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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mai 1995

.1139

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous allons commencer en accueillant le professeur Akbari.

Comme vous le savez, nos audiences portent sur l'ouvrage intitulé Diminishing Returns: The Economics of Canada's Recent Immigration Policy, ainsi que sur toute autre donnée susceptible de nous aider à évaluer l'incidence économique de notre politique d'immigration.

J'invite le professeur Akbari à faire sa déclaration liminaire, après quoi nous passerons à une période de questions.

.1140

M. Ather H. Akbari (professeur adjoint, département d'économie, St. Mary's University): Merci de votre invitation, monsieur le président. C'est un honneur pour moi d'être ici.

Je voudrais aborder ce matin certaines des préoccupations importantes de la population canadienne à l'égard des programmes d'immigration. Dans ce contexte, je vous dirai également quelques mots de mon chapitre de l'ouvrage Diminishing Returns. Je vous présenterai également quelques données sur les recherches que je mène avec l'un de mes collègues de l'Université St. Mary's.

Je vais vous montrer quelques acétates.

Pour commencer, je crois utile de faire le point sur les préoccupations de la population. La premières est qu'il arrive trop d'immigrants au Canada.

La deuxième est que les immigrants sont un fardeau pour le trésor public. C'est là une question dont j'ai traité de manière un peu plus détaillée dans mon chapitre de l'ouvrage, en examinant la contribution des immigrants au financement des services publics, par le truchement de leurs prélèvements fiscaux et de leur consommation de ces services publics.

La troisième préoccupation est que les immigrants arrivés ces dernières années au Canada sont moins éduqués et ont moins d'expérience professionnelle que ceux d'autre fois.

Voyons si les faits confirment ou infirment ces préoccupations.

Passons à la première, qui est qu'il arrive trop d'immigrants au Canada. Pour répondre à cette quetion, on peut examiner la situation de plusieurs points de vue différents. On peut se pencher sur le nombre total d'immigrants arrivant chaque année, sur ce nombre exprimé en pourcentage de la population actuelle, etc.

Pour ma part, je me suis penché sur le pourcentage de la population d'origine étrangère par rapport à la population canadienne totale au cours des 120 dernières années, soit de 1871 à 1991. J'ai donc essayé de voir comment ce pourcentage a évolué et quelle tendance cela représente.

En 1871, près de 17 p. 100 de la population canadienne totale était d'origine étrangère; en 1991, ce pourcentage était encore à peu près le même. Au cours des 120 dernières années, la seule hausse importante c'est produite entre 1901 et 1931, lorsque la proportion est passée soudainement à environ 22 p. 100.

C'était l'époque où le gouvernement canadien essayait d'attirer des agriculteurs d'Europe de l'Est pour qu'ils s'établissent dans les Prairies. De nombreuses incitations leur étaient offertes pour qu'ils viennent s'installer chez nous, afin d'y défricher les terres.

Depuis 1951, le pourcentage de la population étrangère par rapport à la population canadienne n'a quasiment pas changé.

.1145

La deuxième question concerne le fait que les immigrants seraient un fardeau pour le trésor public. Pour répondre à cette question, on peut comparer les estimations des paiements fiscaux, c'est-à-dire du financement des services publics, et de l'usage des services publics par les ménages immigrants et non immigrants moyens.

Le tableau que je vais vous présenter repose sur mon chapitre de l'ouvrage dont nous avons parlé. Afin de répondre à la question, j'ai examiné le taux d'utilisation de divers services publics par les immigrants, c'est-à-dire de l'allocation familiale et jeunesse, du crédit d'impôts pour enfants, de la sécurité de vieillesse, du RPC, des suppléments provinciaux, d'autres transferts gouvernementaux, des services de santé et des services d'éducation.

Voici, à la première ligne, les sommes correspondantes aux ménages d'immigrants. En 1990, le ménage immigrant moyen versait 22 528$ d'impôts, ce qui comprenait non seulement l'impôt sur le revenu mais aussi les taxes foncières, les taxes de ventes, les taxes sur l'alcool, etc.

