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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 19 novembre 1996

.1533

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Notre sous-comité reprend ses audiences au sujet du projet de loi C-25.

Nous allons entendre deux témoins cet après-midi. Le premier, Philip Anisman, est un avocat. J'invite M. Anisman à faire son exposé. Il pourrait peut-être commencer par se présenter. À la suite de son exposé, j'inviterai les membres du comité à lui poser des questions.

Nous allons entendre deux témoins cet après-midi et un autre demain après-midi. Avant de passer au témoignage de M. Anisman, je crois savoir qu'il y a un vote demain à 15 h 45 et, par conséquent, notre comité ne commencera probablement pas ses travaux avant 16 heures. Je ne serai pas là, je dois aller dans ma circonscription, mais John Maloney a accepté de me remplacer à la présidence pour la séance de demain.

Nous allons maintenant passer la parole à M. Anisman.

M. Philip Anisman (à titre personnel): Merci, monsieur le président. Merci de m'avoir invité et de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant votre sous-comité sur la question du projet de loi C-25.

J'ai apporté un mémoire dont j'ai remis un certain nombre d'exemplaires au greffier. Je vous informe que j'en ai aussi remis des copies au ministre de la Justice et à ses fonctionnaires.

Vous m'avez demandé de me présenter en quelques mots. En règle générale, je n'aime pas parler de moi. Vous trouverez mon curriculum vitae en annexe de mon mémoire, à l'onglet A. Je resterai bref en m'efforçant d'expliquer pour quelles raisons j'interviens au sujet du projet de loi C-25.

Je m'intéresse en somme à la procédure administrative et réglementaire depuis que j'ai fait mon droit. J'ai fait du droit administratif, ou du moins j'ai travaillé certains sujets, au niveau de la maîtrise, et j'ai enseigné le droit administratif à l'Université de Western Ontario ainsi que le droit constitutionnel à la Osgoode Hall Law School. Dans ma vie professionnelle, qui s'est déroulée avant tout à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, j'ai traité des questions de droit administratif. Vous verrez dans mon curriculum vitae qu'au fil des années je suis intervenu sur des questions de droit administratif devant d'autres comités du gouvernement du Canada et que j'ai rédigé des articles en droit administratif.

.1535

L'un de mes principaux intérêts pendant toute ma carrière d'enseignant, au gouvernement et dans la pratique privée, a été la question qui a trait à l'établissement des règles ou des règlements. Il y a longtemps que je suis convaincu que le moyen le plus efficace d'élaborer des règlements était de permettre à toutes les parties concernées de prendre part publiquement à la procédure en publiant à l'avance une copie des règlements proposés et en donnant à la population la possibilité d'apporter ses commentaires. Je suis venu aujourd'hui traiter uniquement de cette question en ce qui a trait au projet de loi C-25.

Ce qui m'amène ici aujourd'hui, c'est que le projet de loi C-25, dans son énoncé de principe, insiste sur le devoir de rendre des comptes, sur la consultation et les mécanismes de consultation mais, si l'on excepte une disposition qui autorise le cabinet - le gouverneur en conseil - à prolonger les consultations au sujet des règlements proposés lorsqu'il prend des règlements s'appliquant aux systèmes électroniques, le projet de loi ne traite pas en soi de la question de la participation du public au mécanisme de réglementation.

Je pense que c'est particulièrement important à l'heure actuelle au Canada compte tenu du rôle que joue la réglementation dans un gouvernement moderne. On sait pertinemment aujourd'hui que dans les domaines techniques, évidemment, mais aussi dans d'autres domaines, le Parlement ne peut pas légiférer sur les questions de détail. Le Parlement adopte de grands objectifs de politique et les expose dans ses lois, puis confie le plus souvent la mise en application détaillée de cette politique, ainsi que l'élaboration de la réglementation, aux fonctionnaires et aux organismes de réglementation.

Vers le milieu des années 70, alors que j'étais en train d'élaborer pour le compte de la Commission de réforme du droit du Canada un catalogue des pouvoirs discrétionnaires figurant dans les Statuts révisés du Canada, j'ai pu constater qu'il y avait dans les Statuts révisés du Canada quelque 3 500 dispositions d'habilitation accordant le pouvoir de prendre des règlements et que ce n'était là que la pointe de l'iceberg parce que ces dispositions conféraient des pouvoirs élargis.

Dans ce cadre, comme je l'ai déclaré, je pense que la participation du public à l'établissement de la réglementation est fondamentale. Elle est fondamentale pour trois raisons. Je vais résumer ici mon mémoire. Je m'efforcerai d'être plus bref que ce que j'ai mis par écrit.

Le premier avantage qu'offre la participation du public, c'est d'être essentiellement juste. Il est juste à la base que l'on donne aux personnes concernées la possibilité d'intervenir au sujet des règlements proposés. Elle donne la possibilité de se faire entendre dans le cadre de la procédure de réglementation, de même que les citoyens peuvent se faire entendre lorsque le Parlement légifère selon une procédure qui permet à des gens comme moi de comparaître devant votre sous-comité.

De plus, la transparence qui est indispensable dans le cadre d'une procédure de participation du public, donne aux citoyens la possibilité d'attirer l'attention des représentants politiques, de leurs députés en l'occurrence, sur des questions importantes que soulève la réglementation proposée, obligeant ainsi davantage le pouvoir politique à rendre des comptes.

Enfin, une procédure transparente et juste à la base va faire que le public aura davantage confiance dans l'intégrité du système et acceptera mieux la réglementation adoptée. Voilà le premier avantage.

Le deuxième avantage qu'offre la participation du public, c'est qu'elle a tendance à déboucher sur une meilleure réglementation. Elle offre la possibilité d'un réexamen de la réglementation proposée par les personnes qui sont touchées par cette réglementation ou qui risquent de l'être, et qui peuvent apporter leur propre point de vue, faire part de leur expérience ou de leurs connaissances et porter des renseignements, des faits et des éléments de preuve supplémentaires à l'attention des pouvoirs publics chargés d'élaborer la réglementation. Elles peuvent aussi faire part de leurs commentaires en tant que personnes risquant d'être touchées par la réglementation.

.1540

Elles peuvent relever les lacunes ou les erreurs de la réglementation présentée, et proposer des moyens d'atteindre les objectifs de la réglementation qui soient moins coûteux et plus efficaces que ceux qui figurent dans le projet de réglementation. Il en résultera vraisemblablement - et je dirais que c'est le résultat obtenu lorsqu'on adopte cette façon de procéder - un meilleur produit final, réduisant au maximum les bouleversements et les coûts qu'entraîne la réglementation dans le secteur concerné, tout en faisant en sorte que les règlements adoptés soient mieux acceptés.

Enfin, le troisième avantage de la participation du public, c'est que la procédure que je viens de décrire, la justice fondamentale et la possibilité qui est donnée d'apporter des commentaires, de même que la transparence inhérente à toute procédure de participation publique, peuvent servir de garde-fou contre les risques d'erreur et d'excès de la part des instances de réglementation du gouvernement. En somme, la transparence même de la procédure incitera les pouvoirs publics à mieux réagir, ce qui ne pourra qu'améliorer l'ensemble du système.

Toutefois, en disant cela, je ne fais que répéter des évidences. Ces réalités sont déjà largement acceptées dans toute l'Amérique du Nord. Aux États-Unis, la législation du gouvernement fédéral et des États exige généralement que l'on publie à l'avance les règlements proposés en exposant leur objet et en donnant à la population susceptible d'en être affectée la possibilité d'apporter ses commentaires. Les Américains parlent ici d'une procédure d'information et de consultation du public.

La procédure d'information et de consultation du public n'est pas inconnue au Canada. Elle a été acceptée au Québec. La Loi sur les règlements du Québec prévoit une procédure d'information et de consultation du public pour tous les règlements du Québec. Récemment, la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario a été modifiée afin d'exiger que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario suive une procédure d'information et de consultation du public lorsqu'elle adopte des règles ou lorsqu'elle élabore des politiques. Enfin, il y a différentes lois fédérales qui imposent individuellement une procédure d'information et de consultation du public lorsqu'il s'agit de prendre des règlements. C'est le cas, par exemple, de celle que je connais le mieux, la Loi sur les sociétés par actions.

De plus, le gouvernement du Canada a lui-même reconnu de manière générale l'intérêt de ce que je viens de vous exposer. Le gouvernement du Canada a adopté une politique réglementaire dont la version la plus récente a été publiée en 1995. Avant que l'on adopte un règlement, il est exigé - du moins généralement - que l'on consulte auparavant la population, que l'on donne un préavis, que l'on publie à l'avance le projet de règlement et que les responsables de la réglementation tiennent compte des commentaires qui leur sont faits.

Compte tenu de l'existence de cette politique, vous allez peut-être vous demander ce que je fais ici. Si je suis ici, c'est parce qu'il ne s'agit là que d'une politique. Je considère que la participation du public à la procédure de réglementation est tellement fondamentale et tellement essentielle qu'il faudrait que ce soit un droit pour chaque citoyen du Canada.

Je recommande donc que le projet de loi C-25 soit amendé pour que le mécanisme de réglementation prévu dans le projet de loi comporte une procédure d'information et de consultation du public. Reconnaissons bien franchement que le type d'amendement que j'envisage n'est pas très difficile à mettre en oeuvre. Il n'entraînerait que deux changements de quelque importance et quelques modifications mineures, et j'ai formulé dans mon mémoire les dispositions qui pourraient figurer à cet effet dans le projet de loi.

Le premier changement, si je peux l'appeler ainsi, c'est le projet d'article 7.1, qui ferait suite à la disposition exigeant que le ministre de la Justice procède à un réexamen, dont vous trouverez la formulation proposée aux pages 7 à 9 de mon mémoire. Elle comporte une procédure d'information et de consultation du public, j'y reviendrai en vous expliquant rapidement en quoi cela consiste.

.1545

Le deuxième point qui me paraît important dans mon mémoire, c'est le fait d'exiger qu'une fois qu'un règlement a été adopté, après que l'on a entrepris d'informer et de consulter le public, le règlement lui-même s'accompagne d'une rapide explication de son objet et de son contenu et d'une réponse rapide aux principales observations faites pendant la période de consultation.

Je propose ici que lors de l'adoption des règlements, on en donne rapidement les raisons en expliquant pourquoi le règlement a été adopté sous cette forme. Cette façon de procéder apporterait la preuve que toutes les parties concernées prennent part à la procédure mais surtout, elle présenterait en outre l'avantage d'informer les parties concernées de l'objet de la réglementation. La réglementation serait mieux comprise et, par conséquent, mieux respectée dans son application. L'ensemble de la procédure en bénéficierait.

Les raisons de l'adoption de la réglementation pourraient tout simplement accompagner la publication du règlement dans la Gazette du Canada une fois qu'il aura été adopté. Je propose dans mon mémoire des amendements mineurs à l'article 10 du projet de loi. Vous les trouverez aux pages 15 et 16. Il s'agira de prévoir à l'article 10 l'obligation de faire figurer l'objet de la mesure en répondant par ailleurs brièvement aux principaux commentaires faits au cours de la période de consultation.

Il faudra aussi apporter quelques amendements mineurs. Vous les trouverez dans mon mémoire. Je ne les juge pas suffisamment importants pour en discuter devant le comité à moins que vous vouliez me poser des questions à leur sujet.

Ce que j'aimerais faire maintenant, et je pense que ça pourrait aider le comité, c'est un bref résumé de la procédure d'information et de consultation du public que je me suis efforcé de formuler dans le nouvel article numéroté 7.1 de mon mémoire. Cet article vise à codifier, en tant que norme minimale d'établissement des règlements, la pratique suivie actuellement par le gouvernement du Canada dans le cadre de sa politique réglementaire ainsi que la procédure rédigée sous forme de projet par le Secrétariat du Conseil du Trésor.

Voici en quoi cela consisterait pour l'essentiel. Il faudrait d'abord publier à l'avance le projet de réglementation dans la Gazette du Canada en y joignant un avis. Cet avis comporterait un certain nombre de mentions. Il y aurait un bref énoncé du contenu et de l'objet de la réglementation proposée, un renvoi à la loi habilitante, un résumé des différentes solutions de rechange considérées par les pouvoirs publics, et les raisons pour lesquelles ces solutions de rechange n'ont pas été adoptées. Il y aurait aussi un résumé des consultations menées antérieurement par les pouvoirs publics avant la publication de la réglementation proposée.

