STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 novembre 2001

• 1943

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la 45e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Nous allons étudier ce soir le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme.

Notre seul témoin de ce soir—du moins pour le moment—est Fo Niemi, directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales.

Monsieur Niemi, selon nos règles habituelles, vous aurez jusqu'à 10 minutes pour faire une déclaration liminaire. Ensuite, ce groupe très animé de parlementaires dialoguera et discutera avec vous.

Sur ce, monsieur Niemi, la parole est à vous.

[Français]

M. Fo Niemi (directeur général, Centre de recherche-action sur les relations raciales): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je vous remercie de me placer dans votre ligne de tir. Si j'ai bien compris, je suis le seul témoin ce soir.

[Français]

Avec votre permission, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité ce soir.

[Traduction]

En quelques mots, notre organisme, qui a son siège à Montréal, a été fondé en 1983 notamment pour promouvoir l'égalité et l'harmonie raciale au Canada.

• 1945

[Français]

Je vais faire ma présentation dans les deux langues. L'introduction sera en français et la majorité de la présentation sera en anglais, pour plaire à la majorité des gens, et je conclurai en français.

Notre organisme est, entre autres, membre du Programme de contestation judiciaire du Canada, du Conseil de presse du Québec et de plusieurs organismes qui oeuvrent dans le domaine de la défense des droits et des relations raciales.

La position de notre organisme sur le projet de loi C-36 est très simple. Nous appuyons fortement cette démarche gouvernementale, le projet de loi C-36, surtout parce qu'elle s'inscrit dans un contexte de coopération et de solidarité internationales pour combattre les actes de violence criminels et terroristes, et pour assurer la sécurité, la paix et le bien-être général de notre pays.

Il faut dire qu'en tant que pays démocratique voué aux valeurs fondamentales des droits et libertés de la personne, notamment le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l'égalité, nous ne pouvons dire non à ce projet de loi. Nous ne pouvons ni céder aux actes terroristes ni demeurer vulnérables aux menaces réelles ou appréhendées des terroristes au Canada ou ailleurs.

Nous croyons fondamentalement que la lutte contre les actes terroristes commis à l'endroit des Canadiens et Canadiennes sur le territoire canadien ou ailleurs est avant tout une lutte pour leurs droits et libertés fondamentaux.

[Traduction]

À notre avis, la lutte pour protéger les Canadiens contre le terrorisme est aussi une lutte pour les droits et libertés de la personne. Ce combat vise à faire en sorte que les valeurs démocratiques et les normes chères aux Canadiens ne soient pas compromises par la violence physique ou psychologique commise par une personne, un groupe ou un État. Il s'agit également de protéger les progrès réalisés par notre pays et nos collègues des Nations Unies dans le domaine de la sécurité mondiale, du développement démocratique et des droits de la personne depuis 53 ans.

Voilà pourquoi nous appuyons le projet de loi C-36. Il représente, entre autres choses, l'expression d'une volonté collective nationale de faire en sorte, comme le dit le préambule, «que les Canadiens et les citoyens des autres pays aient droit à la paix, à la liberté et à la sécurité».

Nos observations se divisent en deux parties. La première concerne les questions plus mondiales, socio-politiques et juridiques entourant ce projet de loi ainsi que le contexte sous le cadre dans lequel nous pensons qu'il faudrait l'examiner. La deuxième partie portera sur des dispositions plus particulières du projet de loi, surtout les répercussions que certaines dispositions pourraient avoir sur certains groupes de Canadiens.

Nous croyons que le débat sur l'antiterrorisme doit se situer dans le contexte non seulement d'une société libre et démocratique, mais également d'une démocratie multiculturelle et multiraciale. On a beaucoup insisté sur le fait que cette mesure assure un juste équilibre entre les libertés civiles et la sécurité nationale et qu'un grand nombre des dispositions du projet de loi, sinon toutes, sont compatibles avec la Charte canadienne des droits et libertés.

Nous croyons que l'État peut imposer certaines limites aux droits et libertés définis par la Charte ou par les tribunaux comme le précise le premier article de la Charte. Néanmoins, comme certains des nombreux témoins qui nous ont précédés l'ont peut-être déjà fait, nous voudrions rappeler un autre principe souvent oublié, énoncé à l'article 27 portant que:

Je ne crois pas que ce soit quelque chose de nouveau.

Voilà pourquoi, lorsque nous mentionnons, au cours du débat, que le Canada est une société libre et démocratique, il ne faut pas oublier que cette mesure doit être également examinée en fonction de la dimension multiculturelle. Il n'est un secret pour personne que ce projet de loi a suscité beaucoup d'inquiétude chez les Canadiens d'origine arabe ou musulmane ou originaires d'Asie centrale ou d'Asie du Sud, ou encore les autres personnes qui semblent être de cette origine, et surtout celles dont l'origine raciale est diversifiée et qui paraissent arabes.

Il est beaucoup question, dans les médias du Canada et des États-Unis, des crimes haineux et des profils raciaux établis par les autorités policières. Nous croyons que le profil racial est un outil de plus en plus utilisé et normalisé et voilà pourquoi nous éprouvons plusieurs inquiétudes générales à propos de cette mesure. Nous aimerions vous faire part de certaines d'entre elles. Je suis convaincu que vous en avez déjà entendu parler.

