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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 mai 1996

.0904

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous n'avons pas de temps à perdre ce matin.

Notre greffier habituel n'est pas là, mais nous avons avec nous M. Pierre Rodrigue. Nous souhaitons la bienvenue aux personnes qui témoigneront ce matin. Comme notre ordre du jour est assez chargé, nous aimerions commencer dès que possible.

Monsieur Genuis, soyez le bienvenu. Pourriez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Le greffier vous a expliqué, nous l'espérons, que nous aimerions que votre déclaration liminaire soit brève pour nous donner le temps de vous poser quelques questions.

M. Mark Genuis (directeur exécutif, Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille): Oui, monsieur.

Le président: La parole est à vous.

M. Genuis: Merci.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Stéphane Robitaille,

[Français]

qui est assistant de recherche à la Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille et étudiant à la maîtrise à l'Université Laval.

.0905

[Traduction]

Je vous remercie de m'accueillir ce matin et d'avoir accepté notre mémoire. Je prendrai de cinq à dix minutes pour vous donner certains renseignements, puis nous serons heureux de répondre à vos questions.

Je commencerai par vous parler des tendances qu'on observe chez les jeunes Canadiens partout au pays, puis j'aborderai la question qui nous intéresse et je vous ferai part des recherches effectuées à cet égard.

Je vous signale dès le départ que tous les renseignements que je vous donnerai sont tirés de recherches. Je n'ai pas l'intention de vous parler d'une idéologie ni d'une approche philosophique particulière. Je partagerai plutôt avec vous les résultats de recherches effectuées dans le monde entier.

Comme votre comité s'intéresse aux questions liées à la santé, il importe que vous sachiez que le taux de suicide chez les enfants canadiens a, depuis 1955, augmenté non pas de 10 ou de 20 p. 100, mais bien de 1 101 p. 100, et ce chiffre a pourtant été pondéré en fonction de l'augmentation de la population. Au cours de la même période, cette augmentation a été de 600 p. 100 chez les adolescents et de 338 p. 100 chez les jeunes adultes.

Le taux de crimes violents chez les jeunes a augmenté de 124 p. 100 entre 1986 et 1994, et celui des crimes liés à la drogue a connu une hausse de 83 p. 100 entre 1992 et 1995. Un grand nombre des enfants en cause souffrent de graves problèmes de santé.

De 1990 à 1995, le taux de récidive enregistré par les tribunaux de la jeunesse est demeuré stable à 45 p. 100, mais ce qu'il importe de noter, c'est que 60 p. 100 de ces récidivistes avaient déjà été condamnés à au moins trois reprises.

Finalement, environ 20 p. 100 des adolescents et des jeunes adultes canadiens souffrent d'une maladie mentale.

Le Comité de la santé a indiqué qu'il s'intéresserait surtout à la prévention. La Fondation s'en réjouit et appuie cette orientation parce que la prévention de ces problèmes est absolument essentielle au bien-être de notre pays.

La question que nous nous poserons est la suivante: comment un enfant développe-t-il de bonnes compétences d'adaptation? Vous avez cerné certaines de ces compétences dans un document que vous avez rédigé intitulé Stratégies d'amélioration de la santé de la population. J'aborderai deux secteurs de recherche, le premier étant les liens affectifs entre les enfants et leurs parents et le second, les soins donnés par des personnes autres que les parents.

Au cours des 40 dernières années, de nombreux travaux ont été publiés partout dans le monde, notamment au Canada, aux États-Unis, en Ouganda et en Allemagne, sur la question des liens parentaux. Les résultats de ces recherches sont assez uniformes. Ils ont démontré qu'un attachement stable dès l'enfance a une incidence déterminante ou énorme sur la vie d'un enfant, car ce lien lui permettra de devenir un adolescent sain, productif et heureux. Les conclusions des recherches ne sont toutefois guère encourageantes, parce qu'elles démontrent également que des liens parentaux précaires mènent la plupart du temps à des difficultés d'ordre affectif et à des problèmes de comportement, y compris au crime.

En 1994, j'ai eu l'occasion de faire des recherches dans ce domaine et d'étudier les répercussions à long terme du lien affectif établi dès l'enfance. Nous avions alors évalué des adolescents et confirmé leurs dires auprès de leurs parents. Cela se passait en 1994. Deux ans plus tard, en 1996, une méta-analyse a été publiée expressément sur l'ensemble de cette question; on y examinait les répercussions non seulement à long terme mais également à court terme des liens parentaux. Dans ce document, on posait la question suivante: «Les liens parentaux formés à l'enfance jouent-ils un rôle important à mesure que nous grandissons?».

Les résultats des deux études étaient conformes et correspondaient également à ceux des recherches effectuées partout dans le monde au cours des 40 dernières années. Tous les chercheurs sont arrivés à la même conclusion: un lien précaire à l'enfance est directement lié à des difficultés d'ordre affectif et à des problèmes de comportement chez les adolescents, y compris au crime.

À l'inverse, ce qui est très positif, la formation de liens stables dès l'enfance est directement liée à une adolescence saine, heureuse et productive. Cela nous indique que les expériences vécues durant l'enfance sont très importantes et que, en tant que parents et en tant que société, nous avons une occasion exceptionnelle d'influer positivement sur la vie de nos enfants.

Un autre sujet connexe concerne les liens que les enfants forment avec un seul parent ou une unité parentale. En 1991, une méta-analyse - c'est-à-dire une analyse d'une analyse, procédure dont je vous parlerai dans un moment - a été effectuée sur cette question; elle portait sur les liens que les enfants formaient avec chaque parent ou avec les deux parents. D'après les résultats de leurs travaux et leur analyse de toutes les recherches effectuées à cette date, les chercheurs ont conclu que non seulement les enfants formaient les mêmes liens avec leurs deux parents mais aussi que cet attachement dépendait des liens qu'ils formaient avec l'autre parent. On peut donc en conclure qu'un enfant ayant des liens affectifs précaires avec un parent est plus susceptible de former des liens semblables avec l'autre parent.

.0910

Cette hypothèse n'est pas tirée de nos conclusions ni de notre rapport, mais d'un rapport auquel nous faisons référence dans le mémoire que nous avons présenté aujourd'hui.

Tout cela signifie donc que les deux parents jouent un rôle important dans la vie de leurs enfants, que tous deux ont une influence et peuvent faire de grandes et belles choses pour leurs enfants; cela signifie également qu'ils peuvent beaucoup leur nuire et grandement les inquiéter. Voilà donc ce que j'avais à dire au sujet de l'attachement et des liens parentaux.

Compte tenu du temps dont nous disposons, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, au lieu de résumer je poursuivrai encore quelque temps avant de répondre à vos questions.

En ce qui concerne les soins donnés par des personnes autres que les parents, nous sommes très chanceux de pouvoir compter sur au moins trois méta-analyses. Qu'est-ce qu'une méta-analyse? Il s'agit d'une procédure qui consiste à regrouper et à normaliser les conclusions et les recherches effectuées dans un domaine d'étude. Nous recueillons donc tous les renseignements et toutes les études dans un domaine donné, nous les regroupons et nous normalisons les conclusions avant d'analyser le tout à nouveau.

La méta-analyse permet d'aller au-delà de l'analyse documentaire, laquelle correspond aux conclusions que tire une personne de ses lectures. Ce genre d'analyse est maintenant dépassé. Si vous préférez, la méta-analyse nous amène au-delà de l'examen parce qu'elle élimine les préjugés presque inévitables du chercheur. Je ne veux pas dire que le chercheur est intentionnellement partial, mais il ne peut faire autrement, tout particulièrement quand il étudie des questions comme les soins offerts par des personnes autres que les parents. Ces enjeux donnent lieu à des discussions qui ne laissent personne indifférent, comme vous allez le constater lorsque Mme Friendly prendra la parole.

La méta-analyse permet d'éliminer ce parti pris et de savoir où en sont les connaissances dans le domaine à l'étude. Trois analyses de ce genre ont été effectuées, une par Clarke-Stewart, à l'Université de la Californie; une par Lamb et ses collègues, au National Institute of Child Health and Human Development; et une par Violato et Russell, à l'Université de Calgary.

Ces trois méta-analyses ont donné des résultats uniformes. Avant de vous les communiquer, je vous signale qu'il faut tenir compte de certains facteurs. Aucune recherche n'est parfaite, aucune science n'est parfaite et, avant d'examiner ces résultats, il importe de prendre connaissance de certaines des lacunes et limites des données recueillies. Je vous en mentionne quatre.

La première, c'est qu'un important pourcentage des participants interrogés partout dans le monde sur les soins offerts par des personnes autres que les parents proviennent d'une classe socio-économique moyenne. Tous les milieux ont été inclus dans l'étude, mais la majorité des participants appartiennent à la classe moyenne. Il faut donc tenir compte de ce facteur.

Deuxièmement, la majorité des études effectuées à ce jour n'ont pas abordé expressément la question de la qualité de ce genre de soins. Certaines l'ont fait, mais environ 70 p. 100 d'entre elles ne s'y sont pas arrêtées. Seulement une minorité d'études ont donc abordé expressément cette question.

La troisième lacune, c'est la non-publication. On soutient couramment dans les milieux universitaires qu'à moins qu'une étude parvienne vraiment à prouver certains résultats dans un sens ou dans l'autre, elle ne sera probablement pas publiée. Pour remédier à ce problème dans le cadre de la méta-analyse, nous utilisons une procédure qui nous permet de calculer le nombre d'études qui devraient être faites pour mettre en doute nos constatations.

C'est ce qu'on a fait dans le cadre de l'une des méta-analyses, ce qui nous a permis de constater qu'il faudrait plus de 150 études sur les soins donnés par des personnes autres que les parents pour réfuter les constatations que je vous communique aujourd'hui. Il ne s'agit pas de 150 analyses documentaires, ni de 150 déclarations fondées sur une idéologie; il s'agit de 150 nouvelles études qui réfutent directement les constatations en question.

Enfin, ce que l'on reproche souvent à la méta-analyse, c'est ce que nous appelons le problème «des pommes et des oranges», où certains prétendent que la méta-analyse présente réellement des problèmes parce qu'elle se fonde sur les conclusions d'études qui font appel à des méthodes ou à des instruments différents ou dont les objets de recherche diffèrent. Or, si vous comprenez la procédure, c'est en fait l'un des points forts de la méta-analyse.

Pour établir la validité d'une recherche, il faut voir si les différentes méthodes de détermination, axées sur le même objectif, convergent. Si elles convergent, cela confère nettement plus de poids et de validité à la recherche.

C'est ce à quoi sert la méta-analyse et c'est pourquoi elle est beaucoup plus efficace que toute étude individuelle ou tout groupe d'études dont nous pouvons rendre compte. C'est la raison pour laquelle je vous en fais part aujourd'hui.

