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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mai 2000

• 1221

[Français]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte cette réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, qui se réunit aujourd'hui pour continuer son étude du projet de loi C-27,

[Traduction]

Loi concernant les parcs nationaux du Canada.

Nous sommes très heureux de recevoir aujourd'hui les participants suivants à notre table ronde: M. Kevin McNamee, directeur de la campagne pour la préservation du milieu sauvage, qui représente la Fédération canadienne de la nature; M. Harvey Locke, vice-président de la préservation, qui représente la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada et M. Peter Poole, chercheur principal, qui représente l'Alberta Wilderness Association.

Qui veut commencer?

M. Harvey Locke (vice-président, Préservation, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada): Si vous le voulez bien, monsieur le président, nous aimerions procéder dans l'ordre.

Le président: Certainement.

Monsieur McNamee.

M. Kevin McNamee (directeur, Campagnes pour la préservation du milieu sauvage, Fédération canadienne de la nature): Bonjour, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. C'est un honneur et un privilège que de comparaître devant vous au sujet du projet de loi C-27, Loi concernant les parcs nationaux du Canada.

Je précise, pour le compte rendu, que la Fédération canadienne de la nature est favorable à l'adoption du projet de loi C-27. Nous proposons aussi sept amendements au texte.

J'ai remis un exemplaire de notre mémoire au greffier du comité. Je vous prie de nous excuser de ne pas l'avoir envoyé assez tôt pour qu'il puisse être traduit avant d'être distribué, mais il est disponible à l'avant.

Pour vous donner rapidement le contexte, la Fédération canadienne de la nature est une organisation nationale de protection de l'environnement qui compte plus de 40 000 membres et adeptes dans tout le Canada. Notre mission consiste en partie à protéger et développer le réseau de parcs nationaux de renommée internationale qui existe au Canada.

J'aimerais aussi attirer l'attention du comité sur le fait que j'ai déjà témoigné devant un comité législatif en 1988 lorsqu'on a modifié la Loi sur les parcs nationaux pour y inclure des choses comme l'intégrité écologique et le rapport sur la situation des parcs nationaux.

J'aimerais tout d'abord parler de la création de nouveaux parcs nationaux. L'un des aspects les plus importants de ce texte législatif est qu'il offre enfin une protection légale à six parcs nationaux et réserves qui représentent 20 p. 100 de notre réseau de parcs nationaux. À l'heure actuelle ces six parcs ne bénéficient pas de la protection légale des parcs nationaux.

Certains de ces parcs existent depuis des décennies comme les parcs Pacific Rim, du Gros-Morne et des Prairies. D'autres sont plus récents comme Aulavik, Wapusk et Sirmilik. Nous sommes très heureux que le Parlement accorde pour finir, c'est du moins ce que nous espérons, la protection légale à ces six parcs nationaux extraordinaires.

Ce n'est pas uniquement parce que ces parcs sont nouveaux, ou anciens, et qu'ils garantissent la protection de zones importantes. La plupart de ces parcs nationaux sont le résultat d'années de négociations avec les gouvernements provinciaux, les Premières nations, les collectivités locales et dans certains cas, l'industrie. On mène aujourd'hui enfin à sa conclusion officielle un long processus de création de parcs en entérinant ce que les populations locales et les Premières nations se sont battues pour obtenir et ont négocié pendant de si nombreuses années.

La Fédération canadienne de la nature est particulièrement heureuse de voir que le parc national des Prairies figure dans ce projet de loi. La protection officielle du parc national des Prairies est importante pour la collectivité locale de Val-Marie en Saskatchewan. En octobre 1994, j'ai contribué à faire venir dans la localité de Val-Marie un comité sénatorial. Lors de cette rencontre, l'une des premières choses que les gens de la localité ont dites aux membres du comité en 1994, c'est que ce site devrait être déclaré officiellement parc national en vertu de la loi. On voulait ainsi être sûr que le Parlement prenne un engagement officiel envers ce parc avant que le développement économique correspondant puisse commencer.

• 1225

Nous nous trouvions donc dans la petite localité de Val-Marie avec plusieurs centaines de personnes qui voulaient parler de la protection officielle du parc des Prairies en vertu de la Loi sur les parcs nationaux. Il leur a fallu attendre six ans pour que ce jour arrive; j'espère donc que le comité va aller de l'avant et proclamer officiellement ce parc.

Pour clore le sujet, je sais qu'il y a de nombreuses questions dont vous voulez discuter, mais j'espère que vous pourrez tous vous enorgueillir de ce que les délibérations aboutissent à la proclamation officielle du premier parc national des prairies d'Amérique du Nord.

La Fédération canadienne de la nature est favorable au nouveau processus uniforme que contient le projet de loi C-27 et qui facilite l'établissement de nouveaux parcs nationaux. J'attirerais votre attention sur le fait qu'en 1996, le vérificateur général du Canada a conclu que le processus prévu pour ajouter de nouveaux parcs à la loi était selon lui «lourd». Il a recommandé au Parlement que Parcs Canada demande la modification de la loi pour:

    permettre au gouvernement fédéral d'ajouter de nouveaux parcs nationaux ou d'agrandir ceux qui existent grâce à un processus législatif uniformisé sans avoir à déposer de nouveaux projets de loi au Parlement.

Je serais prêt à répondre à des questions plus précises, mais j'aimerais simplement dire ce qui suit au sujet de ce nouveau processus. Je crois qu'il est important de se rappeler combien les habitants de Val-Marie en Saskatchewan étaient frustrés de ne pas voir le parc national des Prairies proclamé officiellement. Avec ce nouveau processus, ils n'auraient pas eu à attendre aussi longtemps.

Il en va de même pour le parc national Aulavik sur le territoire des Inuvialuits. En 1991, le président du comité de création du parc, un habitant de Sachs Harbour, appelait sans cesse le ministre de l'Environnement, l'honorable Jean Charest, pour l'embêter en demandant la conclusion des négociations sur le parc. L'accord a finalement été signé en 1992 et pourtant, Sachs Harbour a dû attendre encore huit ans pour que le parc soit officiellement proclamé en vertu de la Loi sur les parcs nationaux. Le nouveau processus permettrait que cela se fasse beaucoup plus rapidement et que les populations locales n'aient pas à attendre.

Pour ce qui est de la création d'un parc, nous suggérons un amendement à la transformation des réserves à vocation de parcs nationaux en parcs nationaux. Une réserve à vocation de parc national est un secteur réservé pouvant devenir un parc national en attendant le règlement d'une revendication territoriale autochtone. En vertu de ce processus, les Autochtones peuvent choisir des terres à l'intérieur de ces parcs et en devenir propriétaires.

Pour vous donner un exemple, lorsque la réserve de parc national Auyuittuq a été ajoutée à la Loi sur les parcs nationaux en 1976, cela a permis de protéger 21 470 kilomètres carrés. Parce que la revendication foncière a été réglée en 1993, les Autochtones de la région ont choisi 1 760 kilomètres carrés pour en devenir propriétaires de sorte que le parc a été réduit d'autant.

Pour être sûr que le Parlement connaît parfaitement les répercussions de telles décisions, nous recommandons un amendement, sous la forme du nouvel alinéa 6(2)c), qui exige le dépôt d'un rapport au Parlement sur les répercussions de telles décisions. Cet amendement figure dans notre mémoire.

Il y a une dernière chose que j'aimerais dire sur la création des parcs, c'est que le comité et le Parlement ont mis en place au cours des dernières années plusieurs mécanismes importants—la nouvelle Agence Parcs Canada, la législation sur les parcs du Canada où il est question de compléter le réseau des parcs, la prise en compte des parcs et des sites pour le financement de la création de nouveaux parcs, le nouveau processus qu'on est en train d'envisager—mais en réalité, Parcs Canada ne reçoit pas le financement fédéral, les crédits parlementaires nécessaires pour continuer à négocier avec les Premières nations et les collectivités locales.

Nous recommandons que vous envisagiez d'ajouter dans votre rapport à la Chambre un encouragement pour que le gouvernement fédéral prévoit dans son prochain budget l'affectation de nouvelles sommes à la création de parcs nationaux.

Si je ne m'abuse, monsieur le président, mon temps de parole est presque terminé. J'aimerais aborder rapidement quelques autres points.

Pour ce qui est du maintien de l'intégrité écologique, nous nous sommes joints à plusieurs groupes—et la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada vous en parlera de façon plus détaillée—pour recommander que l'on améliore la déclaration d'intégrité écologique. Mais je dois dire que sur le plan historique, ce n'est pas une idée nouvelle.

En 1979, après des discussions publiques intensives, Parcs Canada a ajouté l'idée de l'intégrité écologique comme la première priorité dans la gestion des parcs, dans sa politique sur les parcs nationaux. C'était en 1979.

• 1230

En 1988, plusieurs groupes de protection de la nature ont attiré l'attention du Parlement sur le fait que la chose ne s'était pas concrétisée. Le Parlement a alors modifié la Loi sur les parcs nationaux pour faire de l'intégrité écologique la première priorité. Cela a été par la suite confirmé à plusieurs reprises.

