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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 novembre 1999

• 1533

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte conformément au mandat que nous confère le paragraphe 108(2) du Règlement, pour étudier la productivité, l'innovation et la compétitivité.

Nous avons le grand plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Art Carty, président du Conseil national de recherches. Il est déjà venu ici et nous apprécions vivement qu'il soit revenu nous informer une fois de plus. Monsieur Carty.

M. Arthur J. Carty (président, Conseil national de recherches du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente. Je voudrais commencer en disant combien nous avons apprécié le soutien que le Comité de l'industrie nous a apporté dans son dernier rapport. Je vous remercie de m'avoir invité, une nouvelle fois, pour vous parler de l'innovation, de la R-D et de la productivité. Je voudrais vous présenter mon exposé... Ai-je une heure et demie ou deux heures? Quelle est la durée de la réunion?

La présidente: Nous avons prévu deux heures, mais nous ne voulons pas que vous nous fassiez un exposé de deux heures.

M. Arthur Carty: Bien sûr que non. Je vais essayer de le présenter en deux parties. Dans la première, j'examinerai brièvement certaines des composantes de l'innovation et de la croissance économique et j'essaierai de voir où en est arrivé le Canada et si nous sommes sur le point d'atteindre nos objectifs. Dans la deuxième je mettrai davantage l'accent sur la productivité et l'innovation.

• 1535

Le premier message que je suis venu vous livrer est que le Canada est en bonne voie de développer une société innovatrice et de satisfaire à certains de ses besoins sur le plan de la compétitivité mondiale. Le dernier budget fédéral et, en fait, les deux budgets précédents, prévoyaient de nouveaux investissements appréciables dans des programmes qui favoriseront l'innovation, une économie fondée sur le savoir, et finalement, la productivité.

Je ferai surtout valoir que les investissements portaient principalement sur deux principaux domaines: la recherche universitaire et le développement en milieu industriel. Il existe entre ces deux pôles une zone grise que l'on peut qualifier de «déficit d'innovation» et sur laquelle nous devons centrer notre attention à l'avenir, car elle a désespérément besoin d'un soutien financier.

Je voudrais également tenter de vous convaincre que le Conseil national de recherches est l'organisation gouvernementale la plus dynamique et la plus polyvalente qui puisse stimuler l'innovation et la croissance économique au Canada. Je voudrais vous citer quelques exemples afin de vous montrer qu'il peut produire des résultats.

Aussi bien dans le milieu de la recherche que dans celui des affaires, tous les intervenants s'entendent pour affirmer que l'innovation est l'élément indispensable pour assurer la croissance économique dans une économie fondue sur le savoir et permettre au pays de livrer concurrence sur le marché mondial. Le Cadre d'action l'exprimait très bien en ces termes:

    Nous avons besoin d'un flot constant de nouvelles idées, d'une main-d'oeuvre bien formée capable de prendre en main l'économie du savoir et [...] de mécanismes pour que les idées puissent efficacement franchir les étapes qui les amèneront des laboratoires au marché.

Je crois que c'est très bien exprimé. Je tiens à insister sur ces mots: «mécanismes pour que les idées puissent efficacement franchir les étapes qui les amèneront des laboratoires au marché», car c'est là que se situe le déficit d'innovation.

Pour ce qui est de la productivité, il est très difficile d'investir dans la productivité comme telle, mais nous savons que ces deux ingrédients essentiels sont la R-D et l'innovation.

Je voudrais d'abord dire quelques mots au sujet de la R-D et examiner les résultats du Canada sur ce plan. Je crois que vous l'avez sur votre copie papier. Il y a aussi des acétates. Examinons seulement les chiffres. Vous pouvez voir qu'en 1997, le Canada est en bas de la liste des pays très performants pour ce qui est de la R-D. La Suède et la Finlande sont deux des pays en tête, mais vous remarquerez également que certains des petits tigres asiatiques, comme la Corée et Taiwan, ont connu une croissance rapide et surpassent maintenant le Canada. Les chiffres de 1998 montrent que Singapour a également surpassé le Canada.

Notre performance en ce qui concerne l'investissement dans la R-D en tant que pourcentage de notre produit intérieur brut n'est donc pas aussi bonne que celle de nos voisins. Si nous comparons, surtout avec notre puissant voisin du Sud, les États-Unis, cet investissement joue un rôle clé dans la productivité. Les États-Unis ont réussi à maintenir leurs investissements dans la R-D et même à les augmenter. Il y a donc une importante concurrence sur ce plan-là. Le Canada doit continuer à investir pour rattraper ses concurrents et profiter des avantages à tirer de l'économie du savoir.

Je voudrais vous montrer les aspects positifs. Depuis trois ans, le Canada a beaucoup investi dans plusieurs domaines. Par exemple, en 1997, le gouvernement a renforcé le programme des Réseaux de centres d'excellence et a doté la Fondation canadienne pour l'innovation d'une enveloppe budgétaire de 800 millions de dollars. C'était dans le budget fédéral de 1997.

En 1998, le budget a rétabli le financement des conseils subventionnaires, soit le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie, le Conseil national de recherches et le Conseil de recherche en sciences humaines, à leur niveau de 1994-1995. Cette mesure annulait les coupes qui ont fait suite à l'examen des programmes. Le gouvernement en a également profité pour rendre permanente la base de financement des Réseaux de centres d'excellence.

• 1540

Dans son dernier budget, celui de 1999, le gouvernement est allé un peu plus loin. Comme vous le savez, il a investi 1,8 milliard de dollars dans la création, la diffusion et la commercialisation des connaissances et l'aide à la création d'emplois.

Cela comprend un certain nombre de mesures dont l'octroi de 465 millions de dollars au cours des trois prochaines années à la Stratégie emploi jeunesse et de 110 millions de dollars au Fonds canadien pour la création d'emplois. Je peux vous citer plusieurs initiatives visant à améliorer notre capacité de générer des connaissances: 200 millions de dollars supplémentaires, cette année, pour la Fondation canadienne pour l'innovation; 75 millions pour le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie; 15 millions pour le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada et 90 millions, sur trois ans, pour les Réseaux de centres d'excellence. Ces initiatives représentent à elles seules 400 millions de dollars.

Comme vous vous en souviendrez peut-être, le récent discours du Trône promettait la création de 2 000 nouvelles chaires de recherche dans les universités, en partie pour faire venir au Canada des gens qualifiés d'autres pays et aussi pour arrêter l'exode des cerveaux.

Voilà pour ce qui est de ce que j'appellerais l'investissement dans la recherche. Si vous prenez l'autre composante de l'équation, c'est-à-dire le développement, on y a fait également des investissements, dont 150 millions pour Partenariat technologie Canada. La Banque de développement du Canada a reçu 50 millions de dollars de capitaux propres. Il y a eu un investissement de 60 millions de dollars sur cinq ans dans les systèmes géomatiques et de 60 millions dans le programme Collectivités ingénieuses. Là encore, ces investissements totalisent plus de 300 millions de dollars.

Ces deux éléments pris ensemble, c'est-à-dire l'investissement dans la recherche universitaire principalement et le développement de Partenariats technologiques, les crédits d'impôt à la RS-DE et, bien entendu, un financement supplémentaire pour le PARI ont été d'une grande utilité. Il ne fait aucun doute que cela augmente la capacité du Canada d'innover, de faire de la R-D et d'être plus productif.

Mais dans la zone intermédiaire, le passage de la recherche au développement, il ne s'est pas passé grand-chose. C'est là que se situe le déficit d'innovation. Comme l'a dit l'OCDE, notre capacité de transformer les idées en produits commerciaux n'est pas aussi bonne que celle des autres pays.

Voilà donc pour la situation d'ensemble. Nous obtenons d'excellents résultats aux deux extrémités, mais nous devons investir dans la zone centrale. Nous avons d'énormes défis à relever à cause de ce déficit d'innovation.

Je voudrais maintenant vous convaincre que le Conseil national de recherches possède tous les outils voulus pour combler ce déficit d'innovation. Comme vous le voyez, il se situe dans la zone médiane. Nous faisons de la R-D fondamentale et, dans tous les domaines dans lesquels nous investissons, nous nous attendons à être concurrentiels par rapport au reste du monde.