Quelles ont été les constatations? On a constaté qu'avant l'âge de cinq ans, le fait pour un enfant de recevoir régulièrement plus de 20 heures par semaine des soins de personnes autres que ses parents influe négativement sur trois des quatre aspects décrits, à savoir le développement socio-affectif, le développement comportemental des enfants et la formation des liens parentaux, dont nous avons discuté plus tôt. Nous avons d'ailleurs discuté des incidences des liens parentaux précaires.

.0915

En matière de développement cognitif, les incidences sont peu importantes. On n'a constaté aucune différence à cet égard mais en ce qui concerne les trois autres aspects, les soins donnés par des personnes autres que les parents semblent accroître l'incidence de risques pour ces enfants.

Il importe de souligner malgré tout qu'environ 50 p. 100 des enfants qui reçoivent des soins par des personnes autres que leurs parents pendant plus de 20 heures par semaine avaient formé des liens affectifs stables avec leurs parents, plus précisément 51 p. 100. Parallèlement, nous devons indiquer que l'augmentation du risque par rapport aux soins donnés par les parents était en fait de 66 p. 100 supérieure à la base. Si nous prenons une base plutôt large d'environ 30 p. 100, le pourcentage de risque passe à 49 p. 100 lorsque nous prenons en compte les soins donnés par des personnes autres que les parents. L'augmentation des risques est donc spectaculaire. Il y a encore de nombreux enfants pour qui cela ne semble pas avoir de conséquences graves mais le nombre d'enfants qui en subissent les conséquences est assez important et doit être signalé.

Lorsque nous rassemblons les résultats de l'ensemble des études qui ont été faites et que nous étudions les nombreuses analyses, nous constatons que les soins donnés par les parents donnent systématiquement des résultats nettement supérieurs aux soins donnés par des personnes autres que les parents.

Enfin, vous êtes sans doute au courant d'une nouvelle étude faite par l'Institut national de la santé qui a reçu énormément d'attention.

L'un des aspects de cette étude, qui a été rapporté par la presse, c'est que les soins donnés par d'autres personnes que la mère ne risquent pas de diminuer la confiance de l'enfant envers sa mère. C'est ce que l'étude a permis de constater. Il est intéressant de constater que cette étude va à l'encontre des résultats des recherches précédentes qui adoptait une optique différente, à savoir qu'il s'agissait d'une source de préoccupation.

Cette étude renferme une constatation dont les médias n'ont pas tellement parlé. Les chercheurs ont signalé à la page 11 de leur rapport que les enfants ayant des mères peu sensibles, selon la catégorisation employée, risquaient davantage de former des liens affectifs précaires à leur mère s'ils recevaient 10 heures ou plus de soins d'autres personnes qu'elle. C'est une constatation beaucoup plus prudente que celle que je vous ai communiquée. C'est une constatation très frappante qui n'a pas retenu l'attention, ce qui est assez étonnant.

De plus, cette nouvelle étude comporte de graves lacunes dont vous devriez être mis au courant.

Tout d'abord, la recherche a inclus les pères parmi les équivalents des services de garde.

Deuxièmement, la façon dont les enfants ont été groupés et la durée de la séparation, la façon dont ils ont groupé les périodes -si vous avez des questions, je vous apporterai des éclaircissements par la suite - n'ont absolument aucun précédent en recherche et ont en fait dilué les constatations. Par conséquent, les constatations ont été diluées dès le départ.

Troisièmement, l'étude utilise certains instruments dont l'exactitude n'a pas été mesurée. On a donc conçu certains instruments qu'on a utilisés sans en évaluer au préalable la validité.

Quatrièmement, la fiabilité de certains de ces instruments était moins qu'acceptable.

Par conséquent, cette étude a recours à certaines méthodes qui laissent nettement à désirer.

En résumé, nous avons constaté chez l'enfant qui reçoit régulièrement des soins non parentaux un plus grand risque de liens parentaux précaires. J'insiste sur cet aspect car il a certaines incidences importantes à long terme. Ce sont des constatations sur lesquelles nous ne pouvons plus fermer les yeux.

Nous aimerions que le gouvernement fédéral examine les options possibles. Vous connaissez votre domaine. Je suis un chercheur et non un politicien. Nous vous demanderions d'envisager des politiques qui élargissent les options offertes aux familles afin que les parents aient la possibilité d'opter pour la garde à la maison car de toute évidence les soins donnés par les parents donnent de bien meilleurs résultats. Nous vivons dans une société démocratique et les gens devraient avoir la possibilité de faire des choix. C'est ce que nous vous demandons d'envisager aujourd'hui.

Je vous remercie de votre temps et de votre patience. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Szabo (Mississauga-Sud): À notre dernière audience, on a mentionné l'étude américaine faite à Providence au Rhode Island. J'ai remis au greffier des copies d'un article du Globe and Mail du 24 avril 1996 qui indique qu'il s'agit de l'étude la plus vaste et la plus exhaustive effectuée jusqu'à présent. Je pense que M. Genuis est bien au courant de cette étude.

.0920

J'aimerais partager le temps que nous avons. Si je vous comprends bien, un attachement cohérent et stable à un adulte influe nettement sur les probabilités - et j'insiste sur le mot probabilités - de développement des enfants au niveau socio-affectif et de la formation de liens affectifs. Je fais allusion à un paragraphe de cette étude, qui indique:

Cela correspond-il à vos études et à vos recherches? Quelle est l'importance de cet aspect comparativement à tous les autres facteurs susceptibles d'influer sur le développement de l'enfant?

M. Genuis: Tout d'abord, les rapports dont fait état l'étude traitent indirectement de la qualité des services de garde. Lorsque nous procédons à la méta-analyse de l'information qui existe dans le domaine de la qualité des services de garde, certains facteurs de qualité se sont avérés sans grande influence sur le développement de l'enfant. Certains facteurs tels que le fait que la garderie soit accréditée, qu'elle soit à but lucratif ou non lucratif, le nombre de jouets - les divers facteurs de qualité utilisés dans les études - ne se sont pas avérés avoir une influence importante sur le développement de l'enfant. Il semble que l'information mette surtout l'accent sur la personne qui s'occupe de l'enfant. S'agit-il ou non des parents? S'il ne s'agit pas des parents, cela risque de nuire aux liens affectifs entre parents et enfants.

Quelle en est l'importance? L'importance découle vraiment de la stabilité des liens parentaux. Les recherches sont tout à fait unanimes sur ce point partout dans le monde. En fait, à la fin de 1994, j'ai publié un document à propos des incidences cliniques de cet aspect dans le International Journal for the Advancement of Counselling. Il est possible désormais de soutenir que des liens parentaux stables permettent aux adolescents de devenir des gens sains, productifs et heureux tandis que des liens parentaux précaires risquent d'entraîner chez eux des problèmes affectifs et comportementaux graves, y compris la criminalité chez les jeunes. Certaines études assez récentes abordent également le problème du suicide.

C'est pourquoi j'ai indiqué certaines de ces tendances. La formation de ces liens est un élément essentiel, d'une très grande importance.

Le président: Je donnerai d'abord la parole à M. Dubé.

[Français]

M. Dubé (Lévis): J'ai écouté avec intérêt tous vos propos et, à la suite de la question deM. Szabo, j'avance certaines hypothèses. De fait, vous dites que pour prévenir les problèmes de délinquance, de santé et d'autre ordre, il est idéal que les deux parents soient présents, qu'ils soient intéressés et sensibles et qu'ils apportent une sécurité affective aux enfants. Ils peuvent toutefois, à cause des contraintes du marché du travail, ne pas être aussi présents, mais continuer cet apport auprès de leurs enfants, en couple ou de façon individuelle s'ils sont séparés, et adopter de bonnes mesures préventives.

À l'inverse, il peut arriver que des parents ne soient pas aussi sensibles et responsables qu'ils devraient l'être à titre de père ou de mère. Les paliers de gouvernement n'ont aucun contrôle à cet égard. On ne peut s'assurer à l'avance des qualités des parents.

Il ne nous reste donc qu'à travailler aux soins provenant d'autres sources. Dans une situation imparfaite, des services de garde de qualité peuvent-ils diminuer les risques? Si oui, à quoi se réfère-t-on lorsqu'on parle de tels services de garde?

M. Genuis: Merci de votre question.

.0925

[Traduction]

Tout d'abord et je tiens à le répéter, la constatation selon laquelle la situation idéale est la présence de deux parents sensibles et affectueux qui assurent un environnement stable à leurs enfants n'est pas de moi. Je ne fais que vous rendre compte des constatations des études faites un peu partout dans le monde.

Les chercheurs n'ont pas examiné la situation en fonction d'un très bon parent et d'un moins bon parent. C'est ce qu'a fait la nouvelle étude mais la fiabilité des instruments utilisés laisse tellement à désirer qu'on ne peut pas vraiment tenir compte de ces constatations. Je regrette de devoir le dire mais c'est ainsi.

Ce que nous pouvons dire d'après l'information dont nous disposons jusqu'à présent, c'est que dans l'ensemble les parents de débrouillent très bien. Il y en a de toutes les sortes. Certains parents ne s'occupent pas bien de leurs enfants et constituent un important facteur de risque mais la majorité des parents dans notre société s'occupent bien de leurs enfants. La majorité des parents de notre société ont répondu à un sondage Angus Reid en 1994 effectué dans l'ensemble du Canada - et cela répondra à votre question, d'ailleurs très intéressante, concernant le marché du travail - et ont répondu que s'ils avaient une stabilité économique, ils préféreraient quitter le marché du travail et se consacrer à leur famille.

C'est en partie la raison pour laquelle je comparais devant vous aujourd'hui pour vous dire qu'effectivement le gouvernement ne peut pas tout contrôler. Cependant, s'il existe des mesures que le gouvernement peut prendre pour offrir cette option à la population, cela serait profitable au Canada et aux enfants canadiens et correspondrait aux souhaits des parents partout au Canada.

En ce qui concerne les parents dans la situation la plus extrême, nous disposons de certaines options. Cette étude nous indique que les parents qui sont moins sensibles... les séparer de leurs enfants est très risqué même pendant dix heures par semaine. C'est un aspect qui me préoccuperait. Si les parents n'arrivent vraiment pas à s'occuper de leurs enfants, on pourrait effectivement envisager d'autres solutions de rechange mais c'est vraiment la minorité des parents. La plupart des parents canadiens s'occupent très bien de leurs enfants.

Le président: Il nous reste environ cinq minutes pour ce témoin puis nous devrons passer au prochain. Le prochain témoin sur la liste est Sharon.

Mme Hayes (Port Moody - Coquitlam): Merci, monsieur le président. Je tâcherai d'être brève.

Je sais que c'est une question qui dérange les parents car ceux d'entre nous qui avons recours aux garderies nous sentons un peu menacés par certaines choses qui ont été dites. Même au sein de ce comité, je sais que lorsque nous discutons de certaines questions, ceux qui sont d'un avis différent risquent d'être sur la défensive. J'ignore si c'est nécessaire et je suis sûre que ce n'est pas voulu. Ce que vous êtes en train de dire, c'est qu'il s'agit de questions qu'il faut peut-être mettre sur le tapis et qui pourraient faire l'objet d'énoncés de principes.

