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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 1er octobre 1998

• 0904

[Traduction]

Le président (M. Joe McGuire (Egmont, Lib.)): Bonjour à tous. Je déclare à la séance ouverte, conformément au paragraphe 106(3) du Règlement, examen d'une demande de la part de quatre membres du comité.

Nous pourrions peut-être demander au député qui a signé la demande, M. Borotsik, s'il souhaite définir les grandes lignes de sa requête.

Également, nous présenterons un groupe de témoins très bientôt.

• 0905

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, monsieur le président...

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Monsieur le président, pourrions-nous déposer une motion d'urgence dès maintenant avant le début des travaux? Ma collègue va la lire. J'ai préparé des copies pour tous mes collègues.

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Bonjour, monsieur le président. Je lirai le texte de la motion en français puisque c'est plus simple pour moi.

    Attendu que la crise que vit présentement l'industrie ovine au Québec et au Canada est la plus grave de son existence et que la situation est urgente,

    Attendu qu'Agriculture et Agroalimentaire et l'Agence canadienne d'inspection des aliments doivent tenir la population et les producteurs ovins informés de la situation prévalant dans cette industrie,

    Il est résolu de convoquer devant ce comité et ce dans les plus brefs délais les dirigeants de l'Agence canadienne d'inspection des aliments responsables du dossier de l'éradication de la tremblante du mouton ainsi que le ministre de l'Agriculture pour qu'ils viennent nous faire le point sur la situation.

[Traduction]

Le président: Nous acceptons cette motion et nous allons la présenter au nouveau comité la semaine prochaine. Je crois bien que le nouveau comité sera constitué tôt la semaine prochaine. L'annonce de la création d'un nouveau comité doit d'ailleurs être faite aujourd'hui et la réunion de création du comité doit avoir lieu mardi prochain.

Je vais donc transmettre cela au nouveau président lorsqu'il aura été choisi. Nous pourrons alors aborder la question.

[Français]

M. Odina Desrochers: Monsieur le président, nous dites-vous que la mise aux voix de la motion est reportée à mardi prochain?

[Traduction]

Le président: Oui.

[Français]

M. Odina Desrochers: Et on lui accordera la priorité?

[Traduction]

Le président: Ce devrait être prioritaire. Nous traitons de cette question depuis le printemps dernier, depuis le début de l'été, de sorte que j'estime que tous les membres du comité sont au courant du fait qu'il en est question presque tous les jours durant la période des questions et dans des rencontres avec le ministère. On en reconnaît donc certainement l'importance prioritaire et je crois bien que le comité voudra en traiter dans les meilleurs délais. Vous avez demandé qu'on en traite dans les meilleurs délais et je crois bien que cela voudra dire la semaine prochaine.

[Français]

M. Odina Desrochers: Je vous remercie, monsieur le président.

Mme Hélène Alarie: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

Vous avez tout à fait raison de signaler que j'ai convoqué, comme l'ont fait trois autres membres du comité, une réunion spéciale et je tiens à remercier les autres membres du comité qui ont jugé qu'il s'agissait d'une question très grave. On pourrait même parler, à l'heure qu'il est, d'une crise de l'agriculture de l'Ouest. Il semble en effet que des obstacles non tarifaires surgissent un peu partout dans les États frontaliers de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Manitoba.

J'aimerais tout d'abord aujourd'hui, monsieur le président, et c'est ce qui explique la présence de M. Gifford, obtenir une mise au point concernant les mesures prises par le ministère du Commerce au sujet de cette question, qui est d'une gravité considérable.

Je tiens à signaler aux ministériels d'en face, qui n'ont peut-être pas des liens aussi étroits avec l'agriculture de l'Ouest, que les répercussions sur nos producteurs agricoles sont déjà très considérables, notamment sur les éleveurs de bovins et de porcs, et aussi sur les producteurs céréaliers qui expédient leurs produits au sud de la frontière.

Comme vous le savez, monsieur le président, le ministre du Commerce a déjà envisagé notamment la possibilité d'un appel auprès des autorités de l'ALENA et de l'OMC. Or, j'estime qu'il s'agit là d'une démarche qui prendra beaucoup de temps, non seulement à cause des délais de comparution mais aussi de la lenteur du processus permettant d'aboutir à un règlement final.

• 0910

J'aimerais profiter de cette séance d'urgence pour susciter des idées et aborder avec les représentants du ministère d'autres possibilités qui s'offrent à nous. Comme je l'ai déjà dit, le temps presse.

J'ai communiqué non seulement avec des producteurs mais également avec des personnes qui transportent le bétail vers les États situés au sud. Les membres du comité doivent savoir que, à l'heure actuelle, il est pratiquement impossible de transporter du bétail à travers le Dakota du Sud, pour la bonne et simple raison que l'on nous reproche d'utiliser certains produits pharmaceutiques dans l'élevage du bétail. Il faut bien dire que ces reproches nous sont faits à tort. Ils ne sont pas fondés sur des lignes directrices et ne correspondent nullement aux règles commerciales qui s'appliquent à l'heure actuelle à nos échanges avec les États-Unis.

Il aurait été souhaitable de régler cette question autrement. Cela aiderait autant sur le plan politique que dans l'intérêt de la bonne marche du ministère. D'ailleurs, comme je vais vous le dire à l'instant, les gouverneurs des États touchés ont déclaré dernièrement qu'ils souhaitaient rencontrer individuellement les fonctionnaires et les responsables politiques du Canada pour tenter de régler certains aspects des différends.

Le problème a également une cause plus profonde, monsieur le président. Il s'agit évidemment du problème des prix des denrées agricoles, et je ne crois pas qu'il va être résolu dans un proche avenir. Par conséquent, le gouvernement du Canada doit envisager—et à ce sujet, monsieur le président, notre comité de l'agriculture doit avoir une position à présenter au gouvernement—un programme de sécurité du revenu qui pourra aider les producteurs agricoles à tenir le coup, sans quoi ils risquent de ne plus produire quoi que ce soit l'année prochaine. Nous devons nous retrousser les manches et agir.

Je ne sais pas comment l'interprète a rendu cela, mais il est tout à fait exact de dire que nous avons à nous retrousser les manches.

Monsieur le président, je suis impatient de savoir ce qu'ont à dire les valeureux témoins qui sont devant nous aujourd'hui, eux qui en connaissent tant en matière de commerce. J'aimerais bien qu'ils nous disent que tous les différends commerciaux ont été résolus et que nous pouvons revenir à nos affaires.

Le président: Merci beaucoup.

Je crois bien que nous pouvons maintenant passer aux témoins.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Permettez-moi une brève question, qui vise à obtenir certaines précisions.

Vous avez parlé de conséquences très graves. J'ai entendu à peu près le même son de cloche, mais j'aimerais avoir les noms de certains agriculteurs concernés. Pouvez-vous nommer des agriculteurs auxquels vous avez parlé?

M. Rick Borotsik: J'ai des noms. Cependant, je préfère ne pas les faire porter au procès-verbal. Je m'entretiendrai avec vous plus tard à ce sujet.

M. Bob Speller: D'accord.

M. Rick Borotsik: Effectivement, je suis en rapport avec des producteurs. L'un d'entre eux, notamment, produit chaque année 400 000 porcelets en sevrage. Ses étables sont situées au Dakota du Sud. Ainsi, tant qu'il n'y a pas de possibilité de commerce avec le Canada, les porcelets en sevrage n'ont nulle part où aller. Il s'agit de porcelets de 14 jours et il se peut bien qu'ils aboutissent sur la colline du Parlement s'ils n'ont nulle part d'autre où aller.

Je suis tout à fait disposé à vous donner des noms, mais je préfère ne pas le faire officiellement, étant donné que je n'ai pas vérifié auprès de l'intéressé s'il souhaite que son nom soit porté au procès-verbal.

M. Bob Speller: C'est très bien.

Le président: Nous allons tout d'abord recevoir quelques commentaires de M. Hilstrom, après quoi nous passerons aux témoins.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Merci, monsieur le président.

Il me semble important de reconnaître, dès le départ, que cette question ne concerne pas seulement l'ouest du Canada. Les Américains mènent actuellement devant l'OMC une attaque en règle, si je me permets l'expression, contre notre secteur laitier, tout comme le gouvernement de la Nouvelle-Zélande. Il se peut que ce soit des enjeux relatifs à la gestion de l'offre qui expliquent les initiatives des gouverneurs de divers États. Je suis d'avis que les gouverneurs agissent avec l'agrément de Washington. Ce n'est pas la première fois que dans l'ouest du Canada, nous voyons les agriculteurs américains prendre certaines initiatives à la frontière. Cependant, c'est la première fois que nous voyons les gouverneurs agir de la sorte.

J'aimerais donc connaître les avis de nos invités sur cet aspect. S'agit-il tout simplement d'une question qui concerne les provinces de l'Ouest et le Midwest des États-Unis ou s'agit-il plutôt, comme je le crois, d'une question plus vaste qui concerne l'ensemble du commerce agricole entre le Canada et les États-Unis? Si tel est le cas, je prétends certainement qu'elle nous concerne tous, de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique.

• 0915

J'aimerais également que nos témoins commentent l'idée proposée par le ministre des Ressources naturelles selon laquelle il s'agit tout simplement d'un enjeu électoral aux États-Unis, compte tenu du fait que certains gouverneurs, ainsi que notre consul général pour les États du Midwest, ont déclaré qu'il s'agissait de bien davantage qu'un enjeu électoral.

Voilà les commentaires d'ordre général que j'avais à faire, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Hilstrom.

S'il y avait un embargo total des nouvelles entre le Canada et les États-Unis, je suis convaincu que nous saurions quand même qu'une élection est en cours aux États-Unis du simple fait qu'il y aurait harcèlement à la frontière.

Le phénomène n'est pas inconnu dans l'est du Canada. Je pense à l'époque où le sénateur Mitchell, du Maine, était le sénateur le plus influent du Sénat des États-Unis. Chaque fois qu'une élection avait lieu, nos camions de pommes de terre devaient faire la file à la frontière du Maine. Il y avait un certain harcèlement. Ce qui se passe dans l'Ouest à l'heure actuelle ne nous est donc pas du tout étranger.

Quoi qu'il en soit, nous allons maintenant passer à nos témoins; M. John Klassen, directeur général de la Direction générale de la politique commerciale; Claude Carrière, directeur, Direction des droits de douane et de l'accès aux marchés et, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, Mike Gifford, directeur général, Direction des politiques de commerce international.

M. Klassen n'est pas présent. Qui le remplace?

M. Mike Gifford (directeur général, Direction des politiques de commerce international, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Monsieur le président, M. Phil Douglas d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et M. Klassen ne peuvent être présents en raison de conflits d'horaire, mais M. Carrière, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, représentera le MAECI.

Le président: D'accord. Monsieur Gifford, je vous en prie.

M. Mike Gifford: Merci, monsieur le président. Je vais m'efforcer de résumer pour le comité les faits récents et l'évolution possible de la situation, et M. Carrière vous fera ensuite un résumé de ce que nous avons fait jusqu'à maintenant et de ce que nous avons l'intention de faire.

Essentiellement, pour donner quelques points de repère au comité, permettez-moi de vous décrire très brièvement ce qui s'est passé depuis le 16 septembre, date à laquelle les autorités du Dakota du Sud ont commencé à refouler les camions en provenance du Canada qui transportaient des porcs vivants, des bovins vivants et des céréales.

Le comité doit savoir que les mesures les plus rigoureuses ont été prises par l'État du Dakota du Sud. Les autres États se sont essentiellement bornés à effectuer des inspections, à vérifier les charges et la documentation. Ce n'est que dans le Dakota du Sud que les policiers et autres fonctionnaires du gouvernement refoulent les camions canadiens qui se présentent à la frontière.

Comme on l'a déjà souligné, nous exportons environ 500 000 porcs vers le Dakota du Sud—il y a là-bas une salaison de grande taille—et nous exportons environ 20 000 têtes de bovins vivants. Puisqu'on transporte peu de céréales par camion vers le Dakota du Sud ou en passant par cet État, l'effet des mesures prises par le Dakota du Sud a visé les porcs vivants, les bovins vivants et un chargement de moutons.

De toute évidence, les actions du gouvernement de l'État sont fondées sur des motifs fallacieux. Les autorités ont d'ailleurs refusé de dire précisément quels documents ils cherchaient. Le gouverneur de l'État a soutenu essentiellement que l'on utilisait au Canada certains produits pharmaceutiques qui n'étaient pas utilisés aux États-Unis. Or, en réalité, la plupart des produits pharmaceutiques qu'il a énumérés sont utilisés aux États-Unis, ne sont pas utilisés au Canada, ou sont utilisés dans les deux pays. En définitive, il ressort clairement que les inquiétudes que l'on prétend avoir au sujet de la santé humaine ou animale sont sans fondement et que les mesures prises par le gouvernement de l'État visent à perturber ou à entraver le commerce international.

Les autres États ont rapidement emboîté le pas aux initiatives du gouvernement de l'État du Dakota du Sud. Les États du Dakota du Nord et du Montana ont demandé aux agents de la patrouille routière et du ministère des Transports de vérifier la documentation, la conformité en matière de sécurité, le poids de tous les camions se déplaçant vers le Sud, qu'il s'agisse de camions canadiens ou non canadiens. Au cours des derniers jours, les États de l'Idaho et du Wyoming ont annoncé des mesures très semblables à celles du Dakota du Nord et du Montana.