Pour ce qui est des services publics, leur taux d'utilisation par le ménage immigrant moyen s'élevait à 10 558$, ce qui veut dire que les immigrants contribuaient en moyenne 11 970$ de plus au trésor public, ce qui est la différence entre les impôts payés et la consommation des services publics.

Pour les ménages non immigrants, c'est-à-dire les résidents d'origine du Canada, les chiffres correspondants sont 20 259$ d'impôts et environ 10 157$ de moins pour la consommation des services publics.

Ces chiffres pour 1990 montrent que la différence de contribution entre les immigrants et les non immigrants est d'environ 1 773$. Autrement dit, si le ménage immigrant diffère du ménage canadien moyen, comme ces chiffres l'indiquent, c'est parce que les ménages immigrants paient 17 773$ que peut utiliser la population canadienne d'origine, et transfèrent 1 773$ à chaque ménage canadien. Globalement, cela représente 2,6 milliards de dollars pour 1990.

Dans mon chapitre, je me suis penché non seulement sur la situation des immigrants en général mais aussi sur celle des immigrants arrivés à différentes périodes de notre histoire. Mon argument central dans cet article est que l'on peut s'attendre à ce que les immigrants, puisqu'ils sont jeunes et en bonne santé au moment de leur arrivée, produisent un bénéfice net pour la population canadienne, par leur transfert net de deniers publics pendant une période assez longue après leur arrivée.

Argument qui a d'ailleurs été confirmé pour beaucoup d'autres pays, notamment pour les États-Unis, par Julian Simon, et pour la Suisse, la Suède et, très récemment, l'Allemagne. Si on applique la même logique aux données canadiennes, comme je l'ai fait dans l'ouvrage, on constate que la même affirmation vaut aussi pour le Canada.

Autrement dit, si on examine la contribution des ménages immigrants du Canada, on constate qu'il y a un transfert de deniers publics aux profits des Canadiens d'origine.

La troisième question est de savoir si les immigrants arrivés ces dernières années sont moins éduqués et moins qualifiés que ceux d'autrefois. Pour tenter de répondre, j'ai essayé d'identifier certaines tendances à partir de 1961, puisque c'est seulement à partir de cette année-là que j'ai pu obtenir des données.

Vous voyez sur ce tableau le niveau d'éducation des Canadiens d'origine et des nouveaux immigrants, pour les niveaux d'éducation inférieurs, c'est-à-dire pour ceux n'ayant pas fait plus que l'école secondaire. Ces données s'appliquent aux personnes de 25 à 64 ans au moment de l'arrivée au Canada.

.1150

Ce qui est important pour ce groupe c'est la tendance à long terme. En effet, il faut se pencher sur les tendances à long terme plutôt que sur les variations d'une année à l'autre. L'analyse permet de penser qu'il y a eu une tendance à la diminution du degré d'éducation des immigrants entre 1961-1965 et à environ le milieu des années 1970. Toutefois, du milieu des années 1970 jusqu'à 1981, la tendance s'est renversé puis, de 1981 jusqu'à 1994, elle s'est remise à baisser.

La nouvelle Loi sur l'immigration, qui a été adoptée en 1978, a libéralisé l'immigration destinée à la réunification des familles. D'aucuns affirment que c'est pour cette raison qu'il y a un plus grand nombre d'immigrants moins éduqués et moins qualifiés.

Le président: Le graphique concernant les Canadiens d'origine aurait-il lui aussi une diminution du degré d'éducation, à long terme?

M. Akbari: Non. Ce graphique concerne uniquement le groupe de personnes ayant fait le moins d'études, c'est-à-dire n'ayant pas dépassé l'école secondaire.

Le président: Bien.

M. Akbari: Je vous présenterai un autre graphique pour ceux qui ont un diplôme universitaire.

Le président: Donc, la tendance à la baisse montre en fait que nous devenons plus éduqués.