J'ai examiné une partie de la documentation remise à ce comité dès janvier de cette année. Des rapports et des études ont été publiés. J'ai Achieving Health for All de 1986, Stratégies d'amélioration de la santé de la population de 1994, l'initiative de développement de l'enfant Grandir ensemble, A Vision of Health for Children and Youth in Canada, The Health of Canada's Children. La liste des projets effectués par le gouvernement sur la santé des enfants est interminable.

Selon ces documents, il semble qu'à l'heure actuelle le gouvernement consacre probablement l'équivalent de 15 milliards de dollars par année à des initiatives axées sur la santé des enfants. Pourtant, je crois que vous venez de mentionner qu'il n'existe qu'une seule étude récente sur la formation des liens parentaux.

J'aurais quelques questions. Est-ce que vous recevez une aide financière du gouvernement pour votre travail ou travaillez-vous de façon indépendante? Pourriez-vous commenter sur les priorités gouvernementales, compte tenu de la constatation très importante que vous avez faite? Lorsque nous examinons la participation du gouvernement à la recherche, il semble que ce domaine n'ait peut-être pas été une priorité pour le gouvernement.

M. Genuis: Au sujet du premier point, il faut remarquer que la Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille, dont je suis le directeur exécutif et un employé comptable au Conseil d'administration, n'accepte aucun financement public. Nous effectuons des contrats de recherche mais nous n'acceptons pas de capitaux d'exploitation du gouvernement. Nous ne recevons aucun fonds gouvernemental.

.0930

Deuxièmement, de nombreuses études ont en fait été effectuées sur la formation de liens affectifs entre mère et enfant. Il s'agit de l'étude la plus récente. C'est la raison pour laquelle je me présente aujourd'hui devant vous en toute confiance. La méta-analyse de toute cette information sur la formation de liens affectifs qui a été effectuée par un recherchiste est très claire, logique et directe.

Je m'excuse si quelqu'un est sur la défensive. Telle n'est pas l'intention. Nous visons à éduquer et à informer les gens pour que la meilleure décision possible puisse être prise pour le Canada et les enfants canadiens.

Qu'est-ce que je proposerais à titre personnel? J'ai toujours peur de me prononcer parce qu'il m'arrive de me faire dire que j'exerce des pressions politiques, mais je répondrai à votre question.

Le développement des enfants canadiens doit se retrouver au sommet de la liste des priorités. Si l'on nous dit que la garde des enfants par les parents l'emporte constamment sur la garde des enfants par d'autres que les parents, et que cet attachement aux parents, comme semblent le démontrer toutes les recherches effectuées de par le monde, a un lien direct sur la santé, et on peut présumer un rapport de cause à effet avec elle, et qu'un lien peu solide pourrait nuire à la santé des adolescents, je recommanderais alors au gouvernement de mettre au point des politiques qui rendraient plus accessibles la garde par les parents plutôt que de se concentrer sur d'autres programmes.

La plupart des parents se tirent bien d'affaire, et si nous pouvons leur faciliter la tâche auprès de leurs enfants, nous serions beaucoup plus avancés et nous pourrions faire de la prévention, comme vous l'avez dit, monsieur Dubé.

Cela nous permettrait également de venir en aide, en toute franchise, à la minorité des parents qui éprouvent d'énormes problèmes... Le gouvernement pourrait concentrer ses efforts sur des programmes précis afin d'aider directement ces personnes plutôt que d'essayer de mettre en place un filet de sécurité universel. Les mailles du filet étant trop larges, nombre de gens passent à travers. Nous pouvons resserrer ce filet pour ce secteur et offrir aux gens l'occasion de faire le très bon travail dont ils sont tout à fait capables pour le reste du pays.

J'espère que cela répond à votre question.

Le président: Je vous remercie.

Notre temps est écoulé. Je me rends compte que deux autres personnes n'ont pas eu l'occasion de poser des questions. Vous pouvez peut-être les lui poser à l'extérieur.

M. Genuis: Je serais très heureux de rester jusqu'à la pause pour répondre aux questions qu'on voudra bien me poser.

Le président: Quelle pause? Nous l'avons prise il y a deux minutes.

M. Genuis: Oh, je m'excuse.

Le président: Pour être en mesure d'entendre un certain nombre de témoins, nous devons poursuivre. Nous avons prévu l'audition d'autres témoins ce matin de même qu'une séance à huis clos à 10h30.

Je vous remercie beaucoup d'être venu, Mark, et je remercie également vos collègues. Votre prestation a été impeccable.

M. Genuis: Je vous remercie beaucoup.

Le président: Nous invitons maintenant Martha Friendly à nous rejoindre à la table. Elle représente la Childcare Resource and Research Unit du Centre des études urbaines et communautaires de l'Université de Toronto.

Je vous souhaite la bienvenue Martha. C'est gentil à vous d'être venue. Vous pouvez faire une brève déclaration liminaire et nous laisser du temps pour vous poser quelques questions.

Mme Martha Friendly (coordonnatrice, Childcare Resource and Research Unit, Centre des études urbaines et communautaires de l'Université de Toronto): Bonjour - et maintenant quelque chose de tout à fait différent. Cela ne vous surprendra peut-être pas.

D'une certaine manière, j'aimerais faire partie de votre comité pour participer à ces discussions. Mais je ne le ferai pas; je vais plutôt mettre l'accent sur un autre aspect. Je vais vous parler aujourd'hui de l'éducation de la petite enfance et de sa contribution au développement sain dans l'enfance. Je pars du point de vue que dans le large contexte de la santé des enfants, les soins de santé de qualité et l'éducation de la petite enfance peuvent jouer un rôle de tout premier plan pour empêcher les effets néfastes sur les enfants.

Des services de garde de grande qualité qui correspondent au niveau d'apprentissage de l'enfant profitent à tous les enfants, peu importe la situation économique ou professionnelle de leurs parents. Presque partout dans le monde - et non partout - la famille nucléaire est la principale responsable de l'éducation des enfants. Traditionnellement, la famille nucléaire a été soutenue dans ce rôle par la famille plus large ou étendue de même que par la collectivité dans son ensemble. Même si la structure, l'organisation et les rôles de la famille ont connu d'importants changements, il en va toujours de même aujourd'hui.

.0935

Cependant, la société dans son ensemble en profite si les enfants deviennent des adultes qui sont capables d'affronter la vie, qui ont confiance en eux et qui apportent leur contribution à la société, qui savent surmonter les obstacles et, de ce point de vue, l'éducation des enfants est en partie une responsabilité collective puisqu'elle comporte des avantages collectifs. Dans un pays industrialisé et moderne comme le Canada, nous en profitons tous si nos enfants grandissent et se développent bien et à ce titre l'éducation des enfants a un rôle important à jouer dans notre bien-être futur et notre prospérité économique.

Je veux parler un peu de ce qu'est la garde des enfants et de la manière dont nous la définissons. Nous entendons habituellement par là les soins et l'éducation de la tendre enfance pour les jeunes enfants à l'extérieur de la famille immédiate et de l'école régulière. La garde peut être assurée, et c'est habituellement le cas au Canada, à l'extérieur des services accrédités et sans financement public.

Au Canada, les services de garde correspondent aux dispositions prises en matière de garde qui relèvent d'une politique et de programmes de financement public, habituellement provinciaux. Ceux-ci incluent les services offerts dans des garderies, les garderies éducatives, les services de garde en milieu familial accrédités, les programmes Bon départ, les programmes Grandir ensemble dans le cadre du Plan d'action canadien pour les enfants, les centres de développement de l'enfance, les centres de ressources familiales de même qu'un éventail de programmes de formation au rôle de parent.

Dans d'autres pays, par exemple en France et en Italie, les services à la petite enfance relevant du système d'éducation sont le fondement de la garde des enfants et de l'éducation de la petite enfance. Cependant, au Canada, les classes maternelles ne sont pas pour la plupart coordonnées avec les services de garde essentiels.

Un dernier complément à des services complets de garde d'enfants, qui devrait être organisé au niveau local, consisterait en congés parentaux adéquats et en d'autres programmes travail et famille.

Pour le reste de mon exposé, je vais cesser de parler de services de garde d'enfants et d'éducation de la petite enfance. Je vais simplement parler de la garde des enfants.

Il est devenu évident dans les années quatre-vingt-dix que la garde des enfants en tant que service humanitaire comportaient de multiples objectifs. Outre le fait que les services de garde permettent aux parents ou aux femmes de suivre des cours de formation et de travailler, ce qui aide certaines familles à se sortir un tant soit peu de la pauvreté et à favoriser un développement sain, c'est un outil qui aide à atténuer le stress au travail et au sein de la famille et qui peut contribuer à offrir des services de soutien à la famille comme des programmes de formation au rôle de parents.

Les services de garde d'enfants peuvent être particulièrement utiles à certains groupes d'enfants et de familles, qu'il s'agisse de prôner la diversité, maintenir la culture et les coutumes des populations autochtones et donner l'occasion d'apprendre l'anglais ou le français comme langue seconde. Enfin, les enfants qui ont des besoins spéciaux, physiques ou de développement, profitent de milieux de garde types qui favorisent la tolérance et la compréhension. Les services de garde d'enfants peuvent ainsi contribuer à la cohésion sociale qui favorise la bonne santé et le bien-être de tous.

Je veux parler de facteurs qui encouragent les enfants à devenir des adultes sains et capables d'affronter la vie. De nombreux facteurs entrent en jeu: les caractéristiques innées ou le patrimoine génétique, les conditions prénatales, l'environnement physique, la nutrition, les attributs de la famille et l'interaction, les facteurs économiques, etc. Ces facteurs s'imbriquent de façon compliquée pour produire des enfants sûrs d'eux et satisfaits, qui sont capables d'affronter la vie, ou qui au contraire, sont démunis de ces attributs.

La recherche révèle aujourd'hui que les facteurs socio-économiques ont un impact déterminant sur la santé physique et mentale et que la santé et le développement des enfants devraient être considérés globalement. La garde des enfants à l'extérieur de la famille nucléaire ne constitue que l'un de ces facteurs. Ainsi, du point de vue de la politique publique, il est opportun de considérer que la politique en matière de garde d'enfants compte parmi les éléments qui ont une incidence sur les enfants et leurs familles et cela inclut la sécurité du revenu, la politique en matière de santé, le logement, d'autres programmes et politiques de soutien à la famille, l'emploi et l'environnement physique.

Cependant, si la garde des enfants joue un rôle primordial dans le développement des enfants, c'est pour deux raisons principales dont la première qu'a abordée M. Dubé. De nos jours, nombreux sont les jeunes enfants dont la garde est confiée, pendant une bonne partie de leur petite enfance, à des services à l'extérieur de la famille immédiate parce que l'un des parents, ou les deux, travaille, fréquente l'école ou suit des cours de formation pour diverses raisons.

La garde des enfants revêt en outre une grande importance en raison de ses répercussions sur le développement et l'apprentissage des enfants pendant leur petite enfance, avant l'âge de la scolarité obligatoire. Il s'agit en fait de la fin de la petite enfance, et non de la tendre enfance, et cela dépend du fait que la mère effectue ou non un travail rémunéré.

