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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 20 mars 1997

.1110

[Français]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis, Lib.)): À l'ordre, s'il vous plaît.

Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir le vérificateur général et ses associés. La rencontre portera sur un rapport du vérificateur général ayant trait à Patrimoine Canada - Parcs Canada.

Le rapport a été soumis aux membres du comité. Il est très succinct. Je pense qu'il place la question devant nous de façon très claire. Je voudrais féliciter le vérificateur général et ses associés qui ont rédigé le rapport, MM. Lalonde et Ruthnum, d'avoir vraiment donner le coup d'envoi.

J'ai eu l'occasion de travailler tout au long de l'étude Banff-Bow Valley, qui a été un travail d'énorme envergure. Comme vous le savez, l'étude avait été commanditée par le prédécesseur de la ministre actuelle, M. Dupuy, qui avait retenu les mêmes grandes lignes que vous.

Il est temps que l'on regarde toute la question de l'approche écosystémique pour nos parcs de même que toute la question de la lourdeur des services dans les parcs, du nombre de visiteurs, du développement industriel, de la façon dont cela affecte l'écosystème des parcs et la faune et de la façon dont on doit assurer la préservation des parcs pour les générations à venir.

Vous touchez aussi la question de compléter les parcs, comme on l'avait promis, pour l'an 2 000. J'ai été très intéressé d'apprendre que vous aviez aussi touché la question des canaux maritimes récréatifs, comme le Trent et le Rideau, et que vous aviez constaté que nous ne produisions pas assez de revenus pour les entretenir, etc. Vous avez parlé de leur usage et de la question de savoir si les contribuables devraient payer davantage pour utiliser les parcs. Cette idée a été véhiculée par certains de mes collègues qui pensent que cela devraient être le cas.

Ces deux sujets sont d'une grande importance pour nous qui essayons de donner un éclairage au ministère du Patrimoine canadien. Nous sommes très très heureux que vous soyez ici et je vais vous demander, monsieur le vérificateur général, de faire votre présentation, après quoi les membres du comité pourront vous questionner.

M. L. Denis Desautels, (vérificateur général du Canada): Merci, monsieur le président. Je vous remercie surtout de vos commentaires très encourageants. Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de M. Harry Ruthnum, directeur principal aux opérations de vérification, et de M. Robert Lalonde, vérificateur général adjoint. Ils sont tous les deux responsables de nos travaux à Parcs Canada et au ministère du Patrimoine canadien.

[Traduction]

Monsieur le président, aujourd'hui je vais aborder très brièvement, tout d'abord le chapitre 31, intitulé «La protection du patrimoine naturel du Canada» et je passerai ensuite en revue rapidement le chapitre 32, «La gestion des canaux historiques».

Le chapitre 31, «La protection du patrimoine naturel du Canada», était axé sur les systèmes et les processus mis en place par Parcs Canada en vue d'assurer le maintien et le renforcement de deux composantes du programme: la préservation de l'intégrité écologique et l'établissement de nouveaux parcs.

La Loi sur les parcs nationaux dispose que:

La loi dispose également que:

L'intégrité écologique des parcs nationaux est menacée par des perturbations qui semblent s'accroître dans de nombreux cas. Ces perturbations comprennent le développement et les activités de l'homme à l'extérieur des limites des parcs, la fréquentation ainsi que les installations et les services offerts.

.1115

Le rapport de l'étude sur la vallée de Bow à Banff, présenté au ministre du Patrimoine canadien en octobre 1996, aidera Parcs Canada à cerner et à traiter les questions que doivent régler le parc national Banff ainsi que d'autres secteurs du réseau des parcs nationaux.

À notre avis, les éléments suivants sont importants pour la préservation de l'intégrité écologique des parcs nationaux. Tout d'abord, il faut connaître l'état écologique des parcs nationaux. En d'autres termes, il faut améliorer les renseignements biophysiques que nous possédons et établir des objectifs mesurables concernant l'intégrité écologique. Parcs Canada espère attirer dans les parcs nationaux un nombre croissant de visiteurs qui y feront des séjours plus longs. Les gestionnaires par conséquent doivent avoir une meilleure compréhension de l'incidence de la fréquentation sur les parcs nationaux et déterminer un niveau d'utilisation acceptable pour les écosystèmes des parcs. Troisièmement, les plans de gestion et de conservation des écosystèmes, doivent être mis à jour plus régulièrement afin de tenir compte de l'évolution de l'environnement et de faire en sorte qu'ils soient conformes aux politiques et aux lignes directrices courantes sur les écosystèmes.

[Français]

Le gouvernement fédéral s'est engagé à parachever d'ici l'an 2000 le réseau des parcs nationaux où seront représentées les 39 régions naturelles terrestres. Chaque parc national doit présenter les caractéristiques biologiques et physiques d'une région naturelle et assurer la santé des écosystèmes de la région.

Des observations importantes ont été faites dans notre chapitre:

- Premièrement, 24 des 39 régions naturelles sont actuellement représentées par un parc national. Depuis 1990, quatre nouveaux parcs nationaux, pour lesquels les préparatifs de création avaient débuté avant 1990, ont été créés. À ce rythme, le réseau des parcs nationaux pourrait ne pas être achevé d'ici l'an 2000 comme il avait été prévu.

- Deuxièmement, pour parvenir à négocier des ententes d'établissement de nouveaux parcs nationaux, Parcs Canada devra obtenir l'appui des gouvernements des provinces et territoires, des peuples autochtones et des collectivités locales. Parcs Canada doit accorder une plus grande priorité à l'obtention d'un tel appui.

- Troisièmement, certains des sites envisagés pour devenir des parcs nationaux sont encore ouverts aux activités de développement industriel. Nous craignons donc que ces activités ne nuisent aux écosystèmes et aux habitats que les parcs nationaux tentent de protéger et qu'elles diminuent leur valeur en tant que réserves sauvages.

- Quatrièmement, en vertu de la Loi sur les parcs nationaux, le gouvernement fédéral doit administrer et contrôler les droits de surface et de subsurface dans les limites juridiques des parcs nationaux nouvellement créés. L'objectif du gouvernement fédéral est de représenter chacune des 39 régions naturelles dans un parc national dont les terres seraient sa propriété. Cependant, dans plusieurs régions naturelles, la province s'oppose à la cession des terres des parcs nationaux potentiels au gouvernement fédéral. Le fait que le gouvernement fédéral doit posséder les terres restreint aussi les options à envisager. Nous croyons qu'il est essentiel de faire preuve de souplesse en ce qui concerne les droits de propriété des terres si l'on veut représenter toutes les régions naturelles à un coût raisonnable et selon l'échéancier.