M. Akbari: Oui.

Vous constaterez également que la courbe concernant les Canadiens d'origine est moins en dents de scie que celle concernant les immigrants. C'est parce que je n'ai pu obtenir que des données quinquennales à partir des recensements, ce qui m'a obligé à interpoler pour les années intermédiaires.

Une autre conclusion importante de ce graphique est que, pour la majeure partie de la période considérée, le nombre de Canadiens d'origine dans le groupe ayant fait le moins d'études est plus élevé que le nombre d'immigrants. Deux fois, cette situation a changé ici. Nous ne savons pas quelle est la tendance depuis 1991 mais il est certain qu'il y a eu un déclin chez les immigrants depuis cette période. Nous n'avons pas de données au-delà de 1994.

Finalement, en ce qui concerne le dernier graphique, il montre l'évolution de la proportion de diplômés universitaires chez les Canadiens d'origine et chez les immigrants. Encore une fois, il s'agit du groupe des personnes ayant de 25 ans à 64 ans au moment de l'arrivée au pays. Ces données viennent de Citoyenneté et Immigration Canada ainsi que des recensements.

Examinons encore une fois le graphique par période. De 1961-1965 au milieu des années 1970, on constate que le nombre de diplômés universitaires a tendance à augmenter, après quoi il y a une baisse jusqu'au début des années 1980, puis à nouveau une hausse. En 1994, environ 25 p. 100 des immigrants arrivés au Canada détenaient un diplôme universitaire.

Une autre donnée importante de ce graphique est que, pendant le période considérée, la proportion de Canadiens d'origine étrangère détenant un diplôme universitaire était supérieure à celle des Canadiens d'origine.

Voilà, monsieur le président, c'est tout ce que j'avais à dire. Je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser à vous.

Le président: Madame Debien, voulez-vous commencer?

[Français]

Mme Debien (Laval-Est): J'ai seulement une petite question d'information à poser. Bonjour, monsieur, et bienvenue au Sous-comité.

.1155

Vous avez dit dans votre dernière intervention qu'en 1984, 25 p. 100 des immigrants possédaient um diplôme universitaire et que ce pourcentage était plus élevé que celui des diplômés canadiens. Est-ce que j'ai bien compris?

[Traduction]

M. Akbari: Sur tous les immigrants arrivés au Canada en 1994, 25 p. 100 avaient un diplôme universitaire. Mes données concernant les Canadiens d'origine ne vont que jusqu'en 1991, année où la proportion de diplômés universitaires était de 13,5 p. 100.

Mme Debien: Merci.

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci beaucoup de votre exposé.

Je voudrais poser une question sur les prélèvements fiscaux, l'utilisation des services publics et la contribution nette au Trésor public. Si je comprends bien, vous calculez la contribution nette en soustrayant 10 500$, environ, d'utilisation des services publics des 22 000$ environ payés en impôt, n'est-ce pas?

M. Akbari: Oui.

M. Assadourian: Tenez-vous compte, dans vos calculs, de la valeur de l'éducation obtenue par les immigrants dans leur pays d'origine? Prenez le cas d'une famille d'immigrants dont un membre a un diplôme du secondaire et un autre un diplôme universitaire. Les faire venir ici vous coûte peut-être de l'argent mais, quand ils viennent, ils apportent leur éducation. Ajoutez-vous cela à leur contribution nette au Trésor public? Sinon, pourquoi?

M. Akbari: C'est une remarque fort intéressante. Je dois dire que je n'ai pas inclus de chiffre à ce sujet dans mes données.

Il convient cependant de dire que plus une personne a fait d'études, plus ses revenus sont élevés. Toutes les recherches que je connais révèlent une forte corrélation entre le revenu et les études. Donc, si les gens ont fait beaucoup d'études, il est très probable qu'ils auront des revenus plus élevés.

Cela dit, votre remarque est intéressante et on devrait peut-être s'efforcer de quantifier cela séparément.

M. Assadourian: Si vous le faisiez, vous constateriez que la contribution des immigrants est supérieure à 11 000$, n'est-ce pas?