• 0920

Il y a une nette différence qualitative entre les mesures prises par l'État du Dakota du Sud et celles prises par les autres États des grandes plaines.

J'abrégerai maintenant pour parler de ce que nous avons pu apprendre le lundi, lorsque le secrétaire Glickman a rencontré deux des gouverneurs d'États concernés au sujet d'une conférence téléphonique qu'il a eue avec tous les gouverneurs des grandes plaines ainsi que, vraisemblablement, avec la plupart des membres de la députation des États des grandes plaines au Congrès. Il est ressorti de la rencontre tenue lundi à Washington, d'après ce que nous en savons, que le secrétaire Glickman a demandé essentiellement aux gouverneurs de documenter et de corroborer toute allégation concernant le caractère injuste des conditions d'entrée au Canada de produits agricoles, comparativement aux conditions d'entrée aux États-Unis.

D'une manière générale, je crois que l'on peut dire que les gouverneurs des États, dans l'ensemble, font porter l'essentiel de leurs plaintes sur les prétendues iniquités qui existent entre les conditions d'entrée au Canada de produits agricoles et les conditions d'entrée aux États-Unis de produits canadiens. Contrairement à d'autres députations, celle des grandes plaintes ne se plaint pas des importations des produits en provenance du Canada.

Nous avons appris que le secrétaire Glickman a demandé aux gouverneurs des États de soumettre, d'ici la fin de la semaine, toute documentation à l'appui des plaintes qui lui ont été adressées ou qui ont été adressées au gouvernement des États-Unis. Lorsque la documentation aura été reçue, nous prévoyons que le gouvernement des États-Unis sollicitera officiellement des consultations avec le Canada au sujet de la liste des questions soumises par les gouverneurs des États.

Nous avons déjà fait savoir aux États-Unis que, tout en étant disposés en tout temps à discuter de questions intéressant les deux parties, nous n'allons pas aborder de telles questions tant que les États américains qui font actuellement obstacle au déplacement de produits canadiens ne cessent pas de le faire. Essentiellement donc, nous sommes disposés à tenir des consultations, mais seulement lorsque les États auront mis un terme à leurs actions.

Monsieur le président, voilà essentiellement la position que nous avons adoptée. Encore une fois, je le répète, les seules conséquences économiques vraiment néfastes jusqu'à maintenant sont celles qui ont rapport aux initiatives de l'État du Dakota du Sud. Elles visent surtout les bovins vivants et les porcs vivants, et ont eu jusqu'à maintenant très peu d'effets sur le commerce des céréales.

Cela dit, monsieur le président, je vous recommande de donner l'occasion à M. Carrière de faire le point sur les mesures prises par le gouvernement du Canada pour régler ces problèmes.

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.) Monsieur le président, j'aimerais obtenir une précision.

Pouvez-vous s'il vous plaît me préciser, monsieur Gifford, quelle est la destination du bétail qui est arrêté à la frontière du Dakota du Sud?

M. Mike Gifford: Heureusement, il existe une salaison de porc à proximité, de sorte que les expéditeurs canadiens peuvent réagir aux actions de l'État du Dakota du Sud en acheminant tout simplement les porcs vers un État voisin. Par conséquent, les déplacements de porcs vivants destinés à l'abattage n'ont pas été interrompus bien que, comme l'a souligné M. Borotsik, la situation n'est pas sans conséquence pour d'autres producteurs de bétail canadiens. Mais dans le cas tout au moins des porcs vivants destinés à l'abattage, dont à peu près 500 000 sont normalement expédiés au Dakota du Sud et qui, pour la plupart, proviennent du Manitoba, ils ont été largement redirigés vers une autre salaison située dans un État voisin.

• 0925

M. Rick Borotsik: Permettez-moi d'apporter une précision. Bon nombre des bovins et des porcs qui passent normalement par le Dakota du Sud sont destinés à un État voisin situé au Sud. Pour les acheminer à destination, n'est-il pas vrai qu'il faut maintenant revoir les dispositions en matière de transport, monsieur Gifford?

M. Mike Gifford: En effet. Les mesures de l'État du Dakota du Sud ont essentiellement pour effet d'augmenter le kilométrage et de rendre beaucoup plus compliqué le transport des porcs d'abattage vivants vers les États-Unis.

Le président: Monsieur Carrière, je vous en prie.

M. Claude Carrière (directeur, Direction des droits de douane et de l'accès aux marchés, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup.

M. Klassen a eu un empêchement, monsieur le président.

Dès que les autorités du Dakota du Sud ont pris des mesures, l'ambassade a immédiatement formulé des observations verbalement et par écrit au Département de l'agriculture des États-Unis, au Département d'État, au représentant commercial des États-Unis et, par la suite, à la Maison-Blanche, de manière à attirer l'attention des intéressés sur les mesures prises par le Dakota du Sud et les répercussions qu'elles auraient, et qu'elles ont eu effectivement, sur les exportations canadiennes.

Le gouvernement des États-Unis a mis un certain temps à réagir à ces observations, au sujet desquelles le secrétaire Glickman a rencontré les gouverneurs et les députations au Congrès plus tôt cette semaine, en vue d'aboutir à une solution.

Nous avons pour notre part décidé de faire savoir officiellement à quel point nous jugions grave aussi bien ces mesures que l'inaction du gouvernement fédéral des États-Unis. Ainsi, nous avons demandé des consultations immédiates jeudi dernier dans le cadre de l'ALENA et, dès vendredi, dans celui de l'OMC. Le fait de demander des consultations aux termes des deux ententes est sans précédent. Nous avons agi de la sorte en toute connaissance de cause pour bien faire savoir au gouvernement des États-Unis à quel point nous jugions que la question était grave.

Nous prévoyons que les consultations auront lieu dans les 10 à 15 jours suivant la date de la demande, ce qui nous mène à la semaine prochaine. Si les mesures appliquées par les États ne sont pas levées, nous prévoyons des consultations dans le cadre des procédures relatives au règlement des différends de l'ALENA aussi bien que de l'OMC.

Avant que cela ne se produise, nous espérons que les gouverneurs des États auront mis fin aux mesures aussi bien au Dakota du Sud que dans les autres États, de sorte que des consultations d'une autre nature puissent être entamées pour régler les problèmes associés aux causes de friction qu'auraient pu susciter les initiatives de l'un ou l'autre des gouvernements.

Pour le moment—sans pouvoir donner de date précise—nous prévoyons que cela pourrait avoir lieu la semaine prochaine.

Le président: L'échéance est donc...?

M. Claude Carrière: D'ici vendredi.

Le président: Qu'est-ce qui se passera alors?

M. Rick Borotsik: Monsieur le président, j'aimerais avoir une précision.

Êtes-vous en train de dire que les mesures prises par les gouverneurs pourraient très bien cesser d'ici vendredi?

M. Claude Carrière: Nous souhaitons qu'elles cessent avant cela, en effet.

M. Rick Borotsik: D'accord. J'aurai des questions à ce sujet—et sur d'autres aspects.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Carrière, vous avez déclaré que le gouvernement du Canada avait amorcé des consultations dans le cadre de l'ALENA. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit, au juste?

M. Claude Carrière: Dans le cadre de l'ALENA et dans le cadre de l'OMC.

M. Leon Benoit: L'ALENA le jeudi et l'OMC le vendredi.

M. Claude Carrière: En effet.

Il existe des procédures de règlement de différends entre les parties aux accords.

M. Leon Benoit: Il s'agirait de créer un groupe spécial.

M. Claude Carrière: En effet.

M. Leon Benoit: D'accord.

M. Claude Carrière: Les consultations constituent la première étape du processus. À un moment donné, on peut déboucher sur la création d'un groupe spécial.

Le président: Avez-vous maintenant terminé vos exposés?

M. Mike Gifford: Permettez-moi, monsieur le président, de répondre directement à la question soulevée par M. Hilstrom—à savoir s'il s'agit d'un enjeu plus général qui concerne le commerce agricole entre le Canada et les États-Unis ou bien s'il s'agit d'une question qui touche essentiellement les États des grandes plaines.

Je pense que l'on peut dire sans risque de se tromper que les questions soulevées par les États qui ont pris des mesures jusqu'à maintenant concernent exclusivement les sous-secteurs de la viande rouge et des céréales.

• 0930

Malheureusement, il faut déplorer l'insuffisance constante d'informations entre le gouvernement fédéral des États-Unis et les gouvernements des États ou entre ces derniers et les administrés. Pour un grand nombre de questions qui ont déjà été définies par divers gouverneurs d'État, on constate que des progrès ont été faits ou sont en voie de l'être.

Par exemple, dans le cas des bovins d'élevage, notamment en provenance des États de Washington et du Montana, et ce à la demande de l'Association canadienne des éleveurs de bétail et de son équivalent aux États-Unis, l'Agence canadienne de l'inspection des aliments et son homologue états-unienne ont élaboré au cours de la dernière année un projet appelé le North West Project qui vise à faciliter la circulation dans les deux sens des bovins d'engraissement, surtout en réduisant la paperasse et les tests.

À la suite d'une révision de l'entente, annoncée il y a seulement quelques semaines, nous prévoyons que, pour l'automne, au moins 10 000 têtes de bovins du Montana seront acheminées sur les parcs d'engraissement de l'Alberta.

De la même manière, on semblait croire aux États-Unis que, pour une raison ou pour une autre, nous sommes en mesure d'exporter du blé et de l'orge aux États-Unis alors que les producteurs des États-Unis ne peuvent exporter de blé et d'orge au Canada. En réalité, nous assistons cet automne à des expéditions record d'orge fourragère du Montana et du Dakota du Nord vers les parcs d'engraissement des Prairies.

Il en a été de même par le passé. Certainement, lorsque la récolte de blé de l'Ontario a été lourdement touchée par le fusarium, plus de 100 000 tonnes de blé des États-Unis, provenant surtout des États des grandes plaines et de la région de la côte nord-ouest du Pacifique ont été acheminées sur l'Ontario, en réponse aux besoins du secteur de la pâtisserie et de la biscuiterie.

Il faut donc dire que le problème est lié en partie à certains mythes et perceptions erronés. Les gens refusent même de reconnaître les faits, lorsqu'on les leur expose. La difficulté, c'est que la question est devenue maintenant tellement politisée, et prend tellement de place dans la campagne électorale de certains candidats, que l'on constate maintenant de graves répercussions à cause de l'irresponsabilité de certains responsables états-uniens.

Le président: Le Canada n'a donc aucun ami durant cette campagne électorale.

M. Mike Gifford: Nous ne votons pas aux États-Unis, monsieur le président.

Le président: Non, mais ni les républicains, ni les démocrates ne peuvent se permettre de laisser croire qu'ils sont sympathiques au Canada...

M. Mike Gifford: La plupart des gouverneurs intéressés sont républicains et le gouvernement, lui, comme vous le savez bien, est démocrate.

Le président: Avons-nous perdu des occasions commerciales aux États-Unis ou s'agit-il tout simplement de mesures qui ralentissent le commerce?

M. Mike Gifford: Le commerce est perturbé, me semble-t-il. L'exemple cité par M. Borotsik est plutôt l'exception que la règle. Jusqu'à maintenant, nous avons essentiellement réussi à contourner la plupart des mesures du Dakota du Sud en redirigeant les expéditions pour éviter cet État. Cependant, la situation n'en est certainement pas une que nous souhaitons tolérer encore longtemps.

Le président: Nous allons maintenant passer aux questions, tout d'abord celles du Parti réformiste.

Vous disposez de sept minutes, monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom: Merci.

Je vous remercie, monsieur Gifford, d'avoir donné votre avis sur la portée du phénomène. D'après vous, donc, il s'agit essentiellement d'une question qui concerne le Midwest.

J'ai à l'esprit les propos de certains responsables du commerce des États-Unis qui ont été cités dans les journaux. Je ne sais s'ils ont été cités fidèlement, mais ils auraient déclaré qu'ils n'avaient pas l'impression qu'ils avaient ciblé le Canada avec suffisamment de vigueur. Pourtant, ils ont certainement agi de façon vigoureuse, comme je l'ai déjà dit, pour ce qui est de la gestion de l'offre, notamment en matière de production laitière. Ils ont fait siéger un tribunal antidumping au sujet du bétail. Voilà maintenant un an que l'affaire est lancée et je dois dire que les responsables étasuniens ont certainement posé des questions percutantes sur la transparence de la Commission canadienne du blé et sur son mode de fonctionnement.

Vous m'excuserez donc de ne pas partager entièrement votre point de vue. Je vous invite à commenter davantage, mais il me semble que cette question déborde les États du Midwest. C'est du moins ce que j'en conclus.

• 0935

J'aimerais aborder brièvement un second aspect. Les Américains vont sans doute nous fournir la liste d'un certain nombre de situations inéquitables concernant les règles d'entrée. Or, j'estime que certaines de ces situations inéquitables avaient été définies antérieurement, et j'aimerais savoir depuis combien de temps elles l'avaient été, et quelles mesures ont été prises à l'époque pour éviter les situations que nous voyons aujourd'hui. En effet, je me demande dans quelle mesure nous étions au fait de certaines situations depuis un certain temps déjà et dans quelle mesure nous aurions pu intervenir en temps plus opportun.

Je suis impatient de connaître vos commentaires à ce sujet. S'il me reste encore une ou deux minutes, j'inviterai mon collègue, M. Benoit, à faire un commentaire.

