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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er décembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 43e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le lundi 31 octobre, le Comité reprend son étude sur les femmes et les filles dans le sport.
     La séance d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre pris par la Chambre le 23 juin 2022. Certains membres du Comité siègent en personne, et d'autres siègent à distance à l'aide de l'application Zoom.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous nous joignez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer. Veuillez mettre votre micro en sourdine quand vous n'avez pas la parole. Pour les services d'interprétation dans Zoom, vous pouvez sélectionner le français, l'anglais ou le parquet au bas de votre écran. Si vous vous trouvez dans la salle, utilisez l'oreillette fixée à votre microphone et sélectionnez la langue qui vous convient.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Les députés présents dans la salle peuvent demander la parole en levant la main. Ceux qui utilisent l'application Zoom pourront utiliser la fonction « Lever la main ». La greffière et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre des interventions. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension.
    Conformément à notre motion de régie interne, j'avise le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins, j'aimerais vous avertir que le sujet de notre étude est très délicat. Nous discuterons de situations mettant en cause de la violence, qui risquent d'ébranler des téléspectateurs, des membres du Comité, du personnel ou quiconque a vécu des expériences semblables. Si vous éprouvez de la détresse ou si vous avez besoin d'aide, veuillez vous adresser à la greffière.
    Je tiens à informer les gens qu'il y a eu quelques changements à notre ordre du jour. Nous recevrons deux groupes de témoins aujourd'hui. Nous entendrons notre premier groupe de témoins maintenant, puis un deuxième groupe dans une heure.
    Dans notre premier groupe de témoins d'aujourd'hui, nous accueillons Myriam Da Silva Rondeau et Ciara McCormack.
    Nous vous donnerons une certaine marge de manœuvre. Vous aurez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire, mais je vous prierais de me regarder; lorsque je commencerai à faire des gestes, vous saurez que votre temps est presque écoulé.
    Je cède maintenant la parole à Mme Da Silva Rondeau.
    Madame Da Silva Rondeau, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie le Comité permanent de la condition féminine de nous faire une place aujourd’hui.
    J'étais jusqu'à tout dernièrement une athlète en boxe olympique. Je suis médaillée d'argent aux Jeux panaméricains de 2019 et je suis montée six fois sur le podium aux Championnats continentaux. Je me suis maintenue parmi les 10 meilleures pendant toutes mes années au sein de l'équipe nationale et j'ai participé aux Jeux olympiques de Tokyo de 2020, repoussés à 2021, terminant 9e au classement général.
    Mon arrivée dans l'équipe nationale s'est faite en 2011. Malgré un podium dès mon entrée sur la scène internationale, c'est avec cette phrase qu'on m'a accueillie: « À ton âge, on ne peut pas penser au développement; t'es déjà vieille ». En juin 2019, j'ai reçu un appel du directeur de sport de haut niveau, qui me disait que mes résultats me rendaient admissible à un brevet. Par contre, je devais quitter définitivement mon entraîneuse des 10 dernières années et mon équipe pour me réinstaller. Je devais également quitter mon emploi rapidement et donner une réponse en moins de 48 heures, sinon le brevet serait offert à quelqu'un d'autre.
    J'ai donc négocié une centralisation qui débuterait à la fin de l'année scolaire, puisque je suis enseignante. Il m'a dit que je n'allais pas recevoir le plein montant du brevet en faisant cela. Je savais que ce n'était pas vrai, mais je ressentais quand même une pression, une impression d'être déjà fautive avant mon entrée. J’ai voulu rapporter cette situation, parce que ce type d'incident est très fréquent dans les fédérations sportives. Malheureusement, ma plainte n’était pas recevable et ne le sera toujours pas avec le nouveau système du Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport, le BCIS.
    Dès mon arrivée au centre, on a été clair: je devais travailler avec le psychologue de l'équipe en priorité. C'était une personne en laquelle je n'avais aucune confiance, compte tenu d'expériences antérieures et de sa grande camaraderie avec le personnel administratif. Nous devions nous soumettre à des tests de personnalité chaque année. Je me suis adressée aux différentes ressources en place qui servent à protéger les athlètes, leur signifiant mon inquiétude. Ils m'ont répondu que c'était irrecevable.
    Aux Championnats du monde en 2019, j’ai été témoin de la distribution de somnifères d'ordonnance aux athlètes par des membres du personnel. L'entraîneur, qui avait une relation de confiance avec toutes les athlètes, a été remplacé par le directeur de sport de haut niveau sans préavis ni explication. La massothérapeute de l'équipe devait limiter ses contacts avec nous. Au retour, c'est l'équipe entière qui s'est adressée aux ressources en place. Encore une fois, on a répondu que nos préoccupations étaient irrecevables.
     L'équipe de soutien intégrée a fourni de l'accompagnement et du soutien en matière de communication et de relations interpersonnelles au personnel administratif. Autrement dit, ce n'était pas leur faute et on allait les aider au détriment des athlètes. C'est comme cela que le système fonctionne, parce que personne, pas même le BCIS, n'a l'autorité nécessaire pour imposer des sanctions ou donner des avertissements.
    Quelques semaines plus tard, l'entraîneur de confiance a été renvoyé, sans explication ni préavis. Vous vous doutez de ce qui s'est passé lorsque nous nous sommes ensuite adressées aux différentes instances censées nous protéger: nos plaintes étaient irrecevables.
    Quand les athlètes mentionnent qu'il n'y a pas de système pour les protéger, ce n'est pas du nombre de ressources ou de programmes dont ils parlent, car il y en a beaucoup. Ils parlent plutôt du pouvoir de tenir les gens responsables de leurs actes et d'imposer des conséquences, qui est complètement inexistant dans le système du sport au Canada.
    Après deux ans à temps plein dans le processus de centralisation, l'épuisement psychologique s'est fait sentir et je n'étais plus capable de me protéger moi-même. On m'a obligée à livrer des combats dits « tests » contre une partenaire beaucoup plus lourde et plus grande que moi, et ce, à plusieurs reprises. J'ai communiqué et verbalisé mes préoccupations, mais rien n'a été fait.
     J'ai souffert d'un long épisode de dissociation du mois d'avril 2021 au mois de septembre 2021. Je n'ai donc aucun souvenir de l'expérience qui est censée être la plus mémorable: ma participation aux Jeux olympiques de Tokyo. Le seul souvenir qu'il m'en reste est une vidéo mise en ligne sur les réseaux sociaux par le nouvel entraîneur à la suite de ma performance. Dans cette vidéo, après mon combat, il mentionnait que je n'avais pas été à la hauteur de leurs attentes à eux, que cela le mettait était mal à l'aise, que je n'avais pas su saisir l'occasion de récolter cette médaille qui manquait à mon pays depuis 30 ans, et que c'était extrêmement embarrassant pour lui et pour la nation.

  (1545)  

    Malgré ma plainte officielle aux différentes instances en place, l'entraîneur présent dans la vidéo est bien sûr revenu en poste immédiatement, et ce, sans même me présenter ses excuses. On m'a isolée du reste du groupe lors des entraînements. À la suite de ma dénonciation, j'ai subi du harcèlement de façon quotidienne pendant plus d'un mois de la part de l'entraîneur adjoint ainsi que de mes collègues. J'ai finalement été contrainte de quitter le processus de centralisation, de perdre mon brevet et de mettre fin à ma carrière de boxe de façon prématurée pour des raisons évidentes de santé mentale.
    Dans le domaine du sport, on parle actuellement de reconstruction du système. Or, sans enquête judiciaire par une tierce partie pour tenir responsables les gens qui perpétuent les abus et la culture actuelle du sport au Canada, aucune reconstruction ne peut avoir lieu. L'ajout d'un système serait, encore une fois, une solution temporaire de réparation, comme ce fut le cas dans les dernières années.
     Une commission d'enquête sur la culture toxique de l'abus partout au Canada est absolument nécessaire pour donner la possibilité de construire un système qui permettra aux Canadiens et au sport de rayonner à la hauteur de leurs capacités au moyen de résultats et de médailles. C'est ce que nous souhaitons tous.
     Je remercie les membres du Comité.
    Merci, madame la présidente.
    Merci.

[Traduction]

    Madame Ciara McCormack, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Je viens de Vancouver. Je suis une joueuse de soccer professionnelle de calibre international depuis longtemps et je suis actuellement membre de la Professional Footballers Association, le premier syndicat de joueurs de soccer professionnels au Canada.
    Je suis ici aujourd'hui pour vous faire part de mon expérience et pour réclamer une enquête judiciaire sur les abus dans le sport au Canada.
    En février 2019, j'ai publié un blogue qui est devenu viral.
    Prenez votre temps, madame McCormack.
     Il s'intitulait « A Horrible Canadian Soccer Story—The Story No One Wants to Listen to But Everyone Needs to Hear ». J'y racontais l'histoire d'un gigantesque camouflage qui a eu lieu dans le soccer féminin canadien — pendant plus d'une décennie — au sujet d'un délinquant sexuel qui a depuis été reconnu coupable.
    En 2008, Bob Birarda était le personnage le plus influent du soccer féminin au Canada, en tant qu'entraîneur en chef des Whitecaps de Vancouver et de l'équipe nationale des moins de 20 ans du Canada. Il a également été entraîneur adjoint aux Jeux olympiques de 2008 à Pékin. Il a été congédié pour inconduite sexuelle à l'endroit de joueuses adolescentes, après que moi-même et d'autres avions signalé son comportement abusif pendant plus d'un an. Les Whitecaps et Canada Soccer ont tous deux camouflé le congédiement de Birarda en octobre 2008, le présentant publiquement comme un départ résultant d'un accord mutuel, ce qui lui a permis de continuer à entraîner des adolescentes pendant encore 11 ans.
    Il a été suspendu comme entraîneur le lendemain de la publication de mon blogue, en février 2019. Mon blogue expliquait en détail comment, entre 2008 et 2019, un petit groupe de mes anciennes coéquipières et moi-même avions demandé collectivement de l'aide, à plus de 30 reprises, pour que Birarda soit congédié, sans succès. Nous nous sommes adressées à la police. Nous avons écrit une lettre au propriétaire des Whitecaps, Greg Kerfoot, et à deux de ses cadres supérieurs. Nous avons placardé le complexe de soccer où Birarda travaillait d'affiches où figurait le numéro d'une ligne d'assistance que les joueuses pouvaient appeler si un entraîneur les mettait mal à l'aise. Nous avons présenté à B.C. Soccer un rapport de police, en présence d'une victime, et nous avons raconté notre histoire et partagé des preuves avec un nombre incalculable de représentants des médias canadiens. Nous avons été manipulées et nous avons subi des préjudices à répétition, après avoir raconté notre histoire traumatisante à des gens faisant partie d'un système auquel on nous avait dit que nous pouvions faire confiance, mais qui était plutôt conçu pour nous réduire au silence.
    Sur le plan personnel, au cours de cette décennie horrible, j'ai lutté contre la dépression et les idées suicidaires et j'avais l'impression d'être prise au piège. Tout me semblait lourd, sombre et difficile. Je détestais retourner dans ma ville natale, Vancouver, et j'avais de la difficulté à me retrouver dans ce que j'aimais le plus, le soccer. Comment peut‑on agir comme si de rien n'était en sachant qu'un prédateur continue d'avoir accès à des jeunes filles? Comment peut‑on se sentir mentalement bien dans un monde où des gens en position d'autorité ne font rien pour empêcher que cela se produise?
    Lorsque j'ai appuyé sur le bouton « envoyer » à 8 heures, le lundi 25 février 2019, j'étais épuisée, terrifiée et seule. J'avais l'impression d'avoir été détruite par un système, dont j'ai appris depuis qu'il était conçu pour avoir raison de moi, me forçant à choisir entre ma propre sécurité en tant que dénonciatrice et celle des joueuses adolescentes que Birarda continuait d'entraîner.
     Après sa publication, mon blogue est rapidement devenu viral. Peu de temps après, d'autres anciennes joueuses des Whitecaps et de l'équipe nationale des moins de 20 ans ont fait part publiquement de leurs expériences et, ce qui est le plus important, les victimes de Birarda ont fini par se manifester.
    Le mois dernier, Birarda a été condamné à deux ans de prison pour des crimes sexuels commis contre quatre anciennes joueuses adolescentes sur une période de 20 ans. Sa dernière victime remontait à 2008, année où il avait été congédié à la fois par les Whitecaps et par Canada Soccer.
    Compte tenu de la folie, des peines et des torts que nous avons dû endurer pour faire congédier un délinquant sexuel maintenant condamné, la question que je me pose continuellement est la suivante: combien d'autres Birarda y a‑t‑il dans ce système défaillant? Combien d'autres athlètes subissent encore des préjudices?
    Pourtant, le pire tort que j'ai subi dans le système sportif canadien est survenu bien après que j'aie côtoyé Birarda. Les agressions ne se produisent pas sans facilitateurs. Permettez-moi de parler franchement de notre système défaillant, qui permet les abus et qui victimise de nouveau les athlètes qui les dénoncent.
    Un rapport sur le camouflage du cas de Birarda a été commandé par Canada Soccer et publié en septembre 2022. Victor Montagliani et Peter Montopoli joueront tous deux un rôle de premier plan dans la Coupe du monde de la FIFA, financée par les contribuables, qui sera présentée au Canada en 2026, en leur qualité de vice-président de la FIFA et de chef de l'exploitation de la Coupe du monde de la FIFA de 2026 au Canada, respectivement. Tous deux ont été désignés dans ce rapport de septembre 2022 comme ayant participé directement au camouflage qui a permis à un délinquant sexuel maintenant reconnu coupable d'avoir accès à des adolescentes pendant une décennie. Des gens comme cela n'ont pas leur place dans le sport, et nous avons besoin de mécanismes pour nous en débarrasser. Quel genre de message cela envoie‑t‑il que les dirigeants d'un sport financé par les contribuables soient récompensés, après avoir camouflé des cas de violence faite à des enfants?
    Sur le plan financier, une entité récente appelée Canadian Soccer Business, et les Whitecaps de Vancouver, ont chacun de leur côté tiré parti de ce qui devrait être un actif public de Canada Soccer pour leur propre avantage financier. Ces relations financières inappropriées et préjudiciables, favorisées sans surveillance et au détriment de joueurs de partout au pays, sur le terrain et à l'extérieur du terrain, se poursuivent encore aujourd'hui.
    Andrea Neil, ancienne joueuse et entraîneuse de longue date au sein de l'équipe nationale féminine du Canada, a également dénoncé ces mêmes problèmes concernant Canada Soccer pendant des années et a de précieux renseignements à partager.
    Il est également important de s'attaquer à toute une industrie qui a été bâtie à partir d'une conscience morale déformée, représentative de l'état actuel du sport canadien, dans lequel des groupes de loups déguisés en agneaux mentent. Il s'agit notamment d'une entreprise à but lucratif d'Ottawa, appelée ITP, et d'une autre de Toronto, appelée Sport Law. Ces deux groupes se présentent comme un lieu sûr pour les victimes canadiennes d'abus dans les sports, sans révéler qu'ils ont des relations d'affaires avec les institutions qui causent du tort à ces mêmes athlètes.

