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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 097 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 février 2024

[Enregistrement électronique]

  (0820)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 97e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 7 février 2024, le Comité se réunit en public pour poursuivre son étude du projet de loi C‑332, Loi modifiant le Code criminel (conduite contrôlante ou coercitive).
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Certains députés participent en personne et d'autres, à distance, au moyen de l'application Zoom.
    Nous avons deux témoins dans le premier groupe. Les deux témoins participent à la réunion par vidéoconférence, et les tests de son ont été effectués.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. À titre d'information pour les témoins, vous aurez droit à un temps de parole précis pour vos déclarations préliminaires, ainsi que pour répondre aux questions de chacun des députés.
    Je vais devoir être un peu stricte quant à l'utilisation du temps. Je vous prie donc de faire preuve d'indulgence et de patience. Il y a une rotation à respecter.
    Toutes les observations doivent être adressées à la présidence. Les députés qui utilisent Zoom peuvent lever la main en utilisant la fonction « Lever la main » de Zoom. Pour ceux qui sont dans la salle, vous savez évidemment comment attirer mon attention.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins que nous recevons pour les 45 premières minutes.
    Ils participent tous les deux par vidéoconférence. Nous accueillons Deepa Mattoo, directrice générale de la Barbra Schlifer Commemorative Clinic, et Roxana Parsa, avocate-conseil à l'interne du Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes.
    Vous disposez chacune de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Je vais commencer par Mme Mattoo.
    Bonjour, honorables présidente et membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous ce matin au sujet des modifications législatives au Code criminel qui sont proposées pour lutter contre le contrôle coercitif.
    Depuis 1985, la Barbra Schlifer Commemorative Clinic joue un rôle de premier plan dans la prestation de services juridiques, de conseils et d'interprétation tenant compte des traumatismes. Nous soutenons les femmes et les personnes de diverses identités de genre marginalisées et racisées qui ont été victimes de violence. Forts de notre vaste expérience et de notre grande expertise dans ce domaine, nous offrons des conseils sur les répercussions potentielles des modifications législatives proposées.
    Je vais aborder trois points dans ma déclaration préliminaire: la nécessité de s'assurer qu'il n'y a pas seulement apparence de justice, mais que justice est véritablement rendue; les conséquences de la criminalisation; la nécessité d'adopter une approche globale pour lutter contre le contrôle coercitif.
    Je tiens d'abord à souligner et saluer l'intention qui sous-tend ce changement législatif. Cela représente une étape cruciale dans la reconnaissance du contrôle coercitif comme forme omniprésente de violence entre partenaires intimes et dans la lutte contre ce problème. Cependant, vous devez aborder ce changement législatif avec la plus grande prudence en tenant compte des nuances complexes et des répercussions potentielles de la criminalisation du contrôle coercitif dans le Code criminel.
    Le contrôle coercitif se caractérise par un comportement incessant visant à intimider, à manipuler et à infliger des préjudices aux survivants ou aux victimes. Cette forme insidieuse de violence se déroule souvent derrière des portes closes, ce qui rend difficile l'identification et la poursuite en justice. Les survivants peuvent subir de multiples formes de tactiques, y compris la manipulation, le contrôle financier et l'isolement, ce qui peut entraîner de profonds traumatismes psychologiques et émotionnels.
    Mon premier point est qu'il ne faut pas seulement que justice semble être rendue. Bien que la criminalisation du contrôle coercitif puisse sembler une solution, il est essentiel de reconnaître ses limites pratiques et ses conséquences potentielles. Le contrôle coercitif, en particulier entre partenaires intimes, comporte des aspects intrinsèquement complexes, ce qui rend difficile la reconnaissance et le signalement en raison des déséquilibres de pouvoir inhérents et des préjugés systémiques auxquels les survivants sont confrontés. De plus, prouver le contrôle coercitif hors de tout doute raisonnable devant un tribunal ajouterait une difficulté supplémentaire à laquelle les survivants sont couramment confrontés dans les cas de violence entre partenaires intimes et de violence sexuelle. Dans ces situations, le système laisse couramment tomber les survivants, les cas sont sous-déclarés et le taux de condamnation est faible. Par conséquent, il faudrait non seulement que justice semble être rendue avec la création d'une nouvelle infraction criminelle, mais qu'on cherche véritablement à obtenir justice pour les survivants.
    Les conséquences imprévues de la criminalisation ne sont pas toujours compatibles avec les solutions envisagées. Par exemple, nous avons observé que les politiques actuelles de mise en accusation obligatoire dans les cas de violence familiale peuvent, par inadvertance, faire en sorte que les survivants soient accusés des mêmes infractions qui sont censées les protéger. De plus, les survivants, en particulier ceux des communautés marginalisées et racisées, et notamment ceux des communautés d'immigrants sans statut, des communautés autochtones et des communautés LGBTQ+, doivent faire face à des obstacles supplémentaires, comme les barrières linguistiques, la discrimination au sein du système, les traumatismes intergénérationnels et le manque de confiance dans le système judiciaire.
    Mon dernier point, c'est qu'il est essentiel d'explorer des approches globales qui accordent la priorité à la sécurité et au bien-être des survivants tout en tenant les agresseurs responsables au sein du système de justice pénale. Tout en nous inspirant d'autres expériences et des États où le contrôle coercitif a déjà été criminalisé, comme l'Angleterre, le pays de Galles et l'Écosse, nous devons reconnaître les limites du fait de compter uniquement sur le système de justice pénale. Ce n'est qu'une partie de la solution. Offrir des services de soutien complets, mener des campagnes de sensibilisation et donner de la formation professionnelle sont autant d'éléments essentiels pour apporter des changements importants et favoriser la guérison des survivants. De plus, l'inclusion d'une défense générale fondée sur l'intérêt supérieur de l'acteur coercitif pour le survivant soulève de graves préoccupations éthiques et pratiques, ce qui risque de causer plus de tort aux survivants et de perpétuer des déséquilibres de pouvoir dans les relations de violence.
    En conclusion, je fais écho à l'opinion exprimée par bien d'autres personnes qui ont déjà témoigné devant le Comité, à savoir que la criminalisation accrue n'est pas la solution. Nous appuyons également la recommandation de la Commission des pertes massives de la Nouvelle‑Écosse, qui préconise une approche communautaire plutôt qu'une approche carcérale, ainsi que la création d'un conseil communautaire.
    Bien que nous nous opposions à la mise en œuvre de la nouvelle infraction de contrôle coercitif, nous insistons sur l'importance de doter tous les intervenants du système judiciaire des connaissances et des compétences nécessaires pour cerner et contrer efficacement le contrôle coercitif. Cela comprend l'élaboration d'outils d'évaluation des risques et de formations qui tiennent compte des facteurs identitaires intersectionnels pour les survivants qui sont touchés de façon disproportionnée par la violence fondée sur le sexe.

  (0825)  

    Nous croyons que l'adoption prématurée d'un tel projet de loi sans la mise en place de mécanismes adéquats en matière d'éducation, de ressources et de mesures de reddition de comptes pour les intervenants du système judiciaire...
    Merci beaucoup de votre déclaration préliminaire. Vous aurez l'occasion de poursuivre pendant la période de questions.
    Je vais maintenant donner la parole à Mme Parsa.
    Je m'appelle Roxana Parsa. Je suis avocate-conseil à l'interne au Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, ou FAEJ. Je suis reconnaissante de pouvoir comparaître aujourd'hui depuis l'endroit aujourd'hui connu sous le nom de Toronto, qui se trouve sur les terres traditionnelles des Mississaugas de Credit, des Wendats, des Anishinabes et des Haudenosaunee.
    Le FAEJ est un organisme de bienfaisance national qui travaille depuis 39 ans à la promotion des droits à l'égalité des femmes, des filles et des personnes trans et non binaires en se fondant sur les procédures judiciaires, la réforme du droit et l'éducation du public.
    Au cours des dernières années, l'engagement du FAEJ dans le système de justice pénale nous a permis de mieux comprendre les façons dont les préjudices peuvent se perpétuer dans le système de justice. C'est pourquoi nous vous sommes reconnaissants de nous donner l'occasion d'être ici aujourd'hui pour vous faire part des raisons pour lesquelles nous sommes contre le projet de loi C‑332.
    Nous savons que le contrôle coercitif est une forme de violence omniprésente. Nous avons entendu les récits de survivants et de travailleurs de première ligne sur les façons insidieuses dont les comportements contrôlants se développent au fil du temps, et nous comprenons le désir d'intervenir.
    Nous convenons de la nécessité de reconnaître davantage ce préjudice. Cependant, nous exhortons le gouvernement à résister au désir de recourir au droit pénal. Nous faisons écho aux appels des experts qui ont témoigné devant vous la semaine dernière et qui se sont prononcés contre la mise en œuvre de ce projet de loi.
    Il existe d'importants obstacles systémiques au sein du système de justice pénale qui rendront ce projet de loi inefficace.
    Le contrôle coercitif est un concept très nuancé qui comporte divers cas d'espèce et qui englobe un large éventail de comportements. En l'absence de preuves physiques, la reconnaissance de l'existence de cette forme de violence exige souvent une compréhension profonde de la dynamique et du contexte d'une relation interpersonnelle. Étant donné les subtilités du contrôle coercitif, il y a un risque important que, lors du jugement d'une affaire, les forces de l'ordre puissent mal interpréter les situations de violence ou voir de la violence même lorsqu'il n'y en a pas. Les agresseurs peuvent aussi utiliser cela à leur avantage et se servir de la loi comme d'un outil de contrôle coercitif, comme on l'a vu avec beaucoup d'autres outils dans le système judiciaire.
    Ces risques sont considérablement accrus en raison de l'existence du colonialisme, du racisme institutionnel et de la discrimination ancrés dans le système judiciaire. Des éléments de preuve répartis sur plusieurs décennies montrent que le système de justice pénale nuit à des survivants. Nous n'avons qu'à nous pencher sur l'historique des politiques d'inculpation obligatoire pour voir quelles pourraient être les répercussions potentielles d'une nouvelle infraction.
    Bien que ces politiques soient bien intentionnées, elles ont entraîné une augmentation importante du nombre d'arrestations de femmes survivantes, en particulier au sein des populations racialisées. Au Canada, ce sont les femmes autochtones et noires qui sont le plus touchées, et ce sont par ailleurs les groupes dans lesquels on observe encore les taux les plus élevés de violence entre partenaires intimes. Nous craignons que les mêmes conséquences se produisent avec la création d'une autre infraction criminelle.
    Nous savons également que, même si les taux de violence sont plus élevés, les antécédents de préjudice découlant de ce système font en sorte que les gens hésitent à demander de l'aide. De nombreuses survivantes ne font pas appel à la police lorsqu'elles sont victimes de violence, et lorsque les services de police sont considérés comme la principale solution à la violence entre partenaires intimes, cela exclut par inadvertance les survivantes des communautés marginalisées et ne fait qu'aggraver les inégalités existantes en matière de recherche de sécurité.
    Lorsqu'on discute des méfaits potentiels de la criminalisation, on dit souvent que les avantages l'emportent sur les risques. Nous vous exhortons donc à examiner la question, notamment en vous demandant pour qui les avantages l'emportent sur les risques et qui sera le plus touché par une nouvelle infraction criminelle.
    La loi n'existe pas en vase clos. Lorsque nous envisageons la création d'une nouvelle infraction, nous devons tenir compte des expériences des survivantes qui doivent faire face à des obstacles intersectionnels à la justice. La criminalisation est susceptible d'entraîner un manque de protection ou, pire encore, de causer davantage de tort aux survivants. L'accès à un mécanisme juridique n'est pas nécessairement un accès à la justice.
    C'est pourquoi, au lieu de nous concentrer sur l'adoption de ce projet de loi, nous recommandons fortement de réaffecter des ressources à la prévention par le développement de l'infrastructure nécessaire pour que les survivants puissent se mettre en sécurité. Cela comprend un financement accru pour le logement, le soutien social et les services communautaires, ainsi que l'élaboration de modèles de justice alternative pour les survivants qui cherchent à obtenir une reconnaissance.
    Nous faisons également écho à la recommandation des témoins précédents en préconisant une formation obligatoire et continue pour les intervenants du système de justice sur le contrôle coercitif et les préjugés systémiques, ainsi que l'élaboration de mesures de reddition de comptes pour qu'on puisse évaluer dans quelle mesure la formation est appliquée concrètement. Enfin, nous faisons écho à la recommandation de la Commission des pertes massives de mettre sur pied un groupe consultatif d'experts et de consulter à la fois les experts et les collectivités touchées.
    Sans changement systémique, la réforme législative ne fait que continuer de cacher le problème et de donner l'illusion de prendre position. Le droit pénal est utilisé depuis des décennies comme réponse à la violence entre partenaires intimes, mais le maintien des taux de violence montre que cette réponse s'est avérée inefficace. Nous pensons qu'il est temps d'aller au‑delà du système pénal et de concentrer nos ressources sur le développement des systèmes sociaux nécessaires à la prévention de la violence.
    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé, et je serai ravie de répondre à vos questions.

