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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 17 mai 2000

• 1537

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent du patrimoine canadien, lequel se réunit cet après-midi afin de poursuivre l'étude du projet de loi C-27, Loi concernant les parcs nationaux du Canada.

Nous sommes très heureux aujourd'hui d'accueillir des représentants des Premières nations. Nous avons le chef Dennis White Bird qui représente l'Assemblée des premières nations, et James Plewak qui représente la Coalition des Premières nations.

Je vais demander à M. Plewak et au chef White Bird de présenter les personnes qui les accompagnent aujourd'hui.

Le vice-chef Dennis White Bird (Assemblée des premières nations): Merci, monsieur le président.

Je suis accompagné aujourd'hui par le grand chef Rod Bushie, du Manitoba, ainsi que par notre personnel juridique, David Nahwegahbow et Diane Corbiere, qui est également l'associée de Dave.

Le président: Je devrais donner quelques explications. Merci beaucoup pour vos mémoires. D'après une règle de notre comité, les mémoires ne peuvent pas être distribués officiellement à moins d'être traduits dans les deux langues officielles. Ils vont être traduits et distribués aux députés.

Chef White Bird, je vous cède la parole.

Le vice-chef Dennis White Bird: Merci.

J'aimerais vous donner quelques renseignements préliminaires. Je vais présenter mon exposé dans une perspective nationale, tandis que le grand chef Bushie va présenter le sien d'un point de vue provincial. James Plewak va répondre d'un point de vue local. Il a joué un rôle actif dans le contexte du Parc national du Mont-Riding. À une époque, sa bande possédait des terres dans le parc national; elle a ensuite été forcée de se retirer et des terres lui ont été cédées ailleurs. Nous voulons donc présenter à votre comité une perspective nationale, une deuxième, provinciale et la troisième, locale.

• 1540

J'aimerais commencer mon allocution en adressant nos salutations au comité, à vous-même, monsieur le président, et aux dames et messieurs qui se trouvent ici, les honorables députés. Il est bon de voir ici le député de Dauphin—Swan River, Inky Mark. C'est en effet lui qui est le député représentant la bande indienne de Rolling River dont j'ai été le chef à une époque, ainsi que Keeseekoowenin.

Plusieurs Premières nations sont installées autour du Parc national du Mont-Riding. Je ne suis pas sûr qu'elles ont eu la possibilité d'examiner le projet de loi C-27 et de faire des recommandations.

J'aimerais également ajouter qu'après mon exposé, l'avocat David Nahwegahbow fera un exposé sur plusieurs questions et mettra l'accent sur certaines préoccupations juridiques que nous avons par rapport au projet de loi C-27.

J'aimerais entamer mon exposé en précisant que l'Assemblée des premières nations ne trouve pas de failles majeures aux buts et aux objectifs généraux du projet de loi C-27. En ce qui nous concerne, la protection et la conservation de l'intégrité de la flore, de la faune, de la terre et des eaux constituent une cause valable. Nous jugeons appropriées et louables les mesures entreprises par le gouvernement du Canada et sur lesquelles nous nous penchons. Je veux dire donc que nous ne trouvons rien à redire à l'objectif relatif à la protection et à la conservation de la flore et de la faune au sein du Parc national du Mont-Riding.

J'aimerais souligner que nous avons quelques préoccupations à propos d'autres aspects des arrêts de la Cour suprême qui ont été rendus ces 20 dernières années.

Le projet de loi C-27 vise à faire en sorte que l'intégrité écologique soit prioritaire dans les parcs fédéraux et, dans le cadre des mesures nécessaires pour mener à bien cette tâche importante, il prévoira des pénalités plus sévères pour le braconnage et le trafic illégal d'espèces protégées, de plantes rares et de fossiles. À nos yeux, ces objectifs sont bien fondés, méritoires et non litigieux.

Bien sûr, dans ce secteur particulier, nous comprenons et nous savons qu'il existe des droits ancestraux et des droits issus de traité propres aux Premières nations que nous représentons et nous allons certainement les aborder dans le contexte des arrêts de la Cour suprême.

Cela ne signifie pas pour autant que nous n'ayons pas de préoccupations à formuler. Nous avons plusieurs réserves quant au processus de consultation relatif au projet de loi et à la façon dont les Premières nations peuvent s'inscrire dans le nouveau régime de gestion des parcs nationaux. L'Assemblée des premières nations ne peut pas appuyer entièrement le projet de loi pour l'instant. Nous voulons avoir la garantie que des consultations adéquates vont avoir lieu.

Je pourrais proposer au comité de rendre visite à certaines des collectivités des Premières nations qui se trouvent à côté des parcs nationaux ou à l'intérieur de ceux-ci. Je crois qu'il est très important d'entendre le point de vue des gens. Il est également très important que ces gens aient la possibilité de se pencher sur votre projet de loi C-27 dans le contexte des droits issus de traités et des droits ancestraux.

• 1545

D'abord, l'un des points que l'Assemblée des premières nations souhaite porter à votre attention concerne davantage le rôle des Premières nations, à savoir comment les décisions pertinentes se prennent en vue d'atteindre ces objectifs et comment les mesures seront plus tard mises en oeuvre. Comme vous le savez tous, les Premières nations détiennent certains droits sur la majorité des terres visées par les discussions entourant le projet de loi C-27. De plus, nous avons des attentes envers le gouvernement du Canada en ce qui a trait à la gestion future des parcs nationaux et au rôle des Premières nations dans ce processus de gestion, et nous souhaiterions vous en toucher un mot.

Pour ce qui est de l'élaboration de politiques et du processus décisionnel, nous voulons nous assurer que les Premières nations seront dûment consultées et invitées à participer. Nos craintes concernant le rôle des Premières nations s'articulent autour du besoin d'intégrer nos droits juridiques, moraux et constitutionnels...

Le président: Excusez-moi un instant. Je voulais simplement indiquer aux députés que cette sonnerie ne signifie pas la tenue d'un vote; elle signale simplement l'absence de quorum; par conséquent n'y faites pas attention. Désolé.

Le vice-chef Dennis White Bird: ...et de la pertinence du cadre législatif proposé pour la mise en oeuvre de saines mesures de gestion partagées entre le gouvernement du Canada et les Premières nations.

Malgré que je ne souhaite pas m'étendre sur le passé, il n'est pas vain de rappeler qu'il y a quelques années, en 1969, le gouvernement du Canada suggérait que les Premières nations ne devraient pas jouir de droits ancestraux. À cette même époque, le Canada se questionnait sérieusement à savoir si les anciens traités qu'il avait convenus avec nos nations s'appliquaient toujours et s'ils méritaient qu'on les honore dans un contexte moderne. Je fais bien sûr référence au débat social, juridique et politique coloré qui entourait le Livre blanc de 1969, lequel se voulait une solution à tout ce qui se rapportait au problème indien.

Nous, les Premières nations du Canada, avons vu cette solution comme une menace claire et démesurée à notre survie en tant que nations et que peuples. Elle menaçait dangereusement notre culture, nos droits et notre patrimoine. Elle constituait également un appel à la sensibilisation quant au besoin de mieux comprendre et de rapporter l'histoire telle qu'elle s'est déroulée lors de l'édification du Canada, en plus de susciter une plus grande vigilance au sujet de certaines questions, notamment nos droits ancestraux, nos traités et notre identité culturelle et politique.

Heureusement, en 1973, forts de l'aide avisée de la Cour suprême du Canada dans le cas Calder, nous avons pu laisser derrière nous ces craintes et inquiétudes conceptuelles. Pourtant, nous devons toujours composer avec un héritage persistant et tenace provenant de ces jours sombres et des philosophies dépassées et mal informées qui en découlaient.

Dans la cause Calder, la décision majoritaire voulait que les Nisga'as possèdent des droits ancestraux à leurs territoires traditionnels, et que ces droits aient survécu à la colonisation. Cet arrêt était plus tard suivi de la cause Guerin c. la Reine, dans laquelle la Cour suprême affirmait que les droits ancestraux toujours en vigueur étaient reconnus en vertu de la common law et avaient force exécutoire devant les tribunaux. L'arrêt précisait également que les répercussions des lois fédérales sur les terres indiennes sujettes à un titre autochtone en vigueur imposaient à la Couronne une obligation fiduciaire.

Dans le cas Sparrow, la Cour suprême du Canada a décrété que l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaissait et confirmait les droits ancestraux existants d'un membre de la bande indienne Musqueam, lui permettant de pêcher le saumon dans la rivière Fraser, là où ses ancêtres avaient pêché depuis des temps immémoriaux. En outre, la Cour a déterminé que cette reconnaissance et cette confirmation constitutionnelles protégeaient suffisamment ces activités en dépit des lois fédérales qui auraient autrement invalidé de tels droits et activités.

L'article 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 se rapporte directement aux droits des peuples autochtones du Canada. Il stipule que: «Les droits ancestraux et issus de traités existants des peuples autochtones du Canada sont par la présente reconnus et confirmés.»

• 1550

L'arrêt Sparrow a également établi une norme quant à la justification que toute loi enfreignant un droit autochtone devrait fournir pour invalider ce dit droit. Les droits ancestraux et issus de traités peuvent être réglementés en vertu de la loi fédérale, uniquement s'il est démontré que la loi en question satisfait aux critères applicables énoncés dans le test Sparrow.

Autrefois, on reconnaissait que les droits ancestraux issus de traités étaient à la merci d'une réglementation et d'une extinction unilatérales aux mains du gouvernement fédéral. Or, cette vulnérabilité est chose du passé car les droits précités sont maintenant enchâssés dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Bien sûr, la réglementation des droits ancestraux et issus de traités est toujours possible, mais sujette au test prévu par l'arrêt Sparrow. Plus récemment, dans la cause Badger, puis dans la cause Marshall, la Cour suprême du Canada a affirmé que les droits ancestraux et issus de traités mentionnés à l'article 35 sont en fait sujet aux mesures réglementaires fédérales. Toutefois, la Couronne doit démontrer que de telles réglementations sont justifiées à la lumière du test Sparrow et fondées sur la conservation ou sur d'autres bases d'une importance publique cruciale.

Il va s'en dire que la cause Sparrow établit le principe voulant que la Couronne doive mener des consultations auprès des Premières nations, et obtenir leur consentement lorsqu'elle se lance dans des activités ou qu'elle élabore des politiques qui auront une incidence sur nos droits.

En 1998, dans la cause Sundown, on demandait à la Cour suprême de se pencher sur des questions reliées à l'application de la Parks Act et de la Parks Regulations de la province de la Saskatchewan, de même que de la Convention sur le transfert des ressources naturelles, à la lumière des droits de chasse et de pêche connexes d'un Indien membre d'une nation signataire du Traité no 6.