  (1550)  

     Prenons l'exemple de Sport Law. Peu après la publication de mon blogue en 2019, une femme, Dina Bell‑Laroche, s'est présentée à moi comme étant une personne passionnée par les problèmes des femmes dans le sport au Canada. Je lui ai fait confiance et j'ai partagé avec elle des détails privés de notre histoire. Elle ne m'a jamais mentionné que la compagnie dont elle était partenaire, Sport Law, avait des relations avec les organismes qui nous avaient causé des préjudices. Je me suis rendu compte de ce conflit d'intérêts des mois plus tard, lorsque son groupe a été retenu pour mener une enquête « indépendante » pour les Whitecaps de Vancouver dans notre affaire. Je mets « indépendante » entre guillemets pour souligner un autre mensonge qui a cours dans notre système actuel. Une enquête n'est pas indépendante si elle est payée par l'institution même qui a quelque chose à perdre advenant des conclusions négatives.
    J'ai appris plus tard, soit en 2019, que Sport Law agissait également comme conseiller juridique de Soccer Ontario, tout en dirigeant la ligne d'aide pour les dénonciatrices de Canada Soccer. Vous m'avez bien entendue. À la suite du camouflage de l'affaire Birarda, Canada Soccer disait aux athlètes de soccer que si elles avaient été victimes d'abus, un endroit sûr où appeler était une ligne téléphonique gérée par Sport Law, un groupe qui était payé pour protéger les intérêts juridiques de la plus grande organisation sportive provinciale relevant de Canada Soccer.
    Ce qui ressort clairement de mon expérience des abus dans le domaine du sport au Canada, c'est que nous avons perdu de vue ce qui est bien et ce qui est mal. Permettez-moi de dire clairement aujourd'hui à ceux qui traitent avec ITP, Sport Law et d'autres groupes qui se livrent à ce genre de comportement qu'il n'est pas acceptable de se présenter devant des athlètes vulnérables victimes d'abus comme un endroit sûr où échanger de l'information, uniquement pour en tirer parti pour leur bénéfice personnel. C'est une revictimisation épouvantable à laquelle beaucoup trop d'entre nous ont été confrontées, et ce genre de comportement contraire à l'éthique est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles la confiance a été complètement brisée dans le système sportif canadien actuel.
    Je suis ici aujourd'hui pour dire que ça suffit. Le problème, ce ne sont pas les pommes pourries parmi les entraîneurs, mais plutôt un système qui facilite les choses pour les agresseurs, nuit aux victimes et les réduit au silence, sans qu'elles aient la capacité de s'exprimer à ce sujet en toute sécurité à l'extérieur du système, et qui ne prévoit rien contre les dirigeants sportifs qui permettent les abus. Si nous voulons vraiment éradiquer les abus, nous devons commencer à traiter la crise du sport comme une crise des droits de la personne et à apporter des changements pour que la reddition de comptes, la transparence, l'intégrité et les droits fondamentaux de la personne soient au cœur de notre système.
    Un changement systémique signifie qu'il faut faire la lumière sur les relations financières qui préservent le pouvoir, ainsi que découvrir et démanteler les relations et les systèmes qui protègent les institutions sportives canadiennes, au détriment de la vie des athlètes. Les groupes comme le Bureau du Commissaire à l'intégrité dans le sport ne sont pas la solution, car ils sont aux prises avec les mêmes conflits d'intérêts et les mêmes personnes dont il a été question plus tôt. Seule une vaste enquête judiciaire sur les abus dans le sport canadien jettera l'éclairage nécessaire sur les torts causés par le passé, tout en rétablissant la confiance pour un avenir meilleur.
    Comme je l'ai dit dans les dernières lignes de mon blogue de 2019, paroles qui demeurent malheureusement encore vraies aujourd'hui, « compte tenu de ce que nous avons vécu, il faut aller plus loin qu'où nous en sommes aujourd'hui ».
    Merci.

  (1555)  

    Merci beaucoup à vous deux d'avoir présenté votre déclaration préliminaire.
    Nous allons maintenant permettre aux différents partis de poser des questions à tour de rôle.
     Nous allons commencer la série de questions de six minutes. Nous allons donner la parole à Dominique Vien.
    Allez‑y, madame Vien. Vous avez la parole pour six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mesdames, je vous remercie toutes les deux de comparaître cet après-midi.
    Je suis très émue. Ce que nous venons d'entendre n'est pas très glorieux. Cela ébranle notre fierté et notre confiance dans des organisations qui sont censées avoir une bonne réputation et promouvoir l'excellence et le dépassement de soi.
    Est-ce que ce que vous nous décrivez ne représente que la pointe de l'iceberg?
    Des cas comme le mien existent dans l'ensemble de la fédération, et ce, encore aujourd'hui. Même hier, j'ai entendu parler du cas de nouveaux athlètes qui arrivent tout juste des Jeux olympiques et ont de la difficulté à obtenir leur brevet.
    Madame McCormack, aimeriez-vous ajouter un commentaire sur cette situation, qui sévit dans nos équipes sportives?
    Est-ce que ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant ne représente que la pointe de l'iceberg?

[Traduction]

     Je suis d'accord avec Mme Da Silva Rondeau. J'ai parlé à tellement d'athlètes différentes dans divers sports tout au long de cette histoire, et je peux vous dire que dans tous les sports, il y a énormément de personnes qui ont été affectées par notre système sportif canadien. C'est vraiment... Si vous convoquiez uniquement les personnes à qui j'ai parlé au cours de la dernière année, depuis la publication de mon blogue, nous serions ici pendant des jours à écouter leurs histoires.

[Français]

     Selon vous, madame Da Silva Rondeau, qui a intérêt à ce que ce système, aussi gangréné que vous nous le décrivez, soit en place? À qui profite-t-il? Pourquoi l'omerta règne-t-elle autour de cela? Pourquoi les uns protègent-ils les autres? Pourquoi se cache-t-on la tête dans le sable?
    La semaine dernière, une témoin nous disait qu'on protégeait une marque.

  (1600)  

    Ce système profite aux personnes en place en quête de pouvoir. Il ne faut pas oublier que les personnes en place n'ont aucun intérêt pour le sport. Elles n'ont d'intérêt que pour le pouvoir. Le système actuel nourrit ce type de pouvoir. Il ne profite aucunement au sport, aux athlètes ou à notre représentation à l'international. Il ne profite qu'aux personnes en place en quête de pouvoir. Le sport n'est qu'une excuse.
    Qu'est-ce que ces gens peuvent retirer du fait d'endurer, de susciter ou de cacher des situations comme celles que vous avez décrites?
    Le seul bénéfice qu'ils en retirent est le pouvoir, l'impression d'avoir le contrôle du sport. Le sport apporte une fierté. C'est quelque chose de gros. Quand on peut le contrôler, je pense qu'on en retire une certaine satisfaction.
    Madame McCormack, comment allez-vous, aujourd'hui?

[Traduction]

     Comment je vais? Je suis reconnaissante d'être ici. Le parcours a été très long, évidemment. Nous sommes là‑dedans depuis 2007, alors oui, je suis très reconnaissante.
    J'ai l'impression que les gens qui peuvent faire quelque chose à ce sujet écoutent enfin. La route a été longue, sombre et difficile, et les choses doivent changer. C'est la raison pour laquelle j'ai traversé le pays en avion et je me suis placée dans une situation très vulnérable: pour que vous puissiez mettre un visage sur les préjudices. J'ai subi des préjudices. Mes amies en ont subi aussi, et ce n'est pas seulement ce que nous avons vécu en tant qu'athlètes. C'est la suite des choses — ce que nous avons dû endurer pour essayer de dénoncer un délinquant sexuel.
    Je pense que c'est le message le plus important, du point de vue de la santé mentale. Avant d'écrire le blogue, jusqu'à ce que je l'écrive, j'ai traversé 10 années désastreuses. Je ne comprenais pas ce qui se passait, mais maintenant je me rends compte que c'est le traumatisme d'avoir été manipulée pendant 10 ans — après avoir signalé que des enfants étaient en danger, sans que personne n'écoute, et en croyant faire partie d'un système qui se souciait vraiment de moi, en tant que personne, et des enfants en général.
    Depuis que j'ai écrit le blogue et que j'ai communiqué avec d'autres personnes comme Mme Da Silva Rondeau... Il y a le sentiment d'isolement, l'impression d'être le problème et le fauteur de troubles. Il y a la solitude. Je pense simplement que je me sens validée et entendue. Même dans cette horrible communauté, nous faisons maintenant partie d'un groupe d'athlètes qui ont vécu la même chose.
    Je me sens beaucoup mieux en ce moment, malgré les apparences.

[Français]

    Est-ce que mon temps de parole est écoulé, madame la présidente?

[Traduction]

    Oui, c'est terminé.

[Français]

    Mes collègues auront d'autres bonnes questions.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Comme je l'ai dit, prenez votre temps, tout le monde. Nous vivons cela ensemble.
    Merci beaucoup d'avoir traversé le pays en avion pour venir nous rencontrer. C'est important, car cela va renforcer notre étude. Merci beaucoup de l'avoir fait.
    Je vais maintenant céder la parole à Jenna Sudds pour six minutes.
    Vous avez la parole, madame Sudds.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à vous deux d'être ici et de nous faire part de vos histoires, qui sont si importantes pour nous.
    Ma première question, qui s'adresse à vous deux — si vous voulez bien y répondre —, est la suivante: selon vous, que devrions-nous explorer et mettre en place pour mieux protéger les athlètes comme vous? Je sais que c'est une vaste question.

[Français]

    Avant de mettre en place quoi que ce soit, on doit regarder ce qui a été fait. À partir de cette enquête judiciaire, on pourra commencer à se demander ce qui devrait être mis en place. Je ne crois pas qu'on sera en mesure de répondre à cette question tant qu'on n'aura pas regardé ce qui a été fait et fait le ménage dans le monde du sport au Canada.

  (1605)  

[Traduction]

     Je suis tout à fait d'accord avec Mme Da Silva Rondeau, et j'ajouterais que ce qui est particulièrement frappant dans tout cela, c'est qu'en tant qu'athlètes, nous n'avons pas de ressources. Nous luttons contre des organismes nationaux de sport. Ils ont de l'argent. Ils ont le pouvoir. Ils ont le contrôle. Même les athlètes qui dénoncent ne reçoivent aucun soutien. Chaque fois que vous avez dans la société un groupe qui a un accès sans entrave au pouvoir et qui sait qu'il n'aura pas d'opposition, comme Mme Da Silva Rondeau l'a dit plus tôt, cela attire un certain type de personnalité.
    Encore une fois, je suis tout à fait d'accord avec elle pour dire qu'il faut une enquête judiciaire pour comprendre toute la portée de ce qui s'est passé. Ensuite, je pense qu'à partir de là, il faut mettre en place un mécanisme entièrement axé sur les athlètes et leurs droits, à l'extérieur du système sportif, d'un point de vue logique uniquement, pour atteindre cet équilibre qui est complètement inexistant à l'heure actuelle.

[Français]

    Permettez-moi d'ajouter quelque chose.
    Comme je l'ai mentionné dans mon témoignage, quand on parle de ressources, on ne parle pas de groupes ou de systèmes, mais de pouvoir et d'argent, ce que les fédérations et le sport au Canada ont à leur disposition, contrairement aux athlètes. Ce n'est pas un nouveau système financé par le sport au Canada qui va nous aider à construire quelque chose de mieux.