  (0830)  

    Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants.
    Nous allons maintenant commencer notre premier tour de table. Chaque membre dispose de six minutes. Gardez à l'esprit que nous devons conclure la discussion avec ces témoins dans un délai de 30 minutes afin que le deuxième groupe de témoins puisse également être testé.
    Je commencerai par M. Frank Caputo.
    Merci, madame la présidente, et merci à nos deux témoins d'être venues nous rencontrer.
    Madame Mattoo, je sais que vous n'avez pas pu terminer vos observations préliminaires. Je serais heureux de vous céder le temps qui m'est imparti pour que vous puissiez terminer votre exposé.
    Merci beaucoup.
    Il ne me restait que deux lignes, pour dire que nous pensons que l'introduction prématurée d'une telle mesure législative, sans formation adéquate, sans ressources et sans mécanismes de responsabilité en place pour les acteurs juridiques, risque de compromettre encore davantage l'accès à la justice pour les survivants.
    Merci beaucoup de m'avoir accordé votre temps. J'allais ensuite vous proposer de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant à toutes les deux d'être ici.
    Madame Mattoo, pour tout vous dire, mon épouse dirige deux services juridiques où elle travaille principalement auprès des femmes, et surtout des femmes marginalisées. J'ai été procureur de la Couronne. J'ai écouté vos discours avec attention et j'ai pris connaissance de ce que vous aviez à dire. J'ai trouvé cela très intéressant.
    J'essaie de décider par où commencer, car il y a tellement d'éléments.
    Lorsque Mme Parsa s'est exprimée sur le sujet, elle a beaucoup parlé du contrôle coercitif. D'une manière générale, si j'ai bien compris ses propos, elle a dit que la loi ne devrait pas être le principal mécanisme par lequel nous traitons la violence entre partenaires intimes et le contrôle coercitif. Il faudrait réaffecter ou réorienter les ressources.
    Dans de telles situations, la loi est réactive. Vous parlez de quelque chose de proactif. Ne devrions-nous pas réagir aux situations de contrôle coercitif qui, d'après les statistiques et d'après mon expérience, engendrent et perpétuent ce que j'appellerais — et que d'autres ont appelé — le cycle de la violence?
    Répondez à cette question si vous le souhaitez.
    Je peux répondre. Madame Parsa, je vous prie de compléter ma réponse.
    Si le Canada reconnaît le contrôle coercitif comme une infraction au Code criminel, il s'agira d'un article parmi tant d'autres dans la loi.
     Le problème, c'est que je suis chargée d'examiner les démarches de l'Angleterre, du pays de Galles et de l'Écosse, et de réfléchir à leurs modèles. Le modèle écossais est certainement considéré comme la référence. Les études réalisées dans ces pays nous ont montré à plusieurs reprises que plusieurs personnes condamnées ou accusées de contrôle coercitif auraient pu être inculpées en vertu de plusieurs dispositions législatives que les procureurs de ces pays avaient déjà à leur disposition.
    Je pense que c'est la même chose au Canada. Si l'on réfléchit à ce qu'est un comportement coercitif et contrôlant... le harcèlement criminel, l'agression, l'agression sexuelle, la séquestration, la traite de personnes, la profération de menaces, la fraude et le harcèlement sont tous des comportements criminalisés. Mon problème reste le suivant: alors que nous disposons de tant d'outils, pourquoi voulons-nous ajouter un élément supplémentaire, à savoir la nature contextuelle du crime, au lieu de former correctement les policiers, les procureurs et les juges canadiens pour qu'ils comprennent le contexte?
    À mon avis, l'ajout de cet élément supplémentaire ne ferait malheureusement qu'ajouter une nouvelle couche d'obstacles à la justice pour les survivants. Ils auraient désormais un obstacle de plus à surmonter. Cela pourrait également leur donner la fausse idée que le contrôle coercitif est désormais criminalisé. En réalité, le critère du doute raisonnable resterait le même. Il faudrait toujours prouver tous les gestes et toutes les situations que je viens d'énumérer, et plus encore.
    En vérité, je trouve qu'il est vraiment difficile d'imaginer en quoi cette mesure résoudra un problème qui réside dans le manque de compréhension du contexte de la part des intervenants de première ligne, des procureurs et des décideurs. Je ne pense pas qu'elle permettra de briser le cycle de la violence, comme vous l'avez laissé entendre, monsieur le député. En fait, c'est également ce qui ressort des pays et des administrations où le contrôle coercitif a été criminalisé.
    Si vous me permettez de vous répondre, je comprends certains de vos arguments.
    Pour moi, personnellement — et, encore une fois, il ne s'agit que de mon expérience anecdotique —, le contrôle coercitif prend la forme d'une manipulation. Il s'agit d'une manipulation qui vise à contrôler, mais qui n'est pas du harcèlement criminel, même s'il s'agit d'un comportement répétitif ou indésirable. Il se peut que la personne ne se rende même pas compte qu'elle est sous l'emprise de la personne qui la maltraite. D'après mon expérience, il s'agit souvent de choses qui ne sont pas illégales. La tenue du compte en banque, le contrôle de toutes les finances, le fait d'isoler une personne volontairement au point de la laisser vulnérable... Cela ne correspond pas aux dispositions qui régissent la traite de personnes. Cela ne fait pas partie des voies de fait ni du harcèlement criminel, mais l'objectif final est de rendre la personne plus vulnérable.
    Je comprends votre point de vue sur les nuances de la loi et la difficulté d'établir la preuve. Peut-être nous incombe‑t‑il de modifier certaines des façons énumérées pour identifier le problème.
    En 20 secondes, que répondez-vous à cela?

  (0835)  

     Je conviens avec vous qu'aucune des dispositions énumérées ne correspond à la nature répétée des actes abusifs dont vous parlez, mais, ce que je veux dire, c'est que c'est le contexte de la violence qui n'est pas compris par le système existant. Tant que nous n'aurons pas corrigé le système existant, nous mettrons la charrue avant les bœufs.
    Merci beaucoup.
    Je donne la parole à M. Mendicino, qui dispose de six minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à nos deux témoins pour leurs interventions très réfléchies.
    J'aimerais commencer par poser une question à Mme Parsa.
    Je retiens de vos observations préliminaires qu'il existe des problèmes structurels et systémiques sous-jacents dans le système de justice criminelle qui doivent être résolus avant que nous n'envisagions d'ajouter une nouvelle disposition, qui relèverait du Code criminel, pour aborder la question du contrôle coercitif.
    Si je me souviens bien, vous avez parlé de chercher des moyens de concevoir différentes mesures de résolution des litiges ou de résolution extrajudiciaire.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qu'il en est selon vous?
    C'est une question plutôt large, mais c'est un sujet sur lequel le Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes a mené de nombreuses recherches au cours de la dernière année.
    Nous parlons ici de modèles de justice réparatrice et de justice transformatrice. Ces modèles peuvent prendre différentes formes et exister au sein du système juridique ou en dehors de celui‑ci.
    Nombre d'entre eux se déroulent dans la collectivité et reposent sur le fait qu'un survivant ait accès à des ressources et puisse rechercher une ressource où il se sent en sécurité et qui lui permet de trouver une solution à la violence dont il est victime.
    Pour être honnête, je pense que c'est peut-être difficile à imaginer dans une situation où il y a un danger imminent, mais je pense que c'est le genre de résolution vers laquelle nous espérons tendre pour les survivants qui cherchent à obtenir la validation et la reconnaissance.
    D'après les recherches que nous avons menées, l'expérience d'un processus de justice réparatrice peut être aussi simple que d'écrire des lettres à la personne accusée et d'échanger des idées de cette manière. Il peut y avoir un facilitateur ou un long processus impliquant des thérapeutes. Souvent, il n'est même pas nécessaire de voir l'autre personne. Il n'est pas nécessaire de se retrouver face à face.
    Il a souvent été démontré que ces expériences apportent aux survivants la validation qu'ils n'obtiennent pas dans le système judiciaire. Ils ont davantage l'impression que leurs points de vue et leurs expériences ont été reconnus et que la personne qui leur a fait du mal est devenue responsable de ses actes. Ils se sentent guéris d'une manière que le système judiciaire ne permet souvent pas. Voilà ce dont je parle, en quelque sorte.
    Si cela vous intéresse, mon organisme a publié l'année dernière un rapport très détaillé sur les modèles de justice de remplacement et de justice réparatrice dans le domaine des violences sexuelles en particulier.
    Cela m'intéresse. Si vous voulez bien le remettre au greffier, je pense que tous les membres du Comité — et, en fait, tous les parlementaires — auraient intérêt à lire l'étude du Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes sur les modèles de justice réparatrice tels que vous venez de les décrire.
    Je reconnais que, dans certains cas, les modèles de justice réparatrice sont plus appropriés et plus valables que le système conventionnel de justice criminelle. Je voulais valider ce point de vue.
    Dans certains cas, cependant, la justice réparatrice n'est pas envisageable. Êtes-vous d'accord?