J'aimerais simplement indiquer qu'il ne s'agit pas d'une idée nouvelle. Notre commission sur l'intégrité écologique suggère un nouveau libellé à certains endroits et nous sommes favorables à cela.

Quant à la désignation de réserves intégrales, en 1988, je suis venu devant votre comité pour demander que la Loi sur les parcs nationaux comprenne une disposition pour la création de réserves intégrales et le Parlement l'a fait. Malheureusement, dans les 12 années qui se sont écoulées depuis que le Parlement a placé cette disposition dans la loi, aucune réserve intégrale n'a été créée dans aucun parc national canadien. Cela veut dire 12 années d'inaction.

Nous suggérons donc dans ce document des indications précises qui permettront en gros de mettre en place un déclencheur pour créer des réserves intégrales dans les parcs nationaux.

Pour terminer, nous recommandons aussi une disposition qui fait également suite aux recommandations du rapport sur l'intégrité écologique et qui émane du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Il nous semble important d'inclure dans le projet de loi cet amendement qui constituerait le nouveau paragraphe 8(3).

Nous suggérons le libellé suivant pour modifier la loi:

    Le ministre et les directeurs s'efforcent de maintenir et de rétablir l'intégrité écologique des parcs en travaillant en collaboration avec d'autres autorités, des organisations privées, des particuliers et des propriétaires fonciers, et en participant à la recherche, à l'éducation, à l'aménagement du territoire, aux évaluations environnementales et à d'autres processus de prises de décisions, dont les résultats peuvent légitimement affecter l'intégrité écologique du parc.

Nous proposons cela parce que nous avons publié en décembre la liste des 10 parcs nationaux les plus menacés. Ce qui apparaît très clairement lorsque vous regardez nos parcs nationaux, c'est que la plupart d'entre eux sont menacés parce que les activités qui se déroulent sur leur pourtour ne sont pas coordonnées. Nous avons en fait deux solitudes, les parcs nationaux et les propriétaires fonciers voisins et nous pensons qu'il est indispensable que le Parlement indique qu'il s'attend à ce que Parcs Canada ne prenne pas de décision sur les activités d'aménagement qui ont lieu à l'extérieur, mais à ce qu'il fasse preuve de civisme en participant aux processus légitimes qui sont en jeu à l'extérieur des parcs. Pour nous, c'est un point très important.

Je terminerai en disant que ce sont là les points saillants de notre mémoire, les choses qui nous semblent être prioritaires. Je vous souhaite bonne chance dans vos délibérations. Si nous pouvons répondre à des questions maintenant ou par écrit, nous serons très heureux de le faire.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Locke.

M. Harvey Locke: Merci, monsieur le président.

[Français]

Nous sommes très heureux d'être ici devant vous. Je vais parler en anglais.

[Traduction]

Merci beaucoup de nous recevoir.

Je représente la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, organisation qui a été créée il y a environ 37 ans pour répondre à un appel de la part du ministre des Parcs qui estimait qu'il fallait un groupe de citoyens au Canada qui se consacre aux parcs nationaux et qui défende leur gestion. À l'époque, les citoyens défendaient beaucoup leurs intérêts personnels lorsqu'il s'agissait des parcs nationaux mais très peu l'intérêt national.

Voilà donc notre origine. Nous comptons 16 000 membres dans l'ensemble du pays à l'heure actuelle.

Nous avons préparé un mémoire que tout le monde a j'espère.

Le président: Il a été distribué.

M. Harvey Locke: Vraiment? Très bien. Je vais faire référence à quelques éléments qui y figurent et il sera utile de l'avoir sous les yeux.

Le premier point que nous aimerions aborder, et qui est pour nous le plus important, est le paragraphe 8(2) du projet de loi. Il s'agit de la disposition relative à l'intégrité écologique.

Dans le mémoire que nous avons distribué, au sommet de la page 4, sous le titre «Amendements recommandés», nous parlons de la disposition qui est sans doute plus importante que toutes les autres dans ce projet de loi. Kevin vous a fait un peu son historique, mais j'aimerais citer un petit document The History and Meaning of the National Parks of Canada, écrit par J.B. Harkin, l'homme qui a créé notre service des parcs en 1907. Ce faisant, il a créé le premier service de parcs du monde.

• 1235

Il y a une citation immortelle que nous tirons de son document et qui s'applique à ce dont nous nous occupons:

    «User sans abuser»—Comment y parvenir? C'est le problème auquel sont confrontés tous ceux qui sont responsables de la protection et du développement de nos parcs nationaux.

C'est donc là un dilemme. Ce que nous avons appris à la longue, c'est que le fondement législatif de tout cela doit tenir compte de ces leçons, notamment du fait qu'à l'heure actuelle on ne parvient pas à appliquer le mandat relatif aux parcs nationaux qui est de les préserver intacts pour les générations futures.

Nous avons demandé à un groupe d'experts de visiter le pays et il a publié ensuite le document: Unimpaired for Future Generations? (Intacts pour les générations futures?) La conclusion a été que nous n'y parvenons pas. Nous ne préservons pas nos parcs intacts pour les générations futures.

Il faut que le Parlement veille à ce que cette tendance soit inversée. Nous devons consolider le fondement légal de ce que nous faisons de nos parcs nationaux.

Si vous regardez le paragraphe 8(2) du projet de loi, vous constaterez qu'il fait de l'intégrité écologique le principal souci. C'est bien. C'est très positif. Comme Kevin l'a dit, cela a commencé en 1988. Mais nous pensons que ce n'est pas tout à fait suffisant.

Son libellé actuel est le suivant:

    En ce qui concerne le zonage du parc et l'utilisation par les visiteurs, le ministre s'efforce avant tout de préserver l'intégrité écologique et, à cette fin, de protéger les ressources naturelles.

Le libellé que nous proposons parle non seulement de protéger mais aussi de rétablir l'intégrité écologique car nous savons qu'elle a été perdue et qu'il nous faut la retrouver. Elle a été perdue depuis que quelques-uns de ces parcs ont été créés. Par exemple, le parc Fundy a perdu trois espèces animales depuis sa création. Il nous faut inverser cette tendance. Il faut que le Parlement indique que nous n'allons pas seulement préserver mais aussi rétablir les choses; que nous allons les améliorer et non pas les laisser se détériorer.

Nous proposons également la protection des ressources naturelles et des processus naturels parce que ces derniers font partie de la nature. Ce n'est pas uniquement de la forêt; c'est aussi les processus de la forêt, qu'il s'agisse d'incendies ou d'inondations, par exemple. Ils font partie de la nature.

Nous aimerions également demander que le paragraphe contienne—et nous avons souligné les mots que nous voulons y ajouter—l'expression «toutes les mesures et les décisions». Ça n'est pas indiqué maintenant.

Curieusement, le paragraphe 8(1) stipule que:

    Les parcs, y compris les terres domaniales qui y sont situées, sont placés sous l'autorité du ministre.

Nous aimerions que la disposition relative à l'intégrité écologique précise que le ministre s'efforce avant tout de le faire

    dans toutes les mesures et les décisions concernant l'administration, la gestion et le contrôle des parcs et des terres domaniales qui s'y trouvent.

Autrement dit, il s'agit de reprendre dans le paragraphe (2) ce que contient le paragraphe 8(1). Il faut que le texte soit cohérent. Il sera alors clair qu'il n'y a pas une catégorie où ce genre de choses ne s'applique pas. Il faut que ce soit assez clairement l'intention du gouvernement et, d'après tout ce que nous avons entendu, que cela s'applique dans tous les cas. La formulation n'est pas aussi précise qu'elle pourrait l'être pour indiquer précisément que cela vaut tout le temps.

Si on vous intentait un procès là-dessus, il y a des chances qu'avec le paragraphe 8(2) on conclut que l'intégrité écologique veut dire que cela s'applique à tout, mais pourquoi avoir un procès? Lorsqu'on légifère, il faut rechercher la clarté et atteindre les objectifs voulus en langue claire.

Ce que nous présentons ici pour le paragraphe 8(2) correspond à ces objectifs. Ce libellé est conforme à ce qu'a suggéré la commission sur l'intégrité écologique. Plusieurs avocats spécialistes de l'environnement au Canada ont donné leur avis sur ce qui figure dans notre mémoire, et nous pensons que cela représente une amélioration qui rendrait les choses claires et qui serait positive. Si vous ne devez donc retenir qu'une chose de mon exposé d'aujourd'hui, je vous demanderais que ce soit celle-là.

Mais il y a quelques autres points à signaler, et je serais bref. Nous avons peu de temps pour notre exposé.

Les limites imposées au développement qui constituent encore une fois un élément central du projet de loi se trouvent à l'article 33. Cela commence à la page 4 de notre mémoire.

Tous ceux qui sont ici sont sans doute au courant de la controverse à laquelle nous avons pris part concernant les développements commerciaux dans nos parcs. Nous essayons ici de mettre un terme à cette controverse et de donner des certitudes aux collectivités et au public canadien.