[Traduction]

La Loi sur les parcs nationaux oblige Parcs Canada à rendre compte des conditions écologiques qui règnent dans les parcs nationaux et des progrès réalisés en vue de l'établissement de nouveaux parcs nationaux. Ces renseignements doivent être fournis au moins tous les deux ans, dans un rapport intitulé L'état des parcs. Mais Parcs Canada n'a pas respecté son obligation légale de déposer un rapport sur l'état des parcs en 1992.

Nous recommandons que Parcs Canada dépose d'un rapport sur l'état des parcs devant le Parlement selon les délais prescrits dans la Loi sur les parcs nationaux. La qualité de cette information devrait aussi être améliorée afin de présenter une image juste de l'intégrité écologique des parcs nationaux et des progrès réalisés en vue du parachèvement du réseau.

Parcs Canada est d'accord avec la plupart de nos recommandations. Nous croyons comprendre qu'il prépare un plan d'action pour régler ces questions. En conclusion, nous pouvons énoncer que Parcs Canada comprend bien comment les parcs nationaux doivent être gérés pour préserver leur intégrité écologique. Les principes directeurs et politiques de gestion élaborés en 1994, en constituent un bon exemple. Toutefois, comme je l'ai déjà indiqué, Parcs Canada doit apporter des améliorations pour atteindre son objectif fondamental de protection du patrimoine naturel du Canada.

Monsieur le président, je passe maintenant au chapitre 32.

.1120

[Français]

Le chapitre 32 - La gestion des canaux historiques avait pour objectif d'examiner la mesure dans laquelle les canaux sont gérés de manière efficiente et rentable et de déterminer si la direction des canaux et le Parlement disposent d'une information sur le rendement utile et fiable.

Les canaux ont été initialement construits pour le transport commercial. Ils servent principalement aujourd'hui à des activités récréatives et à l'appréciation historique. Lorsque le gouvernement a, dans les années 1970, transféré de Transports Canada à Parcs Canada la gestion des canaux, il avait décidé de mettre l'accent non plus sur le transport, mais plutôt sur la restauration et l'interprétation historiques, de même que sur la préservation du milieu naturel.

Les ressources allouées aux canaux, tant pour les immobilisations que pour l'exploitation, sont encore surtout utilisées pour la navigation et une faible partie seulement de ces ressources est consacrée à l'interprétation et aux activités récréatives. Les contribuables paient donc la plus grande partie des dépenses engagées pour assurer des avantages personnels aux plaisanciers. Les études effectuées au cours de 11 dernière années ont donné les mêmes conclusions.

La navigation répond aux besoins d'un marché restreint et en décroissance. Nous croyons que les services de navigation n'ont pas été adaptés pour répondre aux habitudes des utilisateurs. Les canaux sont ouverts pendant cinq mois, mais 80 p. 100 des plaisanciers les utilisent en juillet et août seulement. Le ministère pourrait réduire les coûts de fonctionnement d'environ 45 p. 100 en limitant le service à ces deux mois seulement.

La direction des canaux a indiqué qu'il n'était pas possible d'accroître les recettes provenant des plaisanciers. Depuis 1990, les recettes provenant des droits d'éclusage et d'amarrage ont baissé de 6,5 p. 100, en raison surtout de la réduction du nombre de plaisanciers.

Afin de s'ajuster à la réduction des crédits parlementaires, la direction des canaux doit assurer un fonctionnement plus rentable en évaluant les besoins des utilisateurs et en ciblant ses services en conséquence.

Une information valide et fiable n'était pas disponible pour les besoins de la prise de décisions fondamentales concernant les activités des canaux. Entre autres, Parcs Canada n'a pas d'information financière suffisante pour l'établissement des barèmes de droits d'utilisation; de données d'enquête sur les visiteurs pour étayer ses hypothèses concernant les services; d'information suffisante sur l'incidence économique des canaux; et, enfin, de système fiable de données sur les visiteurs, qu'il s'agisse de visites par voie terrestre ou par voie navigable.

Le Parlement, lui, ne reçoit pas de renseignements quantitatifs ou qualitatifs sur les avantages que l'exploitation de ces canaux apporte aux Canadiens.

[Traduction]

La question de savoir si Parcs Canada a l'obligation légale d'assurer la navigation le long des canaux a aussi été soulevée. Au fil des ans, le ministère de la Justice a fourni des avis juridiques sur divers aspects de cette obligation. Selon nous, ces avis ne contiennent pas assez d'orientations sur l'obligation de Parcs Canada en matière de navigation. À la lumière des nouvelles réalités financières, il faut que cette obligation de Parcs Canada soit examinée.

Monsieur le président, j'ai présenté les secteurs où nous avons cerné des problèmes parce qu'ils fournissent des leçons utiles dont nous pouvons nous inspirer pour améliorer la rentabilité des activités des canaux et la reddition des comptes au Parlement. J'invite le comité à examiner comment ces problèmes seront traités dans le contexte de l'agence de service distincte qui gérera éventuellement le programme de Parcs Canada.

Monsieur le président, nous avons l'habitude de faire un suivi des mesures prises deux ans après la vérification. Nous prévoyons communiquer les résultats de notre suivi en novembre 1998. Dans l'intervalle, le comité voudra peut-être obtenir des précisions du ministère quant aux mesures particulières qu'il entend prendre à la suite de nos recommandations.

Je vous remercie, monsieur le président, et j'espère que ces explications relatives à notre vérification de Parcs Canada seront utiles au comité. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions sur cette vérification.

Le président: Merci, monsieur Desautels.

[Français]

Monsieur de Savoye.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur Desautels, c'est un rapport intéressant. Il y a deux volets: le volet des parcs et celui des canaux. J'aimerais aborder ce deuxième volet d'abord, si vous me le permettez.

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L'une des choses qui m'ont frappé dans votre rapport se trouve à la page 32.15 de la version française, où vous dites que ce sont les contribuables qui paient la plus grande partie des dépenses pour procurer un avantage privé aux plaisanciers.

Monsieur Desautels, y aurait-il moyen d'évaluer les retombées économiques de l'utilisation de ces canaux? Je comprends que pendant la plus grande partie de l'année, ces canaux sont inutilisés ou sous-utilisés et qu'il y a une affluence considérable pendant deux mois. Évidemment, on est tributaires des saisons.

Vous dites que l'avantage n'est que pour les plaisanciers. Est-ce vraiment le cas ou si l'équipement du canal et l'écluse n'attirent pas des touristes qui sont créateurs d'emplois dans le domaine de l'environnement?

Avez-vous été en mesure d'évaluer cela ou vaudrait-il la peine de s'y attacher?