Deux thèmes émergent de la documentation relative au développement de l'enfant à cet égard. Premièrement, la garde supervisée avec un groupe d'autres enfants pendant la petite enfance est valable, surtout parce qu'elle permet à l'enfant de développer des liens avec ses pairs en salle de classe de même que ses capacités langagières.

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Deuxièmement, il est clair que la qualité de l'expérience en ce qui a trait à la garde est essentielle pour en déterminer les répercussions. Des services de garde de grande qualité auront vraisemblablement un effet positif; des services de garde de piètre qualité peuvent avoir des répercussions néfastes. Par services de grande qualité, on entend ce qui va au-delà de la simple protection de la santé et de la sécurité de l'enfant; ceux-ci doivent également contribuer au développement physique, affectif, social et cognitif de l'enfant.

Pour préciser ces points, j'ai déposé auprès du comité une analyse documentaire. Je ne veux pas discuter pour l'instant de l'analyse documentaire ou de la méta-analyse, mais il s'agit d'une bonne analyse documentaire d'études menées dans des conditions contrôlées auprès d'enfants au moins tout au long de l'école primaire.

Je ne vais pas vous dire ce que sont les services de garde de grande qualité - vous pourrez lire à ce sujet dans le mémoire - à moins que quelqu'un veuille que je le fasse, mais certaines caractéristiques sont connues. Les écrits ne manquent pas sur ce qui produit des services de garde de grande qualité à l'extérieur de la famille, sur les caractéristiques des programmes et des services, et cela inclurait les programmes de garde en milieu familial.

J'aimerais simplement soulever deux ou trois points en ce qui concerne l'orientation actuelle en matière de garde des enfants à l'échelle du pays. Ils sont de deux ou trois ordres. Je m'interroge tout d'abord sur l'état des programmes provinciaux en la matière dans presque tout le Canada, à l'exception de plusieurs provinces.

Vous savez, les services de garde existent à l'état vraiment embryonnaire dans toutes les régions du Canada. Il n'existe aucune coordination, que ce soit entre les services ou entre les programmes de financement offerts par le gouvernement fédéral et les provinces. Cela pose d'énormes problèmes pour les familles et les enfants sans compter l'absence de continuité, et on ne semble pas se diriger vers une plus grande cohésion.

Je fais en outre des réserves en ce qui concerne le gouvernement fédéral. Je veux parler de l'élimination du Régime d'assistance publique du Canada. Je sais qu'il s'agit du Comité de la santé, mais les services de garde sont subventionnés depuis l'implantation du Régime d'assistance publique du Canada au milieu des années 1960. C'est ce régime qui soutient dans une large mesure les services de garde d'enfants accrédités. Le Régime d'assistance publique du Canada est chose du passé. Jusqu'ici, rien n'est prévu dans le programme de transfert en matière de santé et de services sociaux au Canada pour garantir, voire favoriser, les services de garde d'enfants ou la mise au point de services de garde de qualité.

Ainsi ce geste, de même que l'orientation prise par de nombreuses provinces, a laissé les familles et les enfants dans presque toutes les régions du Canada... J'aimerais faire une digression pour dire que j'ai assisté la semaine dernière à une réunion avec des spécialistes des services de garde de toutes les régions du Canada. Je crois qu'il y avait des représentants de toutes les provinces et territoires. Presque partout au Canada, les services de garde d'enfants se désintègrent vraiment sous nos yeux. Je veux vraiment le signaler. En même temps, les Libéraux semblent avoir mis au rancart l'engagement qu'ils avaient pris dans leur Livre rouge d'augmenter les services de garde d'enfants. Certaines orientations politiques ne sont donc pas de bien bon augure en ce qui a trait à la garde des enfants.

J'aimerais que l'on s'arrête aux propositions visant une politique des services de garde. L'expression «programme national de services de garde» donne peut-être à certains l'impression d'un régime monolithique de programmes institutionnels. Au contraire, si nous avions une politique nationale vraiment efficace, elle pourrait faire en sorte que toutes les régions du Canada offrent une gamme de services souples de compétence provinciale, planifiée à l'échelle locale et complétée par un congé parental bonifié. Au départ, il faut que la politique soit la bonne.

Comme ils le devraient, ces services incluraient les garderies et la garde en milieu familial, la prématernelle et la maternelle, les centres de ressources familiales et d'autres services adaptés à la communauté et complétés par un congé parental bonifié. Ils ne viseraient pas des clientèles particulières, par exemple des enfants dont les mères travaillent, des enfants vivant dans la pauvreté ou des enfants à risque, mais représenteraient un régime complet de services qui varieraient selon la collectivité.

Il faudrait que les services de garde jouissent d'importants fonds publics afin de pouvoir en faire correspondre le coût à un prix qui soit abordable et qui permette de payer des salaires décents aux éducateurs de la prime enfance ainsi que d'offrir des programmes de grande qualité garants non seulement d'une bonne santé et de sécurité, mais aussi du développement sain des enfants.

Dans toute stratégie visant à promouvoir le développement sain des enfants, des services de garde de grande qualité sont une nécessité, non pas un luxe. Le Canada est actuellement un des seuls pays industrialisés du monde occidental à ne pas avoir de politique en la matière. Ailleurs, on reconnaît que la santé de la société passe par le sain développement de ses enfants et on consacre d'énormes sommes à des services de garde de grande qualité. Un régime complet de services de garde de grande qualité est un bon investissement dans l'avenir. L'heure est venue pour le Canada d'agir pour en faire une réalité.

Je vous remercie. Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.

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Le président: Avant de passer à la prochaine série de questions, je vais céder la parole brièvement à deux personnes qui n'ont pas eu leur tour, la fois précédente, si elles ont toujours des questions à poser.

Andy n'a plus de questions.

Vous avez la parole pour quelques minutes, Joe, puis Pauline entamera la série de questions suivante.

M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Madame, je vous remercie de votre exposé.

J'aurais trois observations très brèves à faire. J'espère que vous ne les prendrez pas mal.

Mme Friendly: Non.

M. Volpe: Tout d'abord, je suis préoccupé par le fait que vous ne souhaitiez pas vous lancer dans un débat sur le mérite relatif de la recherche, qu'il s'agisse de dépouiller la documentation ou de faire une méta-analyse.

Mme Friendly: Je n'y suis pas opposée.

M. Volpe: Ensuite, le programme qui remplace le RAPC prévoit un plancher. Plutôt que de nous lancer dans un débat sectaire, il conviendrait de noter, je crois, que les provinces continuent de recevoir beaucoup d'argent à ce titre. Par conséquent, comme on dit dans les Maritimes, c'est probablement une diversion.

Ma troisième observation est la plus préoccupante. Vous avez touché une corde sensible. Si vous le voulez bien, j'aimerais savoir comment vous y réagissez.

En tant qu'humble député, il me semble que l'industrie des services de garde et d'autres programmes du genre est depuis 10 ou 15 ans menée par des personnes de mon groupe d'âge issues d'une société où il n'y avait pas de services de garde comme nous les entendons aujourd'hui et que les bénéficiaires de ces programmes sont ceux dont nous avons entendu parler dans le cadre de notre étude et au sein d'autres comités. Ce sont ceux qui exigent le plus d'attention, qui font l'objet de beaucoup de débats concernant le comportement social dysfonctionnel.

Quand on entend parler des millions, si ce n'est des milliards de dollars qui ont été investis dans ce programme, je me demande si le résultat est aussi bon que prévu.

Mme Friendly: Je vais répondre à vos questions dans l'ordre.

Je me lancerai volontiers dans un débat à ce sujet. J'ai dit, par contre, qu'il n'en serait pas question dans mon exposé.

Quelle était votre deuxième question?

Quoi qu'il en soit, en réponse à votre troisième question, j'aimerais savoir si vous parlez de mon exposé ou de celui d'autres témoins?

M. Volpe: Je parle de votre exposé. J'ai entendu de belles paroles, bien des mots, alors que j'attendais des précisions, des suggestions, peut-être même des recommandations qui seraient utiles à un député comme moi. Tout ce que j'ai entendu, ce sont des mots, et ils étaient prononcés par une personne de mon groupe d'âge qui a probablement profité d'une organisation sociale, si je puis employer l'expression dans son sens large, qui n'offrait pas le genre de services dont elle parle. Je me demande simplement si le résultat...

Mme Friendly: Pardon,...

M. Volpe: Un instant. Enfant, avez-vous bénéficié de programmes quelconques de services de garde?

Mme Friendly: J'ai été à la maternelle lorsque j'étais enfant.

M. Volpe: Épatant. Moi aussi.

Mme Friendly: Voilà.

M. Volpe: Si nous voulons nous lancer dans ce genre de débat, il faudrait remonter à la source et voir pourquoi un réseau scolaire a été établi au départ, soit en vue d'éliminer l'emploi des enfants et d'encourager une conscience sociale très élargie.

Qu'est-ce que cela laisse présager?

Venez-vous d'une petite localité?

Mme Friendly: Non, je viens de la banlieue. J'ai grandi dans la banlieue. Voulez-vous connaître mon passé? Êtes-vous préoccupé parce que...

M. Volpe: Je me demande simplement si certaines des observations sont légitimes, c'est tout.

Mme Friendly: Je vous ai dit que j'avais fréquenté une maternelle et que j'avais grandi dans la banlieue.

Me posez-vous des questions au sujet des personnes qui, comme moi, ont bénéficié de services de garde - nous pourrions en débattre - ou m'interrogez-vous au sujet des méfaits des services de garde sur les enfants du même âge que les nôtres qui se font garder?

M. Volpe: En réalité, je suppose que je m'interroge au sujet des deux à la fois.

D'après ce que j'ai entendu de vous et d'autres témoins, je constate que la plupart de ceux qui plaident en faveur de ce que vous proposez n'ont pas bénéficié de tels services et travaillent maintenant dans l'industrie. Cependant, je constate également que ceux qui ont bénéficié de ce régime ne sont pas forcément ceux qui comparaissent devant nous pour dire: «Nous en avons beaucoup profité, comme toute la société en général».

Le président: Faites que votre réponse soit brève. Nous avons beaucoup à faire.

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Mme Friendly: Cela a-t-il un rapport avec ce dont nous parlons?

M. Volpe: Je l'ignore. C'est ce dont vous êtes venue nous entretenir.

Mme Friendly: Je ne suis pas sûre du rapport avec ce dont nous discutons. Si vous voulez connaître ma réponse à la deuxième partie de votre question, je vous la donne.

Les faits font très bien ressortir que des services de garde de bonne qualité et des programmes destinés à la prime enfance sont bons pour les enfants. La recherche, amorcée aux alentours de 1970, s'est améliorée au fil des ans. Il existe beaucoup de documentation. J'ai déposé une analyse de la documentation; il en existe d'autres. Si vous voulez débattre de l'opportunité de faire une méta-analyse plutôt qu'une étude de la documentation, nous pouvons parler des formes relatives d'analyse et de recherche, mais je ne crois pas que ce soit exactement la raison pour laquelle nous sommes ici.

