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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 050 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 avril 2017

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Comme nous avons le quorum, la séance est ouverte. Nous étudions la motion 47.
    Je veux souhaiter la bienvenue à nos invités. C'est la première fois que nous avons trois visiteurs qui témoignent par téléconférence. Je veux vous souhaiter la bienvenue de trois régions des États-Unis; je souhaite également la bienvenue à notre invité sur place et aux nouveaux membres du Comité.
    Je veux remercier Élise et Alex d'avoir organisé tout cela. Ce sont les techniciens qui ont créé ces connexions et qui ont fait de l'excellent travail.
    Je veux commencer par lire le libellé de la motion 47 afin que nous nous souvenions exactement de ce que nous sommes là pour étudier. Je vais lire la motion:
Que le Comité permanent de la santé reçoive instruction d’étudier les effets de santé publique liés à la facilité de trouver et de visionner en ligne du contenu violent et sexuellement explicite avilissant les enfants, les femmes et les hommes, en reconnaissant et en respectant la compétence des provinces et des territoires à cet égard et que ledit comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre au plus tard en juillet 2017.
    Aujourd'hui, nous accueillons quatre témoins, et je vais les présenter. Notre témoin ici présent est Lianna McDonald, directrice générale du Centre canadien de protection de l'enfance. De Boston, au Massachusetts, nous accueillons Mme Gail Dines, présidente de Culture Reframed. De Fayetteville, en Caroline du Nord, nous accueillons la Dre Sharon Cooper, première dirigeante de Developmental and Forensic Pediatrics. De Minneapolis, au Minnesota, nous accueillons Cordelia Anderson, fondatrice des Sensibilities Prevention Services.
    Je veux vous souhaiter la bienvenue à toutes et vous remercier infiniment d'avoir pris le temps, malgré vos horaires chargés, de comparaître.
    Madame McDonald, je crois savoir que vous devez partir à 12 h 15 pour prendre un avion.
    Nous ouvrons la séance avec un exposé de 10 minutes présenté par chacune d'entre vous. Nous allons commencer par Lianna McDonald, du Centre canadien de protection de l'enfance.
    Bonjour, tout le monde, et merci infiniment au Comité de nous donner cette occasion importante.
    Je voudrais également souligner la présence de mes merveilleuses collègues qui nous accompagnent. Vous accueillez de vraies expertes, ici, aujourd'hui. Nous travaillons avec la Dre Sharon Cooper et Cordelia depuis plus de 10 ans, et elles peuvent vraiment fournir des renseignements importants.
    Je m'appelle Lianna McDonald, et je suis la directrice générale du Centre canadien de protection de l'enfance. Notre organisme est une organisation caritative nationale consacrée à la sécurité personnelle des enfants. Notre but est de réduire le nombre d'enfants disparus et exploités sexuellement, tout en éduquant le public canadien au sujet des façons de garder leurs enfants en sécurité.
    Le Centre canadien de protection de l'enfance exploite le site Cyberaide.ca, qui est la centrale canadienne de signalement des cas d'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet. La centrale de signalement est au coeur de la stratégie nationale du gouvernement du Canada pour la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle sur Internet. Le premier rôle de la centrale est de recevoir et d'analyser des signalements concernant du matériel ou des activités potentiellement illégaux liés à des crimes commis en ligne contre des enfants. Depuis sa création, en 2002, la centrale a traité plus de 220 000 signalements du public concernant des enfants exploités sexuellement sur Internet. Le nombre de signalements reçus par la centrale a augmenté de façon stable au fil des ans. Depuis 2014, Cyberaide.ca reçoit en moyenne approximativement 3 000 signalements par mois.
    C'est dans le cadre du travail qu'il a effectué au cours des 14 dernières années que notre organisme a été témoin de la prolifération croissante de l'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet. Le mésusage de la technologie a accéléré la propagation de la pornographie infantile, banalisé la sexualisation des enfants et abondamment facilité la tâche aux délinquants qui souhaitent prendre activement part à ce comportement illégal.
    En se concentrant sur la discussion d'aujourd'hui, il convient de souligner qu'il y a une distinction importante entre ce qu'on appelle la pornographie adulte et le matériel d'exploitation d'enfants qui nous est signalé au quotidien. Dans la grande majorité des cas, le contenu qui est signalé à la centrale illustre des enfants en train de se faire exploiter ou agresser sexuellement. L'image ou la vidéo devient une preuve permanente de l'exploitation d'un enfant et peut se propager à l'infini.
    En ce qui concerne la distribution de pornographie adulte, le public n'a nulle part où la signaler. Comme Cyberaide.ca est ce qui se rapproche le plus d'un organisme de signalement, 15 % des cas qui nous sont signalés comprennent ce type de matériel sexuel extrême. Nos analystes traitent ces signalements au fur et à mesure qu'ils les reçoivent à la centrale. Il est regrettable que, tous les jours, nos analystes doivent voir de leurs propres yeux ce contenu qui peut être extrêmement troublant et explicite. Je vais donner seulement un exemple très léger, d'un site Web populaire. On montre une femme nue à quatre pattes en train de se faire pénétrer par derrière par un homme. Dans l'arrière-plan, on peut voir au moins six autres hommes nus, tous en train de se masturber. Ensuite, les hommes pénètrent tour à tour l'anus de la femme, les uns après les autres. La présence de cette femme vise entièrement à les servir.
    D'après notre expérience, la pornographie adulte et la pornographie infantile deviennent de plus en plus troublantes au fil des ans, et comprennent des éléments de sadisme, de ligotage, de torture et de bestialité. Il importe de reconnaître que les signalements effectués à la centrale sont faits par des membres du public qui sont tombés sur ce matériel troublant sur le réseau Internet public. Aucun nom d'utilisateur ou mot de passe n'est requis pour obtenir l'accès. Nous recevons souvent des signalements relatifs à de la pornographie adulte et infantile qui est diffusée à la vue de tous sur les plateformes de médias sociaux populaires. Le fait que les membres du public tombent aussi souvent sur ce contenu et à des endroits aussi publics constitue un problème de santé publique important.
    La facilité d'accès à du matériel sexuellement explicite fournit également aux délinquants sexuels un outil pour amadouer les enfants. Des recherches indiquent que les délinquants sexuels exposent les enfants à des vidéos et à des images pornographiques dans le but de réduire leurs inhibitions. Par exemple, une étude a conclu que, de 91 délinquants qui avaient exploité sexuellement des enfants, 33 % avaient eu recours à de la pornographie adulte — des vidéos ou des magazines — pour amadouer, éduquer et désensibiliser les enfants.
    Les délinquants se servent de la pornographie, ainsi que du contenu sexuellement explicite, violent et dégradant, pour banaliser la violence perpétrée contre une victime. Le récit créé par les personnes qui commettent des infractions contre les enfants, c'est que ce sont des personnes matures qui prennent part aux actes et que la victime grandit, et le récit est souvent utilisé pour éduquer la victime concernant ce que le délinquant veut que l'enfant fasse.

  (1105)  

    Les éléments susmentionnés sont appuyés par des recherches menées par notre organisme. En janvier 2016, nous avons mené un sondage international auprès de survivants dont l'exploitation sexuelle subie durant leur enfance avait été enregistrée et distribuée en ligne. Les survivants qui ont participé au sondage ont apporté de précieux détails et renseignements au sujet de leurs expériences. Selon les conclusions préliminaires, nous avons appris que, des 93 victimes qui ont révélé avoir été exposées à du contenu inapproprié dans le cadre de leur processus d'exploitation, 57 % s'étaient fait montrer de la pornographie adulte, et 44 %, de la pornographie infantile.
    Je voudrais soulever un exemple d'un cas où un délinquant a utilisé du matériel sexuellement explicite pour amadouer un enfant. R. c. J.V. est une affaire instruite en 2015 par la Cour de justice de l'Ontario. Dans cette affaire, le père avait agressé physiquement et sexuellement ses filles depuis qu'elles avaient quatre et cinq ans et tout au long de leur enfance, dans ce que le juge a décrit comme une habitude sadique de torture gratuite. La mère était également impliquée en tant que facilitatrice et, dans certains cas, en tant qu'agresseure.
    Chaque victime a décrit un modèle selon lequel leur père les appelait à se rendre dans la chambre pour regarder de la pornographie. Ces vidéos comprenaient des ménages à trois et de la bestialité. Il les obligeait à regarder, puis les forçait à participer à divers actes sexuels. Une victime a décrit avoir été forcée à prendre part à de la bestialité après que son père a regardé des actes pornographiques semblables.
    Quand les enfants atteignent l'adolescence, l'intégration sans heurts de la technologie dans leur vie leur offre un accès facile à du matériel pornographique. Une quantité de plus en plus grande de recherches établissent des liens entre le visionnement de pornographie à l'adolescence et de nombreux résultats négatifs pour la santé, comme l'agressivité, la toxicomanie, la dépression, les comportements sexuels risqués et la déviance sexuelle.
    Les recherches disponibles concordent également avec notre expérience de communication directe avec les éducateurs d'enfants et les enfants canadiens. Le Centre canadien de protection de l'enfance distribue des documents éducatifs dans les salles de classe de partout au Canada. Nous tenons également des groupes consultatifs d'élèves, auxquels nous prenons part dans le but d'obtenir de l'information directement auprès des jeunes relativement à leur expérience de sécurité en ligne et personnelle. Grâce à des discussions informelles avec des élèves, en 2016, nous avons appris qu'environ 70 % des enfants de sixième année avaient ressenti à un moment ou à un autre de l'inconfort à l'égard de quelque chose qu'ils avaient vu en ligne, et la pornographie et des termes connexes ont souvent été mentionnés comme étant la source de l'inconfort.
    Ces données informelles sont appuyées par une étude qui a été publiée en juin 2016 par l'Université du Middlesex, à Londres. Une longue étude a été menée auprès d'élèves âgés entre 11 et 16 ans, laquelle a révélé qu'au départ les enfants étaient choqués et confus après voir vu de la pornographie, mais que le choc s'estompait après des visionnements répétés. Fait d'une importance cruciale: près de la moitié des garçons ont déclaré que la pornographie en ligne leur avait donné des idées au sujet des types d'actes sexuels dont ils voulaient faire l'essai, et un peu plus de la moitié de ceux qui avaient répondu au sondage considéraient que la pornographie était réaliste.
    Notre organisme communique également avec les parents. En février 2017, nous avons mené un sondage auprès de parents afin de mieux comprendre leurs préoccupations uniques concernant l'accès de leurs enfants à Internet et leur sécurité en ligne. Les conclusions préliminaires donnaient à penser que, chez les 122 répondants, 60 % étaient profondément préoccupés au sujet de l'exposition de leurs enfants à du contenu inapproprié, comme des images pornographiques ou de la violence. De plus, 53 % des répondants ont indiqué qu'ils avaient besoin d'aide pour acquérir des connaissances sur l'environnement Web afin de pouvoir éduquer et protéger leurs enfants.
    La réalité, c'est que, jusqu'ici, le fardeau de la gestion de ce problème incombe aux parents. Le nombre d'applications, de sites de médias sociaux et de sites Web a augmenté de façon exponentielle; pourtant, on s'attend à ce que les parents naviguent sur cette toile par eux-mêmes et qu'ils se débrouillent pour s'assurer que leurs enfants ne sont pas exposés à des choses qu'ils ne peuvent pas comprendre. Ce n'est pas réaliste; c'est injuste, et cette situation doit changer.
    En conclusion, notre organisme croit qu'il faut d'urgence prendre des mesures pour limiter l'accessibilité du matériel d'exploitation d'enfants et du contenu sexuel violent et dégradant, surtout sur les sites Web qui sont accessibles au public.
    Voici quelques mesures concrètes qui pourraient permettre de régler ce problème:
    La première consiste à étudier les possibilités de mobiliser les organismes responsables de l'attribution des noms de domaine afin qu'ils désignent des domaines particuliers comme étant sûrs pour les enfants. Ces domaines de niveau supérieur qui seraient sûrs pour les enfants obligeraient les entités à faire appliquer des règles relatives au type de contenu qu'elles ne peuvent pas héberger, comme de la pornographie et de la violence explicite.
    La deuxième, c'est l'éducation des adultes au sujet des conséquences néfastes de la pornographie et la conception de solutions, comme une technologie de vérification de l'âge, pour mieux s'assurer que le contenu pornographique n'est pas facilement accessible aux jeunes.