Dans cet arrêt, qui tient compte de l'étude des lois provinciales dans le cadre d'une analyse étroitement reliée aux autres causes fédérales que je viens tout juste de mentionner, le répondant autochtone avait taillé des arbres dans un parc provincial pour se construire une cabane de chasse provisoire. Il a affirmé que cette activité faisait partie des droits que lui confirait son traité et qu'il s'agissait d'un aspect nécessaire à l'exercice de ses droits de chasse et de pêche.

On l'a accusé de contrevenir à la loi provinciale car il avait bâti, sans autorisation, une habitation dans un parc. Il était plus tard reconnu coupable. Par la suite, il en a appelé de ce jugement et a gagné sa cause. La Cour suprême a décrété, dans un appel subséquent, que cette activité de construction était «raisonnablement connexe» à l'exercice de ses droits issus de traités:

    Tout comme les droits ancestraux, les droits issus de traités ne doivent pas être interprétés comme s'il s'agissait de droits de propriété de common law. Tout droit sur la cabane de chasse est un droit collectif découlant du traité et de la méthode de chasse utilisée, en l'occurrence celle des expéditions de chasse. Ce droit appartient à l'ensemble de la bande...

Même si cette cause tenait compte de la Convention sur le transfert des ressources naturelles et des principes constitutionnels en plus de la pertinence du Traité no 6, elle a en fait appliqué le test Sparrow à des lois provinciales. La Cour suprême a rejeté l'appel provincial. Or, cette cause alimente particulièrement bien la discussion car, pour nous, elle illustre le caractère unique des droits issus de traités des Premières nations et la façon dont ils interagissent avec les lois visant à limiter ou à interdire l'exercice de ces droits sui generis.

Nous remarquons que, dans certaines situations, le régime de gestion des parcs nationaux devra pouvoir tenir compte des droits ancestraux et issus de traités qui sont regroupés. Je fais ici référence aux endroits, à l'intérieur des parcs nationaux, où les droits ancestraux issus de traités sont associés à des rites sacrés ou à des cimetières. Ces situations devront faire appel à des mesures créatives et souples pour permettre l'exercice des droits collectifs des Premières nations et fournir une protection adéquate aux sites visés.

Un site de ce genre me vient à l'esprit, soit le cimetière mis à jour il y a plusieurs années à l'intérieur des limites du lieu historique national du Fort-Témiscamingue. Il s'agit là d'une grande préoccupation pour la Première Nation de Timiskaming.

Toutefois, compte tenu des contraintes imposées par la politique actuelle sur les revendications globales, le ministre fédéral des Affaires indiennes et du Nord canadien ne peut connaître le titre ou les droits ancestraux existant à l'intérieur du lieu historique. De même, la ministre du Patrimoine canadien dispose elle aussi de peu de latitude pour traiter les questions que soulève cette situation.

• 1555

Nous devons étudier sérieusement ces questions. Mon collègue David Nahwegahbow vous en parlera plus en détail dans sa présentation, plus tard dans la journée.

En terminant, j'aimerais ajouter quelques lignes sur notre compétence et nos droits inhérents. Nous croyons que la compétence et les droits inhérents des Premières nations proviennent du Grand Esprit. Ils ne nous sont pas accordés par une quelconque nation et ne sont pas sujets à l'approbation de cette dernière. En tant que Premières nations, nous jouissons d'un droit souverain en matière de compétence au sein de nos territoires traditionnels. Nos terres sont des dons sacrés. Ces terres nous ont été données pour que notre peuple les utilise, en jouisse et en tire avantage. Nous sommes liés au Grand Esprit par l'obligation de soigner nos terres et de les protéger.

Il y a plusieurs années, le Canada répondait aux recommandations du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Cette réponse, intitulée Rassembler nos forces, était principalement axée sur le renouvellement de la relation auprès des Autochtones du Canada. La nouvelle approche aux questions qui nous touchent se fonde sur des principes de respect mutuel, de reconnaissance, de responsabilité et de partage. Elle comporte quatre principaux objectifs, soit le renouvellement des partenariats, le renforcement de la gestion autochtone, l'établissement d'une nouvelle relation fiscale et l'appui accordé à des collectivités, à des membres et à une économie solides.

Les recommandations que nous formulons aujourd'hui s'articulent autour de cet engagement envers une aide et une orientation mutuelles. Le titre et les droits ancestraux signifient pour nous que, en tant que membres des Premières nations, nous détenons des droits légaux sur la propriété de nos terres et de nos ressources, et nous avons le droit de maintenir notre lien sacré à nos terres en gérant nos territoires selon nos propres systèmes de gestion traditionnelle.

Nous avons des responsabilités envers ces terres et envers les plantes et la faune qui l'habitent et nous nourrissent. Ces responsabilités comprennent notre rôle de gardiens et de protecteurs de la terre et de tout ce qui vit à l'intérieur de nos territoires de façon à maintenir l'équilibre naturel et de vivre en harmonie avec la nature. C'est là l'essence même de notre relation traditionnelle avec la terre, et tous nos repères de sagesse spirituelle convergent vers ce principe au coeur de notre identité et de notre existence en tant qu'Autochtones et nations.

Nous avons le droit d'exercer notre compétence dans les limites de nos territoires traditionnels de façon à maintenir notre lien sacré avec nos terres, et ce, en pratiquant une gestion et une conservation prudentes des ressources assurant la survie économique et le mieux-être de nos collectivités.

Dans le nouveau régime de gestion des parcs nationaux, les Premières nations doivent compter un rôle clairement défini et agir à titre de partenaires à part entière auprès du gouvernement canadien en ce qui a trait à la recherche de nourriture au moyen de la chasse, de la pêche, du piégeage et de la récolte pour le mieux-être des Premières nations; la conservation, la gestion et la protection de l'environnement dans nos territoires traditionnels et de toutes les ressources renouvelables ou non qui s'y trouvent; des droits économiques comprenant l'accès aux ressources et aux activités commerciales; des droits spirituels à la pratique de notre religion, de nos traditions, et de nos coutumes et culture traditionnelles, sans oublier la protection des terres sacrées dont nous avons le soin; l'intégration de nos activités et de nos buts traditionnels; des possibilités de gestion coopérative, de formation et d'emplois; l'interprétation accrue de l'histoire et de la culture des Premières nations.

Voici nos recommandations.

D'abord, on recommande de suivre toutes les étapes nécessaires au cours de l'élaboration des lois et des politiques applicables à la nouvelle loi sur les parcs nationaux et à tout cadre de réglementation connexe, de sorte que les Premières nations touchées soient dûment consultées.

Ensuite, on recommande également que les lois élaborées dans le cadre de la mise en oeuvre de ce nouveau régime de gestion des parcs nationaux confèrent un mandat et des pouvoirs suffisamment étendus à la ministre du Patrimoine canadien pour qu'elle élabore et mette en oeuvre, en partenariat avec les Premières nations, une panoplie de mesures nécessaires au respect des droits de ces Premières nations et à la protection de leurs intérêts au sein des parcs nationaux canadiens.

• 1600

On recommande en outre que des mesures soient prises pour que les Premières nations soient consultées et qu'elles jouent un rôle dans l'élaboration de toute mesure législative, par exemple les règlements, qui touche ou qui peut avoir des répercussions sur les droits et les intérêts de ces dernières à l'intérieur du nouveau régime proposé de gestion des parcs nationaux faisant l'objet du projet de loi C-27.

J'aimerais dire quelques mots au sujet des vols à faible altitude dans le nord du Québec et du Canada. Nous avons appris que ces vols perturbent beaucoup les lieux de cueillette des gens qui habitent sur ce territoire, de même que les aires de mise bas des animaux qui vivent dans ce secteur.

Voilà qui termine mon exposé. Je vais demander à mon représentant juridique de vous parler de certaines dispositions du projet de loi.

Merci.

Le président: Monsieur Nahwegahbow.

M. David C. Nahwegahbow (président, Indigenous Bar Association): Merci, monsieur le président.

Je n'ai pas préparé d'exposé, mais j'ai un résumé de l'arrêt Delgamuukw que j'ai fait circuler. Malheureusement, comme le texte n'est pas dans les deux langues, il ne peut être distribué aux membres du comité. Toutefois, je vais me reporter à la décision, et le résumé sera peut-être consigné au compte rendu.

J'aimerais également remettre au président une copie de l'arrêt Delgamuukw, dans les deux langues, pour votre information.

Le président: Nous la distribuerons aux membres.

M. David Nahwegahbow: D'accord.

Je voudrais vous parler de façon précise du projet de loi C-27 et de certaines de ses dispositions. J'espère que vous en avez une copie. J'aimerais clarifier certains points abordés par le chef régional.

Passons d'abord à l'article 4 du projet de loi, plus précisément le paragraphe 4(2). Si l'on se fie au libellé du projet de loi et de la Loi sur les parcs nationaux, parce que la mise en oeuvre de la législation sur les parcs, qui sont du domaine public, relève de la compétence du gouvernement fédéral, il faut que Sa Majesté ait un droit de propriété sur les terres en cause. Or, on se demande si, dans les cas où ces terres sont l'objet d'une revendication non réglée, Sa Majesté détient ou non un droit de propriété sur celles-ci.

Le paragraphe 4(2) prévoit la création de réserves à vocation de parc, et ce mécanisme existe déjà dans la loi actuelle, sauf que ce paragraphe le modifie de façon considérable. Il précise que des réserves à vocation de parc peuvent être créées lorsqu'un peuple autochtone revendique des droits sur ces terres, mais uniquement si le gouvernement fédéral a accepté d'engager des négociations à cet égard au titre de sa politique des revendications territoriales globales.

Cette disposition soulève plusieurs problèmes. D'abord, elle précise que la revendication doit faire l'objet de négociations au titre de la politique fédérale des revendications territoriales. Or, qu'en est-il des situations où, par exemple, la Première Nation ou le demandeur décide de passer outre à la politique et de s'adresser aux tribunaux? Il se peut très bien que ces derniers établissent l'existence d'un titre ancestral dans ce cas-là.

• 1605

On se pose également de sérieuses questions au sujet de la légalité de la politique des revendications territoriales globales. Cette politique a été adoptée à la suite de la décision Calder, rendue en 1973. Elle a ensuite été modifiée en 1986 par le ministre de l'époque, Bill McKnight.

Des jugements importants ont été prononcés depuis 1986, des jugements qui ne concordent pas avec la politique des revendications territoriales globales. Le plus marquant, soit l'arrêt Delgamuukw, a été rendu il y a deux ans. Il s'agit d'une décision fort important qui précise que le titre aborigène est un droit de propriété. On s'est demandé si, déjà avant l'arrêt Delgamuukw, le titre aborigène était assimilé à un droit de propriété. La Cour suprême du Canada a clairement précisé qu'il s'agit d'un droit de propriété. Elle a plus ou moins reconnu qu'il n'équivaut pas à la propriété en fief simple, mais qu'il est aussi important que celle-ci.

