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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ SUR LES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DES RESOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 7 juin 2000

• 1537

[Traduction]

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): Nous allons ouvrir ensemble la séance extraordinaire conjointe du Sous- comité sur la condition des personnes handicapées du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées et du Sous-comité sur les enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.

Nous nous félicitons que vous soyez tous là et d'être évidemment en mesure, à la fin de la séance d'aujourd'hui, de répertorier tout ce qu'il nous reste à faire afin que tout se mette normalement en place au cours de l'été. Comme c'est souvent le cas dans ce genre de situation, il y a d'une part ce qu'on veut faire et de l'autre la façon d'y parvenir, et j'espère que nous réussirons à tout faire cet après-midi. Pour ce qui est de la façon d'y parvenir et du suivi qui doit en résulter, mon très éminent coprésident, John Godfrey, va nous donner quelques précisions.

Le coprésident (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Une petite chose me vient à l'esprit. Il est très important que nous ne perdions pas notre élan alors que nous entrons dans la saison d'été, et j'ai une petite surprise à faire au président du comité principal. J'espère qu'il ne va pas être trop surpris par ce que je vais lui proposer, ni totalement abasourdi, mais nous avons envisagé—les deux coprésidents des sous-comités—et nous aimerions proposer avec l'accord, j'espère, des membres de nos sous-comités, qu'à l'automne chacun d'entre nous organise une table ronde à l'intention du comité principal à laquelle participeraient certaines parties prenantes en faisant en quelque sorte état des résultats des travaux que nous avons menés au cours de l'hiver et du printemps. De cette manière, nous pourrions tous deux informer le comité principal de ce que nous faisons, préciser éventuellement les orientations futures de notre budget et peut-être aider le comité principal dans ses travaux lorsqu'il passera à l'étape suivante. Je pense que les choses seraient ainsi plus claires, si personne n'y voit d'inconvénient.

Nous présentons donc une requête au comité principal pour qu'il nous entende. J'espère qu'il en est officiellement pris acte dans notre procès-verbal.

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le président du sous-comité, ce serait avec plaisir.

Le coprésident (M. John Godfrey): Revenons maintenant à la question qui nous occupe.

• 1540

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Alors que nous cherchons à établir les conditions de l'étude sur l'avenir des enfants et jeunes au Canada en mettant l'accent sur les enfants handicapés, nous savons tous qu'il y a un certain nombre de choses qui se font en amont à partir du budget, de façon à pouvoir, il faut l'espérer, mettre en oeuvre un programme d'action national pour les enfants ainsi qu'un plan s'adressant à l'ensemble des personnes handicapées dans le cadre de l'accord sur l'union sociale. Je pense qu'il n'est pas question pour nous d'accepter que des enfants soient tenus à l'écart d'un plan pour les personnes handicapées et que des enfants ou des familles handicapés ne soient pas pris en compte dans un programme s'adressant aux enfants.

Nous sommes heureux que vous soyez tous avec nous aujourd'hui. Nous espérons que tout se déroulera sans trop de formalités et que chacun pourra répondre aux questions. Nous sommes très heureux d'accueillir parmi nous Marta Morgan et Deborah Tunis, du ministère des Ressources humaines, et David Fransen et Heather McCormack, de Santé Canada. Nous avons constaté la semaine dernière, lors de la table ronde organisée sur les handicaps, qu'il est bon parfois d'apporter une simple réponse, même après un exposé, avant de passer à l'exposé suivant, si un éclaircissement doit être donné.

Vous êtes donc tous fin prêts et je pense que Dawn Walker, la directrice exécutive de l'Institut canadien de la santé infantile, va prendre la parole en premier et faire un exposé d'environ cinq minutes.

Mme Dawn Walker (directrice exécutive, Institut canadien de la santé infantile): Les 20 minutes dont nous avions parlé au départ ont été ramenées à 10 minutes et nous parlons maintenant de cinq minutes, de sorte que ce sera un survol très rapide.

Je vous remercie de m'avoir invitée. Je suis la directrice exécutive de l'Institut canadien de la santé infantile. Je vais vous présenter rapidement les statistiques et la méthodologie retenue dans l'étude de l'ICSI, qui s'intitule La santé des enfants au Canada, et je demanderai ensuite à mes collègues de vous parler d'un certain nombre d'enjeux qui découlent de ces statistiques.

Vous avez tous reçu le chapitre 9 qui s'intitule «Les enfants et les jeunes handicapés». Je vous fais remarquer qu'il comporte les mentions «avant-projet» et «sous réserve de divulgation» et qu'en fait les copies qu'ont reçues vos collaborateurs hier comportaient des corrections. Vous avez reçu aujourd'hui la dernière version, qui vient juste de sortir des presses, et c'est elle que je vais passer en revue.

Il y a aussi un dépliant orange qui traite de La santé des enfants au Canada. C'est la troisième édition qu'a publiée l'institut avec la participation et l'aide substantielle d'un certain nombre de ministères fédéraux: Santé, DRHC, Justice et Environnement. C'est donc un travail de collaboration, sur une durée d'un an et demi environ, qui permet d'étudier l'ensemble des données nationales et certaines données régionales et de les rassembler au sein d'un seul ouvrage publié tous les quatre ou cinq ans sous le titre La santé des enfants au Canada.

Je vous ai donc apporté aujourd'hui certaines des statistiques figurant à ce chapitre. Les deux ministères ont une copie de la totalité du chapitre, qui est disponible, mais comme vous pouvez le voir, il est désormais prêt à être informatisé. Il va être publié le 22 août.

[Français]

Le coprésident (M. John Godfrey): Je ferai remarquer à ceux qui parlent et lisent le français que le texte français est au bas de chaque page. Hélas, les tables sont moins parfaites.

[Traduction]

Mme Dawn Walker: Veuillez m'excuser de ne pas avoir une version française des tableaux mais, comme nous étions dans l'impossibilité de les sortir de l'ordinateur, nous avons estimé qu'il nous fallait vous donner les statistiques les plus récentes.

Je tiens aussi à mentionner que l'Institut canadien de la santé infantile est par ailleurs membre du conseil d'administration de la Coalition canadienne pour les droits de l'enfant, qui vient de présenter le rapport des ONG à l'ONU. Ce rapport comporte un gros chapitre sur les enfants handicapés et il serait utile que les membres du comité le consultent. Nous vous l'avons fait parvenir et vous devriez l'avoir.

Je vais passer rapidement en revue certaines statistiques pour que vous compreniez à combien d'enfants nous avons affaire. Il ressort effectivement du premier tableau de cette étude que nous n'avons pas de très bonnes statistiques en ce qui a trait au nombre d'enfants concernés. Nous avons dû nous servir de l'enquête nationale sur la santé de la population de 1996-1997 parce que nous n'avions pas d'information nationale plus récente si on l'excepte l'enquête ESLA de 1991.

Nous ne pouvons que nous féliciter de la collaboration dont nous avons bénéficié jusqu'à présent grâce à la mise en place de cette nouvelle ESLA concernant les enfants et nous sommes tout à fait convaincus que c'est une chose nécessaire. Nous remercions le gouvernement et le ministère d'avoir mené à bien cette opération. Le mécanisme de consultation prévu au chapitre des enfants dans l'enquête ESLA a été tout à fait exceptionnel.

• 1545

Nous souhaitons que le ministère ait suffisamment de ressources pour mener à bien l'enquête ESLA, telle qu'elle a été discutée, conçue et testée avec le secteur des ONG. Étant donné que nous avons dû nous servir de l'enquête nationale sur la santé de la population, nous estimons que les chiffres sont probablement conformes aux ratios établis dans l'enquête sur la santé et les limitations d'activités de 1991. Vous pouvez voir que nous parlons d'un demi-million d'enfants à peu près.

Si vous passez au tableau suivant, vous pouvez voir que l'on y examine le pourcentage d'enfants et de jeunes, en fonction de leur âge, du groupe auquel ils appartiennent et de leur sexe, qui présentent une condition chronique. Un fort pourcentage d'enfants—49 p. 100 des filles et 40 p. 100 des garçons âgés de 15 à 19 ans—présentent une condition chronique d'un type quelconque. Il s'agit de divers problèmes de santé tels que les allergies, l'anémie, l'arthrite, l'asthme, l'hyperactivité avec déficit de l'attention, le diabète juvénile, etc. Il s'agit de signaler par là qu'il y a bon nombre d'enfants qui souffrent de handicaps divers dans notre pays et qu'il ne faut pas manquer d'en tenir compte.

À la page suivante, qui comporte un gros point d'interrogation, vous pouvez voir qu'il y a de petits chiffres inscrits sur le côté. Ici on peut lire 9.4. Cela signifie que vous ne disposez que d'un très petit sous-ensemble de données correspondant à ce chapitre. Si vous vous intéressez particulièrement à la question et si vous voulez disposer de l'ensemble du chapitre avant sa publication, faites-le moi savoir et nous pourrons vous sortir les données de l'ordinateur. Les fonctionnaires du ministère disposent effectivement de l'intégralité des chapitres sous forme brute.

Nombre d'enfants ayant besoin de soins de santé complexes: Où sont-ils? Qui sont-ils? De quoi ont-ils besoin? Nous n'avons pas de statistiques nationales à ce sujet. C'est une question importante et, lorsque les statistiques seront publiées, nous nous interrogerons à ce sujet. L'enquête ESLA n'a elle non plus recueilli aucune donnée à ce niveau.

Source de revenus des foyers selon le type de limitation d'activités: vous pouvez voir que les différentes catégories de revenus figurent dans ce tableau mais je suis sûre que ma collègue, Sherri, vous en parlera plus précisément.

Il y a ensuite le nombre de fois où les parents ou les gardiens ont relevé des lacunes, des difficultés ou des obstacles empêchant de garder à domicile des enfants fragiles sur le plan médical. C'est en fait la recherche que j'ai effectuée il y a deux ans lorsque nous avons parlé aux parents de la garde à domicile ou de la garde communautaire, des soins à long terme et des soins à domicile. Nous avons constaté que dans leur majorité, les parents revenaient sur deux choses. Il y avait tout d'abord les problèmes de financement et l'énorme bureaucratie auxquels devaient faire face les parents d'enfants handicapés, et la seconde portait sur la nécessité de pouvoir disposer de services de relève.

Vous pouvez voir le reste de la liste. On arrive aux services de relève, qui constituent un gros point d'interrogation. Nous nous efforçons de régler un certain nombre de ces questions dans l'enquête ESLA. C'est certainement la préoccupation numéro un des parents, mais c'est quelque chose que nous connaissons très mal. Nous connaissons bien mieux les soins de relève s'adressant aux personnes âgées que ceux qui concernent les enfants.

Nous passons ensuite aux enfants handicapés à la garde d'organismes d'aide à l'enfance. Vous pouvez voir que le réseau d'aide à l'enfance garde un grand nombre d'enfants handicapés qui ont véritablement besoin d'être pris en compte, notamment ceux qui souffrent du syndrome d'alcoolisme foetal et de ses effets.

À la page suivante, on examine l'état de santé générale des enfants âgés à 4 à 14 et de 15 à 24 ans. Vous voyez que l'état général de santé des enfants ayant une limitation d'activités n'est pas aussi bon que celui des autres enfants.

Ensuite, lorsqu'on examine la santé mentale des enfants ayant des limitations d'activités, on peut voir là encore qu'ils sont pratiquement quatre fois plus susceptibles d'être victimes d'un suicide, d'une tentative de suicide, de souffrances psychologiques, du manque de confiance en soi et d'abus.

Enfin, il y a le dernier point d'interrogation, l'effet des handicaps sur la vie et les activités quotidiennes. C'est une question très importante. Avec qui jouent les enfants handicapés? Qui s'en occupe? Vont-ils camper ou s'en abstiennent-ils? Fréquentent-ils toutes les parties des maisons dans lesquelles ils habitent? C'est une grosse question.

• 1550

Nous sommes très heureux d'avoir pu discuter du développement de la santé. On entendra parler de certaines de ces questions et nous espérons pouvoir recueillir des données nous montrant comment les enfants handicapés passent leur temps et à quel point ils sont intégrés à la société canadienne.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Merci, Dawn. C'était excellent.

Le témoin suivant est Sherri Torjman, vice-présidente du Caledon Institute of Social Policy. Tout le monde sait que Sherri s'intéresse aux problèmes des handicapés ainsi qu'aux enfants.

Soyez la bienvenue.

Mme Sherri Torjman (vice-présidente, Caledon Institute of Social Policy): Merci beaucoup, madame la présidente. J'apprécie grandement la possibilité qui m'est donnée de comparaître aujourd'hui devant votre comité.

Je vous avoue bien franchement qu'à un moment donné nous avions bien peur que les enfants handicapés soient oubliés par le programme s'adressant aux enfants. Pour commencer, ils n'étaient pas mentionnés dans tout ce que nous avons lu ou entendu au sujet du programme s'adressant aux enfants. En second lieu, certaines formulations figurant dans les documents explicatifs semblaient les exclure, même si ce n'était pas délibéré. Nous avions peur qu'ils soient exclus par le fait que l'on évoquait certaines mesures, telles que les modalités établies en fonction des revenus, qui auraient pu écarter les enfants. Nous avons donc accueilli avec joie l'organisation de cette séance et nous sommes heureux que la question figure à votre programme.

Avant de commencer, je tiens à vous remercier au nom d'une de mes amies qui vient de décéder cette semaine. Elle s'appelait Joan Brinning et elle avait un fils handicapé. Elle a cherché pendant de nombreuses années—pendant plus de 40 ans—à faire en sorte que l'on se penche sur les problèmes des handicapés et sur les besoins des familles. Je tenais donc à la citer et je vous remercie en son nom.

Je tiens à placer mes observations sur les enfants handicapés dans un certain cadre étant donné qu'à l'institut Caledon nous avons élaboré une proposition au sujet du développement de la petite enfance. J'en parlerai très brièvement, mais il est important de le mentionner pour que vous puissiez replacer mon intervention dans son cadre.

Nous avons publié en février 2000 un rapport intitulé Ottawa Should Help Build a National Early Childhood Development System. Dans ce rapport, nous avons évoqué la nécessité de bénéficier de crédits fédéraux pour promouvoir un système qui aurait une application assez générale dans tout le pays, qui tiendrait compte des différences et des compétences provinciales mais qui comporterait néanmoins un certain nombre d'éléments fondamentaux en matière de garde et de formation des tout-petits ainsi que de développement de l'enfance. Nous avons répertorié les principes à suivre: exhaustivité, accessibilité, qualité, responsabilité et universalité. Nous avons évoqué les méthodes les plus perfectionnées que nous aimerions voir mettre en oeuvre dans ce système. Je ne veux pas en dire davantage et je me contenterai de rappeler que c'est dans ce cadre que s'inscrit aujourd'hui mon intervention au sujet des handicaps.