• 1950

Lorsqu'un projet de loi qui vise à combattre le terrorisme et à protéger les Canadiens de toutes les régions contre les actes de terrorisme et de violence donne l'impression de cibler, de criminaliser et de stigmatiser injustement une minorité raciale et les communautés d'immigrants, nous croyons que cela pose un sérieux problème. Il faut prendre différents types de mesures tant au niveau gouvernemental que communautaire pour éviter de donner aux Canadiens et aux autres peuples de la terre, l'impression que la lutte contre le terrorisme est une lutte menée contre certains groupes en raison de leur race, de leur religion et de leur groupe ethnique, sinon de leur citoyenneté.

Malheureusement, le gouvernement et les forces policières ne semblent pas avoir pris de mesures proactives coordonnées et sans équivoque pour répondre à ces préoccupations ou empêcher que certaines minorités ou certains groupes d'immigrants ne soient excessivement visés. Contrairement aux États-Unis, où les principes énoncés verbalement par le président et le procureur général ont été suivis de mesures concrètes, c'est-à-dire par la création, au sein de la Division des droits civils du Département de la justice, d'un groupe de travail sur les mesures discriminatoires qui ont suivi le 11 septembre, rien de semblable n'a été fait au Canada pour dissiper l'impression fausse mais parfois justifiée que les Canadiens les plus visés ou les plus vulnérables en raison de la couleur de leur peau ou de leur religion sont victimes de crimes haineux.

Nous trouvons également inquiétant de voir que cette impression a été aggravée par les attaques incessantes dirigées par les médias canadiens contre les communautés musulmanes, au Canada et à l'étranger. Nous sommes également très étonnés que les associations de journalistes, les conseils de la presse et autres organismes d'autoréglementation des médias n'ont pas demandé aux médias canadiens d'être plus objectifs pour ne pas alimenter l'impression que la lutte contre le terrorisme est une lutte contre la communauté musulmane, sinon contre la foi musulmane.

Enfin, nous déplorons également qu'en ce qui concerne la mise en oeuvre de ce projet de loi, on semble compter de façon un peu trop automatique sur les organismes de protection traditionnels comme les commissions des droits de la personne, les tribunaux et la police, pour que la loi soit appliquée de façon à ce que certaines personnes ne perdent pas le droit à la même protection et aux mêmes avantages que les autres. Notre propre expérience, surtout au Québec mais également dans d'autres régions, nous a montré que ce n'est malheureusement pas toujours le cas. Certains de ces organismes n'ont pas le personnel compétent ou les capacités opérationnelles voulues pour défendre le droit des gens à l'égalité et à une protection dans le cadre de l'application d'une mesure comme celle-ci.

Nous avons tendance à discuter de l'antiterrorisme dans le contexte des libertés civiles par opposition à la sécurité nationale. Il ne faudrait pas oublier la nécessité de revalider les rapports entre la sécurité nationale, les libertés civiles et les droits de la personne et plus particulièrement le droit à l'égalité.

Comme vous le savez peut-être, il ne semble pas y avoir au Québec de politique ou d'infrastructure au sein des forces policières en ce qui concerne les crimes haineux. Dans les trois niveaux de gouvernement, de nombreux policiers n'ont pas reçu de formation à ce sujet. Nous n'avons pas connaissance de l'existence d'une politique fédérale sur l'établissement de profils raciaux qui éviterait de traiter les gens différemment ou de donner l'impression que la législation canadienne est appliquée contre certains groupes en particulier. Également, un grand nombre de nos commissions des droits de la personne n'ont pas le pouvoir de combattre l'incitation active à la haine, le mépris et la dérision.

En l'an 2000, nous avons eu la chance de participer à deux tables rondes nationales sur les crimes haineux au Canada qui avaient été organisées sous les auspices de la secrétaire d'État au Multiculturalisme. Il en est ressorti des propositions intéressantes pour combattre différents types de crimes haineux au Canada. Malheureusement, depuis le 11 septembre, ou devrais-je dire, depuis janvier 2001, aucune stratégie nationale n'a vu le jour à la suite de ces tables rondes.

• 1955

Pour résumer nos préoccupations, nous croyons que certaines mesures doivent être prises dans le contexte de ce projet de loi afin qu'au Canada et dans le reste du monde, la lutte contre le terrorisme ne soit pas vue comme une lutte, masquée ou déclarée contre certains groupes de Canadiens en raison de leur race, de leur couleur, de leur origine ethnique ou nationale, de leur religion ou même de leur citoyenneté. Voilà pourquoi nous croyons que la recommandation formulée par le comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-36 en ce qui concerna la clause antidiscrimination contribuerait à dissiper cette impression.

Nous vous suggérons également de modifier l'avant-dernier paragraphe du préambule en insérant le mot «culturel» dans la phrase «sur les plans politique, social et économique de même que nos relations avec nos alliés». Nous croyons des actes de terrorisme peuvent également se produire dans le secteur de la culture et des communications.