  (0840)  

    Bien entendu. Je pense que notre principal argument, quand nous parlons de justice réparatrice, c'est que nous voulons des options. Nous pensons que les survivants doivent pouvoir choisir la forme de justice qu'ils désirent et que le système de justice criminelle ne doit pas être la seule voie possible.
    Est-il vrai que, dans un cas où la victime ou le survivant, voire toutes les personnes impliquées, n'acceptent pas volontairement de participer à un processus de justice réparatrice, cette dernière n'est peut-être pas l'option la plus appropriée?
    Bien sûr. Il faut que les deux parties consentent à participer à ces processus.
    Pour en revenir à ce projet de loi d'initiative parlementaire, présenté par mon collègue, M. Garrison, je pense que c'est là le scénario dans lequel le projet de loi devrait être envisagé — peut-être lorsque d'autres modèles de rechange ne sont pas envisageables pour une raison ou pour une autre.
    Cela peut être dû au fait que les parties ne sont pas consentantes. Il se peut que certains cas soient flagrants, qu'il y ait eu des violences graves et que, par conséquent, nous n'ayons pas d'autre choix que de recourir au droit criminel, malgré les obstacles systémiques que vous avez correctement relevés, à mon avis.
    Dans un tel cas, qu'en pensez-vous? Estimez-vous que les lois existantes sont suffisantes ou adéquates pour répondre au contrôle coercitif, ou reconnaissez-vous qu'il serait peut-être judicieux d'ajouter des dispositions définissant le contrôle coercitif — et je pense que M. Caputo nous a donné quelques bons exemples — et des dispositions supplémentaires pour lutter contre ce type de maltraitance, qui touche les femmes de façon disproportionnée?
    Je comprends tout à fait le désir de réagir, en particulier lorsqu'il y a un danger imminent ou une situation d'urgence et que les survivants estiment avoir besoin d'aide rapidement. Je reviens à ce que disait ma collègue, Mme Mattoo, à savoir que le problème n'est pas qu'il n'y ait pas de lois ou d'outils. Le problème, c'est qu'ils ne sont pas utilisés correctement. Les lois existantes ne sont pas utilisées de manière adéquate dans ces situations.
    Merci beaucoup de votre réponse.

[Français]

    Monsieur Fortin, vous avez maintenant la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Mesdames Mattoo et Parsa, je vous remercie d'être avec nous ce matin.
    La question des comportements contrôlants ou coercitifs nous préoccupe beaucoup. En tant que législateurs, cela fait partie de nos responsabilités de nous assurer que les gens sont en sécurité et qu'ils ne sont pas victimes de violence, quelle qu'elle soit. En ce sens, le projet de loi C‑332 me paraît quand même utile.
    Des infractions sont déjà prévues par le Code criminel pour les cas de violence, de voies de fait, de menace, d'enlèvement, de séquestration, de viol et d'agression sexuelle. Toutes ces questions sont déjà couvertes par le Code criminel. On pourrait effectivement continuer de cette façon et endiguer ce type de violence. Lorsqu'on parle de comportements contrôlants ou coercitifs, on parle du contrôle qu'exerce un individu sur un autre. Il s'agit souvent d'un conjoint qui exerce un contrôle sur sa conjointe ou vice versa. Il n'existe pas vraiment de disposition précise dans le Code criminel.
    Je comprends la position que vous défendez toutes les deux. Corrigez-moi si je me trompe, mais vous préconisez qu'une formation soit donnée à l'ensemble des intervenants du système judiciaire. Évidemment, je suis d'accord sur cela. Toutefois, n'est-ce pas trop peu? Ne devrait-on pas être plus proactif? Il faut bien sûr qu'on donne de la formation, mais il faut aussi s'assurer que le message envoyé à la société est clair. Si une personne agit de telle façon avec son conjoint ou sa conjointe, ce n'est pas une formation que l'on va lui offrir. Cette personne va plutôt subir un procès, et une peine lui sera infligée.
    Je reconnais que le projet de loi C‑332 mérite probablement d'être peaufiné et amélioré, mais ne serait-il pas nécessaire de mettre en place des dispositions, de prévoir des infractions claires sur cette question?
    Mme Mattoo pourrait répondre à ma question en premier, et Mme Parsa pourrait ensuite y répondre à son tour.

  (0845)  

[Traduction]

    Je tiens tout d'abord à saluer le processus de réflexion. Je pense que j'ai déjà dit dans mon discours préliminaire que je louais l'intention sous-jacente. Je pense que la difficulté réside dans le seuil à atteindre pour qu'un comportement soit considéré comme coercitif et contrôlant... sans que les actes ponctuels de violence satisfassent aux critères qui font déjà partie de la boîte à outils des policiers et des procureurs — et ces comportements sont déjà érigés en infraction criminelle.
    Ce qui me dérange et ce à quoi je vous invite tous à réfléchir, c'est que cela créera une autre forme de maltraitance, et il faut que chacun d'entre nous comprenne que cela doit être véritablement ajouté comme facteur aggravant de la maltraitance. Il y a déjà de mauvais traitements, et il s'agit d'épisodes de violence ponctuels, et on ajoutera maintenant à cela un facteur aggravant à la maltraitance.
    Tous ces actes doivent également être prouvés.
    Mes questions sont les suivantes. De combien d'actes parlons-nous? À partir de combien d'actes de maltraitance pourra‑t‑on parler de contrôle coercitif? Qu'est‑ce qu'une survivante devra prouver? Demandons-nous à la survivante de prouver qu'elle s'est sentie contrôlée et qu'elle n'a pas eu de recours? Comment prouver l'intention de faire du mal?
    Je crois que ma préoccupation réside dans les aspects pratiques de la question. J'ai l'impression que, même si cela semble génial sur papier, il sera très difficile d'utiliser cette disposition devant les tribunaux.
    Nous avons de nombreuses autres dispositions similaires dans la législation. Ces changements ont été apportés pour le bien des survivants — par exemple, la criminalisation des mariages forcés ou la criminalisation des mutilations génitales féminines. De nombreux autres changements de ce type ont été proposés pour protéger les survivantes, mais ils ne servent jamais, car ils sont trop difficiles à comprendre pour les policiers et pour les procureurs; ces derniers se rabattent toujours sur les instruments traditionnels et sur les accusations qu'ils peuvent déjà porter.
    J'espère que cela vous aidera à contextualiser mon propos.
    Merci.

[Français]

    Merci.
    Madame Parsa, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

     Oui, je suis d'accord avec Mme Mattoo sur toute la ligne.
    J'aimerais ajouter que les taux de condamnation qui résultent de ces affaires sont très faibles. Une étude menée en Angleterre et au Pays de Galles a montré que, sur les 7 000 arrestations qui ont été effectuées pendant la période de référence, seuls 3 % ont abouti à une condamnation.
    Même pour les survivantes qui cherchent cette avenue, la réalité est qu'elle n'aboutira pas au résultat qu'elles recherchent. Cela ne fera qu'aggraver leur traumatisme à travers le processus judiciaire, en particulier dans le cas d'un contrôle coercitif, où elles seront probablement obligées de ressasser toutes les choses qu'elles ont vécues et l'impact de celles‑ci sur elles...

[Français]

    Permettez-moi de vous interrompre, car il ne me reste que quelques secondes.
    Pouvez-vous me dire en quelques mots comment on explique que certains groupes de protection des victimes nous demandent d'adopter le projet de loi C‑332.
    Comment expliquez-vous les différences entre vos opinions respectives?