Exclusion faite de la première partie de votre question, je m'étonne de votre position. J'ignore quels documents le comité a eu à lire, mais il existe beaucoup de documentation en provenance d'Europe et, surtout, des États-Unis établissant que des services de garde de bonne qualité et des programmes destinés à la prime enfance ont divers bienfaits.

Je ne crois pas que nous ayons eu accès à pareils services durant notre enfance. J'ignore s'il en existait. Tout ce dont je me souviens... À l'auge de nos normes contemporaines, mon école maternelle n'était probablement pas très bonne. C'était comme l'école. Le préscolaire ressemblait à l'école.

Je suis certaine d'être plus âgée que vous, soit dit en passant.

Le président: Ce n'est pas vrai.

Des voix: Oh, oh!

Mme Friendly: Durant les années quarante, lorsque je fréquentais la maternelle, c'était comme aller à l'école.

Je m'étonne que ce soit là votre position. Nous pourrions parler de documentation. Je pourrais vous fournir des documents sur les avantages de l'éducation à la prime enfance.

Je tiens seulement à dire, entre parenthèses, que ce qui m'intrigue vraiment au Canada, c'est la résistance de la population, ou de certaines parties d'entre elle, à admettre que l'apprentissage social se fait à l'âge préscolaire. En Europe, on n'en doute pas. On ne songerait même pas à critiquer une telle notion. On n'envisage même pas la possibilité de ne pas envoyer ses enfants à l'école maternelle ou de ne pas les inscrire dans des programmes préscolaires offerts partout en Italie.

En fait, la plupart des enfants français, italiens et belges sont inscrits dans ces programmes, que leur mère travaille ou pas, car on les considère comme avantageux. Il existe une certaine documentation dans ces pays, bien qu'elle ne soit pas considérable parce qu'ils n'effectuent pas beaucoup de recherche à cet égard.

Je ne sais comment répondre à la deuxième partie de votre question. Je m'étonne que ce soit votre pensée. Ce n'est tout simplement pas vrai. Il existe beaucoup de documentation qui prouve qu'il est avantageux pour les enfants d'être inscrits dans les programmes de qualité dès la prime enfance.

Le président: Martha, vous vous sous-estimez. Vous êtes à la fois plus jeune et plus intelligente que lui.

Des voix: Ho, ho!

Le président: Je vous remercie.

Pauline, vous avez la parole, puis ce sera au tour de Sharon.

[Français]

Mme Picard (Drummond): Mme Friendly pourrait-elle déposer l'analyse qu'elle a faite auprès du comité?

Dans votre exposé, vous disiez qu'à l'heure actuelle, il existait une foule de programmes et services non coordonnés. Je crois que votre étude a été faite à Toronto, en Ontario. Avez-vous déjà fait une étude des programmes qui existent dans votre province et de ceux du gouvernement fédéral? Si tel est le cas, j'aimerais en connaître les résultats. Sinon, ne devrait-on pas recommander au comité de travailler en vue d'éviter tout gaspillage au niveau de ces programmes qui se chevauchent et ne sont plus efficaces?

.0955

Vous parliez plus tôt du Transfert social. Il y a eu des coupures dans le Transfert social, mais si on examinait ce qui se fait dans chaque province et au fédéral et qu'on éliminait les dédoublements et chevauchements, on pourrait se doter de programmes encore plus efficaces et enrayer les difficultés que nos enfants éprouvent actuellement. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

Mme Friendly: On pourrait agir sur plusieurs fronts. J'ai périodiquement rédigé des rapports sur les programmes provinciaux et territoriaux de services de garde. Je suis justement en train d'en rédiger un. Dans chaque province et dans chaque territoire, il existe toute une gamme de services.

Lorsque j'ai parlé du gouvernement fédéral, j'ai dit que, sur le plan financier, le Régime d'assistance public du Canada servait à financer des services de garde. Le gouvernement fédéral offre la déduction pour frais de garde d'enfants. Il offre autre chose appelée l'allocation de personne à charge, qui prévoit des allocations de frais de garde pour ceux qui sont inscrits à des programmes de formation fédéraux. Actuellement, dans le cadre du Plan d'action canadien pour les enfants, il met en place divers programmes de services de garde intitulés Grandir ensemble. Il offre un nouveau programme de service de garde pour les Autochtones dont l'exécution relève du Développement des ressources humaines. Par l'intermédiaire du ministère de la Santé, il exécute un programme Bon départ visant les Autochtones. Je crois que c'est tout, au niveau fédéral.

Dans chaque province, le ministère de l'Éducation administre un programme de maternelle, et il existe de nombreux autres services de garde qui ne sont pas coordonnés. Bien des personnes actives dans cette sphère ont réclamé au fil des ans une coordination de ces activités pour éviter le gaspillage, rendre des comptes et offrir de meilleurs services aux familles, que les parents aient un travail rémunéré ou pas.

Aucune province ne l'a vraiment fait, bien que certaines mesures aient été prises. Je sais qu'au Québec, on vient tout juste de publier un rapport sur l'éducation qui traite de l'éducation à la prime enfance et, dans une certaine mesure, de son intersection avec les garderies. En Ontario, le gouvernement Harris a tué dans l'oeuf une proposition qui aurait permis d'offrir la garde de jour sans discontinuité pour les quatre et cinq ans. Ainsi, les écoles auraient offert un service de garderie et de maternelle assuré par des équipes d'enseignants chevauchantes dans le cadre de programmes non pas coordonnés, mais intégrés. Toutefois, l'idée en a été rejetée.

Partout au Canada, ce genre de services manque de ressources, et l'argent qui leur est versé n'est pas intégré. Ce serait une excellente idée. J'aimerais bien que votre comité fasse une recommandation en ce sens. Le milieu des services de garde recommande depuis des années que nous fassions une utilisation plus judicieuse des ressources existantes et que nous cessions de les gaspiller.

[Français]

Mme Picard: Vous avez dit qu'au Québec, il existait une stratégie pour la petite enfance. Avez-vous pu faire une étude et comparer ce qui se faisait au Québec et dans les autres provinces?

[Traduction]

Mme Friendly: On vient tout juste de recommander cette stratégie au Québec.

Effectivement, j'ai fait une étude comparative des provinces. Cependant, selon l'aspect étudié, les résultats changeront d'une province à l'autre. Chacune a ses points forts et ses points faibles. On peut donc les comparer pour ce qui est de l'offre, du coût, des salaires, et ainsi de suite. Toutefois, cette stratégie n'a pas encore été élaborée.

Le président: Sharon, c'est maintenant à vous.

Mme Hayes: Il a été intéressant de voir dans quel état d'esprit vous avez été accueillie. Soit dit en passant, je vous remercie d'être venue. Quelqu'un du parti ministériel a fait observer qu'on entendrait maintenant des choses positives, laissant ainsi entendre que le témoin précédent avait dit des choses négatives. J'en suis offusquée. Ce n'est pas de votre faute, en tant que témoin, mais j'estime qu'il faut en faire état dans le compte rendu. Si l'on pense que l'exécution de bonnes études et l'offre de bons soins parentaux dans notre société sont négatives, il faut en prendre note. Soit dit en passant, je mets au défi les membres du parti ministériel de le prouver.

Ma première question...

Mme Gaffney (Nepean): Pardon, je n'ai pas entendu ce que vous venez de dire.

.1000

Mme Hayes: Lorsque la témoin s'est présentée au comité, quelqu'un a fait remarquer que nous entendrions maintenant des choses positives. Je suis vexée qu'on ait laissé entendre qu'un témoin qui parlait de bien assumer son rôle de parent - je parle du témoin précédent - disait des choses négatives.

Mme Friendly: J'ai dit ça, moi?

Mme Hayes: Non, pas vous. J'ai parlé d'un membre du parti ministériel.

Mme Gaffney: Qui a dit cela?

Mme Hayes: En fait, Beryl, c'était vous.

Mme Gaffney: C'était moi? Mais je n'ai pas pipé mot de la journée.

Mme Hayes: Vous n'avez pas parlé dans le microphone, mais vous l'avez effectivement dit lorsque la témoin s'est présentée à la table.

Mme Gaffney: Je n'ai rien dit du tout. Allons, Sharon, revenez sur terre.

Mme Hayes: Je vous ai entendu. Quoi qu'il en soit, je crois qu'il existe des idées préconçues et je m'en offusque.

Je sais que vous venez de l'Université de Toronto. Le gouvernement vous verse-t-il directement des fonds de recherche?

Mme Friendly: Je savais que vous me poseriez la question. Oui.

Mme Hayes: Je pose la question en réalité à de très nombreux témoins et je crois qu'elle est honnête. Je l'ai posée au témoin précédent.

Mme Friendly: Puis-je faire une observation à ce sujet?

Mme Hayes: Faites, je vous en prie.

Mme Friendly: Les allégements ou les dégrèvements fiscaux représentent-ils une forme de subvention gouvernementale, selon vous?

Mme Hayes: Non, je demandais simplement à savoir si vous recevez des fonds du gouvernement. Je ne vous demanderai même pas combien.

Je ne dispose pas de beaucoup de temps, mais l'autre question...

Mme Friendly: J'aimerais vous poser une question.

Mme Hayes: Navrée, mais c'est vous le témoin, et moi qui interroge.

À votre avis, les 70 000 fonctionnaires syndiqués prodiguent-ils de meilleurs soins aux enfants que les parents, la communauté ou l'entreprise privée - par exemple, un membre de la localité agréé comme service de garde qui offre un programme en dehors du réseau subventionné? Croyez-vous qu'un réseau public est, par définition, meilleur qu'un réseau établi au sein de la localité?

Mme Friendly: Tout d'abord, je crois que vous confondez un réseau subventionné et un réseau administré par des fonctionnaires. Soyons très clairs: j'affirme qu'il est impossible d'offrir des services de garde de bonne qualité à un prix que peut payer la famille moyenne à moins de recevoir une subvention. Je pourrais vous en faire la preuve.

Savoir si le réseau doit être exploité par les fonctionnaires est une autre paire de manches. Au Canada, on est en règle générale en faveur de programmes communautaires. Vous mettez dans le même bateau l'industrie réglementée et l'industrie non réglementée, et je me demande si vous ne mélangez pas non plus les services communautaires à but non lucratif et à but lucratif...

Mme Hayes: Je vous parle de fonctionnaires par opposition à l'entreprise privée.

Mme Friendly: Ce n'est pas une bonne base de comparaison. Les fonctionnaires...

Mme Hayes: Ce n'est pas la seule base de comparaison, mais c'est celle au sujet de laquelle je vous interroge.

Mme Friendly: Je n'en sais rien, car je ne l'ai jamais étudiée. Je n'ai jamais relevé de recherches établissant que les fonctionnaires... Parlez-vous de fonctionnaires comme ceux qui analysent la politique, par exemple?

