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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 avril 1996

.0937

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte.

Comparaissent aujourd'hui comme témoins Lorraine Berzins et Rick Prashaw du Conseil des églises pour la justice et la criminologie. Nous nous réjouissons qu'ils aient des choses à dire au sujet de Windsor. Ce n'était pas prévu. Windsor - vous savez, le centre de l'univers, Jack.

Je vous prie de nous livrer vos exposés. Prenez le temps nécessaire.

M. Rick Prashaw (coordonnateur, Communications, Conseil des églises pour la justice et la criminologie): Merci, madame la présidente. Je m'appelle Rick Prashaw. Je suis le coordonnateur des communications pour le Conseil des églises pour la justice et la criminologie. Je dirige également certaines activités en matière de justice pour les jeunes pour le compte du Conseil des églises.

Mme Lorraine Berzins (coordonnatrice, Analyse, Conseil des églises pour la justice et la criminologie): Je m'appelle Lorraine Berzins. Je fais partie du personnel du Conseil depuis environ 15 ans. Je dirige les activités qui concernent l'analyse et la recherche dans le domaine de la justice pénale en général et de la violence familiale en particulier.

M. Prashaw: Comme vous pouvez le voir d'après la date en page couverture de notre mémoire, nous espérions comparaître dès l'automne dernier. Il y a eu, je crois trois remises. Dans certains cas, la responsabilité était la nôtre et, dans d'autres cas, je crois, c'était peut-être celle du comité. De plus, il y a eu prorogation du Parlement. Néanmoins, nous nous réjouissons d'être ici aujourd'hui.

Notre exposé s'inspire largement de ce que vous avez déjà en main, mais nous avons certains changements récents à annoncer et nous tenons également à vous parler de certains de nos travaux. Dans la mesure où ce que nous dirons correspondra au mémoire que vous avez reçu en septembre dernier, nous nous efforcerons de vous l'indiquer.

Également, à cause des diverses remises, nous devons vous dire à regret qu'il ne nous a pas été possible de nous faire accompagner par un membre du Conseil. Nous préférons qu'un membre du Conseil soit présent lorsque nous comparaissons devant le Parlement, mais la chose n'a pas été possible.

Un tour de table rapide nous permet de constater que le Comité permanent de la justice et des questions juridiques comprend de nombreux nouveaux membres. Cependant, certains d'entre vous ont déjà entendu parler de nous. Vous savez donc que notre exposé représente les opinions d'une coalition nationale oecuménique d'églises qui englobe 11 églises nationales et représente ainsi bon nombre de catholiques, de protestants, les églises dites principales, l'Armée du Salut, les mennonites, les quakers, les luthériens, soit en tout 11 confessions. De longue date, nous faisons valoir ce que nous considérons être de meilleures façons de rendre justice dans notre pays. Et c'est certainement à l'égard de l'administration de la justice à nos jeunes qui sont à risque ou qui contreviennent à la loi que les besoins sont les plus évidents et les plus criants.

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Pour nous, servir la justice c'est notamment faire en sorte que soient rétablis les rapports qui doivent régner entre les personnes qui vivent dans un milieu donné. Par conséquent, servir la justice, c'est effectivement réparer les torts causés par le crime, surtout à ses victimes, à la collectivité et au délinquant. Nous devons nous dégager des vieilles définitions selon lesquelles la criminalité se résume à la violation d'une loi et à ce qui s'ensuit normalement, à savoir trouver rapidement le coupable, imputer la faute, déterminer la peine et administrer le châtiment. Si c'est à cela que nous limitons notre intervention, alors nous ne pouvons espérer une percée qui débouchera sur un régime de justice pour les jeunes qui soit plus valable et plus efficace, que bon nombre d'observateurs, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du système de justice pénale, appellent de tous leurs voeux.

Nous tenons à profiter de l'occasion qui nous est donnée ce matin, à titre de Conseil des églises, dans le cadre de l'examen en profondeur que vous menez, de formuler les éléments clés de ce qui constitue, à nos yeux un système de justice efficace pour les jeunes. Un tel système s'inspire de la notion de réparation. Un certain nombre de principes particuliers le caractérisent. La justice pour les jeunes doit être inclusive. Elle doit être source de guérison. Les communautés doivent jouer un rôle central dans la résolution des problèmes. Si l'acte criminel doit être dénoncé de façon vigoureuse, il ne doit pas l'être de telle sorte que la personne soit humiliée d'une façon destructive. Il faut savoir que le comportement criminel entraîne des conséquences graves et significatives et si le contrevenant doit être tenu responsable, il ne doit pas l'être dans un esprit punitif. Tout en veillant à la qualité des décisions, il faut résoudre les affaires plus rapidement. Enfin, il faut assurer l'intégration de divers systèmes et de diverses juridictions.

Nous envisageons un système de justice pour les jeunes où toutes les interventions, du début à la fin, sont menées sous le signe d'une sollicitude aussi bien à l'égard des victimes de crimes qu'à l'égard des jeunes qui en sont accusés. Parler de sollicitude ne doit jamais signifier qu'on excuse ou qu'on minimise le comportement fautif d'un jeune. Ce que cela signifie par contre, le juge du Québec Marcel Trahan l'a bien exprimé en rendant jugement dans une affaire de vol de bicyclette, lorsqu'il a dit que le jeune lui importait davantage que la bicyclette. Nous ajouterions simplement que nous nous soucions également du jeune à qui on a volé la bicyclette.

Toute solution constructive aussi bien pour la victime que pour le contrevenant doit s'échafauder à partir des lieux de sollicitude qui peuvent être cris si nous faisons en sorte que les communautés puisent dans leur trésor de ressources, pour que justice soit rendue de telle sorte qu'il y ait aussi bien réparation de torts qu'un rétablissement des rapports.

Nous aimerions aujourd'hui vous entretenir de ce que nous faisons pour encourager la justice pour les jeunes sous le signe de la réparation, dans le cadre d'un certain nombre d'initiatives communautaires qui sont en cours à l'heure actuelle dans notre pays. Plus précisément, nous allons vous parler de ce que nous avons appris en matière de détermination de la peine, d'interaction en groupes familiaux et aussi dans le contexte d'un projet, ici à Ottawa, visant à créer le premier comité de la justice pour les jeunes dans la province de l'Ontario.

Il nous semble important cependant de vous donner d'abord quelques renseignements préalables sur notre travail et nos activités d'analyse dans ce domaine. Nous faisons partie de nombreux réseaux - tant sur le plan des activités d'église que sur celui de la justice pénale - qui mettent régulièrement en commun les renseignements dont ils disposent en matière de justice. Comme vous l'ont certainement appris d'autres témoins, les problèmes sont nombreux et nous nous y attardons dans notre mémoire écrit. On pourrait dire bien des choses au sujet de la situation actuelle, mais il ressort clairement qu'en dépit de la meilleure volonté du monde et des meilleures intentions, il faudra davantage qu'une solution miracle pour corriger les défauts du système de justice pour les jeunes tel qu'il existe aujourd'hui.

Le Conseil des églises est d'avis que votre comité peut aider à amener le Canada à rejeter les démarches qui ne répondent pas aux besoins de ceux qui sont touchés par la criminalité, pour ensuite se pencher sérieusement sur des solutions de rechange à la fois crédibles et constructives.

Mme Berzins: Dans l'exercice de votre mandat, vous vous demandez notamment, avons-nous constaté, dans quelle mesure l'approche conflictuelle sert bien l'administration de la justice dans le cas des jeunes. Voilà une question qui intéresse grandement le Conseil des églises. Nous en traitons dans le mémoire que vous avez reçu. Il s'agirait probablement des pages 8 à 16 du document. Ce matin, permettez-nous d'étoffer davantage ce sujet, puisqu'il s'agit d'une dimension du système de justice pénale que le public doit mieux connaître pour être en mesure de mieux comprendre en quoi une approche différente, moins conflictuelle, correspondrait davantage à l'intérêt des victimes et des communautés, sans pour autant être synonyme de mollesse ou de laxisme à l'égard des criminels, tout au contraire. Nous souhaitons tous, évidemment, être protégés de comportements criminels et le Conseil des églises est d'avis qu'il nous faut combattre le crime avec plus de fermeté. Cependant, il est temps d'exercer cette fermeté avec plus d'intelligence en visant les causes de la criminalité. Nous savons bien que l'approche conflictuelle en matière de justice pénale ne nous sera d'aucun secours à cet égard.

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Permettez-moi de vous citer un exemple vécu qui illustre en quoi l'approche traditionnelle en matière de justice pénale ne répond pas aux besoins. Dans une localité de l'Ontario, un jeune contrevenant, du genre timide et solitaire, a été impliqué, à son école, dans une tentative horrifiante d'agression au couteau, il y a de cela quelque temps. Après avoir purgé sa peine d'incarcération obligatoire, il est maintenant libéré sous condition et poursuit des traitements psychiatriques. D'après le système de justice, voilà qui suffit pour que la communauté l'accepte en toute absence de crainte ou de colère. Il a payé sa dette. Tout est réglé.

Mais comment la communauté doit-elle intégrer à nouveau cette personne? Comment les gens sauront-ils qu'ils sont en sécurité; comment sauront-ils si la personne regrette son geste, si on peut lui faire confiance? Qu'arrivera-t-il à cette personne et à sa famille si on ne fait que la craindre, l'ostraciser et en faire un bouc émissaire jusqu'à la fin de ses jours? Et quels sont les effets continus sur ses victimes déjà traumatisées - la personne qu'il a tenté de poignarder, les étudiants qui l'ont vu faire, tous les parents et voisins qui en ont entendu parler? Le cercle des personnes touchées est considérable, quel sera le sentiment de sécurité dans cette communauté, dans cette école ou encore, quel sera le degré de protection réelle à l'avenir par rapport à cette personne, ou par rapport à d'autres personnes qui constituent également des menaces en puissance dans une communauté désormais remplie de soupçons et de craintes qui n'arrive pas à parler ouvertement des façons de composer avec ce genre de problèmes avec ses jeunes? Qu'adviendra-t-il si ce jeune ne fait que s'éloigner de sa communauté? Devra-t-il passer sa vie à fuir ses souvenirs? La guérison est-elle possible pour lui? Est-elle possible, également, pour la communauté qu'il a quittée? On peut bien dire qu'il a réglé sa dette mais, sur le plan communautaire, la justice n'a certainement pas été servie.