La Cour a également statué que le titre aborigène se définit comme étant le droit d'occupation exclusive. Ce qui soulève la question suivante: à moins qu'il n'existe une entente quelconque, comment peut-il y avoir occupation exclusive quand un parc est créé sur ces terres?

D'après la Cour, le titre aborigène ne se limite pas nécessairement aux activités traditionnelles. II existe une différence entre les droits ancestraux, qui s'étalent le long d'un spectre, et le titre aborigène. À une extrémité du spectre, il y a le droit de pêcher, qui est un droit ancestral. À l'autre extrémité du spectre, il y a le titre aborigène proprement dit. Si un groupe peut prouver qu'il occupe ce territoire traditionnel depuis très longtemps, soit depuis l'affirmation de la souveraineté, on peut alors établir l'existence d'un titre aborigène. Ce titre n'est pas limité aux activités traditionnelles comme la pêche et la chasse. En fait, d'après la Cour, il englobe de nombreuses activités qui ne sont pas nécessairement traditionnelles. La politique des revendications territoriales globales ne cadre donc pas avec le jugement de la Cour suprême du Canada.

Il est un autre aspect de la politique qui s'écarte du jugement, soit celui de l'extinction. L'arrêt Delgamuukw n'exige pas que les groupes autochtones cèdent leur titre aborigène. Ils peuvent uniquement céder leur titre s'ils entendent utiliser leurs terres traditionnelles à des fins incompatibles avec le rapport qu'ils entretiennent avec celles-ci. La Cour a utilisé l'exemple d'un groupe qui veut transformer des terres utilisées à des fins cérémoniales, des terres sacrées, en terrain de stationnement. Dans ce cas, il faudrait que le groupe autochtone cède son titre avant de pouvoir le faire. Autrement, il n'a pas à le faire. Or, la politique des revendications territoriales globales exige, elle, que les groupes autochtones cèdent leur titre.

De nombreux aspects de l'arrêt Delgamuukw font maintenant que cette politique est illégale. Est-ce que le fait de la mentionner dans le projet de loi lui donne un statut législatif? Est-ce que cette mention permet de valider une politique qui peut être jugée illégale par la Cour suprême du Canada? Il s'agit-là de questions sérieuses auxquelles vous devez réfléchir avant d'inclure tout renvoi à la politique des revendications territoriales globales dans cet article.

• 1610

L'article 5 porte sur la création de nouveaux parcs. Cette disposition figure déjà dans la loi actuelle. Elle précise que le droit de propriété non grevé de charge sur les terres en cause doit être établi avant qu'un nouveau parc ne soit créé.

Cette exigence peut être utile pour la création de nouveaux parcs, mais qu'en est-il des parcs qui existent déjà? Le chef régional a fait allusion au Fort-Témiscamingue, un dossier auquel je me suis intéressé. Il est question ici non pas d'un parc national, mais d'un lieu historique national, ce qui est quelque peu différent en vertu de la loi actuelle. Ce n'est pas la même chose qu'un parc national. Toutefois, ce parc était, à l'origine, un lieu historique national. Le gouvernement fédéral en a fait l'acquisition vers 1993, conformément à la partie II de la loi actuelle. Il a été transformé en lieu historique national par voie de décret.

L'ancien Fort-Témiscamingue se trouve dans la région de Ville Marie, soit sur les terres traditionnelles de la Première nation de Timiskaming. Il est également situé sur les terres réservées aux Indiens en vertu de la Proclamation royale de 1763. Le gouvernement à l'époque aurait dû se rendre compte à ce moment-là qu'il s'agissait de terres indiennes.

Vu la nécessité d'établir l'existence d'un titre de propriété, et comme ce site historique a été désigné lieu historique national, je me demande pourquoi on l'a ainsi transformé sans obtenir l'approbation de la Première nation de Timiskaming. Ensuite, comme ces terres font l'objet d'une revendication non réglée, la désignation de lieu historique national n'est-elle pas alors nulle et sans effet?

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. David Nahwegahbow: C'est, en fait, un site historique.

Les circonstances qui ont mené au blocus de l'ancien Fort- Témiscamingue par la Première nation de Timiskaming... Ils avaient prévu réaménager le territoire, et c'est ce qu'ils ont fait. La chef de la Première nation de Timiskaming a demandé à Parcs Canada à être consultée, mais sa demande a été rejetée.

Ce n'est qu'après que des travailleurs eurent découvert des restes dans certains lieux de sépulture qu'on a communiqué avec la Première nation de Timiskaming. En fait, ils ont découvert des restes, ont continué de creuser—avec une pelle rétrocaveuse—et ce n'est qu'après avoir trouvé une quatrième tombe qu'ils ont décidé de communiquer avec la chef Carol McBride, de la Première nation de Timiskaming.

Des discussions assez sérieuses ont ensuite eu lieu. Je dois dire que Tom Lee, le directeur général de Parcs Canada, et certains fonctionnaires ont cherché à discuter sérieusement et sincèrement avec la Première nation de Timiskaming, mais après la découverte des restes. Malheureusement, en raison des contraintes imposées par la loi actuelle, le gouvernement ne peut, par exemple, reconnaître l'existence du titre aborigène, surtout dans le contexte des parcs, parce que la mise en oeuvre de la Loi sur les parcs repose sur l'existence d'un titre de propriété.

• 1615

La chef McBride a demandé que le titre ancestral visant l'ancien fort soit reconnu. Parcs Canada a déclaré qu'il devait consulter le ministère des Affaires indiennes, du fait qu'il ne pouvait agir seul. Nous avons donc communiqué avec le ministère. Les fonctionnaires nous ont dit, dommage, nous ne pouvons reconnaître le titre ancestral parce que la politique des revendications territoriales ne nous le permet pas. Et ce, malgré l'arrêt Delgamuukw.

Nous avons rencontré Jane Stewart qui, à l'époque, était ministre des Affaires indiennes, et elle a déclaré qu'ils ne pouvaient reconnaître le titre, mais qu'ils agiraient comme si ce titre existait. Nous avons essayé d'en négocier la mise en oeuvre, mais en vain.

Nous avons rencontré la ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, et nous espérons qu'une solution sera bientôt trouvée.

Je crois comprendre que les habitants de la région de Témiscamingue aimeraient ouvrir le parc au cours du long week-end. En fait, nous devons rencontrer Tom Lee et certains représentants du ministère de la Justice immédiatement après la réunion.

Je vous ai donné une explication plutôt détaillée de l'arrêt Delgamuukw et de la question du titre de propriété, mais cela nous permet de comprendre pourquoi il a été difficile pour la Première nation de Timiskaming de faire reconnaître son titre à l'égard du vieux fort.

J'aimerais dire quelques mots au sujet du projet de loi. Je vais essayer d'aller un peu plus vite.

Le paragraphe 6(2) porte sur le règlement de revendications territoriales. Il précise, et je cite: «À la suite du règlement de toute revendication territoriale visée au paragraphe 4(2), le gouverneur en conseil peut, par décret...» créer un parc en vertu de l'annexe 1 «si Sa Majesté du chef du Canada a un droit de propriété non grevé de charge sur les terres en cause...».

Je ne suis pas d'accord avec ce passage, car on part du principe que les terres seront cédées une fois les revendications territoriales réglées. Comme je l'ai déjà mentionné, la Cour suprême du Canada n'a pas statué qu'il devait y avoir cession de terres. Si j'étais législateur, je me demanderais comment on peut confirmer, sur le plan législatif, que la cession du titre ancestral fait partie de la politique des revendications territoriales globales. Ce n'est pas ce que la Cour suprême du Canada a laissé entendre dans l'arrêt Delgamuukw. Elle a statué que le titre de la Couronne et le titre ancestral doivent être conciliés. Elle n'a pas dit que le titre ancestral doit être cédé.

• 1620

Le paragraphe 8(2) met l'accent sur la préservation de l'intégrité écologique et la protection des ressources naturelles. Il s'agit là de la première priorité du ministre. L'arrêt Sparrow, auquel le chef régional a fait allusion, précise clairement que, en ce qui concerne la répartition des ressources—dans ce cas-là, les pêches, mais ce pourrait être aussi bien la faune ou la flore—il faut d'abord accorder la priorité à la conservation, et ensuite à la pêche à des fins de subsistance. Je suppose que si intégrité écologique est synonyme de conservation, alors la disposition est acceptable.

Je vous renvoie maintenant à l'article 10 en vertu duquel le ministre peut, pour l'application de la présente loi, conclure des accords avec des ministres ou organismes fédéraux ou provinciaux ainsi qu'avec des administrations locales ou autochtones. Je n'ai pas de problème à ce sujet et je crois que cet article est probablement utile.

Le problème se pose au sujet de l'alinéa 10(2)b) en vertu duquel le ministre peut conclure des accords avec «une administration locale dont relèvent des terrains contigus à un parc en vue de l'approvisionnement en eau, à partir du parc, de tout lieu situé sur ces terrains».

Le fait d'inclure les administrations locales ou autochtones au paragraphe 10(1) et de les exclure à l'alinéa 10(2)b) dénote une mauvaise rédaction ou indique, à mon avis, qu'il n'est pas possible de conclure des accords avec une administration autochtone en vue de son approvisionnement en eau à partir du parc.

L'article 13 est une autre disposition particulière en vertu de laquelle: «Sauf dans la mesure permise par les autres dispositions de la présente loi ou ses règlements..., de les utiliser ou de les occuper.»

Le vice-chef a parlé de plusieurs causes dont la cause Sundown. Il était question d'un parc provincial, mais il a été dit qu'un Autochtone qui, en vertu d'un droit issu de traité peut chasser dans un secteur, a le droit de construire une cabane sur les lieux et de l'occuper. C'est un arrêt de la Cour suprême du Canada. Un arrêt semblable a été rendu, l'arrêt Sioui, au Québec, visant de nouveau un problème de droit issu de traité et selon lequel les Autochtones qui jouissent de droits de chasse dans un secteur donné peuvent couper du bois pour faire un feu dans un parc.

Cela me semble aller à l'encontre de ces causes.

Les Premières nations qui se trouvent dans cette situation devraient-elles dépendre d'un règlement et du pouvoir discrétionnaire du ministre ou du cabinet en place? Il ne s'agit pas de droits ordinaires. Le Parlement fédéral et les assemblées législatives provinciales ont déclaré que les droits ancestraux et les droits issus de traités sont reconnus et confirmés. Il s'agit maintenant de droits reconnus constitutionnellement. Ce ne sont pas uniquement des droits ordinaires de common law. Ils sont reconnus en vertu de la loi suprême du pays.

L'article 14 traite de réserves intégrales ce qui, encore une fois, donne suite à l'ancienne loi. En vertu du paragraphe 14(2), «Le ministre ne peut autoriser, dans les réserves intégrales, les activités susceptibles de compromettre leur caractère distinctif.» Est-ce que la chasse de subsistance, dans les réserves intégrales, est une activité susceptible de compromettre leur caractère distinctif? Je ne le sais pas, mais c'est une question qui me vient à l'esprit et c'est la raison pour laquelle je la pose.