M. Desautels: Il n'y a pas de doute que la présence même de ces canaux peut entraîner d'autres retombées économiques. On parle d'absence de données à l'intérieur du ministère. En fait, on a noté que le ministère n'avait pas des données suffisantes pour pouvoir disséquer correctement les autres retombées économiques de la présence du canal.

Il devient difficile, à ce moment-là, d'en arriver à une tarification qui soit logique et qui corresponde aux bénéfices que chacun retire de la présence des canaux.

Je demanderais à M. Ruthnum d'élaborer un peu sur ce point.

M. Harry Ruthnum (directeur principal, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Nous nous attendions à ce que le ministère ait fait des études économiques pour démontrer très clairement les retombées économiques des écluses et des canaux historiques. Malheureusement, nous n'avons vu aucune étude économique qui puisse démontrer ce fait-là. Telle a été notre constatation.

M. Pierre de Savoye: À votre paragraphe 21, vous dites que le Parlement ne reçoit pas de renseignements quantitatifs ou qualitatifs sur les avantages que l'exploitation de ces canaux apporte aux Canadiens. Je suis d'accord avec vous: nous n'avons pas cette information.

Mais ce qui me surprend, c'est que votre phrase s'arrête là. Les avantages qu'apporte l'exploitation de ces canaux, c'est le passé et c'est le présent. Si on a une orientation marketing, une orientation prospective, on peut aussi examiner les avantages économiques, sociaux et culturels d'une utilisation différente et améliorée de ces canaux pour les Canadiens et les Canadiennes. Avez-vous eu l'occasion de discuter d'avenues possibles?

M. Ruthnum: Non, nous n'avons pas discuté de perspectives pour l'avenir. Ce que nous avons cherché, c'est de l'information pertinente, surtout sur les opérations des canaux. Combien cela coûte-t-il? Quelles en sont les retombées économiques? Comment sont divisées les ressources qui sont allouées aux opérations des canaux? Malheureusement, nous n'avons pas trouvé cela dans la Partie III du Budget des dépenses principal et il a fallu chercher au ministère pour avoir l'information pertinente. C'est cela que nous cherchions.

M. Pierre de Savoye: Je vais vous donner un exemple pour illustrer ce que je viens de mentionner à propos de l'importance d'une vision prospective.

Dans ma circonscription, il y a une station forestière qui s'appelle Duchesnay. Elle relève du gouvernement du Québec. Cette station-là possède un centre de ski de fond. En 1984, les coûts d'utilisation étaient de 3 $ par personne. Il n'y avait pas de frais de stationnement et il y avait affluence.

La gestion de la piste a été donnée à la SEPAQ qui, elle, a augmenté le coût d'utilisation à 7 $ par personne et s'est mise à faire des statistiques. On s'est aperçu que la clientèle était en régression et que, finalement, on n'avait peut-être pas besoin d'entretenir toutes les pistes. On a donc entretenu moins de pistes et la clientèle s'est restreinte davantage. En 1993, on a décidé de fermer le centre.

La municipalité avoisinante, Sainte-Catherine, a décidé de prendre les choses en charge. Elle a ramené le coût d'admission à 3 $, elle a rouvert toutes les pistes et, à la fin de l'année, elle avait fait 25 000 $ de profit.

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Ce que je veux souligner ici, monsieur le vérificateur général, c'est qu'il est important d'avoir des chiffres, mais qu'il est peut-être davantage prometteur d'avoir une vision d'avenir concernant le meilleur usage de l'équipement. Ne vous semble-t-il pas que Parcs Canada devrait s'employer à bonifier l'utilisation de l'équipement pour qu'il y ait de meilleures retombées sociales, culturelles et économiques?

M. Desautels: Je suis bien d'accord sur la théorie de base mise de l'avant par M. de Savoye. Je dois lui dire également que je connais très bien le parc Duchesnay, car j'y ai déjà fait du ski de fond. C'est certain qu'il faut trouver le juste équilibre entre la tarification et l'achalandage. C'est un principe de base en marketing. Il faut non seulement avoir une bonne tarification, mais également offrir quelque chose d'attrayant.

Personnellement, je suis totalement d'accord sur l'idée d'augmenter l'achalandage sur les canaux et, en même temps, d'augmenter si possible les recettes qui proviennent de l'utilisation du canal ainsi que les autres retombées économiques, parce que je pense que les deux vont ensemble.

Rien de ce que nous disons dans notre chapitre n'empêcherait de faire cela. Tout ce que nous soulignons aux membres du comité et à la Chambre, c'est qu'il y a à l'heure actuelle un écart très considérable entre le coût d'entretien des canaux et ce qui est prélevé auprès des utilisateurs.

Il y a des questions de principe qui découlent de cela, bien sûr, mais il y a aussi une question économique. Il y a un écart entre les deux et il s'agit de décider si on veut maintenir cet écart tel quel ou essayer de le réduire. Je voudrais aussi ajouter que le Conseil du Trésor et le gouvernement dans son ensemble ont émis des directives pour encourager les différents organismes tels que Parcs Canada et ses canaux historiques à recouvrer des utilisateurs, lorsque c'est approprié, une partie de ce qu'il en coûte pour fournir un service particulier.

Ce que nous avons soulevé dans notre chapitre, ce n'est pas une invention de notre part. En fait, nous essayons de juger de la performance du ministère en fonction des politiques qui ont été mises de l'avant par le Conseil du Trésor.

M. Pierre de Savoye: J'essaie de mettre en relief qu'on est peut-être ici, avec cette approche, devant une saucisse Hygrade à l'envers. La réaction rapide, simple et à courte vue de Parcs Canada pourrait être de décider de percevoir de l'utilisateur ce que cela coûte et éventuellement, les utilisateurs, parce que cela coûte plus cher, l'utiliseraient moins. On vient d'entrer dans une spirale et l'équipement sera abandonné.

Mais il y a une solution de rechange. Il s'agit de rendre plus attrayante l'utilisation du canal, peut-être par l'installation d'autres attractions. À ce moment-là, le nombre d'utilisateurs augmenterait, ce qui permettrait de rentabiliser les opérations. En fait, il y a deux possibilités: ou bien on perçoit davantage d'un petit nombre de clients, ou bien on perçoit le même prix d'un nombre plus élevé de clients. Vous aurez compris que mon background d'affaires me dit qu'il y a ici une occasion d'affaires, et non pas quelque chose qu'il faut abandonner. J'ai crainte, monsieur le vérificateur général, que votre rapport ne provoque la réaction facile plutôt que la réaction audacieuse.

Le président: Un commentaire, monsieur Desautels.