Le problème le plus épineux a peu à voir avec les décisions prises, à savoir si la peine a été trop sévère ou trop légère. Il tient bien davantage au processus de prise de décisions. Nous en sommes venus à nous rendre compte que l'une des principales raisons pour laquelle l'approche actuelle à l'égard de la justice ne sert pas bien les victimes et les communautés - par rapport à toutes ces autres questions qui n'ont rien à voir avec la peine en tant que telle - c'est que cette approche ne s'appuie que sur la sanction punitive. C'est ce qui explique l'approche accusatoire en matière de justice et nous voyons bien désormais en quoi cette approche constitue l'un des principaux obstacles à l'évolution que souhaite un public qui se dit insatisfait du système judiciaire.

Permettez-moi d'expliquer. Mettons-nous un peu dans la peau d'une victime qui a peur et qui est en colère ou d'une communauté exaspérée. Comment voulons-nous alors que justice soit faite? Nous cherchons à départager le bien du mal, à faire en sorte que ceux qui ont fait du tort en soient tenus responsables, à proclamer l'importance des droits de la personne à qui on a fait du tort, à faire en sorte qu'une telle chose ne se répétera pas et, bien entendu, à veiller autant que possible à ce que la réaction de la société soit proportionnelle à la gravité de la faute.

Mais quel résultat nous donne alors un système accusatoire? Si une personne reconnaît sa faute ou si on la reconnaît coupable, elle risque de se voir infliger comme peine explicite le fait d'être privée de certains droits et de certaines libertés. Il suffit de consulter le dictionnaire pour savoir que c'est bien ce que signifie le terme châtiment, même si bien des gens qui exigent davantage de châtiments y voient quelque chose de beaucoup plus constructif.

La possibilité d'être incarcéré, d'être privé de liberté, ou d'avoir un casier judiciaire constitue toujours une menace. Voilà donc déclenché, à tout événement, dans nos pays civilisés un processus accusatoire qui vise à faire en sorte que nous ne violions pas par inadvertance ou autrement les droits de la personne. Et nous débouchons donc ici au Canada sur tout un secteur d'activités juridiques où le souci de justice devient un jeu de subtilités techniques entre deux avocats qui s'affrontent en cour. Le contrevenant est incité à plaider non coupable, à tout nier, à ne compenser en rien la victime, à ne manifester aucun remord. Tout le système met davantage l'accent sur les droits de l'accusé que sur le besoin qu'éprouve la victime d'être soutenue et réconfortée et il ne peut en être autrement lorsque l'enjeu consiste à infliger la douleur, de propos délibéré, comme mesure de rétorsion puisque c'est ce que la loi prévoit pour les personnes qui le méritent à cause de leurs gestes répréhensibles.

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Nous ne pouvons nous éloigner du système accusatoire sans tenter de chercher autre chose que le châtiment comme résultat de toute démarche juridique. Le problème ne devrait même pas exister puisque tous les chercheurs s'accordent pour dire que nous nous berçons d'illusions en nous imaginant que le châtiment constitue le moyen le plus efficace d'arriver à nos fins. Dans l'abstrait, il peut s'agir d'une solution qui semble satisfaisante sur le plan émotif, mais aucune preuve concrète ne permet de croire que le châtiment dissuade les contrevenants - et je suis convaincue que d'autres personnes vous en ont dit autant. Au contraire, les contrevenants sont stigmatisés, ce qui les isole et renforce leur identité comme criminels au sein d'une sous-culture.

Certes, il nous est parfois nécessaire d'exprimer notre sentiment de révolte, d'établir des limites et d'imposer des conséquences qui peuvent sembler douloureuses, mais en le faisant par un châtiment sanctionné légalement, on fait appel à une solution qui ne fonctionne tout simplement pas. Dans le système que nous connaissons, le châtiment n'apprend à ceux qui le subissent que comment l'éviter par le mensonge et l'omission.

Le processus accusatoire va à l'encontre de tout ce que nous savons et de tous nos objectifs. Il nie les dimensions de la croissance humaine, du changement personnel, de la responsabilité morale, du renforcement des rapports interpersonnels et communautaires. Il va à l'encontre de la nécessité d'une véritable protection du public. En effet, un tel système fait en sorte que les gens qui quittent le tribunal ont l'impression d'être des ennemis. Et surtout, un tel système refuse aux victimes ce dont elles ont le plus besoin. En effet, le système actuel accorde plus d'attention à la loi violée par un acte criminel qu'au tort causé à des personnes.

Ayant moi-même été la victime d'un crime grave - une prise d'otage - et, vérification faite auprès de nombreuses personnes qui ont également été victimes de crimes, je puis vous dire que ce que les victimes veulent le plus n'a rien à voir avec le droit. On pourrait résumer cela à trois choses, en fin de compte. Les victimes souhaitent que l'on reconnaisse à quel point elles ont vécu un traumatisme; elles ont besoin d'en parler et elles ont besoin qu'on leur en parle. Elles veulent savoir quel type de personne a bien pu agir de la sorte à leur égard et pourquoi et elles sont véritablement soulagées de savoir que le contrevenant regrette son geste, ou que, tout au moins, quelqu'un le regrette à sa place. Évidemment, cela n'est pas toujours possible, mais notre système accusatoire nuit à la satisfaction de bon nombre de ces besoins. Ayant déjà été moi-même une victime, j'en suis fort consciente et c'est une chose que je ne voudrais pas revivre.

Dans mon cas personnel, par exemple, il m'est arrivé récemment de me faire soutirer ma carte bancaire. Je me suis rendu compte qu'on a dépensé 10 000 $ à partir de ma ligne de crédit. Voilà qui suscite chez moi des milliers de questions. Qui, comment, pourquoi? Je ressens de la colère, je découvrirai peut-être qu'on m'a trahie et j'aimerais qu'on me remette mon argent. S'il s'agit de quelqu'un que je connais, ce pourrait par exemple être l'ami d'un de mes enfants qui a un grave problème, alors, puisque j'ai de l'affection et de bons sentiments à l'égard de cet enfant et de ses parents, j'aimerais qu'on lui vienne en aide, et ce de façon valable. Par contre, je sais que si une accusation est portée, l'accusé se trouvera un avocat et sera encouragé à ne pas répondre à ma question, à ne pas apaiser mes inquiétudes. Il ne serait plus question alors de dialoguer entre parents. Il me semble donc qu'il ne serait nullement avantageux pour moi de porter une accusation. Je suis loin d'être convaincue que cela me permettrait de récupérer mon argent; j'aurais perdu du temps et de l'énergie et je serai encore plus aigrie d'une façon générale.

Dans le cas de bon nombre de victimes que vous pouvez rencontrer, il se peut que l'aigreur corresponde au même genre d'expérience, et voilà pourquoi j'affirme que le système accusatoire va à l'encontre des besoins les plus fondamentaux de la victime. Il y fait obstacle justement parce qu'il est accusatoire. À l'heure actuelle, on estime qu'il doit être accusatoire dans la mesure où ses fins sont punitives. Par ailleurs, un tel système ne permet aux victimes d'exprimer leurs émotions et leurs besoins qu'en dénonçant la légèreté de la peine infligée, peine qui, dans bien des cas, ne semble jamais suffisante, pour ainsi mesurer l'ampleur du traumatisme qu'elles ont vécu, et elles sont donc obligées de participer à un processus qui leur semble humiliant.

L'effet sur le public est du même ordre puisque le prononcé de la sentence ne permet nullement de savoir si, en fin de compte, on a réglé les vrais problèmes et fait taire les inquiétudes légitimes. Ainsi, il est pratiquement inévitable qu'on exige des mesures de plus en plus punitives puisque les mesures ne répondent jamais aux besoins véritables. Voyons les choses en face. Y a-t-il un châtiment suffisant pour calmer la rage, atténuer la détresse ou faire taire l'indignation que provoquent certains actes criminels? Il s'agit d'un véritable gouffre et nous nous y enfonçons de plus en plus profondément puisque les peines plus longues donnent lieu à un plus grand nombre d'appels, ce qui prolonge encore davantage la souffrance des victimes.

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Si, à notre sens, le processus de détermination de la peine ne devrait pas reposer sur la notion de châtiment, ce n'est pas parce que nous voulons ménager les délinquants; c'est plutôt que nous cherchons à nous assurer que justice sera vraiment faite comme les Canadiens le souhaitent sans que cela suscite, entre autres choses, le ressac qui compromet directement cet objectif. Les mesures de déjudiciarisation qui s'appliquent aux jeunes nous permettent à tout le moins d'innover. Voilà donc pourquoi nous pensons que leur portée devrait être élargie.

Le noeud du problème, c'est que les partisans de la ligne dure s'affrontent aux partisans de la clémence alors que là n'est pas la véritable question. Le débat tourne plutôt autour des besoins, des sentiments et des craintes tout à fait légitimes que suscite le crime. Nous sommes cependant tellement pris au piège du processus actuel de détermination de la peine que même ceux d'entre nous qui savent bien que l'incarcération n'est pas la solution au problème trouvent tout de même certaines peines trop clémentes.

