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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 septembre 1996

.1530

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, nous reprenons notre étude du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous en sommes à l'article 1.

Avant de présenter les témoins, j'aimerais signaler quelque chose à l'attention des membres du comité. Nous accueillons aujourd'hui et accueillerons tous les jours à compter de maintenant quatre experts d'Industrie Canada: Jacques Haines, directeur général par intérim, Direction générale de la gestion intégrée, Industrie Canada; Jim Buchanan, agent principal de projets, Direction générale de la gestion intégrée, Industrie Canada; et deux avocats de l'extérieur, Gordon Marantz, de Toronto, qui est absent aujourd'hui, et Max Mendelsohn, de Montréal, qui est bien présent quant à lui. Ces gens sont à la disposition des partis d'opposition comme du parti ministériel. Cette loi est extrêmement complexe. Si vous avez des questions à poser ou des précisions à demander, n'hésitez pas à les consulter. Ils sont là pour vous.

Comme convenu en prévision de l'examen du projet de loi C-5, nous entendrons aujourd'hui des témoins; nous le ferons jusqu'au 1er octobre. Une fois ces témoins entendus, nous réserverons deux jours au cas où d'autres voudraient se présenter à la dernière minute. Ensuite, nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi et terminerons au plus tard le mercredi 9 octobre. Nous pourrons toujours terminer avant.

.1535

Je pense que le gouvernement envisage

[Français]

pour M. Lebel, l'expert de l'Opposition officielle,

[Traduction]

un certain nombre d'amendements. La plupart sont de nature pratique. Nous vous les soumettrons avant le début de l'étude article par article de façon à ce que vous puissiez les étudier et en discuter avec les représentants du ministère, si vous le désirez.

Voilà donc un certain nombre de questions réglées. Il en reste quelques-unes auxquelles nous pourrons revenir après avoir entendu les témoins. Nous nous sommes entendus pour accorder une heure à chaque témoin. Ce devrait être suffisant.

Je demanderais aux témoins d'être brefs dans leur déclaration liminaire de façon à permettre aux membres du comité de poser des questions et d'approfondir certains points.

Je cède maintenant la parole aux témoins. Ils pourraient peut-être se présenter avant de commencer.

[Français]

Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Il nous fait plaisir de présenter notre mémoire concernant le projet de loi C-5.

L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente plus de 34 000 juristes du Canada, et l'un de nos principaux objectifs est l'amélioration du droit et de l'administration de la justice.

Trois sections nationales de l'ABC ont collaboré à la préparation du présent mémoire, soit la Section nationale de la faillite et la solvabilité, la Section nationale du droit de la famille et la Section nationale du droit de l'environnement.

[Traduction]

Vous avez déjà reçu le mémoire de l'Association du Barreau canadien. Comme de nombreuses sections de l'association ont participé à son élaboration et qu'il a été entériné par les organes directeurs de l'association, nous croyons qu'il présente des vues équilibrées qui reflètent la position tant de la profession que des gens de tout le pays.

Je m'appelle Tamra Thomson. Je m'occupe de la législation et de la réforme du droit à l'Association du Barreau canadien. Je suis accompagnée de Robert Klotz, président de la Section nationale de la faillite et l'insolvabilité, ainsi que de Daniel Dowdall, président de la Section de la faillite et l'insolvabilité pour l'Ontario. Nous sommes heureux de pouvoir vous présenter les vues de notre association aujourd'hui.

Monsieur Klotz.

M. Robert A. Klotz (président, Section nationale de la faillite et de l'insolvabilité, Association du Barreau canadien): Bon après-midi, monsieur le président, honorables députés.

L'Association du Barreau canadien a participé activement aux travaux du Comité consultatif de la faillite et de l'insolvabilité et appuie le consensus qui s'en est dégagé. Nous estimons que ce projet de loi est nécessaire pour corriger et améliorer les importantes modifications apportées à la loi en 1992. Nous nous réjouissons de l'orientation de ce processus continu et du degré de participation que le gouvernement a jugé bon de nous accorder.

Je passe maintenant aux points précis que nous abordons dans notre mémoire. D'abord, en ce qui concerne les débiteurs consommateurs ainsi que les faillites de consommateurs de plus en plus nombreuses, nous reconnaissons qu'il y a là un problème, et un problème de taille. Nous sommes d'accord avec les efforts déployés par le gouvernement en vue d'encourager les propositions de consommateur pour éviter les faillites personnelles et en réduire le nombre. À cet égard, nous avons recommandé que le plafond pour les propositions de consommateur soit haussé par rapport au niveau actuel de 75 000 $. Nous notons qu'il est question de permettre que les tribunaux tiennent compte de nouveaux faits au moment de décider d'accorder la libération conditionnelle. Nous suggérons d'éliminer la condition selon laquelle le consommateur doit avoir déposé une proposition. Pour le reste, nous nous réjouissons de l'orientation des modifications.

Au sujet du processus de médiation envisagé, nous ne sommes pas entièrement d'accord avec l'orientation de la modification. Nous savons que les syndics de faillite ont les aptitudes et la compétence nécessaires pour agir comme médiateur. C'est leur rôle que d'agir comme médiateur entre les débiteurs et les créanciers. Nous nous inquiétons, cependant, et nous l'indiquons dans notre mémoire, des dépenses au titre de l'embauche et de la formation des séquestres officiels, du matériel dont ils pourraient avoir besoin en vue de jouer leur rôle de médiateur tel que proposé. À notre avis, les coûts occasionnés par une telle façon de procéder surpasseraient les avantages offerts par cette médiation.

.1540

Maintenant, en ce qui concerne les pensions alimentaires versées au conjoint et aux enfants, l'Association du Barreau canadien a joué un rôle de chef de file pour ce qui a été de refléter l'importance de ces obligations dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de l'adapter aux années 90.

Lorsque le comité directeur du Comité consultatif n'a pu en arriver à un consensus à ce sujet, les suggestions de l'Association du Barreau canadien à l'honorable M. Manley, de même que la campagne de lobbying lancée par l'association, ont permis d'attirer l'attention sur la question et ont fait en sorte que les créanciers et les entreprises ont pu s'entendre sur la proposition relative à la prouvabilité.

Les arriérés alimentaires n'ont jamais été considérés comme une dette aux fins de la Loi sur la faillite. C'était justifié, puisqu'ainsi les dettes n'étaient pas effacées au moment de la faillite, au même titre que les créances ordinaires. Cependant, ceux et celles à qui étaient dus ces arriérés n'avaient pas accès au partage de la faillite comme les autres créanciers.

Cette situation est devenue anachronique. La Nouvelle-Zélande, l'Australie et les États-Unis y ont remédié à divers degrés. Le Canada devrait faire de même.

L'Association du Barreau canadien a accueilli les commentaires et les critiques au sujet de la modification proposée. Certains sont de nature pratique et repris dans notre mémoire.

Le premier de ces problèmes concerne les articles 62 et 66. S'il n'est pas corrigé, les bénéficiaires de pension alimentaire risquent, sans le savoir, de voir leurs arriérés involontairement effacés par une proposition de faillite. Il est facile de remédier à cette difficulté. Nous proposons un mécanisme à cet effet. Il suffit d'apporter quelques modifications simples.

Notre deuxième point de nature pratique est que le libellé utilisé pour la modification devrait indiquer clairement que le nouveau recours s'applique aux propositions de faillite, que, de fait, le gouvernement veut encourager par cette loi. Ce point n'est pas suffisamment clair actuellement.

Nous voyons d'un mauvais oeil la modification relative à la priorité prévue à l'article 136 pose un problème, à notre avis. Cette modification va au-delà de la proposition relative au traitement égal avancée par l'Association du Barreau canadien dans son mémoire de février 1995. Si cette modification est maintenue telle quelle, dans certains cas, le bénéficiaire d'une pension alimentaire aura droit à tous les éléments d'actif restant et les autres créanciers ne recevront rien, malgré le fait que les arriérés alimentaires auraient pu être payés à partir des biens exemptés ou des revenus après la faillite. De petits créanciers, qui ne recevront rien, subiront ainsi un tort considérable.

Les pensions alimentaires revêtent une importance telle que le coût social de l'éclatement des familles doit être assumé en partie par les créanciers. La modification proposée, cependant, ne tient pas suffisamment compte de la possibilité de collusion. Il est essentiel qu'on établisse la différence entre les réclamations de bonne foi et celles qui sont présentées en vue de léser des créanciers.

Cette nouvelle priorité, contrairement à toutes les autres qui se trouvent à l'article 136, peut être établie d'un simple trait de plume la veille d'une déclaration de faillite. Elle doit recevoir une attention spéciale.

L'expérience australienne est intéressante à cet égard. On y a modifié la Loi sur la faillite en 1980 de façon à protéger les transferts de biens prévus dans les ententes sur les pensions avant la faillite. Cette réforme a rapidement donné lieu à de nombreux abus; des conjoints en excellents termes ont conclu, avant de se déclarer insolvables, des ententes par lesquelles ils cédaient tous leurs éléments d'actif à leur partenaire, prétendument à titre de pension alimentaire. Ces cessions ont été jugées illégales parce qu'il n'y avait pas eu de protection contre la fraude de prévue dans la modification apportée à la loi. Ce n'est que sept ans après coup que cette protection a été introduite dans la loi en Australie. Il y a encore dans la jurisprudence émanant de ce pays beaucoup de cas qui portent sur les limites de cette protection contre la fraude.

Nous devons reconnaître que de tels cas se produisent et nous devons pouvoir faire la distinction entre les transactions convenables, celles qui sont justes, et celles qui sont artificielles.

Les dispositions actuelles de la loi ne suffisent pas à régler ce problème. Si l'on veut que le système soit jugé digne de respect par les créanciers ordinaires, il faut que cette disposition comporte un mécanisme anti-évitement convenable.

Le processus de consultation se poursuit depuis la fin des travaux du CCFI.

Si je vous ai bien compris, monsieur le président, le ministre présentera peut-être d'autres amendements au sujet des points que nous avons soulevés. Nous serions alors heureux de pouvoir vous dire ce que nous en pensons, soit verbalement, soit par écrit.

M. Dowdall vous parlera dans un instant des questions touchant l'environnement.

J'aurais deux autres choses importantes à dire.

Tout d'abord, à propos de la modification proposée à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. À notre avis, le seuil de 10 millions de dollars proposé devrait être souple. On devrait tenir compte des disparités entre les régions ou autoriser un juge à abaisser ce seuil pour permettre aux sociétés qui se réorganisent d'utiliser au besoin ces recours... et permettre l'application de ces dispositions dans certains centres régionaux moins importants où un seuil de10 millions de dollars risque d'être prohibitif pour la plupart des sociétés se réorganisant.

.1545

En dernier lieu, nous proposons que la période prévue de sept ans pour réexaminer les choses soit réduite à cinq ans afin de pouvoir remédier aux problèmes que présente toujours ce projet de loi et à ceux qui pourraient éventuellement en découler.

Je laisserai maintenant la parole à M. Dowdall.

M. Daniel Dowdall (membre, Section nationale de la faillite et l'insolvabilité, Association du Barreau canadien): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je viens simplement vous parler des éléments du projet de loi qui touchent la protection de l'environnement pour les syndics de faillite.

Je préciserai, comme M. Klotz, que nous sommes très heureux de ne pas avoir tellement de points à soulever devant le comité grâce en partie à la coopération que nous avons pu avoir avec le CCFI et à toutes les consultations qui ont précédé notre comparution aujourd'hui.

Toutefois, à propos de notre environnement, comme vous le savez, il est proposé dans le projet de loi de donner certaines protections aux syndics et aux séquestres qui s'occupent de propriétés où peuvent se poser des problèmes environnementaux. Nous avons longuement étudié cette question, comme l'indique notre mémoire, et ne sommes pas parvenus à établir un consensus entre la Section de l'environnement d'une part, et la Section de l'insolvabilité d'autre part, sauf sur un point particulier, la question de la norme que devrait satisfaire un syndic de faillite lorsqu'il prend possession de biens qui peuvent présenter des problèmes sur le plan de l'environnement.