Dans certains secteurs, nous contribuons également de façon importante à la zone de droite, c'est-à-dire le développement. Mais notre principale activité consiste à combler le déficit et nous le faisons en collaboration avec d'autres intervenants, soit les petites et moyennes entreprises, les universités et les laboratoires gouvernementaux, afin non seulement de développer la technologie, mais également de la transformer en produits commerciaux. Nous sommes donc, dans une large mesure, un organisme d'innovation. Nous sommes un organisme de savoir et d'innovation.

Pour ce qui est de nos propres sources de financement, permettez-moi de résumer ce que je viens de dire. Je vais vous montrer la liste des choses qu'un pays doit faire pour innover grâce à la R-D ainsi qu'à la science et à la technologie.

• 1545

J'ai mentionné l'investissement à long terme dans la recherche et c'est absolument essentiel, mais il faut également investir dans la zone médiane, c'est-à-dire faire de la recherche stratégique dans des domaines qui revêtent une importance cruciale pour l'économie canadienne, par exemple l'aérospatiale, la biotechnologie et la fabrication de pointe, qui sont des secteurs générateurs de richesse.

Il faut cibler les efforts. Pour que le transfert de technologie se produise, la plupart du travail doit être réalisé dans le cadre d'un partenariat. Il faut travailler en collaboration dès le début d'un projet.

Bien entendu, vous avez besoin de ressources très bien adaptées. Nous devons faire en sorte de les posséder.

Les installations et les infrastructures nationales sont une composante essentielle, de même que les partenariats et les réseaux, que ce soient les réseaux régionaux, nationaux ou internationaux. Il faut se tenir au courant de la recherche et de la technologie qui se font ailleurs dans le monde.

Vous devez investir dans l'infrastructure du savoir et de l'information pour avoir accès à l'information requise. Vous devez disposer de mécanismes comme ceux que fournit le PARI pour soutenir les entreprises novatrices. Le PARI est le meilleur programme au monde pour soutenir les PME du secteur de la R-D. Le transfert de technologie et le capital de risque ont, bien entendu, une importance cruciale.

Voyons maintenant ce que fait le CNR. En présentant cet acétate, je veux souligner que nous faisons un certain nombre de choses qui sont indispensables pour l'innovation et cruciales pour développer notre capacité d'innover.

Tout d'abord, nous sommes un organisme national. Nous sommes le principal organisme de R-D du gouvernement fédéral. Nous sommes présents au quatre coins du pays. Nous avons des laboratoires et des installations spécialisés dans des domaines cruciaux pour la croissance du Canada sous la forme de 16 instituts et quatre centres de technologie et d'innovation. Nous fournissons des éléments indispensables de l'infrastructure nationale notamment des souffleries, des aéronefs de recherche et des laboratoires des bioprocédés.

Nous possédons des éléments de l'infrastructure d'information par l'entremise de l'Institut canadien de l'information scientifique et technique et, par l'entremise du PARI, nous avons un réseau de conseillers en technologie industrielle pour appuyer les petites entreprises du pays qui sont tellement essentielles pour la croissance économique et pour leur fournir des conseils technologiques et un soutien financier.

Si vous réunissez ces deux composantes, vous constaterez sans doute que nous fournissons les éléments importants de l'infrastructure nationale.

Je voudrais simplement faire une pause pour mentionner quels ont été les résultats de l'examen des programmes sur le CNR et souligner les défis qui en résultent.

En deux mots, cet examen nous a fait perdre près de 89 millions de dollars. La seule chose qui nous a sauvés depuis quatre ans est que, grâce à notre propre capacité d'innovation, à notre ingéniosité et à notre habileté, nous avons pu trouver des sources de revenus. Cette année, ces revenus se sont chiffrés aux environs de 78 millions de dollars.

J'ajoute que pour chaque dollar de recette que nous obtenons, nous devons fournir un service. Nous dépensons donc un dollar pour chaque dollar gagné.

Pour ce qui est de l'érosion de notre base de recherche, le dernier budget nous a octroyé une augmentation de cinq millions de dollars. Bien entendu, ce financement est permanent et il s'agit donc de 15 millions sur trois ans. C'est un pourcentage relativement faible de ce que nous avons perdu à l'occasion de l'examen des programmes.

Je ne demande pas qu'on fasse machine arrière, mais j'essaie de faire valoir que cette situation nous a posé de sérieuses difficultés pour accomplir ce que nous sommes le mieux en mesure de faire, c'est-à-dire contribuer à l'économie et à la compétitivité du pays.

Comme la prochaine acétate le démontre, voici certains des défis à relever. Je vais vous parler dans quelques instants de l'innovation régionale et communautaire.

• 1550

Nous avons mis sur pied un programme d'innovation régionale et communautaire en nous servant de la capacité d'innovation des collectivités locales, car c'est une chose que nous croyons nécessaire de faire au Canada. Compte tenu de la façon dont l'innovation se produit, ce programme mettra en place des grappes d'expansion des connaissances et de la technologie un peu partout au pays. Mais nous ne sommes pas en mesure de donner suite à ce projet à cause d'un manque d'argent.

Nous passons à côté de possibilités intéressantes dans certains domaines de recherche stratégiques parce que nous n'avons pas d'argent à investir, par exemple dans des partenariats. Nous perdons du personnel du CNR au profit d'autres pays et nous sommes moins en mesure d'attirer les chercheurs les meilleurs et les plus brillants.

Nous travaillons beaucoup dans le cadre de partenariats et d'alliances, mais si vous n'avez pas les ressources voulues il est très difficile d'établir des alliances et des partenariats et d'obtenir ainsi les fruits d'une collaboration. Comme toutes nos ressources se sont effritées, nos infrastructures se sont érodées.

Voilà donc la situation d'ensemble du CNR. Je voudrais vous montrer que nous sommes présents dans toutes les régions du pays. Les carrés que vous voyez ici représentent nos instituts. Les cercles indiquent les endroits où se trouve le réseau du PARI. Et en Alberta, vous voyez des triangles qui sont nos centres d'innovation virtuelle.

Comme vous pouvez le voir, nous sommes un organisme vraiment national. Nous sommes présents aux quatre coins du pays, presque dans chaque localité.

Je voudrais également vous donner une idée des raisons pour lesquelles je dis que nous sommes un organisme de savoir et d'innovation. En haut de cet acétate, vous pouvez voir un certain nombre de villes. Ce sont les villes dans lesquelles se trouvent nos instituts.

À gauche, vous avez les principales composantes du cycle d'innovation auquel nous contribuons. Si vous commencez par le haut, tous nos instituts englobent certaines composantes de l'infrastructure nationale de R-D. Par exemple, ici à Ottawa, vous savez que nous avons des souffleries à l'aéroport. À Victoria, nous avons des télescopes qui sont mis à la disposition des chercheurs universitaires.

En deuxième place à partir du haut vous avez la formation à la R-D. La ligne continue qui traverse le graphique indique que nous nous livrons à cette activité dans chacune de ces villes. Là où vous avez un cylindre, cela veut dire que nous avons des activités spéciales dans le secteur en question. Par conséquent, pour ce qui est de la formation en R-D, nous avons des installations à Winnipeg, Ottawa et Montréal. Cela veut dire que nous avons un programme spécial pour former du personnel. À Winnipeg, c'est en collaboration avec le Red River College qui forme des technologues en imagerie par résonance magnétique pour les hôpitaux et les centres de recherche. Ce projet a été couronné de succès. C'est un programme qui vise un type particulier de compétences.

À Ottawa, nous nous sommes spécialisés dans le recyclage des chercheurs et des ingénieurs qui veulent devenir des ingénieurs en logiciel. Cette initiative a également été couronnée de succès, car chacun des participants a trouvé un emploi dans une des entreprises qui parraine le programme.

Nous faisons également de la recherche un peu partout au Canada. C'est représenté dans la troisième rangée. Nous faisons du développement technologique dans chacun de nos centres. Le PARI, le Programme d'aide à la recherche industrielle de Partenariats technologiques Canada, le programme d'aide aux activités pré-commerciales, joue un grand rôle auprès des petites entreprises pour la diffusion et la commercialisation de la technologie. Nous avons donc un lien avec les petites entreprises. Nos laboratoires inter-agissent avec les entreprises petites et grandes.

