non pas à ma rage, mais à ma déclaration.

M. Mike Dungate: À savoir s'il est favorable à la gestion de l'offre ou non?

M. Denis Coderre: Il l'est. Je me trompe, ou quoi?

M. Mike Dungate: Je suis d'accord pour dire que la plupart de ses membres sont des sociétés appartenant à des intérêts canadiens. Il y a quelques multinationales. Ce sont généralement des sociétés plus petites, dans la mesure où elles ne disposent pas d'abattoirs. Elles ne disposent pas d'une capacité intégrée.

Ses membres n'ont pas la capacité d'acheter notre produit. Ils doivent passer par quelqu'un d'autre. Malheureusement, ce quelqu'un d'autre n'est pas représenté ici aujourd'hui, et il s'agit d'un intervenant clé de notre industrie, parce que...

M. Denis Coderre: Si nous nous débarrassons de la gestion de l'offre, les sociétés américaines auront-elles plus de facilité à s'imposer?

M. Mike Dungate: Si nous nous débarrassons de la gestion de l'offre, il ne sera pas plus facile pour les sociétés américaines de s'imposer puisque, en un sens, nous allons maintenant dissocier la gestion de l'offre et les tarifs. Maintenant que l'article 11 du GATT n'est plus, il s'agit d'une décision fondée sur... Au Canada, nous pouvons avoir la gestion de l'offre si nous n'avons pas de protection tarifaire ou nous pouvons ne pas avoir de protection tarifaire si nous n'avons pas la capacité de réglementer l'offre au niveau national et international. La mesure doit venir des deux côtés. On ne peut avoir une offre illimitée au Canada et ailleurs dans le monde. Les tarifs ont pour fonction de régir le niveau d'accès.

[Français]

M. Denis Coderre: Est-ce que les oeufs veulent répondre?

[Traduction]

M. Neil Currie: Après tout ce qui a précédé, j'ai oublié quelle était la question.

En ce qui concerne l'industrie ovocole, j'aimerais soulever deux ou trois points qui n'ont peut-être pas directement trait à votre question.

Notre industrie diffère quelque peu de l'industrie avicole. Nous entretenons de très bonnes relations avec les transformateurs de deuxième niveau; en fait, la gestion de l'offre leur procure des avantages énormes et leur a permis de connaître une croissance extraordinaire. Nous établissons avec eux des liens directs et, comme je l'ai indiqué, nous créons des alliances avec eux afin de faire partie de l'industrie—dans un très proche avenir, espérons-nous, et—à titre de producteurs, ce qui nous permettra de partager la valeur ajoutée de deuxième niveau.

Je ne peux que répéter et souligner ce que M. Dungate a déjà dit. La gestion de l'offre et la répartition du revenu entre les producteurs d'oeufs de l'ensemble du pays dépendent presque exclusivement de la coopération intérieure et de la gestion de l'offre nationale et internationale. À nos yeux, il s'agit là d'un élément critique.

Le président: D'accord, je vous remercie beaucoup.

Nous allons maintenant passer à M. Borotsik, puis le reste du temps sera partagé entre M. Breitkreuz et M. Hilstrom.

Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Je vous remercie.

Ma question s'adresse aux producteurs d'oeufs. Vous avez déclaré vous intéresser à la question des quotas d'exportation. De toute évidence, votre industrie compose aujourd'hui avec des quotas à l'interne. Comme nous venons tout juste de parler d'un producteur du Manitoba qui s'intéresse aux marchés d'exportation, pourquoi jugez-vous opportun de vous astreindre à des quotas d'exportation? Pourquoi votre industrie ou votre organisation estime-t-elle devoir s'astreindre à des quotas d'exportation?

Si je puis, j'aimerais ensuite poser une question à M. Dungate.

M. Neil Currie: Comme je l'ai mentionné plus tôt, la valeur des produits sur le marché de l'exportation est moindre qu'au Canada; par conséquent, le quota permet de gérer l'offre et l'innocuité du produit en question pour éviter que des producteurs ne tentent en réalité de pénétrer le marché intérieur comme par mégarde.

M. Rick Borotsik: Vous cherchez donc davantage à protéger votre propre organisation...

M. Neil Currie: Oui. Cela fait partie du régime de gestion de l'offre.

M. Rick Borotsik: ...plus que les producteurs qui sont prêts à courir un tel risque. Vous avez vous-même déclaré que le marché d'exportation représentait un risque très élevé.

M. Neil Currie: Oui.

M. Rick Borotsik: Vous ne vous préoccupez donc pas du risque que court l'entrepreneur concerné; ce qui vous préoccupe davantage, c'est...

M. Neil Currie: le risque nous préoccupe au plus haut point.

M. Rick Borotsik: Le risque que vous courez vous-même.

Vous avez présenté un plaidoyer passionné, monsieur Dungate, en faveur des collectivités rurales, et j'en suis fort heureux. Vous avez établi une analogie entre la fabrique d'aliments uniques et tout le reste, l'effet de ruissellement. Je comprends. Je viens moi-même d'une collectivité de tout ce qu'il y a de plus rurale.

Cela dit, pourquoi ne souhaitez-vous pas une augmentation du nombre de producteurs? Franchement, les petits producteurs éprouvent de la difficulté à obtenir des quotas—ou, du reste, un producteur sans quota, un petit producteur de la catégorie 499 qui élève des poulets. Pourquoi ne voulez-vous pas accroître le nombre de producteurs qui accèdent à l'industrie, plutôt que le réduire comme c'est le cas aujourd'hui? Le marché des producteurs est très petit, protégé. Pourquoi ne voulez-vous pas que le nombre de producteurs augmente?

M. Mike Dungate: Simplement parce que j'ai ici un petit aide-mémoire pratique...

M. Rick Borotsik: Parfait, j'ai posé la question; je m'attends à avoir une réponse.

Le président: Ne le ratez pas.

M. Mike Dungate: Très bien.

M. Rick Borotsik: J'aimerais entendre la réponse.

M. Mike Dungate: Au cours des quatre dernières années, notre nombre a été relativement stable, mais, au cours de la dernière décennie, il a augmenté d'environ 25 p. 100.

• 1050

M. Rick Borotsik: Pourriez-vous me donner des chiffres? Que cela signifie-t-il?

M. Mike Dungate: Nous sommes passés d'environ 2 100 exploitations à environ 2 800. Il s'agit du nombre de détenteurs de quotas dans le domaine du poulet.

J'ai l'impression qu'il en va de même au Manitoba, de sorte que je vais répondre du point de vue du Manitoba. Dans cette province, le nombre d'exploitations a augmenté de façon assez spectaculaire. Notre système s'est révélé suffisamment souple pour permettre au Manitoba une expansion plus rapide que dans d'autres provinces.

M. Rick Borotsik: Le phénomène s'explique en grande partie par la subvention du Nid-de-Corbeau.

M. Mike Dungate: D'accord, mais c'est le problème de quelqu'un d'autre.

En un sens, nous n'avons fait que nous asseoir à une table. L'un des facteurs de coût les plus importants auxquels nous sommes confrontés—l'un de ceux où nous croyons pouvoir réaliser des économies—a trait au transport des poulets du poulailler à l'établissement de transformation. Il existe une taille uniforme. Les établissements de production doivent avoir au moins une certaine taille pour que le camion qui ramasse les poulets soit plein. Il ne va pas aller, à moitié plein, d'une petite exploitation à une autre. Cela représente des coûts colossaux. Avec l'industrie, nous avons travaillé et tenté d'obtenir que les unités de production soient plus grandes par souci d'efficience. Nous avons tenté de les établir plus près des établissements de transformation.

M. Rick Borotsik: Mais n'est-ce pas là une contradiction? Vous souhaitez que les unités de production soient plus grandes, mais vous venez tout juste de dire qu'on doit préserver l'influence du milieu rural, qui découle en réalité de la présence d'un nombre plus élevé d'unités de production. Ne doit-on pas y voir une sorte de contradiction?

M. Mike Dungate: Les exploitations sont toutes en expansion. Elles le sont toutes.

[Note de la rédaction: Inaudible]... une décision sera prise vendredi.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

M. Rick Borotsik: Nous allons avoir un débat. Voilà qui me plaît.

Le président: Je vous remercie. M. Breitkreuz et M. Hilstrom peuvent partager les cinq prochaines minutes, puis c'est tout.

M. Garry Breitkreuz: Je vous remercie beaucoup.

Je pensais que le cow-boy urbain ici présent allait demander quel effet les négociations commerciales mondiales auront sur ses commettants à supposer que les offices de commercialisation soient éliminés graduellement. Dans quelle mesure le prix des oeufs et des poulets diminuerait-il?

M. Rick Borotsik: J'aimerais vous voir sur une vache sacrée déchaînée, en plein centre-ville.

M. Garry Breitkreuz: De toutes façons, nous allons en rester là.

Vous nous avez dit que les transformateurs canadiens importent de la viande américaine et exportent les produits finis vers les États-Unis, jusqu'en Floride. Voilà qui me semble très intéressant puisque, lorsque cela se produit, le producteur canadien livre directement concurrence aux transformateurs américains, n'est-ce pas? Ils achètent les mêmes bêtes et vendent leurs produits aux mêmes consommateurs. La question que je me pose est la suivante: pourquoi les transformateurs canadiens n'achètent-ils pas des volailles canadiennes?

Je pense que trois facteurs entrent ici en ligne de compte, et j'aimerais vous entendre à leur sujet. Le phénomène s'explique-t-il par les règles relatives au pays d'origine, lesquelles se traduisent par l'imposition d'un tarif ou d'un droit? Est-ce parce que les volailles canadiennes ne sont actuellement pas concurrentielles? Ou encore parce que vous ne pouvez pas obtenir ici ce dont vous avez besoin? Lorsque les décisions sont prises, ces facteurs entrent-ils en ligne de compte? J'aimerais vous entendre à ce sujet parce que c'est là une situation qui m'intéresse au plus haut point.

M. Robert de Valk: Oui, les deux derniers éléments auxquels vous avez fait allusion sont la clé.

Il arrive souvent que nous ayons besoin d'une matière première donnée. Il ne s'agit pas de volaille. S'il s'agissait simplement de volaille, nous n'éprouverions pas de bien grands problèmes. Mais s'il s'agit d'un filet, d'une taille de poitrine donnée ou d'une aile qu'on ne peut se procurer au Canada, nous nous tournons vers les États-Unis.

La compétitivité, bien entendu, est l'autre élément. À l'heure actuelle, nous ne disposons pas d'un programme particulier qui nous permette d'acheter le produit concurrentiel dont nous avons besoin pour exporter, comme les producteurs laitiers en ont un—même si le programme d'exportation s'en rapproche. Nous disposons du programme d'importation aux fins de l'exportation du ministère des Affaires étrangères, lequel nous permet d'être concurrentiel.

Au fur et à mesure que ce marché s'accroît—et lorsque nous aurons franchi la barre des 2 millions de dollars de ventes, puis celle des quatre, cinq, six, sept, vingt et 30 millions de dollars—, les producteurs et les transformateurs canadiens vont, de toute évidence, se montrer de plus en plus intéressés. Nous en convenons, et nous encourageons les discussions qui ont lieu actuellement pour la création d'un programme qui nous permettrait de profiter de la situation, et nous y participons. Ainsi, les transformateurs canadiens auront la possibilité de soumissionner également sur ces besoins en viandes.

Le président: Monsieur Dungate, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Mike Dungate: L'enjeu, ici, c'est, à mon avis, qu'il ne s'approvisionne pas auprès d'une exploitation agricole américaine. Il n'achète pas une volaille. Il s'approvisionne auprès d'un transformateur des États-Unis. Cette situation n'est pas imputable à la gestion de l'offre, et elle n'en est pas le résultat. Elle résulte plutôt du fait que, au Canada, le transformateur indépendant de deuxième niveau doit, au sein du marché, soutenir la concurrence directe du transformateur intégré qui dispose à la fois d'abattoirs et d'établissements de transformation de deuxième niveau.

Le problème d'approvisionnement évoqué par M. de Valk a davantage trait à la question de savoir si le transformateur intégré, à qui nous devons vendre toutes nos volailles, est disposé à vendre des produits à un concurrent qui n'a pas l'avantage d'avoir ses propres abattoirs. C'est à ce problème que nous devons nous attaquer, et non à l'initiative de gestion de l'offre. S'il a un marché, nous allons élever les volailles dont il a besoin.

• 1055

M. Garry Breitkreuz: Il s'est dit favorable à la gestion de l'offre.

M. Mike Dungate: C'est ce que j'ai entendu, moi aussi.

Les voix: Bravo!

M. Garry Breitkreuz: D'accord, nous pourrions nous éterniser sur cette question.

M. Robert de Valk: Voilà qui ne devrait guère vous surprendre. Nous étions ici en 1994, et nous avons dit la même chose. Allons, messieurs.

Le président: Le président cède la parole à M. Hilstrom.

M. Howard Hilstrom: Histoire de conclure sur ce point, le Canada rural va survivre même si on ne retrouve pas un poulailler dans chaque village et dans chaque région rurale. Ce n'est pas une notion qu'il convient vraiment d'invoquer puisque le Canada rural, faute d'un éleveur ou d'un producteur de poulets, s'adapterait et produirait autre chose. Si l'intégration de l'industrie avicole se solde par la création d'unités de production plus grandes, le Canada rural ne subira pas un si grand préjudice.

Il y a environ 350 millions de personnes aux États-Unis. Ici, il en a 30 millions. L'industrie du poulet et de la volaille n'aimerait-elle pas avoir un accès complet à ce marché de 350 millions de personnes, par la libéralisation du commerce bilatéral avec les États-Unis? Je ne sais pas si cela fait partie des accords de libre-échange. Est-ce que ce n'est pas là le but ultime de l'industrie?

