Madame la présidente, plus j'écoute, plus je trouve le processus frustrant. Je vous explique pourquoi.
L'amendement G‑2 n'est pas vraiment un amendement au projet de loi C‑332; c'est un tout nouveau projet de loi.
Je reviens un peu en arrière. En avril 2021, le Comité s'est entendu sur le fait que le gouvernement devait prendre des mesures à l'égard des comportements contrôlants et coercitifs, y compris dans le Code criminel. Puis, Mme Collins, députée néo-démocrate, et M. Garrison ont déposé le projet de loi C‑332. Pendant trois jours, nous avons recueilli des témoignages sur ce projet de loi. Les membres du Comité, nous y compris, ont consacré des heures à l'élaboration d'amendements. Un de nos amendements vise à modifier la période pendant laquelle une personne peut réfléchir à une relation et obtenir une déclaration de culpabilité en vertu de la loi; il la fait passer de deux ans à cinq ans. Cet amendement est fondé sur les témoignages que nous avons entendus au sujet du projet de loi C‑332.
Cependant, nous n'avons recueilli aucun témoignage sur l'amendement G‑2. Aucun témoin n'a pu nous dire: « J'appuie les paragraphes (1), (2), (3) et (4), mais je m'oppose au paragraphe (5). » L'amendement G‑2 n'a pas été présenté aux témoins.
Par ailleurs, l'amendement G‑2 est plus long que le projet de loi C‑332: le projet de loi compte moins de trois pages, tandis que l'amendement fait trois pages entières. M. Fortin tente avec raison de reformuler des amendements à l'improviste à partir de ce que nous avons devant nous; c'est ce que nous faisons tous. Or notre comité ne devrait pas procéder de cette façon. Nous sommes saisis d'un amendement qui annule tous les autres et qui efface toutes les discussions que nous avons eues sur le projet de loi.
J'ai l'intention de voter contre l'amendement G‑2 et pour l'amendement de M. Fortin une fois qu'on aura précisé qu'il s'applique seulement aux actes de nature non criminelle. Nous mettons une éternité à nous rendre jusque‑là à cause de la manière dont le processus se déroule. Si le gouvernement voulait présenter son propre projet de loi, c'est ce qu'il aurait dû faire au lieu de le proposer sous forme d'amendement à un projet de loi d'initiative parlementaire auquel nous avons consacré autant d'heures d'étude. De cette façon, nous aurions pu recevoir les témoignages d'experts sur le projet de loi du gouvernement.
Par exemple, aux termes de l'amendement G‑2, selon ce que nous disent nos témoins — et je ne critique nullement nos témoins; elles sont ici pour expliquer en quoi consiste l'amendement du gouvernement et elles font très bien leur travail —, un comportement répété deux fois peut être considéré comme un acte visé. Or selon les témoignages que nous avons entendus, plusieurs comportements mentionnés dans la mesure ne sont pas de nature criminelle. Ce que j'en comprends, c'est que si la crainte n'est pas un critère, un geste de nature non criminelle posé deux fois par un partenaire intime qui se trouve en situation de vulnérabilité pourrait être considéré comme un acte criminel.
On peut facilement imaginer des situations dans lesquelles il serait possible de faire peser la menace d'une poursuite ou d'une accusation au criminel. Je pense que Mme Gladu en a donné un exemple. Je vois souvent des situations pareilles chez des couples. La première personne dit: « Je ne prends pas mon médicament. » L'autre répond: « Le médecin te l'a prescrit. Nous ne partirons pas de la maison tant que tu ne l'auras pas pris. » La première réplique: « J'en ai assez. Les choses ne se passent pas comme je le voudrais. Je ne prendrai pas mon médicament pour le cœur. » L'autre rétorque: « Nous n'irons nulle part tant que tu n'auras pas pris tes pilules. » Si vous croyez que de telles scènes ne se jouent pas des millions de fois au Canada, vous vous trompez. D'après les témoignages que nous avons entendus, il se peut que la loi ne s'applique pas en pareilles circonstances, mais c'est le but même de l'amendement de M. Fortin: de préciser que c'est un motif raisonnable.
Nous comprenons ce qui est visé. Ce qui est visé, c'est la personne qui dit: « Je vais seulement te donner ton médicament si tu fais telle chose. » Voilà un comportement coercitif. Voilà une menace. Nous avons entendu aujourd'hui que la crainte n'était pas un critère.
La même personne pourrait dire: « Tu sais quoi? Si tu n'arrêtes pas de me dire de prendre mon médicament pour le cœur, je vais en finir. Je vais me jeter devant un autobus. Je vais menacer de me suicider. » Ce comportement se trouve aussi dans l'amendement. Est‑ce considéré comme un acte criminel? Qui est en situation de vulnérabilité ici? Est‑ce que c'est la personne qui a besoin d'un médicament pour le cœur et qui menace de se suicider? Est‑ce que ce sont les deux personnes?
Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres d'une situation réelle sur laquelle nous n'avons pu entendre aucun expert. Un grand nombre d'excellents témoins sont venus nous parler du projet de loi C‑332, mais ils ne nous ont pas parlé de l'amendement G‑2. Normalement, les amendements proposés au Comité sont très directs et ciblés; celui‑ci est une refonte complète.
Je vais m'opposer à l'amendement G‑2 en faveur d'un libellé moins prescriptif. Des témoins se sont prononcés sur la question de l'utilisation d'exemples et d'un libellé plus prescriptif, ou d'un libellé moins prescriptif. Le projet de loi dont nous sommes saisis et son libellé sont le résultat de l'étude que notre comité a réalisée et adoptée à l'unanimité en 2021.
J'applaudis toute tentative d'améliorer le projet de loi, mais de nous demander aujourd'hui d'apporter des amendements à l'improviste à un tout nouveau projet de loi au sujet duquel nous n'avons recueilli aucun témoignage... Je rejette la proposition. Notre comité ne devrait pas procéder de cette façon.
Voilà pourquoi je m'opposerai à l'amendement G‑2 en faveur de la version actuelle du projet de loi C‑332. Ainsi, nous pourrons apporter des amendements plus ciblés à la version du projet de loi C‑332 que nous avons étudiée. D'après ce que vous avez dit, madame la présidente, si l'amendement G‑2 est adopté, le Bloc québécois, les libéraux et les conservateurs ne pourront pas proposer la majorité de leurs amendements.
À l'heure qu'il est, je pensais que nous aurions terminé. Je le pensais vraiment. Étant donné le soutien pour le projet de loi C‑332, je croyais que nous aurions fini, mais pour accomplir notre tâche, nous devons continuer à travailler comme nous le faisons et à analyser chaque élément.
Je vais voter contre l'amendement G‑2. J'exhorte tous mes collègues à faire de même pour que nous puissions poursuivre notre examen du projet de loi C‑332.
Le gouvernement pourra présenter un nouveau projet de loi sur les comportements coercitifs et contrôlants plus tard, s'il le veut. Il a eu trois ans pour le faire. Maintenant n'est pas le moment de rédiger un projet de loi, au Comité, quand il nous reste moins d'une heure. C'est ce que nous en sommes en train de faire: nous sommes en train de repartir à zéro.