Il y a de nombreux courants d'activités, mais je n'en mentionnerai que deux. J'évoquerai plus longuement l'un d'entre eux et je me contenterai de citer l'autre.

La mise en place dans notre pays d'un excellent système de développement de la petite enfance a ceci de très important qu'elle permet d'identifier les enfants qui présentent certaines difficultés au niveau du développement, de l'apprentissage ou de la communication. C'est un excellent moyen d'identifier très tôt ces enfants et de leur apporter une aide ou de remédier à leur situation. C'est donc un élément de prévention important.

Mes observations porteront cependant sur la possibilité d'inclure dans le système de développement de la petite enfance, quel qu'il soit, les enfants handicapés. Quelles que soient les négociations entreprises et ce qui en ressortira en définitive, il faut nous assurer que les enfants handicapés y sont inclus.

Je vais vous préciser très rapidement ce que cela signifie parce qu'à notre avis tout enfant est spécial et a besoin d'une certaine façon d'être traité individuellement, mais il y a des enfants qui ont besoin d'une aide supplémentaire pour pouvoir communiquer, apprendre, participer ou exercer certaines activités quotidiennes. Ce sont ces enfants qui nous intéressent ici. Il se peut qu'ils aient besoin d'un support technique, d'un appareil ou d'une aide supplémentaire. Parfois, il s'agit d'une aide spécialisée; parfois non. Parfois, il faut simplement apporter une aide supplémentaire. Il arrive qu'ils aient besoin d'une adaptation à leur environnement, aussi bien au niveau des installations physiques qu'en ce qui concerne les programmes. Voilà donc en fait ce qu'il nous faut.

Dans tout système de développement de la petite enfance, je le répète, quels que soient les résultats qui sont obtenus en définitive, il faut que l'inclusion soit un critère fondamental lors de l'élaboration du système. Nous voulons faire en sorte que les enfants handicapés soient pris en compte dans tout programme, tout service et dans tout système d'aides mis en place. Je vous l'ai dit, cela porte aussi bien sur les installations physiques que sur les programmes. Pour y parvenir, il nous faut bien souvent donner une formation spéciale au personnel qui travaille à l'intérieur du système; nous pouvons avoir besoin de faire appel à un complément d'effectifs, simplement pour apporter une aide supplémentaire; enfin, nous avons aussi besoin de crédits facilitant les possibilités d'accès physique.

• 1555

En plus des nécessités d'intégration, nous avons affaire à des enfants qui peuvent avoir d'autres besoins, et nous parlons ici des locaux. Il y a plusieurs façons de régler la question des locaux. Tout d'abord, il est possible d'augmenter les crédits affectés aux différents types de programmes pour tenir compte des besoins spéciaux des enfants en matière de locaux. On peut aussi aider les parents à défrayer les coûts de l'aide spéciale dont ils peuvent avoir besoin. Dans l'idéal, nous cherchons à faire en sorte que le système puisse englober le plus de choses possible dans chacun des services afin que personne ne soit exclu.

Mais avant toute chose, je vous l'ai dit tout à l'heure, il y aura toujours des enfants ayant des besoins supplémentaires, et la question que l'on se pose, c'est comment faire? Comment répondre à ces besoins? Nous disposons certainement des leviers politiques pour y parvenir. Nous pouvons fournir une aide supplémentaire grâce à des subventions et nous pouvons contribuer à compenser les coûts encourus par les parents.

Un système exhaustif doit aussi englober des programmes spéciaux. Cela ne signifie pas que nous n'ayons pas de programmes spéciaux lorsque cela s'impose. Certaines provinces ont en fait des programmes spéciaux s'adressant aux enfants handicapés dans leur développement—ayant des difficultés d'audition, par exemple. Si elles décident de renforcer ces programmes complémentaires, elles s'intégreront de toute évidence dans notre projet de services généralisés privilégiant l'intégration.

La dernière composante du système que je veux évoquer est celle des services de relève, et Dawn en a parlé dans son exposé, mais en ce qui concerne les parents. Souvent, les parents sont laissés de côté dans la discussion, et l'on ne tient pas compte du rôle essentiel qu'ils jouent dans le développement de la petite enfance.

Je dirais que la mise en place d'un réseau de services de développement de la petite enfance de qualité et accessible répondrait effectivement en partie aux besoins de services de relève s'il existait de bons services de ce type. Cela ne remplacerait pas cependant la nécessité d'apporter une aide supplémentaire aux parents, qui travaillent parfois 24 heures sur 24 pour s'occuper de leurs enfants. Je veux donc simplement m'assurer que l'on n'oublie pas les besoins des parents.

Quels sont là les leviers politiques et que peut faire le gouvernement fédéral en particulier? Comme je l'ai mentionné, dans le projet de système de développement de la petite enfance que nous avons proposé, nous avons parlé d'une contribution, d'un investissement fédéral, qui servirait alors de levier pour lever des fonds provinciaux et autres devant être injectés dans le système. Ces subventions fédérales s'accompagneraient de conditions, l'une des principales, ou le grand principe, étant l'intégration.

En plus de collaborer avec les provinces, le gouvernement fédéral peut faire plusieurs choses pour promouvoir sa politique, faire avancer le projet et faire effectivement des progrès à court terme si l'on réussit véritablement à mener de larges négociations pour mettre en place un système plus global. Voici quelles sont les mesures qui pourraient être prises.

On pourrait investir en permanence dans les programmes tels que «Partir d'un bon pas pour un avenir meilleur». On pourrait investir dans des projets pilotes portant sur les services de relève, la collaboration avec les familles et l'aide familiale. On pourrait disposer d'un fond d'accès à court terme, par exemple, qui dispenserait des crédits s'appliquant à la fois à la modification des programmes et à la rénovation des locaux de manière à garantir une possibilité d'accès. Enfin, plusieurs changements de nature fiscale seraient susceptibles d'aider plus particulièrement les parents.

Je tiens à signaler, en passant, que le budget de l'an 2000 apporte un certain nombre de changements très importants à notre fiscalité. Je tiens à féliciter le comité d'avoir su faire ces propositions, parce qu'elles vont grandement aider les parents.

Certaines modifications ont été apportées aux crédits d'impôt pour les handicapés afin de permettre une déduction supplémentaire de 500 $ au maximum au bénéfice des enfants pouvant prétendre à ce crédit. Une déduction supplémentaire des frais de garde d'enfants, d'un maximum de 10 000 $, est mise à la disposition des parents dont les enfants sont bénéficiaires du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Enfin, certaines des dispositions de ce même crédit d'impôt pour les personnes handicapées ont été assouplies pour en faciliter l'attribution.

• 1600

Ce sont là des changements très importants. Ils sont modestes et je pense que l'on peut aller encore plus loin. J'ai bien peur que la plupart des parents ne connaissent même pas leur existence parce que l'on n'a certainement pas fait une grande publicité à leur sujet, et il est important d'apporter aux parents une aide supplémentaire.

On pourrait aider les parents par l'intermédiaire du crédit d'impôt pour frais médicaux, le crédit d'impôt pour personnes handicapées peut être modifié afin d'assouplir quelque peu les critères d'attribution, et des changements peuvent être apportés aux crédits d'impôt attribués aux gardiens d'une personne à charge infirme afin de permettre aux parents de déduire un certain montant au titre des services de relève.

Il est donc possible de prendre un certain nombre de mesures, tant à long terme pour ce qui est de la mise en place d'un système global, visant l'intégration, qu'à court terme en aidant dans l'immédiat les parents et les enfants grâce à un accès à un programme de développement de la petite enfance s'adressant à tous.

Je vous remercie.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Merci, Sherri.

Nous allons maintenant entendre Connie Laurin-Bowie, la directrice des politiques et programmes de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Vous êtes certainement nombreux à savoir que cette association a été fondée en 1958 par des parents d'enfants ayant des handicaps intellectuels afin d'aider ces derniers à prendre part activement, dans tous les domaines, à la vie de la collectivité. C'est aujourd'hui l'un des dix plus grands organismes de charité de notre pays. C'est pour vous dire à quel point la question que nous étudions cet après-midi revêt une grande importance.

Mme Connie Laurin-Bowie (directrice, Politiques et programmes, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Merci de cette aimable présentation.

J'aimerais évoquer rapidement cet après-midi un point particulier: la nécessité de faire entendre la voix des familles.

Je pense que notre première réaction face au programme d'action national pour les enfants est bien connue. En substance, nous avons présenté à notre base le programme d'action national pour les enfants, ou du moins ce qu'il en était à l'époque. Voici ce que nous ont répondu les familles: «Voilà qui exclut en fait nos enfants.» Nous avons donc entrepris de démontrer que non seulement les enfants handicapés n'étaient pas nommés, identifiés ou visés par la stratégie mais en outre, lorsque c'était le cas, c'était sous la forme de la question suivante: Comment éviter en fait qu'un enfant naisse handicapé? Ce n'est pas là la façon dont, de manière générale, on élabore dans la pratique un programme pour les enfants s'adressant à tous et plus particulièrement à ceux qui sont handicapés.

Une fois que nous avons développé notre argumentation et que nous avons été rejoints par quelques personnes qui comme nous se plaignaient précisément du fait que ces enfants étaient exclus, nous nous sommes rendu compte qu'il nous restait beaucoup de travail à faire et qu'il nous fallait effectivement retourner interroger les parents et leur demander: «Quels sont les véritables problèmes et à quoi doit ressembler un programme qui intègre vos familles et vos enfants?»

Dawn et Sherri ont toutes deux évoqué la question des services de relève. Nous avons sillonné le pays. Nous ne sommes pas allés dans toutes les provinces et tous les territoires, mais nous continuons à rencontrer les familles dans différentes régions du pays. Nous avons fait un échantillonnage assez représentatif dans les différentes régions et nous avons organisé une table ronde avec les familles au sujet de leurs conditions de vie actuelles. Nous ne leur avons pas demandé: «Quelles sont les conséquences des politiques entreprises sur vos enfants et sur vos familles?» mais «Quelle vie menez-vous à l'heure actuelle?»

Nous n'avons d'ailleurs pas limité nos discussions aux organisations affiliées à l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Nous avons dialogué assez ouvertement avec les familles appartenant à différents groupements. C'est ainsi que je pense que Mme Lill a assisté à une réunion à Halifax.

Ce que nous ont dit les familles était terriblement émouvant. Partout, leurs premiers mots ont été les suivants: «Nous voulons pour nos enfants ce que veulent tous les parents pour les leurs. Nous voulons qu'ils soient protégés, qu'ils soient aimés, heureux et acceptés, nous voulons que nos familles aient des revenus suffisants pour pouvoir faire vivre leurs enfants, et nous voulons avoir une vie de famille semblable à celle des autres.» Ces familles veulent pouvoir se débrouiller, elles refusent que le handicap d'un enfant soit ce qui définit cet enfant et ce qui définit à son tour la famille, puis la place de celle-ci à l'intérieur de la collectivité. Elles ont très bien su exprimer ce sentiment de différentes manières et elles ont répertorié différents obstacles qui les empêchaient de réaliser leurs voeux.

Nous avons élaboré... et ce n'est certainement pas exhaustif; ce sont des réflexions sur la voie à suivre. Ces familles nous ont bien fait comprendre que même si toutes les familles éprouvaient des difficultés sur le plan de l'emploi ou lorsqu'il fallait subvenir aux besoins de leurs enfants et leur permettre de se réaliser dans la vie, dans leur cas, ce qui les différenciait de la plupart des autres, c'est qu'elles étaient les seules à prendre entièrement en charge la vie de leurs enfants.

• 1605

Par conséquent, si la plupart des familles peuvent faire confiance au réseau d'enseignement et savoir qu'il est au service de leurs enfants, ces familles n'étaient même pas sûres que leurs enfants seraient en sécurité à l'école et que l'on n'abuserait pas d'eux. Elles n'étaient pas certaines que les centres de garderie pourraient mettre les services nécessaires à la disposition de leurs enfants. Elles ne recherchaient pas spécialement des lieux où leurs enfants seraient en toute sécurité; elles voulaient que des gens partagent leurs responsabilités avec elles, comme cela se fait pour les autres parents, pour que les autres systèmes s'adressant aux enfants prennent une partie de la charge qu'elles assumaient à elles seules.

Cette responsabilité s'est présentée sous la forme des questions financières auxquelles on a fait allusion pour ce qui est des conséquences des politiques. Elle a porté sur la coordination de nombreux systèmes différents, la promotion des réseaux s'adressant aussi bien à l'ensemble de la clientèle qu'à certains handicaps, et la coordination de l'aide. Ensuite, je pense qu'elles n'ont pas manqué de privilégier la question des services de relève.

Comme l'a indiqué Sherri, les services de relève peuvent prendre des visages très différents. Si les centres de garderie, par exemple, étaient mieux accueillants et plus accessibles aux enfants handicapés, les services que l'on qualifie de relève ne seraient pas aussi indispensables. Il reste cependant des besoins bien précis de relève dans les foyers qui accueillent spécialement des handicapés. On peut aussi penser aux soins à domicile. Il y a des besoins médicaux associés chez certains aux services de relève. Pour d'autres, il s'agit en fait d'un service de relève de type familial—pour laisser aux gens le temps de souffler.

Pour en revenir aux répercussions de tous ces messages sur les politiques établies, l'important pour nous n'est pas seulement de dire que le programme s'adressant aux enfants va englober les enfants handicapés. Il nous incombe à tous, à notre avis, de définir ce que nous voulons dire lorsque nous parlons d'intégrer tous les enfants, et quelles en seront les implications lorsque l'on va concevoir, par exemple, des mécanismes permettant de rendre des comptes. Par conséquent, si nous voulons mettre en place des systèmes répondant efficacement aux besoins, il nous faut concevoir des mécanismes permettant de rendre des comptes.