Sous sa forme actuelle, le projet de loi prévoit que le syndic, après avoir pris possession des biens, ne serait responsable que de la pollution résultant d'une négligence grave ou d'une inconduite délibérée de sa part. Notre groupe a eu du mal à se mettre d'accord sur cette norme. Cette norme de protection est inhabituellement élevée. On a jugé qu'il serait préférable pour tous les intervenants qu'un code d'éthique soit défini pour les syndics. Je crois que nous sommes parvenus à convenir que la meilleure façon serait d'obtenir des directives du surintendant des faillites, qui aurait avant cela consulté l'Association des syndics et l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité qui, si je ne m'abuse, sont les prochains à comparaître devant vous. Je crois d'ailleurs que cette association s'emploie à préparer de toute façon un code d'éthique depuis un certain temps. Cela rendrait le processus un peu plus sûr pour tous les intervenants notamment, très franchement, pour les syndics, que la norme assez nébuleuse de négligence grave et d'inconduite délibérée.

Nous parlons dans notre mémoire de deux autres sujets sur lesquels, honnêtement, nous ne sommes pas parvenus à un véritable consensus. Nous avons toutefois jugé important de présenter les points de vue des deux différentes sections de notre groupe afin que le comité puisse comprendre au moins sur quoi portait le débat.

Les problèmes - vous en trouverez les détails dans notre mémoire et je serai heureux de répondre éventuellement à vos questions - portaient sur l'abandon de sites contaminés par des syndics suite à l'émission d'une ordonnance visant la réparation de dommages à l'environnement et à une proposition visant à donner à la propriété adjacente au site contaminé une sûreté représentant le coût de la dépollution des sites contaminés.

[Français]

Le président: Monsieur Lebel, avez-vous des questions et pourriez-vous vous en tenir à cinq minutes?

M. Lebel (Chambly): Cela me convient.

Merci pour votre présentation. Dans votre première recommandation, vous recommandez de hausser le montant à un niveau supérieur à 75 000 $, mais vous ne précisez lequel. Auriez-vous une suggestion à nous faire à ce sujet? Est-ce 100 000 $, 500 000 $ ou un million de dollars? Lors de vos discussions, avez-vous établi un montant qui vous semblerait raisonnable, puisque le montant de 75 000 $ ne vous satisfait pas, comme vous l'affirmez actuellement? Autrement dit, qu'est-ce qui vous motive?

.1550

[Traduction]

M. Klotz: Nous n'avons pas recommandé quoi que ce soit de fixe à ce sujet. Nous reconnaissons que les chiffres doivent être raisonnables, moins d'un million de dollars. Nous suggérerions de commencer aux alentours de 100 000 $, mais nous n'avons pas d'idée arrêtée sur le chiffre exact.

[Français]

M. Lebel: L'Association du Barreau canadien, que vous représentez, s'est-elle penchée seulement sur le projet de loi C-5 et les modifications proposées ou en a-t-elle profité pour faire un survol de la Loi actuelle sur la faillite et l'insolvabilité?

[Traduction]

M. Klotz: Pour ce qui est de l'insolvabilité, nous sommes obligés de tenir compte de beaucoup plus que la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Par exemple, dans le domaine de la consommation, il faut tenir compte de la loi d'exemption provinciale, de la loi d'exemption des pensions, etc.

Nous considérons tout un cadre législatif, fédéral et provincial, même si le sujet d'étude est le projet de loi C-5.

Toutefois, je ne suis pas certain d'avoir bien répondu à votre question.

[Français]

M. Lebel: Autrement dit, vous vous êtes penchés sur ensemble de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Est-ce bien cela?

[Traduction]

M. Klotz: Nous ne pouvons séparer la Loi sur la faillite et l'insolvabilité des autres lois ni des contextes dans lesquels elle est appliquée.

Si nous n'avons pas proposé de chiffre précis, c'est parce qu'il y a des tas de statistiques que le ministère de l'Industrie a à sa disposition pour considérer les tendances du crédit, etc. C'est quelque chose qu'il faut déterminer en fonction des statistiques disponibles sur les consommateurs et nous ne sommes pas des experts dans ce domaine.

[Français]

M. Lebel: L'Association du Barreau canadien a-t-elle fait l'analyse juridique du rôle du syndic dans le traitement d'une faillite?

[Traduction]

M. Klotz: Nous avons examiné ce rôle. Nous savons ce qu'il en est dans notre activité.

[Français]

M. Lebel: Le rôle du syndic, tel que défini par la loi actuelle, ne vous a pas frappés, parce qu'on véhicule depuis longtemps les mêmes lois en matière de faillite et d'insolvabilité. Le syndic représente-t-il le failli, la masse des créanciers ou le ministère de l'Industrie et du Commerce? Selon moi, cela devrait relever du ministère de la Justice. Donc, vous êtes-vous interrogés sur la nature juridique du rôle d'un syndic de faillite?

[Traduction]

M. Klotz: On peut répondre de différentes façons à cela. J'essaierai de vous donner un aperçu de la situation.

On constate que le rôle de syndic est comparable à un rôle joué dans divers systèmes juridiques, qu'il s'agisse de la common law ou du droit civil.

Je crois que l'objet de ce projet de loi n'est pas de refondre totalement la Loi sur la faillite. Dans une certaine mesure, le projet de loi C-5 vise à remédier aux problèmes qui n'avaient pas été réglés par les modifications de 1992 ou qui en ont découlé.

La question du rôle du syndic comme tel - en fait l'essence du système qui concerne l'administration par le syndic de tout un éventail de fonctions - n'est pas quelque chose qui avait été soumis au Comité CFI ni quelque chose qui me semble important.

Il ne fait aucun doute que le système peut être amélioré. Toutefois, nous ne sommes pas remontés aux premiers principes à propos de cette question.

[Français]

M. Lebel: Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous là-dessus. Compte tenu de votre réponse, comment pouvez-vous en arriver à la conclusion énoncée dans la deuxième recommandation si vous n'avez pas spécifiquement étudié la nature juridique du rôle du syndic? Vous admettrez que c'est une conclusion assez surprenante.

.1555

[Traduction]

M. Klotz: Oui, certainement, du point de vue du créancier, on a l'impression que le syndic est tout à fait du côté du débiteur. Le syndic a des entretiens avec le débiteur, conseille le débiteur et l'aide à faire face aux difficultés de crédit qu'il rencontre et à faire le nécessaire en ce qui concerne la faillite. Il y a un certain nombre de fonctions que le syndic doit assumer uniquement pour le compte du débiteur.

Par contre, il y a d'autres fonctions dans lesquelles le syndic est le fiduciaire des créanciers. Il est licencié par le fédéral et doit suivre un code d'éthique indépendant à la fois du débiteur et du créancier.

Il y a donc là tout un éventail de rôles. Les syndics ont tout à fait l'impression d'être pris en sandwich dans ce processus. Bien que la route soit parfois difficile, ils doivent la suivre pour essayer de s'acquitter de leurs fonctions vis-à-vis des différents intérêts, créanciers, débiteurs et sociétés.

Peut-être que mon collègue M. Dowdall voudrait ajouter quelque chose.

M. Dowdall: Simplement que je ne crois pas que les syndics considèrent avoir un rôle les opposant à qui que ce soit. Les tribunaux sont là pour régler les problèmes entre les différentes parties. Ici, il s'agit du contexte du consommateur où, en général, la dominante reste la rentabilité et les considérations financières. Nous ne sommes pas des syndics, mais nous travaillons de toute évidence quotidiennement avec des syndics et nous estimons que puisqu'ils se trouvent entre les deux, ils peuvent jouer le rôle de médiateurs et trouver des solutions aux problèmes de la façon la plus économique possible. Nous nous inquiétons du coût que représenterait ce double emploi.

[Français]

M. Lebel: Vous abordez la question du code de déontologie des professionnels en matière d'insolvabilité. L'avez-vous lu?

[Traduction]

M. Klotz: Oui.

[Français]

M. Lebel: Pouvez-vous élaborer sur son contenu? Croyez-vous qu'il est satisfaisant à tous points de vue si on le compare à ceux des avocats, des notaires, des pharmaciens et de toutes les autres corporations professionnelles? Vous semble-t-il satisfaisant pour que ces professionnels puissent jouer le rôle neutre qui leur est imparti dans la gestion des cas de faillite?

[Traduction]

Le président: Je vous permets d'y réfléchir pendant l'intervention suivante.

Monsieur Schmidt.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Je voudrais poser quelques questions. La première concerne la première recommandation. Vous voulez absolument un montant bien supérieur à 75 000 $. Pourquoi?

M. Klotz: Je pense qu'il y a consensus, dans le secteur du crédit, sur l'existence d'un problème causé par le nombre des faillites de consommateurs. Il existe une formule de remplacement à la faillite, c'est la proposition de consommateur. L'ensemble des créanciers sont d'accord pour dire qu'il est préférable d'inciter les débiteurs à prendre une mesure responsable pour satisfaire leurs créanciers à titre consensuel par une proposition, et donc, qu'il est préférable de favoriser le recours à la proposition plutôt qu'à la faillite. On y voit la possibilité de faire échec aux statistiques qui montent en flèche. À mon avis, on ne pourra y parvenir qu'en favorisant l'accessibilité de la procédure de proposition. Et pour cela, il faut augmenter le plafond.

M. Schmidt: Quelles en seront les conséquences sociales à long terme?

M. Klotz: Évidemment, cela suppose une décision politique. En revanche, les propositions sont fondées sur le consentement. Si les créanciers n'aiment pas la proposition, ils peuvent voter contre. Le débiteur peut alors entreprendre une procédure de faillite, si c'est la solution appropriée. En cas d'abus, la proposition est rejetée.

Je pense que les groupes de créanciers aiment la formule de la proposition, parce qu'elle est fondée sur la responsabilité. Il est bon de favoriser cette forme de responsabilité. Quant aux inconvénients de la formule, je ne les connais pas.

M. Schmidt: Est-ce que cette option n'est pas offerte actuellement? Quelle différence y aura-t-il au plan pratique si l'on augmente le plafond? Le créancier et le débiteur n'ont-ils pas la possibilité, en tout temps, de conclure un accord? En quoi ce montant est-il important?

M. Klotz: D'après la loi, celui qui dépasse ce montant de 75 000 $ peut toujours procéder par voie de proposition commerciale. Cette formule coûte beaucoup plus cher et commence, pour autant que je sache, vers 4 000 $ ou 5 000 $, alors qu'il en coûte moins de 1 000 $ pour une proposition de consommateur, régie par une procédure allégée.

.1600

Bref, c'est une question de coût.

M. Schmidt: Je voudrais passer maintenant à votre recommandation suivante.

Vous considérez que l'introduction d'une procédure de médiation ferait double emploi par rapport au travail effectué par les syndics. Est-ce qu'il n'y a pas une progression par étape si, après l'échec du syndic qui a fait ce qu'il pouvait, un médiateur intervient?

M. Klotz: D'après nos évaluations, nous craignons que les ressources à consacrer à un processus complexe et efficace de médiation ne justifient pas l'avantage qu'il présente, car d'après notre expérience, nous pouvons avoir toute confiance dans le professionnalisme des syndics.

M. Schmidt: Votre association sait-elle que l'ensemble de la profession juridique favorise de plus en plus la médiation par opposition à la confrontation devant un tribunal, et qu'on peut économiser beaucoup d'argent en optant pour la médiation plutôt que pour une confrontation? N'est-il pas temps d'opter pour une procédure très complète de médiation, non seulement à ce sujet, mais dans l'ensemble du domaine juridique? Nous nous contenterons de ce sujet aujourd'hui, puisque nous en sommes saisis.

Donc, pourquoi prétendez-vous que la médiation est moins souhaitable que le recours aux syndics?

M. Klotz: Nous reconnaissons que la médiation est souhaitable. La rentabilité l'est également. Si l'on trouve les fonds suffisants pour mettre au point un processus de médiation au niveau du séquestre officiel, nous aurons un bon système. Mais les coûts le justifient-ils? Nous considérons que la médiation pour éviter le recours aux tribunaux fait partie intégrante de la fonction d'insolvabilité et qu'en conséquence, elle peut être assurée par les syndics en toute intégrité et à moindre coût, sans qu'il faille créer un niveau supplémentaire d'administration, de formation, de dotation en personnel, etc.

M. Schmidt: Je vais laisser cet argument de côté et passer à la question suivante, qui concerne le syndic. Si les syndics sont déjà de si bons médiateurs, ne pourrait-on pas se contenter d'une désignation? Disons qu'un groupe de syndics ne parvient pas à régler un litige, mais qu'il existe un autre syndic qui n'est pas intervenu dans ce litige. Est-ce qu'on ne pourrait pas faire appel à lui? Le nom serait différent, mais la fonction resterait la même.

