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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 14 juin 2000

• 1535

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

[Français]

Bonjour, monsieur le ministre Pettigrew.

M. Pettigrew a dit qu'il resterait avec nous jusqu'à 17 heures. J'aime bien commencer aussi vite que possible pour donner beaucoup de temps aux gens et surtout au ministre.

Je vais vous demander, monsieur le ministre, de commencer. Vous avez une allocution à faire. J'espère que ce ne sera pas trop long parce qu'on veut garder du temps pour des questions.

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Madame la présidente, chers collègues de la Chambre des communes, je suis très content d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup de votre invitation à venir discuter avec vous de la Zone de libre-échange des Amériques.

Permettez-moi d'abord de faire quelques remarques sur le sujet. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que la série d'accords commerciaux internationaux que le Canada a négociés compte pour beaucoup dans le succès que connaît notre pays à l'exportation. Les accords commerciaux sont très utiles.

Ces accords, l'ALENA par exemple, fonctionnent extrêmement bien et, même si la négociation et l'élaboration de nouvelles ententes, comme la Zone de libre-échange des Amériques, posent des défis importants, c'est une voie dans laquelle notre gouvernement est résolument engagé. D'ailleurs, la semaine dernière, j'ai annoncé à Darwin, en compagnie de notre collègue député de Charlesbourg, que nous explorions la possibilité d'une négociation avec Singapour également.

Donc, notre gouvernement est engagé dans cette voie. Nous sommes engagés également dans les Amériques. Comme vous le savez, nous avons aussi une discussion avec le Costa Rica.

La réponse que nous avons déposée au rapport de votre comité, intitulée La Zone de libre-échange des Amériques: pour un accord qui sert les intérêts des Canadiens, expose ce que nous voulons réaliser par ces négociations.

[Traduction]

Les négociations en vue de l'établissement d'une ZLEA sont une occasion exceptionnelle d'unir dans une vaste initiative 34 pays des Amériques. Le potentiel est considérable: Il s'agit d'un marché représentant une population combinée de plus de 800 millions d'habitants et un PIB de 17 billions de dollars.

La ZLEA constitue par ailleurs un maillon vital du processus du Sommet des Amériques, qui vise à promouvoir un développement économique, social et politique accru dans l'hémisphère. Le Canada affiche un leadership indéniable dans ce processus: La ville de Québec, ma ville natale, accueillera en avril prochain les dirigeants de l'hémisphère, au Sommet des Amériques, et Toronto a été l'hôte, en novembre dernier, de la réunion des ministres du Commerce sur la Zone de libre-échange des Amériques, événement marquant l'aboutissement de la phase initiale déterminant des négociations, sous la présidence du Canada.

Ces négociations constituent une priorité pour notre gouvernement, car le libre-échange est bon pour le Canada. En termes simples, le commerce concerne, toujours et avant tout, les gens: Il leur permet de récolter les fruits de leurs efforts, de trouver des marchés pour leurs produits et de croire en l'avenir. Et nous sommes d'avis que le libre-échange profitera également à la population de l'hémisphère tout entier.

À ceux et celles qui, pour quelque raison que ce soit, s'opposent au libre-échange et accords commerciaux, je pose la question suivante: Pourquoi exclurions-nous d'autres régions de la prospérité que nous connaissons, prospérité fondée sur le commerce et l'engagement à l'égard de l'économie mondiale? Pour quelles raisons voudrions-nous condamner à l'isolement d'autres coins de l'hémisphère qui aspirent à la même qualité de vie que nous, à un éventail aussi large de choix et de possibilités que celui que nous recherchons pour nous-mêmes?

Qui pourra nier que les avantages de la mondialisation dont le Canada a su tirer parti ont été sources de prospérité pour les Canadiens? Nos exportations se sont accrues de plus de 11 p. 100 en 1999, pour atteindre 410 milliards de dollars. Pour placer ce montant en perspective, précisons qu'il représente 43 p. 100 de l'ensemble de notre PIB. Cette croissance se manifeste depuis quelque temps déjà. Il y a dix ans—ce qui n'est pas une période longue dans l'existence d'un pays—les exportations constituaient 25 p. 100 de notre PIB. C'est donc dire qu'en une décennie, la part du PIB qui revient aux exportations est passée de 25 à 43 p. 100.