En ce qui concerne la mise en oeuvre de ce projet de loi, nous recommandons vivement que le ministre de la Justice du Canada et le Solliciteur général du Canada prennent l'initiative de conclure des ententes avec leurs homologues des provinces et des territoires pour que les forces policières reçoivent une formation adéquate pour l'application de cette mesure ou toute autre mesure relative aux crimes haineux, afin que nous ayons des lois applicables qui ne donneront pas l'impression d'être discriminatoires ou qui ne le seront pas.

Le gouvernement devrait adopter rapidement une politique à l'égard de l'utilisation de tout profil racial. Chaque fois qu'il est question dans les médias du profil racial des Canadiens d'origine arabe ou musulmane... cela va à l'encontre des efforts que nous déployons au Canada et à l'étranger pour promouvoir la sécurité mondiale. Pour assurer une meilleure coordination, nous devrions peut-être nous inspirer de certaines initiatives prises aux États-Unis pour combattre le terrorisme à l'étranger et assurer la liberté et la sécurité des Américains arabes dans le pays. Ce sont des modèles dont nous pourrions nous inspirer.

Je voudrais résumer certaines des autres préoccupations que nous éprouvons à l'égard des dispositions de ce projet de loi. Nous croyons qu'une clause de temporisation est préférable à un examen parlementaire. La Loi sur l'équité en matière d'emploi qui prévoit un examen parlementaire au bout de cinq ans a démontré que cette formule n'est pas efficace. Dois-je vous rappeler que la Loi sur l'équité en matière d'emploi a été adoptée en 1986, réexaminée en 1993 et modifiée en 1995. Un examen parlementaire prévu au bout de cinq ans a généralement lieu plus tard. Dans le cas de l'examen de 1993, il s'est soldé par un rapport sectaire, très divisé, qui allait dans toutes les directions.

Nous croyons qu'il faudrait modifier la définition d'une activité terroriste donnée à l'alinéa 83.01(1)b) comme l'a recommandé l'Association du Barreau canadien. Il faudrait au moins supprimer le mot «licite» pour que l'application de cette disposition ne conduise pas, en pratique, à prendre des boucs émissaires ou à appliquer la loi de façon tendancieuse.

Nous nous opposons particulièrement à la mention d'une cause de nature religieuse, car cela ne fait que stigmatiser et criminaliser une religion ou une communauté religieuse, sans oublier que cela peut engager les Canadiens dans un débat sans fin quant à savoir ce qui constitue une religion ou une série de croyances de nature religieuse.

L'article 83.18 qui vise le fait de participer, faciliter, donner des instructions et héberger des groupes terroristes, est très inquiétant pour un organisme comme le nôtre qui prête assistance et apporte parfois une aide juridique à des personnes victimes de discrimination ou à des groupes qui pensent avoir été stigmatisés ou avoir fait l'objet d'une surveillance policière ou d'une arrestation injustifiée. Certaines minorités raciales ont tendance à être les victimes des profils raciaux. C'est pour ces raisons qu'elles nous demandent notre aide. Nous ne savons pas si le groupe ou la personne en question a été inscrit sur une liste de terroristes et en nous acquittant de notre mission, nous risquons d'être victimes de cette loi. Les avocats courent les mêmes risques.

• 2000

Voilà pourquoi nous estimons qu'il serait utile de mettre en place, peut-être par l'entremise de l'initiative du secteur bénévole prise par le Conseil du Trésor du Canada, un instrument d'information pour faire savoir au secteur bénévole quand des personnes ou des groupes sont inscrits sur la liste des terroristes.

Nous croyons également qu'il faudrait apporter une précision supplémentaire dans cet article afin d'exiger la preuve d'une intention criminelle de façon à protéger le personnel et les administrateurs des organismes sans but lucratif contre les poursuites abusives.

Enfin, en ce qui concerne la haine raciale et religieuse, qui représente un élément important de ce projet de loi, nous appuyons énergiquement certaines dispositions qui assujettissent Internet à la Loi canadienne sur les droits de la personne et qui visent les «méfaits» contre les cultes religieux. Nous espérons toutefois que cette disposition sera interprétée de façon à inclure les attaques contre les cimetières de certains groupes religieux. Le libellé n'est peut-être pas assez clair à cet égard.

Pour ce qui est d'Internet, même si ces dispositions permettent à un juge d'ordonner la suppression de documents apparaissant sur Internet, nous croyons qu'on pourrait inclure, comme l'a recommandé le groupe d'examen des droits de la personne, des sanctions à l'endroit de l'entrepreneur ou du fournisseur de service.

Le président: Excusez-moi, monsieur Niemi, de combien de temps avez-vous encore besoin?

M. Fo Niemi: J'ai terminé. Nous avons étudié rapidement le projet de loi dans l'espoir de vous soumettre certaines idées dont vous n'avez peut-être pas encore entendu parler, surtout en ce qui concerne les répercussions de cette mesure sur les collectivités locales.

[Français]

Donc, je vous remercie énormément de votre patience. Je me sens très coupable de voir tous ces députés se mobiliser pour moi-même et pour notre organisation, et j'espère pouvoir apporter une certaine contribution à ce débat extrêmement important pour le pays et pour plusieurs collectivités canadiennes de toutes les régions.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Pour sept minutes, monsieur Toews.