Nous avons tous notre propre idée du type d'infractions que notre société devrait prendre au sérieux. Même ceux d'entre nous dont on pourrait dire qu'ils sont les plus à gauche s'entendent parfois dénoncer, en termes qui sembleraient plus naturels dans la bouche de gens d'extrême droite, certains verdicts et peines qui sont imposés à l'heure actuelle, ce qui s'explique par le fait qu'il n'y a pas d'autres façons de savoir si l'on a tenu compte des besoins de la collectivité et de la victime.

Le Conseil des églises en est venu à la conclusion que la seule façon de sortir de l'impasse actuelle et d'offrir un meilleur système de justice pour les jeunes est d'encourager la mise en oeuvre de projets auxquels peuvent participer les membres de la collectivité visée de manière à ce qu'on puisse s'assurer qu'on tient bien compte des besoins de la victime, du contrevenant et de la collectivité elle-même.

Nous commençons à voir certains modèles dans ce domaine, mais nous ne prétendons nullement avoir trouvé la panacée. Nous sommes tout à fait conscients de l'énormité du défi à relever compte tenu des intérêts qui s'affrontent et des écueils qui se dressent sur notre chemin. Le système judiciaire accusatoire présente de nombreux inconvénients, mais nous ne préférerions certes pas que les gens se fassent eux-mêmes justice ni qu'on revienne au système d'antan dont on a dénoncé les abus pour ce qui est des jeunes délinquants. Il nous faut nous assurer que les droits et les intérêts de tous sont protégés.

De façon générale, le processus fondé sur la communication et la médiation sur lesquelles reposent ces modèles assure l'appui voulu aux victimes, la rétroaction nécessaire aux contrevenants et la possibilité pour la collectivité de s'attaquer aux problèmes sociaux que fait ressortir l'infraction. Idéalement, on devrait recourir à ce genre de méthodes avant même qu'intervienne le système de justice pénale officiel - soit par l'intermédiaire des écoles ou par l'intermédiaire des divers services communautaires et sociaux - , mais il est fort possible qu'il faille attendre un certain temps avant que le bien-fondé de ces mesures ne soit reconnu à l'extérieur du système judiciaire.

Par conséquent, nous recommandons à votre comité d'étudier très sérieusement la possibilité de recommander qu'on recoure davantage aux mécanismes de déjudiciarisation. On pourrait rassurer le public qu'on s'attaque au problème de la criminalité en permettant que les accusations portées contre un jeune délinquant soient suspendues pendant que la collectivité cherche une autre solution à l'incarcération.

Le recours à ce genre de mesures est prévu au Japon, par exemple, et nous savons que le ministère de la Justice prépare actuellement une mesure législative visant à encourager l'adoption de ces mêmes mesures au Canada. Il s'agirait de créer un tribunal des poursuites sommaires. Nous avons pensé que vous aimeriez obtenir de l'information sur ce projet conçu en collaboration avec 21 organismes nationaux. Nous déposons devant le comité un document décrivant celui-ci.

Nous tenons cependant à souligner qu'à notre avis, ce n'est pas uniquement en ayant recours à de nouveaux moyens de déterminer les peines que la situation s'améliorera. Le Conseil des églises est sur le point de publier un résumé des nombreuses mesures de rechange qui ont été mises à l'essai par le passé. Nous sommes bien conscients du fait que si bon nombre de ces mesures sont très valables en soi, elles n'ont pas réglé un grand nombre des problèmes qui se posent. Plusieurs raisons expliquent cette situation, raisons que nous avons étudiées en détail dans le résumé dont nous veillerons à vous donner un exemplaire.

Nous en sommes venus à la conclusion que quelle que soit la peine imposée, si le processus qui a suivi sert à stigmatiser et à étiqueter les contrevenants et à en faire des boucs émissaires et si, par ailleurs, on n'y fait pas participer pleinement la collectivité visée, on aboutira simplement à créer une autre structure administrative sans pour autant régler les problèmes qui existent déjà.

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Nous estimons qu'il faut aller beaucoup plus loin si l'on veut franchir les obstacles. Les gens qui utilisent le mot «châtiment» songent à de nombreuses mesures plus positives. C'est un mot parfois mal choisi pour décrire des objectifs plus positifs comme la responsabilisation des contrevenants, la dénonciation, l'indemnisation des victimes et le soutien accordé à celles-ci, le travail en vue de calmer les inquiétudes de la collectivité et les moyens permettant aux contrevenants de se réintégrer à la société et de recommencer à zéro. Voilà tous des objectifs fort légitimes qu'on devrait dissocier dans nos esprits du mot «châtiment».

Maintenant que nous savons que le châtiment et l'incarcération ne sont pas les façons de réaliser ces objectifs louables, nous ne devrions pas présumer que la population n'est pas en mesure de le comprendre si on le lui explique. Il faut au moins donner aux gens la possibilité de rétablir le lien entre la justice et le fondement même de notre humanité dans un effort pour faire ressortir ce qu'il y a de meilleur chez chacun.

Ce que je vous dis peut vous sembler excessivement idéaliste et même utopiste, mais je ne crois pas ce que soit vraiment le cas. Enfin, il s'agit de propos très pragmatiques dans la mesure où ils s'appliquent à de vraies situations et à de vraies personnes. Nous pourrions d'ailleurs vous fournir de nombreux exemples qui le confirmeraient.

Nous savons qu'il y a plusieurs excellents juges qui mettent à l'essai ce genre de méthodes, mais dans l'ensemble, le processus de décision judiciaire actuel fait appel aux pires instincts des gens et les pousse à faire passer en premier la gratification individuelle plutôt qu'à collaborer à des initiatives dont l'objectif est le bien commun. Puisque c'est le bien-être de la jeunesse du pays qui est en jeu, la question mérite qu'on s'y attarde sérieusement.

La seule façon dont nous pouvons franchir les obstacles qui se dressent devant nous est de changer fondamentalement notre façon de faire ainsi que notre conception de la justice de manière à mettre fin à la souffrance qui a été infligée à certains et à favoriser leur guérison.

Il faut que la justice ait un sens et que la population en soit convaincue si l'on veut lui redonner confiance dans un système de justice qui puisse être efficace.

Permettez-nous maintenant de vous donner des exemples de collectivités comme celles de Windsor qui ont commencé à adopter les mesures que nous préconisons.

M. Prashaw: Allons maintenant au centre de l'univers comme l'a dit la présidente. Permettez-moi d'abord de vous entretenir d'un cas dont vous avez sans doute déjà entendu parler, celui de Kevin Hollinsky de Windsor.

Les initiatives dont nous allons maintenant vous parler sont décrites dans notre mémoire.

Nuit de juillet 1994, Kevin Hollinsky, Joe Camlis, Andrew Thompson ainsi que deux autres compagnons avaient décidé de passer une soirée entre garçons dans un bar du centre-ville de Windsor. Plusieurs heures plus tard, Kevin prit le volant de sa Firebird 1985. Ses compagnons et lui voulaient attirer l'attention de jeunes filles qui se trouvaient dans une autre voiture. Kevin conduisait trop vite et perdit la maîtrise de sa voiture dans un virage dangereux. Joe Camlis, le meilleur ami de Kevin depuis l'âge de 4 ans, ainsi qu'Andrew Thompson furent tués sur le coup. Kevin lui-même s'en tira sans une égratignure alors que les deux autres passagers étaient blessés.

Kevin plaida coupable à deux chefs d'accusation de conduite dangereuse entraînant la mort. La Couronne demanda une peine d'emprisonnement de huit à quatorze mois afin que cela serve de leçon aux autres jeunes conducteurs.

Pour reprendre les paroles d'un agent de police communautaire qui a travaillé sur le dossier: nous savions que nous avions donné aux jeunes des écoles secondaires un message très clair - si vous conduisez en état d'ivresse et que vous tuez quelqu'un, vous irez en prison. Pourtant, Kevin n'est pas allé en prison, parce que les parents des deux jeunes qui avaient été tués sont intervenus et ont fait une proposition extraordinaire et parce que le juge et la police ont courageusement décidé de prendre le risque d'imposer une peine de services communautaires qui sortait de l'ordinaire.

Rien ne résume mieux ce qui s'est passé ce jour-là au tribunal de Windsor que le texte de la proposition qui a été faite par Dale Thompson, le père d'Andrew. Voici ce qu'il a dit au tribunal:

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Kevin Hollinsky fut condamné à 750 heures de services communautaires et, jusqu'ici, il a parlé à 8 200 étudiants dans le cadre d'un programme extraordinaire qui inclut un message très fort de la part de la police, le récit personnel de Kevin, celui d'un des garçons qui se trouvait dans la voiture et a survécu, ainsi que les commentaires de M. Thompson lui-même.

Les étudiants qui ont pu voir cette présentation ont été profondément émus. L'an dernier, pour la première fois depuis des années, aucun étudiant du secondaire du comté de Windsor et d'Essex n'a été tué ou blessé dans un accident de voiture. Après avoir entendu Kevin, un directeur d'école a dit à l'agent de police qu'il était convaincu que son message permettrait de sauver des vies à l'avenir. J'enseigne depuis 30 ans, et je n'ai jamais vu une présentation avoir un tel effet sur des étudiants.

Lloyd Graham, un agent de police de Windsor depuis peu à la retraite qui est responsable des services de police communautaire, n'était pas très heureux au départ que Kevin évite la prison. Il est maintenant pourtant en faveur de mesures de rechange à l'incarcération. Personne ne me persuadera qu'on aurait mieux fait de l'envoyer en prison. Même s'il avait passé cinq ans en prison, il n'aurait pas été puni pour ce qu'il a fait de la façon dont il l'a été en lui demandant d'aller parler aux étudiants. On l'a ainsi obligé à accepter tous les jours les conséquences de son comportement irresponsable. Chaque fois qu'il s'est adressé à des étudiants, il a dû revivre ce qui s'était passé ce soir fatidique. Il a ému de nombreux jeunes gens de la ville comme nous n'aurions pas pu le faire. Il est difficile d'établir un lien avec des adolescents, mais il y est parvenu. Kevin leur a montré qu'ils n'étaient pas invulnérables.