Ainsi, les gens qui voudraient apporter leurs commentaires pourraient faire savoir aux pouvoirs publics ce qu'ils pensent des observations faites par d'autres et se pencher sur les motivations de l'adoption de la réglementation proposée. Il faudrait prévoir un renvoi à tout rapport ou étude non publiés ayant exercé une influence sur la réglementation proposée, une description des coûts et des avantages pouvant être entraînés par la réglementation proposée et un exposé des modalités, de la date et du lieu de présentation des interventions.

La liste pourra sembler longue. Elle ne fait cependant que reprendre la procédure exigée à l'heure actuelle pour ce qui est de la réglementation du gouvernement fédéral. La période réservée aux commentaires sera de 60 jours et tous les commentaires reçus devront être rendus publics dans le cadre du projet que j'ai présenté.

Les commentaires seront publics pour permettre à toutes les parties éventuellement concernées de répondre aux observations faites par d'autres aux pouvoirs publics. Il y aurait donc un véritable mécanisme de participation et le public saurait qu'il a la possibilité de se faire pleinement entendre.

Ce délai de 60 jours est un peu plus long que le délai minimum prévu dans le cadre de la procédure du Conseil du Trésor, qui est de 30 jours. Si l'on a prévu 60 jours, c'est pour que la procédure puisse être menée à son terme. J'ai calqué cette période de 60 jours sur les délais exigés pour les besoins de la réglementation dans d'autres lois fédérales. Ainsi, la Loi sur les sociétés par actions prévoit un délai de 60 jours et la politique de réglementation fédérale exige qu'il y ait un minimum de 60 jours pour certains projets de réglementation.

.1550

Ces 60 jours permettront aux parties concernées de bénéficier d'un délai un peu plus long. Elles pourront ainsi faire des observations plus complètes et à tête reposée sur des règlements qui peuvent s'avérer complexes. Elles auront aussi plus de temps pour répondre aux observations faites par d'autres.

La disposition proposée dans mon mémoire ne sera pas automatiquement appliquée. Tous les règlements ne seront pas tenus de passer par cette procédure parce que ce n'est pas nécessaire dans tous les cas. Un paragraphe prévoit un certain nombre d'exceptions. Ces exceptions sont conçues essentiellement sur le modèle de ce qui se fait ailleurs et s'alignent sur les exceptions prévues dans le cadre de la procédure d'application des politiques fédérales par le Conseil du Trésor.

En effet, il ne sera pas nécessaire de suivre une procédure d'information et de consultation du public lorsque personne ne sera affecté par la réglementation, lorsque aucun changement ne sera apporté à un règlement existant - il y en a des exemples dans la procédure fédérale - lorsque la réglementation ne concernera que des affaires internes du gouvernement ou lorsqu'elle conférera une exonération, lèvera une restriction ou accordera un avantage. Lorsque les gens bénéficient d'une procédure, ils n'ont pas véritablement besoin de la commenter.

Il y a une seule exception à l'application de ces deux types d'exemption dans la disposition que j'ai rédigée. Même une règle interne ou une règle levant une restriction ou accordant une exonération devra faire l'objet d'une procédure d'information et de consultation du public si elle risque d'avoir des répercussions importantes sur les citoyens du Canada. Cela s'explique par le fait que dans ces circonstances, il faut que le public ait son mot à dire. Je pense par exemple à une mesure qui, tout en accordant une exemption qui profite à ceux qui en bénéficient, risque de priver d'autres citoyens de la protection devant leur être accordée par la loi. Dans un tel cas, il faut que le public puisse apporter ses commentaires.

Ma disposition ne s'appliquera pas dans deux autres cas. Il suffit d'en mentionner un. Je reconnais au gouverneur en conseil le pouvoir de décider de ne pas appliquer la procédure d'information et de consultation du public au sujet de la réglementation lorsque la chose n'est pas possible ou tout simplement inutile. J'ai prévu cette possibilité en pensant à l'adoption de règles d'urgence, lorsqu'une situation urgente se présente et qu'il faut trouver rapidement une solution. Je pensais aussi au cas des règlements qui sont régulièrement modifiés sans que cela tire à conséquence, et où cette procédure est tout simplement inutile. J'ai prévu ces éventualités dans ma disposition.

Il y a enfin un dernier paragraphe. Mon article 7.1, qui figure à la page 9, autorise tout simplement un simple citoyen du Canada à présenter une requête aux pouvoirs publics pour que l'on élabore, modifie ou abroge un règlement. Ce pouvoir existe à l'heure actuelle, mais en l'incorporant à la loi, on s'assurerait que ce genre de requête est prise au sérieux. Cela inciterait notre administration à prendre davantage ses responsabilités, chose que le gouvernement du Canada s'est efforcé d'encourager dans sa politique de réglementation. Parallèlement, je soutiens que l'on renforcerait ainsi la confiance dans la procédure de réglementation. La population du Canada saurait que son gouvernement tient compte de ses préoccupations.

Je préciserai que ce type de disposition existe déjà dans la législation des différents États des États-Unis, qui exige souvent qu'une réponse soit donnée dans un délai spécifié à l'avance. Je ne l'ai pas inventé.

Je le répète, je ne veux pas entrer dans tous les détails de mon mémoire. Pour l'essentiel, je conclurai ici mon intervention. Je résumerai en disant que mon mémoire prévoit l'instauration d'une procédure légale d'information et de consultation du public dans le cadre de l'élaboration de la réglementation prévue par le projet de loi C-25, procédure qui aura pour effet de donner à la population canadienne une charte des droits de la procédure concernant l'élaboration de la réglementation. Cela va donc dans le sens des objectifs du projet de loi en mettant à la disposition de tous les Canadiens une procédure de réglementation juste et efficace.

Voilà qui conclut mon intervention, monsieur le président. Merci.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par M. Lebel.

.1555

[Français]

M. Lebel (Chambly): Je vous remercie, monsieur Anisman, pour votre exposé. Je ne sais pas si vous avez, par hasard, consulté les intervenants qui sont venus ici ce matin. Depuis ce matin, on entend des intervenants sérieux, dont les avocats du Barreau du Québec, le professeur Daniel Mockle de l'Université du Québec à Montréal et le professeur Jamie Benidickson de l'Université d'Ottawa, et ils nous ont tous fait à peu près la même remarque que vous.

Je commence à sentir que la proposition est suspecte. Je me dis que ça ne se peut pas, qu'ils se sont consultés, que c'est impossible. Depuis 15 jours, on entend des interventions sur le projet de loi et puis aujourd'hui, d'un seul coup, on arrive avec des propositions d'audiences publiques comme il s'en déroule au Québec actuellement.

Nous, les députés autour de cette table, sommes chargés d'étudier une quelconque discordance entre ce qui serait souhaitable et ce qui est souhaité dans le projet de loi lorsqu'on vient soustraire certains règlements au processus réglementaire de façon arbitraire. Vous avez sans doute lu les articles 5, 6, 7 et suivants du projet de loi. Ne pensez-vous pas que ces dispositions sont carrément incompatibles avec votre proposition?

[Traduction]

M. Anisman: J'ai deux réponses à apporter à votre question si vous me permettez de vous répondre dans la seule langue que je connaisse bien.

Je me félicite tout d'abord d'apprendre que vous avez entendu ce même genre d'intervention ce matin. Je l'ignorais complètement. Je n'ai consulté personne lorsque j'ai rédigé mon mémoire.

Je suis convaincu de la nécessité d'une participation du public au processus d'élaboration des règlements depuis que j'en ai vu les effets aux États-Unis il y a une trentaine d'années alors que je faisais mon droit. J'en ai vu les résultats au Canada lorsqu'elle a été adoptée. Il est bien préférable de faire participer le public plutôt que de lui refiler en douce des textes réglementaires. Je pense d'ailleurs que c'est la procédure généralement acceptée au Canada dans le cadre de la réglementation fédérale actuelle.

Je considère que c'est une question de droit et qu'il faut donc que la disposition figure dans la loi. Pour ce qui est des incompatibilités, si vous voulez - si j'ai bien compris votre question - entre les dispositions des articles 5 à 10, la procédure de réglementation prévue dans le projet de loi et ce que je propose, je ne vois pas d'incompatibilité.

Je pense qu'une procédure d'information et de consultation du public viendrait compléter la procédure. Il me semble d'ailleurs que le projet de loi est rédigé - du moins pour quelqu'un de l'extérieur qui l'interprète ainsi - d'une manière qui vise à ne pas empiéter sur la politique de réglementation du gouvernement telle qu'elle se présente à l'heure actuelle. Il me semble donc...

[Français]

M. Lebel: J'essaie de bien vous comprendre. Vous avez une philosophie que, soit dit en passant, j'approuve entièrement, tout comme celle de ceux qui vous ont précédés. Mais on s'amène maintenant et parle de consultation: consultation au privé, au public lors de l'adoption d'un règlement. Par contre, au paragraphe 5(1) du projet de loi, on va dans une position diamétralement opposée lorsqu'on dit:

5. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, soustraire tout règlement au processus réglementaire.

Il faut donc que notre comité fasse un choix. Est-ce qu'on intercale une proposition comme la vôtre dans un tel texte? Est-ce qu'on modifie l'article 7 tout en vivant avec l'article 1? On dit au paragraphe 5(1) que le gouverneur en conseil peut soustraire du processus réglementaire tout règlement lorsqu'il le juge à propos. Le processus réglementaire que vous proposez dans votre article 7.1 serait le processus réglementaire.

.1600

On est donc pour la vertu et son contraire dans le même projet de loi. C'est ce que j'ai de la difficulté à comprendre.

[Traduction]

M. Anisman: Je dois dire que j'ai pensé à l'article 5 avant de venir ici, et au pouvoir d'exempter certains règlements de l'application de la procédure de réglementation que confère cet article au gouverneur en conseil. Je me suis demandé s'il fallait en parler. Je n'ai pas jugé bon d'aborder l'article 5 dans mon mémoire.

L'article que je propose, qui traite de la procédure d'information et de consultation du public, fera partie intégrante du mécanisme de réglementation, de même que le réexamen auquel procède le ministre ou le sous-ministre de la Justice en fait aussi partie.

Si mon nouvel article 7.1 était adopté, l'article 5 conférerait au gouverneur en conseil le pouvoir d'exonérer un règlement de l'application de la procédure. Le paragraphe 5(1) confère au gouverneur en conseil le pouvoir d'exonérer un règlement de l'application de la procédure lorsqu'il juge bon de le faire. Toutefois, un règlement adopté en vertu des dispositions de l'article 5 devrait à mon avis être soumis à la procédure d'information et de consultation du public, il faudrait qu'il soit justifié et qu'il s'insère dans une procédure publique permettant à la population d'avoir davantage confiance dans la façon dont le gouvernement exerce ses pouvoirs.

J'en ai conclu qu'il n'y aurait aucune incompatibilité, et cela pour deux raisons. L'une a trait au paragraphe 5(4), qui dispose que lorsque le gouverneur en conseil exerce les pouvoirs que lui confère le paragraphe 5(1), il doit respecter les principes dont fait état le projet de loi. Je pense que c'est conforme à ce que prévoit ma disposition.

On peut se demander si le gouverneur en conseil devrait même avoir le droit de faire une exception. J'ai conclu que c'était l'une des prérogatives du pouvoir exécutif dans notre pays et que l'on ne pouvait pas en dépouiller le cabinet. Je considère toutefois que c'est un pouvoir qui doit obéir à des règles de procédure appropriées qui doivent être fixées par la loi. Je pense que le projet de loi s'efforce d'y parvenir par l'intermédiaire du paragraphe 5(4).

Vous avez soulevé un autre argument que j'aimerais aussi évoquer. Vous avez dit que les consultations devaient être privées. Comme je le dis dans mon mémoire, je préconise pour ma part un mécanisme public de consultation. Je considère que ce projet de loi envisage une procédure publique et je suis conforté dans mon opinion par l'alinéa 26b), qui autorise le gouverneur en conseil à établir un système électronique de consultation du public sur les projets de règlement. Il m'a semblé que l'on voulait ainsi favoriser le genre de procédure de consultation publique qui existe à l'heure actuelle au niveau fédéral dans notre pays et je pense que c'est un droit que devrait avoir nos citoyens.

J'estime d'ailleurs que les consultations privées, si elles ne sont pas soumises à une procédure de consultation publique de la manière dont je le propose, par exemple, dans mon article 7.1, minent la confiance que l'on peut avoir dans la procédure de réglementation parce qu'elles amènent les citoyens à penser que seuls ceux qui sont dans l'entourage du gouvernement ou de ses fonctionnaires sont en mesure d'exercer une influence.