Nous avons contribué à l'innovation grâce à l'élaboration de centres d'incubation qui aident les petites entreprises à démarrer et à prendre de l'expansion. Par exemple, à Montréal—et je vous en montrerai un exemple plus tard—nous avons un centre d'incubation associé à notre Institut de biotechnologie où 16 petites entreprises sont en incubation. Autrement dit, elles reçoivent un soutien, des installations, une aide technique et l'accès à tout ce que nous avons dans notre institut pour les aider à croître et à créer des emplois et la prospérité au Canada. Et nous avons également participé à l'élaboration de systèmes d'innovation régionaux ainsi que de codes et de normes nationaux, qui revêtent également une grande importance.

• 1555

À gauche figurent tous les éléments du cycle d'innovation. Nous sommes présents et nous élargissons notre présence dans un certain nombre de ces secteurs, surtout pour ce qui est des centres d'incubation et des systèmes d'innovation régionaux.

L'acétate suivante montre certaines leçons à tirer quant aux choses qu'il faut faire pour stimuler l'innovation, pour stimuler le transfert de la technologie et des connaissances.

Il ne fait aucun doute que le meilleur moyen d'aider les entreprises à innover en faisant de la R-D est de travailler avec elles, de participer ensemble à des projets en faisant en sorte que le Conseil national de recherches et l'entreprise en question comprennent la nature et les objectifs du projet dès le départ. Vous pouvez ainsi assurer un transfert efficace des gens, des idées et de la technologie dans le secteur privé.

Nous savons qu'il faut investir à long terme. Nous faisons de la R-D dans certains domaines et si l'on veut que cela produise le maximum d'effets, il est essentiel de continuer à investir dans les secteurs prometteurs et cela pendant une longue période.

Les normes sont importantes. Nous devons gérer la propriété intellectuelle. Nous devons réfléchir à ce que pourrait être la prochaine génération de technologie, les prochaines découvertes qui changeront l'ordre des choses. Il faut faire ces prévisions et investir dans ces domaines pour l'avenir.

Dans un instant, je vais vous parler un peu de notre soutien aux initiatives d'innovation locales et régionales et de notre travail avec les champions locaux de l'innovation pour former des grappes technologiques stratégiques.

C'est une phrase que vous avez sans doute déjà vue. Michael Porter dit que «L'innovation, c'est la pierre angulaire de la prospérité économique». J'ai essayé de vous convaincre que le Centre national de recherches est le meilleur agent d'innovation dont dispose le gouvernement et l'un de ceux qui contribue le plus efficacement à la croissance économique.

Attardons-nous un peu plus sur la façon dont fonctionne l'innovation, car j'ai mentionné que la R-D et l'innovation avaient une influence primordiale sur la productivité. L'innovation n'est pas quelque chose de linéaire. On parlait avant de chaîne d'innovation, mais ce n'est pas cela. L'innovation est un phénomène complexe. C'est une série de boucles dans lesquelles tous les intervenants interagissent constamment.

Examinons un système d'innovation typique. Je souligne que l'innovation est souvent un phénomène local. Et vous avez sans doute tous pu constater que, dans les collectivités, l'échange d'information, d'idées et de technologie pouvait souvent stimuler la croissance économique en favorisant l'établissement de grappes d'entreprises.

Voici un système d'innovation. Au milieu, vous avez les entreprises novatrices, grandes ou petites. Toute compagnie qui va être innovatrice dans l'économie du savoir doit certainement avoir accès à la R-D. Il faut qu'elle fasse sa propre R-D ou qu'elle y ait accès par l'entremise, par exemple, d'un laboratoire gouvernemental ou d'une université. Il lui faut d'autres éléments de la structure scientifique et technologique telles que des sources d'information. Elle doit savoir où se trouve les autres sources de technologie et comment y accéder.

Le gouvernement a un rôle clé à jouer dans ce système d'innovation en créant l'environnement propice à l'innovation, et cela en établissant des politiques et des règlements. Bien entendu, il est également important d'avoir des gens très bien formés et il faut donc que les établissements d'enseignement soient reliés à ce système d'innovation. Et les entreprises ont besoin de financement si bien qu'il faut des liens avec le secteur financier.

• 1600

Toute rupture dans les liens indiqués ici rendra un système d'innovation inefficace. Par contre, si vous pouvez faire fonctionner tous ces éléments et amener tous les partenaires à se parler, à interagir et à travailler ensemble, vous aurez beaucoup plus de chance d'avoir des entreprises en pleine croissance qui contribueront à la croissance économique. Bien entendu, même si l'innovation peut se produire au niveau local, il faut la placer dans un contexte mondial étant donné que nous vivons dans un marché mondial. Voilà donc ce que l'on appelle un système d'innovation.

Le Conseil national de recherches a bien réussi à favoriser cette innovation au niveau local et régional. Vous en avez un bon exemple à Saskatoon où nous avons maintenant une grappe d'une centaine d'entreprises spécialisées dans la biotechnologie agricole. Elles se sont développées à Saskatoon, un endroit où l'on n'avait pas l'habitude de trouver une industrie de haute technologie. Elles se sont développées parce qu'on s'est rendu compte de l'importance de la biotechnologie agricole, de la possibilité de développer l'économie grâce à la présence d'un laboratoire du CNR, de l'Institut de biotechnologie des plantes, de l'Université de la Saskatchewan et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada; grâce à la possibilité de travailler avec la collectivité locale, d'attirer des entreprises dans la région comme un aimant, d'avoir un parc de recherches où elles pouvaient incuber et prendre de l'expansion. Saskatoon est maintenant une ville que le New York Times et le Wall Street Journal décrivent comme un centre d'innovation. C'est une transformation étonnante qui s'est opérée sur une quinzaine d'années.

Je n'ai pas le temps de citer tous les exemples, mais prenons-en un autre. Philippe Walker, directeur de la biologie moléculaire à l'Astra Pharmaceuticals Research Centre, à Montréal, a très bien exprimé les choses en ces termes: «Nous avons découvert que le CNRC était le centre—le coeur et l'âme—d'un vaste bassin de compétences...».

Cet institut compte maintenant 500 personnes dont 250 sont des travailleurs invités, des visiteurs qui travaillent dans les laboratoires et qui collaborent à des innovations avec nos employés. Un vaste bassin de compétences a été attiré dans la région de Montréal, surtout grâce aux possibilités qu'offraient notre équipement et nos compétences. L'Institut de recherche en biotechnologie a joué le rôle d'aimant et a contribué au développement de la région. Bien entendu, il n'est pas seul à l'origine de l'industrie pharmaceutique de Montréal, mais il y a contribué.

Et voici quelques observations de plus à ce sujet, qui insistent sur le rôle du Conseil national de recherches. L'un des principaux domaines de recherche auxquels l'IRB a participé est l'identification et la caractérisation de cibles de médicaments prometteurs. Ses compétences, sa présence physique et ses installations ont attiré une entreprise qui était au départ Bio Intermediair, mais qui s'appelle maintenant Dutch State Minds, une grande multinationale européenne qui s'est établie pour la première fois en Amérique du Nord à côté de notre Institut de recherche en biotechnologie. Elle emploie maintenant une centaine de chercheurs dans son immeuble qui est à côté de nos installations. Astra s'est également installée dans l'immeuble avant que ses propres bâtiments ne soient terminés et Merck Frosst, qui construisait elle aussi de nouveaux locaux, était également colocataire de l'immeuble de l'Institut.

Vous pouvez voir ici la liste de nos principaux clients, mais l'une des caractéristiques supplémentaires est le concept des petites entreprises en incubation qui, parties de zéro, deviennent d'abord des PME puis de grandes organisations. Le Canada remporte la palme pour ce qui est de créer une industrie de la biotechnologie à partir de zéro. Nous avons maintenant plusieurs grandes sociétés comme BioChem Pharma, Quadralogics PhotoTherapeutics et une foule de petites entreprises qui ont suivi ce cheminement.