  (1110)  

    Une troisième mesure consisterait à aider les parents à se tenir au courant des tendances technologiques et à les armer d'outils et de ressources de protection des enfants.
    Enfin, nous devons éduquer et habiliter nos enfants relativement aux enjeux que sont le consentement sexuel, les relations saines et les limites.
    Nous espérons pouvoir poursuivre notre collaboration avec les intervenants et le gouvernement du Canada afin de trouver des moyens significatifs de veiller à ce que nos enfants soient mieux protégés contre le contenu nuisible, la violence et l'exploitation.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre la déclaration de notre deuxième témoin, Mme Gail Dines, de Culture Reframed, à Boston, au Massachusetts. Bienvenue.
    Je suis professeure de sociologie et d'études de la condition féminine au Wheelock College, à Boston, et je suis fondatrice et présidente de Culture Reframed. Nous sommes le premier organisme sans but lucratif axé sur la santé à renforcer les capacités publiques et professionnelles dans le but d'accroître la résilience et la résistance chez les enfants face à la culture de la pornographie.
    J'effectue de la recherche, j'écris et je prononce des allocutions au sujet de l'industrie de la pornographie depuis plus de 30 ans. Je suis l'auteure de nombreux articles et livres portant sur cette industrie, y compris Pornland: How Porn Has Hijacked Our Sexuality, qui a maintenant été traduit en quatre langues. J'ai exercé la fonction de témoin expert pour le département de la Justice américain dans une affaire contre l'industrie de la pornographie. Ma recherche et mon militantisme sont ancrés dans des études multidisciplinaires et reflètent des points de vue multiculturels et féministes.
    Le Comité a entendu le témoignage d'experts au sujet des débats dans le milieu universitaire concernant les effets néfastes de la pornographie. Laissez-moi m'exprimer très clairement. Plus de 40 ans de recherches empiriques effectuées dans les domaines de la psychologie, de la sociologie, des communications et des sciences de la santé montrent sans équivoque que la consommation de pornographie influe sur l'attitude, sur le comportement, sur les tendances sexuelles, sur les goûts sexuels, sur les normes, sur les valeurs et sur l'identité sexuelle et sexospécifique des hommes et des garçons.
    Laisser entendre que la pornographie n'a aucune incidence, c'est faire fi du poids de la preuve et — fait important — de la voix des femmes et des filles. Je parcours le monde pour présenter des exposés sur ce sujet, et j'ai entendu des milliers d'histoires de femmes et de filles au sujet des conséquences de la violence et du harcèlement sexuels, qui durent souvent toute une vie, et du rôle de la pornographie dans cette violence. Il s'agit d'un enjeu critique touchant les droits de la personne et la justice, à l'égard duquel tous les gouvernements devraient s'engager, s'ils sont déterminés à assurer l'égalité des filles et des femmes.
    En plus des conséquences directes de la pornographie sur la violence et l'exploitation sexuelles, nous devons reconnaître le grand nombre d'études qui explorent les façons plus subtiles dont la pornographie mine le bien-être collectif des femmes, des hommes et des enfants et érode le tissu culturel de notre société.
    Grâce à la recherche, nous savons que la pornographie détruit la capacité d'intimité, d'attachement et d'empathie, les trois compétences humaines clés qui soutiennent une société dans laquelle il vaut la peine de vivre.
    Plus les garçons ont accès à la pornographie tôt — et, aujourd'hui, l'âge moyen est de 11 ans —, plus ils en regardent et plus le matériel qu'ils consomment est violent, moins ils seront susceptibles, en tant qu'adultes, de nouer des relations d'attachement avec leurs partenaires, de jouer le rôle de parent auprès de leurs enfants ou d'être des citoyens actifs et engagés. Ils sont plus susceptibles de souffrir de dysfonction érectile, d'isolement, de dépression et d'anxiété.
    La pornographie a un effet en cascade sur l'ensemble de la société. Voilà pourquoi il s'agit d'un problème de santé publique, pas d'un enjeu moral. Il s'agit non pas d'un consommateur de pornographie qui se masturbe seul dans la chambre à coucher, dans la salle de bain ou dans la salle de conférence, mais de la façon dont la pornographie influe sur la vaste culture, sur les relations entre les sexes et sur le milieu de travail. C'est la même raison que celle pour laquelle nous considérons le fait de boire et de conduire comme un problème de santé publique. Il s'étend au-delà d'une seule personne ayant les capacités affaiblies, et ses causes et conséquences sociales sont plus vastes et provoquent des pertes de vie et des blessures physiques et émotionnelles à grande échelle. Il draine le système de soins de santé, et il nuit à l'économie. Une intervention systémique est requise pour le régler.
    Cette vérité est exactement la même dans le cas de la pornographie, qui mine le bien-être des garçons et des hommes et provoque un effet en cascade sur la culture. Elle met les filles et les femmes à risque de préjudices sexuels, physiques et émotionnels. Elle mine leurs droits à une pleine égalité à la maison, au travail et dans la société en général, car elle réduit les filles et les femmes à des objets sexuels. La pornographie banalise le harcèlement sexuel, rend les femmes plus vulnérables aux agressions sexuelles dans des endroits publics et privés, légitimise les actes sexuels qui rabaissent et dégradent les femmes, prépare les filles à se considérer comme n'étant rien de plus que des facilitatrices de masturbation pour les hommes et les prive de leur affirmation sexuelle.
    La machine bien huilée de relations publiques de l'industrie de la pornographie a élaboré une multitude de moyens pour nous distraire de ces effets, qui ont été documentés dans la recherche. Une distraction clé consiste à demander quel type de pornographie les hommes et les garçons regardent, de la bonne ou de la mauvaise pornographie, de la pornographie « soft » ou « hardcore », violente ou non violente? Il s'agit d'une distraction parce qu'elle désigne faussement un segment important de l'industrie de la pornographie comme étant « bénin ». Afin de comprendre la pornographie, il est essentiel d'étudier comment son industrie fonctionne et de comprendre le contenu et les genres, et comment l'accès à la pornographie est structuré à l'intérieur d'un environnement commercial hautement complexe sur le Web.
    L'avènement d'Internet a marqué le début d'une industrie de plusieurs milliards de dollars par année qui a remodelé non seulement la façon dont les hommes et les garçons accèdent à de la pornographie, mais aussi le contenu et le modèle d'affaires. Internet a rendu la pornographie abordable, accessible et anonyme, trois facteurs clés qui stimulent la demande. Grâce à un accès à la pornographie 24 heures sur 24, sept jours sur sept, les garçons et les hommes sont rapidement devenus désensibilisés et ont eu besoin de pornographie plus extrême afin de maintenir leur intérêt et leur excitation.

  (1115)  

    En 2003, le réalisateur de pornographie « hardcore » Jules Jordan a dit à Adult Video News— un journal de l'industrie de la pornographie — que « L'un des éléments qui caractérisent la pornographie d'aujourd'hui et le marché extrême, le marché « gonzo », c'est qu'un très grand nombre d'adeptes veulent en voir beaucoup plus ».
    C'était en 2003. Aujourd'hui, la pornographie « hardcore » — appelée « gonzo » par l'industrie — est non plus extrême, mais courante. Dans ce cas, il n'est pas surprenant qu'une étude menée en 2010 par Ana Bridges et son équipe ait révélé que la majorité des scènes de 50 des films les plus regardés contiennent de la violence physique et des agressions contre des femmes dans 90 % des scènes.
    C'était en 2010, juste au moment où l'industrie de la pornographie était révolutionnée par une entreprise appelée au départ Manwin et renommée plus tard MindGeek, à la suite de l'arrestation de son fondateur, Fabian Thylmann, pour évasion fiscale en 2012. La clé du plan d'affaires de MindGeek consistait à établir des sites de pornographie gratuite, un peu comme YouTube, puis à monétiser la circulation grâce à des publicités de produits pour faire grossir le pénis et de médicaments contre la dysfonction érectile et à des liens menant les consommateurs à des sites de pornographie payants et à de la pornographie sur cybercaméra.
    MindGeek a été décrit comme un site semblable à la section des livres d'Amazon; c'est la force dominante. Grâce à MindGeek, l'industrie de la pornographie est maintenant mature, hautement complexe et gérée comme une entreprise. Cette entreprise contrôle huit des dix sites de pornographie gratuite les plus visités dans le monde, ainsi que la majeure partie du volet de la distribution de la chaîne de valeur. Ses trois plus importants sites pornographiques attirent près de 100 millions de visiteurs, et leurs pages sont visualisées plus de 488 millions de fois par jour.
    Ce modèle de pornographie gratuite livre la pornographie à des garçons à une échelle jamais vue auparavant. Comme on n'a pas besoin de carte de crédit ni de preuve d'âge, il s'agit du moyen parfait pour livrer de la pornographie « hardcore » à des garçons, à l'étape même de leur développement où ils sont sexuellement curieux et où leur cerveau est programmé pour la nouveauté et la prise de risque. En l'absence de programmes d'éducation sexuelle solides, la pornographie est maintenant devenue la principale forme d'éducation sexuelle dans le monde, partout sur la planète. Cela signifie que la pornographie « hardcore » violente forme les garçons dans une mesure jamais observée auparavant.
    Même si le siège social de MindGeek est situé au Luxembourg et que l'entreprise a des bureaux partout aux États-Unis et en Europe, 800 de ses plus de 1 000 employés travaillent à son bureau de Montréal. En effet, il est ironique que le pays qui a produit la déclaration la plus audacieuse au sujet de la pornographie en tant que problème de santé publique abrite le plus important distributeur de pornographie de la planète.
    Compte tenu de ce degré de concentration dans le volet de la distribution, il n'est pas difficile de découvrir quels sont les types de contenu pornographique populaires. Les sites Web de MindGeek ne contiennent pas de pornographie « softcore » ou de « bonne » pornographie. Ils vous catapultent plutôt dans un monde d'images de femmes subissant violence et dégradation. La pornographie est un produit industriel, pas une collection aléatoire d'images ou d'art créatif. Cela veut dire que c'est générique et formaté dans la plupart des sites pornographiques.
    Ce modèle d'affaires reflète celui d'autres grandes industries. Lorsque vous entrez dans un McDonald situé où que ce soit dans le monde, le menu est plus ou moins le même, car le produit est conçu pour un marché de masse. Vous pouvez obtenir un Big Mac avec ou sans fromage, avec ou sans moutarde, mais vous ne pouvez pas commander un bifteck au poivre suivi d'un soufflé au fromage pour le dessert. Le produit offert a été structuré par des professionnels en marketing spécialisés, au siège social de McDonald, dans l'optique des recettes, des profits, des coûts et de la segmentation du marché.
    Il en va de même pour MindGeek. Quel que soit le site où vous atterrissez, vous voyez une liste semblable de genres et d'actes, et je vais vous présenter les principaux actes que vous verrez sur tous les sites de MindGeek: des femmes étouffées par un pénis jusqu'à ce qu'elles en suffoquent; des martèlements de sexe oral, anal et vaginal conçus pour étirer les orifices des femmes et causer de la douleur et des blessures; des femmes pénétrées par tous les orifices, souvent par trois hommes en même temps, pendant qu'elles se font frapper au visage par des mains et des pénis, qu'elles se font cracher dessus et qu'elles se font insulter dans des termes ignobles et misogynes.
    Même s'il ne s'agit pas du Playboy de votre père, à un niveau profond, il s'agit de la même vieille idéologie patriarcale, réactionnaire et sexiste. Ces images envoient au cerveau des hommes, par l'intermédiaire du pénis, le message selon lequel les femmes existent à des fins d'utilisation et de violence sexuelles. Dans la pornographie, les femmes n'ont pas besoin de bons services de garde d'enfants, d'une paye égale ou du droit de vivre dans la dignité. Tout ce dont elles ont besoin, c'est d'une bonne baise pour les rendre heureuses. L'idée selon laquelle, d'une certaine manière, la pornographie concerne la libération des femmes, une sexualité créative ou l'affirmation sexuelle témoigne du pouvoir de la machine à relations publiques de l'industrie de la pornographie. Ironiquement, l'idéologie et les messages sont aussi vieux que le patriarcat lui-même.
    Voilà pourquoi il nous faut agir maintenant. En plus d'élaborer et d'offrir une éducation sexuelle holistique dans les écoles, nous devons élaborer des politiques semblables à celles du Royaume-Uni, qui limitent grandement l'accès à la pornographie au moyen de filtres au niveau du fournisseur de services Internet et grâce à des mesures de vérification de l'âge.

  (1120)  