[Traduction]

    Merci beaucoup pour ces deux réponses.
    L'autre élément que vous avez mentionné, Mme McCormack, et sur lequel j'aimerais en savoir plus, c'est la nécessité de faire la lumière sur les relations financières. Vous avez parlé de Sport Law et de ITP. Vous avez soulevé un nouvel élément dont le Comité n'était pas encore au courant, et c'est franchement assez choquant.
    J'essaie de comprendre cela et de réfléchir aux outils ou aux mesures nécessaires pour mettre fin à cette situation, afin de faire en sorte d'éliminer ce conflit évident et de protéger les athlètes. Vous avez parlé de ce sujet avec beaucoup d'éloquence et de façon très éclairée, et je me demande si vous avez des suggestions sur la façon de mettre fin à cette situation.
    Encore une fois, je pense que cela se résume au fait pour les athlètes de pouvoir compter sur un groupe qui défend uniquement leurs intérêts, parce que, malheureusement, les gens n'ont pas de sens moral. C'est une question d'affaires et d'argent, et s'ils peuvent exploiter l'information dont ils disposent au sujet des athlètes, ils le font pour pousser leur entreprise du côté de l'argent et du pouvoir, et il existe malheureusement des gens qui choisissent de s'engager dans ce genre de conflit d'intérêts. Encore une fois, je pense qu'il faut un groupe qui défend les intérêts des athlètes.
    Je crois qu'il est également important de mentionner que, lorsque vous dénoncez une situation, vous n'avez aucun contexte ni expérience. Vous êtes prise dans un tourbillon, et les gens vous tendent la main. Si vous n'êtes pas au courant des tenants et des aboutissants, il est facile de... Si quelqu'un s'adresse à vous, vous pensez que cette personne est là pour vous aider. Vous n'êtes même pas au courant de tout ce qui protège l'institution du sport, et il est très facile de se laisser aspirer.
    Encore une fois, c'est là où je pense qu'il est très important que nous ayons cet équilibre dans le système, de sorte que lorsqu'il y a dénonciation, la façon dont j'ai dénoncé... La seule raison pour laquelle j'ai réussi à passer à travers le premier mois, ne serait‑ce que mentalement, c'est que, par hasard, mon amie était amie avec Gen Simard, une dénonciatrice dans l'affaire Canada Alpin. J'ai passé du temps au téléphone avec elle pendant un mois complet. Je ne l'ai jamais rencontrée en personne, mais elle m'a appuyée.
    Il faut qu'il y ait un organisme officiel qui le fasse. Je pense que s'il y a un groupe qui protège les athlètes, elles ne seront pas vulnérables aux organisations qui s'en prennent à elles en période de fragilité et qui vont utiliser leurs renseignements pour les exploiter et obtenir des contrats auprès des institutions. Malheureusement, à ce stade‑ci, il y a si peu de réglementation que cela se produit tout le temps.
     Merci.
    Il vous reste 20 secondes.

  (1610)  

    Madame Da Silva Rondeau, vous avez dit tout à l'heure que vous cherchiez à trouver un équilibre entre le travail et la nécessité de gagner votre vie tout en suivant un entraînement.
    Pouvez-vous nous dire si c'est la norme? Comment pouvons-nous régler ce problème? Comment pouvons-nous mieux équilibrer les choses pour les athlètes?
    Oui, c'est la norme dans beaucoup de fédérations.

[Français]

     En toute honnêteté, j'aurais vraiment préféré continuer mon mode de vie qui me permettait de m'entraîner le matin avant le travail, d'aller enseigner et de m'entraîner après le travail avec un entraîneur de confiance et une équipe qui me soutenait. Quand on est athlète, ce n'est pas la charge de travail qui nous effraie, ce sont les gens qui nous entourent. Quand on nous enlève nos ressources, nous devenons vulnérables vis-à-vis des gens qui nous entourent.
    Je ne crois pas que la priorité, en ce moment, soit de se soucier de l'équilibre que les athlètes doivent trouver entre le travail et le sport. Nous réussissons très bien à équilibrer tout cela, si je peux me permettre de parler pour la majorité des athlètes. Nous avons beaucoup de ressources pour le faire et nous nous améliorons d'année en année, en prenant de l'expérience. Le vrai problème survient lorsqu'on nous enlève cet équilibre.
     L'enseignement me permettait de maintenir un équilibre entre le sport et le travail. L'enseignement me passionne autant que le sport. Il a donc été très difficile pour moi d'accepter qu'on me le retire de force, mais je n'avais pas le choix si je voulais le brevet. Il y a donc des règles qui font qu'on ne peut pas maintenir un équilibre si on veut être athlète à temps plein.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant céder la parole à Andréanne Larouche.
    Madame Larouche, vous avez six minutes.

[Français]

    Madame Da Silva Rondeau, madame McCormack, je joins ma voix à celles de mes collègues et je vous remercie d'être ici cet après-midi.
    La première chose qui me vient à l'esprit, c'est que vous pouvez être fières de vous. Vous faites partie du changement qui, je l'espère, va se produire.
    Madame McCormack, vous avez fait allusion dans vos remarques liminaires à des groupes qui évoluaient auprès des athlètes, notamment ITP Sport et Sport Law, comme étant des loups dans la bergerie. Vous nous avez donné des exemples concernant Sport Law, mais voudriez-vous aussi nous donner des exemples concernant ITP Sport?

[Traduction]

    Je sais, pour avoir discuté avec des athlètes de plusieurs sports, qu'elles ont été approchées par ITP et qu'elles ont partagé des renseignements personnels au sujet de leur cas, encore une fois, en pensant que la personne qui les contactait était une personne sympathique à leur situation. Elles ont découvert des mois ou des semaines plus tard que l'organisation représentait maintenant l'organisme national de sport et travaillait avec lui.
    Cela ne se limite pas à mon histoire, et je pense que c'est aussi la raison pour laquelle il est vraiment important d'ouvrir la porte à une enquête, parce que je peux vous parler de plusieurs sports dans lesquels je sais que cela a été une pratique. J'implore vraiment le Comité de communiquer avec les athlètes et d'entendre leurs histoires, car je pense que cela vous permettra de corroborer ce que nous disons toutes les deux.

[Français]

    J'aimerais ajouter un commentaire, madame Larouche.
    Cela a été mon cas. J'ai fait des plaintes à ITP Sport pour nous protéger, mais cette organisation travaille maintenant avec la fédération afin de revoir la culture de l'organisation.

  (1615)  

     C'est à cause de ces liens que vous n'avez pas confiance dans le système en place, n'est-ce pas?
    Oui, entre autres choses.
    Merci beaucoup de vos commentaires, madame Da Silva Rondeau.
    Madame McCormack, les dirigeants de Canada Soccer ont-ils été tenus responsables de leurs gestes disgracieux à l'endroit d'athlètes comme vous?
    Alors que le Canada se prépare à accueillir la Coupe du monde de la FIFA en 2026, le système mis en place par Canada Soccer a-t-il changé? En outre, sentez-vous que Canada Soccer veut réellement introduire un changement profond dans sa façon de faire?

[Traduction]

     Non, absolument pas. Encore une fois, grâce à un don privé, nous tentons d'obtenir de l'argent de Canada Soccer pour des thérapies. Il y a tellement de conflits d'intérêts, y compris par suite de l'information concernant Hockey Canada et des pressions sur Canada Soccer. Il faut que Canada Soccer fasse l'objet d'un examen financier complet, car je crois que cela fait partie du problème plus vaste qui se pose dans ce cas, en ce sens qu'il n'y a pas eu de surveillance des aspects financiers et moraux.
     À titre d'exemple, les Whitecaps de Vancouver entretiennent une relation en tant qu'organisation privée avec Canada Soccer, et cela a joué un rôle dans la concentration du pouvoir. Nous sommes en présence de plusieurs relations financières différentes et très problématiques qui, je crois, ont commencé à être mises au jour avant la Coupe du monde pour ce qui est des hommes, lorsqu'ils ont fait la grève.
    Absolument, Canada Soccer n'a absolument rien fait pour réparer les torts que nous avons subis. Il doit y avoir une surveillance et un examen financiers. Encore une fois, il y a beaucoup d'argent des contribuables qui est investi dans la FIFA 2026, et nous avons subi tellement de torts qui n'ont été réparés d'aucune façon.
    Je vous implore de parler à quelqu'un comme Andrea Neil. Elle a dénoncé des actes répréhensibles, elle a vu les choses de ses propres yeux et elle a de l'information à communiquer. Encore une fois, je pense que l'aspect financier est lié au tort que nous subissons en tant qu'athlètes, et je pense que c'est un élément qui devrait faire partie de l'enquête judiciaire.

[Français]

    Concernant les finances, justement, des représentants de Hockey Canada nous ont dit dans leurs témoignages qu'il existait des fonds dont l'existence avait été cachée au public et aux membres de l'association.
    Diriez-vous que Canadian Soccer Business a également caché délibérément des fonds au public et à ses membres?

[Traduction]

    Absolument, je pense qu'une entité privée a été créée. Cela se situe à l'arrière-plan des actifs de Canada Soccer. Ce sont des fonds de marketing et de commandite qui sont versés à une organisation privée que personne ne connaît.
    Dans notre pays, nous n'avons pas de ligue professionnelle, ni même de ligue nationale pour les femmes — le Canada étant l'un des rares pays dans cette situation parmi les 50 premiers au classement pour la FIFA. Nous sommes médaillées d'or aux Jeux olympiques et nous n'avons pas ce genre de structure fondamentale. On nous a toujours dit, en tant que joueuses, qu'il n'y avait pas assez d'argent. Nous avons la plus forte, ou l'une des plus fortes participations de joueuses dans le monde, mais il n'y a pas d'argent.
    L'existence de Canadian Soccer Business devrait sonner l'alarme pour ce qui est d'une entité privée rattachée à un organisme national de sport. Je pense qu'il est réellement important, à tellement de niveaux différents, que cela fasse l'objet d'une enquête si nous voulons vraiment un changement.

[Français]

    Madame Da Silva Rondeau, j'aimerais prendre les quelques instants qu'il me reste pour vous poser une dernière question.
    Vous dites ne plus avoir confiance dans le système en place et qu'on ne peut pas aller de l'avant sans faire une enquête indépendante pour savoir ce qui a été fait dans le passé. En quelques mots, pourquoi la tenue d'une telle enquête est-elle cruciale avant de mettre en place un nouveau système?
    Le mot clé est « bâtir ». Il faut bâtir un nouveau système, mais, pour cela, il faut une plate-forme propre. On ne peut pas bâtir un système sur quelque chose qui est brisé; ce serait simplement faire des réparations. On ne peut pas réparer des meubles qui sont cassés depuis trop longtemps.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant céder la parole à Leah Gazan, qui est en ligne.
    Madame Gazan, vous avez six minutes.
     Merci, madame la présidente.
    Je suis désolée de ne pas pouvoir être avec vous en personne aujourd'hui.
    Je tiens d'abord à vous remercier toutes les deux de votre témoignage. Je dois reconnaître qu'il est difficile de partager ce genre d'histoires, surtout avec les expériences que vous avez vécues et du fait que vous n'avez pas été entendues ou crues. J'ai confiance en vous. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à vous deux. J'aimerais que vous répondiez toutes les deux.
    Vous et d'autres témoins qui ont comparu devant le Comité nous avez dit que le fait de dénoncer les abus dans votre sport, lorsqu'il y a des abus dans le sport, a des répercussions directes sur vous.
    Madame Da Silva Rondeau, vous avez dit aujourd'hui qu'il y a beaucoup de soutien et de ressources, mais qu'il n'y a personne pour assurer une reddition de comptes. Je pense que vous avez toutes les deux donné des exemples d'organisations qui étaient censées vous aider, mais qui étaient clairement en conflit d'intérêts parce qu'elles travaillaient des deux côtés. Il est très clair pour moi que le désir de justice a eu un grand coût émotionnel pour vous, pour vos amies, pour vos coéquipières et pour votre réputation, et a souvent eu un impact sur votre carrière.
    Il y a eu un article dans le Guardian au sujet de ce que vous avez dit, madame McCormack. Il s'intitule « Sexual abuse in sport: FIFA supports executives after failure to tell players about sexual abusive coach ». Vous avez dit que lorsque vous dénoncez un cas d'abus et qu'on ne vous croit pas, cela entraîne d'autres cas d'abus pour d'autres personnes, des enfants et des jeunes. Nous devons changer cela.
    J'ai quelques questions, mais j'aimerais d'abord vous lire ceci:
La FIFA a soutenu les hauts dirigeants de son organisation après avoir omis de dire aux joueuses et au public la véritable raison pour laquelle Bob Birarda, un délinquant sexuel reconnu coupable et ancien entraîneur de l'équipe nationale, avait quitté Canada Soccer en 2008.
Les hauts dirigeants — Victor Montagliani, président de la Concacaf et vice-président de la FIFA, et Peter Montopoli, chef de l'exploitation pour le Canada à la Coupe du monde de 2026 — sont des cadres supérieurs de Soccer Canada qui ont joué un rôle central dans le départ de Birarda de son poste d'entraîneur de l'équipe nationale féminine de moins de 20 ans, après qu'on eut découvert qu'il avait agi de façon inappropriée avec ses propres joueuses.
    Ces personnes occupent toujours des postes de haut niveau.
    J'aimerais vous poser deux questions. Premièrement, comment pouvons-nous protéger les survivantes, les victimes et les témoins, même au sein de ce comité, contre d'autres abus, alors que vous dénoncez à nouveau la situation, en mettant en jeu votre sécurité, y compris votre sécurité émotionnelle? Deuxièmement, que pouvons-nous faire pour que les futures survivantes puissent dire leur vérité en toute sécurité, sans être soumises à d'autres souffrances et à d'autres victimisations?
    Ces questions s'adressent à vous deux.
    Merci.