Pour en revenir à la question que vous posez à la base, il m'apparaît que mon projet d'article 7.1, la procédure d'information et de consultation du public que j'ai formulée, est conforme à ce que je considère comme les principes à la base de ce projet de loi et, bien entendu, à ses objectifs. J'affirme qu'elle va dans le sens de ces grands principes et qu'elle renforce la qualité de la procédure de réglementation du gouvernement fédéral en donnant à la population le droit de se faire entendre.

Je ne sais pas si j'ai pleinement répondu à votre question.

[Français]

M. Lebel: Oui, mais je dois forcément vous poser une autre question. Je considère que votre argument est sérieux. Comment pouvez-vous concilier la consultation publique et le respect du processus réglementaire avec les dispositions du projet de loi qui suspendent la procédure de publicité des nouveaux règlements dans plusieurs cas?

.1605

Dans certains cas, on ne saura pas qu'un règlement a été adopté. J'incorpore mentalement tout de suite la modification de l'article 7.1 que vous proposez. Je me dis que le gouverneur en conseil peut en tout temps décréter qu'il ne publie pas un règlement, ni dans la Gazette officielle ni ailleurs. Cette question a fait l'objet de discussions sérieuses ici.

Donc, encore là, vous vivez bien avec tout ça, y compris l'article 7.1 que vous proposez?

[Traduction]

M. Anisman: Je ne veux pas chercher à défendre l'alinéa 26g), qui est je pense celui auquel vous vous référez, et qui autorise le gouverneur en conseil à procéder à une exception. Je me suis penché sur cette disposition et je dois vous avouer que j'ai eu quelques doutes. J'ai considéré qu'il s'agissait là d'une politique du gouvernement, et je n'ai pas pris part à suffisamment de négociations fédérales-provinciales, à suffisamment de négociations sur des questions internationales ou à suffisamment de discussions sur les problèmes de sécurité nationale pour être en mesure de vous dire dans quelles circonstances le gouvernement pourrait envisager de recourir à cet alinéa.

J'ai un peu participé il y a quelques années, en tant que fonctionnaire, à des négociations fédérales-provinciales, et nos discussions étaient de manière générale très franches. J'aurais toutefois pensé que par principe tous les règlements devaient être publics et mis à la disposition du public.

Je ne peux défendre l'alinéa 26g). Disons-le franchement, je ne pense pas être qualifié pour en parler. Je ferais simplement remarquer, après avoir lu le projet de loi, qu'une personne qui enfreint l'un de ces règlements ne peut être poursuivie. Je ne sais pas si ça peut constituer une excuse, mais c'est la chose que je ferais cependant remarquer.

[Français]

M. Lebel: Vous me reportez à l'alinéa 26g) que j'avais à l'esprit, mais une exemption semble également se dégager de l'article 10. À l'article 11, par une interprétation sui generis, on peut avoir d'autres sortes de règlements ou d'applications purement spécifiques qui seront également exemptés de l'obligation d'être publiés.

Le paragraphe 10(4) stipule que:

(4) Le fait que le règlement n'a pas été publié conformément au présent article ne constitue pas un motif d'invalidité.

Donc, on l'admet dans l'article-même. Ce paragraphe veut donc dire qu'on a adopté un règlement et qu'on ne l'a pas publié par la suite, tout simplement.

Je comprends qu'on puisse invoquer pour des motifs de sécurité nationale ou de paix entre le fédéral et les provinces l'alinéa 26g), mais le paragraphe 10(4) se justifie mal dans un processus qu'on veut clair, ouvert à tout le monde et consultatif, ne pensez-vous pas?

[Traduction]

M. Anisman: Vous me posez des questions qu'il serait préférable d'adresser aux responsables de la rédaction de ce projet de loi. En tant qu'intervenant de l'extérieur, je me contente de lire le projet de loi et de faire des suppositions.

[Français]

M. Lebel: Nous leur avons posé la question, mais ils n'ont jamais répondu.

[Traduction]

M. Anisman: Je suppose que le paragraphe 10(4) s'applique aux erreurs qui peuvent avoir été commises. Il ne porte pas sur les règlements pour lesquels on a délibérément cherché à détourner les exigences de la loi. On vise simplement ici les cas où des règlements qui devaient être publiés ne l'ont pas été.

C'est ce que je suppose, mais d'autres sont peut-être mieux placés que moi pour répondre à cette question.

[Français]

M. Lebel: Je vous remercie, vous êtes bien gentil.

Le président: Merci, monsieur Lebel.

[Traduction]

Monsieur Maloney.

M. Maloney (Erie): L'article 7.1 que vous proposez exige que l'on accorde la possibilité de faire des commentaires par écrit au sujet du règlement pendant un délai de 60 jours. Nous avons aussi entendu des gens nous dire qu'il fallait en plus tenir des audiences publiques. Qu'en pensez-vous? Jugez-vous que c'est nécessaire? Pensez-vous que c'est souhaitable? Est-ce que c'est recommandé, à votre avis, et dans quel cas?

.1610

M. Anisman: J'ai rédigé trois séries de dispositions de ce type. La première dans le cadre de propositions portant sur une législation des valeurs mobilières au Canada. La deuxième dans le cadre d'une proposition de loi que j'ai fait figurer dans un mémoire présenté il y a deux ans au Groupe d'étude de l'Ontario sur la réglementation des valeurs mobilières, et que j'ai reprise dans un article que j'ai publié par la suite. C'était là la troisième série.

Ma réponse à votre question est très simple. Les autres dispositions que j'ai rédigées s'adressaient à des organismes de réglementation. J'y faisais figurer un article autorisant l'organisme à tenir des audiences publiques ou un genre de tribunal s'il le souhaitait afin de pouvoir le cas échéant entendre les témoignages et procéder à des contre-interrogatoires.

Il peut y avoir des cas où les questions de fait sont suffisamment contestées pour que les responsables du gouvernement veuillent mettre en place un mécanisme afin que les gens puissent se faire entendre, auquel cas il pourra être justifié de tenir des audiences comme on le fait devant un tribunal.

Il peut y avoir des cas où de par leur nature les règlements présentent un tel intérêt général qu'il pourrait être justifié de mettre en place une procédure d'audiences officielle permettant aux gens de venir témoigner. Je ne pense pas que cette exigence s'impose pour tous les règlements ou qu'il faille en faire une obligation dans le cadre d'une procédure minimale d'information et de consultation du public.

Je considère cependant que les pouvoirs publics chargés d'élaborer des règlements devraient pouvoir tenir des audiences de cette nature s'ils le jugent appropriés. Je dois dire cependant que lorsque je pense à cette procédure, mon modèle est généralement un organisme de réglementation comme la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, qui a déjà procédé ainsi à l'occasion, ou le CRTC, qui l'a fait lui aussi, et pas nécessairement un ministère. Je ne voudrais pas imposer ce genre d'obligation à un ministère, ni à un organisme, d'ailleurs.

Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Maloney: Mais certainement, je vous remercie.

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Kirkby.

M. Kirkby (Prince-Albert - Churchill River): En ce qui a trait à votre proposition d'information et de consultation, lorsque certains règlements sont déposés, c'est probablement à ses risques et périls que le gouvernement omettrait d'aller s'adresser aux différentes parties prenantes, ne serait-ce que pour connaître les différents points de vue. Il arrive aussi que ces règlements soient extrêmement techniques, et que le législateur, ou même les administrateurs, n'aient pas suffisamment de temps, de ressources et de connaissances pour s'en occuper comme il se doit. Ne sommes- nous donc pas obligés quoi qu'il en soit d'aller nous adresser directement aux gens qui sont concernés par ces règlements?

N'est-il pas vrai en outre que dans certains cas, la réglementation présente un tel intérêt général que l'on va faire le maximum pour tenir des audiences publiques, comme vous le dites, à l'échelle du pays, pour contre-interroger les témoins et tutti quanti? Dans d'autres cas, il est peut-être préférable de ne procéder qu'à des consultations non officielles, et dans d'autres encore, même ces consultations non officielles restent encore trop formelles compte tenu de la nature du règlement. Ne voulez-vous pas laisser un certain pouvoir d'appréciation aux responsables afin qu'ils puissent juger de ce qu'il faut faire dans tel ou tel cas particulier?

M. Anisman: Il est difficile de vous répondre en un mot. Je dirais que non, mais j'aimerais vous expliquer pourquoi.

.1615

Vous m'avez posé deux questions, qui ne sont que deux façons de voir la même chose. La première est en effet la suivante: il est probable que le gouvernement va consulter de toute façon, pourquoi vouloir alors à tout prix que ce soit précisé dans la loi?

J'y ai pensé, parce que lorsque j'ai répondu à l'invitation de comparaître devant votre comité, je savais qu'il y avait une politique fédérale en matière de réglementation qui exigeait effectivement une consultation dans la plupart des cas. Je me suis demandé s'il était bien utile de venir vous voir à Ottawa pour vous demander de faire figurer cette disposition dans la loi.

J'ai conclu par l'affirmative. Je pense que c'est le cas, parce que je considère que la participation du public est suffisamment importante pour que ce ne soit pas laissé à l'appréciation du gouvernement. La participation du public est suffisamment importante dans mon esprit pour qu'on en fasse un droit pour les citoyens. C'est pourquoi j'ai parlé d'une charte des droits, d'une charte s'appliquant à la procédure réglementaire.

Lorsque le gouvernement fédéral a adopté la Déclaration des droits, ce n'est pas parce que l'injustice régnait au Canada et que ce pays ne voulait pas entendre les gens faisant l'objet d'une procédure judiciaire. C'est la common law qui était appliquée. Toutefois, le gouvernement a conclu que les enjeux étaient si fondamentaux et si importants qu'il était nécessaire d'adopter une déclaration des droits. Par la suite, des droits semblables ont été incorporés à la Constitution, à la Charte canadienne des droits et libertés.

Je considère tout simplement dans mon mémoire que le droit de participer à l'élaboration des règlements est si fondamental, compte tenu de l'effet généralisé et considérable qu'ont les règlements sur la vie quotidienne de chacun des Canadiens qu'il faut tout simplement l'incorporer à la loi. D'ailleurs, le fait que le gouvernement s'en charge - et la disposition que j'ai rédigée s'appuie sur la pratique du gouvernement - nous laisse entendre qu'une incorporation à la loi ne peut pas nous faire de mal.

Cela m'amène à votre deuxième argument, qui est celui du pouvoir d'appréciation. Je ne pense pas que l'on puisse accorder un pouvoir d'appréciation absolu qui ferait que le gouvernement pourrait décider s'il juge bon ou non de recourir à une procédure d'information et de consultation du public. Je pense qu'il doit y avoir un pouvoir d'appréciation, mais qu'il faut que ce pouvoir soit bien encadré.

Le paragraphe 7.1(4) que j'ai proposé me paraît conférer un pouvoir d'appréciation suffisant au gouvernement, celui-ci pouvant procéder de manière à ne pas avoir à recourir inutilement à une procédure d'information et de consultation du public.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

M. Lebel: Non, c'est bien pour moi. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, M. Anisman. Je vous remercie d'être venu. Je me félicite de voir que lorsque vous vous êtes posé la question, vous avez finalement décidé de venir à Ottawa. Vous nous avez fait un exposé très intéressant. Merci aussi de nous avoir remis votre mémoire, que nous allons lire et sur lequel, nous l'espérons, tout le monde pourra réfléchir.

Merci encore, et je vous souhaite un bon trajet de retour à Toronto.

M. Anisman: Merci, monsieur le président. J'ai un autre document que je me ferai un plaisir de vous remettre s'il peut vous paraître utile.

Le président: Oui, faites.

M. Anisman: La proposition de loi que j'ai rédigée se trouve dans le mémoire, en caractères gras. J'en ai rédigé une autre version qui ne met en caractères gras que les passages venant s'ajouter aux dispositions actuelles du projet de loi. Si vous le jugez utile, je me ferai un plaisir d'en fournir une copie au greffier du comité.

Le président: Si vous le voulez, nous en serions très heureux.

M. Anisman: Merci de m'avoir invité à comparaître.

Le président: Il n'y a pas de quoi. Je vous remercie.

Nous allons faire une pause de cinq minutes avant d'entendre les témoins suivants.

