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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 080 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Français]

    Conformément au paragraphe 108(3) du Règlement, nous poursuivons l'étude sur la mise en oeuvre intégrale de la Loi sur les langues officielles dans le système de justice canadien.
    C'est avec plaisir que nous recevons cet après-midi M. Marco Mendicino, qui est secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada, ainsi que M. Sacha Baharmand et M. Stephen Zaluski.
    Messieurs, merci beaucoup de comparaître devant nous aujourd'hui.
    J'imagine que vous connaissez les règles du jeu. Vous disposez d'une dizaine de minutes pour faire votre exposé. Par la suite, nous ferons un tour de table pour entendre les questions et les commentaires des membres du Comité.
    Monsieur Mendicino, vous avez la parole.
    Chers collègues, c'est avec plaisir que je suis ici aujourd'hui.
    Permettez-moi de commencer en disant que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes ont droit à un accès juste et équitable au système judiciaire. Ce dernier devrait pouvoir répondre à leurs besoins dans la langue officielle de leur choix.
    Le droit d'avoir accès à la justice dans les deux langues officielles est d'une importance primordiale. Aujourd'hui, j'aimerais faire le point sur les progrès importants réalisés par notre gouvernement afin de promouvoir ce droit.

[Traduction]

    Permettez-moi de dire, d’emblée, que je suis fier du travail que la ministre et notre gouvernement ont accompli à ce jour. Nous avons réalisé des progrès importants depuis notre arrivée au pouvoir pour ce qui est de renouveler le processus de nomination des juges, de hausser le nombre de juges bilingues dans nos tribunaux, de tenir de meilleures statistiques et d’accroître notre transparence pour pouvoir faire le suivi de nos progrès, ainsi que d’offrir une meilleure formation à tous les acteurs du système de justice en vue de rehausser le bilinguisme dans nos tribunaux.
    Faisant fond sur ces initiatives, notre gouvernement a annoncé un nouveau plan d’action ayant pour objectif de renforcer le bilinguisme des cours supérieures au Canada. Ce plan d’action, présenté par la ministre de la Justice le 25 septembre 2017, s’articule autour de sept stratégies principales.
    Premièrement, dans le cadre du nouveau processus de nominations de juges amorcé en octobre 2016, les candidats sont tenus de remplir un questionnaire exhaustif dans lequel ils doivent préciser si, sans suivre de formations supplémentaires, ils sont capables, tant en anglais qu’en français, de lire et de comprendre des documents de la cour, de discuter de questions juridiques avec leurs collègues, de s’entretenir avec les avocats en cour et de comprendre les présentations orales.
    En outre, le plan d’action exige maintenant des candidats qui s’identifient comme étant bilingues de répondre à deux questions supplémentaires, nommément: « Pouvez-vous présider un procès dans l’autre langue officielle? »; et « Pouvez-vous rédiger une décision dans l’autre langue officielle? »
    En outre, nous avons rehaussé le niveau de transparence en encourageant le commissaire à la magistrature fédérale à communiquer les parties du questionnaire qui portent sur le bilinguisme et les aptitudes en langues officielles.

[Français]

    Le plan d'action propose aux comités consultatifs à la magistrature et au commissaire à la magistrature fédérale des mesures qu'ils devraient adopter pour améliorer l'information recueillie dans les questionnaires de candidature, renforcer l'évaluation des compétences en langue seconde des candidats et accroître l'information sur la capacité linguistique.
    La deuxième stratégie introduite par le plan d'action concerne le commissaire à la magistrature fédérale. Le commissaire continuera de jouer son rôle premier, qui consiste à appuyer les comités consultatifs à la magistrature, en plus de gérer le processus de nomination au nom de la ministre de la Justice.
    Quant au plan d'action, le commissaire à la magistrature fédérale aura désormais le mandat d'effectuer des évaluations linguistiques ou d'exécuter des vérifications aléatoires des candidats.
    Le commissaire aura aussi à formuler des recommandations à l'intention de la ministre de la Justice concernant un outil d'évaluation linguistique objectif, toujours dans le but de renforcer le processus de nomination.
    Troisièmement, le commissaire examinera le programme actuel de formation linguistique pour les juges, y compris l'amélioration de la composante pratique axée sur la compétence linguistique en salle d'audience.

  (1540)  

[Traduction]

     Quatrièmement, dans l’optique de mieux mettre en oeuvre les mesures énoncées dans le plan d’action, la ministre a demandé au commissaire de faire en sorte que ses comités consultatifs à la magistrature aient accès à la formation et à l’information sur les droits linguistiques des avocats plaidants.
    Cinquièmement, la ministre a aussi demandé au Conseil canadien de la magistrature d’élaborer un programme de formation sur les droits linguistiques des avocats plaidants, qui sera offert aux juges par l’Institut national de la magistrature.
    La sixième stratégie appelle le ministère de la Justice à travailler avec l’ensemble des administrations, ainsi que des tribunaux, à trouver les moyens d’évaluer le bilinguisme des cours supérieures. Le gouvernement croit ici que les juges en chef restent les mieux placés pour informer la ministre des besoins de leurs tribunaux, et c’est la raison pour laquelle elle entretient avec eux et ses homologues provinciaux un dialogue constructif.

[Français]

    Septièmement et finalement, le gouvernement s'engage aussi à consulter les provinces et les territoires afin de mieux cerner et comprendre leurs besoins et de collaborer avec eux.
    Cette initiative exigera également une collaboration avec les ONG qui sauront nous présenter les défis auxquels font face les justiciables issus des communautés de langue officielle en situation minoritaire qui exigent un accès égal au système de justice.

[Traduction]

     De concert avec les efforts précédents de notre gouvernement en vue de rehausser le bilinguisme de nos cours supérieures, nous croyons, monsieur le président, que ces sept stratégies du plan d’action fonctionnent et que les résultats sont éloquents.
    Les statistiques les plus récentes du commissaire à la magistrature fédérale révèlent qu’entre octobre 2016 et 2017, on avait reçu 997 candidatures à la cour supérieure. De ce nombre, 300 candidats avaient affirmé posséder les quatre aptitudes en langues officielles dans leur questionnaire. Plus important encore, 24 des 74 juges nommés ont dit posséder les quatre aptitudes, si bien qu’un bon tiers de tous les nouveaux juges nommés aux cours supérieures pendant la dernière année son bilingues. Les résultats sont considérablement plus marqués dans les administrations où le bilinguisme est prioritaire, comme dans le nord-est de l’Ontario — 71 % — et à Montréal, où 100 % des juges nommés au cours de la dernière année étaient bilingues.
    En outre, monsieur le président, prenez pour exemple la nouvelle juge en chef de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, Mary Moreau, qui a participé à de nombreuses causes marquantes concernant les droits linguistiques avant d’être nommée juge et qui a, depuis, contribué à une publication de la Cour sur les droits linguistiques des accusés.
    Comme vous pouvez le voir, on a accompli de nombreuses choses, mais il reste du travail à faire. Avec l’aide du Comité et des discussions sérieuses, nous y arriverons.

[Français]

    En conclusion, le plan d'action propose de nouvelles mesures importantes dans les domaines de la collecte d'information, de la formation et de la collaboration concertée entre de nombreux intervenants. Nous sommes heureux du fait que ce plan répond aussi à de nombreuses recommandations de l'étude de 2013 du commissaire fédéral aux langues officielles effectuée en partenariat avec ses homologues de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

    Nous nous réjouissons à la perspective de lire votre rapport et nous vous savons gré de l’étude diligente que vous menez. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup de cette excellente présentation, monsieur Mendicino.
    Nous allons commencer le tour de table par M. Bernard Généreux.
    Merci aux trois témoins d'être ici aujourd'hui.
    Nous avons entrepris cette étude il y a quand même un certain temps. Beaucoup de témoins sont venus nous dire qu'il manquait de l'argent pour tout ce qui a trait à la transmission de l'information et à la formation, particulièrement celle des juges, mais aussi celle du personnel des cours.
    Dans votre plan, avez-vous prévu assigner des sommes d'argent à la formation des greffiers, par exemple, ou de tous ceux qui font partie de l'appareil judiciaire interne?

  (1545)  

    Je veux remercier mon collègue de sa question. C'est tellement important d'avoir les ressources et les fonds nécessaires pour progresser et atteindre l'objectif de l'accès à la justice dans les deux langues officielles.

[Traduction]

    Ce que je peux dire à mon honorable collègue, c’est que dans le plan d’action actuel, nous disposons d’une enveloppe de 40 millions de dollars sur cinq ans. Cette enveloppe couvre deux piliers. Le premier vise à informer, tandis que l’autre vise à offrir de la formation à tous les acteurs du système de justice.
    Je veux assurer à mon collègue qu’à ces deux égards, le gouvernement travaille étroitement avec nos homologues provinciaux et territoriaux pour veiller à ce qu’ils disposent des ressources et du soutien nécessaires pour améliorer l’accès à la justice de façon à ce que quiconque se présente devant les tribunaux puisse bénéficier de services dans la langue de son choix.

[Français]

    Un montant de 40 millions de dollars sur cinq ans, cela fait 8 millions de dollars par année pour l'ensemble des provinces. Il me semble que ce n'est pas beaucoup d'argent pour former l'ensemble du personnel afin que les gens aient accès à la justice dans les deux langues partout au Canada. Je trouve que c'est très peu.
    Ma question suivante, tout aussi importante, concerne l'autoévaluation. Le tableau 6 du rapport que nous avons reçu de la Bibliothèque du Parlement indique des statistiques linguistiques. Parmi les 997 personnes qui ont posé leur candidature, 300 possédaient les quatre aptitudes requises. J'imagine que ces résultats ne proviennent pas des autoévaluations. On sait que les gens qui veulent devenir juges doivent, à un certain moment, s'évaluer eux-mêmes. Cependant, on nous a dit à plusieurs reprises que l'autoévaluation n'était pas une bonne façon de procéder. L'évaluation devrait être très définie et contenir des critères très précis. Pour ma part, si je m'évaluais moi-même pour déterminer mon niveau de bilinguisme, je m'octroierais probablement un résultat de 9/10, mais cela ne signifierait pas pour autant que ce serait conforme à la réalité.
    En ce qui concerne les investissements actuels et futurs, nous invitons présentement nos partenaires des provinces à fournir des soumissions.

[Traduction]

    Nous sommes résolus à étudier ces soumissions alors que nous planifions nos investissements futurs pour améliorer et renforcer le bilinguisme dans nos tribunaux.
    Pour ce qui concerne la question de savoir si les candidats s’autoévaluent, il est clair que, dans le cadre de notre nouveau processus de nomination des juges de la dernière année, le questionnaire donne aux candidats la possibilité de s’identifier comme étant bilingues ou ayant la capacité de communiquer dans les deux langues officielles. Je l’ai mentionné dans mes remarques. Les statistiques que j’ai fournies ont mis en lumière le nombre de personnes qui ont répondu aux quatre critères, que nous utilisons principalement pour déterminer si quelqu’un possède des aptitudes suffisantes dans les deux langues officielles, de façon à pouvoir dire avec certitude qu’ils sont bilingues lorsque nous les nommons juges.

[Français]

    En tant que gouvernement et ministère de la Justice, à partir de quand êtes-vous en mesure d'évaluer vraiment les renseignements fournis par les personnes lors des autoévaluations?
    Il faut coopérer avec le commissaire, d'une part, mais également avec les comités consultatifs, d'autre part.