Il faut quatre années pour obtenir un diplôme universitaire, ce qui coûte entre 30 000 et 35 000$. Comme environ 25 p. 100 des immigrants ont un diplôme universitaire, 25 000$ pour 25 des immigrants représentent beaucoup d'argent.

M. Akbari: Oui. Cela n'est pas pris en compte ici. Toutefois, je le répète, les études produisent des revenus plus élevés.

M. Assadourian: Une autre question, si vous me le permettez.

Vous avez dit que la première préoccupation des gens est qu'il y a trop d'immigrants qui arrivent au Canada. Savez-vous cependant quel est le nombre que souhaitent généralement les Canadiens? Avez-vous des chiffres quelconques?

M. Akbari: Il n'y a pas de chiffre magique à ce sujet. Personne ne peut dire quel serait le bon chiffre.

La question importante qui se pose dans ce contexte est de savoir si la croissance démographique exerce ou non une incidence positive sur la croissance économique. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier que la croissance démographique ne produit pas que des coûts, elle a aussi des avantages. Il conviendrait donc d'analyser à la fois les coûts et les avantages pour répondre à la question.

.1200

Tant que les immigrants produiront une hausse du revenu par habitant, il sera bon de continuer à en accepter. Il est cependant impossible de dire à partir de combien d'immigrants cette hausse s'arrête.

M. Assadourian: Je voudrais vous poser une dernière question. Sur le deuxième graphique, concernant la population étrangère présente au Canada, on constate que la proportion était d'environ 17 p. 100 en 1871 et qu'elle est tombée à environ 13 p. 100 en 1901. C'est bien cela?

M. Akbari: Oui.

M. Assadourian: Si vous preniez le taux des naissances au Canada à l'époque, en concervant pour les années ultérieures le taux de 13,5 p. 100 pour l'immigration, peut-on en conclure que notre population actuelle serait moins nombreuse que ce qu'elle est? Et de combien? Y aurait-il eu un déficit démographique, voire un déclin?

M. Akbari: Considérant le taux actuel des naissances au Canada, on prévoit que notre croissance démographique sera négative à partir de l'an 2000.

M. Assadourian: Ce sera une croissance négative?

M. Akbari: S'il n'y a pas d'immigration.

M. Assadourian: Donc, si l'on reprend vos chiffres depuis 1901, on doit conclure qu'il y aurait aujourd'hui beaucoup moins de Canadiens qu'il y en a, n'est-ce pas? Vous et moi ne serions pas ici.

M. Akbari: Je ne sais pas quel était le taux des naissances à l'époque.

M. Assadourian: Vous ne pouvez donc pas faire de calcul hypothétique entre 1901 et aujourd'hui?

M. Akbari: Non, je n'ai pas le chiffre. C'est cependant une question fort intéressante.

M. Assadourian: Merci.

Le président: Votre première proposition est que notre politique de l'immigration devrait privilégier les jeunes, étant donné qu'ils resteront probablement plus longtemps que les autres au sein de la population active, ce qui les amènera à payer plus d'impôts et à consommer moins de services publics.

M. Akbari: Oui.

Le président: Comme le système actuel de points favorise les jeunes travailleurs - puisque les personnes de 21 ans à 44 ans reçoivent un maximum de dix points pour leur âge - voulez-vous dire que nous devrions encore améliorer ce système, ou donner plus de points aux jeunes?

M. Akbari: Je crois que nous devrions baisser la limite à 15 ans, afin d'accueillir plus de jeunes immigrants qui feront leurs études chez nous, ce qui leur donnera des qualifications plus conformes aux réels besoins du marché du travail.

Le président: Je comprends.

Suite à vos recherches et à votre analyse des études pertinentes, avez-vous d'autres changements particuliers à recommander au système des points?

M. Akbari: On devrait accorder plus de poids aux études effectuées aux États-Unis ou au Canada.

Le président: Et en Europe?

