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CIIT Rapport du Comité

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Opinion dissidente

Bloc Québécois

Non, 4 fois Non!

Le Bloc Québécois tient à marquer sa vive désapprobation face à ce rapport mal avisé et partial qui reflète mal l’opinion du comité.  De plus, dans les circonstances actuelles, le Bloc Québécois tient à faire connaître sa ferme opposition avec la conclusion d’une entente de libre-échange avec la Colombie. 

Nous disons non parce que c’est de la mauvaise politique commerciale

Soyons francs : le marché colombien n’est pas particulièrement intéressant.  Les échanges commerciaux entre le Canada et la Colombie sont limités.  L’an dernier, le Québec n’y a exporté que pour 82 M$.  Les principaux produits que le Canada y vend, comme le grain de l’Ouest, n’ont de toute façon aucune difficulté à trouver preneurs en cette période de crise alimentaire.  Les exportateurs du Québec et du Canada ne verraient, au mieux, que des bénéfices limités dans la conclusion de cette entente.

En fait, la principale motivation du gouvernement pour conclure cette entente de libre-échange ne concerne pas le commerce.  Elle concerne les investissements.  Parce que cette entente contient un chapitre sur la protection des investissements, elle viendra faciliter la vie des investisseurs canadiens, particulièrement dans le domaine minier, qui investiront en Colombie. 

Nous concevons que certaines entreprises canadiennes puissent être alléchées mais nous voyons mal en quoi les populations du Québec et du Canada, que les parlementaires sons sensés représenter, y trouveront quelque intérêt que ce soit.

Si l’on se fie sur tous les accords sur la protection des investissements que le Canada a signés au fil des ans, celui qui lierait la Colombie et le Canada sera mal conçu.  En effet, tous ces accords contiennent des dispositions qui permettent aux investisseurs de poursuivre un gouvernement étranger dès lors qu’il adopte des mesures qui diminuent le rendement de son investissement. 

De telles dispositions sont particulièrement dangereuses dans un pays où les lois relatives au travail ou à la protection de l’environnement sont, au mieux, aléatoires.  En effet, tout changement législatif viendra fatalement augmenter les contraintes auxquelles feront face les investisseurs, ce qui expose le gouvernement à des poursuites.  Un tel accord, en protégeant un investisseur canadien contre toute amélioration des conditions de vie en Colombie, risque de retarder les progrès sociaux et environnementaux dans ce pays qui en a pourtant bien besoin.


Le sous-sol colombien est riche, très riche.  Et des années de guerre civile ont fait en sorte que d’importantes parties du territoire n’ont jamais été développées.  Or, ces régions sont justement celles où la situation est la plus fragile.  Susciter des investissements étrangers dans de telles régions où règne une guerre civile  et des violences de toutes sortes est non seulement imprudent mais carrément susceptible de mettre le feu aux poudres.

Nous disons non parce que c’est de la mauvaise politique étrangère

Le gouvernement du Canada répète à qui veut l’entendre qu’il souhaite intensifier ses relations avec l’Amérique latine.  Nous sommes d’accord avec lui.  Or, quel pays choisit-il pour prendre pied sur le sous-continent sud-américain?  La Colombie, pays dont le gouvernement est isolé sur le continent et qui compte l’administration Bush, elle-même en fin de règne, pour seul soutien indéfectible.  C’est un bien étrange calcul.

Le Canada a su par le passé être un médiateur apprécié dans les zones de conflit.  Or, avec le gouvernement conservateur, cette politique canadienne a été jetée aux poubelles, et la bonne réputation du Canada avec elle.  Il y a cinq ans, c’était la guerre en Irak que les Conservateurs voulaient faire.  Il y a deux ans, c’est lors de la guerre au Liban qu’ils ont sévi en prenant clairement partie pour un des deux camps.  Cette année, c’est en appuyant le gouvernement le plus à droite d’Amérique du Sud qu’il s’illustre.

Mélanger idéologie et politique étrangère ne peut que mener à de la mauvaise politique étrangère.  Avec cette entente de libre-échange, le Canada s’éloigne de la majorité des pays d’Amérique latine et contribue à s’isoler sur la scène internationale.  De plus, il se rend inapte à jouer un rôle de facilitateur dans les conflits qui pourraient secouer le continent.  Et ça, c’est de la bien mauvaise politique étrangère.

Nous disons non pour marquer notre vive désapprobation face à la conduite du gouvernement dans ce dossier

La démocratie est quelque chose de fragile, même chez-nous.  Elle repose sur le respect des institutions et, en bonne partie, sur la bonne volonté des acteurs politiques.  En tant que représentants du peuple, nous ne pouvons accepter les marques de mépris envers les institutions démocratiques.  Nous cautionnerions alors les dérives autoritaires et n’aurions que nous à blâmer si un tel glissement devait se poursuivre.

Le gouvernement conservateur nous a habitués à un manque de respect envers les institutions démocratiques.  Travaux de comités sabotés sur ordre du bureau du premier ministre, contrôle maladif de l’information au point d’en restreindre l’accès, refus de mettre en œuvre les résolutions de la Chambre des communes.  Même le Comité permanent du commerce international a goûté à la médecine Harper l’an dernier lorsque le gouvernement a catégoriquement rejeté le rapport l’enjoignant de voir à exclure l’eau des accords commerciaux.


