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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 080 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 25 octobre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le présent comité, qui est un comité multipartite sur le patrimoine canadien, va étudier la question des formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques. Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins. Comme tout le monde le sait, nous avons une liste modifiée. L'autre groupe qui était censé être ici pour la première heure n'a pas été en mesure de venir, et nous avons donc un seul groupe ici pour la première heure, qui est l'Iranian Canadian Congress.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Tabasinejad et madame Ghasemi.
    Selon le protocole habituel, votre groupe a 10 minutes pour présenter sa déclaration préliminaire. Vous pouvez choisir qui prend les 10 minutes ou vous pouvez les partager. Puis, il y aura une période de questions et de réponses. Dans l'intérêt du Comité, pour que vous puissiez vous assurer d'être sur la liste, nous aurons probablement deux séries complètes, parce que nous avons seulement un groupe qui témoigne devant nous. La deuxième période sera un tour de cinq minutes, et non pas trois.
    Nous allons commencer.
    Qui d'entre vous prendra la parole?
    Monsieur Tabasinejad, je vais vous indiquer lorsque vous serez rendu à huit minutes, et vous aurez donc le temps de conclure. Merci beaucoup.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs, j'aimerais vous remercier tous de nous avoir invités ici aujourd'hui à parler de la façon dont notre gouvernement peut lutter contre le racisme et la discrimination et créer un Canada plus inclusif.
    L'Iranian Canadian Congress, ou ICC, est une organisation communautaire populaire, non partisane et non religieuse qui cherche à protéger et à faire valoir les intérêts des Canadiens d'origine iranienne, population estimée à 300 000 personnes dans le monde. L'ICC est la principale organisation de défense des intérêts de la communauté irano-canadienne, soit une des plus grandes communautés d'immigrants et celle dont la croissance est la plus rapide au Canada, et cela a été corroboré par les dernières données du recensement qu'on vient de publier cette semaine.
    Même si le Canada a été reconnu à juste titre pour son efficacité dans l'intégration des communautés minoritaires, nous sommes d'avis qu'il y a amplement place à amélioration et nous espérons que cette étude guidera les Canadiens et notre gouvernement pour aller de l'avant.
    Notre organisation a récemment mené une enquête auprès de plus de 600 Irano-Canadiens sur la question du racisme et de la discrimination, laquelle va étayer une bonne partie de nos témoignages ici aujourd'hui. Les résultats de cette enquête, en plus des rapports individuels que nous recevons de façon régulière, montrent que les Irano-Canadiens font l'objet d'un degré important de racisme et de discrimination.
    Une majorité— plus de 60 % — de nos répondants à cette enquête ont exprimé avoir été victimes de racisme et de discrimination au Canada. La discrimination en matière d'emploi, la discrimination sociale et la discrimination de la sécurité aérienne ou aéroportuaire ont été les trois principaux domaines sélectionnés par les répondants qui ont fait l'objet de racisme ou de discrimination, plus de la moitié de ceux-ci ayant fait état précisément de discrimination en matière d'emploi.
    Les répondants ont relevé un sentiment anti-iranien, l'islamophobie et la xénophobie générale comme les trois principales causes du racisme et de la discrimination dont ils ont été victimes, le sentiment anti-iranien arrivant en tête. Près de 50 % des répondants ont affirmé qu'ils ont particulièrement fait face à un sentiment anti-iranien.
    Enfin, une majorité importante, soit 77 %, de nos répondants ont considéré les politiques et la rhétorique dirigées contre l'Iran sur la scène internationale comme un facteur important de la discrimination et du racisme qu'ils ressentent quotidiennement au Canada.
    Évidemment, ces conclusions sont extrêmement préoccupantes pour nous et révèlent le besoin d'agir au nom du gouvernement en étroite collaboration avec la société civile.
    Un rapport récent publié par Statistique Canada montre que le groupe connu comme les Asiatiques occidentaux et les Arabes, groupe qui comprend les Canadiens d'origine iranienne, a été victime de discrimination croissante au Canada. Entre 2013 et 2015, la police a signalé que le nombre de crimes motivés par la haine des Asiatiques occidentaux et des Arabes a augmenté de 92 %. Le nombre de crimes violents ciblant les Asiatiques occidentaux ou les Arabes, groupe qui, de nouveau, comprend les personnes d'origine iranienne, a augmenté de 52 % en 2015, soit la plus forte augmentation parmi tous les groupes de minorités visibles.
    Malheureusement, nous avons vu de nombreux exemples de la façon dont les personnes d'origine iranienne sont particulièrement la cible d'attaques fondées sur la race. Récemment, aux États Unis, deux Indo-Américains ont été tués par un suprémaciste blanc au Kansas parce qu'ils étaient considérés comme des Iraniens.
    Au Canada, un étudiant au doctorat iranien de l'Université Western a été brutalement attaqué, et on lui a dit de retourner dans son pays; il y a quelques mois, un chauffeur de taxi irano-canadien a été agressé verbalement par un client qui a fait explicitement allusion à sa nationalité.
    Ce sont quelques exemples de personnes d'origine iranienne qui ont été particulièrement la cible de violence raciale d'une façon qui est inacceptable dans une société multiculturelle. Comme je l'ai mentionné, les résultats de notre enquête montrent que la discrimination et le racisme auxquels font face les Irano-Canadiens prennent racine non seulement dans l'islamophobie et la xénophobie, mais découlent aussi d'un sentiment particulièrement anti-iranien qui est guidé par la façon dont on traite l'Iran sur la scène internationale.
    Peut-être que le cas de discrimination systémique le plus important touchant tous les Iraniens aujourd'hui, y compris les Canadiens d'origine iranienne, est l'interdiction de voyager du président Donald Trump. Compte tenu de l'imposition de ces restrictions discriminatoires en matière de voyage, de nombreux Canadiens d'origine iranienne et des milliers de citoyens iraniens vivant au Canada qui ont dû se rendre aux États Unis par affaires, pour des études ou pour rendre visite à des membres de la famille ont été abandonnés dans des situations précaires et incertaines. Même maintenant, tandis que l'interdiction a fait l'objet de plusieurs itérations et contestations judiciaires, leur sort à la frontière est incertain. De nombreux membres de notre communauté ont fait remarquer l'examen de plus en plus minutieux effectué par les agents de la sécurité à la frontière depuis l'interdiction et ont exprimé un sentiment d'insécurité devant la possibilité de voyager aux États-Unis. Cette politique discriminatoire a causé de l'anxiété et des préoccupations extrêmes dans notre communauté, et nous estimons qu'il est du devoir de notre gouvernement de protéger ses citoyens d'une discrimination si flagrante par notre plus proche voisin à la frontière.
    Malheureusement, la discrimination systémique existe non seulement à nos frontières, mais aussi à l'intérieur de celles-ci. Une bonne partie de cette discrimination systémique est le résultat de la politique iranienne du Canada et du régime de sanctions du Canada contre l'Iran, qui a commencé en 2012, soit la même année où le gouvernement canadien a rompu ses relations avec l'Iran et a fermé ses ambassades dans les deux pays.

  (1540)  

    En plus d'avoir privé de leur gagne-pain de nombreux entrepreneurs et gens d'affaires irano-canadiens honnêtes et travaillants, les sanctions ont aussi eu des effets désastreux sur les Irano-Canadiens ordinaires. Les institutions financières ont été particulièrement coupables de discrimination contre ces membres ordinaires de notre communauté.
    Depuis 2012, comme conséquence de sanctions strictes imposées à l'Iran par le gouvernement canadien, les banques ont refusé de faire des affaires avec ceux qui avaient ou étaient considérés comme ayant des liens financiers avec l'Iran, qu'ils soient personnels ou commerciaux. Cela a entraîné la fermeture des comptes bancaires d'Irano-Canadiens, y compris de citoyens canadiens, pour aucune autre raison sinon celle qu'ils étaient Iraniens. Par exemple, le compte bancaire — contenant seulement 700 $ — d'un étudiant en génie iranien au Québec a été fermé. Lorsqu'il s'est présenté à la banque, on lui a seulement dit que son compte avait été fermé parce qu'il avait un passeport iranien.
    Même aujourd'hui, après que le gouvernement a assoupli certaines de ses sanctions imposées à l'Iran en février 2016, les institutions financières continuent toujours d'appliquer les mêmes règles discriminatoires, et nous avons reçu plusieurs rapports d'Irano-Canadiens ordinaires qui ont été victimes de discrimination par des banques.
    Nous avons aussi reçu plusieurs rapports selon lesquels des Irano-Canadiens font l'objet de discrimination par des employeurs explicitement en raison de leur nationalité iranienne. Des Irano-Canadiens se voient refuser un emploi dans des entreprises où ils ont besoin d'avoir accès à des technologies sensibles, participent à des contrats de défense ou dont le travail les oblige à voyager aux États-Unis. C'est particulièrement le cas dans les professions du secteur du génie, où une bonne partie de notre communauté travaille.
    Ma collègue, Soudeh Ghasemi, va maintenant passer en revue certaines de nos recommandations.
    Premièrement, nous sommes d'avis qu'un examen systématique des dispositions de notre Code criminel en ce qui concerne les crimes haineux et les discours haineux s'impose depuis longtemps. De nombreuses sources ont signalé qu'une partie importante du problème concernant les procès pour crime haineux tient au fait que le Code criminel limite ce qui peut être fait et ne permet pas des poursuites rapides et efficaces.
    Deuxièmement, nous recommandons l'établissement d'un numéro d'urgence pour le racisme et la discrimination afin de permettre aux victimes de discrimination d'accéder aux services d'un avocat et de permettre au gouvernement de recueillir des renseignements sur ces incidents.
     Troisièmement, le projet de loi C-51 actuel du gouvernement élimine des parties du Code criminel qui fournissent une protection dans des lieux de culte, des cérémonies religieuses et des communautés confessionnelles. À l'heure actuelle, comme le nombre de crimes haineux commis contre des personnes de confessions religieuses particulières augmente, nous croyons que ces protections sont nécessaires. Nous recommandons au Comité qu'il propose dans son étude à l'intention du gouvernement et du Parlement de modifier cette partie du projet de loi C-51.
    Quatrièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral augmente le budget des programmes de Patrimoine canadien appuyant les initiatives de diverses organisations communautaires qui se consacrent à l'amélioration de la compréhension interconfessionnelle et interculturelle et que ces programmes ciblent les groupes touchés.
    Étant donné la population non négligeable d'Irano-Canadiens et le nombre important de nouveaux immigrants qui arrivent d'Iran, nous recommandons aussi que Statistique Canada ajoute une catégorie iranienne dans sa section sur les minorités visibles pour qu'on puisse avoir des données exactes sur les crimes haineux.
    Enfin, et par-dessus tout, nous croyons que le Canada devrait, dans toutes les décisions stratégiques étrangères et les déclarations concernant un pays, tenir compte explicitement de l'effet que de telles décisions auront sur l'ensemble des personnes canadiennes qui viennent de ce pays ou ont des liens avec celui-ci. L'absence actuelle de cette prise de conscience dans nos cercles politiques étrangers a causé de grands torts à notre communauté.
    Comme l'ont illustré nos exemples et les conclusions de notre enquête, les Irano-Canadiens souffrent de sanctions et de discrimination de la part des banques, du manque d'accès à une ambassade grâce à laquelle ils pourraient accéder à des services consulaires et de la singularisation constante de l'Iran dans la rhétorique et la politique de pays comme le Canada. Ils doivent reconnaître que, dans un contexte de mondialisation croissante, les actions et les paroles du Canada sur la scène mondiale ne se limitent pas aux relations internationales, et qu'elles touchent aussi ses citoyens ici, à la maison.
    De fait, c'est quelque chose que nous avons déjà reconnu par rapport au traitement dont font l'objet certains pays sur la scène mondiale. Nous ne pouvons pas isoler un pays en lui accordant un traitement défavorable spécial et nous attendre à ce qu'une telle singularisation n'ait pas de répercussions négatives pour les personnes qui sont liées ou considérées comme étant liées à ce pays.
    Dans notre exposé, nous avons montré que les Irano-Canadiens font face à une discrimination grave. Notre gouvernement doit tenir compte de cette situation. Nous espérons que les recommandations que nous avons présentées permettront non seulement aux membres de notre communauté de vivre en paix et comme des égaux au Canada, mais qu'elles aideront aussi d'autres communautés à le faire.

  (1545)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions et de réponses. Nous commençons par Anju Dhillon pour les libéraux, pour sept minutes.
    Merci beaucoup d'être venus et d'avoir témoigné devant notre comité.
    Auriez-vous l'amabilité de nous dire comment votre organisation s'y est prise pour lutter contre la discrimination? Qu'avez-vous fait?
    Notre organisation est une organisation de défense des droits. Nous ne sommes pas un fournisseur de services. Nous aidons les membres de notre communauté à communiquer avec des fournisseurs de services dans certains cas, mais notre rôle principal est de faire défendre leurs droits devant le gouvernement. Nous avons déjà comparu devant le Sénat. Nous avons présenté des pétitions qui étaient importantes pour notre communauté et nous avons tenté d'exprimer les points de vue et les préoccupations de notre communauté dans le cadre de n'importe quelle rencontre que nous avons tenue avec des politiciens. Nous essayons d'établir le plus de liens possible avec des politiciens de façon à pouvoir exprimer les préoccupations de notre communauté de façon appropriée.
    Quel genre de conseils donnez-vous aux personnes qui viennent vers votre organisation, parce que vous avez dit que vous les adressez à des services? De quels types de services parlez-vous?
    Nous avons des listes et des liens avec l'ensemble de ces fournisseurs de services, mais ce n'est pas vraiment notre rôle principal. Nous ne voulions pas donner cette impression.
    Nous le faisons parfois, mais il y a une foule d'excellents fournisseurs de services dans notre communauté, et nous ne nous considérons pas comme un fournisseur de services à cet égard. Nous sommes une organisation de défense d'intérêts politiques; c'est le service principal que nous fournissons à notre communauté.
    Je pose la question, parce que le Tribunal des droits de la personne existe pour aider les personnes qui éprouvent des difficultés, particulièrement lorsqu'il s'agit de discrimination en matière d'emploi. Il reçoit beaucoup de dossiers concernant ce type de discrimination, et c'est pourquoi je voulais savoir si vous y aiguilliez des personnes. Au cours des derniers jours, nous avons entendu des témoignages qui ont clairement fait ressortir le fait que les personnes ne connaissent pas leurs droits ou qu'elles ont peur d'aller chercher de l'aide parce qu'elles croient qu'il y aura des répercussions de la part des autorités. C'est particulièrement vrai chez la population immigrante. C'est pourquoi je vous posais la question.
    Aimeriez-vous que j'y réponde?
    Essentiellement, vous avez tout à fait raison. Lorsqu'il est question de cas explicites, vérifiables et consignés de discrimination en matière d'emploi ou d'autres types de discrimination, nous essayons de diriger notre communauté vers le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario ou quoi que ce soit qui est disponible selon leur lieu de résidence. Toutefois, vous avez mis en lumière une question très importante, qui est la peur qui existe. De plus, en toute franchise, les gens n'ont souvent pas le temps. Nous avons quelques personnes, particulièrement en ce qui concerne le problème des banques, qui sont prêtes à donner leur nom aux fins du compte rendu et à prendre le temps de suivre ce processus, et nous les aidons tout au long de celui-ci.
    De façon générale, nous croyons que la façon la plus efficace de réagir à cette question est de le faire au moyen d'une politique gouvernementale, etc., mais, bien sûr, nous essayons autant que possible de diriger les personnes vers les tribunaux appropriés.