• 1240

L'article proposé ne prévoit pas tout. Il parle de développement commercial dans les collectivités des parcs. Il ne parle pas d'un autre type de développement commercial qui existe dans les parcs nationaux, notamment dans le parc des Montagnes- Rocheuses et que l'on appelle «les établissements commerciaux». Il y en a des douzaines. Ce sont les petits camps de bungalows ou les villégiatures qui sont situés à l'extérieur des collectivités et des parcs.

Un processus a été mis sur pied pour répondre au problème des établissements commerciaux. Nous aimerions qu'une limite législative soit imposée à ces établissements tout comme il y en a une pour le développement commercial de la collectivité. Nous proposons un nouvel article qui reprend exactement pour les établissements commerciaux ce que vous avez proposé pour les collectivités en prévoyant le même genre de processus. C'est pour ne rien laisser de côté, pour que cela soit fait une bonne fois pour toutes.

Il y a d'autres points dans notre mémoire. Je ne vais pas tous vous les mentionner, vous pourrez lire ce qu'on en dit.

Nous pensons que pour les stations de ski, et cela fait l'objet d'un débat important, il faut que ce soit des stations de ski régies par la législation—et non pas des stations de ski et quelque chose d'autre. Nous ne demandons pas la suppression des stations de ski, nous disons simplement que les stations de ski doivent rester des stations de ski. Ce ne sont pas des endroits que l'on peut commencer à transformer en villégiatures d'été si elles n'ont pas été conçues de cette façon, si elles n'ont pas été créées dans cette optique et si cette transformation est destructive pour l'écologie.

Dans le cas des parcs Banff et Jasper où se trouvent les stations de ski, il y a déjà des installations prévues pour les estivants qui veulent se rendre au sommet de la montagne en télécabine pour profiter de la vue. Il y a notamment dans le parc Banff, la télécabine de Sulphur Mountain et celle de Jasper Sky Tram dans le parc Jasper. Ni l'une ni l'autre n'est touchée par ce que nous proposons. Nous proposons que les stations de ski restent des stations de ski. C'est nécessaire et nous vous demandons de faire en sorte que cela soit ainsi car ce qui s'est passé malheureusement, c'est qu'à quelques endroits, on a tenté de faire autre chose des stations de ski et cela a des conséquences écologiques très graves.

La station de ski de Lake Louise par exemple est un habitat très important pour les grizzlys. Nous savons que la population de grizzlys du parc national Banff subit des tensions très graves. Les biologistes spécialistes des grizzlys disent qu'on ne devrait pas fréquenter ces endroits en été. La station de ski existe et nous l'acceptons, mais n'aggravons pas le problème.

À Mount Norquay, une entente bien précise a été conclue il y a 10 ans pour supprimer la fréquentation des lieux en été en échange d'un agrandissement de la station de ski. Je m'en souviens très bien. J'ai participé à ces discussions. L'exploitant veut maintenant oublier tout ça. La station a été rachetée et le nouveau propriétaire veut l'utiliser à nouveau l'été.

C'est tout à fait inacceptable, tout à fait inacceptable. Il nous faut un texte de loi qui précise que les stations de ski sont des stations de ski, un point c'est tout.

La seule exception serait celle de Sunshine Village où il y a une route réservée aux autobus et un hôtel. La région de Sunshine était traditionnellement un secteur de randonnée même avant le développement important des installations de ski. On pourrait gérer cela de la même façon qu'à Lake O'Hara, c'est-à-dire en ayant un accès réservé pour la route et un hôtel au bout de la route.

Nous l'acceptons donc parce qu'il y a là une tradition de fréquentation qui ne dépend pas de la station de ski. C'est simplement une expérience de qualité pour les visiteurs du parc. Nous proposons de nouvelles dispositions afin de tenir compte de cette distinction subtile, mais nous vous prions instamment d'adopter ce genre de disposition législative.

Pour Sunshine, en 1988, c'était la seule station de ski à ne pas être délimitée par voie législative. On devait le faire peu après. Une proposition de développement important de la station de ski de Sunshine a été faite et c'est pourquoi votre comité avait recommandé qu'on reporte la décision. Treize ans plus tard, nous comparaissons à nouveau. Il n'y a pas de proposition de développement sur la table. Fixons enfin par voie législative ces limites pour qu'elle ne puisse pas grandir davantage. Toutes les autres stations de ski ont été ainsi délimitées par voie législative.

C'est tout ce que je peux vous dire dans le temps qui m'est imparti. Il y a d'autres points dans le mémoire dont vous prendrez connaissance, j'espère, mais ceux que je viens de vous mentionner sont les points saillants.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Locke.

Monsieur Poole, la parole est à vous.

M. Peter Poole (chercheur principal, Alberta Wilderness Association): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je m'appelle Peter Poole. J'habite à Banff en Alberta. Je représente aujourd'hui l'Alberta Wilderness Association.

• 1245

J'ai apporté avec moi un mémoire que je remettrai au greffier. Je vous prie de m'excuser, on ne m'a pas prévenu suffisamment longtemps à l'avance pour que je prévoie sa traduction et sa distribution aujourd'hui.

Je suis très honoré de comparaître devant vous. Je vais vous donner une petite idée de ce que c'est que de vivre dans un parc. Je veux aussi vous parler d'équilibre.

Je veux vous parler d'équilibre parce que je chausse deux bottes bien différentes. L'une travaille très fort pour les questions de protection de la nature, mais je suis aussi directeur général d'une propriété importante ou propriétaire à bail dans le centre-ville de Banff. Je peux donc parler des questions de limite car je sais comment les choses fonctionnent en pratique.

Mon mémoire, que vous pourrez obtenir auprès du greffier, comporte en annexe une étude article par article du projet de loi et où l'on fait des recommandations de modification, mais je vais me contenter d'en choisir six importantes pour vous les présenter brièvement.

Il y a tout d'abord le principe fondamental qui est inscrit dans le projet de loi, à savoir que le ministre doit avoir davantage de pouvoirs pour protéger les parcs et les agrandir, mais cela devrait être contrôlé par le Parlement, au cas où cette protection serait relâchée. Le principe a un peu un effet de cliquet. Le projet de loi fera qu'il est plus facile d'insister sur la protection des parcs que de les dégrader. Comme un cliquet, le projet de loi fera qu'il est plus facile au ministre d'agrandir les parcs que de les réduire. Nous en sommes très heureux et nous pensons que cela est tout à fait conforme à l'histoire, à la Loi sur les parcs nationaux et aux modifications qui lui ont été apportées avec le temps.

Permettez-moi de préciser quelques-unes de ces modifications. Je passe sur la plus grande partie de ce que j'ai écrit pour dire simplement qu'au cours du dernier siècle nous avons transformé les parcs de l'intérieur. Il fut un temps où nous chassions et exploitions des mines. Il fut un temps où nous exploitions les forêts, où nous enrayions les incendies, où nous construisions des barrages, des routes, des chemins de fer, des hôtels luxueux et des hôtels moins luxueux, et au fur et à mesure de notre expansion démographique, nous avons peuplé les parcs d'un grand nombre de stations de ski, de terrains de golf et d'enfilades de boutiques. Nous avons même constaté ces dernières années que la constitution chimique des glaciers et des lacs situés aux plus hautes altitudes dans les parcs a changé. Nous ne pouvons donc plus protéger nos parcs simplement en essayant de le faire de l'intérieur. Il nous faut regarder au-delà de leurs limites.

Au cours des trois dernières décennies, les Canadiens ont constaté que leur pourtour est parsemé d'installations. Ce ne sont plus des oasis avec quelques petits îlots de civilisation dans un vaste océan de nature sauvage. À l'heure actuelle, ce sont de petits îlots de biodiversité dans un vaste océan de civilisation.

Sans doute plus que jamais, les parcs nationaux sont devenus le symbole de l'attachement profond des êtres humains à leurs frères, à la reconnaissance et à la célébration de leur interdépendance avec la biodiversité de toute la planète.

Étant donné que je réside dans un parc national, qu'est-ce que cela veut dire? De quoi cela a-t-il l'air? Eh bien, c'est le plus grand privilège qui soit. Parce que j'habite dans un parc national, que je défends la nature et que je suis dans les affaires, je dois accepter un contrat social important. Lorsque nous décidons d'habiter dans un parc pour y lancer une entreprise, pour prendre le risque de lancer une entreprise—parce que ce n'est pas un droit que l'on a de vivre dans un parc pour y lancer une entreprise—en échange de ce privilège, nous acceptons en contrepartie le devoir de respecter le cadre majestueux qui nous entoure.

Pour ce qui est de faire la part de l'intérêt national et de l'intérêt local, nous choisissons de vivre dans le parc en acceptant que l'intérêt national prime.

Troisièmement, permettez-moi d'aborder la question des limites. Malgré toute l'attention du public et les louanges des défenseurs de la nature à l'égard de cette idée des limites, il ne faut se laisser aller un instant à l'autosatisfaction car en pratique, comme nous l'avons vu, en vivant dans les parcs, chacune des limites annoncées pour les collectivités des parcs prévoit une croissance commerciale et résidentielle de 10 à 30 p. 100 par rapport à ce qui existe actuellement.