Je vous prie donc de répondre, monsieur Gifford.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, nous menons des pourparlers avec les États-Unis depuis un an ou un an et demi et il y a notamment un problème que les responsables états-uniens ont défini et dont nous reconnaissons l'existence, à savoir celui du fait que, même s'il est vrai qu'une grande société céréalière américaine est en mesure d'expédier du blé vers l'est du Canada par wagons complets et peut facilement utiliser le système de transport canadien pour expédier du blé à destination de Vancouver ou de Seattle, par exemple en passant par le Canada, en vue de l'exporter vers un pays tiers, il n'en reste pas moins que le producteur individuel, la petite coopérative, ou la petite société céréalière des États-Unis ont beaucoup de difficulté à avoir accès au système de silos céréaliers de l'Ouest canadien.

On reconnaît ce problème et, depuis un an, nous sommes en train de mettre au point, de concert avec les États-Unis, ce que nous appelons un projet pilote visant le blé pour que certains silos de l'Ouest du Canada soient désignés comme étant admissibles pour recevoir du blé des États-Unis. Bien sûr, le plus important pour nous, c'est que nous avons au Canada un système de contrôle de la qualité du blé qui se base sur la possibilité de distinguer visuellement les espèces, et, bien sûr, la Commission canadienne des grains tient à garantir que le blé américain ne sera pas mêlé au blé canadien dans notre système de silos.

Nous avons donc mis au point un projet pilote qui tient compte de cette condition essentielle pour éviter qu'on fasse quoi que ce soit qui risque de nuire à l'intégrité de notre système de contrôle de la qualité. Le projet pilote aurait pu être lancé il y a des mois, sauf que les États-Unis ont dit à la dernière minute qu'ils voulaient régler certains problèmes phytosanitaires avant le lancement du projet pilote. L'une de leurs inquiétudes porte sur le fait qu'on a constaté des cas de carie de karnal, une maladie du blé, aux États-Unis.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments a donc fixé certaines conditions relatives à l'importation de blé américain au Canada. Certaines régions des États-Unis, comme les États des grandes plaines, peuvent expédier du blé au Canada, mais le chargement doit être examiné par l'USDA, qui doit affirmer qu'il ne contient pas de blé contaminé par la carie de karnal, avant son arrivée au Canada. Nous ne pensons pas que ce soit déraisonnable. L'importation de blé de certains autres États est interdite, notamment pour l'Arizona, ou l'on a signalé la présence de la carie de karnal pour la première fois aux États-Unis.

Donc, monsieur le président, après de longues discussions entre les autorités phytosanitaires des deux pays, on pense que les États-Unis communiqueront sous peu leurs plus récents résultats de relevés à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Je pense que les deux pays espèrent que, grâce à ces derniers travaux effectués par les autorités américaines, on pourra bientôt réviser davantage les contrôles canadiens à l'importation pour lutter contre la carie de karnal.

La présence de cette maladie est systématiquement décelée pour que l'on puisse s'attaquer au problème et c'est vraiment malheureux que certains gouverneurs d'États aient décidé d'agir trop vite et de prendre la situation en main.

Le président: Monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.

Je n'ai pas tellement d'autres questions, sauf en ce qui concerne le fait que nous recevons assez régulièrement au Manitoba de grandes quantités de maïs des États-Unis. Je pense que le prix se situe aux environs de 1,37 $ le boisseau aux États-Unis. À cause de la valeur du dollar, le commerce se fait dans les deux sens. Le gouvernement doit s'assurer que le commerce est réglementé par les forces du marché et non pas par des règles artificielles vu que les États américains essaient maintenant d'intervenir sur ce marché.

• 0940

Monsieur le président, je voudrais pouvoir présenter quelques motions à la fin de la réunion.

Merci.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Je voudrais que M. Gifford et peut-être aussi l'autre fonctionnaire répondent à une autre partie de la question de M. Hilstrom, celle qui portait sur le rapport, qui n'est peut-être pas un rapport direct, entre les mesures sévères prises par les États-Unis et le système de gestion de l'offre.

M. Mike Gifford: Je ne pense pas qu'il y ait de rapport. Il s'agit essentiellement d'États qui produisent des céréales, du bétail et des porcs. Ces États ne sont pas des producteurs laitiers ou des producteurs de volaille.

Dans une certaine mesure, j'ai l'impression que les États se plaignent tout autant des mesures prises par le gouvernement américain que de ce que fait le Canada. Ils se sentent frustrés parce qu'ils ont l'impression que le gouvernement américain n'a pas accordé autant de priorité à certaines des questions qui les touchent qu'il aurait dû le faire. C'est pour cela qu'ils critiquent le gouvernement fédéral américain.

Ce qu'il faut retenir, c'est que depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis en 1989, le commerce bilatéral entre le Canada et les États-Unis, y compris le commerce des produits agricoles, s'est accru énormément.

Par exemple, pour les sept premiers mois de l'année, les exportations américaines au Canada ont augmenté de 13 p. 100, et les exportations canadiennes aux États-Unis, de 12 p. 100. D'autre part, les exportations respectives du Canada et des États-Unis aux autres pays ont baissé sensiblement par rapport aux années précédentes.

Dans le cas du Canada, les exportations de produits agricoles vers les États-Unis ont augmenté d'au moins 10 p. 100 par année chaque année depuis 1989, ce qui veut dire qu'une bonne partie du commerce qui se faisait auparavant de l'est vers l'ouest et de l'ouest vers l'est, se fait maintenant du nord au sud et du sud au nord. Cela veut dire que les agriculteurs du Dakota du Nord ou du Dakota du Sud voient maintenant beaucoup plus de camions chargés de bétail ou de porcs canadiens leur passer sous les yeux qu'il y a 10 ans. Les agriculteurs du Dakota du Nord savent aussi qu'il passe beaucoup de céréales canadiennes en même temps que de céréales américaines à l'élévateur local. Si l'on ajoute à cela les faibles prix pour certaines denrées, comme le porc, le bétail et les céréales, cela incite certaines personnes à blâmer tous leurs problèmes sur les importations.

M. Leon Benoit: Quand j'ai demandé s'il y avait un rapport entre ces mesures et la gestion de l'offre, je savais que les États en question ne peuvent pas prendre de telles mesures, mais que, vu la façon dont le gouvernement fédéral américain traite ces États, ceux-ci pourraient avoir tendance à établir un rapport entre les deux.

M. Mike Gifford: Comme vous l'avez vous-même mentionné, cela me fait penser aux inspections unilatérales que l'État du Maine avait commencé à faire au début des années 80 dans le cas des camions canadiens transportant des pommes de terre du Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. Si je me rappelle bien, le gouvernement fédéral américain avait mis quelques jours à peine pour obtenir une injonction du tribunal pour interdire à l'État de nuire au commerce international.

Malheureusement, cela c'était produit à un autre moment que juste avant des élections aux États-Unis. C'était au début des années 80.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Monsieur le président, mon intervention sera très brève. Je ferai principalement des commentaires.

Ce qui m'inquiète à prime abord, c'est le temps qu'on met à résoudre ce conflit. Vous dites qu'on est en période électorale et je le comprends, mais au-delà de tout ça, on travaille avec du matériel vivant et non avec des boîtes de conserve. Il y a un problème urgent, et je n'ai pas l'impression qu'on est très près de le résoudre. On ne semble pas angoissé par l'urgence de la situation. Vous avez mentionné le Maine, mais ce n'est ni la première ni la dernière ingérence.

C'est le simple commentaire que je voulais faire. Comme le disent mes collègues, c'est présentement un problème du Midwest, mais ça pourra devenir un problème de tout le Canada, dont le Québec. Je cède la parole à mes collègues, qui sont beaucoup plus préoccupés par la problématique aujourd'hui.

Merci, monsieur le président.

• 0945

[Traduction]

Le président: C'est à vous, monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Vous voulez dire que je profite du temps de parole de Mme Alarie?

Le président: Vous pourrez vous le partager avec M. Proctor.

M. Rick Borotsik: Excellent. J'ai un tas de questions à poser.

Monsieur Gifford, je voudrais que vous nous en disiez plus long à propos de la date limite de vendredi que vous avez mentionnée au comité. Vous pensez que la question pourrait très bien être réglée d'ici vendredi. Pouvez-vous nous en dire plus long et peut-être me donner quelques garanties que tout cela pourrait très bien se régler d'ici vendredi prochain?

M. Mike Gifford: Comme je pense l'avoir dit, il semblerait que le gouvernement des États-Unis espère avoir reçu d'ici vendredi des renseignements détaillés avec preuve à l'appui sur les inquiétudes et les préoccupations de chacun des États en cause. Nous pensons qu'une fois qu'il aura reçu ces renseignements, le gouvernement fédéral américain demandera à consulter le gouvernement du Canada.

Nous avons déjà dit au gouvernement américain que, comme condition préalable à de telles consultations avec les États-Unis, il faudrait que les États mettent fin aux mesures qu'ils ont prises. Si les États-Unis veulent avoir des consultations rapidement, il faudra que les divers États mettent fin rapidement à ces mesures.

M. Rick Borotsik: Je voudrais poursuivre dans la même veine, monsieur le président. D'après un journal d'hier, le gouverneur du Montana aurait déclaré que les gouverneurs des États américains cesseraient d'inspecter les camions si les deux côtés commençaient immédiatement à discuter de la question et des autres questions commerciales urgentes qui touchent les États du Midwest. Cela veut dire des rencontres en personne.

Vous dites maintenant que, d'après votre ministère et le gouvernement du Canada, il n'y aura pas de réunion jusqu'à ce que... Il me semble qu'on en est à une impasse à l'OK Corral.

M. Mike Gifford: Non, pas du tout.

M. Rick Borotsik: Pourquoi ne voulez-vous pas entamer de discussions avec un gouverneur d'État qui semble prêt à céder?

M. Mike Gifford: Le gouvernement du Canada n'entamerait des discussions qu'avec le gouvernement fédéral des États-Unis. Nous sommes tout à fait prêts à entamer ces rencontres le plus rapidement possible. Si les Américains veulent nous rencontrer demain, nous y sommes tout à fait disposés. Tout ce que nous disons, c'est que les États américains devront avoir aboli ces mesures avant que nous commencions à discuter.

M. Rick Borotsik: Nous avons une solution en vue, monsieur Gifford, puisque les gouverneurs disent qu'ils sont prêts à régler la question. De votre côté, vous dites: «Rien ne sera réglé tant que vous n'aurez pas suspendu toutes les mesures que vous avez prises.»

M. Mike Gifford: Pensez-vous que nous devrions négocier sous la contrainte, monsieur Borotsik?

M. Rick Borotsik: Je pense que nous sommes déjà sous la contrainte, monsieur Gifford. Si vous n'êtes pas d'accord, il y a un problème. Je pense que nous sommes sous la contrainte. Vous avez tout à fait raison relativement aux mesures prises par le Dakota du Sud, mais dans les autres États, on ne fait qu'harceler les camionneurs.

Si la situation se détériore, monsieur Gifford, nous ne pourrons pas acheminer nos produits au sud du Dakota du Sud et du Minnesota. C'est de la contrainte.

M. Mike Gifford: Nous savons que la situation risque de devenir grave, mais, à mon avis, le fait est que, dans une large mesure, nous ne sommes qu'un pion sur la scène politique américaine. Aucune de ces mesures n'est nécessaire et pourrait prendre fin tout de suite. Les autorités des divers États semblent ne pas en savoir grand-chose au sujet de ce qui se passe, de ce qu'on a fait et de ce qu'on projette faire.

M. Rick Borotsik: Monsieur Gifford, ne serait-il pas préférable de rencontrer ces autorités et ces politiciens d'État pour leur expliquer exactement la situation?

M. Mike Gifford: Nous avons l'intention de rencontrer les représentants du gouvernement fédéral américain, y compris des gens au niveau du Cabinet, et nous comptons bien que le gouvernement fédéral américain s'occupera des gouverneurs des États.

M. Rick Borotsik: J'ai un peu de mal à l'accepter, monsieur Gifford.

Je dois dire que je comprends votre position et que je ne pose pas mes questions par antagonisme. J'essaye de savoir pourquoi nous devons négocier de cette façon.

Monsieur Gifford, les usines américaines comptent beaucoup sur les produits canadiens.

M. Mike Gifford: Oui, en effet.

M. Rick Borotsik: Y a-t-il eu des entretiens avec l'industrie pour voir dans quelle mesure ces secteurs souffrent de la situation aux États-Unis? Cela a des conséquences pour le coût, c'est bien évident.

Je comprends votre position, monsieur Gifford, mais vous avez bien dit qu'il y avait des problèmes, mais qu'ils étaient sans gravité. La situation influe maintenant sur le coût du transport. Bien entendu, ce coût est transmis aux producteurs.

L'industrie aux États-Unis souffre-t-elle au point de vouloir s'allier aux producteurs canadiens?

M. Claude Carrière: Puis-je répondre, monsieur le président.

Vu certaines des choses que vous cherchez à savoir, j'aurais dû inclure certains commentaires plus tôt. Les mesures prises par le Dakota du Sud ne sont pas sans coûter quelque chose à l'industrie de l'État. Le Canada est le principal marché d'exportation du Dakota du Sud par une marge considérable. Près de 40 p. 100 des exportations de l'État vont au Canada. Le deuxième en importance est le Japon et les exportations vers ce pays sont de moins de 10 p. 100. Une très grande partie des exportations de l'État vont donc au Canada.