M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

J'apprécie votre témoignage de ce soir et vos observations concernant l'échec des révisions de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Il est évident que si le gouvernement veut inclure une disposition de révision dans sa loi plutôt qu'un autre mécanisme, il faut prévoir quelque chose de plus musclé. C'est évident et je crois que d'autres témoins partageaient votre avis.

L'autre question dont j'aimerais que vous nous parliez brièvement est celle du profil racial. Votre organisme s'oppose-t-il à l'établissement de tout profil basé sur des caractéristiques raciales? Disons, par exemple, que quelqu'un vient de commettre un vol dans un magasin et qu'une caméra vidéo a pris sa photo. Si la police recherche le suspect, devrait-on s'abstenir de préciser si cette personne est caucasienne ou d'une autre race?

M. Fo Niemi: À notre connaissance, toutes les forces policières à la recherche de suspects décrivent généralement en détail la personne suspectée, y compris la couleur de ses cheveux, la couleur de ses yeux et le reste afin qu'elle puisse être repérée.

M. Vic Toews: Si j'ai bien compris, les terroristes de Ben Laden proviendraient tous d'une certaine région. Ne serait-il donc pas normal que les autorités des aéroports, étant donné qu'on ne peut pas arrêter tout le monde, envoient des directives indiquant que ces terroristes présentent certaines caractéristiques et qu'il faut prêter une attention particulière à ce type d'individus? Estimez-vous que ce serait acceptable?

• 2005

M. Fo Niemi: Nous n'avons pas pris fermement position au sujet du profil racial. Tout d'abord, il y a actuellement une poursuite devant les tribunaux contre l'Agence des douanes à la suite de l'établissement d'un profil racial à l'Aéroport international Pearson. Comme notre organisme pourrait être impliqué, je dois répondre à vos questions avec la plus grande prudence.

Il faudrait resserrer les contrôles de sécurité pour tout le monde. Dans le cas du transport par avion ou par d'autres moyens, la meilleure garantie est sans doute que personne ne puisse emmener à bord un objet susceptible de compromettre la sécurité.

Deuxièmement, l'établissement du profil racial repose sur les stéréotypes du moment. Aujourd'hui, le stéréotype sera un homme arabe dans la trentaine à la peau foncée. Demain, si le visage du terroriste change de couleur et de sexe, ce stéréotype ne sera plus valide. Cela change constamment. Nous finirons par établir le profil racial de tout le monde.

Nous estimons qu'au lieu de cibler un groupe particulier, il faudrait resserrer les contrôles de sécurité pour pratiquement tout le monde.

M. Vic Toews: Très bien.

Je trouverais certainement inacceptable que la police arrête, comme elle l'a fait dans certains États du Sud, tous les véhicules conduits par un homme noir âgé de 20 à 40 ans, simplement pour vérifier son permis de conduire au cas où il aurait quelque chose à se reprocher. Ce genre d'agissements est purement motivé par des préjugés.

Dans ce cas, la situation est quelque peu différente étant donné que les autorités réagissent à des circonstances particulières. Ce n'est pas comme si nous disions qu'aujourd'hui nous allons établir le profil racial de tous les hommes suédois âgés de 40 à 50 ans, et le lendemain celui de tous les Argentins. Il y a certaines raisons qui justifient cette mesure et c'est une question très complexe. Ce n'est certainement pas facile pour la police.

Vous m'avez déjà mis sur la voie, mais je me demande dans quelles situations vous estimez que c'est acceptable et dans quelles situations ça ne l'est pas? Voilà le problème devant lequel de nombreuses forces policières se trouvent, y compris les nôtres, en ce qui concerne les aéroports.

M. Fo Niemi: Vous pourriez peut-être examiner les études ou les débats entourant la législation ou les décrets-lois que l'État du New Jersey a adoptés au sujet du profil racial. L'exemple que vous venez de mentionner se situe dans un contexte très large, lorsqu'il n'y a pas eu de crime ou lorsqu'on ne craint pas qu'un crime soit commis. Disons que vous viviez dans un quartier habité par la classe moyenne. Toute personne de couleur qu'on verra circuler en voiture dans ce quartier—généralement, ce sont des hommes noirs qui conduisent une belle automobile—sera suspecte, parce qu'on fait un lien général entre les Noirs et la criminalité.

M. Vic Toews: Et c'est inacceptable.

M. Fo Niemi: Et c'est tout à fait inacceptable. La plupart des initiatives prises par les États américains de même qu'au niveau fédéral s'attaquaient à ce problème. C'est également la situation actuelle à Douanes Canada, d'après une étude que Douanes Canada a réalisée sur l'établissement du profil racial des Canadiens de race noire qui reviennent au Canada et sur qui on a tendance à centrer les soupçons à l'Aéroport international Pearson.