    Nous devons également définir la pornographie comme une violation des droits civils des femmes et demander ce qui a le plus d'importance: le droit d'un groupe de prédateurs capitalistes de profiter de la violence faite aux femmes et aux enfants, ou bien les droits des femmes et des filles de vivre en tant que citoyennes égales et libres? On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Un choix doit être fait: la pornographie ou l'égalité entre les sexes?
    Merci beaucoup. J'apprécie vos commentaires, c'est certain.
    Maintenant, nous allons passer à la Dre Sharon Cooper, première dirigeante de Developmental and Forensic Pediatrics, de Fayetteville, en Caroline du Nord.
    Bienvenue.
    C'est un privilège pour moi que de pouvoir discuter avec vous aujourd'hui. Je suis une pédiatre qui travaille précisément dans le domaine du développement de l'enfant, plus particulièrement le développement sain des enfants et des enfants qui sont à risque de troubles liés au développement. Je suis également pédiatre médico-légale, et il y a maintenant près de 40 ans que je travaille dans le domaine de la maltraitance envers les enfants. Les 18 dernières années ont été ciblées sur les crimes contre les enfants sur Internet et les crimes liés aux technologies de l'information et des communications.
    La présence de pornographie sur Internet et sa facilité d'accès pour les enfants et les jeunes posent une menace importante pour le développement psychosexuel des enfants et des jeunes, aujourd'hui. Cette menace pour les enfants, l'incapacité de leurs parents de fournir des mesures de protection et les décisions d'adopter un comportement sexuel aberrant prises en conséquence par de plus en plus de groupes d'adolescents, jeunes et plus âgés, fournit vraiment la feuille de route claire d'une menace pour la société. Par conséquent, du point de vue du modèle écologique, la pornographie sur Internet affecte l'enfant, la famille, la collectivité et la société.
    Les efforts visant à protéger les enfants contre ce contenu lubrique étaient complètement acceptables lorsque la vente à des mineurs de documents imprimés était interdite. Toutefois, depuis l'accessibilité publique des technologies de l'information et des communications, qui a vraiment commencé vers 1995 ou 1996, ce contenu ne peut plus être contrôlé sans mesures législatives. La nature même d'Internet et la technologie des téléphones intelligents encouragent un sentiment de banalisation numérique qui provoque chez les parents un sentiment d'impuissance lié au fait de tenter d'intervenir et de protéger leurs enfants contre le contenu indésirable.
    La pornographie adulte nuit aux enfants de sept manières différentes. Premièrement, les adultes qui visionnent ce contenu l'utilisent souvent comme modèle pour la production de leur propre matériel personnel, car ils agressent sexuellement des enfants. Ces images sont souvent leur plan d'action. Dans des centaines d'enquêtes au cours desquelles j'ai dû examiner le stockage d'images et de vidéos d'exploitation sexuelle d'enfants — auparavant désigné par le terme « pornographie infantile » —, du contenu pornographique adulte avait déjà été enregistré sur le disque dur des délinquants, qui l'avaient utilisé pour reproduire les actes sexuels de ces enfants pendant qu'ils téléchargeaient, traitaient et échangeaient ces images avec des délinquants partageant les mêmes idées.
    Deuxièmement, les adultes utilisent maintenant la pornographie adulte pour inciter les jeunes à produire eux-mêmes des images semblables, habituellement à des fins de chantage et de victimisation en ligne continue, qu'on appelle maintenant la « sextorsion ». Il est très facile pour un adulte d'amadouer un jeune et de lui faire croire que le matériel explicite en ligne reflète des relations sexuelles normales et que son intérêt romantique justifie que l'enfant lui envoie par Internet du contenu risqué.
    Les enfants décrivent depuis des décennies le fait que les délinquants sexuels adultes commencent par regarder de la pornographie adulte, juste avant de commettre une agression sexuelle. Les enfants ont également décrit le comportement fréquent de délinquants sexuels qui encouragent les enfants à visionner de la pornographie adulte avec eux. Cela se faisait habituellement en cachette et derrière des portes closes, car le délinquant se préparait à agresser sexuellement l'enfant.
    Bien entendu, les jeunes enfants ne font habituellement pas l'expérience de l'excitation sexuelle qui en découle, contrairement aux délinquants, qui présentent une distorsion cognitive selon laquelle « ce sera aussi bon pour toi que pour moi ». Dans cette situation particulière, le but de la pornographie adulte est l'éducation et la séduction de ces enfants innocents. Y a-t-il un meilleur moyen et un moyen plus facile de séduire des enfants que le simple fait de sortir un téléphone intelligent et de lui montrer des vidéos de pornographie adulte, alors qu'ils ne se doutent de rien?
    Nous reconnaissons maintenant que la pornographie adulte est devenue l'un des catalyseurs les plus fréquents qui mènent à l'adoption par les jeunes de comportements de délinquants sexuels contre des pairs et des enfants plus jeunes. À mesure que ces jeunes s'habituent au contenu, ils y réagissent — tout comme les adultes — en se masturbant et ressentent le besoin de voir du contenu de plus en plus extrême pour être satisfaits sexuellement, ils deviennent essentiellement « désinhibés », s'ils n'ont pas accès à davantage de contenu qui les satisfera sexuellement. Il n'est pas rare que ces jeunes victimisent un enfant plus jeune qui se trouve simplement au mauvais endroit au mauvais moment. Ils utilisent également la pornographie adulte comme moyen de banalisation d'actes sexuels auprès de jeunes enfants, afin que la victime enfant se soumette à la nature de l'agression.
    Une autre façon dont la pornographie adulte nuit aux enfants, c'est le commencement de la spirale descendante qui mène à l'adoption de comportements antisociaux, comme c'est souvent mentionné dans le contenu adulte en ligne.

  (1125)  

    Lorsque les actes criminels déteignent dans les relations adolescentes, nous avons la création d'un profil d'agression sexuelle à l'adolescence et — c'est très triste, de nos jours — la multiplication des cas d'immortalisation de l'agression sexuelle en question au moyen de la vidéographie d'un téléphone cellulaire et, enfin, sa transmission sur Internet.
    Le dernier moyen de nuire aux enfants qui est propagé par la pornographie adulte, c'est l'invitation visuelle à rechercher du contenu de plus en plus extrême. Cela entraîne nos enfants sur la pente glissante entre la pornographie adulte et ce qu'on appelle les sites « à peine légaux », où des victimes de sexe féminin adultes et probablement adolescentes sont déguisées en enfants, puis les enfants finissent par télécharger, échanger et posséder des images d'exploitation d'enfants. Cette terrible voie change la vie des jeunes et peut leur occasionner des démêlés avec le système de justice pénale, qui changeront leur avenir pour toujours.
    Du point de vue de la santé publique, les recherches sur les neurones miroirs ont souligné que, ce que nous voyons, c'est plus qu'une image transmise à notre cerveau. Ce que nous voyons est également traité par d'autres parties du cerveau, qui nous convainquent que nous faisons vraiment l'expérience de ce que nous voyons. C'est particulièrement pertinent par rapport à la menace pour la santé publique que présente la pornographie adulte en ligne, et surtout ses conséquences sur les enfants.
    Je voudrais terminer mon témoignage en citant les paroles d'un imam qui a témoigné lors d'une audience convoquée par notre département de la Justice, qui s'intitulait « Defending Childhood: children exposed to violence en 2012 ». Ce groupe de travail national, dont j'étais membre, a voyagé dans tous les États-Unis pendant près de un an, à écouter le témoignage sous serment fait par des enfants, des adultes et des experts en la matière concernant les conséquences de l'exposition à la violence pour les enfants. L'imam en question a évoqué le fait de tenter d'envoyer des contre-messages à sa congrégation de jeunes adolescents en croissance — en particulier aux adolescents de sexe masculin — dans l'espoir de tenter de rétablir et de souligner le besoin de respecter les femmes et les filles, le besoin de définir les modèles de comportement misogynes et le besoin d'être essentiellement une personne qui se tient debout. Les paroles adressées par ce dirigeant estimé de la collectivité de Baltimore, au Maryland, à des jeunes qui grandissaient dans sa collectivité sont les suivantes, et je cite: « Il est dit que l'on a ce que l'on voit, mais je dirais plutôt qu'on se fait avoir par ce qu'on voit ».
    Merci beaucoup de votre attention.

  (1130)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Cordelia Anderson, fondatrice des Sensibilities Prevention Services, à Minneapolis, au Minnesota. Bienvenue.
    Salut. C'est merveilleux d'être ici, et c'est excellent de prendre la suite de tels témoins. Je vous suis vraiment reconnaissante de mener cette étude et de me donner la possibilité de m'adresser à votre groupe.
    Depuis plus de 40 ans, je travaille à la promotion de la santé sexuelle et à la prévention des préjudices sexuels. J'ai commencé mes études dans le programme de sexualité humaine, à l'Université du Minnesota, où j'ai reçu ma formation; à cette époque, on m'avait enseigné que la pornographie était inoffensive et qu'il s'agissait en effet d'un adjuvant sexuel. J'ai beaucoup appris au sujet de l'importance de promouvoir la santé sexuelle et de combattre l'oppression sexuelle. Quand j'ai quitté ce programme, j'ai mis sur pied l'un des premiers programmes de prévention de l'exploitation sexuelle des enfants aux États-Unis, et j'offrais des consultations en psychologie à des personnes qui commettent des actes préjudiciables et à celles qui ont subi un préjudice. Tout cela a changé ma compréhension de l'incidence de la pornographie sur les personnes et la culture.
    D'autres personnes qui ont témoigné jusqu'ici ont mentionné qu'il s'agit d'une expérience sociale non réglementée d'une si grande envergure que nous ne connaissons pas encore toute l'étendue des torts ou des conséquences. Certains des témoins ont fait valoir que, en raison de ce qu'ils appelaient un manque de recherche et de tendances, aucun préjudice n'avait été démontré. Je suis là aujourd'hui, avec mes collègues, pour signaler qu'il y a un vaste éventail de recherches et de tendances crédibles qui indiquent clairement qu'il s'agit d'un problème de santé publique exigeant un éventail parallèle d'efforts visant à le contrer.
    Je veux seulement revenir sur les commentaires formulés par la Dre Cooper au sujet du cerveau. À mon avis, certaines des recherches menées sur le cerveau sont essentielles pour qui veut comprendre ce phénomène comme un problème de santé publique. Je ne suis pas neuroscientifique, mais je peux citer beaucoup de rapports de recherche, vous orienter vers la source de cette information et tenter de trouver une partie de l'essence simple. Il y a 32 études et 10 analyses documentaires. En termes très simples, les neurones qui s'allument ensemble se programment ensemble. Tout ce que le cerveau fait beaucoup — ce que nous faisons beaucoup —, nous devenons doués pour le faire, et cela modifie littéralement notre cerveau. Le potentiel de préjudice est lié non pas à la nudité, mais plutôt à la nouveauté. Le cerveau est malléable. Il se modifie perpétuellement.
    Vous avez entendu parler des cellules miroirs. Il y a aussi la programmation innée qui est déclenchée par un stimulus supérieur à la normale et irréaliste: nous sommes attirés vers ce qui est très gros et qui brille fort. Par ailleurs, lorsque la dopamine et d'autres produits chimiques qui nous font sentir bien montent en flèche, comme dans le cas de la consommation de pornographie, cela réduit la capacité d'obtenir la même intensité avec un partenaire de la vie réelle. Les gens se désensibilisent et s'habituent. Ils se mettent à avoir envie de plus. Le centre de récompense du cerveau veut sa dose. Lorsque le cerveau doit attendre avant de consommer, il surréagit. Le lobe frontal est reprogrammé, et certaines personnes affirment que les plaquettes de frein du centre de récompense du cerveau sont supprimées, et d'autres disent qu'elles sont usées à la corde. Lorsque cela se produit, le cerveau est programmé pour la récompense, et c'est pourquoi on observe un lien croissant avec les comportements sexuels problématiques et l'agression sexuelle.
    De plus, la science du cerveau indique l'existence d'une dépendance biologique. Vous pouvez vous rendre sur le site Web yourbrainonporn.com pour obtenir une compilation de toutes ces études et analyses. Le fait que le cerveau des enfants et des adolescents est encore en développement est la raison pour laquelle nous sommes très préoccupés au sujet des conséquences supplémentaires sur les enfants.
    En parallèle avec l'effet sur le cerveau, l'environnement est au cœur de la santé publique. L'environnement a de l'importance pour la santé publique. Lorsque ces images toxiques sont banalisées — ce dont vous avez beaucoup entendu parler — dans les médias grand public hypersexualisés ainsi que dans la pornographie, c'est à cela que la plupart des gens ont accès. En même temps, nous censurons des images et des messages sains. Nous nous demandons pourquoi des personnes font les choix qu'elles font. C'est parce que les décisions toxiques sont logiques dans un environnement toxique. Quand on voit beaucoup de ces choses, les consommateurs ne font même pas la différence. S'ils n'ont pas atteint un certain âge, ils n'ont même pas vu la différence.
    Parlons davantage des enfants et des jeunes.
    Les enfants devraient apprendre comment nouer des relations de tendresse et établir des liens qui sont mutuellement respectueux, apprendre à comprendre le consentement et l'identité. Ce que la pornographie leur enseigne au sujet du sexe, c'est qu'il s'agit d'une question de performance, d'hommes qui éjaculent et de femmes qui font éjaculer des hommes. Il s'agit de causer des préjudices physiques et émotionnels à une autre personne.
    Dans la pornographie, le consentement n'a pas d'importance. En effet, le sexe est présenté comme de l'exploitation et de l'agression sexuelles, et les besoins des femmes n'ont pas d'importance. La douleur et la dégradation doivent simplement être tolérées. Voilà pourquoi, dans un sondage mené auprès d'enfants du Royaume-Uni, un garçon de 11 ans a posé la question suivante: « Si j'ai une petite amie, est-ce que je dois l'étrangler quand j'ai des rapports sexuels avec elle? » Les filles demandaient si elles étaient tenues de se faire sodomiser, même si cela faisait mal, et si elles devaient être partagées avec les amis de leurs petits copains.

  (1135)  