[Traduction]

    Nous travaillons très étroitement avec les comités consultatifs à la magistrature et le commissaire à la magistrature fédérale pour nous assurer qu’on procède à des vérifications ponctuelles de l’exactitude des réponses fournies dans les questionnaires. Nous cherchons à déterminer si les réponses données sont parallèles aux résultats de l’examen mené par les comités consultatifs à la magistrature.
    La vérification ne s’arrête pas avec leur nomination. Nous avons travaillé en très étroite collaboration avec le commissaire pour encourager d’autres vérifications ponctuelles et formations. J’y ai fait allusion pendant mes remarques. Nous espérons qu'on élaborera de nouveaux outils d’évaluation qui gravitent autour des niveaux de compétence linguistique pour que ceux-ci restent très élevés.

  (1550)  

    Merci.

[Français]

    Merci.
    Madame Lapointe, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à tous. C'est avec grand plaisir que nous vous recevons aujourd'hui.
    Monsieur Mendicino, vous avez dit plus tôt que des fonds étaient destinés à l'information, ce qui comprend sûrement la traduction, ainsi qu'à la formation des personnes ayant fait l'objet d'une nomination. Vous avez dit également que vous travailliez de concert avec les provinces. À ce sujet, j'aimerais savoir ce que fait le gouvernement fédéral pour favoriser l'accès à la justice en anglais au Québec.
    Premièrement, notre ministre et la ministre de la Justice du Québec entretiennent une bonne relation. Le dialogue est toujours constructif, particulièrement en ce qui concerne l'amélioration de l'accès à la justice dans les deux langues officielles dans les cours supérieures.

[Traduction]

    En outre, nous travaillons en permanence avec un certain nombre d’associations dont l’objectif et le mandat sont de vraiment faire en sorte que les droits des minorités linguistiques soient respectés où que vous soyez au Canada. Si cela signifie qu’il faut assurer un meilleur accès aux services en français dans certaines parties de l’Ontario — et je sais que mon collègue M. Lefebvre pourrait parler avec passion de son expérience personnelle à ce sujet — nous sommes disposés à faire ces investissements. Il en irait de même pour le Québec.
    Comme je l’ai mentionné, nous voyons ces investissements porter fruits. Nous voyons qu’à Montréal, 100 % des juges nommés sont vraiment bilingues. Je pense que tous les membres du Comité peuvent y voir les preuves concrètes de nos progrès pour rehausser l’accès à la justice dans nos cours supérieures.

[Français]

    Merci.
    Comme le disait notre collègue un peu plus tôt, nous avons commencé cette étude il y a quelque temps. Nous avons entendu dire à quelques reprises que certaines personnes avaient de la difficulté à avoir accès à des services en anglais dans les centres correctionnels du Québec.
    Est-ce que cela a été porté à votre attention?

[Traduction]

    Je suis conscient du fait qu’on ait soulevé cette préoccupation. Manifestement, nous travaillerions en très étroite collaboration avec le ministre Goodale et son ministère pour nous assurer que ce n’est pas que Sécurité publique, mais bien toutes les institutions et directions générales qui honorent leur engagement à l’égard de la Charte, soit celui de veiller à ce que chaque personne puisse avoir accès à l’ensemble des institutions fédérales dans la langue officielle de son choix.
    J’ignore si un des mes savants collègues aimerait ajouter des détails à ce que je viens de dire, mais on m’a dit que c’est une préoccupation qui avait été soulevée.

[Français]

    Le ministère travaille activement en vue de fournir l'accès à la justice à la communauté d'expression anglaise au Québec. Le ministère verse environ 1 million de dollars par année à des projets d'amplitude variée, notamment à Éducaloi, au Centre Paul-André Crépeau de droit privé et comparé, ainsi qu'au Quebec Community Groups Network. Le ministère a récemment accordé un financement d'environ 140 000 $ au Quebec Community Groups Network pour qu'il travaille avec la nouvelle Association des juristes d'expression anglaise du Québec justement en vue d'organiser un grand forum permettant de dresser le portrait de la communauté quant à l'accès de la population d'expression anglaise à la justice en anglais. Ce sommet devrait avoir lieu au mois de mars prochain. Évidemment, cela va certainement permettre d'informer les gens sur les orientations du ministère pour 2018-2023.
    Merci beaucoup. Je suis heureuse d'entendre cela.
    Plus tôt, nous avons parlé des juges et du fait qu'il y avait eu de nombreuses candidatures. En fait, presque 1 000 personnes ont posé leur candidature et 300 d'entre elles auraient les quatre aptitudes linguistiques nécessaires.
    Avez-vous prévu des moyens de vous assurer du niveau de bilinguisme de ces candidats? Est-ce que vous comptez faire une évaluation à cet égard?
    Je pense que oui.

[Traduction]

    Tout à fait. Nous voulons continuer de disposer des outils d’évaluation pour nous assurer que les personnes qui se disent bilingues ont vraiment ce niveau de compétences linguistiques. Je l’ai déjà mentionné.
    Une chose que j’aimerais dire au Comité et qui, selon moi, témoigne d’un changement culturel positif, est que le nombre de personnes qui se disent capables d’offrir des services juridiques dans les deux langues officielles et qui postulent à nos cours supérieures montrent que nous réalisons de grands progrès, de grandes avancées, pour respecter les principes et les valeurs de la Charte. En effet, je pense que cela continue d’être important, si bien que ces nombres confirment des résultats positifs.

  (1555)  

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, madame Lapointe.
    Monsieur Choquette, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous trois d'être ici aujourd'hui aux fins de cette étude.
    Je vais vous lire un extrait d'une lettre que nous avons reçue:
Le rejet du projet de loi privé sur le bilinguisme des juges de la Cour suprême par les libéraux est d'autant plus étonnant et décevant que pendant la dernière campagne électorale, le premier ministre présentait le Parti libéral du Canada (PLC) comme celui du bilinguisme et que par le passé, le parti avait appuyé un projet de loi similaire.
    En fait, je devrais ajouter que cela s'est produit à trois reprises.
    Cette lettre a été signée par neuf auteurs universitaires des plus connus qui comptent parmi les plus grands spécialistes en la matière.
    Ma question fait suite à cette citation choc. Qui sont les constitutionnalistes ou experts qui vous ont dit qu'il faudrait un amendement constitutionnel pour que mon projet de loi puisse être mis en oeuvre? Pourriez-vous faire parvenir leurs observations et recommandations au Comité?
    D'abord, je remercie mon collègue de tout le travail effectué relativement à son projet de loi.
    Je sais que ce sujet vous passionne beaucoup. Il s'agit d'un objectif important pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes.
    Notre gouvernement s'est engagé à s'assurer que les Canadiens ont accès à la justice dans la langue officielle de leur choix. Les mesures prises par notre gouvernement jusqu'à maintenant, y compris la nomination récente du juge Malcolm Rowe à la Cour suprême du Canada, démontrent que notre gouvernement prend très au sérieux cette politique.
    Merci, monsieur Mendicino.
    Il ne me reste pas beaucoup de temps de parole et j'ai trois ou quatre questions à vous poser, alors j'aurais juste besoin que vous me répondiez par oui ou par non. Allez-vous faire parvenir les noms des experts constitutionnels et leurs observations au Comité?
    Je veux seulement m'assurer qu'il y a du progrès dans les nominations.
    La nomination de Malcolm Rowe, c'est très bien. La prochaine nomination va être très bien aussi, j'en suis persuadé. Là n'est pas ma question.
    Pouvez-vous faire parvenir au Comité la liste des experts ainsi que leurs observations et leurs recommandations?

[Traduction]

    Monsieur le président, je veux assurer à mon collègue que la position adoptée par le gouvernement concernant son projet de loi a été appuyée par un avis juridique qui a fait l’objet de recherches exhaustives et qui reflète la décision rendue par la Cour suprême du Canada sur le renvoi concernant le juge Nadon.
    Dans cette décision, la Cour suprême a déterminé sans équivoque que le fait de modifier la composition de la Cour, notamment et explicitement en ce qui concerne le critère d’admissibilité, est la principale raison pour laquelle nous n’avons pas été en mesure d’appuyer le projet de loi de mon collègue.

[Français]

    Monsieur Mendicino...

[Traduction]

    Cela étant dit, cela ne signifie pas que nous ne sommes pas en faveur de l’objectif. J’ai simplement fait allusion à la nomination…

[Français]

    Je comprends votre point de vue, monsieur Mendicino, et je l'appuie.

[Traduction]

    … de Malcolm Rowe pour prouver que nous réalisons des progrès.

[Français]

    Je sais que vous faites référence à l'affaire Nadon, mais la question que je vous pose est très simple: pouvez-vous faire parvenir au Comité la liste des experts et constitutionnalistes que vous avez consultés? Certains experts disent complètement le contraire de ce que vous venez de dire. Nous avons essayé de trouver vos experts et nous n'avons pas réussi. Personne n'a voulu comparaître en tant qu'expert. La personne qui a comparu a dit elle-même qu'elle était une néophyte en la matière.
    Pouvez-vous simplement envoyer au Comité les observations des experts que vous avez consultés à l'interne?
    Passons maintenant à une autre question.

[Traduction]

    D’accord.

[Français]

    Selon une belle lettre de M. Samson, votre ministère travaille présentement à une solution, à un projet de loi pour solutionner le problème.
    Je cite le paragraphe 16(1) de la Loi sur les langues officielles:
    
16 (1) Il incombe aux tribunaux fédéraux autres que la Cour suprême du Canada de veiller à ce que celui qui entend l’affaire :

a) comprenne l'anglais [...]

b) comprenne le français [...]

c) comprenne l’anglais et le français sans l’aide d’un interprète [...]
    Donc, à l'article 16, il est écrit que tous les juges doivent comprendre le français et l'anglais, à l'exception des juges de la Cour suprême. Qu'en pensez-vous?
    C'est une question très importante.
    Je sais que ce sujet fait l'objet de beaucoup de réflexions.

[Traduction]

    Encore une fois, je veux assurer à mon collègue que le gouvernement examinera tout projet de loi émanant d’un député qui est déposé aux fins de rehausser le bilinguisme dans nos tribunaux et qu’il en évaluera les mérites en se fondant sur des principes. Cependant, nous devons, bien sûr, absolument respecter les principes et les valeurs garantis par notre charte.

  (1600)  

[Français]

    Merci, monsieur Mendicino.
    J'ai une autre question à ce sujet. Allez-vous déposer votre propre projet de loi, comme le mentionne M. Samson, avant la pause hivernale?
    À ce sujet?
    Oui, sur le bilinguisme des juges de la Cour suprême.
    Allez-vous déposer votre projet de loi avant la pause hivernale? Cela presse.
    J'ai discuté du plan d'action, de tous les progrès et de toutes les mesures.
    Je parle d'un projet de loi sur le bilinguisme des juges de la Cour suprême.
    Nous sommes prêts à discuter avec vous et avec tous les membres du Comité pour considérer un projet de loi. En même temps, je veux souligner que les progrès...
    Je m'excuse de vous interrompre, mais je n'ai vraiment pas beaucoup de temps. Il ne me reste que 15 secondes. Si j'ai du temps tantôt, je vous laisserai continuer.

[Traduction]

     D’accord.