Ce n'est pas tout à fait la même chose que si un crime est commis par un suspect ou un groupe de suspects. Voilà pourquoi dans le cas d'un vol de banque, par exemple, vous pouvez décrire en détail à quoi ressemblait le suspect, sa taille, son poids, la couleur de ses yeux et de ses cheveux, etc. Mais il serait très risqué de cibler une personne, dans un aéroport canadien, purement en raison de la couleur de sa peau ou d'autres caractéristiques de ce genre simplement parce que cette catégorie de personne a tendance à être associée au terrorisme.

• 2010

Comme je l'ai dit, aujourd'hui, un terroriste peut ressembler à un Arabe. Demain, un musulman pourra être un Indonésien qui me ressemblera. Allons-nous établir le profil racial de tous ceux qui me ressemblent, mais plus celui des gens qui ont l'air arabe? Voilà le danger.

Le président: Merci, monsieur Toews.

Monsieur Bellehumeur, vous avez sept minutes.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci beaucoup de vous être déplacé pour venir nous rencontrer. On l'apprécie énormément. Je sais que vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour préparer l'exposé que vous nous avez fait.

Je suis assez d'accord sur tout ce que vous avez mentionné. Il y a une chose que la grande majorité des témoins ont demandée. Vous en avez également parlé, mais vous avez fait une distinction entre deux choses. Or, je crois qu'il est nécessaire d'avoir les deux. Il s'agit de la clause crépusculaire. Je pense que vous êtes d'avis qu'il doit y en avoir une pour mettre un terme à certaines parties de la loi après un certain délai.

Ma question est la suivante. À ce niveau-là, votre organisation a-t-elle pensé à un délai? Aujourd'hui, on a entendu deux ans. Je sais que certains ont parlé de trois ans, d'autres de cinq ans. Est-ce que vous avez réfléchi au délai?

L'autre question que j'ai à vous poser porte sur la révision. Je suis d'avis que nous devons avoir les deux, c'est-à-dire que nous devons avoir des clauses crépusculaires pour mettre fin à la partie du projet de loi à laquelle on voudrait mettre fin dans un délai donné, et la révision parlementaire, puisque si la clause crépusculaire est de trois ans ou de cinq ans, il faudra être en mesure de réviser cette loi au moins une fois par année afin de voir quelle est son application dans les faits, pour voir s'il n'y a pas d'abus ou si on n'utilise pas à de mauvaises fins un projet de loi semblable, qui donne beaucoup de pouvoirs à des policiers, à un système, au ministre de la Justice, au ministre de la Défense, au solliciteur général, etc.

Voici comment je vois cela, et c'est là-dessus que j'aimerais que vous fassiez votre commentaire afin de voir si vous êtes d'accord. La révision serait faite à toutes les années. La loi prévoirait la nomination, par exemple, d'un commissaire qui en surveillerait l'application, qui déposerait un rapport à la Chambre des communes, dans lequel on pourrait retrouver le nombre de fois où on a utilisé l'écoute électronique en application de cette partie-là, le nombre de personnes qui se trouvent sur la liste de terroristes, les organisations de bienfaisance auxquelles on aurait enlevé le numéro de charité, les arrestations sans mandat, un bilan de l'application, sans donner les noms, naturellement, afin de préserver la confidentialité. Par la suite, le Comité de la justice, ou tout autre comité dont on pourrait convenir, aurait à examiner ce rapport-là, à faire venir le commissaire, les ministres, les fonctionnaires, les policiers, pour voir s'il y de l'abus. Le comité aurait ensuite trois mois pour faire un rapport qui serait rendu public.

Est-ce que vous êtes assez favorable à cela? Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui pourrait sécuriser la population au niveau des droits individuels et collectifs?

M. Fo Niemi: Oui. En fait, ce que je n'ai pas dit dans ma présentation, c'est que nous trouvons très intéressantes et peut-être beaucoup plus transparentes les recommandations du comité du Sénat sur le projet de loi, entre autres qu'on tienne une révision parlementaire...

M. Michel Bellehumeur: C'est semblable, oui.

M. Fo Niemi: ...et qu'on fasse la nomination d'un agent du Parlement ou d'un commissaire pour une révision et un rapport indépendant. Est-ce que ça va être annuel? On n'en a pas discuté. Je présume que c'est aux parlementaires de décider si le processus serait annuel ou bisannuel.

En ce a trait à votre question antérieure sur la durée de la clause crépusculaire, nous pensons que la durée maximale serait la durée d'une session du Parlement, soit un maximum de cinq ans, parce que ce projet de loi, lorsqu'il va être adopté, va renverser les relations traditionnelles entre les autorités responsables de la loi et les citoyens. Donc, nous croyons qu'il incombe au gouvernement, à l'État, de faire cet exercice-là, de se faire réviser, de se faire réévaluer et de ne pas utiliser des questions de confidentialité ou de sécurité pour évacuer cette responsabilité ou ce fardeau que l'État devra se donner lui-même afin de s'assurer que le respect des valeurs canadiennes et des libertés civiles soit maintenu.