.1619

.1627

Le président: Le sous-comité reprend ses audiences au sujet du projet de loi C-25. Nous avons la chance d'avoir parmi nous cet après-midi deux éminents collègues qui n'ont pas besoin en fait de présentation mais qui sont très calés sur le sujet. Comme tous les membres du comité, j'attends avec impatience leur exposé de cet après-midi. Je veux parler de Derek Lee et de Tom Wappel, qui sont tous deux députés.

Messieurs, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir comparaître cet après-midi devant notre comité. Nous savons que vous avez aussi travaillé sur ce sujet et je dois vous avouer que nous sommes impatients de profiter des informations que vous avez pu recueillir. Je vous demanderais donc de faire chacun un exposé, en prenant tout le temps que vous voudrez, après quoi, comme vous le savez, nous espérons pouvoir vous poser des questions.

Donc, sans plus tarder, nous allons donner la parole à M. Lee.

M. Derek Lee, (député de Scarborough - Rouge River): Merci, monsieur le président. Nous allons probablement nous relayer au microphone, M. Wappel, pour que personne ne s'endorme, et je pense que nous en aurons ici pour une quinzaine ou une vingtaine de minutes.

Je voudrais tout d'abord que soient consignés dans notre procès-verbal nos états de service.M. Wappel et moi-même avons été présidents du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation. Le président actuel du CMP - j'utiliserai ce sigle, c'est plus court - siège ici au sein de votre comité. Avec ces trois présidents, nous remontons en 1988-1989.

Nous voulons ici attirer l'attention des membres de ce sous- comité sur un certain nombre de sujets de préoccupation que nous avons relevé avec M. Wappel au sujet du projet de loi C-25. Nous comparaissons ici en tant que députés et à titre individuel. Nous ne comparaissons pas pour le compte du CMP. Vous n'ignorez pas que le CMP se penche lui aussi à l'heure actuelle sur ce projet de loi en raison de ses incidences réelles ou autres sur la façon dont le Parlement examine le domaine de la réglementation.

.1630

Vous savez que l'on avait présenté lors de la dernière session du Parlement un projet de loi qui était essentiellement le même que celui-ci, il s'agissait du projet de loi C-84, et je pense que vous savez aussi, on s'est entendu là-dessus lors de cette session, du moins dans le camp du gouvernement, qu'après la première lecture, le projet de loi C-84 devait être renvoyé devant un sous-comité du comité des opérations gouvernementales composé des membres du CMP, à l'exception du président, qui était Ian Murray. Pour des raisons que je ne connais pas, cet accord n'a pas été suivi d'effet lors de la session d'alors et le projet de loi a été déposé, adopté en seconde lecture et renvoyé devant votre comité, comme vous le savez tous.

Je vais maintenant passer aux questions de fond. Je ne pense pas qu'elles soient nombreuses, mais j'estime qu'elles sont importantes. Je vais maintenant passer le relais à M. Wappel.

M. Tom Wappel, (député de Scarborough-Ouest): Merci, monsieur Lee, et merci, monsieur le président.

Laissez-moi préciser une ou deux choses au sujet de l'historique que vient de faire M. Lee. Nous ferons remarquer au comité, au cas où cela l'intéresse, que l'on s'est nettement écarté de la procédure habituelle pour ce qui est de la présentation de ce projet de loi étant donné qu'il vous a été renvoyé en deuxième lecture alors qu'il ne fait que reprendre le projet de loi antérieur qui, lui, avait été renvoyé devant le sous-comité avant la deuxième lecture.

L'intérêt de la chose, évidemment, c'est que la première mouture de ce projet de loi aurait été bien plus facile à amender parce qu'elle a été renvoyée devant le comité avant la deuxième lecture. C'était l'un des objectifs avancés par le gouvernement libéral en matière de réforme des travaux de la Chambre des communes - conférer au comité davantage de pouvoirs d'amender les projets de loi.

Il est plus qu'étrange que soudainement on change complètement de fusil d'épaule et que ce même projet de loi, non seulement ne soit pas renvoyé avant la deuxième lecture, mais ne soit même pas renvoyé devant le comité des opérations du gouvernement mais devant celui de la justice. Nous attirons simplement votre attention sur ce point et nous vous demandons d'y réfléchir, parce qu'il faut évidemment qu'il y ait une raison.

Il était entendu par ailleurs qu'il y aurait au sein du comité antérieur des membres du gouvernement qui étaient par ailleurs membres du comité d'examen de la réglementation, ce qui s'est effectivement passé. Comme vous pouvez le voir en regardant autour de vous, il n'y a au sein de votre comité aucun membre du gouvernement qui siège aussi au comité d'examen de la réglementation, et l'on peut se demander pourquoi.

Pour ma part, je vais partir de ce que j'appellerais une analogie simplifiée - je resterai bref, car je suis sûr que les témoins vont vous dire souvent la même chose - pour vous faire comprendre l'importance de la procédure de réglementation et les raisons qui nous ont incité à venir ici vous donner notre point de vue.

Si nous assimilons les lois et les règlements à un corps humain, je dirais que de manière générale - ce n'est pas toujours le cas, bien entendu - la loi est le squelette et les règlements sont la chair, les muscles et les nerfs. Il s'ensuit que c'est par la voie des règlements et de la procédure réglementaire que la plupart des Canadiens sont touchés par les lois que nous adoptons. Nous avons entendu le témoin précédent nous exposer ici à quel point les règlements étaient omniprésents dans la vie quotidienne des Canadiens, demandant pour cette raison même que la population ait la possibilité de prendre part à la procédure. Je suis bien entendu tout à fait d'accord avec lui.

Pour vous donner quelques exemples, pratiquement tous les formulaires que doivent remplir les Canadiens dans leurs relations avec le gouvernement fédéral sont définis par un quelconque règlement, et il nous suffit de penser aux demandes de numéro d'assurance sociale, de prestations d'assurance-chômage, de prestations au titre du Régime de pensions du Canada ou de la sécurité de la vieillesse, et autres choses de ce genre, et ce n'est bien entendu que la pointe de l'iceberg.

Pensons à la transformation des aliments. Il faut nettoyer les machines. Il y a des règlements qui traitent de la façon de nettoyer les machines, des différentes machines qui doivent être nettoyées, de la fréquence du nettoyage. Il y a des règlements qui s'appliquent à tout ce qui a trait à la transformation des aliments ainsi qu'aux poids et mesures - comment on mesure et pèse les produits alimentaires et tous les autres produits. Il y a aussi l'emballage et l'étiquetage - qu'est-ce qui doit figurer sur un emballage, quel type d'emballage bilingue il faut avoir - tout cela est fixé par la réglementation.

Que dire aussi des évaluations environnementales? De certaines exemptions lorsqu'on procède à une évaluation environnementale? Ce sont toutes des choses très importantes qui font l'objet d'une réglementation. Et que dire aussi de la conception des nouveaux produits dans le secteur de la santé? Je pense ici, par exemple, aux nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché. Tout cela fait l'objet d'une réglementation.

L'important, ce n'est pas la loi que l'on est censé adopter. Dans le journal d'aujourd'hui, nous voyons que l'industrie du tabac a peur que la plupart des mesures qui risquent de les affecter soient adoptées par voie de règlement. Pourquoi? Parce qu'elle craint que par conséquent ces mesures ne soient pas pleinement réexaminées par le Parlement. Ça, c'est très important.

Il suffit d'écouter les débats de cet après-midi au sujet du projet de loi sur les pêches; on lui reproche entre autres d'accorder des pouvoirs illimités au ministre en ce qui a trait à l'octroi des permis de pêche. En vertu de quoi? En vertu de la réglementation. La vie des gens va être affectée par la réglementation.

Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation se penche chaque année sur plus de 1 200 règlements, qui tous influent d'une manière ou d'une autre sur la vie des Canadiens. Ils traitent de tous les sujets, du plus mineur au plus important.

Nous avons examiné les règlements concernant les rennes, si vous vous en rappelez. Voilà qui ne va pas toucher de nombreux Canadiens. Par contre, nous avons aussi examiné des règlements exonérant d'immenses projets de l'application des normes courantes en matière de révision environnementale.

Nous estimons donc que même s'il ne s'agit pas ici d'un projet de loi très publicisé, contrairement au projet de loi sur le contrôle des armes à feu ou autres textes de ce genre, mais le fait que nous traitions des règlements fait que notre étude est en soi profondément importante pour l'ensemble de la population du Canada, parce que chacun d'entre nous va, sous une forme ou sous une autre, subir les conséquences - et les a déjà subies - de la procédure réglementaire. Par conséquent, toute manipulation de la procédure réglementaire risque d'affecter tôt ou tard l'ensemble des Canadiens.

Je vais redonner la parole à M. Lee qui va nous parler... Nous n'allons évoquer en fait que quatre sujets. Il y a bien des choses dont on pourrait parler au sujet de ce projet de loi. Nous allons essentiellement faire porter notre analyse sur quatre points sur lesquels nous aimerions que vous réfléchissiez lors de vos délibérations.

M. Lee: Merci.

La première chose que je veux évoquer, c'est le principe de la publication. Je sais que l'on vous a remis des mémoires à ce sujet. Par le passé, c'est au moyen des publications que les Canadiens ont eu connaissance de l'adoption des lois et des règlements d'application. Ce projet de loi propose de modifier la quantité de textes publiés. Il comporte bien d'autres dispositions, bien entendu, mais je vais m'en tenir à cet élément de la publication.

La législation actuelle confère au gouvernement la possibilité de décider ponctuellement de ne pas publier, en faisant une dérogation dans des cas particuliers. Il y a des dérogations qui s'imposent comme dans le cas des relations entre États ou des questions mettant en jeu la sécurité nationale. Ce sont des dérogations généralement acceptées.

Il semble que ce projet de loi prévoit désormais deux autres types de dérogations à l'obligation de publication. La première se trouve au paragraphe 5(1), tel que je l'interprète; elle permet au gouverneur en conseil d'adopter des règlements supprimant l'obligation de publication. La formulation est assez vague, et même si je n'accuse pas les pouvoirs publics de faire preuve de mauvaise foi au cours de cette décennie, qui peut savoir ce qui va se passer lorsque l'État sera encore plus omniprésent au cours du prochain millénaire? Je n'en sais rien. Ce que je dis, par conséquent, c'est que le paragraphe 5(1) laisse se créer une situation dans laquelle une disposition de loi qui a des effets sur les citoyens ne sera pas publiée. Je n'évoquerai pas toutes les difficultés qu'entraîne une telle mesure, mais il n'en reste pas moins que c'est le premier problème.

.1640

En second lieu, au moyen de ce que je considère comme une définition assez artificielle de ce que l'on appelle «le recours à la formule magique» - je pense que vous en avez déjà entendu parler - le gouvernement va considérer que seuls les règlements contenant la formule magique vont devoir être soumis à la procédure et à l'obligation de publication.

Si je suis en terrain connu, je vais passer rapidement.

Le président: Continuez, M. Lee. Il n'est pas question de vous en empêcher. Sentez-vous bien libre d'aborder tous les sujets qui vous paraissent nécessaires. Certaines questions ont peut-être déjà été évoquées auparavant, mais pas nécessairement de la façon dont vous souhaitez le faire. Il n'y a donc pas de politique établie. Vous avez entièrement les mains libres.

M. Lee: Très bien.

La formule magique à laquelle se réfère cette loi revient essentiellement à exiger que l'article d'habilitation de la loi correspondant au règlement comporte les mentions «par voie de règlement», «par voie de décret» ou toute autre formule faisant référence au pouvoir qui est délégué de passer des règlements ou des décrets d'application. Si la loi qui délègue ainsi ces pouvoirs, que ce soit fait sciemment ou non, ne comporte pas la formule magique «par voie de décret» ou «par voie de règlement», les règlements adoptés en vertu de ce texte ne seront pas soumis à la procédure généralement prévue dans cette loi. Autrement dit, on ne sera pas tenu de publier les règlements pris en vertu de cette loi.

M. Wappel va vous reparler des problèmes posés par cette formule magique. Je m'en tiendrai simplement à la question de la publication.

Que ce soit les députés qui oublient de faire figurer les termes «par voie de décret» ou «par voie de règlement», ou que ce soit un ministère qui les oublie sciemment ou non à l'avenir, il n'y aura pas de différence. En l'absence de ces mentions, on ne sera pas tenu de publier, et c'est là un problème potentiel.