[Traduction]

    C'est une question difficile. Je comprends tout à fait les groupes qui défendent cette idée. Je pense que notre expérience est basée sur la recherche et sur une vision plus large de l'utilisation préalable de ces lois...
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Je donne maintenant la parole à Mme Barron pour les six dernières minutes.
    Merci, madame la présidente. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour remplacer mon collègue, M. Garrison.
    Je tiens à remercier les témoins d'avoir apporté des informations complémentaires. Le contexte de la discussion que j'ai entendue aujourd'hui est très important.
    Ma première question s'adresse à Mme Mattoo.
    Vous parliez des personnes marginalisées et racisées et des obstacles supplémentaires auxquels elles sont confrontées, et le manque de confiance dans le système juridique est un exemple de ces obstacles.
    Je veux m'assurer que cela est très clair et consigné au compte rendu. Pouvez-vous nous en dire un peu plus et, peut-être, nous donner quelques exemples supplémentaires?
    En ce qui concerne les obstacles auxquels se heurtent les communautés racisées et marginalisées, en particulier celles qui ne parlent pas nos langues officielles et qui ont besoin d'interprètes et d'un soutien linguistique pour présenter leurs problèmes au système judiciaire, elles manquent souvent de confiance dans le système en raison de la façon dont elles y sont régulièrement traitées.
    Il y a quelques minutes, Mme Parsa a parlé du faible taux de condamnation dans un grand nombre des cas qui se présentent dans le système, et du traumatisme des survivantes. Le traumatisme des survivantes qui sont victimes de préjugés inhérents au système est encore plus grand. Elles y sont confrontées chaque fois qu'elles portent plainte. On ne leur fait pas nécessairement confiance. Elles se retrouvent inculpées. C'est là l'un des changements historiques du Code criminel dont nous voyons encore les répercussions, et nous n'avons pas vraiment trouvé de solution à ce problème.
    Très rapidement, pour conclure sur cette question, je veux dire que je pense qu'il est erroné de créer une dichotomie à savoir si cette mesure soutient les survivantes ou non. Je pense que le problème se situe quelque part entre les deux. Le système ne fonctionne pas, et il faut le réparer avant d'ajouter d'autres chefs d'accusation et d'autres changements au Code criminel. En apparence, ces modifications sont très intéressantes, mais, malheureusement, elles deviennent des artifices.
     Par le passé, il y a de nombreuses années, j'ai parlé devant vous et vos collègues de la même chose en ce qui concerne les cas de mariage forcé. J'ai dit qu'il ne fallait pas les criminaliser, car cela reviendrait à dissimuler le problème. C'est ce qui s'est passé.
    Notre jurisprudence a beaucoup progressé en matière de contrôle coercitif. Les juges comprennent ce concept dans le contexte du droit de la famille. Dans certains cas, les juges le comprennent beaucoup mieux. Je ne veux pas que le contrôle coercitif devienne un autre délit que l'on met sous le tapis et que les gens cessent de mentionner parce qu'il est si difficile à prouver.

  (0850)  

    Merci.
    Selon votre réponse, je pense que je pourrais passer à une autre partie des questions que je voulais vous poser.
    J'ai entendu Mme Parsa parler des taux de condamnation. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus sur les taux de signalement et sur ce que vous en pensez.
    Expliquez-nous un peu plus le lien avec ce projet de loi et si vous pensez que nous verrons une augmentation du nombre de femmes dénonçant les mauvais traitements grâce à la mise à disposition d'un outil leur permettant de le faire.
     D'après mon expérience personnelle, j'en doute. J'ai vu ce qui s'est passé avec la criminalisation de la mutilation génitale féminine et des mariages forcés. Je ne crois pas nécessairement qu'il y aura une augmentation du taux de signalement. Si l'on se réfère à l'expérience de l'Angleterre et du Pays de Galles, où il y a eu une augmentation du taux de signalement, je tiens à souligner que seulement 6 % des accusations portées ont fait l'objet de poursuites. Ce n'est pas nécessairement parce que le taux de signalement augmente que davantage de personnes doivent répondre de leurs actes. Tant qu'il n'y aura pas d'équilibre et de responsabilité, je pense que la mission et la philosophie du système de justice criminelle ne seront pas respectées.
    Merci.
    Je reconnais qu'il y a un faible taux de signalement et un faible taux de condamnation, mais le signalement en lui-même permettrait‑il d'envisager d'autres formes de soutien, différentes façons de suivre un processus plus réparateur, d'accroître les mesures de soutien ou de répertorier les schémas de maltraitance observés? Que pensez-vous des avantages d'une augmentation du nombre de signalements qui pourrait résulter de cette mesure?
    Malheureusement, en ce qui concerne l'augmentation du nombre de signalements sans qu'une solution adéquate soit proposée, nous ne disposons pas de mécanismes tels que la justice réparatrice et le système de justice transformatrice. Je tiens également à souligner que si nous finissions par apporter ces solutions, d'autres discussions, d'autres avis et d'autres conversations seraient nécessaires. Nous ne disposons pas de tout cela dans le système actuel, d'où notre réserve.
    Je travaille au sein d'une organisation qui s'occupe de 14 000 personnes qui survivent à la violence chaque année. Je devrais être la première à dire: « Oui, s'il vous plaît, donnez-nous un autre outil. » Mon problème, c'est que je fournis mes services dans un environnement qui n'est vraiment pas favorable aux personnes les plus marginalisées. Les personnes issues des communautés immigrantes et sans statut ne veulent même pas se manifester et signaler les crimes par crainte d'être expulsées ou de subir d'autres répercussions.
    Dans ce contexte, il m'est très difficile de soutenir l'idée de créer une nouvelle loi sans les soutiens nécessaires.
    Merci pour ces renseignements complémentaires.
    J'essaie de m'y retrouver. Je suis d'accord avec vous sur la plupart des points que vous soulevez. Je suis d'accord pour dire qu'il y a de graves problèmes dans notre système judiciaire. Je suis d'accord pour dire que nous devons examiner la question d'un point de vue systémique et qu'il y a de graves problèmes en ce qui concerne les mesures de soutien...
    La présidente: Merci, madame Barron.
    Mme Lisa Marie Barron: Je m'arrêterai là. Je vous remercie de vos commentaires.
    Merci.
    Il nous reste quelques minutes. J'essaie de bien gérer notre temps, et je vais peut-être diviser le temps qu'il reste en deux.
    Je donne la parole à M. Van Popta pour deux minutes et demie.

  (0855)  

    Très bien. Nous ferons de notre mieux avec deux minutes et demie.
    Cette question s'adresse à vous, madame Parsa. Vous, Mme Mattoo et d'autres témoins nous ont dit plus tôt au cours de la présente étude que le projet de loi C‑332 n'était pas la solution. Nous le reconnaissons parfaitement. Il s'agit simplement d'un autre outil, comme nous le disons. On nous dit, et vous nous l'avez dit aussi, que la sensibilisation est primordiale. Les témoins précédents nous ont parlé de la formation des policiers, de la sensibilisation des procureurs de la Couronne et de l'amélioration des programmes d'assistance parajudiciaire. Ne sommes-nous pas en train de créer une fausse dichotomie entre la loi et l'éducation? Pourquoi ne peut‑on pas travailler sur les deux plans? Pourquoi sont-ils mutuellement exclusifs?
    Madame Parsa, votre mémoire contient une excellente citation: « Le pouvoir expressif de la loi peut également envoyer un message de condamnation de cette forme de violence à la société. » Je suis tout à fait d'accord avec vous. La loi elle-même peut être éducative.
    Je pense que cela se trouve dans notre mémoire. Je partage cet avis, dans certaines situations. Je crois que c'est l'un des avantages mentionnés de la criminalisation. Cependant, dans notre mémoire, comme nous le disons, nous ne pensons pas que ces avantages l'emportent sur les nombreux risques que pose la création d'une nouvelle loi pénale.
    Je comprends votre question sur la raison pour laquelle il y a une dichotomie. En réalité, je pense que la question devrait être la suivante: pourquoi la formation existe‑t‑elle seulement quand il y a une nouvelle loi? Nous préconisons un renforcement de la formation sur le contrôle coercitif à l'intérieur du système actuel pour que la police, les forces de l'ordre, les juges et les agents prennent conscience des formes complexes que ces abus peuvent prendre. On n'a pas besoin d'une loi pour parvenir à une meilleure compréhension de la violence entre partenaires intimes.
    En plus de la formation, je pense qu'il devrait y avoir plus de campagnes de sensibilisation du public, pour que les femmes et les survivants sachent eux aussi ce que sont les situations de contrôle coercitif et pour qu'ils puissent commencer à envisager leurs propres expériences dans cette perspective. Certains diront que le droit pénal a un pouvoir expressif, et cela peut effectivement être le cas dans certaines situations, mais cet avantage ne l'emporte pas sur les nombreux risques que j'ai également exposés dans le mémoire et dont nous avons parlé.
    Merci.
    Je pense que c'est tout le temps dont nous disposons.
    Oui. Merci beaucoup.
    Madame Dhillon, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai écouté les témoins avec beaucoup d'attention. Ma question s'adresse à qui voudra bien y répondre.
    Ne pensez-vous pas qu'avoir ce genre de mécanisme dans la loi permettrait aux personnes qui ne peuvent pas faire entendre leur voix de se manifester, si c'est leur choix, et de signaler les abus commis envers elles? Cela ne leur donne‑t‑il pas au moins cette option, ce choix, pour s'opposer à cela? Je veux dire que ne rien avoir du tout est plus dommageable qu'avoir un mécanisme qui permet de dénoncer des abus aussi insidieux.
    D'autres témoins nous ont dit que même les animaux de compagnie sont utilisés dans ce type de violence. Ne pensez-vous pas qu'il est important qu'une personne qui vit cette situation puisse se manifester, si c'est son choix, et se protéger d'une façon ou d'une autre?
    Merci.
    Je peux commencer, puis céder la parole à Mme Parsa, s'il reste du temps.
    J'aimerais simplement dire que Mme Parsa et moi-même, ainsi que d'autres personnes qui parlent des défis systémiques actuels qui empêchent les survivants de se manifester en toute sécurité, nous ne disons pas, je pense, que les survivants n'ont pas le choix. Notre approche de travail tient compte des traumatismes et est axée sur les survivants. Il va sans dire que nous croyons que les survivants devraient avoir tous les choix et toutes les options. Ils devraient avoir une gamme complète d'options concernant les mesures qu'ils veulent prendre.
    Malheureusement, madame la députée, ce que j'essaie de dire, c'est que lorsqu'ils font ces choix, ils se trouvent dans un environnement où ces choix vont de pair avec des risques. Des études nous disent que le risque de décès de certaines femmes qui se manifestent est beaucoup plus élevé que celui des femmes qui n'entrent pas en contact avec le système. Le système est tellement dysfonctionnel qu'il n'évalue pas correctement les risques inhérents à leur situation et qu'il ne leur fournit pas le soutien nécessaire quand elles se manifestent.
    Créer une modification de plus au Code criminel, apporter une modification de plus au droit pénal et criminaliser le contrôle coercitif risque de créer une illusion et peut-être de créer de plus grands préjudices et de nouveaux traumatismes pour les survivants, parce qu'ils se manifesteront et qu'aucune mesure ne sera prise. Ils s'exposeront à des risques, mais n'auront aucun recours. Nous craignons que ce soit le résultat de cette modification.