M. Desautels: Une réaction très courte. Dans notre chapitre, au paragraphe 32.36, nous encourageons Parcs Canada à examiner ses options comme il le faut et à élaborer une bonne stratégie et un plan d'action réaliste. J'espère que nos recommandations n'auront pas l'effet que vous craignez, parce que ce que nous disons dans notre chapitre correspond assez bien à la philosophie que vous exprimez.

Le président: Monsieur O'Brien.

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[Traduction]

M. Pat O'Brien (London - Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Le président: Excusez-moi. M. Peric a demandé de parler en premier.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Desautels, dans votre déclaration, page 2, paragraphe 6, vous dites qu'à votre avis, «Il est nécessaire d'améliorer les connaissances sur l'état écologique des parcs nationaux (par exemple, données biophysiques)». Un peu plus loin, vous dites «Les plans de gestion et de conservation des écosystèmes doivent être mis à jour plus régulièrement afin de tenir compte de l'évolution de l'environnement». Pouvez-vous développer votre pensée?

M. Ruthnum: Monsieur le président, nous voulons dire essentiellement que les connaissances en matière de données biophysiques doivent être améliorées.

Nous avons en fait, donné des exemples de ce qu'il convient de faire à cet égard. Vous trouverez le premier à la page 31-9, pièce 31.1. Il faut que Parcs Canada établisse des indicateurs de l'intégrité écologique des parcs. Cela est capital s'il veut gérer cette intégrité. Cette pièce montre clairement qu'il faut que Parcs Canada établisse des indicateurs.

Le président: Pour la gouverne des membres du comité, si je ne m'abuse, vous faites allusion ici à la capacité de l'écosystème d'un parc à absorber une certaine intensité d'utilisation, sans qu'il en soit altéré à long terme. C'est cela n'est-ce pas?

M. Ruthnum: Oui. Le mandat de Parcs Canada est essentiellement de maintenir les parcs pour le plaisir et l'enrichissement des connaissances des générations futures. À cette fin, il faut que Parcs Canada se dote d'une politique qui lui permettra de gérer l'intégrité écologique. Cette gestion suppose la mise en place de systèmes appropriés. À cette fin, il faut que Parcs Canada possède les renseignements qui s'imposent, essentiellement des données biophysiques, avant tout sur la flore et la faune et il faut que Parcs Canada prévoie une intervention si certains éléments nuisent à l'intégrité écologique des parcs nationaux.

M. Janko Peric: Si l'on posait la question aux représentants de Parcs Canada, à savoir s'ils peuvent mener cette tâche à bien avec le budget actuel, ils répondraient sans doute que non, qu'il leur faut plus de ressources pour être plus efficaces. À votre avis, ces améliorations sont-elles réalisables avec le budget actuel ou une augmentation du budget et des ressources s'impose-t-elle?

M. Ruthnum: À notre avis, il est évident que quand les budgets sont réduits, les pressions augmentent. On a pu le constater. Nous pensons que de meilleures pratiques de gestion et une plus grande efficacité du côté de l'exploitation permettront d'atteindre l'objectif visé mais nous reconnaissons en même temps que la réduction des budgets impose des pressions supplémentaires à Parcs Canada. Monsieur le président, nous l'avons reconnu.

M. Janko Peric: Un peu plus loin, dans votre déclaration vous dites: «À ce rythme, la création de nouveaux parcs nationaux (le réseau des parcs nationaux) pourrait ne pas être achevée d'ici l'an 2000 comme il avait été prévu». Pourquoi? Quelle est la difficulté?

M. Ruthnum: Nous avons analysé les progrès réalisés depuis 1990, et nous avons constaté que seulement quatre nouveaux parcs nationaux ont été créés depuis. Le rythme est trop lent. Voilà pourquoi nous disons qu'à notre avis le réseau des parcs nationaux risque de ne pas être achevé d'ici l'an 2000. Autrement dit, chacune des 39 régions naturelles ne pourra pas être représentée.

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M. Janko Peric: Comment expliquez-vous que ce soit lent?

M. Ruthnum: Ayant pris connaissance du fonctionnement de Parcs Canada, nous constatons que le processus est parfois lent car il suppose une foule de négociations avec les provinces, les peuples autochtones et les collectivités locales. C'est peut-être une explication, mais nous pensons, et nous l'avons signalé dans le chapitre, que si toutes les parties y mettent du leur, l'objectif peut être atteint.

M. Janko Peric: Merci.

Le président: Monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien: Merci, monsieur le président.

Bienvenue, messieurs. Parce que je me suis occupé des comptes publics, il me fait toujours plaisir de m'entretenir avec le vérificateur général. J'apprécie ses remarques. La discussion d'aujourd'hui m'intéresse vivement, et la question porte directement sur le rôle du vérificateur général et sur ses rapports avec le gouvernement.

Vous avez exprimé des préoccupations concernant le réseau des canaux où a lieu le recouvrement des coûts, etc. Nous vous sommes reconnaissants de signaler ce problème et, assurément, nous comprenons qu'il est nécessaire d'établir un plan d'action stratégique. Toutefois, si le gouvernement décide que, à la réflexion, un tel plan d'action s'impose et si ce plan prévoit notamment une participation des contribuables pour subventionner ce réseau, ne s'agira-t-il pas alors d'une décision de politique de la part du gouvernement? Verriez-vous un inconvénient à une telle décision? Dans votre rôle qui consiste à vous prononcer sur le bien-fondé des opérations financières du gouvernement, conviendrait-il que vous vous prononciez si l'on décidait précisément de subventionner certaines activités?

M. Desautels: Je vous remercie de me donner l'occasion de préciser ce point, car on le soulève de temps à autre.

Nous tâchons toujours de ne pas nous mêler des prises de position qui sont la prérogative du gouvernement et du Parlement et dans nos rapports, la politique approuvée par le Parlement, constitue la toile de fond. Toutefois, très souvent, nous devons porter des jugements difficiles, en espérant que notre appréciation est la bonne. Dans le cas qui nous occupe, j'aurais tendance à ne pas être en désaccord du tout avec M. O'Brien. Si le gouvernement en décide ainsi, s'il a l'appui du Parlement souhaité, je respecterai entièrement une décision voulant que l'ensemble des contribuables participe au maintien de certaines activités.

Nous tâchons de faire deux choses. Tout d'abord, par une politique entérinée par le Conseil du Trésor, le gouvernement a décidé de recouvrer auprès des usagers dans certaines situations, le coût de certains services qu'il offre. Nous sommes donc en présence d'une déclaration de politique faite par le gouvernement - le Conseil du Trésor en l'occurrence - que Parcs Canada a entérinée. Lors de notre vérification, cette politique particulière constitue la toile de fond.