L'absence de publication pose un problème pour les citoyens. Si le gouverneur en conseil décide par exemple que certaines personnes ne seront pas admises dans les forces armées - et ce n'est là qu'un exemple, parce que cela peut porter sur n'importe quel règlement, qu'il s'agisse de rennes ou de toute autre chose - il peut se faire qu'un règlement découlant d'un texte qui ne comporte pas la formule magique, ou qu'un règlement exempté de publication par le paragraphe 5(1), ne soit pas publié. Les citoyens n'auront aucun moyen physique d'en prendre connaissance.

Mettez-vous à la place du greffier d'un tribunal de Vancouver. Le juge demande une copie d'un règlement que le témoin ou que l'avocat vient juste d'évoquer. Où se trouve-t-il? Le greffier va chercher dans la réglementation publiée sans pouvoir éventuellement le trouver. Il n'est pas certain que le greffier puisse réussir à trouver un règlement qui n'a pas été publié. Même si ce n'est pas grand-chose, s'il n'a pas beaucoup d'importance, dans un tribunal ces choses-là peuvent tirer à conséquence. Il y a donc là un risque que je tiens à souligner pour que les députés en prennent conscience.

Au CMP, on s'est posé la question de savoir ce qui se passerait si un citoyen voulait prendre connaissance d'un de ces règlements qui risque de ne pas être publié. On nous a répondu entre autres qu'il pouvait se prévaloir de la Loi sur l'accès à l'information. Je dis ici à mes collègues qu'il est intolérable que notre gouvernement, notre Parlement, adopte des lois qui n'offrent comme seul recours, à un citoyen qui souhaite savoir quelles sont les lois qui ont été adoptées, que de déposer une demande d'accès à l'information. Ce n'est tout simplement pas ainsi que devrait fonctionner notre système législatif au Canada.

Je vous ai déjà dit que c'était choquant, mais c'est théoriquement possible. Je suis sûr que personne dans cette salle n'a l'intention, au moment où nous nous parlons, de dire à un citoyen qu'il lui faut déposer une demande d'accès à l'information pour prendre connaissance d'un règlement ayant été adopté. Je parle donc de ce problème d'accès à l'information pour mentionner qu'il y a un risque.

.1645

On nous dit aussi dans la loi - ce n'est pas la formulation exacte, je paraphrase - qu'il n'est pas nécessaire de s'inquiéter de la non-publication d'un règlement parce que l'on ne pourra jamais être reconnu coupable de ne pas avoir respecté un règlement non publié. Cela ne veut pas dire cependant que l'on ne pourra pas être inculpé et que l'on ne devra pas avoir à retenir les services d'un avocat et encourir des frais pour se défendre contre une loi qui en théorie, est éventuellement impossible à trouver. Ça aussi, c'est inadmissible.

Je pense que M. Wappel va lui aussi évoquer ce dernier point: si certains de ces règlements ne sont pas publiés, et même si le comité mixte permanent a l'obligation légale de revoir et d'examiner les textes, je demande aux membres de votre comité comment le comité mixte permanent va bien pouvoir faire pour s'assurer qu'il a devant lui tous les règlements s'ils ne sont pas publiés. Où se trouve le corps de lois secret dont on n'est pas sûr d'avoir la totalité, auquel personne n'a accès pour s'assurer que tous les règlements sont bien examinés et qu'ils sont bien conformes à la loi? Nous n'en sommes pas sûrs et j'imagine que tout ce qu'il restera à faire au comité, c'est d'exiger que chacun des ministères et chacun des ministres lui remette chaque mois l'ensemble des documents, des livres et des règlements qui ont été adoptés au cours des 30 jours précédents.

Je pousse un peu ici en préconisant une telle solution, mais si vous êtes un membre du Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation, vous perdez la possibilité de prendre connaissance de l'ensemble des règlements s'ils ne sont pas publiés dans leur intégralité.

Là-dessus, je passe la parole à M. Wappel.

M. Wappel: Monsieur le président, je vais vous parler de la «formule magique», de ce qu'elle signifie et de la raison pour laquelle nous considérons qu'il y a là un risque.

Lorsqu'on évoque la formule magique, on doit savoir ce qu'est exactement un règlement. D'aucuns se demanderont en quoi cela est si important. Comme M. Lee vient de vous le dire, nous jugeons que c'est important parce que seuls les règlements contenant la formule magique seront publiés et, par conséquent, soumis à l'examen du Parlement. Sauf dans les cas où la formule magique interviendra et se montrera efficace, on pourra se passer du Parlement et l'empêcher de faire son travail d'examen.

Je vais vous expliquer en quoi consiste la formule magique. Si vous voulez savoir ce qu'est un règlement, vous allez voir normalement à l'article des définitions de la loi. D'ailleurs, vous allez effectivement trouver au paragraphe 2(1) la définition d'un règlement. Elle s'y trouve, elle est formulée clairement, elle est extensive et l'on pourrait penser que tout s'arrête là. Pour savoir ce qu'est un règlement, on consulte le paragraphe 2(1) et l'on part du principe que les règlements seront publiés. Il n'en est rien, pourtant, parce qu'il faut interpréter le paragraphe 2(1) en fonction de l'article 4, qui est l'article fondamental. C'est dans cet article que l'on maintient le principe de la formule magique pour savoir en quoi consiste un règlement.

Certains pourront se demander en quoi consiste le principe de la formule magique. Sa définition ressort plus ou moins de l'article 4, qui dispose que la procédure d'élaboration normale des règlements, y compris - et j'insiste sur ce point - l'examen de ces règlements par le Parlement, ne s'applique pas à moins que la disposition habilitante en vertu de laquelle est prise le règlement:

Vous allez maintenant me demander ce que ça signifie. Ça signifie que si la disposition habilitante parle de règlement, c'est alors un règlement soumis à la procédure réglementaire normale, y compris à l'obligation de publication et d'examen par le Parlement. Si la disposition habilitante ne comporte pas la formule magique qui qualifie expressément le texte de règlement, ce règlement - car c'est toujours un règlement aux termes de la définition donnée par le paragraphe 2(1) - ne sera pas soumis à la procédure normale de réglementation même si ça reste encore un règlement. On ne sera pas tenu de le publier et, je le souligne, on ne sera pas vraiment tenu de le faire examiner par le Parlement ou par la population canadienne.

.1650

Nous disons que ce n'est pas logique. Un règlement est un règlement ou n'en est pas un. Je ne pense pas qu'on puisse discuter. Si c'est un règlement aux termes de l'article 2, nous disons qu'il doit être soumis à la procédure réglementaire, que l'on ait employé ou non la formule magique. Cette distinction artificielle... à savoir par exemple s'il s'agit d'un règlement parce qu'on l'appelle règlement ou parce qu'il est défini comme étant un règlement, sans que la formule magique ait été employée, risque d'avoir des conséquences injustes ou contraires aux effets recherchés pour la population du Canada.

Laissez-moi vous donner un exemple. Le paragraphe 10(1) du projet de loi dispose:

Les règlements doivent donc être publiés dans la Gazette du Canada. Mais dans cette phrase, monsieur le président, le mot «règlement» n'a pas le sens qu'il a au paragraphe 2(1), alors qu'on aurait pensé, logiquement, qu'il avait le même sens. Le mot «règlement» est défini au paragraphe 2(1). Le paragraphe 10(1) prévoit que les règlements sont publiés, mais voilà que ce ne sont pas les règlements définis au paragraphe 2(1) qui doivent être publiés, mais les règlements tels que prévus au paragraphe 4(1) - c'est-à-dire, ceux qui sont désignés en tant que tels par certains mots magiques.

En l'espèce, donc, un mot est défini dans la loi, mais une autre disposition du même texte vient modifier la définition sans que personne, si je puis dire, ne s'en aperçoive, à moins de se pencher sur la question avec beaucoup d'attention.

Tout cela, monsieur le président, veut dire, très simplement, qu'un règlement qui répond effectivement à la définition prévue à l'article 2, mais qui n'utilise pas les mots magiques prévus à l'article 4, ne sera pas publié. Cela manque de logique. Un règlement qui en est effectivement un selon la définition qu'en donne la loi, ne sera donc pas publié s'il ne contient pas la formule magique qui seule permet, selon l'article 4, de déclencher le mécanisme de publication. C'est dire que, de manière générale, comme l'a fait remarquer M. Lee, le citoyen ordinaire ignorera l'existence du règlement en question, même s'il s'agit d'un règlement susceptible de le toucher directement ou indirectement.

Nous estimons qu'il n'existe aucune bonne raison - et je pèse mes mots - de retenir l'utilisation de cette formule magique, les exigences en matière d'examen, d'enregistrement et de publication devant, d'après moi, s'appliquer à toute législation subordonnée, à moins que les pouvoirs réglementaires conférés par le projet de loi ne prévoient une exception formelle à cet égard.

Monsieur le président, il ne faut pas oublier que l'un des principaux objets du texte est d'assurer que la législation subordonnée - nous appelons les règlements des textes de législation subordonnée puisqu'ils ont, au Canada, les mêmes effets qu'une loi - soit portée à la connaissance de ceux auxquels elle s'applique, c'est-à-dire les habitants de notre pays. Nous estimons que, compte tenu de l'objet même du projet de loi, il est presque impossible de justifier le fait de ne pas publier certaines règles au motif que le texte déléguant le pouvoir d'élaborer ces règles ne précisait pas le type de document dont il pourrait s'agir, alors qu'on exige la publication de règles analogues si elles ont été élaborées en vertu d'un pouvoir contenant les mots magiques «par décret» ou «par règlement». Il s'agit là d'une différenciation artificielle sans la moindre justification logique.

Permettez-moi de vous citer un exemple. Disons qu'une loi prévoit que le gouverneur en conseil «peut réglementer le transport des marchandises dangereuses». Faites bien attention à la formule utilisée: «Peut réglementer le transport des marchandises dangereuses». Tout texte élaboré dans le cadre de ce pouvoir de «réglementer» ne sera pas considéré comme un règlement bien qu'il s'agisse à l'évidence d'un texte de législation subordonnée.

.1655

Pourquoi en sera-t-il ainsi? Parce que la formule magique n'a pas été utilisée. Si la même loi prévoyait que le gouverneur en conseil «peut par décret» - et là les mots magiques ont été utilisés - «réglementer le transport des marchandises dangereuses», le texte élaboré dans le cadre de ce pouvoir sera considéré comme un règlement. Le recours à une formule magique crée une distinction tout à fait artificielle entre deux catégories de législation subordonnée, distinction qui ne se défend ni en droit ni en logique.

Monsieur le président, permettez-moi de revenir sur tout cela en utilisant l'exemple précis du transport de marchandises dangereuses. Je ne parle pas d'un troupeau de rennes, mais bien de marchandises dangereuses.

Supposons que ce texte soit adopté, selon la manière dont il est libellé par son rédacteur, et selon aussi que, dans 15 ans, ceux qui sont actuellement députés demeurent conscients de cette particularité, et à même de relever si le texte contient ou non les mots magiques, les règlements touchant le transport des marchandises dangereuses pourraient très bien ne pas avoir à être publiés, échappant par là même à l'examen du public. Ce n'est pas l'effet que peut viser cette loi, mais c'est, d'après nous, un bon exemple du problème que nous vous signalons.

Monsieur le président, les répercussions au niveau de l'examen parlementaire des règlements n'ont pas à être démontrées. Si un texte n'est pas publié, il sera en fait impossible au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, à tout comité de la Chambre, à tout député, ou à tout citoyen d'examiner les règlements qui, en vertu de l'article 4, échappent au processus réglementaire. En théorie, ces textes sont soumis à examen puisqu'il s'agit de règlements, mais en pratique, étant donné qu'ils ne seront pas publiés, seuls leurs auteurs en connaîtront l'existence. Cela me paraît très dangereux.

C'est pourquoi nous recommandons l'abandon de cette différenciation entre ce qui est règlement et ce qui ne l'est pas, en fonction de la seule présence ou non de certains mots magiques. Si c'est un règlement, il doit être soumis au processus réglementaire, sous réserve, comme toujours, que le gouverneur en conseil peut l'en exempter, mais, dans ce cas-là, l'exemption doit elle-même être publiée, permettant ainsi au public de s'en informer.

Ou bien - et ce n'est pas la solution que nous proposerions - prévoyons, au minimum, que si le projet de loi ne donne pas au public la possibilité d'examiner tous les règlements, tout règlement, qu'il soit publié ou non, devrait à tout le moins nous être transmis sans que nous ayons à en faire la demande, et lorsque je dis «nous», j'entends tous les membres du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation... On devrait prévoir que tout règlement, qu'il soit publié ou non, sera obligatoirement transmis au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, ou à tout autre comité qui, selon la Chambre, devrait en recevoir copie, afin de conserver au système une certaine transparence et de donner aux citoyens l'occasion d'examiner les règlements adoptés, même lorsque ceux-ci ne sont pas publiés.