• 0950

Qui plus est, ces produits sont transportés vers le Canada par camions, les mêmes camions qu'on prenait auparavant pour livrer les produits du Canada au Dakota du Sud et qui rentraient chargés. Maintenant, on n'utilise plus les mêmes camions pour expédier ces produits au Canada. Si on les expédie, on doit le faire autrement. L'industrie a donc les mêmes problèmes que nos producteurs.

D'après certaines données non scientifiques, qu'on a pu obtenir sur une certaine période, relativement au commerce qui se faisait auparavant entre le Canada et le Dakota du Sud, certaines entreprises ont changé de fournisseurs et n'achètent plus, par exemple, de farine de soja du Dakota du Sud et achètent maintenant d'un État voisin. Cette mesure coûte donc quelque chose au Dakota du Sud.

M. Rick Borotsik: C'est exactement ce que je veux faire comprendre, monsieur Carrière. Nous savons tous qu'il y a des conséquences tant au Canada qu'aux États-Unis. Si les industries du Dakota du Sud surtout en souffrent, votre ministère a-t-il songé à collaborer avec ces industries pour obtenir une injonction du tribunal pour lutter contre les mesures tout à fait injustes instaurées maintenant au Dakota du Sud?

M. Claude Carrière: En un mot, oui.

M. Rick Borotsik: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait?

M. Claude Carrière: Nous l'avons fait.

M. Rick Borotsik: Obtenu une injonction?

M. Claude Carrière: Non. Nous devons trouver quelqu'un au Dakota du Sud qui puisse établir que ces mesures lui ont causé un tort irréparable. C'est plus difficile à faire qu'on ne pourrait le croire.

M. Rick Borotsik: Je suis heureux que vous y ayez au moins songé. À ce moment-là, que doit-il arriver pour qu'on obtienne une injonction du tribunal, et votre ministère incitera-t-il quelqu'un à réclamer cette injonction si le problème n'est pas résolu d'ici vendredi.

M. Claude Carrière: Si nous pouvons trouver quelqu'un qui est prêt à réclamer une injonction, nous collaborerons avec lui. C'est ce que nous essayons de faire depuis le début.

M. Rick Borotsik: Vous n'y avez pas réussi.

M. Claude Carrière: Non. Nous travaillons de concert avec l'industrie canadienne, qui essaie de voir avec ses acheteurs et ses fournisseurs du Dakota du Sud qui seraient prêts à participer. Le gouvernement fédéral lui-même ne peut pas réclamer une injonction.

M. Rick Borotsik: Ce n'est pas ce que j'ai demandé.

M. Claude Carrière: Non, mais nous avons collaboré avec l'industrie pour identifier...

M. Rick Borotsik: Vous n'avez donc pas réussi à trouver quelqu'un.

M. Claude Carrière: Nous aiderions cette personne et nous travaillerions d'aussi près que possible avec elle sur le plan juridique.

M. Rick Borotsik: Est-ce une chose que vous recherchez avez assiduité? Pensez-vous que cela pourrait devenir votre prochaine arme dans ce combat?

M. Claude Carrière: Le problème de cette arme, c'est que nous n'avons pas la personne qui peut la manier. Si nous pouvons trouver cette personne, l'arme serait efficace, mais nous ne pouvons pas vous dire quand nous trouverons.

M. Rick Borotsik: Ce que je veux savoir, monsieur Carrière, est très simple. Cherchez-vous activement cette personne et cette industrie? Est-ce une priorité?

M. Claude Carrière: Oui.

M. Rick Borotsik: Merci.

Le président: Denis.

[Français]

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Pour illustrer la situation, monsieur Carrière, je pourrais dire que j'ai l'impression qu'on est à Montréal et qu'on veut se rendre à Ottawa, mais qu'au lieu de prendre l'autoroute, on passe par Mont-Laurier. Je ne suis pas un expert en matière de commerce international, mais j'ai l'impression qu'on essaie tellement de jouer d'après le livre qu'on se perd dans cette procédure, alors qu'on pourrait parler directement aux gens concernés.

Quel est le rôle de notre ambassadeur? Qu'est-ce que Raymond Chrétien a fait jusqu'à présent? A-t-il participé à des rencontres? A-t-il parlé au gouverneur? Qu'est-il arrivé de ce côté-là?

M. Claude Carrière: Le rôle de l'ambassadeur est de représenter le gouvernement canadien. L'ambassadeur a parlé et écrit aux représentants fédéraux concernés et même aux gens de la Maison-Blanche. Il a également parlé à plusieurs reprises au gouverneur du Dakota du Nord, qu'il connaît. Toutefois, M. Janklow n'est pas la personne la plus facile à rejoindre. Des tentatives ont été faites, mais on n'a pas rappelé notre ambassadeur ou notre conseiller général au Minnesota.

Nous faisons face à un concours de circonstances. Comme le mentionnait M. Gifford, nos bas prix pour des produits de base ont un impact important sur les producteurs des deux côtés de la frontière, que ce soit dans l'Est ou dans l'Ouest.

• 0955

Il ne faut pas oublier qu'on est en période électorale aux États-Unis. Les élections auront lieu au début de novembre. Historiquement, cette région des États-Unis s'est plainte de l'incapacité de Washington de répondre à ses doléances vis-à-vis des importations en provenance du Canada. Ces personnes considèrent, à tort, que nous sommes la source de leurs problèmes. Nous faisons donc face à cette conjoncture, qui se complique par une préoccupation à Washington relativement à des considérations électorales. Notre administration n'a pas été en mesure de répondre à la situation du Dakota du Nord aussi rapidement que nous l'aurions voulu; ce fut beaucoup plus lent. Nous exerçons toutefois des pressions à Washington pour que le gouvernement agisse et arrête ces mesures. Nous voulons éviter que le gouvernement américain agisse de manière non considérée et prenne des mesures qui pourraient avoir un impact négatif.

M. Denis Coderre: Monsieur Carrière, est-ce qu'en raison de l'urgence de la situation, notre premier ministre a parlé directement au président de ce problème?

M. Claude Carrière: Que je sache, il n'y a pas eu de conversations à ce sujet-là.

M. Denis Coderre: Il n'a donc pas parlé à Bill. D'accord.

J'aimerais vous parler d'un autre aspect qui me préoccupe. Si vous pouviez me donner des garanties, ce serait tant mieux. Je soupçonne qu'on se sert de l'élection américaine comme excuse. À la lumière de ce que M. Gifford disait, j'ai le sentiment—vous me direz si je trompe et, si oui, tant mieux—qu'un des enjeux réels du blocus est le ramollissement de nos critères de santé publique. Étant donné qu'on ne peut pas passer le blé des États-Unis à cause de certains de nos critères, on invoque justement la période électorale pour essayer de jouer un peu avec ces critères. Est-ce que nos critères de santé publique, face à ceux que l'agence applique, sont négociables?

M. Claude Carrière: Les critères de santé publique? Non.

M. Denis Coderre: Est-ce que vous pouvez me garantir que s'il y a un règlement hors cour, les critères de santé ne seront à aucun moment un enjeu?

M. Claude Carrière: Que je sache, les critères de santé publique ne sont pas à l'ordre du jour.

M. Denis Coderre: Donc, vous garantissez au comité qu'à aucun moment ils ne seront sur la table.

M. Claude Carrière: Je ne suis pas en mesure de garantir quoi que ce soit, monsieur Coderre.

M. Denis Coderre: Monsieur Gifford?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Je pense que pour les deux pays, il est tout à fait essentiel de protéger la santé des êtres humains, des plantes et des animaux, mais il faut pour cela se baser sur des faits scientifiques. On ne peut pas prétexter des inquiétudes relatives à la santé et à la sécurité pour faire obstacle au commerce.

Les deux pays ont souscrit à l'entente sur les mesures sanitaires et phytosanitaires qui a été négociée dans le cadre de l'OMC. Cette entente stipule entre autres qu'il faut être prêt à examiner pour l'avenir la possibilité d'instaurer un système d'autorisation régional plutôt que national.

Voici un exemple. Seulement parce que nous avons une maladie de la pomme dans vallée de la Nouvelle-Écosse, cela ne veut pas dire que le pays importateur doit interdire les importations de l'Okanagan en Colombie-Britannique parce qu'il s'agit de pommes canadiennes. Il faudrait distinguer entre les régions.

[Français]

M. Denis Coderre: Je suis d'accord, monsieur Gifford. Vous savez que je ne parle pas de la provenance de la pomme, mais de la maladie comme telle. Il faut s'assurer d'appliquer partout la même réglementation de santé publique. Si nous, les Canadiens, avons les meilleurs critères de santé publique au monde, je veux m'assurer que ces critères ne seront pas sur la table lors de négociations. Il y a d'autres aspects, et nous vous inviterons à nouveau pour parler de la STBr. Il y a toutes sortes de choses bizarres qui se passent. Si j'ai l'assurance que mes négociateurs protègent la santé publique et ne jouent pas avec les critères de santé, je serai satisfait. C'est pourquoi je vous demande si c'est une garantie.

[Traduction]

M. Mike Gifford: Oui, vous pouvez être certain que les règles canadiennes de santé et de sécurité sont les meilleures du monde.

Le président: Monsieur McCormick et ensuite M. Proctor.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Messieurs, je vous remercie d'être venus. Je suis heureux d'entendre vos paroles de sagesse.

• 1000

Mes collègues d'en face ont soulevé le rapport avec la gestion de l'offre. Au cours des quelques prochaines années, j'imagine qu'on pourrait toujours essayer de monter n'importe quel problème en épingle, mais le fait est qu'il n'y a pas beaucoup de gestion de l'offre dans ces États, comme on l'a déjà dit.

La situation est très grave, mais je voudrais bien que mes collègues du Manitoba reconnaissent les efforts fournis par notre ministre. Ce sont vos amis et mes amis de l'Ouest qui ont mis tout le monde au courant de ce que le ministre faisait à ce sujet et qui ont téléphoné à maintes reprises à M. Glickman.

Il me semble que, comme nous nous efforçons de résoudre des problèmes de ce genre, du moins jusqu'aux prochaines élections, il vaut mieux procéder de la façon normale, c'est-à-dire entre gouvernements fédéraux. Si nous commençons à traiter avec un gouverneur, quelqu'un d'autre commencera certainement à protester. Il me semble que nous devons nous en tenir à la tradition et à ce qui a bien fonctionné pour le Canada dans le passé.

Bien entendu, monsieur le président, le moment serait mal choisi pour commencer à parler de l'important travail accompli par notre excellente Commission du blé, dont nous allons avoir de plus en plus besoin à l'avenir.

Bien sûr, les agriculteurs de l'Ouest commencent enfin à s'en rendre compte, comme Rick vous le dira s'il les écoute, et savent que le contrôle est exercé par la Commission du blé.

Merci, monsieur le président.

M. Rick Borotsik: Je voudrais bien que M. Gifford réponde à ces commentaires politiques.

Le président: Monsieur Proctor, je vous prie.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup.

Avant que j'applaudisse trop fort à ce que fait le ministre de l'Agriculture, monsieur Carrière, vous nous avez dit ce qui est arrivé une fois que le Dakota du Sud a commencé ses vérifications, mais, comme nous le savons tous, le gouverneur de l'État avait annoncé ce qu'il comptait faire environ 16 jours avant. Je voudrais savoir ce qui s'est passé entre temps et ce que le gouvernement du Canada a fait pendant ces 16 jours avant que l'on commence à arrêter les camions à la frontière du Dakota du Sud.

M. Claude Carrière: Monsieur le président, comme M. Gifford ou moi l'avons dit plus tôt, nous collaborons avec le gouvernement américain depuis déjà des années pour nous occuper de certains problèmes liés au commerce des produits agricoles qui ont été identifiés par les États-Unis et par le Canada. J'ai moi-même participé directement à l'élaboration du projet pilote pour le blé pour répondre aux préoccupations des États-Unis sans que cela ne nuise à notre système de contrôle de la qualité ou à nos exigences phytosanitaires liées à la carie de karnal.

Nous étions vraiment sur le point de mener ce projet à bien et il est vraiment malheureux que les mesures prises par le Dakota du Sud aient arrêté ce travail qui pourrait sinon continuer.

Nous travaillons aussi de concert avec les industries de l'élevage des deux côtés de la frontière pour lancer le projet des bovins du Nord-Ouest dont l'annonce avait été publiée dans la Gazette en août et qui est instauré à compter d'aujourd'hui, le 1er octobre, je pense.

Quant aux préoccupations du Dakota du Sud, on s'en occupait déjà avant que cet État n'annonce la prise de ses mesures. Nous nous efforcions déjà de résoudre les problèmes et d'empêcher qu'on ait recours à de telles mesures.

M. Dick Proctor: Ce que je veux savoir, c'est ce que l'ambassadeur du Canada aux États-Unis a fait quand le gouverneur Janklow a annoncé que l'État commencerait à inspecter les camions à compter du 16 septembre. Qu'a-t-il fait entre le 1er et le 16 septembre?

M. Claude Carrière: Je devrai me renseigner. Je n'ai pas les détails sous les yeux.

M. Dick Proctor: On a émis comme hypothèse que toute cette situation était due à de l'esbroufe électorale. C'est ce qu'on nous a dit. Des organismes comme le Saskatchewan Wheat Pool nous disent que vous traitez le symptôme et non pas la maladie, que les Américains deviennent de plus en plus protectionnistes et examinent à la loupe tout ce qui arrive au pays.