Deuxièmement, je tiens à signaler que nous estimons que notre rôle est également de veiller à ce que le Parlement soit renseigné comme il se doit afin que les parlementaires puissent prendre les bonnes décisions en matière de politique, mais nous devons également leur prêter assistance dans l'évaluation des résultats une fois la politique mise en oeuvre. Il demeure donc nécessaire, tout en respectant les prérogatives du Parlement en la matière de fournir des renseignements essentiels sur la politique et les résultats de sa mise en oeuvre. C'est ce que nous essayons de réaliser.

M. Pat O'Brien: Je comprends. Je vous remercie d'avoir précisé votre pensée.

Je voudrais poser une autre question. Je ne sais pas si le vérificateur général trouvera opportun d'y répondre, mais s'il le souhaite, j'aimerais bien connaître son opinion.

Vous avez fait allusion à la politique établie par le Conseil du Trésor. Est-ce que je me trompe ou s'agit-il en vertu de cette politique, de recouvrer une partie des coûts auprès des usagers? Je ne pense pas que la politique exige le recouvrement de la totalité des coûts et cela me mène à une dernière question. Étant donné les réalités financières, pensez-vous que les gouvernements vont s'orienter davantage vers le recouvrement de la totalité des coûts auprès des usagers? Êtes-vous en faveur d'une telle politique? Êtes-vous au contraire d'avis que cela n'est pas de votre ressort?

.1145

M. Desautels: Monsieur le président, je ferai volontiers certaines remarques, car en fait la même question nous a été posée par des membres d'autres comités, notamment le Comité de l'agriculture et celui des pêches et des océans, car dans ces secteurs-là, le recouvrement est une question majeure. On nous a demandé notre opinion sur toute cette question.

Nous convenons que la décision de recouvrer les coûts est une décision de politique mais dans la mesure où le Parlement le souhaite, on aurait tendance semble-t-il à étendre cette politique à tous les services offerts par le gouvernement. J'ai cité quelques ministères, mais il y a également le coût de l'homologation des médicaments, le coût du déglaçage de divers cours d'eau, etc. La tendance à cet égard est très nette. Si l'on devait donc passer aux actes, le gouvernement devrait préciser sa politique, pour expliquer quelle partie du service sert au bien public, et quelle partie profite à un groupe très restreint de contribuables. Il est capital que l'on fasse la part du bien public et des intérêts d'un groupe restreint, lorsque l'on décidera quelle partie du coût du service pourra être recouvrée.

D'autre part, nous l'avons dit, et il en a été question dans divers milieux, il importe, lorsque le gouvernement se lancera dans le recouvrement des coûts, qu'il dispose d'un système de comptabilisation des coûts précis, afin que le montant recouvré soit équitable, ou pour que la somme recouvrée soit calculée à partir d'un montant réaliste.

Nous avons constaté qu'en règle générale les renseignements sur les coûts sont plutôt limités - en l'occurrence dans le réseau des canaux - ce qui rend difficiles les décisions que doivent prendre les administrateurs.

La notion de recouvrement de coûts se défend tout à fait. Il appartient au gouvernement ou au Parlement de décider dans quelle mesure elle doit s'appliquer. C'est donc une question d'appréciation quant à savoir si un service sert au bien public ou s'il profite à un groupe restreint d'usagers.

M. Pat O'Brien: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Serré.

[Français]

M. Benoît Serré (Timiskaming - French River, Lib.): Messieurs, bienvenue au Comité permanent du patrimoine canadien. Mes questions vont se limiter au chapitre 31. Je serai un peu sur la même longueur d'onde que mes collègues, MM. de Savoye et O'Brien, sauf que cela s'applique seulement aux parcs.

Je pense que Parcs Canada se trouve devant un dilemme très sérieux. D'un côté, on s'en va vers une politique de recouvrement des coûts, ce qui veut dire qu'il faut augmenter les revenus.

De quelle façon va-t-on augmenter les revenus? En augmentant la clientèle. Dans le cas des canaux, je pense que cela pourrait se faire sans dommage à l'environnement, en protégeant l'intégrité des valeurs écologiques. Cependant, pour ce qui est des parcs, on a déjà des problèmes à Banff et à Jasper.

Si on augmente la clientèle et l'usage de ces parcs de façon à pouvoir recouvrer les coûts, on ne pourra plus protéger leur intégrité écologique. Cela serait contraire à l'objectif de créer des parcs. Je peux vous donner un petit exemple. Il y a eu un gros débat au sujet des parcs dans ma circonscription, dans la région de Temagami. Je pense que ce débat vous est familier à tous.

On voulait créer un immense parc et restreindre toute activité, tout développement et le rendre accessible seulement aux canoéistes. Un groupe environnemental a dit: «Si vous faites cela, ce sera quand même bon pour l'économie, parce qu'on va vous apporter - je vais prendre un chiffre au hasard - 100 000 visiteurs canoéistes par année.» L'un de mes amis, un peu drôle, a fait des calculs rapides, et a dit: «Oui, si vous faites cela, vous allez apporter à peu près tant de tonnes de toutes sortes de choses qu'on va laisser dans la forêt; le parc sera tellement utilisé qu'il ressemblera à une toilette.»

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Je voulais vous donner un exemple. Comment peut-on concilier ces deux politiques-là? Il me semble que ce n'est presque pas faisable.

M. Ruthnum: La Loi sur les parcs nationaux stipule que les parcs sont créés à l'intention du peuple du Canada, mais aussi que les parcs doivent être entretenus de façon à ce qu'ils restent intacts pour les générations futures. Cela implique qu'il faut atteindre un certain équilibre entre l'utilisation et le maintien de l'intégrité écologique.

La loi elle-même prévoit l'utilisation durable des parcs nationaux. Donc, nous avons préconisé que Parcs Canada établisse, pour chacun de ses parcs, un nombre maximal de visiteurs. C'est à Parcs Canada d'établir quelle sera l'utilisation optimale de ses parcs, en établissant des indicateurs écologiques pour chacun de ses parcs.

M. Benoît Serré: Cela ne règle quand même pas le problème. Comment peut-on devenir rentable ou autosuffisant si on restreint le nombre de visiteurs et les revenus? C'est cela, le dilemme. Comment peut-on concilier ces deux choses? Je comprends les objectifs et le mandat de Parcs Canada, mais comment peut-il les atteindre si on dit qu'on ne lui donnera pas de subventions et qu'il devra trouver ses propres revenus?

En d'autres mots, il y a le problème des valeurs écologiques et économiques. Lesquelles devraient être prépondérantes? Est-il possible que les deux se rencontrent?