[Français]

    Le Canada n'a pas encore de commissaire aux langues officielles, mais votre ministre y travaille.
    Quelles sont les personnes qui siègent au comité de sélection de votre ministère?
    Pour...
    Pour nommer la prochaine personne qui occupera le poste de commissaire aux langues officielles. Auparavant, il y avait Kathleen Sheridan, entre autres.
    Oui.
    Qui siège présentement au comité de sélection? Pouvez-vous envoyer cette information au Comité?
    Je vais laisser mes collègues répondre à cette question technique. Si nous pouvons y répondre, nous le ferons.
    Merci beaucoup, monsieur Mendicino.
    Me reste-t-il du temps de parole, monsieur le président?
    Il ne vous reste pas de temps de parole.
    Toutefois, l'un de vous deux voudrait-il répondre à la question? Si vous ne savez pas qui siège au comité de sélection, ce n'est pas un problème. Vous pourrez toujours envoyer les noms à la greffière.
    Malheureusement, monsieur le président, je ne connais pas le nom des membres du comité de sélection.
    Merci. Dans ce cas, je vous demanderais de transmettre les noms à la greffière.
    J'aimerais dire autre chose à ce sujet.
    C'est important et je suis d'accord.

[Traduction]

    Je veux, encore une fois, vous donner du contexte. Le gouvernement a pris de nombreuses mesures pour accroître l’ouverture et la transparence du processus de nominations publiques. Je sais que c’est quelque chose que le Comité a à cœur, et je sais que lorsqu’il est question de la nomination de fonctionnaires publics importants, comme celui auquel vous faites allusion, nous sommes disposés à continuer de collaborer avec le Comité et à assurer la transparence du processus pour que tous les Canadiens puissent avoir foi en lui.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Mendicino.
    Monsieur Arseneault, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais revenir sur ce qu'a abordé M. Généreux à la fin de son intervention, soit le plan d'action, qui est doté d'un budget de 40 millions de dollars sur cinq ans. Ce plan d'action repose sur deux piliers: l'information et la formation. Est-ce bien cela?
    Oui.
    Pouvez-vous me donner une idée de ce que cela représente du point de vue de la formation d'un bout à l'autre du pays?
    Absolument.

[Traduction]

    J’ai fait allusion à l’importance pour la ministre de dialoguer avec le commissaire à la magistrature fédérale lorsqu’il est question de procéder à des vérifications ponctuelles ou à des audits des compétences en langues officielles. Nous avons aussi demandé au commissaire d’élaborer de nouveaux outils d’évaluation pour que nous puissions faire le suivi des compétences linguistiques de nos juges. Autrement dit, il nous faut élaborer de nouveaux outils pour évaluer les capacités actuelles de nos cours supérieures d’offrir des services dans les deux langues officielles.
    La ministre dialogue avec ses homologues provinciaux et territoriaux pour veiller à ce qu’ils cherchent aussi des façons d’accroître l’accès à la justice dans nos tribunaux provinciaux, là où on effectue la majeure partie du travail juridique, non dans nos cours d’appel et certainement pas dans notre Cour suprême.

[Français]

    C'est dans les cours provinciales et les cours supérieures que le gros du travail se fait.

[Traduction]

    Voilà certains exemples d’endroits où nous utilisons le financement prévu au titre du plan d’action actuel pour faire en sorte que la mesure dans laquelle les gens ont accès à la justice dans les deux langues officielles demeure très élevée.

[Français]

    Merci.
    Quelle portion de ce budget sur cinq ans sera allouée au volet de la formation? Sait-on si, pour faire ce que vous avez dit, vous aurez besoin de 10 millions de dollars, de 20 millions de dollars? Est-ce déjà décidé?

  (1605)  

[Traduction]

     J’espère que vous ne me demandez pas de communiquer des détails du prochain budget. Je pense que mon collègue le ministre des Finances
    Non…
    … pourrait trouver à redire à ce sujet.
    Nous voulons savoir.
    Des députés: Oh, oh!

[Français]

    Il y a un processus et plusieurs engagements. Nous travaillons avec tous nos partenaires et avec les acteurs du système de justice. Ils nous soumettent leurs demandes et nous font part de leurs besoins. C'est quelque chose que nous continuerons à faire.
    D'accord.
    Le commissaire aux langues officielles du Canada a déposé un rapport au Parlement concernant l'affichage simultané des versions française et anglaise des jugements des tribunaux de la famille.
    J'ai pratiqué le droit. La jurisprudence est le moteur de l'évolution de notre système juridique, du façonnement de nos lois et de l'évolution de notre société. Il faut de la jurisprudence; c'est le moteur et l'essence. Or il semble toujours y avoir des problèmes à avoir de la jurisprudence dans les deux langues officielles. C'est le cas particulièrement au Québec, mais cela arrive aussi dans d'autres provinces.
    Depuis la publication du rapport du commissaire au Parlement, le ministère de la Justice a-t-il pris des décisions relativement à cette question?
    Nos partenaires des différents secteurs de pratique du droit, incluant le droit de la famille, nous soumettent des demandes.

[Traduction]

    Parallèlement, bien des personnes ont milité en faveur d’un tribunal unifié de la famille, alors on a aussi discuté de ce sujet. Je dirais simplement que nous sommes conscients du fait que la plupart des ressources ont servi à offrir des services bilingues dans nos tribunaux pénaux et qu’il faut s’attacher davantage à nos tribunaux de la famille.
    La dernière chose que j’ajouterais est que mon père pratique le droit de la famille, alors j’en entends aussi pas mal parler à la maison.

[Français]

    Oui, en effet.

[Traduction]

    La jurisprudence est le moteur de toute évolution législative dans les sociétés. Nous devons lire les décisions antérieures pour nous assurer de pouvoir savoir comment nous allons

[Français]

évoluer en tant que société.
    Ce que je veux vraiment savoir, c'est si on a répondu directement à cela.
    Des témoins sont venus nous faire part de situations que je trouve tristes. Par exemple, un praticien anglophone du Québec n'était pas capable d'obtenir une décision dans la langue dans laquelle il avait plaidé. Ailleurs, la situation inverse se produit aussi. Par exemple, il est difficile d'obtenir une décision en français au Manitoba. On nous a dit que des avocats qui plaidaient en anglais au Québec, par exemple, ne recevaient pas de décisions en anglais. En fait, ils n'auront jamais accès à la jurisprudence dans cette langue. Conséquemment, au Canada anglais, à l'extérieur du Québec, il est impossible de suivre l'évolution du droit au Québec et l'interprétation québécoise du droit dans la langue de Shakespeare.
    Ma question était plutôt de cet ordre.
    Il s'agit d'une préoccupation légitime.
    Je crois qu'un montant de 2 millions de dollars est investi chaque année dans les services d'administration des cours. Je sais qu'il y a une demande pour que davantage de ressources soient consacrées à la traduction des décisions. C'est un aspect sur lequel nous sommes en train de travailler.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lefebvre, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je vais continuer dans le même ordre d'idées que mon collègue M. Arseneault, en ce qui a trait à la formation et à l'information.
    Souvent, quand il est question d'une cour bilingue ou d'une magistrature bilingue, on pense qu'il s'agit d'avoir un juge qui peut comprendre une cause dans les deux langues officielles. Cependant, cela va plus loin. Si le sténographe, par exemple, ou si les membres de l'équipe de gestion de la cour ne sont pas bilingues, ce sera très difficile pour les justiciables d'être entendus dans leur langue. Souvent, bien que le juge soit bilingue, si l'équipe en place ne l'est pas, cela cause de grands retards.
    Tout cela revient à la question de la formation et de la part du budget de 40 millions de dollars au cours des cinq prochaines années qui y sera consacrée. Quel est le plan en vue de répartir ces fonds de façon précise?
    Je sais que M. Arseneault en a parlé, mais j'y reviens quand même, parce que je crois que la formation est une question très importante. Il y a des collèges qui offrent une formation en justice en français. Dans ma province, en Ontario, je pense entre autres au Collège Boréal. Cette formation est offerte également au Nouveau-Brunswick et dans d'autres collèges ailleurs au Canada. Nous avons donc les ressources nécessaires.
    Quel est le plan en vue d'appuyer la formation destinée à ceux qui veulent intégrer le système judiciaire, de manière à faire progresser le plan d'action?

  (1610)  

    Vous avez raison. Il n'est pas seulement question d'augmenter la formation des juges et des avocats. Il y a beaucoup d'autres acteurs qui appuient le système de justice, tels que les facultés de droit dans les universités, et même les écoles secondaires. En effet, c'est là que cela commence. La semaine dernière, j'ai visité le secteur de Forest Hill, dans ma circonscription, et des jeunes veulent étudier le droit. Cela commence là.
    Vous voulez savoir ce qui en est du plan d'action.

[Traduction]

    Je vais aborder tous ces aspects. Il s’agira notamment d’appuyer les initiatives et la collaboration avec l’Université d’Ottawa; je sais qu’un projet est en cours là-bas. Il s’agira aussi de faire en sorte que le personnel de soutien dans les tribunaux soit en mesure de travailler dans les deux langues officielles. Le plan d'action compte de multiples facettes.

[Français]

    C'est important.
    Lorsque le plan sera déterminé plus officiellement et qu'on saura comment on va appuyer les ressources, pourrez-vous transmettre cette information au Comité?
    Mon collègue M. Baharmand va répondre à votre question.
    Merci de votre question, monsieur Lefebvre.
    Je voudrais simplement préciser un élément. Quand le secrétaire parlementaire parle de l'enveloppe de 40 millions de dollars, il s'agit de l'enveloppe actuelle, qui couvre la période de 2013 à 2018. Si on parle du prochain plan d'action, de l'initiative horizontale qu'élabore Patrimoine canadien et qui comprend un volet de justice, évidemment, nous ne pouvons pas en discuter aujourd'hui, parce que c'est encore en élaboration au cabinet.
    Cela étant dit, le ministère contribue actuellement à la formation des intervenants des tribunaux judiciaires à divers niveaux.
    Par exemple, une somme d'environ 600 000 $ par année est versée au Centre canadien de français juridique, qui est situé à Winnipeg. Il joue le rôle de partenaire des administrations provinciales et territoriales précisément en ce qui a trait à la formation de leurs avocats de la Couronne, de leurs greffiers, de leurs agents de probation, et ainsi de suite.
    Il y a aussi la mise sur pied du Réseau national de formation en justice. On tente ici d'utiliser une approche concertée. Vous avez fait allusion au Collège Boréal. Le ministère a financé ce collège au cours de la présente année financière dans le cadre d'une étude visant à cerner les besoins en matière d'interprétation juridique et de transcription judiciaire. Il y a en effet une pénurie dans ce domaine dans l'ensemble du pays. Nous étudions présentement cette situation.
    Très bien, merci.
    Je vais donner le reste de mon temps de parole à M. Vandal. Il voulait poser quelques questions.
    Merci, monsieur Lefebvre.
    Je vous remercie, monsieur Mendicino, ainsi que les gens qui vous accompagnent.
    Selon ce que vous avez dit, lorsqu'une personne qui pose sa candidature à un poste de juge déclare être bilingue, vous lui posez deux autres questions pour déterminer si elle est en effet bilingue.
    J'aimerais savoir qui détermine si un candidat est bilingue. Est-ce un comité?
    Oui.

[Traduction]

    Si les personnes se disent bilingues, on leur pose deux questions supplémentaires.