La Couronne a porté en appel la peine imposée qui ne comportait pas d'incarcération et nous soupçonnons que c'est en partie parce qu'elle ne cadre pas du tout avec le système judiciaire actuel. En novembre 1995, à l'issu d'une demi-heure de délibérations, trois juges de la cour d'appel ont confirmé la peine initiale, énonçant qu'ils ne pouvaient pas songer à une meilleure façon de respecter le principe de la dissuasion qu'en obligeant Kevin à prendre la parole devant 8 200 étudiants plutôt que de purger une peine d'emprisonnement.

Permettez-nous de vous citer les propos tenus par le juge de première instance qui a entendu l'affaire à Windsor, le juge Saul Nosanchuk:

Mme Camlis, mère d'une des victimes, pense de la même façon. Elle a assisté à plusieurs des présentations de Kevin. Il n'a pas été facile pour Kevin de faire ce qu'on demandait de lui parce que chaque fois qu'il parlait devant des étudiants, il revivait ce qui s'était produit le soir de l'accident. Je crois que ses deux amis peuvent être fiers de ce qu'il a fait depuis cet accident. Il m'a souvent dit: «Je l'ai fait pour eux; c'est la seule façon pour moi de leur dire que je regrette ce qui est arrivé.»

Nous disposons de preuves abondantes montrant que cette peine est non seulement sérieuse, mais efficace et moins coûteuse pour les contribuables qu'une peine d'incarcération. On réclame pourtant à hauts cris aujourd'hui des peines d'emprisonnement plus longues. Or, il est ironique, à notre avis, qu'à bien des égards, la peine de Kevin a été plus dure qu'une peine d'emprisonnement. Kevin a été en effet assailli par la culpabilité propre aux survivants d'un accident et il a aussi subi les effets d'une névrose post-traumatique. Il a dû maintes et maintes fois faire face aux conséquences de ses actes et en assumer la responsabilité.

Très souvent, les victimes et les contrevenants ne se connaissent pas, contrairement au cas de Kevin et de ses amis. Même si les victimes et les contrevenants ne sont pas souvent des amis et ne sont pas censés le devenir, le système accusatoire actuel ne fait rien pour rapprocher les victimes et les contrevenants, ce qui compromettra toujours des peines constructives comme celles imposées à Kevin Hollinsky. D'autres méthodes positives comme la médiation, les cercles de détermination de la peine et les conférences familiales peuvent humaniser le processus judiciaire en donnant lieu à des peines aussi constructives. Il y a bien des gens qui ont commis un crime grave comme celui de Kevin et pour lesquels une peine d'incarcération serait non seulement inutile, mais contraire aux besoins réels du contrevenant et de la collectivité.

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Nous appuyons les mesures de rechange novatrices en remplacement des peines d'incarcération. Elles nous semblent convenir à tout le moins pour les crimes moins graves. Si l'on prenait les mesures voulues pour assurer la sécurité de la population, on pourrait aussi recourir à ces mesures dans le cas de crimes plus graves.

Nous aimerions aussi vous parler d'une initiative mise en oeuvre ici à Ottawa. Nous avons reçu des fonds du ministère de la Justice ainsi que de la police d'Ottawa pour faire partie d'un groupe multidisciplinaire composé de procureurs de la Couronne, de policiers, de spécialistes de la médiation et du règlement des conflits qui ont décidé d'explorer la possibilité de créer le premier comité de justice pour la jeunesse de l'Ontario.

Comme vous le savez sans doute, la création de comités de justice pour la jeunesse est autorisée en vertu de l'article 69 de la Loi sur les jeunes contrevenants, mais il n'en existe pour l'instant que dans quelques provinces. À notre connaissance, il n'en existe qu'en Alberta, au Manitoba, à Terre-Neuve et dans les Territoires du Nord-Ouest.

Nous sommes en faveur de l'idée de faire participer les collectivités de cette façon au processus judiciaire. Avec le temps, ces comités de justice pour la jeunesse seront en mesure de résoudre de la façon la plus appropriée les problèmes qui peuvent surgir dans une collectivité et de répondre aux besoins des jeunes contrevenants, des victimes et de la collectivité dans son ensemble. Ces initiatives peuvent être un moyen de faire le pont entre la collectivité et le système officiel de justice pénale, et d'encourager les citoyens à faire preuve de leadership et à prendre des responsabilités dans l'application des lois concernant les jeunes.

Les comités de justice pour la jeunesse aideront les jeunes à se montrer responsables de leurs actes tout en les assurant de l'appui et de l'intérêt de leur collectivité. Ces comités permettront également à la collectivité de mieux s'informer sur la criminalité et la prévention du crime.

Nous voudrions également vous entretenir des conférences familiales. C'est en Australie que nous avons obtenu la formation officielle en ce qui concerne cette méthode. Ce sont les Australiens qui, les premiers, ont eu recours à ce moyen d'intervention auprès des jeunes contrevenants, une méthode qui s'inspire d'un processus de guérison traditionnel chez les Maoris.

Nous connaissons deux types de conférences familiales, l'une où le rôle de coordinateur est joué par un agent de police comme c'est le cas dans le modèle australien, et l'autre où ce rôle est joué par un travailleur social comme dans le modèle néo-zélandais.

Il s'agit de rassembler dans une même pièce le contrevenant et ceux qui le soutiennent - habituellement la famille nucléaire, à laquelle s'ajoutent souvent d'autres parents, quelquefois des voisins, des conseillers, un professeur ou l'entraîneur d'une équipe de football - ainsi que la victime de l'acte criminel et ceux qui la soutiennent, et enfin une personne qui agit à titre de coordinateur. En Australie, le coordinateur est souvent un sergent de police.

Nous avons noté que le nombre de participants aux conférences peut aller de 5 à 30.

Le contrevenant joue un rôle important car il décrit la nature de l'infraction. Les discussions, dirigées par le coordonnateur, permettent de mettre en lumière les conséquences psychologiques, sociale et économique de l'infraction pour les victimes, les contrevenants et les autres. Les victimes, et souvent ceux qui les appuient et même aussi les membres de la famille du contrevenant, expriment, parfois avec émotion, leur désapprobation en présence du jeune contrevenant.

Toutefois, la personne qui est chargée de coordonner la conférence s'efforce d'inciter les participants à pardonner au contrevenant et à lui accorder leur appui.

On n'a recours aux conférences que lorsque le jeune contrevenant reconnaît sa culpabilité. On y a recours en Australie, et maintenant en Nouvelle-Zélande, pour divers types de crimes, y compris les infractions contre les biens, les incendies criminelles et certaines voies de fait.

Ce qui se passe en Australie confirme que le public et la police ont de plus en plus confiance en cette méthode, au point que l'on utilise les conférences familiales dans le cas d'infractions beaucoup plus graves. Par exemple, à Wagga Wagga, une ville d'environ 100 000 habitants, le recours aux conférences a permis à la police de traduire deux fois moins d'accusés devant les tribunaux.

Ces conférences familiales s'appuient fortement sur le principe de la dénonciation du comportement criminel par ceux qui comptent vraiment pour les jeunes contrevenants.

Pendant la période de questions, nous serons heureux de vous donner des précisions au sujet des conférences familiales.

Nous avons certaines réserves au sujet des conférences familiales. Rien n'est parfait, et certaines critiques ont été formulées à l'endroit de ce moyen d'intervention. Par ailleurs, il existe des groupes ethnoculturels qui pourraient ne pas accepter qu'un policier joue le rôle de coordonnateur, particulièrement s'ils entretiennent de mauvaises relations avec la police.

En Australie, les conférences ont été la cause de tiraillements entre les représentants de diverses professions comme les policiers, les procureurs de la Couronne et les autres intervenants du domaine de la justice.

Il semble qu'en ce qui concerne les jeunes, l'impact à long terme des conférences soit beaucoup plus positif que celui des tribunaux. La conclusion à laquelle sont arrivés bien des victimes, des contrevenants et des communautés qui y avaient participé est que justice y avait été faite.

Permettez-nous aussi de vous entretenir du système de participation communautaire à la détermination des peines qui a été instauré dans plusieurs juridictions canadiennes. Le système permet aux participants et aux collectivités visés de faire face à la souffrance qu'ils ressentent et à chercher des solutions qui permettront aux membres de la communauté de vivre ensemble. Cal Albright de la Saskatchewan Federation of Indian Nations dit de la souffrance associée à ce processus qu'il s'agit d'une «bonne souffrance» qui favorise la guérison plutôt qu'une «mauvaise souffrance», qui ne fait qu'accentuer les sentiments destructeurs.

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Certains estiment que ce processus n'a d'utilité que dans les communautés autochtones et sont convaincus que cela ne peut marcher ailleurs, particulièrement dans les grands centres urbains. Toutefois, le juge Barry Stuart, qui en collaboration avec certaines collectivités autochtones, est responsable de la popularisation de cette méthode dans le Nord canadien, pense exactement le contraire. Il est convaincu que cela marcherait dans des communautés non autochtones, notamment dans les grandes villes. Il faudrait évidemment adapter ce système pour que dans les grandes villes, qui ont souvent accès à beaucoup plus de ressources que les petites communautés, on puisse savoir qui a un lien avec le contrevenant et sa victime. Il peut s'agir d'un entraîneur de hockey favori, d'une grand-mère, d'un enseignant ou d'un voisin, et il faudrait les faire participer au système. Le juge Stuart a noté que faire intervenir des gens qui, d'une façon ou d'une autre, entretiennent des liens réels avec le contrevenant et la victime rend plus probable un résultat positif.