  (1550)  

    Quel type de politiques aimeriez-vous que le gouvernement mette de l'avant?
    Nous avons décrit certaines des politiques dans les recommandations. Peut-être que Soudeh aimerait en parler, mais essentiellement...
    Oui, je peux fournir plus de détails.
    D'abord, nous pensons qu'un examen des dispositions de notre Code criminel est extrêmement important. Je suis sûr que vous avez entendu dire cela dans le présent Comité par d'autres témoins également. Beaucoup d'experts, du domaine juridique ou d'ailleurs, ont évoqué cette idée.
    Au Canada, il est très difficile d'intenter des poursuites pour des crimes haineux et des discours haineux de façon efficace. Je crois qu'il n'y a eu qu'une poignée de poursuites depuis les années 1970. Nous croyons que cela est éloquent. Évidemment, d'autres questions sont aussi importantes, mais nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une question fondamentale dont on doit vraiment tenir compte.
    À la lumière de notre recherche préliminaire, nous croyons qu'une chose qui serait bonne, ce serait que le Canada examine d'autres pays et leurs politiques. Selon une partie de ce que nous avons pu voir, du moins au niveau préliminaire, le Royaume-Uni pourrait être un bon exemple en l'espèce. Cela varie vraiment, mais il y a très clairement des cas dans lesquels une personne a été poursuivie très rapidement, immédiatement et efficacement pour un crime haineux. Récemment, il y a eu un cas où un procureur, je crois, un avocat, a harcelé verbalement en raison de leur race une femme et sa fille dans le train; il a été poursuivi presque immédiatement après, je crois, et il a dû payer une amende assez importante. Je pense qu'il s'agissait de 1 000 livres. Je ne sais pas à quoi cela correspond en dollars, mais je pense que c'est plus de 2 000 $.
    Vous avez parlé de changer le Code criminel, de le modifier. Quel genre de législation aimeriez-vous voir exactement?
    Je pense qu'on devrait laisser aux experts juridiques le soin de régler les détails réels, mais à un échelon supérieur, nous devons vraiment nous assurer que la personne qui commet un crime haineux peut être poursuivie au Canada, que cela fait réellement partie de notre Code criminel et qu'on le traite très directement. C'est très difficile pour quiconque d'être poursuivi pour un crime haineux en ce moment. Je pense que cela doit passer par le procureur général, et il y a actuellement un processus très long qui n'est tout simplement pas réalisable.
    Cette question s'adresse à vous deux.
    Vous avez beaucoup parlé de discrimination en matière d'emploi. Pourriez-vous donner un peu plus de détails à ce sujet?
    Je vais commencer si vous le voulez bien.
    L'un ou l'autre d'entre vous serait parfait.

  (1555)  

    Malheureusement, la discrimination en matière d'emploi est quelque chose qui touche chaque communauté immigrante dans une certaine mesure. Il s'agit davantage d'une question provinciale, et nous avons été plutôt actifs à cet égard à l'échelon provincial.
    En ce qui concerne la discrimination en matière d'emploi, ce qui a tendance à se produire souvent, c'est que nous invitons des personnes à venir dans notre pays pour travailler dans des domaines particuliers où nous avons relevé une pénurie de main-d'oeuvre. Malheureusement, une fois qu'elles arrivent ici, elles font face à un certain nombre d'obstacles à l'emploi. Ces obstacles pourraient être institutionnels, comme lorsque leur diplôme n'est pas reconnu, particulièrement dans les professions réglementées. Toutefois, il y a d'autres questions qui ne sont pas aussi explicites. Ici, nous parlons de la question de l'expérience canadienne. Les personnes viennent ici et ne peuvent obtenir un emploi à moins d'avoir la soi-disant expérience canadienne, l'expérience nord-américaine, et c'est un problème.
    À cela s'ajoute la discrimination raciale réelle, qui peut se produire dans une entrevue. Je pense qu'il y avait une étude menée par l'Université de Toronto et l'Université Ryerson dans laquelle on a montré que si vous aviez un nom qui n'était pas anglophone ou francophone, vous étiez bien moins susceptible d'être convoqué par rapport à votre curriculum vitae. Dans le cadre de l'étude, on a envoyé des curriculum vitae identiques, et on a conclu que, pour un même curriculum vitae, la personne ayant un nom non anglophone était bien moins susceptible d'être convoquée en entrevue.
    Seriez-vous en mesure de présenter l'étude dont vous venez de parler?
    Bien sûr. Cette étude est plutôt bien connue.
    Dans notre communauté, la discrimination en matière d'emploi est quelque chose dont nous avons tenu compte dans notre exposé. Je crois que le gouvernement fédéral pourrait s'attaquer au fait que les personnes qui viennent d'Iran ne peuvent obtenir certains emplois, parce que ceux-ci nécessitent de se rendre aux États-Unis ou parce que l'emploi exige l'accès à certains renseignements sensibles que les Irano-Canadiens ne sont pas autorisés à voir. Cela se fait particulièrement dans les entreprises de génie, et nous l'avons entendu dire plusieurs fois.
    Si le greffier me demandait cette étude, nous serions ravis de vous la fournir.
    Oui, s'il vous plaît. Je pense que notre portrait sera meilleur si nous avons plus de faits et de données.
    Merci, madame Dhillon.
    Je vais maintenant passer au second groupe, et c'est les conservateurs.
    Allez-y, monsieur Reid.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais encourager les témoins à présenter officiellement l'étude dont vous parlez. Nous pouvons uniquement examiner le matériel qui nous a été présenté comme témoignage, donc un rapport écrit serait nécessaire.
    Vous avez donc besoin de l'étude de l'Université Ryerson et de l'Université de Toronto?
    Oui, si c'est à celle-là que vous faites allusion.
    Oui, c'était en réponse à la question.
    Il a dit qu'il allait l'obtenir.
    Merci.
    Je dois vous dire que j'ai passé huit années à présider notre Sous-comité des droits internationaux de la personne, ici, sur la Colline du Parlement. Comme vous le savez, l'Iran fait très piètre figure pour ce qui est des droits de la personne. Je me suis toujours fait un devoir d'insister pour dire qu'on ne peut blâmer les expatriés d'un pays, y compris ceux qui détiennent la double citoyenneté, pour le comportement du régime du pays dont ils proviennent. Par exemple, j'ai souligné qu'il est inapproprié de tenir les Sino-Canadiens responsables moralement, de quelque façon que ce soit, des antécédents de la République populaire de Chine à l'égard de sa minorité ouïghoure musulmane, qu'elle traite très mal.
     Plus tôt cette année, dans une lettre que vous avez rédigée pour le Toronto Sun, vous avez utilisé un terme, « islamophobie », et vous avez parlé d'« iranophobie », utilisant ces deux mots côte à côte. J'ai remarqué que vous n'avez pas utilisé aujourd'hui le mot « iranophobie ». Vous avez plutôt parlé de « sentiment anti-iranien ». Je voulais vous poser quelques questions à ce sujet. Cette question, soit dit en passant, concerne le fait que, en Iran, des baha'is ont été accusés d'islamophobie et d'iranophobie. C'est la raison pour laquelle je pose la question.
    Désolé. Je n'ai pas très bien compris quelle était la question.
    Vous avez utilisé les mots « iranophobie » et « islamophobie » côte à côte. J'ai remarqué maintenant que vous n'utilisez pas le terme « iranophobie ». Vous parlez plutôt de « sentiment anti-iranien ».
    La question est de savoir pourquoi...?
    Oui, pourquoi avez-vous apporté ce changement?
    Je ne pense pas que ce soit un changement; je dirais que c'est davantage une question stylistique. Je me rappelle que le terme a été utilisé dans une très petite chronique. Je ne pense pas que la différence ait beaucoup d'importance. Le terme « iranophobie » a été utilisé par quelques personnes, je pense que c'était un universitaire, et il a déjà été utilisé auparavant. Je ne suis pas marié à ce terme — nous pouvons le changer pour « sentiment anti-iranien » si cela aide.
    On pourrait parler de « discrimination contre les Iraniens » ou...
    Oui. Vraiment, là où nous voulons en venir et où je voulais en venir avec cette chronique — et je ne sais pas si cela fait encore partie du témoignage que nous avons eu — là où nous avons essayé d'en venir ici, c'est que la raison pour laquelle nous avons même un terme comme « sentiment anti-iranien », c'est que nous possédons de l'information empirique et des observations réelles qui montrent que vous ne pouvez simplement...
    De toute évidence, les Iraniens sont victimes d'islamophobie, mais il y a une autre caractéristique qui est propre aux Iraniens. C'est très précis. De nouveau, je tiens à vous rappeler qu'environ la moitié des personnes que nous avons sondées ont dit qu'elles étaient tout particulièrement victimes de discrimination anti-iranienne. C'est vraiment ce que je dirais: que nous devons approfondir cette question.
    Je pense que j'ai raison de dire cela, mais vous pouvez me corriger.
    Le problème, c'est que les personnes qui se disent victimes de discrimination anti-iranienne, dans certains cas — le cas que vous avez mentionné dans votre article était en fait un cas de violence homicide au Kansas — confondent les personnes et le régime actuel. Certains Irano-Canadiens, je suppose, soutiennent le régime, et d'autres ne le font pas, mais ce n'est pas universel. Est-ce que cette confusion est à l'origine du problème?
    Je dirais que cela fait assurément partie du problème. Nous aurions tort de regarder tous les Américains et de les mettre dans le même sac que, par exemple, le président de ce pays en ce moment. Je suis d'accord pour dire que cela fait partie du problème, mais une autre partie importante de ce problème, c'est que l'Iran est en ce moment pointé du doigt.
    Nous ne disons pas que l'Iran est parfait. Le pays a évidemment des problèmes, mais, par rapport à certains de nos alliés d'autres pays dont nous ne parlons pas vraiment, aucune donnée réelle ne donne à penser que l'Iran agit nécessairement de façon différente. Ce que nous disons, c'est que, même si la confusion pose des difficultés, il y a aussi celle de la singularisation de l'Iran. Puisque presque tous les Iraniens viennent d'Iran et ont des liens avec le pays, cette singularisation de l'Iran comme pays influe dans les faits sur la discrimination que ressentent généralement les Irano-Canadiens et la diaspora iranienne.
    C'est un point qui a été soulevé par Adam Weinstein, un auteur américain. Il a dit que la diaspora juive et la diaspora iranienne sont semblables à cet égard, et le lien entre la diaspora juive et Israël, le lien entre la singularisation d'Israël et l'antisémitisme, est très semblable à la singularisation de l'Iran et au sentiment anti-iranien. J'espère que cela répond à vos questions.

  (1600)  

    Oui. Dans le film Casablanca, dans une scène, un des personnages, qui est associé à tous les grands personnages de la résistance d'Europe, se fait demander s'il connaît les dirigeants de la résistance à Prague et à Paris et ainsi de suite, et il répond: « oui, et à Berlin, aussi ». C'est donc dire que, au plus fort de la Deuxième Guerre mondiale, quand ce film a été tourné, nous pouvions faire la distinction entre les Allemands et les nazis. Même si je ne comparerais jamais un régime dans le monde aux nazis, tous les régimes ont leurs problèmes, et dans le cas du régime iranien, j'ai l'impression que certaines personnes ont de la difficulté à faire la distinction entre les Irano-Canadiens et les partisans du régime et encore moins ses militants. Est-ce exact, pour l'essentiel?
    Eh bien, vous savez, je dirais encore une fois que c'est là un des aspects du problème, mais l'autre aspect, c'est qu'il y a un problème lié au fait qu'on s'en prend précisément à l'Iran. Tous les pays ont leurs problèmes, comme vous l'avez dit, et chaque régime a les siens, mais le fait de s'en prendre isolément à l'Iran en raison de son comportement — comportement qui n'est pas vraiment empiriquement différent de celui de tout autre pays, que ce soit dans la région ou ailleurs, avec lequel nous entretenons des relations très amicales — est un problème supplémentaire. L'amalgame en est un, et le fait qu'on s'en prend précisément à l'Iran en est un autre, et, oui, ce serait là mon argument.
    J'ai utilisé tout le temps qui m'était accordé, alors je vous remercie beaucoup.
    Je vais vous donner un peu plus de temps, si vous le voulez. Vous pouvez avoir une autre minute.
    Oh, merci.
    Dans ce cas, j'aimerais parler très précisément de ma préoccupation concernant la communauté baha'ie.
    Comme vous le savez, en Iran, la constitution protège les minorités chrétiennes et juives ainsi que les zoroastriens, mais pas la communauté baha'ie. Bien sûr, initialement, l'Iran était le territoire de la communauté baha'ie. J'ai effectué des recherches sur Internet pour me préparer aux audiences d'aujourd'hui, et j'ai constaté un certain nombre de références à l'accusation formulée contre la communauté baha'ie, en tant qu'organisation, qui est en train de promouvoir l'islamophobie ou l'iranophobie. C'est la raison pour laquelle j'ai remis en question ce libellé. Ce que j'essayais de dire, c'était que, selon moi, il est dangereux d'utiliser ces termes pour cette raison.
    J'aimerais vous entendre à ce sujet, si vous avez quelque chose à dire, bien sûr.
    Pour être franc, je passe la majeure partie de mon temps au Canada. Je connais certaines choses indirectement au sujet de la situation des baha'is, mais je ne peux pas vraiment en parler. Pour ce qui est du lien avec l'iranophobie, je n'ai vraiment pas l'expertise nécessaire, malheureusement. Je suis ici depuis mon enfance, alors c'est très difficile pour moi de parler de cet enjeu. J'espère que vous accepterez ma réponse.
    Bien sûr, et je vous remercie beaucoup de votre temps.
    Merci.
    Nous allons passer à Jenny Kwan, du NPD. Vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à vous deux de vos exposés.
    Vous avez parlé un peu de sous-signalement. Une des choses que nous tentons de faire, c'est de déterminer de quelle façon nous pouvons recueillir les données. Souvent, les données sont seulement recueillies s'il y a une déclaration officielle aux forces de l'ordre, et à ce moment-là, c'est comptabilisé dans les statistiques. Beaucoup de témoins nous ont aussi dit que les choses ne se passent pas ainsi, et c'est aussi ce que vous venez tout juste de dire. Je me demande, à cette fin, de quelle façon nous pouvons régler le problème de sous-déclaration afin que nous puissions recueillir les vrais renseignements, connaître le réel impact de la discrimination, tant en fonction de la race qu'en fonction des croyances religieuses.
    À la lumière de l'expérience du Congrès canado-iranien au cours des dernières années, le problème lié aux déclarations... je vais commencer par parler du problème bancaire.
    Habituellement, nous constatons que les gens ne sont pas à l'aise à l'idée de se tourner vers les autorités. C'est la raison pour laquelle ils viennent nous voir en premier, pour nous consulter et obtenir des renseignements à ce sujet. Je vais vous parler de ma propre expérience.
    La Banque TD a fermé mes comptes bancaires et les comptes bancaires de mes parents pour absolument aucune raison, à part le fait que nous avions des noms iraniens. Je n'ai pas hésité à m'élever contre cette situation. Cependant, j'ai essayé d'obtenir un avocat et j'ai remarqué qu'aucune action en justice officielle ne pouvait être enclenchée à ce moment-là. Même si j'ai parlé de la situation aux médias, au bout du compte, le problème n'a pas été réglé. Je n'ai vu aucun organisme de gouvernance des banques superviser le caractère approprié... ce que je vous raconte là, c'est simplement un récit personnel.
    Les cas liés au système bancaire que nous rencontrons de nos jours sont liés à un manque de connaissance et à la crainte d'en parler. C'est la raison pour laquelle nous croyons que, si le gouvernement créait une ligne téléphonique pour ces cas, eh bien, les responsables de ces lignes pourraient peut-être fournir des renseignements plus précis quant à la façon dont ces dossiers peuvent être préparés et réglés. En outre, si des mesures doivent être prises, on pourra aiguiller les gens vers les organismes appropriés.
    En ce qui a trait à la déclaration des crimes haineux, je suis tout à fait d'accord avec vous. Techniquement, à la lumière des rapports que nous avons reçus, si quiconque se tourne vers la police, je crois que les policiers n'ouvrent pas un dossier sauf s'il y a vraiment une menace ou une menace de mort formulée contre la personne. S'il n'y a pas de menace de mort, la situation ne sera jamais consignée ou inscrite où que ce soit.
    Si le gouvernement pouvait mettre en place une ligne téléphonique à l'intention des gens afin qu'ils aient l'impression de pouvoir parler à quelqu'un pour signaler leurs problèmes et consulter quelqu'un, je crois qu'une telle mesure pourrait permettre de commencer à traiter ces situations.