  (0900)  

    Ne s'exposent-ils pas à un risque en s'appuyant sur toute autre loi qui aide à protéger les femmes victimes de violence entre partenaires intimes? Chaque fois qu'ils se manifestent, il y a toujours un risque. Ne le croyez-vous pas?
    Ai‑je le temps pour une brève réponse?
    Non, j'ai bien peur que votre temps soit écoulé.
    Cela dit, eu égard aux questions qui leur sont posées, j'encouragerais les témoins à envoyer par écrit au Comité tout ce qui, à leurs yeux, doit être clarifié ou ajouté.

[Français]

    Par souci d'équité, je vais céder la parole à M. Fortin seulement pour une minute s'il y a une question qu'il veut vraiment poser.
    Je vais tenter de faire en une minute ce que mon collègue trouvait difficile de faire en deux minutes et demie.
    Je reconnais que les suggestions d'amendement que l'on retrouve dans le mémoire de l'organisme Luke's Place Support and Resource Centre for Women and Children, qui ont été appuyées par la représentante de l'organisme Barbra Schlifer Commemorative Clinic, sont utiles.
    Je suis sceptique quant au fait de ne donner que de la formation, mais je suis convaincu qu'il est nécessaire de donner de la formation et de faire des campagnes de sensibilisation auprès de la population.
    Votre témoignage est précieux. Cela confirme ce que je pensais sur l'importance de ces étapes. Encore une fois, je vais relire attentivement votre mémoire et y trouver peut-être de bonnes idées pour améliorer le projet de loi C‑332.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Fortin.

[Traduction]

Je vais donner une minute à Mme Barron.
    Merci.
    Madame Parsa, rapidement, je ne me souviens pas de vos paroles exactes, mais vous avez dit en substance qu'il y a un plus grand risque de mauvaise interprétation, que l'on voit des abus là où il n'y en a pas. Pouvez-vous préciser ce que vous vouliez dire par là et donner un exemple? Cela me serait utile.
    Merci.
    Bien sûr. Je pense que je disais cela dans le contexte des situations de mise en accusation double. Souvent, surtout dans le cas des populations racisées, le survivant peut être considéré comme l'agresseur. Dans une situation de contrôle coercitif, où les comportements sont subtils et dépendent vraiment de la relation, il y a une possibilité réelle que l'auteur des abus dépeigne le survivant sous les traits de l'agresseur.
    C'est ce que je voulais dire par mauvaise interprétation. Cela fait partie intégrante du système discriminatoire.
    Merci beaucoup.
    Merci aux deux témoins. Si vous avez des choses à ajouter, je vous prie de nous les faire parvenir par écrit.
    Nous allons suspendre la séance pendant que nous nous préparons à accueillir le prochain groupe de témoins.

  (0900)  


  (0905)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Nous avons deux témoins avec nous. Chacun disposera de cinq minutes pour faire sa déclaration préliminaire. Je surveillerai l'heure de près, et je ferai de même à la période de questions. Il nous reste encore 39 minutes; nous ferons de notre mieux pour obtenir le plus d'informations possible dans le temps imparti.
    S'il y a d'autres témoignages que vous aimeriez nous livrer ou d'autres réponses que vous n'auriez pas eu l'occasion de donner dans votre déclaration préliminaire ou lors des questions, je vous prie de nous les faire parvenir par écrit.
    Je devrai surveiller le temps de très près, malheureusement, et je devrai peut-être interrompre les personnes qui parlent. Je ferai preuve de délicatesse et je lèverai l'avertissement des 30 secondes à 30 secondes de la fin. Le problème, c'est que les personnes qui participent par vidéoconférence ne le voient pas forcément et que je n'ai donc pas d'autre choix que de les interrompre.
    Permettez-moi de commencer par vous souhaiter à tous les deux la bienvenue.
    J'invite M. Benjamin Roebuck, ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, à commencer sa déclaration préliminaire de cinq minutes au maximum.

[Français]

[Traduction]

    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, nous nous réunissons aujourd'hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe. En rendant hommage au leadership, à la force et à la sagesse des peuples autochtones, nous nous rappelons l'importance profonde que revêtent le respect, l'autonomie et la protection des droits et de la dignité de tous les peuples. Ces principes guident notre discussion sur le contrôle coercitif.
    La violence entre partenaires intimes est une épidémie. Elle touche des millions de personnes et transcende les limites géographiques, économiques et culturelles. L'enquête canadienne de 2018 sur la sécurité dans les espaces publics et privés a révélé que, au Canada, 6,2 millions de femmes et 4,9 millions d'hommes de 15 ans ou plus ont vécu des violences entre partenaires intimes à un moment ou à un autre de leur vie.
    L'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit. Le contrôle coercitif viole ces droits fondamentaux et transparaît dans des situations de violence entre partenaires intimes, d'exploitation sexuelle, de traite des personnes et de harcèlement criminel. Il faut intervenir.
    Le projet de loi C‑332 érigerait en infraction les agissements d'une personne qui se livre, de façon répétée ou continue, à une conduite contrôlante ou coercitive, et il fournirait à la police plus d'outils pour intervenir en cas d'abus récurrents. L'approche actuelle en matière de violence entre partenaires intimes est axée sur les incidents physiques. À cause de cela, il peut arriver que la police se sente impuissante et ne puisse pas intervenir dans certains cas où elle croit qu'une personne vit des abus ou, pire encore, que la police espère qu'un incident de violence physique survienne pour lui permettre de protéger la victime.
    Nous pouvons tirer de nombreux enseignements de la criminalisation du contrôle coercitif en Irlande, en Écosse, en Angleterre et au pays de Galles. La charge de la preuve qui pèse sur les survivants peut être lourde. Pour monter un dossier, il faut souvent avoir accès à des appareils électroniques et à des registres de communication. La formation des policiers, des procureurs et des juges est essentielle. Les outils d'évaluation des risques en matière de contrôle coercitif peuvent aider à reconnaître les schémas comportementaux.
    Au Canada, à la suite de récentes modifications apportées à la Loi sur le divorce, les effets néfastes du comportement coercitif et contrôlant sont reconnus, mais les procédures devant les tribunaux de la famille peuvent être compliquées. Au début de 2024, l'Association nationale Femmes et Droit a envoyé une lettre au gouvernement du Canada pour lui demander de modifier la Loi sur le divorce afin d'interdire le recours aux accusations d'aliénation parentale dans les litiges familiaux à cause des répercussions néfastes qu'elles ont sur les femmes. La lettre a reçu l'appui de plus de 250 organisations féministes. Je crains que la criminalisation du contrôle coercitif ne devienne tout aussi problématique devant les tribunaux de la famille.
    Cela dit, des rapports sur des homicides familiaux au Canada ont mentionné que le contrôle coercitif était un facteur de risque dans plusieurs cas d'homicide entre partenaires intimes sans violence physique antérieure. La criminalisation du contrôle coercitif pourrait permettre aux survivants qui quittent un partenaire violent et contrôlant d'avoir accès à des programmes provinciaux d'indemnisation pour répondre à leurs besoins immédiats.
    Je sais que le Comité a déjà étudié ce sujet et entendu des représentants de notre bureau ainsi que des experts de la question. Je suis en faveur de la criminalisation du contrôle coercitif, mais elle doit s'accompagner d'un changement systémique. J'exhorte le gouvernement à répondre aux appels de la Commission des pertes massives en déclarant que la violence fondée sur le sexe, la violence entre partenaires intimes et la violence familiale constituent une épidémie, et à s'engager à faire de la prévention primaire.
    Je terminerai par quelques réflexions. Après la modification de la Loi sur le divorce pour y inclure le contrôle coercitif, la trousse d'outils AIDE pour les avocats a été élaborée avec le concours de Justice Canada. Elle pourrait être mise à jour en fonction des modifications apportées au Code criminel. Nous recommandons d'utiliser la définition de la violence entre partenaires intimes à l'article 2 du Code criminel, de supprimer la limite de deux ans après une séparation et de renforcer les droits des victimes pour améliorer l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système de justice pénale.
    Je vous remercie de l'invitation.

  (0910)  