• 1250

Comment cela s'est-il produit? Lorsqu'on va dire aux gens, en dehors du parc, que les limites ne sont pas vraiment en place maintenant, ils vont répondre: «Comment? La presse en a beaucoup parlé. Ces limites n'existent pas?» Il nous faut leur avouer que non.

Voilà ce qui s'est passé. Les responsables des parcs, lorsqu'ils ont proposé des journées portes ouvertes pour obtenir l'avis des gens des localités sur les limites proposées, ont refusé d'envisager et de mettre sur les feuilles officielles portant les opinions du public une limite correspondant à la situation actuelle—c'est-à-dire une expansion zéro—et ont clairement dit refuser de discuter de toute réduction de la taille des collectivités des parcs, pour ne permettre que les cas de figures qui prévoyaient une croissance. Cela n'a pas été très clair pour beaucoup.

Nous avons donc trois recommandations précises qui concernent les limites: à savoir l'élargissement de la notion d'espace commercial pour y inclure les espaces occupés par les services et les établissements publics, et je donne davantage de précisions à ce sujet; l'application de l'effet de cliquet qui figure dans la loi à certains secteurs commerciaux et récréatifs lorsque leurs utilisations ne sont plus indiquées ou que, pour des raisons relevant de l'esprit de la loi, il pourrait être nécessaire de limiter les secteurs commerciaux; et l'établissement de plafonds plus explicites dans la loi pour l'utilisation humaine de sorte que nous puissions accorder aux gestionnaires de Parcs Canada le pouvoir dont ils ont besoin pour le cas où de telles situations se produiraient à l'avenir, au fur et à mesure que l'utilisation humaine augmente, de sorte que ces dispositions législatives puissent continuer à être élargies et applicables.

Les limites présentent des avantages et des inconvénients. Je ne vais pas vous les donner tous car ils sont clairement indiqués dans mon mémoire.

Le principal inconvénient est qu'en limitant l'approvisionnement dans un système d'entreprise privé, les prix montent et ainsi, la grande majorité des Canadiens ne peut accéder à ces endroits de façon démocratique. Cette même inquiétude a été soulevée le 3 mars 1887 dans le hansard par les leaders parlementaires de l'époque lorsqu'ils ont discuté de la création du parc national Banff.

Le modèle canadien de gestion des parcs, comparé aux modèles américain et australien et même russe, est beaucoup plus axé sur le commerce et plus conciliant à son égard. J'aimerais, comme notre association, que le texte de loi permette aux gestionnaires des parcs et au ministre d'envisager les autres modèles—par exemple, le contingentement et le rationnement—qui existent ailleurs.

Cela figure dans notre mémoire, mais il faudrait le préciser à l'article 16 relatif aux règlements.

Il y a un autre aspect des limites qui figure dans le projet de loi et qui est très important, surtout pour moi qui essaie de pousser un propriétaire de locaux commerciaux à être un chef de file écologique d'avant-garde dans le parc. Il figure au sous- alinéa 33(2)d)(i) où est introduit le principe de l'absence d'effet nuisible sur l'environnement.

Ce principe se trouve isolément à l'article 33 et il faudrait le reprendre et le préciser à l'article 16 pour que les gestionnaires des parcs, lorsqu'ils essaient de l'appliquer, aient tous les pouvoirs voulus pour le faire et pour veiller à ce qu'il soit respecter.

Pourquoi cela est-il important pour moi qui suit directeur général pour un propriétaire de locaux commerciaux? Parce que nous essayons de faire venir des architectes soucieux d'écologie qui fassent ce qu'il y a de mieux pour le plus beau parc national canadien et que voit-on? Parce qu'il n'y a pas de réglementation précise, il y a des resquilleurs qui essaient des contourner la loi ou son esprit. Nous aimerions que des limites précises et claires soient fixées pour que les règles du jeu soient égales. Nous pouvons accepter la concurrence, mais il nous faut des limites précises et des règlements précis.

En résumé, si tout est bien indiqué, si on précise l'importance des collectivités, des secteurs récréatifs et des établissements commerciaux, on aura fait de gros progrès pour la gestion des parcs nationaux. On pourra oublier le spectre des batailles incessantes et aller de l'avant, côte à côte, pour améliorer les ressources des parcs et la qualité de l'expérience que vivent leurs visiteurs.

• 1255

Je m'abstiendrai de vous donner d'autres points saillants afin de conclure en disant qu'en tant que résident qui bénéficie du privilège de vivre dans un parc national, je vous prie instamment de ne pas plier devant les intérêts locaux, devant les intérêts privés, mais de renforcer cet équilibre, cet extraordinaire équilibre historique, prévu dans la législation canadienne, ce contrat social qui donne la primauté à l'intérêt national.

La commission sur l'intégrité écologique a parlé d'équilibre. Elle a dit: «Les Canadiens ont beaucoup exigé de leurs parcs nationaux et ont peu donné en échange.»

De même, un ancien cri, Wes Fineday, a précisé l'idée d'équilibre il y a trois ans lorsqu'il a pris la parole à Banff:

    S'il doit y avoir équilibre, il faut qu'il y ait de concessions de part et d'autre. Pendant des décennies, on s'est contenté de prendre. Il est maintenant temps de restituer quelque chose en échange.

Je vis dans le parc Banff, et je peux dire que les parcs de montagne ne sont pas extensibles, autant que nous le sachions tous, pas plus d'ailleurs que la planète. Je vous remercie beaucoup d'oeuvrer pour consolider nos parcs nationaux.

Le président: Merci, monsieur Poole.

Monsieur Locke.

M. Harvey Locke: Merci, monsieur le président. Me permettez- vous d'apporter une légère modification à mon mémoire pour le compte rendu?

Le président: Bien sûr.

M. Harvey Locke: À la page 3, on dit que je suis avocat spécialiste des questions d'environnement. Je suis ancien avocat spécialiste des questions d'environnement. Je ne suis plus membre actif du barreau. C'est quelque chose qui importe au barreau et je me dois donc de le préciser.

Le président: Merci.

Monsieur Mark.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Je veux pour commencer vous souhaiter la bienvenue au comité. C'est agréable d'entendre que nous croyons tous qu'il devrait y avoir un certain équilibre. Nous savons tous que les humains ont tout autant que les animaux leur place dans les parcs.

J'aimerais vous poser à chacun une question en commençant peut-être par M. McNamee.

Vous avez parlé d'activités à l'extérieur des parcs qui ont des répercussions sur l'intégrité écologique à l'intérieur des parcs, notamment des propriétaires fonciers qui vivent sur le pourtour du parc et des activités agricoles qui s'y déroulent. Pour faire en sorte que tous les intéressés travaillent de concert et collaborent, pensez-vous que ce serait une bonne idée d'exiger la création d'un comité quelconque, un comité de liaison par exemple, constitué des gens qui vivent à l'extérieur du parc ou en tout cas sur son pourtour et les intéressés qui sont à l'intérieur du parc?

Je vais vous donner un exemple. Le parc national du Mont- Riding a un comité de liaison qui est une organisation où les municipalités se réunissent régulièrement pour parler des questions relatives à l'intérieur du parc aussi bien qu'à son pourtour.

M. Kevin McNamee: Oui, la Fédération canadienne de la nature est tout à fait favorable à cette idée, au fait que l'on constitue des organisations des intéressés. J'imagine que cela dépend de l'endroit où se situe le parc, des problèmes qui s'y posent et de la composition du parc. Dans certains cas, il s'agit uniquement de terres provinciales et dans celui du Mont-Riding, par exemple, il y a différents types de propriétaires.

J'estime très important que ces comités soient constitués dans la mesure où on indique clairement leur objet, leur raison d'être. Il faut que ces organismes veillent à ce que l'on se préoccupe de l'intégrité écologique du parc aussi bien que des questions liées à sa fréquentation par les visiteurs, mais il faut que ces comités s'efforcent de résoudre les problèmes et ne soient pas simplement des comités qui se réunissent pour se réunir ou pour se contenter de dire qu'ils représentent le groupe des intéressés, car c'est parfois ce qui se passe.

Il y a eu à Prince Albert, par exemple, un comité de direction qui a fait à mon avis un excellent travail en insistant sur la révision du plan de gestion du parc afin qu'il porte sur cinq questions précises. Je pense que l'amendement que nous demandons permettrait de dire à Parcs Canada, à son personnel et au ministre, que le Parlement croit que les employeurs de Parcs Canada devraient participer non seulement à ces groupes d'intéressés multiples, mais aussi à certains processus—par exemple, au Manitoba—à certaines évaluations environnementales et à d'autres choses qui se produisent à l'extérieur du parc et qui déterminent l'avenir des terres situées à l'extérieur de parcs comme celui du Mont-Riding.

• 1300

Il y a eu une évaluation environnementale relative à un plan de gestion forestière à laquelle Parcs Canada a décidé de ne pas participer. Les deux solitudes que sont le parc national du Mont- Riding et les terres situées à l'extérieur du parc existent bien toujours.

Nous pensons donc qu'il faut faire plus qu'exiger ces comités regroupant les divers intéressés.