M. Klotz: Je crois que cette formule est semblable à ce qu'on propose dans le projet de loi, sinon que vous auriez un syndic indépendant à la place d'un séquestre. Je ne sais pas si cela résoudrait notre problème à savoir que ce genre d'intervention pourrait être faite par le syndic sur le dossier.

M. Schmidt: Passons maintenant à un autre sujet. À la page 9, vous faites une série de propositions concernant les modifications de nature pratique. Avez-vous des propositions concrètes dans ces secteurs? Quand on réclame des changements, il faut dire de quels changements il s'agit.

M. Klotz: La proposition numéro 5 est très précise. Nous mentionnons une formulation qu'on pourrait intégrer aux paragraphes 62(2) et 66.28(2). Actuellement, ces dispositions prévoient que si un créancier accepte une proposition, ses réclamations ne peuvent survivre à la proposition, alors qu'en temps normal, elles peuvent survivre à la faillite. Voilà qui pose un problème. Au lieu du mot «consentement», qui est mal défini et qui oblige à se reporter à la jurisprudence anglaise ou à des décisions très anciennes, on pourrait en donner une définition moderne. Il s'agit du consentement écrit à la non-application de l'article 178.

Dans la recommandation numéro 6, nous proposons un libellé spécifique à cet égard, qui est conforme aux autres modifications apportées à cette mesure législative.

La recommandation numéro 7 est plus problématique. Je dois signaler que nous avons eu de nombreux échanges à ce sujet avec les représentants du ministère de l'Industrie. Nous avons proposé des formulations et des principes. De leur côté, ils ont aussi avancé des idées. Nous avons beaucoup apprécié leur participation. Des solutions sont en vue. Nous n'avons pas de proposition précise pour l'instant, sinon que nous énonçons des principes et dénonçons des abus dont nous avons eu connaissance et qui doivent être pris en compte.

M. Schmidt: Monsieur le président, cela signifie-t-il que des amendements vont être soumis au comité avant que...

Le président: Oui. Mais je ne peux pas vous dire quand.

M. Schmidt: C'est parfait, à condition qu'ils nous parviennent avant l'étude article par article.

Le président: Absolument, et avant que vous ne rencontriez les fonctionnaires du ministère, de façon à pouvoir les étudier.

Monsieur Shepherd.

.1605

M. Shepherd (Durham): Je crois que votre mémoire mentionne les différences entre, d'une part, les REER et les produits relevant des assurances, et d'autre part, les produits ne relevant pas des assurances, qui sont traités différemment dans le projet de loi. Comment pouvez-vous les définir? Voulez-vous dire que tous les produits de type REER sont exemptés?

M. Klotz: Cette question a été traitée par le groupe de travail de consommateurs du Comité consultatif de la faillite et de l'insolvabilité, dont j'étais membre, et qui a énoncé un certain nombre d'idées.

L'Association du Barreau canadien n'a pas de point de vue officiel à ce sujet. Les possibilités sont multiples. L'une d'entre elles - qui n'a pas la sanction officielle du Barreau pour l'instant - consiste à dire que toutes les contributions jusqu'à un certain nombre d'années avant la faillite sont exemptées, quel que soit le type de REER, alors que les contributions effectuées par la suite échappent à l'exemption. C'est l'une des possibilités. Il y en a d'autres, qui pourraient harmoniser le sort réservé aux différentes catégories de REER. L'important, c'est que l'exigibilité ou la non-exigibilité des REER ne dépendent plus, comme maintenant, des moyens de défense du débiteur ou de l'habileté de son avocat. Tout cela est assez artificiel.

M. Shepherd: Vous avez l'impression que certains s'arrangent pour que ces produits soient exemptés, par opposition à d'autres formes d'investissement.

M. Klotz: Absolument, et les assurances vendent leurs REER en précisant qu'ils sont protégés contre les créanciers. C'est un excellent argument de vente.

M. Shepherd: Je vois.

Il existe une autre partie de la loi, dont nous n'avons pas encore parlé, et sur laquelle j'aimerais avoir votre avis; il s'agit des opérations de décontamination, qui auraient priorité sur le débiteur hypothécaire. Pensez-vous que cela pose un problème juridique?

M. Dowdall: Dans le point de vue que nous avons élaboré, comme dans le mémoire, nous ne nous opposons pas à ce qu'on accorde priorité dans le cas d'un terrain contaminé. Sur le plan fonctionnel, la contamination entraîne déjà une priorité pour les coûts de décontamination, car si vous avez une hypothèque sur un terrain contaminé et que vous essayez de le vendre en vertu d'une procédure de pouvoir de vente, vous ne pourrez le vendre qu'à rabais; autrement dit, il faudra en déduire le coût de la décontamination. Donc, au niveau fonctionnel, il existe déjà une priorité sur le terrain pour les frais de décontamination.

La question que nous abordons dans le mémoire, et qui n'a pas fait l'objet d'un consensus très net, consiste à savoir si cette priorité actuelle, que la loi tente de codifier sous forme de sûreté, ne devrait pas s'étendre aux autres biens du débiteur. Les points de vue présentaient deux tendances. La partie environnementale de l'association a estimé qu'en vertu du principe du débiteur payeur, la sûreté devrait s'appliquer à tous les biens du débiteur, où qu'ils se trouvent. La section de l'insolvabilité a considéré qu'en fait, on faisait payer une tierce partie plutôt que le débiteur, puisque l'argent devra venir des poches de ceux qui sont chargés des autres biens, et elle s'est opposée à ce principe à cause du coût du transfert de milliers de propriétés chaque année, qui annulerait tout avantage pratique réel au plan environnemental.

La proposition que vous avez devant vous se trouve juste à mi-chemin entre ces deux extrêmes. C'est-à-dire que la priorité s'étendrait aux biens fonciers non contaminés immédiatement adjacents aux terrains contaminés appartenant à la même personne.

M. Shepherd: Je vois. Si l'on regarde l'aspect économique et l'effet de ce système sur les prêteurs - je ne sais pas si vous l'avez fait - on constate qu'il crée une grande incertitude. Quelqu'un peut se mettre à polluer un terrain 10 ans après avoir obtenu une hypothèque. Si j'accorde une hypothèque aujourd'hui, cela signifie que je vais devoir surveiller la propriété pour voir ce qu'en fait l'emprunteur, de façon à protéger mon hypothèque ou mon droit hypothécaire sur la propriété.

M. Dowdall: Il n'est pas douteux que ce système a un effet environnemental. Mais d'après mon expérience, la communauté du prêt hypothécaire a appris à faire face à ce problème. Au moment de la conclusion du prêt, il est d'usage que le prêteur soumette la propriété à un examen environnemental. Il évalue les activités qui vont se dérouler sur la propriété. Il sait donc faire face à ce risque pour chaque propriété.

La priorité créée par la sûreté existe déjà au plan fonctionnel, comme je l'ai dit, à cause des effets de la législation provinciale, qui peut imposer non seulement au propriétaire actuel, mais également au propriétaire futur la décontamination d'un site contaminé. Dans la plupart des provinces canadiennes, toute hypothèque sur un terrain qui devient contaminé est subordonnée au plan fonctionnel au coût de la décontamination.

.1610

Je ne sais pas ce qu'on pourrait faire dans le contexte de la faillite pour renverser ce principe qui, en réalité, découle de la législation provinciale.

M. Shepherd: Vous parlez également de la préférence accordée aux mesures de soutien du conjoint et des enfants. Vous parlez de prévention des abus. Vous parlez des gens qui se séparent à la veille d'une déclaration de faillite.

Comment pourrait-on remédier à cela? Il faudrait donner une définition de la séparation, tenir compte de sa durée, etc. Avez-vous une solution à ce problème?

M. Klotz: Nous sommes là au coeur des difficultés, car lorsqu'il est question de mesures de prévention des abus, il est question de créativité de l'esprit humain. Dans ce domaine, les gens sont très créatifs.

Il y a plusieurs possibilités d'intervention. Bon nombre d'entre elles, sinon toutes, ont été envisagées et mises à l'épreuve et aucune n'a donné entièrement satisfaction.

Une possibilité consisterait à soumettre la priorité au pouvoir discrétionnaire d'un juge qui pourrait l'éliminer ou l'atténuer en fonction de plusieurs facteurs, comme la collusion, la proximité de la séparation avec la banqueroute ou la proposition, etc. Il s'agirait d'une norme incertaine, qui entraînerait des frais de procédure que personne ne souhaite assumer. Il en découlerait une réduction des montants disponibles pour les créanciers. Tout cela est imprécis et pose un problème.

Si nous envisageons une disposition qui fixe des délais, on a proposé que la priorité ne soit accordée que si l'entente de séparation a été conclue au moins trois mois avant la faillite ou la proposition. Le problème dans ce cas, évidemment, c'est qu'une fois que les avocats et les conseillers juridiques en auront compris le principe, ils s'arrangeront pour que l'accord de séparation soit conclu depuis trois mois et un jour avant de déposer la déclaration de faillite ou la proposition. Il n'est pas difficile de conclure une entente de séparation puis d'attendre trois mois et un jour avant de déclarer faillite. C'est au contraire très facile. Cela peut s'organiser.

Ce qui a fait consensus, et que nous sommes prêts à appuyer, c'est que l'on vérifie tout d'abord que les conjoints soient effectivement séparés. Nous ne voulons pas qu'un couple sans problème puisse conclure une entente de pension alimentaire qui entraînerait le versement de 100 000 $ à l'un des conjoints sous forme de pension alimentaire prioritaire. Par conséquent, le minimum consiste à exiger une véritable séparation.

Deuxièmement, il faut fixer une limite. Tout le monde est d'accord là-dessus. Si l'on applique une limite à la priorité, il pourra toujours y avoir des situations arbitraires et des abus, mais on en aura limité la portée. Quant à la pertinence de cette limite, c'est une décision politique.

Voilà les deux cas dont je voulais parler.

Je peux vous assurer que nous continuons à travailler sur ces questions et à formuler à leur sujet des idées nouvelles.

[Français]

M. Lebel: Je voudrais avoir des précisions sur la troisième recommandation. Lorsque vous proposez le traitement fiscal des REER, vous parlez forcément d'un certain montant. Vous avez répondu à M. Shepherd que les REER qui seraient un produit d'assurance seraient reconnus jusqu'à concurrence d'une certaine somme. Vous ne parlez pas d'une période de temps donnée. Est-ce volontaire? Ce que vous faites là est-il une tentative de contenter tout le monde, surtout les syndics, les administrateurs de faillite, ou cela répond-il à un impératif juridique quelconque? C'est cela qui est important.

[Traduction]

M. Klotz: Jusqu'à maintenant, la plupart des exemptions ont été définies par des lois provinciales. Le gouvernement fédéral n'est guère intervenu dans ces domaines, sauf dans celui des pensions.

.1615

Le problème, c'est le caractère artificiel de l'exemption. L'exemption d'un REER ne devrait pas dépendre uniquement de l'habilité professionnelle du conseiller juridique ou du fait que le régime enregistré relève d'une banque ou d'une compagnie d'assurance. Voilà un premier sujet de préoccupation.

Quant à la fixation d'un montant spécifique, c'est une question dans laquelle les provinces interviennent activement, soit par la législation sur les assurances, soit par les exemptions provinciales, qui peuvent varier considérablement d'une province à l'autre. Il faudrait donc un consensus des provinces, je suppose.

[Français]

M. Lebel: Vous avez répondu à M. Shepherd qui se préoccupait des droits des créanciers hypothécaires en regard de la décontamination.

Dans le projet de loi, avez-vous vu un indice vous permettant d'affirmer que, par exemple, les créances réalisées, c'est-à-dire l'argent amassé ailleurs et donc indépendant des actifs immobiliers du failli, sont compartimentées? Autrement dit, va-t-on prendre de l'argent reçu lors de la vente de son automobile, de certaines de ses actions ou de son REER pour payer la décontamination et ainsi laisser le créancier hypothécaire avec une première hypothèque sur un terrain décontaminé ou va-t-on d'abord assurer la décontamination de l'immeuble contaminé sans mettre en péril les actifs réalisés ailleurs? Avez-vous étudié cet aspect du projet de loi?

[Traduction]

M. Dowdall: Selon mon interprétation de la version actuelle du projet de loi, le montant nécessaire à la décontamination doit venir tout d'abord du terrain contaminé, mais peut aussi venir d'un terrain non contaminé adjacent au terrain contaminé. Si le débiteur a d'autres biens, comme des terrains situés ailleurs ou même dans une autre province, le produit de la cession de ces terrains est partagé en priorité entre ceux qui ont une créance sur la propriété, par exemple sous forme d'hypothèque. C'est seulement dans le cas où la liquidation de cette propriété occasionnerait un surplus, que des fonds pourraient être versés au syndic de faillite, qui les répartirait ensuite entre l'ensemble des créanciers... ce qui inclurait la réclamation du coût de la décontamination.