    Merci beaucoup.
    Je souhaite la bienvenue à Mme Melanie Omeniho, des Femmes Michif Otipemisiwak.
    Vous avez cinq minutes.
    Je m'appelle Melanie Omeniho. Je suis la présidente des Femmes Michif Otipemisiwak. Je tiens à souligner que je me joins à vous aujourd'hui depuis le territoire du Traité no 6 et la patrie de la nation métisse.
    Les Femmes Michif est un organisme national de femmes autochtones qui a pour mandat de représenter les femmes de la nation métisse dans la patrie de la nation métisse. Nous militons à l'échelle nationale et internationale pour l'égalité de traitement, la santé et le bien-être de tous les Métis. Nous nous concentrons sur les droits, les besoins et les priorités des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes 2ELGBTQQIA+ métis.
    J'aimerais proposer que nous agissions avec circonspection en ce qui concerne le projet de loi C‑332, Loi modifiant le Code criminel, concernant la conduite contrôlante ou coercitive. Bien que nous y soyons favorables en principe, ce projet de loi ne va pas assez loin dans le sens d'une pleine définition de l'acte de contrôle coercitif. Il le limite aux relations entre partenaires intimes.
    Pour commencer, cela fait peser sur les victimes la charge de la preuve d'une crainte importante de violence. Souvent, les victimes de contrôle coercitif n'ont pas conscience que ce qu'elles vivent relève du contrôle coercitif. Cela se produit lentement et insidieusement. Le contrôle coercitif peut persister dans une relation familiale au‑delà d'une limite de deux ans et il peut exister entre partenaires intimes qui n'ont pas convenu de se marier. Dans ce contexte, nous recommandons, avant d'adopter ce projet de loi, de redéfinir la notion de personnes qui entretiennent un lien.
    Ce projet de loi ne reconnaît pas non plus la forme distincte que prend la violence dans les relations 2ELGBTQQIA+. En ce qui concerne l'exploitation sexuelle, cette loi n'inclut pas la conduite contrôlante et coercitive dans la définition existante. Elle n'inclut pas non plus les enfants et les autres membres de la famille qui peuvent également être des victimes.
    Le Canada s'est inspiré de l'exemple du projet de loi adopté au Royaume-Uni concernant le comportement contrôlant ou coercitif. Or, le projet de loi du Royaume-Uni ne tient pas compte des implications particulières concernant les femmes métisses, les relations ordinairement tendues avec la police ainsi que d'autres processus coloniaux. Les femmes autochtones, qui se trouvent à l'intersection de multiples voies d'oppression, font face aux taux de violence les plus élevés. C'est particulièrement le cas des femmes autochtones qui sont ou ont été en contact avec les services de protection de l'enfance, qui vivent dans la pauvreté, qui sont souvent sans abri ou en situation d'itinérance, qui sont handicapées, qui ont vécu des traumatismes ou qui ont différents problèmes de toxicomanie. Les deux tiers environ des femmes métisses déclarent avoir été la cible de violences physiques ou sexuelles au cours de leur vie. Près de la moitié ont survécu à des violences entre partenaires intimes.
    Cette loi repose en grande partie sur le mythe selon lequel les policiers sont les seuls à pouvoir assurer notre sécurité. La tâche de déterminer si une situation doit être considérée comme une conduite contrôlante ou coercitive ferait partie du rôle de l'agent de police. L'attention de la police se concentre en général sur la présence d'une violence physique et sur des incidents précis plutôt que sur un schéma comportemental de contrôle coercitif. Cette attention minimise également d'autres formes de violence. Trop souvent, dans de tels cas, la police ne considère pas que les survivants sont des victimes ou des témoins crédibles. Plutôt que d'évaluer une protection, la police n'agit pas et traite les survivants avec suspicion.
    Nous constatons également que les femmes autochtones sont criminalisées quand elles ripostent. Cela transparaît dans les statistiques, qui montrent que la probabilité d'incarcération est 13 à 15 fois supérieure pour les femmes autochtones que pour les femmes non autochtones et les hommes autochtones. Les taux d'incarcération des femmes autochtones dans les prisons provinciales sont également alarmants. En Saskatchewan, la probabilité d'aller en prison est 29 fois plus élevée pour les femmes autochtones que pour les femmes non autochtones.
    Ce qui doit également faire partie intégrante de l'adoption de ce projet de loi, c'est un plan robuste d'échange de renseignements, de formation et d'éducation. Cela ne se limite pas à la police et à l'ensemble des intervenants du système de justice. Il faut avant tout que les femmes et les personnes de diverses identités de genre comprennent ce que sont la conduite contrôlante et le contrôle coercitif. Parce que les outils d'évaluation des risques mettent l'accent sur la violence physique et les lésions, la violence non physique est minimisée.
    Nous nous demandons si les agents de police seront en mesure d'évaluer les situations de violence entre partenaires intimes en l'absence de violence physique au moment de leur arrivée sur les lieux. Auront-ils une compréhension suffisante de la dynamique pour déterminer s'ils sont en présence de situations potentiellement dangereuses où le contrôle coercitif est un facteur?

  (0915)  

    Merci, madame.
    J'ai deux observations à faire. Premièrement, les membres ne vous entendaient pas très bien. Ils vous demandent, pour répondre aux questions, de repositionner le micro pour qu'il soit juste à hauteur de votre bouche. Deuxièmement, j'ai remarqué que vous aviez un texte. S'il y a autre chose dont vous vouliez nous faire part, ou si vous voulez nous envoyer le texte, ce serait utile également. Nous pourrons distribuer aux membres ce que vous nous ferez parvenir.
    Permettez-moi maintenant de passer à la série de questions.
    Nous commencerons par Mme Gladu.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins d'être ici.
    Nous avons beaucoup appris aujourd'hui. Quand j'ai entendu parler pour la première fois de cette loi sur le contrôle coercitif, j'ai pensé que, oui, il nous faut une loi. J'entendais dire que de grandes avancées avaient été obtenues au Royaume-Uni et dans tous ces autres pays, mais aujourd'hui, nous avons entendu que seulement 6 % des situations de contrôle coercitif signalées aboutissent à une mise en accusation. Sur 700 cas examinés, quand des poursuites avaient été engagées, seulement 3 % avaient débouché sur une condamnation. Cela m'inquiète vraiment. Si l'on pense aux personnes qui ont le courage de signaler une situation de contrôle coercitif, puis que l'on pense au système de justice et aux délais, ces personnes sont très exposées à un risque d'escalade de la violence de la part du partenaire intime concerné pendant cette période.
    Monsieur Roebuck, vous avez dit que la « charge de la preuve » qui pèse sur les victimes est lourde. Vous avez aussi parlé un peu de prévention primaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces deux points?
    La violence fondée sur le sexe trouve ses racines dans l'inégalité entre les hommes et les femmes dans la société. Tout ce que nous pouvons faire pour renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes a un effet préventif sur la violence fondée sur le sexe. C'était aussi une recommandation de la Commission des pertes massives. Quand il est question de violence dans les relations, nous sommes déjà en plein dans une démarche réactive plutôt que dans la prévention. La formation dans les écoles sur les relations saines et les nombreuses initiatives différentes mises en place sont importantes, notamment le travail mené dans le cadre du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe.
    Comme dans le cas du harcèlement criminel, on risque de se retrouver avec une loi qui oblige les survivants à se rassembler, à documenter les faits et à ressentir la pression d'avoir à créer une ligne du temps, à recueillir eux-mêmes tous ces éléments et à essayer de décrire des années de comportements contrôlants. S'il incombe au survivant de démontrer cette crainte et cette préoccupation, je pense que cela crée un fardeau injuste. Je préfère un modèle qui transfère cette charge de la preuve à l'auteur des faits.
    Par ailleurs, dans l'appareil de justice pénale, l'un des défis auxquels nous faisons face, c'est que dans le cas de la violence fondée sur le sexe, il s'agit principalement de délinquants masculins, dont les droits sont garantis par la Charte et sont très clairs, alors que les droits des victimes ne sont pas exécutoires. Il y a beaucoup de lacunes qui pourraient être comblées. Quand les gens entrent en contact avec le système, cela peut être vraiment compliqué.
    Très bien. Merci.
    Madame Omeniho, tout d'abord, je tiens à dire que mes filles et mes petits-enfants sont des Métis inscrits. Je tiens à vous remercier de défendre les intérêts des femmes métisses.
    Au Parlement, il nous arrive souvent de présenter des projets sans les considérer du point de vue des Autochtones et de penser que ces solutions conviendront. Pouvez-vous nous donner des conseils concernant les modifications à apporter à ce projet de loi pour qu'il tienne mieux compte de la culture métisse et de ce que vivent les femmes métisses?

  (0920)  

    Oui, je peux le faire.
    Tout d'abord, je tiens à dire que l'autre chose qui n'a pas vraiment été prise en considération, c'est que beaucoup de très jeunes femmes, qui sont souvent considérées comme des enfants dans le processus du gouvernement, ne sont pas protégées par ce projet de loi. Je pense qu'il est vraiment important de trouver une façon de les inclure.
    Je crois également que des mesures doivent être prises pour que cette loi tienne compte des questions qui concernent les femmes autochtones et la vie qu'elles mènent, ainsi que de certains des problèmes d'oppression auxquels elles font face. Les rapports Gladue sont censés être à notre avantage. C'est même la situation d'une femme métisse dans l'appareil judiciaire qui a été à l'origine de l'arrêt Gladue. Il n'y a pas de possibilité, entre autres choses, de présenter un rapport Gladue au tribunal. Il y a une élimination, parce que les Métis ne sont pas expressément inclus. Il faut s'assurer, quand on élabore ces lois, qu'un processus fondé sur les distinctions n'empêche aucun Autochtone de bénéficier d'un accès et d'une protection.
    La police peut être assez subjective. J'aimerais pouvoir vous dire que nos systèmes, tels qu'ils existent, sont exempts de racisme, mais le racisme est bel et bien présent dans ce pays. Beaucoup de femmes métisses y sont confrontées dans le système de justice et au contact des services de police. Je crois que cette loi doit prévoir ces protections pour les femmes autochtones plutôt que de faire d'elles les victimes d'une autre mesure prise dans le système de justice.
    Très bien.
    Je suis d'accord avec vos observations. Nous avons fait le même constat quand nous avons parlé des agressions sexuelles et des difficultés qui y sont associées: le faible taux de dénonciation, l'absence de suivi, le traumatisme dans le système de justice et, au bout du compte, des taux très faibles de déclaration de culpabilité. Dans ce contexte, une formation a été recommandée pour les juges, les agents et les autres intervenants. Le contrôle coercitif est encore plus difficile à définir.
    J'aimerais que vous nous envoyiez la définition revue de la notion de personnes qui entretiennent une relation. Cela m'intéresse.
    Mon temps est écoulé. Je vous remercie beaucoup.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Brière, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci à tous les témoins d'être parmi nous ce matin.

[Français]

    Vous avez tous les deux abordé la question de la définition du contrôle coercitif. Madame Omeniho nous a même dit que le projet de loi n'allait pas assez loin pour définir ce qu'est le contrôle coercitif.
    J'aimerais avoir vos commentaires à tous les deux. D'abord, est-il nécessaire d'ajouter une définition, à votre avis?
    Comment faire pour reconnaître ou prouver le contrôle coercitif?

[Traduction]

    Nous devons définir le contrôle coercitif, parce que quand on prévoit, comme c'est le cas dans ce projet de loi, que la police sera à même de le définir, et le système de justice aussi, s'il n'y a pas de paramètres clairs et définis qui délimitent le contrôle coercitif, d'une part les membres de notre communauté ne pourront pas déterminer si le contrôle coercitif fait partie de ce qu'ils vivent, et d'autre part, les agents de police, au lieu de les aider à signaler les faits pour que les agresseurs puissent être mis en accusation, diront qu'ils n'ont pas assez de paramètres ou qu'ils ne sont pas sûrs que les critères sont remplis. À cause de cette nature subjective, il faut une définition, peut-être même avec des exemples de contrôle coercitif.
    Je pense que l'on peut combiner la définition dans la loi et des lignes directrices en matière de pratique. Au Royaume-Uni, il y a un guide qui fournit des instructions détaillées sur l'interprétation et l'application des dispositions législatives relatives au contrôle coercitif. Je pense que ces exemples sont utiles.
    Je crois que le Comité a également rencontré la Dre Carmen Gill. J'ai pu voir une partie du travail de recherche qu'elle fait pour former les agents de police et les aider à reconnaître les signes et les symptômes du contrôle coercitif. Je pense que ce serait un élément nécessaire, que ce soit dans la loi elle-même ou dans des lignes directrices très claires. Il devrait y avoir des directives claires en matière de détermination et d'intervention.