M. Inky Mark: Merci.

M. Harvey Locke: Puis-je répondre aussi?

M. Inky Mark: En fait, je voulais vous poser une question sur les stations de ski.

M. Harvey Locke: Certainement.

M. Inky Mark: Au cours de l'année écoulée, les médias ont beaucoup parlé de la télécabine de Lake Louise. Vous avez mentionné également dans votre mémoire le fait qu'il y ait une villégiature estivale à Sunshine. Je ne sais si on utilise aussi la télécabine pendant l'été.

Il faut que je vous demande comment les cabines de Lake Louise qui vont et viennent influent sur l'écologie de la montagne.

M. Harvey Locke: Certainement. Je vais peut-être vous donner un peu le contexte.

Ma mère a été la première personne recensée comme native de Lake Louise et ma famille a donc des liens qui remontent très loin avec le parc. L'histoire de l'utilisation des remontées mécaniques en été dans le parc est intéressante.

On n'utilise plus les remontées en été à Sunshine maintenant et il en est d'ailleurs ainsi depuis plusieurs années. Il y a un autobus qui bénéficie d'un accès réservé et qui amène les gens au sommet. Cela ne nous pose pas de problème.

Il y a plusieurs années que l'on n'utilise plus la télécabine à Lake Louise. Une télécabine a effectivement été en service pendant 25 ans à peu près mais on ne l'utilise plus maintenant, on utilise un télésiège et cela fait une grosse différence. L'ancienne télécabine partait du bord de la route. Il s'agissait d'une cabine fermée qui se rendait à un endroit dans la montagne. Elle était peu utilisée et elle datait d'une époque où on comprenait l'écologie différemment de maintenant.

Il y a quelques années, on a installé des télésièges rapides à quatre places qui partent d'un stationnement situé à un mille et demi de la route en allant vers la montagne. Son utilisation n'est donc plus concentrée au bord de la route; il faut maintenant se rendre dans la montagne dans le grand secteur des stationnements.

Ce qui se passe alors, c'est que vous sortez du stationnement, vous passez devant le pavillon pour excursionnistes, vous contournez la prairie en contrebas et vous montez dans un télésiège ouvert au-dessus de la forêt.

Nous savons de source sûre que le secteur est très fréquenté par les grizzlys. Il y a donc tous ces gens qu'on amène dans une zone où ils n'allaient pas avant. Le plus drôle, c'est que personne dans la presse ne s'est donné la peine de se vérifier si une télécabine est en service. Il n'y en a pas. Et depuis plusieurs années.

Le problème—et vous pouvez parler de la question à certains biologistes éminents spécialistes des grizzlys—c'est que grizzlys et excursionnistes nombreux ne font pas bon ménage; les grizzlys sont chassés de leur habitat, ce qui veut dire qu'ils ne le fréquentent plus ou ils adoptent un comportement nocturne. Il y a donc un conflit et lorsqu'il y a conflit entre des ours et des hommes, ce sont généralement les ours qu'on finit par tuer.

Je peux vous raconter une histoire qui m'a bouleversé. Stephen Herrero, qui étudie les grizzlys depuis environ 30 ans dans le parc national Banff, a reçu la médaille J.B. Harkin pour la défense de la nature à Ottawa l'automne dernier. Dans son discours, il a dit que depuis tout le temps qu'il étudie les grizzlys dans le parc national Banff, un seul animal—je dis bien un seul—est mort de mort naturelle. Les autres ont été tués par balle parce qu'ils gênaient les gens, ont été transplantés ou se sont fait écraser.

C'est quelque chose de tout à fait inacceptable pour notre parc national. La région du lac Louise est un habitat de choix pour les grizzlys.

Je suis allé à une réunion d'éminents biologistes d'Amérique du Nord, spécialistes des grizzlys, en janvier. Elle était organisée par l'UICN et portait essentiellement sur la survie des grizzlys dans l'écosystème de la région central des montagnes Rocheuses.

On vient de publier un rapport où il est fortement recommandé de réduire la fréquentation des zones d'habitat des grizzlys faute de quoi ces ours vont disparaître du système. C'est un excellent rapport que je vous conseille de lire.

La station de ski de Lake Louise en est un exemple type puisque nous faisons subir des pressions à une population dense de grizzlys. Nous allons commencer à les perdre. La recommandation veut donc que le secteur ne soit pas fréquenté l'été pour cette raison.

Le président: Merci.

Je vous redonnerai la parole.

Monsieur Laliberte.

• 1305

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Merci, monsieur le président.

Je sais que vous nous avez fait un exposé sommaire, mais j'aimerais vous poser des questions sur les services de base et essentiels. Il serait bon, si vous ne l'avez pas maintenant, de nous envoyer par écrit la définition de tels services.

Le problème s'est posé pour un parc national de votre région au sujet d'un terrain de camping voisin. Il a notamment été question de la définition du service lui-même—eau et égouts, électricité, personnel d'interprétation, routes, biosciences. Et vous ajoutez «essentiel».

Qu'est-ce qui est nécessaire dans le cadre du projet de loi? Faut-il donner cette définition aux articles 16 et 33 ou à l'article dont vous parlez?

Si vous ne pouvez pas me donner de réponse oralement, vous pourriez peut-être mettre par écrit la définition ou la réponse pour l'envoyer plus tard.

M. Harvey Locke: Je peux faire une première tentative de réponse orale... ou plutôt, allez-y, Peter.

M. Peter Poole: En réponse à la question, il y a une chose que je dois dire et j'aimerais ensuite, si possible, que notre association envoie au président une réponse écrite car je n'ai pas le document auquel je vais faire référence. Je vais donc le citer de mémoire.

Il y a une politique de gestion qui concerne le développement commercial dans le parc Banff—et je ne suis pas sûr qu'il y ait quelqu'un dans le public d'aujourd'hui qui se souvienne de Charlie Zinkin ou en ait un souvenir photographique—qui fait la différence entre les services de base et les services essentiels.

L'ironie—et je pense que vous avez mis le doigt sur quelque chose de vraiment important—c'est que si la politique existante n'est pas sanctionnée par la loi de façon très claire et facile à appliquer du fait de sa précision, et on pourrait très bien la mentionner dans ce projet de loi, sans cette correspondance étroite entre une politique existante et le projet de loi, nous finissons par avoir des décisions politiques de complaisance, comme dans le cas de la collectivité de Lake Louise, où on ne peut considérer l'église et l'école ni comme des services de base ni comme des services essentiels, mais où Parcs Canada a, dit-on, approuvé la construction d'un centre de congrès de sept étages sur les rives du lac Louise parce qu'on estime que c'est un service de base et essentiel.

Ce n'est pas l'esprit de la politique qui nous pose des problèmes, mais plutôt son application. Nous encouragerions donc le Parlement à être très clair et à prévoir des systèmes de responsabilisation pour que les politiques existantes, une fois sanctionnées par la loi, puissent être mises en oeuvre et appliquées comme il se doit.

Nous enverrons une réponse écrite au président.

Le président: Merci.

M. Harvey Locke: J'ai en fait une définition pratique de la chose. Je l'ai amenée avec moi parce que j'avais pensé qu'elle pourrait être utile.

Le président: Très bien. Allez-y.

M. Harvey Locke: Les services de base et essentiels représentent les services nécessaires pour offrir aux visiteurs des expériences de qualité dans les parcs nationaux, mais ne devraient pas inclure le développement commercial. Par «développement commercial», j'entends des bâtiments à toit fixe, les terrains de jeu, les terrains de golf, les pistes de ski, les salons de thé, les commerces, les musées privés, les campings privés et les centres de congrès. Les installations d'interprétation ou les terrains de camping gérés par le parc, ou encore les pistes de randonnée, n'entrent pas dans cette définition.

Kevin me dit que la Fédération canadienne de la nature est d'accord avec cette définition.

Le problème ne vient pas des terrains de camping proprement dits ni des points d'attraction où vont les gens ou auxquels ils ont accès pour profiter de la nature, dans la mesure où ces points sont bien situés et où ils n'entraînent pas de destruction d'éléments précieux. Le problème vient, et il est particulièrement aigu dans l'Ouest, du fait qu'en l'absence d'une telle orientation, nous avons vu des choses incroyables se produire dans les parcs nationaux. Nous avons vu par exemple l'ouverture d'un magasin de T-shirt Harley-Davidson, spécialisé dans les T-shirts Harley-Davidson. Nous avons vu un magasin spécialisé dans les affiches de Hollywood. Un musée de cire a été ouvert. Le musée de cire de Madame Tussaud a existé pendant un certain temps. Donc, sans ce genre d'orientation...

On voit aussi apparaître certains phénomènes, comme c'est le cas à Banff, qui font qu'on vient là pour faire des achats. L'objectif est donc curieusement faussé puisqu'on en fait un lieu de magasinage au lieu d'un endroit de services pour les visiteurs. En réalité, on s'aliène ceux qui viennent pour la nature.