  (1605)  

    Merci de votre réponse.
    Certains des témoins que nous avons rencontrés ont aussi suggéré que nous travaillions en collaboration avec les ONG et les groupes communautaires qui sont près des groupes précis. Par exemple, vous avez mentionné avoir réalisé des sondages. Accepteriez-vous de travailler avec des ONG dans la collectivité pour recueillir les données? Votre organisation sera-t-elle prête à participer à un tel programme?
    Nous avons écouté le témoignage et nous croyons qu'il s'agit d'une idée intéressante. Le problème vient en partie du fait que ce serait très difficile de coordonner une telle chose au sein de toutes nos organisations lorsqu'il est question de la déclaration en tant que telle et au fait que les gens signalent une urgence.
    Cela dit, notre réponse, ce serait de créer une ligne téléphonique. Nous croyons que cette solution serait un peu plus solide. Évidemment, il y aurait un certain niveau de collaboration. Peut-être que, si une personne ne voulait pas utiliser la ligne téléphonique ou avoir recours à un tel mécanisme de déclaration centralisé, alors, assurément, les ONG auraient un rôle à jouer. Peu importe, nous serons prêts à participer à tout programme qui vise à régler ce problème.
    Voilà qui m'amène à ma prochaine question.
    Je crois qu'il serait essentiel que ce soit à l'échelle du pays, une stratégie nationale sur l'ensemble du territoire, si je peux m'exprimer ainsi. Nous avons déjà eu un plan d'action national contre le racisme. Ce plan n'existe plus, et des groupes ont donc demandé le rétablissement ou la mise à jour, pour ainsi dire, d'un tel plan, qui serait assorti de mesures de responsabilisation et qui bénéficierait de ressources.
    J'aimerais savoir rapidement ce que vous en pensez tous les deux.
    Pardon, la question c'était...?
    Un plan d'action national contre...
    Un plan d'action national, oui, nous croyons assurément qu'il s'agit là d'un enjeu important, surtout lorsqu'on pense à ce qu'on peut faire à l'échelon fédéral. Encore une fois, selon nous, l'examen du cadre législatif fédéral est un aspect important du processus. Nous croyons définitivement qu'il devrait y avoir un plan national intégré. Nous ne voulons pas d'une structure qui serait plus importante dans certaines provinces ou certaines régions. Nous croyons que c'est un enjeu qui touche tout le pays et qu'il faut le régler à l'échelle nationale.
    J'en viens donc à ma prochaine question liée à une stratégie nationale. Le gouvernement devrait-il adopter un point de vue lié à l'équité raciale lorsqu'il élabore ses textes législatifs, lois et politiques?
    Je dirais que ce serait assurément une très bonne mesure à prendre. Il faut changer les mentalités et les approches au sein du gouvernement. Il faut reconnaître qu'il y a des systèmes de privilège et des systèmes discriminatoires en jeu, ici, et un point de vue fondé sur l'équité aiderait de toute évidence à éliminer ou à effacer certains de ces problèmes.

  (1610)  

    Je suis très troublée d'entendre parler de votre expérience, et j'imagine que d'autres membres de votre communauté ont aussi vu leurs comptes bancaires fermés pour aucune raison à part leur nationalité. J'ai l'impression qu'il y a très peu de recours dans de telles situations, et donc, à cet égard, la dernière fois que j'ai vérifié, il y a une Charte des droits et libertés au pays, et, aux dernières nouvelles, un tel comportement n'est pas conforme à la Charte.
    Selon vous, que faudrait-il faire? Qu'est-ce que le gouvernement devrait faire dans de telles situations, de façon très concrète, sur le terrain?
    Le gouvernement doit continuer à dire aux banques que c'est quelque chose d'inacceptable. En ce moment, comme vous l'avez dit, il y a très peu de choses qu'on peut faire, et on en arrive au point où, chaque jour, nous apprenons qu'une nouvelle banque adopte de telles pratiques. Avant, il y en avait une, puis deux, puis quatre, et le nombre n'arrête pas d'augmenter.
    C'est une position dangereuse. Il y a une réelle possibilité que tous les membres de notre communauté n'aient plus accès aux banques ni aux services bancaires. Plus précisément, je crois qu'il faudrait vraiment revoir la façon dont nous réglementons l'industrie financière pour nous assurer que les gens ont accès aux systèmes bancaires, peu importe leur nationalité ou leur race et peu importe ce qui se passe. Malheureusement, nous n'avons pas la capacité de le faire actuellement.
    L'organisme de réglementation des institutions financières...
    La présidente: Désolée.
    Mme Jenny Kwan: Est-ce que j'ai eu une minute supplémentaire?
    Vous avez eu une minute supplémentaire, oui.
    Nous passons maintenant à Arif Virani, du côté des libéraux.
    J'imagine que vous aurez une minute de plus vous aussi. Nous avons un peu de temps en banque.
    Merci, madame la présidente. Merci beaucoup.
    Salaam. Je suis heureux que vous soyez là et je vous remercie de vos commentaires et de vos réponses jusqu'à présent. Je veux vous poser trois ou quatre questions durant les sept ou huit prochaines minutes.
    Vous avez mentionné un certain nombre d'aspects différents liés à vos préoccupations. Vous avez mentionné entre autres l'emploi. Ce que nous avons fait jusqu'à présent, au sein du gouvernement, c'est de mettre en place deux ou trois choses qui, selon moi, sont des pas dans la bonne direction. Une des mesures, c'est la reconnaissance des titres de compétence étrangers. Nous avons investi 27,5 millions de dollars sur cinq ans dans ce programme, et cet effort vise à s'assurer que les titres de compétence des gens sont reconnus. Une autre chose que nous avons faite, c'est le lancement d'un projet pilote de recrutement anonyme qui rejoint exactement ce que vous avez dit lorsque vous parliez des gens qui n'ont pas des noms anglo-saxons ou des noms courants au Canada et qui font l'objet d'une discrimination inconsciente et n'ont pas l'occasion de passer des entrevues.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de ces deux programmes et nous mentionner d'autres idées créatives qui vous viennent à l'esprit sur la façon de régler le problème précis de l'emploi?
    C'est quelque chose qui doit se produire. C'est particulièrement vrai pour notre communauté. Il y a un réel problème lié aux organismes de réglementation eux-mêmes. Il s'agit très souvent d'organismes provinciaux.
    Par exemple, en Ontario nous avons eu beaucoup de problèmes avec l'organisation responsable de la dentisterie. Il semble y avoir beaucoup d'obstacles artificiels érigés contre les personnes ayant reçu leur formation à l'extérieur du pays et qui tentent de pénétrer dans le domaine de la dentisterie au Canada. Il y a des organisations similaires, comme le collège des médecins et ainsi de suite. Il faut vraiment passer à l'action. Le gouvernement doit faire quelque chose et régler ce qui se passe sur le terrain et dire à ces organismes de réglementation que ce n'est pas acceptable et que leurs politiques doivent changer.
    En ce qui a trait aux Iraniens et à certains des problèmes précis liés à l'emploi avec lesquels nous avons composé, la situation est, en fait, liée aux problèmes bancaires pour ce qui est de ce que nous pouvons faire. Nous croyons qu'une raison importante pour laquelle les Iraniens n'ont pas accès à certains de ces domaines, surtout le domaine du génie dans des secteurs qu'on dit sensibles — et c'est la raison aussi pour laquelle nous sommes confrontés à des problèmes bancaires —, tient aux sanctions contre l'Iran. Nous croyons que ces sanctions créent de la méfiance à l'égard des Iraniens, et même des problèmes juridiques, si une personne a travaillé pour une entreprise iranienne qui pourrait figurer sur la liste des entreprises sanctionnées ou je ne sais quoi. Cela a assurément une incidence sur les problèmes bancaires. Les banques rejettent des Iraniens parce qu'elles regardent les lois canadiennes sur les sanctions et se disent: « D'accord, le Canada a imposé des sanctions à l'Iran, et, par conséquent, nous ne voulons rien savoir des Iraniens. »
    Passons au prochain domaine, parce que je veux aussi qu'on en parle. Cela rejoint un peu le questionnement de Mme Kwan.
    Beaucoup de témoins différents nous ont parlé de cet outil d'équité fondé sur la race ou du point de vue fondé sur la race, lequel est calqué sur l'analyse comparative entre les sexes que le gouvernement a déjà mis en oeuvre; c'est un pas dans la bonne direction. Cet outil permettrait d'analyser diverses politiques gouvernementales, peu importe le ministère instigateur, afin d'en évaluer l'incidence. C'est un point que vous avez soulevé dans votre déclaration, soit le fait qu'il faut comprendre l'impact de certaines mesures sur les gens qui sont ici, au pays.
    Est-ce le type de mécanismes que, selon vous, nous devrions mettre en place, et ce mécanisme permettrait-il de régler le problème des politiques qui a commencé avec le gouvernement précédent, en 2012, et qui a entraîné sans le vouloir des répercussions sur la diaspora, ici?

  (1615)  

    Assurément. Un tel mécanisme irait définitivement dans le sens du texte de la motion M-103, qui prône en fait une approche pangouvernementale. Selon nous, il faut examiner toutes les politiques gouvernementales pour en déterminer précisément les répercussions sur les communautés désavantagées, marginalisées ou nouvelles au Canada.
    Nous avons vu notre communauté être laissée pour compte dans le domaine de la politique étrangère. C'est un sujet qui devient de plus en plus important puisque nous avons des communautés immigrantes qui mènent des vies transnationales. Les frontières n'existent plus comme avant. Une personne peut vivre au Canada, mais conserver beaucoup de liens avec sa patrie et, si on établit les relations étrangères et les politiques étrangères sans même réfléchir à la façon dont celles-ci influeront sur les gens, sur le terrain, cette situation peut avoir un réel impact sur leur qualité de vie et sur celle de toute cette communauté.
    Nous croyons vraiment qu'il est important d'examiner toutes nos politiques, pas seulement les politiques liées à l'emploi. L'emploi est très important, et l'éducation aussi, et je ne parle pas seulement de ces aspects dans les politiques nationales, mais aussi dans les politiques étrangères. De quelle façon la rhétorique et nos politiques contre — ou pour — certains pays influent-elles sur la vie des membres des diasporas de ces pays et quelles sont les expériences de ces gens, ici; qu'en est-il de leur qualité de vie?
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné le dialogue interconfessionnel. Vous avez fourni des statistiques. Nous avons entendu ces statistiques très souvent de différentes entités, que ce soient des entités gouvernementales, des ONG ou des groupes de la société civile, selon lesquels les crimes haineux sont en hausse, surtout contre les juifs et les musulmans, ce qui prouve, selon moi, qu'il y a un problème de discrimination. Il y a encore de la division et de la haine, mais nous avons un problème précis de discrimination religieuse, alors cette notion interconfessionnelle est intéressante.
    Vous avez mentionné vouloir que le ministère du Patrimoine canadien offre un soutien à cet égard. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur cette idée. Je veux aussi enchaîner et vous demander s'il y a de la place pour d'autres mesures de soutien, parce que nous avons aussi entendu parler de l'effondrement du multiculturalisme dans le budget. À une époque, il y avait des fonds consacrés aux programmes sur le multiculturalisme pour soutenir les communautés elles-mêmes, je veux dire, simplement pour soutenir la communauté irano-canadienne elle-même. Actuellement, nous avons seulement la capacité de soutenir les Irano-Canadiens qui réalisent un programme conjoint à North York, avec la communauté coréenne, par exemple, ce qui est parfait et très important, mais nous n'avons pas la capacité d'habiliter les Iraniens afin qu'ils puissent renforcer leurs propres capacités afin de créer ce lien et gagner la confiance de la communauté pour recevoir des renseignements sur la haine, la discrimination et ainsi de suite.
    Pouvez-vous parler de l'approche interconfessionnelle, mais aussi de l'approche qui permettrait de tout simplement soutenir une communauté elle-même. Pouvez-vous aussi nous dire si, selon vous, il devrait s'agir d'une priorité?
    Je tiens à ajouter que, si des Irano-Canadiens étaient considérés comme une minorité visible officielle, si on les regroupait en tant que minorité visible, alors ce serait une façon de régler certains des problèmes que vous avez mentionnés en ce qui a trait à l'équité et tout le reste. De plus, du financement, évidemment, serait très utile, mais, si nous sommes reconnus comme une minorité visible, alors nous pouvons régler ces problèmes.
    Je suis d'accord avec ma collègue. De plus, pour ce qui est du dialogue interconfessionnel, c'est très important, surtout à l'heure actuelle où nous constatons, malheureusement, beaucoup de discrimination contre certains groupes religieux. Vous avez mentionné la foi juive et la foi musulmane, mais nous constatons aussi des problèmes liés au sikhisme et ainsi de suite. La compréhension est un aspect très important, ici. Beaucoup de confessions ont vraiment cela en commun. Il faut se pencher sur la situation et exposer cet enjeu.
    Je suis vraiment d'accord avec ce que vous voulez dire. C'est vraiment une de nos recommandations lorsqu'on parle d'une approche ciblée pour les organisations communautaires, tout en reconnaissant qu'il y a des différences d'expériences. Je crois que c'est vraiment ce dont nous parlons. Je crois qu'il faut reconnaître qu'une certaine communauté, à un moment précis, peut vivre quelque chose qui exige plus de ressources et plus d'attention.
    Si nous pouvons conclure...
    Bien sûr.
    L'efficience est quelque chose de très important, ici. Il faut aiguiller le financement et l'attention vers les communautés touchées. Il faut reconnaître les communautés touchées et avoir la capacité de les identifier, comme la communauté irano-canadienne.
    Il est possible que, à l'avenir, la communauté irano-canadienne ne soit pas autant visée, nous l'espérons, qu'elle l'est actuellement. Il faut reconnaître les communautés touchées et vraiment cibler le financement et s'assurer d'agir de façon efficiente.
    Merci.