Comme dans les conférences familiales, le sentiment de honte qui envahit le jeune lorsqu'il se rend compte que les gens qu'il aime sont bouleversés et condamnent son comportement fait partie du processus, mais c'est un sentiment positif et favorable à la réintégration. On condamne le comportement criminel comme source de honte, mais le contrevenant réalise que cette condamnation est prononcée par des gens qui l'aiment. Quant aux participants, ils savent, ou ils admettent après un certain temps, que la personne qui est devant eux ne se réduit pas à l'acte criminel qu'elle a commis.

Comme c'est le cas des conférences familiales, les cercles de détermination des peines appellent des réserves. Certains groupes de femmes et certains groupes de victimes qui ont déjà participé à ces cercles dans de petites collectivités autochtones ont des critiques fort légitimes à formuler à leur endroit. Nous devons tenir compte de ces critiques légitimes, mais cela ne signifie pas que nous rejetons le modèle. Le juge Barry Stuart nous rappelle qu'il ne faut pas s'attendre à la perfection des cercles de détermination de la peine et des conférences familiales, mais qu'il faut les comparer au système actuel de justice pénale. Comme ces moyens d'intervention sont de loin préférables au système actuel, prenons les moyens de les améliorer, mais ne les rejetons pas d'emblée en raison des critiques qu'ils suscitent.

Nous vous référons à notre mémoire qui aborde beaucoup d'autres points sur lesquels nous ne nous étendrons pas maintenant. Nous serons cependant heureux de répondre à vos questions sur ceux-ci. Avant de conclure, je vous signale que notre mémoire traite de la question de la responsabilité familiale et des camps de pleine nature et des camps de redressement. J'ai aussi remis au greffier du comité le texte d'une communication récente que nous avons présentée sur les camps de redressement au groupe de travail ontarien étudiant les mesures disciplinaires strictes pouvant être prises contre les jeunes contrevenants.

Mme Berzins: Permettez-nous maintenant de conclure notre exposé.

Le président: Allez-y.

Mme Berzins: Il importe, à notre avis, de continuer à insister sur le fait que la Loi sur les jeunes contrevenants n'est qu'un des moyens dont dispose la justice pour intervenir auprès des jeunes. Cette mesure législative a cri des attentes extraordinaires même s'il est clair que la société ne peut régler des problèmes sociaux qui sont profonds en ayant recours à la loi. C'est comme si l'on essayait de faire toute une série de réparations dans une maison uniquement à l'aide d'un marteau. Pour effectuer toutes les réparations qu'on est appelé à faire dans une maison, il faut de nombreux outils. De la même façon, la société doit pouvoir disposer d'autres solutions, des outils, à part le système de justice pénale le marteau, pour régler au mieux les problèmes à caractère social.

Le système de justice pénale ne peut servir à régler tous les problèmes et toutes les difficultés auxquels les jeunes font face aujourd'hui. Il faut qu'il y ait une meilleure collaboration entre les juridictions et entre les systèmes qui offrent des services aux jeunes. Il faut créer des partenariats au sein desquels pourront collaborer des représentants du système de justice pénale, de l'aide sociale à l'enfance, des services de santé mentale pour les enfants, des établissements scolaires, des employeurs et d'autres services qui s'occupent des enfants et des jeunes. Nous devons affecter plus de ressources dans ces domaines et nous serions favorables sans réserve à l'idée d'accorder la préférence dans la réaffectation des ressources aux initiatives communautaires et aux services sociaux plutôt qu'au système judiciaire officiel.

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Il ne faut pas en déduire qu'il n'y a pas de lien entre le système de justice pénale et ces services. Ce lien doit d'ailleurs être renforcé puisqu'on demande au système de justice pénale de régler de nombreux problèmes alors qu'il n'a pas les outils nécessaires pour le faire.

La Loi sur les jeunes contrevenants et les autres mesures législatives doivent permettre une réelle participation des collectivités au système judiciaire officiel. À cet égard, nous estimons que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle évident de leadership et favoriser la réaffectation des ressources à cette fin.

En terminant, nous voudrions vous laisser une image à laquelle nous espérons que vous réfléchirez longtemps. Le système judiciaire pour la jeunesse traverse actuellement une crise. La population ne lui fait plus confiance et il ne parvient pas à régler les problèmes réels qui se posent. Nous aurions intérêt à saisir cette occasion pour révolutionner la façon dont on rend la justice dans notre pays et instituer un meilleur système. Nous estimons que chacun d'entre nous pourrait tirer des leçons importantes de la transformation qu'a subit le système des soins de santé au Canada au cours des dernières années.

Les coûts et l'efficacité des moyens traditionnellement employés dans le domaine de la santé ont fait l'objet d'une douloureuse remise en question, mais cela a permis de trouver de nouvelles façons d'envisager la maladie et la médecine. Dans le passé, les Canadiens ne pouvaient compter que sur une visite chez le médecin pour retrouver la santé s'ils étaient malades, du moins au cours des dernières décennies. À l'heure actuelle, les médecins travaillent avec les représentants d'autres disciplines, dans le cadre d'une approche holistique, et collaborent, entre autres, avec des nutritionnistes, des kinésithérapeutes, des physiothérapeutes, des acuponcteurs et des sages-femmes.

On reconnaît qu'il y a d'autres moyens, non seulement de guérir les maladies, mais également de garder les gens en bonne santé. Il est intéressant de constater que les professionnels de la santé ont fini par se rendre compte, comme l'a dit Scott Peck, que nous citons dans notre mémoire, que la santé n'est pas un état statique de bien-être complet et parfait mais que c'est, entre autres choses, une condition qui permet à la guérison de s'accomplir de façon continue.

Par conséquent, la santé n'est pas tant l'absence de maladie que la présence de conditions optimales pour que s'accomplisse le processus continu de guérison. Nous avons appris avec le temps que, pour vivre en bonne santé, il ne faut pas seulement pouvoir lutter contre la maladie, mais prendre en considération nos conditions de vie ainsi que l'environnement.

J'explique tout cela en détail car nous croyons qu'il y a un parallèle très important avec le système judiciaire et nous devons peut-être y réfléchir davantage.

Bien des disciplines et bien des systèmes ont commencé à s'intégrer à partir du moment où l'on a reconnu que, pour parvenir à un état de bien-être complet, il fallait s'assurer de la collaboration de nombreux intervenants au sein de la communauté.

Nous sommes fermement convaincus qu'il est possible d'appliquer les mêmes principes au système judiciaire et nous espérons que vous y songerez davantage. C'est également un système qui a pour objectif d'assurer le bien-être des particuliers et des communautés. La justice ne se réduit pas à faire disparaître le crime, car c'est sans doute un objectif impossible dans une société où il y a énormément de différences - des différences au niveau du pouvoir et des différences au niveau économique - mais elle a aussi pour rôle de faciliter les processus de guérison qui permettent de régler au mieux les différends et de trouver les meilleures solutions aux problèmes qui pourraient mener à des crimes plus graves, et non pas tout simplement de régler un incident criminel isolément, mais aussi de stimuler la capacité de guérison de la communauté et permettre à ceux qui ont de la difficulté à se conformer à la loi l'occasion de réintégrer la société et de ne pas faire de tort aux autres.

C'est le chemin vers l'apaisement que doit ouvrir la justice aux particuliers et à la communauté. Ceux qui sont parties prenantes du système judiciaire doivent apprendre à collaborer avec de nombreux partenaires et avec des représentants de nombreuses autres disciplines. Nous sommes fermement convaincus que c'est cela l'avenir, et c'est en cela que nous plaçons notre espoir. Nous sommes fermement convaincus qu'il est vraiment possible avec le système judiciaire pour les jeunes de changer les choses et de faire vraiment une différence dans la façon dont le public perçoit toute la tâche du système judiciaire.

Je vous remercie de votre attention. Nous serons heureux de répondre à vos questions et d'entendre vos réactions.

Le président: Merci. Je sais qu'il y a des questions. Nous allons commencer avec le Bloc et un premier tour de table de 10 minutes pour chaque intervenant.

Madame Venne.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Vous savez que de nombreuses personnes nous ont signalé dans leurs mémoires que le défi que pose le système judiciaire ne tient pas nécessairement à la loi, mais beaucoup plus à la façon dont elle est appliquée dans les provinces.

Parmi les problèmes souvent cités, on trouve le recours minimal aux solutions de rechange et le peu de participation du milieu. Vous l'avez mentionné également.

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D'après vous, quels facteurs empêchent spécialement la participation du milieu? Les ressources probablement, l'information, l'engagement? Croyez-vous qu'il serait intéressant de modifier la loi elle-même afin de stipuler que la participation du milieu social aux décisions et aux solutions de rechange est essentielle et obligatoire?

Croyez-vous qu'il serait intéressant et souhaitable de modifier la loi pour dire que les solutions de rechange sont dorénavant la norme et non pas l'exception? Croyez-vous que cela améliorerait la situation des gens dans le système judiciaire actuel?

Mme Berzins: Je pense que vous avez de très bonnes réponses à vos propres questions.

Mme Venne: Vous êtes d'accord sur cela?

Mme Berzins: Oui, et je vais en dire un petit peu plus.

Mme Venne: Même si on enlevait la discrétion aux juges à ce moment-là?

Mme Berzins: Il est possible que cela devienne nécessaire. C'est une chose dont on s'est préoccupés, au Conseil des Églises. On dialogue avec des gens qui travaillent dans le système judiciaire, y compris des procureurs de la Couronne.

Ce n'est pas tant la loi que la mentalité du public qui est l'obstacle, et la mentalité des personnes intervenant dans le système judiciaire, qui pensent en fonction d'une justice punitive. On veut donner un message ferme d'intervention. On prononce souvent un message symbolique. On a un problème de relations publiques; c'est-à-dire que prendre au sérieux ce qui survient veut dire ne pas passer par les mesures de rechange. Elles n'ont pas une bonne réputation et c'est dû en partie au fait que, dans certaines juridictions, elles sont peut-être trop insignifiantes pour vraiment donner l'impression qu'on prend très au sérieux le comportement. On n'a pas toujours l'impression que les mesures de rechange qu'on applique sont liées d'une façon très logique au problème qui a causé le crime et aux besoins de la victime. Donc, il faut changer cette impression par de bonnes relations publiques.