• 1310

Je passe mes vacances dans les parcs nationaux. C'est ce que j'aime faire pour mes loisirs. Je le fais depuis des années et j'ai voyagé dans de très nombreux parcs sur tout le continent. C'est vraiment une expérience ou un sentiment très particulier propre aux parcs nationaux que l'on vit ou que l'on ressent lorsqu'on va dans beaucoup d'entre eux. Ils sont pour moi très précieux. Lorsqu'on y est, on sait qu'on est dans un endroit spécial. On sait que les constructions qui sont là ont été réalisées à la suite de décisions réfléchies. On sait qu'elles sont là pour être utiles, pour qu'on vive une expérience de qualité, pour qu'on comprenne mieux ce qu'on fait et qu'on en retire un sentiment de satisfaction.

Malheureusement, quand on va dans certains parcs, on se demande comment on a pu en arriver là, quelle décision politique a pu faire que de telles choses se produisent dans un tel cadre.

C'est pourquoi nous devons restreindre un peu le développement en utilisant des qualificatifs comme «de base et essentiel». Cela ne veut pas dire «rien»; cela veut simplement dire que l'on peut avoir des services qui correspondent à ce que l'on attend d'une expérience dans un parc, ce qui n'est pas difficile à définir.

Le président: Monsieur Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): J'ai quelques questions à poser. Je vais m'adresser d'abord à Harvey.

Pour en revenir à la définition des services de base et essentiels, vous l'avez indiqué pour le compte rendu, mais j'aimerais que vous la mettiez par écrit pour la remettre au greffier et nous la distribuer aussi. Je cherchais précisément une définition.

Mais il y a une question que je me pose à son sujet, c'est de savoir comment on peut la resserrer de façon à garantir... Par exemple, un musée de cire ne cadre pas nécessairement dans un parc... Pourtant, nous ne l'interdisons pas pour encourager la fréquentation du parc parce que cela fait partie du mandat du parc et de la législation. Ce qui m'inquiète, c'est que si on veut bien admettre que les parcs canadiens ont de nombreuses choses en commun, ils ont aussi des caractéristiques uniques. Dire qu'un service est de base et essentiel, me pose donc un problème.

Par exemple, vous avez parlé de bâtiments à toit fixe. Si je voulais amener ma famille dans un parc fédéral pour aller faire du kayak ou du vélo de montagne et que je doive m'y rendre en voiture pour louer sur place les vélos, selon votre définition, il pourrait ne pas y avoir de bâtiment, si j'ai bien compris, pour la location des vélos de montagne alors qu'il me semble que ce genre de sport n'est pas nécessairement contraire à l'intégrité écologique du parc.

J'aimerais prendre quelques instants pour envisager les qualificatifs «de base» et «essentiel» en fonction des caractéristiques uniques des différents parcs.

Je veux aussi aborder les densités de population pour lesquelles vous parlez d'une formule normalisée. Lorsqu'on s'occupe de parcs qui ont des besoins différents, parce qu'ils ont des caractéristiques uniques, une formule normalisée pour la densité de la population peut encourager une croissance plus importante que nécessaire dans certaines régions et limiter la croissance dans d'autres régions où elle ne serait pas nuisible à l'intégrité écologique.

Au bout du compte, lorsque le ministre est chargé de la responsabilité, en vertu du paragraphe 8(2), de s'efforcer avant tout de préserver l'intégrité écologique, c'est le ministre du moment qui prend la décision définitive pour les densités qui seront fixées—pour la hauteur et le genre de structures qui vont être autorisées pour les bâtiments. De cette façon, il est possible de traiter chaque cas indépendamment.

Ma dernière question s'adresse à Peter.

J'essayais de noter ce que vous disiez au fur et à mesure, Peter—et je serais très heureux de recevoir une copie de votre mémoire—; vous disiez que nous devons augmenter les pouvoirs du ministre qu'il en ait suffisamment pour préserver l'intégrité écologique, tout en prévoyant un mécanisme de sécurité, dont le Parlement aurait la charge, pour veiller à ce que le ministre assume bien cette responsabilité.

Si j'ai bien compris, il me semble que dans les paragraphes 11(1) et 11(2), on donne déjà une telle garantie dans la mesure où le Parlement doit revoir le plan du ministre tous les cinq ans et tous les deux ans, au paragraphe (2), pour les nouveaux parcs. Il y a donc déjà un mécanisme en place dont le Parlement pourrait être chargé. J'aimerais avoir des précisions là-dessus.

Je vais poser mes quatre questions et ensuite je laisserai tous les intervenants répondre.

Kevin, vous avez parlé du processus de consultation et de votre soutien général pour le projet de loi, mais vous avez dit aussi souhaiter qu'on fasse davantage, ou plutôt que cela se traduise par des actions plutôt que par des mots. J'aimerais aussi des précisions là-dessus.

• 1315

Pensez-vous que le processus de consultation ait été satisfaisant au plan de l'ouverture et de la transparence et du fait de permettre, à ceux qui ont eu à subir des conséquences ou qui ont une opinion, d'exprimer leurs sentiments et leurs suggestions, bref de faire part de leurs idées?

M. Kevin McNamee: Voulez-vous dire pour les nouveaux parcs?

M. Paul Bonwick: Non, pour le processus jusqu'ici. On ne peut pas parler des nouveaux parcs parce qu'on n'en a pas créé.

À vous de voir qui va répondre le premier.

M. Harvey Locke: Me permettez-vous d'intervenir pour reprendre ce dernier point?

M. Paul Bonwick: Certainement.

M. Harvey Locke: Je crois qu'il est utile de fixer un cadre pour les parcs et pour les expériences des familles qui les fréquentent. Moi aussi, j'emmène mes enfants dans les parcs.

Au Canada, il y en a tout un éventail. Quelques-uns seulement ont de véritables problèmes de développement et ce sont ceux où il y a des collectivités à l'intérieur ainsi que les fameux établissements commerciaux.

Je vais répondre directement à votre question sur le lien entre les toits fixes et les plafonds et vous dire si l'article sur l'intégrité écologique règle le problème. Nous n'avons pas réussi à empêcher que le développement commercial n'empiète profondément sur l'intégrité écologique, malgré l'existence de cet article sur l'intégrité écologique qui est dans la loi depuis 1988.

Une étude sur la situation de Banff et la vallée de Bow a été réalisée car c'est là que se situe la grande majorité de toutes les installations commerciales de notre réseau de parcs. La vallée fait face à de gros problèmes écologiques parce que nous avons exagéré. C'est pourquoi nous devons y mettre un terme par voie législative. Cela n'a pas fonctionné.

Si nous vivions dans un monde idéal, nous ne serions pas ici aujourd'hui parce que la disposition sur l'intégrité écologique nous aurait protégés. Mais cela n'a pas été le cas et c'est pourquoi nous devons imposer des règles pour mettre un terme à cette situation, pour dire que c'est fini.

Pour ce qui est de l'utilisation des parcs, de fournir des installations à toit fixe ou des locaux pour la location des vélos de montagne... Dans certains cas, je dirais que les vélos de montagne constituent en fait un problème écologique. Mais il n'est pas nécessaire d'en discuter longuement parce que ce n'est pas le cas partout.

Il y a toujours des collectivités à l'entrée des parcs qui peuvent fournir ce genre de services et c'est le modèle que l'on rencontre généralement aux États-Unis. Il y a des parcs qui sont très fréquentés et qui offrent des services. Les gens profitent des parcs, mais ils ne s'attendent tout simplement pas à ce que les services se trouvent à l'intérieur.

Par exemple, dans la localité de Canmore en Alberta, qui est située à la limite du parc Banff, sert de collectivité d'entrée. Cela encourage l'économie régionale et cela allège aussi les pressions à l'intérieur du parc.

Ce n'est donc pas que cela ne peut pas exister, il s'agit simplement de savoir où cela peut exister.

Le président: Monsieur McNamee, voulez-vous vous attaquer à cette dernière question?

M. Kevin McNamee: Oui.

Si j'ai bien compris la question, nous parlons du processus consultatif pour les parcs que l'on est en train de créer.

M. Paul Bonwick: C'est exact.

M. Kevin McNamee: Je dois dire que j'ai suivi de très près le processus de création des nouveaux parcs depuis 1983 et que j'y ai participé. D'une façon ou d'une autre, j'ai été impliqué, jusqu'à un certain point, dans la création de pratiquement une douzaine de parcs nationaux à des degrés divers.

Autrefois, à la fin des années 60 et dans les années 70, on ne tenait absolument pas compte des populations locales dans la création des parcs. Pour créer le parc national Forillon, pour créer le parc national Kouchibouguac, des gens ont été expropriés de leurs terres.

Maintenant, on fait un virage à 180 degrés. Parcs Canada, le gouvernement fédéral ne fait absolument rien pour créer un nouveau parc national si les collectivités locales touchées ne sont pas d'accord et si les Premières nations ne sont pas d'accord.

Autrefois, lorsqu'on concluait un accord pour un parc national, il était signé par les ministres provincial et fédéral responsables du portefeuille.

À l'heure actuelle, par exemple, avec le parc national Wapusk, créé à Churchill, les signataires comptent les deux collectivités autochtones touchées ainsi que le maire de Churchill. Pour le parc national de Sirmilik, qui a été créé en août dernier, le processus de création a été intégré à l'accord de règlement définitif de la revendication territoriale du Nunavut.