    Une mère m'a appelée. Je reçois beaucoup d'appels de parents. Elle cherchait désespérément à obtenir de l'aide pour son fils de 13 ans qui était très brillant et très doué en technologie. Il avait découvert de la pornographie. Les parents avaient fait tout ce qu'ils pouvaient. Ils avaient verrouillé la technologie. Il y a accédé par effraction. Ils l'ont envoyé consulter deux thérapeutes. Pendant que l'état de ce garçon empirait, les deux thérapeutes ont dit: « Hé, il a 13 ans, c'est tout à fait naturel; ce sont des pulsions sexuelles normales; revenez-en ». Le garçon est ensuite passé à l'acte sur une fille plus jeune.
    Les histoires de cas individuels n'en font pas un problème de santé publique, mais les autres études et tendances, oui. Une étude menée auprès de jeunes de 14 à 21 ans montre que 9 % d'entre eux ont adopté une certaine forme de comportement sexuellement violent et que ces 9 % avaient consommé beaucoup plus de matériel sexuel violent. Une étude australienne a montré que, parmi des enfants de 7 à 11 ans qui recevaient un traitement pour un comportement sexuel problématique, 75 % des garçons et 67 % des filles avaient été orientés par l'intermédiaire de la pornographie. Au Royaume-Uni, entre 2013 et 2016, on a observé une augmentation de plus de 80 % de la violence sexuelle commise par des enfants contre des enfants. Une autre étude portant sur la consommation de médias et le comportement de sextage de 300 adolescents a révélé un lien statistiquement significatif entre la consommation de pornographie et le sextage.
    Dans le livre Girls & Sex de Peggy Orenstein, l'auteure a interrogé plus d'une centaine de filles, et elles ont évoqué le fait d'être émotionnellement déconnectées de leur corps. Elles s'attendaient à ce que les rapports sexuels soient douloureux, et, de plus, elles ne croyaient pas qu'elles devraient dire quoi que ce soit, ce qui est très frustrant pour ceux d'entre nous qui effectuent un travail de prévention de la violence sexuelle depuis très longtemps.
    Une étude italienne menée auprès d'élèves masculins du secondaire a indiqué que près de 22 % des répondants définissaient leur consommation de pornographie comme étant habituelle, 10 % affirmaient qu'ils avaient perdu l'intérêt pour un partenaire de la vraie vie, 9,1 % décrivaient leur propre consommation comme un genre de dépendance, et 19 % ont expliqué qu'elle créait des réactions sexuelles anormales.
    Fortify est un programme de traitement en ligne conçu pour les enfants et les jeunes qui souhaitent obtenir de l'aide concernant leurs préoccupations au sujet de la pornographie. En un peu plus de deux ans, plus de 35 300 jeunes se sont retrouvés sur le site et ont suivi le programme: 87 % étaient des garçons, 75 % avaient visionné leur première vidéo pornographique entre les âges de 9 et 13 ans. Des liens solides ont été établis avec la dépression et l'anxiété, ce qui correspond à la recherche de Philip Zimbardo, soulignée dans Man Interrupted, où l'auteur s'est penché sur ce qui arrive à nos garçons et à nos hommes durant leurs études et au travail. Pourquoi perdent-ils pied? Il appelait cela un syndrome d'intensité sociale, et il a conclu que deux facteurs clés — beaucoup de temps consacré aux jeux vidéo et beaucoup de temps consacré à la pornographie sur Internet, loin des interactions sociales — créaient un malaise social et un déficit de l'attention.
    Il y a aussi des études qui montrent un effet secondaire de la pornographie. Si j'empêche mes enfants d'en voir, ils seront tout de même touchés par les attentes et les comportements des autres.
    Vous avez beaucoup entendu parler du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, mais je veux dire deux autres choses à ce sujet. Quand un enfant a 13 ans et regarde des images d'enfants de 13 ans, c'est probablement plus normatif que de regarder un adulte, mais c'est dans la catégorie illégale.
    S'ils font une fixation — ce que nous voyons un plus grand nombre d'entre eux faire —, cela devient un énorme problème. Pour les hommes qui ne sont pas pédophiles, mais qui s'habituent à vouloir des choses nouvelles et différentes, ils sont habitués de voir des enfants sexualisés dans les médias grand public et la pornographie, et ils commencent à regarder des images d'enfants de plus en plus jeunes. La réalité, c'est que l'industrie de la pornographie ne réagit pas à la demande; elle la façonne plutôt à son propre avantage.
    Timothy Kahn, qui traite des jeunes délinquants sexuels, affirme qu'il évalue toujours la consommation de pornographie du jeune parce qu'il voit que les comportements sexuels d'un très grand nombre d'entre eux ont été déclenchés par la pornographie. Pour les adultes, une méta-analyse de 22 études menées dans sept pays indique que les données cumulées laissent peu de doute quant au fait qu'une plus grande consommation de pornographie affecte non seulement les attitudes, mais aussi le comportement sexuel agressif.
    Contrairement à l'industrie de la pornographie et à d'autres personnes qui ont témoigné en affirmant que c'est inoffensif, le fait qu'il y a une augmentation très rapide des cas de dysfonction érectile induite par la pornographie chez nos garçons et chez nos hommes montre encore une autre conséquence sur la santé.
    Une intervention en santé publique signifie que nous ne pouvons pas arrêter, poursuivre, incarcérer, légiférer, traiter ou éduquer pour nous en sortir. Il s'agit d'un problème de santé publique qui exige que nous assurions les conditions dans lesquelles les gens peuvent être en santé. Nous les aidons à faire le choix sain.
    Les initiatives de santé publique efficaces ont montré qu'on ne peut pas y arriver grâce à l'éducation seulement. Laissez-moi vous donner un exemple: l'eau polluée toxique. Si nous avons une source d'eau polluée et toxique, l'un de nos choix pourrait être d'éduquer les enfants en leur expliquant à quel point il serait merveilleux d'avoir un apport en eau pure et saine et les préjudices potentiels d'une eau polluée. Nous pouvons éduquer leurs parents afin qu'ils posent de meilleurs filtres pour les protéger. Nous pouvons éduquer nos fournisseurs de soins de santé afin qu'ils apprennent à connaître les symptômes lorsque les préjudices causés par le fait de boire autant d'eau polluée se manifestent dans leur corps, et nous pouvons écouter beaucoup de gens qui disent: « Hé, nous ne pouvons rien faire au sujet de cette eau polluée. Un si grand nombre de gens en ont bu que nous ne pouvons rien faire ».

  (1140)  

    Par ailleurs, nous pourrions écouter les dirigeants qui disent: « Hé, peut-être qu'en faisant toutes ces autres choses, nous devrions nous concentrer sur la source de l'eau polluée ».
    Aucune étude ne montre que la pornographie est utile aux enfants, aux jeunes ou à la culture, pourtant, un éventail d'études montrent qu'elle pollue la santé et le mieux-être sexuels et relationnels individuels et collectifs. J'ai décrit un éventail de mesures dans mon mémoire écrit. Je serai heureuse de les aborder durant nos questions.
    Merci.
    Je vous remercie toutes de votre témoignage et d'avoir décrit les défis auxquels nous faisons face. Ils sont certainement importants. J'apprécie vos commentaires.
    Maintenant, nous allons passer à notre période de questions. Nous allons commencer par des questions de sept minutes, et espérons que nous trouverons des réponses possibles aux défis que vous avez décrits.
    Je vais commencer la période de questions par Mme Sidhu.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous toutes de vous être présentées et de nous avoir fait part de votre point de vue.
    Madame McDonald, pourriez-vous expliquer les autres effets liés à la santé publique sur les enfants et tous problèmes connexes sur lesquels votre organisation s'est penchée ou travaille, plus particulièrement ceux qui ne sont pas liés à la technologie?
    Comme je l'ai déclaré, notre organisation travaille directement auprès des familles et des éducateurs. Selon moi, une des choses qui seraient très importantes, ce serait que l'on se fasse une meilleure idée grâce à certains de professionnels de première ligne qui travaillent également auprès des enfants. Dans le cadre de notre programme éducatif, nous entendons souvent parler des problèmes auxquels font face les éducateurs. Je pense que nous sommes déjà allés si loin en ce qui concerne cette question qu'il sera très difficile de découvrir comment nous pourrons nous débrouiller pour revenir en arrière.
    Toutefois, je mentionnerai également qu'en ce qui a trait à la responsabilité conjointe, je pense que nous devons examiner le rôle de l'industrie et ce dont elle a besoin pour collaborer et contribuer à la détermination de la façon dont nous pourrions régler ce problème.
    La dernière chose que je dirais, c'est que, comme l'ont mentionné mes collègues, dans le cadre du visionnement du matériel d'exploitation d'enfants et de l'examen des signalements que nous avons reçus par l'intermédiaire de la centrale, ce que nous constatons, c'est que les Canadiens ont tout à fait l'impression qu'il faudrait faire quelque chose, car ce n'est pas illégal, d'un point de vue technique, et que le degré de violence dont sont témoins nos analystes dans ces vidéos et images est extrêmement préjudiciable. Nous avons établi tout un ensemble de pratiques de santé et de mieux-être afin que nos analystes de la protection de l'enfance puissent prendre soin d'eux-mêmes en raison du type de contenu et du matériel extrême qu'ils visionnent.

  (1145)  

    Pourriez-vous nous donner plus de détails sur le rôle des parents? Nous avons entendu d'autres témoins parler d'enfants âgés de 7 à 11 ans. Quel est le rôle des parents? Pourriez-vous expliquer cela?
    Encore une fois, comme nous l'avons toutes mentionné, je pense que les parents se sont retrouvés avec cette responsabilité ingrate. De fait, c'est très difficile pour tout parent, même ceux qui tentent au meilleur de leur capacité de surveiller et gérer complètement.
    Les enfants ont des téléphones. Quant à l'âge auquel les enfants ont maintenant des téléphones intelligents, la plupart des jeunes que nous voyons en sixième et en septième années en possèdent déjà, alors, même si on regarde les types de mesures de contrôle dont on les entoure, on voit des enfants qui vont chez leurs amis, où peut-être qu'aucune supervision n'est assurée. Nous entendons sans cesse dire que, malgré les meilleures intentions, les parents ne peuvent pas empêcher leurs enfants d'avoir un accès facile à ce type de matériel.
    Examinons la situation pour une minute. Si nous regardons l'âge auquel nous disons que les enfants peuvent conduire, ou si nous examinons les règles que nous imposons relativement à d'autres comportements, parce que nous reconnaissons le préjudice, dans ce domaine particulier, nous ne l'avons pas vraiment envisagé de ce point de vue, ce qui pose problème.
    Le Comité a reçu de nombreux mémoires écrits et soumissions concernant l'étude de la motion 47.
    À votre avis, quelles sont les forces et les faiblesses du recours à des mesures de vérification de l'âge et à des filtres pour empêcher les enfants et les jeunes d'accéder en ligne à du matériel sexuellement explicite?
    Puis-je poser la question à la Dre Sharon Cooper?
    C'est une très bonne question. Tout d'abord, conjointement avec ce que Lianna McDonald vient tout juste de dire, quand nous parlons de la jeunesse des enfants et de leur accès extrême à la technologie, l'une des choses qui doivent être fournies, ce sont des consignes aux parents concernant le temps et les médias. Aujourd'hui, la plupart des médecins n'ont pas le temps d'aborder ce sujet lorsqu'ils prodiguent des conseils d'ordre préventif aux familles. Le fait que les enfants accèdent aux médias pendant une période excessive tous les jours en fait le mode de communication le plus normal pour ces enfants ainsi que la méthode d'apprentissage la plus courante.
    Nous devons aider les parents à reconnaître qu'il n'est pas bon de mettre les enfants sur le pilote automatique en ce qui concerne les médias et que, de fait, ils doivent être très protecteurs envers leurs enfants. Bien souvent, ils sont extraordinairement emballés parce que l'enfant affiche beaucoup de compétences en technologie, peut-être plus que le parent, en fait, avec divers types de technologies. Toutefois, si le parent ne sait pas comment gérer, contrôler et filtrer le contenu pour ses enfants... je dis souvent dans des arènes nationales: « N'achetez pas ce genre de technologie si vous ne savez pas comment l'utiliser. »
    Dans le cadre de l'un de mes témoignages devant le Congrès des États-Unis, l'une des choses que j'avais recommandées, c'était que toutes les bibliothèques publiques du pays aient des bibliothécaires qui se consacrent à aider les parents à comprendre les diverses technologies à mesure qu'elles deviennent accessibles, car la plupart des parents ne savent pas comment protéger leurs enfants dans ce domaine particulier.
    Du point de vue de la vérification de l'âge, je crois qu'il est très important pour nous de tenter de suivre la voie empruntée par le Royaume-Uni dont a parlé Mme Dines, et de mettre en place certains moyens pour interdire aux très jeunes enfants d'accéder à du contenu qui semble être protégé par des lois sur la liberté d'expression, etc. La vérification de l'âge est très importante et, en ce moment, on n'en fait pas du tout la promotion dans le cyberespace.
    Merci.
    Étant donné qu'au Canada, l'éducation est une question de compétence provinciale et territoriale, quel rôle — le cas échéant — voyez-vous le gouvernement fédéral et l'Agence de la santé publique du Canada jouer dans ce domaine?
    Madame McDonald, voulez-vous répondre?
    Oui, c'est une des difficultés. Notre organisation offre un certain nombre de programmes d'éducation nationale. Nous avons jumelé les programmes obligatoires d'éducation physique et d'éducation sanitaire afin d'enseigner aux enfants ce que sont la sécurité personnelle, la violence sexuelle à l'endroit des enfants et l'exploitation des enfants. Nous pouvons ainsi, grâce à ces interventions, sensibiliser les enfants à ces dangers très importants.
    Cela dit, il faut absolument déterminer et examiner le rôle que le gouvernement fédéral doit jouer, parce que, encore une fois, ce n'est pas seulement une question d'éducation. Comme Cordelia l'a mentionné, il faut utiliser diverses stratégies. Je crois vraiment qu'il faudrait avoir une discussion en bonne et due forme à propos de l'aide supplémentaire que pourrait fournir le gouvernement du Canada.