Mme Venne: Ici, on ne fait pas de relations publiques.

Mme Berzins: Non, mais je vais en venir à ça. J'essaie de dire qu'il n'y a rien dans la loi qui empêche cela dans le moment. Cependant, il serait bon que la loi encourage cela davantage.

Mme Venne: Voilà. Alors, ce serait la norme.

Mme Berzins: Oui. C'est ce qu'on appellerait une mesure permissive de la loi. Ce serait vu comme un encouragement.

J'ai parlé à un moment donné, dans mon texte, d'une proposition de summary disposition court. Cela a été fait en fonction de ce besoin-là. On a besoin d'un mécanisme reconnu dans la loi qui encourage beaucoup plus l'utilisation des mesures communautaires. Si on allait jusqu'à dire que, selon certains critères établis en collaboration avec les procureurs de la Couronne et selon les politiques des juridictions, une peine d'emprisonnement n'est pas acceptable, on serait forcé de trouver une solution dans la communauté auparavant.

Une mesure intermédiaire serait de dire qu'on va chercher à trouver la solution dans la communauté, que cette recherche est obligatoire, et qu'en cas d'échec, on regarde ce qui peut être fait selon les autres critères de la loi. Il faut prendre des mesures beaucoup plus fermes devant cela. Alors, je suis d'accord avec vous.

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Mme Venne: On parle donc d'en faire une norme.

Ma deuxième question porte sur la garde fermée. Je crois qu'elle devrait être limitée aux récidivistes. C'est un peu dans ce sens que vous dites que même la garde fermée ne serait envisagée qu'après un examen des mesures de rechange.

Mme Berzins: Oui, et l'établissement de critères pour savoir si c'est pour les récidivistes ou non pose un petit problème. Il faut que ce soit un peu plus souple. À mon avis, le critère est la dangerosité. Une personne peut en être à son premier délit, mais être tellement dangereuse pour la communauté qu'on n'a d'autre solution que de la retenir. Ce sont des cas très rares.

Il y a beaucoup de récidivistes qui ne sont pas vraiment dangereux pour la communauté. Il y a un danger de récidive dans des choses non violentes ou des choses qui peuvent être contenues autrement.

Alors, j'hésiterais à dire qu'on doit envisager la garde fermée pour tous les récidivistes.

Mme Venne: Merci, madame la présidente. C'est tout pour l'instant.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): J'aurais de nombreux points à aborder, mais comme je ne dispose que de 10 minutes, je n'aborderai que très brièvement le cas de Kevin Hollinsky, dont vous nous avez assez longuement parlé.

On a ici un cas où tout d'abord, ce qui s'est passé était non intentionnel de la part de Kevin Hollinsky. Oui, ils étaient là à s'amuser et il était en état d'ébriété. Il ne voulait pas la mort de ses amis. Il y a également dans ce cas-ci des parents qui sont prêts à accepter une solution de rechange. C'est tout un contraste par rapport aux parents que nous avons entendus mardi et les grands-parents qui étaient là, en raison de leur situation qui est très différente. Ils ont perdu des membres de leur famille en raison d'une action délibérée, préméditée, planifiée qui a coûté la vie de ceux qu'ils aimaient. Donc, je pense qu'il s'agit d'un bon exemple qui peut s'appliquer dans nombreux cas. Il ne peut cependant s'appliquer à tous les cas.

J'aimerais que nous revenions un peu en arrière à l'époque où la Loi sur les jeunes contrevenants n'existait pas encore, à l'époque de l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants. Les tribunaux avaient d'énormes pouvoirs de prendre des mesures presque informelles lorsqu'un jeune avait un comportement délinquant. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce qui s'est passé depuis. Serait-il pour nous préférable d'avoir l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants plutôt que la Loi sur les jeunes contrevenants si nous voulons donner suite à vos suggestions?

Lorsque nous sommes passés de la Loi sur les jeunes délinquants à la Loi sur les jeunes contrevenants, il y a deux ou trois choses importantes qui se sont produites. Entre autres, nous avons réduit les options de traitement des tribunaux pour leur donner surtout des options de détermination de peine. Nous avons éliminé la responsabilité de ceux qui incitaient les jeunes à la délinquance ou à violer la loi. Nous avons éliminé la pénalité à cet égard en éliminant l'accusation d'avoir contribué à la délinquance d'un jeune. Nous avons formalisé le processus. En d'autres termes, si la police arrête un jeune, ce jeune a maintenant des droits, y compris le droit d'avoir un avocat, question que vous avez abordée et que je comprends tout à fait.

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J'ai été membre d'une force policière pendant 14 ans. Mes collègues et moi-même avons tenu plus de jeunes à l'écart du système judiciaire par rapport à ceux que nous y avons fait entrer parce que nous avions le pouvoir discrétionnaire de le faire. Nous avions la possibilité de décider, selon les circonstances et les faits, si l'incident était ou non assez sérieux et que nous pouvions le régler de façon informelle. Nous ne pouvons plus prendre ce genre de décision, et je demanderai au chef de police, qui comparaîtra ici ce matin après votre groupe, de nous en parler.

Si j'ai bien compris, vous proposez que nous déformalisions la façon dont nous traitons les jeunes qui ont des démêlés avec la justice. Cela ne peut s'appliquer qu'à certaines infractions, je pense. Lorsqu'il s'agit d'un acte délibéré qui fait tort à une autre personne ou qui cause la mort d'une autre personne, on n'a peut-être pas les sentiments positifs qui ont été exprimés dans l'affaire Hollinsky, et la victime vit peut-être encore ou la famille de la victime est très préoccupée ou bouleversée par cet acte délibéré. C'était une erreur et cela aurait tout aussi bien pu être moi, si j'étais un buveur. Je ne suis pas un buveur, je l'ai déjà été, et je sais que j'aurais tout aussi bien pu me retrouver dans cette situation, sans jamais avoir eu l'intention d'enlever la vie à qui que ce soit.

Il faut tenir compte de l'intention. Il faut tenir compte des conséquences de ses actes. S'il n'y a pas de conséquences lorsqu'on désobéit à une loi, alors je pense que nous sommes sur la mauvaise voie, et je ne pense pas que c'est ce que vous proposez. Vous dites que les conséquences devraient changer, que le processus des conséquences devrait changer, et je suis d'accord. Je pense qu'il faut choisir. Peu importe aux Canadiens le processus que nous décidons de mettre en place, pourvu qu'il permette à leurs rues, à leurs collectivités d'être sans danger. C'est le résultat qui compte.

Que se serait-il passé si Kevin Hollinsky avait dit: «Je ne veux pas faire cela. Je suis désolé, mais c'est quelque chose que je ne peux supporter - raconter à des jeunes dans les écoles ce qui s'est passé, revivre cela constamment.» Seul le temps nous dira si cette pénalité fera ou non de lui une meilleure personne. Seul le temps nous le dira.

Ma question est donc la suivante: étant donné votre concept selon lequel vous voulez changer le système et l'approche face à la criminalité juvénile, à votre avis aurait-il été pour nous préférable, du moins dans certains cas, de garder un système plus informel comme celui que l'on avait aux termes de la Loi sur les jeunes délinquants plutôt que celui que nous avons à l'heure actuelle? Nous administrons maintenant depuis 12 ans un système beaucoup plus formel selon lequel dès qu'un jeune qui atteint l'âge de 12 ans se fait arrêter pour avoir commis un crime, il a immédiatement le droit de faire appel à un avocat. Certaines personnes sont donc directement intéressées par cette Loi sur les jeunes contrevenants, car il y a des gens qui gagnent leur vie à faire certaines choses qui doivent être faites aux termes de cette loi.

Je veux vous laisser suffisamment de temps, vous aurez suffisamment de temps, je pense, pour répondre. Je voudrais juste raconter quelque chose que j'ai entendu au cours de la première session en Chambre. L'un des députés ministériels s'est levé et a raconté que lorsqu'il était jeune, il était entré dans un magasin et il avait pris un article. Il avait volé l'article, l'avait apporté à la maison, et lorsque son père s'en est aperçu, il l'a obligé à retourner avec lui au magasin pour faire face au propriétaire et s'excuser auprès de lui. Il a parlé de son sentiment d'humiliation, de honte et de remord à ce moment-là. S'il avait eu le droit de faire appel à un avocat lorsque son père l'a vu avec cette tablette de chocolat, que serait-il arrivé? Je vois ce qui est arrivé à la suite des changements que nous avons apportés à la Loi sur les jeunes délinquants qui est devenue la Loi sur les jeunes contrevenants, et je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour le système.

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Un autre témoin est venu comparaître devant notre comité relativement à un autre projet de loi. C'était une avocate très brillante, à mon avis. Elle a fait remarquer qu'en 1958, nos prisons n'étaient qu'à moitié pleines. Pourquoi nos tribunaux débordent-ils maintenant, et pourquoi y a-t-il double occupation des cellules dans nos institutions?

J'aimerais revenir au fait que nous étions peut-être mieux avec l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants et je me demande si ce que vous proposez ne correspond pas davantage à cette ancienne loi, où certaines situations étaient réglées de façon informelle. Le processus était moins formel qu'il ne l'est aujourd'hui. Lorsque le policier jugeait que la situation était trop grave et qu'il n'avait pas la collaboration des parents et des victimes, etc., il décidait alors de suivre un processus plus formel et de confier le cas aux tribunaux. Est-ce ce que vous recherchez? Il me semble que oui. J'aimerais que vous nous disiez si vous pensez que la Loi sur les jeunes contrevenants n'est peut-être pas la bonne solution.