  (1620)  

[Français]

    Je crois que, pour nous protéger sur la place publique, il faudrait nous accorder des ressources juridiques externes.
     Le directeur de sport de haut niveau de la fédération a intenté une poursuite civile contre moi à la suite de la sortie que mes collègues et moi avons faite sur les réseaux sociaux et sur la place publique, le seul recours que nous avions. J'ai alors reçu une mise en demeure, à laquelle j'ai dû répondre de façon légale en faisant appel à des avocats payés avec mes propres sous.
    Il est certain qu'il demeure difficile de faire une dénonciation sur la place publique, sachant qu'on s'expose à une poursuite en justice.

  (1625)  

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord avec Mme Da Silva. Concernant le fait que la FIFA protège encore des gens directement impliqués dans cette affaire, je pense que, sur le plan sociétal, nous devons dire que ce n'est pas acceptable et trouver un moyen de rompre ces relations. Nous estimons, quant à nous, qu'ils se sont tenu les coudes pendant 11 ans. Que nous nous adressions aux médias, aux organisations de soccer ou à qui que ce soit d'autre, tout le monde couchait avec tout le monde et protégeait tout le monde, de sorte nous n'avions nulle part où aller.
     Même du côté de ce que nous pourrions faire quand des gens se manifestent, par exemple pour obtenir une thérapie... J'ai eu la chance d'avoir les ressources nécessaires pour avoir beaucoup de thérapie pendant la pandémie de COVID, et cela a complètement changé la situation pour moi, mais c'était un privilège absolu et non un droit. J'ai été complètement détruite par notre système sportif pendant 10 ans et je pense que ce genre de ressources, comme du soutien, ne serait‑ce que... C'est le genre de situation où on est tellement isolé et confronté à ces organisations massives et à ces gens et ce pouvoir, alors qu'il n'y a rien du tout en face.
     Comme l'a dit Mme Da Silva, les gens ont signé des ententes de confidentialité, même ceux qui veulent dénoncer la situation à Canada Soccer, les membres du conseil d'administration, les anciens entraîneurs. Je connais très bien des gens qui veulent parler de ce qui s'est passé, mais qui sont liés par des ententes de confidentialité et qui ont peur à cause des ramifications juridiques. Il y a toutes ces choses qui... Je pense qu'il est très important de faire comprendre que tout cela n'est pas normal.
    Des groupes comme la FIFA ne sont pas au‑dessus des droits fondamentaux de la personne et devraient traiter les gens correctement, et les athlètes ne devraient pas avoir à subir cela. Mon souhait le plus cher serait que les 11 années pendant lesquelles nous avons été réduites au silence donnent au Canada une voix forte et un rôle de premier plan et qu'il dise qu'il n'est pas acceptable que ces gens viennent au Canada à un événement payé avec l'argent des contribuables et qu'ils protègent des gens qui ont aidé à couvrir un prédateur sexuel. On manque complètement de soutien juridique, psychologique, etc. Il n'y a absolument aucun soutien à l'heure actuelle, et je pense qu'il faudrait au moins changer cela.
    Nous allons passer à la prochaine série de questions. Comme vous le voyez, j'essaie d'être aussi souple que possible. Nous avons 15 minutes pour notre dernière série de questions, soit cinq minutes, cinq minutes, deux minutes et demie et deux minutes et demie, et c'est ainsi que nous terminerons la séance d'aujourd'hui.
    Si vous voulez partager vos cinq minutes, pas de problème.
    Je vais donner la parole à Michelle Ferreri pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup à nos témoins d'être ici. Je leur en suis très reconnaissante. Je sais que beaucoup de gens apprécient vraiment ce que vous faites. C'est une grande responsabilité d'être la voix de beaucoup d'autres, et je vous suis vraiment reconnaissante d'être venues nous voir. C'est très émouvant et difficile à entendre, et je ne peux qu'imaginer à quel point il est difficile de revivre l'expérience et d'en témoigner. Merci à vous.
    Madame Da Silva, vous avez abordé un sujet qui m'a vraiment intéressée. Vous avez demandé comment faire respecter le principe d'imputabilité quand il n'y a pas de système en place. Madame McCormack, vous avez parlé d'une enquête judiciaire nationale, que vous avez toutes les deux demandée plus de 30 fois. Ce chiffre est vraiment ahurissant. Vos commentaires se recoupent, et c'est pourquoi je vous pose la question à toutes les deux. Vous avez dit qu'il ne s'agissait pas seulement de « pommes pourries ». Cela m'a vraiment fait sursauter, parce que je crois que certaines personnes pensent que les prédateurs sont attirés là où se trouvent des enfants.
    Vous avez fait des commentaires très percutants au sujet du pouvoir, madame Da Silva. Que pourrait faire une enquête nationale pour régler la question du système? Vous avez dit qu'il n'y avait pas de système en place.
    Pourriez-vous me répondre toutes les deux?

[Français]

    Pour nous donner une meilleure idée de ce qu'il en est, nous allons devoir éclaircir la situation et faire le ménage dans tous ces liens malsains entre les systèmes qui sont censés nous protéger et les fédérations de sport. Il faut faire ce ménage et tenir responsables les personnes qui perpétuent la culture toxique dans notre sport.

  (1630)  

[Traduction]

     Concernant ce qu'une enquête judiciaire nationale pourrait faire, j'ai déjà dit qu'il y a un gros manque de reconnaissance de ce qui est bien et de ce qui est mal. Mon blogue servait au moins à... tous les gens de Vancouver qui jouaient au soccer au niveau élite savaient qu'il y avait eu des cas d'inconduite. Quand il y a ce genre de transparence, il y a imputabilité. On ne peut pas tenir les gens responsables et changer les choses si on ne connaît pas toute la portée des choses.
    Je vous dis que nous avons dénoncé la situation plus de 30 fois. C'est un fait.
    Nous étions assises dans le hall d'entrée à discuter de différentes histoires que nous avions entendues, et c'est choquant. Une partie des torts que nous avons subis est que nous savions... Vous savez que ce qui se passe est tellement choquant, horrible et affreux, et pourtant la réaction que vous obtenez n'est pas à la hauteur. C'est de la manipulation classique, et c'est très dommageable.
    C'est cela qui est important. Il faut comprendre les dommages pour commencer à y remédier et il faut établir clairement ce qui est bien et ce qui est mal. Parfois, les choses sont très tordues dans le système actuel, à cause du pouvoir, des conflits d'intérêts et tout le reste. Pour donner aux gens le bénéfice du doute, peut-être qu'ils ne voient même pas à quel point c'est choquant, mais je peux vous dire, pour avoir vécu dans ce milieu, que c'est épouvantable.
    Bien dit. Je pense que la base de la normalité, quand on vit dans ce milieu, c'est qu'on n'en connaît pas d'autres. C'est souvent choquant pour beaucoup de gens.
    Voici ma dernière question. A‑t‑on déjà demandé une enquête judiciaire nationale? Si oui, pourquoi pensez-vous qu'il n'y en a pas eu jusqu'à maintenant?
    Jusqu'à maintenant, nous avons été réduites au silence et isolées comme athlètes. Nous en avons parlé avant de venir ici. Le simple fait d'écouter des athlètes de différents sports et de créer des liens avec eux... Pendant très longtemps, j'ai eu l'impression de créer des difficultés et d'être un problème parce que je m'exprimais. Je suis isolée, tandis que ces organisations et les gens qui causent ces torts peuvent se cacher derrière le voile d'une organisation. Et moi, je suis là, devant tout le monde, à faire ces allégations.
    Nous n'avions pas de pouvoir comme athlètes. Le système vous casse, et ensuite, vous ne voulez plus rien savoir des sports ou de votre expérience. Je pense que c'est ce qui s'est passé jusqu'à maintenant. Nous n'étions pas ensemble pour partager les expériences des autres, pour savoir que nous ne sommes pas folles et que notre expérience se reproduit sous différentes formes dans d'autres sports.
    Je ne pense pas non plus que nos voix aient été entendues au point où elles le sont maintenant. Ce système massif nous a toutes étouffées, et j'ai l'impression que nous commençons toutes à remonter la pente.
    J'espère que les gens comprennent maintenant toute la portée de ce que nous avons vécu. J'espère que les gens considèrent maintenant que cela ne peut plus continuer, qu'il faut changer cette situation et qu'il faut entendre toutes les histoires et comprendre pleinement les conflits d'intérêts qui ont permis ce genre de dommages.
    Est‑ce que, à votre connaissance, on en a demandé une?
    Il y a eu un appel à l'action la semaine dernière, n'est‑ce pas?
    Oui, il y a eu un appel à l'action la semaine dernière.
    Mais c'était seulement la semaine dernière.
    Nous allons passer la parole à Anita Vandenbeld.
    Vous avez cinq minutes, madame.
    Je tiens à vous remercier toutes les deux d'être venues. Il n'est pas facile de faire ce genre de témoignage.
    Ce qui me frappe, c'est qu'on nous parle maintenant de cela dans différents sports; c'est donc clairement systémique. Ce qui m'a vraiment touchée et horrifiée, en fait, c'est que vous avez été victimisées non seulement par ce qui vous est arrivé, mais aussi par le fait que, quand vous avez essayé d'empêcher que cela arrive à d'autres personnes et à d'autres enfants, vous n'avez pas été entendues. L'idée que les gens mêmes qui étaient censés vous protéger se servaient de vos renseignements personnels contre vous, vous manipulaient et vous humiliaient est une chose qu'il faut corriger. Le fait que personne n'ait écouté...
    Je tiens à ce que vous sachiez que nous vous écoutons, et merci d'être ici.
     Cela nous touche beaucoup, et, en fait, cela nous fait du bien.
    Madame McCormack, vous avez parlé de choses que vous avez bricolées, des réseaux informels de pairs, obtenir une thérapie quand c'était possible, et vous avez dit que vous ne pouviez pas avoir accès à du soutien juridique et à différentes choses et que vous étiez isolée et seule.
    Il y a des organisations et des endroits où, si quelqu'un vient témoigner de quelque chose qui lui est arrivé, on lui fournit immédiatement un conseiller qui peut lui expliquer ce dont il a besoin. Nous savons que les choses évoluent progressivement. Un conseiller est mis au service de l'enfant ou de la personne pour l'aider à obtenir une thérapie, du soutien par les pairs et du soutien juridique ou simplement à comprendre le processus.
    À quoi cela ressemblerait‑il? Imaginons le cas d'une jeune fille d'aujourd'hui qui fait du soccer ou de la boxe. Si le système fonctionnait bien, que se passerait‑il si cette jeune fille dénonçait une situation? À quoi ressemblerait un bon système?

  (1635)  

     La première chose, à mon avis, c'est l'éducation. Très souvent, dans mon parcours d'athlète, j'ai cru que c'était la conséquence de mon franc-parler; j'ai été mise sur le banc ou il m'est arrivé des choses désagréables. Il y a deux ans, j'ai appris qu'il s'agit d'une forme de violence appelée « négligence ».
     C'est ma grande question: pourquoi les enfants et les parents ne sont-ils pas informés de ce à quoi ressemble la violence? On ne fera pas disparaître les prédateurs. Ils seront toujours là, mais il y a des façons d'atténuer les dommages qu'ils vont causer. D'après moi, c'est la première chose. Il faut donner aux enfants les moyens de savoir, et, ensuite, il faut un endroit sûr pour signaler les incidents.
     Pendant 11 ans, j'ai littéralement décrit tous les... au point d'afficher le complexe sportif où il se trouvait. Mais il ne s'est rien passé. Il faudrait une sorte d'entité extérieure au sport, parce que la chose la plus importante à reconnaître, c'est que les institutions sont responsables des abus et qu'elles ne veulent pas donner des moyens aux victimes. C'est le problème fondamental du système.
    Pour atténuer le problème, il faut une entité extérieure à la responsabilité de l'institution, une entité qui offre un soutien juridique, de la thérapie et un soutien par des pairs qui ont vécu cette situation et qui peuvent aider à franchir les étapes nécessaires. Il faut informer les victimes pour qu'elles sachent que « c'est de la violence qui vous est arrivée » et que « c'est une situation criminelle qui vous est arrivée ».
     Je crois sincèrement que, s'il y avait ce genre d'équilibre dans le système, beaucoup de ces entraîneurs et prédateurs assoiffés de pouvoir ne pourraient pas faire la moitié de ce qu'ils font et que des athlètes ne subiraient pas de préjudices pendant 11 ans. Ma carrière dans le soccer à Vancouver a pris fin en 2008. Nous sommes en 2022. J'en parle encore. Cela aurait dû être réglé en 2008. Il aurait fallu une enquête. Le responsable aurait dû aller en prison, et pourtant, depuis 14 ans, beaucoup d'entre nous sont encore aux prises avec cette situation.
    Je crois sincèrement que, si ce genre de choses... Il faut que ce soit extérieur au système. Il faut traiter ce problème comme une question de droits de la personne, plutôt que comme une question de sport, parce que c'est devenu très compliqué et que le mal est très profond.
    Il aurait fallu, en effet. Cela relève des droits de la personne, et il s'agit d'enfants.
    Oui, à 100 %.
    Les enfants ne peuvent pas savoir ces choses. Nous devons prendre ces mesures pour protéger les enfants.
     Merci.
    Je voulais aussi donner à Mme Da Silva Rondeau l'occasion de nous dire à quoi ressemblerait un bon système.
    Je suis tout à fait d'accord avec Mme McCormack au sujet du système externe qu'il faudrait créer. Comme vous l'avez dit, il s'agit d'enfants. Ils ne savent pas. Même nous, adultes, ne savons pas. Le milieu sportif est un système compliqué. Ne vous y trompez pas: 30 plaintes, ce n'est pas beaucoup. J'en ai déposé plus de 10 en deux ans. J'ai vécu dans ce système pendant 12 ans. Donc, multipliez par 12. Et je ne parle que de moi. Imaginez tous les athlètes qui ont fait la même chose. Trente peut sembler beaucoup, mais c'est un peu la norme, et rien n'est fait, année après année. Comme l'a dit Mme McCormack, elle est encore dans ce processus. Cela fait deux ans. C'est mon cas également. Je paie ma propre thérapie. Je paie mes propres médicaments. Il n'y a pas de soutien pour cela. Cela représente des milliers de dollars.
    Je suis enseignante. J'adore les enfants et je veux les aider et leur donner de l'espoir. Il devient difficile de leur donner de l'espoir quand je ne vois aucun changement. Aujourd'hui, je ne sais pas quoi dire à un enfant maltraité, et je suis enseignante. Je me sens coupable de ne pas le savoir. Je ne sais pas quoi dire aux enfants maltraités parce que j'ai été une victime et que je n'avais pas de ressources efficaces. Que suis‑je censée dire à un enfant qui vient me voir pour me raconter ces choses? Alors que je sais que le système ne fonctionne pas, suis‑je censée lui dire d'aller se plaindre au système, comme je l'ai fait? Je sais que cela ne fonctionnera pas. Je ne peux que rester là à constater les échecs répétés. Cela fait partie de moi. C'est difficile.
     Je ne sais pas quoi faire. Je voudrais faire plus. Je voudrais m'engager, mais, pour répondre à votre question sur ce que serait un bon système pour aider un enfant maltraité, pour l'instant, je n'en sais rien.