  (1150)  

    Selon vous, quelles devraient être les recommandations du Comité? Est-ce qu'un des autres témoins pourrait répondre?
    Répondez rapidement, s'il vous plaît.
    Quelles sont vos recommandations pour le Comité?
    Pourrais-je vous parler de ce qui se fait au Royaume-Uni? Je crois que c'est un très bon exemple.
    Deux mesures ont été prises au Royaume-Uni: d'abord, il y a celle prise par l'administration Cameron en 2013, un mécanisme de consentement ou d'abstention. Voyez-vous, de nos jours, quand vous achetez n'importe quel appareil mobile sans fil n'importe où dans le monde, vous avez donné implicitement votre consentement à l'accès à de la pornographie. Vous n'avez pas le choix; c'est là.
    Ce que le Royaume-Uni a proposé, c'est que l'accès à ce genre de contenu soit bloqué par défaut au lieu que l'on y ait accès par défaut. Si vous voulez y avoir accès, vous devez communiquer avec votre fournisseur et confirmer que vous voulez qu'il soit accessible. Vous devez prouver que vous avez plus de 18 ans, vous devez donner votre numéro de carte de crédit, et ensuite, vous pouvez y accéder sur tous vos appareils. Vous allez recevoir un courriel de votre fournisseur d'accès Internet — parce que tout cela est fait par votre fournisseur d'accès Internet — pour confirmer que l'option a été changée.
    La plupart des fournisseurs d'accès Internet au Royaume-Uni n'ont pas suivi la recommandation. Le seul à l'avoir fait était Sky, l'un des plus gros fournisseurs. On a fini par constater que, lorsque l'option par défaut est de limiter l'accès à la pornographie, 70 % des clients de Sky choisissent de ne pas débloquer l'accès. C'est très intéressant de voir que 70 % des gens ont préféré cette option. Selon Sky, un grand nombre de gens les remercient au lieu de les critiquer, et leur chiffre d'affaires a même augmenté parce que l'entreprise a montré qu'elle se souciait d'un problème de société.
    L'autre mesure très importante qui va être mise en oeuvre au Royaume-Uni est la vérification de l'âge. Les discussions sont encore en cours à ce sujet, mais, encore une fois, ce sera la responsabilité du fournisseur d'accès Internet. Je ne crois pas qu'on devrait laisser cela entre les mains des familles. Ce serait un peu comme dire que c'est la responsabilité des parents de régler le problème si je vais dans une école secondaire distribuer des cigarettes aux enfants. S'il est interdit de donner des cigarettes à des enfants du primaire et du secondaire, alors pourquoi devrait-on permettre que des enfants du même âge aient accès à de la pornographie gratuite?
    C'est pourquoi la vérification de l'âge s'en vient en Angleterre. C'est prévu pour le printemps 2018. Tous les détails ne sont pas encore réglés, mais, à nouveau, ce sera la responsabilité du fournisseur d'accès Internet. Vous allez devoir prouver que vous avez 18 ans ou plus. Une tierce partie va se charger de la surveillance afin de protéger les renseignements personnels; peut-être que ce sera les sociétés émettrices de carte de crédit ou les organisations responsables des permis de conduire.
    Ce qu'on prévoit faire, c'est demander au fournisseur d'accès Internet de bloquer les sites qui hébergent du contenu pornographique si ceux-ci ne se conforment pas aux exigences. L'accès sera limité non seulement par le fournisseur de service Internet, mais également par les systèmes auxiliaires comme les systèmes de paiement, etc. Essentiellement, il sera impossible d'y accéder.
    C'est en cours de discussion au Royaume-Uni, mais ce qui est intéressant, c'est que le Royaume-Uni a définitivement décidé que c'est la responsabilité du gouvernement. Les parents n'ont pas à porter ce fardeau et, à vrai dire, les parents ne peuvent pas s'acquitter de cette tâche; il faut que ce soit fait au niveau du fournisseur d'accès Internet. S'il fallait limiter l'accès pour chaque appareil individuellement; cela reviendrait à surveiller constamment son enfant. Le fait est que, pour grandir de façon saine, la dernière chose dont un enfant a besoin, c'est d'être constamment surveillé de près par ses parents pour voir ce qu'il fait. De cette façon, on retire les parents de l'équation et on intervient de façon socialement responsable relativement à l'industrie de la pornographie.
    Merci. Nous devons passer à la personne suivante.
    Monsieur Carrie, je crois que vous avez donné votre temps à M. Viersen.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Cordelia, je voulais savoir si vous aviez des commentaires à propos de ce que Gail vient de nous dire?
    Absolument.
    Comment voyez-vous les choses?
    Avant tout, je veux dire que je suis tout à fait en faveur des deux mesures politiques qu'elle a mentionnées. Je crois que c'est, essentiellement, une façon de régler le problème de l'abondance néfaste et de la facilité d'accès.
    Je veux aussi attirer votre attention sur un point dont on vous a probablement déjà beaucoup parlé; ça se passe actuellement aux États-Unis. Le conseil sur l'information et l'éducation sexuelle des États-Unis, le SIECUS, vient de publier un mémoire intitulé « Pivoting from Opposition to Porn to Positive Framing for Sexuality Education », ou « Contre la pornographie et pour un encadrement positif de l'éducation sexuelle ».
    Je suis partisane d'une éducation sexuelle saine, du préscolaire jusqu'à la fin du secondaire. C'est nécessaire pour un grand nombre de raisons. Cependant, ce n'est pas parce qu'on fait des efforts de ce côté-là qu'il faut négliger les effets néfastes de la pornographie. Ce n'est pas la solution. Ce serait comme faire boire de l'eau contaminée chaque jour à vos enfants, leur faire nager dedans et leur apprendre à naviguer dessus pour seulement ensuite leur montrer qu'il existe une eau saine et propre. C'est quelque chose qui est très important, pour beaucoup de raisons, et il faut déployer des efforts de ce côté-là.
    J'aimerais que vous réfléchissiez un peu à ce qui s'est passé avec le tabac. Il a fallu adopter des politiques pour restreindre l'accès au tabac. Il a fallu décider de l'âge limite et créer des avertissements. Il y a aussi eu la campagne « Truth ». Je crois que nous en avions vraiment besoin pour que la vérité l'emporte sur les mensonges. Il fallait faire la lumière sur les mensonges. Il a fallu que les tribunaux s'en mêlent; les gens devaient pouvoir intenter des poursuites plus facilement pour réparer les dommages causés aux enfants, aux parents et aux relations. L'argent récolté était réinvesti dans la campagne.
    Nous avons besoin du même genre d'intervention qui cible divers niveaux. Nous devons fournir des formations, parce que c'est terrifiant de voir à quel point il y a beaucoup de thérapeutes et de professionnels de la santé qui ne connaissent pas les renseignements exacts à ce sujet et qui ne sauraient pas, manifestement, reconnaître les signes de préjudice.
    Sans ces politiques élargies pour limiter l'accès et tenir responsables les gens qui profitent de ce problème, nous n'allons pas arriver à nos fins. D'autres campagnes de santé publique qui ont réussi nous ont montré que c'est essentiel. Je pense à celles sur la conduite en état d'ébriété que Gail a mentionnées, sur le tabac, sur les sièges d'auto et les ceintures de sécurité et sur l'importance de l'eau sur la santé.

  (1155)  

    Avez-vous quelque chose à dire en particulier à propos de la vérification de l'âge et peut-être aussi sur la sorte de filtre à utiliser?
    Je crois que c'est vraiment de la plus haute importance. Je crois que ça a du sens, et ce serait merveilleux si toutes les entreprises de technologie y adhéraient volontairement.
    Comme Mme Dines l'a souligné, les études montrent que le taux de conformité était assez faible chez les fournisseurs qui laissaient le choix libre à leurs clients sans y investir beaucoup d'énergie. Selon d'autres études, les filtres numériques donnent de très bons résultats, mais il faut toutefois qu'ils soient appliqués à tous les appareils, à toute la technologie. C'est quelque chose qu'il faut encourager. Les gens qui veulent accéder à ce genre de contenu peuvent en faire la demande, et ensuite, ils savent qu'ils doivent installer des filtres plus efficaces s'ils ne veulent pas que leurs propres enfants ou d'autres personnes aient accès à ce contenu. Je crois que c'est la solution.
    La technologie a évolué, et nous n'avons plus les mêmes méthodes de vérification de l'âge qu'auparavant. C'est beaucoup trop compliqué pour que je puisse tout vous expliquer, mais certaines personnes pourraient vous fournir les détails précis. Je crois que Mme Dines a certains renseignements avec elle — moi aussi —, tout comme la Dre Cooper. La technologie a évolué: elle offre beaucoup plus de rigueur et de possibilités. Ce n'est plus suffisant de cliquer sur le bouton qui dit « J'ai 18 ans ».
    Docteure Cooper, je vois que vous hochez la tête. Avez-vous des commentaires à faire par rapport à l'expérience du Royaume-Uni?
    Je crois que ce serait très important d'avoir la possibilité de limiter l'accès volontairement. La plupart des parents et des organisations parentales avec qui je discute m'ont parlé du fait qu'ils sont frustrés par le fait qu'ils dépensent de l'argent pour leurs enfants, mais finissent parfois, au bout du compte, par être trahis ou par subir des préjudices parce que ce genre de contenu est accessible.
    Je crois aussi que les gouvernements pourraient favoriser la responsabilisation des entreprises — des responsabilités non volontaires — pour permettre aux parents d'un pays donné de limiter volontairement l'accès, ou du moins d'avoir accès à d'autres technologies.
    Par exemple, presque tous les téléphones cellulaires sur le marché sont munis d'un appareil-photo. Ça peut être quelque chose de très dangereux pour les enfants et les adolescents. Je parle de victimisation. Si un parent veut acheter à son enfant un téléphone cellulaire sans appareil-photo, il va avoir de la difficulté à trouver ce genre de technologie. Je crois que toutes les entreprises de télécommunication devraient être encouragées à fournir aux parents des options afin de protéger leurs enfants. On pourrait faire jouer l'homologation en fonction du pays d'origine.
    Docteure Cooper, avez-vous quelque chose à dire à propos d'une bonne méthode de vérification de l'âge?
    Ce qui est très intéressant, c'est que les études sur le cerveau nous ont aidés à comprendre que le cerveau n'est pas complètement développé avant l'âge d'environ 25 ans. Le cortex préfrontal, la partie qui vous permet de prendre de bonnes décisions et de prendre conscience des conséquences, est la dernière partie du cerveau à se développer complètement. Pour ce qui est de la vérification de l'âge, je crois que 18 ans devrait être au moins l'âge minimum.
    Une autre chose que j'aimerais dire, et cela concerne aussi ce que je viens de dire à propos du développement cérébral, c'est que les pays d'un bout à l'autre du monde devraient examiner leurs lois concernant ce qui arrive aux jeunes qui font des erreurs et qui se retrouvent devant la justice. Nous savons maintenant que le cortex préfrontal des jeunes est loin d'être complètement développé. Aux États-Unis, nous remettons en question les cas où un mineur est jugé au même titre qu'un adulte pour un crime commis à l'âge de 17, 16 ou 18 ans. On croit que ce serait plus approprié à l'âge de 21 ans environ. C'est une autre question concernant les lois sur laquelle on devrait se pencher, en particulier vu le contexte de banalisation des préjudices numériques dans lequel nous vivons à cause de la technologie de l'information et des communications.

  (1200)  

    Merci.
    Cordelia, je sais que vous avez dit que ce n'est pas un problème que nous pouvons régler à coup de lois ou d'arrestations. Pourriez-vous établir des comparaisons avec d'autres cas de santé publique qui sont peut-être survenus dans votre propre pays?
    Je les ai mentionnés très rapidement, mais je crois qu'un bon exemple qu'on utilise souvent est le tabagisme. C'est quelque chose d'autre que je voulais mentionner. Vous vous souvenez peut-être de l'époque où on pouvait fumer dans les avions et où on essayait de vendre des cigarettes aux enfants: même les personnages de dessins animés pour enfants fumaient la cigarette. Il a fallu mettre en place des politiques pour mettre fin à cela, pour que ce ne soit plus si facile pour les enfants de s'acheter des cigarettes ou pour en acheter pour quelqu'un d'autre. L'industrie savait parfaitement, depuis des décennies, que son produit était néfaste, mais elle continuait d'affirmer devant tous ceux qui disaient que la cigarette était dangereuse que les recherches n'étaient pas valables, alors il a fallu faire beaucoup plus d'études.
    L'industrie du tabac a réagi lorsque les premières personnes ont commencé à combattre la cigarette et à en étudier les effets néfastes. L'industrie du tabac a offert beaucoup d'argent à Larry Cohen du Prevention Institute en Californie — il s'agit d'ailleurs de l'un des premiers comtés où un restaurant a interdit la cigarette dans une certaine section — afin qu'il puisse continuer ses activités de sensibilisation, pourvu qu'il arrête de vouloir changer les politiques. L'industrie savait que la sensibilisation à elle seule n'allait pas nuire à son chiffre d'affaires. Ce genre de choses arrive souvent avec les sociétés fabriquant de l'alcool qui encouragent la sensibilisation à propos de la conduite en état d'ébriété tout en veillant à ce que leurs publicités et leurs produits, par exemple dans les collectivités défavorisées, soient accessibles à tous.
    La politique sur la publicité a changé en ce qui a trait au tabac. Avant, il y avait l'homme Malboro. Je ne sais pas si vous l'aviez aussi ici, mais c'était l'idéal de l'homme séduisant et viril. Il y avait même des médecins qui disaient que c'était bon pour la santé, que c'était bon pour vous. On voit bien le parallèle ici. Il a fallu de nouvelles politiques pour qu'on commence à dire: « Attendez un instant, ce n'est pas bon pour la santé. Ça a un effet néfaste, et nous n'allons pas continuer à montrer ce genre de publicité et nous n'allons pas cibler les enfants », par exemple.
    Une politique qui, selon moi, devrait être adoptée, en particulier en ce qui concerne les femmes, consisterait à déclarer qu'on ne peut pas utiliser des enfants comme objets sexuels pour vendre des produits. Il faut arrêter l'exploitation sexuelle des enfants à des fins publicitaires, parce que cela fait partie de l'hypersexualisation. Mme Dines a beaucoup parlé de ce débordement de la pornographie dans les médias traditionnels.
    Nous devons examiner nos publicités. D'ailleurs, j'ai un exemple qui vient de mon pays. Il y a plus de 15 ans, on a visé les sociétés vinicoles avec la campagne « Dangerous Promises », ou « promesses dangereuses ». Les sociétés ont accepté de ne plus utiliser le corps des femmes pour vendre leurs produits. Les publicités pour le vin sont très différentes des publicités pour la bière, lesquelles sont reconnues pour leur hypersexualisation du corps des femmes à des fins commerciales. C'est un message très dangereux qui est envoyé: la seule façon d'attirer l'attention des hommes est de traiter la femme en objet.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président. Merci à tous nos témoins d'être ici.
    Madame McDonald, je vais m'adresser à vous d'abord. Présentement, en vertu de l'alinéa 163(1)a) du Code criminel du Canada, une personne commet une infraction si elle produit, imprime, publie, distribue, met en circulation « quelque écrit, image, modèle, disque de phonographe ou autre chose obscène ».
    C'est également une infraction de posséder ce genre de choses à des fins de publication, de distribution ou de mise en circulation. Dans le Code criminel, est réputée obscène toute publication « dont une caractéristique dominante est l'exploitation indue des choses sexuelles, ou de choses sexuelles et de l'un ou plusieurs des sujets suivants, à savoir: le crime, l'horreur, la cruauté et la violence ».
    Il me semble, que selon la définition en vigueur dans le Code criminel, les autorités policières du Canada pourraient arrêter et mettre en accusation les personnes qui distribuent ou mettent en circulation une grande partie du matériel dont les autres témoins et vous avez parlé, notamment le matériel sexuel comprenant de la violence.
    Croyez-vous qu'on devrait déployer de plus grands efforts afin de faire appliquer le Code criminel du Canada en ce qui a trait à la production et à la distribution de contenu pornographique violent et déshumanisant?