  (1620)  

    Merci.
    Nous allons maintenant commencer la deuxième série. Je crois qu'il faudra réduire les interventions à trois minutes, parce que des interventions de cinq minutes dureraient 25 minutes, et nous finirions plus tard que prévu.
    Nous allons passer à une série de trois minutes.
    Nous allons commencer par M. Sweet, pour les conservateurs.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à exprimer ma profonde préoccupation et mes profonds regrets relativement au traitement des membres de votre communauté qui ont été victimes de discrimination ou de haine. Je crois que nous sommes tous d'accord, ici, des deux côtés pour dire, que notre objectif, c'est que la vie de chaque Canadien soit exempte de tout type de discrimination, haine et persécution et exempte de tout traitement injuste, par ailleurs, en ce qui a trait à certaines des choses dont vous avez parlé, comme les curriculum vitae des gens ayant des noms iraniens ou perses.
    En passant, j'ai beaucoup d'amis iraniens et ils préfèrent qu'on dise d'eux qu'ils sont Perses. Je ne sais pas quelle est la situation, si on parle d'une part importante de la communauté ou non, mais, c'est un peu ce qu'ils m'ont appris.
    Une des choses que nous trouvons problématiques, c'est le mot islamophobie, et ce n'est pas seulement un mot problématique pour nous. Environ 30 % des témoins ont un problème avec ce mot. Selon moi, les plus importants, ce sont ceux qui viennent de la communauté musulmane en tant que telle et qui jugent ce mot problématique. On nous a parlé de la façon dont la définition a été détournée et est devenue irrécupérable.
    Pour ce qui est de la haine ou du racisme de tout genre, nous voulons les combattre. Nous voulons que ce soit clair afin que personne ne puisse accaparer un terme pour lui faire dire quelque chose d'autre.
    Je veux revenir à l'une des choses que vous avez mentionnées au sujet de l'Iran. Je suis membre du Sous-comité des droits internationaux de la personne depuis près de 12 ans maintenant, et c'est la communauté iranienne au Canada qui est venue nous voir pour nous demander de défendre les membres de leur famille et leurs amis en Iran. Nous avons toujours fait très attention, comme M. Reid l'a dit, de souligner que c'est le régime, la Garde révolutionnaire, la Force Basij, les mollahs qui la dirigent, que nous ciblons. Ce sont ces gens, c'est ce régime, qui tuent leur propre peuple. Ils ont une très mauvaise réputation. On les retrouve aux premiers rangs des contrevenants aux droits de la personne, mais nous pointons pas mal autant du doigt tous les autres, au sein du sous-comité.
    Il y a, c'est vrai, la Semaine de responsabilisation de l'Iran, et j'espère vraiment que personne ne voit là une mesure contre un citoyen canadien de descendance iranienne, de descendance perse. Ce que nous aimerions, c'est que chaque personne en Iran soit libre, et nous espérons qu'il y aura un jour un État démocratique là-bas. Je veux que ce soit clair.
    L'autre problème qui a découlé de...
    Monsieur Sweet, vous avez dépassé les trois minutes. Allez-vous poser une question? Vous pouvez formuler une déclaration. Vous n'avez pas à poser une question si vous ne voulez pas en poser une.
    La motion concerne le racisme ainsi que la persécution fondée sur les croyances religieuses. Entendez-vous des commentaires différents des gens de votre communauté qui ont des antécédents différents du point de vue religieux? Je sais qu'il y a des Iraniens musulmans. Il y a des Iraniens de confession baha'ie. Il y a aussi des Iraniens laïques ainsi que des zoroastriens et des ahmadis. Obtenez-vous des sons de cloche différents quant aux niveaux de persécution en fonction des antécédents religieux en plus de la race?
    Je vais essayer de répondre.
    Je suis désolée, mais vous avez 30 secondes pour répondre, s'il vous plaît.
    Beaucoup de choses ont été dites dans cette intervention.
    Pour commencer, je suis d'accord pour dire que le terme « islamophobie » est utile, peu importe si sa signification devient un peu abstraite. Pour ce qui est de l'Iran, vous avez mentionné les droits de la personne. Chaque pays a ses problèmes. M. Reid l'a très bien dit. Peu importe l'intention réelle qui sous-tend ces genres de mesures de responsabilisation de l'Iran et tout le reste, nous constatons que cela a un impact sur la discrimination vécue par les Irano-Canadiens, ce qui est problématique. C'est quelque chose qu'on nous a dit. Je crois que 77 % des répondants ont dit que la façon dont l'Iran est traité par le Canada et par d'autres pays influe sur la discrimination dont ils sont victimes.
    Encore une fois, je dirais que, si on regarde vraiment la question des droits de la personne en Iran et la raison pour laquelle le pays est pointé du doigt, ce n'est pas vraiment beaucoup... En fait, la situation là-bas est similaire à celle dans d'autres pays comme l'Arabie saoudite, entre autres, et elle est peut-être même moins mauvaise. Le problème que nous constatons, c'est que l'Iran est pointé du doigt. Nous ne disons pas que l'Iran est un pays parfait, mais, vraiment, le problème, c'est le fait qu'on pointe l'Iran du doigt alors que le pays fait la même chose que font d'autres pays.

  (1625)  

    Je suis désolé, monsieur Tabasinejad. Nous avons vraiment dépassé le temps alloué cette fois-ci.
    Nous passons à Julie Dzerowicz, pour trois minutes.
    Merci beaucoup de nous avoir présenté vos exposés, et merci d'avoir la patience de répondre à toutes nos questions.
    Je m'intéresse beaucoup à la collecte de données. Vous avez mentionné que la communauté iranienne au Canada était victime de discrimination. Où avez-vous recueilli vos données? Les avez-vous recueillies personnellement auprès d'autres personnes? Avez-vous demandé à des services de police de vous les fournir? Comment avez-vous fait pour les obtenir?
    Les données que nous avons ainsi que nos commentaires actuels sont fondés sur un sondage que nous avons lancé récemment. Ça ne fait pas très longtemps, moins d'une semaine. Plus de 600 personnes ont répondu jusqu'ici.
    Nous recueillons les données après des membres de la communauté, et une partie de notre témoignage a été tirée de leurs commentaires, surtout en ce qui concerne l'emploi. Dans bon nombre de commentaires, il est question d'employeurs qui font de la discrimination dans des situations d'emploi à cause de décrets migratoires; les employeurs croient qu'ils ne pourront pas se rendre aux États-Unis. Les employeurs leur refusent des formations à cause de cette perception. Ils sont traités de cette façon parce que le gouvernement n'a pas fourni assez de clarifications en ce qui les concerne.
    Voilà donc les données que nous avons recueillies en peu de temps avec un minimum de ressources financières. C'est la recherche de l'organisation. Évidemment, si nous avions plus de fonds et de ressources, il nous aurait été possible de faire appel à davantage de membres de la communauté afin d'obtenir des données plus exactes et des données statistiques sur notre communauté.
    Dans l'idéal, nous aurions davantage de statistiques nationales et une méthode très uniforme pour la collecte de données.
    L'une de vos recommandations est, essentiellement, d'injecter davantage d'argent pour le dialogue interculturel. Je sais qu'on a déjà discuté un peu à ce sujet. Existe-t-il un programme dont vous seriez prêts à dire « ce dialogue ou programme interculturel fonctionne très bien, et nous pouvons l'utiliser comme modèle ou l'appliquer à l'ensemble du pays »? Existe-t-il quelque chose qui fonctionne dont vous pourriez nous parler, un programme que vous aimez particulièrement ou que vous trouvez excellent?
    Pour être honnête avec vous, je n'en connais pas. Peut-être que Soudeh pourrait répondre. Si je vous comprends bien, vous parlez des modèles dans d'autres pays.
    Non, je voulais dire ici au Canada. Y a-t-il quelque chose qui se fait ici au Canada que vous trouvez efficace relativement au dialogue interculturel?
    Voulez-vous parler de ce que font les organisations non gouvernementales?
    Oui, et même ce qui est financé par le gouvernement. Je parle de n'importe quoi qui, selon vous, fonctionne également. Vous dites « il faut investir plus d'argent », alors il doit bien y avoir un programme qui fonctionne selon vous ou quelque chose que nous pourrions utiliser comme modèle.
    Je crois qu'une partie du problème actuellement tient au fait qu'il y a très peu de financement. Je crois qu'on investit actuellement environ 5 millions de dollars ou moins pour ce genre d'efforts, et selon nous, ce n'est pas assez. Malheureusement, cela limite le nombre potentiel d'exemples favorables auxquels nous pouvons nous intéresser.
    Je dirais que le gouvernement doit entreprendre une étude sur les possibilités qui s'offrent à nous. Je parle d'examiner les autres modèles et d'étudier la situation, mais le financement demeure quelque chose de fondamental. Ce que je veux dire, c'est qu'un pays comme le Canada, où il y a tant d'immigrants et où une grande partie de la population est née à l'étranger, investit seulement 5 millions de dollars pour cela. Je crois qu'il faut vraiment s'intéresser davantage à ce problème et augmenter le financement.
    C'était tout le temps dont vous disposiez.
    La parole va à David Anderson, du Parti conservateur.
    Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins d'être ici avec nous aujourd'hui.
    Votre organisation a-t-elle une opinion sur les droits des minorités en Iran? Qu'est-ce que vous faites à ce sujet? La raison pour laquelle je pose la question est qu'une partie de notre motion concerne la discrimination religieuse. Je me demandais simplement ce que vous faisiez par rapport à cela.
    Nous sommes une organisation irano-canadienne. C'est notre politique. Nous nous occupons seulement de ce qui se passe au Canada. Beaucoup d'entre nous, moi y compris, ne vivent pas en Iran. D'ailleurs, je n'y ai pas passé beaucoup de temps.
    Mais vous faites beaucoup de commentaires sur des problèmes liés à l'Iran, même si cela ne concerne pas strictement le Canada.
    Fondamentalement, nous travaillons dans l'intérêt des Irano-Canadiens et de leur vie. Quand un Irano-Canadien se rend en Iran et y est arrêté pour une raison ou une autre, nous militons activement et avec force pour le défendre.
    Pour ce qui est de s'intéresser à la politique iranienne, ce n'est pas quelque chose que nous avons...

  (1630)  

    Cela me surprend, vu qu'il y a beaucoup de membres de votre communauté qui sont venus ici pour fuir les viols, les tortures, les meurtres, les arrestations de masse, l'emprisonnement des chefs de l'opposition, l'assassinat de journalistes, et d'autres choses du même genre. J'aurais cru que pour les représenter et être leur principale voix au Canada, vous voudriez dénoncer ce genre de chose. Les membres de votre communauté n'ont-ils pas encore des parents en Iran qui sont touchés par ce genre de chose?
    Pour être honnête, ce n'est pas le genre de chose qui est soulevé lorsqu'il est question des expériences individuelles des gens.
    En vérité, nous nous intéressons aux diverses générations d'Irano-Canadiens et aux immigrants iraniens. Vous avez tout à fait raison: dans la première vague d'immigrants iraniens beaucoup de personnes avaient vécu des choses en Iran, et leur expérience en tant qu'immigrant serait assimilable à échapper à une révolution, pourrait-on dire. La guerre entre l'Iran et l'Irak a éclaté peu après. C'était une période très violente.
    De nos jours, bon nombre d'Irano-Canadiens avec qui nous interagissons — je dirais qu'il s'agit incontestablement de la majorité, et nous avons mené des études sur ce qui est important pour eux et ce qu'ils veulent — ne s'intéressent pas à ce qui s'est passé il y a 7 ans ou même 40 ans en Iran, soit les crimes dont vous parlez. Ce qui les intéresse, c'est éviter la guerre avec l'Iran, et éviter les sanctions contre l'Iran parce que...
    Je dois dire que je suis un peu surpris, malgré tout. Même ceux d'entre nous qui sommes ici depuis deux ou trois générations demeurons attachés à notre pays d'origine. L'Assemblée générale des Nations unies, par exemple, a présenté une motion concernant les grandes préoccupations qu'elle éprouve par rapport au taux élevé d'exécutions ne respectant pas les normes juridiques en Iran, au recours constant à la torture, au caractère généralisé des emprisonnements arbitraires, aux restrictions sévères en ce qui concerne la liberté de réunion, la liberté d'expression et la liberté de religion ainsi qu'à la discrimination à l'égard des femmes et des minorités ethniques et religieuses. Je suis simplement surpris que vous n'ayez pas pris position à ce sujet, et que vous ne militiez pas pour redresser la situation là-bas.
    Tout cela est lié à notre débat ici.
    Je comprends.
    Nous aimerions un peu d'aide de votre part pour veiller à ce que ce genre de chose ne devienne pas un facteur ici au Canada.
    Je comprends ce que vous dites, mais vous devez avant tout savoir qu'il y a beaucoup d'organisations, iraniennes et autres, qui s'occupent de ces problèmes. Les activités de notre organisation sont axées sur la vie des Irano-Canadiens ici au Canada. Nous sommes une diaspora. Nous sommes des immigrants. Nous sommes Canadiens, de fait. Nous ne sommes plus en Iran. Nous avons des liens avec l'Iran, et je dirais que la plupart des Irano-Canadiens ont une opinion de ce qui se passe en Iran, mais nous voulons surtout qu'il n'y ait pas d'opérations militaires contre notre pays, par exemple, ni de sanction prise contre l'Iran.
    Honnêtement, nous n'allons pas plus loin que ça. Le coeur du problème ici tient...
    Ce que vous dites, c'est que peu importe ce qui se passe là-bas, vous ne voulez pas que cela vous touche ici, est-ce exact?
    De notre point de vue, il y a des choses qui se passent, et nous voyons comment cela touche la majeure partie de la population. Vous avez mentionné les violations des droits de la personne, mais selon certains observateurs, les sanctions, en Iran, seraient des violations des droits de la personne encore plus grandes, à très grande échelle. La différence tient surtout à votre point de vue, par exemple si vous prenez la situation dans son ensemble, ce que vit la population tout entière. Ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est...
    Je suis désolée. Je crois que vous avez largement dépassé le temps. Je vous ai laissé beaucoup de latitude jusque-là.
    C'est au tour de M. Breton, du Parti libéral.