• 1625

J'aimerais maintenant vous renvoyer à l'article 17 en vertu duquel le gouverneur en conseil peut «par règlement, régir l'exercice des activités traditionnelles en matière de ressources renouvelables» dans des parcs spécifiquement mentionnés. On peut lire à l'alinéa 17(1)e):

    tout parc national du Canada créé sur un territoire où le maintien de ces activités est prévu par un accord relatif à sa création conclu entre le gouvernement du Canada et celui d'une province.

Qu'en est-il des Indiens dans ce cas précis? Ces droits de chasse et de cueillette ne peuvent être maintenus que si les provinces et le gouvernement fédéral en conviennent, mais les provinces sont justement les entités qui constamment lancent des poursuites en cas d'infractions dans le domaine de la chasse. Comment peut-on s'attendre à ce qu'une province accepte de respecter et de reconnaître les droits de chasse et de cueillette?

Le paragraphe 17(3) du projet de loi se lit comme suit: «Les règlements pris en application des paragraphes (1) et (2) peuvent», et ensuite l'alinéa 17(3)c) se lit comme suit: «interdire l'utilisation des ressources renouvelables prélevées dans les parcs à d'autres fins que dans le cadre de ces activités traditionnelles». Je vous ai indiqué plus tôt que l'affaire Delgamuukw ne limite pas les activités à des activités traditionnelles. Par conséquent, si vous avez un parc dans un secteur qui est sujet à un titre autochtone, vous ne pouvez pas constitutionnellement le limiter à des activités traditionnelles uniquement.

L'alinéa 17(3)f) indique que les règlements peuvent «autoriser le directeur d'un parc, malgré toute autre disposition du présent paragraphe». Cela autorise le directeur d'un parc à modifier les règlements en fonction de circonstances particulières. Il y est indiqué: «à des fins de gestion du parc, de sécurité publique ou de préservation des ressources naturelles». La préservation et même la sécurité publique ne me posent pas de problème, mais la gestion du parc est une notion beaucoup plus vaste que ce qui est autorisé dans l'affaire Sparrow et dans l'affaire Delgamuukw. La gestion du parc pourrait essentiellement viser n'importe quoi. C'est une notion trop vaste qui, je crois, donne au directeur un pouvoir discrétionnaire beaucoup trop étendu qui risque d'être arbitraire.

Le problème général que me pose l'article 17, c'est l'obligation de consultation, dont a parlé le vice-chef. L'affaire Sparrow et l'affaire Delgamuukw obligent le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux—qui cherchent à empiéter ou qui peuvent empiéter sur les droits ancestraux et les titres autochtones—à entamer des consultations avec les groupes autochtones touchés. La cour a déclaré que la consultation peut prendre plusieurs formes. Il peut s'agir d'une simple communication avec le groupe autochtone. Par contre, dans les cas où les droits de chasse et de cueillette sont touchés, lorsqu'il s'agit de loi sur la faune, la consultation signifie le consentement; or, il n'est pas fait mention de consentement dans cette disposition.

• 1630

En vertu du paragraphe 25(1) «Il est interdit de faire le trafic d'un animal sauvage—mammifère, amphibien» etc. Nous avons eu plusieurs causes maintenant, y compris la cause Marshall, qui reconnaissent le droit des peuples autochtones à faire le trafic d'animaux sauvages. Là encore, c'est un moyen d'existence modéré. Je ne sais pas s'il y a un parc dans son secteur, mais ce droit est potentiellement touché. Il y a d'autres secteurs où l'on retrouve certainement des aspects commerciaux liés aux droits autochtones de chasse et de cueillette.

Je peux également donner l'exemple du Cap Croker. Une décision particulière a été rendue à propos des Chippewas de Nawash et du Cap Croker dans la région de la péninsule Bruce. Je remarque qu'il s'y trouve un parc, un parc marin, que la cour a reconnu et déclaré sujet au titre des Indiens du Cap Croker, les Chippewas de Navash, et les Chippewas de Saugeen.

La définition de trafic comprend le troc en vertu du paragraphe 25(3). L'échange de plantes médicinales, par exemple, entre divers Indiens au sein de la même Première nation et entre Premières nations serait une infraction à cette disposition.

Nous remarquons également une augmentation assez considérable des peines et des amendes qui passent de 10 000 $ à 50 000 $. Cela figure à l'article 26. La peine de prison, si l'acte est jugé criminel, est de cinq années au maximum. Il s'agit de peines éventuelles assez graves pour les Premières nations.

En tant qu'avocats, nous défendons inévitablement les Autochtones qui sont poursuivis en vertu de la législation sur les parcs, de la législation provinciale sur la faune ou des règlements fédéraux sur la pêche, dont l'administration est déléguée aux provinces. Ces genres de causes ne donnent pas droit à l'aide juridique, en Ontario à tout le moins, et si je comprends bien, la situation est la même dans tout le pays. Vous parlez donc ici de peines éventuelles très graves pour des gens qui n'auront potentiellement pas accès à un avocat.

Peut-être le savez-vous ou non, mais en général, la défense des droits ancestraux ou issus de traités exige beaucoup de préparation. Vous avez entendu parler des causes autochtones et des nombreuses journées qu'il faut prévoir pour les plaider. Elles aboutissent normalement à la Cour suprême du Canada, comme nous le savons.

J'imagine que l'article 42 remplace de ce qui était la partie II, qui traitait des parcs historiques nationaux. L'article 42 permet d'ériger des lieux historiques nationaux. Je ne sais pas ce qu'il est advenu des parcs historiques nationaux. Est-ce que le Parc historique national de Témiscamingue, par exemple, va maintenant être un lieu historique national? Bien sûr, les préoccupations sont les mêmes pour les parcs historiques nationaux que pour les lieux historiques nationaux. La question de titre libre se pose et on peut aussi se demander ce qui se passe dans le cas de parcs ou de lieux historiques nationaux qui ont déjà été créés, alors que la question du titre autochtone n'a pas été réglée.

• 1635

On m'a également indiqué que ce projet de loi ne renferme pas de clause de non-dérogation. Cela me semblerait la moindre des choses. Je ne dis pas que c'est acceptable, mais la non-dérogation des droits ancestraux et des droits issus de traités existants serait la moindre des choses.

Il y a plusieurs... Dans l'annexe sur les parcs, je remarque que les parcs qui figurent dans l'actuelle annexe 1 ne sont pas inclus dans cette loi. Si je comprends bien, cette loi vise à simplifier la création de nouveaux parcs. Auparavant, les parcs devaient être créés par une loi, par une modification précise à l'annexe 1; si je ne me trompe pas, le vérificateur général a soulevé quelques préoccupations au sujet de la lenteur de ce processus.

Le nouveau projet de loi vise à déléguer la création des parcs au gouverneur en conseil, à pouvoir le faire par décret, ce qui pose certains problèmes; en effet, si cela se fait au moyen d'une loi, un débat public et un examen plus attentif au Parlement s'imposent. Si cela se fait simplement par décret, le Cabinet jouit d'un trop grand pouvoir discrétionnaire.

À cet égard, je me demande ce qu'il advient des parcs qui figuraient à l'annexe 1 de la loi existante et qui ne sont pas énumérés dans l'annexe 1 du nouveau projet de loi. Qu'arrive-t-il à ces parcs? Cela veut-il dire qu'ils ne sont plus visés par l'annexe?

En fait, une Première nation que nous représentons, la Première nation Pic River, se trouve à côté du Parc national Pukaskwa, qui est en fait proposé comme parc national, car il existe un accord entre le gouvernement du Canada et la province de l'Ontario en vertu duquel avant la création du parc, la question du titre autochtone ou de la revendication des Indiens doit être réglée. Cette Première nation a présenté une revendication dans le cadre de la politique des revendications globales; elle a été rejetée. Cette Première nation va maintenant déposer une déclaration de revendication auprès de la Cour suprême de l'Ontario.

Est-ce que la suppression du Parc national Pukaskwa de l'annexe 1, ou le fait qu'il n'apparaisse pas dans le projet de loi, signifie qu'il va être assujetti à la nouvelle procédure de désignation en tant que parc national, par décret? Si c'est le cas, cela nous pose de graves problèmes également, car cela équivaut en fait à contourner le processus législatif.

Deux parcs qui figurent dans l'annexe 1 du projet de loi sont également source de préoccupation. Je veux parler de l'extension de l'île Middle qui, je crois, se trouverait dans le secteur de la Première nation Walpole Island. Autant que je sache, Walpole Island vient juste de déposer une déclaration de revendication affirmant l'existence du titre autochtone sur son territoire traditionnel. Vous voudrez peut-être examiner de plus près la création du parc de la Pointe-Pelée, ce point particulier au moins, l'extension de l'île Middle.

Il est également question de faire des îles de la Baie-Georgienne un parc. Je suis de la région de la Baie-Georgienne, tout comme mon collègue, et je sais que la revendication du titre autochtone de ces îles n'a pas encore été réglée. Il n'y a pas de cession claire de ces îles. Je ne sais pas si les membres des Premières nations de la Baie-Georgienne ont été consultés au sujet de la création de ce parc fédéral qui regrouperait ces îles.

• 1640

Ainsi se termine mon exposé et je vous remercie de m'avoir écouté.

Le président: Il est maintenant 16 h 40 et nous devons lever la séance à 17 h 30. Il y aura un vote à la Chambre. Si vous voulez entendre les questions des députés, ce qui, à mon avis, est très important pour établir un dialogue avec vous, je propose que les deux personnes qui vont faire un exposé, le résument pour nous laisser peut-être le temps de poser des questions, si cela ne vous dérange pas. Nous n'aurons pas l'occasion de nous rencontrer de nouveau, car ces séances sont prévues d'avance.

Allez-y, chef, si vous le pouvez, résumez votre exposé.

Le grand chef Rod Bushie (Assembly of Manitoba Chiefs; Assemblée des premières nations): Bonjour. [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone]

Bonjour, monsieur le président, membres du comité, députés, mesdames et messieurs.

Tout d'abord, veuillez m'excuser de ne pas vous distribuer mes notes, mais je vais interpréter en anglais les langues des tribus que je représente.

Je suis le grand chef Rod Bushie, de l'Assembly of Manitoba Chiefs qui représente 100 000 membres des Premières nations au Manitoba.

Au Manitoba, un grand nombre des 62 Premières nations sont situées près des parcs fédéraux et provinciaux. Les Premières nations s'intéressent spécifiquement à la terre. Beaucoup des membres de nos Premières nations dépendent de la terre qui leur fournit les médicaments, les aliments, le logement et l'eau. En outre, certaines terres sont des centres éducatifs, culturels et spirituels.