• 2015

Toutefois, en ce qui nous concerne, il faudrait peut-être trouver une formule pour la révision parlementaire. Nous en avons discuté, mais nous ne l'avons pas inscrit dans notre mémoire. Dans l'état actuel des choses, le processus parlementaire fait qu'il y a parfois trop de partisanerie, fait aussi que les députés, et même les sénateurs, manquent parfois d'autonomie pour effectuer ce travail de révision parlementaire de manière autonome et rigoureuse. Donc, il faut qu'un comité parlementaire ou un mécanisme puisse évaluer de manière aussi rigoureuse que possible ce genre de chose. Sinon, on tombera dans la partisanerie. Les partis adopteront des lignes de parti, et on n'aura plus le genre d'examen rigoureux qu'il nous faut pour s'assurer, entre autres, que la loi...

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur MacKay, vous avez sept minutes.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie beaucoup d'être venu nous faire part des opinions de votre organisme et de son interprétation de ce projet de loi.

Comme l'a dit l'autre M. McKay qui siège au comité, c'est peut-être le projet de loi le plus important que nous ayons eu depuis le début de cette législature et ses répercussions se feront sentir pendant de nombreuses années. Nous avons donc une lourde responsabilité. Nous voulons essayer de produire une bonne loi, mais nous avons surtout discuté jusqu'ici quant à savoir s'il fallait ou non une clause de temporisation.

Que ce projet de loi expire dans trois ou cinq ans, les témoins nous ont parlé des conséquences que cette mesure pouvait avoir pour la réputation des gens. Je ne peux pas m'empêcher d'être frappé par le sentiment de peur et d'intimidation—la terreur, pourrait-on dire—qu'un grand nombre de néo-Canadiens et leurs représentants ont exprimé ici au sujet de cette loi.

J'aimerais connaître votre point de vue sur le facteur psychologique, les torts qui peuvent être causés par le profil racial ou parce que les gens ne comprennent pas bien quels sont leurs droits et quels sont les droits qui pourraient être touchés. À cet égard, un certain nombre d'avocats nous ont dit que les droits protégés, les droits constitutionnels et particulièrement le droit à un avocat d'où découlent de nombreux autres droits sont des droits dont les gens ne sont peut-être pas conscients.

Ce projet de loi confère au gouvernement et au procureur général la possibilité de refuser d'indiquer les raisons de leurs actes. Vous êtes détenus, vous allez devant un juge, mais nous n'avons pas à vous dire pourquoi. Vous devez toutefois fournir des renseignements. Vous devez répondre aux questions.

C'est particulièrement dévastateur pour une personne et sa réputation. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces certificats ministériels et du contrôle judiciaire ou parlementaire qui pourrait apporter au moins une meilleure reddition de comptes. De façon générale, je me demande si vous pensez qu'une supervision devrait être exercée par un comité parlementaire ou un agent parlementaire comme nous le faisons avec le Commissaire à la protection de la vie privée et le Commissaire à l'information. Cela rassurerait-il votre organisme ou les personnes dont vous défendez les intérêts?

Enfin, pour ce qui de l'inscription sur la liste ou du fait que des personnes et des groupes peuvent se retrouver sur une liste, y a-t-il suffisamment de garanties permettant à ces personnes de faire enlever leur nom de cette liste ou de contester la décision surtout si, comme nous l'avons entendu dire aujourd'hui, le gouvernement peut décider d'inscrire un groupe ou une personne sur la liste sur la foi de renseignements provenant du pays d'origine des intéressés où les activités de ces derniers auront été qualifiées de subversives par un gouvernement qui pourrait être corrompu ou abject?

• 2020

On fait souvent valoir qu'une fois qu'une réputation est ternie, il est extrêmement difficile de la rétablir.

M. Fo Niemi: Cette question comporte de nombreux éléments, mais je vais y répondre très rapidement.

Premièrement, même s'il y a des freins et des contrepoids et certaines révisions judiciaires d'un grand nombre de décisions que peuvent prendre le procureur général et les autres autorités, lorsqu'une personne sera accusée à tort d'appartenir à un groupe terroriste, elle devra demander une révision judiciaire ou aller devant les tribunaux à ses propres frais. Cela peut la conduire à la faillite et ne parlons même pas de sa réputation. Où les gens vont-ils trouver une aide financière? C'est une sérieuse source d'inquiétude.

Deuxièmement, en ce qui concerne le rôle du procureur général, quand nous avons analysé ce projet de loi, nous avons trouvé très inquiétant qu'il ait été proposé sans que la ministre de la Justice ne propose des garanties ou des lignes directrices pour les autorités provinciales et territoriales, les ministres de la Justice et les solliciteurs généraux. L'administration de nombreuses dispositions de ce projet de loi sera confiée aux provinces et nous ne savons pas ce qui en sortira.

M. Peter MacKay: Savez-vous exactement qui va, dans la plupart des cas, intenter les poursuites?

M. Fo Niemi: Pas toujours.

M. Peter MacKay: J'ai l'impression que c'est discrétionnaire et que cela peut être autant au niveau fédéral que provincial.

M. Fo Niemi: Exactement. C'est très inquiétant.

Il y a également une troisième composante. Certaines dispositions visant des personnes qui n'ont pas la citoyenneté canadienne ne précisent pas quelles seront les répercussions d'une accusation qui peut être injustifiée sur la citoyenneté de l'intéressé. On a constaté par exemple, que la U.S. Patriot Act permettait au procureur général d'ordonner l'expulsion de résidents permanents après une longue période de détention. Verrons-nous ici le même genre de conséquences?