Mais dans le cas de l’accord de libre-échange avec la Colombie, le gouvernement a poussé le mépris encore plus loin.  Le Comité a entrepris une étude sérieuse de la question, comme en témoigne le présent rapport.  Il a tenu de larges consultations et s’est même rendu en Colombie.  Mais voilà, le gouvernement a choisi de conclure cette entente avant même que le Comité n’ait terminé ses travaux. 

Son message aux parlementaires est le suivant : peu m’importe ce que vous pensez et dites, je ne ferai qu’à ma tète.  Et il dit la même chose aux nombreux témoins qui sont venus nous faire part de leurs observations sur cet accord.  Nous ne pouvons cautionner un tel mépris et un tel entêtement.  Il procède d’une dérive autoritaire que nous condamnons sans réserve et ne pouvons accepter qu’il devienne un précédent.  Ce n’est pas ainsi que nous souhaitons que les institutions démocratiques fonctionnent dans l’avenir.

Nous disons non par simple respect pour la dignité humaine

La Colombie est la pire catastrophe de l’hémisphère en matière de droits de la personne.  On y trouve trois millions de personnes déplacées, le pire bilan au monde après le Soudan.  Les assassinats de syndicalistes sont légion et la majorité d’entre eux sont impunis.  Les allégations de collusion entre le gouvernement Uribe et les milices de droite sont nombreuses.  Une trentaine de parlementaires sont accusés de corruption, parmi lesquels des membres de la famille immédiate du président.

Il est vrai que la situation est moins catastrophique qu’il y a quelques années mais la situation est loin d’être idéale.  C’est le pire moment pour se retirer la possibilité d’invoquer l’outil économique pour accentuer la pression sur le gouvernement.

Pour faire progresser la situation des droits de la personne dans le monde, les gouvernements utilisent généralement la carotte et le bâton.  Ils soutiennent les efforts en vue d’un meilleur respect des droits de la personne et se réservent le droit de retirer des avantages si la situation régresse.

Avec la conclusion de cette entente de libre-échange, le Canada se priverait de toute capacité de faire pression.  En fait, non seulement il renonce à la possibilité d’utiliser la carotte et le bâton mais il les donne carrément au gouvernement colombien.  Le congrès américain l’a très bien compris et c’est pourquoi il refuse d’entériner un semblable accord de libre-échange tant que des progrès notables n’ont pas été accomplis.

Le gouvernement nous répète qu’il assortit l’accord de libre-échange d’un accord parallèle sur le travail et d’un autre sur l’environnement.  Or, ces accords sont notoirement inefficaces.  D’une part, ils ne font pas partie de l’accord de libre-échange ce qui fait que les investisseurs pourraient impunément détruire le riche environnement colombien, procéder à des déplacements de population pour faciliter l’établissement de leur mine ou continuer à assassiner des syndicalistes. 


Tout ce que l’accord parallèle permettra, ce sera de mettre le gouvernement colombien à l’amende.  Et ces amendes ne pourront pas excéder 15 M$ par an.  Une fois l’amende maximale atteinte, l’accord parallèle ne permettra plus de nouvelles amendes.  Et, entre-nous, que représentent 15 M$ quand on aspire à prospecter des investissements qui se comptent en milliards?

Nous reconnaissons que ces accords parallèles, même s’ils ne sont pas susceptibles de compenser les effets néfastes de l’accord de libre-échange, sont une avancée.  Aussi, si le gouvernement désire mettre l’accord de libre-échange de côté pour ne conclure que les accords parallèles, il pourra compter sur notre appui.

Quant à l’accord de libre-échange lui-même, le Bloc Québécois n’accepte pas de troquer la capacité du gouvernement de faire pression en faveur du respect des droits de la personne contre des capacités d’investissement à l’étranger de sociétés canadiennes.

Pour de bons accords commerciaux

Contrairement au Parti Conservateur, le Bloc Québécois n’est pas un parti d’idéologues étroits.  Et c’est particulièrement vrai en matière commerciale.  Plutôt que de nous presser de conclure sans analyse sérieuse n’importe quel mauvais accord simplement parce qu’il promeut un libre-échange débridé et qu’il vient au secours d’un allié de l’administration Bush, nous évaluons les accords au mérite.  Et cet accord ne passe pas la rampe : il représente peu d’intérêt pour le peuple québécois et est susceptible d’être carrément néfaste, tant pour la réputation internationale du Canada que pour les droits de la population colombienne.

Contrairement au NPD, le Bloc  n’est pas opposé à la libéralisation des échanges, en autant que celle-ci se fait d’une manière ordonnée et qu’elle contribue à la prospérité des pays qui y adhèrent.  Le Bloc Québécois a appuyé l’ALÉNA, et c’est tant mieux.  Ce printemps, nous avons appuyé la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’Association européenne de libre-échange et nous pressions le gouvernement d’entreprendre des négociations avec l’Union Européenne en vue d’en conclure un.  Dans les trois cas, nous estimons que c’est dans l’intérêt du Québec et que les effets pervers seront limités.  Aussi, ce n’est pas par opposition systématique et idéologique que nous opposons à cet accord.  C’est parce qu’il est mauvais.

Et contrairement au Parti Libéral, le Bloc Québécois n’hésite pas à se tenir debout pour défendre et représenter les intérêts et les valeurs des Québécoises et des Québécois.

En conclusion, un accord de libre-échange avec la Colombie?  Pour le moment, c’est hors de question.