Mme Hayes: Non, je parle d'experts des services de garde subventionnés par les fonds publics, de personnes qui sont payées par le gouvernement provincial ou fédéral. Je parle des fonctionnaires qui fournissent des services de garde par opposition à ceux de l'entreprise privée.

Mme Friendly: D'après la recherche, les services de garde privés ne sont pas, en règle générale, d'aussi bonne qualité que les services de garde communautaires. Toutefois, je soutiens que vous confondez un certain nombre de choses. La question déborde largement ce cadre.

Les services de garde subventionnés par les fonds publics en règle générale... par exemple, au Québec, le gouvernement injecte de fortes sommes dans des programmes de services de garde. Cette province est celle qui investit le plus dans ses services de garde. Cependant, ceux qui fournissent les services de garde au Québec ne sont pas des fonctionnaires. La plupart des services de garde au Québec sont des programmes communautaires dirigés par des conseils de parents. La loi exige la présence d'un conseil de parents. Ces services ne sont pas administrés par des fonctionnaires, mais ce sont eux qui bénéficient en grande partie des fonds publics.

Oui, je crois que de bons services de garde d'enfants exigent un financement public; sinon, seuls les riches en bénéficient. Un point c'est tout. Ai-je répondu à votre question? Je ne parle pas de fonctionnaires.

Mme Hayes: Quelque chose d'approchant. Pensez-vous que les éducateurs qui prennent soin des enfants devraient être des fonctionnaires?

Mme Friendly: Je n'ai pas d'idées préconçues à ce sujet. Je préfère des services de garde communautaires et c'est ce dont je m'occupe. À mon avis, les services de garde d'enfants appartenant à la collectivité, aux parents, sont très bons. J'ai beaucoup d'expérience personnelle dans ce domaine et je crois que la plupart de ceux qui s'occupent de services de garde d'enfants pensent la même chose. A mon avis, c'est un très bon modèle.

Mme Hayes: Cela pourrait alors très bien ne pas relever d'un système public.

Mme Friendly: Oui.

Mme Hayes: J'ai participé moi-même à un centre préscolaire coopératif...

Mme Friendly: C'est ce dont nous parlons, effectivement.

Mme Hayes: ...qui ne bénéficiait absolument pas de financement public et qui n'était pas un programme gouvernemental.

Mme Friendly: Non, mais vous pouvez avoir un financement public et une administration communautaire. Je vous parie... Était-ce en Colombie-Britannique?

Mme Hayes: Oui, en Colombie-Britannique, et sans financement public.

.1005

Mme Friendly: À ce moment-là, il n'y avait pas de financement public, mais dans de nombreux endroits, cela existait.

Mme Hayes: Ce centre marchait très bien, malgré tout.

Mme Friendly: C'est possible, mais si vous voulez offrir de bons services de garde d'enfants à tous, indépendamment de la situation économique des parents, vous devez prévoir un financement public. Il n'est pas nécessaire de financer publiquement le tout, mais au moins une partie raisonnable.

Mme Hayes: Peut-être faudrait-il envisager un financement public ciblé sur ceux qui en ont besoin? Par financement public universel, on entend financement public pour les riches également.

Mme Friendly: Je suis prête à vous dire comment je procéderais, si vous voulez vraiment le savoir. Je financerais les programmes et ferais payer les parents selon leurs possibilités.

[Français]

M. Dubé: Je constate que c'est un mauvais matin pour la communication, mais je vais quand même tenter une question courte. Votre souci, dans le fond, est qu'il y ait une concertation et une coordination qui permettraient d'améliorer la qualité des différents services de garde familial. Au Québec, il y a un office de services de garde qui voit à tout cela, sauf pour les garderies en milieu scolaire. Dans un contexte où une province a un office spécialisé dans ce domaine, tenez-vous autant à une politique nationale?

[Traduction]

Mme Friendly: En ce qui concerne le Québec, la question est intéressante. Je n'ai pas vraiment de problèmes vis-à-vis du Québec et des services de garde d'enfants dans cette province. Je n'en ai jamais eus. J'en ai un peu plus à l'égard de quelques autres provinces, mais cela s'explique en partie par le fait que certaines provinces n'ont pas de ressources.

Il suffit de parler aux gens des provinces de l'Atlantique pour s'apercevoir qu'il n'y a pas de ressources pour les services de garde d'enfants. Il n'y a pas de ressources pour les programmes sociaux, à moins qu'il n'y ait péréquation. C'est un aspect du problème. Le deuxième aspect, c'est que l'on assiste au retrait des ressources et que, au plan politique, la plupart des provinces imposent des restrictions - à l'exception, à mon avis, du Québec, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan.

Par conséquent, lorsque nous parlons de programme national, nous ne voulons pas parler de programme monolithique, mais plutôt d'un programme relevant d'une compétence provinciale. Je sais qu'il s'agit d'une question constitutionnelle très importante. Je pense qu'il est utile que deux paliers de gouvernement s'intéressent à la question. Je suis désolée, mais je crois véritablement que cela fonctionnerait mieux. Les services de garde d'enfants sont l'exemple classique d'un programme relevant de la compétence provinciale, qui ne marche pas dans la plupart des régions du Canada. Pour cette raison, il serait bon d'avoir une structure fédérale nationale.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de lancer un débat sur ce point pour l'instant, mais il reste que les services de garde ne marchent pas sous leur forme actuelle. Ils ne fonctionnent absolument pas.

Merci.

Le président: Juste avant de partir, vous aviez une question à poser à Sharon.

Mme Friendly: Oui.

Lorsqu'un organisme est considéré comme un organisme de charité, il s'agit, d'après ce que je comprends, d'une forme de financement public. Je vous demande votre avis à ce sujet.

Le président: Eh bien, je dirais que oui.

Deuxièmement, avant que le témoin ne parte, je tiens à préciser qu'en plus de présider ce comité, je suis du côté du gouvernement, c'est-à-dire du côté des forts et des méchants.

J'aimerais simplement dire à Sharon que je désapprouve tout à fait que l'on me présente sous ce jour. Si vous entendez des rumeurs - ce qu'elle nie, de toute façon - je ne pense pas qu'il soit justifié de viser tout ce côté à partir de cela. Je ne suis pas d'accord avec ce que vous sous-entendez - absolument pas - et je n'aime pas que l'on me présente sous ce jour.

J'ai eu à l'université de Boston un professeur fort sage qui disait souvent: «Tous les Indiens marchent en file indienne - celui que j'ai vu, à tout le moins.» Je n'aime donc pas les généralisations.

Merci, madame Friendly.

Mme Friendly: Merci beaucoup.

Le président: Nous accueillons maintenant Betty MacPhee, qui représente le YWCA Crabtree Corner de Vancouver.

Bienvenue; nous sommes heureux de vous recevoir. Veuillez nous faire un court exposé et nous donner le temps de vous poser beaucoup de questions.

.1010

Mme Betty MacPhee (directrice, YWCA Crabtree Corner (Vancouver)): Je vois qu'il est 10h10, si bien que je n'ai pas beaucoup de temps.

Le président: Vous disposez de presque une demi-heure.

Mme MacPhee: D'accord. Mon exposé devrait prendre 10 minutes.

Tout d'abord, merci beaucoup de me donner l'occasion de faire un exposé devant le Comité permanent de la santé sur les stratégies de prévention pour des enfants en santé. Je me situe dans la perspective d'un noyau central urbain, communautaire. La question qui se pose est celle de la pauvreté de l'enfance.

Je m'appelle Betty MacPhee; je suis travailleuse sociale agréée et directrice du YWCA Crabtree Corner à Vancouver. J'aimerais décrire brièvement Crabtree afin de vous situer dans le contexte. Ce faisant, je vous donnerai le profil des enfants et des familles qui viennent à Crabtree quotidiennement.

Crabtree est un centre agréé familial et de garde d'urgence situé dans le noyau central de Vancouver, dans la partie est du centre-ville. Ce centre occupe en fait 2 800 pieds carrés d'un terrain de stationnement de la ville.

D'après Statistique Canada, en 1991, c'est dans la partie est du centre-ville que l'on retrouvait le revenu par habitant le plus bas au Canada. Près de 115 enfants, âgés de six semaines à six ans, utilisent notre centre de garde chaque mois. En 1995, on en a dénombré 502. Certains des enfants y viennent régulièrement.

Un tiers des enfants ont des besoins spéciaux en raison de la pauvreté et de la consommation d'alcool et d'autres drogues de leur mère au cours de la grossesse. Nous avons sept éducateurs et un éducateur pour enfants ayant des besoins spéciaux.

Nous offrons également toute une gamme de programmes ouverts aux différences culturelles pour les mères seules essentiellement qui utilisent les services de notre centre. Ces programmes comprennent le programme de prévention du syndrome d'alcoolisme foetal de Santé Canada: «Y'a personne de parfait», et plus récemment, les femmes et le tabac, projet de recherche créative auquel participent les femmes de la communauté et qui est axé sur l'usage du tabac pendant la grossesse et la fumée des autres. Nous avons également le programme d'action communautaire de Santé Canada pour les enfants.

Tous les enfants qui viennent à Crabtree vivent dans la pauvreté; 95 p. 100 d'entre eux vivent de l'assistance sociale. Ils appartiennent à divers milieux multiculturels, tout comme notre personnel; 80 p. 100 des enfants sont des enfants des Premières nations. Beaucoup des parents sont analphabètes.

Les familles vivent dans des chambres d'hôtel, des maisons de chambres ou partagent à plusieurs des appartements d'une ou deux chambres; il s'agit donc uniquement de logements insalubres. Souvent, il n'y a pas de réfrigérateur, de cuisinière, d'eau courante ou de chauffage. On y trouve par contre des coquerelles, des souris et autres parasites, ainsi que des aiguilles et des condoms dans les couloirs. Les loyers sont très élevés, ce qui veut dire que ces familles disposent de moins d'argent pour la nourriture. Le manque d'argent, d'installations de cuisson et de réfrigération entraînent une mauvaise nutrition. La troisième semaine de chaque mois financé par l'assistance sociale, Crabtree a une longue liste d'attente des mères qui essaient de faire garder leurs enfants pour qu'ils puissent manger.

Les enfants qui ont faim ont des difficultés d'apprentissage. Les enfants pauvres sont en mauvaise santé; ils sont plus prédisposés à l'infection et à la maladie. Beaucoup des enfants ont un faible poids à la naissance. Les familles soit disant à haut risque n'ont pas recours aux services de santé existants pour diverses raisons, dont la méfiance ou l'incompréhension des services médicaux. Cela s'explique en partie par le fait que les dispensateurs de soins de santé ne comprennent et ne respectent pas les différences culturelles.

Cela s'explique également par le fait que de nombreux bébés sont, dès la naissance, enlevés à leur mère que l'on soupçonne d'alcoolisme et de toxicomanie. Un pourcentage élevé de ces nourrissons sont des Premières nations. On propose rarement des séances de counselling pour personnes affligées et les mères se retrouvent souvent enceintes dans l'année qui suit pour remplacer l'enfant perdu.