[Français]

    Premièrement, on demande au candidat s'il est capable de présider un procès dans l'autre langue officielle. Deuxièmement, on lui demande s'il est capable de rédiger une décision dans l'autre langue officielle. Les réponses à ces questions sont évaluées d'abord par le comité consultatif. Après, si le candidat est nommé juge, il y a d'autres outils d'évaluation utilisés par le commissaire.

[Traduction]

    Quel est le pourcentage de candidats soumis à une évaluation qui font ensuite l’objet de plus amples évaluations?
    Comme je l’ai mentionné, cela fait l'objet d’une collaboration continue entre la ministre, le commissaire et, évidemment, les comités consultatifs à la magistrature. Lorsqu’un candidat a été nommé juge, la ministre et le commissaire à la magistrature fédérale ont discuté de sa candidature afin d’élaborer de nouveaux outils d’évaluation pour s’assurer que son niveau de compétences dans les langues officielles et de bilinguisme reste aussi élevé que ce à quoi on s’attend pour que les Canadiens soient en mesure d’accéder à la justice dans la langue officielle de leur choix.
    En termes pratiques, cela peut se dérouler de deux façons. D’une part, on peut procéder à des vérifications ponctuelles ou à des audits, comme je l’ai déjà mentionné. D’autre part, on peut encourager la formation et l’éducation juridiques continues dans les deux langues officielles par l’intermédiaire d’acteurs comme l’Institut national de la magistrature — qui offre de la formation à tous les juges — pour faire en sorte que le niveau de bilinguisme demeure élevé.

  (1615)  

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous continuons avec M. Alupa Clarke.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Mendicino, je vous remercie d'être parmi nous cet après-midi.
    J'aimerais seulement faire un commentaire, mais soyez assuré que ce n'est pas partisan. Je ne sais trop par où commencer, mais je me lance.
    Je voudrais réitérer la demande de mon collègue du NPD, c'est-à-dire que nous aimerions obtenir le nom des experts constitutionnels qui ont conseillé votre gouvernement avant que vous en arriviez à votre prise de position sur le projet de loi C-203, si tel est le cas.
    Également, je voudrais vous dire que de nombreux politologues se sont penchés sur cette question, de même que des sociologues. C'est un grave problème qui perdure au Canada depuis 1982. M. Donald Savoie, éminent professeur à l'Université de Moncton, auteur de Governing from the Centre, l'a bien démontré. J'ai été stagiaire au bureau du premier ministre et j'ai pu voir ce processus qui est très dangereux pour la démocratie canadienne, c'est-à-dire que maintenant le pouvoir au Canada se concentre au bureau du premier ministre et au ministère de la Justice. Les deux ensemble vont évaluer tous les projets de loi pour déterminer si un de ceux-ci ou un article en particulier d'un de ceux-ci pourrait être contesté devant la Cour suprême et jugé anticonstitutionnel.
    Cette pratique se veut positive et légitime, mais le problème est que cela crée des distorsions dans les politiques publiques. On ne devrait pas se fier à l'interprétation d'avocats ou d'experts constitutionnels au sein du ministère de la Justice selon laquelle une loi pourrait être considérée anticonstitutionnelle par un juge. Nous avons le droit, en tant que législateurs, de prétendre qu'un tel projet de loi a du sens et qu'il devrait aller de l'avant, peu importe ce qu'en pensent les experts constitutionnels.
    Si cette question de constitutionnalité importe vraiment à votre gouvernement, pourquoi ne feriez-vous pas un renvoi à la Cour suprême sur la question du bilinguisme des juges? Ce serait la moindre des choses à faire pour qu'il y ait moins de distorsions dans nos politiques publiques et dans notre pouvoir législatif.
    Selon moi, la voie à privilégier serait, au contraire, que vous fassiez comme lorsque vous étiez dans l'opposition, c'est-à-dire que vous votiez en faveur de ce projet de loi et que, si jamais un problème à cet égard survenait, vous laissiez les Canadiens contester le projet de loi devant la Cour suprême et que vous laissiez les juges eux-mêmes en discuter dans leurs écrits intellectuels.
    Alors, pourquoi ne feriez-vous pas un renvoi sur la question pour vraiment avoir l'opinion des juges eux-mêmes, au-delà des experts payés par le gouvernement au sein du ministère de la Justice?
    Je vous remercie de la question.
    Premièrement, comme je l'ai dit en réponse à la question de notre collègue, nous allons évaluer les mérites de chacun des projets de loi d'initiative parlementaire qui sont proposés par des députés de la Chambre.

[Traduction]

    Nous les évaluerons sur la base de leurs mérites. Bien que je comprenne votre question, je dois contester l’argument selon lequel notre processus de nomination a été politisé. Nous avons déployé des efforts considérables pour nous assurer que le processus de nomination soit ouvert, transparent et fondé sur le mérite. La qualité des nominations que nous avons vues à la cour supérieure a fait l’unanimité. C’est, selon moi, en grande partie grâce aux améliorations majeures que nous avons apportées au processus de nomination.
    Au chapitre du bilinguisme, je pense que vous conviendrez que les statistiques confirment que nous avons réalisé des progrès, tant à la Cour suprême, grâce à la nomination de Malcolm Rowe — qui est effectivement bilingue — qu’à la cour supérieure.
    Monsieur, je vais réitérer ce que je viens de dire, car je n’ai pas parlé de politisation du processus de nomination.
    Je parlais du fait qu’au Cabinet du premier ministre, au Bureau du Conseil privé et au ministère de la Justice, il y a ce qu’on appelle le « processus de conformité à la Charte », qui est très mauvais pour la démocratie au Canada, car vous laissez les avocats, qui ne sont pas des élus, décider de l’avenir de ce qui aurait pu être une loi et des points à intégrer ou non à une mesure législative. Cela crée des distorsions des politiques au Canada. Nous ne devrions jamais laisser les avocats de ce pays décider si une loi sera un jour jugée anticonstitutionnelle par un juge qui pourrait ne pas même siéger à l’heure actuelle.
    Voilà où je voulais en venir. Nous ne devrions pas laisser des personnes non élues décider des mesures législatives dans ce pays et les déformer.

  (1620)  

    Si vous me le permettez…
    En ce qui concerne le processus de nomination…
    Monsieur le président, j’aimerais clarifier un point et assurer à mon collègue…
    Vous parlez d’experts constitutionnels. Ils créent des distorsions dans nos politiques au pays.
    Je tiens simplement à clarifier qu’il existe un processus que nous suivons pour discuter des mesures législatives. Ces projets de loi font l’objet de discussions en comité, à la Chambre et au Sénat, et ils sont ensuite renvoyés à la Chambre pour y être adoptés…
     Mais ce n’est pas la raison pour laquelle votre gouvernement a rejeté le projet de loi.
    Une fois adoptées, après avoir reçu la sanction royale, ces mesures législatives sont appliquées. Elles sont là pour être contestées. Il arrive qu’elles le soient, et nous avons des juges indépendants — à qui nous témoignons une grande confiance — pour évaluer et vérifier la constitutionnalité de ces lois, alors je…
    Mais nous ne devrions pas, monsieur. Nous devrions nous en remettre aux Canadiens pour contester la loi s’ils estiment qu’elle est anticonstitutionnelle. Vous voyez, la plupart des membres du Parti conservateur ont voté contre ce projet de loi, alors je fais cavalier seul en ce moment, mais je vous dis sérieusement que le fait de laisser aux experts constitutionnels jouer un rôle central au gouvernement — lisez l’article de Donald Savoie — crée des problèmes démocratiques énormes au pays: des distorsions des politiques, le manque de confiance du public à l’égard des parlementaires, et le manque de courage et de leadership en ce qui touche l’électorat canadien.
    Pour ce qui concerne votre processus de nomination, il est bon et transparent et tout, mais il n’est pas consacré dans la loi, et le prochain gouvernement pourrait décider de l’éliminer. Je vous pose la question: êtes-vous d’accord avec le principe du bilinguisme à la Cour suprême du Canada?

[Français]

    Absolument, mais ce n'est pas un sujet controversé.

[Traduction]

    Voulez-vous que votre principe soit garanti et qu’il soit toujours appliqué par le prochain gouvernement, qui sera conservateur?
    Des députés: Oh, oh!
    Dans une vingtaine d’années.
    Nous arrivions si bien à laisser de côté la partisanerie.
    Des députés: Oh, oh!
    M. Marco Mendicino: Je prends la chose au sérieux, croyez-moi.
    Au-delà du principe, monsieur… Je vous ai vu à CTV, et vous vous en sortiez très bien en français et en anglais.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Sérieusement, au-delà du principe, ne pensez-vous pas qu’il ne devrait pas simplement s’agir d’un processus transparent, mais bien d’une loi?

[Français]

    Non.
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    De plus, j’aimerais prendre un instant pour remercier les membres du Comité de leur patience pendant que j’avance dans mon apprentissage du français.
    C’est bien.
    J’espère avoir été en mesure de communiquer une partie des idées et des concepts fondamentaux qui répondent directement à vos questions. Je tiens à vous assurer que c’est pour moi une chose très personnelle et que je continuerai à y travailler au profit de nous tous.
    Cela étant dit, c’est le sujet d’un débat continu, d’un débat sérieux. Nous savons qu’il y a des manières importantes d’explorer la façon de protéger ces principes au-delà du mandat de tout gouvernement. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes disposés à prendre en compte toutes les idées sur la façon d’y arriver.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Mendicino.
    Monsieur Samson, vous avez la parole pour quatre minutes.
    Vous m'octroyez seulement quatre minutes? Pourtant, M. Clarke en a eu huit. Cela dit, M. Clarke a soulevé de si bons points que je me dois de les souligner.
    Premièrement, il a dit qu'il fallait prendre des décisions sans laisser les avocats déterminer la légalité des dispositions proposées. Or le Parti conservateur, avant même de partir, a créé des lois pour s'assurer que cela allait être non constitutionnel, repoussant ainsi d'un an ou deux la prise d'une vraie décision favorable. Les neuf fois où les conservateurs ont fait des renvois à la Cour suprême, celle-ci a jugé que les dispositions en cause étaient non constitutionnelles. Ils ont fait neuf renvois à la Cour suprême; pour eux, c'était un jeu. Ils ont envoyé tout cela à la corbeille. Voilà qui est très intéressant.
    Mon collègue a aussi dit que si les Canadiens voulaient contester, ils allaient le faire. Or on parle ici du gouvernement qui a aboli le Programme de contestation judiciaire. Donc, on établit des lois, on dit que les gens n'auront qu'à les contester, tout en sachant très bien qu'il n'y a pas d'argent pour les contestations et qu'on peut ainsi continuer le travail. C'est incroyable.
    Monsieur Clarke, cela ne s'adresse pas à vous personnellement, mais à votre parti. Nous savons comment ces gens ont voté.
    Monsieur Mendicino, je veux vous remercier de votre travail et de votre présence parmi nous aujourd'hui. J'aimerais surtout vous remercier pour le plan d'action. Ce plan, dont l'élaboration a commencé il y a un an, va nous guider et nous aider à atteindre la réussite dans l'avenir. C'est extrêmement important.
    Vous avez parlé des montants octroyés. Je souhaiterais que votre ministère demande que l'enveloppe budgétaire de 40 millions de dollars ainsi que la somme de 2 millions de dollars destinée à la traduction judiciaire soient augmentées. Ce serait essentiel.
    Que faites-vous pour encourager les gens à devenir bilingues? Voilà ma question. Quelles sont les stratégies possibles?