Autour de cet institut—en fait dans un immeuble que nous avons inauguré en octobre dernier—se trouvent 16 entreprises en incubation dont quatre sont venues des États-Unis et qui emploient un très grand nombre de travailleurs. Ce sont des entreprises qui vont s'élargir et devenir les géants de la future industrie de la biotechnologie.

• 1605

Je voudrais maintenant vous donner quelques exemples de la façon dont la R-D et l'innovation peuvent influer sur la productivité. Je serais peut-être prêt à vous dire pourquoi nous pensons que les États-Unis sont plus productifs que le Canada à l'heure actuelle.

Si vous mesurez la productivité en fonction de la production par travailleur, il faut accroître la production par travailleur pour augmenter la productivité. Vous pouvez le faire de diverses façons, par exemple en faisant les choses plus efficacement, autrement dit, en améliorant l'efficacité d'un processus, en laissant à plus de gens plus de temps pour participer à d'autres activités qui pourraient être également productives.

Prenons, par exemple, un projet que nous avons entrepris en collaboration avec Syncrude, en Alberta. Nous avons mis au point avec Syncrude des systèmes d'injection et des buses de pulvérisation pour ces cokeurs qui servent à séparer le pétrole des sables bitumineux et à le raffiner pour le transformer en pétrole brut. Nous avons travaillé en collaboration avec Syncrude et grâce à une conception novatrice des buses de pulvérisation et à l'amélioration de la production d'aérosols, nous avons multiplié l'efficacité de ces cokeurs. En fait, cela va permettre à l'entreprise d'économiser des millions de dollars simplement grâce à un gain d'efficacité.

Je vais vous donner un autre exemple, celui d'un projet de système de diagnostic intégré que nous avons lancé avec Air Canada et General Electric, deux entreprises qui collaborent avec le CNRC depuis 1993. Il s'agit en fait d'un système de diagnostic au sol permettant d'assurer le suivi des aéronefs en vol. Grâce à ce système, les techniciens et le personnel au sol peuvent prendre des décisions plus rapides, plus précises et plus cohérentes. Rien que pour sa flotte d'Airbus A-320, Air Canada va réaliser des économies considérables grâce à ce système.

Le système permet d'exploiter au sol les informations en temps réel transmises par l'avion en vol. En cas de problème, on peut réagir beaucoup plus vite. Le problème est détecté par anticipation, donc le temps d'immobilisation au sol est réduit, et les compagnies utilisant ce système vont économiser des millions de dollars en frais de maintenance chaque année. À la limite, il pourrait même être possible de détecter un problème et de sauver un avion de la catastrophe. Ce sera donc un gain d'argent, de temps et d'efficacité pour les compagnies aériennes. C'est un exemple de plus de l'amélioration de la productivité.

Le troisième élément que je veux mentionner, c'est le guide de l'infrastructure urbaine que nous élaborons avec les municipalités du Canada. Je pense que la plupart des gens sont au courant du grave problème d'infrastructure que nous connaissons au Canada et dans le monde occidental. Une grande partie de nos canalisations et de nos égouts ont été construits il y a 50 ans et se délabrent considérablement.

Le Canada pourra faire des économies d'argent et d'effort considérables si nous pouvons rationaliser nos travaux d'infrastructure urbaine. Autrement dit, il s'agit de normaliser et d'établir des règlements et des codes pour que le remplacement de cette infrastructure se fasse de manière identique partout dans le pays. C'est une tâche considérable, mais il est important de normaliser ce travail. Naturellement, cela permettra des économies puisque les processus et le matériel seront standardisés. Ici encore, nous parlons d'efficacité accrue.

• 1610

Il y a aussi l'exemple des cuillères utilisées pour l'épandage agricole, qui permettent de réduire le coût des pesticides et les retombées environnementales.

On peut devenir plus productif et plus efficace en améliorant ou en diversifiant une industrie—autrement dit, en offrant à une industrie une possibilité qui n'existait pas auparavant de se développer ou de poursuivre son activité. Les chercheurs d'une station d'aquaculture de Nouvelle-Écosse ont récemment découvert, en association avec l'Institut des biosciences marines et Connors Brothers en Nouvelle-Écosse, un moyen d'élever de l'aiglefin en aquaculture pour la première fois. Nous pouvons maintenant élever ces poissons depuis leur taille d'alevin jusqu'à une grande taille de manière systématique. On n'avait jamais pu élever l'aiglefin en aquaculture jusqu'à présent, et le Canada va donc pouvoir exploiter ce nouveau créneau. C'est un progrès très important.

Il y a ensuite les nouveaux procédés industriels. Cet été, nous avons ouvert un centre d'environnement industriel virtuel qui permet à des entreprises d'avoir une image virtuelle de ce que sera leur local de fabrication ou leur procédé. Au lieu de passer par de longues phases d'élaboration de modèles et d'expérimentation, d'essais et d'erreurs, l'entreprise pourra faire ce travail dans nos locaux au moyen de calculs très poussés et d'installations de réalité virtuelle, et voir en temps réel à quoi ressemblera son usine. C'est une manière extraordinaire de planifier des usines en économisant de l'argent, avec une précision absolue. Cette technologie va révolutionner l'industrie et le procédé des prototypes. Là encore, il y aura réduction des coûts et amélioration de la productivité grâce à l'innovation et à la R-D.

On peut aussi innover et devenir plus productif en élaborant des processus entièrement nouveaux, des technologies nouvelles qui seront des percées, qui seront révolutionnaires comme disent certains, parce qu'elles permettront de faire les choses différemment.

Je n'ai pas le temps d'examiner tous ces exemples, mais prenez seulement celui du bas, soit le multiplexage par répartition en longueur d'onde. Cette technologie est en train de révolutionner l'industrie des communications. En 1989, nous avons lancé un projet sur six ans avec Nortel, avec EG & G, un centre de recherche en communications, et avec un consortium regroupant cinq universités à une époque où cette technique du multiplexage par répartition en longueur d'onde n'était encore qu'un rêve.

Actuellement, en 1999, vous pouvez voir des entreprises comme JDS Fitel et Nortel se lancer à fond dans cette technologie. C'est sur elles que repose actuellement toute leur croissance. Le multiplexage par répartition en longueur d'onde permet de faire passer un grand nombre de longueurs d'onde de lumière dans une fibre optique, ondes qui sont séparées à l'arrivée, ce qui permet d'accroître la largeur de bande d'information que l'on peut transmettre. Le multiplexage par répartition en longueur d'onde permet de communiquer des quantités d'information énormes très rapidement. C'est évidemment la clé de la communication par Internet et la clé de la croissance d'une grande partie de l'industrie des communications.

Cette technologie n'était qu'un rêve en 1989. Si nous n'avions pas investi dans ce rêve, et si les entreprises ne s'étaient pas rendu compte qu'il s'agissait d'un domaine extrêmement prometteur, nous n'en serions peut-être pas là.

• 1615

Voici quelques autres exemples de progrès assez révolutionnaires. Le CNRC a l'un des meilleurs groupes de films en couche mince du monde; cela fait 25 ans que nous développons cette technologie. C'est un excellent exemple de rentabilité à long terme d'un investissement sur le long terme. Les couches minces sont essentielles pour le multiplexage par répartition en longueur d'onde car la déconvolution des longueurs d'onde dépend des couches minces et des filtres utilisés en multiplexage.

Notre groupe de couches minces est tellement sollicité que nous n'arrivons pas à répondre aux demandes de l'industrie. Nous avons dérivé de ce projet une petite entreprise appelée Iridian Spectral Technologies pour pouvoir répondre à une partie des demandes qui ne portent plus sur le développement, mais surtout sur la fabrication. Nous avons démarré cette entreprise l'année dernière seulement; en juin elle avait déjà 12 employés, et elle se développe très vite.

Autre exemple, les puces de silicium-germanium. Le germanium est un élément très proche du silicium. En collaboration avec d'autres chercheurs, nous avons réussi à fabriquer des plaquettes de silicium-germanium. Là encore, il s'agissait de développer la technologie du silicium pour pouvoir l'utiliser dans des domaines comme le GPS et les systèmes sans fil. Là encore, on pourrait parler de technologie de bouleversement. Cette technologie va se développer considérablement au cours des prochaines années. Nortel se prépare à fabriquer des puces de silicium-germanium. Là aussi, nous avons créé une entreprise dérivée appelée SiGe Microsystems, avec 25 employés; cette entreprise s'occupe actuellement de trouver de gros investisseurs.