M. Robert de Valk: Monsieur le président, nous regardons beaucoup du côté de ce marché parce que nous y voyons des créneaux. Par exemple, en Floride, si nous arrivons à mettre sur le marché un produit destiné à une toute petite partie du marché américain, notre volume augmente substantiellement. Il est certainement vrai que le marché américain est très semblable au nôtre, et, lorsque nous fabriquons un produit pour nos consommateurs du Canada, il y a de fortes chances pour qu'il plaise aussi aux consommateurs américains.

Il existe présentement aux États-Unis des usines de si grandes dimensions qu'on peut y produire, en une heure, des milliers de repas identiques, alors que nous possédons les compétences nécessaires pour produire un repas une certaine heure, et un autre repas, une autre heure. C'est dans ce domaine que nous sommes devenus bons, et nous pouvons cerner des créneaux de marché aux États-Unis et y aller.

Ce qui nous préoccupe, évidemment, c'est que dès que nous commencerons à augmenter nos exportations vers les États-Unis, ils se dépêcheront de trouver des mesures non tarifaires pour que nos poulets ne pénètrent pas leur marché. Présentement, nous entrons librement aux États-Unis. Rien ne nous empêche d'envoyer de la volaille aux États-Unis, mais quand elle en arrive, nous avons des mesures de contrôle.

Nous craignons fort d'être exclus du marché américain. C'est pourquoi je pense que le Canada doit faire un choix dans le cadre de la prochaine OMC. Le choix qui s'offre à nous maintenant, et au sujet duquel nous devons conseiller le gouvernement, consiste à savoir si nous voulons ou non laisser les forces du marché décider de la structure de nos industries soumises à la gestion des approvisionnements. Nous nous trouvons présentement à cette croisée des chemins. Il y a beaucoup de forces en présence dans les marchés, et nous en avons discuté. Le Manitoba est l'une d'elle.

Voulez-vous qu'ils s'occupent du processus d'adaptation, ou que nous nous en occupions? Nous sommes d'accord avec ceux qui disent que nous voulons gérer ce processus de restructuration, plutôt que laisser les forces du marché s'en occuper. Ce qui veut dire, en partie, qu'il faudra éliminer progressivement nos tarifs. C'est compris dans la gestion. Si nous ne touchons pas à la tarification cela veut dire que les forces du marché s'en occuperont.

Le président: Merci. Vous avez le marché à l'oeil. J'ai l'horloge à l'oeil. Pensez-vous pouvoir répondre en trente secondes, monsieur McCormick?

M. Larry McCormick: Monsieur Dungate, ici, en Ontario, certains producteurs d'oeufs et producteurs de poulet pourraient partager les préoccupations de l'industrie laitière, d'après laquelle cette histoire de non-assujettissement à des contingents pourrait contribuer à miner le système de gestion des approvisionnements. Je me demandais seulement si vous aviez un dernier commentaire à ce sujet.

M. Mike Dungate: Je dirai tout simplement, rapidement, que, selon notre politique sur l'exportation, les producteurs réglementés produiront les exportations. La raison en est que nous voulons que toute l'industrie croisse dans son ensemble. Nous ne voulons pas diviser l'industrie et qu'il y en ait qui s'attachent exclusivement à l'exportation et d'autres, au marché intérieur. Si nous voulons poser des gestes et faire des progrès en tant qu'industrie, nous le ferons tous ensemble.

Le président: Merci beaucoup.

Ce sera tout pour le moment. Je voudrais remercier tous ces messieurs.

Les membres prendront une pause d'environ deux minutes, puis nous aurons trois groupes à présenter.

• 1059




• 1109

Le président: Il est temps pour les membres de revenir aux questions; je vous demanderais donc de reprendre vos places. Nous ne pouvons rester ici que jusqu'à 13 heures et nous devons entendre encore trois organisations.

Nous avons avec nous des représentants de l'Office canadien de commercialisation des oeufs d'incubation de poulet à chair, Martine Mercier et Paul Jelley; de l'Office canadien de commercialisation du dindon, le président, John Stolp, et le directeur exécutif, Phil Boyd; et de l'organisation des «Ontario Egg Producers», Henry Koop et Brian Ellsworth. Je crois que ce nom est approprié, coop veut dire poulailler. Nous vous laissons sortir de votre poulailler aujourd'hui et vous pouvez vous promener un peu dans notre basse-cour.

• 1110

M. Howard Hilstrom: Je voudrais soulever une objection; monsieur le président. J'aimerais seulement confirmer ce qui a été dit dans notre conversation en dehors du comité, c'est-à-dire que ma motion concernant la tenue d'audiences sur la question du revenu a été adoptée intégralement.

Le président: C'est bien ce que j'ai compris, mais je vérifierai auprès du greffier.

M. Howard Hilstrom: Pourriez-vous confirmer qu'elle a été adoptée intégralement?

Le président: Oui.

M. Howard Hilstrom: Merci beaucoup.

Le président: Votre motion a été adoptée et la première rencontre aura lieu mercredi prochain entre 15 h 30 et 17 h 30.

Si vous me laissez le choix, je commencerai par un représentant de l'Office canadien de commercialisation des oeufs d'incubation de poulet à chair. Puisque vous connaissez la façon de procéder, madame Mercier, nous vous donnons d'abord la parole, puis ce sera le tour des deux autres représentants. Nous passerons ensuite aux questions. Veuillez commencer, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Martine Mercier (présidente, Office canadien de commercialisation des oeufs d'incubation de poulet à chair): Merci, monsieur le président. Je vous félicite pour votre présidence.

Je suis très heureuse de pouvoir représenter mes quelque 300 collègues producteurs d'oeufs d'incubation, secteur qui représente environ 168 millions de dollars par année.

Avant d'entrer dans le vif du sujet qui nous occupe aujourd'hui, j'aimerais vous dire que les conditions actuelles du marché des oeufs d'incubation montrent clairement que la gestion de l'offre fonctionne très bien, qu'elle profite aussi bien consommateur qu'au producteur. On en a un peu parlé tout à l'heure.

Étant donné les conditions serrées du marché américain, nous avons des preuves qu'on importe aujourd'hui du produit américain au prix d'environ 7 à 8 $ US la douzaine. Pendant ce temps, malgré l'offre serrée, notre prix au Canada reste à environ 3 50 $ CAN la douzaine. À notre avis, cela prouve clairement que la gestion de l'offre fonctionne dans les deux sens.

Étant donné le chaos qui règne sur les marchés financiers à l'heure actuelle, il est sage de s'assurer des bases solides, de veiller à ce que les règles soient en place. Comme le ministre des Finances l'a dit récemment, tout le monde est trop occupé à mettre en oeuvre la mondialisation pour consacrer du temps à la faire fonctionner.

Nous estimons que la situation est la même dans le secteur agricole. L'accord de l'OMC de 1994 a donné lieu à de curieuses règles, peu équilibrées. Par exemple, un pays qui n'a pas un intérêt direct dans un secteur peut en poursuivre un autre devant le tribunal de l'OMC. Il suffit de penser aux États-Unis, qui ont eu gain de cause lorsqu'ils ont demandé à un panel de l'OMC si l'Union européenne devait acheter ses bananes des pays des Antilles ou de ceux de l'Amérique latine. Les États-Unis n'ont aucun intérêt direct dans ce secteur. Il y a ensuite l'accord de Blair House, qui se trouve être le résultat final de l'Uruguay Round. C'était au départ une entente bilatérale à laquelle nous avons finalement adhéré.

Je reviens d'une rencontre des dirigeants agricoles de l'Union européenne et de l'Amérique du Nord, où on a appris que ni les Américains ni les Européens ne seront vraisemblablement prêts à négocier selon le calendrier prévu lors de l'Uruguay Round, c'est-à-dire en 1999. Les experts américains en matière agricole disent que la démarche accélérée ne verra pas le jour avant 2001. Les dirigeants agricoles européens indiquent que la réforme de la Politique agricole commune sera au minimum prolongée jusqu'à l'automne 1999 et peut-être plus.

Il semble donc que le Canada aura plus de temps pour formuler sa politique commerciale. Pour la prochaine série de négociations, nous encourageons le Canada à se fixer des objectifs et à les annoncer au secteur primaire. Nous pouvons ainsi espérer être mieux placés qu'en 1993. Les preuves sont en fait quelque peu accablantes. Le monde accède librement ou presque aux volumes d'accès minimum des secteurs sensibles canadiens. Pendant ce temps, l'Europe maintient des tarifs qui vont jusqu'à 400 p. 100 de ses engagements quant à l'accès minimum. Les Américains, selon les données les plus récentes, n'en sont qu'à 66 p. 100 des engagements qu'ils ont pris quant à l'accès minimum. Le Canada est à 100 p. 100 ou davantage pour tous ses engagements.

Où veut se situer le Canada en 2020? L'OCDE prévoit que la pénétration des importations agricoles atteindra 20 p. 100 dans les pays de l'OCDE en raison des tarifs peu élevés. Dans le secteur des oeufs d'incubation, nous sommes déjà à 21,1 p. 100. Cette prédiction nous rassure donc quelque peu. Par contre, elle nous nuit par rapport aux secteurs que nous alimentons. Nous aimerions, bien sûr, que le Canada respecte l'engagement qu'il a pris au cours de l'Uruguay Round, ce qui, tout comme les Américains l'ont exigé de nous pour le sucre, devrait réduire leur accès.

Comme on l'a souligné tout à l'heure, cette ronde a donné lieu à 1 366 contingents tarifaires agricoles. Ceux-ci ont été déclarés par 36 pays si l'on considère que l'Union européenne agit comme un seul pays au niveau de la négociation. Le Canada n'en a que 23. Cela représente 2 p. 100 du total.

• 1115

Certains prétendent qu'il est difficile d'être protectionniste et libre-échangiste à la fois. Si c'est vrai, ceux qui sont responsables de 98 p. 100 des contingents tarifaires qui ont résulté de cette ronde devraient avoir plus souvent des crises de schizophrénie que le Canada.

Les États-Unis ont 24 contingents tarifaires pour le lait, le Canada 11. L'Union européenne en a 24 pour les viandes, le Canada 4. Le Canada n'a pas de contingent tarifaire pour les fruits et légumes, les États-Unis en ont 24.

Le meilleur exemple des deux visages du commerce se trouve sans doute dans le Inside US Trade paru il y a quelques années. Sur une page, il y avait un article dans lequel le représentant commercial américain criait victoire parce qu'il avait obtenu que le Japon ouvre son marché aux tomates américaines. Sur la suivante, on disait que les États-Unis envisageaient une série de mesures pour protéger les producteurs de tomates de la Floride d'une augmentation nette des importations mexicaines. Les États-Unis ont depuis conclu un accord de commerce administré pour protéger les producteurs de Floride. Ce n'est pas la première fois qu'ils parlent des deux côtés de la bouche.

Quel devrait donc être l'objectif du Canada en attendant cette nouvelle série de négociations? La dernière fois, nous avons essayé d'obtenir des règles du jeu uniformes et nous avons dû nous livrer à une bataille sans fin. Essayer d'obtenir des règles du jeu équitables revient à aller à un match de hockey pour essayer de l'annuler. Vous ne vous donnez aucune chance de boire dans la coupe de Lord Stanley.

Si nous osions nous permettre de proposer un objectif, nous suggérerions que le Canada charge ses négociateurs d'essayer d'obtenir un avantage pour tous les producteurs agricoles canadiens.

Avec cet objectif, le Canada devrait examiner sa stratégie de négociation. Le Canada, avec son gouvernement parlementaire où l'on respecte la discipline de parti, réduit-il l'efficacité de ses négociateurs? Les Américains utilisent clairement à leur avantage le fait que le Congrès doit accepter par un vote toute transaction commerciale. Au Canada, nous avons une directive du Cabinet pour aller négocier, et l'approbation du Cabinet lorsque toutes les transactions sont terminées. Les dispositions sont alors intégrées dans une loi d'ensemble sur le commerce sur laquelle on vote en fonction de la politique de son parti.

Est-ce une bonne stratégie internationale? Si les Européens et les Américains ont recours à une autorité supérieure, le Canada ne devrait-il pas en faire autant? La solution serait peut-être un vote libre à la Chambre ou des audiences publiques intensives de votre comité, qui devra ensuite faire une recommandation favorable à la Chambre.

Au cours de la mise en oeuvre de l'Accord de l'Uruguay Round, nous avons eu des consultations au sein d'un groupe de travail interministériel en mai 1994 concernant le tarif intermédiaire pour les importations supplémentaires. Nous n'avons plus jamais entendu parler de ce comité. Nous avons compris qu'on ne nous avait pas écoutés en novembre, lorsque la loi relative à l'OMC a été étudiée en première lecture. Comme vous le savez, il est extrêmement difficile d'obtenir des amendements dans cet édifice. Pour cette série de négociations, nous attendons vraiment une disposition pour les tarifs intermédiaires dans la loi d'ensemble sur le commerce.

Il y a un autre aspect que la stratégie canadienne a négligé lors des dernières négociations; c'est le fait de ne pas avoir reconnu le lien naturel qui existe entre la politique fiscale et la politique commerciale. En fait, les producteurs céréaliers du Canada pourront probablement vous dire qu'ils pâtissent toujours des conséquences de cet oubli. L'OCCOIPC avait indiqué en 1993 que le fait de ne pas lier ces deux politiques pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les capacités concurrentielles des agriculteurs. Le Canada a néanmoins quitté Genève en acceptant toute une série de programmes bleus et verts, dont il a ensuite essayé de se décharger, qu'il a tenté d'annuler ou dont il a essayé de récupérer les coûts au cours des trois années suivantes. Pendant ce temps, quelques-uns des principaux concurrents agricoles du Canada augmentent leur soutien en agriculture. On a parlé tout à l'heure des 6 milliards de dollars accordés aux agriculteurs américains dans la loi de finances américaine la semaine dernière. Cette loi montre que le découplage ne fonctionne pas. Par exemple, le secteur laitier obtient des revenus plus élevés que jamais aux États-Unis, mais le Congrès a quand même décidé de lui accorder un petit 200 millions de dollars.