Nous estimons que cela est absolument essentiel et c'est d'ailleurs l'une des raisons qui m'a porté à venir témoigner. Je suis venu précisément pour attirer votre attention sur ce point.

Je vais maintenant passer la parole à M. Lee, qui veut vous entretenir d'autre chose. Il vous expliquera de quoi il s'agit. Cela ne se trouve pas dans le projet de loi, et cette absence est elle-même extrêmement intéressante. Il vous expliquera pourquoi. Il s'agit du droit d'annuler un règlement.

M. Lee: Merci.

C'est vers 1985 que le Parlement a modifié le règlement de la Chambre des communes, en partie en vue d'instaurer l'actuelle disposition touchant l'examen de la réglementation par le comité mixte permanent, tel qu'il est actuellement prévu, et afin, aussi, de conférer ce qu'on appelle un droit d'annulation.

Le comité mixte permanent exerce ses fonctions depuis plus de 25 ans. Le droit d'annulation figure au règlement de la Chambre depuis 1985. Ce pouvoir n'a été inscrit que dans le règlement. Il n'a pas été ajouté à la loi sur le Parlement et cela entraîne un certain nombre d'effets pratiques.

.1700

Ce droit d'annulation permet, comme vous le savez, à la Chambre des communes d'ordonner l'annulation d'un texte réglementaire. Au cours des six dernières années, ce pouvoir a été utilisé trois ou quatre fois par la Chambre.

Cela suppose le dépôt d'une motion, et un rapport du comité mixte permanent aux deux chambres. Ce rapport contient une motion ordonnant l'annulation du texte en question, motion qui est déposée auprès du greffier qui l'a présentera lui-même à la Chambre.

Si le ministre concerné ne demande pas que la question soit soumise à débat mercredi après-midi, la motion est réputée avoir été adoptée par la Chambre. Cela, je le répète, ne s'est guère produit que quatre fois depuis 1989.

Cette procédure a, cependant, ceci de particulier. Bien que, juridiquement, la Chambre puisse ordonner l'abrogation d'un texte réglementaire adopté par un ministre ou par le gouvernement, en raison de circonstances propres au droit parlementaire, la Chambre ne peut pas ordonner la révocation d'un règlement adopté par un organisme qui exerce, par délégation, un pouvoir réglementaire.

Il en existe de nombreux exemples, dont le CRTC. Cet organisme est source d'un certain nombre de règlements qui s'appliquent effectivement mais qui ne sont pas soumis au droit d'annulation. Il existe beaucoup d'autres organismes de ce genre. Je n'en ai pas la liste ici, mais disons seulement qu'ils sont assez nombreux. Le comité mixte permanent a pris contact avec certains d'entre eux. Certains se sont montrés plus coopératifs que d'autres.

Quoi qu'il en soit, il me semble curieux que la Chambre, alors qu'elle a le pouvoir d'annuler ou d'ordonner l'abrogation d'un décret du gouverneur en conseil, n'ait pas cherché à s'attribuer ce pouvoir à l'égard d'organismes éventuellement insoumis. Cette particularité qui consiste à ne pas avoir donné au droit d'annulation une portée globale, a été relevée à l'époque.

Le procureur général d'alors, Ray Hnatyshyn, a fait savoir que si, en principe, le pouvoir d'annulation aurait sans doute dû être global, le gouvernement voulait se donner le temps de voir comment ce nouveau pouvoir s'exercerait en pratique. En fait, aucune annulation n'a eu lieu entre 1985 et 1988, et le gouvernement n'a donc pas pu voir si ce nouveau pouvoir fonctionnait correctement ou non. Si ce pouvoir n'a pas été utilisé, c'est pour un certain nombre de raisons d'ordre historique.

Ce pouvoir a fini par être utilisé en 1989 et, selon moi, avec succès. J'estime qu'il s'agit de quelque chose d'utile.

Je porte donc cette omission à l'attention de nos collègues. Un pouvoir instauré par la Chambre ne serait donc pas applicable à l'ensemble du domaine réglementaire. Je précise que la question a été évoquée en 1992-1993, au cours de la dernière législature, par le sous-comité de la réglementation et de la compétitivité.

J'espère que les membres de votre sous-comité ont au moins eu l'occasion de prendre connaissance des recommandations formulées par cet autre sous-comité. Permettez-moi de vous donner lecture d'une des recommandations qu'il a formulées, la recommandation no 54. Si j'ai bonne mémoire, cela a fait l'objet d'un rapport unanime de ce sous-comité du Comité des finances.

.1705

Voici ce qui était prévu:

Il s'agit là d'une autre recommandation touchant les mesures réglementaires importantes, mais cette recommandation n'a été retenue ni par la Chambre ni par le gouvernement.

En tout état de cause, il a été recommandé que l'on retienne et que l'on donne force de loi à la disposition de l'actuelle procédure prévoyant qu'une motion d'annulation sera réputée avoir été adoptée en l'absence d'une résolution contraire. Le sous-comité s'est prononcé en ce sens et a convenu que c'est comme ça qu'il conviendrait de procéder. Je vous demande si une loi visant la réorganisation, la modernisation et la mise à jour du processus réglementaire du gouvernement et du processus par lequel le Parlement examine ce genre de texte, ne devrait pas effectivement prévoir ce pouvoir d'annulation, mais élargi. Ce pouvoir a été instauré il y a plus de 10 ans. Nous avons eu l'occasion d'en observer le fonctionnement. Ayant siégé au comité mixte permanent, je peux vous dire que je ne vois aucune raison de ne pas modifier cette disposition dans le sens que j'ai proposé et qu'il y a, au contraire, de bonnes raisons de le faire. J'espère que vous verrez les raisons d'agir en ce sens.

Je vous pose la question. L'intérêt de ce problème n'est pas purement passager. J'ai siégé au sous-comité de la réglementation et de la compétitivité et je m'intéresse à ce domaine depuis un certain temps déjà.

Je vais m'arrêter là pour laisser la parole à M. Wappel.

M. Wappel: Monsieur le président, je sais que le temps nous est compté, mais il reste quelque chose dont j'aimerais parler, en l'occurrence la Constitution. Nous pourrions, il est vrai, en parler pendant trois semaines, mais j'entends me limiter ici à son article 133.

Permettez-moi de dire, entre parenthèses, pour faire suite à ce que M. Lee nous a dit au sujet du droit d'annulation, que votre comité s'exposerait à voir déclarer irrecevable tout amendement que vous pourriez envisager en ce qui concerne le droit d'annulation. Une telle mesure n'aurait, il est clair, pas été irrecevable si le comité avait reçu un mandat en ce sens avant la deuxième lecture.

En ce qui concerne la Constitution, je n'entends pas donner lecture de l'article 133 dans son intégralité, mais il s'agit, essentiellement, de l'anglais et du français et du droit qu'a toute personne d'utiliser l'une ou l'autre de nos langues officielles dans ses rapports avec la Chambre des communes ou avec la législature du Québec. Je vais vous en lire le dernier passage:

Si l'on donne à ces mots leur sens ordinaire, il s'agit bien de «lois» et non de «règlements». Mais, dans l'arrêt Procureur général du Québec c. Blaikie - et je vous donne la référence, [1979] 2 Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada, à la p. 1016 - la Cour suprême a jugé que le mot «lois» comprend la plupart des règlements. Cet arrêt est parfois appelé l'arrêt Blaikie 1. D'autres témoins l'auront peut-être évoqué devant vous.

Cette décision a été affinée par la Cour suprême dans son arrêt Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba [1992] 1 R.C.S., à la p. 212. Dans ce deuxième arrêt, la Cour suprême a estimé que l'article 133 englobe, en plus des lois, les textes de nature législative. La Cour a déclaré que les exigences constitutionnelles en matière linguistique s'appliquent aux textes possédant au moins les trois traits caractéristiques suivants: un, ils comprennent une règle de conduite; deux, le texte à force de loi, et trois, ils s'appliquent à un nombre indéterminé de personnes et non pas un des individus particulièrement désignés.

Il est donc, d'après nous, évident que la très vaste majorité des règlements, tels que définis à l'article 2, relèvent de l'article 133 de la Constitution.

Qu'en est-il des règlements pour lesquels la formule magique n'a pas été utilisée et qui, par conséquent, n'ont pas été publiés? S'ils ne sont pas publiés, doivent-ils tout de même être rédigés dans les deux langues officielles? Sont-ils tout de même valables?

.1710

Dans l'arrêt Sinclair c. Québec (P.G.), [1992] 1 Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada, à la p. 579, la Cour suprême a eu à se prononcer sur une affaire dans laquelle plusieurs textes avaient été rédigés à l'occasion de la fusion de deux villes du Québec. Certains des textes avaient été publiés uniquement en français. Certains, relevons-le, n'avaient pas été publiés du tout. Peut-être n'étaient-ils pas accompagnés de la formule magique. Je n'en sais rien; ce qui importe c'est qu'ils n'aient pas été publiés du tout.

La Cour suprême a estimé que l'ensemble de ces textes était contraire à la Constitution, et notamment à son article 133. Voici un extrait de l'arrêt:

Le comité devrait donc considérer avec soin les conséquences de l'article 133 de la Constitution par rapport au projet de loi C-25, et plus particulièrement à ce que cela entraîne au niveau des règlements qui correspondent à la définition donnée à l'article 2, mais qui ne sont pas soumis à l'exigence de publication du fait qu'on ne leur a pas appliqué la formule magique. Songeons particulièrement à l'arrêt Sinclair c. Québec qui, me semble-t-il, va de pair avec ce dont il est ici question. Je dirais même que si un règlement n'est pas publié du tout, il est évident qu'il n'a pas été publié en anglais et en français, et qu'il est par conséquent inconstitutionnel puisque contraire à l'article 133 de la Constitution.

Nous tenions à attirer votre attention sur ce point et maintenant, heureusement, nous en venons à notre conclusion.

M. Lee: Permettez-moi simplement de récapituler les quatre sujets que nous avons abordés. Si nous les évoquons ici, c'est parce qu'il est possible d'amender ce texte en réponse à ces quatre sujets qui nous préoccupent.

Le premier est le fait que le projet de loi C-25 ne contienne aucune disposition prévoyant une publication intégrale et accessible des textes réglementaires. Nous estimons - êtes-vous d'accord avec moi, M. Wappel? - qu'aujourd'hui, on ne peut guère justifier le fait de ne pas mettre à la disposition des contribuables canadiens la publication intégrale de tous les règlements - sans exception. Ce projet de loi, en raison des dispositions précises d'exemption ou du recours à la formule magique, ne prévoit pas cet accès ou cette publication intégrale des textes réglementaires. Cela est d'après nous une sérieuse lacune.

Vient ensuite le caractère extrêmement artificiel de cette formule magique. J'espère que vous pouvez vous-mêmes constater que ce caractère extrêmement artificiel crée un risque pour certains citoyens. Il s'agit d'une différenciation parfaitement artificielle. J'estime, en tant que député, que cela risque même de se retourner un jour contre le Parlement. Quoi qu'il en soit, nous estimons qu'il s'agit de quelque chose de parfaitement artificiel qui n'offre aucune certitude en matière de réglementation.

Le troisième point est le parachèvement ou la nécessité de parachever le droit d'annulation, qui est actuellement tronqué puisqu'il ne s'applique pas aux organismes auxquels a été délégué un pouvoir de réglementation.

Le dernier sujet abordé par M. Wappel est le risque que les articles inscrits dans ce projet de loi se révèlent être contraires aux dispositions de la Loi constitutionnelle ou qu'ils puissent porter le gouvernement à agir d'une manière qui soit contraire à ses dispositions. Il conviendrait d'après nous de ne pas aller plus loin avant de nous être penchés avec beaucoup d'attention sur ce qu'exige la Constitution en ce domaine. Il faut éviter de tomber dans un piège. Il nous faudrait nous assurer que ce projet de loi est lui-même intégralement conforme à la Constitution, aussi bien aux dispositions générales de celle-ci, qu'aux dispositions qui s'appliquent plus précisément aux deux langues officielles.

.1715

M. Wappel: Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir fourni l'occasion d'exprimer notre point de vue sur ce projet de loi.