Troisièmement, nous serions pour la nomination d'un agent du Parlement similaire au Commissaire à la protection de la vie privée ou au Commissaire à l'information. Il faudrait peut-être également veiller à ce que le Parlement écoute cet agent du Parlement. Peut- être pourrait-on constituer un comité spécial ou un comité mixte de la Chambre et du Sénat pour que l'agent du Parlement, ses rapports et ses résultats soient vraiment écoutés de la façon la plus objective et la moins sectaire possible.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Myers, vous avez sept minutes.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais d'abord vous remercier d'être venu pour nous présenter ce témoignage très important. Je crois que vous avez fait deux observations particulièrement intéressantes. La première concerne l'article 27 de la Charte où il est fait mention du patrimoine multiculturel. J'ai trouvé que c'est un bon argument.

Pour ce qui est des trois grands principes que vous avez mentionnés soit les libertés civiles, les droits de la personne et la sécurité nationale, ce sont les principes les plus importants pour la société canadienne. Ce sont certainement des valeurs que nous chérissons énormément. Vous avez raison de les souligner.

Vous avez parlé du fait que certains groupes sont ciblés en raison de leur race, de leur religion et de leur groupe ethnique. Vous avez ajouté qu'à votre avis notre pays ou notre gouvernement ne faisait pas nécessairement un bon travail sur ce plan-là. Vous avez mentionné les États-Unis et vous avez dit, je crois, que le Département de la justice avait un groupe de travail ou un comité sur le sujet. Vous pensez que le Canada devrait en avoir un aussi, du moins si j'ai bien compris.

Je voudrais donc savoir d'abord s'il y a d'autres choses que nous devrions faire également dans ce domaine?

• 2025

Deuxièmement, comme vous êtes un centre de recherche qui jouit d'une excelle réputation...

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

...ces derniers temps—par exemple depuis le 11 septembre—pour savoir ce qui se passe dans la société.

Je veux parler des crimes haineux et des autres choses qui se sont passés depuis ces événements. Peut-être pourriez-vous nous expliquer plus en détail ce que votre centre et vous-même avez constaté. Cela intéresserait le comité.

M. Fo Niemi: Je peux vous communiquer certains renseignements concernant la police de Montréal. Elle a une politique à l'égard des crimes haineux. Je ne cherche pas à critiquer qui que ce soit; ce sont seulement les faits. Malheureusement, à Montréal, il n'y a pas d'infrastructure pour les crimes fondés sur la race, l'origine nationale ou la religion à part un service communautaire assuré par la Ligue des droits de la personne B'nai B'nai Brith.

On m'a dit que depuis le 11 septembre il y a eu une cinquantaine de crimes haineux commis contre des personnes d'origine arabe ou musulmane et qui ont été signalés à la police de Montréal. Ces plaintes ont été portées même si la politique de la police à l'égard des crimes haineux n'est pas très connue. Ce n'est pas un concept qui est très bien compris.

Depuis le 11 septembre, nous avons reçu de nombreux appels—nous avons des contacts avec différentes communautés—de personnes qui ont dû faire face à des menaces physiques, du harcèlement ou des formes d'intimidation plus subtiles au travail. Une émission-débat à la radio inquiète particulièrement les gens. Nous sommes en train de porter officiellement plainte au CRTC contre une station de radio locale qui s'est servie d'une émission-débat pour perpétuer de nombreux préjugés au sujet des musulmans.

Nous avons l'impression qu'un grand nombre de choses sont faites au hasard et sans coordination. Nous espérions que le gouvernement ferait preuve de leadership pour prévenir ce genre de choses et éduquer le public, mais en réalité, la Commission canadienne des droits de la personne est restée silencieuse alors qu'elle a peut-être un rôle à jouer, de même que la Commission des droits de la personne du Québec ou celles des autres régions du pays. J'ai entendu dire qu'il y avait eu des réunions et des discussions entre le personnel de la Commission et les communautés locales.

Nous avons parlé du groupe de travail du Département de la justice des États-Unis et le gouvernement canadien pourrait être mettre sur pied un comité de coordination interne afin qu'il y ait une action concertée entre les différents ministères—les Transports, la Justice, le Solliciteur général, les autorités portuaires, etc.—pour éviter certains de ces «irritants» tels que nous les appelons. Ce sont des irritants non seulement pour les personnes visées, mais pour tous les Canadiens. Nous ne pouvons pas combattre le terrorisme en combattant nos propres citoyens, nos propres résidents en raison de leurs origines. Ce genre de comité de travail interne jouerait donc un rôle utile.

J'ai parlé tout à l'heure des tables rondes nationales qui ont eu lieu en 2000 et qui ont produit deux grands rapports très intéressants. Malheureusement, ces suggestions très louables ne s'accompagnaient pas d'un mécanisme permettant d'en faire une stratégie d'action nationale. Notre organisme recommande notamment que si l'on adopte ce projet de loi on songe très sérieusement à établir des stratégies et des activités parallèles et complémentaires pour soutenir la lutte contre le terrorisme et bien faire comprendre que ce n'est pas une lutte contre les musulmans et les Arabes. Nous ne pouvons pas laisser associer les deux, que le lien soit réel ou seulement dans l'esprit des gens.