  (0925)  

[Français]

    Merci.
    Peut-être étiez-vous présents pendant la première heure quand nous avons entendu les témoignages des deux témoins précédents. On nous a dit que, si les forces de l'ordre voient de la violence là où il n'y en a pas, cela pourrait poser un risque accru.
    Madame Omeniho, j'aimerais que vous nous parliez des conséquences indésirables pour les populations racialisées.

[Traduction]

    Lorsqu'il est question de violence entre partenaires intimes, il arrive souvent que les policiers interprètent mal la situation, mais je veux vous parler de notre expérience avec les femmes auprès de qui nous intervenons et qui nous ont raconté leur histoire. Souvent, les policiers ne prennent pas la violence dont elles sont victimes au sérieux, et elles sont laissées à elles-mêmes comme victimes. Je pourrais vous raconter de bien des cas où les policiers n'ont pas abordé une situation avec suffisamment de précautions et où la femme a fini par se faire tuer. Les cas ne sont pas toujours tout noirs ou tout blancs, et je sais que la violence entre partenaires intimes est un sujet très difficile, puisque le partenaire qui essaie d'être contrôlant ou coercitif avec l'autre ne laisse pas le monde extérieur, y compris les services de police, voir ce qui se passe.
    À mon avis, il y a beaucoup plus de policiers qui regardent et qui ne voient pas le contrôle coercitif que de policiers qui exagèrent et qui portent des accusations.
    Je suis d'accord avec ce qu'a dit l'intervenant précédent, soit que le système de justice est fait pour protéger les accusés et non pour aider les victimes. Je crois que le système de justice aurait beaucoup d'aide à offrir à une personne accusée injustement.
    Merci encore.

[Français]

    Vous avez aussi mentionné que le fait de criminaliser le contrôle coercitif pourrait minimiser la présence d'autres infractions.
    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

[Traduction]

    Il reste 30 secondes. Je ne suis pas certaine que vous ayez entendu la question, madame. Elle vous demandait votre avis.

[Français]

    Madame Omeniho, avez-vous entendu la question?

[Traduction]

    Je suis désolée, l'interprétation était très mauvaise. Je n'ai pas compris la question. Toutes mes excuses.

[Français]

    Je suis désolée.

[Traduction]

    Nous allons poursuivre.

[Français]

    Monsieur Fortin, vous pouvez peut-être poser votre question.
    Je pourrais le faire, madame la présidente, mais, sauf votre respect, j'aimerais faire un rappel au Règlement.
    À mon avis, lorsqu'une question est posée en français et que le témoin n'entend pas la question, les 30 secondes qui restaient devraient être redonnées au témoin. Encore une fois, je le fais sans partisanerie, mais, par respect envers le bilinguisme, on devrait permettre un temps raisonnable à tout le monde pour poser des questions et entendre les réponses.
    Cela ne me pose pas problème.
    Madame Brière, vous pouvez continuer pour 30 secondes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Fortin.
    Madame Omeniho, vous avez mentionné que le fait de criminaliser le contrôle coercitif pourrait minimiser la présence d'autres infractions.
    Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus?

[Traduction]

    Ce que je veux dire par là, c'est que le fait de se concentrer sur le contrôle coercitif peut rendre moins évidente la violence physique, émotionnelle et financière dont les femmes sont souvent victimes. Il est important de ne pas occulter les autres dimensions de la violence entre partenaires intimes qui peuvent causer énormément de tort aux membres de notre communauté.

  (0930)  

    Merci beaucoup. Cela a duré 55 secondes, mais il valait la peine d'entendre la réponse au complet.
    Monsieur Fortin, c'est à vous.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui.
    Monsieur Roebuck, en tant qu'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, vous devez entendre tous les jours des victimes vous parler des vicissitudes et des vertus de notre système pénal.
    Ce matin, nous avons entendu des gens nous dire que le projet de loi C‑332 est un peu dangereux, d'abord en raison des plaintes croisées. En fin de compte, on a peur que des victimes soient traitées comme des agresseurs pour avoir voulu protéger leurs enfants, entre autres choses.
    Cela pose-t-il effectivement un problème? Des victimes pourraient-elles être pénalisées à cause des définitions contenues dans ce projet de loi ou de la façon dont celui-ci est conçu?
    Par ailleurs, dans votre discours d'ouverture, vous avez fait un certain nombre de recommandations intéressantes. Notamment, vous proposez qu'on utilise la définition de « partenaire intime » figurant à l'article 2 du Code criminel et qu'on supprime la limite de deux ans après la séparation.
    Ce sont des suggestions qu'on a déjà entendues, mais j'aimerais, si c'était possible pour vous, obtenir une copie de votre allocution d'ouverture ou de votre mémoire. Je vous en serais vraiment reconnaissant. Je ne sais pas si vous avez un mémoire qui est prêt, si nous ne l'avons pas reçu ou si c'est seulement moi qui ne l'ai pas reçu.
    Cela dit, je reviens à ma question précédente. Est-il possible que des victimes puissent être vues comme des personnes ayant des comportements contrôlants et coercitifs lorsqu'elles se défendent?

[Traduction]

    Dans notre bureau, nous entendons beaucoup parler de problèmes liés au contrôle coercitif dans les tribunaux de la famille. Pour être honnête, cette question me préoccupe davantage dans les tribunaux de la famille que dans les cours criminelles. Les interactions entre le système de justice criminelle et les tribunaux de la famille affectent les gens en temps réel, entre autres pour ce qui est des décisions quant à la garde des enfants.
    Il n'est pas facile de trouver le juste équilibre entre la protection des accusés et les droits et les besoins des victimes.
    Je crois qu'il existe un risque d'abus et qu'il est possible que des allégations frivoles de contrôle coercitif soient faites dans les tribunaux de la famille. Je pense que cela se produit déjà, mais si une infraction criminelle entre en jeu, cela rend le suivi plus complexe.

[Français]

    Pourriez-vous donner des exemples de situations où cela poserait un problème?

[Traduction]

    Avant d'occuper mon poste actuel, j'étais chercheur dans le domaine de l'itinérance chez les jeunes. Je sais que beaucoup de jeunes sont devenus des sans-abri à cause de conflits à la maison — peut-être un divorce acrimonieux, ou une famille reconstituée dans laquelle un jeune se fait cibler en raison de son lien avec le parent qui est l'objet de la violence.
    Les cas où la violence est réciproque sont difficiles à trancher. Il n'est pas simple de faire la différence entre se battre pour attaquer et se battre pour se défendre. Cette nuance rend très difficile l'application de la loi à la violence entre partenaires en général.

[Français]

    À votre avis, y aurait-il lieu de simplement amender le projet de loi C‑332?
    Je pense aux deux modifications que vous avez suggérées et que j'ai notées, mais il y en a d'autres, et c'est pourquoi j'aimerais obtenir vos notes écrites.
    En quelques mots, que recommanderiez-vous pour améliorer ce projet de loi et mieux protéger les victimes ainsi que pour mieux sensibiliser et punir, notamment, les gens qui ont tendance à avoir ce type de comportement?

[Traduction]

    Nous réclamons que les droits des victimes aient la même valeur que ceux des accusés. Surtout, les victimes devraient être informées de leurs droits lorsqu'elles signalent une infraction.
    Dans les cas de violence entre partenaires, des conseils juridiques indépendants sont offerts, mais on se fait souvent dire par des gens, dans notre bureau, qu'ils n'ont jamais été informés, qu'ils ne savaient pas qu'ils pouvaient consulter un avocat gratuitement pour obtenir des conseils sur le système.
    Si nous voulons nous attaquer à ces enjeux complexes, ces éléments‑là doivent être en place.

  (0935)  

[Français]

    L'infraction consiste à avoir un comportement contrôlant et coercitif de façon répétée ou continue.
    Cette question de fréquence ou de continuité, comment la voyez-vous? Est-ce une bonne ou une mauvaise chose et devrait-on modifier cela?
    J'aimerais avoir vos commentaires sur cette question.

[Traduction]

    Je crois qu'il est vraiment positif que les tendances comportementales soient prises en considération, car une des difficultés liées aux interventions dans certains cas est que les policiers vont être témoins d'un comportement qu'ils considèrent comme relativement anodin. Les conséquences du contrôle exercé ne leur sont pas immédiatement apparentes. Ils ne peuvent pas voir, par exemple, que la personne n'a pas le droit de sortir de la maison tous les vendredis soirs, pas seulement un vendredi soir en particulier. Je crois que les tendances sont très importantes. C'est une des forces de cette mesure législative.

[Français]