Je voudrais savoir si quelqu'un ici peut nous parler des allégations qui ont été faites à propos de tous les produits de viande rouge importés du Canada ou d'ailleurs. Il semblerait que les Américains voulaient que ces produits soient frappés d'un timbre montrant qu'ils sont importés. Pouvez-vous nous en parler?

• 1005

M. Claude Carrière: Lundi ou mardi, une conférence de la Chambre des représentants et des sénateurs a renversé cet article et la condition relative à l'étiquetage de la viande a été enlevée du projet de loi portant affectation de crédit. On a maintenant réclamé une étude et nous essayons de savoir exactement quels seront les conditions ou le mandat de cette étude. De toute façon, la disposition relative à l'étiquetage a été supprimée du projet de loi.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres problèmes plus tard. Il y a un groupe aux États-Unis qui s'en occupe. Nous avons travaillé de concert avec le secteur de la mise transformation au Canada et aux États-Unis pour qu'on retire cet article. Pour l'instant, nos efforts communs ont réussi. Cette stipulation a été supprimée.

M. Dick Proctor: Je n'ai pas d'autres questions.

Le président: Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vais poursuivre dans la même veine que M. Proctor. Je ne veux pas vraiment parler de la période de 16 jours sur laquelle il s'interrogeait. Ce que je pense c'est que, comme on l'a dit plus tôt, le phénomène n'est pas nouveau dans l'histoire des élections aux États-Unis et les problèmes de ce genre surgissent souvent en période électorale aux États-Unis. Je ne m'inquiète donc pas particulièrement de cette période de 16 jours. Par ailleurs, que fait le gouvernement du Canada pour se préparer à de tels incidents? Ils se produisent de façon cyclique ou semblent le faire.

Comme vous l'avez dit, il y a toutes sortes de malentendus. Pourquoi n'allons-nous pas au devant des coups au lieu de nous contenter de réagir? C'est ce qui me préoccupe. Nous savons que ces choses risquent d'arriver, alors pourquoi attendons-nous toujours de voir le signal de danger avant de réagir?

C'est la question à laquelle je voudrais bien obtenir une réponse.

Deuxièmement, les États-Unis voudraient avoir accès aux élévateurs du Canada. Les autorités américaines font les tests nécessaires pour déceler des signes de maladie dans leurs céréales. Acceptons-nous les résultats des tests américains sans faire nous-mêmes de tests une fois que le produit a traversé la frontière?

Vous avez dit que les États-Unis avaient dressé une liste de ce qu'ils considèrent comme des iniquités. Le gouvernement du Canada a-t-il aussi dressé sa liste? Je ne veux pas dire que vous rivalisez sur le plan des iniquités, mais faisons-nous aussi quelque chose pour nous protéger?

Ma dernière question: Vous dites que quelqu'un était chargé de travailler ou d'exercer des pressions dans le Dakota du Sud, mais depuis combien de temps cette personne ou cette équipe sont-elles là et que font-elles au juste?

Voilà mes questions.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, je pense que nous allons nous partager les réponses.

Dans le cas du blé, les États où l'on n'a pas constaté de carie de karnal, par exemple le Dakota du Sud et du Nord, peuvent exporter du blé au Canada, mais le blé doit être accompagné d'un certificat phytosanitaire de l'USDA pour garantir que le produit en question n'est pas infesté par la carie de karnal.

Dans l'ensemble, de façon générale, les autorités sanitaires et phytosanitaires du Canada et des États-Unis acceptent la documentation de l'autre pays. Si le gouvernement des États-Unis, en l'occurrence le département de l'Agriculture des États-Unis, est prêt à mettre en jeu sa réputation et son professionnalisme en donnant un certificat phytosanitaire, le Canada l'acceptera comme preuve que le produit n'est pas infesté par la carie de karnal, tout comme les États-Unis devraient respecter nos certificats d'assurance de la qualité et de la sécurité.

À mon avis, nous devrions prendre plus de mesures en ce sens. Il y a bon nombre de domaines où nous avons des intérêts communs.

J'arrive maintenant à l'une des autres questions de Mme Ur.

Mme Rose-Marie Ur: Excusez-moi, mais avant que vous ne passiez à la réponse suivante, justement à ce sujet, si nous disons—et je me fais ici l'avocat du diable—que nous acceptons la documentation des États-Unis selon laquelle ce produit est effectivement exempt de maladie, etc.—et c'est dans une autre veine—, alors pourquoi le gouvernement canadien ne peut-il pas accepter l'information américaine en ce qui a trait à l'homologation d'un antiparasitaire?

• 1010

M. Mike Gifford: C'est exactement là où je voulais en venir, car je pense que nous avons un intérêt mutuel à éclaircir toute la question de ce qu'il faut faire pour en arriver à une approche plus harmonisée.

Nous avons des disparités sur la question de l'homologation des antiparasitaires et des résidus. Nous avons des disparités quant aux médicaments vétérinaires qui sont approuvés pour utilisation dans les deux pays. Et cela va dans les deux sens. Au Canada, pour les pommes de terre et le canola, nous avons un beaucoup plus grand nombre d'herbicides qui sont homologués qu'aux États-Unis, mais lorsqu'on parle de plus petites récoltes, particulièrement pour les fruits et légumes, nous avons beaucoup moins d'herbicides.

Il est donc clair que c'est dans l'intérêt mutuel des deux pays d'accélérer un processus qui est déjà amorcé, mais je pense que tout le monde reconnaîtra volontiers que ce processus doit être accéléré afin d'encourager une plus grande harmonisation des antiparasitaires et des médicaments vétérinaires en Amérique du Nord.

Je pense que cette question figurera certainement à l'ordre du jour des réunions à venir. Si nous pouvons faire des progrès dans ce domaine, alors quelque chose de bien ressortira d'une mauvaise situation.

Pour ce qui est des moyens à prendre pour prévenir ce genre de choses, je pense que c'est la première fois que les États-Unis prennent des mesures immédiatement avant des élections. Je ne pense pas qu'il y ait jamais eu une situation aussi politisée que celle qui prévaut à l'heure actuelle. Il me semble que la bonne façon de nous attaquer à ces problèmes est de faire exactement ce que nous avons encouragé notre industrie à faire.

Les syndicats du blé des Prairies ont rencontré régulièrement leurs homologues américains. La Western Canadian Wheat Growers Association et la Alberta Barley Commission ont organisé récemment une conférence qui a eu beaucoup de succès à Banff, au cours de laquelle les producteurs des deux côtés de la frontière se sont rencontrés pour s'entretenir librement de ces questions.

Le gouvernement du Canada souscrit certainement aux recommandations qui ont été faites par la Commission mixte canado-américaine sur le grain il y a quelques années en vue d'établir un comité consultatif canado-américain sur le commerce du grain—et, en fait, s'ils veulent l'élargir à tout autre produit agricole, nous sommes tout à fait disposés à le faire—, mais jusqu'à présent, l'administration américaine a fait preuve de peu d'enthousiasme à cet égard.

Nous pensons que nous devons encourager un plus grand dialogue au niveau des producteurs. Je présume que les politiciens américains réagissent à ce qu'ils perçoivent comme étant les préoccupations de la base populaire, et je suppose que nous devons commencer à cibler davantage nos efforts pour mieux renseigner la base populaire américaine. Manifestement, la meilleure façon de le faire est de s'adresser aux organisations agricoles américaines. Au cours des dernières années, nous avons certainement cherché à faire comprendre aux groupes agricoles qu'une partie de leur travail était essentiellement d'ouvrir un dialogue avec leurs homologues américains.

Les gouvernements, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux, ne peuvent faire tout le travail. Il est préférable d'avoir un dialogue entre les producteurs sur ces questions.

Donc, nous ne sommes pas en désaccord avec vous lorsque vous dites qu'il faut que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux fassent davantage de travail, car il est clair que les gouvernements provinciaux ont de bons contacts avec leurs États voisins, et les groupes de producteurs canadiens peuvent certainement obtenir les faits. Il est important de le faire si l'on veut dissiper peu à peu ces mythes et ces idées fausses.

Le problème c'est qu'en réalité, la bataille sera longue et soutenue. Cela ne peut se faire du jour au lendemain.

Le président: Monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom: Monsieur le président, à propos de M. Janklow aux États-Unis, aux environ de 1985 il a fait à peu près la même chose. Comme je l'ai déjà dit, cela n'est pas nouveau.

En ce qui concerne les questions commerciales—M. McCormick en a parlé davantage—avec le projet de loi C-4, les agriculteurs de l'Ouest se sont fait dire encore une fois exactement ce qui était bon pour eux.

En ce qui concerne la Commission canadienne du blé et le commerce international, les Américains ont fait diverses allégations au fil des ans concernant la Commission canadienne du blé. Or, c'est un vieux problème. Qu'est-ce que l'on fait à l'heure actuelle dans le cadre des négociations avec les États-Unis pour régler ces problèmes qui existent toujours? Y a-t-il des négociations en cours et pouvez-vous nous dire exactement en quoi elles consistent?

• 1015

M. Mike Gifford: Ce que nous avons dit aux Américains, essentiellement, c'est de se taire s'ils ne pouvaient prouver leurs allégations. Ils ne cessent de faire des allégations au sujet de pratiques commerciales inéquitables de la part de la Commission canadienne du blé, de la Australian Wheat Board et de la New Zealand Dairy Board. Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que c'est à Genève devant l'Organisation mondiale du commerce qu'il faut soulever ces préoccupations concernant les coopératives de vente à guichet unique.

Il y a actuellement certaines règles régissant le fonctionnement des agences de vente à guichet unique, règles que le Canada respecte d'ailleurs. Jusqu'à présent, tout ce que les États-Unis ont réussi à faire c'est de dire eh bien, en théorie, ceci pourrait arriver ou, en théorie, cela pourrait arriver. Mais ils n'ont pas encore donné d'exemples concrets de problèmes commerciaux courants.

Nous avons dit à plusieurs reprises que nous étions prêts à nous asseoir et à discuter des problèmes commerciaux concrets avec les États-Unis, mais nous ne sommes pas prêts à discuter des différentes philosophies de marché.

Ils ont leur système et nous avons le nôtre. Ils sont différents, mais ce n'est pas parce qu'ils sont différents qu'ils sont nécessairement injustes.

Il incombe donc uniquement aux États-Unis de s'asseoir et de définir exactement quel est leur problème, car jusqu'à présent ils n'ont pas encore réussi à le faire.

M. Howard Hilstrom: Un exemple d'une situation qui est survenue au cours des 12 derniers mois environ c'est que les Américains ont allégué, par exemple, que le blé qui est livré dans nos silos-élévateurs comme aliment pour bétail numéro 3 se retrouve aux États-unis comme blé de mouture, et les États-Unis disent que nous faisons du dumping du blé à un prix inférieur au marché, en réalité, vu la qualité de blé qui est envoyée là-bas.

C'est le genre de choses qu'il faut absolument éclaircir. Cela ne suffit pas de leur donner un ultimatum. Écoutez, il faut absolument essayer de régler le dossier avec eux. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Monsieur le président, avant qu'il réponde, devrais-je présenter mes motions à ce moment-ci ou est-ce que vous préférez attendre un peu plus tard?

Le président: Nous attendrons un peu plus tard.

M. Howard Hilstrom: C'est que cela pourrait donner l'occasion aux membres du comité d'examiner cette question et peut-être—je ne sais pas si c'est approprié—d'entendre certains commentaires des témoins qui sont ici.

Le président: Si le comité le veut bien, j'aimerais d'abord terminer la période des questions avant de passer aux motions.

M. Howard Hilstrom: Très bien.

Donc, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Et ce n'est pas uniquement la Commission du blé. Il y a la Commission ontarienne du blé également. Je ne parle pas seulement de la Commission canadienne du blé, mais de toutes les questions relatives aux grains.

M. Mike Gifford: Je pense que le rapport de la Commission canado-américaine sur le grain documente réellement le problème qui a surgi en 1993-1994 lorsqu'une bonne partie de notre blé était transportée par camion vers les silos-élévateurs américains dans les États avoisinants. Les agriculteurs américains devaient faire la queue pendant cinq ou six heures pour décharger leurs camions au silo-élévateur. C'étaient essentiellement les camions canadiens qui étaient la cause de cette longue attente.

Par ailleurs, il est vrai que dans certains cas, comme le blé canadien était de moins bonne qualité ces années-là à cause des mauvaises conditions météorologiques, il y avait du blé qui se vendait comme si c'était du blé fourrager au Canada, mais le silo-élévateur américain local le mélangeait à des produits américains pour en faire du blé de mouture.

Je pense qu'en rétrospective, bien des gens au Canada, les compagnies céréalières qui ont participé au commerce, se sont rendu compte que ce n'était pas la bonne façon de vendre du blé aux États-Unis. Donc, je crois comprendre que plus de 95 p. 100 du blé qui est vendu aux États-Unis et qui provient de l'Ouest canadien est acheminé par voie ferroviaire. Il est acheminé directement à l'utilisateur final. Donc, les gros moulins à Minneapolis et à St. Louis reçoivent des trains-blocs qui arrivent du Canada.

Le genre de problème que vous avez décrit s'est produit du moins dans certains cas en 1993-1994, mais n'existe plus aujourd'hui.

M. Howard Hilstrom: Donc, juste...

Le président: Nous devons passer à l'intervenant suivant.