Il y aussi l'imagerie 3-D, qui permet d'obtenir des images tridimensionnelles en couleurs, et c'est là encore une technologie dans laquelle nous avons investi pendant très longtemps. Elle offre des possibilités d'application novatrices dans le domaine manufacturier, le domaine minier et même dans des choses aussi banales que le balayage visuel de routes. Cette technique d'obtention très rapide d'une image tridimensionnelle au moyen d'un balayage laser synchronisé en trois dimensions est en train de révolutionner de nombreuses industries. Dans ce cas, ce sont trois entreprises qui ont déjà été dérivées de cette recherche.

Chose curieuse, toutefois, l'une des grandes applications de cette technologie, c'est la culture car c'est une technologie qui permet de capturer des images d'objets anciens—peintures, sculptures—d'obtenir ces images et de les entreposer pour pouvoir les examiner sur un écran d'ordinateur où l'on peut les manipuler en trois dimensions et les examiner de façon beaucoup plus détaillée qu'on ne pourrait le faire avec l'objet lui-même.

Notre groupe de l'Institut de technologie de l'information a déjà réalisé trois projets dans la région des Trois Gorges en Chine, où il a filmé les sculptures de cette région qui vont être submergées quand le bassin de retenue du barrage se remplira. Nous avons fait des balayages pour le Louvre afin de capturer l'image de tableaux très précieux qui ne peuvent pas être montrés au public. Nous avons travaillé sur le David de Michel-Ange en Italie. Nous avons mené des projets en Israël. Cette technologie est sur le point de nous permettre de réaliser le musée virtuel et de représenter une foule de choses en réalité virtuelle.

Voilà ce que nous appelons des percées ou des révolutions technologiques.

La présidente: Monsieur Carty, je sais qu'il ne vous reste plus que quelques diapositives, mais pourrais-je vous demander d'essayer de terminer en cinq minutes?

M. Arthur Carty: J'ai presque fini.

J'aimerais vous parler du contexte mondial. J'en parle dans le cadre du système international d'innovation car le Canada est un vaste pays en termes géographiques, mais un petit pays par sa démographie, et nous produisons environ 4 p. 100 de la science du monde. Il faut donc absolument que le Canada soit lié aux autres pays et il est important que nous disposions d'organisations qui nous ouvriront des portes dans d'autres pays grâce à nos liens dans le domaine de la R-D. C'est précisément ce que réalise le CNRC dans d'autres pays grâce à sa crédibilité et à sa stature. Nous avons lancé près d'une douzaine de missions dans d'autres pays avec des PME. Nous nous servons de nos relations internationales pour ouvrir la porte à ces entreprises et les aider à s'implanter à l'étranger. Le dernier exemple remonte à trois semaines, en Chine. Nous avons aussi effectué des missions à Taiwan, à Singapour, en Corée et dans divers autres pays.

• 1620

Évidemment, cette présence internationale contribue à attirer les investissements internationaux et permet aussi d'attirer d'excellents chercheurs vers le Canada.

Je vous ai dit l'autre fois que le CNRC avait beaucoup réfléchi aux technologies dans lesquelles le Canada devait investir pour le prochain siècle. Après avoir examiné une foule de possibilités, nous avons dégagé ces cinq secteurs qui sont cruciaux.

L'industrie aérospatiale est en expansion très rapide au Canada, et nous devons absolument investir dans cette industrie et dans un centre environnemental à turbine à gaz si nous voulons permettre à nos PME de rester compétitives.

Il faut aussi poursuivre la révolution de la microélectronique en construisant un local de prototype optoélectronique. L'optoélectronique est le mariage de l'optique et de la microélectronique, de la lumière et de la microélectronique. Nous aurons là une capacité de pointe—en fait une capacité unique au monde—pour réaliser des prototypes de ce genre d'appareils sur lesquels va être fondée toute la révolution des télécommunications à l'avenir.

Il faut aussi lier nos sources d'information au Canada au moyen d'un réseau de connaissances scientifiques. La biologie moléculaire et la génomique vont être les clés des dix premières années du prochain siècle. Nous nous proposons de lancer une initiative dans ce domaine.

Les piles à combustible sont aussi un domaine dans lequel le Canada peut actuellement devenir le leader mondial grâce à des entreprises comme Ballard et à d'autres petites entreprises. Nous avons proposé de mettre sur pied une initiative, qui a en fait déjà été annoncée, une initiative nationale sur les piles à combustible. Les analystes de Nikei prévoient que ce secteur représentera 100 milliards de dollars d'ici l'année 2020. Vous imaginez donc les perspectives pour le Canada si nous investissons correctement et si nous savons exploiter de façon novatrice la R-D dans ce domaine.

Enfin, le CNRC est convaincu que l'innovation régionale et au sein des collectivités est un des moyens de faire avancer notre économie. Les grappes d'innovation dans les collectivités, grappes d'activité, grappes d'entreprises, ainsi que l'appui donné aux stratégies d'innovation régionale seront vraiment payants pour le Canada.

On sait que cela a déjà été payant dans d'autres régions du monde. Nous l'avons fait à Saskatoon, à Montréal et ici dans la région de la capitale nationale. Nous souhaiterions élargir nos activités. Nous nous proposons d'étendre les activités régionales que nous avons déjà, et je vous en ai mentionnées certaines, en établissant cinq nouvelles initiatives dans les régions que je vous ai signalées.

Nous voudrions investir dans l'innovation en nous appuyant sur les ressources et les capacités de ces collectivités, avec l'aide de nos propres ressources, et nous souhaitons investir dans une stratégie consistant à rapprocher les collectivités. Il sera essentiel d'investir dans notre infrastructure à cette fin. Nous demandons donc un financement nouveau de 70 millions de dollars pour cela.

Vous vous souvenez peut-être que nous avions demandé 75 millions de dollars pour notre budget de services voté l'an dernier. Nous avons obtenu 5 millions de dollars, et nous avons concentré nos activités sur l'innovation régionale et ramené notre demande à 70 millions de dollars. Nous souhaitons vous demander votre appui en ce sens, car il s'agit d'un programme unique du CNRC qui pourra bénéficier à tout le Canada.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Carty.

Nous passons maintenant aux questions. Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): J'aimerais avoir de l'information sur la clientèle, sur les entreprises privées qui font affaire avec vous. Est-ce que ce sont principalement de grandes entreprises? J'ai l'impression, peut-être à tort, que l'innovation ou la recherche-développement proviennent surtout des grandes entreprises et peu de nos petites et moyennes entreprises.

En vous fondant sur la clientèle du secteur privé avec laquelle vous faites affaire, comment voyez-vous la situation?

• 1625

M. Arthur Carty: Ce n'est pas vraiment le cas. Nous avons fait un sondage et, en plus, une revue de notre clientèle dans plusieurs instituts et nous avons constaté que la plupart de nos clients étaient des PME. Il y a sûrement de grandes entreprises, mais la plupart des sociétés avec lesquelles nous travaillons sont des PME.

Le PARI, le Programme d'aide à la recherche industrielle—IRAP en anglais—travaille seulement avec les PME; la plupart de ces sociétés ont moins de 50 employés. C'est uniquement pour donner des avis et conseils, et de l'investissement dans la recherche-développement, à ces compagnies.

M. Pierre Brien: On voit que l'écart entre le Canada et les États-Unis, quant à la productivité, est très grand. Aux États-Unis ou dans d'autres pays, est-ce que le gouvernement finance davantage un organisme tel que le vôtre ou est-ce que cela nous est particulier? Ou bien est-ce notre façon de faire qui exige de nous qu'on finance davantage le domaine de la recherche? Est-ce qu'ailleurs, particulièrement aux États-Unis, on finance beaucoup plus qu'ici?

M. Arthur Carty: Aux États-Unis, il y a des laboratoires nationaux:

[Traduction]

Argonne National Laboratory, Los Alamos, Brookhaven, Oak Ridge, Berkeley et le Lawrence Radiation Laboratory.