Qu'est-ce que cela implique lorsqu'on veut mesurer les succès du point de vue des enfants? Nous croyons savoir ce que nous entendons par là, mais l'on peut discuter sérieusement des critères s'appliquant aux enfants. Il faudrait qu'il y ait des critères individuels concernant les améliorations apportées à la vie de chaque enfant. Nous avons le sentiment que les éducateurs spécialisés dans la petite enfance ont une très bonne idée de leur façon de procéder. Ils le font dans de nombreux centres de garderie du pays.

Il y a un autre mécanisme, par exemple, qui porte sur les politiques s'adressant aux parents. Les parents ayant des enfants handicapés ont besoin de bénéficier des mêmes appuis que tous les autres parents. J'ai lu récemment, dans un bulletin de l'association sur le syndrome de Down, un article au sujet de l'allaitement d'un enfant souffrant du syndrome de Down. J'ai été tout à fait stupéfaite d'apprendre que des familles ayant des enfants souffrant du syndrome de Down n'ont pas accès—et cela ressortait clairement de l'article—au même genre d'appui dont bénéficie une jeune mère qui veut allaiter un enfant non handicapé. Pourtant, l'enfant qui présente le syndrome de Down retirera vraisemblablement davantage de bénéfices que bien d'autres enfants de ce type de contact avec sa mère.

L'éventail des conséquences est donc très large. Aujourd'hui, étant donné que bien d'autres compétences s'imposent dans différents domaines, je ne veux pas exposer trop en détail nos objectifs de politiques, mais je tiens à faire passer deux messages.

Tout d'abord, quelles que soient les mesures qui deviendront possibles à la suite des discussions fédérales-provinciales et au sein de ce Parlement, n'oubliez pas les familles ayant en leur sein des enfants handicapés. Ensuite, mettez en place une procédure que nous pourrons étudier ensemble parce qu'il est bien évident que personne ne peut entrevoir toutes les répercussions tant que nous n'aurons pas effectivement décidé de l'affectation des crédits.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Je vous remercie.

Mme Connie Laurin-Bowie: Puis-je ajouter rapidement une dernière chose?

• 1610

Étant donné que vous avez contribué à lancer l'organisation du 6e Congrès international portant sur l'intégration des enfants handicapés au sein de la collectivité, vos deux comités savent que nous sommes fin prêts. Nous nous sommes préparés pour le Congrès qui aura lieu en octobre 2000 à Edmonton.

Nous aimerions à un moment donné avoir la possibilité de parler aux deux sous-comités. Les invitations envoyées aux deux présidents arriveront probablement lundi. Il vous appartiendra de décider si vous voulez que les deux sous-comités tiennent certaines audiences ou certaines consultations à Edmonton durant cet événement pour que nous ayons la possibilité d'entendre au niveau international des groupements de personnes et de familles appartenant aux différents organismes à l'origine de cet événement, notamment l'OPS, l'UNICEF et d'autres encore, et pour que nous puissions nous organiser afin de discuter ensemble des possibilités offertes à l'avenir.

La présidente (Mme Carolyn Bennett): Je vous remercie, Connie. Ça semble très intéressant. C'est à quelle date, déjà?

Mme Connie Laurin-Bowie: Vous avez un dépliant sur la table dans les deux langues. C'est du 22 au 24 octobre. Pour ceux d'entre vous qui parlent espagnol, nous l'avons dans cette langue au bureau.

La présidente (Mme Carolyn Bennett): Je vous remercie.

La dernière participante à notre table ronde cet après-midi est Sharon Hope Irwin, la fondatrice et directrice de la Garderie municipale de Glace Bay, en Nouvelle-Écosse. Elle a conçu un merveilleux projet et a doté cette municipalité d'un programme et d'installations accueillant absolument tous les enfants et qui présentent de toute évidence un grand intérêt pour ceux-ci. Elle va maintenant nous parler de Trait d'union, ce qui nous fera entrer dans le vif du sujet.

Mme Sharon Hope Irwin (directrice exécutive, Trait d'union, Réseau national pour l'intégration en services de garde): Lorsque j'ai appris que vos deux sous-comités tenaient une séance conjointe, je dois dire que j'ai sauté de joie. Jusqu'à présent, j'avais le sentiment que le Sous-comité sur la condition des personnes handicapées ne tenait pas compte des enfants et que le Sous-comité sur les enfants et les jeunes à risque ne tenait pas compte des handicapés.

Pour dire quelques mots de la question, il y avait bien entendu la stratégie nationale sur sept ans pour l'intégration des personnes handicapées, mais l'on n'y disait absolument rien des enfants. Il y a aujourd'hui l'accord À l'unisson.

J'ai eu la chance de participer aux audiences sur la stratégie actuelle et je dois vous avouer que je me suis sentie très isolée étant donné que j'avais l'impression d'être la seule en 1995 à m'intéresser aux questions touchant les très jeunes enfants handicapés et leurs familles. Il m'a semblé que l'on s'intéressait surtout aux aides apportées à l'emploi des adultes handicapés en cours de réinsertion, et éventuellement en attente d'emploi. Je n'ai pas senti que ceux qui m'écoutaient me traitaient avec condescendance ou m'écartaient véritablement; tout simplement, les questions touchant les très jeunes enfants handicapés et les répercussions sur leurs familles ne faisaient pas partie des préoccupations à l'époque.

Pour que vous me compreniez bien, je vous dirais qu'en lisant récemment un des documents rédigés lors de l'élaboration de la stratégie À l'unisson, j'ai été surprise et très heureuse de découvrir que l'on y parlait des jeunes enfants. Je me suis dit que la mention n'était pas parfaite. On n'y parlait pas du bien-être économique de la famille, mais l'on y disait bien qu'il fallait faire ce que nous réclamions dès le départ, que les enfants soient intégrés aux programmes de garderie comme tous les autres.

Je me suis demandée qui d'autre avait témoigné au sujet des jeunes enfants handicapés. Je suis donc allée voir au dos de la couverture et j'ai constaté qu'il n'y avait que mon nom. J'ai ri un instant, mais cela m'a ramené sur terre et j'ai pu constater que la question des très jeunes enfants et de leur famille n'avait pratiquement pas été portée à l'attention du sous-comité à l'époque.

Je peux voir que les choses changent rapidement, mais la tâche du Sous-comité sur les enfants et les jeunes à risque n'en est pas terminée pour autant. Il semble que personne n'a mieux exprimé les interrogations soulevées par ces délibérations dans la communauté des personnes handicapées que le groupe de parents dont parle Connie, qui s'est exprimé en ces termes: «N'excluez pas nos enfants; il faut intégrer tous les enfants du Canada au programme d'action national pour les enfants».

En 1998, lorsqu'on a tenu les discussions sur la maturité scolaire, j'ai pris l'avion du Cap-Breton jusqu'à Ottawa—j'ai pris en fait deux avions—avec Paul Young, l'ancien président du groupe de défense autonome, People First. Paul m'a demandé où j'allais. Je lui ai répondu que j'allais témoigner à Ottawa devant un comité qui s'intéressait à la maturité scolaire. Paul m'a répondu alors: «Sharon, il vous faut leur dire que certains d'entre nous ne seront jamais mûrs.» Voilà notre message que je tiens effectivement à vous transmettre.

Alors que nous nous intéressons aux mesures et aux critères d'évaluation des résultats et que nous cherchons à concevoir des politiques et des programmes de financement les plus rentables possibles—je pense, d'ailleurs, que l'expression anglaise imagée «biggest bang for the buck»—nous vient du secrétaire à la Défense d'Eisenhower, Charlie Wilson, qui était chez General Motors—nous devons penser clairement à deux choses: tout d'abord que notre capacité à concevoir ce qu'il faut mesurer et comment le mesurer n'en est encore qu'à ses balbutiements et, en second lieu, que si nous nous lançons dans ce genre de calculs s'appliquant aux incapacités, il est vraisemblable que nous allons oublier certaines vérités au sujet de la valeur que représentent tous nos enfants en tant qu'enfants et non pas simplement en tant que travailleurs potentiels.

• 1615

Laissez-moi vous conter une petite anecdote à ce sujet. Notre centre de garderie de Glace Bay, qu'a mentionné si aimablement Mme Bennett, intègre depuis longtemps les enfants handicapés, et même si nous avons fait de gros efforts pour aider d'autres centres de garderie du Cap-Breton à recevoir des enfants handicapés, nous avons généralement une longue liste d'attente compte tenu des places disponibles. Lorsqu'une place est libre, nous nous réunissons en comité pour savoir qui l'on doit accepter. J'étais la directrice du centre et ma politique était la suivante: «le prochain sur la liste», c'est-à-dire que nous acceptions l'enfant qui suivait sur la liste. Toutefois, il y avait tellement d'enfants qui attendaient une place libre.

Nous avons donc réuni un comité. Il y avait un comptable, un membre du conseil scolaire, moi-même et l'enseignant spécialisé, un groupe de thérapeutes et de nombreux parents. Le comptable avait une autre idée. Il a demandé quel était l'enfant qui allait tirer le plus grand profit de cette intégration.

Plusieurs personnes ont répondu. Le membre du conseil d'administration de l'école est intervenu pour préciser qu'on lui avait dit que les enfants, après avoir passé trois ans dans notre programme, se retrouvaient généralement dans une classe moins spécialisée. Les enfants qui se trouvent dans les classes pour handicapés profonds—c'est ainsi qu'on les appelait alors—passent généralement au palier suivant, qui sont les classes intermédiaires, et ceux qui se trouvaient jusqu'alors dans les classes intermédiaires passent dans les classes de soutien, alors que les enfants qui étaient jusqu'alors dans les classes de soutien passent en classe normale. Cela fait économiser de l'argent aux conseils scolaires et rapproche ces enfants des classes normales, et vous nous dites que c'est ce qui vous intéresse. Quels sont les enfants qui correspondent à cette description sur les listes d'attente?

Les thérapeutes ont parlé des différents enfants et des effets thérapeutiques que pourrait avoir leur intégration dans des classes moins intensives, moins spécialisées et moins coûteuses.

Ma position était bien arrêtée. Si l'on avait pris une décision en fonction des résultats attendus et non pas en prenant «le prochain sur la liste», je démissionnais. Toutefois, nous sommes un groupement démocratique, et les arguments ont fini par triompher dans la discussion. Je n'ai pas eu à menacer de démissionner et le bon sens a fini par prévaloir.

C'est donc Sonia qui a été acceptée. Sonia avait des handicaps multiples, c'était une de ces enfants profondément repliée sur elle-même dont on dit: «Sait-elle vraiment qu'elle est là?» ou «Est- ce qu'elle a conscience de son environnement?»

Les parents de Sonia n'attendaient pas de nous des miracles. Ils ne s'attendaient même pas à ce que nous lui apprenions à s'alimenter avec un tube ou à réaliser la plupart des exercices de physiothérapie devant lui éviter de faire de la scoliose ou de perdre davantage de mobilité. Comme nous l'a dit son père, «nous voulons simplement avoir l'impression tous les matins que Sonia est un enfant parmi les autres, jouant parmi les autres, riant et chantant avec les autres». Voilà où elle en était.

Des années plus tard, son père s'est remémoré cette période. Il a déclaré: «Il y a eu une véritable crise dans notre famille lorsque nous vous avons demandé de prendre Sonia. Nous en étions au point où il aurait fallu la placer dans un établissement. Nous n'en pouvions plus. Le temps qu'elle a passé à la garderie nous a permis de souffler, d'avoir un répit, de reprendre des forces. Lorsqu'elle a quitté votre centre, elle est allée à l'école... ce qui nous a permis de la garder avec nous.» Sonia est morte à 16 ans, chez elle.

Revenons à ce comptable. Si je n'avais pas réussi à le persuader, que la priorité est «au suivant sur la liste», que les enfants ont des droits en tant qu'enfants et non pas parce qu'ils sont susceptibles de gagner un revenu venant compenser leur coût pour la société, je pourrais lui démontrer, chiffres à l'appui, que nous avons fait économiser de l'argent à la province parce que Sonia n'a pas été placée dans un établissement pendant le reste de sa vie, sans même parler des considérations liées à la qualité de la vie.

Je vous raconte cette anecdote parce que je veux que vous considériez les enfants handicapés avant tout comme des enfants et que vous envisagiez ensuite les autres moyens de les aider pour qu'ils puissent prendre part comme tous les autres à la vie de notre société. Je veux aussi que vous replaciez ces jeunes enfants dans le cadre de leur famille, les parents étant bien trop souvent dans l'incapacité de conserver un emploi en raison du manque de services de garderie et de l'inadaptation des politiques d'emploi. Dans une société au sein de laquelle presque tous les parents ont besoin d'avoir des revenus tirés d'un emploi pour bien subvenir aux besoins de leur famille, les parents d'enfants handicapés retombent souvent dans ce ghetto spécialisé du bien-être, celui des «parents d'enfants handicapés».

En 1993, lorsqu'on a tenu les audiences sur la réforme de la sécurité sociale, de nombreux parents d'enfants handicapés sont venus témoigner devant le comité qui était en tournée. En fait, le premier intervenant à Whitehorse et le dernier intervenant à St. John's étaient tous deux des parents d'enfants handicapés. Ils ont évoqué l'extrême fragilité des services de garderie dispensés à leurs enfants et le fait que souvent une simple maladie les séparait des prestations du bien-être.

L'une des recommandations du comité portait effectivement sur les enfants handicapés:

    qu'une part supplémentaire des crédits fédéraux consacrés aux garderies soit affectée aux besoins des enfants handicapés pour qu'ils puissent tirer parti des avantages d'une pleine participation à la collectivité.

Toutefois, vous le savez, la crise de l'endettement et du déficit de 1995 ont effectivement mis fin à toute réforme sociale progressive de ce type pendant les années suivantes, jusqu'à maintenant.

• 1620

Depuis cette époque, on a pris de plus en plus conscience du lien existant entre le chômage et le fait d'être le parent d'un enfant handicapé, et l'on a reconnu que l'instauration de garderies communautaires, de politiques d'emploi tenant compte des besoins des handicapés et de congés parentaux ou de maternité de plus longue durée était susceptible de soulager certaines difficultés liées au chômage entraîné par le fait d'avoir un enfant handicapé.

Ces quatre dernières années, Donna Lero, de l'Université de Guelph, et moi-même, avons suivi un groupe de plus de 350 familles de travailleurs de la poste ayant un enfant handicapé, à la fois pour les faire bénéficier d'un programme d'aide et de consultation et aussi pour répertorier les avantages des différents choix de financement individualisé qu'elles ont fait.