  (1625)  

    Il y a plusieurs stratégies, mais il faut voir comment les appliquer par l'intermédiaire de notre plan d'action. Pour le moment, c'est le coeur de notre stratégie.

[Traduction]

    Pour arriver à nos fins, il faut encourager l’éducation; collaborer avec nos homologues provinciaux et territoriaux; travailler avec les divers acteurs du processus de nomination de juges, comme les comités consultatifs à la magistrature et le commissaire à la magistrature fédérale.
     En collaboration, nous souscrivons aux principes dont nous avons parlé, à savoir ceux d’assurer l’accès à la justice et de faire en sorte que chaque Canadien puisse faire affaire avec les tribunaux dans la langue de son choix. En souscrivant à ces principes, je crois que nous voyons plus de gens disposés à jouer un rôle important — à tout le moins dans le contexte des cours supérieures — à titre de juges. C’est encourageant, car plus les Canadiens peuvent jouir de la protection de ce choix et de ces valeurs devant les tribunaux, plus nous respectons les idéaux de la Charte.

[Français]

    Le nombre de personnes qui posent leur candidature à un poste bilingue de juge ou d'avocat a-t-il augmenté?
    Je pense que c'est le cas. Les statistiques le démontrent. Comme je l'ai dit, il y a eu approximativement 300 candidats retenus et, de ce nombre, 27 ont été nommés juges.

[Traduction]

    Cela montre que l’on a réalisé des progrès.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Mendicino.
    Pour conclure, monsieur Choquette, vous avez la parole pour trois minutes.
    J'ai trois questions à poser en deux minutes et demie.
    J'aimerais que vous me disiez, en 10 secondes, si, oui ou non, vous allez faire un renvoi à la Cour suprême sur la question du bilinguisme des juges en 2018.

[Traduction]

    De toute évidence, c’est à la ministre qu’il reviendra de prendre cette décision, en consultation avec les membres du Cabinet et le gouvernement, mais il est clair qu’à aucun moment elle n’arrêtera de décision à la légère sur une question d’importance nationale. Avant de soumettre une question à la Cour suprême, il faut respecter certains critères et seuils mais, comme je l’ai mentionné, nous évaluerons les projets de loi émanant d’un député au cas par cas.

[Français]

     Je n'ai presque plus de temps.
    J'aurais aimé que vous me répondiez oui. J'espère que vous allez dire à la ministre qu'une réponse positive est nécessaire. Vous êtes déjà en retard; cela fait deux ans que je le demande. Ce n'est pas nouveau, ce n'est pas d'hier.
    Ensuite, comme M. Darrell Samson le dit dans sa lettre, vous êtes en train de travailler à un projet de loi pour régler le problème de bilinguisme des juges à la Cour suprême. Est-ce que cela touche la Loi sur les langues officielles et, si oui, de quels articles s'agit-il? Comme je n'ai plus de temps pour entendre votre réponse, pouvez-vous envoyer les informations au Comité?
    Enfin, une des recommandations de l'ancien commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, était de « mettre en place un processus visant à évaluer de façon systématique, indépendante et objective les compétences linguistiques ». Vous êtes passés de une à quatre questions, mais cela demeure de l'autoévaluation. Cela représente-t-il une évaluation « systématique, indépendante et objective des compétences linguistiques », oui ou non?
    Je vais demander à mon collègue M. Zaluski de répondre.

[Traduction]

     La ministre a demandé au commissaire à la magistrature fédérale de recommander un outil d’évaluation, qui serait objectif et indépendant, comme l’est son bureau. Il faudra du financement et d’autres ressources pour le mettre en oeuvre. C’est au commissaire à la magistrature fédérale qu’il revient de formuler une recommandation sur la meilleure façon de procéder à cet égard.

  (1630)  

[Français]

    Merci beaucoup.
    Finalement, j'ai le temps de poser une dernière question.
    Ce petit document que j'ai devant moi, c'est une politique. Comme mon collègue l'a dit, ce n'est pas un projet de loi. Cela peut être défait ou modifié n'importe quand, du jour au lendemain.
    Est-ce que cette politique va être encadrée dans un projet de loi, oui ou non?

[Traduction]

    Nombre de principes importants énoncés dans ce plan d’action sont mis en oeuvre et se traduisent par des progrès positifs et concrets. J’en ai parlé en ce qui concerne les grandes avancées que nous avons réalisées au chapitre des nominations bilingues, et lorsque nous avons parlé de nouvelles façons pour nous de continuer à évaluer le bilinguisme par l’intermédiaire de vérifications ponctuelles et de formations rehaussées. Selon moi, nous continuerons à discuter de tous ces éléments pour pouvoir préserver ces principes pendant bien longtemps…

[Français]

    Je n'ai pas obtenu de réponse, malheureusement.

[Traduction]

    … et j’espère bien que le gouvernement sera encore au pouvoir pendant un certain temps pour les promouvoir tous afin que les Canadiens puissent avoir accès au système de justice dans la langue officielle de leur choix.

[Français]

    Je remercie beaucoup le secrétaire parlementaire M. Mendicino.
    Merci.
    Merci beaucoup d'avoir été parmi nous, messieurs Baharmand et Zaluski.
    C'est tout le temps que nous avions, malheureusement.
    Nous allons suspendre la réunion pour quelques minutes avant d'entendre le bâtonnier du Québec et le juge en chef de la Cour supérieure du Québec.
    Je vous invite à rester, si c'est possible, car nous avons un autre sujet important à discuter avec eux. Ce serait peut-être intéressant que vous entendiez leurs commentaires.
    Alors, nous suspendons la réunion pour quelques minutes.

  (1630)  


  (1635)  

    Nous reprenons maintenant nos travaux.
    Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous, au moyen de la vidéoconférence, le juge en chef de la Cour supérieure du Québec et le bâtonnier du Québec.
    Messieurs, bienvenue au Comité permanent des langues officielles.
    Précédemment, nous avons reçu M. Marco Mendicino, secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada. Je lui ai demandé de rester avec nous durant quelques minutes, afin qu'il entende votre position sur le sujet dont nous avons parlé ensemble.
    Je ne sais pas lequel d'entre vous va faire sa présentation en premier. Monsieur Fournier, voulez-vous commencer?
    Je suis Jacques Fournier. Je suis juge en chef de la Cour supérieure du Québec.
    J'en suis à mon troisième témoignage devant le Comité permanent des langues officielles. Je suis allé vous voir il y a un an et demi. J'étais allé vous voir il y a près de 20 ans, alors que le président de votre comité, M. Paradis, présidait un comité semblable. C'était un comité mixte, à l'époque, il me semble. Je vais tenir exactement les mêmes propos que ceux que j'ai tenus à l'époque, pour enfoncer le clou, au risque de me répéter.
    Le système juridique canadien est un système bijuridique. Nous le disons, nous l'affirmons haut et fort et nous en avons fait une loi. Nous avons un système de droit public basé sur la common law. Nous avons un système de droit fédéral dans lequel nos juges à tous les niveaux, incluant la Cour d'appel, la Cour supérieure et la Cour du Québec, rendent d'excellents jugements, j'en suis convaincu.
    Le problème que nous vivons, et ce, depuis toujours, c'est que la population du Québec, incluant ses juges, est normalement bilingue, par contre le bilinguisme est plus rare à l'extérieur du Québec, et encore plus chez les magistrats. Ce n'est pas une critique, c'est un constat.
    Des jugements sont rendus dans toutes sortes de domaines en droit public, en droit fédéral, en droit criminel et en droit de la faillite, entre autres. En ce qui concerne les jugements qui sont rendus à l'ouest du Québec, soit de l'Ontario jusqu'aux Rocheuses, et à l'est du Québec, soit dans les Maritimes, c'est comme si ces régions étaient bordées d'une espèce de rideau ou de pellicule qui n'est pas perméable des deux côtés. La jurisprudence du Québec est influencée par celle des autres provinces canadiennes, particulièrement en droit de la faillite et en droit criminel, qui est un droit extrêmement important, mais le contraire ne peut pas se produire. Notre jurisprudence ne s'exporte pas. Le mur est imperméable vers l'est et vers l'ouest; rien ne sort du Québec. Ici, nous avons une façon de penser qui est due à notre formation de civilistes, mais qui influence nos réflexions en droit criminel et, évidemment, en droit de la faillite, parce que c'est une forme de droit privé. Notre façon de penser n'est pas exportée et elle n'enrichit pas le corpus législatif canadien, alors que le corpus législatif canadien vient enrichir le nôtre.
     Pour différentes raisons, je me suis beaucoup penché sur la volonté qu'avaient les Pères de la Confédération, soit les constituants du Parlement d'Angleterre, quand ils ont voulu que le Canada ait un système juridique unique. On voulait une unité de pensée d'un bout à l'autre du pays. Toutefois, l'unité de pensée ne peut pas venir d'un côté de la clôture seulement. Les idées doivent voyager et il doit y avoir une influence mutuelle. C'était la volonté des Pères de la Confédération. C'est une réalité que nous ne vivons pas encore, mais que nous souhaitons vivre.
    Mon propos est le même depuis 20 ans. Les juges du Québec sont capables de rendre d'excellents jugements. On en a eu un exemple parfait à la Cour suprême. Il faudrait que ces jugements profitent à l'ensemble de la population canadienne, de la même façon que les juges des juridictions de common law rendent d'excellents jugements qui profitent à toute la population. Ce que nous voulons, c'est une forme de réciprocité. C'est vous qui allez décider, car vous êtes les élus, mais ce que nous souhaitons, c'est une forme de réciprocité pour enrichir le système juridique canadien.
    Voilà l'essentiel de mon message.

  (1640)  

    Merci beaucoup, monsieur le juge en chef.
    Nous allons poursuivre avec le bâtonnier du Québec, Me Grondin.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Paradis, vous avez également été bâtonnier du Québec, tout comme M. Fournier, qui est maintenant juge en chef à la Cour supérieure du Québec. Nous avons donc tous les trois en commun la fonction de bâtonnier.
    Je vous remercie de me recevoir.
    Je suis bâtonnier du Québec depuis le 15 juin 2017. J'ai été élu pour un mandat de deux ans à la tête du Barreau du Québec.
    Vous avez reçu la personne qui m'a précédé dans ce poste, Mme la bâtonnière Claudia P. Prémont, le 4 avril 2017. Peu de choses ont changé depuis ce témoignage. Cependant, à la suite de l'invitation que vous m'avez envoyée, il m'apparaissait important de réitérer succinctement certaines positions du Barreau du Québec et d'ajouter une mention concernant le futur juge en chef de la Cour suprême du Canada.
    En ce qui a trait au bilinguisme à la Cour suprême du Canada et à la magistrature de nomination fédérale, le Barreau du Québec réitère le droit d'être entendu par un juge dans l'une ou l'autre des deux langues officielles du pays. Il s'agit d'un droit fondamental dont tous les citoyens doivent pouvoir jouir sans l'aide d'un interprète. C'est une question d'égalité de statut de nos langues officielles et des citoyens.
    Quant à la nomination d'un juge en chef bilingue, à mon avis, on parle beaucoup du bilinguisme fonctionnel. À fortiori, le prochain juge en chef devra pouvoir lire sans problème les jugements dans l'une ou l'autre des deux langues officielles, comprendre parfaitement les deux langues et pouvoir parler ou poser des questions dans une langue ou l'autre.
    De plus, comme le Canada est un pays de tradition bijuridique, le Barreau du Québec croit qu'il est de bon aloi que le prochain juge en chef soit de tradition civiliste.
    Quant à l'obligation de rédaction et d'adoption des lois dans les deux langues officielles, je vous rappelle la position du Barreau du Québec. En vertu de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, l'Assemblée nationale, comme le Parlement canadien, se doit d'adopter et de publier ses lois dans les deux langues officielles. Le Parlement fédéral pourrait apporter une assistance technique et une aide financière au Québec pour favoriser la rédaction et la traduction des projets de loi québécois.
    En ce qui a trait à la traduction des jugements rendus par les tribunaux québécois, je me range dans une large mesure à l'opinion du juge en chef Jacques Fournier. Un grand nombre de jugements sont rendus au Québec dans des matières communes à toutes les provinces et à tous les territoires du Canada, par exemple le droit familial, le droit criminel, le droit constitutionnel et le droit commercial. Malheureusement, cette richesse judiciaire n'est accessible qu'aux personnes qui comprennent le français. Une réelle accessibilité à la justice requiert que toute la documentation légale et judiciaire soit disponible dans les deux langues officielles du Canada.
    Nous demandons donc au ministère de la Justice du Canada de collaborer avec les différents acteurs québécois, dont le ministère de la Justice du Québec, les tribunaux et SOQUIJ, afin d'apporter de l'aide financière en vue d'élaborer une stratégie qui permettra de favoriser la traduction de la jurisprudence québécoise rédigée en français et de la faire connaître partout ailleurs au pays.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