  (1640)  

     Votre présence ici change les choses. Merci de témoigner.
    Merci beaucoup.
    Écoutons maintenant Mme McCormack.
    Vous avez la parole, madame.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Mesdames Da Silva Rondeau et McCormack, en tant que nouvelle maman d'une petite fille, je vous remercie d'être ici et de témoigner de votre expérience; cela va faire bouger les choses.
     Sport Canada est en train de revoir la Politique canadienne du sport, qui doit être renouvelée en février. Vous a-t-on consultées à cet égard? Connaissez-vous des athlètes qui ont été consultés concernant cette politique?

[Traduction]

    Personnellement, je n’en connais pas.
    Je dois dire que je déteste le mot « politique ». Notre situation démontre bien qu'il peut y avoir un million de politiques, mais que, s'il n'y a pas de gens ayant le courage moral d'appliquer ces politiques ou s'il n'y a pas de système permettant d'imposer ces politiques, c'est à mon avis une perte de temps. Cela fait une belle décoration sur un site Web, mais, pour les athlètes, à la base, cela ne change rien.
     Sport Canada fait partie du système et du problème. Et je crois même que l'organisation n'est pas tenue d'adopter des politiques. Mme Da Silva le sait peut-être.
    Pour répondre à votre question, non, je n'ai rien eu à voir avec Sport Canada, et on ne m'a rien demandé.

[Français]

    C'est la même chose de mon côté.
    Cette politique, ce sont des mots bien tricotés qui ne représentent rien de concret.
    Par ailleurs, iI existe plusieurs politiques et il est compliqué de les comprendre. Pour un athlète, il est compliqué de comprendre ce qu'elles signifient. Il n'est donc pas facile pour des jeunes athlètes ou des adultes de comprendre toutes ces politiques. Quand on dépose une plainte, on se perd un peu dans toute la complexité du système.
    Nous n'avons pas vraiment été consultés.
     D'accord.
    Le Canada se prépare à accueillir la Coupe du monde. Nous avons parlé des droits de la personne.
    Madame McCormack, vous avez fait mention des mauvais traitements, mais j'aimerais revenir sur une question qui vous a été posée. Avez-vous été surprise de voir que Victor Montagliani et Peter Montopoli sont toujours en poste et peuvent représenter Soccer Canada au Canada et à l'étranger?

[Traduction]

    Non. Quant à la question de savoir à quel point le système est défaillant, il me semble que c'est une représentation parfaite de la situation actuelle. Ce cas illustre malheureusement à la perfection à quel point Canada Soccer est dégradé et il témoigne du traitement réservé aux athlètes dans l'organisation.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de Leah Gazan pour la dernière série de questions.
    Madame Gazan, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente.
    C'est un témoignage alarmant, mais nous étions au courant. Voilà le problème. Vous parlez de systèmes. Parlons des mauvais traitements infligés aux gymnastes. Les violations des droits de la personne font les manchettes depuis toujours. La FIFA... On en parle tout le temps aux nouvelles.
    Nous parlons des organisations sportives, mais nous avons aussi la responsabilité, comme élus, d'adopter des lois pour protéger les gens.
    J'aimerais vous lire une citation de Lianne Nicolle. C'est tiré d'un article paru dans The Guardian, en avril dernier, au sujet de l'enquête sur l'inconduite sexuelle. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet. Elle a dit ceci: « Les seules personnes qui, dans le système, ont du courage moral sont les athlètes. »
    Il s'agit de Lianne Nicolle, ex‑membre du conseil d'administration de Canada Soccer et ex‑directrice générale de la Fondation olympique canadienne. Elle ajoute ceci: « Les répercussions doivent être plus importantes pour les personnes qui ne veulent pas avoir de courage moral. Il n'y a pas que les agresseurs (qui sont en cause). Il y a aussi ceux qui leur permettent d'agir ainsi. »
    J'aimerais avoir votre avis sur ces propos.

  (1645)  

    Si les administrateurs avaient eu le courage que nous avons, ils auraient lancé une enquête judiciaire il y a longtemps dans leurs propres fédérations. C'est ce que nous avons demandé pour la boxe. Nous avons demandé une enquête à trois reprises. La demande a été rejetée par le conseil à trois reprises.
     Oui, dans les fédérations, les seules personnes qui ont du courage sont les athlètes.
     Ce qui m'a frappée — et cela fait partie du système —, c'est qu'elle met en cause non seulement les auteurs de ces actes, mais aussi ceux qui les laissent faire, les témoins et tous ceux qui sont au courant et continuent de ne rien faire. D'après vous, que faudrait‑il faire à cet égard? Quelles en sont les conséquences?
    Je dois vous signaler qu'il ne nous reste que très peu de temps pour terminer ces dernières questions. Ce sera la fin de la séance.
    Allez‑y et terminez.
    Il faut vraiment comprendre qu'il y aura toujours des agresseurs. Malheureusement, les gens ne se soucient que d'eux-mêmes, de leur propre survie, de leurs institutions et de leur image, bien avant de penser à agir comme ils le devraient. Mon avis n'aurait probablement pas été aussi négatif et désabusé avant tout cela, mais c'est malheureusement mon sentiment, très exactement, aujourd'hui.
    Nous avons besoin de lois. Il faut incriminer les gens qui laissent faire au même titre que les agresseurs. À bien y penser, même dans notre situation, si quelqu'un avait fait ce qu'il fallait en 2008, cela n'aurait pas duré aussi longtemps. Cela a duré à cause de ces gens et de tous ceux qui ont continué de nous réduire au silence quand nous avons dénoncé et dénoncé encore.
    Nous avons besoin de lois prévoyant des sanctions. Malheureusement, la seule façon de changer les comportements, à mon avis, c'est de sanctionner personnellement les gens pour leur mauvais comportement. Nous avons maintenant une longue histoire qui prouve que les torts sont causés par le fait que des gens choisissent d'agir correctement ou non.
    Merci beaucoup.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier Mme McCormack et Mme Da Silva Rondeau d'être venues nous faire part de leurs expériences.
    Je vous rappelle que, si vous avez besoin d'aide, vous pouvez communiquer avec notre bureau de la condition féminine. Si vous avez besoin de soutien ou de quoi que ce soit, nous sommes là pour vous aider. Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques secondes pour accueillir notre prochain groupe de témoins.
    Merci. La séance est suspendue.

  (1650)  


  (1650)  

    Nous reprenons nos travaux.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à François Lemay, ici même, qui témoignera à titre personnel. Nous accueillons aussi Lorraine Lafrenière, directrice générale à l'Association canadienne des entraîneurs.
    Madame Lafrenière, le canal français est au bas de votre écran. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser leur oreillette pour obtenir de l'interprétation en français et en anglais.
    Je donne la parole à François Lemay pour son exposé préliminaire.
    Allez‑y, monsieur Lemay, vous avez cinq minutes.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je m'appelle François Lemay.

[Français]

     Dans un premier temps, j'aimerais remercier Mme la députée Larouche de son invitation et de m'avoir convaincu de venir ici aujourd'hui.
    À prendre connaissance des témoignages d'aujourd'hui, je peux vous assurer que c'est avec beaucoup d'humilité que je suis présent aujourd'hui. J'ai plus de 30 ans d'expérience en bénévolat et en administration sportive au Québec. Cependant, je n'ai pas l'expérience de Mme Lafrenière, qui est l'entraîneuse des entraîneuses au Canada. Je n'ai pas non plus dans ma carrière fait preuve du courage dont Mme McCormack et Mme Da Silva Rondeau ont fait preuve. Cela dit, c'est pour vous parler de mon expérience sur le terrain et dans le développement de jeunes athlètes que je suis devant vous aujourd'hui. J'entraîne des équipes de filles et de garçons, soit des équipes mixtes.
    Au cours des derniers mois, par un concours de circonstances médiatique, je suis devenu en quelque sorte le porte-parole officieux des parents outrés par Hockey Canada. Nous avons été les premiers, à Granby, à nous exprimer contre notre fédération nationale, en refusant entre autres de payer nos cotisations. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis, mais il y a eu peu d'avancées concrètes. Alors que nous étions peu à nous insurger contre Hockey Canada, nous avons appris avec stupéfaction que le gouvernement canadien était pour ainsi dire impuissant devant une fédération nationale: il n'avait aucun levier direct autre que l'argent et l'opinion publique.
     Qui plus est, nous avons constaté l'échec de Sport Canada, dénoncé à juste titre par le juge Cromwell, à l'égard de son rôle de chien de garde édenté. Alors, je vous pose la question, chers élus: qui surveille les gardiens, surtout quand le conseil d'administration est de pacotille?
    Comme parent, je m'implique 12 mois par année dans le sport de mes enfants: planification de l'horaire, camps d'entraînement, pratiques, évaluations, matchs, journées de 12 heures à des tournois, et j'en passe. Quand nous constatons avec dépit que même notre gouvernement fédéral ne peut pas intervenir directement, ni son délégué, Sport Canada, le découragement nous envahit. Nous n'avons pas le temps de nous occuper de la gouvernance de nos instances nationales, puisque nous sommes quatre à cinq fois par semaine au terrain sportif. Nous étions en droit d'avoir confiance en une institution comme Sport Canada. À la lumière de l'actualité et des témoignages récents, force est d'admettre que ce fut une erreur.
    En fait, le problème concernant le sport amateur au Canada réside justement dans ce mot: « amateur ». L'essentiel du développement sportif canadien repose sur les épaules de bénévoles de bonne foi, mais aux ressources et à l'expérience limitées. Si, en Europe, il y a la structure des clubs civils, et qu'aux États‑Unis, un réseau prend forme dans les écoles secondaires, nous avons au Canada un drôle de mélange des deux modèles, où il manque fondamentalement de professionnalisation.
    Organiser un tournoi, des inscriptions et, à la rigueur, un budget, des bénévoles chevronnés peuvent y parvenir. Toutefois, pour bâtir un programme sportif basé sur le développement à long terme de l'athlète, pour gérer avec équité une situation d'abus ou de harcèlement, pour instaurer une gouvernance et une transparence organisationnelle et pour développer un plan stratégique pour le sport au féminin, il faut du temps, de l'expérience et la formation nécessaire.
    Ce que l'on voit dans les hautes sphères du sport a pris naissance quelque part. La culture toxique n'est pas apparue par magie; on l'a laissée grandir, par inexpérience et par manque de moyens. Même si la bonne volonté est omniprésente, le sport amateur se définit majoritairement par des cohortes de parents bénévoles qui se succèdent, ce qui laisse trop de place à l'erreur et aux abus.
    Si l'on veut concrètement améliorer et aider le sport canadien et, nécessairement, aider le sport au féminin, qui a un potentiel énorme, il faut que les différents gouvernements s'engagent à soutenir les bénévoles. Il faut professionnaliser le sport amateur et financer la formation des bénévoles pour la gouvernance et le développement de leur sport. Il est anormal, par exemple, que l'équipe canadienne féminine de handball doive faire une collecte de fonds pour se qualifier pour les Jeux panaméricains. De la même façon, il est anormal que des bénévoles doivent enquêter et faire des suivis sur des entraîneurs possiblement maltraitants. On espère beaucoup de nos sportifs et on en demande beaucoup à nos bénévoles, mais on offre peu de ressources ou on s'y prend mal.
    Pour y arriver, on pourrait commencer par exempter d'impôt les premiers 5 000 $ de revenu gagnés en arbitrage ou en gestion de ligue. Les gouvernements fédéral et provinciaux pourraient aussi s'entendre pour financer directement des permanences au sein des clubs sportifs amateurs. On pourrait aussi réformer Sport Canada et ses mandats.
     Toutefois, au-delà de tout, il doit y avoir une cohésion dans le sport amateur. Il y a beaucoup d'acteurs autour de la table qui ont des rôles mal définis. Plus le sport amateur sera écartelé, plus la mauvaise gestion y trouvera sa place. Un leadership bancal tend à se cacher quand cela va mal, mais tout le monde est disponible pour aller chercher un trophée.
    Je ne parle pas d'une solution uniforme qui s'appliquerait à tous les sports. Chaque discipline a sa réalité. À cet égard, le handball a besoin de moyens, alors que le hockey a besoin de gouvernance. Les bénévoles de partout au Canada ont besoin de votre aide concrète. Il nous faut des permanences sportives, non pas pour nous remplacer, mais pour pérenniser nos efforts et, surtout, garantir une meilleure sécurité pour nos jeunes filles et nos jeunes garçons. Le sport canadien doit se moderniser.
    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

  (1655)  

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Lorraine Lafrenière se joint à nous en ligne.
    Madame Lafrenière, je vous invite à prendre la parole. Vous avez cinq minutes.
    Je vous parle aujourd'hui depuis le territoire des Mississaugas de Credit, des Anishinabe, des Chippewas, des Haudenosaunee et des Wendat.