Alors que nous pensions que notre étude portait sur des parents ayant un emploi, ceux qui avaient réussi à concilier leur travail avec la tâche d'élever un enfant handicapé, nous avons appris que nombre de ces mères de famille avaient été obligées de quitter leur emploi ou de l'alléger dans une large mesure en raison de l'absence de services adaptés à leurs enfants, notamment de garderies. Il ne s'agissait pas là de ces parents et de ces familles à haut revenu que l'on représente souvent dans les médias, où les mères choisissent de rester à la maison. Dans ces familles, la perte du deuxième revenu et les frais supplémentaires non assurés qu'encourent les parents d'un enfant handicapé, ou encore les problèmes de santé, entraînaient souvent un fort endettement, un isolement par rapport aux activités communautaires qui exigent souvent le versement de droits d'inscription ou de frais de transport, ainsi qu'une tension énorme pour l'ensemble de la famille.

Je fréquentais régulièrement nombre de ces familles et la réalité m'a frappé en parlant avec une mère dont la fille faisait de la polyarthrite rhumatoïde. Cette mère travaillait dans une banque avant la naissance de son enfant, mais elle s'était aperçue qu'il lui était impossible d'avoir un emploi, de retourner au travail, étant donné que sa fille éprouvait tous les matins des douleurs d'intensité variable. Cette petite fille a désormais cinq ans, et sa mère pensait que les crédits dispensés dans le cadre du projet s'adressant aux travailleurs postaux auraient pu, soit lui permettre d'engager une aide temporaire pour pouvoir aller travailler le matin sans manquer d'argent à la fin de la journée, soit lui donner la possibilité d'aller à la piscine municipale avec sa fille, ce qu'elles ne pouvaient pas se permettre avec un seul revenu et en l'absence d'un véhicule.

J'ai voulu lui procurer immédiatement les formulaires nécessaires et je lui ai donc demandé si elle pouvait avoir accès à un télécopieur—ce qui n'est pas une chose à dire à quelqu'un dont le mari travaille à Postes Canada, mais j'étais vraiment pressée. Elle m'a répondu: «Je vais demander aux caissières de la banque; elles ont peut-être là-bas un télécopieur.»

Je ne sais pas si vous compreniez bien à quel point cette mère était isolée. Au cours des six années pendant lesquelles elle avait travaillé à la banque, elle n'avait jamais véritablement été en relation avec d'autres personnes que son médecin ou le personnel infirmier. Dans sa tête, les seuls qui pouvaient lui procurer un télécopieur, c'était «les caissières de la banque» avec qui elle avait travaillé six ans plus tôt. J'ai encore des frissons lorsque je me rappelle sa voix et lorsque je me rends compte à quel point son isolement et son manque de ressources sont des choses courantes dans ces familles.

Nous sommes nombreux à nous pencher sur les cinq domaines d'intervention, en fait six, qui figurent dans le discours du Trône: en premier lieu, les centres d'excellence pour le bien-être des enfants—on y a fait allusion et finalement, à notre avis, en raison des nombreuses réactions en provenance de la communauté et des parents des handicapés, un de ces centres d'excellence va être consacré aux enfants et aux jeunes handicapés, ce qui ne figurait dans le projet d'origine—deuxièmement, la bonification des prestations nationales pour enfants et le fonds de réinvestissement; troisièmement, le programme d'action national pour les enfants; quatrièmement, l'amélioration des congés parentaux et de maternité; enfin, cinquièmement, un milieu de travail réglementé par le fédéral plus favorable aux familles. On a aussi discuté des mesures fiscales, dont a parlé Sherri et que Mme Bennett a résumé à l'aide d'une déclaration figurant dans les documents de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire.

Dans tous ces domaines, dans le programme d'action national pour les enfants, nous avons la possibilité, à condition de concevoir les projets avec davantage de sensibilité, de régler d'autres problèmes auxquels font face les familles ayant des enfants handicapés.

Finalement, je voudrais vous dire quelques mots de l'amélioration du programme de congés parentaux et de maternité dans le cadre de l'AE qui entrera en vigueur au 1er janvier 2001.

De nombreux groupes se sont interrogés au sujet du taux de rémunération de 55 p. 100 et du pourcentage élevé de femmes qui ne peuvent pas prétendre à bénéficier de ce programme. Que dire aussi du manque de souplesse lorsqu'on prend un congé? Que faire au sujet des parents dont les enfants passent les premiers mois de leur vie dans les services hospitaliers de soins intensifs? Il est évident qu'il serait préférable qu'ils puissent prendre un congé une fois que leur enfant a quitté l'hôpital.

D'autres parents, particulièrement ceux dont les enfants ont des maladies chroniques, ont demandé qu'une prestation pour maladie des enfants soit prévue dans le cadre du régime amélioré d'AE. D'autres pays ont instauré ce genre de mesures. Si, comme on le dit, les enfants reçoivent leur congé de l'hôpital plus rapidement et alors qu'ils sont davantage malades, il faut que la société réagisse. Je viens du Cap-Breton et je sais pertinemment que nos employeurs locaux n'auront pas les moyens de payer une prestation pour enfants malades à leurs employés et je suis sûre qu'il en est de même pour nombre de petites et de moyennes entreprises partout ailleurs au pays.

• 1625

Je vous suis reconnaissante de m'avoir invitée, merci encore. Je suis prête à répondre à vos questions.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Je vous remercie.

En souhaitant à nouveau la bienvenue à Dawn Walker, je pense que j'ai oublié... Pour ceux qui ne le savent pas, l'Institut canadien de la santé infantile a fait un travail extraordinaire. Il s'est consacré avec sérieux à la santé et au bien-être des enfants du Canada et il a fait un magnifique travail de défense des intérêts des enfants et de sensibilisation du public. Les activités de suivi que vous voyez dans ce document ne sont qu'un petit exemple de ce qu'il fait: veiller à la santé des mères pendant leur grossesse et lors de la naissance et s'assurer d'un bon développement des enfants dans un environnement sain et offrant toutes les garanties de sécurité.

L'exposé qu'a fait Dawn l'année dernière au comité sur les enfants à risque nous a beaucoup appris. Nous n'avons pas manqué de relever l'intérêt qu'elle portait aux personnes handicapées ainsi qu'à l'environnement.

Merci encore d'être venue et je vous prie de m'excuser.

Est-ce que les fonctionnaires du ministère ont quelque chose à ajouter ou est-ce que vous voulez que l'on passe directement aux questions?

Mme Marta Morgan (directrice, Groupe de la politique sur les enfants, ministère du Développement des ressources humaines Canada): Il y a une ou deux questions qui n'ont pas été abordées par les intervenants et que j'aimerais évoquer.

Pour ce qui est du programme d'action national pour les enfants, comme nombre d'entre vous, qui y ont participé, le savent, nous nous attendons à ce que l'avocat du ministère publie bientôt les réponses aux documents instaurant le dialogue qui ont été divulgués il y a un an environ et qui ont sollicité la participation du public. Comme deux personnes l'ont mentionné, la communauté des handicapés n'a pas manqué de faire état de ses préoccupations au cours de cette procédure. Nous espérons que le document publié, le rapport dont on a entendu parler, tiendra compte de cette participation. Le projet révisé qui sera divulgué reflétera lui aussi cette participation. Nous attendons donc avec impatience vos réactions.

Pour ce qui est de l'évaluation des résultats, je pense que les gouvernements cherchent de plus en plus à mettre l'accent sur les résultats et à prouver l'efficacité de leurs politiques et de leurs programmes. Nous nous rendons compte que ce type de travail n'en est qu'à ses balbutiements et nous essayons de mettre au point des critères de mesure pertinents et exhaustifs. Nous avons besoin de collaborer avec les différentes collectivités pour nous assurer que ce que nous mesurons et que les moyens employés nous mettent dans la bonne voie pour l'ensemble des enfants.

Il y a une autre question qu'a évoquée Sherri Torjman, qui est celle du développement de la petite enfance. Vous êtes nombreux à savoir que le gouvernement fédéral s'est engagé l'automne dernier lors du discours du Trône à collaborer avec les provinces et les territoires sur le développement de la petite enfance. Il s'agit de toute évidence d'un domaine dans lequel la plupart des services sont dispensés au niveau communautaire par les provinces et les territoires. La participation de la communauté des handicapés au programme d'action national pour les enfants et certains concepts mis au point par Caledon en ce qui a trait au programme s'adressant aux enfants handicapés devraient aider beaucoup le travail des responsables sur ces questions.

Le coprésident (M. John Godfrey): David, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter du point de vue de Santé Canada?

M. David Fransen (directeur général, Direction de la santé de la population, Direction générale de la promotion et des programmes de la santé, ministère de la Santé Canada): Comme c'est bien souvent le cas, il n'y a pas grand-chose à ajouter une fois que Marta a parlé. C'est du moins mon expérience.

Les deux ministères, DRHC et Santé Canada, travaillent beaucoup sur le programme s'adressant aux enfants et aux handicapés. Marta a évoqué le sujet dans ses grandes lignes.

Je suis heureux d'avoir été invité. Il est indéniable que ce sujet est important alors que nous allons discuter de l'avenir des enfants handicapés. Je pense qu'il nous faut passer immédiatement à la discussion.

• 1630

[Français]

Le coprésident (M. John Godfrey): Jusqu'à ici, il n'y a que trois noms sur notre liste, soit ceux de M. Crête et de M. McCormick, ainsi que le mien.

Monsieur Crête.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Premièrement, j'exprimerai mon étonnement. À deux ou trois reprises lors de vos présentations, j'ai été obligé de me demander si je siégeais à un parlement provincial ou si nous n'étions pas en train de faire des choses qui sont de compétence provinciale. On a beaucoup parlé de l'école, de la petite enfance et d'une foule d'éléments qui relèvent de la compétence des provinces. Je comprends que vous veuillez utiliser toutes les tribunes possibles et je comprends cette question-là. Je veux pouvoir en discuter avec vous, mais je voulais exprimer mon étonnement dès le départ parce qu'il m'apparaît évident que dans la majorité des cas, le gouvernement fédéral n'a vraiment rien à voir dans ces secteurs, sauf dans le cas des outils fiscaux. Cela m'apparaît très clair et très net.

Cependant, je voudrais dire deux autres choses. J'invite Mme Sharon Hope Irwin à prendre connaissance du programme de congé parental que vient de rendre public le gouvernement du Québec. On y prévoit entre autres qu'au lieu d'avoir un seul programme mur à mur d'un bout à l'autre du Canada et d'offrir 55 p. 100 du traitement pendant le congé de maternité, on versera 70 p. 100 du traitement pendant 40 semaines. Nous avons fait des ajustements en conséquence et nous sommes en mesure d'offrir des mesures beaucoup plus flexibles que celles que le gouvernement fédéral a mises sur la table.

Le point dont je voudrais traiter avec vous, qui m'intéresse personnellement et qui me touche, est la question du répit. Quoiqu'on parle de répit et de relève, moi je parle plus particulièrement de répit car je vis cette situation dans ma circonscription. Il y a chez nous un centre qui s'appelle l'Auberge la clé des champs et qui offre un service de répit pour permettre aux parents de personnes handicapées et aux jeunes handicapés de bénéficier d'un site très bien équipé pendant les vacances. Le problème n'est pas de cet ordre. Il ressemble davantage à celui qui existait avant la mise sur pied des services de garde à cinq dollars au Québec. De très nombreux parents voudraient bien que leurs enfants et eux-mêmes puissent bénéficier de ce service afin de profiter d'un répit nécessaire. Bien que le service soit disponible, il coûte trop cher aux parents et l'unité ne peut l'offrir à moindre coût. Plusieurs d'entre vous ont parlé de cette question, et j'aimerais que vous précisiez les solutions qui vous apparaîtraient pertinentes au niveau du répit. Il ne s'agit pas de créer des centres, mais plutôt de trouver des formes de financement adéquates pour que ce service puisse être assuré. Selon vous, comment devrait-on procéder?

[Traduction]

Le coprésident (M. John Godfrey): Sharon, vous voulez faire un commentaire?

Mme Sharon Hope Irwin: Bien sûr. Je suis tout à fait prête à dire quelques mots à ce sujet. Je passerai ensuite la parole aux spécialistes des services de relève.

Laissez-moi évoquer rapidement la question de la garde et du développement de la petite enfance ou, comme certains le disent, des services à la petite enfance qui tiennent compte des impératifs de l'emploi. D'autres les qualifient de services de garde prioritaires. Je leur adjoindrais, même s'il relève carrément de la compétence provinciale, l'enseignement scolaire.

Même si les enseignants n'aiment pas cette idée, bien des gens considèrent que le fait de mettre leurs enfants à l'école leur laisse le temps d'aller travailler. Non seulement ces enfants apprennent ce que l'on est censé apprendre à l'école, mais en outre on les accueille, il faut l'espérer, dans un milieu sain et en toute sécurité pendant que leurs parents travaillent.

Un système de garde et de développement de la petite enfance servirait dans une large mesure de service de relève parce que les parents ne peuvent pas bénéficier des garderies ou des programmes de développement des enfants pendant une bonne partie de la journée. Dans une certaine mesure, si un système de garde et de développement de la petite enfance est mis en place et s'il est accessible comme il doit l'être aux enfants handicapés, il va nous éviter d'avoir à recourir à tous les services de relève qui doivent être pris en charge par d'autres systèmes. Cela ne veut pas dire que les autres services doivent être abandonnés, mais cela réduit de toute évidence les coûts et la nécessité de recourir à un réseau autonome de services de relève.

Je vais passer la parole à quelqu'un d'autre.

• 1635

Mme Sherri Torjman: Je suis d'accord avec ce que vient de dire Sharon. Il faut dire avant toute chose que l'on aura toujours besoin d'un réseau de services de relève. Je considère pour ma part que l'on peut prendre deux orientations politiques à cet égard. Vous nous demandez ce que l'on peut faire, et je vous répondrais que l'on peut investir dans des services de relève effectifs, qui peuvent être très différents selon les cas.

Il y a différents types de services de relève exigés, par exemple, pour de courtes ou de longues vacances. Il convient d'investir dans ce type de services pour qu'ils soient plus nombreux, de même que l'on parle d'investir dans un plus grand nombre de services de développement de la petite enfance, ce qui englobe les garderies et les centres de ressources familiales. Il s'agit là aussi d'un secteur d'investissement important.