  (1205)  

    Je crois qu'il faudrait clarifier les choses. C'est vraiment une excellente question.
    Il a fallu étudier la loi parce que nous avions des problèmes avec ce qu'on pourrait appeler le modelling sexualisé des enfants. Il y avait des images d'enfants affreusement sexualisés qui étaient utilisées comme publicité et, selon nous, comme porte d'entrée pour de véritables images d'exploitation sexuelle d'enfants.
    Nous avons étudié le même genre de dispositions pour voir si c'était quelque chose qu'on pouvait attaquer. Nous avons essayé d'explorer cette possibilité — et je ne suis vraiment pas une experte en droit criminel, et ce serait peut-être une bonne idée pour le Comité de tenir des discussions à ce sujet avec de véritables experts — mais il semble que ce soit plus compliqué à cause de la façon dont la norme de la société est interprétée. C'est tout ce que je peux dire à ce sujet actuellement.
    Je veux aussi dire, toutefois, que nous sommes confrontés à un autre problème qui concerne également les images d'exploitation sexuelle d'enfants: le pays où le contenu est hébergé. Selon le pays où le contenu est hébergé, il peut être difficile de faire appliquer des solutions législatives, parce que des dispositions qui existent dans un pays n'existent pas nécessairement dans un autre.
    Pour revenir aux commentaires de ma collègue, c'est un problème très important. Si nous voulons régler ce problème à coup d'arrestations, compte tenu de l'énorme problème que nous devons affronter, il y a une question à laquelle nous devons répondre: de quelle façon pouvons-nous utiliser nos ressources pour nous attaquer à ce problème, et comment allons-nous déterminer les domaines à aborder en priorité, vu les instruments législatifs à notre disposition?
    Merci.
    Madame Anderson, docteure Cooper, je crois que vous avez très bien expliqué les effets néfastes associés à la consommation de contenu pornographique violent et déshumanisant par des jeunes de moins de 18 ans. Je tiens toutefois pour acquis que vous seriez d'accord avec moi sur le fait que ce même contenu a aussi un effet néfaste sur les adultes de plus de 18 ans.
    Madame Dines, je vais aussi m'adresser à vous. Je crois que vous avez très bien expliqué votre point.
    Nous pouvons installer des filtres pour vérifier l'âge des personnes de moins de 18 ans. Comment nous recommandez-vous de procéder? Si on ne peut pas régler le problème à coup d'arrestations, et que le seul filtre qu'on peut utiliser servira à vérifier l'âge, avez-vous des recommandations quant à des initiatives positives qu'on pourrait mettre en place pour nous attaquer à l'effet néfaste de la pornographie violente et déshumanisante sur les personnes de plus de 18 ans?
    Madame Cooper, voulez-vous commencer?
    Oui, j'ai un bref commentaire à faire sur le sujet. C'est une très bonne question.
    Un problème important tient au fait que beaucoup de gens ne se rendent pas compte que ce genre de contenu crée une dépendance. Il y a une nouvelle campagne qui prend de l'ampleur aux États-Unis et que j'aime beaucoup. Elle s'appelle « Fight the New Drug », ou « Résister à la nouvelle drogue ». La publicité s'adresse aux adolescents et aux jeunes adultes. Son but est de les aider à comprendre pourquoi la pornographie adulte est la première cause de dysfonction érectile chez les hommes de moins de 40 ans. Le plus souvent, la dysfonction érectile est causée non pas par l'hypertension ou par un autre genre de problème médical, mais plutôt par cette exposition constante aux images sexualisées et à la pornographie. Cela peut entraîner des comportements de masturbation chronique et une incapacité d'avoir une réaction sexuelle normale avec une personne normale.
    Pour revenir à la santé publique, on commence à aider le public à comprendre que ce genre de contenu non seulement crée une dépendance, mais peut aussi détruire les relations que vous avez avec d'autres personnes. On a tenu un merveilleux symposium il y a quatre ans, à Princeton. Ça s'intitulait « Social Costs of Pornography », ou « les coûts sociaux de la pornographie ». Un livre qui contient tous les renseignements a aussi été publié dans le cadre du symposium. Le point le plus important qui a été soulevé est qu'on commence à voir de plus en plus de couples suivre une thérapie parce que la pornographie nuit à leur relation.
    On aide les gens à comprendre que ce n'est pas un passe-temps anodin. Ce n'est pas simplement quelque chose que vous faites au lieu de jouer à Grand Theft Auto. Ce genre de contenu peut non seulement créer une dépendance, mais il peut vous briser, vous, briser votre famille et vous briser en tant que parent. Je crois qu'il faut comprendre qu'il ne suffit pas d'être préoccupé par les enfants; il faut aussi, sans aucun doute, se préoccuper aussi des adultes.

  (1210)  

    Avant de passer à l'intervention suivante, est-ce que vous parlez de pornographie point final, ou de contenu violent et déshumanisant...
    La pornographie, point final. C'est ça.
    D'accord, merci.
    C'est une très bonne question. Je vais vous donner deux exemples d'initiatives présentement en cours. Même si je suis fortement en faveur de la vérification de l'âge, je crois que cela ne règle pas le problème des effets néfastes chez les personnes qui ont plus de 18 ans, surtout chez les plus jeunes dont le cerveau n'est pas encore complètement développé, mais cela n'exclut pas le reste des adultes. Je parle, encore une fois, de l'impact sur le cerveau et des études qui ont été menées sur le sujet.
    Laissez-moi vous donner quelques exemples de choses présentement mises en œuvre.
    L'un des exemples concerne les images de pornographie juvénile. Je crois qu'on pourrait en tirer des leçons. Il y a une organisation du nom de Thorn qui a mis sur pied un projet de dissuasion: le projet-pilote consistait principalement à envoyer des messages aux hommes qui cherchent des images de pornographie juvénile. Quand ils font leur recherche, ils reçoivent différents messages, puisque ce n'est pas la même chose qui motive chaque personne. Les gens sont motivés par différentes choses. Les messages envoyés leur disent qu'ils ont besoin d'aide. D'autres leur disent que si le message leur est parvenu, alors la police peut aussi les trouver. Différentes sortes de messages sont envoyés afin d'encourager ces personnes à obtenir de l'aide.
    Je crois qu'il est essentiel que différents types de messages soient envoyés à ces personnes, parce qu'actuellement, ils doivent penser: « C'est là, c'est super. Je suis censé regarder ça. Il y a quelque chose qui ne va pas avec moi si je ne regarde pas? Même, on va me critiquer si je ne regarde pas ça, et il y a plein de professionnels de la santé et d'autres personnes dans la vie qui vont me dire que je suis censé regarder ça. » Personne ne leur offre de raisonnement contraire. Nous devons leur fournir un raisonnement différent, pas seulement grâce à la sensibilisation, mais aussi à l'aide des messages transmis par la technologie. Il existe des solutions.
    Il y a également de très bonnes campagnes axées sur les garçons et les hommes. Il y en a une qu'on vient de lancer au Minnesota, et elle m'enthousiasme beaucoup. Ça s'appelle « I Don't Buy It », ou « je n'achète pas ça ». Il s'agit de groupes qui travaillent auprès des hommes afin qu'ils comprennent les liens qui existent entre le trafic sexuel, la violence sexuelle et la pornographie. On les aide aussi à comprendre qu'ils sont en fait manipulés par cette industrie ainsi que par ceux qui disent, à leurs propres fins, que c'est ce qu'ils sont censés faire. On leur donne un faux sentiment de virilité qui n'est pas sain, ni pour eux ni pour leurs relations. La campagne les encourage à participer et à devenir proactifs. Ils apprennent à voir ce qui devrait être évident. Ils apprennent comment ils peuvent prendre des mesures, comment intervenir de façon utile et comment se faire entendre pour aider les autres garçons et les autres hommes.
    Je crois qu'il y a aussi d'autres stratégies qu'on pourrait examiner, par exemple comment on utilise la technologie pour sensibiliser les gens. On pourrait sensibiliser une plus grande population à propos des effets nuisibles, comme cela a été fait avec la campagne « Truth » que j'ai mentionnée plus tôt par rapport au tabac. Le but est d'aider les gens à voir qu'on leur ment. Nous devons examiner en particulier comment interpeller les garçons et les hommes pour qu'ils reconnaissent l'effet nuisible que ce contenu a sur eux.
    Merci beaucoup. Voilà qui met fin à notre première période de questions.
    Madame McDonald, je crois que vous devez partir. Je veux vous remercier chaleureusement au nom du Comité d'être venue témoigner. Nous espérons vous revoir un jour.
    Merci beaucoup.
    Pardon, monsieur Oliver. Nous n'avons pas terminé notre première...
    J'ai une question pour Mme McDonald, si elle a encore quelques minutes.
    Madame McDonald.
    Avez-vous quelques minutes avant de partir? J'ai seulement quelques questions rapides.
    D'accord, oui.
    Merci.
    Je voulais vous féliciter et vous remercier du travail que vous faites au sein du Centre canadien de protection de l'enfance et de celui que vous faites pour faire cesser la violence faite aux enfants ainsi que l'exploitation sexuelle d'enfants. Votre groupe est très important, et je l'appuie grandement.
    Je ne veux pas que cette conversation porte sur les activités criminelles. Lorsque j'observe les effets de la santé publique liés à la violence et aux images sexuellement explicites et dégradantes en ligne, je me demande qui est le plus vulnérable, à part les personnes qui y participent, évidemment. C'est l'exposition accidentelle des enfants et des jeunes à ces images qui me préoccupe.
    Nous avons discuté un peu de la vérification de l'âge. Je peux comprendre à quel point cela serait efficace, mais difficile à mettre en place. Vous avez mentionné dans votre témoignage que vous aidez des parents au moyen d'outils de protection des enfants. Selon des conversations que j'ai eues et selon ma propre expérience, les outils de contrôle parental sont très difficiles à gérer actuellement. On dirait que si vous les activez, ils bloquent 90 % du contenu sur Internet, ce qui vous occasionne une grosse dispute avec vos enfants parce qu'ils ne peuvent pas accéder aux sites qu'ils veulent voir. Et si vous les enlevez, alors il n'y a plus de filtres. On dirait qu'il n'y a pas...
    Vous avez mentionné qu'il y a des outils de protection des enfants qui sont offerts aux parents et qu'ils peuvent utiliser et que nous pourrions peut-être envisager à court terme. Avez-vous une liste de ces outils? Connaissez-vous les applications? Je crois qu'il serait très utile que nous puissions partager, en tant que comité, les outils actuels qui sont offerts aux parents.

  (1215)  