[Français]

Il faut dire qu'ils sont beaucoup mieux financés que les nôtres. La plupart des pays développés ont des laboratoires nationaux. À propos du programme PARI, il y a l'équivalent en France, par exemple, qui s'appelle Anvar. C'est un programme d'aide à la recherche industrielle. Cependant, il est bien connu que le PARI est le meilleur programme au monde.

Nous avons eu des demandes pour cloner le PARI dans d'autres pays, notamment dans des pays du Sud-Est asiatique. Il est bien connu que le PARI est un très bon programme.

Cependant, comme je l'ai montré sur la première diapositive, l'aide à la recherche et au développement de la plupart des pays développés, c'est-à-dire nos concurrents, est supérieure à celle du Canada.

M. Pierre Brien: J'ai une dernière question pour le moment. Qu'en est-il de votre capacité d'attirer des chercheurs de qualité, de bien les payer et de les retenir dans vos équipes? Avez-vous du mal à établir une solide équipe de recherche?

M. Arthur Carty: Oui. Dans plusieurs domaines, il y a beaucoup de concurrence. Par exemple, dans le domaine de la technologie de l'information et des télécommunications, il y a beaucoup de concurrence ici, dans la ville d'Ottawa, et dans plusieurs autres villes du pays pour les diplômés en génie électrique et électronique et en sciences de l'informatique. Il y a beaucoup de concurrence. Dans ce domaine, nous sommes en concurrence non seulement avec les universités, mais aussi avec le secteur privé.

Il faut dire aussi que nous avons un avantage au CNRC. Le milieu de recherche est excellent. Nous avons une grande expertise, même s'il est vrai qu'il se produit une érosion. Dans plusieurs laboratoires, nous avons des infrastructures et des équipements à la fine pointe de la recherche. Nous offrons aux chercheurs un excellent environnement. Afin de convaincre un chercheur de quitter le CNRC, les entreprises doivent leur offrir un salaire de 30 à 40 p. 100 plus élevé. Cet excellent environnement que nous sommes en mesure de leur offrir représente un très grand avantage. Les chercheurs peuvent travailler en équipe ou seuls pour innover, ce qui est important.

• 1630

Dans le secteur privé, la recherche est souvent d'une durée d'un an ou deux, ce qui veut dire que les chercheurs doivent fréquemment changer de domaine. Plusieurs facteurs entrent en jeu, mais jusqu'à maintenant, nous avons connu du succès. Par contre, dans les domaines de l'information, des télécommunications et de l'informatique, le problème est plus important.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Carty, je suis très heureux de vous retrouver.

Sans vouloir être injuste, j'ai l'impression en vous écoutant que nos problèmes de productivité et d'innovation seraient résolus si l'on donnait plus d'argent au CNRC. On dirait qu'il n'y a plus aucun obstacle à partir du moment où vous avez suffisamment d'argent. Je suis sûr que ce n'est pas ce que vous avez voulu dire. C'est peut-être parce que vous vous êtes concentré sur des exemples bien précis, alors que nous avons examiné de façon très générale la question de la productivité et de l'innovation.

Je me suis posé quelques questions en vous écoutant. J'ai griffonné quelques notes.

Quand vous parlez de grappes technologiques au Canada, à quoi pensez-vous? Supposez que vous ayez l'argent nécessaire. Qu'allons-nous faire? En outre, si nous trouvons les fonds nécessaires pour créer ces grappes, allons-nous pouvoir trouver aussi les talents indispensables? Ou combien de temps nous faudra-t-il pour attirer les experts nécessaires? Cela dépend naturellement des disciplines, mais y avez-vous réfléchi?

M. Arthur Carty: Oui. Pour chacun des emplacements qui portait sur les diapositives, nous avons fait un travail préliminaire dans le cas de chacune des collectivités mentionnées dans la catégorie «possible». Nous avons aussi élaboré, à Saskatoon par exemple, un plan d'innovation avec le gouvernement de la Saskatchewan et la collectivité locale. Il s'agit d'une trame et d'un plan d'action bien définis, mais nous n'avons malheureusement pas encore les ressources nécessaires pour concrétiser ce plan.

M. Ian Murray: Quand vous parlez de ressources, vous voulez dire des ressources financières?

M. Arthur Carty: Oui, pour pouvoir progresser, nous devons investir dans de nouvelles initiatives en Saskatchewan, qu'il s'agisse de formation ou de partenariats de recherche. Nous sommes bloqués, pas seulement là d'ailleurs.

Pour ce qui est de réfléchir à la façon dont nous pouvons innover, nous avons eu, par exemple, des entretiens préliminaires avec la Nouvelle-Écosse en vue de développer un secteur de diagnostic médical à Halifax, parce que l'université Dalhousie et les hôpitaux locaux ont déjà une expertise considérable dans ce domaine. Ils pensent qu'avec notre aide—et nous avons déjà un institut consacré au biodiagnostic—ils pourront mettre sur pied une stratégie de création d'une industrie axée sur le diagnostic médical à Halifax. Il s'agirait notamment d'imagerie par résonance magnétique et d'imagerie infrarouge, et ce projet ferait intervenir divers intervenants de la collectivité de Halifax.

En Alberta, nous avons eu des discussions avec le gouvernement. Nous ne sommes pas présents physiquement en Alberta, et nous aurions donc beaucoup à gagner à y investir. Le gouvernement de l'Alberta souhaiterait vraiment collaborer avec nous pour lancer des activités en biotechnologie, car c'est un domaine où il existe déjà une expertise considérable à l'Université de l'Alberta et peut-être à Calgary.

• 1635

Nous avons donc déjà exploré le terrain que nous pourrions parcourir si nous disposions de ressources supplémentaires et nous sommes convaincus, forts de notre expérience passée, qu'il existe là un potentiel considérable.

M. Ian Murray: Vous avez parlé des piles à combustible, et nous avons évidemment Ballard Power Systems à Vancouver, ou en Colombie-Britannique en tout cas—je ne suis pas certain qu'ils soient à Vancouver même. Les grandes compagnies automobiles ont investi massivement dans cette technologie. Quand vous en avez parlé, je me suis demandé si vous pensiez que nous n'avions pas investi assez ou assez tôt. Le gouvernement fédéral a tout de même investi dans ce domaine.

M. Arthur Carty: Chez Ballard?

M. Ian Murray: Oui.

Vous pensez qu'il aurait fallu faire plus? Est-ce un exemple de situation où il aurait fallu en faire plus, ou s'agit-il d'un domaine qui a maintenant pris son essor par lui-même? C'est une technologie très prometteuse, comme on a pu le constater.

M. Arthur Carty: Oui. Ballard a bénéficié d'investissements de DaimlerChrysler et aussi...

M. Ian Murray: De Ford.

M. Arthur Carty: ... de Ford, et Nissan et Toyota leur ont commandé des piles à combustible aussi. Dans ces cas-là, il ne s'agit pas strictement de collaboration comme dans le cas des autres entreprises avec lesquelles ils travaillent.

L'essentiel de notre effort dans le domaine des piles à combustible a consisté à intégrer des entreprises comme Ballard dans une infrastructure de R-D et un réseau de fournisseurs de composants pour nous assurer que Ballard ne partirait pas ailleurs, car le Canada est vraiment à la pointe de ce qui se fait dans le domaine des piles à combustible. C'est pour cela que vous avez ces investissements de Daimler-Benz, de DaimlerChrysler. C'est parce qu'ils savent bien que c'est Ballard qui a la meilleure technologie et aussi qu'il y a des entreprises comme Quester et Global Thermal Electric, de petites entreprises mais qui s'appuient sur leurs propres technologies très poussées, qui peuvent alimenter notre secteur industriel.

Pour que le Canada puisse profiter de cet élan et devenir le leader de la fabrication des piles à combustible, il ne suffit pas d'avoir les piles elles-mêmes, ce qui est le domaine de Ballard, mais il faut aussi avoir des entreprises spécialisées dans l'entreposage de l'hydrogène, dans les systèmes et dans les catalyseurs qui permettent de produire de l'hydrogène à partir de d'autres sources.