La priorité ira pour les réclamations de décontamination du sol et des terrains adjacents. Si cela n'est pas suffisant, les autorités environnementales pourront faire une réclamation comme créanciers non garantis, après les créanciers garantis...

[Français]

M. Lebel: Ce que vous venez de me dire, l'avez-vous trouvé dans le projet de loi?

[Traduction]

M. Dowdall: Oui, c'est dans le projet de loi.

[Français]

M. Lebel: Pouvez-vous me donner les numéros des articles pertinents?

[Traduction]

M. Dowdall: Oui, cela se trouve à l'alinéa 14.06(7). C'est là où il est question d'une sûreté sur biens immeubles contaminés et ce qui est appelé les biens contigus. Le paragraphe suivant, (8), précise que les frais de décontamination constituent une réclamation prouvable, en fait comme créance de créancier non garanti, dans la mesure où les coûts dépassent le montant de la sûreté.

Le président: Monsieur Schmidt.

M. Schmidt: J'aimerais revenir sur la question de l'environnement, et en particulier de la diligence du syndic et de la norme moins rigoureuse, en quelque sorte, qui s'applique au syndic qui reprend les biens par rapport aux membres d'un conseil d'administration qui en sont le propriétaire. Le libellé est raisonnablement clair, pourtant il me semble qu'il est difficile de fixer la responsabilité personnelle entre les membres du conseil d'administration, d'une part, et les syndics, d'autre part, qui deviennent les repreneurs dans le cas d'une faillite. On se retrouve entre les deux. Dans la pratique, quelles difficultés rencontrez-vous lorsque vous vous retrouvez entre les deux? Le mandat est bien différent dans chaque cas, et il faut donc ajuster sa perspective en conséquence.

.1620

M. Dowdall: Quand on se retrouve entre avocats, il est difficile d'accepter une disposition assez inhabituelle, qui dit qu'il est acceptable de faire preuve de négligence grave - ou enfin d'être négligent. Il n'est pas acceptable de faire preuve de négligence grave.

La grosse difficulté ici, c'est que les professionnels de l'insolvabilité cherchent un mécanisme qui fera en sorte que des gens responsables n'hésiteront pas à prendre en charge des sites problématiques. C'est quelque chose qui profite à tout le monde. On ne veut pas non plus que les prêteurs hésitent à consentir des prêts à des entreprises écologiquement vulnérables parce que dans ce cas elles vont se trouver à court de capitaux et nous savons tous que les entreprises insolvables ou à court d'argent risquent plus de polluer que les autres. C'est ce que notre expérience nous enseigne.

Nous trouvions qu'il était préférable pour tous les intervenants, y compris les tribunaux qui devront peut-être au bout du compte se prononcer sur la qualité des mesures prises par le syndic à propos du bien, de disposer d'un code assez détaillé, une sorte de liste de contrôle, des tâches du syndic dans le cas d'un bien ayant une incidence sur l'environnement. Une sorte de liste de choses à faire. Si vous prenez toutes ces mesures, vous ne serez pas tenu responsable. Les mesures à prendre seraient claires pour tout le monde et, après coup, il n'y aurait pas d'imprécision sur ce que l'on entend par négligence.

Même du point de vue du syndic, nous, comme avocats, nous demandons si le tribunal établirait effectivement une distinction entre négligence grave et négligence et si cela ne risquerait pas de créer un faux sentiment de sécurité aussi bien pour les prêteurs que pour les syndics.

C'est pourquoi nous aimerions aller dans le sens de ce qui existe déjà chez les syndics, c'est-à-dire codifier avec précision ce qui doit être fait.

M. Schmidt: Ça me semble très raisonnable.

En revanche, je voudrais vous poser la question suivante. Vous avez dit dès le début de votre intervention que certaines de ces entreprises écologiquement vulnérables risquent d'être à court de capitaux, ce qui est peut-être la cause même de leur insolvabilité plus tard. Qui est responsable en pareil cas?

M. Dowdall: Ce que nous craignons, c'est que si le prêteur ne sait trop à quel remboursement il aura droit si l'affaire périclite, il hésitera à prêter aux entreprises lorsque ce doute existe. Quand vous avez du mal à convaincre les gens de vous prêter de l'argent, vous risquez de vous retrouver à court de capitaux.

M. Schmidt: Justement.

La proposition que vous faites ferait-elle disparaître le risque d'hésitation de la part d'une institution prêteuse? Actuellement, c'est exactement ce que font les prêteurs: ils prêtent peu aux entreprises vulnérables sur le plan de l'environnement.

M. Dowdall: Les prêteurs pourront mieux que moi expliquer la façon dont ils procèdent, mais il ne fait pas de doute que les prêteurs aiment la certitude. À notre avis, plus il y aura de certitude, mieux tout le monde s'en trouvera.

M. Schmidt: Il y a risque de conflit d'intérêts chez le syndic selon qu'il agit au nom du créancier ou du débiteur. On peut craindre qu'il favorisera l'un plutôt que l'autre. En théorie, il agit pour le compte des deux, mais dans la pratique, peut-il défendre l'intérêt des deux parties alors qu'il peut détenir des renseignements qui pourraient influencer le conseil qu'il donne à un débiteur, ce qui compliquerait la recherche d'une solution?

.1625

M. Klotz: Vous ne parlez plus de l'environnement, maintenant, n'est-ce pas?

M. Schmidt: Désolé. J'ai changé de sujet.

M. Klotz: Je comprends votre question. Ça va.

Le syndic est entre les deux.

M. Schmidt: Oui, entre les deux.

M. Klotz: Tout à fait.

M. Schmidt: Comment évite-t-il les conflits d'intérêts?

M. Klotz: Par son professionnalisme. Quiconque s'estime lésé peut aussi déposer une plainte. On peut aussi s'adresser au surintendant des faillites. Il y a également un mécanisme d'émission de licences qui est très rigoureux, sans compter qu'il existe une jurisprudence qui établit clairement les devoirs du syndic. Nos syndics ont la réputation d'être très professionnels et une des caractéristiques du professionnalisme, c'est de pouvoir trouver l'équilibre entre ces devoirs différents. Mais il y a effectivement conflit.

M. Schmidt: Dans ce cas, il y a toutes sortes de syndics qui reçoivent une licence, n'est-ce pas?

M. Klotz: Je ne comprends pas votre question.

M. Schmidt: Beaucoup de cabinets réussissent à devenir syndics.

M. Klotz: Il y a des examens chaque année pour l'obtention de licences, et de plus en plus de candidats réussissent. Il y en a beaucoup, oui.

M. Schmidt: Il doit y avoir beaucoup de concurrence entre eux?

M. Klotz: Oui, ce qui a fait baisser les coûts des faillites des consommateurs, en particulier. Il y a beaucoup de concurrence entre les syndics.

M. Schmidt: Merci beaucoup.

Le président: Madame Skoke.

Mme Skoke (Central Nova): Merci, monsieur le président.

Mes questions seront très brèves. Elles portent sur les réclamations pour aliments d'un conjoint ou d'un enfant. Je vous renvoie à la modification du paragraphe 136(1) et à ce que vous avez dit à propos de la modification concernant la priorité et le risque d'abus ainsi qu'à vos recommandations à ce propos. Recommandez-vous qu'une distinction soit faite dans notre modification entre le conjoint et l'enfant au lieu de les amalgamer comme on le fait?

Ma deuxième question porte sur l'ordonnance du tribunal concernant l'occupation et la possession du foyer conjugal, dans le cas où les parents sont copropriétaires enregistrés et où le foyer est occupé par le conjoint et les enfants. Y a-t-il des dispositions dans la Loi sur les faillites qui protègent l'épouse et les enfants lorsqu'il y a séparation judiciaire? Estimez-vous que la modification va assez loin ou devrait-on y inclure le foyer conjugal et devrait-il y avoir une disposition qui donne cette précision lorsqu'il y a eu une ordonnance de séparation judiciaire rendue par un tribunal provincial?

M. Klotz: Ces questions m'interpellent en tant que pédagogue, mais j'essaierai d'être bref.

Aux États-Unis, on ne distingue pas entre les pensions alimentaires destinées à un conjoint et celles destinées à un enfant. Aucune distinction en ce sens n'est incluse non plus dans les modifications adoptées par l'Australie. En Nouvelle-Zélande, l'obligation de preuve ne s'applique qu'aux pensions alimentaires destinées à un enfant. Les lois provinciales que je connais - et je ne prétends pas posséder sur le bout des doigts toutes les lois provinciales - ne font pas de distinction, que je sache, entre les pensions alimentaires destinées à un enfant et celles destinées à un conjoint.

À mon avis, il n'existe aucune raison pour nous d'établir une distinction en ce sens. Même si je conviens que cela se fait maintenant dans d'autres domaines, je ne considère pas qu'il serait opportun ou nécessaire ou avantageux de le faire dans le cas qui nous occupe. Je dois toutefois préciser que je ne me suis pas penché particulièrement sur la question, mais ni l'Australie ni les États-Unis ne font cette distinction.

L'Angleterre, si cela vous intéresse, n'a pas fait de modifications à cet effet. Le pays a toutefois un certain retard.

En ce qui concerne le foyer conjugal, diverses mesures de protection s'appliquent. Tout dépend de la personne à qui appartient la résidence. Si elle est la propriété exclusive du conjoint non failli, mettons la femme qui a les enfants avec elle, la résidence lui appartient. Si elle est la propriété des deux conjoints, il existe ce que nous appelons «le critère des difficultés excessives». La résidence sera vendue et la moitié appartenant au failli sera réalisée à moins qu'il n'en résulte des difficultés excessives pour la femme et les enfants. C'est là un critère judiciaire, et le critère me paraît équitable.

Si la résidence est la propriété exclusive du failli, nous avons un problème. Il n'existe aucune protection, même si dans la pratique les tribunaux sont plutôt indulgents et accordent généralement un certain délai d'exécution.

La Grande-Bretagne a modifié ses lois de manière à protéger le foyer conjugal pendant un an, peu importe qui en est le propriétaire. C'est peut-être quelque chose qu'il faudrait examiner lors du prochain effort de réforme. Il n'y a toutefois pas urgence à ma connaissance.

Mme Skoke: Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous. Ayant exercé le droit pendant 20 ans, j'ai très souvent eu connaissance de cas où cette question se posait relativement au foyer conjugal. Voulez-vous dire que l'Association du Barreau canadien ne nous recommanderait pas d'examiner la chose du point de vue législatif et de prévoir dans les modifications une forme de protection pour le foyer conjugal?

.1630

M. Klotz: Permettez-moi de vous répondre de la façon suivante. Quand l'Association du Barreau a fait cette proposition, son intention n'était pas de traiter de toutes les questions qui devraient être incluses dans un examen exhaustif de l'interaction entre la législation sur les faillites et le droit de la famille. Ce n'était pas là l'intention de la proposition. Évidemment, d'autres questions pourraient être abordées et devraient peut-être l'être. Nous serions heureux de pouvoir participer à une étude de ce genre, qui, nous osons l'espérer, pourrait se faire d'ici cinq ans.

Le président: Merci beaucoup. Je tiens à remercier les trois témoins de l'Association du Barreau canadien...

[Français]

M. Lebel: Monsieur le président, plus tôt, vous m'avez coupé la parole assez rapidement alors que j'avais une question pour le monsieur de l'environnement qui m'a induit en erreur.

Le président: Ce sera pour la prochaine fois.

M. Lebel: Je vais être obligé de me méfier de vous comme des autres.

[Traduction]

Le président: Je remercie vivement les trois témoins. Je sais que vous participez à cet examen au nom de l'Association du Barreau canadien depuis déjà bien des mois - voire des années, si je ne m'abuse - ainsi qu'aux consultations. Je crois parler au nom de tous les membres du comité quand je vous dis que nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de faire encore un pas de plus pour nous communiquer les réserves et les différences d'opinions que vous avez toujours au sujet du projet de loi. Comme je l'ai dit, je sais que vous êtes en communication constante avec le ministère. Je vous demanderais de bien vouloir vous tenir au courant de toutes les modifications qui pourraient être proposées et de nous faire part de vos observations à ce sujet. Merci encore pour votre participation.

M. Klotz: Merci de nous avoir donné l'occasion de vous rencontrer, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Le président: Le groupe suivant est l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité.

Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins de l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité. Le chef de la délégation pourrait peut-être se présenter et nous présenter ensuite ses collègues.

M. Ralph Peterson (président, Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Ralph Peterson et je suis président de l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité. Je suis accompagné aujourd'hui de Bill Drake, ancien président de l'Association, ainsi que d'Alan Spergel, un de nos membres qui fait énormément de travail dans le domaine des faillites de consommateurs. Bill, Alan et moi-même sommes tous des syndics autorisés, des professionnels de l'insolvabilité agréés et des comptables agréés. Je suis aussi heureux de vous dire que notre mémoire a reçu l'appui de l'Institut canadien des comptables agréés, qui représente 60 000 comptables agréés exerçant leur profession au Canada. Nous sommes heureux de pouvoir témoigner devant votre comité et vous présenter les vues et les idées des professionnels de l'insolvabilité de tout le Canada sur le projet de loi C-5, qui vise à modifier la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et diverses lois connexes.

Les 820 membres de l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité constituent la majorité des professionnels exerçant les fonctions de syndics en faillite et de séquestres, agents et experts-conseils pour les cas d'insolvabilité. Nous sommes là chaque jour sur la ligne de front à appliquer les dispositions de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Nos membres ont participé à des discussions avec Industrie Canada et d'autres parties intéressées, et nous appuyons dans l'ensemble le projet de loi.

Notre association a participé au Comité consultatif de la faillite et de l'insolvabilité grâce à ses représentants qui siégeaient au comité directeur et à la plupart des groupes de travail du CCFI. Plusieurs de nos membres ont aussi donné de leur temps et de leur expertise au CCFI en tant que représentants d'autres organismes.

Nous avons rédigé un mémoire technique détaillé, que nous déposons aujourd'hui. Dans ce mémoire, nous examinons une multitude de questions bien précises et offrons des recommandations quant à la façon d'améliorer le projet de loi de manière à mieux répondre aux buts visés.

.1635

Nous n'avons pas l'intention aujourd'hui de revoir le mémoire avec vous dans le détail. Nous préférons aborder un certain nombre de questions qui, de notre perspective assez particulière en tant que personnes qui s'occupent quotidiennement de faillites et de cas d'insolvabilité au Canada, nous paraissent comme les plus importantes.

Au fur et à mesure des observations que nous ferons sur les principales questions que soulève le projet de loi dont vous êtes saisis, nous recommanderons des modifications qui permettront selon nous au projet de loi de mieux satisfaire aux objectifs socio-économiques qu'il vise. Le projet de loi a principalement pour objectif d'établir une procédure de gestion ordonnée, équitable et efficiente pour les cas d'insolvabilité. À cette fin, il énonce clairement à l'intention des débiteurs et des créanciers les règles de base à suivre dans une économie où tout ne va pas toujours comme on veut. Ces règles sont destinées à assurer l'équilibre entre la nécessité de rétablir et de protéger l'intégrité du débiteur et la nécessité de protéger les intérêts des créanciers. En l'absence d'un système pour réglementer la faillite et l'insolvabilité, les risques commerciaux et financiers normaux qui sont essentiels au bon fonctionnement de l'économie deviendraient insupportables, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Nous voulons bien insister sur ce grand objectif qui sous-tend la loi proposée, car nous estimons qu'il est important de comprendre que l'existence d'un système ordonné, équitable et efficient relatif à la faillite et à l'insolvabilité a des conséquences, non pas seulement pour les personnes touchées par des cas de faillite ou d'insolvabilité, mais pour la société dans son ensemble.

Dans l'examen que nous faisons des modifications proposées dans le projet de loi C-5, il est utile de jeter un coup d'oeil sur le dernier ensemble de modifications importantes qui ont été apportées à la loi. Les modifications de 1992 visaient à rendre le système plus efficient. Plus le coût en temps et en ressources nécessaires pour régler un cas d'insolvabilité est élevé, moins il en reste pour satisfaire aux demandes des créanciers ou pour permettre à la personne insolvable de se remettre sur pied. Les modifications de 1992 avaient aussi pour but d'encourager les personnes insolvables - et nous parlons ici de débiteurs consommateurs - à soumettre à leurs créanciers des propositions où ils s'engageraient à effectuer des paiements susceptibles de satisfaire leurs créanciers au lieu de déclarer faillite. L'hypothèse de base était que les créanciers seraient disposés à répondre à ces propositions en négociant des solutions de compromis avec les débiteurs.

Les propositions devaient permettre aux personnes insolvables de satisfaire à leurs obligations financières, du moins en partie, et devaient aussi être avantageuses du fait que le taux de recouvrement des dettes serait plus élevé que s'il y avait eu faillite. Les résultats escomptés ne se sont toutefois pas concrétisés. L'an dernier, sur les presque 79 000 cas d'insolvabilité chez les consommateurs canadiens, quelque 4100 seulement ont pu être réglés au moyen de propositions. Les autres cas se sont soldés par une faillite.

Étant donné que le projet de loi C-5, tout comme les modifications de 1992, vise à promouvoir le recours aux propositions pour régler les cas d'insolvabilité, nous estimons qu'il serait utile d'examiner certaines des raisons pour lesquelles les modifications antérieures n'ont pas encouragé le recours plus généralisé aux propositions de règlement. Mon collègue, Alan Spergel, vous parlera maintenant de certains des obstacles qui entravent le recours aux propositions.

M. Alan Spergel (membre, Groupe de travail sur la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité): Trois grands obstacles empêchent les personnes insolvables de présenter des propositions et empêchent les créanciers d'accepter ces propositions. Dans certains cas, où les montants en cause ne sont pas très importants, où les dettes sont peu élevées et les éléments d'actif, tout comme la capacité de rembourser, sont limités, il se peut que les propositions ne soient pas rentables ni pour le débiteur ni pour le créancier. Il arrive que le débiteur ait déjà épuisé tous ses éléments d'actif avant de reconnaître son insolvabilité. Les propositions de règlement entraînent des coûts plus élevés que les faillites sommaires. Les propositions de règlement ne sont tout simplement pas une solution efficiente quand les frais qui doivent être engagés pour les négocier et en assurer le contrôle dépassent la valeur des montants en cause.

Deuxièmement, le comportement de certains créanciers constitue aussi un obstacle aux propositions de règlement, même si les banques et les autres prêteurs deviennent plus sensibles aux besoins des petites et moyennes entreprises. La gestion des propositions occasionne du travail et des coûts supplémentaires pour les prêteurs, et dans le cas plus particulièrement des créanciers qui ne connaissent pas bien la formule il est plus simple d'exiger le remboursement du prêt, d'obliger le débiteur à déclarer faillite et de radier le montant du prêt, car ils ne sont pas toujours convaincus qu'il y aurait pour eux un avantage net à accepter la proposition.

.1640

Le troisième obstacle vient du fait que les agences d'évaluation du crédit ne font généralement pas de distinction entre la réalisation d'une proposition de règlement et une déclaration de faillite. Quand on déclare faillite, tout est effacé sept ans après l'expiration du délai d'administration de neuf mois. Quand on réalise une proposition de règlement, ce qui se fait normalement non pas sur un certain nombre de mois, mais sur deux ou trois ans, on continue à faire l'objet de mauvaises évaluations de crédit pendant sept ans encore. Il y a donc là un effet dissuasif clair.

Tout comme les modifications de 1992, le projet de loi C-5 vise à encourager les débiteurs consommateurs à présenter des propositions. De nombreux aspects du projet de loi auront pour effet de perpétuer les obstacles qui s'opposent actuellement à la réalisation de propositions de règlement. Comme nous l'avons déjà dit, le facteur rentabilité constitue un des obstacles les plus considérables aux propositions de règlement des débiteurs consommateurs. Il devient important que les procédures soient aussi simples et claires que possible.

Les obligations de déclaration énoncées au projet de loi C-5 pourraient être améliorées afin de mieux répondre à ce critère. Dans notre mémoire détaillé, nous nous disons disposés à travailler avec le Bureau du surintendant des faillites afin de rationaliser encore davantage les obligations de déclaration et de préavis. Le projet de loi C-5 ne fait rien pour éliminer l'obstacle que constitue l'évaluation du crédit. Il crée même le risque que, dans les cas où le débiteur qui a cherché à présenter une solution de compromis finit par opter pour la faillite, il pourrait au bout du compte faire l'objet d'une ordonnance de libération conditionnelle. Autrement dit, sa situation serait pire que s'il avait simplement fait faillite: encore là, il y a effet dissuasif quand il devrait y avoir incitatif. Notre mémoire détaillé comprend des recommandations visant à corriger ce problème.

Nous constatons par ailleurs que le projet de loi comporte une modification avantageuse qui permettrait aux débiteurs consommateurs de présenter des propositions conjointes. La modification devrait toutefois s'appliquer également aux propositions des autres types de débiteurs, ce qui serait tout particulièrement avantageux dans le secteur de la petite entreprise, où les principaux éléments d'actif donnés en garantie des prêts sont souvent les bien matrimoniaux.

Il se peut que les montants prévus dans le projet de loi soient encore trop peu élevés. Afin d'encourager les débiteurs à présenter des propositions, le projet de loi C-5 considérerait le défaut de présenter une proposition comme un facteur qui pourrait faire tomber le failli sous le coup d'une libération conditionnelle. C'est une approche malavisée. On nuit ainsi à la prévisibilité, qui est un élément essentiel de la faillite, et on risque de faire traîner les choses en longueur alors que le processus est censé être clair et rapide.

De même, le projet de loi C-5 exigerait du syndic qu'il indique au tribunal si, à son avis, le failli aurait dû présenter une proposition. Le syndic se trouve ainsi obligé de porter un jugement moral a posteriori, et c'est là un fardeau qu'il ne devrait pas avoir à assumer. La loi permet aux débiteurs consommateurs de choisir entre une proposition de règlement et la faillite, en fonction d'une foule de circonstances diverses, comme leur état d'esprit. Cette possibilité se trouverait compromise par l'obligation qui serait faite au syndic.

Nous formulons dans notre mémoire des recommandations sur ces deux questions. Nous recommandons essentiellement que le défaut de présenter une proposition ne soit pas considéré comme un facteur qui pourrait compromettre la libération du failli.

Nous considérons que les modifications qu'il est proposé d'apporter à l'article 68 relativement au revenu excédentaire vont aussi à l'encontre des objectifs du projet de loi C-5 tels qu'ils sont énoncés. L'intention est louable. Il s'agit de faire en sorte que, quand les circonstances le permettent, le failli puisse continuer à travailler afin de réduire le montant de ses dettes avant d'en être libéré. Les modifications proposées dans le projet de loi ne permettront toutefois pas de réaliser cet objectif. Le processus en lui-même est lourd et entraîne le gaspillage de ressources, tant celles de la succession que celles du bureau du séquestre officiel.

Le processus risque par ailleurs de manquer de souplesse. Ainsi, l'obligation voulant que la totalité des gains dépassant un certain seuil soient considérés comme étant excédentaires et versés à la succession peut être logique dans certains cas, mais pas dans d'autres. Elle peut certainement être considérée comme un élément dissuadant le failli de faire quelque effort que ce soit pour gagner un revenu au-delà du seuil fixé. Il n'est tout simplement pas réaliste de fixer en dollars le montant que le failli devrait être obligé de payer, et on omet ainsi de reconnaître que les circonstances du failli peuvent changer pendant le délai d'administration. Dans notre mémoire, nous proposons diverses améliorations, et nous recommandons vivement qu'au lieu d'établir de façon précise le montant à payer on s'entende sur une formule qui s'appliquerait au failli. D'après notre expérience, ce serait là l'approche la plus efficace et la plus avantageuse tant pour les débiteurs que pour les créanciers.

Mon collègue, M. Bill Drake, vous parlera maintenant d'un certain nombre d'autres observations que nous faisons dans notre mémoire.

.1645

M. William J. Drake (président, Groupe de travail sur la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité): À notre avis, le projet de loi se caractérise notamment par une certaine tendance à multiplier les étapes et les processus. D'après l'expérience que nous en avons, la loi est à son plus efficace quand elle est simple, claire et rentable. De toutes les dispositions du projet de loi, celle qui ajouterait un nouvel article 170.1 illustre on ne peut plus clairement cette tendance à ajouter des étapes inutiles; ce nouvel article ajouterait un nouveau processus de médiation par l'entremise du séquestre officiel au moment de la libération du failli. Il viendrait compliquer le processus, ajouterait à l'incertitude et entraînerait des dépenses.