Le Canada a longtemps pensé que, étant donné qu'elles n'exploitaient pas d'usines, de mines, de scieries ou ne participaient pas à d'autres activités économiques, les Premières nations n'avaient pas vraiment besoin de terres, et les traités ne leur accordent aucun droit économique.

Les Premières nations respectent la terre et la nature. C'est la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas empressés d'ouvrir des usines, des mines et des scieries malodorantes pour ensuite construire des parcs afin d'atténuer les dommages causés.

Les Canadiens ne connaissent pas l'histoire de leur pays qui est pourtant très simple. Les traités des Prairies n'étaient pas des traités de paix signés après une guerre entre deux États souverains. Les traités confirment la souveraineté des administrations des Premières nations ainsi que l'intérêt des peuples et des terres des Premières nations, ce qui englobe les intérêts économiques communs du Canada et des Premières nations. Il faut se rappeler qu'il a fallu signer des traités pour que l'économie du Canada qui reposait au début sur le commerce des fourrures soit maintenue.

Les peuples des Premières nations auront toujours besoin de la terre qui leur procure des médicaments et de l'eau et ils auront toujours besoin que la terre reste dans son état naturel. Les Premières nations ont aussi besoin de la terre pour assurer leur subsistance économique, et trouver de la nourriture notamment. Pourquoi une entreprise étrangère peut-elle couper des arbres pour faire vivre ses employés, mais que les Premières nations ne peuvent pas couper d'arbres pour construire des maisons où vivre?

Quand les Canadiens perdent leurs droits économiques, il y a des conséquences. Je vais vous donner un exemple.

Le meilleur exemple de cela au Canada a été vécu par les Japonais qui ont été internés dans des camps durant la Deuxième Guerre mondiale. On a suspendu leurs droits constitutionnels. On leur a enlevé leurs droits économiques et confisqué leurs entreprises. On leur a retiré les terres qu'ils possédaient et on les a isolés du reste de la population dans des camps. Pourtant, on a fini par dédommager les Japonais pour les pertes subies. Dans un geste sans précédent, ils ont reçu les excuses officielles du premier ministre du Canada pour les injustices commises à leur égard par le Canada.

• 1645

Ce n'est pas le cas des Premières nations.

Comment les Premières nations ont-elles été touchées, et le sont toujours, par l'exploitation des parcs et des terres au Canada? Des événements semblables sont arrivés aux Premières nations du Manitoba, à propos des parcs. Je vais laisser notre expert, qui va vous parler des aspects sur le plan local, vous fournir des précisions à ce sujet.

Le Canada et le grand public commencent à comprendre certaines des injustices subies par les Premières nations et, dans le processus d'équité, qui a commencé au Manitoba, il y a une collectivité qui possède des terres dans le parc national du Mont-Riding. Comme je l'ai dit, je vais laisser notre expert vous donner des précisions là-dessus.

Mesdames et messieurs les députés, le vice-chef de notre organisme national a indiqué que l'APN ne peut approuver le projet de loi. En tant que représentant de l'association provinciale, l'Assembly of Manitoba Chiefs, j'ai des recommandations à formuler au nom des tribus que je représente dans la province du Manitoba.

Les ententes fédérales doivent continuer d'indiquer clairement que les parcs nationaux et les zones protégées qui sont projetés vont respecter les droits ancestraux et issus de traités en vigueur, que toute nouvelle zone protégée sera désignée seulement après un processus complet de consultation avec les Premières nations touchées et que la gestion de ces zones sera planifiée en consultation avec ces Premières nations.

Le gouvernement doit travailler en collaboration avec les Premières nations et les collectivités locales pour définir et exploiter les parcs nationaux et les zones protégées. Les valeurs culturelles, spirituelles et écologiques chères aux Premières nations doivent être prises en considération dans la désignation des parcs nationaux et des zones protégées, tout comme les traditions des Premières nations.

Il faut veiller à ce que les droits d'accès en vigueur ne soient pas mis en péril pendant la transition et par la désignation et l'exploitation de futurs parcs nationaux et zones protégées.

En mars 1998, un protocole d'entente a été conclu avec la province du Manitoba sur les zones protégées. Son principal objectif est le suivant:

    La conservation du milieu naturel pour les générations futures est dans l'intérêt de toutes les parties et, par conséquent, les parties approuvent l'établissement d'un réseau de zones protégées représentatif de toutes les régions naturelles du Manitoba d'ici l'an 2000.

Monsieur le président, je tiens à vous remercier au nom des Premières nations que je représente dans la province du Manitoba. Ce qui se passe sur notre territoire nous cause vraiment des problèmes. Encore une fois, je m'excuse de ne pas avoir de déclaration écrite mais, comme vous savez tous comment les administrations publiques fonctionnent... Vous avez deux langues, mais il y a cinq langues au sein de mon administration. J'aurais pu vous donner les notes de mon allocution, mais personne d'entre vous n'aurait pu les comprendre. Je m'excuse donc, et je vous dis meegwetch pour m'avoir donné l'occasion de présenter mon point de vue.

Merci.

Le président: Vous n'avez pas à vous excuser. Vous connaissez les langues du Canada et nous ne connaissons pas les vôtres. Vous n'avez donc pas à vous excuser. Ce serait peut-être à nous de le faire.

Monsieur Plewak, j'aimerais bien que vous résumiez ce que vous avez à nous dire pour que nous pussions poser quelques questions avant la mise aux voix.

M. James Plewak (Premières nations Ojibwa de Keeseekoowenin, Coalition des Premières nations): Certainement.

Bon après-midi, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'excuse que nous n'ayons pu faire traduire notre mémoire en français.

Le président: Je vous signale que votre mémoire sera traduit par le comité et distribué aux membres qui l'auront dans les deux langues.

M. James Plewak: Merci.

• 1650

Je m'appelle James Plewak. Je suis membre de la nation Ojibwa de Keeseekoowenin, qu'on appelle la bande du Mont-Riding. Mon arrière-grand-père était le chef Keeseekoowenin et c'est son père Okanase qui a été le fondateur de notre communauté.

Le chef Blackbird et le conseil de bande m'ont demandé de présenter le point de vue de notre peuple ici aujourd'hui. Je remercie le vice-chef de l'APN, Dennis White Bird, d'avoir facilité notre présence devant le comité. Nous approuvons les recommandations formulées par l'Assemblée des premières nations. Je remercie aussi le grand chef Rod Bushie de l'AMC d'être venu aujourd'hui expliquer la situation des parcs au Manitoba.

Nos relations avec la Couronne sont définies dans le traité no 2, conclut en 1871, et qui accorde à la population du Canada le droit d'immigrer et de s'établir sur nos terres.

Il y a à peine deux ans, le 22 avril 1998, la nation Ojibwa de Keeseekoowenin, la Bande du Mont-Riding, a comparu devant le même comité au sujet du projet de loi C-29. Le chef Dwayne Blackbird et notre aîné Walter Archibald Scott ont alors raconté l'histoire tragique de nos rapports avec Parcs Canada depuis les années 30, quand on a brûlé les maisons des membres de notre peuple qui se trouvaient sur le territoire officiel de la réserve pour permettre l'établissement de parcs.

Les terres de nos réserves ont été intégrées au parc national du Mont-Riding. Les Indiens et les parcs n'ont pas été jugés compatibles. Nous n'avons pas seulement perdu nos terres et nos maisons—je précise qu'on ne nous a pas cédé d'autres terres—mais aussi l'accès aux ressources les plus importantes que nous avions pour assurer notre subsistance. L'établissement du parc nous a interdit l'accès aux terres qui nous avaient été accordées par voie de traité. Nous avions tellement bien partagé ce que nous avions qu'il ne nous restait rien, et que ceux avec qui nous avions partagé nos terres n'étaient pas prêts à nous rendre quoi que ce soit.

Dans l'exposé que nous avons présenté au comité il y a deux ans, nous avons également parlé des mauvaises relations que nous entretenions avec l'administration du parc: lettres et appels laissés sans réponse, grande animosité entre notre peuple et le personnel du parc et le non-partage des avantages liés à la présence d'un parc national dans notre cour, sinon sur nos terres.

Nous avons parlé des efforts que nous avions déployés en vain pour attirer l'attention du secrétaire d'État de l'époque et des hauts fonctionnaires du Secteur des parcs. Nous vous avions fait part de nos frustrations. Nous avons alors eu le sentiment que les tous membres du comité, de tous les partis, avaient compris ce que nous avions à dire.

Nous revenons aujourd'hui faire rapport de l'amélioration de nos relations avec les fonctionnaires des parcs, et discuter du projet de loi C-27 et de la façon dont il devrait contribuer à rendre nos relations encore plus harmonieuses. Je veux vous raconter ce qui s'est passé depuis deux ans. Notre histoire est assez étonnante, et j'imagine que c'est une expérience réussie.

Après notre comparution il y a deux ans, il a été beaucoup plus facile d'obtenir un rendez-vous avec le secrétaire d'État. Jim Doughty, le chef de cabinet du secrétaire d'État responsable des parcs, l'honorable Andy Mitchell, nous a apporté une aide éclairée et est devenu un important allié. Les fonctionnaires des parcs ont négocié avec nous un protocole que nous avions rédigé pour établir le forum des cadres supérieurs chargé de résoudre les problèmes et de promouvoir des projets. L'appui d'Alan Latourelle, le directeur général régional de Parcs Canada à l'époque, a facilité la négociation de cette entente.

M. Mitchell est venu lui-même signer le protocole dans notre réserve le 8 novembre 1998. Nous avons annexé une copie du protocole à notre déclaration. Nous aimerions qu'il soit imprimé dans le compte rendu des témoignages. Au cours des réunions tenues conformément au protocole, nous avons constaté un changement d'attitude incroyable de la part des fonctionnaires des parcs, qui se sont probablement rendu compte que les Indiens ne sont pas aussi mesquins qu'ils le pensaient.

Nous sommes très heureux de l'aide que nous avons reçue de Greg Fenton, directeur du Parc national du Mont-Riding, de la directrice intérimaire Cheryl Penny, de Gaby Fortin, aujourd'hui directeur général régional des parcs pour l'ouest du Canada, et de Martin Egan, du bureau régional du Manitoba pour les Affaires indiennes. Nous travaillons à la réalisation de projets concernant la cogestion des pêches dans le lac Clearwater, l'équité d'emploi, l'approvisionnement auprès des entreprises autochtones et la collecte de médicaments.

Nous n'avons qu'effleuré les possibilités que nos relations peuvent offrir. Nous pensons que les représentants des parcs ne sont pas plus satisfaits que nous des progrès réalisés, mais nous sommes optimistes au sujet de ce qui reste à faire. Nous sommes conscients que les relations entre Parcs Canada et les Premières nations évoluent de façon considérable. Nous sommes heureux d'avoir contribué à faire évoluer les choses tout comme nous sommes heureux de participer au processus et d'en profiter.