C'est pourquoi, au cours de ces négociations, le Canada doit insister pour poser des fondations solides. Si le Canada n'est pas prêt à payer, il vaudrait mieux qu'il lutte pour empêcher que les autres aient la capacité de le faire. Le Canada doit absolument récupérer ce qu'il a perdu au cours de la dernière série de négociations. Il doit au minimum ne pas bouger tant que les autres ne l'auront pas rattrapé.

Les producteurs d'oeufs d'incubation sont un peu comme les équipes de la Ligue nationale de hockey canadienne. Nous ne doutons pas de notre capacité de nous mesurer aux autres. Nous savons aussi que nous sommes dans la même situation que les équipes de hockey et que notre incapacité de le faire est due à des facteurs que nous ne maîtrisons pas. Nous produisons tout autant et même davantage d'oeufs d'incubation par poulailler que les Américains. Nous sommes tout aussi efficaces. Nous sommes tout aussi productifs. Mais il se trouve que, comme vous, nous habitons au nord. Le coût de construction d'un bâtiment agricole américain, par exemple, est exactement la moitié du nôtre. Ils ont des intervalles de 16 et 24 pieds entre leurs pièces de charpente, alors que chez nous, c'est aux 24 pouces.

• 1120

Nos homologues du sud ont un rendement horaire de 6,37 $ dollars pour leur main-d'oeuvre. Nos enfants qui travaillent dans la restauration ou des magasins de détail font aussi bien et même souvent mieux, sans avoir quoi que ce soit à investir dans leur travail. Lorsqu'il formulera sa politique commerciale, le Canada devra se demander quel genre de pays il veut, quelles occasions il souhaite avoir et quel type de politique commerciale et sociale il désire vraiment.

Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, madame Mercier.

Nous laissons maintenant la parole à un représentant de l'Office canadien de commercialisation du dindon, M. Stolp.

M. John Stolp (président, Office canadien de commercialisation du dindon): Je remercie le président et les membres du comité. Lorsque nous en serons à la période de questions, Phil Boyd, notre directeur exécutif, et moi-même, ferons de notre mieux pour tenter de répondre aux questions.

Pour commencer, au nom des 600 producteurs de dindon enregistrés, des 2 300 personnes qui travaillent en production et en transformation ainsi que des milliers d'autres Canadiens qui tirent un avantage direct des ventes de détail atteignant 520 millions de dollars, l'Office canadien de commercialisation du dindon—je l'appellerai OCCD—aimerait remercier le comité permanent qui lui donne aujourd'hui l'occasion d'exprimer son point de vue sur le commerce agricole et sur la politique concernant l'agriculture et l'agroalimentaire.

Au départ, l'OCCD est une organisation de producteurs, comprenant huit membres provinciaux, à qui se sont ajoutés, par proclamation, trois membres—deux producteurs primaires et un transformateur secondaire. Nous avons joint à notre mémoire, pour consultation ultérieure, la position de l'OCCD quant à la politique commerciale pour la prochaine rencontre de l'OMC, position que nos onze membres ont adoptée unanimement en mars dernier.

La vision de l'avenir de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire est une question qui est au coeur des valeurs de l'OCCD. En tant qu'organisation de producteurs, nous nous sommes engagés à participer au partenariat avec les autres intervenants de notre industrie. Nous nous attachons à garantir que la croissance d'une industrie compétitive sera soutenue de façon équitable par les intervenants de tous les niveaux de l'industrie. Nous nous sommes engagés à maintenir un système de commercialisation qui met de l'avant un secteur de production viable et qui contribue à une économie rurale forte.

L'agriculture, c'est une industrie. C'est une très grosse industrie. Aux États-Unis, l'industrie de la volaille est contrôlée par des entreprises agroalimentaires entièrement intégrées, avec un seul centre de profit, et dont tous les profits sont versés aux actionnaires, qui n'ont, pour la plupart, jamais mis le pied sur une ferme familiale. Au Canada, l'agriculture est aussi une industrie, mais c'est plus que cela; c'est un mode de vie. Contrairement aux autres industries canadiennes, elle repose sur un grand nombre de fermes familiales, qui ont chacune un impact direct sur leur économie rurale locale.

La majeure partie de la production commerciale de dindon se fait dans huit provinces, ce qui exclut l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve. En janvier 1997, la production de dindons a généré des recettes d'environ 260 millions de dollars pour les fermes. De ce montant global, environ 165 millions de dollars ont servi à l'achat d'aliments pour animaux, soutenant directement à la fois les exploitants de provenderies et les producteurs céréaliers de partout au pays. Approximativement 33 millions de dollars ont été déboursés pour l'achat de dindonneaux ou de poussins nouveau-nés, ce qui, encore, soutient les Canadiens des régions rurales qui travaillent dans les 19 couvoirs à dindon enregistrés.

Mais cette question ne concerne pas seulement les régions rurales; elle concerne aussi les régions urbaines. Je tirerai mon exemple de ma propre ferme, si vous le permettez. J'ai feuilleté mes reçus de l'an passé et j'ai vérifié les adresses des endroits où j'ai acheté des immobilisations. Par exemple, je me suis rendu à Ingersol pour l'achat d'équipement de conditionnement. Pour mes nouvelles granges, j'ai utilisé de l'acier provenant de Hamilton ou de Nanticoke. J'ai utilisé les services des laboratoires de Guelph pour faire effectuer des analyses de sang et pour obtenir d'autres services vétérinaires. Pour mes outils, je fais affaire avec un négociant de Caledonia. Nous parlons toujours de la force et de l'importance de l'économie rurale, mais si l'économie rurale est forte, elle contribue aussi à l'économie urbaine. Cette vision de l'avenir fait partie des valeurs au coeur de l'OCCD, et ces exemples viennent le prouver. C'est une vision que nous aimerions voir partagée.

• 1125

Soyons clairs: notre vision ne nous empêche pas de négocier des règlements commerciaux plus justes, ni d'accroître nos exportations—nos exportations représentent environ 13 p. 100 de la production totale pour notre secteur—, nos activités de transformation et nos activités à valeur ajoutée ou d'atteindre des taux de croissance à deux chiffres. La question qu'il faut se poser, c'est comment réaliser ces objectifs sans sacrifier la façon de vivre actuelle des Canadiens en région rurale, et sans s'aligner sur le modèle de la chaîne de montage ou du travail par contrat qui domine les relations entre les producteurs et les industries de transformation aux États-Unis.

Pour que les systèmes ordonnés de commercialisation fonctionnent de façon efficace, il faut imposer une discipline à la fois au pays et à la frontière. Après s'être soustrait à l'application de l'article 11 sur les tarifs, lors de l'Uruguay Round, le Canada ne devrait pas faire volte-face et renoncer encore une fois à ce droit au cours des prochaines négociations de l'OMC.

Nous pensons qu'il ne faut pas voir la libéralisation du commerce des produits agricoles comme une fin en soi. Le Canada devrait soutenir les accords sur l'agriculture seulement s'ils ont pour résultat un meilleur fonctionnement des marchés internationaux et qu'ils contribuent à la bonification du revenu des fermes, des profits et du rendement pour les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Malheureusement, la libéralisation a fait l'objet de négociations dans le cadre de l'Uruguay Round. Les objectifs essentiels, c'est-à-dire l'augmentation du revenu des fermes et la stabilité des marchés internationaux, n'ont pas vraiment été réalisés.

Le marché, ce n'est pas une panacée. Si c'était le cas, nous ne demanderions pas aux gouvernements de réglementer sa conduite grâce à, par exemple, une politique sur la concurrence et des lois antidumping. Afin de garantir le fonctionnement approprié des marchés agricoles primaires au pays et ailleurs dans le monde, il est essentiel que les producteurs de l'industrie primaire puissent choisir de travailler en collectivité. À l'avenir, les accords commerciaux devront tenir compte du rôle que jouent les offices de commercialisation soumis à la gestion de l'offre et les autres institutions collectives de commercialisation dirigées par des producteurs pour protéger les intérêts des producteurs et pour contribuer à la stabilité du marché dans le contexte de marchés internationaux incertains.

La fonction et le rôle des coopératives agricoles et des autres institutions collectives de producteurs, y compris des systèmes de mise en marché soumis à la gestion de l'offre, doivent être respectés. À l'avenir, les accords commerciaux devront établir clairement le droit des nations d'accorder à de tels organismes les pouvoirs législatifs nécessaires pour réglementer la production et la commercialisation des produits agricoles et assurer le fonctionnement d'un organisme central de ventes pour la mise en commun du rendement. Cela concerne aussi directement la question des tarifs en tant qu'outil pour maintenir l'ordre dans le marché intérieur.

La libéralisation du commerce international a aussi permis de faire voir les lacunes au chapitre des normes et des pratiques élémentaires en ce qui a trait à l'environnement, à la santé et à la sécurité et au bien-être des animaux, dans les pays industrialisés et dans les pays en développement. Étant donné l'impact de ces normes sur les coûts, pour les producteurs et pour l'industrie, et sur l'accès au marché, il est essentiel d'établir, en même temps que des normes internationales, des règles claires pour la mise en application des mesures commerciales de l'OMC qui visent à les faire respecter. Cependant, en attendant que de telles normes et règles soient élaborées, il faudra permettre aux pays d'agir unilatéralement pour décider si leurs produits répondent aux normes intérieures et si les importations sont, elles aussi, sans danger pour la santé.

Il est essentiel que les engagements que l'OMC a négociés dans le cadre de l'Uruguay Round soient tous mis en place dans les pays membres; que les programmes des autres pays qui touchent le soutien intérieur, les achats par le gouvernement, les crédits à l'exportation et la promotion des exportations sous forme d'aide alimentaire qui n'ont pas fait l'objet d'engagements quant à leur réduction au cours de l'Uruguay Round soient soumis à une évaluation exhaustive; et que des règlements efficaces quant à l'utilisation de ces programmes soient élaborés afin d'empêcher que de telles mesures ne servent de subsides déguisés.

Il faut reconnaître que, dans certains secteurs, une plus grande priorité devra être accordée à l'élaboration de normes sanitaires et phytosanitaires qui correspondent aux normes de l'OMC, à d'autres aspects techniques des freins au commerce, à la mise en application de recours commerciaux et à la mise en place complète des accords de l'Uruguay Round. Cela servira mieux la libéralisation du commerce et l'accès accru au marché que l'élimination supplémentaire de tarifs.

• 1130

Je dirai pour conclure, monsieur le président, que, au cours des prochaines négociations commerciales de l'OMC, le gouvernement fédéral devra se concentrer sur l'élaboration de règles commerciales plus justes, et non sur des règles plus libres ou sur la libéralisation accrue du commerce. Cette position doit permettre aux pays de donner à leurs producteurs le moyen et le pouvoir réglementaire d'agir collectivement pour neutraliser l'augmentation de la concentration du pouvoir de marché entre les mains des intervenants en aval de la chaîne agroalimentaire.

Contrairement à d'autres secteurs de l'économie, au Canada, l'agriculture est extrêmement diversifiée, sur les plans régional et structurel. Cette diversité doit être fermement appuyée dans la position que négociera le Canada à l'occasion des prochaines rencontres de l'OMC.

Enfin, cette position doit être jugée digne de foi par les agriculteurs, quels que soient leurs produits ou leurs entreprises. Elle devra chercher à renforcer l'économie rurale, et lui permettre d'être moins dépendante des grandes mégacorporations complètement intégrées.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Stolp.

Nous donnons maintenant la parole à M. Koop qui parle au nom de l'Ontario Egg Producers. Merci beaucoup, vous pouvez commencer.

M. Henry Koop (président, Ontario Egg Producers): Merci, monsieur le président et bien le bonjour aux membres du comité. Mon nom est Henry Koop, et je suis président de la Ontario Egg Producers. Et non, je n'ai changé ni mon nom ni mon prénom pour occuper cet emploi.

Je suis un producteur d'oeufs, et je suis venu aujourd'hui avec M. Brian Ellsworth, notre directeur général. Je dois aussi vous dire que notre exposé se fera en anglais. Nous avons avec nous Laurent Souligny, un producteur de l'Ontario et un membre de la Commission. Si vous désirez lui poser des questions en français, n'hésitez pas, il se fera un plaisir de nous aider.

Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est donnée d'exprimer notre opinion sur la position du Canada, à l'aube de l'an 1999. Puisque les oeufs sont un produit agricole important, les Ontario Egg Producers sont particulièrement intéressés par les résultats des prochaines négociations.

Nos producteurs offrent aux consommateurs de l'Ontario une qualité supérieure ainsi que des prix abordables et prévisibles, sans aucune aide monétaire du gouvernement. Le système que nous avons adopté fonctionne, et il fonctionne bien. Notre organisation comprend 458 producteurs d'oeufs réglementés et 177 producteurs de jeunes poulets, qui comptent pour 40 p. 100 de la production totale des oeufs au Canada, soit une proportion considérable.

Notre mandat consiste à fournir aux consommateurs des oeufs de qualité supérieure à des prix raisonnables. Nous y arrivons par une gestion efficiente de la production et de la mise en marché des oeufs, ce qui permet aux producteurs de recevoir leur juste part du rendement de leur travail et de leurs investissements. La plus grande partie des oeufs, en Ontario, proviennent des fermes familiales de nos membres—de gens comme Bryan et Mary Grace Durst, de Clinton, et Elwyn Embury et sa fille Pauline, de Newburgh.