  (1645)  

    Merci beaucoup à vous deux.
    Nous allons prendre de 25 à 30 minutes pour que les membres du Comité puissent intervenir et poser des questions.
    Monsieur Généreux, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Fournier, monsieur Grondin, bonjour.
    Nous avons entendu beaucoup de témoins. D'ailleurs, monsieur Grondin, des gens de votre organisme se sont présentés devant nous. Comme vous l'avez dit, l'argent que SOQUIJ aimerait recevoir pour être capable de traduire les jugements est un élément important. Selon ce que j'ai compris du témoignage du secrétaire parlementaire de la ministre, 40 % des fonds prévus serviront à la formation et à l'information. Comme le budget total est d'environ 8 millions de dollars par année pour une période de cinq ans, ce n'est pas dans ce budget qu'on trouvera l'argent nécessaire pour atteindre l'objectif.
    Monsieur Fournier, c'est la troisième fois en plusieurs années que vous témoignez devant le Comité permanent des langues officielles. Vous avez l'impression de vous répéter. Compte tenu du plan d'action du gouvernement actuel, avez-vous l'impression que vous vous répéteriez encore si vous étiez toujours en poste dans 20 ans?
    L'objectif du gouvernement, dans son souci d'avoir un processus ouvert et transparent, est d'avoir le plus de juges bilingues possible au Canada. Or je comprends de votre intervention que les juges du Québec, puisqu'ils sont bilingues, sont capables de lire et de comprendre l'ensemble des jugements rédigés en anglais, mais que l'inverse n'est pas le cas, évidemment, étant donné que la majorité de la jurisprudence du Québec est uniquement en français et que les juges anglophones ailleurs au Canada ne peuvent pas la comprendre.
    Dans un monde idéal, l'ensemble des juges des cours supérieures et de la Cour suprême du Canada seraient bilingues et tout le monde pourrait comprendre les documents dans les deux langues. La réalité est qu'il faudra énormément de temps avant que cela arrive, selon ce que vous dites.
    Vous avez très bien compris mon propos.
    Si vous me le permettez, je vais ajouter un commentaire.
    Non seulement les jugements ne sont pas lus par nos collègues des autres provinces en raison de la barrière linguistique, mais la doctrine n'est pas influencée. Vous savez, les professeurs à l'université enseignent ce qu'ils comprennent, du moins nous l'espérons. La production jurisprudentielle du Québec se trouve un peu marginalisée. Elle n'influence pas la jurisprudence canadienne, c'était là le premier élément de mes propos, mais elle n'influence pas non plus la doctrine. C'est une roue qui tourne: la jurisprudence enrichit la doctrine et la doctrine enrichit la jurisprudence.
    La barrière linguistique pourrait être levée si les jugements étaient traduits. Je ne parle pas de traduire les quelques centaines de milliers de jugements qui peuvent être rendus au cours d'une année. Il faudrait qu'un comité éditorial puisse déterminer quels jugements sont importants dans les matières de droit fédéral. Il faudrait pouvoir traduire davantage de jugements importants. Ce qui se fait maintenant est minimal.
    C'est ainsi à la Cour suprême, où les traductions sont faites de façon automatique, évidemment. La Cour fédérale aussi procède de cette façon. Chez nous, si nous avions un comité éditorial, il pourrait cibler les jugements rendus récemment qui revêtent une importance pour le reste du Canada. Il pourrait s'agir de droit autochtone, par exemple, où il y a beaucoup de contestations. C'est un droit en émergence.
    Nous rédigeons de bonnes décisions au Québec, du moins je le crois. Malheureusement, celles-ci n'influencent pas le reste de la jurisprudence canadienne. En revanche, nous nous faisons influencer tant et plus par la jurisprudence canadienne. Quelque chose là-dedans ne fonctionne pas, étant donné qu'on a voulu instaurer un système bijuridique.
     Le fait que l'interprétation des jugements ne soit pas incluse ou du moins traduite à l'intention de l'ensemble du Canada a-t-il des répercussions sur la jurisprudence qui soient d'ordre constitutionnel? Quels effets pervers cette situation engendre-t-elle?

  (1650)  

    Ce ne sont pas toutes les causes comportant des questions constitutionnelles qui se rendent jusqu'en haut. Il peut donc en effet y avoir des répercussions sur le reste du Canada. En outre, beaucoup de gens, partout au pays, interprètent la Constitution d'une façon ou d'une autre. Nous faisons beaucoup d'interprétations ici, au Québec. M. le juge Fournier parle de textes doctrinaux qui sont écrits notamment par des universitaires. Or ces interprétations n'atteignent pas nécessairement le reste du Canada. Bien sûr, il peut y avoir des personnes bilingues ailleurs au pays qui font ces lectures. Cela dit, certaines interprétations constitutionnelles faites au Québec, que ce soit dans le cadre de jugements ou de textes de doctrine, ne se rendent certainement pas partout au Canada.
    D'accord, merci.
    Merci, monsieur Généreux.
    Nous allons maintenant passer à M. Arseneault, du Nouveau-Brunswick.
    Bonjour, monsieur le juge Fournier et maître Grondin.
    Avant de devenir député, j'exerçais la profession d'avocat en Acadie. Comme on le sait, le Nouveau-Brunswick est une province officiellement bilingue. Vous avez dit plus tôt qu'il y avait deux murs opaques à l'est et à l'ouest du Québec et que cela empêchait vos voisins de vous lire. Curieusement, dans mon cas, la situation est tout à fait inverse. Lorsque j'ai commencé à pratiquer le droit en tant que francophone, Quicklaw venait à peine de faire son apparition, Internet n'était pas encore adéquat et nous n'arrivions pas à obtenir des données. Pour être en mesure de lire des décisions en français, j'allais donc lire celles qui provenaient du Québec, entre autres celles qui concernaient le droit criminel et le droit de la faillite.
    Je connais très bien la situation. Il est vrai que le Canada anglais ne connaît pas le legs et l'évolution juridiques de la société québécoise, qui fait partie du Canada. C'est une lacune importante. Il faut vraiment rétablir les faits. Cela dit, j'aimerais vous poser une question pratique.
    Comment les choses se passent-elles, chez vous, en ce qui a trait aux décisions de la Cour d'appel? La province de Québec exige-t-elle que vos décisions soient traduites simultanément, avant même qu'elles soient rendues publiques?
    Non. Par contre, je peux vous donner comme exemple le renvoi à la Cour d'appel du Québec sur le projet fédéral de commission nationale des valeurs mobilières. C'était il y a quelques années. Sachant que cet arrêt allait faire l'objet d'une diffusion nationale, la Cour d'appel a retardé la publication de son jugement pour en avoir deux versions officielles. Or ce n'est pas une pratique institutionnalisée. Les arrêts de la Cour d'appel du Québec dans le cas de causes importantes ne sont pas systématiquement publiés simultanément dans les deux langues. Il n'y a pas d'exigence à cet égard.
    Chez nous, la langue du jugement est plutôt déterminée en fonction de l'identité de la personne qui perd sa cause. C'est ce qu'on nous enseigne. S'il y a une partie francophone et une partie anglophone, on va nous demander d'écrire le jugement dans la langue du perdant. C'est vrai dans le cas des cours supérieures et ce l'est également dans celui de la Cour d'appel. Les jugements ne sont pas automatiquement publiés dans les deux langues.
    Je vais profiter de l'occasion pour vous faire part d'un fait. Aujourd'hui, lors d'une rencontre avec des gens du ministère, j'ai appris que toute la traduction serait confiée à SOQUIJ. C'est donc dire que quelqu'un est en mesure d'être le maître d'oeuvre d'un tel projet. Évidemment, les ressources sont limitées à Ottawa, mais elles le sont encore davantage dans les provinces. Il faut des budgets pour...
    Monsieur le juge, je vous interromps pour préciser que je viens d'une petite province qui n'est pas très riche, mais qui arrive à le faire. J'entends ce que vous me dites. C'est une réalité. Par contre, j'ai de la difficulté à comprendre que, dans une grande province comme le Québec, on n'arrive pas à rendre les décisions de la Cour d'appel simultanément dans les deux langues, surtout lorsqu'il y a une partie anglophone et une partie francophone. J'ai de la difficulté à comprendre cela.
     Faites-vous des pressions auprès du gouvernement provincial pour qu'on étudie la façon dont les autres provinces procèdent et pour qu'on arrive à comprendre comment il se fait que des décisions soient rendues dans les deux langues officielles en Ontario?
    Monsieur Arseneault, nous avons de la misère à faire pression pour obtenir du financement. Le nombre de traductions qui se font est très limité. Faire pression pour que tous les jugements soient traduits, c'est comme donner des coups d'épée dans l'eau.
    Je ne parlais pas de tous les jugements. Je parlais de ceux de la Cour d'appel.
    Des jugements de la Cour d'appel, savez-vous combien il en sort dans la province de Québec?
    Je dirais que, toutes proportions gardées, c'est la même chose qu'au Nouveau-Brunswick. Toutefois, au Nouveau-Brunswick, les jugements sont bilingues.
    La réponse, c'est 1 600 jugements.
    J'admire la façon de procéder du Nouveau-Brunswick. Donc, vous ne me blâmerez pas.