Selon nous, les tribunaux sont parfaitement en mesure d'appliquer la loi sans cette intervention de l'appareil gouvernemental, à condition qu'ils reconnaissent que telle est leur responsabilité.À l'heure actuelle, les tribunaux de certaines provinces traitent des cas de faillite de façon rapide et efficace; ce n'est toutefois pas le cas des tribunaux d'autres provinces. Le palier de médiation supplémentaire que prévoit le projet de loi vise peut-être à régler ce problème, mais il s'appliquerait dans toutes les provinces, tant celles où il n'y a un problème que celles où il y en a pas.

Les conflits d'intérêts qui pourraient en résulter pour les séquestres officiels et les complications inutiles qui seraient ainsi ajoutées à un processus déjà complexe dépassent de beaucoup l'avantage qu'on pourrait en retirer. Comme l'Association du Barreau canadien l'a signalé un peu plus tôt, les modifications proposées ne seront efficaces que dans la mesure où les séquestres officiels pourront suivre des cours et acquérir de nouvelles compétences, ce qui ne manquera pas d'entraîner des frais supplémentaires pour les contribuables. Si les tribunaux de certaines provinces font problème, nous recommandons qu'on cherche à corriger le problème là où il existe au moyen d'une approche plus directe.

Nous recommandons par conséquent que ce nouvel article ne soit pas inclus dans la loi.

Si nous passons maintenant aux biens qui sont exemptés des saisies, la nature de ces biens varie d'une province à l'autre, et c'est là un problème auquel Industrie Canada devrait s'attaquer de concert avec les provinces afin d'assurer une plus grande équité, tout en reconnaissant la nécessité et la probabilité des différences régionales.

Il convient de faire remarquer que c'est là une des questions sur lesquelles le CCFI n'a pas réussi à en arriver à un consensus. Le CCFI était toutefois unanime sur une question, à savoir que tous les régimes enregistrés d'épargne-retraite et les régimes d'épargne-retraite semblables devraient être exemptés des saisies dans les cas de faillite, sous réserve de l'application des mécanismes nécessaires pour prévenir les abus. À l'heure actuelle, les régimes de retraite collectifs sont protégés. Les REER détenus par des compagnies d'assurance le sont aussi. Les autres REER et les régimes d'épargne-retraite semblables ne le sont toutefois pas. Le CCFI était unanime à dire qu'ils devraient l'être.

Étant donné que les exemptions relèvent de la compétence provinciale, la modification ne peut pas être faite uniquement par le biais du projet de loi C-5. Il faudrait toutefois modifier la situation, car les travailleurs autonomes et les autres entrepreneurs qui misent sur des REER pour se garantir un revenu de retraite sont exposés à des risques bien plus considérables que ne le sont, par exemple, les cotisants à un régime de retraite collectif. La situation est injuste et pourrait causer de sérieuses difficultés.

Nous recommandons vivement qu'Industrie Canada donne suite aux améliorations qui seraient apportées par le projet de loi C-5 et prenne des mesures énergiques pour négocier avec les provinces une solution à ce problème. Nous recommandons, monsieur le président, que votre comité non seulement suive les efforts à ce chapitre, mais les encourage.

Il y a une dernière question d'orientation générale que nous voudrions porter à l'attention du comité. Il s'agit des qualifications exigées des contrôleurs nommés en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies ainsi que des séquestres aux termes de la partie XI de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

Le libellé actuel du projet de loi C-5 obligerait les tribunaux à nommer «une personne» pour exercer les fonctions de contrôleur. Le projet de loi ne dit rien toutefois des qualifications que devrait posséder la personne. Le CCFI a, quant à lui, recommandé à l'unanimité que le projet de loi précise que la personne nommée comme contrôleur devrait être un syndic en faillite.

Bien entendu, les tribunaux exerceront un certain pouvoir discrétionnaire et prévoiront une certaine protection dans les choix qu'ils feront. Si toutefois le libellé actuel n'est pas modifié, il est possible que les fonctions de contrôleur soient confiées à des personnes qui n'auraient pas les compétences voulues. Cela s'est d'ailleurs déjà produit.

.1650

Une solution a déjà été adoptée dans ma province. La loi en vigueur en Colombie-Britannique prévoit que le séquestre gérant d'une société doit être syndic. C'est une façon de s'assurer de la compétence et de l'impartialité de ceux qui sont nommés à ce poste.

Nous recommandons donc de modifier l'article 11.7 proposé de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pour faire en sorte que la gestion d'une faillite soit confiée à un professionnel de l'insolvabilité ou à tout le moins à un syndic.

Je vais maintenant demander à M. Peterson de conclure notre exposé.

M. Peterson: Notre mémoire comporte 33 recommandations portant sur les questions dont nous venons de discuter ainsi que sur un ensemble d'autres questions. Les changements que nous proposons visent à mieux protéger tant les consommateurs que les créanciers ainsi qu'à aider les membres de l'ACPI à s'acquitter le mieux possible de leurs responsabilités. Nous nous réjouissons de discuter avec vous de ces questions ainsi que de toute autre question qui pourrait vous intéresser.

Nous avons choisi d'insister sur ces quelques points dans notre déclaration préliminaire en raison de leur importance fondamentale. À moins que les articles 114 et 126 ne soient modifiés, les amendements de 1996 seront sans doute en vigueur pendant sept ans. Voilà pourquoi il importe de ne pas commettre d'erreur, bien qu'étant donné l'évolution rapide de notre économie nous recommandions d'abréger la période de révision obligatoire de la loi et de modifier celle-ci plus souvent pour tenir compte des changements survenus dans le domaine.

À notre avis, l'objet de ce projet de loi devrait être de simplifier le système, mais certains des amendements proposés vont dans le sens contraire. Il faudrait faire en sorte d'encourager les propositions en supprimant les obstacles à celles-ci. Le système devrait être suffisamment souple pour s'adapter à la réalité, et l'incertitude à son sujet devrait être réduite au minimum.

Nous tenons à préciser que le système canadien de la faillite et de l'insolvabilité fonctionne bien et répond aux besoins de l'économie canadienne. En particulier, les 820 membres de l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité qui travaillent tous les jours dans ce domaine souhaitent qu'on comprenne clairement qu'il y a très peu d'abus dans notre système, bien qu'il soit toujours possible de l'améliorer, comme les recommandations que nous formulons en témoignent.

Nous estimons que les amendements que le comité recommandera d'apporter au projet de loi C-5 permettront d'améliorer le système en établissant à l'intention des débiteurs et des créanciers des règles de base qui leur permettront de fonctionner dans une économie où le risque est une réalité et en établissant un équilibre entre le besoin de rétablir et de protéger l'intégrité du débiteur et le besoin de protéger l'intérêt des créanciers.

Nous serons maintenant heureux de répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser au sujet de notre mémoire technique. Nous vous remercions encore une fois de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue devant le comité aujourd'hui.

Le président: Je vous remercie, monsieur Peterson.

M. Lebel va ouvrir la période de questions.

[Français]

M. Lebel: Je vous remercie et vous félicite du souci du détail que vous manifestez dans votre mémoire et de la franchise avec laquelle vous abordez la question de votre statut juridique à titre de professionnels de l'insolvabilité et de la faillite.

Ma question ne vous surprendra pas puisque je l'adressais plus tôt à l'Association du Barreau canadien. Elle prend toutefois beaucoup plus d'importance à la suite du dépôt de votre mémoire. Considérez-vous qu'en raison de votre nomination dans un dossier quelconque, vous êtes forcément neutres ou plutôt susceptibles de subir des pressions ou de vous retrouver assez fréquemment en conflit d'intérêts?

Autrement dit, les dispositions de la loi actuelle, qui a été proclamée en 1992, ont-elles clairement établi la neutralité de votre association quant au choix d'un syndic dans un dossier quelconque? Représentez-vous les créanciers, les débiteurs ou les deux?

[Traduction]

M. Peterson: Je vous renvoie à ce que disaient les représentants de l'Association du Barreau canadien. Je crois qu'on peut dire que nous sommes entre les deux camps. Nous représentons les tribunaux. Notre rôle est d'être impartial. Nous ne représentons ni le créancier ni le débiteur.

.1655

Je reconnais que les créanciers pensent souvent que nous travaillons pour le débiteur et que les débiteurs pensent l'inverse. Nous aimerions bien plaire à tout le monde, mais le fait que nous ne plaisions à personne prouve sans doute que nous nous acquittons bien de nos fonctions et que nous sommes impartiaux.

C'est une situation difficile. C'est une question de déontologie professionnelle.

[Français]

M. Lebel: En votre qualité de professionnels de la faillite et de l'insolvabilité, de quelle façon et à la demande de qui intervenez-vous habituellement dans un dossier? Est-ce le failli ou les créanciers qui vous présentent leurs documents et vous disent qu'ils veulent faire une pétition de faillite contre un individu ou contre une société? Je sais que ces deux scénarios existent. Quelle est la proportion de faillis qui vont vous voir et sollicitent vos services professionnels?

[Traduction]

M. Spergel: Comme vous l'avez fait remarquer, les deux options existent. Une personne peut faire une requête aux fins de faillite ou peut faire l'objet d'une cession en faillite. Je dirais que la grande majorité des gens font l'objet d'une cession en faillite. De toute évidence, ils doivent faire appel à un professionnel en raison du stress que leur crée le fait que les créanciers les appellent à la maison pour essayer de se faire rembourser. Cela perturbe grandement leur vie familiale. Comme ils ne savent pas comment s'en sortir, ils font alors appel aux services d'un professionnel comme moi-même.

[Français]

M. Lebel: C'est bien, je vous remercie. Ne vous retrouvez-vous pas parfois en situation de conflit d'intérêts lorsqu'une personne insolvable vient vous rencontrer et vous demande d'assumer la gestion de sa faillite, puisque de fait elle est votre client?

[Traduction]

M. Spergel: Comme je l'ai déjà mentionné, nous sommes nommés par le tribunal, qui nous confie la tâche d'appliquer la Loi sur la faillite. Voilà notre responsabilité première. Nous pouvons appliquer comme il se doit la loi tout en tenant compte tant des préoccupations des débiteurs que de celles des créanciers. Nous sommes placés entre les deux, mais notre rôle premier est d'appliquer la loi.

M. Drake: Permettez-moi de poursuivre sur le même sujet. À l'occasion, certains conflits d'intérêts surgissent. Dans ces cas, nos membres le signalent et demandent à être affectés à un autre cas.

Le processus comporte un mécanisme de sécurité. Notre association professionnelle, les divers instituts provinciaux de comptables agréés ainsi que le Bureau du surintendant des faillites prévoient des façons d'éviter tout abus, c'est-à-dire tout cas de réels conflits d'intérêts. Les conflits d'intérêts sont évidemment toujours possibles, mais les professionnels de la faillite savent comment y faire face.

Le président: Je vous remercie.

M. Schmidt: Monsieur le président, j'aimerais aussi remercier nos témoins pour leur excellent exposé. J'ai beaucoup apprécié tous les renseignements qu'ils nous ont communiqués ainsi que la franchise avec laquelle ils nous ont parlé. Quelle différence quand on nous présente ainsi les choses.

Voilà pourquoi je n'ai qu'une ou deux questions à poser.

La première porte sur la médiation. Si je ne m'abuse, vous vous y opposez parce que cela ne fait qu'ajouter un autre palier bureaucratique et prolonge le processus. Est-ce parce que c'est en bout de ligne les tribunaux qui doivent rendre une décision dans ces cas-là? Ai-je bien compris?

.1700

M. Drake: L'un des problèmes qui se posent au sujet du processus de médiation, c'est que le simple fait d'avoir recours à la médiation ainsi que la gestion du dossier prolongent le processus. C'est cependant par la médiation qu'on règle de plus en plus certaines questions comme celles liées aux conditions aux termes desquelles le failli peut-être libéré de la faillite.

Dans l'ensemble, le système repose sur des négociations entre le syndic et le failli, négociations auxquelles participent parfois les créanciers et parfois aussi, ce qui est très simple, très rapide et peu coûteux, le tribunal, qui émet une ordonnance se fondant sur une recommandation ayant fait l'objet d'un consensus.