M. Akbari: Les études faites en Amérique du Nord répondent mieux aux besoins de notre marché du travail. En règle générale, on a constaté que les employeurs attachent plus de valeur aux études effectuées en Amérique du Nord qu'en Europe ou ailleurs.

Le président: Vraiment?

M. Akbari: Oui. Je crois par ailleurs que nous devrions faire plus d'efforts pour attirer les étudiants étrangers aux États-Unis, car il y en a beaucoup.

Le président: Nous devrions les encourager à venir au Canada?

M. Akbari: Oui.

Le président: C'est intéressant.

Qu'en est-il du nombre de points accordés au conjoint? Votre collègue, le professeur DeVoretz, dit que l'on pourrait accorder des points supplémentaires à un candidat à l'immigration, en fonction du niveau d'étude de son conjoint.

Que pensez-vous de cette idée?

M. Akbari: Je n'y avais jamais pensé.

Le président: Bien.

Votre deuxième proposition concerne l'établissement d'un système de réunification des familles favorisant les migrants économiques ayant des enfants. À l'heure actuelle, on ne fait aucune évaluation de la contribution économique éventuelle dans la catégorie familiale.

Pourriez-vous préciser votre proposition?

M. Akbari: Pourriez-vous répéter?

Le président: Certainement. Votre deuxième proposition concerne un système de réunification familiale, favorisant les migrants économiques ayant des enfants.

.1205

M. Akbari: Je ne pense pas avoir formulé la chose de cette manière dans le livre. Ce que j'ai dit, c'est que nous devrions mettre plus l'accent sur les familles ayant des enfants, ce qui correspond à ce que vous disiez plus tôt.

Le président: C'était en fait sa question.

M. Akbari: D'accord.

Le président: Voyez, il me donne ces petites notes et...

M. Akbari: Je n'avais pas saisi l'expression «migrants économiques». Je vois qu'elle est là.

De toute façon, cela correspond à ce que je disais plus tôt. On devrait accorder plus de poids aux immigrants jeunes avec de jeunes enfants, qui iront à l'école ici et obtiendront une formation correspondant aux besoins de notre marché du travail.

Le président: Le recherchiste pourra me corriger si je me trompe, mais je crois comprendre qu'un homme ayant un diplôme universitaire et certaines qualifications professionnelles recevra le même nombre de points qu'il ait ou non une famille et des enfants, n'est-ce pas? Devrions-nous donner plus de points...

M. Akbari: S'il a des enfants. Les enfants contribuent à notre avenir.

Le président: D'accord. Et nous ne donnons pas plus de points aujourd'hui?

M. Akbari: Non.

Le président: Je voudrais essayer de comprendre les détails de votre exposé. Si j'ai bien compris, Statistique Canada... Je ne sais pas comment on peut mesurer mon taux d'utilisation du système de soins de santé. Comment pouvez-vous calculer combien une personne ou un groupe nous coûte sur le plan des services de santé?

M. Akbari: Je vais d'abord vous dire comment j'ai fait mon analyse, après quoi je vous donnerai d'autres précisions. Pour mon étude, j'ai fait une estimation des coûts de soins de santé en fonction des différences de groupes d'âge.

Des études démographiques ont révélé que les coûts des soins de santé variaient selon l'âge. Par exemple, pour les personnes de 65 et plus, les coûts par personnes sont de deux fois et demi plus élevés que ceux des personnes entre 15 ans et 64 ans. De même, les coûts sont plus élevés pour les personnes de moins de 15 ans.

Dans mon analyse, j'ai considéré qu'il n'y aurait aucune différence en ce qui concerne les coûts des soins de santé entre les immigrants et les Canadiens d'origine d'un même groupe d'âge. Par contre, il y a des différences en ce qui concerne les immigrants qui ont des enfants en bas âge, puisque les coûts des soins de santé des enfants en bas âge sont plus élevés.