M. Ruthnum: Je ne pense pas que la loi ou la Partie III du Budget des dépenses principal dise que Parcs Canada devrait devenir autosuffisant. On a parlé uniquement de ce qu'on a appelé le private benefit, le bénéfice qu'un individu pourrait obtenir de l'utilisation des parcs ou des canaux historiques.

On n'a pas préconisé que Parcs Canada devienne autosuffisant en cherchant à augmenter ses revenus. Ce n'est pas le but du chapitre.

M. Desautels: Je suggérerais qu'on invite à la table M. Daniel Brunton, qui est ici dans la salle. C'est un écologiste qui nous a aidés dans la rédaction de cette partie du rapport. Il pourrait peut-être ajouter des commentaires en réponse à la question de M. Serré.

[Traduction]

Le président: Allez-y.

M. Daniel Brunton (expert-conseil de l'équipe de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Pour ce qui est de l'équilibre, rien n'oblige Parcs Canada à recouvrer la totalité de ses coûts d'exploitation de toute façon. Pour ce qui est de l'intensité d'utilisation d'un site, qu'il s'agisse d'une vallée dans les Montagnes Rocheuses ou d'un sentier de canotage du bouclier, on choisit en général d'établir les indicateurs écologiques. Ces indicateurs peuvent être la population d'une espèce animale ou d'un oiseau ou la structure d'une forêt, tout élément qui peut révéler si le niveau d'utilisation d'un site, est tel que la qualité de ce dernier se dégrade. Si l'on constate qu'il n'en est rien, on doit alors se demander si une utilisation plus intense du site est envisageable, afin d'éviter que les sentiers de canotage deviennent des cloaques.

En ce qui concerne le réseau des parcs d'Amérique du Nord, et de par le monde du reste, on constate que ce genre d'enquêtes ont été menées pour les sites les plus divers. Certaines de ces enquêtes peuvent être directement appliquées à Parcs Canada mais dans d'autres cas, il faut les adapter. Parcs Canada procède ainsi depuis plusieurs années et nous avons pu constater de très bons résultats en l'occurrence.

[Français]

M. Benoît Serré: Je vais enlever mon chapeau d'environnementaliste et mettre mon chapeau de développeur et d'homme d'affaires.

J'ai toujours eu un problème avec la création de parcs. On ne prend pas en considération les valeurs économiques dans le sens des ressources naturelles.

Je vais vous donner un exemple. Supposons qu'on crée un parc sans avoir fait de l'exploration minière pour voir s'il n'y aurait pas des dépôts de quoi que ce soit. Dès que le parc est établi, il n'y a plus d'exploration, plus d'actifs économiques, plus de développement.

.1155

On ne saura jamais s'il y a un Voisey's Bay dans un de ces petits parcs. Je pense - et l'écologiste pourrait nous répondre là-dessus - qu'il y aurait lieu, pour le plus grand bien des Canadiens, de faire une étude détaillée des valeurs économiques d'une région, de son potentiel minier, pour s'assurer qu'on ne prive pas les Canadiens de richesses extraordinaires en créant un parc à cet endroit.

Je suis complètement d'accord qu'il faut protéger le concept des parcs, protéger l'environnement et avoir des zones de protection, mais à un moment donné, les valeurs économiques, pour le bien-être de tous les Canadiens, sont peut-être beaucoup plus importantes que les valeurs écologiques qu'on voudrait protéger dans cette région. Je pense qu'il faudrait avoir un mécanisme pour s'assurer qu'on sache exactement ce qu'il y a là avant de créer des parcs.

M. Desautels: Je vais demander à M. Brunton d'élaborer là-dessus. Je pense que la question que M. Serré soulève, c'est qu'on a des choix à faire à un moment donné et qu'il faut faire ces choix-là en ayant en main toute l'information.

Il s'agit de trouver un équilibre entre la valeur économique d'un site et sa valeur sur le plan naturel. On sait tous qu'il y a au Canada un certain nombre de situations où les deux valeurs s'opposent. Il revient aux autorités politiques de trancher et de faire les choix qui correspondent le plus aux attentes de la société.

Par contre, et là-dessus nous nous rejoignons, il est important que le gouvernement canadien, par l'entremise de Parcs Canada, ait une connaissance suffisante du site qu'il veut transformer en parc national pour s'assurer de prendre la bonne décision.

Je demanderais à M. Brunton d'élaborer là-dessus.

[Traduction]

M. Brunton: Vous avez raison de vous demander si ces études ont été effectivement menées à bien par le passé. Bien des éléments dans ces cas-là ont été pris en charge par les provinces plutôt que par le gouvernement fédéral. Il faut bien dire que Parcs Canada, n'a pas de mandat légal pour se livrer à ce genre d'enquêtes. Parcs Canada doit se borner à déterminer la représentation écologique d'un site et établir dans quelle mesure, il contribue au bien-être national.

S'agissant de l'exploitation récréative d'un site, d'autres députés ont soulevé la question des contraintes qu'elle représentait et qui se comparent aux avantages économiques que pourraient offrir les parcs actuels sur le plan de l'exploitation minière, pétrolière, ou autre. Il serait facile de trouver bien d'autres sources de richesses économiques dans un parc, mais après réflexion, le Parlement a décidé en adoptant la Loi sur les parcs nationaux, que le bien-être récréatif, compatible avec l'intégrité écologique, constituait ce qu'il y a de plus avantageux pour le Canadien. À l'usage, les dispositions de la loi ont été interprétées de telle sorte et elles ont été traduites en principes et politiques tels, que l'on possède désormais les renseignements nécessaires pour prendre les décisions qui s'imposent. On ne s'est pas soucié encore de déterminer le potentiel d'exploitation minière des sites.

M. Benoît Serré: Pensez-vous qu'il serait bon qu'on le fasse avant d'arrêter les limites de nouveaux parcs?

[Français]

M. Desautels: Au paragraphe 31.63 de notre chapitre, nous disons que le gouvernement fédéral a pour mandat de voir à ce que soit dressé un inventaire des ressources naturelles non renouvelables des aires situées dans les territoires avant qu'elles ne deviennent officiellement des parcs nationaux.

Il y a donc une analyse qui est faite du potentiel économique d'un territoire avant la prise de décision finale.

[Traduction]

Le président: Je pense que la question soulevée par M. Serré est très importante. Il nous faudrait examiner nos obligations internationales là où les Nations Unies, à l'occasion de diverses tribunes, on établit un genre de lignes directrices issues d'une étude exhaustive de l'intensité d'utilisation possible dans un pays, faisant la distinction entre la mise en valeur et la protection de l'habitat. Les Nations Unies ont déterminé que chaque pays doit s'efforcer de protéger 12 p. 100 de sa masse territoriale, les 88 p. 100 restant pouvant être mis en valeur. Nous sommes donc liés par un engagement international.