[Français]

     Bonjour. C'est très intéressant que vous soyez ici aujourd'hui tous les deux.
    J'aimerais que vous parliez d'éducation et de culture. J'ai trois enfants âgés respectivement de 21, 18 et 15 ans. L'école primaire qu'ils ont fréquentée était multiculturelle et comptait beaucoup d'immigrants. Mes enfants ne voyaient pas la différence. À leur arrivée dans cette école, leurs amis pouvaient être mexicains, chiliens ou iraniens. Les amis de mes enfants qui viennent à la maison sont tout simplement des amis; mes enfants ne voient pas la différence. C'est beaucoup là que cela se passe.
    Je sais que votre peuple fait l'objet de beaucoup de discrimination au Canada, et je trouve cela vraiment dommage.
    Parlez-moi de l'implication de votre association pour sensibiliser et éduquer les jeunes de la société canadienne.

[Traduction]

    Merci de votre question.
    Je crois que l'éducation des jeunes est très importante. J'ai aussi été un élève dans le système scolaire public du Canada. Nous devons montrer à nos enfants les contributions des Canadiens d'origines diverses, des nouveaux arrivants et d'autres au tissu social canadien, à l'économie, à la société et à la culture. Je crois vraiment que c'est quelque chose qui doit se faire. L'éducation est très importante.
    Malheureusement, nous n'avons pas vraiment eu le temps d'aborder un sujet dont j'aurais aimé parler; nous avons besoin d'un programme d'éducation qui met vraiment l'accent sur les contributions des différentes communautés. Encore une fois, nous aimerions pouvoir axer beaucoup d'efforts sur ce genre de choses dans l'avenir. Si la société prend une communauté donnée pour cible, alors il faudra songer à ajouter ces personnes au programme. Ainsi, nous pourrons montrer comment ces personnes qui sont visées par beaucoup de stéréotypes défavorables, par exemple, ont contribué concrètement au Canada. Nous avons besoin de faire cela.

  (1635)  

[Français]

    Madame Ghasemi, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Excusez-moi, je n'ai pas...
    Avez-vous quelque chose à ajouter?
    Malheureusement, je n'ai pas compris votre question. Je n'écoutais pas la bonne langue. Je suis désolée.
    Avez-vous quelque chose à ajouter en ce qui concerne l'éducation?
    Oui, j'ai quelque chose à dire à ce propos. Dans le système d'éducation, je crois qu'il est très important que le programme prévoie d'enseigner aux élèves comment reconnaître la discrimination, comment la combattre et leur expliquer ces principes. La sensibilisation en milieu scolaire est très importante.
    Selon quelques rapports que nous avons reçus, il y a des élèves dans des écoles qui se sont fait traiter de terroristes parce qu'ils sont iraniens. Je trouve cela très malheureux. Encore une fois, il s'agit d'un autre exemple qui n'a pas fait de vagues parce qu'il ne s'agissait pas de menaces de mort. Malgré tout, c'est très important d'ajouter ce genre de programme au système d'éducation afin que les jeunes soient sensibilisés à ce genre de chose.
    Merci, monsieur Breton.
    La parole va maintenant à Jenny Kwan.
    Merci, madame la présidente.
    Merci d'avoir répondu à nos questions.
    Au fil de la discussion, je me suis souvenue que cette année marque le 75e anniversaire de l'internement des Japonais. En Colombie-Britannique, nous avons tenu divers événements. Relativement à ce dont vous parliez, il semble que les événements à l'étranger produisent un effet d'entraînement dont les conséquences se font sentir chez la communauté ethnique dans la collectivité.
    Si cela est vrai, cela veut dire, selon moi, que nous n'avons pas su apprendre de l'histoire. C'est pourquoi ce que vous avez dit à propos de l'éducation est très important, en particulier dans le contexte dont vous parliez. Il faut que les enfants sachent reconnaître la discrimination. Merci.
    J'aimerais que nous parlions de nouveau des institutions financières. La Commission des institutions financières, la FICOM, est l'organisme de réglementation pour les organisations bancaires. D'après ce que vous savez, des gens ont-ils porté plainte devant la FICOM?
    La plupart du temps, je m'occupe de ce genre de cas de façon personnelle. Nous faisons du mieux que nous pouvons pour aiguiller ces personnes. Nous faisons nos recherches et nous leur parlons, à eux et aux organismes de réglementation financière. Il y en a aussi un autre, mais malheureusement, il ne me vient pas à l'esprit. Il existe deux organismes principaux de réglementation financière, et je crois que l'un d'entre eux est à usage volontaire.
    Malheureusement, selon nous, cela ne semble donner aucun résultat. Une partie du problème tient au fait, encore une fois, que les membres de notre communauté ont peur de se rendre jusque-là, mais nous faisons ce que nous pouvons pour les encourager à entreprendre ce genre de démarche. Ce n'est pas facile.
    Très bien. Le Comité devrait se pencher sur des interventions efficaces pour régler ce genre de problèmes.
    Vous avez dit que votre organisation avait recueilli des données. Puisque je crois que mon temps tire à sa fin, je voulais savoir si vous pouviez nous communiquer de l'information que vous avez tirée de votre récolte de données sur ce que vivent les gens de votre communauté et sur les sources de discrimination. J'aimerais avoir des exemples. Cela permettrait au Comité d'étudier ce point de vue et, espérons-le, produire des recommandations en conséquence.
    Bien sûr.
    Nous sommes en train de rédiger un rapport sur le sondage que nous avons mené. Une fois le rapport publié, nous serons très heureux de vous le faire parvenir. Pour l'instant, nous gardons en quelque sorte les résultats du sondage à l'interne. Nous avons les résultats, mais nous ne les avons pas encore mis en forme. Une fois que ce sera fait, nous vous les ferons parvenir avec plaisir.
    Parfait. Vous pourrez les envoyer au Bureau du greffier, pour que tout le monde y ait accès.
    Si nous demandons de l'information, peu importe ce que c'est, envoyez-la au greffier, et il se chargera de la diffusion.
    Allez-y, monsieur Reid.

  (1640)  

    Pourriez-vous informer nos témoins de la date limite? J'ai peur que l'information nous arrive en retard. Nous sommes assez près de la date limite. Quelle est-elle?
    Nous avons convenu que la date limite serait avant le 16 novembre.
    Le 10 novembre, avant le jour du Souvenir.
    Voilà la réponse.
    C'est le 10 novembre. Sur le site Web, il y a un petit bouton pour afficher les dates limites.
    Jenny, avez-vous terminé, ou voulez-vous...?
    Me reste-t-il du temps?
    Non, pour être franche, mais puisque j'ai laissé plus de temps à tous les autres...
    Je crois que nous devrions passer au prochain groupe de témoins.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être venus. Vous nous avez donné une tout autre perspective de la façon dont les événements internationaux vous touchent. Peu de personnes nous ont parlé de cela. Je tiens à vous remercier d'être venus.
    Nous allons prendre une pause d'environ cinq minutes le temps que notre prochain groupe de témoin s'installe.
    Encore une fois, merci.

  (1640)  


  (1645)  

    Reprenons les travaux, s'il vous plaît.
    À nouveau, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité du patrimoine étudie les forces de racisme et de discrimination religieuse systémiques.
    Nous recevons deux témoins du Congrès du travail du Canada, Larry Rousseau et Elizabeth Kwan. Nous accueillons également Cindy Blackstock, de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada. Bienvenue. C'est un honneur de vous recevoir. Je suis sûre que vous avez beaucoup de choses à nous dire.
    Commençons sans plus attendre. Voici les règles: chaque témoin dispose de 10 minutes, c'est-à-dire que les deux témoins du Congrès du travail du Canada se partagent 10 minutes, et que vous, Cindy, avez aussi 10 minutes. Je vais vous avertir après huit minutes pour que vous sachiez qu'il ne vous reste plus que deux minutes pour conclure.
    Commençons avec le Congrès du travail du Canada.
    Je remercie le Comité permanent de nous avoir invités.
    Le Congrès du travail du Canada est la plus grande organisation syndicale au Canada. Nous comptons 56 syndicats au Canada et à l'étranger, y compris des fédérations provinciales de travailleurs et des conseils régionaux du travail. Le Congrès représente 3,3 millions de travailleurs dans l'ensemble du secteur privé et de la fonction publique. Les travailleurs autochtones, les travailleurs racialisés et les travailleurs de toutes les confessions religieuses forment une partie importante et de plus en plus grande de notre mouvement syndical. Si on s'attaque à l'un d'entre eux, on s'attaque à nous tous. En tant qu'organisations syndicales, le Congrès et ses organisations affiliées sont solidaires dans la lutte continue contre les forces qui souhaitent nous déchirer par la haine, le racisme et la discrimination.
    Le racisme et la discrimination systémiques existent bel et bien au Canada. Selon les rapports de police, en 2015, 48 % des crimes haineux avaient été motivés par la haine d'une race ou d'une ethnie, et 35 %, par la haine d'une religion. Entre 2014 et 2015, toujours selon les services policiers, les crimes haineux ont augmenté de 5 %, principalement les crimes haineux concernant la race ou la religion.
    La montée sans précédent de l'islamophobie et de la discrimination religieuse au Canada est très troublante. Des gens ont attaqué des femmes musulmanes portant le hidjab, ont vandalisé des mosquées, ont proféré des menaces ou ont fait du harcèlement verbal, et il y a eu de nombreuses manifestations partout au Canada contre l'Islam et contre les musulmans. En réaction, il y a aussi eu des manifestations contre le racisme et contre le fascisme.
    L'attaque terroriste la plus horrible a été la fusillade au Centre culturel islamique de Québec pendant la prière du soir le 29 janvier 2017. Six fidèles musulmans ont été tués, et 19 ont été blessés. Le mouvement syndical condamne le plus fortement possible toute violence contre les musulmans.
    Les crimes motivés par la haine religieuse ont également augmenté entre 2014 et 2015, en raison du plus grand nombre de victimes chez les femmes musulmanes et juives.
    Le tout nouveau projet de loi 62 au Québec va probablement empirer les choses. À première vue, le projet de loi 62 favorise la neutralité religieuse, mais il s'agit en fait d'une attaque contre les droits des femmes musulmanes qui choisissent de se voiler le visage en les empêchant de recevoir des services publics ou d'en donner. Puisque l'exclusion vise un des sexes en particulier, ce projet de loi est discriminatoire. C'est inapproprié de demander aux fonctionnaires d'accepter cette violation des droits garantis à tous les Canadiens dans la Carte des droits et libertés et dans les lois provinciales sur les droits de la personnes. Nous devons nous opposer à l'islamophobie et rejeter de façon catégorique les politiques discriminatoires visant les gens de confession musulmane.
    Le racisme et la discrimination n'ont pas leur place dans nos syndicats, dans nos collectivités ou dans notre pays. De nos jours, les Autochtones ainsi que les Afro-Canadiens et les personnes issues de minorités ethniques sont plus susceptibles d'être contrôlés, placés sous surveillance et incarcérés. Des gens ont distribué des dépliants contre les immigrants et organisé des manifestations contre les communautés chinoise et sikhe. La police fait preuve de violence envers les Afro-Canadiens et les Autochtones, allant même jusqu'à tirer sur eux. Même en public, des gens crient des choses racistes aux Canadiens racialisés.
    Les musulmans, les Canadiens racialisés et les Autochtones continuent de vivre de la discrimination en matière d'emploi: ils gagnent moins et ont moins de possibilités d'avancement. C'est particulièrement vrai pour les femmes, les personnes handicapées et les membres de la communauté LGBTQ. Il s'agit de la population la plus pauvre au Canada.
    Enfin, même le volet du Programme des travailleurs étrangers temporaires pour les postes à bas salaire fait de la discrimination systématique contre les travailleurs racialisés venant de pays pauvres du Sud en affaiblissant leurs droits: leur permis de travail est lié à leur employeur, et leurs chances sont minces d'obtenir la citoyenneté canadienne. La façon dont la situation évolue montre à quel point il est urgent et nécessaire d'agir avec encore plus de force.
    À l'occasion du congrès du CTC en mai, 3 500 représentants syndicaux ont confirmé notre engagement à promouvoir les politiques publiques qui respectent la dignité et les droits de tous les travailleurs, sans égard à leur race, leur religion, leur statut d'immigrant ou leur pays d'origine. Avec nos organisations affiliées, nous nous sommes engagés à éduquer notre base syndicale pour l'empêcher de sombrer dans le populisme d'extrême-droite, et nous sommes prêts à aider le gouvernement à faire en sorte que la diversité devienne vraiment la force de notre pays.