On pourrait faire cette analyse d'une autre manière, en calculant la consommation exacte de soins de santé par les divers groupes. Cela pourrait cependant être fastidieux. Peut-être pourrait-on faire le calcul au moyen des numéros d'assurance sociale, puisque les cartes d'assurance médicale portemt généralement notre numéro d'assurance sociale. De cette manière, les responsables de services de santé pourraient faire la différence entre les immigrants et les Canadiens d'origine.

Cette information peut être obtenue mais il se peut que cela coûte cher.

Le président: Si le ministre de l'immigration était ici et vous demandait de dire tout ce que vous voulez au sujet de notre politique de l'immigration, et de proposer n'importe quel changement, que lui diriez-vous?

M. Akbari: La première chose que je lui dirais serait de faire plus d'efforts pour attirer les étudiants étrangers du Canada et des États-Unis. Nous devrions essayer d'attirer les étudiants étrangers aux États-Unis, et aussi en Australie, car il y en a également beaucoup là=bas. Leurs compétences et leurs études sont peut-être plus conformes aux besoins de notre marché du travail.

Je lui recommanderais aussi de faire quelque chose au sujet des immigrants de la catégorie des entrepreneurs. Je ne sais si quelqu'un a fait des recherches exhaustives à ce sujet, mais mon expérience personnelle m'amène à croire qu'on accepte dans cette catégorie, des personnes qui s'avèrent incapable de gérer une affaire et qui ne tardent donc pas à partir.

On devrait favoriser une certaine collaboration entre les gens d'affaires locaux et les gens d'affaires immigrants.

.1210

Le président: Autre chose? Voulez-vous faire des remarques sur les 975$, les niveaux ou...?

M. Akbari: L'argument avancé pour justifier les 975$ est que cela devait couvrir les coûts que nous devons assumer pour l'intégration des immigrants.

Toutefois, mes études montrent que les immigrants paient plus en impôts qu'ils ne retirent de l'économie en services. Autrement dit, s'il est vrai qu'il y a peut-être des coûts au départ, ils sont largement compensés dans les années ultérieures.

En conséquence, si l'on veut justifier les 975$ de cette manière, l'argument n'est peut-être pas très solide.

Le président: Je pense que l'argument va plus loin, c'est-à-dire qu'il y a toutes sortes d'immigrants, dont certains ont besoin d'une formation linguistique, par exemple, et d'autres pas. Ainsi, certains réfugiés peuvent avoir du mal à s'intégrer au marché du travail parce qu'ils connaissent peu l'anglais ou le français. Nous avons donc intérêt à investir de l'argent au départ pour leur enseigner nos langues.

Hélas, à une époque de déficit budgétaire et, disons-le, de trésor public en faillite, nous devons chercher les sommes ailleurs. Voilà pourquoi on fait payer 975$ à tous les immigrants, même si les services d'intégration ne sont destinés qu'à une partie d'entre eux.

M. Akbari: Mais il y a d'autres groupes à prendre en considération, c'est-à-dire les immigrants ayant fait des études et qui contribuent beaucoup plus.

Le président: Certes.

M. Akbari: Donc, si l'on examine la situation nette pour l'immigrant moyen, aussi bien en bas qu'en haut de l'échelle, on constate qu'elle devrait largement suffire à financer ces bourses.

Le président: J'entends bien, mais il ne s'agit pas ici d'un système de paiement par l'utilisateur. C'est tout le groupe qui doit contribuer...

M. Akbari: Tout le groupe.

Le président: ...pour que l'on puisse avoir l'argent nécessaire à la prestation d'un service destiné à une fraction du groupe.

M. Akbari: Oui.

Le président: Quand vous parlez de consommation de services publics, vous ne parlez pas de la défense ou de l'intérêt sur la dette nationale. Est-ce parce qu'on ne peut pas répartir les coûts de manière tout à fait égale?

M. Akbari: Oui. Voyez le cas de ce que j'appelle la contribution aux biens publics, dont je parle ici. Considérant par exemple la défense, l'utilisation des parcs publics et de tout ce qui compose les biens publics, le taux de consommation ne varie pas avec l'accroissement de la population.