    Merci, monsieur Roebuck.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    C'est le tour de Mme Barron pour la dernière ronde de six minutes. Vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins.
    Il y aurait tellement de questions à poser. Il est presque impossible de choisir les plus importantes, surtout que je n'ai pas eu l'occasion d'assister aux réunions du Comité aussi souvent que je l'aurais voulu, surtout en ce qui concerne cette étude.
    Une chose à laquelle j'ai réfléchi est la discussion plus générale sur un outil qui pourra nous emmener dans une bonne direction, mais qui ne pourra en aucun cas régler tous les problèmes systémiques complexes et interconnectés dont il est question ici. Il y a énormément d'éléments qui doivent être pris en considération. Il est bien que nous envisagions d'adopter cet outil, mais il faut aussi parler du portrait plus global.
    Je pense notamment à la formation des agents de la GRC et des juges. C'est extrêmement important. C'est un aspect majeur. Je pense aussi que nous devrions formuler des recommandations, dans le cadre de cette étude, sur l'amélioration des systèmes que nous avons déjà. Par exemple, dans ma circonscription, Nanaimo—Ladysmith, les agents de la GRC arrivent dorénavant sur les lieux accompagnés d'une infirmière spécialisée en santé mentale. On essaie donc de renforcer le système actuel de la GRC avec des intervenants de soutien en santé mentale ou d'autres intervenants qui sont formés et qui ont l'expertise nécessaire pour bien cerner la situation.
    Monsieur Roebuck, je me demande si vous pourriez nous donner votre avis sur les façons de renforcer ou de modifier notre système, ce qu'il est essentiel de faire. Qu'en pensez-vous, et pouvez-vous nous donner un exemple de la meilleure façon d'aller de l'avant?
    Merci.
    Je crois que vous touchez à quelque chose d'important pour les gens qui œuvrent dans le secteur de la lutte contre la violence et qui possèdent une expertise inestimable. Si leur rémunération était égale à celle des policiers qui interviennent dans les cas de violence entre partenaires, les résultats seraient sans doute différents. Je pense qu'on pourrait envisager des partenariats qui combinent la sécurité qu'apporte pour certaines personnes la présence policière lors des interventions dans les cas de violence et l'expertise des intervenants dans la lutte contre la violence. Ces derniers doivent faire partie de la conversation, et ils devraient jouer un rôle.
    Très bien, merci.
    Je crois que la formation et la sensibilisation doivent être améliorées, mais ce n'est pas simple. Il y a des gens qui ont énormément de formation et d'expérience sur le terrain, mais qui ne sont pas utilisés à leurs pleines capacités. Il est important d'inclure les personnes autochtones et les communautés racisées et marginalisées dans le processus.
    Madame Omeniho, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je suis d'accord pour dire que les femmes autochtones sont traitées différemment par des institutions et des systèmes qui fonctionnent de manière à protéger la plupart des gens. Elles se sentent vulnérables et n'ont pas l'impression d'être protégées.
    Je pense que cet outil peut servir, mais je tiens à préciser aux membres du Comité que Femmes et Égalité des genres Canada a un plan pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Ce plan est peut-être aussi formidable que tous les mots qui sont écrits — et nous avons contribué à la création de certains de ces plans —, mais, dans les faits, le financement de Femmes et Égalité des genres Canada pour lutter contre la violence fondée sur le sexe, 536 millions de dollars, a été divisé en 13 parts et versée aux provinces et territoires sous forme de paiements de transfert. La violence fondée sur le sexe n'est pas une priorité pour ce qui est de la création de programmes et de la réforme du système de justice.

  (0940)  

    Merci.
    Je vais passer à une question différente. Vous avez dit à quel point il est important que les victimes puissent déclarer qu'elles font l'objet d'un contrôle coercitif. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là‑dessus et nous parler de l'importance de l'éducation et des soins de santé? Si les gens ne savent pas reconnaître les caractéristiques du contrôle coercitif et si les comportements de violence et de contrôle coercitif sont normalisés, comment peut‑on s'attendre à ce que les victimes puissent elles-mêmes déclarer qu'elles en font l'objet?
    Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Bon nombre de femmes dans notre communauté ne comprennent même pas quels sont leurs droits et comment elles peuvent se protéger. Très souvent, elles se trouvent dans des relations malsaines ou des relations de codépendance. Elles cherchent à protéger leur agresseur au lieu de se protéger elles-mêmes. Elles perdent ainsi parfois leurs enfants, qui sont placés dans les services d'aide à l'enfance.
    C'est un cercle vicieux. Il est très important d'enseigner aux jeunes, même en bas âge, ce que sont réellement la violence fondée sur le sexe et le contrôle coercitif.
    Très bien.
    Il ne me reste que 25 secondes, alors je vais vous remercier tous les deux pour votre travail. J'aurais aimé en savoir plus sur les liens entre la pauvreté et ce projet de loi, toute la question des logements abordables et les niveaux de revenus nécessaires pour que les comportements de contrôle coercitif ne soient plus aussi présents ou accessibles. Peut-être que vous pourriez nous fournir ces renseignements par écrit.
    Merci.
    Nous passons à la dernière ronde. Je vais limiter le temps à deux minutes et demie.
    Monsieur Van Popta, c'est à vous.
    Merci.
    J'ai une question pour vous, monsieur Roebuck. Aux termes du projet de loi C‑332, il doit être prouvé que la conduite contrôlante ou coercitive a eu un effet important sur la victime. Des témoins précédents, la semaine dernière ou celle d'avant, nous ont fait part de leurs préoccupations quant au fait que cela pourrait victimiser à nouveau les victimes, puisque celles‑ci devraient témoigner et parler de leur état d'esprit et se faire contre-interroger.
    Les témoins nous ont aussi parlé de la loi écossaise sur la violence domestique, qui met l'accent sur les intentions et les actions de l'agresseur en indiquant qu'une personne raisonnable dirait que le comportement est très susceptible de causer des préjudices physiques ou psychologiques à la victime.
    Qu'en pensez-vous? Est‑ce une meilleure approche pour empêcher que les victimes soient victimisées à nouveau, ce qui fait partie de votre mandat?
    Je crois qu'il y a du pour et du contre. Je pense qu'il est préférable d'avoir un critère de type « ce qu'une personne raisonnable penserait », comme en Écosse, que de demander aux victimes d'essayer d'expliquer pourquoi leur traumatisme est assez important pour mériter une intervention. Du point de vue de la criminalisation, un tel critère accroît la possibilité que quelqu'un de l'extérieur soit témoin d'un comportement et se dise que celui‑ci semble problématique même sans connaître l'ensemble du contexte de la relation.
    Des témoins précédents nous ont aussi dit que le projet de loi C‑332 pourrait avoir l'effet imprévu de judiciariser des communautés qui sont déjà surreprésentées dans le système de justice. Cela m'inquiète un peu.
    J'ai lu un document écrit par votre prédécesseure, Mme Heidi Illingworth. Elle a témoigné lors d'une étude semblable. Elle a écrit que la violence entre partenaires intimes « touche l'ensemble du Canada puisque ce type de violence fondée sur le sexe ne connaît pas de frontières » et qu'elle « touche des personnes de tous âges, sans égard à leur sexe, à leur situation socioéconomique, à leur origine raciale ou ethnique, à leur scolarité ou à leurs antécédents culturels ». Elle a cité une étude de Statistique Canada réalisée en 2019. Je crois que cette étude pourrait être une bonne source de données.
    J'aimerais avoir vos commentaires là‑dessus.

  (0945)  

    Pourriez-vous nous les transmettre par écrit? Merci beaucoup.
    Le dernier segment de deux minutes et demie est pour M. Housefather.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins.
    Je vais aborder un autre sujet. Le 11 décembre, j'ai soumis un avis de motion concernant une étude très importante. Je sais que nous n'allons pas pouvoir régler la question en deux minutes et demie, mais je voulais seulement inscrire au compte rendu que j'ai l'intention de proposer la motion suivante à la prochaine réunion du Comité, dans deux semaines:
Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et compte tenu de l'escalade alarmante de l'antisémitisme au Canada, le comité entreprenne une étude sur la question de l'antisémitisme et les mesures supplémentaires qui pourraient être prises pour répondre aux craintes légitimes exprimées par la communauté juive du Canada.
Que l'étude comprend, sans s'y limiter, sur la question de l'antisémitisme sur les campus universitaires.
Que l'étude prenne au moins trois séances et que le comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre.
    Je sais que le Sous-comité va se pencher là‑dessus plus tard, mais je sais aussi que nombre de mes collègues pensent aussi que c'est une étude importante que nous devrions mener. Les choses ne se sont pas calmées depuis le 7 octobre. Les incidents antisémites ont explosé dans toutes les grandes villes canadiennes. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu une recrudescence des incidents visant d'autres communautés, comme la communauté musulmane. J'accueillerais volontiers d'autres études sur ces sujets.
    Voici quelques chiffres sur l'antisémitisme. Les juifs représentent 1,1 % de la population du Canada, mais plus de 70 % des incidents fondés sur la religion visent les juifs. Des étudiants d'universités de partout au pays ont communiqué avec moi. J'ai pris la parole à des campus Hillel aux quatre coins du Canada. Hier à l'Université de la Colombie‑Britannique, un référendum a été proposé pour mettre fin au bail de Hillel. C'est un incident après l'autre au pays. Je crois que notre comité doit faire preuve de diligence raisonnable pour voir ce que nous pouvons faire en tant que gouvernement national pour amener les administrations des universités, les administrations municipales et les gouvernements provinciaux à agir.
    Je remercie mes collègues. J'ai hâte que le Sous-comité en discute. J'ai l'intention de proposer cette motion à notre retour.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Housefather.
    Ceci étant notre mot de la fin, je remercie les témoins qui ont comparu devant nous...
    Nous n'avons pas droit à nos dernières minutes?
    Si vous insistez, je peux vous donner une minute.
    Oui, s'il vous plaît.

[Français]

    Vous avez la parole pour une minute.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Roebuck, j'aimerais revenir brièvement sur la réponse que vous avez donnée à la question de mon collègue M. Van Popta sur l'appréciation. On parlait d'appréciation objective plutôt que subjective. J'avais l'impression que les victimes souhaitaient une appréciation objective du problème, c'est-à-dire sans avoir à témoigner sur les effets qu'elles avaient ressentis.
    J'ai cru comprendre que, selon vous, il faut vraiment considérer l'effet que cela a eu sur la victime pour tenir compte du contexte.
    Pouvez-vous, en quelques secondes, préciser votre raisonnement?

[Traduction]

    Je crois qu'il est important de reconnaître comment les victimes se sentent, mais je ne crois pas qu'il devrait leur incomber de faire la preuve que leur traumatisme est assez important pour mériter une intervention.

[Français]

    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Madame Barron, voulez-vous que je vous accorde aussi une minute de plus?

[Traduction]

    Je ne refuserai jamais quelques minutes de plus.
    J'ai une très brève question pour vous, madame Omeniho. Vous avez dit que les deux tiers des femmes métisses déclarent elles-mêmes avoir subi de la violence de la part d'un partenaire intime. Je crois que c'est ce que vous avez dit. Pouvez-vous préciser cette statistique et nous en dire un peu plus sur le sujet?
    Ces données proviennent de Statistique Canada et d'autres rapports qui ont été produits: 65 % des femmes métisses ont vécu de la violence de la part d'un partenaire intime. Je veux aussi souligner que le projet de loi, en grande partie, ne tient pas compte du fait que la communauté 2ELGBTQQIA+ est aussi touchée par la violence fondée sur le genre et la question du contrôle coercitif, et que votre comité n'a pas abordé cela non plus.
    Merci beaucoup à nos deux témoins.
    Nous allons suspendre la réunion pendant une minute ou deux pour permettre aux témoins qui sont ici présents et qui participent par Zoom de partir. Nous allons ensuite passer à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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