  (1650)  

    Nous avons également sept recommandations à faire au Comité permanent.
    Premièrement, le gouvernement doit immédiatement mettre en oeuvre les 94 recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Le gouvernement doit également prendre des mesures pour soutenir l'Enquête nationale — en cours — sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, élaborer une stratégie en conséquence et prioriser la mise en oeuvre des recommandations formulées à la suite des conclusions de cette enquête.
    Deuxièmement, il faut rétablir le plan d'action du Canada contre le racisme. Ainsi, nous aurons une approche pangouvernementale pour réduire ou éliminer la discrimination raciale ou religieuse systémique. Cela va aider le Canada à se conformer aux exigences issues de la Conférence mondiale contre le racisme des Nations unies.
    Troisièmement, le gouvernement doit abroger les dispositions législatives qui ont un caractère raciste, qui laissent croire à des stéréotypes racistes ou qui propagent la peur au Canada. Je parle en particulier du projet de loi C-51 du Parti conservateur, la Loi antiterroriste, et le projet de loi S-7, la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares. Ces lois devraient être abrogées.
    Quatrièmement, le gouvernement doit renforcer sa loi sur l'équité en matière d'emploi ainsi que son programme connexe. Il doit rétablir le seuil d'approbation de 200 000 $ pour les appels d'offres du gouvernement fédéral dans le cadre du Programme de contrats fédéraux. En outre, il doit rétablir les exigences de conformité obligatoires qui correspondent à celles dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
    Cinquièmement, il faut immédiatement adopter une loi proactive sur l'équité salariale afin d'éliminer l'écart entre les salaires qui défavorise les femmes racialisées, les musulmanes, les Afro-Canadiennes et les Autochtones.
    Sixièmement, le gouvernement devrait accroître le financement pour les programmes de lutte contre le racisme et l'oppression.
    Septièmement, dans le but d'éliminer le racisme et la discrimination systémiques, le gouvernement devrait recueillir des données ventilées en fonction de l'ethnie ou de la religion auprès de tous ses ministères, sociétés d'État et autres organisations pertinentes afin d'éclairer ses politiques à la lumière d'analyses pertinentes fondées sur des données probantes.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner, et je suis impatient de répondre à vos questions.

[Français]

    La langue dans laquelle vous voudrez les poser importe peu.
    Je vous remercie.

  (1655)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Rousseau.
    C'est au tour de Mme Blackstock. Vous avez 10 minutes, s'il vous plaît.
    Avant tout, j'aimerais souligner que nous nous trouvons en territoire algonquin non cédé. Je tiens aussi à vous remercier de l'occasion de témoigner.
    Les enfants n'écoutent pas toujours leurs aînés, mais comme dit l'adage, ils ne manquent jamais de les imiter. La question est donc: quel exemple veut-on montrer, au pays et à l'étranger, aux enfants de la présente génération quant à la façon dont nous nous traitons les uns les autres et dont nous reconnaissons et réglons les problèmes de discrimination chez les personnes et dans les systèmes?
    Il faut une bonne dose de courage pour entreprendre cette conversation, parce qu'il faut reconnaître que c'est parfois nous, malgré nos meilleures intentions, qui causons du tort. Je parle précisément du gouvernement canadien qui continue de faire de la discrimination raciale contre les enfants des Premières Nations. Le gouvernement doit reconnaître sa faute, d'une part, parce qu'il s'agit d'une des mesures prioritaires recommandées par la Commission de vérité et réconciliation du Canada relativement à l'équité et au bien-être des enfants — le but ici est de veiller à ce que la présente génération d'enfants soit élevée en toute sécurité dans leur famille —, et, d'autre part, parce que c'est simplement la bonne chose à faire.
    Nous devons également réfléchir aux leçons que nous avons tirées du passé. C'est tout aussi important. Des excuses ont été présentées par rapport aux pensionnats et à la rafle des années 1960, mais le Canada déroge aujourd'hui à quatre ordres juridiques du Tribunal canadien des droits de la personne qui concernent l'élimination de la discrimination raciale contre les enfants. Qu'avons-nous vraiment appris de l'affaire des pensionnats? Quelles leçons avons-nous tirées du passé? Comment pouvons-nous préparer la présente génération d'enfants à tirer des leçons de la discrimination raciale passée contre les Autochtones et d'autres groupes? Comment pouvons-nous les préparer à lutter contre les injustices, autant aujourd'hui que dans l'avenir?
    Selon les données du recensement, nous savons aujourd'hui que les promesses faites aux survivants des pensionnats n'ont pas été tenues, ce qui va à l'encontre de l'appel à l'action numéro 1 de la Commission de vérité et réconciliation. Aujourd'hui, plus de 40 % des enfants de moins de quatre ans sous la garde des services de protection de l'enfance sont des enfants autochtones. Souvenez-vous de l'effet catastrophique que cela a eu d'arracher à leur famille les enfants — des enfants âgés seulement de 5 ans — pour les envoyer dans des pensionnats. Ce n'était que des tout petits enfants.
    Madame la présidente, en tant que médecin, vous devez savoir que les 2 000 premiers jours dans la vie d'une personne jettent les fondements de son avenir. C'est aussi le moment— et cela est particulièrement pertinent pour le mandat du Comité — où les enfants apprennent la langue — en particulier les langues autochtones —, dont un grand nombre risquent de disparaître. Voilà pourquoi il est si important pour le Canada de se conformer aux ordres du Tribunal canadien des droits de la personne. C'est essentiel, parce qu'il s'agit de donner à une génération d'enfants autochtones la possibilité de grandir dans un pays équitable et juste, d'une part, et, d'autre part, d'éduquer une génération d'enfants non autochtones afin qu'ils n'aient jamais à s'excuser, eux aussi.
    Une tragédie se déroule sous nos yeux, présentement. Ce n'est toujours pas derrière nous. Il n'y a pas que les pensionnats ou la rafle des années 1960. Les enfants autochtones pris en charge par les services de protection à l'enfance sont plus nombreux aujourd'hui que jamais auparavant. Nous sommes en mesure de les aider en offrant aux collectivités des Premières Nations des services d'aide sociale à l'enfance qui soient équitables et adaptés à leur culture, conformément à l'exigence juridique. Parallèlement, nous devons aussi veiller à ce que le principe de Jordan soit mis en oeuvre complètement et convenablement afin que tous les enfants des Premières Nations aient accès en temps opportun aux services publics dont ils ont besoin, sans avoir à affronter toute la bureaucratie qui découle de leur statut d'Autochtone. La troisième mesure qui pourrait être prise est ce que j'appelle le programme Spirit Bear, dans le cadre duquel les députés vont demander au directeur parlementaire du budget d'examiner l'ensemble des inégalités dans la prestation de services pour les enfants autochtones afin de calculer un montant global en dollars.
    Il faut aussi garder à l'esprit que les enfants autochtones sont défavorisés non seulement du point de vue de l'aide à l'enfance; mais aussi en ce qui concerne leur éducation et leur petite enfance. Certains n'ont pas accès à de l'eau potable ou à des installations sanitaires adéquates. Le Canada doit savoir à quoi correspond ce montant, qui sera certainement élevé, après quoi il pourra mettre en oeuvre un plan qui tient pleinement compte du développement de l'enfant et de son intérêt supérieur, comme ce qui a été fait avec le Plan Marshall à la suite de la Deuxième Guerre mondiale pour éliminer les inégalités. S'il a fallu 10 ans pour reconstruire l'Europe, je suis certaine que nous pourrons corriger l'injustice raciale fondamentale qui sévit au Canada en bien moins de temps.
    À ceux qui diraient que cela coûterait trop cher ou que ce serait trop compliqué, je dis ceci: si notre pays est si pauvre que la seule façon dont nous pouvons financer la construction de centres sportifs ou de réseaux de métro, c'est en faisant de la discrimination raciale contre les enfants, qu'est-ce qui est plus important que les enfants? Qu'est-ce qui est le plus important pour nous, en tant que pays?

  (1700)  

    Je suis une contribuable qui serait très heureuse de reporter certains des projets dans lesquels le gouvernement dépense, même si j'aimerais qu'on les réalise, si cela signifie qu'un enfant aura une réelle occasion de grandir dans un pays sain et fier, pour la première fois de son histoire culturelle. Il faut commencer la 151e année par un legs positif.
    Je vais passer à un autre sujet concernant le fait d'apprendre du passé; c'est un aspect de notre travail qui est moins connu. Nous sommes honorés de travailler en collaboration avec le Cimetière Beechwood, le cimetière national du Canada, KAIROS, le Project of Heart, les commissaires de la Commission de vérité et réconciliation Marie Wilson et Murray Sinclair, l'historien John Milloy et Ellen Gabriel.
    Nous reconnaissons que, dans le cimetière national du Canada, il y a certains personnages principaux de l'histoire des pensionnats.
    Peter Henderson Bryce est le médecin qui a dénoncé, en 1907, les causes évitables de décès des enfants. Il a découvert que 25 % des enfants qui mouraient chaque année mouraient de causes pouvant être prévenues, et il savait que, grâce à de 10 000 à 15 000 $ supplémentaires du gouvernement canadien, on aurait pu sauver la vie d'un bon nombre de ces enfants. Il était médecin-hygiéniste en chef du Canada. Ces constatations ont été publiées dans des articles. Il est enterré là-bas.
    Duncan Campbell Scott, le bureaucrate responsable du dossier des pensionnats pendant 52 ans, l'homme qui a refusé d'appliquer les réformes du Dr Bryce, est aussi enterré là.
    Nicholas Flood Davin, l'auteur du rapport Davin, rapport demandé par John A. Macdonald et qui a mené à la création des écoles industrielles, ici au Canada.
    Nous avons créé des plaques historiques qui racontent de façon exacte l'histoire de ces personnes. Duncan Campbell Scott, par exemple, est reconnu comme étant un poète de la Confédération, mais il est aussi considéré comme l'un des principaux acteurs dans ce que la Commission de vérité et de réconciliation a conclu être un génocide culturel. Sa plaque historique mentionne les deux faits: le fait qu'il était poète de la Confédération et sa participation au génocide culturel. Dans le cas du Dr Bryce, on raconte toute sa carrière, et c'est la même chose pour Nicholas Flood Davin.
    Je crois que c'est quelque chose de vraiment essentiel: l'enseignement, à une époque où les gens parlent d'enlever des monuments. En fait, je ne suis pas d'accord avec le fait qu'on les enlève. Je crois qu'il faut dire toute la vérité et le faire comme il faut, et j'aimerais bien voir la Commission de la capitale nationale le faire avec plus de vigueur. Par exemple, il y a deux ou trois ans, il y a eu une exposition sur Laurier et Macdonald, et on parlait de la construction du chemin de fer et du premier premier ministre francophone. On n'a rien dit au sujet de leurs rôles respectifs dans le dossier des pensionnats. John A. Macdonald les défendait avec enthousiasme et il a embauché Duncan Campbell Scott. Laurier était premier ministre à l'époque où les réformes du Dr Bryce faisaient les manchettes, et il n'a pas exercé de pression afin que les réformes soient appliquées afin qu'on puisse sauver la vie de ces enfants.
    Si nous voulons apprendre du passé, il faut raconter avec exactitude l'histoire du pays. Il faut former une génération d'enfants afin qu'ils apprennent de notre histoire collective et pas seulement les parties qui sont belles et reluisantes. Nous avons travaillé en collaboration avec le Project of Heart. Nous avons réuni toutes les recherches historiques que nous avons réalisées pour ces plaques afin de les convertir en un programme scolaire. Ainsi, les enfants pourront apprendre des choses au sujet de tous ces personnages historiques partout au Canada dans le cadre des travaux de la Commission de vérité et de réconciliation.
    De plus, pour promouvoir les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, nous avons créé des activités gratuites auxquelles tous les enfants et toutes les familles peuvent participer. Ces activités sont fondées sur la paix, le respect et des données probantes, ce qui peut faire une grande différence.
    Nous ne voulons pas seulement aborder les injustices modernes, mais nous prions le Comité de recommander au Canada de se conformer immédiatement et complètement aux ordonnances du Tribunal canadien des droits de la personne.
    Nous vous recommandons de travailler en collaboration avec la Commission de la capitale nationale et nous espérons que les intervenants là-bas seront inspirés par notre projet de réconciliation historique visant à créer des plaques historiques, ici, à Ottawa, qui permettent de raconter la vraie histoire.
    Nous vous demandons de soutenir le programme Spirit Bear pour mettre fin aux inégalités partout dans toutes les régions, et, bien sûr, nous vous demandons de financer et de soutenir les langues autochtones avec la même vigueur et le même enthousiasme que vous accordez au français et à l'anglais au pays. Selon moi, il est honteux que les langues autochtones ne soient pas reconnues en tant que langues officielles au pays, lorsque le nom même du pays vient d'un mot des Premières Nations. Si nous voulons vraiment honorer notre statut de village, ce que « kanata » veut dire, en fait, il faut respecter et honorer les gens qui ont été les fondateurs d'origine de la nation.
    Cela dit, je vous remercie.

  (1705)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième partie, et je parle ici de la période de questions et de réponses. Nous commencerons par une série de sept minutes, ce qui signifie que les questions et les réponses de chaque intervention doivent durer sept minutes. Puisque les cloches se feront bientôt entendre, je vais m'assurer que tout le monde respecte le temps qui lui est accordé.
    Nous allons commencer par M. Dan Vandal, des libéraux.
    Pour commencer, merci, Cindy, de votre exposé très intéressant et rempli de compassion. Au nom des représentants élus présents, et en mon nom personnel — je suis diplômé de l'école de travail social de l'Université du Manitoba, je vous félicite de votre travail remarquable et de vos efforts de défense des droits des enfants autochtones au fil de nombreuses années.
    Je vais commencer par essayer de comprendre la décision du tribunal. J'essaie de clarifier les choses. La plainte initiale que vous et l'organisation pour laquelle vous travaillez, la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada avez déposée au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne concerne le sous-financement au Canada des services de protection de l'enfance dans les réserves.
    J'essaie de mieux comprendre. La décision concerne-t-elle uniquement les enfants autochtones dans les réserves? Je pose la question parce que, au Manitoba, d'où je viens, il y a maintenant toutes sortes d'organismes autochtones — par exemple, l'organisme métis —, qui oeuvre en zone rurale, mais principalement à Winnipeg. Cette décision influe-t-elle sur les enfants métis et Metis Child, Family and Community Services du Manitoba?
    C'est une excellente question. La raison pour laquelle la plainte initiale concernait les enfants des Premières Nations dans les réserves au Yukon, en ce qui concerne le volet de la protection de l'enfance — la composante liée au principe de Jordan s'appliquait dans les réserves et à l'extérieur des réserves; c'est donc le deuxième volet de la plainte —, c'est que le Canada, par l'intermédiaire du programme de services à l'enfance et à la famille des Premières Nations du ministère des Affaires indiennes finance seulement les enfants indiens inscrits dans les réserves et au Yukon relativement à la prestation des services à l'enfance et à la famille. C'était ce programme qui, selon nous, était discriminatoire du point de vue racial, ce qui a été confirmé par la suite.
    Ce que vous dites, c'est que la constatation s'applique uniquement aux enfants des Premières Nations qui vivent dans des réserves?
    La constatation précise sur la portion de la protection de l'enfance vise uniquement les réserves et le Yukon, tout le territoire du Yukon, tandis que pour ce qui est du principe de Jordan, on parle ici autant dans les réserves qu'à l'extérieur des réserves.
    D'accord. C'est bien.
    Cinq millions de dollars dépensés pour assurer la protection de l'enfance au centre-ville de Winnipeg ne permettra pas d'en faire autant que cinq millions de dollars dépensés à Shamattawa, à Hollow Water et dans différentes réserves. Dans quelle mesure est-ce lié au fait que les choses coûtent plus cher dans les réserves qui sont isolées? Nous savons tous que les choses coûtent plus cher dans les collectivités isolées.
    L'iniquité découle en partie du caractère éloigné des réserves, mais il y a des iniquités, peu importe où se trouve l'organisation des Premières Nations. Par exemple, j'ai travaillé pour l'agence de protection de l'enfance de la Première Nation de Squamish, qui s'appelle Ayas Men Men, et qui est située à Vancouver Nord. J'ai aussi travaillé à l'extérieur de la réserve pour la province de la Colombie-Britannique. Lorsque je traversais la rue, les inégalités du financement étaient immédiatement apparentes, et particulièrement dans le cas des services que je trouvais tout naturels pour soutenir les familles à l'extérieur des réserves, lesquels n'étaient tout simplement pas financés par le gouvernement fédéral.
    C'est ce que nous avons constaté dans des témoignages et dans les documents du gouvernement fédéral qui ont été présentés au tribunal: peu importe l'emplacement, la discrimination était là, et, dans les régions éloignées, la discrimination était plus marquée en raison des problèmes dont vous avez parlé.