En Ontario, un troupeau de volaille moyen comprend 15 000 volatiles. Notre industrie emploie 3 000 personnes dans les postes de classement, les usines de cassage d'oeufs, les entreprises de provenderie, les couvoirs et la transformation des aliments, ainsi que pour la commercialisation, l'éducation et la recherche, la transformation et le transport. L'industrie des oeufs contribue fortement à l'économie de l'Ontario, et son impact est d'environ 300 millions de dollars chaque année. En 1986, les Ontario Egg Producers ont créé une chaire de recherche en génétique des oeufs à l'Université de Guelph, afin de promouvoir des façons nouvelles et meilleures d'utiliser les oeufs, un projet mixte coordonné par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. De plus, on remet chaque année à un étudiant de cycle supérieur une bourse pour la recherche sur la volaille.

En plus de passer du temps à travailler à leur ferme, les producteurs de l'Ontario sont très intéressés à ce que les consommateurs connaissent et comprennent les activités agricoles. Des gens comme Carolynne et Art Griffiths, de Alvinston, ou Ken et Geri Rounds, de Elmvale, vont souvent, bénévolement, expliquer aux écoliers en quoi consistent le travail à la ferme et l'agriculture. À l'occasion de foires communautaires, ils installent aussi des stands, ce qui permet aux consommateurs de leur poser des questions et d'en apprendre plus sur l'industrie. Toutes ces activités permettent aux producteurs non seulement de fournir un produit, mais aussi d'éduquer le consommateur. Ce ne sont pas que des fermiers, ce sont des ambassadeurs.

• 1135

J'aimerais prendre quelques minutes pour vous décrire notre industrie et notre commerce.

Au Canada, la production d'oeufs se fonde sur des prévisions de la consommation annuelle nationale qui est répartie par provinces. En 1997, les producteurs d'oeufs ont fourni 430 millions de douzaines d'oeufs pour les consommateurs et les marchés des aliments transformés. Les producteurs de l'Ontario ont fourni 40 p. 100 de ces oeufs, soit 172 millions de douzaines. On a ensuite permis aux autres pays, principalement les États-Unis, d'exporter 16 millions de douzaines d'oeufs au Canada. Ce procédé typiquement canadien permet de garantir que la demande du consommateur est satisfaite, que le Canada est autosuffisant au chapitre de la production d'oeufs et que le système n'est pas touché par les fluctuations du marché des devises.

Présentement, les accords prévoient qu'on peut importer jusqu'à 5 p. 100 des oeufs consommés au Canada. Une fois ce volume atteint, toutes les importations d'oeufs ultérieures seront soumises à un niveau tarifaire, de façon à ce que le marché canadien des oeufs ne soit pas envahi par les oeufs de l'étranger. Le Canada est un marché relativement petit, en ce qui concerne les oeufs, et les grands fournisseurs étrangers pourraient donc très facilement combler une partie ou la totalité de nos besoins. Il y a par exemple, en Ohio, deux entreprises dont l'une possède un troupeau de 10 millions de volatiles et l'autre, un troupeau d'environ 8 millions. N'oubliez pas que le troupeau de l'Ontario est de 15 000 volatiles, et que les deux entreprises américaines pourraient donc, à elles seules, approvisionner le marché canadien.

En 1994, un niveau tarifaire minimum, pour les oeufs importés, a été établi à 192,3 p. 100. Ce niveau a été ramené à 163,5 p. 100 pour 2001. Les Ontario Egg Producers ont accepté de se soumettre à ces barèmes tarifaires.

M. Brian Ellsworth (directeur général, Ontario Egg Producers): J'aimerais maintenant exposer au comité les grandes lignes de la position que nous aimerions voir le Canada adopter à Genève.

Les Ontario Egg Producers reconnaissent et respectent les engagements pris par le Canada en vue d'une participation active aux discussions de l'Organisation mondiale du commerce, en 1999, mais il faut que les échanges commerciaux soient justes et équitables pour tous les partenaires. Nous reconnaissons que les objectifs du commerce international sont d'accroître l'accès au marché et de réduire les tarifs, et les Ontario Egg Producers ont accepté ce fait et se sont adaptés aux changements convenus en 1994.

Nous tenons aussi compte du fait que le Canada doit participer aux négociations portant sur ces dispositions de façon à tenir les engagements pris envers la communauté commerciale internationale. Cependant, le gouvernement ne doit pas prendre de nouveaux engagements avant que ses partenaires commerciaux ne s'acquittent, à l'exemple du Canada, de leurs engagements de 1994. Les accords commerciaux internationaux seront équitables si tous les partenaires tiennent leurs engagements.

Nos producteurs d'oeufs peuvent combler les besoins de leurs consommateurs et nourrir les citoyens du pays. Nous ne devons pas permettre aux autres pays de nous couper l'herbe sous le pied dans ce domaine. Toute augmentation de l'accès aux marchés canadiens mènera sans aucun doute possible à un accroissement de l'approvisionnement en oeufs de l'étranger. Le Canada ne doit pas accepter de devenir dépendant des autres pays quand il s'agit de nourrir ses propres citoyens. Saturer les marchés équivaudrait à obliger nos propres producteurs à se retirer des affaires.

En Ontario, la plupart des oeufs proviennent de petites exploitations agricoles familiales. Les Américains, les plus gros importateurs, produisent leurs oeufs dans de grandes entreprises d'exploitation intégrées. On ne peut comparer ces deux systèmes, entre lesquels la concurrence ne peut être juste. Il est possible qu'une entreprise de l'Ohio comble nos besoins, mais voulons-nous vraiment devenir dépendants de fournisseurs américains? Prenez par exemple Eugene et Irma Baumlisberger, des producteurs de Grand Valley. Ils ne veulent pas devenir dépendants, et selon les sondages, les consommateurs non plus. Il faudra donc respecter et protéger la population des régions rurales de l'Ontario lorsque nous négocierons les dispositions sur l'accès au marché.

Il ne faut pas que la qualité et l'innocuité des oeufs soient compromis. Le Canada a établi les normes les plus élevées en ce qui concerne la qualité et l'innocuité de nos oeufs. On ne peut pas laisser entrer au Canada des produits qui ne répondent pas à nos normes élevées. Les consommateurs ont confiance dans la qualité et l'innocuité de leurs oeufs, et il ne faut pas ébranler cette confiance. Tous les producteurs de l'Ontario doivent soumettre leurs troupeaux à des tests de détection de la salmonelle. Cette mesure, ajoutée à un programme obligatoire d'inspection et de contrôle pour garantir l'innocuité de leur produit, ainsi qu'un contrôle strict des opérations de transformation, de classement et d'emballage par l'Agence canadienne d'inspection des aliments offrent aux consommateurs de l'Ontario la garantie qu'on leur offre la meilleure qualité d'oeufs possible. Il n'existe pas de programme obligatoire semblable aux États-Unis.

• 1140

Nous croyons que le système actuel de production et de commercialisation des oeufs fonctionne. Le Canada a mis sur pied un système unique pour équilibrer l'offre et la demande. Cela veut dire que les consommateurs obtiennent des oeufs de grande qualité à prix raisonnable, et que les producteurs reçoivent leur juste part des revenus.

En Ontario, 635 producteurs d'oeufs et éleveurs de jeunes poulets appliquent un système de commercialisation adapté au consommateur. Nous pouvons combler les besoins des consommateurs de l'Ontario, et nous les comblons. Nous continuons d'apporter des changements afin de devenir encore plus compétitifs. Le système permet aux producteurs de l'Ontario d'être autosuffisants. Nous n'avons pas besoin du filet de sécurité que représente l'argent des contribuables, qu'il provienne du fédéral ou du provincial.

Monsieur le président, messieurs les membres du comité, au cours des prochaines semaines vous entendrez beaucoup de groupes de l'industrie semblables à ceux que vous avez déjà entendus. La tâche que vous avez à accomplir peut être longue et difficile, mais elle est très importante. Les recommandations que vous mettrez de l'avant jetteront, sans aucun doute, les fondements de la position du Canada à Genève.

Votre rôle consiste à tenir compte de l'opinion de tous ces groupes, lorsque vous élaborez une position conforme aux engagements des partenaires commerciaux internationaux du Canada. Mais nous vous demandons aussi de tenir compte des répercussions économiques de vos décisions, dans les années à venir, sur les consommateurs et les producteurs qui composent votre électorat. Tenez compte d'une industrie qui fournit un produit de grande qualité, un approvisionnement stable et un prix raisonnable, sans recevoir un sou d'aide gouvernementale. Nos producteurs sont fiers d'avoir réalisé cet objectif, et ils veulent pouvoir continuer à procéder de cette façon.

Je vous remercie encore une fois de nous avoir permis de comparaître. Nous serions heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur, merci à vous tous de cet excellent exposé.

Avant de donner la parole à M. Hilstrom, qui a une première question, j'ai un commentaire, ou peut-être une question, pour Mme Mercier. Dans votre présentation, vous avez semé le doute quant à la capacité de notre régime parlementaire d'obtenir des accords commerciaux favorables à votre industrie. Vous avez laissé entendre que vous préféreriez peut-être miser sur ce que j'appellerais le régime désordonné du Congrès des États-Unis.

Je dirai que les deux régimes prévoient des audiences équitables. C'est ce que vous trouvez ici, j'espère. Mais au moins, au Canada, dans un régime parlementaire, si vous amenez votre gouvernement à adopter votre position, ou à tout le moins à en adopter l'essentiel, et que le gouvernement est majoritaire, vous avez lieu d'espérer que ce gouvernement reste concentré sur cette position et qu'il la suive de près.

Ce n'est pas le cas à Washington, où l'administration ne peut pas mettre ses propres idées de l'avant. Il faut qu'elle tienne compte des préférences de la Chambre des représentants et du Sénat. L'administration ne peut même pas signer un traité international; cela relève du Sénat.

J'aimerais vous rappeler qu'il y a quelques mois à peine, M. Clinton a demandé qu'on lui donne rapidement l'autorité nécessaire pour négocier des accords commerciaux internationaux, ce qui lui a été refusé. Quand vous n'exercez pas votre autorité sur tous les voteurs, toutes les propositions peuvent être démolies par le Congrès.

Je dis donc, tout simplement, que lorsque vous laissez entendre que vous êtes favorable au régime du Congrès, je me permets d'exprimer des doutes.

Voulez-vous ajouter quelque chose? Sinon, je donnerai la parole à M. Hilstrom.

[Français]

Mme Martine Mercier: Je ne mettais pas en doute tout le système canadien. C'étaient des questions que je posais à la suite des dernières négociations. Quand on voulait informer nos négociateurs, on disait: «On ne peut pas aborder cela parce que les Américains vont le refuser.» À partir du moment où il était certain que l'ensemble des Américains le refuseraient, cela ne passait pas. C'est dans ce sens-là qu'on pose une question. Si le reste des négociateurs savaient que le Canada, pour telle ou telle raison, ne pouvait pas l'accepter, pourquoi ne nous appuierions-nous pas là-dessus, nous aussi? Si cela ne fera pas l'affaire du Canada, cela ne donne rien d'essayer d'amorcer la négociation. Cela ne passera pas. C'était dans ce sens-là. Je ne remettais pas en cause l'intégrité des négociateurs.

[Traduction]

Le président: Bien, merci. Je crois que cela apporte bien des éclaircissements. Merci beaucoup.

Monsieur, Hilstrom, vous avez sept minutes.

M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.

Vous avez établi très clairement que le gouvernement en place a le pouvoir absolu de décider de réagir rapidement ou non, dans quelque dossier que ce soit.

• 1145

Pour commencer, j'aimerais donner à chacun de vous l'occasion de dire à peu près oui ou non; si, à titre de représentant de l'industrie ou au nom de votre industrie, vous aviez le choix, ne préféreriez-vous pas ne même pas vous présenter à la table de négociation? N'aimeriez-vous pas mieux que votre industrie ne soit pas touchée par les discussions à venir? Vos exposés laissent très clairement entendre que vous voudriez que rien ne soit changé à vos façons de faire. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit? Voudriez-vous laisser vos représentants faire part de leurs commentaires?

Vous pouvez faire des commentaires. S'il y a quelque chose que vous voudriez changer, dites-nous ce que c'est exactement, afin que nous puissions en parler au gouvernement.

M. John Stolp: Dans notre exposé, je crois que notre plus grande préoccupation est de savoir si la dernière ronde de négociation a donné ou non des résultats. On se pose beaucoup de questions à ce sujet. Ce matin, on a aussi soulevé beaucoup de questions sur le fait que les États-Unis ont, récemment, accordé plus d'argent à leurs programmes.

Est-ce qu'il faut résoudre ce genre de problèmes avant même de décider s'il faut ou non négocier encore plus en profondeur ce que nous avons fait jusqu'ici, en tant que Canadiens, si vous n'êtes pas du tout à l'aise avec ce que les autres membres de cette ronde ont accompli la dernière fois?

M. Howard Hilstrom: Vous préféreriez donc que le gouvernement ne bouge pas jusqu'à ce qu'on en ait fini avec la dernière ronde.

Continuez.

M. Paul Jelley (directeur général, Office canadien de commercialisation des oeufs d'incubation de poulet à chair): Si vous le permettez, à nos yeux, les engagements internationaux, la dernière fois, permettaient un accès minimum de 3 à 5 p. 100. Nous n'avons pas constaté que cela se soit produit, et pourtant, nous permettons un accès de 21,1 p. 100.