Autrement dit, même si vous acceptez plus d'immigrants, vous ne devrez pas avoir plus de soldats pour défendre le Canada. Ce qui se passe, c'est que les immigrants fournissent leurs contributions à ce chapitre lorsqu'ils paient leurs impôts. Ils contribuent à la prestation des biens publics, mais ils n'en augmentent pas le coût puisqu'ils ne les consomment pas.

Le président: Qu'en est-il de l'argument voulant que les immigrants prennent des emplois? Lorsqu'ils occupent un emploi, ils provoquent une hausse du chômage chez les Canadiens d'origine?

M. Akbari: Je ne sais pas si on a fait récemment des études empiriques à ce sujet. Je sais par contre qu'il existait autrefois une étude d'Emploi et Immigration Canada qui permettait de penser que chaque immigrant qui trouve un emploi au Canada en crée trois autres pour la population d'origine. Cela s'explique par le fait que ces immigrants sont également demandeurs de biens et de services.

Prenons par exemple le cas de la Nouvelle-Écosse, où il y a moins d'un million d'habitants. Si 50 000 des 250 000 immigrants que nous accueillons chaque année vont s'établir en Nouvelle-Écosse, on devra construire beaucoup plus de ponts, de routes et de maisons, et il y aura une hausse de la demande d'appareils ménagers. Cela se produira tout simplement parce qu'il y aura plus d'habitants dans la province.

Comme les immigrants ont besoin de biens et de services, cela crée des emplois pour la population locale. Il faut donc tenir compte des deux côtés de la médaille. D'autres études portent à conclure que les immigrants créent des emplois. On a tiré des conclusions semblables aux États-Unis. Par contre, je reconnais que je n'ai pas vu de données sur la tendance très récentes.

Il n'en reste pas moins qu'il faut tenir compte des deux aspects du problème. Certains se plaignent peut-être du fait que les immigrants prennent des emplois aux Canadiens d'origine, mais il ne faut pas oublier que les immigrants sont aussi créateurs d'emplois parce qu'ils sont demandeurs de biens et de services.

De même, si nous accueillons plus d'immigrants, nous accueillons plus de personnes ayant fait des études. Cela est pour nous une source d'idées nouvelles, d'ingénieurs et de scientifiques, de philosophes, de nouvelles idées à exploiter, en bref, de facteurs à nouveau créateurs d'emplois.

.1215

Le président: Bien.

Le professeur DeVoretz a recommandé qu'on évalue au minimum 50 p. 100 ou 55 p. 100 de nos immigrants indépendants ou de nos immigrants de la composante à cractère économique. Avez-vous des remarques à faire sur la répartition entre la catégorie des immigrants de la composante à caractère économique et la catégorie «famille»?

M. Akbari: Je ne sais pas sur quoi est fondée sa recommandation.

Le président: Je vais vous le dire. Il dit que, lorsque nous accueillons un immigrant de la composante à cractère économique, cet immigrant parrainera en moyenne un immigrant de la catégorie «famille» à une date ultérieure.

Il dit donc qu'il faut permettre à cet immigrant de la composante à caractère économique de parrainer un immigrant de la catégorie de la famille afin d'attirer le premier à venir s'installer au Canada. C'est comme cela qu'il obtient son ratio de 1 pour 1. Il dit qu'il peut même y avoir un léger déséquilibre en faveur des critères économiques.

M. Akbari: Il est vrai que l'éducation est un bon indicateur du rendement économique qu'on peut attendre d'une personne. Si on regarde l'éducation, il est vrai que le niveau est moindre chez les immigrants de la catégorie «famille» que chez les immigrants indépendants.

Le système est conçu de cette façon. Les personnes qui viennent en tant qu'immigrants indépendants sont évalués en fonction de leur éducation. Il faut cependant examiner la tendance. Comme je le disais, depuis 1978, la tendance indique que le niveau d'éducation des immigrants a augmenté.

Si le but de la politique d'immigration est d'améliorer la situation économique des immigrants, alors, oui, nous avons besoin de plus d'immigrants indépendants.