Pour moi, ce que vous nous avez décrit dans votre exposé ce matin, correspond à ce que nous avions auparavant, c'est-à-dire que le policier pouvait régler la question de façon informelle avec les parents et tous les intéressés, sans jamais officialiser le processus. En tant que policier, je sais que ce n'est jamais parce que l'on traîne un jeune devant un tribunal qu'il risque moins de récidiver. On a beaucoup utilisé ça comme moyen de dissuasion. Ce moyen de dissuasion était pour moi important, mais lorsque j'ai vu les résultats, je me suis rendu compte que seulement 5 ou 10 p. 100 de ceux qui étaient passés par ce système en avaient profité de façon positive.

Le président: Monsieur Ramsay, je tiens à vous féliciter. Vous avez utilisé les dix minutes qui vous étaient allouées. C'était très bien.

Quoi qu'il en soit, je vous laisse répondre.

Mme Berzins: Je pense que vous partagez une angoisse très sincère et certaines préoccupations qui font en sorte que nous devons faire un examen de conscience. Eh oui, je pense que ce que nous proposons est à bien des égards de déformaliser le système. Cependant la Loi sur les jeunes contrevenants a été adoptée pour de très bonnes raisons, également. Il y a eu de très graves abus à l'époque de l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants.

En voulant aider - et cela suscite un sentiment beaucoup plus positif parce que nous pensons que nous aidons - , nous pouvons en fait réellement punir les gens considérablement, et de telle sorte qu'il est nécessaire de protéger leurs droits. Je pense que c'est ce que l'on a constaté lorsque l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants était en vigueur, c'est-à-dire que certaines personnes passaient beaucoup de temps en détention. Lorsque les gens allaient au fond des choses, ils s'apercevaient que c'était pour leur protection; ils n'avaient pas commis de crime si grave. On le faisait pour toutes sortes de raisons, et les gens en ont souffert considérablement. Il était donc tout à fait justifié de dire, avec le système accusatoire, qu'on ne pouvait pas faire cela aux gens sans protéger en même temps leurs droits.

Je pense que ce dont nous n'étions pas aussi conscients à l'époque lorsque nous avons introduit la Loi sur les jeunes contrevenants, c'était jusqu'à quel point le système judiciaire pour les adultes était imparfait. Nous avons donc traîné les pires choses avec les meilleures, et c'est ce que nous devons examiner, je pense. Nous sommes très préoccupés par tout le système pour adultes; il est tout aussi imparfait. Nous pensons que c'est tout simplement plus tragique lorsqu'il s'agit de jeunes, d'une certaine façon.

La Loi sur les jeunes contrevenants permet de faire ce que nous proposons. Les dispositions existent. Mais c'est la mentalité punitive du système pour adultes qui fait en sorte qu'il est plus difficile d'apporter ces changements. Je pense qu'avec l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, ce que l'on faisait pour le bien des gens était fait en grande partie dans des endroits punitifs et leur donnait la plupart du temps un sentiment punitif. En fait, c'était un système qui empiétait bien souvent sur les droits de la personne.

Nous croyons que les gens ont besoin d'une période de transition considérable, et qu'il faudra les encourager davantage à déformaliser, à utiliser les processus dont vous parlez. Cependant, on ne peut jamais donner à la communauté le pouvoir de punir et de violer les droits. Je pense que le rôle de la collectivité doit être de trouver des solutions positives qui ne seront pas préjudiciables pour le contrevenant et qui ne le priveront pas de ses droits. C'est déjà triste que l'État ait le droit de punir, mais au moins seul l'État a ce droit et il existe des sauvegardes. Les gens ne sont pas prêts à abandonner ce système tant qu'ils ne se seront pas rendu compte d'eux-mêmes que l'autre solution est plus satisfaisante.

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J'aimerais seulement dire une autre chose, puis je donnerai la parole à Rick. Vous avez dit que le cas Hollinsky était un cas exceptionnel, et vous avez tout à fait raison. Cela n'aurait pas été possible dans tous les cas, mais il existe de nombreux cas comme celui de Hollinsky, où la personne est envoyée en prison de toute façon, et il y a de nombreuses victimes qui n'ont pas déjà le même rapport que Kevin avait avec les parents de ses victimes. Ils n'ont certainement pas au départ des sentiments positifs. Ils ont plutôt des sentiments très négatifs, ce qui est une réaction tout à fait normale, saine et humaine dans une situation de crise.

Il n'y a rien de mal à cela, mais les gens ne restent pas là. D'après ce que nous avons pu constater, lorsque l'on donne à ces gens l'occasion de se faire entendre et d'exprimer ouvertement leurs sentiments sans être confinés dans une salle de tribunal, ils passent à autre chose. Ils ne veulent pas rester dans une telle situation. Ils entendent autre chose. Ils entendent que c'était accidentel, même s'il est exaspérant de savoir que c'était accidentel.

Je pense qu'il y aurait de nombreuses autres possibilités si nous tenions compte des besoins des victimes et si nous faisions preuve d'un peu plus d'imagination pour essayer de savoir ce qui les satisferait. Il y a tout un dialogue entourant ce qu'il faudrait faire pour essayer d'améliorer la situation. Rares seront ceux - et il y en aura - qui seront tout à fait obsédés par le fait que seule une longue peine d'emprisonnement s'impose, car ils se rendront rapidement compte que cela n'est pas vraiment satisfaisant, de toute façon.

Rick, vous avez la parole.

M. Prashaw: Je voudrais commenter brièvement ce qu'a dit M. Ramsay. J'ai moi aussi trouvé intéressant que votre expérience en tant que policier et d'autres questions que vous avez soulevées vous ont permis de vous identifier à Kevin.

Je pense que si nous pouvions mettre en place des processus judiciaires qui nous permettraient de mettre davantage un visage sur le contrevenant et la victime et de comprendre qu'il n'y a pas qu'un seul type de contrevenant et un seul type de victime, votre expérience personnelle vous permettrait de faire cette identification. Cependant, il arrive parfois que les processus que nous créons dans le système judiciaire font en sorte que cela n'est pas possible.

J'ai écouté mardi le témoignage horrible de cette grand-mère dans cette affaire de meurtre qui a été commis à Ottawa, et je ne peux tout simplement imaginer que quelqu'un fasse une telle chose à un autre être humain.

En fin de compte, je me suis demandé où est-ce qu'elle ira avec tout cela, à qui s'adressera-t-elle pour essayer de guérir, et si, comme certains groupes, elle mettra toutes ses énergies uniquement dans la pénalité et la sévérité de la pénalité. Certaines victimes et certains groupes de victimes disent qu'en fin de compte, même s'ils pensaient que cela allait leur apporter une certaine satisfaction, même s'ils pensaient qu'ainsi justice serait faite, ce n'était pas toujours le cas.

J'ai participé à une émission radiophonique ouverte à Vancouver l'autre jour avec Wilma Derksen, une femme qui a fondé le groupe qui s'appelle Family Survivors of Violence, et je pense qu'elle devrait communiquer avec le greffier au sujet de la possibilité de comparaître devant votre comité lorsqu'il se rendra dans l'ouest du Canada.

Elle a constaté que le meilleur conseil qu'elle ait reçu les jours suivant immédiatement l'enlèvement et le meurtre de sa fille provenaient d'une autre famille qui avait été brisée par un meurtre, un homme lui a dit: «J'ai tout perdu en consacrant toutes mes énergies à m'assurer que le contrevenant allait payer. J'ai perdu ma vie.» Il y a recommandé de s'occuper aussi d'elle-même, de guérir, et d'autres choses.

Il y a tellement de points de vue différents, pourtant nous croyons souvent que toutes les victimes disent la même chose, et que tous les contrevenants sont les mêmes. Je suis intrigué par votre expérience personnelle, votre expérience en tant que policier, et ce que vous savez de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas... s'il est possible de mettre en place des processus judiciaires qui permettront aux gens d'aller au-delà des idées toutes faites et de voir vraiment les gens qui sont touchés.

La présidente: Merci.

Monsieur Anawak.

M. Anawak (Nunatsiaq): Merci, madame la présidente. L'une des choses les plus étranges qui se soit produite dans le Nord, c'est lorsque le système judiciaire est arrivé là-bas. Des crimes ont été commis, vols avec effraction, ou autres, par toutes sortes de gens.

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Disons qu'un jeune entre par effraction dans le bureau d'une association de logement et vole quelque chose dans le coffre-fort. Il est ensuite arrêté par la GRC et deux semaines plus tard un tribunal itinérant arrive et nomme un avocat pour représenter cette personne. L'avocat lui dit: «Vous pouvez plaider non coupable.» Le jeune dit: «Qu'est-ce que cela signifie?» «Et bien, cela veut dire que vous n'assumez aucune responsabilité pour vos actes.» Le jeune répond: «Mais j'ai commis ce vol.» Et c'est ce qui arrive. Le jeune a dit: «Mais j'ai commis ce vol.» «Oui, mais vous n'êtes pas obligé de plaider coupable.»

C'est une drôle de série d'événements pour quelqu'un qui pense que s'il a commis un crime, il devra payer. Je pense que cela mine sérieusement l'idée que ces gens se font de la justice. Ils ont toujours pensé que s'ils commettaient un crime, ils devraient payer, peu importe le crime.

D'un autre côté, ceux qui auraient été chargés de juger cette personne aurait dit: «Il doit avoir été fort préoccupé pour avoir fait ce qu'il a fait. Quelque chose doit le préoccuper pour avoir fait ce qu'il a fait.» Avant l'arrivée du soi-disant système judiciaire, tout le système visait à aider la personne à faire face à ses problèmes, plutôt que de partir du principe qu'il appartient à l'avocat de prouver qu'elle n'était pas responsable de ce qu'elle a fait, plutôt que de dire: «Si j'ai commis cet acte, je devrai payer en conséquence».