M. Howard Hilstrom: Très bien.

Le président: M. Steckle, M. Borotsik, M. Harvard et Mme Alarie.

Paul.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): J'aimerais que nous nous penchions quelques instants sur la question des ententes que nous avons conclues par le passé.

Il y a dix ans, nous avons signé l'ALENA. Plus récemment, nous avons conclu une entente dans le cadre de l'OMC. Les gouvernements qui concluent de telles ententes doivent respecter certaines conditions qui ont été acceptées par toutes les parties, tous les pays signataires.

• 1020

Pour faire suite à la question qu'a posée M. Proctor au sujet de la période de 16 jours—et sa question concernait ce que nous avions fait au cours de cette période de 16 jours—, je voudrais poser la question suivante: Qu'est-ce que M. Glickman a fait au cours de cette période de 16 jours? Manifestement, si j'ai bien compris l'information que j'ai, il y a des conditions de non-discrimination, de libre circulation, qui nous sont imposées dans l'ALENA.

Si nous avons répondu à toutes les exigences fédérales, n'incombait-il pas à M. Glickman d'aller voir les gouverneurs des divers États, particulièrement de l'État du Dakota du Sud, au cours de cette période de 16 jours, pour leur dire qu'ils ne pouvaient pas agir unilatéralement? Il aurait dû y avoir un sursis pour que cette question de contraintes soit réglée.

Écoutez, pourquoi est-ce à nous de nous battre pour cette question? Le gouvernement américain n'a-t-il pas une part de responsabilité pour s'assurer que les États membres—et il y en a 50 ou 51 aux États-Unis; nous en avons 10—respectent les règles qui ont été établies? Il incombe au gouvernement américain de le faire. Si ce n'est pas le cas, alors cela ne sert à rien, et il faut alors que nous nous demandions si nous devons vraiment conclure d'autres accords.

Si j'ai bien compris l'ALENA et l'OMC, ces ententes visent à nous donner plus librement accès aux produits qui sont importés et à faciliter l'exportation de produits dans d'autres régions du monde, de façon à ce qu'il y ait une plus grande harmonisation du commerce dans le monde. Je suppose qu'il faut que cela soit compris.

M. Glickman a-t-il négligé ses responsabilités ou est-ce que nous devons écouter tous les États américains chaque fois qu'ils ont un grief s'il y a des élections? Laissons un peu la politique de côté et supposons qu'il n'y a aucune ingérence politique. Occupons-nous des faits réels. Pourquoi M. Glickman n'a-t-il pas agi dans cette affaire?

M. Mike Gifford: C'est la responsabilité du gouvernement fédéral américain, tout comme c'est la responsabilité du gouvernement fédéral à Ottawa, de s'assurer que les gouvernements subsidiaires respectent les dispositions contenues dans les accords commerciaux internationaux qui ont été signés par le gouvernement fédéral.

Oui, il incombe au gouvernement fédéral de Washington de s'assurer que les États américains ne violent aucune disposition de l'ALENA et de l'OMC, tout comme Ottawa a la responsabilité de s'assurer que les provinces et les municipalités canadiennes ne vont pas à l'encontre des obligations du Canada relativement aux accords commerciaux internationaux qui ont été signés par ce dernier.

Au cours des dernières semaines, les ministres Vanclief, Marchi et Axworthy ainsi que l'ambassadeur Chrétien ont tous fait valoir cet argument avec beaucoup de vigueur auprès de leurs homologues américains, et le fait de ne pas contester risquerait de créer un précédent extrêmement dangereux, de sorte qu'il incombe au gouvernement des États-Unis de s'assurer que ses propres gouvernements subsidiaires respectent les dispositions de l'ALENA et de l'OMC.

Malheureusement, on nous a répondu qu'ils étaient dans une situation politique difficile. Il semble que ce soit l'excuse pour tout.

M. Paul Steckle: En conclusion, je dirais que s'il s'agit d'un problème politique, sommes-nous d'accord pour dire alors qu'il s'agit d'un problème politique plutôt que d'une question de violation du principe ou des règles?

M. Claude Carrière: Eh bien, on peut faire valoir, monsieur, que les mesures prises par le Dakota du Sud ne sont pas conformes aux obligations des États-Unis aux termes de l'ALENA et de l'OMC. Le gouvernement américain a l'obligation de s'assurer que les États respectent ces obligations, et c'est cette question que nous voulons aborder avec eux en ce qui concerne l'ALENA et l'OMC. Nous préférons que les mesures soient levées immédiatement, mais si elles ne le sont pas, alors nous insisterons pour que les États-Unis interviennent pour s'assurer qu'elles sont levées.

M. Paul Steckle: Il est clair que le problème est au niveau de l'État, car si le produit n'est pas renvoyé au Canada, d'où il est venu, et qu'on permette qu'il reste aux États-Unis, alors il est évident qu'il ne s'agit pas d'une violation d'un règlement mais plutôt d'un principe politique.

M. Claude Carrière: À notre avis, il y a violation de règlement.

Le président: Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

La politique et l'économie se rejoignent ici en quelque sorte, et c'est ce à quoi M. Steckle tente de faire allusion. De toute évidence, l'économie est à la source de ce qui se produit à l'heure actuelle dans les États du Midwest. Les statistiques révèlent que les revenus agricoles ont considérablement diminué et, en fait, on pourrait dire qu'ils ont diminué de façon spectaculaire dans le Dakota du Nord et dans le Dakota du Sud.

Étant donné la situation sur les marchés aujourd'hui, en Asie, en Russie, étant donné la situation des marchés mondiaux à l'heure actuelle, nous ne prévoyons pas qu'il y aura une reprise importante sur ces marchés.

• 1025

Monsieur Gifford, étant donné la situation, sachant très bien qu'il y a une sorte de bouleversement économique là-bas, croyez-vous qu'on va remédier à la situation rapidement? Nous sommes des boucs émissaires. Les agriculteurs canadiens sont des boucs émissaires à l'heure actuelle, et vous semblez tout simplement baisser les bras en disant que Dieu est de notre côté, que les règles commerciales sont de notre côté et que si ces gens veulent continuer à jouer ce petit jeu, alors il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire.

Cela m'inquiète quelque peu, monsieur Gifford. Nous disons qu'il faut réagir, être proactifs. À l'heure actuelle, nous savons qu'il y aura de graves problèmes commerciaux au cours des six à 12 et peut-être 18 prochains mois. Qu'est-ce que votre ministère fait pour aller au devant des coups et pour faire en sorte que cela ne se reproduira plus?

Ce n'est peut-être pas tout simplement une question politique. La prochaine fois ce sera peut-être les producteurs qui vont faire un blocus. Qu'est-ce que nous allons faire? Dire tout simplement: «Eh bien, non, c'est entre une province et un État, entre deux États?»

Nous ne pouvons pas tout simplement laisser nos producteurs se débrouiller tout seuls. Que pouvons-nous faire de façon proactive?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, je pense que nous avons déjà dit que le gouvernement fédéral et le gouvernement américain avaient systématiquement réglé un certain nombre de problèmes. Dans certains cas, nous avons déjà des solutions en place, notamment le Projet du nord-ouest sur le bétail. Le Canada a unilatéralement suspendu son contingent tarifaire sur l'orge pour permettre à l'orge américain d'entrer plus librement.

Nous étions tout à fait disposés il y a plusieurs mois à mettre sur pied ce projet pilote pour le blé. Ce n'est que parce que les États-Unis ont insisté pour reporter ce projet pilote afin de régler certaines questions phytosanitaires que le projet pilote n'est pas encore sur pied. Je pense que nous avons pris toutes sortes de mesures proactives auprès du gouvernement américain afin de régler les problèmes qui ont été constatés.

M. Rick Borotsik: Si le Minnesota et le Montana décident de prendre les mêmes mesures que le Dakota du Sud la semaine prochaine ou dans un mois ou dans six mois, quelle sera la position du gouvernement fédéral du Canada relativement à ces questions? Car si le Minnesota et le Montana font la même chose que le Dakota du Sud, nous aurons de très gros problèmes. Que ferez-vous, monsieur Gifford?

M. Mike Gifford: Vous avez certainement raison.

M. Rick Borotsik: Que feriez-vous alors, monsieur Gifford?

M. Mike Gifford: Il en résulterait de graves perturbations économiques. Cela aurait un impact sur les niveaux des prix canadiens. À l'heure actuelle, il n'y a pas d'impact sur les prix.

M. Rick Borotsik: Nous savons tous cela. Que feriez-vous, monsieur Gifford? Voilà ce qui me préoccupe. J'ai besoin qu'on me rassure.

Au fait, espérons que cela ne se produira pas, mais que feriez-vous si effectivement le Minnesota et le Montana faisaient ce qu'a fait le Dakota du Sud?

M. Mike Gifford: Il est clair que cela serait considéré comme une question extrêmement urgente qu'il faudrait régler au plus haut niveau politique.

M. Rick Borotsik: C'est là où vous et moi ne sommes pas d'accord. Je suis d'avis qu'il s'agit déjà d'une question extrêmement urgente, monsieur Gifford, qui doit être réglée au plus haut niveau politique. C'est là que je vois la difficulté.

M. Mike Gifford: Nous avons déjà dit que nous espérons et croyons que lorsque le gouvernement fédéral américain se sera repris en main, il sera prêt à engager des consultations dès la semaine prochaine. Nous sommes prêts à les rencontrer demain ou ce soir même.

M. Rick Borotsik: Mais s'ils ne veulent pas nous rencontrer, monsieur Gifford, nous avons des problèmes. Nous pouvons dire que nous avons raison, mais cela n'aide pas beaucoup le producteur de l'Ouest canadien qui ne peut livrer son produit à l'heure actuelle.

Le président: Est-ce que cela va au-delà de la responsabilité de M. Gifford?

M. Rick Borotsik: Je comprends cela, mais en fait, nous avons parlé de politique et M. McCormick a décidé que tout se présentait bien...

M. Larry McCormick:

[Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: Monsieur Harvard.

M. John Harvard: Je crois qu'il va falloir mettre deux ou trois choses en contexte, puis j'aurai une ou deux questions à poser à M. Gifford.

Tout d'abord, je crois que c'est M. Proctor ou peut-être M. Borotsik et M. Proctor qui ont tous les deux mentionné cette période de 16 jours. Apparemment, le gouverneur du Dakota du Sud a fait des menaces 16 jours avant qu'il ait en fait annoncé ce qu'il allait faire.

Je crois comprendre que lorsque M. Janklow a fait cette déclaration vers le 1er septembre, ce n'était pas définitif. Il a tout simplement dit qu'il allait arrêter les camions, arrêter la circulation à la frontière, mais il n'a rien dit d'autre. Il n'a pas élaboré de plan. En fait, je crois qu'il a même reporté d'une journée l'annonce de ce qu'il allait faire. Je suppose qu'il ne savait pas lui-même ce qu'il allait faire. Donc, je pense qu'il est important pour les députés d'en face de comprendre que M. Janklow a été très vague—très vague—vers le 1er septembre.

• 1030

Je veux ajouter que je pense que cette séance a été excellente et je remercie les hauts fonctionnaires d'être venus aujourd'hui car je pense que cette séance nous a permis de mieux comprendre les problèmes dont nous sommes saisis. Je pense que nous avons une bonne idée de la façon dont le gouvernement fait face à ce problème frustrant.

Il a été mentionné qu'il y avait ici des députés du Manitoba. Je viens moi aussi du Manitoba. Le ministre de l'Agriculture Vanclief et les ministres Marchi et Axworthy ont travaillé en très étroite collaboration dans ce dossier et je sais qu'ils ressentent un sentiment de frustration. C'est ce que je ressens moi aussi. Je pense que tout le monde est exaspéré.

Je pense que nous devons tous nous rappeler qu'on peut avoir les meilleures règles au monde—je ne dis pas que les règles de l'Accord du libre-échange sont toutes parfaites—mais il doit toujours y avoir un esprit de coopération. Si une partie à l'accord veut vous exaspérer et jouer avec les règles, dans un esprit de non-coopération, ça ne va pas très bien marcher. À mon avis, il ne fait aucun doute que la majeure partie de ce que prétendent les Américains, ces hauts fonctionnaires de l'État, n'est que simples balivernes. C'est injustifiable et fallacieux, mais ils s'en tireront à bon compte car ils ne font qu'alléguer certaines choses dans la limite des règles et qu'il faut ensuite suivre un processus pour déterminer comment nous allons réagir à ces fausses allégations.

Pour ce qui est des consultations en vue d'obtenir une ordonnance d'interdiction de la part des Américains pour qu'ils mettent fin à ces mesures absurdes, je ne vois pas de quelle autre façon ça pourrait se passer.

Il doit y avoir une action réciproque, monsieur Borotsik. Il n'est tout simplement pas réaliste de dire que nous allons tout régler nous-mêmes. Les Américains doivent se rendre compte que c'est une voie à double sens. S'ils veulent faire des allégations, s'ils veulent que nous négociions avec eux, très bien. Nous pouvons négocier jusqu'à la Trinité, mais nous voulons qu'ils cessent de nous harceler. C'est ce dont il s'agit. Ce n'est rien d'autre que du harcèlement fondé sur de fausses allégations.