.1200

Le Canada est le premier pays industriel à avoir signé la Convention sur la biodiversité. Quoi qu'il en soit, nous sommes loin d'avoir atteint l'objectif. Bien peu de pays l'ont fait. J'aurais tendance à être d'accord avec M. Serré quand il dit qu'en matière d'objectif à atteindre dans l'établissement des parcs, c'est-à-dire le nombre de parcs qu'il nous faut réserver dans diverses régions, nous devrions manifestement tenir compte de la possibilité que certains sites soient mieux adaptés à d'autres types de mise en valeur.

Nous devons également tenir compte de l'écosystème à l'échelle du pays. Je pense que c'est un des facteurs qui intervient quand on décide de quelle région en particulier sera protégée. Dans la région de notre ami Patrick Gagnon, à côté du parc Forillon on constate une mise en valeur intense mais il me semble qu'il était presque essentiel d'établir un parc là précisément pour préserver l'écosystème très fragile d'une région qui connaît une mise en valeur intense.

Il en va de même de Banff et Jasper car là aussi, aux portes du parc, il y a mise en valeur. À moins de protéger... On dit que la population des grizzlis de la Vallée Bow est en déclin. On ne peut rien affirmer car c'est très difficile à calculer mais parce que l'écosystème a été scindé, cette espèce ne dispose plus de ses sentiers habituels, ses sentiers naturels de migration étant réduits à 60 environ. À cause de la mise en valeur qui existe aux portes de ce site, on constate que, dans tout le sud, les grizzlis sont en train de disparaître.

Ces facteurs doivent donc être pris en compte et le Canada doit être conscient de ses obligations internationales, à savoir son engagement à protéger 12 p. 100 de sa masse territoriale. Je comprends très bien où vous voulez en venir.

[Français]

Monsieur de Savoye.

M. Pierre de Savoye: Monsieur le vérificateur général, dans les notes que vous nous avez lues plus tôt, tout comme dans votre rapport, vous dites que Parcs Canada n'a pas envisagé de formule autre que la propriété. Vous soulevez là un point intéressant et j'aimerais savoir, parce que vous utilisez avec habileté un langage diplomatique, si vous en êtes en train de dire à ce comité que le fait que Parcs Canada s'impose d'être propriétaire terrien pourrait d'une certaine manière nuire à l'exercice fondamental de sa mission.

Est-ce bien ce que vous nous dites, monsieur le vérificateur général?

M. Desautels: Je pense que nous avons été assez clairs dans notre chapitre. Le fait que Parcs Canada envisage difficilement d'autres formules que la propriété va rendre plus difficile l'achèvement du réseau qu'il s'est proposé de mettre sur pied. En fait, c'est une décision importante et une question très délicate. Je pense qu'ils devront trancher, avec un peu d'aide des parlementaires, j'espère.

Cependant, nous avons posé la question de façon relativement claire et cela reste à être tranché par les autorités politiques.

M. Pierre de Savoye: D'où vient que Parcs Canada insiste pour être propriétaire? Est-ce couché sur le papier et coulé dans le béton ou est-ce une décision politique interne à Parcs Canada? D'où vient cette habitude?

M. Ruthnum: C'est dans la loi.

M. Pierre de Savoye: C'est dans la loi.

.1205

M. Ruthnum: C'est dans la loi. L'alinéa 3(2)a) dit que, pour avoir un parc national, Parcs Canada

[Traduction]

«dégager le titre de propriété des terres décrites dans la proclamation».

[Français]

Donc, la loi prescrit cela.

M. Pierre de Savoye: Vous m'excuserez, car je ne suis pas un juriste de profession. Quand on parle de titres clairs, ce sont des titres de propriété...

M. Ruthnum: En toute propriété.

M. Pierre de Savoye: ...du sol et du sous-sol.

M. Ruthnum: C'est cela.

M. Pierre de Savoye: Donc, ce que vous évoquez ici, monsieur le vérificateur, c'est peut-être d'envisager de modifier la loi. C'est une question, je présume, qu'on devrait adresser à Parcs Canada. Savez-vous déjà quelle est l'attitude de Parcs Canada vis-à-vis d'un éventuel amendement à la loi?

Le président: Il y a maintenant un cas d'exception, le Parc marin du Saguenay, où il y a eu des négociations avec le Québec. Il y a une loi spéciale qui transite actuellement au Parlement. Cette loi va établir le parc, selon une entente entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Autrement, on n'aurait jamais pu établir le parc marin, parce que, selon la loi, la juridiction de l'eau est fédérale et la juridiction du littoral est provinciale.

Donc, il y a une entente. Cela pourrait servir de précédent à l'avenir. Sans présumer de ce que le gouvernement ou les prochains gouvernements feront, il me semble qu'il y a là un précédent qui permet de faire des ententes avec les provinces. Si, par exemple, on ne peut s'entendre complètement pour qu'un terrain qu'on a choisi devienne tout à fait fédéral, on pourrait adopter une loi en prenant comme modèle le Parc marin du Saguenay, qui me semble être un modèle intéressant. J'aurais aimé entendre ce que M. Desautels et M. Ruthnum pensent de cela.

M. Ruthnum: En fait, il y a plusieurs exemples de conventions conjointes pour gérer une aire entre le fédéral et la province. Si je ne me trompe pas, il y a un cas en Saskatchewan et, dernièrement, il y a eu un accord entre le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique pour le Gulf Islands National Park. Le parc n'est pas encore créé, mais on se dirige dans cette direction-là. C'est le raisonnement qu'on a proposé dans notre chapitre.

M. Pierre de Savoye: En ce qui a trait plus particulièrement à ma question, savez-vous si Parcs Canada préférerait un amendement à la loi ou des lois particulières pour chaque cas d'espèce?

M. Ruthnum: Parcs Canada serait mieux placé pour répondre à cette question. En ce qui a trait à nos recommandations sur l'appartenance des aires, Parcs Canada nous ont répondu qu'il continuerait dans la direction indiquée par le gouvernement, à savoir que la loi l'oblige à être propriétaire des terrains. Les terrains devraient lui appartenir avant qu'on puisse créer un parc national.

M. Pierre de Savoye: Je reviens à ma question première, parce que c'est celle-là qui motive toutes les autres. Cette volonté d'être propriétaire vient-elle en contradiction avec l'exercice de sa mission fondamentale et première?

M. Ruthnum: Je ne pourrais me prononcer là-dessus. La loi est claire sur l'appartenance des aires, mais par contre, pour pouvoir compléter certains parcs nationaux, on est parti dans une autre direction: gérer certaines aires conjointement avec les provinces selon les standards d'un parc national.