• 1540

Les retombées de ce volume d'activité commerciale pour le Canada, où un emploi sur trois dépend des exportations, sont éloquentes. Les 427 000 emplois créés par les Canadiens l'an dernier constituent le chiffre le plus élevé enregistré depuis 1979 au chapitre de la création de nouveaux emplois nets, ce qui s'explique dans une large mesure par nos succès sur les marchés mondiaux. Notre taux de chômage voisine actuellement 6,6 p. 100, son plus bas niveau en un quart de siècle. En fait, la plupart des deux millions de nouveaux emplois générés depuis 1993 tiennent à la croissance de notre pays au plan du commerce extérieur.

Le commerce a par ailleurs une incidence sur les aspects moins tangibles de notre vie, comme Canadiens. Il contribue, par exemple, à renforcer notre confiance devant les succès que remportent nos entreprises sur des marchés étrangers difficiles, ainsi qu'à hausser notre niveau de vie et à étendre les choix offerts aux consommateurs canadiens.

Dans l'esprit des avantages liés au commerce, je suis très heureux de vous informer que le gouvernement dont je fais partie souscrit, dans l'ensemble, aux 29 recommandations de votre comité sur les positions et priorités que le Canada devrait adopter dans le cadre des négociations. Voici les points saillants de ces recommandations.

[Français]

Sur la question de l'accès au marché, nous allons promouvoir ardemment une procédure accélérée de réduction des droits de douane applicables aux exportations, tout en tenant compte des sensibilités nationales. Nous allons également continuer à faire pression en faveur d'une libéralisation du commerce des produits agricoles dans l'esprit des positions que nous défendons devant l'Organisation mondiale du commerce.

Nous préconisons par ailleurs une amélioration des règles régissant les mesures antidumping et les disciplines en matière de subventions, tout spécialement les subventions à l'exportation dans le domaine de l'agriculture.

Parmi les autres enjeux de négociation prioritaires pour le Canada figurent un accord détaillé sur les marchés publics; un accord sur la propriété intellectuelle qui irait dans le sens des dispositions internationales; l'amélioration des règles touchant la politique de la concurrence; et, là où c'est possible, des discussions sur les dispositions relatives aux mesures non tarifaires.

[Traduction]

Sur la question de l'investissement, nous explorerons des règles à la lumière de notre expérience des négociations commerciales et de la mise en oeuvre de règles d'investissement avec d'autres pays, dont ceux d'Amérique latine et des Caraïbes. Les pays des Amériques veulent profiter des capitaux et des débouchés que génèrent les investissements, et ils en ont besoin. Il y va de leur intérêt de s'assurer que les investissements coulent de façon prévisible dans la toute la région.

Quelle que soit notre approche, dans toutes négociations futures sur l'investissement dans le cadre de la ZLEA ou d'un autre mécanisme, nous tiendrons compte de nos expériences passées en ce qui a trait aux règles d'investissement, mais je puis vous assurer que nous ne préconisons pas un mécanisme comme celui qui a trait au règlement des différends entre investisseur et État—je suis désolé que notre collègue, Bill Blaikie du NPD, ne soit pas présent, car cela le soulagerait—et ce, pas plus dans le cadre de la ZLEA qu'à l'OMC.

Je précise à ce sujet que nous poursuivons nos efforts avec nos partenaires à l'ALÉNA pour faire clarifier les éléments clés de la section de l'accord consacrée aux investissements, soit le chapitre 11.

J'aimerais réaffirmer notre position sur les services,

[Français]

monsieur le secrétaire parlementaire,

[Traduction]

secteurs d'une importance particulière pour les Canadiens, du fait qu'ils touchent les domaines de la santé et de l'éducation.

Comme je l'ai indiqué déjà, nos régimes publics de santé et d'éducation ne se trouveront en aucun cas sur la table de quelque négociation commerciale que ce soit. Notre gouvernement entend préserver le droit et la capacité du Canada d'établir et de maintenir ses propres principes dans ces deux domaines. C'est aussi simple que cela. Ceux qui ont une optique trop pointue, cherchant la moindre menace à nos valeurs et à notre système social dans chaque négociation commerciale, font carrément fausse route.

• 1545

Côté culture, nous allons engager des discussions sur la meilleure façon d'arriver à un accord international sur la diversité culturelle, tout en respectant les règles commerciales internationales.

[Français]

Outre les propres objectifs du Canada, un volet fondamental important du processus de négociation de la Zone de libre-échange des Amériques consiste à aider les économies de plus petite taille de l'hémisphère à tirer parti des avantages de la libéralisation du commerce. Nous croyons que cette zone de libre-échange permettra à tous les pays de la région de réaliser des gains importants sur les plans social et économique.