    Oui, et seulement pour répéter votre argument, c'est très difficile à gérer.
    Voici les deux derniers points dont je veux discuter. Premièrement, nous serions heureux de rassembler ces renseignements. J'ai une brillante équipe qui peut aider à rassembler des renseignements, et nous les présenterions au Comité pour examen. Il nous faut un point de départ, un endroit par où commencer. C'est mon premier point.
    Deuxièmement, comme nous l'avons mentionné aujourd'hui en ce qui concerne ces autres nouveaux recours, le Royaume-Uni fait actuellement un travail remarquable. Il y a une personne là-bas, M. John Carr, avec qui nous avons été en communication au sujet de certains de ces nouveaux recours qui sont mis de l'avant. Il pourrait valoir la peine que votre comité prenne du temps pour qu'il se joigne à vous par vidéoconférence afin de discuter de certains des obstacles qu'a connus ce pays, la façon dont les consultations ont été menées et certains des résultats obtenus par ces efforts. Il se fait des choses très importantes là-bas.
    Génial. Merci beaucoup, et merci d'avoir pris quelques minutes de plus pour répondre à ces questions. C'est très apprécié.
    Merci.
    Merci encore une fois pour votre témoignage.
    Je vais vous poser la même question. Connaissez-vous des outils, des applications ou des choses que les parents peuvent utiliser afin d'obtenir un meilleur filtre que ceux, très mal conçus, qui sont offerts sur la plupart des dispositifs électroniques?
    Il y a un certain nombre d'outils. Encore une fois, nous pourrions comparer les listes et vous aider à en dresser une. Quoi qu'il en soit, ce que les différentes études ont démontré à plusieurs reprises, c'est que les parents ne s'en servent pas ou ne savent pas comment s'en servir ou y accéder, et qu'il y a des limites à ce que les parents à eux seuls peuvent faire, parce que beaucoup de pression a été mise là-dessus. II y a des listes, et nous pouvons en parler. Il y a des problèmes découlant du fait que, plus les enfants vieillissent et deviennent éduqués, plus ils apprennent rapidement à les contourner; il y a donc aussi des limites en ce qui les concerne. Ces outils existent, mais je veux aussi vous rappeler, parce que vous avez souvent entendu cela, qu'on met le fardeau sur les parents à eux seuls au lieu d'opter pour une gestion collective.
    À mon avis, il y a de la place pour les deux. Je crois fermement en l'éducation des enfants et des parents, mais je crois que nous devons faire quelque chose pour faciliter leur travail.
    Je suis tout à fait d'accord. Je peux seulement dire qu'en tant que parent d'un enfant de 12 ans, j'ai essayé de trouver de meilleurs outils. Je dois vous dire que la recherche a été difficile. Je n'ai toujours pas trouvé de stratégies efficaces, et je veux en avoir.
    Nous vous ferons parvenir cette liste. Nous travaillerons avec Lianna et nous l'établirons.
    Une chose que je veux garder à l'esprit, c'est que, pendant que je parlais de problèmes plus larges que l'éducation... Plusieurs diront que le meilleur outil dont vous disposez est d'avoir des conversations ouvertes et continues avec vos enfants sur ce qui vous préoccupe au sujet de ce contenu et la raison pour laquelle vous ne voulez pas qu'ils y accèdent. Je sais que vous le faites bien.
    Cela constituait ma prochaine série de questions. Nous avons entendu que le mandat de la santé publique consiste à « planifier, mettre en oeuvre et évaluer des politiques, des programmes et des services de santé publique qui visent à promouvoir et à protéger la santé des Canadiens ». Je sais que vous allez en parler d'un point de vue américain...
    Nous avons déjà parlé d'éducation. L'un de nos témoins, qui était un étudiant au doctorat, a dit que la pornographie constitue une partie d'un examen beaucoup plus large sur les façons d'améliorer la santé sexuelle, particulièrement chez les jeunes, au Canada et que cela nous amène à nous demander comment rendre l'éducation sexuelle plus cohérente, mieux coordonnée et plus détaillée dans toutes les provinces?
    Lorsque la province de l'Ontario a essayé de mettre en place un programme d'éducation sexuelle détaillé, Forum Research a démontré qu'un parent sur six envisageait de retirer ses enfants de l'école publique en raison du programme d'éducation sexuelle; selon cette même recherche, 3 % des parents l'ont fait.
    Comment pouvons-nous régler cette faille? Il semble y avoir une grande résistance de la part de nombreux parents au fait que le système scolaire offre de l'éducation sexuelle; pourtant, Lianna et vous dites que c'est là qu'il faut l'offrir, et je suis d'accord là-dessus. Comment pouvons-nous régler cette faille?
    Je crois que je vais laisser la pédiatre commencer et je poursuivrai.
    C'est une très bonne question. L'une des constatations que nous avons faites, du point de vue de la santé en général, c'est qu'on doit aborder la sexualité dès la petite enfance. Lorsque nous voyons nos patients pendant qu'ils vont à la prématernelle et à la garderie, nous devrions leur parler de sexualité pendant cette période pour que cela ne soit pas un sujet tabou pour les parents. L'American Academy of Pediatrics, et je suis certaine que la Société canadienne en fait de même, encourage les pédiatres et les médecins de famille à essayer de s'assurer que les parents comprennent que, s'ils font de la sexualité de l'enfant un sujet tabou, les enfants sont plus à risque d'être exploités, parce qu'ils peuvent ne pas savoir ce qui pourrait leur arriver.
    L'une des choses dont on a parlé est le fait de suivre le modèle selon lequel l'éducation sexuelle — je vais utiliser ce terme, mais je vais essayer de ne pas le faire — serait intégrée dans une autre matière du système scolaire. Un système l'aborde dans le cadre de la sécurité informatique, dans les cours d'informatique, où l'on apprend comment être en sécurité en ligne et hors ligne. C'est une façon de faire en sorte que les parents l'accepteront assez facilement, parce qu'ils veulent que leurs enfants soient en sécurité dans cet environnement.
    Une autre façon de l'aborder du point de vue de la sécurité des enfants consiste à l'intégrer dans les cours d'éducation physique; on fait alors comprendre aux enfants que, pour qu'ils soient en pleine santé, ils ne doivent pas être en surpoids ni manquer de sommeil. Afin d'être de bons étudiants, ils doivent contrôler ces aspects de leur vie. Un autre aspect de cette approche est l'utilisation d'Internet, parce que, de façon générale, cela peut vraiment nuire à la capacité des enfants à bien étudier, et ils ont parfois tendance, s'ils deviennent dépendants de l'Internet, à intégrer des jeux vidéo et de la pornographie.
    Si on utilise ce modèle, on pourrait alors commencer à dire: « Voici les cinq choses les plus fréquentes qui nuiront au rendement scolaire d'un enfant. » Le fait de vraiment mettre l'accent sur le rôle de l'Internet et de son contenu représente une autre façon de faire qui n'est pas réellement de l'éducation sexuelle. Il s'agit d'éducation, de la façon dont votre enfant peut être un meilleur élève. Comment pouvez-vous l'aider à être plus productif dans le cadre de son comportement en ligne pour que cela ne nuise pas à ce qu'il essaie d'apprendre?
    Cela dépend vraiment de la façon de communiquer le message aux parents, parce que les parents estiment que c'est à eux d'enseigner la sexualité à leur enfant; ils veulent conserver cette responsabilité, mais en réalité ils n'enseignent presque rien à leurs enfants à ce chapitre.
    Par conséquent, les systèmes scolaires doivent être plus attentifs aux solutions de rechange pour aborder ce type d'information.

  (1220)  

    J'ai vu divers types d'études — je ne les ai pas ici présentement — qui montrent que de nombreux parents veulent obtenir de l'aide, particulièrement à ce sujet. En fait, j'ai connu quelqu'un — et c'est probablement aussi arrivé à Mme Dines — qui était vivement contre l'éducation sexuelle. Il savait que je prônais l'éducation sexuelle détaillée, et il n'était là que pour me contrarier. Après m'avoir écoutée, il a répliqué: « Le fait de vous avoir entendue parler des préjudices causés par la pornographie a fait en sorte que c'est la première fois que je crois que nous avons besoin d'une éducation sexuelle détaillée, qui intègre la réalité des messages culturels de notre monde, de nos médias hypersexualisés et de la pornographie, et nous avons besoin d'aide. »
    Il y a diverses études qui vont en ce sens. Pour Mme Cooper, il s'agit de santé, de sciences et du cerveau.
    Je veux poser une question rapide, car mon temps est presque écoulé. Y a-t-il des administrations aux États-Unis qui...
    Votre temps est écoulé. Nous n'avons plus de temps. Je constate qu'il n'y a pas de réponse courte sur ce sujet, mais nous avons dépassé largement le temps consacré à cette période de questions.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième période de questions, avec Mme Harder.
    Ma première question s'adresse à Mme Dines. Vous avez utilisé quelques phrases que je considère comme des phrases clés. L'une d'entre elles est le fait que la pornographie, plus particulièrement la pornographie avec violence, surcharge le système de soins de santé. La deuxième chose que vous avez dite est que cela porte préjudice à l'économie.
    Pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur ces deux points?
    Tout d'abord, nous savons que la violence est commise en raison de la consommation de pornographie... Une des principales causes du cancer de la bouche aujourd'hui chez les jeunes est le VPH, lequel est causé par le sexe oral. Nous savons qu'il s'agit d'un des plus grands groupes — en croissance — de tous les cancers chez les adolescentes. Nous savons cela en raison de blessures anales et de toutes sortes de blessures qui font en sorte que les gens se retrouvent dans le réseau médical.
    Nous savons qu'un bon pourcentage des hommes — de 40 à 70 % — qui ont été étudiés consomment de la pornographie au travail. De quelle façon cela a-t-il une incidence sur le milieu de travail, au chapitre du harcèlement sexuel, lorsque vous assistez à une réunion et que votre patron ou votre compagnon de travail vient tout juste peut-être de se masturber en regardant de la pornographie? Comment vous voit-il?
    Nous savons également que la pornographie est une des causes de dépression et d'anxiété. En tant que professeure au collégial, je sais que mes étudiants, âgés de 18 ans, sont vraiment fatigués, épuisés et déprimés d'avoir à composer avec la culture de la pornographie. Je veux parler précisément des filles parce que nous venons de parler des garçons. Il s'agit d'une question clé d'égalité entre sexes. Allons-nous permettre à nos garçons d'avoir accès à des images qui leur disent que les femmes ne sont rien de plus que des orifices servant à avoir une relation sexuelle brutale et qu'elles n'ont aucun droit à l'égalité, à l'intégrité et à une rémunération égale? Tout ce que les femmes désirent, c'est de vivre dans la dignité sans craindre la pauvreté et la violence.
    Les questions que nous voulons poser sont: quel type d'hommes voulons-nous élever, et quel sera le coût pour les femmes et les enfants d'avoir à traiter avec ces hommes? Ce sera profond. J'ai un Ph. D. en sociologie et en communication, et il est très important de dire qu'il est impossible — et vous pouvez choisir n'importe quel type d'effet que vous voulez — qu'un homme qui se masturbe en regardant de la pornographie demeure inchangé. La question est: de quelle façon? Nous avons assez de données pour savoir qu'il s'agit d'un continuum d'effets allant du fait de considérer la femme davantage comme un objet sexuel jusqu'au viol et au meurtre en passant par le désir d'avoir des relations sexuelles anales brutales.
    Je veux que nous nous concentrions un peu plus sur la question de l'équité entre les sexes non pas uniquement sur les garçons.

  (1225)  

    Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse à Sharon Cooper. Je me demande, encore une fois, si vous pouvez nous éclairer davantage sur deux de vos citations. Vous avez parlé de ce que vous avez appelé la distorsion cognitive et ensuite de la recherche sur les neurones miroirs.
    Pouvez-vous commenter chacun de ces éléments et nous en dire davantage à cet égard, s'il vous plaît?
    Ce que nous savons des délinquants sexuels, particulièrement des agresseurs sexuels d'enfants, c'est qu'ils présentent fréquemment une distorsion cognitive qui fait en sorte que leur désir est celui de la victime. Ils disent souvent que la raison pour laquelle ils ont agi ainsi, c'est parce que la victime le voulait. Cette distorsion cognitive est une chose très courante que les personnes qui s'occupent de délinquants sexuels doivent d'abord traiter. C'est une des raisons pour lesquelles des adultes montrent à des enfants de la pornographie adulte. La pornographie excite l'adulte et, dans sa distorsion cognitive, il pense que cela excite également l'enfant, alors que dans la réalité, ce n'est pas le cas.
    L'autre question que vous m'avez posée concernait la recherche sur les neurones miroirs. Elle remonte à environ 2007 en Italie. Les chercheurs ont commencé à remarquer, à partir d'études fonctionnelles utilisant l'IRM et d'autres techniques, que lorsque les gens regardaient quelque chose, plusieurs parties du cerveau étaient stimulées par rapport seulement au globe oculaire et au nerf optique, qui se rend jusqu'à la partie arrière du cerveau. Les autres parties du cerveau, la partie temporale et la partie frontale, n'avaient rien à voir avec la vision. Ils avaient tout à fait raison. Nous savons, grâce aux neurones miroirs, que lorsque nous voyons quelque chose, notre corps réagit de bien des façons. Notre fréquence cardiaque augmente de même que notre pression artérielle parce que notre corps est convaincu que nous vivons ce que nous regardons à ce moment-là.
    C'est pertinent lorsque nous parlons du rôle de la pornographie sur Internet, que ce soit au sujet de jeunes ou d'adultes. Cela provoque une réaction du corps qui est beaucoup plus importante que ce que nous voyons. Il y a aujourd'hui plus de 1 000 articles qui ont été écrits à propos de la recherche sur les neurones miroirs, et je vous encourage absolument à vous pencher là-dessus.
    Merci beaucoup.
    Ma dernière question s'adresse à Cordelia. Nous avons eu de nombreuses conversations aujourd'hui, bien sûr, concernant l'effet de la pornographie, particulièrement de la pornographie violente, sur les femmes et les filles, mais aussi sur les attitudes et les perceptions des hommes et des garçons.
    Selon vous, que peut-on faire et que devrait-on faire? Si vous deviez décrire vos principales priorités, quelles seraient-elles?
    En tant que personne qui a passé beaucoup de temps à essayer de prévenir la violence sexuelle et l'exploitation sexuelle, notamment celle dirigée contre les enfants, nous portions toujours notre attention sur la façon d'aider les gens à réduire leurs risques d'être des victimes; c'est ce que nous examinions. Nous pensons maintenant vraiment à la façon de ne pas élever des personnes qui commettront des actes de violence sexuelle.
    À mon avis, cela signifie que nous devons examiner l'effet de la pornographie à cet égard. Nous ne pouvons pas prévenir la violence et l'exploitation sexuelles faites aux enfants et promouvoir la santé sexuelle sans mettre fin à l'exposition à la pornographie et aider les personnes qui en consomment à comprendre ses effets.
    Votre temps est écoulé.
    Allez-y, monsieur Eyolfson.
    Merci beaucoup à tous d'être venus.
    Docteure Cooper, j'avais une question à vous poser, et vous avez en réalité parlé de quelque chose qui mène directement à ma question. J'allais vous poser une question sur la pornographie et sur la façon dont elle semble infiltrer davantage la culture générale. Nous voyons la pornographie dans... bien sûr, c'est sur Internet. Avant Internet, on la retrouvait dans ces clubs vidéo douteux. Mais il y a davantage de ces types d'images et d'attitudes qui se retrouvent maintenant dans ce que nous appellerions la culture grand public... la télévision, la radio et ce genre de choses.
    Vous avez mentionné Grand Theft Auto. Heureusement, je n'ai jamais joué à ce jeu. On m'a dit que, parmi les choses que vous pouvez faire en jouant à ce jeu, vous pouvez tuer des travailleurs du sexe.