On peut donc dire que la création des parcs depuis au moins les deux dernières décennies est largement tributaire des inquiétudes des gens des localités concernées. L'accord de création du parc national de la Péninsule-Bruce en Ontario répond à 59 questions qui ont été posées et énoncées par les collectivités locales.

Si on regarde tous les accords de création des parcs nationaux à l'heure actuelle, c'est là le processus qui en est le moteur.

• 1320

Je vous demande de m'excuser d'avoir été un peu prolixe dans ma réponse, mais je pense que la réponse brève est que, indépendamment de Tuktut Nogait, un parc national qui a été discuté au comité—et j'ai participé à ce débat—pour la plupart, lorsqu'ils en arrivent à l'étape officielle de la création légale, il ne reste plus de questions à régler. Et je parle en connaissance de cause car je participe au processus depuis 17 ans.

Le président: Monsieur Poole.

M. Peter Poole: Merci, monsieur le président.

Pour répondre à la question de M. Bonwick sur le pouvoir accordé au ministre et sur la surveillance que pourrait exercer le Parlement pour la planification et la reddition de comptes, j'aimerais faire deux observations brèves et je vous donnerai le reste dans ma réponse écrite.

Premièrement, je constate que vous souhaitez voir une certaine souplesse dans la législation pour permettre son application aux différentes situations des parcs. Oserais-je proposer que lorsqu'il y a des mécanismes de planification et d'examen des développements, ces processus soient modelés sur les commissions de planification de la protection de la nature plutôt que sur les commissions d'approbation des développements? Ainsi le mandat stipulerait: «Non, sauf si...» plutôt que de spécifier comme maintenant: «Oui, vous pouvez aller de l'avant, mais...» De cette façon les choses sont plus claires pour un exploitant commercial.

Je vais vous donner un bref exemple de situations qui posent des problèmes à l'heure actuelle. Nous avons observé depuis une décennie à Banff et dans les parcs voisins, que les responsables de Parcs Canada adoptent le mécanisme d'approbation: «Oui, mais». Le «mais» est une liste de conditions si lourdes pour le promoteur que celui-ci tente sa chance, dépense de l'argent, n'obtient pas de permis pour finir, se sent frustré, et s'en prend, non pas à Parcs Canada, mais aux tiers qui sont intervenus, pour ne pas avoir obtenu le permis.

Les choses seraient beaucoup plus claires et il y aurait beaucoup moins de rancoeur et de dépenses en général si nous avions des mandats de planification de la préservation de la nature qui disent d'abord oui, voici comment vous pouvez procéder; autrement, c'est non. Cela permettrait d'avoir une certaine souplesse pour tenir compte des différences qu'il y a d'un parc à l'autre.

Deuxièmement, pour la planification et la reddition de comptes, je dirais que la première et surtout la deuxième tous les deux ans devraient exiger expressément qu'on examine ce qui a changé dans l'aménagement des terres contiguës aux parcs et les efforts de planification et de remise en état des écosystèmes touchés. En incluant cela, ce type de reddition de comptes se fera et le Parlement pourra assurer la surveillance prévue dans la loi.

Le président: Les membres du comité ont-ils d'autres questions à poser?

Monsieur Mark.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

En fait, j'allais dire que c'est agréable de revoir M. Poole. Nous avons parlé de parcs il y a deux étés.

L'un des gros problèmes est en général le juste équilibre entre les exigences commerciales et environnementales des parcs. M. Locke a parlé des collectivités d'entrée. Au fait, j'ai posé exactement la même question au président de la commission sur l'intégrité écologique. Je lui ai demandé s'il ne serait pas plus facile dans le cas de Banff, à cause de tous les problèmes qui sont liés au développement commercial, de simplement retracer les limites de Banff. On aurait de cette façon une collectivité d'entrée et les parcs seraient vraiment des parcs.

Voulez-vous répondre également à cette question?

M. Harvey Locke: Le problème que pose cette solution c'est que la localité de Banff se situe dans la partie la plus précieuse sur le plan écologique du parc national Banff.

À titre d'analogie ou peut-être d'exemple, le fond des vallées intérieures, là où nous avons tendance à regrouper les développements commerciaux dans les parcs nationaux de montagne s'appelle l'écorégion montagnarde. C'est le secteur le plus attrayant pour la faune. Il est le premier à verdir au printemps. Les oiseaux chanteurs y viennent et les grizzlys y émergent de leur hibernation. C'est l'endroit où les ongulés, les wapitis et les cerfs passent l'hiver. C'est le lieu où les loups et les couguars qui les traquent hivernent.

Si nous enlevons cela du parc simplement parce que nous avons laissé le développement se faire de façon débridée, nous supprimons le coeur même de l'écosystème.

En fait, dans le cas de la vallée de Bow, les gens de Canmore ont récemment appuyé une initiative pour protéger toute la zone qui entoure leur ville et en faire un parc en raison de la grande valeur écologique de cette partie de la vallée où ils vivent. Toute la zone comprise entre la réserve indienne Stoney et la limite du parc Banff s'appelle désormais Bow Valley Wildland Park. La population veut la protéger. La ville a adopté une politique pour limiter la croissance dans cette localité privée. On a prévu des couloirs de passage pour la faune dans le village parce qu'on est conscient de la valeur écologique exceptionnelle de la région.

• 1325

Continuer à creuser la vallée de Bow ne ferait que dégrader davantage l'écosystème et ce serait un échec terrible de notre part à nous qui sommes les intendants des parcs nationaux.

Le président: Si vous me le permettez, monsieur Poole et monsieur McNamee, nous avons encore deux personnes qui souhaitent poser des questions. Nous devrons ensuite mettre un terme à la réunion parce qu'il nous faut aller à la période des questions et que nous avons une autre séance cet après-midi. Si vous voulez bien être bref, je donnerai la parole aux deux autres personnes qui souhaitent poser des questions.

M. Peter Poole: Merci, monsieur le président.

Permettez-moi simplement de dire qu'à première vue, je crois que peu de gens seraient favorables à une telle idée à Banff, mais que la grande majorité d'entre eux s'y opposeraient pour la raison toute simple que je vais vous donner sous forme d'histoire.

La semaine dernière, ma voisine qui a des mangeoires pour oiseaux dans son jardin arrière, a eu la visite d'un ours. Elle a appelé le gardien du parc.

Lorsque les animaux viennent en ville, et c'est ce qu'ils font particulièrement au printemps, il nous faut des gardiens. On ne peut faire cela si ce n'est pas dans un parc. Je crois que ça a l'air très bien à première vue, mais ça ne marcherait pas en pratique. Et si on envisageait de faire cela dans d'autres secteurs récréatifs...

Par exemple, dans les zones de ski, nous avons fait une enquête auprès des skieurs à notre bureau de recherche de Banff en leur demandant quel genre de protection de la nature ils souhaitent, quelle type de gestion de l'environnement. Même ceux qui font de la planche à neige qui viennent là haut 50 jours par an et qui ne pensent même pas que la zone de ski se trouve dans un parc national disent avec plus de force que tous les autres que bien sûr, il faut avoir les normes environnementales les plus sévères du monde.

Ils adorent le coin. Ils veulent que les normes environnementales soient respectées. C'est ce que souhaite le visiteur. On ne devrait pas du tout hésiter à avoir des normes sévères.

Le président: Monsieur Muise.

M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à nos invités. J'aurais quelques questions à leur poser.

Monsieur Poole, vous avez parlé de quelque chose qui a piqué ma curiosité parce que cela se rapporte à une question que j'ai déjà posée. Vous avez parlé de l'aménagement du territoire, de la modification de l'aménagement des terres contiguës aux parcs.

Je comprends que vous le disiez, mais où cela s'arrête-t-il? Mettons que cette feuille de papier soit un parc et vous dites que vous limitez les activités dans ce secteur. Mais si vous parlez des terres contiguës, de limiter leur utilisation, etc., dans 15 ou 20 ans, allons-nous limiter l'utilisation des zones contiguës aux terres contiguës, etc.? Où cela finit-il?

M. Peter Poole: Eh bien, ça ne finit pas à Ottawa, mais à certains égards, ça commence ici. Il existe des plans extraordinaires de zones tampons dans la documentation qui concernent la planification des parcs et qui montrent que l'on peut protéger une zone centrale et que les zones qui l'entourent peuvent être utilisées modérément, et que l'on peut même changer leur utilisation avec le temps pour que la zone centrale reste protégée. C'est là l'objectif essentiel de cette proposition.

Mais sur le plan des décisions, pourquoi cette reddition de comptes concernant les terres contiguës est-elle importante? Parce que si cette information n'est pas produite, on ne sait pas. Sans cette connaissance, on n'a pas l'occasion de... et le gouvernement canadien, le Parlement n'a pas les ressources à sa disposition pour entamer des négociations avec les gens qui se trouvent à la périphérie du parc, qu'il s'agisse de collectivités, de provinces ou autres.

La production de l'information sous forme de reddition de comptes est donc utile à la politique publique pour toutes les parties intéressées.

M. Kevin McNamee: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose à cela, je pense que dans votre partie du monde, le parc national Fundy est un exemple parfait d'entreprise réussie par le gouvernement fédéral, Parcs Canada, et les autres sphères de compétence, du moins pour ce qui est de formuler une vision.