Nous sommes simplement deux parlementaires qui s'intéressent particulièrement à ce domaine et qui tenaient à faire connaître aux membres du comité l'objet de leurs préoccupations, afin de susciter la réflexion. Nous rappelons au comité que le comité mixte permanent poursuit son propre examen du projet de loi et, dans un délai plus ou moins long, nous déposerons nos conclusions définitives devant les deux chambres. Nous vous incitons à vous pencher avec attention sur les points que nous avons évoqués. Nous ne sommes pas nécessairement préparés, mais nous sommes disposés à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, messieurs. C'est nous qui devrions vous remercier des travaux que vous avez effectués et du temps que vous nous avez consacré. Tout cela nous a été d'une grande utilité.

Cela étant, je voudrais dire, cependant, que Noël approche et que certains enfants vont peut-être se pencher sur la transcription de votre témoignage. Sachant cela, je tiens à préciser que le gouvernement n'en veut aucunement aux rennes.

M. Wappel: C'est exact.

Le président: Je vais maintenant entamer les questions en passant la parole à monsieur Lebel.

[Français]

M. Lebel: Je suis vraiment embêté parce qu'ils ont tout couvert et que j'ai tout compris. Je ne les accablerai pas inutilement. Pour certains collègues autour de la table qui n'auraient peut-être pas saisi la formule magique comme telle, parce que c'est une notion abstraite, pourrions-nous demander à M. Wappel de résumer à nouveau brièvement la formule magique qui distingue l'article 2 du paragraphe 4(1)?

[Traduction]

M. Wappel: Merci, monsieur le président.

La formule magique c'est, en fait, le recours à certains mots précis. Appelons-les les mots magiques. Si ces mots sont utilisés, ce sont, aux termes de l'article 4, des règlements soumis au processus réglementaire. Si les mots en question ne sont pas utilisés, et bien il s'agit tout de même de règlements, mais qui, cette fois-ci, ne sont pas soumis au processus réglementaire. Les mots en question sont «par décret» ou «par règlement». Lorsque ces mots ne figurent pas, les règlements en question ne sont pas soumis au processus réglementaire. Cela constitue une distinction parfaitement artificielle et tout à fait illogique.

[Français]

M. Lebel: Monsieur Wappel, je me demande si vous vous souvenez des projets de loi qui ont été déposés en série il y a un an et demi ou deux ans. On a commencé par le projet de loi C-48 et on est allé jusqu'au projet de loi C-62 ou à peu près. Dans le libellé des textes de loi, on disait que le gouverneur en conseil pouvait édicter des règlements et faire ces choses-là.

Vous vous souvenez qu'il y avait eu toute une série de règlements. Aucune de ces lois ne précisait que le gouverneur en conseil pouvait ainsi agir par règlement ou by order. Les mots «by order» ou «par règlement» n'existaient pas.

Ces projets de loi sont depuis devenus des lois. Les règlements qui en découlent ne seraient pas assujettis au processus réglementaire actuellement si le projet de loi C-25 que nous étudions avait été adopté. Est-ce bien ce que vous nous dites?

[Traduction]

M. Wappel: Monsieur le président, je dois avouer ne me souvenir d'aucun projet de loi contenant de telles dispositions. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en ait pas eu. M. Lee pourrait peut-être nous apporter des précisions sur ce point. Mais la réponse à cette question serait que je comprends bien ce que prévoit le projet de loi C-25, le mécanisme étant très simple. En l'absence de ces mots magiques, le processus réglementaire ne s'applique pas. Si le processus réglementaire ne s'applique pas à ces règlements, ceux-ci n'ont pas à être publiés. Un point, c'est tout.

Le président: Monsieur Lee.

M. Lee: J'attire l'attention de nos collègues sur le paragraphe (1) de l'article 4. C'est là qu'est définie la formule magique. Ce paragraphe ne contient que sept lignes dont le sens est assez clair.

Je tenais également à préciser ma pensée quant à la question de savoir si le verre est à moitié vide ou s'il est à moitié plein. Je pense beaucoup de bien de ce projet de loi. C'est simplement qu'il pose ces quatre petits problèmes.

.1720

[Français]

M. Lebel: Monsieur Lee, si on voulait soumettre tous les textes réglementaires, même ceux qui n'en seraient pas à cause de l'absence de formule magique, comment pourrait se libeller le paragraphe 4(1)?

En fait, on conserverait le libellé:

4. (1) Le processus réglementaire s'applique à tout règlement pris en vertu d'une disposition habilitante

On bifferait les mots:

On aurait donc:

4. (1) Le processus réglementaire s'applique à tout règlement pris en vertu d'une disposition habilitante par laquelle s'exerce le pouvoir réglementaire.

[Traduction]

M. Lee: Il existe donc un processus appelé processus réglementaire. Cela comprend la rédaction, la consultation, la publication préliminaire, la publication et l'entrée en vigueur. Telles sont les étapes du processus réglementaire. Il peut y avoir de bonnes raisons de ne pas soumettre chaque règlement à toutes les phases de ce processus, mais, d'après nous, la formule magique n'est pas le bon moyen de distinguer les textes qui ne devraient pas être soumis à ce processus réglementaire. Je ne pense pas qu'on devrait aller plus loin avant d'avoir trouvé le bon moyen de distinguer clairement les textes que l'on ne veut pas soumettre à toutes les étapes du processus réglementaire.

Mais il existe également un autre volet de ce processus, et je parle là de l'examen par le Parlement. Cet examen a lieu au terme du processus. L'examen par le Parlement n'influence ou ne change en rien le processus par lequel un règlement est conçu, adopté et appliqué. Le processus parlementaire intervient après tout cela. Il s'agit donc de deux volets tout à fait distincts.

M. Wappel: Permettez-moi de répondre à la question de M. Lebel en vous renvoyant à l'article 4. Je ne suis pas rédacteur, mais pour répondre comme ça à brûle-pourpoint, je dirais ceci: À supposer que l'article 4 soit ainsi libellé: «Sous réserve du paragraphe (2), le processus réglementaire s'applique à tout règlement pris en vertu d'une disposition habilitante». Le paragraphe (2) porterait alors exemption d'un certain nombre de choses, et le paragraphe 5(1) pourrait alors être amendé afin de lui faire dire: «Le gouverneur en conseil peut, par règlement, soustraire tout règlement au processus réglementaire ou à une partie de celui-ci». Cela répondrait à la préoccupation de M. Lee puisqu'il y aurait effectivement des règlements qui n'auraient pas à subir le processus réglementaire complet.

L'idée est que la définition par recours à une formule magique, c'est-à-dire les cinq dernières lignes du paragraphe 4(1), est, pour les raisons que nous avons expliquées, superflue.

[Français]

M. Lebel: Vous n'avez pas traité de la question des formulaires, mais je sais que c'est une de vos préoccupations. Je sais que les fonctionnaires sont toujours de bonne foi, c'est bien sûr. Par définition, un fonctionnaire va automatiquement au ciel. Ça, on le sait.

Prenons l'exemple du formulaire de recensement distribué cette année, où on demandait à certaines personnes de donner leur numéro de folio, le nom de leur caisse ou de leur banque, son adresse, le nom du gérant, leur solde et tout ça. Les fonctionnaires ont l'habitude de nous dire que ce sont des formulaires administratifs. Vous savez que le processus réglementaire dont on traite à l'article 4 ne s'applique pas et c'est dit en toutes lettres au paragraphe 4(2):

(2) Il ne s'applique pas aux formulaires de nature administrative...

Est-ce à votre avis quelque chose de souhaitable compte tenu de la bonne foi des fonctionnaires, ou quelque chose d'indésirable compte tenu de la bonne foi de nos fonctionnaires qui sont là actuellement, mais qui ne le seront peut-être pas toujours?

[Traduction]

M. Wappel: Monsieur le président, ce n'est pas un des arguments que nous sommes venus développer devant vous. Je crois que M. Lebel nous parle là du paragraphe (2) de l'article 4.

M. Lebel: Oui.

M. Wappel: La question serait de savoir ce qu'on entend par formulaire de nature administrative. Ce projet de loi ne permet pas de savoir si, par exemple, certaines questions posées dans le cadre du recensement constituent ou non un formulaire de nature administrative. Nous ne demandons pas nécessairement en cela que l'on définisse les mots «nature administrative». Nous supposons que cela sera laissé à la discrétion des membres de la fonction publique, sous réserve du contrôle que peuvent toujours exercer les tribunaux. J'estime, pour ma part, qu'on devrait s'en tenir aux quatre points que nous avons évoqués.

.1725

Le président: Monsieur Lee.

M. Lee: Oui, Ce paragraphe 4(2) est à l'évidence un effort en vue de séparer les choses que l'on peut raisonnablement considérer comme étant de nature administrative et qui ne relèvent pas vraiment de la législation subordonnée. Puis, en dernier ressort, monsieur Lebel, il y a toujours la période de questions.

[Français]

M. Lebel: Je pense que vous n'avez pas bien saisi le fond de ma question, messieurs Lee et Wappell. Le paragraphe 4(2) dit que les formulaires ne sont pas soumis au processus réglementaire énoncé au paragraphe 4(1). On se comprend bien à cet égard?

Je suis d'accord sur ce point, bien que je me demande s'il n'y a pas un certain danger. Qui détermine si un formulaire est de nature purement administrative? Il y a place à interprétation ou à arbitrage, à mon avis. Il est bien sûr que ce n'est pas le noyau de la loi, mais c'est inquiétant. C'est mon observation. Je n'ai plus d'autres questions.

Le président: Merci, monsieur Lebel.

[Traduction]

Monsieur Kirkby.

M. Kirkby: Merci beaucoup.

Je tiens à vous remercier pour le témoignage que vous nous avez apporté. Je sais que vous avez tous les deux consacré beaucoup de temps à la question. Nous sommes heureux de vous accueillir ici afin de vous entendre exposer vos préoccupations.

Vous nous avez dit que la manière dont certains règlements sont désignés dans le projet de loi permettra de dire si le texte en question va subir ou non le processus réglementaire au complet. Je tiens d'abord à préciser que les députés sont tout de même appelés à voter et que ce sont eux, qui, au départ, adoptent les textes de loi qui créent le cadre autorisant la prise de règlements. Ce sont eux qui vont donc pouvoir décider si, dans tel ou tel cas, on utilisera ou non les mots dont nous avons parlé. Est-ce exact?

M. Wappel: Monsieur Kirkby, vous avez parfaitement raison. Cela dit, j'ai en mémoire un exemple récent du genre de chose que l'on peut ne pas porter à l'attention des députés. Il s'agit des modifications récemment apportées à... Je ne sais pas comment s'appelait cette loi, mais elle a eu pour effet d'abroger un privilège dont les parlementaires bénéficiaient depuis 100 ans en matière de voyages en chemin de fer. Cette disposition particulière a été introduite dans un énorme projet de loi sur les transports.

Ce droit, dont on bénéficiait depuis la fin des années 1800, a été supprimé en n'étant tout simplement pas repris. Je vous rappelle qu'aucun parlementaire ne s'en est vraiment aperçu avant qu'il ne soit trop tard, c'est-à-dire avant que le projet de loi n'ait été adopté. Nous travaillons tous avec diligence, mais ce n'est qu'une fois le projet de loi adopté que nous nous sommes aperçus que cette disposition particulière avait été supprimée, et cela, sans que nous ayons eu l'occasion d'en discuter.

J'ai la plus grande confiance en nous tous, aussi bien les parlementaires actuels que les parlementaires à venir, mais il est clair que, compte tenu de la lourdeur des tâches qui nous incombent et du fait que, contrairement à ce que les gens pensent souvent, la plupart des parlementaires ne sont pas avocat, on ne peut pas s'attendre - et je ne m'y attends certainement pas moi-même - à ce qu'ils se penchent sur ce qui constitue traditionnellement l'ultime clause d'un projet de loi afin de voir ce que le gouverneur en conseil est effectivement habilité à faire, afin de relever la présence éventuelle de ces deux mots magiques.

M. Kirkby: Deuxièmement, ne pensez-vous pas que lors de la rédaction d'un projet de loi, là où les règlements sont...? Les règlements ont pour objet d'infléchir le comportement du public ou d'une certaine partie de celui-ci dans un domaine donné. Vous dites que, du fait que dans le texte on utilise tel ou tel mot, le règlement n'aura pas à être publié. Ne pensez-vous pas qu'en cela une décision soit prise: il s'agit de règlements d'une certaine importance, et nullement de petits détails dont personne ne se soucie ou qui ne touchent personne...? Ne pensez-vous donc pas que s'il s'agit de règlements importants, ils seront, justement, appelés règlement ou autre chose qui permette de déclencher le processus réglementaire intégral? N'est-ce pas précisément le contraire qui se produit lorsqu'il s'agit de questions de cet ordre?