[Français]

     Je tiens à souligner le courage des victimes et des survivants qui ont brisé le silence. Nous vous avons entendu. Je veux moi aussi honorer votre bravoure.

[Traduction]

    Que ceux et celles qui continuent de tirer la sonnette d'alarme, comme nous le constatons aujourd'hui, sachent que nous sommes avec eux.
    Le système a besoin d'un profond changement de culture. Et le seul moyen est de faire une enquête judiciaire nationale. C'est un enjeu d'importance nationale — et c'est le minimum. Une enquête permettra de dresser une feuille de route publique pour un changement de culture unifié. Des mécanismes semblables ont déjà été utilisés dans le monde et ont permis de changer radicalement les choses en abordant les problèmes de sécurité systémiques dans le sport. J'ai été témoin des puissants effets de la Commission Dubin en 1988, après le scandale Ben Johnson. Le legs de cette enquête est que le Canada est aujourd'hui un chef de file en matière de lutte contre le dopage.

[Français]

    Le mandat de l'Association canadienne des entraîneurs est d'encadrer, conformément aux principes d'éthique, le développement des entraîneurs et des intervenants sportifs, ainsi que d'assurer la mise en œuvre et la promotion d'un programme de perfectionnement en association avec tous les paliers de gouvernement et toutes les fédérations nationales, provinciales et territoriales.
    En moyenne, nous formons annuellement 50 000 entraîneurs dans le cadre du Programme national de certification des entraîneurs, du niveau communautaire jusqu'au sport de haut niveau. La sécurité et les principes d'éthique sont au cœur des formations offertes aux entraîneurs. Depuis 2006, un entraîneur doit réussir la formation Prise de décisions éthiques pour obtenir sa certification.

[Traduction]

    Depuis trois ans, nous travaillons avec des chercheurs chevronnés pour élaborer une formation sur la violence dans les fréquentations chez les adolescents et la violence sexiste, la responsabilisation des témoins, la modélisation des relations saines, la création d'un environnement sportif positif et la lutte contre le racisme. Ce travail est appuyé par Sport Canada, Condition féminine Canada et l'Agence de la santé publique du Canada.
    En 2019, à la demande de la ministre de l'époque, Mme Duncan, nous avons créé un programme obligatoire de formation sur la sécurité dans le sport, qui permet d'éduquer tous les participants. Comme on l'a dit de façon si éloquente tout à l'heure, nous avons besoin de formation et d'éducation, mais ce n'est pas tout. Nous travaillons également en partenariat avec le Centre canadien de protection de l'enfance pour offrir de la formation sur la manipulation psychologique. Nous travaillons avec le Groupe Respect et avec Jeunesse, J'écoute. Nous avons lancé le mouvement Entraînement responsable, ou MER, qui comprend des stratégies de prévention fondées sur des données probantes et axées sur la « règle de deux », la formation sur l'éthique et la vérification des antécédents. Nous sélectionnons des entraîneurs pour les grands Jeux. Il existe une désignation officielle des entraîneurs, mais la profession n'est pas réglementée.
    Les programmes de formation et de prévention dont j'ai parlé ne sont qu'une facette de la culture de la sécurité dans le sport. Nous ne sommes qu'une organisation. Nous devons faire plus, et d'autres doivent aussi en faire plus. C'est pourquoi une enquête judiciaire nationale est nécessaire. C'est une question complexe. Le Canada a d'excellents entraîneurs, et ceux‑ci jouent un rôle essentiel en apportant leur soutien aux athlètes et aux participants, comme nous venons de l'entendre. Ils sont parfois la seule personne de confiance dans la vie d'un jeune. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Le déséquilibre de pouvoir dans la relation entre l'athlète et l'entraîneur est un énorme problème. Les normes professionnelles sont un énorme problème partout au pays. Le manque de ressources est un énorme problème.
    Nous savons que les prédateurs utilisent surtout le rôle d'entraîneur pour arriver à leurs fins, mais il faut aussi comprendre que la maltraitance peut prendre de nombreuses formes. Il n'y a pas que le rapport entre l'entraîneur et l'athlète. Le Dr. Larry Nassar est l'un des cas les plus épouvantables de maltraitance à long terme. Le patineur John Coughlin a agressé sexuellement sa partenaire, Bridget Namiotka, qui s'est suicidée. Parker Egbert, un nageur de 19 ans atteint d'autisme et d'un handicap intellectuel, a récemment intenté une poursuite, alléguant qu'un double médaillé d'or paralympique l'avait violemment et à plusieurs reprises violé pendant les Jeux olympiques de Toronto et au centre national d'entraînement. En 2018, huit joueurs de hockey ont commis une agression, et de nouveau en 2023 au Championnat mondial junior.
    Si nous ne reconnaissons pas que les agresseurs peuvent être multiples, le système ne fonctionnera pas, et nous trahirons encore nos athlètes.

  (1700)  

[Français]

    Enfin, nous respectons la compétence des provinces et des territoires. Par contre, si l'on souhaite que les mesures de sport sécuritaire soient efficaces, il faut que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux unissent leurs forces et créent un registre national de tous les prédateurs et agresseurs.

[Traduction]

    Si nous n'avons pas de registre centralisé ou de registres coordonnés, les agresseurs et les prédateurs continueront de se déplacer d'un sport à l'autre, d'une province ou d'un territoire à l'autre, dans toutes sortes de rôles, prolongeant ainsi le cycle des mauvais traitements.

[Français]

    En résumé, nous demandons trois choses: qu'une enquête soit menée, qu'on mise sur le sport sécuritaire pour tous et qu'il y ait un registre national ou, au minimum, de la collaboration.
    Merci de votre écoute.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Nous allons passer à notre première série de questions, en commençant par Anna Roberts, pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Merci beaucoup de votre intervention.
    J'ai quelques questions, mais j'aimerais savoir quelque chose auparavant. Je sais que le gouvernement a donné de l'argent pour veiller à ce que les athlètes aient la possibilité... En 2021, il a financé le Centre de règlement des différends sportifs. Compte tenu des témoignages que nous venons d'entendre, je dois supposer que ce centre ne fonctionne pas. Je suis d'accord avec les témoins qui vous précèdent. Le système est défaillant et il l'est depuis trop longtemps. J'ai honte. Honnêtement, j'ai honte que nous n'ayons pas fait plus pour protéger nos jeunes.
    Les deux questions que j'aimerais vous poser sont les suivantes: comment devient‑on qualifié en matière de sécurité dans le sport? Qu'en pensez-vous? Je vous pose la question à tous les deux.
    Madame Lafrenière, voulez-vous commencer?

[Français]

    Merci, monsieur Lemay.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Nous avons un programme, le Programme national decertification des entraîneurs, qui est financé par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux. l n'est pas parfait, mais il est axé sur l'éthique. Nous offrons de la formation. Il n'est pas obligatoire dans les clubs et les organisations partout au pays. Mais il est très populaire. Environ 50 000 entraîneurs par an peuvent suivre l'un de nos ateliers, mais ce n'est évidemment pas suffisant, et, outre cette sensibilisation, il y a la question soulevée par M. Lemay, à savoir les normes professionnelles. Il ne s'agit pas d'une fonction ni de la formation et de l'éducation liées à une fonction. Il s'agit du système et des normes et principes professionnels liés à toutes les fonctions de l'organisation.
    Monsieur Lemay, allez‑y.
    Oui, j'ajouterais, si vous le permettez, que c'est aussi une question de temps. Au Canada, le sport repose sur le bénévolat. Entre les soupers et les pratiques, il faut parler aux parents, leur expliquer ce qu'est un cas de maltraitance, ce qu'est le harcèlement, quel numéro de téléphone utiliser, ce qu'on peut faire, à qui parler, mais ces choses sont parfois simplement oubliées. Il y a beaucoup de bonne foi, mais il manque parfois du temps.
    Il serait très utile d'avoir des professionnels, d'engager des gens dans les clubs, année après année, pour répéter cette information et être des protecteurs de bonne foi. Comme parents, nous manquons de temps pour gérer les pratiques sportives de nos enfants.

  (1705)  

    Mais le problème est que cela ne fonctionne pas. Nos enfants sont encore maltraités.
    Oui.
    Nous ne leur rendons pas justice, comme nous l'ont dit nos témoins, et pas seulement les deux dernières, mais les témoins précédents dans tous les sports. Le système est défaillant. Les gens en ont assez des belles paroles. Nous devons agir, parce que, sinon, il y aura de plus en plus de brutalité, à mon avis. Je n'essaie pas d'être méchante, mais il y a un problème.
    Vous me parlez de formation et de recertification. À quoi sert la recertification, à quoi sert la formation, si ces agresseurs continuent leurs agissements? Ne trouvez-vous pas — excusez-moi si je m'emporte, mais je suis très bouleversée aujourd'hui — qu'il faudrait créer un registre pour que ces prédateurs y soient inscrits à vie et qu'ils ne puissent plus maltraiter nos enfants?
    Je ne suis pas juriste, mais il est certain que l'information doit être communiquée. Je ne sais pas si un registre serait la solution. Je ne suis pas un expert, mais certainement... Récemment, au Québec, un entraîneur de basketball passait d'une organisation à une autre. L'information n'a pas été communiquée. Nous devons donc effectivement trouver le moyen, comme l'a dit Mme Lafrenière, de partager l'information dans les organisations d'un même sport et avec les organisations des autres sports.
    C'est une infraction criminelle. Et, si c'est une infraction criminelle, il faut inculper ces gens et communiquer cette information, puisque, s'ils sont inculpés au criminel, tout le monde a accès à cette information.
     C'est une très bonne chose, parce que, chaque année, nous devons vérifier les antécédents judiciaires de tous les entraîneurs ou bénévoles qui travaillent avec les enfants dans notre organisation. Donc tout le monde doit faire l'objet d'une vérification des antécédents judiciaires. Si on a des antécédents judiciaires, on ne peut pas être entraîneur. Il y a quelques années, l'un de mes entraîneurs a été condamné pour conduite avec facultés affaiblies, mais nous l'avons engagé parce que cette infraction n'a rien à voir avec les enfants. Mais, si cela avait eu à voir avec les enfants, il n'aurait pas pu être entraîneur.
    Ainsi, nous sélectionnons chaque année tous nos entraîneurs, mais nous n'engageons pas ceux qui hurlent, qui sont à la limite. Si quelqu'un a des antécédents judiciaires, il faut le signaler, après quoi il y a une enquête policière, etc.; c'est très compliqué, mais...
     Je suis désolée de vous interrompre, mais je ne suis pas d'accord. Je ne pense pas que ce soit si compliqué. Ce qu'il faut faire dans les sports, qu'ils soient récréatifs, professionnels ou amateurs... Ce sont des enfants, ils sont notre avenir. Nous devons rendre des comptes et adopter des pratiques permettant de faire des vérifications sans préavis. Dans le secteur privé... Dans le secteur financier où je travaillais, et je ne savais jamais quand les inspecteurs arrivaient. Je savais que je devais faire mon travail de façon éthique, morale et respectueuse tous les jours.
    Si nous adoptons ces pratiques — et ce n'est qu'une proposition parmi d'autres —, cela pourrait mettre fin aux mauvais traitements. Je suis désolée.
    Non, je vous en prie.
    Cette question nous tient tous très à cœur. Je comprends. Madame Lambropoulos, vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie nos deux témoins d'être avec nous aujourd'hui.

[Français]

     Monsieur Lemay, des témoins nous ont appris beaucoup de choses sur le sport au niveau national, mais je pense que vous intervenez plutôt au niveau local.

[Traduction]

    Concernant les mauvais traitements, qu'avez-vous remarqué à l'échelle provinciale? Avez-vous eu connaissance de cas? Pensez-vous que c'est un problème qui doit être réglé non seulement au niveau des équipes sportives nationales, mais à tous les niveaux? Pourriez-vous nous en parler?

  (1710)  

    On peut effectivement le constater à tous les niveaux. Je vais m'exprimer en français, si vous le permettez, parce que c'est une question très précise.