Par-dessus tout, il y aura vraisemblablement des coûts pour les parents, qui doivent payer des frais pour bénéficier de la plupart de ces services. C'est là qu'à mon avis la fiscalité peut nous aider. Les provinces peuvent décider d'apporter une aide supplémentaire à ces parents au moyen de subventions et, si nous voulons utiliser les dispositions existantes, on pourrait par exemple bonifier le crédit d'impôt pour frais médicaux. En outre, les dispositions fédérales actuelles présentent l'inconvénient d'être très axées sur les soins médicaux, sur le recours aux établissements, et toute forme de soins naturels, comme les services de relève, par exemple, peuvent difficilement prétendre à bénéficier du crédit d'impôt pour frais médicaux.

Voilà donc un secteur dans lequel on pourrait directement agir pour compenser les coûts. On a aussi proposé l'instauration d'un crédit supplémentaire pour personnes handicapées qui comporterait de nombreux volets, notamment les services de relève. Ce pourrait être un projet à plus long terme.

Pour répondre à votre question concernant les orientations politiques, je suis convaincu que nous devons investir dans de nouveaux services et par ailleurs compenser les frais supplémentaires, parce qu'il est vraisemblable que ce genre de service entraînera des frais supplémentaires.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Madame Walker.

Mme Dawn Walker: Il pourrait être très utile que votre comité fasse le lien avec les discussions qui ont lieu au sujet des soins à domicile et des soins à long terme par l'intermédiaire des comités FPT et du gouvernement fédéral.

Je suis la seule à l'heure actuelle au sein du comité directeur chargé du secteur des soins à domicile à avoir l'expérience des enfants et il a été difficile d'exposer ce point de vue. Quelque 98,9 p. 100 des discussions portent sur les personnes âgées. Effectivement, les personnes âgées ont des besoins. Les enfants arrivent toujours en dernier lorsqu'on parle de soins à domicile, de soins communautaires ou de planification des soins à long terme. Les enfants ont donc réellement besoin d'être intégrés à l'ensemble des services et des projets qui sont mis sur pied. Je recommande concrètement à votre comité que les discussions qui sont menées à ce niveau au sujet des soins à domicile et des soins à long terme tiennent compte des besoins des enfants.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Dave, pouvez-vous nous donner en quelque sorte le point de vue de Santé Canada au sujet des soins à domicile, ou est-ce qu'il s'agit...

Mme Dawn Walker: Puis-je préciser une chose à ce sujet? L'étude sectorielle est réalisée aussi par l'entremise de DRHC, mais Dave pourra vous en parler. La deuxième question, toutefois, est celle des obligations internationales du Canada aux termes de l'article 23 de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant. Cet article est très précis et comporte un certain nombre de paragraphes sur les droits des enfants handicapés dans les différents États. J'estime donc que le gouvernement fédéral a un véritable rôle à jouer dans le cadre de ses obligations internationales, telles qu'elles ressortent de la Convention relative aux droits de l'enfant.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Je pense aussi que M. Crête, qui n'assistait pas à la séance de notre sous-comité lors du témoignage de Mme Falardeau-Ramsay... en fait plus de la moitié des plaintes déposées devant la Commission des droits de la personne proviennent de personnes handicapées. Je considère donc qu'il s'agit ici d'une question de droits de la personne et nous devons nous en occuper.

Quelqu'un a-t-il des observations à faire au sujet des soins à domicile? Je crois savoir qu'en certains endroits on peut emporter les couveuses chez soi. Il y a bien des choses que l'on peut faire. Où en sommes-nous?

• 1640

M. David Fransen: Je ne veux pas vous dire très précisément où en sont les discussions sur les soins à domicile. De l'avis de quelqu'un qui, comme moi, siège au sein de la direction de la santé de la population, responsable d'un côté des personnes âgées et de l'autre des enfants, il est très important de faire le lien entre les deux et de s'assurer que les personnes chargées des soins à domicile sachent bien qu'il convient de coordonner l'action des dispensateurs de soins qui sont partagés entre ces deux courants. Nous avons parlé avec les responsables des soins à domicile chargés des négociations en cours.

Voilà tout ce que je peux vous dire pour le moment.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Je vous remercie.

Le coprésident (M. John Godfrey): Larry McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Je tiens à remercier tous les spécialistes qui sont venus témoigner ici aujourd'hui. Vous avez toujours su faire un excellent travail, comme le prouve l'organisation de ce sixième congrès annuel international.

Vous avez été très aimables aujourd'hui. Je siège depuis six ans et demi autour de cette table de DRH et lorsque j'entends les intervenants venus de l'extérieur, je conçois leurs frustrations et j'applaudis leur patience, parce qu'elle est grande.

Alors que l'on s'approche du congrès sur l'intégration des enfants handicapés au sein de la collectivité, grâce à l'excellent travail fait par ce sous-comité—et je félicite les présidents—sur le développement de la petite enfance, comment faire le lien avec la prévention des handicaps? Je parle des faibles taux de naissance ou du syndrome d'alcoolisme foetal. Doit-il y avoir en l'espèce un partenariat? Est-ce que les deux choses doivent être séparées? Comment rapprocher toutes ces choses, monsieur le président?

Mme Connie Laurin-Bowie: C'est une excellente question. Nous faisons réellement des efforts depuis quelque temps pour aborder carrément le problème. Par le passé, nous avons pris l'habitude, nous et les familles, d'oublier la prévention. Cette façon d'envisager les handicaps est axée sur un modèle biomédical. Nous avons été obligés dernièrement de discuter entre nous de ce que nous entendons lorsque nous parlons de prévention.

En fait, les discussions menées au plan international nous ont été très utiles à cet égard. De nombreux organismes internationaux ont une stratégie sur les handicapés qui s'appuie sur la prévention. Il nous faut donc examiner de plus près ce que cela signifie en réalité.

Je vais vous laisser ce document. Malheureusement, je ne l'ai pas en français et je m'en excuse auprès des députés. C'est pourquoi nous ne l'avons pas déposé devant le comité. Nous sommes en train de le traduire et nous le mettrons à votre disposition.

Nous nous rendons compte qu'il ne faut pas oublier la nécessité de faire de la prévention et ce qui nous importe vraiment c'est que l'on oriente certaines stratégies d'investissement en faveur de l'intégration et des perspectives d'intégration qu'offrent les systèmes généraux. Je vais prendre l'exemple de l'enseignement scolaire et je vous prie de m'excuser d'utiliser un domaine de compétence provinciale, mais la démonstration est toujours plus claire lorsqu'on prend l'exemple de l'enseignement pour parler des enfants.

Si l'on met l'accent sur la prévention en matière de handicaps, on évite en fait aux réseaux scolaires et aux éducateurs d'avoir la charge de créer un cadre d'intégration. En conséquence, on crée des classes qui comportent des aménagements. Une classe intégrée, par opposition à une classe qui comporte des aménagements, permet de considérer les besoins des enfants qui sont dans la classe et de se dire, ce petit garçon n'a pas déjeuné ce matin; cette petite fille a des besoins médicaux complexes et une série de handicaps et de besoins de communication; cet enfant est battu et ne peut pas faire ses devoirs le soir. On envisage différemment les problèmes de la classe.

Je prends l'exemple de l'enseignement scolaire parce que je considère que nous devons faire exactement la même chose pour aider les enfants au sein de la collectivité. C'est une façon détournée de dire qu'il ne s'agit pas en fait de ne pas avoir de stratégies de prévention. Nous ne proposerons jamais que l'on ne cherche pas à éviter les accidents. Nous comprenons la nécessité, par exemple, de s'occuper du syndrome d'alcoolisme foetal et de la santé des femmes. Il n'est donc pas question pour nous de dire, par conséquent, qu'il ne faut pas investir dans des stratégies s'adressant aux familles ayant un enfant souffrant du syndrome d'alcoolisme foetal pour tenir compte des besoins de ces familles, de la nécessité des services de relève, etc. Il s'agit donc en fait d'investir et d'adopter un point de vue plus équilibré.

• 1645

Mme Sherri Torjman: Permettez-moi d'ajouter que, selon notre manière d'envisager la question, un dispositif destiné à favoriser le développement de la petite enfance exige que l'on s'occupe aussi de toute la période périnatale afin de disposer d'un système à proprement parler, c'est-à-dire d'un ensemble de mesures complètes et intégrées.

Par l'intermédiaire du ministère de la Santé, le gouvernement fédéral a financé plusieurs importantes initiatives en ce domaine, projets qui, selon nous, devraient être élargis afin, justement, de constituer ce réseau intégré de soins dont le besoin se fait sentir. Je vous sais gré, par conséquent, d'avoir posé la question.

Le coprésident (M. John Godfrey): Sharon.

Mme Sharon Hope Irwin: Permettez-moi d'ajouter quelque chose à ce que Connie disait tout à l'heure au sujet de l'école, car aux trois ou quatre enfants dont elle a évoqué le cas, il convient d'ajouter les 16 ou 20 autres qui, eux, ont pris un petit-déjeuner, ne présentent aucune déficience et équilibrent un peu, si vous voulez, l'ambiance scolaire, ou bien qui, simplement, ont trouvé place dans un bon programme de développement de la petite enfance, car ce paragraphe s'adresse aussi à eux.

Lorsqu'on opère une sélection et qu'on obtient une classe uniquement composée d'enfants à risque, on néglige l'équilibre naturel avec ses possibilités d'apprentissage et de socialisation, qui font partie d'une bonne éducation et qui sont essentielles au succès des programmes de développement de la petite enfance.

Le coprésident (M. John Godfrey): Larry avait un commentaire à faire.

M. Larry McCormick: Oui, monsieur le président, un rapide commentaire avant de céder la parole.

Je suis conscient, mesdames et messieurs les témoins, que vos efforts et vos initiatives en vue d'intégrer davantage à la communauté les enfants handicapés sont dans l'intérêt de tous et contribuent au renforcement de nos communautés.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. John Godfrey): David.

M. David Fransen: Permettez-moi d'ajouter que, sur cette question, on est souvent tenté... Rappelons les contraintes au niveau des ressources. Chaque intervenant doit opérer des choix et de là on procède, inévitablement, à la fixation de priorités. Qu'il s'agisse d'insuffisance pondérale à la naissance ou de SAF, comment décider, parmi toutes ces situations problématiques, celles sur lesquelles il convient de se pencher?

C'est Connie, je crois, qui a dit tout à l'heure qu'il n'y a pas de système pour accueillir les parents d'enfants ayant des besoins particuliers. Interrogés à ce sujet, ils vous répondront qu'en plus d'une aide financière, en plus de répit, ce dont ils ont besoin c'est d'une meilleure coordination. Quelqu'un peut-il nous aider à coordonner tous les services qui sont, certes, disponibles mais en ordre dispersé? On a trop tendance à perdre de vue cet aspect de la question.

On trouve, dans diverses régions, des exemples très intéressants de circonscriptions administratives qui ont su cerner ce besoin de concentrer sur un problème donné ou sur une famille donnée tout un faisceau de services. Aucun service ne peut à lui seul suffire à cette tâche mais, très souvent, le parent ou la famille concernés doivent se débrouiller tout seul pour trouver les services disponibles.

Ainsi, les municipalités et les provinces pourraient, pour faire oeuvre utile, promouvoir une meilleure coordination des services.

Il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de me rendre en Saskatchewan. Les autorités provinciales y ont créé des comités régionaux intersectoriels. Il s'agit d'organismes qui, dans les diverses régions de la province, subventionnent et coordonnent l'action des services disponibles dans une municipalité donnée. Vous avez ainsi des gens qui se réunissent et qui étudient les besoins en ce domaine. Cela crée une synergie et un effet de levier qui décuple l'efficacité de l'investissement initialement consenti par la province.

Je dis simplement cela parce que c'est un moyen d'accroître la productivité des crédits disponibles, et qui pourraient, autrement, être consacrés à un programme précis, mais je crois que ce genre d'effort est nécessaire car les intéressés n'ont pas eux-mêmes les moyens d'aboutir à une telle coordination.

Le coprésident (M. John Godfrey): McCormick, vous avez vraiment lancé un mouvement.

Je donne la parole à Dawn, puis à Connie.

Mme Dawn Walker: Il faut faire bien attention lorsqu'on affirme que la coordination des services permet d'accroître la productivité des crédits engagés, car dans les entrevues que nous avons menées dans le cadre de la Convention relative aux droits de l'enfant, lorsque nous avons réuni des experts de toutes les régions du pays pour se pencher sur la situation actuelle, cette question de la coordination à tel ou tel échelon gouvernemental a fait l'objet d'un certain nombre de mises en garde.

• 1650

Souvent, en effet, cette coordination gouvernementale entraîne une baisse du nombre de services offerts aux familles. Plutôt qu'une coordination par l'autorité accordant la subvention, il semble préférable de beaucoup de faire de la coordination un service à part, indépendant du bailleur de fonds. Il existe une foule d'exemples—que peuvent confirmer ici toutes les personnes qui travaillent auprès de ces familles—où, sous prétexte de coordination, on réduit en fait les services dont peuvent bénéficier les familles. Les parents, notamment lors des travaux en marge de la convention, ont souvent fait valoir que la coordination et l'aide à la coordination leur facilitent sans aucun doute la tâche. Les parents, en effet, se heurtent souvent à un certain nombre d'incohérences bureaucratiques. Ainsi, la gestion même des soins dont peuvent bénéficier leurs enfants les empêche parfois d'occuper un emploi. Mais, en réalité, on s'aperçoit que sous prétexte de coordination, on a en fait réduit les services disponibles.

Permettez-moi d'ajouter ceci. J'aimerais bien pouvoir trouver un autre mot car il ne s'agit plus ici de services à proprement parler. Il faudrait changer de vocabulaire. Les enfants éprouvant des besoins particuliers ont des droits. Il s'agit, en effet, de droits de la personne. La convention le prévoit d'ailleurs très clairement; plusieurs d'entre nous nous sommes penchés sur la question. L'appui aux familles d'enfants éprouvant des besoins particuliers, ou exigeant des soins spéciaux ou des traitements facilitant l'intégration des enfants handicapés, ne doit pas être considéré comme une sorte de complément de service consenti par une société prospère pendant une partie de l'enfance. Il s'agit bien d'un droit. Il s'agit d'un droit de la personne, en l'occurrence du droit qu'ont les enfants à une enfance véritable, et le droit de participer, avec leur handicap, selon leurs talents et leurs capacités.