  (1655)  

    Je ne vous blâme pas.
    Il n'en reste pas moins que, ici, compte tenu du volume d'appels, on ne peut pas exiger cela, cela ne fonctionnera pas.
    Par contre, je prends mon bâton de pèlerin depuis des années pour dire que ce qu'il faut, c'est trouver et nous donner les moyens d'exporter le bon produit que nous faisons ici, au moins dans les domaines de droit public ou de droit fédéral.
    Concrètement, que demandez-vous à notre comité aujourd'hui pour pallier cela?
    Je vais me permettre de répondre à la question.
    Les budgets que nous avons déjà demandés pour SOQUIJ pourraient grandement nous aider. À ce moment-là, un comité constitué de juges en chef ou de juges d'une certaine cour, de même que d'autres intervenants, pourrait déterminer quels sont les jugements d'intérêt qui devraient être traduits.
    La réalité, c'est que plusieurs jugements sont rendus de façon procédurale. Nous ne voulons pas traduire pour traduire, mais nous voulons traduire tout ce qui peut être un legs durable. Nos demandes sont raisonnables. Il faut être clair là-dessus.
    Ai-je encore du temps de parole, monsieur le président?
    Vous avez une minute.
    D'accord.
    Des représentants du QCGN sont venus témoigner devant le Comité, il n'y a pas très longtemps, et ils nous ont dit qu'il s'agissait réellement d'une grande inquiétude en matière de jurisprudence.
    Ne lâchez pas votre bâton de pèlerin, monsieur le juge. Continuez.
    Je pense qu'il faut absolument aller voir ce qui se fait ailleurs. Je me souviens que, quand j'étais étudiant, nous avions rencontré des juristes de la Louisiane. Je viens d'une province où l'on pratique en français un droit anglais, mais en Louisiane, c'est l'inverse: on pratique encore le droit civil. C'est un système hybride, c'est-à-dire qu'on pratique le droit civil et la common law, mais en anglais. C'est le monde à l'envers. À mon avis, il y a quand même lieu de regarder ce qui se fait à l'extérieur du Québec, dans le but d'apporter des pistes de solution plausibles.
    Vous parlez de 1 600 décisions provenant de la Cour d'appel, mais le volume n'est pas le même au Nouveau-Brunswick. On ne peut pas comparer 1 600 décisions à environ 200 décisions au Nouveau-Brunswick.
    C'est sûr que cela doit se faire ailleurs. Je pense entre autres aux états européens qui sont trilingues. Toutefois, au moment où l'on se parle, c'est l'argent qui mène. Cela peut se faire facilement, mais il faudra un peu de financement. SOQUIJ est là et possède l'équipement, mais il faut que cela grandisse, car ce qui est fait maintenant est nettement insuffisant.
    Ce que nous voulons exporter, c'est une question de droit fédéral. C'est donc une question de langues officielles. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous nous adressons à vous pour porter le message et dire que ce n'est pas normal. On s'est donné du mal pour faire la Loi d'interprétation sur le bijuridisme et la Loi sur les langues officielles. Cependant, la jurisprudence, qui est du droit positif, reste lettre morte et ne bouge pas. C'est la raison pour laquelle nous voulons l'exporter.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous allons passer immédiatement à M. Choquette, député de Drummond.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, merci beaucoup d'avoir accepté de nous parler d'un sujet très important, soit l'égalité de l'accès à la jurisprudence et l'influence des jurisprudences partout au Canada.
    Avant de poser ma première question, je voudrais demander au président s'il peut s'assurer de faire le suivi relativement aux questions que j'ai posées au secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice, tout à l'heure, pour que nous ayons les réponses avant la pause hivernale.
    J'ai bien noté votre commentaire. Nous pourrons en discuter tout à l'heure, après la comparution.
    Merci, monsieur le président.
    Nous allons garder un peu de temps à huis clos pour préparer ce qui s'en vient. Nous en parlerons donc tout à l'heure.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, savez-vous combien d'argent est investi présentement dans SOQUIJ? Quelle augmentation pourrait être nécessaire?
    Au contraire de ce que M. Arseneault semblait vouloir mentionner, je pense que c'est la responsabilité du gouvernement fédéral de faire respecter la Loi sur les langues officielles et de promouvoir les communautés de langue officielle partout au pays. À mon humble avis, l'accès à la justice dans les deux langues officielles et la diffusion des causes les plus importantes dans les deux langues officielles sont des responsabilités du gouvernement fédéral, cela va de soi.
    Savez-vous quelles sommes sont présentement investies dans SOQUIJ et quelle augmentation serait nécessaire pour répondre à vos besoins?

  (1700)  

    Non. Honnêtement, ce serait jouer aux devinettes et je risquerais de vous induire en erreur en vous répondant.
    L'ordre de grandeur est de quelques millions de dollars, mais je ne sais pas exactement quelle est la somme.
    Je peux apporter une précision.
    Il y avait un certain financement jusqu'en 2012, sauf erreur, puis on y a mis fin. Certainement, ce financement doit être augmenté, parce qu'il n'était pas suffisant. Dès que nous obtiendrons cela, nous serons capables de traduire plus de décisions.
    C'est certain que plus on a de financement, plus on est capable de traduire des décisions. Ce n'est pas compliqué, c'est une règle de trois.
    J'essayais de comprendre, tout à l'heure. Je ne suis pas un spécialiste de la question.
    Des jugements sont-ils traduits au Québec et, si c'est le cas, combien le sont? Tout à l'heure, on disait que les décisions étaient écrites dans la langue du perdant. À part cet élément, y a-t-il des jugements qui sont traduits parce qu'ils font jurisprudence, ou n'y a-t-il aucun jugement qui fait jurisprudence? Bien sûr, c'est vous qui décidez, à un moment donné, quels jugements sont importants et vont faire jurisprudence. Y en a-t-il qui sont traduits ou n'y en a-t-il pas du tout présentement?
    Il y en a. C'est ce que je disais tout à l'heure à M. Arseneault. À l'occasion, la Cour d'appel va rédiger son jugement dans les deux langues, mais cela demeure une pratique marginale.
    SOQUIJ va devenir maître d'oeuvre en ce domaine, prochainement.
    La traduction d'une décision est souvent demandée par un citoyen pour une raison quelconque: soit il n'est pas satisfait du jugement, soit il l'est tellement qu'il veut l'afficher dans sa langue. Toutefois, les traductions sont pitoyables. Il y a des fois où l'on jurerait que c'est un ordinateur qui a traduit littéralement le texte. Cela dit, la traduction d'un jugement demeure une pratique marginale. Par conséquent, les budgets qui sont alloués aux traductions, comparativement à l'importance que j'y accorde personnellement en tout cas, sont insuffisants.
    Ce que nous savons et ce que nous disons, c'est qu'une institution paragouvernementale existe, qu'elle est capable d'agir maintenant et qu'elle est en train de s'équiper pour porter le ballon. L'occasion est belle de parler à ce porteur de ballon pour savoir jusqu'où on va le mener.
    En tant que Canadien francophone formé en droit civil, je trouve qu'il est important qu'on sache, dans le reste du pays, ce que j'écris et ce que je pense. Le « je » est évidemment générique, ici. Je ne parle pas de moi; je n'écris presque plus.
    C'est bien.
    Bien sûr, la meilleure solution est SOQUIJ, dont nous parlions tout à l'heure.
    Nous nous posons souvent des questions quant à la façon dont on déterminerait les jugements les plus importants qui devraient être traduits. Vous avez mentionné que cela pourrait être décidé par un conseil d'experts.
    Pouvez-vous préciser votre pensée? Quels gens devraient déterminer l'importance des jugements? Comment se ferait le processus pour déterminer quels jugements sont importants et devraient être traduits systématiquement?
    Maintenant, grâce à l'informatique, à peu près tout est publié. Toutefois, jusqu'à il y a peut-être 15 ou 20 ans, il y avait des comités qui surveillaient ce qui était publié. SOQUIJ en avait un. C'était un comité éditorial qui avait pour mandat de vérifier ce qui était publié et de déterminer ce qui était d'intérêt.
    Tout ce que nous ferions, ce serait lui donner une direction légèrement différente pour qu'il se demande, quand il s'agit de droit public, si ce sont des jugements d'intérêt dont nos collègues juges et avocats devraient prendre connaissance ou que nos amis les professeurs devraient étudier pour qu'ils voient quelles solutions ont été trouvées au Québec. Ce serait un comité éditorial, tout simplement.
    À SOQUIJ, je ne sais pas combien de personnes il y a. C'est peut-être quatre, peut-être huit personnes, mais cela ne représente pas des montagnes.
    La mission de SOQUIJ est vraiment de diffuser de l'information juridique. L'organisme est donc parfaitement outillé pour prendre ces décisions.
    D'accord.
    Pourriez-vous dire ce qu'est SOQUIJ, à l'intention de tous les membres du Comité?
    Oui. Nous fonctionnons beaucoup à l'aide d'acronymes. SOQUIJ, c'est la Société québécoise d'information juridique. Il s'agit d'une société d'État québécoise.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Lapointe.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'allais justement demander ce que l'acronyme signifiait. Malgré le fait que je sois du Québec, je ne proviens pas du milieu juridique, contrairement à plusieurs personnes qui sont ici aujourd'hui.
     Alors, c'est la Société québécoise d'information juridique. C'est donc le gouvernement provincial qui finance cet organisme. Vous dites qu'il est formé de quatre à huit personnes.

  (1705)  

    Un instant, il faut faire attention. SOQUIJ fait la traduction de jugements, mais c'est en marge de sa mission. La mission de SOQUIJ est vraiment de recueillir la jurisprudence, de définir quels jugements ou quels arrêts, dans le cas des cours d'appel, sont les plus importants, d'en faire des résumés et de les faire publier dans des journaux spécialisés. Telle est la mission de SOQUIJ. Parallèlement à cela, de façon marginale, je le dis bien, l'organisme s'occupe de traduction. Ce n'est toutefois pas sa mission première.
    Quand je parle de quatre, six, sept ou huit personnes, je ne parle que du comité éditorial qui va lire les jugements.
    Maintenant, grâce à la diffusion électronique, tout est accessible. Il y a des avocats qui lisent des jugements et encore des jugements et qui, à un moment donné, en trouvent un qui est d'intérêt. Un auteur de recueils d'arrêts va en faire un résumé et, de là, la diffusion de ce jugement va devenir plus importante, parce qu'un utilisateur qui fait une recherche avec des mots clés va savoir qu'il est dans le bon domaine.
    On peut enrichir cette même mission et décider que, désormais, on va ajouter une étape, soit examiner le droit fédéral et le droit criminel pour déterminer quelles décisions sont importantes pour une raison précise, et qu'on va les traduire et les exporter.
    Cela se ferait d'abord au niveau de la Cour d'appel, en raison de son autorité, mais il y a aussi beaucoup de jugements qui sont rendus dans les tribunaux d'instance. Par exemple, les causes entendues à la Cour du Québec relèvent à 99 % du droit criminel. Même au Québec, c'est un fait qui est souvent ignoré. Il y a d'excellents juges à la Cour du Québec qui peuvent rendre d'excellents services à toute la communauté canadienne. C'est cela, le point de vue.
    Vous avez dit un peu plus tôt que SOQUIJ faisait le résumé des jugements qui, selon elle, le méritaient.
    Cela est fait par un comité éditorial.
    Le comité éditorial détermine quels jugements vont avoir des répercussions sur la jurisprudence au complet.
    Toutefois, cela ne se fait qu'à l'échelle provinciale. On ne parle pas du droit fédéral.
    Est-ce qu'on pourrait créer un organisme qui travaille dans le même sens, mais en ce qui concerne le droit fédéral? En droit de la famille, il y a des jugements rendus au Québec dont on n'a pas connaissance à l'extérieur de la province, par exemple en ce qui concerne la faillite.
    Tantôt, mon collègue M. Choquette en a parlé un peu, mais j'aimerais savoir comment on pourrait s'y prendre pour s'assurer de bien traduire les jugements des cours fédérales du Québec et d'en faire profiter le reste du Canada. Vous mentionnez SOQUIJ, mais y a-t-il d'autres façons d'y parvenir?
    Ce serait la tâche du comité éditorial. Ce sont des spécialistes du droit, des avocats influents et des professeurs d'université qui se réunissent en comité pour analyser les décisions.
    Il faut dire que du travail est fait à la base, car environ 80 % des jugements sont d'un grand intérêt pour les parties au dossier, mais d'aucun intérêt pour l'avancement du droit, ici ou ailleurs. C'est la réalité. Je dis 80 %, mais c'est peut-être 85 % ou 90 %. Pour ce qui est du reste, il y a des solutions créatives, inventives et faciles à découvrir. Si on donne cette mission à SOQUIJ, il faut enrichir son comité éditorial et aller voir auprès des personnes intéressées ce qui se fait ailleurs au Canada.
    Je vois M. Arseneault qui opine du bonnet. Au Nouveau-Brunswick, c'est vraiment comme cela, les jugements peuvent être lus dans une langue ou l'autre. La plupart des avocats en Acadie et ailleurs au Nouveau-Brunswick sont bilingues, alors ils n'ont pas besoin de la traduction. Il peuvent consulter la jurisprudence. M. Arseneault pourrait vous en parler après, à huis clos, et vous dire qu'il y a du bon matériel produit au Québec.
    Merci.
    Vous avez dit qu'au Québec, nous pouvions avoir des solutions créatives. Sentez-vous, dans le reste du Canada, le désir de comprendre la créativité des jugements québécois?
    Je vais me permettre de répondre à cette question.
    La réalité, croyez-moi, c'est que tous les avocats du Canada sont à la recherche de toutes les solutions créatives qu'ils peuvent comprendre. Pour l'instant, les solutions créatives dont on entend parler le plus souvent dans le reste du Canada sont celles venant des autres provinces, dont le Nouveau-Brunswick. On entend un peu moins parler de celles du Québec, parce qu'elles sont moins traduites. Nous aimerions que notre créativité serve ailleurs aussi, et je suis certain qu'ailleurs, on aimerait aussi que notre créativité soit plus accessible.