Le président: Merci, monsieur Myers.

Monsieur Cadman, vous avez trois minutes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur une question que vous avez mentionnée. À la fin de votre exposé, vous avez proposé que les entreprises Internet soient pénalisées pour diffuser de la propagande haineuse. Je voudrais un éclaircissement. Cela doit-il viser les entreprises dont les installations servent à transmettre cette propagande ou les fournisseurs de service Internet qui permettent d'utiliser leur serveur pour créer un site? Car il y a là une grosse différence. Dans le premier cas cela reviendrait à pénaliser la compagnie de téléphone si quelqu'un fait un appel téléphonique haineux.

Je voudrais savoir ce que vous suggérez exactement.

• 2030

M. Fo Niemi: Je devrais peut-être vous demander de vous reporter aux recommandations 144 et 145 du rapport du Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce comité recommandait de modifier la loi pour permettre au Tribunal canadien des droits de la personne d'imposer des pénalités aux fournisseurs d'accès ou de service dans la mesure où ils savaient ou auraient dû savoir que leurs installations servaient à diffuser des messages haineux.

Nous croyons que le Comité La Forest a formulé cette recommandation pour assurer une certaine responsabilité, sans que cela ne compromettre vraiment...

M. Chuck Cadman: Je ne comprends pas très bien. Je pourrais certainement comprendre si un fournisseur de service Internet permet que son équipement, ses serveurs, accueillent un site Web qui propage des messages haineux. Je pourrais certainement le comprendre. Mais je comprends moins si ces messages circulent seulement sur ses systèmes. C'est le seul éclaircissement que je voulais avoir.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Grose, trois minutes.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

Notre adversaire est un homme très adroit qui a habilement baptisé ses ennemis. Comme tous les despotes, il a commencé par les juifs puis il a mentionné les Croisés. Ce sont les hommes à cheval qui portaient une tunique blanche ornée d'une croix-rouge. Je n'en ai pas vu beaucoup dans le coin dernièrement.

Il a ensuite déclaré très habilement que tous les Arabes ou musulmans qui n'étaient pas d'accord avec ses idées tordues étaient des ennemis de l'Islam. Il est donc très tentant, devant quelqu'un qui a l'air arabe, de simplement lui demander: «Êtes-vous pour nous ou contre nous?»

Bien entendu, c'est la dernière chose que nous devrions faire, mais il a si bien brouillé les cartes que la situation n'est pas tout à fait la même que dans les cas habituels d'intolérance raciale. Il faut trouver des solutions différentes.

Êtes-vous d'accord? Avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions faire face à la situation autrement que nous l'avons fait par le passé face à l'intolérance raciale, avec des méthodes qui ont parfois réussi mais pas toujours? Avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions remédier à cette situation nouvelle et très particulière?

M. Fo Niemi: Rien de plus que ce dont je vous ai déjà parlé. Ce sont peut-être des petites mesures qui peuvent contribuer...

Je n'ai peut-être pas très bien compris votre question, mais je crois que les recommandations que nous avons formulées ici peuvent atténuer certains de ces irritants.

M. Ivan Grose: Je vais donc reformuler ma question.

Il a dit que tous les Arabes et les musulmans qui ne sont pas d'accord avec lui sont non pas ses propres ennemis, mais les ennemis de l'Islam. Il devient donc tentant de demander aux gens qui ont l'air arabe: «Êtes-vous avec nous ou êtes-vous avec lui?» Nous ne pouvons évidemment pas le faire, mais il nous a coincés. Il a tellement brouillé les cartes que ce n'est plus la même chose que l'intolérance raciale ordinaire, vis-à-vis d'un groupe. Nous ne savons pas de quel groupe il s'agit. Il a réussi à tellement embrouiller les choses que nous ne savons pas exactement de qui il parle.

Je crois qu'il a placé les musulmans et les personnes d'origine arabe qui vivent au Canada dans une situation très difficile étant donné que, bien entendu, ces gens ne sont pas avec lui. Nous le savons. Ils le savent. Mais on garde toujours ce doute à l'esprit et c'est ce qu'il voulait.

Je pensais que vous auriez une idée de la façon d'aborder la situation différemment de la façon habituelle étant donné que ce n'est pas si facile.

M. Fo Niemi: La meilleure solution est peut-être d'éduquer davantage le public. Nous nous inquiétons de lire dans les médias nationaux pourquoi les musulmans ne font pas ceci ou cela, ou encore que les musulmans sont mauvais ou diaboliques. Nous n'avons aucun moyen de répondre à ce que nous voyons dans les médias canadiens. Cela nous fait encore plus de tort.

M. Ivan Grose: Merci.

Le président: Merci, monsieur Niemi d'être venu ici. Vous nous avez aidés à nous acquitter d'une tâche que nous jugeons très importante.

Je tiens à remercier infiniment les membres du comité.

La séance est levée.

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