• 1655

Nous sommes contents de constater que Parcs Canada a créé un secrétariat autochtone. Nous approuvons également le travail de Steve Langdon et d'Anne Morin. Les conclusions visionnaires et pourtant pratiques du Groupe sur l'intégrité écologique de Parcs nationaux Canada font partie de cette évolution et en donne aujourd'hui le ton.

Le projet de loi C-27 fait progresser les choses de plusieurs façons. Il établit la notion de réserves mettant à contribution les Premières nations. Il prévoit l'exploitation traditionnelle des ressources renouvelables. Notre forums de cadres supérieurs veut aussi faire avancer les choses. C'est bon pour Parcs Canada et c'est bon pour nous.

Nous aimerions que Parcs Canada signe des contrats avec les Premières nations pour la gestion du rétablissement des espèces en danger. Nous aimerions que les Premières nations et Parcs Canada gèrent conjointement des projets spéciaux dans les parcs et sur les terres des Premières nations.

Parcs Canada a collaboré avec nous en laissant, pour l'instant, 320 acres de la réserve 61-A dans le parc national du Mont-Riding. Ainsi, le statu quo est maintenu au sujet des terres de la réserve, parce que toutes les parties ont reconnu que l'expropriation faite dans les années 30 n'était pas valide.

Pourtant, les terres se trouvent officiellement à l'intérieur des limites du parc. C'est ainsi. Et nous voulons que cela reste ainsi jusqu'à ce que nous ayons décidé quoi faire. Nous ne voulons pas être expulsés du parc une deuxième fois. C'est la Première nation qui veut décider s'il est avantageux pour elle de faire partie du parc. Nous voulons aussi collaborer avec le parc national pour déterminer ce qui convient le mieux aux deux parties.

Au sein du forum des cadres supérieurs, nous avons discuté d'un «Banff ojibwa». On a présenté des idées pour établir un centre d'art ojibwa. Nous discutons de projets de ce genre, mais il n'y a encore rien de définitif.

Nous voulons discuter de la création d'un parc national ojibwa qui serait exploité en collaboration avec le parc national du Mont-Riding. C'est une autre idée qui a été présentée. Le projet doit être précisé davantage.

Si nous jugeons que nous n'avons pas intérêt à travailler ensemble, nous allons agir seuls et exploiter les terres dans les meilleurs intérêts des Premières nations.

Ce qui nous inquiète, c'est que le projet de loi C-27 ne nous offre peut-être pas la souplesse dont nous avons besoin. Dans le projet de loi, il n'est pas facile de retirer les terres d'un parc. Et les réserves indiennes sont des terres destinées à l'utilisation exclusive des Indiens.

Les Premières nations au Canada peuvent en arriver à une entente mutuellement acceptable sur l'utilisation harmonieuse des terres de réserve à vocation de parcs sans avoir à exclure ces terres des parcs. Par contre, il peut être nécessaire de les exclure. S'il faut le faire, il faudra modifier le projet de loi C-27 à cette fin.

Nous invitons le comité à approuver nos discussions avec Parcs Canada sur l'établissement de la Coalition des Premières nations ayant des intérêts dans les parcs nationaux. Nous croyons que Parcs Canada a besoin d'un partenaire indépendant pour engager des discussions d'intérêt commun. Nous avons besoin de ressources modestes des parcs pour le démarrage de la coalition.

Nous invitons de nouveau le comité à examiner les relations que les Premières nations entretiennent avec Parcs Canada. Nous pensons que le comité serait d'accord avec ce qui s'est passé et que cet examen permettrait au comité de recommander les mesures qu'il reste à prendre.

Nous croyons que l'objectif admirable de Parcs Canada peut être réalisé d'une façon qui respecte les droits, les titres et le bien-être des Premières nations, des Métis et des Inuits. Nous demandons l'appui de tous les Canadiens qui aimeraient que Parcs Canada travaille en collaboration avec nous pour entretenir des relations mutuellement productives.

• 1700

En terminant, j'aimerais réinviter le comité à venir nous rendre visite s'il se rend au Manitoba. Vous serez toujours les bienvenus. C'est ce que veut notre tradition. Merci de votre attention.

Le président: Merci beaucoup monsieur Plewak. Je crois que votre message a été très constructif et encourageant. Compte tenu de l'expérience qu'a connue votre peuple il y a 70 ans, il semble qu'il y ait beaucoup de bonne volonté des deux côtés, un désir de réconciliation. De plus, M. Nahwegahbow a dit lui aussi qu'à Fort Témiscamingue on voulait se rencontrer pour trouver une solution. C'est donc un message très encourageant pour nous et nous vous en remercions.

Nous aimerions maintenant passer aux questions.

Désolé, vous vouliez dire quelque chose?

M. James Plewak: Oui. Je tiens à souligner que nos relations avec Parcs Canada sont aujourd'hui favorables, mais qu'elles ne l'étaient pas il y a encore trois ans; elles étaient très hostiles. C'est à la suite de la création du forum, le forum des cadres supérieurs, qu'elles sont devenues très favorables, et nous aimerions qu'elles s'améliorent encore davantage.

Le président: Ce sera notre objectif à tous de veiller à ce que cela continue. Je suis sûr qu'il y a beaucoup de bonne volonté de part et d'autre, et je ne vois pas pourquoi les choses ne pourraient pas continuer de bien aller. Merci.

Monsieur Mark.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Alliance canadienne): Merci beaucoup monsieur le président.

J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à nos témoins. C'est très agréable d'accueillir des gens de chez moi, du Manitoba. J'aimerais dire au comité que le chef White Bird et le chef Bushie donnent l'exemple d'un leadership autochtone fort dans la province du Manitoba.

Soit dit en passant, j'ai rencontré pour la première fois le chef White Bird antérieurement, au sein d'une administration municipale. J'ai trouvé qu'il avait eu le courage et la clairvoyance d'aller au-delà des frontières des réserves et de créer des partenariats avec les collectivités non autochtones, ce qui lui est très utile. Je le félicite de tous les efforts qu'il a déployés et je suis convaincu qu'il persiste encore dans cette voie.

J'ai deux courtes questions. La première porte sur l'ensemble du processus décisionnel et l'autre sur les droits des Autochtones.

Comme vous le savez, le Parc national du Mont-Riding, dont vous parlez, est situé au beau milieu de ma circonscription. Chaque parc est aux prises avec des problèmes qui leur sont très particuliers. Le Parc national du Mont-Riding comporte la seule réserve, et ce dans tout le Canada si je ne m'abuse, qui se trouve au beau milieu d'un parc.

Croyez-vous que cette consultation des peuples autochtones devrait se faire dans le cadre d'un processus regroupant toutes les parties intéressées, y compris les municipalités, ou devriez-vous ne rencontrer que des représentants de Parcs Canada?

Le vice-chef Dennis White Bird: J'estime que ce sont les Premières nations elles-mêmes qui devraient s'employer à faire le processus décisionnel concernant les droits des Autochtones. D'après les relations professionnelles que j'ai eues avec le grand public, j'en conclue qu'il n'est pas au courant de ce que sont les traités, de ce que sont les droits des Autochtones et qu'il ne connaît pas les dispositions de la loi. Mais les membres des Premières nations, dans leur ensemble, sont tout à fait au courant de leurs droits et savent exactement ce qu'ils veulent. Je crois en outre qu'on devrait les consulter en ce qui a trait à la mesure législative à l'étude. Dans le cadre du processus décisionnel, vous devez consulter les chefs, les aînés et la population, les femmes et les enfants. C'est ainsi que la consultation devrait se faire lorsqu'il est question de prises de décision.

M. Inky Mark: En ce qui a trait aux terres situées à l'intérieur du parc, cette réserve, quels sont les droits qui sont enfreints à l'heure où on se parle?

• 1705

M. James Plewak: Les terres de ma collectivité, la Première nation Keeseekoowenin, le territoire traditionnel de notre peuple, c'est le mont Riding. Lors de la signature du traité no 2 en 1871, il a été convenu que notre peuple pourrait continuer à utiliser les terres non colonisées comme il le faisait auparavant. Nous croyons donc qu'en ce qui concerne ces terres, les terres qui n'ont pas été consacrées à l'exploitation agricole, notre peuple avait le droit d'exercer ses activités traditionnelles et assurer sa subsistance.

Nous le croyons toujours aujourd'hui, mais pour convaincre Parcs Canada de s'asseoir et de discuter avec nous... Il s'agit d'acquis que nous devons conserver tout en ne fermant pas la porte à tout genre de discussion. Du fait que cette loi ne reconnaît pas nos droits, nous n'estimons pas qu'ils n'existent plus. Nous reconnaissons néanmoins le fait que cette loi et le parc national existent et qu'ils servent nos intérêts également.

M. Inky Mark: Je vais préciser ma question. Voulez-vous récupérer les droits de chasse à l'intérieur du parc, à l'intérieur de la réserve? Ou disposez-vous de ces droits à l'heure actuelle?

M. James Plewak: Je ne pourrais vous dire précisément si la loi actuelle nous confère ce droit, mais nous avons toujours cru que nous avions ce droit et que nous l'avons.

Le vice-chef Dennis White Bird: C'est le genre de consultation qui doit se faire au sein de la collectivité. Ce sont les gens de la collectivité qui vous diront quels sont les droits traditionnels dont ils veulent se prévaloir à l'intérieur des territoires dont nous parlons.

Je voulais simplement signaler que lorsque vous parlez de parties intéressées comme les membres des Premières nations, nous ne nous considérons pas nous-mêmes comme tels. Nous nous considérons comme les propriétaires fonciers. Nous n'avons pas cédé nos terres, nous ne les avons pas vendues. Ce que nous avons accepté de faire, c'est de les partager à des fins d'exploitation agricole.

En ce qui a trait à un autre droit, aux droits ancestraux, je suppose, mon grand-père est aussi né dans le parc national du Mont- Riding, sur la rive du lac Clear. C'est ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de droits autochtones: nous avons des sites sacrés. Lorsque vous avez un site sacré dans un territoire particulier... Le lieu de naissance d'une personne est considéré sacré au même titre que le site de sa sépulture. Nous avons des sépultures partout dans le parc national Mont-Riding. Le personnel du parc ne le sait même pas mais nous, les membres des Premières nations, le savons. Nous savons où ils se trouvent parce que nous y sommes allés pour présenter nos offrandes aux esprits.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur de Savoye.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Je suis très sensible aux préoccupations dont vous nous avez fait part parce qu'il est vrai que si on recule dans le temps, on voit que vous étiez chez vous et que personne ne contestait votre droit d'habiter et d'utiliser ces terres. Pour reprendre les paroles que vous avez prononcées plus tôt, vous avez tant et si bien partagé ce que vous aviez que vous vous demandez maintenant si vous l'avez encore.