  (1710)  

    Merci beaucoup.
    Merci, madame Lapointe.
    Nous nous transportons en Nouvelle-Écosse, province du député Darrell Samson.
    Ce n'est pas peu dire.
    Se transporter en Nouvelle-Écosse, c'est un défi.
    Bonjour. Merci de vos présentations.
    Monsieur Fournier, je pense que nous étions ensemble à un petit déjeuner ou à un dîner, l'année dernière, et que vous avez parlé de cette question de jurisprudence. Cela ne fait aucun doute, en ce qui me concerne...
    M'entendez-vous bien?
    Oui, oui. Je reconnais votre accent.
    C'est un personnage.
    Merci.
    La question est fondamentale. Au sujet de la doctrine, vous avez dit que l'influence d'un peuple et d'une culture était essentielle. Je crois que notre argument devrait plutôt être axé sur cela pour convaincre le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial, peu importe, car les deux paliers peuvent jouer un rôle pour s'assurer que cette traduction est faite et à jour.
    Mes collègues ont posé des questions sur la composition d'un comité éditorial. N'a-t-on pas déjà une façon de traiter les jugements selon différents thèmes et d'ainsi déterminer lesquels ont une plus grande influence et devraient être traduits en priorité? N'y a-t-il pas déjà un certain travail qui est fait et qui simplifierait, si on peut dire, la tâche de déterminer quels jugements doivent être traduits?
    Je suis d'accord avec vous. Je trouve cette idée porteuse, mais nous en sommes vraiment aux premiers balbutiements; tout est à faire. À partir du moment où la volonté de faire cette traduction se manifestera par des engagements sur le plan du matériel, du budget et du personnel, que cela vienne de votre comité ou d'ailleurs, nous pourrons trouver des solutions tous ensemble. On ne nous demande pas de réinventer la roue. Cela a déjà été fait. Nous allons trouver des solutions.
    Vous avez raison au sujet de la culture. En effet, le domaine juridique fait partie de la culture d'un peuple. Dans un pays bijuridique, il serait normal que la culture d'un peuple ne soit pas à sens unique.
    Absolument.
    M. Arseneault a dit qu'au Nouveau-Brunswick, les jugements étaient traduits. Pourquoi ne fait-on pas la même chose au Québec?
    Je ne le sais pas. À une certaine époque, il peut y avoir eu des raisons politiques et, assurément, des raisons budgétaires. Ce sont encore des raisons budgétaires qui gouvernent la patente.
    La province de Québec pourrait travailler en collaboration avec le gouvernement fédéral et en arriver à un projet porteur, pour que tout soit bilingue. Tout le monde y gagnerait.
    Je suis bien d'accord avec vous.
    A-t-on présenté des demandes officielles en ce sens? Si oui, quand ont-elles été présentées? Combien d'argent a-t-on alloué à cela?
    Au Québec, il y a d'autres défis que la traduction des jugements. Même dans le processus législatif, ce n'est pas clair. Au Québec, il n'y a pas de corédaction des lois, contrairement à ce qui se fait au fédéral et dans d'autres provinces. C'est déjà un défi de faire en sorte que nos lois soient adoptées dans les deux langues officielles en temps opportun.
    C'est sûr qu'on a déjà demandé que davantage de jugements soient traduits. Comme vous le savez, au Québec et dans quelques autres provinces, la justice est le parent pauvre du budget. C'est difficile de nous faire entendre avant les gens des domaines de la santé et de l'éducation, par exemple. Nous avons tous ces défis aussi. Je tire mon chapeau au Nouveau-Brunswick, qui les relève bien.
    Le fédéral parle de collaboration avec les provinces. Je crois donc que le temps est propice à une discussion entre la ministre de la Justice du Québec, la ministre de la Justice fédérale et même la ministre du Patrimoine canadien, puisque cela touche l'influence de la culture. La jurisprudence du Québec pourrait influencer les autres cultures. Selon moi, c'est fondamental, au Canada. Or il y a quelque chose qui ne fonctionne pas à cet égard. Si c'était présenté ou vendu de cette façon et qu'il y avait des discussions entre les ministères des différents ordres de gouvernement, je suis convaincu que cela changerait les choses. C'est quand même le 150e anniversaire.
    Il n'y a aucune raison de ne pas pouvoir déterminer quels sont les jugements les plus importants et ayant la plus grande influence. Ce projet devrait être entrepris en collaboration.
    Vous avez peut-être eu accès au plan d'action qui a été présenté au mois de septembre par la ministre de la Justice fédérale. Il y est question des différentes étapes à entreprendre pour faire en sorte qu'il y ait des juges bilingues, des avocats bilingues, des bureaux d'avocats bilingues, et ainsi de suite. Toute cette question pourrait être intégrée à la notion essentielle de l'influence qu'ont une culture ou un peuple. Je ne suis pas à même de constater ce qui ne fonctionne pas, alors j'encourage les gens sur le terrain à prendre cela en main.

  (1715)  

    Merci beaucoup, monsieur Samson.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Clarke.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le juge en chef, monsieur le bâtonnier, bonjour. C'est un honneur de vous rencontrer, même si c'est par l'entremise de la téléconférence. Je m'appelle Alupa Clarke et je suis député de la circonscription de Beauport—Limoilou, au Québec.
    Vous avez parlé d'un comité éditorial qui pourrait sélectionner des jugements phares. Pour ma part, j'y vois un certain danger, et je vais vous expliquer pourquoi.
    Selon moi, il faudrait que tous les jugements soient traduits systématiquement. Comme vous le savez bien, l'activisme judiciaire est un phénomène réel. Dans le cas du droit criminel, les jugements sont plus objectifs, rationnels, basés sur des faits et des preuves tangibles. Pour ce qui est des jugements à caractère constitutionnel, cependant, c'est autre chose. Vous avez fait allusion, monsieur le bâtonnier, à un article de la Loi constitutionnelle de 1867. J'adore cela; j'aime vraiment m'accrocher à 1867. Cela dit, le comité éditorial pourrait s'adonner à de l'activisme judiciaire en choisissant des jugements favorables à une certaine interprétation de la Constitution pour la province de Québec. Vous voyez un peu où je veux en venir.
    Dans ce cas, comment peut-on avoir bon espoir que ce comité éditorial ne s'adonnera pas à de l'activisme judiciaire, ce que nous ne voudrions surtout pas voir advenir?
    D'abord, il n'est pas question que ce comité soit noyauté par des juges. On parle ici d'un comité formé de scientifiques, de professeurs d'université, d'avocats, et ainsi de suite. Il n'est pas question que des juges y fassent la promotion de leurs idées. C'est défendu, de toute façon. Nos idées, nous les écrivons et nous les signons.
    On parle donc d'un comité diversifié où diverses professions seraient représentées. C'est parfait.
    Il y aurait notamment des professeurs d'université.
    Monsieur Clarke, ces décisions existent déjà. Des personnes les ont prises il y a un bon moment. Tous les jugements existants sont disponibles dans au moins une des deux langues officielles. Il s'agit ici de traduction.
    Évidemment, si vous dites que vous voulez les traduire tous, nous nous en réjouirons, mais de notre côté, nous tentons de faire des demandes raisonnables. Nous partons de loin. Beaucoup de gens, de partout, seront d'accord pour que certains jugements soient publiés. Cela ne veut pas dire pour autant qu'ils seront d'accord sur le résultat du jugement. Il peut en effet arriver que le résultat d'un jugement ne soit pas celui qu'aurait souhaité un membre du comité, mais que ce dernier considère que cette question pourrait influencer la jurisprudence d'ailleurs. C'est donc dire que, de façon très générale, les membres de ce comité seront indépendants d'esprit. Il faut que cela soit clair.
    Vous avez raison. Merci.
    Plusieurs personnes faisant partie de minorités francophones à l'extérieur du Québec ont fait état d'une situation. Je pense qu'il s'agit d'un problème très grave. J'aimerais savoir si, en tant que juge en chef de la Cour supérieure du Québec, vous en avez entendu parler.
    On dit que dans plusieurs petites municipalités canadiennes ailleurs qu'au Québec, lorsqu'une personne se prévaut de son droit d'être servie dans sa propre langue dans une cour fédérale, comme à Dalhousie, au Nouveau-Brunswick, par exemple, on considère que, sociologiquement, elle dérange la communauté. Certaines statistiques démontrent qu'une personne ayant demandé d'être servie dans la langue de son choix risque davantage de perdre sa cause si elle est francophone.
    Avez-vous entendu parler de ce problème? Si c'est le cas, il serait souhaitable que vous en parliez, je crois.
    Si j'avais entendu parler de ce problème, je l'aurais dénoncé haut et fort. Je ne suis pas au courant de cas semblables. Je peux vous dire que, chez nous, s'il s'avérait qu'une personne était désavantagée du fait qu'elle avait choisi d'exercer un droit constitutionnel et qu'un juge était en cause, ce dernier aurait un sérieux problème. Je me chargerais personnellement de déposer une plainte au Conseil canadien de la magistrature. C'est totalement inacceptable dans un pays qui insiste autant pour dire qu'il est bilingue.

  (1720)  

    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Clarke.
    Je remercie mes amis Me Paul-Matthieu Grondin, bâtonnier du Québec, et Jacques Fournier, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, de nous avoir livré leur présentation et d'avoir fourni des éclaircissements aux membres du Comité.
    Nous allons suspendre la séance pour quelques minutes avant de la poursuivre à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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