Au fil des ans, nous en sommes arrivés à un point où dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons maintenant des comités de la justice pour la jeunesse. Nous commençons à avoir non pas nécessairement des cercles de détermination de la peine dans notre cas, mais pour certains crimes, ce sont les chefs de la collectivité qui s'occupent du contrevenant. Je pense que le système judiciaire doit s'occuper de certains crimes, entre autres lorsqu'il s'agit d'un meurtre, d'agression, d'agression sexuelle et autres, mais la collectivité peut s'occuper de certains aspects de soi-disant crimes. Cela fonctionnerait mieux.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a quelques années, il y a eu un incendie criminel à Rankin Inlet. Un jeune a incendié l'école. Plutôt que de lui imposer une peine de 7, 8, 9 ou 10 ans d'emprisonnement, le conseil communautaire - dans notre cas, le conseil de hameau - a décidé de prendre la responsabilité pour la vie de ce jeune homme. Cela s'est passé il y a environ 10 ou 15 ans. Ce jeune homme est toujours à Rankin. Il n'a pas commis d'autres crimes depuis, ce qui prouve que pour certains crimes il est possible d'aider une personne plutôt que de l'envoyer en prison et de la mettre ainsi en contact avec des éléments criminels. L'emprisonnement aurait été beaucoup plus désastreux pour lui.

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Une punition sous forme d'incarcération n'est pas toujours la réponse. Je frémis rien qu'à penser que certains États américains ont adopté un système selon lequel après trois chances, c'est fini. Écoutez, la vie n'est pas un match de baseball. Cela me dérange vraiment...

Je ne veux pas blâmer mon collègue d'en face, mais je me rappelle il y a quelque temps au Canada, certains insistaient pour avoir ce genre de système. Dieu merci, le projet est tombé à l'eau.

Je suis d'accord avec mon collègue d'en face lorsqu'il dit qu'il faut regarder chaque cas individuellement. Si une personne avait l'intention de commettre un crime, alors il doit y avoir une certaine justice, et cette personne doit recevoir une juste punition. Mais il se peut que dans certains cas, on doive comprendre que la personne n'avait pas l'intention de commettre le crime, et que même si elle doit payer pour ce crime, il y a peut-être une façon d'aider cette personne à devenir un membre de la société plus valable en faisant certaines choses plutôt que tout simplement en l'emprisonnant.

Je voulais tout simplement faire ces observations.

Merci, madame la présidente.

Mme Berzins: Je vous remercie de vos observations. Je suis tout à fait d'accord, et je pense que le processus même que vous décrivez au sein d'une collectivité fait de la collectivité un endroit plus sûr.

Donc, pour répondre un peu à ce qu'a dit M. Ramsay, c'est-à-dire que les Canadiens ne se préoccupaient pas du processus, qu'ils veulent que leurs rues soient sans danger, je pense que le fait de les inclure de façon à ce qu'ils sachent ce qui se passe et à mettre les contrevenants en rapport avec de vraies personnes dans la collectivité contribue considérablement à la sécurité de cette collectivité.

La présidente: M. Maloney a une question.

M. Maloney (Erie): J'aimerais vous parler de l'expérience australienne, des conférences familiales et également du comité de justice pour la jeunesse. Quand ce système a-t-il été mis en place en Australie?

M. Prashaw: C'est en 1989, lorsque la Nouvelle-Zélande a adopté un projet de loi sur les conférences familiales, et c'est deux ans plus tard que les Australiens, particulièrement les enseignants et la police, se sont intéressés à cette expérience. Ils sont donc allés chercher cette formule en Nouvelle-Zélande vers 1991 et l'ont adaptée à leur propre pays.

M. Maloney: Est-ce qu'ils ont des statistiques sur l'efficacité du système, sur le taux de récidivisme?

M. Prashaw: Oui. Nous fournirons ces statistiques au comité.

L'expérience australienne dans plusieurs États de ce pays a démontré une réduction considérable des cas qui étaient renvoyés devant les tribunaux. Il y a certaines anecdotes à l'appui, mais David Moore, un professeur je crois à Victoria en Australie, a commencé à documenter l'impact de ce système sur le récidivisme.

À mesure que la confiance de la police augmente à l'égard de cette formule, les cas les plus sérieux sont renvoyés aux conférences familiales. Naturellement, lorsque justice n'est pas rendue, ils ont comme nous un sentiment de frustration. C'est avec un certain scepticisme qu'ils ont abordé ces conférences, ce qui était tout à fait sain, mais ils sont revenus dans leur quartier en disant que cela fonctionnait, que c'était beaucoup plus efficace que ce qu'ils avaient vécu dans les tribunaux.

M. Maloney: Est-ce la police qui renvoie ces cas devant les conférences familiales, ou est-ce que cette décision appartient...?

M. Prashaw: Il y a plusieurs façons de le faire, mais dans le modèle australien, c'est la police qui coordonne les conférences et qui fait une certaine partie du travail avant et après la conférence. Mais en fin de compte, lorsque la conférence est terminée, la police s'assure de mettre en place des groupes de soutien pour les victimes et pour les contrevenants. L'entente doit être surveillée, et si les conditions ne sont pas respectées, le cas est renvoyé devant un tribunal traditionnel.

M. Maloney: Quelles sont les autres façons de renvoyer un cas devant une conférence familiale? Vous avez parlé de la police pour ce qui est de l'expérience australienne. Y a-t-il d'autres façons?

M. Prashaw: Ça peut se faire dans les écoles. Il s'agit d'un processus ouvert qui permet à toute collectivité, à tout groupe au sein d'une collectivité, d'utiliser ce modèle. Les églises accueillent de telles conférences. Il se trouve tout simplement que la police coordonne le modèle australien. En Nouvelle-Zélande, c'est le modèle des services sociaux, où le travailleur social est présent. Les Australiens avaient certaines critiques à l'égard de ce modèle et ont décidé de l'adapter.

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Je m'engage à envoyer au comité les premières conclusions, car certaines des études sont toujours relativement récentes. Ceux qui s'intéressent à la recherche savent qu'il est beaucoup trop tôt pour les juger de façon définitive.

M. Maloney: Avez-vous des renseignements à nous communiquer au sujet des économies, ou est-ce qu'il y a des économies? Avec une réduction de 50 p. 100 dans le nombre de cas qui sont renvoyés devant les tribunaux, l'on devrait s'attendre à une réduction de coûts, mais quels sont les coûts des mesures de rechange?

M. Prashaw: Il faut qu'il y ait des économies. Je vais m'informer et vous communiquer les renseignements. Je pense que cette donnée figure dans le travail de David Moore et également dans celui de Terry O'Connell. Terry est l'agent de police australien qui est venu ici et qui a rencontré certains d'entre vous. Je ne peux pas vous donner de chiffres aujourd'hui. Mais si on réussit à obtenir la déjudiciarisation d'autant de cas, il doit y avoir des économies importantes pour les contribuables.

M. Maloney: Le comité de justice pour la jeunesse semble nécessiter beaucoup de main-d'oeuvre. J'ai deux questions à vous poser. Est-il obligatoire qu'un agent de police, un avocat, un avocat de la Couronne et un travailleur social soient membres du comité? Est-ce que l'on craint que puisque le comité nécessite tant de main-d'oeuvre, les arriérés dans le système judiciaire normal risquent d'augmenter de façon importante?

M. Prashaw: Un des avantages du comité de justice pour la jeunesse c'est sa souplesse. Il peut fonctionner selon les besoins des différentes provinces et des territoires. Donc l'Alberta, le Manitoba, les Territoires du Nord-Ouest et Terre-Neuve ont adopté des approches très différentes. Beaucoup de ces comités font participer des professionnels, sinon lors de l'audition, du moins pendant le travail qui la précède. Certains comités ne font pas appel aux professionnels. Certains sont composés uniquement de représentants de la collectivité qui ont lu les rapports de cas que la police leur a donnés avec leurs recommandations. Ces représentants font leur entrevue individuelle auparavant - et ce sont des bénévoles.

Cependant, nous constatons que dans certaines évaluations, des bénévoles craignent l'épuisement à cause du nombre élevé de cas qu'ils doivent examiner. Par conséquent, on a fait des efforts pour s'assurer que ces bénévoles ont une formation permanente. Certains de ces citoyens de l'Alberta passent plusieurs soirées par mois à entendre deux ou trois heures de cas et à les résoudre. Donc eux aussi ils se plaignent de l'épuisement.

M. Maloney: Serait-il possible pour le comité ou pour un membre du comité d'assister à une de ces auditions? Sont-elles confidentielles?

La présidente: Je ne le sais pas, mais nous pouvons vérifier cela.

M. Prashaw: Lors de vos déplacements, il serait intéressant de poser la question et aux représentants du conseil autochtone et à ceux des centres d'amitié. Je peux communiquer au greffier les noms des personnes responsables en Alberta et au Manitoba. Je pense que ce serait possible. L'on insistera beaucoup sur la confidentialité et sur le respect du processus, mais il sera peut-être possible de le faire sans que cela ne devienne un cirque. Peut-être qu'un membre du comité - plutôt que tout le comité - pourrait assister individuellement à l'audition à la fin d'une journée.

Le programme vient d'être mis en place chez nous, donc nous n'avons pas encore envoyé de cas. Mais je crois qu'au Manitoba et en Alberta, cette procédure précède les mesures prévues dans la Loi sur les jeunes contrevenants. La procédure existe depuis longtemps dans ces provinces, comme à Terre-Neuve, qui est responsable de tout le programme des mesures de rechange.

La présidente: Merci beaucoup. Vous nous avez donné un véritable défi, surtout à ceux d'entre nous qui ont déjà travaillé dans le cadre de l'ancien système. Il est difficile de changer d'orientation.

Nous allons prendre une pause pour permettre aux témoins suivants de prendre place.

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