La méfiance à l'égard des dispensateurs de santé explique également la raison pour laquelle les services d'urgence sont sur-utilisés par les enfants pauvres qui sont malades, ce qui représente également un coûteux service de santé. Les femmes qui vivent dans le noyau des centres-villes reçoivent très peu de soins prénatals, n'ont accès au système médical que deux fois, la première pour confirmer leur grossesse et la deuxième pour accoucher. Souvent, les femmes sortent de l'hôpital avec leurs bébés de faible poids deux jours après l'accouchement, sans aucun soutien.

Le faible poids à la naissance est à l'origine de près de deux tiers des décès de nourrissons au Canada. Les nourrissons dont le poids à la naissance est faible courent également de plus grands risques de troubles du développement, de problèmes de santé chroniques physiques, mentaux et émotionnels au cours de leur enfance. Ces enfants et leurs mères peuvent également souffrir du syndrome d'alcoolisme foetal. La mort soudaine du nourrisson n'est pas rare.

.1015

La santé générale des familles est mauvaise. La santé de la mère subit l'effet du mode de vie, comme la multiplicité des partenaires, l'usage de drogues injectables et l'alcoolisme. Ces femmes courent ainsi un risque élevé de contracter le VIH/sida, l'hépatite, les MTS, la tuberculose et toutes sortes d'autres maladies. Le VIH/sida augmente de façon dramatique chez les femmes et les enfants. Les collectivités des Premières nations sont les plus touchées.

Les familles qui viennent à Crabtree ont connu de multiples expériences traumatisantes, y compris de nombreux décès familiaux, le racisme systémique, le sexisme, les préjugés de classe et les agressions physiques, sexuelles et émotionnelles. Un tiers des enfants maltraités finissent par devenir agresseurs à l'âge adulte. Les enfants sont témoins de la violence que subit leur mère et peuvent la reproduire plus tard dans leur vie.

Malgré cela, beaucoup de pères qui sont des agresseurs, ont la garde de leurs enfants et y ont donc accès. L'agression se poursuit sous une nouvelle forme. Les femmes battues représentent jusqu'à 30 p. 100 de tous les cas d'urgence dans les hôpitaux. Le coût financier de la violence faite aux femmes s'élève à quatre milliards de dollars par an d'après le Centre de recherche sur la violence faite aux femmes. Les coûts de la violence familiale qui se répercutent sur plusieurs générations sont incalculables.

J'aimerais parler très brièvement de certaines des stratégies que nous avons adoptées pour pouvoir surmonter certains de ces problèmes. Nous avons un groupe très actif de coalition enfants/parents, grâce au programme d'action communautaire pour les enfants, de Santé Canada. Ce financement nous a permis d'améliorer et d'appuyer les programmes administrés par les parents, à Crabtree. Une coordonnatrice de l'alimentation et de la nutrition donne un petit déjeuner nutritif aux mères et à leurs enfants. Elle s'occupe également d'une cuisine communautaire afin d'aider les mères à trouver des aliments peu coûteux et à préparer des repas nutritifs. Tous les programmes sont accessibles, puisque la garde des enfants, l'alimentation, les tickets d'autobus, les tickets d'alimentation et les honoraires pour les bénévoles et les parents qui participent à ces programmes sont prévus.

Notre groupe d'action parentale très actif choisit les questions dont il souhaite débattre, organise des ateliers et invite des conférenciers. Jusqu'à présent, nous avons eu une série sur les premiers soins axée sur la prévention des blessures chez les enfants; le recours aux compétences de notre infirmière communautaire; Noël en juillet; des ateliers sur la pauvreté; la sensibilisation des médias, ainsi qu'une série de rencontres sur la sécurité dans la rue pour les enfants et les mères.

Il est inutile de souligner que la partie est du centre-ville est une zone très dangereuse, ce que vous savez sans doute si vous avez lu le Globe and Mail ces derniers temps. Un groupe d'intervention de parents et une journée consacrée aux mères, appuyés par les entreprises communautaires, ont également été un grand succès. Nous avons un groupe de pères célibataires, une semaine du patrimoine culturel, ainsi qu'un bulletin qui décrit nos activités.

Au fil des ans, j'ai demandé aux femmes ce qui rendrait leur vie et celle de leurs enfants plus faciles. Beaucoup des suggestions ci-dessous sont les leurs: prévoir des niveaux adéquats de sécurité du revenu pour les familles avec enfants, indépendamment de la source du revenu; augmenter l'aide sociale et le salaire minimum afin de tenir compte du coût de base de la vie quotidienne; cesser de blâmer les pauvres de leur pauvreté; faire participer les parents à la conception, à l'application et à l'évaluation de tous les services et programmes; revenir à des coopératives d'habitation qui offraient un logement sûr et abordable aux familles dont les revenus sont divers; prévoir des programmes de formation et d'emploi, ainsi que des possibilités d'emploi pour les mères célibataires, qui soient intéressants et offrent en corollaire les services de garde et les soutiens nécessaires aux familles; adopter des politiques qui minimisent l'impact des agressions sur les enfants qui en sont témoins, ce qui englobe le financement des services de garde et l'accès à des programmes de soutien pour les mères battues et leurs enfants, car la sécurité des enfants passe par celle de leur mère; mettre en oeuvre un système national de garde d'enfants de qualité qui respecte le droit de l'enfant à un milieu sûr, favorable - nous parlons ici de choix; il faut qu'il y ait un choix; affecter le financement autochtone directement aux services familiaux autochtones au lieu de l'utiliser pour appuyer une énorme bureaucratie non autochtone; offrir une initiation aux différences culturelles à tous les travailleurs sociaux et dispensateurs des soins de santé et adopter des pratiques d'embauche respectant l'action positive; prévoir un meilleur accès aux services de santé mentale pour les enfants dans le cas où - par exemple, dans les écoles de Vancouver - les enfants dont la première langue n'est pas l'anglais sont plus nombreux que ceux dont l'anglais est la première langue; financer des programmes de prévention de la petite enfance qui appuient les familles et les initiatives communautaires novatrices, comme par exemple le Plan d'action canadien pour les enfants de Santé Canada; financer la promotion de la santé et la prévention des blessures des enfants; mettre l'accent sur la prévention du SAF, principale cause de déficience mentale au Canada; fournir des services de relève pour les parents et enfants ayant des besoins spéciaux, y compris le SAF. Inutile de dire que cette liste n'est pas exhaustive en raison du peu de temps dont je dispose.

.1020

Statistique Canada a récemment étudié les causes de la dette du gouvernement fédéral et en a conclu que les deux principales raisons de l'augmentation de la dette sont les taux d'intérêt élevés et le manque à gagner en recettes fiscales, tandis que les dépenses du gouvernement en matière de programmes représentent moins que 6 p. 100 de la croissance de la dette.

La réduction des taux d'intérêt et la perception du manque à gagner en recettes fiscales peuvent contribuer à équilibrer les budgets, contrairement à la diminution des services sociaux et de santé, si nécessaires. Le fait d'éliminer les transferts de fonds au gouvernement provincial revient à transférer les problèmes à la province et à augmenter la probabilité de l'inégalité d'accès aux services de santé et sociaux pour tous les Canadiens.

Je recommande vivement à ce comité d'user de son influence pour défendre les intérêts des enfants. Les enfants sont notre avenir et ils doivent occuper la première place dans tout programme politique. C'est une honte nationale que d'avoir un enfant sur cinq qui vive dans la pauvreté. La prévention de tout dommage dont souffriraient les enfants s'impose autant moralement que financièrement. Nous payons maintenant ou nous paierons plus tard. Les enfants ont besoin d'être défendus par vous.

Merci.

Le président: Merci, Betty.

Pauline.

[Français]

Mme Picard: Madame MacPhee, je comprends, et je pense que le comité comprend aussi, tous les problèmes des communautés autochtones que vous venez d'énumérer. L'année dernière, nous avons fait une étude assez exhaustive et nous avons été sensibilisés à tous les problèmes que peuvent vivre les autochtones dans certaines communautés.

On a dit qu'il existait aussi des services. Je sais que le gouvernement fédéral s'engage, à raison de milliers de dollars, pour ne pas dire de millions, à offrir des services de soins de santé. Comment se fait-il qu'avec tous ces services et programmes que dispense le gouvernement fédéral dans les communautés autochtones, il n'y a jamais d'amélioration de la situation? Que se passe-t-il? Les programmes se rendent-ils dans les communautés? Y a-t-il un manque de ressources?

[Traduction]

Mme MacPhee: Tout d'abord, le YWCA est un organisme qui existe à Vancouver depuis92 ans. Nous ne recevons pas de financement autochtone. Nous ne sommes pas un service autochtone. Nous nous trouvons simplement dans un secteur où le pourcentage de la population urbaine des Premières nations est important.

Je ne ferais donc pas d'observation sur ce point. Je pense que c'est à la collectivité autochtone d'en parler.

[Français]

Mme Picard: Votre exposé porte justement sur la pauvreté que vous vivez dans votre communauté. J'ai cru comprendre que, dans cette communauté urbaine, il y avait une forte proportion d'autochtones. Donc, lorsqu'on parle des soins de santé chez les enfants, on parle automatiquement des problèmes reliés aux enfants et à leur situation dans cette communauté.

[Traduction]

Mme MacPhee: Oui.

[Français]

Mme Picard: C'est là que je vois un lien. Il existe beaucoup de programmes destinés à ces communautés-là. Le gouvernement fédéral dépense des millions de dollars pour assurer les services de santé et les services de garde, pour enrayer les problèmes reliés à l'alcool et pour aider les mères à donner de meilleurs soins à leurs enfants. Vous savez sûrement que ces programmes existent. Même si votre centre n'est pas financé par le gouvernement, vous devez savoir qu'il existe des programmes pour venir en aide à ces familles.

.1025

[Traduction]

Mme MacPhee: Comme nous ne sommes pas financés par les Autochtones, je ne connais pas très bien l'apport financier autochtone à la collectivité. Je crois que c'est une question à laquelle doit répondre la collectivité autochtone. Je suis désolée de ne pas avoir cette information.

[Français]

Mme Picard: Je pense qu'on ne se comprend pas. Je ne vous parle pas nécessairement de chiffres, mais plutôt de programmes. Les programmes doivent exister dans votre communauté parce qu'ils sont là pour assurer les soins de santé chez les autochtones. Je ne vous parle pas de chiffres. Je voulais simplement vous demander si vous saviez qu'il existe des programmes. Votre centre a-t-il déjà fait une étude des programmes qui existent déjà pour aider les gens de votre communauté?

[Traduction]

Mme MacPhee: Non. Très franchement, il serait politiquement suicidaire pour un organisme non autochtone d'examiner les programmes autochtones ainsi que la façon dont les fonds sont dépensés. On nous accuserait certainement de faire preuve de beaucoup de condescendance. Je répondrais donc par la négative.

[Français]

Mme Picard: Vous ne connaissez pas le programme prénatal? Plus tôt, vous avez parlé des femmes qui accouchent de bébés de petit poids.