La question que j'aimerais vous poser, monsieur Gifford, est la suivante. Je suis frustré autant que tout le monde. J'ai tout simplement dit que pour que les règles fonctionnent, il doit y avoir un certain esprit de négociation. Les Américains peuvent-ils prendre de telles mesures avec impunité, avec tant d'impunité? Après consultation et lorsqu'on en arrivera à la conclusion que ces allégations ne sont que ce que nous croyons qu'elles sont—c'est-à-dire, de simples balivernes—, y a-t-il quoi que ce soit que nous puissions faire en vertu des règles? Ou est-ce que nous devons tout simplement leur dire: «nous avons encore une fois prouvé que vous aviez tort, alors soyez gentils et s'il vous plaît ne recommencez plus.» Naturellement, nous savons tous que lorsqu'il y aura une autre élection ou un autre moment opportun, ils risquent de recommencer de faire encore toutes sortes d'allégations.

Peuvent-ils le faire avec impunité?

M. Mike Gifford: La meilleure chose qui pourrait arriver, c'est que les deux pays décident de poursuivre le travail qui a déjà été commencé et de s'attaquer systématiquement aux problèmes importants qui doivent être réglés. Plus vite nous le ferons, plus vite les États-Unis cesseront ce petit jeu, et mieux ce sera pour tout le monde.

Je pense que c'est là où en est l'administration américaine. Clairement, une option, que nous avons déjà mise sur la table, consiste à déclencher un règlement des différends, mais évidemment il faudra des mois avant que le rapport du groupe spécial soit publié. Plutôt que d'essayer de poursuivre cette voie, il est clair que l'option qui serait de loin préférable et beaucoup plus rapide serait que les deux gouvernements règlent leurs différends.

• 1035

Lorsque deux pays ont des rapports commerciaux aussi importants que ceux qui existent entre le Canada et les États-Unis, les deux pays qui ont le plus grand volume d'échanges au monde, on ne peut éviter de temps à autre d'avoir des problèmes tant en ce qui concerne le commerce agricole que le commerce non agricole. Nous devons nous efforcer de régler ces problèmes, reconnaître qu'il y a de nombreux problèmes de perception à corriger, et nous devons accélérer certaines discussions que nous avons entamées.

En ce qui concerne nos divergences relatives aux résidus antiparasitaires et aux médicaments vétérinaires, par exemple, les discussions se poursuivent constamment dans ces domaines, mais les progrès accomplis au fil des ans ont été très lents. Il faudrait manifestement accélérer les progrès dans ce domaine.

Au fond, c'est aux gouvernements des États de se retirer et de laisser les deux gouvernements fédéraux s'atteler à la tâche. Voilà, au fond, de quoi il est question.

M. John Harvard: Je terminerai en disant que la plupart des Américains qui connaissent bien le sujet se rendent compte que la plupart de ces affirmations sont de la foutaise. Mais les Américains sont solidaires les uns des autres, et nous devons l'être nous aussi. Il ne faudrait pas faire de la politique avec cette question: il nous faut montrer un front commun et travailler main dans la main. Si nous commençons à nous critiquer entre nous, cela ne fera qu'affaiblir notre position.

Je demanderais donc à tous d'être solidaires les uns des autres.

Le président: Nous avons pris plus de temps que prévu, et il nous reste une motion à mettre aux voix.

Mme Alarie, puis Mme Ur.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Plus l'heure avance, plus ce que j'entends devient inquiétant. On parle des États-Unis, le pays avec lequel on a le plus d'échanges commerciaux, et de tous les efforts déployés sur le plan diplomatique par le premier ministre et l'ambassadeur, efforts qui semblent n'avoir rien donné. Je suis portée à croire que notre poids relatif dans la balance est très, très léger.

À la suite de la déclaration de M. Carrière, on a parlé de commencer un processus dans le cadre de l'OMC. Cela m'inquiète aussi. Par curiosité, je me suis penchée sur la procédure pour les différends à l'OMC. Si on entame cette procédure—et je pense qu'on n'a pas le choix—, on n'aura pas de résolution avant des mois et des mois parce qu'on parle de 60 jours une fois, 30 jours, 22 semaines, etc. Je ne sais pas quand on va arriver au bout de la ligne. Un peu comme tout le monde, je me demande s'il y a un moyen d'accélérer les choses. Est-ce qu'il y a une porte où frapper? Est-ce qu'il y a un raccourci?

M. Claude Carrière: Madame Alarie, on a mentionné qu'invoquer les dispositions de l'ALENA et de l'OMC constituait pour nous un moyen de réveiller l'administration américaine pour qu'elle prenne ses responsabilités. Nous voulons qu'on lève les mesures qu'ont prises les États avant de nous lancer dans un groupe spécial. Nous ne croyons pas que la solution soit qu'un groupe spécial nous donne raison six mois plus tard. Nous voulons que les mesures soient levées.

Le fait que nous avons demandé ces consultations dans le cadre de ces deux forums semble, d'après les renseignements que nous avons reçus, avoir réveillé l'administration américaine et fait intervenir des gouverneurs concernés à Washington. Il y a eu une réunion avec M. Glickman et des représentants du USTR pour régler ce problème.

Il est évident que les États américains qui ont pris ces mesures l'ont fait pour certaines raisons. Nous pensons qu'ils ont eu tort et que les raisons qu'ils invoquent sont fausses et non fondées, mais ils y croient. Nous devons donc travailler avec le côté américain à éliminer ces mythes et en venir à un accord sur les faits.

Premièrement, le gouvernement américain doit exercer des pressions sur les États pour qu'ils lèvent les mesures. Nous croyons qu'il réussira et que ce sera chose faite d'ici la semaine prochaine.

• 1040

Si ces mesures sont levées, comme nous l'avons indiqué au gouvernement américain, nous serons prêts, comme nous le sommes depuis des années, à nous asseoir avec eux à une même table et à traiter des irritants qui nous accablent de part et d'autre. Nous verrons à faire avancer ce dossier-là, mais nous exigeons d'abord que les mesures soient levées.

Mme Hélène Alarie: Dans le cas contraire, que se passera-t-il?

M. Claude Carrière: Nous pensons que nous réussirons dans cette voie.

Mme Hélène Alarie: Nos prières vous accompagnent.

[Traduction]

Le président: Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur: On n'a pas répondu à la seule question que j'avais posée, faute de temps.

Je crois que vous avez déjà entendu ma question, qui porte sur ceux qui s'occupent des négociations là-bas et qui travaillent avec les producteurs à régler la situation.

Comme l'a signalé M. Gifford, le mieux serait que les deux parties s'assoient à la même table de négociations; mais ne pourriez-vous pas envisager de tenir au moins une réunion, pour voir s'il est possible d'avancer sans que vous soyez obligés de sortir l'atout de votre manche? Ne pouvez-vous pas essayer de vous asseoir face à face à la même table de négociations, pour voir ce qu'il en ressortira? Cela vous permettrait de vous rabattre sur votre plan B, si vous étiez insatisfaits. Mais au moins, vous vous seriez donnés cette chance.

Il ne s'agit pas de rendre les armes. J'ai lu ce matin que les secteurs canadiens touchés par ces différends ont souvent préféré jusqu'à ce jour signer des ententes d'apaisement. C'est très bien d'être fraternel, mais c'est également très bien d'être un combattant. Il faut faire en sorte que les valeurs du Canada soient également respectées de l'autre côté de la frontière.

M. Mike Gifford: Soyez assurés que les sénateurs Conrad et Dorgan seraient ravis de pouvoir limiter les exportations de blé canadien vers les États-Unis, mais qu'en aucun cas, le Canada n'acceptera de limiter ses exportations vers les États-Unis.

M. Claude Carrière: Votre question est à multiples volets. Vous vouliez d'abord savoir si nous nous étions préparés activement aux négociations. Avant même que le Dakota du Nord n'intente des poursuites, et certainement depuis lors, nous avions préparé des communications visant à expliquer notre version à nous, c'est-à-dire que notre blé était exporté en pleine conformité des règles, notamment.

C'est bien beau de préparer du matériel à être communiqué. C'est bien beau de le diffuser et de le mettre sous les yeux des habitants du Dakota du Sud. Mais s'ils refusent de le lire, ou s'ils refusent de nous croire, cela ne nous avance guère.

Mme Rose-Marie Ur: Mais qui donc est le messager?

M. Claude Carrière: Cela dépend. Cela peut être notre personnel du consulat général de Minneapolis, qui s'occupe des territoires des Dakotas. Cela peut être le personnel de l'ambassade de Washington, ou des représentants de l'industrie agricole. Comme le signalait M. Gifford, nous avons offert notre aide à l'industrie agricole pour qu'elle rencontre ses homologues aux États-Unis et pour que, de part et d'autre, on comprenne la position de l'autre.

Cela fait des années que nous faisons cela. Mais chaque fois que nous avons voulu agir dans cette région-là, l'accueil a été moins que chaleureux pour plusieurs raisons, dont certaines uniquement politiques.

Vous voyez que nous avons donc déployé des efforts, mais qui n'ont pas porté fruit. Nous essaierons d'analyser la situation pour voir comment mieux faire la prochaine fois. Mais cela se fait à deux, et si les autres ne sont pas disposés à écouter, il nous sera difficile de les convaincre ou même d'engager une discussion rationnelle pour tenter de résoudre le problème autour d'une table plutôt que derrière les barricades.

Le président: M. Proctor, puis M. Calder.

M. Dick Proctor: Merci. Je sais que le temps file, et je ferai vite.

Je comprends ce que M. Harvard a dit au sujet du travail d'équipe, et soit dit en passant, si le comité avait eu l'occasion de se rendre à Washington le printemps dernier, comme il avait été suggéré, mais cela ne s'est jamais matérialisé—et j'ai entendu les médias dire au moins une fois que le ministre Vanclief avait été invité à se rendre à Washington le 28 septembre et qu'il serait accompagné des porte-parole de l'agriculture des autres partis—nous aurions pu faire un peu de progrès et faire avancer notre cause.

M. Harvard a également dit—et je le cite avec plus ou moins d'exactitude—que la majeure partie de ce que disent les Américains est purement et simplement de la foutaise.

• 1045

J'aimerais demander à nos invités de ce matin si cela inquiète le Canada d'une façon ou d'une autre? Pensez-vous que le Canada soit vulnérable dans ses exportations de bétail et de porcs sur pied, ainsi que de céréales, vers les États-Unis? Je ne parle pas uniquement du gouverneur Janklow; des gens respectés comme le sénateur Tom Daschle affirment que les Canadiens auront fort à faire pour se justifier.

D'après vous, quels arguments vont nous opposer les Américains?

M. Mike Gifford: Sans vouloir offenser les membres du Congrès des États-Unis, nombre d'entre eux ne connaissent pas les faits ou ne veulent pas les connaître. Notre ambassade à Washington a fait diverses tentatives en vue de leur fournir des chiffres pour leur expliquer la situation, mais certains d'entre eux, mais pas tous, ont tout bonnement choisi d'interpréter les choses comme ils le voulaient. Les sénateurs Dorgan et Conrad du Dakota du Nord, tout particulièrement, ont été très clairs à Washington. Ils ont fait comprendre à tous les intéressés que leur objectif, c'était de faire limiter les importations de blé du Canada. Ils ont été très clairs là-dessus.

Mais en même temps, certains autres membres du Congrès, et certainement les gouverneurs, sont d'avis qu'il ne s'agit pas de vouloir limiter les exportations de produits agricoles en provenance du Canada, mais de s'assurer—et ils sont sincères là-dessus—que la frontière est tout aussi accessible de part et d'autre aux Canadiens qu'aux Américains. C'est là un point de vue raisonnable, et chaque fois que les Américains ont mis le doigt sur des problèmes raisonnables, nous avons essayé avec eux de trouver des solutions raisonnables. Nous sommes tout disposés à garder cet état d'esprit.

Mais certains domaines ne relèvent ni au Canada ni aux États-Unis des ministres de l'Agriculture. Ainsi, l'homologation des pesticides et les médicaments à usage vétérinaire relèvent aux États-Unis de l'ETA et de la FDA, alors qu'ils relèvent au Canada du ministère de la Santé. Il faudrait intensifier le dialogue pour aboutir à une plus grande harmonisation.

Pour ce qui est du projet pilote, je le répète, nous sommes prêts à démarrer. D'ailleurs on aurait pu l'annoncer il y a de cela déjà quatre ou cinq mois. Cela n'a pas été fait, parce que les Américains voulaient écarter quelques autres questions, et nous espérons qu'ils y sont parvenus. Nous sommes prêts à démarrer n'importe quand. Si le sénateur Conrad souhaite traverser la frontière avec une semi-remorque, nous espérons qu'il pourra le faire d'ici quelques semaines ou quelques mois, et partir du Dakota du Nord pour se rendre en Saskatchewan.

Il est certain que l'attitude de certains politiciens des États et de leurs représentants au Congrès n'incite aucunement à une relation harmonieuse. Nous espérons que pour tous ces problèmes, la réflexion dans le calme prévaudra. Nous savons qu'il y a beaucoup de gens dans les États et à Washington qui veulent sincèrement que le problème se résolve pour pouvoir retourner à la normalité. Ce sont là le genre de gens avec qui nous voulons travailler.

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis d'accord avec M. Proctor: nous aurions dû aller à Washington. Rien ne nous empêche de prendre encore une fois une décision en ce sens.

Lors de la dernière ronde de pourparlers, le Canada a accepté de réduire ses tarifs et ses subventions de 15 p. 100. Autrement dit, nous avons accepté un plafond de 85 p. 100. Tout est censé être parfait, maintenant, notamment le prix de nos produits qui est censé nous convenir.