• 1710

J'apprécie le fait que vous entrevoyez, à tout le moins dans un cas, la possibilité de participer à la gestion de parcs. Au fond, c'est peut-être la solution qui permettrait la cohabitation. Fondamentalement, vous avez toujours habité ces terres et vous avez accepté de les partager. Ça irait dans l'axe de ce partage.

Cependant, quand je lis le projet de loi C-27, je me rends compte que le ministre peut, s'il le désire, conclure des accords avec divers niveaux d'autorité, dont, bien sûr, les autorités autochtones. Mais le ministre n'a pas le devoir de le faire. Il peut le faire, mais il n'est pas obligé de le faire. Il me semble que l'on pourrait entrevoir la possibilité de bonifier le projet de loi en proposant que le ministre doive en arriver à un accord avec les peuples autochtones concernés dans tous les cas, avant qu'une réglementation dans un parc ne puisse être mise en vigueur ou qu'un nouveau parc ne soit créé. Qu'est-ce que vous en pensez?

[Traduction]

Le vice-chef Dennis White Bird: Premièrement, je veux vous dire que je vous sais gré de vos observations.

En ce qui a trait à la valeur culturelle très solide que nous partageons, le partage fait à coup sûr partie de notre culture, peu importe quel en est l'objet. C'est dans l'esprit de cette valeur culturelle que nous avons partagé nos terres au vu de tous avec tous les nouveaux arrivants. Nous avons partagé avec eux notre nourriture, nos vêtements et nos produits médicinaux pour qu'ils puissent pourvoir à leur subsistance. L'échelle des valeurs semble s'être modifiée. Nous avons maintenant perdu nos terres et nos ressources et nous n'avons pas droit au retour de l'ascenseur.

En ce qui concerne les accords que peut conclure le ministre, je crois qu'il est très important qu'il partage le pouvoir qui lui est conféré avec les membres des collectivités, les politiciens comme le chef et le conseil des Premières nations Keeseekoowenin, Rolling River ou Waywayseecappo qui habitent autour du parc, ainsi que le grand chef Buschie en ce qui concerne les parcs nationaux au Manitoba, ainsi que partout au Canada où sont situés des parcs nationaux et où des problèmes se posent à l'heure actuelle, où il a des confrontations.

En ce qui concerne les garanties ministérielles, il y a toutes sortes de cas en instance. La Cour suprême a rendu des décisions. Je veux faire ressortir certains points. Elle nous dit qu'il faut interpréter les traités dans le contexte actuel. Prenez par exemple l'affaire Marshall qui repose sur un traité de 1760. La Cour suprême l'a interprété en tenant compte de la réalité actuelle. Peu importe l'âge de ces traités, ils continuent à s'appliquer aujourd'hui.

Des tribunaux ont en outre dit que nous devons donner une interprétation large et libérale à ce que nous voulons dire ici. Cette interprétation large et libérale favorisera habituellement les membres des Premières nations. Ainsi lorsque vous portez une affaire devant les tribunaux, lorsque vous contesterez un jour les dispositions du projet de loi C-27 devant les tribunaux, certaines de ces lignes directrices seront utilisées pour rendre une décision.

Qui plus est, l'honneur de l'État... Où se situe l'honneur de l'État dans notre discussion d'aujourd'hui? Je crois qu'il faut aussi en discuter. Je crois que l'État doit se faire un point d'honneur d'aller au devant des collectivités, d'aller parler aux gens qui sont les véritables propriétaires des terres et des ressources dont nous parlons. C'est ainsi que je comprends les accords que peut conclure le ministre. Le ministre vient s'asseoir avec nous et nous signons un document qui a recueilli un consensus. Il s'agit de partage des pouvoirs, il s'agit d'en arriver à s'entendre.

• 1715

[Français]

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

J'ai trois petites choses dont je veux parler. Premièrement, sur la liste de David qui comporte 12 sujets de préoccupation, le gouvernement a écouté et nous allons les revoir. S'il y a des problèmes que vous avez soulevés et sur lesquels nous devons nous pencher, nous le ferons.

Je pourrais peut-être essayer maintenant de répondre au point numéro 11 qui porte sur l'article 42. Il s'agissait d'une question, si j'ai bonne mémoire. Vous demandiez quel sort est réservé aux parcs historiques nationaux. D'après moi—et si je me trompe, je me reprendrai—c'est qu'ils deviendraient essentiellement des lieux historiques nationaux. C'est une question de terminologie. Il s'agit d'apporter des précisions. Tout parc national historique deviendrait automatiquement un site national historique, toutes choses étant égales par ailleurs. Il s'agit de simplifier le vocabulaire, un point c'est tout.

En ce qui concerne l'ensemble de la question et le désir de consultation, je veux prendre deux ou trois minutes si vous le permettez et pour vous rassurer du mieux que je le peux sur les intentions ou l'état d'esprit du gouvernement.

Je pense qu'il existe un nombre incroyable d'exemples auxquels je peux faire appel et que les représentants des parcs peuvent citer, pour montrer que le gouvernement du Canada ne crée pas essentiellement de nouveaux parcs nationaux sans avoir obtenu l'appui formel des autorités qui sont partie prenante dans les terres—ou qui ont exprimé le désir d'être partie prenante—et des collectivités, y compris les collectivités autochtones.

Je peux vous donner des exemples. Dans le Parc national de la Baie-Wager, cinq collectivités ont décidé de s'opposer à toute discussion relative à la création du parc en 1980. Elles voulaient que la revendication territoriale soit réglée en premier lieu. La situation est restée en suspens pendant 16 ans, jusqu'au règlement de la revendication territoriale. Depuis, les discussions ont repris pour, espérons-le, aboutir à la création d'un parc dans cette région du pays.

La même chose s'applique aux Territoires du Nord-Ouest, dans la collectivité locale de Snowdrift, où les discussions sur le projet de parc national du Bras-Est-du-Grand-Lac-des-Esclaves ont été temporairement interrompues en raison de l'absence de progrès au sujet de la revendication territoriale.

Vous trouverez la même situation dans les Monts-Torngat et les Monts-Mealy, où les collectivités innu et inuite du Labrador n'ont pas apporté leur appui et où ces propositions ont été mises de côté. Le gouvernement a donc toujours adopté le même genre d'attitude si bien que chaque fois qu'il y a eu opposition et manque de volonté, nous avons simplement mis les choses en attente pour voir si éventuellement les gens pouvaient s'entendre. Il existe plusieurs exemples de pareille situation.

L'exemple le plus récent dont les membres de votre comité se souviennent peut-être est celui d'un projet de loi similaire sur les aires marines de conservation. Vous vous rappelez peut-être de l'opposition à propos de la création d'une aire marine de conservation dans un secteur donné de Terre-Neuve; le gouvernement a simplement dit: «Très bien, nous n'allons pas le faire.»

Je voulais simplement que ces faits soient inscrits au procès-verbal afin d'indiquer que le gouvernement du Canada ne tient absolument pas à dire—autant que je sache—«Eh bien, tant pis, même si vous n'êtes pas d'accord, nous allons le faire.» En cas de volonté, un effort parallèle est toujours fait pour essayer d'arriver à un compromis, peu importe le temps que cela puisse prendre. Cela n'a pas changé. C'est toujours la façon dont le gouvernement souhaite agir en ce qui concerne la création de n'importe quel nouveau parc national.

Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci beaucoup aux témoins de prendre le temps de venir à Ottawa nous rencontrer.

• 1720

J'ai pris beaucoup de notes—et je remarque que la plupart de mes collègues ont fait de même—et certains des renseignements sont très utiles.

J'aimerais passer quelques minutes sur une ou deux questions qui ont été soulevées et essayer de les aborder pour voir si vous serez heureux que j'aborde un ou deux points. Je veux parler tout d'abord du processus de consultation.

Il semble y avoir une certaine préoccupation du fait que l'on sort du domaine législatif et que l'on entre dans le domaine des décrets, étant donné les observations du vérificateur général en matière d'opportunité. Cela toutefois ne nous fait pas complètement sortir du domaine législatif. Je vous renvoie au paragraphe 12(2) qui stipule très clairement:

    Au moins tous les deux ans, le ministre fait déposer devant chaque chambre du Parlement un rapport sur la situation des parcs existants et les mesures en vue de la création de parcs.

Je devrais également indiquer que chaque fois que nous voyons le verbe au présent, il ne faut pas oublier qu'à un moment donné, la notion de possibilité était toujours prévue et le comité a eu des discussions à ce sujet. Nous avons retiré cette notion de possibilité et l'avons remplacée par les verbes au présent, si bien que le ministre ne dispose absolument d'aucune latitude. Le ministre est par conséquent tenu de faire participer les deux chambres du Parlement à ce processus.

Dave, vous avez dit que malgré le recours aux décrets—qui représente votre principal point de préoccupation au sujet de la législation—le processus législatif prévoit au moins la consultation du public.

Au paragraphe 12(1), c'est de nouveau très clair et le ministre n'a pas de choix. Il est indiqué:

    Le ministre favorise, dans les cas indiqués, la participation du public, à l'échelle nationale, régionale et locale, tant à la création des parcs qu'à l'élaboration de la politique à leur égard, des plans de gestion et des autres mesures qu'il juge utiles.

Il ne s'agit donc même pas uniquement de la création des parcs, mais aussi de la planification et de la politique. C'est un des points que je voulais préciser.

Plusieurs observations ont été faites au sujet du respect des traités lorsque des parcs provinciaux sont identifiés. Lorsque nous passons par le processus de consultation, il est indiqué dans la loi même que le ministre doit consulter les peuples autochtones et en fait, tous ceux qui peuvent avoir un intérêt à cet égard. Autant que je sache, dans des situations extrêmes, si l'agence n'est pas en mesure de régler toutes les questions ou les questions essentielles avec les peuples autochtones, elle n'identifie pas à cette terre comme étant un parc. Elle l'identifie plutôt, à court terme, comme une réserve. Elle essaye ensuite de résoudre ces questions par tous les moyens possibles dont elle dispose.

Je n'en dirai pas plus pour que mes collègues de l'autre côté de la table aient le temps de parler. Je voulais simplement essayer de vous rassurer au sujet de certaines des questions relatives au processus de consultation et dire très clairement que le ministre est responsable et ne dispose pas de latitude dans le cadre de ce processus de consultation.

Le président: Si vous avez des observations à faire, allez-y.

Monsieur Nahwegahbow.

M. David Nahwegahbow: Oui, j'aimerais répondre très brièvement.

Bien évidemment, je ne pense pas que le paragraphe 12(1) puisse vraiment remplacer un processus législatif complet qui prévoit des consultations approfondies. Je remarque également que bien que les verbes soient au présent, il est précisé «dans les cas indiqués». Vous avez dû avoir un débat sur le mode des verbes et sur l'expression «dans les cas indiqués», et je crois que le ministre dispose de suffisamment de latitude pour contourner l'obligation de consultation.