Cependant, nous ne devrions pas préconiser cette politique en disant que les imigrants de la catégorie de la famille sont moins instruits et moins qualifiés que les autres. C'est le point que je veux faire ressortir. Il ne faut pas dire cela parce que ce n'est pas vrai.

Le président: Vous voulez dire que, lorsqu'un immigrant de la composante à caractère économique possède, disons, un diplôme d'ingénieur, il est probable que les personnes qu'il parrainera seront aussi des diplômés d'université ou...

M. Akbari: Exactement.

Le président: Le ministère a également soulevé ce point.

M. Akbari: Il est plus probable que le conjoint et les enfants d'un immigrant instruit soient instruits également.

[Français]

Mme Debien: Au début de votre exposé, vous avez dit que le critère relatif au diplôme qui doit être retenu, c'est-à-dire le niveau du diplôme, doit être basé sur les normes nord-américaines. Est-ce que j'ai bien compris?

[Traduction]

M. Akbari: J'essayais de dire que les gens qui ont fait leurs études en Amérique du Nord sont plus susceptibles de satisfaire aux exigences du marché du travail.

Il y a donc...

[Français]

Mme Debien: Ce n'était pas un jugement de valeur que vous portiez sur les critères relatifs aux diplômes provenant d'autres pays, j'espère?

[Traduction]

M. Akbari: Non.

[Français]

Mme Debien: Je pense qu'un doctorat de la Sorbonne ou de King's College est aussi valable qu'un doctorat nord-américain.

[Traduction]

M. Akbari: Oui.

Le président: Avez-vous fréquenté une de ces institutions?

Des voix: Ah, ah!

.1220

[Français]

Mme Debien: Quand M. Knutson vous a demandé ce que vous conseilleriez au ministre de l'Immigration concernant les nouveaux arrivants, vous avez dit que cette politique devait être orientée principalement sur les jeunes immigrants en vertu de critères strictement économiques.

Or, vous savez que la réputation internationale du Canada repose, entre autres, sur sa grande compassion et l'accueil qu'il fait aux réfugiés. On considère le Canada comme une terre d'accueil très généreuse et très compatissante envers ses immigrants. Quand vous faites cette recommandation au ministre, tenez-vous compte de cette dimension importante de la politique d'immigration du Canada ou si vous ne retenez que le seul critère économique?

[Traduction]

M. Akbari: Je parlais seulement du point de vue d'un économiste. En même temps, il n'y a rien qui laisse croire que la contribution des gens qui viennent au Canada comme réfugiés ou pour des raisons humanitaires est moindre. En fait, une étude récente de l'université de Toronto révèle que même ceux qui viennent au Canada comme réfugiés réussissent bien.

Je parlais seulement du point de vue d'un économiste. Toutefois, je ne dis pas que les gens qui viennent ici en vertu d'autres programmes ne contribuent pas à la vie économique du pays. Tout semble indiquer que leur contribution est aussi positive.

[Français]

Mme Debien: D'accord. Merci.

[Traduction]

M. Akbari: Même si des gens critiquent le programme humanitaire sous prétexte qu'il est n'est pas économiquement viable, ils ont tort.

Le président: De quelle étude s'agissait-il à l'Université de Toronto.

M. Akbari: C'est une étude faite par quelqu'un de l'Université de Toronto et de l'Université McMaster, le professeur Beiser, et par une autre personne dont j'ai oublié le nom.

Le président: Cette étude a-t-elle été portée à notre attention?

M. Kevin Kerr (recherchiste du comité): Je crois qu'elle est mentionnée dans la documentation envoyée récemment par le ministère. Je ne me souviens plus du titre de l'étude, mais je crois qu'il en était question dans la documentation.

Le président: Nous pourrons peut-être y jeter un coup d'oeil.

Sil n'y a plus de questions, nous allons nous arrêter ici. Merci beaucoup d'être venu. Votre exposé a été fort intéressant.

M. Akbari: Merci de m'avoir invité.

Le président: La séance est levée.

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