C'est un des thèmes qui revient constamment dans la convention. Il faut changer le vocabulaire afin de bien faire ressortir qu'il s'agit d'une question touchant aux droits de la personne et non pas d'un privilège ou d'un complément de service consenti par une société prospère.

Le coprésident (M. John Godfrey): Nous passons maintenant, très brièvement, à un dernier commentaire de Connie.

Mme Connie Laurin-Bowie: J'aimerais ajouter deux choses à ce que Dawn vient de nous dire. Nous avons travaillé un peu auprès de familles d'enfants aux besoins médicaux complexes et c'est l'exemple parfait d'une situation où il faudrait coordonner les services et les soutiens. Il y a, à cette question, deux aspects.

Le premier est le temps nécessaire à la planification. Dans les projets pilotes d'appui à cette planification, une des difficultés fréquemment rencontrées se situe au niveau de l'indépendance du processus de planification, car ce processus ne doit pas être déterminé par l'organisme prestataire ou par les intervenants professionnels. On ne veut pas, en effet, que les gens se voient imposer une définition de leurs besoins en fonction de considérations propres non pas à l'intéressé mais à l'organisation prestataire. Sur ce point-là, je suis en parfait accord avec ce que Dawn nous disait tout à l'heure. Nous n'avons pas trouvé le moyen de créer des lieux d'indépendance dans le soutien de la planification et de mettre en place des mesures de soutien à cette planification, dont l'action se fonderait sur les besoins mêmes des familles et non pas sur les exigences administratives.

La deuxième chose, étroitement liée à la première et s'inscrivant elle aussi dans ce que Dawn nous disait des droits de la personne, c'est que des familles ont fait valoir que les services auxquels a accès un enfant handicapé ou dont l'état médical exige des soins adaptés, occupent souvent beaucoup trop de place dans la vie des enfants. Ainsi, l'enfant, pour pouvoir bénéficier du service ou du soutien que justifie son état, se verra, par exemple, contraint de rester à la maison et de ne pas aller à l'école.

Dans ces cas-là, les services nécessaires s'imposent à la famille de manière trop envahissante. Or, comme il s'agit souvent d'un service vital, l'école et les services sociaux ont tendance à passer bien après, ce qui prive la famille d'un certain nombre de points d'appui naturels au sein de la communauté.

Le titre de notre conférence, l'Intégration communautaire des enfants handicapés, est une appellation qui se veut volontariste. Comme vous êtes nombreux à le savoir, nous ne faisons qu'accueillir ce congrès au Canada. Il se déroulait avant sous le titre de la «Communauté au service des enfants handicapés». Cela veut bien dire ce que cela dit: Il nous faut faire en sorte que les services ne finissent pas par contrôler et définir le profil et l'activité des familles, mais répondent effectivement aux besoins individuels et familiaux découlant de tel ou tel handicap, afin que la famille puisse continuer à fonctionner normalement au sein de la communauté. Notre manière d'organiser les services peut nuire aux appuis dont les familles pourraient normalement bénéficier au sein de leur communauté.

• 1655

Le coprésident (M. John Godfrey): Je vous remercie.

Je dois bien tenir compte du fait qu'il y a six personnes, si je me compte moi-même, qui auraient des questions à poser et qu'il y a de nombreuses personnes qui auraient des choses à dire. Or, je crois savoir que nous allons devoir aller voter à 17 h 30.

Est-ce bien cela?

Il nous va donc nous falloir tous faire preuve de discipline.

Un rapide commentaire que j'adresse à mon coprésident avec, je l'espère, l'approbation de nos recherchistes et de nos greffiers. Il s'agit de quelque chose que Sharon proposait tout à l'heure et qui nous serait très utile. Il nous faudrait, je pense, prévoir, à l'avenir, une séance conjointe supplémentaire afin de procéder à un examen systématique des sept points inscrits dans le discours du Trône, concernant le programme national pour l'enfance, dans la double perspective des enfants à risque ou même la triple perspective des enfants en difficulté et des familles éprouvant des besoins particuliers.

On nous a cité, sur chaque point, des exemples très utiles: les rigidités d'un système d'absences ne tenant pas compte des réalités, des politiques encourageant une meilleure ambiance dans les lieux de travail, souci qui revêt une importance particulière pour les familles d'enfants en difficulté. Il serait, je crois, très utile de pouvoir examiner tout cela de manière plus systématique dans le cadre d'une séance conjointe.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Et même s'ils pouvaient... Mais peut-être ont-ils déjà fait le travail.

Le coprésident (M. John Godfrey): Vous avez peut-être déjà examiné la question, collectivement ou individuellement. Cela nous permettrait, je crois, d'aborder la question de manière plus systématique.

Mais ma question est la suivante. Un des sept éléments que je viens d'évoquer serait la mise en place, au niveau communautaire, d'un plan d'action national pour le développement de la petite enfance, de concert avec les provinces, et cela d'ici décembre 2000. Je crois que les trois éléments potentiels d'un tel plan seraient les services périnatals, le soutien aux parents, la garde des enfants et l'éducation en bas âge.

Les services périnatals répondent en partie à un souci de prévention. En intervenant sans délai, comme dans le cas de la mère qui veut allaiter son bébé atteint du syndrome de Down, on voit tout de suite que, dans la mesure où c'est le handicap qui justifie ce surcroît de services apportés aux familles, la notion de soutien aux parents pourrait très bien reconnaître l'importance de leur ménager des temps de répit.

Bien évidemment, il faut également améliorer l'accès aux garderies, mais comment donner à ce projet qui devra être entrepris conjointement avec les provinces son expression conceptuelle la plus simple? S'agit-il, essentiellement, de prévoir pour les divers services un moyen de mesurer le rendement ou les résultats? Faut-il vraiment entrer dans le détail de l'activité des divers services? Je pars à la pêche aux idées.

Sherri, auriez-vous quelque chose à nous dire sur ce point?

Mme Sherri Torjman: C'est, effectivement, un point important.

D'après moi, il s'agit d'intervenir de bonne heure et cela est, dans tous les cas, un principe essentiel. Il faut bien s'entendre sur le fait qu'il s'agit d'un droit car cette question- là me paraît fondamentale. Je crois que c'est la clé de voûte du système qui pourrait être mis en place, et cela, indépendamment de la question du rendement.

Le coprésident (M. John Godfrey): Il est ironique qu'en voulant agir dans un contexte plus large que celui des enfants à risque ou des enfants démunis, nous soyons passés à une notion qui englobe tous les enfants. Mais en parlant de «tous les enfants» il ne faut pas perdre de vue que cela comprend très spécifiquement les enfants handicapés.

Quelqu'un aurait-il quelque chose à ajouter sur cela avant que nous passions à la question suivante.

Connie, puis Dawn.

Mme Connie Laurin-Bowie: Il est dangereux de nous demander si nous avons quelque chose à dire.

Des voix: Oh, oh!

Mme Connie Laurin-Bowie: Je dois dire, très rapidement, que nous nous sommes penchés sur cette question car, à un niveau si général, il est difficile de garder à l'esprit le fait qu'il s'agit d'intégrer les enfants handicapés.

Que devons-nous entendre par cela? Cela ne veut aucunement dire que... Sherri a raison. Il faut que, dès le départ, l'on précise bien ce qu'on entend par l'intégration d'enfants handicapés car nous ne voulons pas créer une cloison entre les centres de soutien aux parents en général et les services mis à la disposition des enfants handicapés. Si nous créons des centres de soutien aux parents, il faut qu'ils soient ouverts aux familles d'enfants handicapés.

Le coprésident (M. John Godfrey): Dawn, avez-vous, très rapidement, quelque chose à rajouter ou devrions-nous passer immédiatement à la question suivante?

• 1700

Mme Dawn Walker: J'aimerais, très brièvement, ajouter quelque chose. C'est d'ailleurs lié à ce que nous avons dit plus tôt au sujet de l'action des provinces.

Il y a quelques années, alors que j'occupais un poste au ministère fédéral de la Santé, j'ai, à plusieurs reprises, demandé ce que nous faisions pour les enfants handicapés. À l'époque, on envisageait la situation des enfants handicapés exclusivement en termes de soins et de traitements, c'est-à-dire de choses relevant des compétences provinciales. Au ministère fédéral de la Santé, pendant longtemps, on ne s'est pas précisément occupé des enfants handicapés.

Notre réflexion a évolué à cet égard: il s'agit maintenant de faire en sorte que les enfants handicapés puissent vivre normalement et cela fait partie intégrante de notre action au niveau de la santé de la population. Tout à coup, nous avons commencé à intégrer les enfants dans le cadre de nos analyses générales de la population. Il s'agit d'un mouvement que j'ai pu constater même au niveau de l'action menée par le ministère. Cette évolution qui part d'une approche privilégiant les soins et le traitement et qui englobe maintenant l'intégration à la vie sociale a pris un certain nombre d'années.

Une voix: Une sorte de citoyenneté à part entière.

Mme Dawn Walker: Oui, c'est une question de citoyenneté.

Le coprésident (M. John Godfrey): Monsieur Pagtakhan.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Monsieur le président, me permettez-vous un commentaire?

Le coprésident (M. John Godfrey): Un rapide commentaire avant de donner la parole à Mme St-Jacques.

M. Rey Pagtakhan: Monsieur le président, vous avez posé la question des résultats mesurables. Je crois que la question a également été évoquée par Mme Torjman.

Je crois que nous nous penchons ici sur les enfants et sur la petite enfance, mais c'est sur la notion de développement qu'on nous interpelle lorsqu'il s'agit de résultats mesurables. L'on distingue immédiatement deux catégories d'enfants: les enfants handicapés et les autres. En ce qui concerne les enfants handicapés, on a dressé plusieurs catégories qui sont fonction de la gravité de leur état.

Peut-on nous dire et, plus particulièrement, pouvez-vous, vous les experts, nous dire ce que le Premier ministre a déclaré au sujet des résultats mesurables et réalistes, et si, notamment, il s'agit d'un objectif susceptible d'être atteint. Sinon, pouvez-vous nous dire ce que nous devrions lui répondre. Mais, dans la mesure où il s'agit effectivement d'un objectif réalisable, abordons la question de manière systématique au niveau du développement.

Je suis pédiatre de formation. Il y a la croissance et le développement normal des enfants, dont certains ont un handicap. En raison de ces handicaps, les étapes du développement, les résultats mesurables donc, vont varier au sein d'une classe d'âge. Si vous n'assurez pas à ces personnes-là certains services, leur handicap risque de s'aggraver étant donné leurs conditions de départ. C'est de concert avec les spécialistes du développement de l'enfance qu'il faudrait nous pencher sur la notion de résultats mesurables. Il s'agit là d'une question à laquelle nous allons devoir trouver réponse.

Ma dernière observation, monsieur le président, est la suivante. J'ai relevé avec intérêt le fait que Mme Walker y voie une question touchant les droits de la personne.

Il faut être direct avec nous. Autrefois, la situation des personnes handicapées relevait du Comité permanent des droits de la personne. Aujourd'hui, elle a été confiée au Comité permanent du développement des ressources humaines. Aujourd'hui, l'officier de santé nous a dit... Mais qui assure la coordination? Pourriez-vous nous le dire? L'approche fédérale est-elle la bonne? La question relève-t-elle du Développement des ressources humaines? Ou relève- t-elle plutôt du ministère de la Santé? D'après vous, quel organisme devrait être chargé de la coordination au nom des personnes handicapées alors que nous nous penchons sur la question des enfants handicapés et du développement de la petite enfance? Sans cela, je vais être déçu. Alors que j'écoutais, monsieur le président, six questions me sont passées par l'esprit mais je ne vais même pas en poser une...

Le coprésident (M. John Godfrey): Voilà un commentaire rapide d'un intérêt remarquable, et qui soulève d'importantes interrogations. Pourquoi ne pas scinder la question en deux, d'un côté la question des résultats mesurables, et de l'autre ce que l'on pourrait appeler la question de la responsabilité qu'a soulevée le Dr Pagtakhan?

Qui veut répondre à la question concernant les résultats mesurables?

Mme Connie Laurin-Bowie: Si vous le permettez. Nous voulons sans doute tous intervenir sur ce point, et je vais essayer d'être aussi brève que possible.

La question des résultats mesurables concerne nos objectifs vis-à-vis des enfants. Je suis tout à fait opposée à l'idée que ce qu'il nous faudrait mesurer chez les enfants c'est leur capacité à occuper un travail à l'avenir ou à entretenir une activité économique.

En tant qu'association familiale, nous estimons que tous les membres de notre société peuvent contribuer différemment et diversement à l'activité générale, chacun selon ses aptitudes, selon ses capacités. En ce domaine, il s'agit, en matière de mesure, de voir si l'on parvient effectivement à donner aux enfants les possibilités de contribuer en fonction de leurs diverses aptitudes... Les spécialistes de la petite enfance savent comment faire cela. Ils le font déjà. Ils ne fixent pas d'avance les étapes du développement de l'enfant, mais cherchent à mesurer si, par des mesures adaptées, ils parviennent à répondre aux besoins de l'enfant. C'est donc le système que l'on doit mesurer et non pas l'enfant.

• 1705

Les gens ont parfois du mal à comprendre cela. Ce que nous voulons, c'est investir davantage dans les enfants afin qu'ils puissent être, de manière générale, plus productifs. Voilà pour nous la question essentielle.

Le coprésident (M. John Godfrey): Y a-t-il d'autres observations qui pourraient être faites rapidement au sujet des instruments de mesure?

Mme Sherri Torjman: Une observation rapide, s'il vous plaît. Nous avons dit combien nous étions préoccupés par cette idée de résultats mesurables qui semble avoir été adoptée par le gouvernement et par l'opinion publique, et qui biaise une grande partie des efforts entrepris.

Nous avons rédigé une étude intitulée Are Outcomes the Best Outcome. Je crois que la notion de mesure n'est pas inintéressante mais nous allons devoir faire preuve d'une grande prudence à cet égard. Il faut tenir pleinement compte des autres aspects de la question, des autres indices de succès et aborder la question des résultats mesurables avec une intelligence beaucoup plus large.

M. Rey Pagtakhan: Monsieur le président, j'aimerais, très rapidement, proposer quelque chose.

J'écoutais avec beaucoup d'attention ce que vous venez de nous dire, et je suis tout à fait d'accord avec vous. En l'occurrence, nous pouvons admettre la nécessité de résultats mesurables, mais nous ne sommes pas nécessairement tous d'accord sur la manière de définir ces résultats mesurables.