M. Pierre de Savoye: Si j'ai bien compris le sens de votre intervention, à 31.65, 31.66 et 31.67, vous dites que si Parcs Canada s'obstine à vouloir être propriétaire des terrains, on ne pourra pas compléter le réseau. C'est pour cela que je dis qu'il y a contradiction entre l'application à la lettre de la loi et l'exercice de la mission. Puisque vous en faites état, dites-vous qu'il faut trouver un palliatif pour résoudre cette contradiction?

.1210

M. Desautels: Je pense que Parcs Canada devrait explorer de nouvelles façons de compléter son réseau. Jusqu'à maintenant, ils nous ont donné l'impression d'être très réticents à le compléter autrement que par la propriété de chacun des parcs.

Par contre, comme M. le président l'a dit, il commence à y avoir des exceptions à cette règle. Je pense qu'on devrait encourager Parcs Canada à être plus ouvert à cette façon de procéder.

Le président: Monsieur Gagnon.

M. Patrick Gagnon (Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine, Lib.): Merci, monsieur le vérificateur général. Je ne suis pas un membre permanent de ce comité. Cependant, ma question s'inspire un peu de mon bref passage, plutôt controversé, au Comité mixte permanent sur les langues officielles.

Dans le suivi que vous avez fait auprès de Parcs Canada, on constate votre volonté ou, enfin, la volonté de Parcs Canada de réduire ses coûts face aux compressions budgétaires, etc. On remarque aussi qu'il y a une dévolution de certains services autrefois offerts par Parcs Canada, notamment par rapport à la restauration et à l'arrivée de quelques pourvoyeurs dans les parcs. En tant qu'utilisateur fréquent des parcs nationaux, je remarque que souvent les personnes qui ont reçu ces droits de concession de Parcs Canada n'offrent pas adéquatement ou correctement le service dans les deux langues officielles.

Par exemple, je vous cite des cas de dépliants et même de services à la clientèle qui ne sont pas offerts en anglais ou en français, bien entendu, et j'aimerais bien savoir si c'est à vous de dénoncer ou de signaler ces carences à Parcs Canada.

On se soucie de récupérer les coûts, mais nous garantit-on que Parcs Canada a bien l'intention de forcer ces opérateurs, restaurateurs ou pourvoyeurs à offrir au moins un service adéquat qui respecte l'engagement de Parcs Canada d'offrir des services dans les deux langues officielles?

M. Desautels: Nous ne nous sommes pas penchés sur cette dimension des services de Parcs Canada, cela pour une bonne raison. Il s'agit d'une question de juridiction. Il y a un commissaire des langues officielles et, dans chacun des programmes que nous examinons, nous lui laissons le champ libre pour regarder la question de l'application des langues officielles.

Je comprends la préoccupation de M. Gagnon. Les coupures budgétaires et le recours à la sous-traitance ne devraient pas affecter de façon négative le respect de la Loi sur les langues officielles.

Mais, honnêtement, nous ne nous sommes pas penchés là-dessus, parce que nous laissons cette responsabilité au commissaire des langues officielles.

M. Patrick Gagnon: On fait souvent appel à l'expérience du commissaire des langues officielles à la suite de l'établissement d'une sous-traitance. Souvent, le sous-traitant est là, pas seulement depuis quelques semaines ou quelques mois, mais depuis déjà plusieurs années. Donc, il est difficile pour le commissaire des langues officielles de forcer Parcs Canada à imposer le respect des langues officielles.

Y aurait-il moyen d'encourager Parcs Canada à faire ses recherches avant de concéder une concession à un sous-traitant au lieu de réagir à des plaintes qui sont formulées par la clientèle? Cela éviterait beaucoup de complications.

.1215

M. Desautels: Parcs Canada, dans tout le processus d'octroi de contrats et de concessions, doit être très clair dans ses exigences. Cela doit faire partie des conditions que doit remplir le concessionnaire.

Ensuite, Parcs Canada a naturellement la responsabilité de s'assurer, une fois qu'une concession est octroyée, que toutes les clauses sont bien respectées.

Cela m'amène à une question plus large. Ce n'est pas seulement Parcs Canada, mais aussi tout le gouvernement fédéral qui souhaitent se servir de mécanismes alternatifs de prestation de services. On doit s'assurer que les gestionnaires fédéraux maintiennent la capacité d'exiger de ceux qui font la prestation de services le respect des politiques fédérales.

Le président: Je pense que le sens de la rencontre d'aujourd'hui était de voir comment le Comité permanent du patrimoine canadien pouvait contribuer à faire mettre en oeuvre les principales recommandations de votre rapport ayant trait à la protection de l'intégrité écologique des parcs et, deuxièmement, à toute la question du recouvrement des coûts, surtout dans le cas des canaux récréatifs.

Vous nous avez suggéré de demander à Parcs Canada de nous dire de façon officielle où il en est rendu dans la mise en oeuvre de votre rapport en attendant que vous en assuriez le suivi dans deux ans. C'est bien le message que vous nous avez laissé?

M. Desautels: Oui, monsieur le président. Cela aiderait énormément si votre comité, dans la mesure où vous êtes d'accord sur l'ensemble des recommandations que nous faisons, demandait à Parcs Canada de vous faire rapport, à un moment donné, sur le progrès accompli dans la mise en oeuvre de nos recommandations.

Le président: Faute d'un quorum complet, je suggère que le comité recommande à Parcs Canada de présenter au comité un rapport sur ce qui a été fait jusqu'à ce jour en ce qui a trait aux recommandations du vérificateur général. Si les membres du comité sont d'accord, je pourrais écrire à Parcs Canada en ce sens.

Je voudrais vous remercier, monsieur le vérificateur général, d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui. Je pense que c'est un sujet qui touche les Canadiens de très près. Dans ce que nous avons vu des sondages, la question n'est pas très présente dans les habitudes et les préoccupations des Canadiens. Je voudrais vous remercier d'avoir apporté un éclairage sur votre rapport. Je peux vous assurer que nous sommes très intéressés par ce que vous avez dit et que nous ferons un suivi auprès de Parcs Canada le plus tôt possible. Merci beaucoup d'être venu.

M. Desautels: Merci.

Le président: Juste avant que nous levions la séance,

[Traduction]

il y a certaines questions encore en suspens. Il n'y a pas de représentant du Parti réformiste et nous ne pouvons donc pas nous prononcer. Je vais écrire aux membres du comité sous peu, notamment concernant notre déplacement éventuel pour une étude, que nous pourrions parachever par téléconférence, afin de connaître votre opinion là-dessus.

Merci beaucoup. La séance est levée.

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