Nous croyons comprendre que l'objet de la loi est essentiellement de remplacer le tribunal, qui, dans de nombreuses provinces, joue son rôle de façon très efficace et peu coûteuse, par le bureau du séquestre officiel. Or, nous estimons que la charge de travail des séquestres officiels est déjà assez lourde. À notre avis, on devrait tenir compte des coûts qu'entraînera leur participation au processus de médiation, des coûts du personnel supplémentaire qu'il faudra sans doute recruter pour s'occuper de ces cas ainsi que des risques de conflits d'intérêts. Comme l'Association du Barreau canadien, nous pensons que dans l'ensemble le processus sera ainsi plus coûteux.

M. Schmidt: Cela laisse entendre que certains tribunaux sont efficaces et d'autres pas. Je comprends que le processus ne peut prendre que cinq minutes si le tribunal est très efficace et qu'il y a consensus. Dans d'autres cas, le processus peut être très long.

La solution au problème est-elle de changer les procédures judiciaires ou de faire en sorte que le processus ne puisse pas se prolonger indéfiniment? Je pose la question parce que les tribunaux sont très coûteux.

M. Drake: Je reconnais que le coût du processus... Je crois qu'il est possible d'en arriver à un compromis. Ainsi, si je comprends bien le système judiciaire en Ontario, les tribunaux gèrent maintenant le processus de médiation lorsque les circonstances le permettent. Le compromis, c'est sans doute de trouver les cas qui conviennent réellement au processus de médiation et en tirer parti le plus possible tout en conservant le statu quo dans les 80 p. 100 de cas pour lesquels aucun changement n'est requis.

M. Schmidt: Si je comprends bien les dispositions du projet de loi, monsieur le président, c'est exactement leur objet, mais je n'en suis pas complètement sûr. Cela me semble logique. Cela m'intéresse beaucoup, et j'aimerais que nous en discutions davantage.

J'aimerais aussi poser une question au sujet des compétences de ceux qui seront appelés à participer au processus de surveillance. Je pense que vous recommandez que certains critères soient respectés lors de leur choix. Vous avez dit que l'on devrait faire appel à des syndics ou à des personnes comme vous-mêmes. Je crois que c'est effectivement ce qu'on devrait faire.

Pensez-vous qu'on devrait préciser dans la loi les compétences exigées de ces personnes? Je ne sais pas s'il faut vraiment préciser qu'elles doivent appartenir à certains groupes. Le travail devrait sans doute pouvoir être effectué par des gens qui ont des qualifications équivalentes.

M. Drake: Il faudra s'entendre sur ce qu'on entend par qualifications équivalentes.

M. Schmidt: Oui, mais votre code devrait le préciser.

M. Drake: Nous recommandons que ce rôle soit confié à un professionnel de l'insolvabilité accrédité ou à un syndic. Cette recommandation se fonde sur le fait que les titulaires de ces postes doivent posséder une certaine formation officielle. Il nous faut réussir certains examens. Nous devons aussi maintenir un certain niveau de compétence et faire preuve de professionnalisme. Tout au long de notre carrière, on évalue ces deux aspects de façon objective. Je vois mal comment on pourrait trouver des gens qui auraient des qualifications équivalentes.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): J'ai constaté par le passé que les professionnels de l'insolvabilité ou ceux qui sont accrédités par le surintendant des faillites sont habituellement des comptables agréés. C'est du moins le cas de la très grande majorité des gens qui oeuvrent dans ce domaine. Les avocats ne sont pas accrédités pour s'occuper des faillites en raison de la politique du surintendant des faillites. Ne devrait-on pas accorder cette accréditation aux avocats qui répondent à tous les autres critères?

.1705

Des voix: Oh, oh!

Le président: À quel groupe professionnel appartenez-vous, monsieur Bodnar?

M. Drake: Mon président a soulevé cette question controversée.

Notre association compte des avocats qui n'exercent pas le droit et qui sont des professionnels de l'insolvabilité très compétents.

Je ne sais pas vraiment pourquoi le Bureau du surintendant a adopté cette règle. Je crois qu'on craint que les avocats qui exercent le droit ne se placent en position de conflit d'intérêts s'ils sont à la fois des conseillers juridiques et des directeurs. Quant à nous, ceux qui ont les aptitudes, les compétences et le professionnalisme nécessaires pour bien faire ce travail peuvent le faire.

M. Bodnar: Y aurait-il plus de risques de conflits d'intérêts que lorsqu'on confie ce travail à un cabinet de comptables qui compte un service des faillites? Il s'agit surtout de cabinets nationaux.

M. Drake: Il y a effectivement dans ces cas un réel risque de conflit d'intérêts. Voilà pourquoi notre association, divers instituts de comptables agréés et beaucoup de cabinets spécialisés dans le droit des affaires interdisent à tout comptable ou vérificateur en exercice ou à quiconque a été comptable ou vérificateur au cours des deux années précédentes de se charger d'un cas d'insolvabilité.

M. Bodnar: Très bien. C'est logique. Mais pourquoi interdirait-on automatiquement aux avocats d'exercer cette fonction au lieu de simplement procéder au cas par cas et de ne pas confier telle ou telle affaire à quelqu'un qui serait en position de conflit d'intérêts?

M. Drake: Je n'ai pas de réponse à vous fournir. Nous n'avons pas participé à l'élaboration de cette politique.

M. Bodnar: Très bien. S'il n'y a pas de conflits, votre organisme s'opposerait-il à ce que des avocats exerçant le droit soient nommés syndics? J'aimerais simplement savoir qui s'y opposerait.

M. Peterson: En toute franchise, je crois qu'il nous faudrait discuter de la question avec nos membres, et en particulier avec notre comité de gestion. Je ne crois pas que nous puissions vraiment répondre à cette question aujourd'hui, mais nous serons heureux de vous fournir une réponse plus tard.

M. Bodnar: Très bien. J'aimerais savoir quand nous pouvons nous attendre à obtenir une réponse. Dans un mois?

M. Peterson: Nous pourrions inscrire ce sujet à l'ordre du jour de la prochaine réunion du comité de gestion.

M. Bodnar: Je vous en saurais gré. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Madame Skoke.

Mme Skoke: J'aimerais poser quelques brèves questions. J'aimerais poursuivre sur le même sujet que M. Bodnar. Il m'intéresse beaucoup.

Je sais que la plupart des professions veulent se protéger, et, comme vous vous opposez à l'amendement portant sur la médiation, je me demande dans quelle mesure cette diminution du rôle du syndic entraînerait une baisse des honoraires qui vous sont versés. Cela a-t-il quelque chose à voir avec votre opposition à cet amendement?

Ma deuxième question porte sur les recommandations que vous formulez à l'égard des pensions alimentaires. Vous recommandez d'abord de ne pas accorder un statut préférentiel aux réclamations pouvant être prouvées. Vous recommandez en deuxième lieu que ces réclamations ne portent pas sur une période de plus de six mois.

M. Spergel: Auriez-vous l'obligeance de répéter la première question?

.1710

Mme Skoke: Très bien. La Loi sur le divorce permet la médiation, mais lorsqu'un client s'adresse à un avocat nous hésitons à lui recommander de voir un médiateur parce que nous perdons ainsi un client. J'aimerais simplement savoir quelle menace constitue pour vous cette disposition sur la médiation lorsqu'il s'agit de la libération conditionnelle accordée par un syndic? Allez-vous perdre des revenus parce que vous devez adresser les gens à un médiateur? Allez-vous de cette façon moins intervenir dans le processus de gestion de la faillite? Si c'est le cas, j'aimerais le savoir.

M. Spergel: Je ne crois pas que cette disposition menace le rôle de médiation. À l'heure actuelle, le rôle du syndic est d'établir un rapport lorsqu'il reçoit une demande de libération. Les amendements proposent de nouvelles fonctions. Je ne crois pas qu'on puisse dire que le rôle actuel du syndic est menacé.

Nous avons cependant fait part de nos réserves au sujet de cette proposition et nous recommandons une solution de rechange.

Ai-je répondu à votre question?

Mme Skoke: Qu'en est-il des honoraires ou des coûts? Le fait qu'un médiateur prépare un rapport ou présente une recommandation va-t-il avoir une conséquence pour vos honoraires? Cela va-t-il être retranché des honoraires du syndic?

M. Spergel: Une administration de base n'aurait aucune incidence sur nos honoraires. Nos honoraires ne sont pas fixés de cette façon. À l'heure actuelle, ce changement n'aurait aucune incidence sur nos honoraires.

Mme Skoke: Ma deuxième question porte sur le droit de la famille et les pensions alimentaires. Vous soulignez dans votre mémoire que le syndic n'a pas de rôle à jouer en matière de droit de la famille lorsque le conjoint a fait faillite.

Puis vous faites des recommandations. Vous recommandez notamment que ces créances prouvables ne soient pas des créances privilégiées. Autrement dit, vous ne souhaitez pas que le soutien à l'enfant et au conjoint constitue une créance privilégiée. J'aimerais savoir pourquoi. Deuxièmement, vous recommandez que la créance exigible ne dépasse pas six mois d'arrérages dans le cas du soutien à l'enfant et au conjoint. J'aimerais savoir pourquoi vous faites une recommandation de ce genre. Compte tenu de votre impartialité à titre d'agents du tribunal, pourquoi adopter une telle position à l'égard d'un créancier privilégié?

M. Spergel: Nous ne voulons pas faire preuve d'indifférence à l'égard des besoins en matière de soutien familial, et il n'y a pas lieu d'interpréter nos recommandations de la sorte.

Il faut reconnaître que, tant que la personne demeure un failli non libéré, elle a nettement l'obligation de continuer à verser les paiements de soutien mensuels. Il est plutôt question ici des arriérés, à savoir les montants qui n'ont pas été versés. Il faut comprendre que le processus de faillite fait en sorte que la personne sera en mesure de rembourser l'arriéré, puisqu'il s'agit de l'une des rares dettes qui ne sont pas libérées de la faillite.

Il nous semble que, en toute justice, les créanciers non garantis ne doivent pas assumer la totalité du fardeau. Si les arriérés de paiements de soutien familial étaient des créances privilégiées, il pourrait très facilement ne rien rester pour les autres créanciers. Compte tenu du fait que ce type de dette continue d'exister en dépit d'une faillite, il nous a semblé qu'une période de 12 mois était trop sévère.

Il ne s'agit donc pas de faire abstraction de cette dette, mais tout simplement de l'envisager d'une autre façon. Par souci d'équité à l'égard de l'ensemble des créanciers et des intéressés, nous avons jugé qu'une certaine mesure d'équilibre s'imposait.

M. Shepherd: Par rapport à un commentaire de M. Bodnar, je dois dire que je me suis toujours demandé pourquoi les avocats considéraient la question de la constitution en société comme une chasse gardée des juristes.

.1715

Par ailleurs, j'aurais certaines questions d'ordre général à poser. Il y a environ six ou sept mois, j'écoutais la radio à l'occasion d'un déplacement dans ma circonscription. Une grande firme de CA, connue aussi bien au Canada qu'à l'étranger, livrait à peu près le message suivant dans sa publicité: «Si vous avez des problèmes financiers, venez nous voir, et nous allons les régler». Or, lorsque je vois le nombre grandissant de faillites de consommateurs au Canada, je me demande ce qui cloche dans la Loi sur la faillite et je m'interroge sur une attitude générale dans votre profession qui fait en sorte que vous offrez vos services de cette façon.

M. Spergel: Laissez-vous entendre que la profession favorise l'insolvabilité?

M. Shepherd: Cette annonce visait précisément les personnes qui ont des difficultés financières. Je ne pense pas qu'elle visait des gens qui avaient besoin de renseignements à titre de créanciers, mais plutôt des gens qui s'acheminaient vers l'insolvabilité. Est-ce que notre façon d'agir favorise un tel comportement? Je me demande donc s'il est acceptable que des professionnels comme vous fassent ce genre de publicité, acceptent de promouvoir leurs services de cette façon.

M. Spergel: Eh bien, par rapport au contexte qui nous intéresse, les difficultés financières ne mènent pas nécessairement à la faillite. Comme experts du domaine, nous avons tous eu l'occasion d'aider des gens en difficulté financière en participant à une restructuration, en formulant une proposition officieuse ou en donnant des conseils en matière de crédit. Votre observation est valable, mais la conclusion que vous tirez, à savoir que nous encourageons les gens à faire faillite, ne l'est peut-être pas. Je crois bien que la grande majorité des experts en insolvabilité sont plutôt fiers de citer le nombre de cas où la faillite a pu être évitée. Nous n'arrivons pas toujours à la conclusion que la faillite est la meilleure solution.