  (1230)  

    Oui. C'est exact.
    Il semble que ce soit une des choses que vous pouvez faire en jouant à ce jeu.
    C'est vrai. C'est le jeu Grand Theft Auto: Vice City, et si vous tuez un travailleur du sexe, vous gagnez un prix spécial.
    Oui.
    Vous remportez un prix spécial si vous tuez un travailleur du sexe et un policier.
    C'est exact, oui, ce qui est un peu bizarre, à mon avis, vu que la couverture du jeu qui laisse penser qu'il ne s'agit que d'un jeu de conduite automobile. Évidemment, ce n'est pas le cas.
    Existe-t-il une recherche sur les effets de la diffusion de ces attitudes dans la culture générale et les liens connexes? Y a-t-il une corrélation entre ce qui se passe dans la vraie vie et ce qui se passe dans la pornographie sur Internet, ou vice versa?
    Oui. Il existe de nombreuses recherches, en réalité. Ce que nous savons, c'est que les médias auxquels nos enfants et les adultes sont exposés influent profondément sur les attitudes au fil du temps. L'American Psychological Association a publié un excellent rapport d'un groupe de travail sur la sexualisation des filles. Vous pouvez le télécharger sur Internet.
    Dans la deuxième édition de 2010 — et le Royaume-Uni a un rapport similaire —, on parle de la sexualisation des enfants et de la façon de les sexualiser. Ce qui arrive aux enfants, c'est qu'ils commencent à penser que leur seule valeur se trouve dans leur sexualité. L'expression que l'APA utilise est l'« auto-objectification sexuelle ». « Je me vois comme un objet. Vous pouvez m'utiliser ou me violenter. Je ne mérite pas vraiment votre amour, votre affection, votre tendresse, etc. Je me vois maintenant comme un objet. » Il s'agit d'un problème de santé publique à propos duquel des groupes de travail importants de deux pays ont déjà rédigé des rapports écrits.
    D'accord, merci.
    Madame Dines, certains des témoignages d'autres chercheurs ont suscité la controverse. Dans certaines recherches, on a examiné le modèle de comportement des personnes qui commettent des infractions sexuelles et leurs habitudes d'écoute. On a avancé l'argument de...
    Excusez-moi, monsieur Eyolfson. La cloche sonne, et j'ai besoin du consentement unanime pour poursuivre nos travaux.
    Ai-je un consentement unanime pour poursuivre?
    Désolé, jusqu'à quelle heure?
    Nous avons 29 minutes et 19 secondes.
    Je suggère que M. Eyolfson termine sa question, et nous lèverons ensuite la séance pour nous rendre à la Chambre.
    Je n'ai pas un consentement unanime? Est-ce une option ou pouvons-nous?...
    Combien de temps nous reste-t-il?
    Nous avons deux questions de cinq minutes, une question de trois minutes et le reste de la question de M. Eyolfson.
    Pouvons-nous terminer cette série de questions et nous rendre quand même à la Chambre, croyez-vous?
    C'est au Comité de décider. Je ne vais pas dire si vous pouvez aller à la Chambre ou non. Nous avons 29 minutes et 19 secondes.
    Quel est le souhait de M. Davies?
    Monsieur le président, je pense que nous pouvons terminer la série de questions.
    Je crois que nous pouvons la terminer. Essayons.
    Ce sera serré.
    Allez-y, monsieur Eyolfson.
    Madame Dines, comment abordons-nous la question de la corrélation par rapport à la cause et à l'effet — comme certains l'ont laissé entendre — et du fait que certaines personnes adoptent un comportement déviant et visionnent de la pornographie, mais le font non pas en raison de la pornographie et davantage en raison d'un intérêt coexistant pour ainsi dire?
    Je suis sociologue et je pars du principe que les hommes ne naissent pas clients de prostituées, violeurs et meurtriers. J'en parle en me fondant sur la recherche sociologique en tant que féministe, que mère d'un fils. Nous devons accepter que les hommes commettent la grande majorité de la violence contre les femmes et les enfants. S'agit-il d'un mélange biologique de la masculinité, ou y a-t-il quelque chose de culturel qui se passe? Je soutiendrais sans aucun doute qu'il s'agit de quelque chose de culturel parce que nous ne voulons pas penser que la biologie des hommes est défectueuse.
    Comme nous observons des taux accrus de violence contre les femmes et les enfants aujourd'hui, nous devons nous demander: que s'est-il passé au cours des 10 à 15 dernières années qui a changé profondément la façon dont les hommes pensent au sexe et à la sexualité? La réponse est la pornographie. Je ferais valoir que si nous voulons vraiment faire en sorte que les hommes arrêtent de commettre des actes de violence contre les femmes, nous devons cesser de dire « il faut que jeunesse se passe » et comprendre la façon dont ils se socialisent.
    Nous disposons maintenant de données longitudinales et suivons les garçons pour voir ce qui se produit. En raison de ce que nous savons à partir de ces données, nous pouvons soutenir qu'il ne s'agit pas seulement d'une corrélation selon laquelle les hommes qui visionnent de la pornographie sont également plus susceptibles de commettre des actes de violence. Il s'agit en réalité d'une causalité. Lorsqu'on utilise les données longitudinales, on les suit dans tout leur mode de vie.
    Je soutiendrais également que nous ne pouvons pas supposer que les hommes naissent avec un désir de commettre des actes de violence contre des femmes et des enfants. Je crois que c'est la pornographie qui joue un rôle important ici. Si nous ne nous attaquons pas au problème, nous dévalorisons simplement nos garçons, nos filles et nos femmes.

  (1235)  

    Le temps est écoulé. Merci.
    Monsieur Carrie.
    Merci aux témoins d'être ici. Mes questions vont être très brèves pour vous donner le plus de temps possible de répondre.
    Madame Dines, vous avez soulevé des points intéressants. Comme nous examinons les effets de matériel sexuellement explicite, déshumanisant, violent et accessible en ligne sur la santé publique... Vous avez mentionné le VPH et les blessures anales. Avez-vous des statistiques concrètes à ce sujet, concernant la santé publique?
    Oui. On trouve dans les revues médicales beaucoup de données sur ce qui se passe, et je serais heureuse de vous les envoyer. En fait, à Culture Reframed, nombre de nos membres de l'équipe sont médecins, alors nous pouvons certainement vous envoyer de la littérature médicale à ce sujet. Nous savons cela, sans aucun doute, oui.
    J'aimerais terminer par une question qui est en quelque sorte un suivi du commentaire de mon collègue. Je crois que Mme Anderson a eu l'occasion de répondre, mais pas vous ni la Dre Cooper. Comme nous aurons à agir... nous essayons de faire évoluer les choses. Nous cherchons des solutions et des changements concrets.
    Devrions-nous faire quelque chose? Pouvons-nous le faire? Devons-nous faire quoi que ce soit? Vous pouvez peut-être nous donner des idées pour que nous puissions envisager une solution et un changement concret.
    Madame Dines, pouvez-vous commencer?
    Nous devons faire quelque chose, et je vais vous dire pourquoi. Si nous ne faisons rien, il s'ensuivra, pour les adultes, un manquement important à leurs responsabilités et les enfants se retrouveront à la merci des pornographes. Il est de notre devoir en tant que citoyen de protéger nos enfants. C'est également notre devoir de nous assurer de l'équité entre les sexes. En tant que représentants élus, en tant que gouvernement, je crois qu'il est de votre devoir de vous occuper des citoyens de votre pays.
    C'est une déclaration complète que vous avez faite sur la pornographie en tant que problème de santé publique. Vous avez besoin d'une intervention gouvernementale. Vous ne pouvez pas demander à une industrie de se réglementer elle-même. Nous savons ce qui se produit lorsqu'on demande à ses représentants de le faire. Ils mentent et trichent parce qu'ils s'intéressent à la maximisation des bénéfices.
    Je crois que, dans les circonstances actuelles, vous devez adopter une loi. Vous devez suivre l'exemple du Royaume-Uni. Au lieu que ce soit sur une base volontaire — adhésion, renonciation —, vous devez adopter une loi. Vous devez également prendre une mesure relativement à la vérification de l'âge et la faire fonctionner. Ne demandez pas à l'industrie de se surveiller elle-même parce que ça ne fonctionne jamais.
    Je suis d'accord avec Mme Dines. La pornographie est trop accessible aux enfants. C'est ainsi. Si nous n'éliminons pas cette accessibilité, alors nous ne serons pas en mesure de justifier toutes les actions que nous voyons qui ont des effets négatifs sur nos enfants en raison des messages sexuels inconnus qui leur sont transmis de manière si générale.
    Je serais d'accord avec ces deux mesures.
    D'accord. Je vais donner le reste de mon temps au prochain intervenant.
    Nous allons passer directement à M. Davies.
    Merci.
    Je veux poser deux ou trois questions difficiles sur les données probantes sociologiques parce que nous en avons entendu la semaine dernière.
    M. Fisher a affirmé devant notre comité que, au cours des 25 dernières années, depuis le milieu des années 1990 où nous avons assisté à la véritable arrivée de l'Internet et de la pornographie diffusée sur ce média, les taux d'agressions sexuelles au Canada n'ont pas augmenté.
    Que pensez-vous de cela? Ne vous attendriez-vous pas à ce que les taux augmentent si, en fait, il y avait un lien clair avec la pornographie?
    Tout d'abord, vous avez parlé d'une personne qui est considérée comme un excentrique dans le domaine de la recherche. Soyons très clairs.
    Dans le domaine des sciences sociales ou physiques, on tient compte de l'importance des données probantes. On ne choisit pas une étude à gauche ou une à droite. C'est la même chose avec le réchauffement climatique. Certains scientifiques de pacotille affirment qu'il n'existe pas. Vous savez que la communauté scientifique ne le remet pas en question. On doit poser de nombreuses questions, mais personne ne dit que le réchauffement climatique n'existe pas. Je mettrais M. Fisher dans la même catégorie que les personnes qui nient le réchauffement climatique.

  (1240)  

    Mais a-t-il tort, madame Dines, à propos des taux d'agressions sexuelles?
    Je vais vous dire ce que je ne connais pas. Je ne connais pas les statistiques.
    Ce que je sais, c'est qu'il y a de moins en moins de signalements. Nombre de femmes ne signaleront pas qu'elles ont été agressées sexuellement ou violées parce que ce qui se passe par la suite, c'est qu'elles vivent un deuxième viol au poste de police sur le plan émotif en se faisant dire qu'elles ne disent pas la vérité et que ce sont des menteuses.
    Ce qui se produit — je sais que c'est le cas dans tous les campus collégiaux aux États-Unis et je suis certaine que c'est la même chose au Canada —, c'est que lorsqu'une femme dénonce son agresseur, le collège serre les rangs et se protège. Souvent, les amis du violeur commencent à harceler la femme. C'est la femme qui a été violée qui quitte le collège; le violeur, lui, ne va nulle part. Pour ce qui est de parler aux jeunes filles qui ont été violées, je peux vous dire que, en tant que professeure au collégial depuis 30 ans, je peux compter sur les doigts d'une seule main le nombre d'étudiantes qui ont signalé leur viol.
    Maintenant, en moyenne, un quart de mes étudiantes au cours de mes 30 années d'enseignement et un quart des femmes à qui j'ai parlé dans différents collèges ont été violées, mais je peux littéralement compter sur les doigts d'une seule main...
    Madame Dines, est-ce que ça n'a pas toujours été le cas? Quand cela a-t-il été une expérience positive pour les femmes de signaler leur viol ou quand ont-elles été prises au sérieux?
    Je ne crois pas que l'expérience a déjà été positive, mais je crois qu'elle a empiré en raison de l'augmentation de la pornographie qui fait partie de nos modèles sexuels et de notre culture; il semble que nous pensons davantage que les femmes méritent cela. On dit: c'est peut-être une menteuse ou une traînée. Toutes les idéologies de la pornographie exercent des pressions sur le système juridique. Vous n'avez qu'à regarder certains des résultats, certains des juges et des avocats qui se dressent contre des victimes de viol. Un juge est célèbre pour avoir dit à une fille de 12 ans qui s'était fait violer par son père: « Elle avait des moeurs un peu légères pour son âge. »
    Nous avons vécu récemment certaines de ces expériences au Canada.
    Docteure Cooper ou madame Anderson, avez-vous quelque chose à dire?
    Brièvement, ce je dirais, c'est que nous avons observé une baisse de la violence sexuelle faite aux enfants dans notre pays. Toutefois, nous avons constaté une augmentation exponentielle de la prévalence d'images d'un tel type de violence, laquelle est la mesure la plus objective en matière d'exploitation sexuelle d'enfants.
    Sur Internet, nous avons maintenant plus de 150 millions d'images d'enfants qui ont été violés. La grande majorité de ces enfants n'ont jamais dénoncé leur agresseur. La raison pour laquelle nous les avons trouvés, c'est que nous avons d'abord vu les images.
    Je suis désolé, je dois maintenant mettre fin à la séance. Je suis vraiment désolé que nous devions lever la séance, mais il faut maintenant aller voter. Cela fait partie de notre processus.
    Je veux vous remercier chaleureusement d'être venues. Je suis désolé si nous semblons manquer de temps, mais nous avons 20 minutes et 37 secondes pour aller voter.
    J'aimerais parler du problème soulevé par Mme Harder pour ce qui est de dépasser le temps alloué. Aujourd'hui, chaque question et chaque réponse dépassaient le temps imparti, mais lorsque nous avons deux ou trois témoins, tout ce temps s'accumule. Lorsque j'ai coupé la parole à un témoin, il y a quelques séances, M. Webber s'est offusqué. C'est un équilibre que je dois faire respecter en tant que président. J'essaie de laisser les témoins terminer leur réponse. Je n'aime pas les interrompre, mais s'ils dépassent le temps... dans ce cas, le témoin avait dépassé son temps de réponse de plus de trois minutes et demie. Je veux seulement que vous sachiez que chaque question dépassait le temps imparti.
    Merci beaucoup et merci aux témoins.
    La séance est levée.
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