La situation actuelle me convainc que tous les pays n'adhèrent pas aux règles que nous avons négociées, notamment les États-Unis. Aux États-Unis, le prix des denrées est toujours bas, ce qui suppose que les agriculteurs sont aidés par une sorte de subvention, puisqu'il y a surproduction.

Mme Ur a fait allusion à ce qui m'inquiète actuellement, à savoir que chaque fois que nous concluons une entente avec les États-Unis, c'est pour les apaiser. Or, nos confessions sont cumulatives, puisque chaque fois que nous avons un différend avec les États-Unis, nous négocions avec eux en vue de les apaiser, ce qui affaiblit notre position à long terme.

Aujourd'hui, environ 32 p. 100 des sénateurs américains et 38 p. 100 des membres du Congrès des États-Unis représentent des régions situées le long de la frontière avec le Canada. Si nous n'avons pas réussi, au cours de la dernière ronde de négociations, à faire rehausser le prix des denrées comme cela aurait dû être le cas, c'est parce qu'ils ont utilisé une stratégie très simple: ils ont décidé de nous coincer, ce à quoi nous avons réagi comme nous l'avons toujours fait, c'est-à-dire en proposant une entente qui les apaiserait mais qui affaiblirait aussi notre position. Autrement dit, au moment des pourparlers de l'an 2000, c'est-à-dire lorsque nous commencerons le processus de négociation, nous aurons déjà pratiquement vendu notre chemise.

• 1050

Qu'en pensez-vous?

M. Mike Gifford: Les ententes commerciales internationales servent à établir les conditions d'accès au marché. La grande majorité des produits agricoles et agroalimentaires circulent entre le Canada et les États-Unis en franchise de droits. La sécurité et la qualité de l'accès ont permis au secteur agroalimentaire du Canada d'augmenter ses exportations vers les États-Unis, d'une année à l'autre, de plus de 10 p. 100 par année, depuis que l'Accord de libre-échange a été négocié. On peut dire la même chose également des États-Unis dont les exportations vers le Canada ont augmenté en proportion plus grande encore, et beaucoup plus rapidement que leurs exportations outre-mer.

Le prix du bétail et des porcs sur pied a traditionnellement été déterminé en Amérique du Nord par le total de l'offre et de la demande en Amérique du Nord. Or, cette année, ce secteur a connu une hausse cyclique dans l'offre de bétail et de porcs sur pied. À cette hausse cyclique s'est ajoutée la situation économique en Asie, puisqu'au cours de la dernière décennie, les producteurs de bétail et de porcs sur pied au Canada et aux États-Unis ont choisi de produire de plus en plus pour le marché international. Par conséquent, le prix de la viande rouge a chuté, mais pas à cause, ni en dépit, des accords commerciaux. Ils ont chuté à cause des facteurs économiques fondamentaux: l'offre est à la hausse et la demande, à la baisse.

Dans le cas du blé, la superficie cultivée en blé est à la baisse au Canada. La superficie cultivée en blé est à peu près stable aux États-Unis, mais les rendements ont augmenté grâce à un temps exceptionnel. En Europe, la superficie a augmenté considérablement, de même que les rendements. Par conséquent, nous assistons à l'échelle du monde à une offre excessive de blé par rapport à la demande, ce qui fait chuter les prix.

Il s'agit là de facteurs économiques fondamentaux qui n'ont rien à voir avec les conditions de l'accord commercial; mais je conviens avec vous que nous nous attendons à ce que les États-Unis adhèrent aux conditions de l'ALE et de l'OMC, puisqu'ils y ont librement souscrit, tout comme les États-Unis s'attendent à ce que le Canada respecte ses obligations. À moins que nos deux pays ne prennent ces accords au sérieux, nous nous retrouverons avec plus de problèmes que celui qui nous occupe.

Pour nos deux pays, la morale de l'histoire veut que tous deux respectent les conditions des accords commerciaux internationaux auxquels ils ont adhéré. En revenant à la loi de la jungle, où l'on fait fi de la primauté de la loi, on revient aux années 30, à l'époque où les pays ne respectaient que leurs propres intérêts, au détriment de ceux de leurs voisins, et où la situation ne faisait qu'empirer.

M. Murray Calder: Dans ce cas, j'en viendrai au fait: il y a trois ans, lorsque j'étais à Washington et que je m'entretenais avec Pat Roberts là-dessus, je l'ai interrogé au sujet du programme d'encouragement des exportations. À l'époque, on nous a répondu que le programme avait été mis en veilleuse et qu'il s'empoussiérait quelque part. Mais l'important, c'est qu'il n'a jamais été aboli.

Lorsque vous parlez de surproduction actuellement en Europe, je sais fort bien que l'Europe continue à utiliser un système de subventions et que les États-Unis viennent de dépoussiérer leur programme d'encouragement des exportations, puisqu'ils l'utilisent à nouveau. Il semble que rien n'ait changé.

Voici la question que je voudrais vous poser directement. Il est évident que nous devons nous asseoir le plus rapidement possible à la table de négociations avec ces gens. Ce sont eux qui enfreignent les règles, et pas nous. Allons-nous encore une fois baisser pavillon devant eux pour remettre nos relations sur la bonne voie ou allons-nous nous en tenir à une ligne dure et exiger d'eux qu'ils refassent leurs classes?

M. Mike Gifford: Il est évident que les poursuites intentées par les États américains contreviennent aux obligations des États-Unis aux termes de l'ALENA et de l'OMC, et je parle particulièrement des poursuites intentées par le Dakota du Sud. Nous nous attendons à ce que le gouvernement américain respecte ses obligations commerciales internationales.

Lorsque les États-Unis ou n'importe quel autre pays ne respectent pas les engagements pris aux termes d'une entente internationale, cela mène à l'anarchie, et l'anarchie nuit à tous. Nos homologues de Washington le savent, et voilà pourquoi certaines gens plus réfléchies commencent à comprendre qu'il est important de résoudre les conflits.

• 1055

Nous n'avons certainement pas à donner quoi que ce soit aux Américains. Nous voulons qu'ils se conforment aux accords commerciaux actuels. Nous avons des domaines d'intérêt mutuel, et il est de l'intérêt de nos deux pays de résoudre certains irritants à la frontière. S'il s'agit véritablement d'un problème qui doit être résolu, nous sommes disposés à nous asseoir à la même table pour trouver une solution pragmatique.

Nous ne sommes aucunement disposés à limiter nos exportations vers les États-Unis, et si certains autres problèmes ne trouvent pas de solutions, il faudra les renvoyer à l'Organisation mondiale du commerce, puisqu'elles sont multilatérales plutôt que bilatérales.

Prenons le cas de la gestion de l'offre—et pour être plus précis, de l'accès des produits laitiers et de la volaille au marché canadien—: si les Américains veulent parler d'obtenir l'accès pour leurs produits au marché canadien, ils doivent s'adresser à l'Organisation mondiale du commerce, et non pas invoquer l'ALENA.

Le président: M. Borotsik, puis M. Hilstrom.

M. Rick Borotsik: Ma question est très simple, et j'espère en connaître déjà la réponse.

Lorsque l'on parle d'échanges commerciaux avec le Dakota du Sud, le Dakota du Nord, le Minnesota et le Montana, on dirait que le Canada sert de paillasson agricole. Je n'aime pas avoir à poser la question, mais il le faut. Monsieur Gifford, le Canada est-il prêt à l'heure qu'il est à envisager une contrepartie? Le Canada reçoit beaucoup de produits commerciaux des États-Unis. Nous avons vu avec quelle rapidité les Américains ont identifié le problème dans le Dakota du Sud, tout particulièrement le problème aigu en agriculture.

Vous êtes un négociateur accompli en matière de commerce, et je sais que ce que je vais vous dire va vous aller droit au coeur: ne faut-il pas que nous cessions de jouer au paillasson? N'est-il pas possible d'offrir une contrepartie? Ne pourrait-on pas, à un moment donné, empêcher les Américains qui se présentent à la frontière de faire entrer certains produits au Canada, tant qu'ils ne se seront pas assis à la même table que nous pour négocier?

M. Mike Gifford: Le problème vient en partie du fait que certains Américains croient que la chance nous a beaucoup trop souri. D'importateur net de produits agricoles pendant cent ans, nous sommes devenus un exportateur net de produits agricoles vers les États-Unis, et ce depuis 1992.

D'après notre performance, on voit clairement que nous ne nous sommes pas laissés faire. Nous avons été très agressifs. Nous avons exploité les possibilités de l'industrie agroalimentaire canadienne en négociant un accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis.

Pour ce qui est de la question que vous avez posée, nous avons consulté l'industrie et les provinces pour connaître leur avis. D'après elles, il faut être réaliste. Il faut dire aux États-Unis de discontinuer les interventions de leurs États. Une fois que ces interventions auront cessé, nous devrions essayer de trouver des solutions aux questions qui ne sont pas résolues. L'industrie, les provinces et le gouvernement fédéral sont tous d'accord là-dessus.

M. Rick Borotsik: Donc, si je comprends bien, monsieur Gifford, la réponse est «non».

M. Mike Gifford: La réponse à quoi?

M. Rick Borotsik: La réponse à la contrepartie, une action canadienne qui serait équivalente à celle des États-Unis.

M. Mike Gifford: Cela est une question hypothétique. Il faut voir comment la situation évoluera dans les semaines à venir.

M. Rick Borotsik: Merci.

Le président: Monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.

Personne parmi nous n'est prêt à rester les bras croisés pendant que ce blocage continue. Vous avez indiqué qu'il pourrait y avoir une solution. Aujourd'hui, on a dit qu'à l'avenir, comme l'a signalé M. Ur, deux approches pourraient permettre une intervention proactive. On a aussi indiqué que les témoins qui comparaissent aujourd'hui ne peuvent pas répondre à toutes les questions. Cela est vrai.

J'ai donc deux motions que j'aimerais présenter. Comme au début de la réunion nous avons coopéré avec la motion de M. Borotsik, qui veut tenir une réunion spéciale du comité, et comme j'ai entendu les interventions des députés de l'autre côté de la table sur les questions que je présente aujourd'hui, j'aimerais proposer qu'on vote sur ces deux motions.

Je ne sais pas si vous voulez que je lise les motions, mais je peux les décrire.

Dans la première motion, je propose que les ministres qui ont des responsabilités dans ces domaines, dont le ministre de l'Agriculture, le ministre du Commerce international et le ministre des Ressources naturelles, comparaissent devant le comité pour discuter du blocage unilatéral que pratiquent un certain nombre d'États américains à l'endroit du bétail et des produits céréaliers du Canada.

Cela serait la première motion.

• 1100

M. Rick Borotsik: Faut-il quelqu'un pour appuyer la motion?

M. Howard Hilstrom: S'il vous plaît.

M. Rick Borotsik: Je serai plus qu'heureux d'appuyer la motion.

Le président: C'est la motion numéro 2?

M. Howard Hilstrom: Je n'ai pas numéroté les motions. En tout cas, c'est la première.

Le président: Elle porte sur le blocage?

M. Howard Hilstrom: Oui, c'est cela.

Dans la deuxième motion, je propose l'établissement d'un système d'avertissement rapide pour que l'on soit informé tôt des mesures commerciales unilatérales et qu'on puisse y réagir avant qu'elles ne provoquent une crise. Je veux qu'il y ait une politique gouvernementale plus ferme, et qu'on donne des instructions à nos négociateurs commerciaux.

Je demanderais aussi que l'on considère et que l'on appuie la motion, s'il vous plaît.

M. Rick Borotsik: Je serai heureux d'appuyer également cette motion-ci, monsieur le président.

Le président: Voulez-vous qu'on vote sur ces motions aujourd'hui, ou voulez-vous que le nouveau comité le fasse la semaine prochaine?

M. Howard Hilstrom: Si on appuie les motions aujourd'hui, le vote pourrait avoir lieu la semaine prochaine.

Le président: Très bien. Donc vous ne voulez pas qu'on prenne de décision aujourd'hui. Vous voulez qu'on discute des motions, et puis qu'on les dépose jusqu'à l'établissement du nouveau comité, après quoi il y aura un vote.

M. Howard Hilstrom: D'après moi, c'est auprès du nouveau comité que ces motions devraient être déposées.

Le président: Monsieur Harvard.

M. John Harvard: Monsieur le président, d'après moi ces motions devraient appartenir au nouveau comité, une fois qu'il sera constitué. Je suppose qu'il le sera la semaine prochaine. Ce sera le nouveau comité qui devra se pencher sur ces motions.

Je propose que cette affaire soit soumise au nouveau comité quand il se réunira.

Le président: Très bien.

Tout le monde est d'accord?

(Les motions sont réservées—Voir les Procès-verbaux)

Le président: Avons-nous d'autres choses à étudier ce matin?

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Monsieur McGuire, c'est probablement la dernière fois que vous présiderez le comité. Je voulais le souligner et vous féliciter.

Des voix: Bravo, bravo!

M. Dick Proctor: Nous avons très bien travaillé ensemble, et vous avez été très équitable envers nous tous.

Cet été, vous avez probablement été le troisième parmi les plus célèbres McGuire de l'Amérique du Nord.

Le président: J'écris mon nom différemment maintenant. Je mets un «w».

M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Autre chose?

Nous remercions beaucoup nos témoins.

La séance est levée.