M. Shepherd: Comment peut-on expliquer que, au Canada, le nombre de faillites de consommateurs est à la hausse et que le montant d'endettement de ceux qui font faillite est nettement à la baisse? Autrement dit, il semble que les gens fassent faillite à cause de dettes de moins en moins considérables. À un moment donné, ce montant était de 50 000 $ et, aujourd'hui, il est plutôt de 10 000 $ ou de 20 000 $, je crois. Comment se fait-il donc que les gens semblent faire faillite de plus en plus facilement que par le passé?

M. Spergel: Encore une fois, je dois me fier à ma propre expérience et à mes propres observations. Souvent, lorsque j'ai terminé l'entrevue avec la personne concernée, elle me déclare spontanément qu'elle voudrait tout faire, sauf faillite. Ce n'est vraiment pas de gaieté de coeur que les gens font faillite. Voilà pourquoi je crois que notre recommandation visant à rendre plus accessibles les propositions de consommateurs constituerait un très grand progrès. J'ai peine à exprimer toute l'angoisse que ressentent les gens lorsqu'ils se rendent compte qu'ils n'ont plus d'autre choix que de déclarer faillite... C'est une expérience qu'ils aimeraient bien mieux éviter. On semble croire, à tort, que les gens font faillite de gaieté de coeur pour s'en tirer à bon compte.

M. Shepherd: Je crois que c'est mieux accepté que jamais aujourd'hui. J'ai rencontré des gens qui ont fait faillite plus d'une fois.

M. Spergel: Oui.

M. Shepherd: C'est un phénomène rare, d'après moi, mais il semble plus répandu aujourd'hui.

M. Spergel: Mais dans l'application de la loi on tient compte de cela. Le processus est plus exigeant. Lorsqu'une personne qui a déjà fait faillite déclare faillite à nouveau, on scrute beaucoup plus attentivement les circonstances de la faillite et les conditions de libération. Il y a donc là un souci d'équilibre.

M. Shepherd: Permettez-moi de vous poser une question au sujet de la proposition de concordat, par opposition à la faillite. Vous nous disiez que très peu de propositions sont acceptées et que tout le monde déclare plutôt faillite. Je me demande dans quelle mesure votre capacité d'obtenir des honoraires peut expliquer cela. Autrement dit, il est beaucoup plus facile d'obtenir des honoraires lorsqu'il s'agit d'une faillite, compte tenu des possibilités d'attribution des éléments d'actif.

M. Spergel: D'accord.

.1720

M. Shepherd: Comme vous le signalez dans l'une de vos propositions, la chose est plus coûteuse à mettre en application. Dans quelle mesure la décision est-elle purement d'ordre économique?

Vous arrive-t-il d'expliquer à vos clients que le processus d'une proposition serait trop coûteux et que vous n'arriveriez pas à obtenir les honoraires que vous méritez?

Cela n'arrive-t-il pas?

M. Spergel: Bien que vous voyiez là la possibilité d'un conflit, nous répétons ce que nous disons dans notre mémoire, à savoir que la décision ultime est celle de la personne concernée, et non pas la nôtre.

Malheureusement, à l'heure actuelle, les facteurs qui dissuadent la personne d'opter pour la proposition sont trop nombreux. Sans vouloir répéter ce que nous avons dit, je rappelle que la cote de crédit joue un grand rôle, tout comme la durée du processus et d'autres facteurs, de sorte que la faillite semble être la voie la plus facile et celle qui est beaucoup plus certaine.

Notre association juge tout à fait souhaitable de tenter de trouver des moyens pour que les intéressés choisissent de formuler une proposition plutôt que de déclarer faillite. À mon avis, c'est ce qu'il convient de faire.

J'ose espérer que l'ensemble de nos recommandations auront des suites et que nous verrons ainsi une baisse du nombre de faillites.

[Français]

M. Lebel: Dans le préambule de votre mémoire, vous affirmez être allés plus loin que les strictes modifications législatives proposées. Vous y faites également allusion à certains endroits dans vos conclusions.

Je continue de m'étonner que certains employeurs aillent jusqu'à congédier un employé qui fait une faillite de consommateur. Certaines corporations professionnelles retirent le droit de pratique à un professionnel en faillite. Je crois comprendre que l'Ordre des comptables agréés du Québec a recours à une telle disposition.

Je suis surpris que vous ne vous préoccupiez pas de cette attitude de certaines corporations professionnelles ou d'employeurs qui pénalisent une personne de s'être prévalue d'une disposition purement juridique. Dans le domaine de la faillite subsiste encore une espèce de honte à se prévaloir d'une disposition juridique.

J'aurais souhaité que vous formuliez une recommandation en ce sens, mais vous ne l'avez pas fait. À titre de professionnels qualifiés dans l'administration de la faillite et de défenseurs des intérêts d'un failli malheureux, vous ne semblez pas vous soucier de ce problème.

[Traduction]

M. Peterson: À notre avis, cela ne pose pas de problème. Je crois que la plupart des associations professionnelles vont se pencher sur les circonstances de la faillite d'un membre avant de lui faire perdre son accréditation.

C'est certainement une situation que nous avons constatée en Alberta, ma province d'origine. Plusieurs comptables agréés ont été mêlés à des transactions immobilières.

Ce qui importe, c'est que les associations se penchent sur un cas avant de sévir... Et nous avons pour notre part l'obligation d'avertir l'intéressé à l'avance qu'il aurait intérêt à s'entretenir avec un représentant de son association.

Je ne comprends pas au juste ce que vous voulez dire par «certains employeurs».

[Français]

M. Lebel: Il n'est pas difficile d'imaginer que certains employeurs préviennent leurs employés que s'ils font faillite, ils seront remerciés. C'est notamment le cas de la Chambre des notaires du Québec. Un notaire qui fait faillite n'a plus le droit d'être notaire; il est radié de sa profession. Il ne s'est pourtant prévalu que d'une disposition juridique qui est offerte à tout le monde.

.1725

[Traduction]

M. Spergel: Je crois que nous avons là deux questions. D'une part, il se peut que les règles de certaines associations professionnelles ne permettent pas à un failli non libéré d'exercer sa profession. C'est le cas d'un certain nombre d'associations professionnelles. Comme il se doit, nous n'avons rien à dire à cet égard.

Pour ce qui est du salarié que l'employeur menace de congédier s'il déclare faillite... Je vous dirai franchement que, pour des raisons d'ordre pratique, le syndic n'est pas tenu d'aviser l'employeur de la faillite. Habituellement, il revient au salarié d'agir selon sa conscience.

[Français]

M. Lebel: Vous êtes ici présents pour formuler des recommandations à notre intention, au ministère de l'Industrie et au gouvernement. Ne serait-ce pas une belle occasion pour vous de présenter une recommandation en ce sens?

[Traduction]

Le président: Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Drake: Pour ce qui est de l'employeur, on devrait peut-être établir s'il ne s'agit pas d'une pratique discriminatoire dans l'embauche qui ne relève pas nécessairement de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, mais qui pourrait très bien relever de la législation en matière d'emploi et de droits de la personne.

Pour ce qui est du deuxième point, concernant les organismes professionnels, ayant moi-même participé à l'examen de cas de faillite chez des comptables agréés, je crois qu'on a voulu notamment se soucier de l'intérêt public. Si une personne qui a fait faillite est appelée à administrer les fonds d'autrui, il y a lieu de se demander si le fait de n'avoir pu gérer ses propres ressources n'a pas une incidence sur la capacité de gérer les ressources des autres, qui méritent certainement d'être protégées.

Le président: Monsieur Murray.

M. Murray (Lanark - Carleton): J'aimerais revenir sur ce dont M. Spergel parlait, à savoir les facteurs qui font en sorte qu'on ne choisit pas la proposition.

Je crois que nous serions tous d'accord pour dire que la proposition est plus avantageuse que la faillite, mais je crois comprendre que le Comité consultatif de la faillite et de l'insolvabilité s'est entendu sur bon nombre de questions. Je me demande quels arguments ont milité contre des mesures d'incitation qui favoriseraient davantage les propositions - ce que vous recommandiez vous-mêmes. Certaines personnes ont bien dû s'opposer à de tels changements à la loi. Ai-je tort de le supposer?

M. Spergel: Je ne suis pas certain de comprendre.

M. Murray: Vous recommandez qu'on incite davantage les gens à respecter les conditions de leurs propositions au lieu de faire faillite, et je suppose que d'autres personnes soutenaient le contraire. J'aimerais savoir quels étaient leurs arguments.

M. Spergel: Malheureusement, nous ne maîtrisons pas toujours notre environnement. Certains aspects nous échappent. Nous ne pouvons pas, par une loi, obliger les agences de crédit à coter le crédit des gens de telle ou telle façon. C'est essentiellement une question de sensibilisation. Il est beaucoup plus souhaitable qu'une personne se donne la peine de formuler une proposition au lieu de se laisser tenter par la voie de la facilité qu'est la déclaration de faillite. Voilà justement l'un des plus grands obstacles que nous devons surmonter. Que pouvons-nous répondre à la personne que nous conseillons lorsque nous sommes obligés de reconnaître que sa cote de crédit très mauvaise ne sera pas plus mauvaise lorsqu'il aura fait faillite? Ce n'est guère encourageant. Par contre, si on peut dire à une personne que sa cote de crédit passera de R-9 à R-5 s'il choisit la proposition plutôt que la faillite, alors nous avons un encouragement à lui offrir.

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M. Murray: Je m'excuse de vous interrompre, mais n'y aurait-il pas lieu de modifier la loi pour y intégrer ce genre d'encouragements? Je comprends les arguments. M. Peterson nous a expliqué l'exemple. Ne devrions-nous pas modifier la loi de manière à y incorporer de tels encouragements?

M. Spergel: Je ne crois pas que les agences de crédit tombent sous le régime de cette loi. Je pense plutôt qu'elles relèvent de la législation provinciale.

Je vous dirai également en passant que ceux-là mêmes qui font appel aux agences de crédit ont déjà été informés, grâce au Comité consultatif de la faillite et de l'insolvabilité, des différences qui existent entre une proposition et une faillite. Ils appuient très nettement l'idée d'encourager les propositions, et il est à espérer que les pressions qui s'exerceront sur les agences de crédit seront suffisantes pour qu'elles en tiennent compte. Cependant, je ne crois pas qu'il soit possible de légiférer au sujet de ces distinctions.

M. Valeri (Lincoln): J'aimerais revenir sur le passage de votre mémoire où il est question des REER et d'autres régimes de retraite du même genre. Vous recommandez que le projet de loi C-5 soit amendé de manière à ce que les REER soient exemptés. À l'heure actuelle, ces régimes font partie des produits d'assurance. Lorsque vous parlez de régimes de retraite du même genre, vous parlez de régimes à cotisations déterminées et de régimes à prestations déterminées. Vous parlez également d'autres biens ayant certaines caractéristiques et de maximums quantitatifs liés à certains indicateurs économiques régionaux.

Puisque nous souhaitons simplifier le processus, simplifier la loi, n'estimez-vous pas que ce type d'amendement peut poser problème? S'il faut maintenant tenir compte des diverses régions et des divers règlements qui les caractérisent, ne se peut-il pas que ce qui serait admissible dans une région ne le serait pas dans une autre?

M. Drake: L'idée générale, c'est d'en arriver à un système équitable, transparent et cohérent dans tout le Canada.

Il est nécessaire et souhaitable de reconnaître certaines différences régionales.

Cela dit, dans la mesure où un régime est conçu pour nous aider durant les années où nous gagnons de l'argent à nous préparer à nos années de retraite, quelle que soit l'étiquette que porte ce régime ou quelle que soit sa structure, il devrait être traité de la même façon s'il correspond aux critères généraux qui auront été définis.

Il est difficile d'entrer dans les détails, mais c'est l'idée générale. Appelons les choses par leur nom.

Le président: Je tiens à vous remercier, monsieur Peterson, et je remercie par le fait même vos collègues qui sont ici et ceux de votre association, d'avoir comparu devant nous. Comme l'indiquent les questions des ministériels et de l'opposition, il s'agit d'un sujet qui suscite beaucoup d'intérêt. Nous apprécions l'apport des nombreux professionnels qui nous ont fait profiter de leur expérience à ce sujet et nous vous sommes aussi très reconnaissants de vos réponses fort professionnelles et de votre volonté, dont j'ai également remercié l'Association du Barreau canadien, de participer à un processus long et difficile par lequel nous visons à dégager un certain consensus. Les membres du comité vous remercient du temps que vous avez consacré à dialoguer avec nous.

La séance du comité est levée jusqu'à 15 h 30 demain. Nous traiterons des affaires du comité au début de la réunion.

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