Donc, si vous nous demandez d'aller jusqu'à 25 p. 100 pendant que tout le monde reste à 2 p. 100, la réponse sera, évidemment, non. Nous attendrons que le reste du monde nous rattrape. Il nous serait donc indifférent d'être absents de cette ronde, en fait, puisque l'OCDE dit qu'elle atteindra 20 p. 100 en 2020 à cause de tarifs plus bas. Nous pourrions donc gagner du temps et économiser nos efforts, et attendre jusqu'en 2020 que le reste du monde nous ait rattrapés.

M. Howard Hilstrom: D'accord. Je suis content que vous ayez pu exprimer votre commentaire.

M. Brian Ellsworth: En ce qui concerne les travailleurs de l'industrie ovocole, nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que notre gouvernement ne se présentera pas et n'essaiera pas de négocier, et ce que nous essayons de lui rappeler, c'est que notre système fonctionne très bien. Comme le dit le proverbe, ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain.

Nous pensons que cela fonctionne bien. Laissons les choses comme elles sont. Nous nous sommes adaptés depuis la dernière ronde de discussions. Espérons que nous n'aurons pas à nous adapter un peu plus. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que nous pouvons vivre isolés, mais il faut nous assurer que nos partenaires remplissent leurs engagements, eux aussi, avant que vous nous imposiez quelques autres changements.

Le président: Permettez-moi de vous interrompre, mais, pour résumer, vous semblez dire qu'il y a plus à perdre qu'à gagner.

M. Brian Ellsworth: Oui.

M. Howard Hilstrom: Est-ce que je peux céder la parole à mes collègues, s'il vous plaît?

M. Jake Hoeppner: Merci, monsieur le président. Cela devient très intéressant, et j'aimerais répéter qu'à l'occasion des prochaines négociations commerciales nous aurions intérêt à nous coordonner avec les Américains, sinon nous perdrons toute influence au moment d'aborder ces irritants.

J'ai une question pour Mme Mercier. Je l'ai entendue dire qu'il nous restait 2 p. 100 des contingents tarifaires. Quels sont les contingents tarifaires des Américains? Je n'ai pas vu leurs chiffres. Les avez-vous? Si vous ne les avez pas ici, vous pourrez les présenter au comité plus tard.

[Français]

Mme Martine Mercier: Entre autres, dans mon document, on parle de 24 au niveau laitier et de 24 au niveau des fruits et légumes. Je n'ai pas le pourcentage, mais il y en a...

[Note de la rédaction: Mot inaudible] ...en tout.

[Traduction]

M. Jake Hoeppner: J'apprécierais cela. J'aimerais avoir le montant total, pour voir quel avantage les Américains ont vraiment sur nous.

Mon autre question concerne les oeufs d'incubation. On en voit arriver ici au double du prix qu'obtiennent nos producteurs. Est-ce que ces prix étaient justifiés par une pénurie, ou est-ce que ces oeufs donneront un volatile spécifique dont ont besoin nos producteurs?

• 1150

[Français]

Mme Martine Mercier: C'est entre autres dû à une maladie qui est plutôt mondiale, qui s'appelle la leucose. L'autre groupe en a un peu parlé tout à l'heure. Cela a réduit le marché de 3 à 4 p. 100. Quand cette maladie a frappé, elle a frappé une bonne partie des troupeaux, ce qui fait que tout le monde est à court d'oeufs, parce qu'il y a en quand même une quantité minimum qui entre des États-Unis. Ils approvisionnement leur marché en premier. Ils en manquent déjà chez eux. Quand les poulaillers importent les oeufs, ils paient le plein prix, avec la qualité qui va de pair.

[Traduction]

M. Jake Hoeppner: Cela m'amène à la prochaine question.

Vous dites que 200 millions de dollars de leurs programmes de soutien sont allés à l'industrie laitière. Est-ce que c'était à cause du prix du lait, ou parce qu'il y a eu certaines catastrophes au chapitre de l'approvisionnement en aliments pour animaux, dans certaines régions de l'industrie laitière?

M. Paul Jelley: Si l'on se fie à la façon dont l'industrie américaine nous l'a présenté la semaine dernière, c'est parce que le représentant du Wisconsin a décidé qu'il voulait 200 millions de dollars.

M. Jake Hoeppner: C'est une bonne explication.

M. Paul Jelley: L'industrie laitière aux États-Unis affirme qu'elle est aux prises avec des prix records et qu'elle ne sait pas quoi faire avec les 200 millions de dollars, mais ils ont dit, laissez-nous deux ans pour créer une offre excédentaire et nous aurons alors trouvé quoi faire avec les 200 millions de dollars. Ils ont parlé d'un rapport avec les élections.

M. Jake Hoeppner: Ce sont des choses qui sont très irritantes pour le commerce; nous devons nous assurer de bien les connaître et de bien les faire connaître aux Américains aussi, parce qu'ils essaient toujours de nous surprendre avec des choses comme ça. C'est pourquoi je dis que je crois que nous devrions avoir une entente très solide, à l'échelle du continent, sur la façon dont nous allons prendre en main les prochaines négociations commerciales avec l'Organisation mondiale du commerce. Si nous ne faisons pas cela, comme vous le dites, nous perdrons plus que nous gagnerons, et c'est cela qui m'inquiète.

Ma ferme est à trois milles des frontières américaines, et quand je parle à ces producteurs de céréales aujourd'hui, je constate qu'ils font faillite aussi rapidement que nous, même avec le soutien qu'ils obtiennent. Il y a donc des questions très sérieuses à régler entre nous avant de nous présenter devant l'OMC. J'aimerais seulement vous le rappeler.

Il faut maintenant que je quitte la réunion, j'en suis désolé, et je m'excuse. J'ai une autre réunion.

Le président: Merci, monsieur Hoeppner.

Oui, madame.

[Français]

Mme Martine Mercier: Monsieur le président, j'ai expliqué pourquoi le prix américain avait autant augmenté au niveau des oeufs d'incubation. Habituellement, il est un moins élevé qu'au Canada. Ce qu'on voulait démontrer aussi, c'est que, même s'il y a une rareté au Canada, on a choisi de ne pas en profiter pour augmenter nos prix étant donné qu'on a le bénéfice de la gestion de l'offre. On ne veut pas utiliser cela à mauvais escient quand ça pourrait être à notre avantage. C'est ce qu'on a voulu démontrer également ici.

[Traduction]

Le président: Merci.

La parole est maintenant à Mme Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie: D'après vos document et vos propos, il semble y avoir une certaine insatisfaction et certaines inquiétudes quant à la stratégie de négociation qui avait été adoptée antérieurement et quant à ce que sera cette stratégie à l'avenir.

La conclusion du document de l'Office canadien de commercialisation du dindon se lit ainsi:

    d'assurer que le processus de consultation qui précédera le développement de la position du Canada relativement aux négociations de l'OMC soit intégral et transparent;

Il y a toujours aussi le souci de maintenir le secteur primaire canadien, de le conserver et même de l'améliorer. J'ai entendu ce matin un des participants dire qu'il ne fallait pas faire la libéralisation du commerce pour faire la libéralisation.

Dans tout ça, avez-vous des pistes de solution ou des attentes précises face au comité et au gouvernement, qui va négocier?

[Traduction]

M. John Stolp: Je crois que ce qu'on attend, c'est certainement de bien comprendre et de s'assurer que les engagements que nous avons pris dans le passé ont été réalisés. Comme nous l'avons déjà dit, à quoi servirait de négocier des questions et des situations qui pourraient changer la position du Canada, quand vous n'êtes pas du tout convaincu que les autres membres n'en ont pas terminé avec les dernières négociations? Et je crois que, s'il faut avoir une stratégie, ce serait de faire des pressions pour s'assurer que les résultats des dernières négociations ont été vraiment appliqués.

• 1155

[Français]

Mme Hélène Alarie: À vrai dire, c'est un bilan que vous voulez avoir avant qu'on recommence une série de négociations, pour qu'on s'assure que tous les points ont été respectés ou tout au moins pour savoir lesquels ne l'ont pas été.

[Traduction]

M. Brian Ellsworth: J'aimerais dire, en réponse à cette question, que je crois que notre système fonctionne. Pourquoi notre gouvernement devrait-il le laisser tomber, dans les négociations, au profit de quelques autres industries? Je crois que c'est l'aspect le plus important du message que nous voulons vous présenter, à vous, le comité, et nous voulons que le comité insiste auprès du gouvernement sur le fait que nous avons un bon système. Nous avons un système unique.

Pour le commerce des oeufs, j'ai visité beaucoup de pays et j'ai rencontré des producteurs et des transformateurs d'oeufs qui sont émerveillés par notre système, par le fait que les producteurs reçoivent leur juste part des recettes. Mais d'un autre côté, voyez le prix de nos produits en magasin. Le nôtre est l'un des plus bas au pays. Nous sentons que notre système fonctionne, qu'il fonctionne bien, et nous ne voulons pas qu'on y touche. Nous savons que vous devez aller à ces négociations internationales, mais faites attention. N'adoptez pas l'image traditionnelle du Canada, celle du scout, mettez plutôt les cartes sur table dès le départ.

Le président: Monsieur Boyd.

M. Phil Boyd (directeur exécutif, Office canadien de commercialisation du dindon): Merci beaucoup, monsieur le président. Pour faire suite au dernier commentaire, comme vous l'avez certainement laissé entendre en parlant de comprendre l'ensemble de nos points de vue ce matin, il y a beaucoup plus à perdre qu'à gagner.

Comme l'a dit M. Ellsworth, le système fonctionne. En fait, le Canada a fait preuve d'un certain leadership au chapitre des programmes de revenu garanti, comme M. Currie l'a mentionné plus tôt ce matin, en ce qui a trait à la conception de programmes par lesquels les fermiers peuvent subvenir à leurs besoins sur le marché sans avoir recours aux deniers publics.

J'aimerais aussi commenter ce qui a été dit il y a quelques instants par un de vos collègues du comité, selon lequel les producteurs de grains faisaient tous faillite l'un après l'autre, quel que soit le côté de la frontière où ils se trouvent. J'aimerais clarifier la situation. Un certain nombre de nos membres, producteurs de dindon enregistrés, sont aussi des producteurs de céréales. L'opinion de l'OCCD est que le prix actuel des céréales est déplorable, et que le revenu agricole n'est pas suffisant. Et nous avons entendu dire que cela faisait l'affaire du secteur de la transformation. Ces prix ne sont pas suffisants pour la collectivité agricole, et nous n'en sommes pas plus heureux qu'une personne qui ne ferait que la production de céréales.

Qu'est-ce qui est à la base de tout cela? Quel est le lien et qu'est-ce que cela a à voir avec les accords actuels de l'OMC? Je n'ai pas la réponse, mais je crois que le gouvernement devrait y réfléchir lorsqu'il élaborera sa position.

Merci.

Le président: Madame Alarie, il vous reste encore deux ou trois minutes.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Je vais prendre ces deux minutes pour demander à Mme Mercier de nous parler davantage du lien entre la politique fiscale et la politique commerciale, dont M. Boyd a un peu parlé.

Mme Martine Mercier: C'est trop technique pour moi.

[Traduction]

M. Paul Jelley: Je crois que nous avons essayé la dernière fois de faire comprendre aux négociateurs qu'il y a un lien entre la politique financière et la politique commerciale. Nous avons toujours eu la même réponse: «Je m'occupe de la politique commerciale; la politique financière relève des Finances.»

Ce que nous aimerions, c'est faire en sorte que le négociateur commercial communique avec les fonctionnaires des Finances afin de connaître l'offre du Canada au chapitre des finances avant d'aborder les négociations commerciales. Si vous avez en main un portefeuille très épais, il est évident que vous pourrez négocier des accords environnementaux plus importants. Si votre portefeuille est mince, vous devez vous attendre à des accords environnementaux moins importants. Nous avons vu ressortir de tout cela une grande boîte bleue et une grande boîte verte, mais la politique financière ne nous permet pas de nous en servir.

Le président: Merci.

Au tour de M. Calder maintenant. Vous disposez de sept minutes, monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux revenir à la question que j'ai posée au premier tour de table, c'est-à-dire, en fait, au sujet des contingents tarifaires avec lesquels nous travaillons. Mettons d'abord les choses au point: quand nous entamons des négociations commerciales il faut appeler un chat un chat. C'est un système de troc. Vous avez quelque chose, j'ai quelque chose, et nous allons faire un troc.

• 1200

Selon ce que nous a dit Mme Mercier, il existe 1 366 contingents tarifaires pour l'agriculture. Cela a été accepté par 36 pays, si l'on compte l'Europe comme un pays. Si vous faites la moyenne, il existe environ 38 contingents tarifaires par pays, et le Canada n'en a que 23. Cela fait une différence de 15 contingents tarifaires en moyenne. Selon la proposition que j'ai faite tantôt, les négociations commerciales sont un système de troc, et nous sommes donc en déficit de 15 contingents.

Donc, je crois que la question qu'il faut absolument se poser est celle de savoir si, en premier lieu, nous devons en rester là et attendre que les autres nous rattrapent. Avons-nous le pouvoir de faire cela? N'importe qui peut répondre.

[Français]

Mme Martine Mercier: Eh bien, je pense que la réponse est oui. Pourquoi aller plus loin? Cela est un peu relié aux politiques que Paul a expliquées tout à l'heure. Je pense qu'on est toujours fair play. On est toujours très transparents, très ouverts. On s'attend toujours à ce que les autres jouent le même jeu que nous, mais quand on regarde les résultats, on se dit que ce n'est pas tout à fait cela. On sait aussi dans quelle position économique le Canada se situe. Pourquoi suivons-nous des règles aussi ouvertes alors que nous n'avons pas la capacité financière de jouer comme les autres? Si nous n'en sommes pas capables, je pense que nous devons attendre qu'ils soient rendus à notre niveau avant d'aller plus loin. De toute façon, nous n'allons que reculer encore un peu plus parce que nous continuerons toujours d'être transparents et fair play par rapport aux autres intervenants.