.1730

M. Wappel: Non, je ne le pense pas. D'abord, tout règlement a des effets au niveau de la population, sans cela il serait parfaitement inutile de rédiger des règlements. Il est donc inexact de dire qu'il y a des règlements qui ne touchent personne.

En deuxième lieu, qui va décider de cela? Sont-ce quelques fonctionnaires assis dans un bureau situé tout en haut d'une tour qui vont décider si quelque chose revêt suffisamment d'importance aux yeux d'un secteur suffisamment large de la population canadienne pour que l'on ait recours aux mots magiques? Je ne fais pas confiance à ce genre de système.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Maloney...

M. Lee: Si vous voulez bien, monsieur le président... Sans vouloir donner l'impression de ne pas avoir la plus grande confiance en la fonction publique et en l'administration de notre pays, je ne me souviens pas qu'on ait consulté les parlementaires au sujet de l'abolition, il y a quelques mois, du privilège qui nous avait été accordé pour les voyages en chemin de fer. Je crois me souvenir que nous n'avons pas été le moindrement consultés.

Les personnes qui ont rédigé le texte en question savaient exactement ce qu'elles faisaient, et je suis persuadé que M. Kirkby a voté pour ce projet de loi - je ne sais pas M. Kirkby, si cela est exact, mais...

M. Kirkby: J'ai voté pour le projet de loi, mais je peux vous dire que l'abolition de mes privilèges en matière de voyages en chemin de fer n'a pas beaucoup pesé sur mon existence.

M. Lee: Bien sûr, il ne s'agissait pas de quelque chose de très important, mais, si M. Kirkby était conscient de cette disposition lorsqu'il a voté pour le projet de loi, je serais...

M. Kirkby: Je suis certain d'avoir été au courant.

M. Lee: Eh bien moi, je ne l'étais pas.

M. Wappel: Moi non plus.

M. Lee: Je ne pense pas qu'aucun député ait été au courant. Quoi qu'il en soit...

[Français]

M. Lebel: On aurait dû vous le dire, parce que personne n'était au courant.

[Traduction]

Le président: J'aurais quelques brèves questions à vous poser concernant la publication, concernant le fait que certains règlements ne seront pas publiés.

Je me trompe peut-être, mais je crois qu'on a dit à ce comité que les règlements touchant certains domaines finiraient bien par être connus des personnes qui s'y intéressent, et que ces gens-là prendraient connaissance des règlements en question dans le courant de leurs activités, de leur commerce ou du simple fait que les gens se parlent. Est-ce exact? Peut-on compter sur cela?

M. Lee: L'intention est bonne, mais les moyens de la concrétiser n'existent pas nécessairement. Je ne sais pas si, dans un ministère, on peut effectivement contacter toutes les personnes intéressées. On fait de son mieux.

Je ne parle pas des 97 p. 100 qui seront effectivement contactés. Nous nous intéressons plutôt au trois pour cent des citoyens qu'on ne parviendra pas à joindre, pour diverses raisons, et qui ont jusqu'ici eu tout à fait normalement la possibilité de se renseigner en cas de doute.

Le processus qu'on propose de mettre en oeuvre est un processus essentiellement urbain et moderne et ça va bien si vous travaillez dans le quartier des affaires. Cela, par contre, va paraître beaucoup moins perfectionné à quelqu'un qui vit dans les faubourgs de Cochrane ou de Rainy River. Il faut également songer à ces gens-là, qui ne sont pas nécessairement reliés à l'Internet. Il s'agit de personnes qui ont l'habitude de consulter leur avocat qui, lui, n'a pas nécessairement à sa disposition une bibliothèque de 10 000 ouvrages. Il est impensable d'obliger ces gens-là à déposer, par exemple, une demande d'accès à l'information.

M. Wappel: Je dirais, en réponse à cette question, qu'il s'agit également ici des pouvoirs historiquement reconnus au Parlement, des pouvoirs qu'exercent historiquement les représentants du peuple - c'est-à-dire, chers collègues, nous. Il devient proprement impossible - cette impossibilité n'a rien de théorique - pour le Parlement d'examiner un règlement qui n'a pas été publié. Comment en apprendre l'existence, sinon, bien sûr, lorsqu'un citoyen viendra se plaindre de la manière dont ce texte l'a affecté?

.1735

Nous attirons votre attention sur cette subtile érosion, si je puis m'exprimer ainsi, des droits historiques qu'a le Parlement de s'assurer qu'il a effectivement les moyens d'examiner tous les règlements.

Le président: J'ai une ou deux autres questions à poser à nos témoins. Est-ce à dire, donc, que bien que certains règlements ne soient plus portés devant le comité mixte permanent, il n'existe en fait aucun recueil des règlements...? Est-ce à dire que personne, si ce n'est les gens se trouvant dans les ministères concernés, ne saura que ces règlements ont été adoptés? Peut-on affirmer cela?

M. Lee: C'est cela qui nous préoccupe beaucoup. L'article 25 du projet de loi prévoit que les comités intéressés sont saisis d'office de tout règlement. Là, bien sûr, il s'agit de tous les règlements, même de ceux que l'on a désignés par la formule magique, et aussi ceux qui n'ont pas été ainsi désignés.

En cela, l'intention du ministère est bonne. Selon lui, les comités parlementaires intéressés sont saisis d'office de tout règlement. Mais le problème est qu'il n'y aura aucun mécanisme, aucun système permettant au comité de prendre connaissance de chaque règlement adopté.

C'est du moins ainsi que nous comprenons la chose. Si l'on ne publie pas tous les règlements, comment le Parlement pourra-t-il prendre connaissance des textes adoptés? Si un ministère décide de ne pas publier un règlement, comment saurons-nous que ce règlement a été adopté? Il va nous envoyer une copie de tout, mais il arrivera que quelqu'un oublie de le faire, et le Parlement ne va pas aller frapper à la porte du ministère. Du point de vue du Parlement, c'est cela qui nous préoccupe.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Lebel.

[Français]

M. Lebel: Une dernière question. Si on jugeait bon de ne pas publier un règlement, ne pourrait-il pas en découler qu'on juge également justifiable de ne pas en donner communication à quiconque le réclame?

Supposons que je suis poursuivi pour avoir enfreint un règlement quelconque qui a été adopté mais non publié et que, pour ma défense, je réclame ce règlement. Ne serait-on pas en droit de me répondre qu'on refuse de me le donner, que je n'y ai pas accès et que c'est la raison pour laquelle on ne l'a pas publié. C'est ce genre de logique avec laquelle on risque d'avoir à composer.

[Traduction]

M. Wappel: Cela peut vous sembler un peu tiré par les cheveux, mais disons, à titre d'exemple, que, pour une raison ou pour une autre, l'on décide de dispenser telle ou telle société de conditionnement du poulet du règlement exigeant que les machines soient désinfectées toutes les 24 heures. À supposer que ce règlement soit pris sans que l'on ait recours à la formule magique. Les seules personnes qui auront connaissance de ce règlement seront les gens du ministère qui l'ont adopté et la société de conditionnement bénéficiant de l'exemption.

Il peut très bien y avoir, au Canada, des gens que cela intéresse, des gens qui s'intéressent au fait que telle ou telle société de conditionnement du poulet bénéficie d'une exemption alors que d'autres sociétés n'en bénéficient pas - du simple point de vue de la concurrence, cela peut être intéressant - mais personne ne sera au courant si ce n'est le ministère et la société de conditionnement, car le règlement n'aura pas été publié. Voilà, si vous me le permettez, un exemple qui montre bien le problème.

Le président: Monsieur Maloney.

M. Maloney: Vous nous avez dit que le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation examine lui aussi ce projet de loi. Faites-vous cela à titre bénévole?

M. Wappel: Oui.

M. Maloney: Et entendez-vous déposer vos conclusions devant ce comité? Qu'allez-vous faire de votre examen?

M. Lee: Nous sommes tenus de déposer nos conclusions devant les deux chambres. Si nous finissons assez vite, nous serons heureux de vous en faire parvenir une copie dès que...

M. Maloney: Quand pensez-vous avoir terminé vos travaux?

.1740

M. Lee: Nous espérons pas mal avancer cette semaine.

M. Maloney: Auditionnez-vous également des témoins?

M. Lee: Jusqu'ici, nous avons entendu presque exclusivement des représentants de divers ministères, mais nous n'avons pas écarté l'idée d'entendre un ou deux témoins. Entre les représentants ministériels et les ressources propres du comité, nous avons pu dresser une liste assez complète de personnes ayant des choses à dire, et...

M. Maloney: Votre comité s'intéresse-t-il surtout aux quatre questions que vous avez évoquées?

M. Lee: Je précise, au risque de vous déplaire, que la liste des tâches du comité mixte est bien plus fournie qu'elle ne le serait si nous ne nous intéressions qu'à ces quatre questions. Nous avons réparti le travail en trois catégories, la première, la seconde et la troisième. Aujourd'hui, nous n'avons évoqué devant vous que certaines des questions relevant de la première catégorie.

Nous avons porté d'autres questions encore à l'attention de l'administration et celle-ci est donc au courant. Certaines des questions revêtent un caractère particulièrement technique, mais nous estimons que l'exercice demeure utile, notamment pour ce qui est de la fonction parlementaire. Je ne reproche nullement aux fonctionnaires de ne pas vraiment s'intéresser à la question de savoir comment le Parlement devrait régler le problème. Cela est peut-être plus de notre domaine que de celui des fonctionnaires. Et lorsqu'ils ont rédigé ce projet de loi à l'intention du pouvoir exécutif... Le Parlement n'a pas du tout été écarté et l'on peut d'ailleurs le constater ici à l'article 25, mais nous estimons que le Parlement devrait procéder à son propre examen du projet de loi.

Nous espérons que l'effort sera constructif. Nous voudrions être en mesure de terminer et de transmettre nos conclusions à ce sous-comité au cas où il entendrait apporter des changements au projet de loi. Nous estimons que de tels changements sont nécessaires et nous serions très heureux de pouvoir contribuer à cela de manière constructive.

Il est possible qu'un ou plusieurs des membres du comité mixte permanent, dont le fonctionnement n'est marqué par aucun esprit partisan - au sein du comité, toutes ces questions, me semble-t- il, ont jusqu'ici fait l'unanimité - soient portés à proposer des amendements à votre sous-comité, ou bien à la Chambre.

N'oubliez pas que les sénateurs s'intéressent, eux aussi, à la question. Certaines dispositions de ce projet de loi les préoccupent, en effet. J'aimerais beaucoup parvenir à un consensus, ici et dans l'autre endroit, entre tous ceux qui, depuis un certain nombre d'années, oeuvrent dans ce domaine, afin que ce projet de loi puisse être adopté dans l'accord et la sérénité. Je ne sais pas si c'est comme cela que les choses se passeront, mais nous tentons simplement d'améliorer un peu ce projet de loi.

M. Maloney: Et un projet de loi sensiblement pareil à celui-ci avait déjà été déposé devant le Parlement précédent...

M. Lee: Lors de la session précédente.

M. Maloney: Oui, lors de la session précédente.

M. Lee: Il y a six mois.

M. Maloney: Mais ce texte-là est mort au Feuilleton. Il était en cours d'examen devant votre comité.

M. Wappel: Non. Il avait été soumis à l'examen d'un sous- comité du Comité permanent de l'administration gouvernementale, présidé par Ian Murray, devant qui il avait été renvoyé avant la seconde lecture, avant la prorogation de l'actuel Parlement.

M. Maloney: Mais le comité a-t-il rendu compte de ce projet de loi?

M. Wappel: Nous ne nous sommes réunis qu'une seule fois.

M. Maloney: Je vois.

M. Lee: Tous les membres de ce comité, à l'exception de son président, étaient membres du comité mixte permanent. Ce sous- comité-là regroupait les députés membres du comité mixte permanent.

M. Maloney: Merci.

Le président: Je vous remercie de vos questions.

Merci, messieurs.

La séance reprendra demain à 15 h 30. Si un vote a lieu demain après-midi à 15 h 45, comme il est prévu, nous reprendrons nos travaux immédiatement après le vote. Nous passerons à l'examen article par article mardi à 9 h du matin. M. Maloney assumera alors la présidence.

Merci, mesdames et messieurs.

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