Le but de notre initiative dans le domaine des piles à combustible est de créer au Canada une infrastructure de R-D regroupant des petites entreprises, des universités et le CNRC, pour empêcher Ballard de partir ailleurs. Nous ne savons pas si cette initiative réussira, mais cette possibilité de devenir le leader mondial de la fabrication d'une source d'énergie de premier plan ne se présente qu'une fois tous les cinquante ans.

M. Ian Murray: Mais faisons-nous les choses comme il faudrait les faire? C'est cela ma question. Vous pensez que nous ne faisons pas les choses comme il faut, qu'il faudrait donner plus d'argent à Ballard? Je ne vois pas très bien le fond de votre pensée. Nous avons investi au départ, mais il y a maintenant d'autres investisseurs dans ce domaine qui ont les poches beaucoup plus profondes, si je puis dire, que le gouvernement fédéral.

M. Arthur Carty: Non, je ne pense pas que le gouvernement fédéral soit là pour remplacer les investissements du secteur privé. Encore une fois, le gouvernement peut créer un environnement, une réglementation et contribuer à la R-D, mais c'est tout. Je ne peux donc pas critiquer ce qui a été fait. Après tout, c'est grâce à une aide considérable du gouvernement que Ballard en est arrivé à son stade actuel.

Les petites entreprises qui se sont développées autour de Ballard quand elles se sont rendu compte qu'il y avait un potentiel de développement des piles à combustible et qu'elles avaient des composantes qui pouvaient être utilisées pour ces piles ont bénéficié de l'appui du PARI. Le gouvernement les a aussi aidées. Donc, cette grappe se développe.

Il n'est pas étonnant que les grandes compagnies qui voient bien que le moteur à explosion est sur le déclin se mettent à investir dans les piles à combustible. La question est de savoir si nous pouvons garder cette industrie ici et créer l'infrastructure qui permettra au Canada d'être le principal fabricant de ces piles.

La présidente: Merci.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'ai deux questions. Vous dites que nous ne sommes pas présents en Alberta, mais j'ai remarqué que l'Alberta était le seul endroit où nous avons des centres virtuels d'innovation.

• 1640

M. Arthur Carty: Les centres virtuels d'innovation sont une expérience que nous avons lancée il y a deux ans. Ce sont des bureaux dotés d'une seule personne. L'objectif de ces deux bureaux à Calgary et à Edmonton est de regrouper des partenaires pour créer en quelque sorte le ciment qui permettra à l'innovation de se développer à plus grande échelle et aussi pour évaluer le potentiel de croissance technologique. Il s'agissait donc de quelque chose d'expérimental. Le projet a été financé dans le cadre du PARI, et il a donné de bons résultats dans ses limites, mais il faut aller plus loin que cela. Je pense que cela nous a permis d'acquérir une crédibilité dans cette province, mais il faut maintenant que nous puissions nous y installer concrètement.

M. Walt Lastewka: Durant la séance de ce matin, nous avons parlé d'innovation et de brevets, etc. Combien de brevets enregistrez-vous chaque année?

M. Arthur Carty: Nous en émettons probablement une centaine par an. Nous sommes une source importante de brevets canadiens, mais certainement pas de la totalité.

M. Walt Lastewka: Vous avez mentionné le PARI dans divers domaines. J'ai eu l'occasion, surtout depuis deux ans, de beaucoup voyager au Canada et de rencontrer des gens du PARI et du CNRC. Je constate que les fonds du PARI parviennent beaucoup mieux que les autres sources de financement dans les communautés rurales et les petites collectivités. Vous avez parlé des 70 millions de dollars. Cela va directement vers Halifax ou d'autres régions dont vous avez parlé. Ces fonds vont naturellement vers les grandes collectivités et les zones urbaines, si je puis dire.

M. Arthur Carty: Cela n'empêche pas les entreprises des zones urbaines de participer aux grappes.

M. Walt Lastewka: Je sais, mais il y a partout dans le pays des demandes de fonds du PARI, et nous manquons de fonds. Je suis étonné que vous n'ayez pas dit que c'était le cas constamment, car il y a tout un bouillonnement d'un bout à l'autre du pays, mais cela n'aboutit à rien parce que nous manquons de fonds au PARI.

M. Arthur Carty: J'aurais dû effectivement signaler que le PARI était de nouveau à court de fonds. Notre économie se développe. Les entreprises savent bien que la R-D et l'innovation sont essentielles et elles veulent innover, ce qui créé une demande à laquelle, très honnêtement, nous ne sommes pas capables de répondre. Le PARI aurait besoin de beaucoup plus d'argent.

M. Walt Lastewka: J'ai l'impression que le PARI vise les zones rurales, les petites collectivités et les petites entreprises et fait bien comprendre aux gens que les entreprises doivent faire elles-mêmes de la R-D. J'ai l'impression que les entreprises qui ont bénéficié des fonds du PARI, et qui ont travaillé avec les gens du PARI reviennent en demander parce qu'elles ne cessent pas d'innover; elles ne s'arrêtent pas.

M. Arthur Carty: Disons qu'actuellement les liens entre le PARI et nos instituts du CNRC sont plus forts que jamais. C'est quelque chose de positif car cela nous permet d'avoir des contacts beaucoup plus étroits avec les PME et de montrer à ces PME que nous disposons d'instituts de R-D avec lesquels elles peuvent collaborer. L'intégration a donc été très positive dans ce sens.

M. Walt Lastewka: J'ai encore une question.

M. Arthur Carty: Évidemment, c'est une question de priorités relatives. Nous manquons désespérément des fonds dont je vous ai parlé, et il est exact aussi que le PARI n'a plus d'argent.

M. Walt Lastewka: Je me suis renseigné, et je sais que beaucoup d'entre nous sont sans cesse à la recherche d'une aide accrue pour les petites collectivités. Il y a une demande qui n'est pas comblée dans ce domaine.

• 1645

Il y a des années, nous nous disions qu'il était important de commercialiser et de transférer la recherche gouvernementale. Pourriez-vous nous en parler et nous parler en même temps des recherches menées dans d'autres ministères que le ministère de l'Industrie et le CNRC, par exemple le ministère de l'Environnement? Il y avait un comité interministériel qui devait s'occuper de la commercialisation de la recherche faite au niveau gouvernemental. Pourriez-vous nous en parler?

M. Arthur Carty: Oui. Je crois que nous faisons beaucoup mieux ce travail de commercialisation de la recherche et de transfert des sciences et de la technologie à la société et au secteur privé parce que nous y réfléchissons et que nous encourageons cette activité.

Je ne sais si votre comité est au courant, mais cela fait quatre ans que le CNRC s'est rendu compte que concéder simplement des brevets technologiques à des compagnies n'est pas forcément la meilleure solution de transfert. Souvent, il n'y a pas au Canada de compagnie susceptible d'exploiter la technologie ou l'invention découverte ou de développer cette nouvelle technologie.

Dans certaines circonstances, plutôt que de la perdre au profit d'un pays étranger, il est préférable de lancer une nouvelle compagnie. En conséquence, au cours des quatre dernières années, au CNRC, nous avons effectivement favorisé le lancement de 27 nouvelles compagnies. Il s'agit de membres du personnel du CNRC ou de personnes extérieures au CNRC qui ont vu la possibilité de développer une nouvelle technologie et d'y trouver des débouchés commerciaux. Des compagnies ont été lancées sur cette base.

Au CNRC, je crois que nous avons fait de l'entrepreneuriat un des éléments de notre vision. Nous enseignons les ficelles du monde des affaires à ceux que cela intéresse. Nous leur apprenons à développer leur rôle d'entrepreneur. Nous fixons des objectifs à nos instituts. Notre vision est totalement différente de ce qu'elle était il y a cinq ans.

J'aimerais aussi répondre, si vous me le permettez, aux commentaires de Ian Murray sur l'innovation, la productivité et le rôle du CNRC. Bien entendu, sur un plan global, le CNRC joue un tout petit rôle. Nous pensons cependant qu'aujourd'hui, il est plus important qu'il ne l'a jamais été car nous l'avons planifié, nous avons appris à mieux le comprendre et nous avons engrangé une certaine expérience et un certain nombre de succès.