Je suis d'accord sur ce que vous venez de nous dire au sujet d'une conception des résultats mesurables uniquement liée aux gains potentiels... Il s'agit d'enfants normaux qui sont appelés à un avenir productif. Mais il y a des résultats mesurables dans la définition desquels doivent intervenir les valeurs fondamentales de notre pays. Il s'agit de la qualité de la vie et pas nécessairement de l'indépendance salariale. Si nous sommes d'accord qu'il s'agit là de deux résultats mesurables, nous pouvons interpeller les décideurs sur le second volet de la question, qui est l'aspect le plus épineux. Cela ne veut pas dire cependant que nous pouvons abdiquer nos responsabilités.

Je suis d'accord avec tous ceux qui rappellent qu'on ne peut pas ranger tous les enfants dans une même catégorie. Cela est impossible, inhumain, injuste et contraire à nos principes.

Le coprésident (M. John Godfrey): Oui.

Dawn, avez-vous, très rapidement, quelque chose à ajouter, soit sur cela, soit sur la question de la responsabilité?

Mme Dawn Walker: J'aimerais dire un mot sur la question des données. Il s'agit d'un problème qui confronte les responsables du monde entier. Nous avons appris certaines leçons applicables à l'élaboration des questionnaires permettant de recueillir des données sur la santé, et particulièrement sur celle des enfants. Mais je crois que certaines des leçons que nous avons apprises... Le comité entendra peut-être... Je ne suis pas certaine que vous ayez eu l'occasion de vous entretenir avec les personnes qui élaborent ces questionnaires dans l'optique, justement, des leçons que nous avons apprises en matière de collecte des données sur la santé des enfants.

Puisqu'il est prévu de raccourcir le questionnaire, on s'interroge quant à la qualité des questions et notamment quant à l'idée d'éliminer les indicateurs concernant les sentiments des familles quant au degré d'intégration de leurs enfants. Certains estiment que cette question n'est pas très importante. Avant de lancer l'enquête nationale, il faudrait peut-être s'entendre sur ce genre de choses.

Mme Sharon Hope Irwin: M'accordez-vous une minute?

Le coprésident (M. John Godfrey): Vous avez la parole.

Mme Sharon Hope Irwin: Je voulais revenir brièvement à la question des aptitudes, qui est, en début de scolarité, l'instrument de mesure de base. Je vous rappelle ma conversation, pendant le voyage, avec mon ami Paul qui me disait «Certains d'entre nous n'y parviendront pas, quels que soient les efforts consentis».

C'est à ce niveau-là que je pose la question. Allons-nous écarter les enfants comme Paul Youngs après avoir décidé qu'ils ne sont pas aptes à l'école et qu'on ne peut pas faire grand-chose pour y remédier pendant la petite enfance? Cela n'est en fait pas exact. C'est bien pour cela que les spécialistes de l'éducation en bas âge, ainsi que de nombreux éducateurs qui se consacrent aux enfants en difficulté ont élaboré des programmes individualisés à l'intention des enfants qui ne répondent pas aux critères ordinaires, mais qui sont parfaitement capables de progresser au regard de leurs propres aptitudes.

Sonia représente un autre cas. Je disais qu'on ne trouvait, chez Sonia, pas de progrès mesurables justifiant le recours à un programme de développement de la petite enfance. Certains enfants auraient mieux correspondu aux critères d'aptitudes scolaires si on les avait retenus. Il faut avancer avec beaucoup de précaution. N'oublions pas qu'en l'occurrence l'enjeu était énorme, mais que les résultats ont été mesurés au regard du fonctionnement de la famille tout entière, puis, en fin de compte, au regard de critères quantifiables et du simple fait qu'il était possible de garder Sonia à la maison. Dans nos efforts en vue de trouver des instruments de mesure objectifs, on a trop tendance à ne pas tenir compte de ce genre de choses.

• 1710

Mme Connie Laurin-Bowie: Je tiens à préciser que mon argument s'écarte un petit peu de ce que disent les autres témoins. Je ne prétends aucunement qu'il faudrait, pour les enfants handicapés, adopter des mesures distinctes. Ce que je dis, c'est qu'il nous faut réexaminer les mesures que nous avons élaborées pour l'ensemble des enfants.

Je ne sais pas si je me fais bien comprendre, car nous avons élaboré des instruments de mesure à l'intention des enfants, mais nous savons également qu'il nous faut tenir compte des enfants qui ne correspondent pas aux étapes habituelles du développement et que, pour eux, nous devrions élaborer des critères de développement différents. Or, ce n'est pas du tout ce que nous disons. Ce que nous proposons—je crois pouvoir dire «nous»—c'est de réexaminer les instruments de mesure applicables aux enfants et la question même de savoir si l'on devrait chercher à mesurer leur développement. Peut-être que ce sont nos systèmes qui devraient être évalués et non pas les enfants.

Le coprésident (M. John Godfrey): Voilà de quoi alimenter tout un débat.

Mme Connie Laurin-Bowie: C'est en effet une question fondamentale.

[Français]

Le coprésident (M. John Godfrey): Madame St-Jacques.

Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): Je vais essayer d'intervenir rapidement parce que je sais que d'autres collègues souhaitent poser des questions et qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps. On sait que pour faire avancer une cause, il faut souvent avoir l'opinion publique derrière soi. On sent que la population manque d'information au sujet de la déficience intellectuelle. On constate d'ailleurs ce manque au Québec ces temps-ci. Lorsqu'on commence à parler d'autisme, les gens pensent qu'on parle d'une maladie des oreilles, ce qui n'a aucun rapport. Il y a une peur chez les gens; on a peur d'en parler quand ça arrive dans notre famille, ce qui crée l'isolement. Les gens ont également peur de se retrouver face à des gens, adultes ou enfants, qui ont une déficience intellectuelle. Les gens pensent pratiquement que c'est une maladie contagieuse. Je me demande ce qu'on fait actuellement en vue de sensibiliser la population et plus particulièrement ce que pourrait faire le gouvernement à ce chapitre.

Comme on l'a vu, on fait des campagnes de sensibilisation au sujet du sida, une maladie autrefois dénigrée face à laquelle la population fait aujourd'hui preuve d'ouverture. Elle n'accepte toujours pas cette maladie, mais elle est prête à prêter son aide et à faire avancer cette cause. Il me semble qu'on ne voit rien du genre au niveau de la maladie mentale. Je suis peut-être mal informée. Il n'y a pas beaucoup de campagnes de sensibilisation au sujet de la maladie mentale. Que pourrait-on faire pour améliorer la situation?

[Traduction]

Mme Dawn Walker: Il s'agit d'une question qui me tient vraiment à coeur.

J'ai, dans mon porte-documents, une édition récente du magazine Maclean's. J'ai passé la matinée en conférence avec les producteurs canadiens des produits chimiques. Je vais vous laisser cet exemplaire. On commence à s'interroger sur l'augmentation des troubles de l'apprentissage, l'hyperactivité avec déficit de l'attention et toutes sortes de problèmes neuro-comportementaux ainsi que des maladies mentales. J'évoquais, devant vous, au sujet des troubles liés à l'environnement, le quadruplement des cas d'asthme, et l'augmentation annuelle de un pour cent des cancers chez les enfants, entre autres.

L'Institut, avec plusieurs autres organisations, a demandé au gouvernement de créer une commission sur la protection de la santé environnementale des enfants. Cela a fait l'objet d'une recommandation unanime du Sénat et plusieurs d'entre vous ont pris part à cette décision.

Il faut trouver le moyen d'intégrer à ce dossier la santé environnementale des enfants. Il faut absolument l'intégrer car nous nous apercevons, de plus en plus, que les enfants sont affectés par l'environnement, notamment en raison de leur exposition à divers produits chimiques. Nous allons continuer à oeuvrer de concert avec nos collègues des ministères fédéraux de la Santé et de l'Environnement et avec nos collègues dans d'autres pays afin d'essayer de trouver de nouveaux indicateurs de la santé des enfants. Même au niveau des malformations natales, l'environnement intervient. Ainsi, lorsque vous constatez le nombre d'enfants handicapés, vous commencez, bien sûr, à vous interroger sur les causes environnementales.

Mme Sherri Torjman: Puis-je répondre très brièvement à cela? Vous demandiez tout à l'heure ce que pourraient faire les gouvernements afin de mieux faire connaître certaines de ces questions.

Je vous cite ici un tout petit exemple de ce qui peut se faire. À l'heure actuelle, un groupe de travail fédéral-provincial- territorial sur les handicaps est en train de préparer un rapport destiné au public. Une partie du rapport sera consacrée aux pratiques exemplaires en matière d'activités communautaires. Il s'agit de nous pencher sur notre manière de faire et sur ce que nous devons tenter de bien faire, et de solliciter le témoignage de personnes qui ont réussi à faire quelque chose ou qui peuvent citer des exemples susceptibles d'éclairer notre démarche.

Voilà une initiative qui a été prise par le gouvernement et je crois que c'est au moins un début. C'est un début modeste, certes, mais je crois qu'il est important car il encourage le dialogue et le débat sur ces pratiques souhaitables.

• 1715

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): J'aimerais demander à Deborah quand nous pourrons obtenir ce rapport.

Mme Deborah Caron Tunis (directrice, Développement des politiques sociales, ministère du Développement de ressources humaines Canada): Nous espérons que les ministres des services sociaux seront en mesure de le rendre public à l'automne, lors de leur réunion. Le rapport est en cours de rédaction préliminaire et, la semaine prochaine, il y aura une réunion des représentants communautaires et du groupe de travail FPT. Sherri ne se joindra pas à nous, mais Anne Makhoul, de Caledon, et Gail Fawcett y seront pour faire état de tous ces exemples. Nous espérons que cela sera prêt à l'automne.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Et les divers intéressés ont été invités à participer à ces travaux? Qu'est-ce qui a été prévu à ce niveau-là?

Mme Deborah Caron Tunis: Oui, il y a un groupe de dix représentants des organisations provinciales et nationales et c'est ainsi que Charlie Macdonald, qui est venu témoigner la semaine dernière, représentera la Nouvelle-Écosse, Rick Goodfellow l'Alberta, ainsi que Laurie Beachell et Diane Richler.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Excellent.

Mme Connie Laurin-Bowie: J'aurais deux choses importantes à ajouter au niveau des initiatives que pourrait prendre le gouvernement.

La société civile est un immense vecteur de la conscience publique et nous éprouvons de plus en plus de difficulté au sujet des personnes handicapées. De plus en plus, on nous considère comme un organisme de services et nous avons de plus en plus de mal à remplir notre rôle en matière de pédagogie sociale. Nous nous penchons actuellement sur la question et je ne vais donc pas en dire plus pour l'instant.

Je ne veux pas non plus quitter cette réunion sans rappeler que, la semaine prochaine, la Cour suprême va se pencher sur l'affaire Robert Latimer. Je dois dire qu'à mon avis, cette affaire a sa source dans une dévalorisation de Tracy Latimer. En effet, certaines personnes ne voient pas, dans ce dossier, une affaire de meurtre étant donné que cette petite fille était atteinte d'une sérieuse déficience intellectuelle. Il s'agit là essentiellement d'un problème de conscience publique car il y a une dévalorisation de la vie humaine.

Ce que les gouvernements pourraient donc faire, c'est s'abstenir de promouvoir des textes législatifs prévoyant une responsabilité atténuée pour les personnes qui tuent leurs enfants handicapés.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Merci beaucoup.

Trois autres membres du comité sont appelés à intervenir et je me demande si vous ne voudriez pas prendre stylo en main. Nous demanderions alors aux membres du comité de poser leurs questions ou de faire leurs observations, puis vous pourriez, dans le cadre de vos observations finales, répondre à certaines d'entre elles. Bientôt, nous ne pourrons plus rien entendre car la sonnerie va retentir.

Wendy Lill.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.

Je suis heureuse de vous retrouver ici. Je dois dire que cette séance est pour moi un peu pénible en raison de la charge émotionnelle des problèmes évoqués.

Je suis tout à fait d'accord avec vous à l'égard de Tracy Latimer. Car le procès porte, en effet, sur Tracy Latimer. Il s'agit d'une petite fille qui a été assassinée. Quels qu'aient pu être les motifs ayant poussé son père à faire cela, il n'en reste pas moins qu'une petite fille a perdu la vie en raison de la décision prise par quelqu'un d'autre. J'ai de très fortes convictions sur ce point.

Je m'intéresse de près, Sharon, aux jeunes handicapés et j'élève moi-même un enfant handicapé. Je suis donc parfaitement consciente que les soutiens à l'intégration sont insuffisants, comme ils le sont partout d'ailleurs. Il faut que cela soit dit.

Il faut rappeler qu'en Nouvelle-Écosse, ils ont rogné, dans les garderies, les services destinés aux enfants malentendants, même si je crois savoir qu'ils ont restitué une partie de ce qu'ils avaient retiré. Les écoles manquent désespérément de ressources et les soutiens à l'intégration sont tellement minces que personne ne comprend vraiment de quoi il s'agit étant donné l'insuffisance des initiatives dans ce domaine. Il est clair que dans le cadre de leur formation, les infirmières devraient apprendre à montrer aux mères d'enfants atteints du syndrome de Down comment allaiter leur enfant. C'est aussi une question de formation. Il s'agit de la formation des enseignants.

Il y a une autre question que je voudrais évoquer, tout en sachant que je m'écarte un peu de la question des enfants, mais il s'agit d'une crainte éprouvée par tous les parents. Il nous faut, en tant que parents d'enfants handicapés, songer à l'avenir. On constate actuellement en Ontario une tendance qui risque d'être suivie ailleurs. La législation en matière de santé mentale est en cours de transformation et les ordonnances de traitement communautaire, c'est-à-dire essentiellement des ordonnances de médicalisation, autorisent à soumettre des jeunes, des jeunes contrevenants présentant une déficience mentale ou...

• 1720

Il s'agit de jeunes qui, en bas âge, vont recevoir toute l'aide possible, mais qui, à l'âge de 17 ou de 18 ans, s'exposent, si nous laissons les gouvernements provinciaux engager la privatisation des services de santé mentale, à être mis sous sédation et institutionnalisés. Je regrette, mais c'est ce qui est prévu en Ontario. La Nouvelle-Écosse ne suivra-t-elle pas?