  (1710)  

    Un des premiers emplois que j'ai occupés remonte à 1986 au Ma Mawi Centre, dans la ville de Winnipeg. Je ne sais pas si vous connaissez ce centre. Le système de protection de l'enfance à l'époque, en 1986, était en déroute.
    La situation ne s'est pas améliorée au Manitoba, peu importe qui a été élu. En fait, actuellement, il y a 12 000 enfants qui bénéficient de soins au Manitoba, ce qui est, je crois, un sommet inégalé dans l'histoire. Beaucoup des personnes disent que le système ne fonctionne pas, qu'il faut le modifier et qu'il y a en fait des facteurs qui incitent à appréhender des enfants.
    Est-ce qu'affecter plus d'argent à un système qui ne fonctionne pas réglera le problème ou doit-on revoir la structure de prestation des services de protection de l'enfance?
    Je crois qu'il y a des arguments en faveur d'une réévaluation de la façon dont les services de protection à l'enfance sont offerts. Personnellement, j'aimerais qu'on réfléchisse davantage à la définition de négligence afin de ne pas codifier une discrimination systémique comme un déficit parental et qu'on responsabilise les familles à l'égard de ce qu'elles peuvent changer, mais pas de ce qu'elles ne peuvent pas changer.
    Cela dit, ce que le tribunal a déterminé, c'est que le financement inéquitable au Canada incite en fait les autorités à retirer plus d'enfants de leur famille, parce qu'il y a une prestation inadéquate des services à l'enfance et à la famille. C'est ce qui a été conclu dans la décision.
    Une autre chose importante, c'est que nous avons vu des exemples — notamment, au Mi'kmaw Family and Child Services — où les niveaux de financement ont augmenté d'environ 300 % en raison de leurs grands efforts et de la décision du tribunal. Là-bas, on a réduit le nombre d'enfants pris en charge dans la province d'environ 40 % sur une période de deux ans. Les organismes savent qu'ils peuvent faire mieux, mais ils ont besoin des ressources là-bas pour faire le travail. Un financement inéquitable, quelle que soit la structure de services à l'enfance, ne permettra pas la réussite.
    Il vous reste une minute et demie.
    La raison serait, cependant, que le financement supplémentaire devrait passer par les services de prévention afin que les familles puissent rester unies et que les jeunes soient occupés. On pourrait ainsi éviter qu'ils soient retirés des familles. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Exactement. Il y a deux volets de financement distincts, et ce que le tribunal a envisagé, c'est exactement ce dont vous parlez.
    L'autre chose, c'est qu'il faut offrir des salaires équitables aux travailleurs sociaux. Nous devons compter sur des bâtiments sécuritaires où les enfants et les familles peuvent venir, et tout ça, c'est ce sur quoi porte vraiment la décision du tribunal.
    Pour les enfants qui sont pris en charge, les centres se voient rembourser les coûts réels par le gouvernement fédéral, alors c'est moins problématique. Le réel problème, c'est qu'il faut renforcer toutes les mesures de soutien afin que les familles puissent devenir saines et que les enfants puissent rester chez eux. La prévention est centrale.
    Avez-vous un chiffre afin qu'on puisse savoir combien il en coûterait pour combler l'écart ou l'éliminer?
    Il vous reste 30 secondes.
    Nous ne savons pas exactement le niveau de financement nécessaire pour éliminer complètement l'écart. Nous savons que les régions préparent de tels résumés en ce moment. Nous avons précisé, au moment où la décision a été rendue, en date du 26 janvier, que notre meilleure estimation, à la lumière des documents du gouvernement, était qu'il fallait affecter immédiatement 216 millions de dollars, simplement pour contrer l'effet immédiat de la discrimination. Cela ne permettrait pas de régler tout le problème.
    Dans le budget de 2016, le Canada a fourni 71 millions de dollars, et le ministère en a pris 10 millions de dollars, alors tout juste un peu moins de 25 % de ce qui était requis a été fourni dans ce budget.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à David Anderson, pour les conservateurs. Vous avez sept minutes.
    J'aimerais poursuivre un peu sur le même sujet, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Merci aux témoins de s'être présentés ici aujourd'hui.
    Quelles mesures de prévention pourrions-nous prendre pour aider les familles? La solution, à de si nombreux égards, c'est de ne pas diviser les familles, dans la mesure du possible. Avez-vous des suggestions ou des recommandations à présenter? Cela réglerait tellement de problèmes liés à la motion, si nous pouvions y arriver.
    Je crois que c'est l'une des utilités cruciales du programme Spirit Bear, puisqu'il nous permet de déterminer les coûts de toutes ces inégalités. Des recherches de bonne qualité nous ont permis de savoir que les raisons qui expliquent la surreprésentation des enfants des Premières Nations dans les foyers d'accueil sont principalement les mauvaises conditions de logement, la pauvreté et la consommation abusive de substances, liés aux problèmes de santé mentale non réglés découlant des effets intergénérationnels des pensionnats. Ce que nous avons constaté, c'est que, quand on aborde ces problèmes au moyen d'interventions axées sur le bien-être des enfants et qu'on cible en même temps toutes les inégalités, quelles qu'elles soient, nous voyons des améliorations substantielles au chapitre de la sécurité des enfants.
    Je vais vous donner rapidement un exemple. Une étude a été réalisée aux États-Unis auprès de 14 000 familles; la moitié de ces familles touchaient un montant de 100 $ supplémentaire par année, rien de plus. Les autres familles n'y avaient pas droit. Les familles qui touchaient ce montant de 100 $ de plus affichaient une réduction de 10 % des taux établis de maltraitance des enfants. Cela montre à quel point les mesures ciblant la pauvreté et les besoins fondamentaux ont réellement une incidence sur la sécurité des enfants.
    J'ai posé une question semblable au juge Sinclair, lorsqu'il a comparu devant nous: devons-nous prévoir des stratégies différentes pour les régions urbaines et les régions rurales?

  (1715)  

    Je crois que oui, étant donné que les peuples autochtones des régions urbaines forment des groupes différents. Toutefois, je crois que le fondement reste le même: il faut réagir de manière adaptée à la culture et à la langue, tout en visant l'équité. Il faut cibler les aspects qui imposent le plus grand stress aux familles: la pauvreté, les mauvaises conditions de logement dans les régions urbaines et l'absence de services adaptés à la culture.
    Qu'en est-il du développement économique? À qui devrait revenir cette responsabilité?
    Je crois que c'est un élément clé. Je ne suis pas une experte des questions de développement économique. Cela relève plutôt de la compétence du chef national de l'APN et d'autres intervenants de ce secteur, mais je crois que cela évoque plutôt dans mon esprit la question de l'éducation des enfants.
    Si le système d'éducation des Premières Nations est sous-financé, il ne produira pas des enfants en mesure de poursuivre la carrière dont ils rêvent. Nous connaissons tellement d'enfants pleins d'un potentiel extraordinaire qui ne se voient tout simplement pas donner l'occasion d'entrer sur le marché du travail et de créer des débouchés économiques innovateurs pour les autres.
    Bien. Merci.
    Monsieur Rousseau, j'aimerais savoir comment vous définissez le mot « islamophobie ». Votre organisation en a très souvent parlé et a insisté pour que nous adoptions la motion. Pourriez-vous nous donner une définition que nous pourrions utiliser?
    Je crois que nous devrions éviter de parler de définitions. Le mot islamophobie est très simple. Le suffixe grec, « phobie », signifie peur. Quant au mot préfixe, islam... je crois que tout le monde sait de quoi il s'agit. Tout ce qui s'oppose à l'islam c'est de l'islamophobie. Utiliser cet argument pour justifier un acte quelconque, un vote en faveur d'une politique ou contre celle-ci, etc. c'est de l'islamophobie. Je crois sincèrement que nous aurons un problème, si nous commençons à catégoriser les choses selon qu'il s'agit ou non d'islamophobie.
    Si nous parlions par exemple d'homophobie, ou d'une autre forme de discrimination connue sous un autre nom, c'est le groupe qui subit les conséquences des actes d'une majorité ou d'un autre groupe qui sait le mieux ce dont il s'agit.
    Quant à vous donner une définition de l'islamophobie, j'éviterais de le faire puisqu'il faudrait trouver une définition très large et aussi très exhaustive.
    Écoutez; tout acte qui dénigre — qui opprime en fait, ou vise à éliminer un groupe, en l'occurrence les musulmans — constitue de l'islamophobie.
    C'est intéressant, car nous avons reçu des témoins qui nous ont dit, essentiellement, qu'étant donné que ce terme englobait tout pour certaines personnes, il ne voulait plus rien dire et que nous devrions nous en passer complètement.
    Eh bien, je ne crois pas que nous devrions vraiment entrer dans ce débat, et j'aimerais bien savoir qui estime qu'il vaut mieux abandonner le terme tout simplement parce qu'il engloberait tout?
    En fait, ce sont des musulmans qui ont affirmé qu'il serait utile de laisser tomber ce mot. Je ne sais pas comment vous allez réagir à cette proposition, mais c'est de là qu'elle vient: des gens de cette collectivité qui affirment que la définition est tout simplement oiseuse. Ils ont dit que nous devrions tout simplement l'abandonner et trouver autre chose.
    Eh bien, je vais alors le répéter, vous parlez de « cette définition ». Quelqu'un a essayé de définir la chose, et c'est là que vous vous butez à un problème. Arrêtez d'essayer de définir de quoi il s'agit, car c'est à ce moment-là que vous entrez dans un débat au cours duquel des gens peuvent, tout d'un coup, dire que cela ne mène à rien.
    Si un musulman juge avoir été victime d'un acte qui le vise en tant que musulman, cela devrait suffire à définir ou du moins à qualifier cet acte. L'islamophobie désigne tout acte qui blesse, dénigre, etc. et c'est ainsi que n'importe quel autre groupe le verrait s'il était posé par un groupe différent.
    Vous présentez donc cela comme une perception; ainsi, si une personne perçoit qu'un acte quelconque a été posé, vous estimeriez qu'il s'agit encore ici d'islamophobie.
    Permettez-moi de parler du harcèlement et de la discrimination.
    L'une des notions fondamentales du harcèlement est celle-ci: le harcèlement tient non pas à la personne qui harcèle, il tient à la personne touchée par le harcèlement. Si quelqu'un prétend qu'il s'agit d'islamophobie et estime avoir été traité avec discrimination, c'est ce terme que vous devriez utiliser.
    Autrement, dès que vous voulez aller plus loin, vous vous heurtez à des problèmes.
    Les gens n'auraient-ils pas le droit, alors, d'embrasser des opinions qui pourraient être désagréables pour les autres? Dans le domaine religieux et dans d'autres domaines, nous avons tous un ensemble de croyances très différentes les unes des autres. Les gens estiment être justifiés de critiquer d'autres personnes et de ne pas aimer les autres ou encore de penser que les autres sont différents d'eux. Que diriez-vous à propos de cette situation, alors? Faudrait-il interdire aux gens d'avoir des opinions ou pouvons-nous tolérer des différences importantes, en discuter et reconnaître leur existence? Comment devons-nous composer avec cette situation?
    Il ne s'agit pas seulement de communautés religieuses; cela concerne aussi des groupes de la société civile. En réalité, les diverses communautés religieuses ont toutes des croyances très profondément enracinées, des croyances différentes.

  (1720)  