[Français]

    J'ai beaucoup travaillé au niveau local et j'ai eu à gérer des cas de mauvais traitements. Mmes Da Silva Rondeau et McCormack ont expliqué de façon éloquente le problème d'un point de vue national, mais on constate déjà les racines de ce même mal au niveau local, même s'il y est de moindre envergure.
    Les gens qui montent en grade ont commencé quelque part. Les gens qui mettent en place des systèmes toxiques et de maltraitance dans le sport national ont commencé au niveau local 15 ou 20 ans plus tôt. Ils ne sont pas arrivés au niveau national de nulle part.
     C'est pour cela qu'il faut agir à la base en formant les bénévoles et en favorisant la professionnalisation. De mon point de vue, c'est très important, puisque cela permet par le fait même de faire de la prévention.
    Je crois que c'est Mme Da Silva Rondeau qui a dit que c'était la pointe de l'iceberg. Tout ce qu'on ne voit pas, c'est ce qui se passe au niveau local.
    Merci beaucoup.
    J'ai lu dans un article que vous vous étiez plaint auprès de la direction de Hockey Québec, lui demandant de changer sa culture, qui est problématique. Avez-vous reçu une réponse? Avez-vous vu des changements depuis votre plainte?
    Pendant l'été, quand le scandale de 2018 est sorti dans les médias, j'ai eu l'occasion de parler avec M. Thibault, le directeur général de Hockey Québec, et M. Fortin, le président du conseil d'administration. Je n'irais pas jusqu'à dire que j'ai eu une influence sur eux, mais j'ai eu l'occasion de leur parler. Je leur ai dit que le problème était beaucoup plus grave que ce qu'ils pensaient.
     Il y avait alors une grande couverture de la presse anglophone de la situation inacceptable qui se passait à Hockey Canada. À Granby, on a pris la résolution de ne pas payer Hockey Canada, ce qui a fait boule de neige. Il y a eu des réactions.
    J'ose penser que cela a alimenté la discussion au sein de Hockey Québec de la bonne façon. Par la suite, cette organisation a pris le taureau par les cornes et a exercé un certain leadership pour mettre de la pression sur Hockey Canada. Elle a eu un certain succès, puisque les deux présidents ont quitté leurs fonctions, ainsi que le président-directeur général, M. Smith.
    Un témoin a parlé de l'importance de donner du pouvoir à nos jeunes et à leurs parents en les éduquant et en leur donnant de la formation. Si les parents disaient à leurs enfants, devant les entraîneurs, ce qui est approprié et ce qui ne l'est pas, cela pourrait-il inciter ces derniers à ne pas adopter de comportements maltraitants?
     Oui, absolument.
     Il faut que l'entraîneur soit présent, parce que nous faisons tous partie d'une grande famille sportive. En théorie, il ne faudrait pas qu'il y ait une dichotomie entre l'entraîneur, qui est très souvent un parent, et les enfants.
    Comme l'a mentionné plus tôt Mme Lafrenière, les entraîneurs sont formés par l'intermédiaire de cours d'éthique, notamment. J'ai moi-même suivi un tel cours, par l'intermédiaire du Programme national de certification des entraîneurs.
    Par la suite, il faut savoir comment former nos organisations et faire des suivis auprès des parents. Quand il est question d'éthique et de mauvais traitements, on ne parle pas de la même façon à des enfants de 6 ans et à des adolescentes de 14 ans. Il doit y avoir une évolution dans l'enseignement offert aux jeunes et aux parents. Il doit y avoir un suivi continuel.
    Le sport amateur canadien est basé sur le bénévolat. Tous les trois ou quatre ans, la composition du conseil d'administration local change complètement, ce qui entraîne une perte d'expertise. Il faut donc recommencer, mais ce n'est pas à cela que la priorité est accordée. Elle est plutôt donnée aux inscriptions, aux chandails et aux horaires, entre autres. Bref, il faut aider les bénévoles canadiens, partout sur le territoire.
    Je vous remercie.
    Je vais poursuivre avec Mme Lafrenière.

[Traduction]

     Combien de temps me reste‑t‑il?
    Il vous reste 45 secondes.
    D'après vous, que faudrait‑il précisément changer dans la formation des entraîneurs? Vous avez dit qu'il y a beaucoup d'éducation, mais que la profession n'est pas réglementée. Ils ne sont pas nécessairement obligés de passer par vous et ils ne font pas nécessairement l'objet d'un suivi une fois qu'ils ont terminé leur cours.
    Quelles seraient vos recommandations concernant la formation et le suivi des entraîneurs qui travaillent avec des enfants?
    Honnêtement, il faudrait poser la question dans le cadre de l'enquête. À mon avis, le système scolaire, qui compte des entraîneurs, joue un rôle de formation anticipée auprès des élèves et des élèves-athlètes, et il faudrait en tenir compte.

  (1715)  

    Merci beaucoup à vous deux.
    Comme il ne me reste probablement que 10 secondes, je veux vous remercier d'être venus nous faire part de vos points de vue.
    Merci beaucoup.
    La parole est à Andréanne Larouche pour six minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Lemay, je vous remercie de votre témoignage. Soyez rassuré quant au fait que vous avez votre place ici. En tant que parent, vous avez été cet été l'instigateur d'un mouvement important. Votre témoignage est un ajout important à notre étude.
    J'aimerais revenir sur certains éléments que vous avez soulevés dans votre allocution d'ouverture et sur le fait que nous avons entendu de nombreuses révélations de violence sexuelle, qui ont marqué le monde du sport au cours des derniers mois. C'est d'ailleurs ce qui vous a fait réagir.
     J'aimerais que vous nous parliez de la culture du silence et des comportements toxiques qui caractérisent trop souvent les milieux sportifs.
    La violence sexuelle prend naissance très tôt, mais on la banalise souvent. Cela prend racine à cause d'un manque d'éducation. Vous allez peut-être dire que j'enfonce le même clou, mais les bénévoles canadiens ne sont pas forcément formés pour réagir à des cas d'agression sexuelle ou de harcèlement. Cela peut commencer par une mauvaise blague dans le vestiaire, qui se perpétue quand les jeunes vieillissent. Les bénévoles ne sont pas assez formés pour réagir à ce genre de situation.
    Personnellement, j'ai la chance d'être éducateur physique et directeur adjoint d'une école. J'ai donc été formé et je suis outillé pour répondre à ce genre de situations, sans aller jusqu'à dire que je suis à l'aise dans de tels cas. Par contre, si le métier d'un bénévole est directeur d'usine, sa qualité première n'est pas d'intervenir dans les cas d'agression sexuelle ou de harcèlement, sans compter qu'il n'a peut-être pas non plus la lentille requise pour les repérer.
    Pour combattre la toxicité, il faut faire un ménage en haut lieu, mais il ne faut pas négliger la formation et l'aide à apporter aux bénévoles et aux associations locales.
    À la suite de tous ces cas de mauvais traitement de très jeunes athlètes dans le milieu sportif, la ministre des Sports a été interpelée à de nombreuses reprises par plusieurs intervenants du milieu qui demandent un changement de culture.
    Étant donné la toxicité de la situation actuelle, qu'attendez-vous de la part de la ministre et des élus fédéraux que nous sommes?
     Je vous remercie de votre question.
    Mon désir, c'est qu'une solution soit trouvée. On doit travailler en collaboration avec les provinces. Tantôt, Mme Lafrenière a mentionné, de façon éloquente, qu'il fallait travailler en collaboration avec le milieu scolaire, puisque celui-ci est aux premières loges, et avec les clubs sportifs. Il faut que le Canada ait sa propre façon de faire les choses.
     Le Comité a, à juste titre, beaucoup parlé de ce qui s'est passé dans le sport de haut niveau. Le fédéral s'intéresse beaucoup aux élites sportives ou aux équipes nationales, ce qui est tout à fait normal. Cependant, il faut garder en tête que les mauvais traitements et le harcèlement ont pris naissance quelque part. Si on veut arriver à un résultat complet, je pense qu'il faut s'attarder à toutes les étapes de la « fabrication » d'un athlète, dès l'âge de 5, 6 ou 7 ans, au moment où l'enfant prend plaisir à explorer un nouveau sport, jusqu'au moment où il devient un sportif d'élite, vers l'âge de 25 ou 30 ans.
     En ce sens, que pensez-vous du Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport? Possède-t-il ce qu'il faut pour mener des enquêtes indépendantes? Croyez-vous que les athlètes font confiance à ce système?
    Ce bureau n'a aucun pouvoir de contrainte, mais il est financé directement par Sport Canada, qui a laissé tomber plusieurs athlètes à maintes reprises. Si l'on veut redonner confiance aux athlètes, devrait-on faire les choses différemment?
    Selon moi, Mmes McCormack et Da Silva Rondeau ont très bien expliqué les problèmes vécus avec ITP Sport et Sport Law. Elles ont aussi très bien expliqué l'échec subi par Sport Canada.
    Je pense qu'il doit y avoir au Canada ou dans les provinces un organisme indépendant pour traiter les plaintes, ainsi que les cas de mauvais traitements et de harcèlement. Il doit exister un lieu en lequel nos athlètes, nos parents et nos entraîneurs — parce qu'il y a aussi des victimes parmi ces derniers — peuvent avoir confiance.
    Compte tenu des échecs essuyés par Sport Canada, le Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport a-t-il encore la confiance des gens présentement? Je ne pourrais pas vous le dire ou l'affirmer hors de tout doute.
    Vous êtes un entraîneur au niveau local. Or, si je ne m'abuse, le Bureau ne s'occupe que des athlètes de haut niveau, ce qui veut donc dire que toute une catégorie d'athlètes pourraient subir des mauvais traitements, mais ne pas obtenir l'aide du Bureau parce qu'ils ne répondent pas aux critères.
    Au Québec, on peut s'adresser à Sport'Aide, qui offre du soutien au niveau local. J'ai dirigé des personnes vers cet organisme, qui gagne à être connu et qui l'est d'ailleurs de plus en plus. Il faudrait un équivalent dans toutes les provinces et tous les territoires. Ce serait peut-être l'équivalent du Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport, en lien avec son indépendance au niveau national.
     Je pense que c'est Mme Vandenbeld qui expliquait tantôt qu'il serait fondamental que les athlètes puissent aussi être accompagnés dans le processus. Quand on dépose une plainte, on peut facilement se perdre dans un dédale administratif. Or, être accompagné dans le processus est vraiment un avantage. Je pense que Mme Da Silva Rondeau a elle aussi mentionné qu'on pouvait se perdre assez facilement dans toutes les politiques.
    Quand vous parlez des athlètes, vous utilisez beaucoup le mot « indépendance » pour parler de cette commission d'enquête, indépendante. C'est un peu comme ce que nous avons vu dans le cas du dopage au Canada. Il faut faire enquête sur les nombreux cas qu'il y a eu.
    Comme Mme Lafrenière l'a très bien expliqué tantôt, la Commission d'enquête sur le recours aux drogues et aux pratiques interdites pour améliorer la performance athlétique, créée dans la foulée de l'affaire Ben Johnson, a fait du Canada un chef de file en matière de lutte antidopage. Nous avons même ici, au Canada, le siège social de l'Agence mondiale antidopage.
    Si nous voulons obtenir des résultats, il faut procéder à une rigoureuse et vaste introspection sur le sport amateur canadien, à tous les niveaux. Cela va être douloureux, à mon avis. Nous allons apprendre des choses désagréables. Nous allons voir des lacunes. Nous en voyons déjà plusieurs. Cependant, je pense que c'est quelque chose qui doit être fait.

  (1720)  

[Traduction]

     Excellent.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de Leah Gazan pour six minutes.
    Merci beaucoup.
    Mes premières questions s'adressent à Mme Lafrenière.
    Excusez mon ignorance, mais j'essaie simplement de comprendre. Vous avez parlé de la certification des entraîneurs. Comment obtiennent-ils leur permis actuellement? Par l'entremise de l'administration provinciale?
    L'octroi de permis est d'un autre ordre. Un permis est un permis d'exercice. C'est un processus différent qui n'existe pas à proprement parler. Mais cela existe dans certains sports.
    Concernant l'éducation, je vais utiliser l'analogie des médecins. Ils vont à l'Université McGill et obtiennent leur diplôme en médecine, mais ils doivent ensuite obtenir le permis d'exercer en raison de la réglementation de la profession.
    Je vois.
     Si on leur retire le permis d'exercice, ils ne perdent pas le diplôme de McGill, mais ils ne peuvent plus exercer, et c'est ce qui nous manque.
    C'est là que je veux en venir. Je suis enseignante de formation. Pour devenir enseignante... Vous avez beaucoup parlé de normes professionnelles et de mesures comme la vérification du registre des antécédents, par exemple, et l'inscription à certains cours pour pouvoir faire son travail. Ce sont des choses qui... J'utilise l'enseignement comme exemple parce que nous travaillons avec des enfants, avec beaucoup d'enfants vulnérables et appartenant à divers milieux. Nous avons certaines exigences en matière d'éducation, mais aussi des normes professionnelles qui relèvent d'un organisme indépendant. Vous avez donné l'exemple d'un médecin, et j'utiliserais les systèmes d'éducation provinciaux.
     D'après vous, s'il existait un office de délivrance de permis indépendant, cela aiderait‑il à garantir une meilleure surveillance et une meilleure réglementation des sports?
     Oui. Et il y a bien des moyens de le faire. Un office de délivrance de permis réglementerait effectivement l'aptitude à exercer pour tous les participants.
    Quand je parle de normes professionnelles, je parle de ce qui définit le comportement. Les prédateurs sont très doués pour manipuler les gens et leur faire croire qu'ils sont les meilleurs dans leur domaine, qu'ils sont des piliers de la collectivité, et c'est ensuite qu'il y a des nuances de gris. Ils manipulent les gardiens, obtiennent lepasse-partout du pavillon, trompent les membres du conseil d'administration et les aveuglent: « Mais non, non, il est comme ça. Il adore faire X. » C'est ainsi qu'agissent les prédateurs. Ils repoussent lentement les limites.
    Il nous faut des limites claires. Quand il y a des normes professionnelles, le signal d'alarme se déclenche beaucoup plus rapidement. L'octroi de permis est effectivement un moyen d'y arriver.