[Traduction]

Mme MacPhee: Je ne le connais pas, madame.

[Français]

Mme Picard: De quelle façon aidez-vous ces femmes?

[Traduction]

Mme MacPhee: Nous avons une coordonnatrice chargée de la prévention du syndrome d'alcoolisme foetal, qui est payée par le gouvernement provincial. Elle rencontre les mères et parle avec elles de leur grossesse. Elle assure la liaison avec les services.

Nous avons également une pédiatre qui vient à Crabtree une fois par semaine pendant quelques heures. Elle assure également la liaison avec les services. Nous utilisons les services de l'infirmière communautaire. Par conséquent, nous avons recours au plus grand nombre de services locaux que possible.

[Français]

Mme Picard: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Sharon.

Mme Hayes: Merci, monsieur le président.

Étant plus ou moins de ce secteur - j'habite à peut-être 20 milles de l'endroit dont vous parlez - je le connais très bien. Beaucoup de problèmes réels se posent dans cet endroit et je vous félicite de travailler avec compassion pour ces gens qui vivent de très difficiles situations.

Soit dit en passant, ma propre fille a travaillé pendant longtemps, tous les vendredis soirs, dans ce secteur que j'ai donc visité régulièrement. Je suis donc au courant de certaines des situations à cet endroit-là.

Que peut-on dire? Les enfants ont besoin de soins, d'aliments. Les parents ont besoin d'aide, de très nombreuses façons.

Peut-être pourrais-je poser quelques questions précises. Les personnes qui travaillent au Y, sont-elles des bénévoles ou des employés? Quel genre d'heures sont exigées dans ce genre de situation? Est-ce à n'importe quelle heure du jour ou y a-t-il un emploi du temps fixe?

À mon avis, les besoins de cette population sont énormes. Comment une garderie peut-elle véritablement répondre aux besoins?

Mme MacPhee: Nous offrons un service intégré; par cela, je veux dire que nous avons des services de garde d'enfants, mais aussi un personnel de soutien. Beaucoup des membres du personnel sont des autochtones des Premières nations.

Nous fonctionnons de 9 à 5, bien que nous offrions également un programme le samedi et des programmes en soirée. Par exemple, l'association autochtone AA des Red Road Warriors utilise notre centre en soirée deux fois par semaine, et ceci, depuis 10 ans.

.1030

Certains membres du personnel ont des diplômes. Certains connaissent parfaitement la réalité de la rue. Certaines des femmes ne touchent ni aux drogues ni à l'alcool depuis sept ou huit ans. Elles sont des modèles de comportement et je veux vraiment souligner l'importance de tels modèles de comportement dans le cadre de tout programme communautaire.

Ce sont certaines des choses que nous faisons.

Mme Hayes: Combien de personnes travaillent au centre?

Mme MacPhee: À Crabtree, nous avons 15 employées, y compris les employées contractuelles à temps partiel; certaines ne travaillent que quelques heures.

Il s'agit de femmes qui éprouvent beaucoup de bienveillance et de compassion à l'égard des autres. Elles sont très novatrices, les programmes sont très souples et nous répondons aux besoins des parents. Il est surprenant que bien que certaines de ces femmes soient complètent analphabètes, elles savent très bien s'exprimer si on leur donne l'occasion de parler de leurs besoins.

Mme Hayes: J'ai une autre question rapide. Vous avez dit qu'un tiers tend à...

Mme MacPhee: Il s'agit de ceux qui ont des besoins spéciaux.

Mme Hayes: D'accord, cela en représente peut-être le nombre. Combien y en a-t-il qui reproduisent le cycle de mode de vie dont ils sont issus? Peut-être est-ce un autre chiffre. J'ai noté un tiers. Y a-t-il quelque chose de définitif...? Cela représenterait la population la plus vulnérable en ce qui concerne la réussite à long terme.

Mme MacPhee: Oui.

Mme Hayes: Quel est le facteur déterminant de la réussite dans ce groupe? Y a-t-il un élément qui semble offrir la meilleure chance possible aux membres de ce groupe?

Mme MacPhee: C'est une excellente question. Il a été beaucoup question ce matin de la formation de liens affectifs. Il peut arriver, et il arrive effectivement, que les enfants s'attachent au personnel de la garderie. Je le répète, les membres du personnel de la garderie agissent comme des modèles de comportement. Certains sont des femmes des Premières nations qui ont eu 13 enfants elles-mêmes. Si une mère qui a connu 15 ou 20 familles d'accueil voit une éducatrice tenir le bébé et non pas le prendre par le bras - je n'exagère nullement ici - et prend modèle sur elle, c'est un bon début. Les enfants savent alors qu'une personne dans leur vie pense qu'ils sont merveilleux.

On qualifie ces personnes de chaleureuses; il peut s'agir d'une femme du quartier qui dit bonjour à l'enfant ou lui donne un biscuit, ou d'une éducatrice qui est exceptionnelle. Cette personne peut donner beaucoup d'assurance à un enfant, lui permettant ainsi s'acquérir des compétences d'adaptation.

Nous parlons d'enfants qui ont vu le compagnon d'une femme se tirer une balle dans la tête. Nous avons eu des enfants qui ont été agressés sexuellement à un point tel qu'ils ont dû subir une intervention chirurgicale. Ces enfants sont très traumatisés. Je crois que le fait d'avoir des éducateurs vraiment exceptionnels et des employés qui pensent que ces enfants sont merveilleux fait toute la différence.

Le président: Nous sommes à court de temps, si bien que je vais demander à mes deux collègues d'être brefs et précis. Nous avons encore deux ou trois points à l'ordre du jour et un autre comité doit se réunir ici à 11 heures; nous sommes donc pressés par le temps.

M. Szabo: Je vais donc laisser le préambule de côté.

Le SAF touche de 400 à 500 enfants par an et représente près de 5 p. 100 des malformations congénitales. D'après ce que je sais, les besoins spéciaux qui découlent du SAF coûtent 2,7 milliards de dollars par an au Canada et tout enfant atteint du SAF coûte près de 1,5 millions de dollars.

Vous êtes certainement témoin de telles situations chez les enfants. Si je comprends bien, le pourcentage des Autochtones est élevé et j'imagine qu'il s'agit d'Autochtones en dehors des réserves. Nous ne parlons pas d'Autochtones vivant dans des réserves. Ces Autochtones sont donc informés au même titre que n'importe quel Canadien. La question extrêmement importante que je vous pose est la suivante: Quel pourcentage ou combien de mères d'enfants souffrant du SAF savaient que même une consommation modérée d'alcool pouvait avoir une incidence sur leur enfant?

Mme MacPhee: Parmi les personnes avec lesquelles je travaille, très peu en sont informées. En outre, pour compliquer les choses, beaucoup d'entre elles souffrent du syndrome alcoolique foetal elles-mêmes, ce qui veut dire que leur capacité d'apprentissage est vraiment atteinte. Il s'agit donc d'un problème touchant plusieurs générations.

.1035

Je tiens également à mentionner que beaucoup de ces femmes sont des femmes battues, ce qui a aussi un effet sur leur capacité d'apprentissage.

M. Szabo: J'ai une dernière question rapide. En tant que Canadienne, pensez-vous que dans le cadre des stratégies de prévention pour des enfants en santé, il faudrait sensibiliser les Canadiens aux tragédies causées par l'alcool et les éduquer dans ce domaine?

Mme MacPhee: Oui, certainement. Le SAF connaît une recrudescence et il faut que les gens sachent de quoi il s'agit. Nous avons besoin de stratégies multiples - éducation, étiquettes de mise en garde, aide apportée aux femmes au cours de leur grossesse, etc.

Il y a deux ans environ, Santé Canada a fait une étude sur les 750 programmes prénataux offerts au Canada. Cette étude a permis de souligner les programmes qui marchaient bien et a fait quelques recommandations. Je recommanderais à ce comité de se procurer cette excellente étude, laquelle souligne l'importance du SAF.

Le président: Merci.

Beryl.

Mme Gaffney: Madame MacPhee, vous avez répondu en partie à ma question.

Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter pour votre action à Crabtree Corner. Je pourrais dire que ce que vous faites à Vancouver est très positif. Félicitations.

Mme MacPhee: Merci.

Mme Gaffney: J'aimerais parler de la formation des liens affectifs, si importante, d'après ce qui s'est dit ce matin à ce sujet. Vous dites que vous travaillez dans ce domaine et que les parents commencent à se rendre compte qu'il est important de former des liens affectifs avec l'enfant. Faites-vous participer les parents aux activités de garde d'enfants dans votre centre? En d'autres termes, travaillent-ils avec vous?

Deuxièmement, pouvez-vous vous appuyer sur une analyse ou une recherche qui prouve que c'est au fruit qu'on juge l'arbre, dans le contexte de votre travail auprès de ces enfants? Avez-vous quelque chose là dessus?

Troisièmement, d'autres personnes nous ont dit qu'elles sont témoins de la désintégration des garderies dans tout le pays. Êtes-vous du même avis, en ce qui concerne le financement de votre centre notamment?

En tant que membres du Comité de la santé, nous savons bien que la santé des enfants passe par la santé des parents et que nous devons envisager la question dans cette optique.

Je ne sais pas si je vous en demande trop, mais comme notre président est pressé par le temps, pourriez-vous répondre brièvement à ces questions?

Mme MacPhee: Premièrement, j'aimerais que des fonds soient affectés à des études longitudinales. J'ai vu des enfants qui reviennent à l'âge de 15 et 16 ans et certains d'entre eux se débrouillent fort bien.

C'est une de mes déceptions. Nous manquons de fonds et de ressources. Si nous n'avions pas le YWCA, qui comprend un hôtel et un centre de conditionnement physique qui sont lucratifs, nous aurions dû fermer il y a longtemps, car notre centre accuse chaque année un énorme déficit et, chaque année, le YWCA doit décider s'il va continuer à nous financer.

Je suis désolée, j'ai oublié votre première question.

Mme Gaffney: Je voulais que vous parliez de la formation des liens affectifs. Faites-vous venir les parents de manière à leur montrer comment faire dans ce domaine?

Mme MacPhee: Cela dépend de la situation des parents. Souvent, ils sont en crise, mais je dois dire qu'ils passent effectivement du temps avec nous. Nous les incitons à se porter bénévoles et c'est une façon pour eux de commencer indirectement à connaître leurs enfants. Nous ne leur disons pas: «Venez vous asseoir ici pour observer le comportement social de votre enfant», mais c'est là une façon de procéder. Le modèles de comportement sont également très importants.

Mme Gaffney: D'accord. Félicitations.

Mme MacPhee: Merci, vous êtes très aimable.

Est-ce une conclusion? Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup d'être venue. Je suis sûr que nous vous contacterons de nouveau avant la fin de l'étude.

Je vais maintenant demander à toutes les personnes non essentielles de quitter la salle. Nous allons poursuivre notre séance à huis clos; si vous n'êtes pas sûr de devoir rester, c'est parce que vous devez probablement partir.

[La séance se poursuit à huis clos]

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