[Traduction]

M. Murray Calder: Ce que vous me dites c'est que les États-Unis, qui sont de bons joueurs honnêtes et tout, ont un programme d'encouragement des exportations. Lorsque j'en ai discuté il y a deux ans et demi, Pat Roberts, des États-Unis, m'a dit que ce programme était relégué aux oubliettes et ne serait jamais utilisé. Je lui ai demandé pourquoi il ne l'avait pas tout simplement éliminé. Devinez quoi? Ils l'ont dépoussiéré, il est de retour, et ils s'en servent.

Ils ont aussi mis en place le US Farm Bill, une loi agricole, qui représente 35 milliards de dollars pour sept ans, c'est-à-dire 5 milliards de dollars par année. Ensuite, comme il y a présentement une crise au chapitre des denrées, ils ont décidé d'accorder une aide supplémentaire de 6 milliards de dollars. Alors, en une seule année, ils ont injecté 11 milliards de dollars dans l'industrie agricole, par toutes sortes de moyens. Si nous voulions équilibrer les choses, nous devrions fournir 1,1 milliard de dollars en aide. Il faudrait tout de suite accorder 310 millions de dollars en subsides pour les récoltes, parce qu'ils en ont déjà injecté 3,1.

Je m'excuse, mais je me rappelle à quoi ces négociations ressemblaient en 1993 quand j'ai commencé à y participer, et je ne me sens pas vraiment autant en confiance que vous pour les prochaines. Je serai sincère avec vous. Je m'attache surtout au fait que—même avec l'information dont nous disposons—nous accusons en moyenne un déficit de 15 contingents tarifaires et nous prétendons nous y tenir et laisser les autres nous rattraper. Je ne suis pas tout à fait convaincu.

Je vous ferai aussi part tout de suite d'une autre idée. Je me demande même si, en tant que gouvernement, nous devrions répondre aux États-Unis subside par subside. Il n'est pas nécessairement question d'y attacher de l'argent, mais nous pourrions mettre en place des règlements de façon à pouvoir y attacher de l'argent. Ce serait une possibilité. Nous pourrions alors retourner à la table de troc, qu'on appelle table de négociation, et dire: «D'accord, on oublie celui-ci si vous oubliez celui-là», et ainsi de suite, parce que ça a été à peu près la façon de procéder par le passé.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

[Français]

Mme Martine Mercier: Je ne pense pas qu'on soit en retard par rapport aux autres au niveau des contingents tarifaires. Je pense qu'on est en avance. On en a éliminé plus qu'eux.

[Traduction]

M. Murray Calder: C'est ce que je disais.

M. Paul Jelley: Je dirais seulement que vous avez passé sous silence un des programmes les plus importants dont on se sert aux États-Unis pour la gestion de l'offre, c'est-à-dire le programme de repas pour les jeunes défavorisés dans les écoles—sa valeur est de 19 milliards de dollars. Voilà le programme de gestion de l'offre du côté des États-Unis. C'est beaucoup d'argent. C'est un programme qu'on a oublié de mentionner.

• 1205

Pour ce qui est des contingents tarifaires, si vous faites allusion à un régime où on se les échangerait, le degré est plus important que le nombre. Nous tenons simplement à dire que le Canada ne devrait pas être embarrassé par le fait qu'il a 21 contingents tarifaires. Il existe 1 366 contingents tarifaires en tout; vous n'avez donc pas à en avoir honte. Pour ce qui est du nombre de contingents que nous avons par rapport à eux, je crois que c'est le degré qui importe et la façon de baisser. La façon de baisser est très importante dans le contexte des négociations. Si je me trouve à 300 et que l'autre se trouve à 600, on ne nous fait pas baisser de la même façon. Le 600 baisse jusqu'à 300, et ensuite nous baissons ensemble.

M. Murray Calder: C'est essentiellement ce que je voulais souligner. Le fait qu'ils en aient plus à échanger que nous me préoccupe encore. Encore une fois, nous abordons la question de façon un peu bonnasse: nous sommes gentils et nous marquons simplement le temps, en attendant qu'ils nous rejoignent, même si nous savons très bien que ce n'est pas la façon dont les choses se sont déroulées par le passé.

Permettez-moi de vous dire dès le départ que vous êtes en train de discuter avec un éleveur de poulet. Je veux que cela soit clair. À mes yeux, la gestion de l'offre est une des façons les plus efficientes de procéder, puisque nous avons appris à régulariser le prix à la ferme et, de cette façon, nous avons aussi régularisé le prix de gros. À partir de là, nous avons régularisé le prix de détail, dans le magasin, de sorte que nos denrées—les SM-5—sont parmi les plus abordables que l'on puisse trouver chez l'épicier.

Je regarde tout autour de moi ceux qui ne font pas partie de cela, car ils sont soumis aux cycles des expansions et des ralentissements. Je dis toujours que c'est le «syndrome des trois marches»: lorsqu'il y a surabondance, les prix descendent; lorsqu'il y a pénurie, les prix montent de trois marches pour ainsi dire. Lorsqu'il y a surabondance à nouveau, ils peuvent descendre d'une ou deux marches. Avec chaque cycle, on monte donc d'une marche pour ce qui est du prix de détail.

Le président: J'aimerais obtenir une dernière réponse au cours de ce tour. Je vous en prie.

M. Paul Jelley: Je travaille moi aussi dans le commerce du détail, et je n'ai jamais baissé mon prix de détail parce que le coût de mes intrants était moins élevé. Mes clients ont déjà déterminé qu'ils étaient prêts à payer ce prix. Je ne vais pas baisser leur prix parce que le mien a baissé.

Je suis d'accord avec vous quand vous parlez de votre jeu de cartes: il faut vraiment s'assurer que le Canada mette d'autres cartes dans son jeu où il va finir par en manquer avant tout le monde.

M. Larry McCormick: Je tiens à formuler une objection, monsieur le président.

Le président: Je vous en prie.

M. Larry McCormick: Puis-je simplement demander à M. Jelley de préciser quelque chose? Je suis sûr que tous les participants aujourd'hui sont venus ici pour les bonnes raisons, mais je veux simplement une précision sur ce que vous avez dit à propos du coût des intrants, du coût d'un produit, du fait que vous ne baissez pas vos prix.

M. Paul Jelley: Même dans les restaurants, le coût des intrants monte et descend. Le restaurant doit établir un menu qu'il fera imprimer à X exemplaires X fois par année, ou encore à X exemplaires tous les cinq ans. Les prix demeurent constants, même si le coût des intrants monte et descend.

Le président: Tout juste avant de céder la parole à M. Proctor, je vous demanderais simplement, monsieur Jelley, s'il serait juste de dire que toute ronde de négociations internationales—et cela s'appliquerait, bien sûr, à la prochaine ronde de négociations de l'OMC—doit concerner la libéralisation des échanges commerciaux, l'assouplissement des règles régissant le commerce et l'adoption de mesures qui facilitent les échanges entre les pays? Ce processus, cette quête—si vous me permettez de parler ainsi... dans une certaine mesure, n'est-ce pas tout à fait contraire au principe de la gestion de l'offre? Les deux principes ne sont-ils simplement pas compatibles? Lorsque les pays s'unissent pour libéraliser les échanges commerciaux et qu'ils s'engagent dans les compromis que cela suppose, n'est-ce pas le régime de la gestion de l'offre qui figure parmi les premières victimes?

M. Paul Jelley: Je crois qu'il y a bien des choses qui seraient parmi les premières à être touchées s'il s'agit de faire progresser l'idée de la libéralisation. Il n'y aurait pas seulement la gestion de l'offre. Il y aurait le programme pour le riz au Japon, la Politique agricole commune en Europe, le programme pour le sucre aux États-Unis, le programme pour le coton aux États-Unis et le programme pour le tabac aux États-Unis. Les programmes existants sont nombreux, et tout cela donne 1 366 contingents tarifaires.

• 1210

S'il s'agit donc purement et simplement de libéraliser les échanges commerciaux—et je croyais, au moment où nous avons abordé cela en 1986, qu'il s'agissait d'éliminer les subventions à l'exportation et non pas de s'engager dans une libéralisation du commerce—, c'est que nous avons changé de cap depuis. Aujourd'hui, nous cherchons à libéraliser le commerce.

Je crois encore que c'est du revenu agricole dont on devrait s'occuper. Je ne crois pas que la libéralisation du commerce en elle-même devrait être un objectif, mais certaines personnes en ont fait un. À mon avis, c'est le revenu agricole qui devrait être au centre de cela.

Le président: Merci.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Je vais passer mon tour cette fois.

Le président: M. Borotsik, vous disposez de cinq minutes.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

Je dois admettre que le dernier groupe était un peu plus équilibré. On s'entend un peut trop comme des larrons en foire dans ce cas particulier. J'ai eu l'impression que c'était un peu plus équilibré, mais enfin... je peux m'occuper des autres, lorsqu'ils viendront témoigner devant le comité.

J'ai quelques questions à poser, et le président a un peu abordé le sujet.

En mars 1998, le président de la Commission canadienne du lait, M. Guy Jacob, a eu ceci à dire:

    Nous nous plaisons à croire que cela n'arrivera pas un jour. Cela n'arrivera pas d'ici quelques années, mais cela arrivera certainement un jour.

Manifestement, il parle du fait que les négociations commerciales finiront par éliminer le régime de la gestion de l'offre. En fait, il donne à entendre qu'il est en train de préparer ses producteurs laitiers à l'inévitable.

Je suis assis ici et j'écoute les organisations qui font valoir leur point de vue aujourd'hui, et il me semble que j'entends que l'inévitable, c'est le statu quo, que toutes vos organisations sont parfaitement satisfaites du régime en place et que, pour être franc, elles ne veulent pas de modifications et elles ne sont pas prêtes à en apporter. Qu'en pensez-vous? Pour être franc, cela m'inquiète un peu, car tout cela dépasse peut-être les seules organisations qui ont un intérêt dans cette gestion de l'offre.

M. John Stolp: J'imagine que la question serait: pourquoi est-ce inévitable? Est-ce le seul résultat possible, est-ce que la libéralisation est inévitable? Il n'y a pas de choix ici; à tout prix, la libéralisation doit se faire. Est-ce le seul choix que nous avons?

M. Rick Borotsik: C'était ma question, et vous avez répondu à une question par une autre question.

Présumons... et nous pouvons évidemment voir ce qui se passe sur le marché en ce moment. Nous savons que les Américains nous reprochent notre façon de procéder dans le cas des produits laitiers, avec le 301 et l'OMC. Nous savons que c'est le cas, mais vous dites tous qu'il nous faut aller à ces négociations commerciales et défendre le régime déjà en place, préconiser le statu quo.

Présumons que cela ne peut se faire. Êtes-vous prêt pour l'inévitable, comme le dit M. Jacob, ou restez-vous seulement assis à vous dire que cela ne se produira jamais, que la gestion de l'offre sera toujours là comme elle l'est en ce moment?

M. John Stolp: Ce que je dis, c'est: allez faire valoir, à ces négociations commerciales, que la gestion de l'offre est une très bonne chose pour le pays. C'est une bonne chose.

Est-ce que nous sommes en train de nous préparer à cela en tant qu'industrie? Notre industrie progresse constamment et recherche toujours des moyens d'améliorer sa façon de procéder. Au fil des ans, nous nous sommes penchés sur le coût de la production; nous avons étudié le dossier pour voir où nous en sommes. Cela s'améliore constamment. Ce qu'il en coûte pour produire une dinde et pour l'expédier, voilà une chose qui s'améliore constamment.

M. Rick Borotsik: Mais nous avons entendu dire plus tôt que le prix de détail et le prix à la consommation ne baissent pas.

Permettez-moi de vous donner une autre citation. Nous avons discuté des prix. On laisse entendre à l'heure actuelle que le prix que paient les Canadiens est plus élevé de 44 p. 100 pour le poulet frais entier, de 33 p. 100 pour les oeufs, de 50 p. 100 pour le gallon de lait et de 167 p. 100 pour le beurre, compte tenu de la gestion de l'offre que nous avons sur le marché intérieur. Croyez-vous que ces statistiques, si elles sont véridiques...

M. John Stolp: Où avez-vous obtenu ces statistiques?

M. Rick Borotsik: J'ai trouvé cela, de fait, dans un article du Financial Post.

Vous n'êtes pas d'accord? Êtes-vous en train de dire que vous ne croyez pas ce qui est écrit dans les journaux?

Vous dites que vos prix sont égaux à ceux des Américains. Pouvez-vous le prouver? Pouvez-vous nous montrer des statistiques qui montrent que c'est tout à fait juste?

M. Brian Ellsworth: Oui. Nos prix, dans l'ensemble...

M. Rick Borotsik: Pouvez-vous déposer un document officiellement?

M. Brian Ellsworth: Dans l'ensemble, surtout avec la faiblesse du dollar canadien, nos prix sont égaux et parfois inférieurs aux prix américains, au magasin. Mais l'argument que nous cherchons à faire valoir, c'est que notre régime—et ils ont parlé du revenu agricole, et ce sera pour une autre fois—permet aux producteurs d'obtenir une plus grande part du dollar du consommateur que les producteurs le font dans tout autre pays du monde. C'est ça la beauté de la chose.

Vous voulez savoir ce que nous faisons. Nous ne restons pas là assis à nous plaindre—nous couvrons les deux côtés. Nous demandons aux parlementaires de veiller sur nos intérêts, mais nous disons aussi à nos producteurs qu'ils doivent être plus efficients, disposer de plus grandes unités et moderniser leur équipement. Ils doivent être capables d'en prendre un peu plus, parce que cela se produira peut-être. Il y a les États-Unis au sud, et c'est une menace. Nous disons que nous devons nous adapter en vue de cela, donc nous le faisons.