Je suis en faveur de la proposition qui a été faite, à savoir que l'obligation de consulter les Premières nations ou les peuples autochtones potentiellement touchés par les parcs serait inscrite dans la loi.

• 1725

M. Paul Bonwick: Si vous permettez, nous avons eu une discussion à ce sujet, la semaine dernière, je crois, et des questions ont été posées au sujet de ce libellé, à savoir qu'il était potentiellement contradictoire et qu'il faudrait éliminer l'expression «dans les cas indiqués» et la remplacer par «selon le cas». Par conséquent, si des Premières nations ou des peuples autochtones sont touchés, le ministre doit les faire participer «selon le cas», au lieu de «dans les cas indiqués». C'est un point qui fera certainement l'objet d'un débat.

M. David Nahwegahbow: J'imagine que vous entrez dans le débat du mode des verbes et de l'expression «dans les cas indiqués». Le libellé actuel prévoit absolument le pouvoir discrétionnaire. C'est le problème. Le ministre a le pouvoir discrétionnaire de ne pas consulter, alors que maintenant il y a obligation de consultation dans le cadre d'un processus législatif.

Merci.

Le président: Monsieur Laliberte et ensuite, M. Breitkreuz.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone]

Vous parlez de terres et ce n'est pas une discussion facile pour les peuples autochtones, car vu les antécédents qui nous ont menés jusqu'à l'an 2000, j'imagine que c'est la confiance entre les peuples qui est mise en question.

J'ai une question précise, s'il faut que la Couronne ait le titre libre, le gouvernement envisagerait-il de donner aux Premières nations la possibilité de désigner des parcs nationaux ou de décider de faire partie intégrante des parcs nationaux? Ne pourrait-on pas prévoir un titre double sur certaines parties ou sections des parcs au lieu de, comme vous l'avez dit, envisager une cession définitive ou une extinction?

Il reste tellement peu de choses et du point de vue des Autochtones, l'extinction pour un intérêt national, ou un intérêt global, que représentent les parcs nationaux... Notre pays prend des engagements internationaux, alors qu'il n'a absolument pas respecté ses engagements à propos de l'affectation des parcs. Il reste un long chemin à parcourir.

Il s'agit donc d'une relation et le redressement des torts causés pourrait être un bon exemple de la relation des Premières nations avec ce pays.

L'autre question qui se pose est celle de la politique de revendications territoriales globales qui est inscrite dans cette loi. Faudrait-il l'en retirer, compte tenu de vos préoccupations à cet égard?

Vous soulevez ce point au sujet du paragraphe 4(2). Si vous supprimez cette notion, le paragraphe se termine par: «que le gouvernement fédéral a accepté d'engager des négociations à cet égard», la fin du paragraphe étant supprimée. Est-ce opportun?

Nous allons passer à l'étude article par article à un moment donné, mais si vous avez des mémoires écrits, des ébauches de ces dispositions ou des commentaires sur votre perspective, je vous demanderais dès maintenant de nous les transmettre par écrit—j'imagine, à la greffière—car cela faciliterait vraiment notre processus.

L'autre point, c'est qu'il n'y a rien dans la loi excepté l'histoire d'une réussite que vous semblez avoir trouvée. J'essayais de trouver une façon de créer une disposition ou un processus. Vous avez peut-être utilisé l'expression «secrétariat autochtone». Nous avons toutefois eu quelque chose du même genre dans le cadre de la LCPE.

Je ne suis pas sûr du libellé, mais dans le cadre de la LCPE, nous avions un comité autochtone chargé de la protection de l'environnement. Peut-être faudrait-il prévoir quelque chose du même genre, et c'est là que les griefs pourraient être entendus. Au lieu d'adopter une approche entièrement politique ou anti-médias, peut-être pourrait-on créer un organe législatif chargé de cette question, ainsi que de la création de nouveaux parcs dans l'avenir.

Je ne voudrais certainement pas qu'il y ait de malentendus ou d'interprétations erronées de la part des deux parties qui essaient de servir une cause commune par la négociation, car certaines de ces questions représentent des intérêts communs, puisqu'il s'agit de préserver l'intégrité écologique, comme l'indique l'exposé des Premières nations. Les Premières nations tiennent avant tout à l'intégrité écologique dans tous ces parcs, et non seulement dans les parcs, mais en règle générale, dans toutes les terres qui relèvent de la compétence du Canada.

• 1730

La question des connaissances écologiques traditionnelles ne se pose pas nécessairement en termes de données scientifiques, en termes d'instauration de l'intégrité écologique. Je pense qu'il existe des connaissances scientifiques. Vous avez utilisé l'expression, mais je ne savais pas que vous alliez en faire la proposition ici, à moins qu'il n'existe un secrétariat qui favorise une forme de participation dans les parcs nationaux. Je suis en train de voir s'il est possible de faire coexister les deux.

Le président: Soit dit en passant, c'est une sonnerie de 15 minutes, si bien que nous devrions lever la séance dans environ six ou sept minutes pour aller à la Chambre. Nous allons permettre une dernière question, posée par M. Breitkreuz.

Par conséquent, si vous pouvez répondre à M. Laliberte, nous passerons ensuite à M. Breitkreuz avant de lever la séance.

Monsieur Plewak.

M. James Plewak: En tant que Première nation, nous croyons que la relation que nous avons établie ces quelques dernières années est très positive, mais qu'elle est aussi précaire. Elle pourrait disparaître du jour au lendemain. Elle dépend essentiellement de la volonté des deux parties.

La création d'un secrétariat serait une autre façon pour nous, en tant que Première nation, de présenter nos questions, mais en règle générale, je crois qu'il faut reconnaître un point tangible dans la loi, à savoir que les Premières nations ont des intérêts dans les parcs nationaux; cela devrait être indiqué.

Le président: Merci.

Monsieur Nahweghabow.

M. David Nahwegahbow: Pour revenir rapidement à la question de M. Laliberte, je crois qu'il est possible que le titre autochtone et le titre de la Couronne coexistent. En fait, je crois que c'est le mandat de la Cour suprême du Canada. Malheureusement, je crois que le libellé du projet de loi, l'obligation d'un titre libre, et l'interprétation du projet de loi, empêchent cette possibilité pour l'instant.

Je crois que la Couronne a le titre légal et, avec le consentement des Premières nations qui possèdent le titre autochtone, je crois qu'il est possible de créer des parcs. Dans la plupart des régions du pays, surtout là où les Autochtones dépendent d'activités de subsistance, la création de parcs est certainement à leur avantage, car cela leur assure une protection, dans la mesure où ils ont la possibilité de poursuivre leurs traditions.

La disposition et son libellé relatif à la politique des revendications territoriales globales doivent absolument être supprimés. Je crois que le libellé est indûment restrictif, de toute façon.

Comme je l'ai dit, il se peut qu'un titre autochtone soit en suspens dans les cas où il n'a pas été accepté, par exemple, dans les cas où les cours ont déclaré qu'une Première nation a le titre autochtone, et je crois que le libellé de cette disposition devrait prévoir ces circonstances et situations.

Le président: Monsieur Nahwegahbow, comme l'a dit M. Laliberte, vous avez soulevé beaucoup de points, et je pense que nous pourrions les retrouver dans les délibérations, mais si vous pouviez les résumer dans un document que l'on transmettrait aux membres du comité, je crois que ce serait utile.

Monsieur Breitkreuz, brièvement, s'il vous plaît.

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite également la bienvenue et j'ai certainement écouté avec intérêt votre exposé.

Vous avez parlé des terres, de la chasse, de la cueillette, des revendications et des droits en matière de cueillette et des droits traditionnels. J'aimerais quelques explications, si vous permettez, quant à l'intention et à la signification implicites, lorsque vous parlez des terres traditionnelles et des droits traditionnels à propos des parcs nationaux.

Ma question est la suivante: Parlez-vous uniquement de la création de nouveaux parcs ou de parcs nationaux où des réserves s'y trouvent ou y sont contiguës ou à proximité, ou parlez-vous également d'anciens parcs, de 100 ans peut-être, voire plus, qui ont pu avoir été des terres traditionnelles ou non, réservées pour la chasse ou la subsistance des Autochtones? Parlez-vous de ces genres de parcs également?

• 1735

M. David Nahwegahbow: Je peux vous dire que du point de vue juridique certainement, peu importe qu'un parc existe depuis 100 ans ou qu'il ait été créé pas plus tard qu'hier. La Loi constitutionnelle s'applique et les droits ancestraux et issus de traités peuvent être exercés par les peuples autochtones pour lesquels il s'agit d'un territoire traditionnel ou d'une zone de chasse ou de pêche. Cela n'a aucune importance. Cela s'applique également dans le cas des droits ancestraux et issus de traités.

Le grand chef Rod Bushie: Je crois que c'est global; il ne s'agit pas uniquement des parcs. Nous avons voyagé. Nous avons des territoires dans toute la province du Manitoba. Nous avons des Premières nations dans toutes les régions du Manitoba. C'est ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de nos territoires de chasse ou de cueillette. Cela ne se limite pas seulement à la région.

Le président: Une dernière observation, chef.

Le vice-chef Dennis White Bird: C'est simplement en guise de conclusion.

Le gouvernement du Canada a signé des accords relatifs à des droits fonciers issus de traités avec beaucoup de Premières nations dans tout le Canada. Certains de ces accords renferment des dispositions stipulant que lorsqu'il existe dans les parcs nationaux des terres d'importance culturelle ou historique, des sites sacrés ou des lieux de sépulture, les parcs sont mis à la disposition des collectivités des Premières nations. Je me demande simplement si le comité en a tenu compte dans la politique.

Le président: Chef, nous n'élaborons absolument pas de politique ici. Notre travail consiste à examiner la législation qui nous est présentée pour voir s'il est possible de la modifier ou de l'améliorer en fonction des propositions faites par les membres du comité.

Lorsque vous faites des suggestions, que vous les présentez, nous les examinons lorsque nous faisons l'étude article par article. Si certaines de ces propositions sont acceptables, elles sont alors présentées à la Chambre en vue de modifier la loi. Toutes les propositions que vous avez faites sont inscrites au procès-verbal, elles vont être transcrites. Les représentants de Parcs Canada sont présents et prennent des notes. Nous espérons qu'entre nous, nous pouvons trouver des points sur lesquels nous pouvons nous entendre de manière à améliorer les choses.

Le vice-chef Dennis White Bird: D'accord.

Je proposerais donc que ce comité prenne en compte les accords qui ont été signés par les Premières nations relatifs aux droits fonciers découlant des traités à propos des terres d'importance culturelle et historique dans les parcs nationaux. Nous voulons pouvoir récupérer notre patrimoine en tant que Premières nations.

Pour terminer, au nom de tous ceux qui nous ont accompagnés, j'aimerais remercier le comité de nous avoir écoutés. Nous espérons que notre participation va compter.

Le président: Oui, c'est toujours le cas. Merci beaucoup.

La séance est levée.