    Un simple mot suffit: le respect. Tant que les gens se comportent de manière respectueuse, les débats et les critiques sont possibles.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de Mme Kwan, du NPD.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie également nos témoins qui nous ont présenté aujourd'hui des exposés très bien réfléchis.
    Je vais adresser ma première question à Mme Blackstock; avant tout, merci énormément de vous être dévouée toute votre vie pour défendre ces enjeux importants, la discrimination systémique, en particulier, les droits des enfants autochtones.
    J'aimerais parler un peu de la question des effets systémiques de la discrimination que subissent les enfants autochtones. Très souvent, le problème les enchaîne à la pauvreté. Les gens vivent dans la pauvreté en raison du traumatisme subi au fil des ans, puis des retombées de cette situation. C'est quelque chose que nous observons constamment, les effets intergénérationnels.
    J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de cet aspect des choses, en faisant des liens avec les mesures directes que le gouvernement pourrait prendre outre les recommandations que vous avez déjà présentées.
    Je crois que, s'il y a une chose que nous ne devons pas perdre de vue, c'est qu'il s'agit ici de tout jeunes enfants qui, à chaque étape de leur vie, voient s'échapper des occasions de réussir et de vivre en santé. Ils ne savent pas qu'il y a des gens à Ottawa qui ont décidé qu'ils recevraient moins; ils savent seulement que la vie est vraiment difficile pour eux, et quand ils vont sur Internet, ils voient d'autres jeunes qui s'en sortent bien mieux.
    Il y a ensuite le public canadien, qui, souvent par ignorance, les juge, eux et leurs collectivités, estimant qu'ils en reçoivent plus que les autres, et non pas moins. Qu'est-ce qui se passe dans la tête de ces enfants et de ces jeunes? Ils se mettent à intérioriser tout cela et à se dire qu'ils ne valent rien, qu'ils ne sont pas intelligents, qu'ils n'iront jamais nulle part. Et c'est pour cela qu'il y a une si grande corrélation entre les inégalités et le suicide chez les jeunes, les problèmes de santé chez les enfants, les démêlés avec le système judiciaire pour les jeunes et, enfin, avec le piètre bien-être des enfants.
    Quand vous privez des enfants des chances qui sont données aux autres, vous provoquez des symptômes qui seront profonds. Et c'est pour cette raison que le programme Spirit Bear est si essentiel. C'est parce que nous devons savoir quelles sont toutes les inégalités, étant donné que, en 2017, nous ne pouvons pas en tant que société accepter la discrimination fondée sur la race inhérente aux politiques du gouvernement à l'égard des enfants, peu importe à quel niveau, et pourtant, nous l'acceptons. Permettez-moi de préciser ma pensée: nous acceptons de donner aux enfants des Premières Nations des montants moindres pour l'éducation et pour les services de protection de l'enfance. Ce faisant, nous banalisons la situation, et il est facile de laisser les choses se perpétuer. Nous devons affirmer que nous n'accepterons aucun degré de discrimination raciale contre des enfants, les enfants des Premières Nations ou tout autre enfant, dans les politiques publiques du gouvernement canadien.
    Merci.
    J'aimerais que vous nous fassiez parvenir les documents du programme Spirit Bear, au bénéfice du Comité, de façon que nous ayons des informations détaillées à examiner.
    Je ne les ai pas sous la main, mais je peux certainement vous les faire parvenir.
    Ce serait fantastique. Merci.
    J'aimerais revenir à cette question en m'attachant aux services à l'enfance. Une de mes très bonnes amies m'a raconté récemment l'histoire d'un enfant qui s'était présenté à l'école sale et les cheveux en broussaille; les gens ont tout de suite pensé qu'il avait des problèmes. Ils ont immédiatement alerté les services à l'enfance. Leur première réaction a été : « Il faut le placer. » Mais mon amie leur a dit: « Commençons d'abord par examiner la situation et chercher ce qui s'est passé. » Ils ont donc examiné la situation et, oh! surprise, qu'ont-ils découvert? Qu'il y avait des problèmes de plomberie dans la maison où cet enfant habitait, et que ses parents n'avaient pas les moyens de la faire réparer. Et c'est pourquoi l'enfant avait l'air d'avoir les cheveux sales, et tout le reste. Mon amie a alors demandé à son personnel: « Qu'est-ce que nous pourrions faire? Ne pourrions-nous pas trouver des ressources, puisque nous représentons le ministère, pour que la famille puisse faire réparer la tuyauterie? » On lui a répondu: « Oh! non, non, nous ne pouvons pas faire ça. » Et elle a dit: « Oui, nous le pouvons », et elle l'a fait. Ils ont fourni 1 000 $ pour faire réparer la tuyauterie, et tout va bien. La famille a continué son petit bonhomme de chemin, et aucun enfant n'a été placé.
    Je vous donne cet exemple parce qu'il illustre ce qui cloche dans notre système de protection de l'enfance lorsqu'il s'agit de régler des problèmes systémiques, qui sont des problèmes intergénérationnels, mais aussi des problèmes de notre société, qui ne sait pas comment dépenser ses ressources, comment s'en servir pour régler le problème et qui devrait chercher, plutôt qu'à faire éclater une famille, à éviter par tous les moyens de le faire, pour le mieux-être de la famille. Je suis prête à parier que, si l'on allait dans cette direction, tout cela coûterait moins cher aux contribuables.
    Je vous propose d'y réfléchir, et je me demandais si nous ne serions pas avisés de le faire, au moment...

  (1725)  

    Il vous reste deux minutes.
    ... d'adopter une approche valable pour le système de protection de l'enfance de l'ensemble du pays.
    C'est pour cela que je parlais de l'importance du programme Spirit Bear qui nous permet de cibler les causes structurelles, et, tout simplement, le bien-être des enfants en général. J'aimerais bien savoir ce qu'on pense de la définition de « négligence », puisqu'elle suppose que cette négligence est le fait des seuls parents, alors que dans certains cas, ce n'est pas le cas; ce sont les politiques publiques sociétales qui sont en cause.
    Je suis convaincue qu'il faut mettre les responsables sur la sellette pour des choses qu'ils peuvent changer, mais il n'est pas juste ni honnête de le faire pour des choses qu'ils ne peuvent pas changer. Pensez à toutes les familles des Premières Nations, là-bas. Une Première Nation sur six est sous le coup d'un avis d'ébullition d'eau.
    Merci.
    Il ne me reste qu'un petit peu de temps, et j'aimerais...
    Il vous reste une minute.
    Mon collègue, Romeo Saganash, a déposé le projet de loi 262, Loi visant à assurer l'harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je crois que les gens sont au courant de ce projet de loi. J'aimerais que toutes les personnes présentes autour de la table répondent simplement par oui ou non pour dire s'ils soutiennent ce projet de loi; j'aimerais savoir si le Congrès du travail du Canada le soutient et si vous, madame Blackstock, vous le soutenez.
    Oui, nous le soutenons.
    Nous aussi.
    Ça n'a pas pris de temps.
    Merci. C'était très bien.
    C'est maintenant au tour de Julie Dzerowicz, du Parti libéral.
    Merci beaucoup, madame la présidente. J'aimerais remercier les deux groupes, leurs exposés étaient fantastiques.
    Madame Blackstock, merci beaucoup de votre travail de sensibilisation aux iniquités systémiques des services offerts aux jeunes, aux familles et aux enfants des Premières Nations. Je sais que votre travail a entraîné de nombreux changements positifs, au sein de notre propre gouvernement, en particulier. Nous comptons désormais une ministre des Services aux Autochtones, que cette question intéresse beaucoup. Je sais qu'elle vous a rencontrée à de nombreuses occasions. Elle tient fermement à ce que le principe de Jordan soit appliqué.
    Nous avons ajouté une somme d'argent assez importante, et je sais que 99 % des demandes ont été approuvées. Quelque 20 000 enfants de plus ont accès à des services auxquels ils n'avaient pas accès auparavant, mais il nous reste encore une foule de choses à faire.
    J'ai vraiment beaucoup apprécié les recommandations que vous avez présentées aujourd'hui.
    Nous essayons d'élaborer une approche pangouvernementale pour la réduction de la discrimination systémique et religieuse. Un certain nombre de témoins se sont déjà présentés devant nous. Nous avons reçu des représentants de la communauté noire, des Chinois et des Iraniens. Nous avons reçu de nombreux témoins. Nous avons reçu certains groupes religieux et des représentants des collectivités musulmane et juive.
    Puisque nous allons présenter quelques recommandations, j'aimerais savoir quelle place nous devons réserver aux peuples autochtones. Doit-on en faire un volet distinct? Comment s'intégrera-t-il au plan d'action national?
    Je crois qu'il s'agit d'une tout autre relation. C'est une relation distincte sur les plans de la Constitution, de l'histoire et de la discrimination.
    Prenons par exemple le sous-financement systémique des services à l'enfance des Premières Nations. C'est une expérience qu'aucun autre groupe d'enfants ne connaît, au Canada. C'est une expérience que seuls les enfants autochtones ont vécue, et ce n'est pas une expérience positive. Nous espérons pouvoir y arriver. Je crois qu'il est très important de traiter la question de façon distincte.
    Je recommanderais d'adopter cette approche pour les autres groupes aussi. Il est tellement facile, parfois, de fondre ensemble les expériences des gens pour tenter d'en tirer une solution générale. Il reste que certaines choses sont universelles. Par exemple, il faudrait qu'il y ait une stratégie de lutte contre le racisme. C'est d'ailleurs ce qu'a recommandé au Canada le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale, dans le cadre de son récent examen. C'est un document important.
    Je crois que nous devons respecter en tous points le fait que les différents groupes présents au Canada vivent des expériences tout à fait distinctes. Nous devons également redoubler d'efforts pour aider les enfants et les jeunes. Il faut des programmes d'éducation publique qui nous enseignent à respecter les différences, non pas à surmonter avec les différences, puisque cela pourrait être associé au colonialisme. Nous voulons le respect des différences et créer ensemble une société pacifique et respectueuse, ouverte à la diversité.

  (1730)  

    D'accord. Je comprends.
    Nous avons aussi parlé assez longuement de l'intersectionnalité en disant qu'il fallait en tenir compte. Nous avons entendu à ce sujet le sénateur Murray Sinclair. Il a déclaré entre autres que les femmes autochtones étaient victimes d'une discrimination plus grande que la plupart des autres groupes du Canada. Pourriez-vous nous dire comment à votre avis nous pourrions intégrer l'intersectionnalité à notre plan d'action national?
    Je crois que c'est vraiment la clé. Quand j'ai été recrutée par le mouvement des femmes, je ne me sentais pas vraiment concernée. La discrimination dont j'étais victime en tant que membre d'une Première Nation était bien plus grande que ce que ces femmes vivaient en milieu de travail. Bien sûr je vivais la même chose, en plus, mais, par rapport à ce que j'avais déjà vécu, ces femmes n'avaient pas vécu autant de difficultés.
    Je crois qu'il est très important de comprendre qu'il peut y avoir plusieurs couches de discrimination. Il faut en tenir compte. Les gens devraient pouvoir nommer les divers groupes auxquels ils appartiennent et qui les rendent susceptibles de discrimination. Il peut s'agir d'un Autochtone. Il peut s'agir d'une femme. Il peut s'agir d'une personne qui vit dans la pauvreté, un immense domaine de discrimination dont nous ne parlons pas suffisamment. Il peut s'agir d'une personne handicapée.
    Je crois qu'il est important que les programmes d'éducation publique reconnaissent l'existence de ces couches superposées. Nous devrions nous occuper également de cela. Les gens doivent être sensibilisés au fait que, même si nous sommes accueillants et que nous ne nous considérons pas comme des gens qui font de la discrimination raciale, nous faisons peut-être en fait de la discrimination dans d'autres domaines. Nous devons en prendre conscience.
    Un instant, madame Dzerowicz.
    J'aimerais demander aux membres du Comité s'ils sont tous d'accord pour que l'on termine la série de cinq minutes. Nous aurons amplement le temps d'aller voter.
    Vous êtes d'accord? Oui. Bien.
    Entendons-nous aussi pour discuter des données financières que l'on est en train de distribuer.
    D'accord. Nous avons quelques nouvelles données financières.
    Nous aurons le temps. Ne vous inquiétez pas, Julie. Nous prendrons le temps.
    Nous parlons beaucoup d'éducation, et l'un des autres éléments dont nous parlons, à ce chapitre, c'est qu'il faut présenter un contre-discours. Nous en avons beaucoup parlé. Nous avons aussi parlé un peu du rôle des médias et de certaines recommandations que nous pourrions faire à ce sujet.
    Je ne sais pas si vous avez des recommandations à nous présenter.
    J'aimerais ensuite m'adresser au Congrès du travail du Canada.
    Je crois que les intervenants des médias sont le résultat du type d'éducation sur les peuples autochtones qui a été offert ici, ce qui veut dire qu'ils sont très peu nombreux à avoir reçu une éducation digne de ce nom en ce qui concerne les Premières Nations, les Métis ou les Inuits du Canada.
    Je suis reconnaissante à tous ceux qui, dans les médias, ont redoublé d'efforts et réussi à assurer parfois une excellente couverture, malgré cela, mais j'aimerais bien voir les grands diffuseurs s'engager à offrir une formation obligatoire, non seulement aux chercheurs et journalistes sur le terrain, mais aussi aux producteurs et à tout le personnel administratif, j'aimerais voir cela dans tous les organes de presse, de façon que notre histoire soit racontée avec exactitude et que nous puissions utiliser le grand pouvoir des médias pour éduquer les gens.
    Nous devrions aussi faire davantage de promotion, par exemple pour APTN. C'est une excellente façon pour les citoyens canadiens ordinaires d'en apprendre davantage au sujet des Premières Nations, des Métis et des Inuits. La promotion des médias autochtones, dans le cadre des programmes d'éducation généraux, est importante.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais m'adresser maintenant au Congrès du travail du Canada.
    Quelles mesures le Congrès du travail du Canada prend-il pour s'assurer qu'il n'y a aucune discrimination systémique ou religieuse dans les groupes syndicaux, aujourd'hui?
    Pour commencer, je crois qu'il suffit de lire les statuts et politiques de n'importe lequel des syndicats qui nous sont affiliés pour voir que nous avons tous des déclarations très claires à ce sujet.
    Comment faites-vous pour vous assurer que les principes sont appliqués et qu'ils sont vraiment respectés?
    Je ne crois pas qu'il se passe une seule réunion syndicale au cours de laquelle nous ne lisons pas dès le départ cette déclaration. Nous avons élaboré une déclaration sur le harcèlement et la discrimination, de sorte que si une personne qui en fait l'expérience, peu importe sous quelle forme, le syndicat a prévu la procédure lui permettant d'en faire état, de porter plainte et tout le reste. Nous essayons de prêcher par l'exemple: si nous appliquons la tolérance zéro au sein de nos syndicats, dans le cadre de l'ensemble des congrès, réunions et conférences, il devrait en être de même dans la société.
    Il vous reste 30 secondes.
    Je pose cette question parce que nous cherchons également à savoir comment, dans un plan d'action national, nous pourrions collaborer avec des organismes comme le Congrès du travail du Canada. Quelles seraient vos recommandations sur ce fonctionnement? Elles pourraient s'appliquer à notre collaboration avec d'autres groupes semblables.

  (1735)  

    Je dirais que les syndicats sont très solides. Nous comptons beaucoup de groupes internes qui s'occupent des enjeux liés à l'équité, et ce sont des groupes différents, pas un groupe unique. Nous avons des groupes de travail qui s'occupent de l'équité pour les Autochtones, pour les personnes d'une autre origine raciale, pour les travailleurs handicapés, pour les personnes LGBTQ.
    Nous avons fait beaucoup de travail, déjà. Bien sûr, nous faisons du travail stratégique sur tous ces fronts, mais nous offrons aussi beaucoup de programmes de soutien à nos membres, des outils, des programmes de sensibilisation, et nous cherchons aussi à nous assurer que tout cela est offert dans leurs propres collectivités et leurs propres syndicats.
    Quand il y a eu un afflux de réfugiés syriens, par exemple, les syndicats ont recueilli 350 000 $ sans la moindre hésitation pour les aider, mais ce n'était pas assez, et les gens voulaient poser des gestes concrets plutôt que de se contenter de signer un chèque; nous leur avons donc donné des outils pour qu'ils travaillent au sein de leurs propres collectivités avec leurs groupes communautaires, pour qu'ils apprennent à travailler ensemble pour soutenir les nouveaux arrivants.
    Merci beaucoup, madame Kwan.
    Je crois que nous avons laissé à Mme Dzerowicz tout le temps qui lui revenait.
    Nous devons poursuivre à huis clos pour nous entendre sur une petite question, et c'est de ma faute. Je vous ai donné les renseignements concernant le budget, mais pas ceux concernant le budget des vidéoconférences.
    Nous allons nous réunir à huis clos, maintenant, et j'aimerais que tout le monde quitte rapidement la pièce.
    Merci beaucoup, madame Blackstock, monsieur Rousseau et madame Kwan, de vos très importants témoignages.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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