Bon nombre des avantages associés à cette initiative résident dans la dimension sociale du commerce, à laquelle le comité accorde une attention considérable dans son rapport, et je vous en félicite.

À l'heure de la mondialisation, les programmes sociaux et économiques m'apparaissent inextricablement liés entre eux, et les politiques et institutions gouvernementales doivent, à mon avis, reconnaître et refléter cette réalité.

Je crois fermement que la Zone de libre-échange des Amériques favorisera la croissance et le développement économique de l'hémisphère. Cette croissance et ce développement appuieront à leur tour les objectifs poursuivis dans le cadre du programme global du Sommet des Amériques, comme le renforcement des droits de la personne, la promotion du développement démocratique et l'élimination de la pauvreté.

Dans les domaines de l'environnement et des droits de la personne, par exemple, on observe une amélioration des normes à mesure que progresse l'économie des pays et que s'élève leur niveau de vie.

Cependant, l'étendue des progrès sociaux réalisables dans le cadre de négociations commerciales est limitée. La Zone de libre-échange des Amériques vise essentiellement l'intégration économique à l'échelle de l'hémisphère, intégration qui peut se faire par l'entremise d'un système de libéralisation du commerce et de l'investissement fondé sur des règles.

[Traduction]

Cette réalité n'atténue en rien la légitimité des préoccupations des groupes de défense de l'environnement, des questions reliées au travail et des droits de la personne. Elle nous oblige plutôt à nous attaquer à ces questions par l'entremise des institutions qui ont une expertise et un mandat clairs dans ces domaines. Je citerai pour exemple la récente réunion de l'Organisation des États américains à Windsor, qui a été une occasion sans pareil de tenir des discussions à de hauts niveaux, à l'échelle régionale, sur les droits humains fondamentaux et le développement démocratique.

[Français]

Mais la rencontre de Windsor vient nous rappeler l'existence de nombreux groupes qui disent s'exprimer au nom de la population de l'hémisphère et faire valoir, mieux que leurs propres gouvernements démocratiquement élus, les préoccupations et aspirations des citoyens. À ces groupes je pose la question suivante: à qui êtes-vous redevables? Vous défendez certes quantité de points de vue légitimes, mais à mon sens, le fait de s'opposer à quelque chose sans aucun but précis n'a rien de productif. De Seattle à Windsor, en passant par Washington, nous entendons une foule de points de vue qui commandent une réflexion sérieuse. Mais nous assistons aussi à des élans d'opposition menés sans grand égard au prix à payer, en bout de ligne, par ceux-là même au nom de qui les contestataires prétendent parler.

Notre gouvernement représente les aspirations des Canadiens et a à coeur de leur assurer un avenir prometteur. Le commerce est un volet clé de notre stratégie à cet égard. Les gouvernements des autres pays de l'hémisphère ont les mêmes visées pour leurs citoyens. Nous ne pouvons pas nous lancer sur la voie d'une véritable intégration régionale aux plans économique, social et politique sans accommoder leur désir légitime de profiter de l'effet de richesse que génère le commerce.

Je suis convaincu—et notre gouvernement l'est également—qu'un débat ouvert sur ces questions élargira l'appui accordé au sein de l'hémisphère à la Zone de libre-échange des Amériques. Si nous voulons démontrer la légitimité de nos buts et convaincre les sceptiques, nous devons susciter la participation des citoyens. Ce qu'il faut, c'est un débat constructif et non une opposition aveugle.

• 1550

Sur ce plan, notre pays s'est imposé comme une figure de proue en préconisant la participation de la société civile aux consultations menées à l'échelle internationale et en favorisant notamment l'établissement d'un forum pour l'ensemble de l'hémisphère chargé de recueillir les points de vue et les argumentations écrites des groupes de toute la région qui représentent la société civile. Ce matin même, le directeur général de la politique commerciale au ministère, qui est avec moi aujourd'hui et que j'aurais dû vous présenter dès le début de mes remarques, Claude Carrière, était justement à Montréal pour rencontrer des représentants de la société civile afin de discuter de la Zone de libre-échange. Donc, nous le faisons au Canada et nous en faisons la promotion à la grandeur de l'hémisphère. Je le remercie de ce dialogue ouvert avec la société civile canadienne.