• 1215

M. Rick Borotsik: Pensez-vous que c'est le cas des éleveurs de dindes?

M. John Stolp: Tout à fait. Comme je le disais, les coûts d'exploitation baissent constamment. Cela en soit indique que nos producteurs s'appliquent toujours à être plus efficients lorsqu'il s'agit de produire.

Restent-ils toujours assis là à dire: voici notre plus grande menace et voici notre prix? Du point de vue des affaires, c'est simplement le bon sens d'essayer toujours de s'améliorer, quelle que soit l'éventualité. Disons que le présent gouvernement tient son bout et dit que nous avons vraiment un bon régime. Nos producteurs auront un bon rendement; nous aurons de bons producteurs, des producteurs qui sont forts. C'est une bonne chose, mais, en dernière analyse, le prix est-il le seul objectif?

Le président: D'accord, c'est terminé.

Merci. Je crois que vous avez déclenché quelque chose là, monsieur Borotsik. J'imagine que vous essayez d'être plus compétitif, ce qui est une bonne chose; vous ne faites pas que veiller à vos seuls intérêts.

Que faire maintenant? Nous céderons la parole à M. McCormick pendant cinq minutes.

M. Larry McCormick: Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames, messieurs, je vous remercie d'être venus ici.

Madame Mercier, je vous demande, et j'imagine que je pose la question à tout le monde ici autour de la table, si en 1998, avec les négociations qui s'en viennent, vous avez l'impression d'avoir eu voix au chapitre jusqu'à maintenant. Je veux que vous le confirmiez avant que nous ne commencions à regarder cela. Ce n'est pas qu'une question politique, même si la présence de mes amis Joe et Rick le ferait penser. Je veux vous demander si vous estimez être en meilleure posture que la dernière fois. Avez-vous l'impression d'avoir participé vraiment aux négociations? On ne peut simplement tourner le dos aux négociations. Croyez-vous que vous allez avoir voix au chapitre? Avez-vous l'occasion de vous tenir au fait de tout cela?

[Français]

Mme Martine Mercier: Oui, parce qu'on va se tenir au courant et continuer d'essayer de vous influencer dans le bon sens.

[Traduction]

M. John Stolp: Le fait qu'il y ait cette démarche ici aujourd'hui me porte à croire que nous avons voix au chapitre. Nos administrateurs disent sans détour que nous avons voix au chapitre. Nous devons dire «oui», nous allons y participer.

M. Brian Ellsworth: Larry, je tiens à vous rappeler que le comité a entendu un de vos présumés négociateurs. Il a parlé de la tournure que prennent les négociations suivant les consignes du gouvernement. Mais je l'ai entendu dire à d'autres moments qu'il nous faut plus d'accès et que nous devrions baisser les tarifs.

Je crois qu'il appartient au gouvernement de s'assurer de l'orientation qui doit être prise et de déterminer ce qu'il est prêt à échanger. Veut-il renoncer à un régime qui fonctionne? Le cas échéant, permettra-t-il aux États-Unis de produire pour nous? Je crois que c'est là une question très importante.

Nous ne sommes pas naïfs. Ce n'est pas parce que nous venons présenter un exposé que le gouvernement va faire exactement ce que nous demandons. Comme vous le dites, il doit négocier, mais ne nous oubliez pas. C'est tout ce que nous demandons. Nous avons un régime qui fonctionne. Nous sommes prêts à changer si ce n'est pas trop. Donnez-nous seulement un peu de temps pour nous adapter.

M. Larry McCormick: Vos observations sont appréciées. Si vous vérifiez les dossiers, vous verrez que nous avons pris à partie le même négociateur qui était ici présent à la réunion le mois dernier pour ce qu'il a dit. Je crois que la réponse obtenue était assez adéquate.

Nous devons vous défendre parce que la gestion de l'offre est très importante au Canada. Il n'est pas seulement question des quelque 72 000 producteurs; c'est toute la face du Canada qui en sera changée. Le fait que vous soyez des gens d'affaires qui connaissent du succès en offrant le meilleur produit dans le monde est très important. En fait, je mets au défi les autres partis politiques: qu'ils nous disent avant que nous continuions s'ils soutiennent la gestion de l'offre comme nous.

Le président: Je crois que M. Boyd voulait dire quelque chose. Larry, si vous êtes d'accord?

M. Phil Boyd: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai trois choses à dire. Je serai très bref.

D'abord, à propos des prix et de la différence entre les prix ici et aux États-Unis, la seule observation que je puisse formule—je n'ai pas encore vu les données, donc je n'en sais rien—, c'est que l'IPC pour une dinde entre 1986 et 1996 s'élevait à 111,4. Pour l'ensemble des denrées alimentaires, c'était 128. Cela nous amène donc à poser la question: les consommateurs canadiens souffrent-ils du prix des denrées alimentaires produites sous le régime de la gestion de l'offre?

• 1220

Ensuite, pour ce qui est de la citation des propos de M. Jacob, de la Commission canadienne du lait, je ne sais pas ce que Les Producteurs laitiers du Canada en penseraient. Je crois qu'ils auraient peut-être une divergence d'opinion, et je crois que ce sont eux, les agriculteurs dont le revenu est au centre de cette discussion particulière.

Pour ce qui est de savoir si nous participons à la démarche, nous sommes tous membres de la Fédération canadienne de l'agriculture. Nous appuyons vivement cette organisation, car elle représente les agriculteurs canadiens. Nous travaillons dur à ce dossier, avec les négociateurs et avec les technocrates du ministère, pour nous faire bien comprendre. Participons-nous donc à la démarche? Oui, nous y participons aujourd'hui et, oui, nous participerons par l'entremise de l'organisation générale de l'agriculture.

Le président: Larry, vous avez le temps de poser une autre question.

M. Larry McCormick: Monsieur le président, une des réponses données concernait une question antérieure; j'apprécie donc le fait que vous me laissiez élaborer à ce sujet.

Il y a bel et bien une crise dans le monde agricole. Nous tiendrons notre première réunion mercredi prochain, je crois, et je m'attends à ce que ça ne soit pas politique—nous allons demander aux gens ce qu'ils en pensent, puisque c'est si important.

Mais le faible prix des denrées—je songe particulièrement aux céréales ici—devrait être, si je m'en remets à la perception que j'ai de la perception du consommateur, profitable à l'industrie ovocole. Nous sommes souvent témoins de prix qui augmentent, mais nous ne voyons jamais de prix qui baissent. J'imagine que M. Jelley parlait de l'industrie de la restauration, mais qu'en est-il des épiceries? Il y a cette baisse importante des prix grâce à la gestion de l'offre. Réagissez-vous, avez-vous réagi, réagirez-vous? Il pourrait y avoir là une occasion.

M. John Stolp: Oui, je crois que le prix que nous avons payé les aliments pour animaux il y a deux ans est probablement le plus élevé que j'ai vu depuis dix ans. Et nous avons pu—grâce à notre régime, avec notre façon de négocier avec l'industrie de la transformation—obtenir une très bonne part de cette augmentation du prix. Sous le régime de la gestion de l'offre, par conséquent, quoi qu'il arrive au coût des aliments pour animaux, nous pourrons nous adapter en conséquence.

Si on regarde du côté du commerce de détail, il est très difficile d'essayer de traduire ce qui nous arrive en ce qui concerne la ferme, ce qui arrive même pour le prix de gros et d'essayer de déterminer ce qui touche le prix de détail. Nous savons tous ce qui arrive lorsque la dinde est mise en vente à l'Action de Grâce à 0,99 $ la livre, au magasin, ce qui n'a rien à voir avec le prix à la ferme, le prix de détail, le prix du transport par camion, ni encore le prix de transformation et le prix du transport par camion. Cela n'a rien à voir.

Conclure donc que ce qui nous arrive à la ferme ou à l'usine de transformation aura un quelconque effet sur les prix de détail...

M. Larry McCormick: Qu'en est-il des oeufs? Est-ce que cela influera sur les oeufs sur le marché, pour mon petit déjeuner?

M. Brian Ellsworth: Essentiellement, nous rajustons le prix pour le producteur tandis que le prix des aliments pour animaux monte ou descend et, ces derniers temps, ils baissent, et nos prix baissent. Mais ceux parmi vous qui font les courses régulièrement sauront que les grandes chaînes pratiquent tous les jours une politique dite de «bas prix», ce qui veut dire qu'elles ne modifient pas le prix. Le revenu de l'agriculteur peut baisser, et il en va de même du prix de la chaîne.

Nous réagissons donc aux coûts, et le fait que nous n'exploitions pas le consommateur est un autre argument en notre faveur. Si vous voulez savoir pourquoi le prix des aliments est si élevé, adressez-vous aux grandes chaînes.

M. Larry McCormick: Merci.

Le président: Merci. Vous avez une minute de plus, monsieur McCormick.

Monsieur Breitkreuz, vous avez cinq minutes.

M. Garry Breitkreuz: Toute cette discussion est très politisée. J'écoute tous les arguments que vous faites valoir. Si, en fait, tous ces arguments ont une quelconque légitimité, pourquoi les autres secteurs de l'industrie agricole ne se précipitent-ils pas pour venir ici demander un régime de la gestion de l'offre pour eux-mêmes?

Le président: Qui veut répondre à cette question?

M. Phil Boyd: Quelques éléments de réponse me viennent à l'esprit, et je crois que votre question est légitime. Nous savons que, du point de vue de la production céréalière, le Canada est un gros joueur. Notre population compte trois millions d'âmes; il serait vraiment difficile pour moi de comprendre pourquoi les cultivateurs céréaliers du pays voudraient limiter leur production pour nourrir seulement les Canadiens. Compte tenu du territoire dont nous disposons, cela n'a aucun sens. C'est un élément de réponse qui me vient à l'esprit.

• 1225

Le deuxième élément de réponse qui me vient à l'esprit concerne le secteur de la volaille, et particulièrement l'industrie de la dinde. Cela a trait à la façon dont les choses se présentent aux États-Unis pour ce qui est de la relation entre les éleveurs et les transformateurs. Il y a une forte tendance, il y a une très forte propension à l'intégration verticale, et cela s'est fait en un laps de temps relativement court. Le choix pour les éleveurs de dindes du Canada c'est de ne pas obéir à ce modèle. Le choix, c'est de maintenir leur indépendance et de se suffire à eux-mêmes grâce au marché et aux prix qui sont établis.

Ce ne sont que deux des éléments de réponse qui me viennent à l'esprit.

M. Brian Ellsworth: J'ai une observation à faire là-dessus—en tant que producteurs ovocoles, nous avons au sein de notre association des producteurs qui s'occupent d'autres denrées.

Il faut faire un peu d'histoire, je crois, pour voir pourquoi le monde de la volaille s'est donné un régime de la gestion de l'offre. Revenons aux années 60. À ce moment-là, les prix montaient au cours d'une année donnée, puis baissaient l'année suivante, de sorte que cela rapportait quelques dollars, puis les affaires baissaient. Et c'était au moment où nous étions seulement actifs sur le marché intérieur. Nous nous sommes demandé s'il n'était pas possible de nous donner un régime qui permettrait de répondre aux besoins sur ce marché intérieur, tout en fixant un prix raisonnable pour le consommateur aussi bien que pour le producteur. C'est ce que notre régime a permis de faire.

Pour ce qui est des autres denrées dont vous parlez—j'oeuvre dans le secteur porcin depuis un certain temps—, je crois comprendre qu'ils soient assujettis à ce cycle. Les choses paraissent bien quand les prix sont élevés. Tout le monde s'engage, mais ensuite, tout le monde s'en va. Ils pensent alors que l'année prochaine sera meilleure, mais cela dépend pour une bonne part de leur marché. Qui est sur leur marché? Pour une certaine part des produits vendus, le marché est ailleurs qu'au Canada.

Nous qui préconisons la gestion de l'offre disons: nous sommes heureux d'approvisionner le marché canadien. S'il reste des produits que nous pouvons exporter, soit. Mais c'est surtout le marché canadien que nous essayons de servir, et c'est pourquoi il y a une différence entre nous et les responsables d'autres denrées. Ils produiront des denrées pour le monde entier, quels que soient les coûts.

M. Garry Breitkreuz: Eh bien, il y a un conflit flagrant entre votre secteur et les autres secteurs agricoles, et cela tient pour une bonne part à des motivations politiques. On a déjà souligné que cela est attribuable en grande partie au régime parlementaire que nous avons ici. Si les gens dans votre circonscription sont à l'origine de produits soumis à la gestion de l'offre et que le gouvernement est à votre écoute, vous pouvez obtenir gain de cause. Si vous êtes dans l'Ouest, vous n'avez pas de veine, puisque vous ne faites pas partie de la structure du pouvoir. On vous laisse simplement pour compte dans tout ce système. Et en ce qui concerne l'Organisation mondiale du commerce et les négociations que nous devons entamer ici, voilà que le véritable conflit se présente.

Vous avez bien fait valoir que le Canada doit négocier avec une fermeté beaucoup plus grande sur les tribunes du commerce international. Votre position, par contre, consiste à conserver les offices de commercialisation. Les autres secteurs veulent que vous égalisiez les règles du jeu, de sorte qu'il y a ce grave conflit qui se présente. Et voilà que le facteur politique entre en jeu, à savoir qui a ses entrées au gouvernement et peut ainsi maintenir sa position.

On a fait remarquer que nous éprouvons une grave difficulté en ce qui concerne la démocratie de notre régime parlementaire, et c'est une intervention intéressante. Si nous ne...