L'innovation, c'est quelque chose de majeur. Nous ne pouvons pas tout faire, bien entendu, mais nous pouvons offrir notre aide et nous pouvons aussi transférer une certaine expérience qui peut être utile. C'est le point essentiel que j'aimerais souligner: nous avons à notre disposition un certain nombre d'atouts très valables que nous pouvons utiliser pour influencer l'innovation, la rendre possible et jouer ainsi un rôle important.

La présidente: Merci.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Carty, merci de cet exposé excellent. Ma question se place dans une perspective un peu différente. Le deuxième tableau que vous nous avez montré expose sous un jour assez défavorable la situation globale des investissements en R-D au Canada. Je suppose que dans ces moins de 2 p. 100 du PIB sont inclus à la fois les investissements en R-D du secteur privé et du secteur public.

M. Arthur Carty: Le chiffre exact est d'environ 1,65 p. 100 et, oui, il inclut à la fois les investissements en R-D du secteur privé et du secteur public.

M. Dan McTeague: J'ai travaillé pour une compagnie nationale étrangère pendant une bonne partie de ma vie—quand j'avais un vrai travail, dans le secteur privé—et quatre, voire peut-être cinq, des premiers pays qui sont énumérés sont des nations caractérisées dans une très large mesure, au niveau de leur petites et grandes entreprises mais surtout de leur grandes entreprises, par un degré énorme de contrôle étranger dans leurs économies.

Vous avez cité un certain nombre de réussites dans les domaines pharmaceutique, aéronautique et aérospatial. Je me demande si nous avons les moyens...

• 1650

Avant de vous poser ma question, permettez-moi de vous en poser une autre: considérez-vous que le haut niveau de participation étrangère au Canada dans des domaines importants de notre économie est un facteur inhibant de ce que serait autrement un phénomène naturel d'investissement dans la R-D? Pour être plus précis, croyez-vous qu'il y a une relation de cause à effet? Est-ce que l'ouverture canadienne à la participation étrangère de pays un peu partout dans le monde est un des facteurs qui expliquent les raisons de la faiblesse des investissements dans la R-D par rapport à nos concurrents?

M. Arthur Carty: Je vous répondrai de deux manières. Pour commencer, il ne faut pas oublier l'existence d'un facteur historique très important. Dans le passé, le Canada était avant tout une économie axées sur les matières premières. Généralement, l'industrie primaire investit très peu dans la R-D. Notre passé est le reflet de cette économie axée sur les matières premières.

Il est également vrai que, dans le passé, nombre des multinationales qui se trouvaient au Canada n'investissaient dans la R-D que dans leur pays d'origine, principalement aux États-Unis, mais aussi parfois en Europe. Il y a une ou deux exceptions. Je pense, par exemple, au centre de recherches de Xerox à Mississauga où Xerox a décidé de donner à ce centre une exclusivité mondiale pour les matériaux. Pour Xerox, c'est une véritable réussite à l'échelle mondiale.

M. Dan McTeague: J'aimerais vous poser une question sur ces exclusivités mondiales. Vous avez parlé des produits pharmaceutiques. Savons-nous combien d'exclusivités mondiales existent actuellement au Canada dans le domaine pharmaceutique?

M. Arthur Carty: Combien d'exclusivités mondiales y a-t-il?

M. Dan McTeague: Ou, puisque nous en parlons, dans l'industrie automobile?

M. Arthur Carty: Dans le domaine pharmaceutique, il y a quelques exemples notoires. Merck Frosst est une compagnie canadienne. Elle est associée à Merck aux États-Unis, mais en matière de R-D, elle a toujours agi indépendamment. Elle vient de connaître un énorme succès avec un nouveau médicament cet été. C'est un médicament canadien mis au point entièrement au Canada grâce aux investissements en R-D qu'elle a faits. Merck Frosst a pris très rapidement de l'expansion. C'est une exception à la règle des multinationales qui ne font qu'investir et récolter des bénéfices. C'est un exemple extraordinaire.

Il y a d'autres exemples dans le domaine biopharmaceutique et dans le domaine médical où des compagnies canadiennes se sont développées seules. Quadralogics PhotoTherapeutics est aujourd'hui une compagnie qui vaut plusieurs milliards de dollars. BioChem Pharma est une compagnie bien de chez nous.

Je veux dire simplement qu'il y a une certaine pesanteur historique. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis l'époque où nous n'étions qu'une économie de matières premières. Nous sommes maintenant une économie de matière grise et vous pouvez constater l'impact des secteurs des télécommunications et de la technologie d'information. D'ailleurs, il y a eu un certain nombre d'annonces qui ont été faites ce matin que je n'ai pas entendues. Nortel et JDS Fitel connaissent une énorme croissance. Il y a aussi de petites compagnies.

M. Dan McTeague: Au Canada.

M. Arthur Carty: Oui. Cela montre aussi que personne de nos jours, aucune compagnie, ne peut espérer avoir un impact mondial en se limitant au Canada. Nortel investit massivement dans la R-D en Chine en plus de la construction d'un nouveau laboratoire.

M. Dan McTeague: Très bien. Ce que je voudrais dire est ceci: si nous investissons dans les jeunes, si nous investissons dans le CNRC, dans le PARI et dans beaucoup d'autres choses, la question reste, bien entendu, à quelle hauteur et pour quelles conséquences? Le moyen de mesurer ce qui est nécessaire pour l'innovation est peut-être difficile à trouver pour la simple raison que le contrôle n'est pas vraiment exercé par le Canada. Par exemple, une compagnie japonaise peut se servir de son siège social comme moyen pour mesurer et cadrer ses engagements en matière d'innovation. Est-ce que le Canada ne se trouve pas dans une position nettement désavantagée comme le montrent les chiffres que vous nous avez donnés aujourd'hui?

M. Arthur Carty: Je ne le pense pas. Je crois que les pesanteurs historiques sont importantes. Le Canada a commencé à investir; vous constaterez des changements. Si la courbe actuelle des investissements se poursuit de la même manière que depuis ces trois dernières années, la place du Canada montera. Les investissements industriels dans la R-D augmentent de 4 à 5 p. 100 chaque année. Les investissements du secteur public, qui sont très importants... Notre profil industriel fait en sorte que nous n'avons pas beaucoup de grosses compagnies qui investissent de manière importante dans la partie médiane de ce spectre de R-D. C'est la raison pour laquelle le CNRC a un rôle très important à jouer, car au milieu de ce spectre, combien de compagnies pouvez-vous nommer qui investissent plus de 1 milliard de dollars dans la R-D? Une au Canada.

• 1655

Pourquoi est-il si important d'avoir de bonnes, de fortes interactions entre l'industrie et le CNRC, et de fortes et de bonnes interactions entre l'industrie et les universités? C'est parce que dans cette partie médiane il n'y a pas d'investissements solides dans la R-D stratégique à moyen et à long termes dans ces domaines de création de richesse. Aux États-Unis il y a des centaines de Nortel tout comme en Europe et au Japon. En conséquence, nos entreprises moyennes, nos petites entreprises et nos laboratoires de gouvernement sont très importants pour l'infrastructure industrielle de ce pays parce qu'ils comblent une lacune.

M. Dan McTeague: Très bien. Je crois que c'est une excellente réponse.

Incidemment, à propos des produits pharmaceutiques, je pensais aux laboratoires Connaught, bien entendu, qui ont connu quelques réussites assez stupéfiantes mais qui aujourd'hui appartiennent à un consortium étranger. Il est à espérer que malgré cela, il reste possible de faire ces magnifiques découvertes qui nous permettent de garder nos jeunes et de garder les investissements chez nous et jouer ainsi notre rôle sur la scène internationale.

Merci, monsieur.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.

Je n'ai plus de noms sur ma liste. Monsieur Carty, je tiens à vous remercier d'être venu nous voir cet après-midi. Je vous sais gré d'avoir pu vous libérer malgré la brièveté du préavis et nous vous remercions de votre témoignage.

M. Arthur Carty: Tout le plaisir était pour moi.

La présidente: Nous vous reverrons aussi avec plaisir.

M. Arthur Carty: Merci beaucoup.

La présidente: Merci.

La séance est levée.