  (1725)  

    Je vous remercie de ces précisions, parce que j'y réfléchissais justement. Il semble y avoir constamment des cas de conflit d'intérêts. Nous sommes devant un conflit d'intérêts massif à tous les niveaux.
    Tous ceux qui ont témoigné aujourd'hui ont parlé de la nécessité d'une enquête judiciaire nationale. Une enquête judiciaire nationale serait-elle utile, par exemple, pour ce dont nous venons de discuter? Je parle de l'octroi de permis et de la possibilité de procéder à une analyse plus approfondie pour déconstruire un système qui est clairement dangereux et en faire un système sûr.
    À votre avis, une enquête judiciaire nationale serait-elle utile à cet égard et, dans l'affirmative, en quoi?
    Je vais vous donner un exemple concret.
    Dans le scandale du dopage de Ben Johnson — et il y en a eu d'autres —, tout le monde se connaissait. Ils étaient tous en étroite relation. Ils se connaissaient tous. C'était ou bien « Oh, non, cette personne ne ferait pas ça » ou bien la loi du silence. C'était l'un ou l'autre, mais l'enquête a permis de voir clair, de dénoncer ce genre de comportement comme norme acceptable et de créer l'organisme indépendant chargé de faire un suivi et de faire enquête sur le dopage.
    Donc, oui, une enquête nationale serait utile, parce qu'elle éliminerait ce que vous avez bien décrit, à savoir les liens de familiarité de tous avec tous, qui nous rendent aveugles dans le sport et qui nous font dire: « Voyons donc, c'est une bonne personne. Elle ne ferait jamais ça. » Eh bien, c'est ainsi que les prédateurs fonctionnent. Ils se dissimulent sous les apparences d'une bonne personne.
    Oui, et il n'y a aucune mesure. Il n'y a pas de surveillance impartiale. Cela ressemble à la série Le Château de cartes. Ne trouvez-vous pas? Si l'un est pris, beaucoup d'autres personnes sont en cause, et tout le monde se protège. C'est ce que j'entends constamment.
    Oui. Quant à savoir s'ils s'en rendent même compte, c'est une autre histoire, parce que les prédateurs manipulent tout le monde autour d'eux.
    Oui.
    C'est un processus malsain, et c'est pourquoi nous devons établir des normes professionnelles dans le sport. C'est la seule façon d'empêcher les prédateurs d'y entrer.
    Merci beaucoup, madame Gazan.
    J'ai deux ou trois questions — je m'adresse au Comité — puis je partagerai le reste de mon temps avec Mme Ferreri. Est‑ce que tout le monde est d'accord?
    Des députés: D'accord.
    La présidente: Madame Lafrenière, j'essaie de comprendre le processus de certification nationale des entraîneurs. Une partie de votre travail consiste à donner de la formation sur la sécurité dans le sport. C'est bien cela?
     J'ai essayé de trouver de l'information en ligne. Quand je fais des recherches, j'aime aller voir ce que je peux trouver en ligne. J'ai essayé de voir si je pouvais devenir entraîneur. Il s'agit essentiellement de suivre une formation en ligne sur la sécurité dans le sport. C'est bien cela?
    Il y en a beaucoup. Il y a des ateliers en présentiel sur la façon de prendre des décisions éthiques. En ligne, ces ateliers sont synchrones — autrement dit, il y a une personne en ligne avec vous — ou asynchrones. Vous pouvez les trouver.
    Excellent.
    La COVID‑19 nous a vraiment poussés vers l'apprentissage en ligne.
    Oui. Merci beaucoup.
    J'ai siégé au comité du patrimoine avec quelques-uns de mes collègues ici présents. Le scandale de Hockey Canada a vraiment ouvert des portes et suscité des réflexions sur la façon dont tout le monde est lié, ce qui m'amène à parler de l'association des entraîneurs.
    À l'heure actuelle, le président de votre conseil d'administration est associé à Hockey Canada. N'est‑ce pas?
     Il a été vice-président de Hockey Canada jusqu'en 2018 environ.
    Est‑il toujours associé à Hockey Canada?
    À ma connaissance, il n'y est plus associé. Il est tout à fait possible qu'il travaille sous contrat, mais il n'est pas employé par Hockey Canada.
    Je ne sais rien de ce monsieur, et il est peut-être le meilleur de tous, mais il y a clairement toutes ces relations et cet enchevêtrement complexe de liens, comme en ont témoigné beaucoup de nos athlètes. J'ai parlé à beaucoup de gens qui disent aussi protéger les leurs. C'est ce qu'ils font. Ils protègent leur famille. Le sport est souvent synonyme de famille. Vous n'allez pas dénoncer vos frères et sœurs du sport. Vous allez les protéger.
    C'est une des choses qui me préoccupent dans ces organisations. Je me demande si Gymnastique Canada — qui fait l'objet de centaines de plaintes — fait partie du programme de sécurité dans le sport. Le groupe de bobsleigh dont nous entendons parler en fait‑il partie? Est‑ce que les cadres de ces conseils enseignent ces choses? Allons-nous finalement changer les choses?
    J'invite Mme Ferreri à poursuivre.
    Merci beaucoup de ces précisions.

  (1730)  

    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins de leur présence.
    Madame Lafrenière, j'aimerais en savoir plus sur la partie « non obligatoire » et sur la façon dont vous adoptez des règlements. On demande une enquête judiciaire nationale, mais je pense qu'il est vraiment important d'en savoir plus sur le protocole de l'association des entraîneurs.
    À quelle fréquence faut‑il renouveler la certification ou la formation?
    Ce serait plutôt le maintien de la certification. C'est exigé tous les quatre ans.
    On peut passer quatre ans sans avoir d'autres mises à jour.
    Oui. Les autorités sportives peuvent ajouter des exigences et du perfectionnement professionnel. Le maintien de la certification est une exigence supplémentaire. Il ne s'agit pas de reprendre tout le contenu du programme d'études donnant droit au titre.
    À l'instar d'une profession réglementée, ils doivent maintenir leur titre professionnel au sein de leur profession, ce qui suppose non pas de reprendre leur programme d'études universitaires, mais plutôt d'améliorer leurs connaissances.
    Qui veille à ce que ce soit fait?
    Nous avons une base de données nationale. Si quelqu'un ne fait pas le nécessaire pour être recertifié, le relevé d'études indique qu'il y a bien eu certification, mais qu'elle n'a pas été renouvelée.
    Comme vous l'avez dit tout à l'heure, ce n'est pas obligatoire, de sorte que beaucoup de gens ne sont pas certifiés.
    En effet.
    Si quelqu'un veut signaler un cas de mauvais traitement, quelle est la procédure?
    Nous sommes l'organisme scolaire, de sorte que, même si nous recevons des plaintes, nous n'avons pas le pouvoir de faire quoi que ce soit dans le cadre du programme d'éducation. Nous essayons de diriger les gens vers l'organisation responsable pour qu'on s'occupe d'eux.
    Si une plainte est déposée contre un entraîneur professionnel ou un entraîneur professionnel agréé, nous essayons d'enquêter pour voir si nous devons lui retirer son titre, mais c'est en train de changer avec le BCIS.
    Merci beaucoup.
    Cela nous ramène au remarquable commentaire de M. Lemay au sujet de la surveillance des gardiens.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Revenons à Mme Sudds.
    Vous avez cinq minutes, madame.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais adresser mes questions à Mme Lafrenière.
    Tout d'abord, je veux m'assurer de bien comprendre votre participation — ou pas — au Bureau du commissaire à l'intégrité du sport jusqu'ici.
    Nous sommes tenus de nous conformer aux conditions de l'accord de contribution. Nous avons examiné toutes nos politiques et nous signerons officiellement le 20 janvier.
    Quel rôle ces conditions et la création du BCIS joueront-elles dans l'évolution à venir de votre organisation? Quelle incidence cela a‑t‑il sur vous?
     Pour nous, c'est un bon processus qui prévoit la création d'un organisme qui nous permettra de savoir, en cas de plainte, s'il s'agit d'un entraîneur enregistré. C'est un très grand pas en avant.
    Nous n'employons pas les entraîneurs. Nous les formons, nous les sélectionnons et nous les enregistrons, et c'est à ce titre que nous pouvons priver un entraîneur de son statut « en règle ». Très peu d'entraîneurs suivent ce processus. Ce sont surtout les entraîneurs des grands Jeux.
     Je suis favorable à la création du BCIS. Même si ce n'est pas parfait, comme l'ont dit nos athlètes, c'est un pas dans la bonne direction, et nous avons besoin d'une mesure provisoire pour au moins progresser et nous donner une certaine indépendance par rapport aux fédérations nationales pour entendre les enquêtes ou les plaintes.

  (1735)  

    Super.
    Votre organisation a‑t‑elle actuellement un registre des entraîneurs?
    Nous n'avons pas de registre des entraîneurs. Nous avons des entraîneurs professionnels agréés, et nous faisons une sélection a posteriori des entraîneurs qui vont aux Jeux olympiques, aux Jeux paralympiques, aux Jeux du Commonwealth, aux Jeux panaméricains et à certains championnats nationaux. Cette sélection est exigée dans certains sports. Il doit y avoir sélection, formation obligatoire à la sécurité dans le sport, vérification des antécédents judiciaires et deux bonnes références avant que nous puissions donner le feu vert au Comité olympique ou à la Fédération nationale du sport.
    Mais ce processus n'est pas largement appliqué. Cela concerne peut-être 1 000 entraîneurs. Je tiens à être très transparente à ce sujet.
    Pourquoi n'est‑il pas largement utilisé? J'aimerais comprendre.
    C'est parce que nous n'avons jamais eu l'appui de nos partenaires pour créer un registre. Une profession est habituellement réglementée au niveau provincial, et il est très difficile d'obtenir un registre national compte tenu de la complexité de la réglementation provinciale ou territoriale.
    Très intéressant.
    Voici peut-être ma dernière question à ce sujet. À mesure que progresse le projet de BCIS, quelles mesures prévoyez-vous en cas de plainte contre un entraîneur? Quel serait le résultat ou à quoi cela ressemblerait‑il?
    Si nous sommes informés, si nous recevons la décision finale et que le processus d'appel a été épuisé — car c'est une question de diligence raisonnable — et s'il s'agit d'un de nos entraîneurs professionnels agréés ou d'un entraîneur enregistré, nous lui retirerons son statut d'entraîneur « en règle ».
    La greffière m'informe que nous devrons mettre fin à cette discussion très bientôt. Il nous reste trois minutes.
    Madame Larouche, vous avez une minute. Madame Gazan, vous avez une minute, puis ce sera terminé.
    Allez‑y, madame Larouche.

[Français]

    Monsieur Lemay, le gouvernement fédéral revoit actuellement sa politique en matière de sport. Nous avons évoqué d'autres choses que le gouvernement fédéral pourrait faire.
    Comme représentants d'entités plus locales, vous et vos collègues avez-vous été interpellés au sujet de cette politique, que la ministre doit présenter en février? Avez-vous eu votre mot à dire?
    Non, pas à ma connaissance. Je n'ai entendu parler d'aucune association locale qui ait été interpellée à ce sujet, et je suis tout de même impliqué dans plusieurs sports.
    À ce sujet, je me permettrai de dire ceci: si on veut obtenir un certain succès au Canada, et je pense qu'on a tous les moyens pour y arriver, il faut travailler de concert. Il faudrait peut-être ne pas présenter la politique en février, mais plutôt prendre le temps de consulter nos collègues des provinces et des territoires pour déterminer ce qui peut être fait en équipe.
    Encore une fois, merci, monsieur Lemay.
    Je tiens également à vous remercier d'avoir soulevé la question de l'équipe nationale de handball féminin: ces filles sont venues m'interpeller à mon bureau pour dénoncer leur manque de financement.
     Dans le monde du sport, il y a une réelle inégalité entre différentes associations sportives. Je pense que si on veut opérer un réel changement de culture et redonner aux sportives et aux filles leur place dans différents sports, il faudra se pencher sur cette question des inégalités entre les différents sports au Canada.
    Absolument.

[Traduction]

    Parfait. Merci beaucoup.
    Madame Gazan, c'est votre dernière minute de questions. Vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    Ma dernière question s'adresse à Mme Lafrenière. Je trouve cela troublant. Vous donnez de la formation aux entraîneurs. Il semble que la plus grande partie se fasse en ligne. Si les entraîneurs sont reconnus coupables d'infraction, ils sont rayés de la liste, mais nous avons entendu beaucoup de témoignages qui indiquent très clairement que ce n'est pas le cas. Ce n'est pas ce qui se passe, et les entraîneurs, comme nous l'ont dit des témoins avant vous, continuent d'entraîner des athlètes malgré de graves allégations de mauvais traitements.
     Comme je n'ai malheureusement pas de temps, je vais vous demander de répondre par oui ou par non. Pensez-vous que le système actuel protège les enfants contre les entraîneurs qui les maltraitent?
     Non.
    Merci.
    Je ne pense pas que nous aurions pu terminer plus radicalement que cela. Wow.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier François Lemay et Mme Lafrenière. Merci beaucoup d'avoir apporté la vérité et vos expériences ici aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Je rappelle aux membres du Comité que nous nous réunirons à 11 heures lundi matin.
    La séance est levée.
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