M. Larry McCormick: Je voudrais soulever une objection, monsieur le président.

Je ne parlerai pas de la question de la démocratie. Je tiens seulement à souligner que, dans ma circonscription dans l'est de l'Ontario, il y a des cultivateurs de blé qui appartiennent à l'Office de commercialisation du blé, et il y a des producteurs porcins qui souffrent tout autant et qui obtiennent le même prix. Si vous laissez donc entendre que nous sommes à l'écoute de certaines personnes mais pas d'autres, je vous demanderais de ne pas trop insister là-dessus, mon cher collègue.

Le président: D'accord, objection dûment notée.

M. Larry McCormick: Et pour cause. C'est une objection qui est dûment notée pour le compte rendu.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Breitkreuz, je vous en prie.

M. Garry Breitkreuz: Je vais simplement signaler que vous lui avez permis d'interrompre, monsieur le président.

Si nous ne modifions pas le régime, nous n'allons pas modifier grand-chose à part cela. Vous avez fait remarquer que nous avons ces projets de lois omnibus et que si ceux-ci présentent des lacunes, il sera très difficile de les modifier et ainsi de suite. Lorsque nous nous engageons dans des négociations sur le commerce, c'est la même chose. C'est un tout—on ne saurait isoler vos secteurs de tout ce qui se passe ailleurs au pays.

Je reviens donc à ma première question: pourquoi avons-nous un régime de gestion de l'offre dans quelques secteurs seulement, alors même que les autres secteurs ne se précipitent pas pour obtenir le même traitement? À moins que vous ne puissiez trouver une réponse adéquate à cette question, nous avons un problème. Et comme je ne dispose que de cinq minutes, je ne peux m'étendre là-dessus.

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La question à laquelle j'aimerais obtenir une réponse de votre part et de la part de tous ceux qui viennent comparaître devant le comité est la suivante: que pouvons-nous faire pour accroître notre influence au cours de ces négociations? Nous pouvons parler et nous convaincre nous-mêmes que la situation ici est merveilleuse, mais le temps venu de négocier un accord sur le commerce international, il nous faut décider entre nous comment nous allons procéder pour accroître notre influence, pour que ça ne soit pas toujours que de paroles en l'air.

Que proposez-vous? J'aimerais avoir une réponse non politique, impartiale, qui dit ce que nous pouvons faire. On m'a interrompu ici. Il y a trop de politique ici. Que proposez-vous pour que nous ayons beaucoup plus d'influence à la table de négociation? À mes yeux, c'est ce qui devrait se faire ici au comité, sinon, ce ne sera qu'une perte de temps.

Le président: Vous prenez tout le temps pour poser la question, mais je vais accorder conseiller une minute environ pour la réponse.

M. Brian Ellsworth: J'aimerais répondre à votre question. En réalité, nous n'avons pas beaucoup d'influence. Le Canada est un petit pays, et nous devons veiller sur les gens de notre pays. Ne croyez-vous pas que tout le monde ailleurs, dans les autres pays, veille sur ses intérêts propres au cours des négociations?

Vous parlez de l'ouverture des frontières et de liberté pour ce qui est des denrées comme le porc et le boeuf. Qu'advient-il des Américains dans les États de l'Ouest? Dès que quelques chargements d'oeufs arrivaient, ou qu'un wagon supplémentaire de céréales arrivait, les Américains cherchaient déjà à stopper cela.

Vous n'avez donc pas vraiment de prise dans ces négociations, car vous avez fait disparaître tous les obstacles. Tout ce qu'ils disent, c'est: merci beaucoup. Maintenant nous pouvons entrer sans difficulté.

M. Garry Breitkreuz: Autrement dit, vous me dites que nous n'avons pas une grande influence. Est-ce que nous perdons notre temps à ces négociations?

M. Brian Ellsworth: Non. Vous pouvez dire que le Canada est un petit pays avec une très petite industrie qui est protégée. Cela n'a pas d'incidence sur notre grande planète, alors pourquoi s'en débarrasser?

M. Garry Breitkreuz: Je suis originaire de l'ouest du Canada, monsieur, et nous avons besoin...

Le président: Pour poursuivre le débat ici, monsieur Stolp, je vais vous laisser quelques secondes, et nous allons céder la parole à Mme Ur. Avez-vous quelque chose à dire?

M. John Stolp: Oui, je vous en prie.

La FCA a travaillé à établir une position équilibrée, une position équilibrée qui englobe tout le secteur de l'agriculture. Cela en soi est un grand facteur d'influence. Si tout le monde agricole travaille à une position équilibrée, nous avons notre grande influence, aussi grande qu'elle puisse être dans notre pays.

Le président: Tout le monde dans l'industrie a donc un peu sa place au soleil, c'est cela?

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur: Merci. Je dois dire qu'on a répondu à certaines de mes questions en cours de route.

La question a été soulevée un peu plus tôt au cours de la discussion. En arrivant de cette façon aux négociations, cette fois, est-ce que nous ne mettons pas la charrue avant les boeufs? Devrait-il y avoir une période où nous pouvons évaluer le chemin parcouru de 1993 à 1998, consigner les choses sur papier et voir exactement qui a fait quoi, qui a atteint ses objectifs, et où il faut aller désormais?

Pour une grande part, c'est comme adopter d'autres lois encore, mais sans mettre en application les lois qui ont déjà été adoptées. Je crois que tous les partis seraient bien servis si on organisait une réunion pour voir qui répond à quel critère, puis discuter des choses et dire, bon, si le pays n'a pas fait ce qu'il était censé faire, comment s'entendre, plutôt que de seulement ajouter à la frustration, sur ce qui se produira si cela n'est pas rectifié, comme je l'entends aujourd'hui.

M. Paul Jelley: Il y a à Genève un comité d'échange de renseignements, ou enfin quelque chose du genre, où les responsables de tous les pays se réunissent pour étudier les projets et engagements et ainsi de suite. Il serait peut-être utile que vous convoquiez le responsable d'AAC pour qu'il vous dise ce à quoi le ministère s'est engagé, ce qu'il a réalisé et ce qu'il n'a pas encore fait.

Le président: D'accord, qui est-ce?

Monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom: Merci beaucoup. Délaissons la politique pendant un instant: je ne sais pas si, au cours du dernier volet des négociations sur le commerce, c'était les conservateurs du très honorable Brian Mulroney ou les libéraux de Jean Chrétien qui ont amené la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, mais vous serez peut-être aux prises aujourd'hui avec le même diable qui était là hier. Nous verrons où cela nous mène, mais il y a une certaine continuité dans ces négociations au fil des ans. Manifestement, toutes choses étant égales par ailleurs, les partis politiques se succèdent, et il y a un certain fil conducteur qui demeure.

Pour ce qui est de cette question du revenu, j'espère que vous allez revenir nous parler. Certains d'entre vous seront de retour au moment de nos audiences sur le revenu, et j'ai certainement hâte d'en être là, si je me fie aux suggestions constructives qui ont été formulées.

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Une des notions que nous aimerions vous voir aborder à votre retour, c'est celle d'un Canada rural qui n'est pas qu'une zone de production agricole, la façon dont les différents secteurs industriels s'inscrivent dans cet état de choses et la façon dont on peut les traiter de manière équitable. Certes, les gens qui produisent des céréales aimeraient pouvoir gagner leur vie. Ce sont des Canadiens, au même titre que tous les autres. Nous allons donc discuter de cela.

Vous nous livrerez peut-être des observations sur la façon dont cela est lié au commerce. Certes, les négociations commerciales devraient viser à améliorer la capacité pour les secteurs autres que celui de l'approvisionnement d'améliorer leur revenu. Cela devrait faire partie des négociations. Qu'en pensez-vous?

M. John Stolp: Nous reconnaissons le fait que l'industrie de la dinde n'est qu'un élément de l'économie rurale. Nous n'avons pas d'élevages de dindes partout dans les Prairies, dans tous les champs de céréales différents, pour contribuer à cela. C'est absolument important, si nous souhaitons nous donner une économie canadienne rurale qui est forte, que tous les éléments qui y apportent une contribution soient forts. Nous sommes donc très favorables à l'idée de participer à ces travaux et de discuter de ce qui peut être fait pour améliorer tous ces secteurs.

M. Howard Hilstrom: Merci.

Dans ma circonscription, qui s'étend de Winnipeg-Nord jusqu'à la région d'Interlake, l'entreprise de M. Charison est probablement l'une des plus grandes entreprises d'élevage de dindes au Canada. Elle exporte son produit partout dans l'Ouest et même aux États-Unis, je crois. Mais nous constatons aussi que des gens du secteur du poulet investissent dans les terres de la région d'Interlake sans se lancer dans l'élevage de poulets. Ils se servent des profits que leur procure la gestion de l'offre pour acheter des terres et s'engager dans d'autres secteurs agricoles, ce qui paraît un peu injuste, j'imagine, pour les producteurs qui ne sont pas dans ce secteur. Que pensez-vous de cette situation?

Cela se fait à titre individuel. Je ne sais pas comment on pourrait appliquer cela partout. C'est un peu comme quelqu'un qui tire un revenu ailleurs et qui est en mesure de l'appliquer pour faire concurrence à quelqu'un qui n'est pas en mesure de le faire.

M. Paul Jelley: J'imagine que c'est un peu comme les revenus d'appoint des agriculteurs. Que peut-on faire lorsqu'un enseignant décide d'essayer de se procurer un lopin de terre aux côtés de l'agriculteur? Je ne sais pas comment on peut répondre à cette question. C'est la société.

M. Murray Calder: Il y a des éleveurs de boeufs qui ont acheté des quotas de poulets.

M. Howard Hilstrom: Il est difficile de faire en sorte que tous les secteurs de l'économie agricole obtiennent un revenu décent, pour répondre à leurs besoins.

M. Brian Ellsworth: J'aimerais répondre à la question générale que vous avez posée au sujet des denrées soumises à la gestion de l'offre et d'autres secteurs agricoles.

Si je ne m'abuse, le filet de sécurité que le gouvernement a mis en place pour les agriculteurs, c'est le CSRN. Maintenant, ce n'est peut-être plus suffisant. J'ai entendu dire que les gens de l'Ouest ne l'apprécient pas, mais...

M. Rick Borotsik: J'ai une objection à soulever, monsieur le président. Ce n'est pas qu'ils ne l'apprécient pas. J'aimerais que cela soit inscrit officiellement au compte rendu. Il faut qu'il y ait certains rajustements, mais je n'ai entendu aucun producteur dire qu'il n'appréciait pas cela.

Le président: Un à la fois, je vous en prie.

M. Brian Ellsworth: J'essaie simplement de dire que le CSRN est le filet de sécurité dont bénéficient les cultivateurs céréaliers et ceux qui s'occupent d'autres denrées qui ne sont pas soumis à la gestion de l'offre.

Je signalerais simplement aux membres que les denrées soumises à la gestion de l'offre ne figurent pas dans la catégorie admissible au CSRN. Il y a donc un régime double pour les agriculteurs canadiens, et c'est la façon dont diverses denrées sont traitées. Je ne crois pas qu'il faille que cela inhibe à nos négociations internationales.

Le président: Merci. Vos observations étaient justes.

Notre temps est terminé. Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick: J'ai une question brève à propos d'un sujet, monsieur le président. Merci.

Il n'y a rien de plus important que la salubrité des aliments dans le domaine où nous travaillons. Les Ontario Egg Producers ont signalé qu'ils faisaient des tests pour détecter la salmonellose, alors qu'il n'existe aucune formule comparable aux États-Unis. Je suis sûr—j'en ai l'espoir du moins—que nos inspecteurs d'aliments procèdent aux tests voulus. Vous avez signalé que tout produit qui ne répond pas à nos critères élevés ne devrait pas pouvoir entrer au Canada. Croyez-vous qu'il arrive ici des aliments qui sont dangereux? Est-ce que nous ne faisons pas des tests, est-ce que nous ne détectons pas ces cas à la frontière? Je vous donne simplement l'occasion d'expliquer plus à fond cette situation.

• 1240

M. Brian Ellsworth: J'aimerais mieux parler de ce que nous faisons et signaler en quoi nous pouvons rassurer le consommateur et le public à ce sujet, plutôt que de lancer des critiques aux autres.

Si vous voulez en savoir plus, je suis prêt à m'expliquer, mais je crois que nous en avons couvert une partie—nos tests à la ferme et le fait que la gestion de l'offre nous permet d'exercer un contrôle sur nos producteurs. Nous pouvons nous rendre chez eux vérifier s'ils se conforment aux règles strictes que nous appliquons, particulièrement en ce qui concerne les normes de santé.

Le président: Merci beaucoup.

Je crois que M. Boyd veut ajouter quelque chose rapidement.

M. Phil Boyd: Comme le président l'a souligné dans son document, ce n'est pas l'arrivée d'aliments dangereux qui nous préoccupe. Nous nous préoccupons des coûts associés aux programmes de vérification de la salubrité des aliments qui s'appliquent ici au pays, que ce soit par l'inspection, l'homologation, les programmes HACCP ou des programmes semblables appliqués à la ferme, considérés depuis le point de départ jusqu'à l'étape finale; ils pourront faire augmenter les coûts dans notre pays.

Pouvons-nous retracer les carcasses de dindes entières importées jusqu'à la ferme d'origine, pour nous assurer que l'animal a été traité, élevé et manipulé selon des normes équivalentes aux nôtres? Voilà notre question.

M. Larry McCormick: Merci.

Le président: Merci à tous. Je crois que vous avez accompli un travail exceptionnel.

Mesdames et messieurs les membres du comité, nos réunions sur l'OMC reprendront mardi. Mercredi, nous entamerons nos audiences sur le revenu agricole.

La séance est levée.