Ne courons-nous pas à la catastrophe quant au sort qui attend nos enfants dans 10 ou 15 ans? Que pourrions-nous faire à cet égard? Je ne veux pas m'écarter du problème de l'enfance, mais songeons à l'avenir et aux mesures qui sont envisagées et qui risquent d'entraîner une violation des droits fondamentaux de nos enfants.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Retenez un instant ce que vous vouliez dire.

Nancy Karetak-Lindell.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Mes questions ont déjà reçu une réponse.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Vraiment? Bon.

Bonnie.

Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Merci, madame la présidente.

Il y a deux points que j'aimerais, très rapidement, évoquer. J'ai beaucoup entendu parler des problèmes éprouvés par les parents qui élèvent des enfants handicapés et qui tentent de veiller à leur épanouissement. Je n'ai pas beaucoup entendu parler, par contre, des enfants qui n'ont pas de parents ou qui ne se trouvent pas dans ce genre de situation familiale. On trouve, dans ces documents, une page intitulée «Enfants et jeunes handicapés» et consacrée au bien- être des enfants, mais on n'y trouve guère autre chose que des statistiques.

Dans vos efforts en vue d'élaborer des politiques de l'enfance handicapée, consacrez-vous des efforts aux enfants se trouvant, disons, dans des foyers d'accueil ou aux enfants confiés à des institutions? Si j'évoque ce problème, c'est que, dans ce monde très matérialiste, je crois que nous allons voir de plus en plus d'enfants abandonnés par leurs parents qui renoncent à les élever, minés comme ils le sont par le stress d'avoir à s'occuper de leurs enfants sans en recevoir les moyens. Dans un nombre croissant de cas, l'État va donc devoir assumer des responsabilités parentales.

Je me souviens du jour où j'ai assisté à la remise du rapport sur l'étude nationale longitudinale. Un des principaux membres du groupe d'étude nous exhortait tous à bien examiner notre manière de faire, non seulement à l'égard de ce que l'on peut considérer comme une famille normale, mais également à l'égard des enfants qui n'ont pas de famille. Dans vos propres travaux, tenez-vous compte de cela?

Ensuite, je cherche à comprendre le lien entre notre discussion d'aujourd'hui et l'activité du ministère du Développement des ressources humaines. Si je vous ai bien compris, vous ne voulez pas que les enfants handicapés soient catégorisés en fonction de leurs ennuis de santé. Vous ne voulez donc pas nécessairement qu'ils soient confiés au ministère de la Santé car s'ils ont, effectivement, des ennuis de santé, ils ont également, dans d'autres aspects de leur existence, des points forts. Vous ne voulez pas non plus que l'on les définisse en fonction de leur potentiel économique—c'est-à-dire en tant que ressource humaine. Vous semblez plutôt être d'accord avec ce comité pour dire, comme il le fait dans son document le plus récent, que les Canadiens sont d'abord des citoyens et non pas des ressources humaines ou des points sur une courbe de l'état de santé. Il s'agit d'abord de citoyens.

Aucun d'entre vous n'a répondu à la question posée par le Dr Pagtakhan sur ce point. Je vous renvoie donc la question et nous allons à nouveau tenter d'y répondre. Bienvenue dans le monde passionnant de la politique.

Des voix: Oh, oh!

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Vous êtes tous invités à répondre aux questions posées par Wendy et Bonnie.

Mme Sherri Torjman: Depuis de nombreuses années, nous nous interrogeons sur cette question. Il y a eu de longs débats afin de savoir s'il devrait exister un ministère chargé des personnes handicapées. La question a été débattue sous tous ses aspects. Je ne suis pas certaine que nous ayons la réponse ou même qu'il y ait vraiment une réponse à cela.

Tout ce que je sais, c'est que la question reste d'actualité et que nous conservons l'espoir de pouvoir faire quelque chose de positif et de constructif afin de parvenir à l'intégration. Cela m'encourage beaucoup. Je crois qu'à l'heure actuelle c'est sur cela que nous devrions insister et faire tout ce que nous pouvons pour vous aider à agir en ce sens.

Mme Connie Laurin-Bowie: En ce qui concerne la responsabilité, si nous n'avons pas de réponse—c'est déjà une bonne manière de répondre—c'est parce que nous nous interrogeons actuellement sur le rôle que le gouvernement fédéral devrait jouer à l'avenir pour promouvoir la citoyenneté entière des personnes handicapées, et sur l'obligation qui lui incombe en ce domaine en raison de la Charte. Dans notre système actuel, hormis les tribunaux, il est difficile de voir quels mécanismes permettraient d'aiguillonner le gouvernement fédéral à agir en ce sens.

• 1725

Cela est difficile et je pense que vous vous interrogez tous sur cela.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): À ce sujet, aviez-vous des recommandations à faire au Comité La Forest pour la réforme de la Commission des droits de la personne?

Mme Connie Laurin-Bowie: Oui, mais il faudrait que je fasse un effort de récapitulation.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Mais pensez-vous qu'il y aurait lieu de confier à la Commission, en matière de vérification, un plus grand pouvoir d'initiative?

Mme Connie Laurin-Bowie: J'essaye de me souvenir de la position que nous avions adoptée à l'égard de l'activité de la Commission des droits de la personne. Je crois qu'il y aurait lieu de nous écarter un peu de ce mécanisme essentiellement fondé sur le dépôt de plaintes, mais je ne me souviens pas exactement du genre de procédure que nous envisagions.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Merci.

Dawn.

Mme Dawn Walker: Je voulais dire un mot des statistiques et aussi de la responsabilité.

Comme je l'ai expliqué avant votre arrivée, ces pages ne sont que des extraits du chapitre intitulé «Enfants et jeunes handicapés» du rapport qui doit être rendu public au mois d'août.

Nous n'avons pas, à proprement parler, de connaissances précises à cet égard. Cette étude nous provient de l'Alberta et nous n'avons pas de données nationales concernant le nombre d'enfants handicapés au sein du système de bien-être de l'enfance. C'est pour cela que les données sont présentées comme elles le sont.

Vos interrogations demeurent valables, et cela dans l'ensemble du pays. Il n'en demeure pas moins vrai que nous n'en savons pas assez sur les enfants qui, au sein du système du bien-être de l'enfance, ont des handicaps—difficultés d'apprentissage ou déficiences physiques—et qui éprouvent, en raison de cela, des besoins complexes.

J'ai également pris conscience du fait que certaines familles ont plus d'un enfant et que, souvent, les enfants handicapés ont des frères ou soeurs, eux aussi handicapés. Il y a donc la question du fardeau qui pèse sur les parents qui ont plusieurs enfants handicapés.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Mais l'enquête sur la santé et les limitations d'activités va-t-elle nous permettre de combler ces lacunes si l'on y intègre vos propositions?

Mme Dawn Walker: Non, pas cette absence de connaissances. Elle nous aidera à combler d'autres lacunes, mais pas celle-là. Elle ne comporte aucune question permettant de savoir si telle ou telle personne a été confiée à l'État, ni de question permettant de savoir si telle ou telle personne a des frères ou soeurs.

Je réfléchis également, depuis longtemps, au sein de l'administration et en dehors, à la question des domaines de responsabilité. J'aurais préféré voir retenir un modèle de santé intégrant tous les enfants, y compris les enfants qui ont un handicap.

Je n'en ai même pas parlé à David, mais je crois qu'il s'agirait de confier cela soit au ministère de la Santé soit au Développement des ressources humaines. La décision est difficile mais ce n'est pas pour cela qu'il faut s'y refuser. Nous attendons depuis si longtemps déjà qu'un organisme assume la responsabilité principale à l'égard des enfants handicapés.

D'après moi, peu importe qui en sera chargé. Il faut bien en charger quelqu'un. Il faut que quelqu'un assume la responsabilité principale à l'égard des enfants handicapés et coordonne l'action des autres ministères.

Mme Sharon Hope Irwin: Je sens venir la sonnerie. Elle ne fait pas «tic-toc», mais «dring-dring».

Il y a, pour terminer, deux choses que je voudrais vous dire. Je vais d'abord évoquer la deuxième au cas où je n'aurais pas assez de temps.

Que peut faire le gouvernement? S'agissant des initiatives que pourraient prendre les autorités fédérales-provinciales- territoriales à l'égard des enfants et des familles, c'est-à-dire de ce qu'on peut, d'une manière générale, appeler le programme national pour l'enfance, serait-il possible de faire en sorte qu'on entende par enfance tous les enfants? On ne veut pas que cela s'applique simplement aux enfants dont on peut facilement s'occuper, qui relèvent déjà de programmes d'éducation parentale ou de services de développement de la petite enfance. Il est pénible d'aller dans un centre de formation parentale et de ne pas s'y sentir bien accueilli, ni au niveau des paroles prononcées, ni au niveau de l'ambiance. Les enfants handicapés y ont leur place, c'est clair, et les en exclure c'est faire fi d'une foule de principes auxquels nous sommes attachés.

Ce serait déjà un grand progrès si nous pouvions nous assurer que les provinces ne vont pas écarter de tout cela les enfants handicapés. Cela aurait également un effet d'entraînement car l'expérience a un énorme pouvoir de persuasion.

• 1730

Avant que ne retentisse la sonnerie, j'aimerais enfin dire un mot à Mme Lill.

Lorsque je me spécialisais dans l'éducation des enfants en bas âge, j'ai entendu dire, il y a 20 ans, «C'est facile dans le cadre d'une garderie. C'est vraiment très difficile au jardin d'enfants». Bientôt, on entendait dire, «On peut aussi y parvenir au jardin d'enfants, mais la limite c'est vraiment la première». Puis, on entendait «Mais bien sûr que ça se fait aussi bien au jardin d'enfants qu'à la garderie ou en première. Où cela devient très difficile d'intégrer tout le monde, c'est, disons, à partir de la troisième». Alors que nous progressions, les gens ont commencé à dire «Eh bien, en troisième on y parvient encore, mais où ça devient vraiment difficile, c'est au début des études secondaires». Et maintenant, alors que nous avons assez bien réussi à intégrer tout le monde en début d'études secondaires, les gens disent, «C'est vraiment à l'école secondaire que le problème se manifeste.»

Maintenant nous sommes à la barrière suivante et vous avez raison, il y a un véritable trou noir après la fin des études secondaires et nous n'avons même pas commencé à nous pencher sur la question, si ce n'est en fondant nos espoirs sur un certain nombre de lueurs ou de pratiques exemplaires ou de situations où les gens ont réussi et où cela nous donne des exemples qui méritent vraiment qu'on s'y intéresse.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Wendy, pensez-vous que... ou voudriez-vous reposer votre question?

Mme Wendy Lill: Je crois que l'idée de normes nationales me trouble un peu. Je m'inquiète lorsque je vois des gouvernements provinciaux adopter des mesures qui ne me semblent pas aller dans le sens de l'intégration. Comment le gouvernement fédéral pourrait- il s'opposer à ce genre de mesures.

Comme David le disait, les parents nourrissent des ambitions pour leurs enfants et je dois dire que j'ai pu constater lors de la réunion de l'ACIC, que ce que les parents veulent c'est que le gouvernement s'engage à préserver les droits fondamentaux de leurs enfants. Or, d'après moi, la tendance n'est pas à cela.

Il est bien évident que votre enfant, mon enfant, tous les enfants ont beaucoup en commun. Tous les enfants, quelles que soient leurs aptitudes, sont placés sous le signe d'une même citoyenneté. Comment faire en sorte que le gouvernement national puisse leur assurer à tous les mêmes garanties? J'estime que le gouvernement national doit fixer des normes très exigeantes à cet égard. Comment agir en ce sens?

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Rey, aviez-vous quelque chose à ajouter sur ce point?

M. Rey Pagtakhan: Très rapidement.

Je suis heureux de vous voir évoquer le besoin de retenir une approche fondée sur le bien-être. Je crois pouvoir affirmer que, dans ma circonscription, se trouve un des meilleurs instituts de bien-être de tout le pays, peut-être de toute l'Amérique du Nord. Il y aurait lieu d'y recourir davantage.

Prenons l'exemple des personnes handicapées. J'ai, par exemple, un électeur... Nous avons au moins le mérite de nous pencher, finalement, sur la question.

Je vous invite à voir un peu comment cet établissement pourrait vous aider à avancer votre cause auprès des divers groupes. Appelez cela une étude, appelez cela un projet pilote, mais quelle que soit la forme de votre initiative, il faut lancer cela.

Maintenant, en ce qui concerne les normes, je crois savoir que même le Québec a signé l'accord sur la santé, mais pas l'autre.

D'après moi, tous les états que vous avez évoqués ici dans la catégorie des handicaps ou des conditions chroniques, sont tous, madame Walker, des états de santé. D'après moi, par conséquent—et avec tout le respect que je dois à M. Paul Crête—même le Québec adhérerait à des normes nationales, du moins sur ce point-ci. Je crois que nous pourrions, si nous acceptions de travailler ensemble, faire beaucoup en ce domaine.

Je n'en dirai pas plus.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): C'était un message publicitaire du Manitoba.

[Français]

Monsieur Crête.

M. Paul Crête: Il n'y a pas de problèmes au niveau des normes nationales; c'est la nation qu'il faut définir. Ça, c'est une autre question.

Madame Walker, vous nous demandiez comment nous pourrions nous assurer qu'il y ait imputabilité face au respect des dispositions de la Convention internationale des droits des enfants. Ne serait-ce pas en faisant en sorte que les gouvernements provinciaux s'assoient à la même table que le gouvernement fédéral lorsque vient le temps de répondre du respect des dispositions prévues dans cette charte? Ne serait-ce pas une bonne façon de les rendre imputables de cette situation, plutôt que de créer artificiellement une responsabilité au gouvernement fédéral? L'absence de statistiques dont on parlait tout à l'heure découle du fait que le gouvernement fédéral n'a pas les outils pour faire ça. Ce n'est pas des ses affaires.

Le coprésident (M. John Godfrey): Était-ce un commentaire?

• 1735

[Traduction]

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Nous allons l'interpréter comme un commentaire.

J'estime que cet après-midi, nous avons beaucoup appris, notamment sur la question des résultats. En tant que gouvernement, nous voulons savoir si nous atteignons les objectifs que nous avons retenus. Avons-nous posé les bonnes questions? Sommes-nous en train de mesurer ce qu'il y aurait effectivement lieu de mesurer? Ce nouveau projet sur la qualité de la vie et la pleine citoyenneté est un vaste chantier, mais c'est formidable de pouvoir travailler avec des gens comme vous.

Encore une fois, merci.

Des voix: Bravo! Bravo!

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): La séance est levée.