Au lieu de parler de zone tampon, ils se sont demandés quelles étaient les ressources vraiment importantes à l'intérieur et à l'extérieur du parc. C'est la martre d'Amérique. Ce que l'on se demande d'abord, c'est donc de savoir si on préserve le parc national Fundy et si on rétablit son intégrité écologique et ensuite comment on peut concevoir autrement l'exploitation forestière et les autres activités qui se déroulent à l'extérieur du parc pour que l'espèce survive. Parce qu'on sait que le parc n'est pas assez petit, les limites ont été tracées en ligne droite—et on a exploité la forêt jusqu'à ses limites dans certains cas—et la martre d'Amérique disparaît.

On se demande alors, en choisissant une espèce particulière, comment on peut gérer le parc et les terres contiguës ensemble pour revoir l'activité humaine de façon que l'espèce puisse survivre.

Je vous pousse donc à regarder Fundy comme un bon exemple car c'est celui qui nous a fait emprunter cette voie.

• 1330

M. Harvey Locke: Puis-je ajouter rapidement une phrase.

Le président: Brièvement, oui.

M. Harvey Locke: La question de savoir où cela s'arrête est une analyse axée sur l'aménagement du territoire. Le problème réel c'est qu'à l'heure actuelle nous savons que nous trahissons la nature. La question est de savoir comment nous allons réinventer la façon d'aménager nos terres pour ne plus trahir la nature. C'est vraiment là le défi; il s'agit de réorienter notre réflexion pour voir comment nous pouvons gérer le paysage pour que tout ce qu'il contient prospère, nous compris. Nous ne l'avons pas vraiment fait jusqu'ici.

M. Mark Muise: Vous avez parlé d'équilibre et je comprends...

Est-ce que mon temps de parole est écoulé?

Le président: Ma foi, si vous êtes très bref...

M. Mark Muise: Je suis toujours bref, monsieur le président, vous le savez. Vous l'avez dit vous-même.

Le président: Oui, mais il y a parfois trois réponses à une question.

M. Mark Muise: Peut-être faudrait-il adresser nos remarques à un invité alors.

Le président: D'accord.

M. Mark Muise: J'ai perdu le fil.

Je parlais d'équilibre. Si j'ai par exemple une parcelle de terre qui est située à trois milles de la limite d'un parc et qu'à un certain moment, je veux faire un aménagement qui comprend cette parcelle, pourquoi dois-je être pénalisé, si j'ose dire, en ne pouvant pas aménager cette parcelle de terre pour une raison quelconque, parce que je me situe dans ce périmètre, dans cette zone contiguë dangereuse?

Je sais bien à quoi servent les parcs. Je le comprends parfaitement et je suis tout à fait d'accord. Mais je ne sais pas où cela va s'arrêter, où on met des interdictions et où on n'en met pas.

M. Kevin McNamee: Je pense que c'est une question vraiment importante parce que lorsqu'on parle de gérer les activités à l'extérieur des parcs, c'est ce à quoi les gens pensent.

Il faut dire tout d'abord que le projet de loi et certains des changements que nous préconisons ne visent pas à empiéter sur la compétence provinciale. Dans la plupart des cas, surtout dans les parcs nationaux, il s'agit de terres fédérales à l'intérieur et de terres provinciales à l'extérieur. Il n'y a rien là qui vous pénalise parce que vous vous situez à trois kilomètres du parc. Ce que nous recherchons, c'est quelque chose qui permette de faire le pont entre ces deux solitudes.

Votre aménagement peut ne pas avoir d'effet sur le parc mais si par hasard vous vous trouvez à la source d'un ruisseau qui coule dans le parc... Jusqu'ici, c'est la collaboration qui a fait défaut. Parcs Canada gère le parc national indépendamment. Vous gérez votre propriété indépendamment. Le gouvernement provincial fait aussi ses affaires de son côté.

Le problème, c'est que Parcs Canada n'a pas changé d'attitude. Nous n'avons pas réussi à rapprocher ces deux solitudes. Si cela se fait davantage maintenant, c'est pour une raison. La modification de 1988 relative à l'intégrité écologique. Nous voulons donc que cela continue. C'est pourquoi nous suggérons un amendement où il est question de collaboration.

Nous venons de participer aux audiences relatives à Cheviot Mine à l'extérieur du parc national Jasper. L'auteur de la proposition a dit: eh, en 16 ans, vous ne vous êtes jamais plaints, vous ne nous avez jamais dit que notre exploitation avait des incidences à l'extérieur. Mais c'est parce qu'il n'y a pas de collaboration. Il n'y a aucune tribune fédérale-provinciale pour procéder à des études ou autre chose.

C'est donc ce genre de choses qu'il faut faire davantage. Nous voulons que la Loi sur les parcs nationaux indique à Parcs Canada qu'il est temps de participer—non pas d'être pénalisé ni arrêté; de participer. Cela se fait dans plusieurs parcs nationaux, mais il faut que l'instruction vienne du Parlement et qu'elle s'applique à tout le réseau.

Le président: Monsieur Laliberte, vous allez terminer brièvement.

M. Rick Laliberte: Très bien.

J'aimerais savoir ce que ces messieurs pensent des articles 9 et 35 du projet de loi. On pourrait envisager des recommandations pour avoir un traitement plus équitable des différentes collectivités des parcs et des conseils élus ou des conseils qui sont créés dans ces collectivités.

Je ne l'ai pas vu dans vos mémoires, mais j'estime que c'est une question importante qu'il faut vous poser parce que vous êtes en rapport avec ces collectivités et que vous avez sans doute des membres qui font partie de ces conseils et qui ont pu voir ces dispositions et s'y opposer...

Le président: À quel article faites-vous allusion?

M. Rick Laliberte: À l'article 9 qui est ainsi libellé:

    Une administration locale ne peut exercer de pouvoirs relativement à l'utilisation des terres, à la planification communautaire et au développement dans les collectivités, sous réserve de...

M. Harvey Locke: Je peux vous dire pourquoi cette disposition est là et aussi que nous l'appuyons entièrement. Cela vient de l'expérience qu'on a faite en donnant à Banff le pouvoir de planification communautaire en vertu de la loi albertaine sur l'aménagement du territoire (Planning Act).

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Le problème que nous avons eu il y a plusieurs années, et vous vous souvenez peut-être du gros débat public qui a eu lieu, et qui concerne l'importance du développement dans Banff, vient de ce que l'on a fait une affirmation extraordinaire en disant: Nous sommes une ville en vertu de la loi sur l'aménagement du territoire de l'Alberta et le gouvernement fédéral n'a donc aucun pouvoir sur la gestion des parcs nationaux. C'est un argument que certains ont présenté avec le plus grand sérieux: Ma foi, nous sommes une ville maintenant et nous vous prions donc, vous le gouvernement fédéral, de vous en aller. Vous n'avez pas de rôle à jouer ici.

C'était absurde. Si vous lisez en fait l'accord constitutif, il est très clair que ce n'est pas le cas. Mais il y a eu une très grosse bagarre publique sur le sujet. Franchement, c'est vraiment un échec que d'adopter ce modèle.

Cela ne veut pas dire que les gens de la localité ne doivent pas participer. J'ai par exemple été très impliqué dans les discussions relatives aux plans de la collectivité de Lake Louise. Il y a eu toutes sortes de consultations avec énormément de gens de la localité. J'ai été à de très nombreuses réunions.

Parcs Canada a en fait pressé tous ces gens de la localité à parler longuement de la question, mais je crois que Peter a frappé juste: Il nous reste encore à admettre que lorsque nous sommes dans un parc national, l'intérêt national prime. La participation locale est appréciée, mais elle n'est pas prépondérante.

Nous avons eu ce gros problème avec la ville de Banff qui affirmait qu'elle était en fait un organisme différent à cause de cette disposition ancienne qu'il faut supprimer. Nous sommes donc tout à fait favorables à ces amendements.

Le président: Monsieur Poole.

M. Peter Poole: Merci, monsieur le président. Nous répondrons plus complètement à cette question par écrit, mais j'aimerais simplement citer une chose de notre mémoire qui concerne la planification en vertu de l'article 9 et même de l'article 35, au sujet de Banff.

Nous recommandons deux choses. La première, c'est que l'on mentionne expressément dans le projet de loi le principe de précaution qui fait déjà partie des plans dressés pour les parcs nationaux en vertu de la législation. Le principe de précaution a été bien défini dans un protocole d'accord que nous annexons à notre mémoire.

Le deuxième point important est que ces processus de planification, tant dans la ville que dans les autres localités, doivent être modelés sur le mandat et les procédures des commissions de planification de protection de la nature.

Le président: Avez-vous d'autres questions, monsieur Laliberte?

M. Rick Laliberte: Non, pas pour le moment.

Le président: Je remercie infiniment le groupe des témoins de s'être joint à nous aujourd'hui. Nous vous remercions de l'information que vous nous avez fournie et nous vous sommes reconnaissants de vous impliquer pour le réseau des parcs. Nous y sommes vraiment très sensibles. Merci.

La séance est levée.