[Traduction]

Le Comité de la société civile établi dans le contexte de la ZLEA permet aux simples citoyens et aux groupes intéressés d'exprimer par écrit leurs vues au sujet des répercussions du commerce, notamment sur des questions comme les normes en matière de travail et d'environnement.

Le Canada a été l'hôte à Toronto, en novembre dernier, d'une première rencontre entre bon nombre de ministres du Commerce de l'hémisphère et des groupes de la société civile. Cet événement, couronné de succès, a marqué un pas important dans la tenue de consultations permanentes auprès de la société civile dans l'ensemble de la région.

À l'échelle nationale, nous avons déployé des efforts concertés pour écouter et consulter les Canadiens. Voici les moyens que nous avons pris à cette fin. J'aurais dû inscrire sur cette liste votre séance de ce matin. En plus de la rencontre avec M. Carrière ce matin, il s'agit de groupes consultatifs sectoriels sur le commerce international—les GCSCE—de consultations régulières avec les représentants des provinces; du site Web du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international; des réunions ad hoc régulières avec de hauts dirigeants et des intervenants divers; des tournées pancanadiennes; sans oublier, bien entendu, le processus de consultation parlementaire.

Il importe, à mon avis, d'accorder une place à la consultation si l'on veut préserver le degré élevé d'appui qu'accordent les Canadiens à nos initiatives en matière de commerce international. À mesure que progressent les négociations en vue de l'établissement d'une Zone de libre-échange des Amériques, le gouvernement poursuit résolument le processus de consultation pour s'assurer que les voix des Canadiens seront entendues et que nos priorités et objectifs en matière de politique commerciale reflètent fidèlement et de manière réfléchie les valeurs, les préoccupations et les intérêts des Canadiens.

[Français]

Madame la présidente, je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Je suis heureux d'entamer le dialogue—toujours apprécié—avec les membres de votre comité.

[Français]

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Nous allons commencer avec M. Marceau.

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Monsieur le ministre, il nous fait plaisir de vous recevoir aujourd'hui. Il est dommage que votre horaire chargé ne vous permette pas de nous donner plus de temps.

Monsieur le ministre, vous avez fait plusieurs remarques sur lesquelles je voudrais revenir. D'abord, vous dites à la page 9 que la ZLEA vise essentiellement l'intégration économique à l'échelle de l'hémisphère et vous laissez entendre plus tard que, bien que la défense de l'environnement et les questions liées au travail soient importantes, cela ne devrait pas se faire dans le cadre de la ZLEA.

D'un autre côté, vous vous faites le chantre des avantages que procure l'ALENA qui, comme vous le savez très bien, comporte des parties qui touchent les droits environnementaux et les droits des travailleurs. Par exemple, dans le Washington Post d'hier, on disait les choses suivantes:

[Traduction]

    Contrairement à la plupart des accords commerciaux, toutefois, l'ALÉNA assortit cette poussée constructive

[Français]

c'est-à-dire le libre-échange,

[Traduction]

    du commerce de certaines protections dans les domaines du travail et de l'environnement.

[Français]

On parle du forum créé par la Commission de coopération environnementale et on termine ainsi:

[Traduction]

    Tout gouvernement qui s'oppose à cette légère concession à l'égard d'un sentiment contre la mondialisation ne fera qu'inciter davantage de manifestations anti-commerciales et devra en assumer la responsabilité.

[Français]

Il me semble contradictoire qu'on vende d'un côté les avantages de l'ALENA, qui comporte ces deux éléments importants de protection des droits des travailleurs et de protection de l'environnement, qui sont minimes mais quand même bien concrets, et qu'on dise de l'autre côté que dans les négociations de la ZLEA, on ne devrait pas du tout en parler ou on devrait laisser le progrès qui accompagne le commerce s'occuper de tout ça. Cela me paraît assez contradictoire, et je ne comprends pas votre réticence à y insérer des clauses environnementales et sociales beaucoup plus strictes que celles qu'a suggérées ce comité, malheureusement.

• 1555

M. Pierre Pettigrew: Ce serait contradictoire si c'était ce que je voulais dire. Je vous remercie de me fournir l'occasion de préciser ma pensée.

D'abord, les accords sur les normes de travail et l'environnement ne font pas partie de l'ALENA. Ce sont des accords séparés, qui ont d'ailleurs été négociés après la négociation de l'ALENA. Alors, ce sont des accords séparés et nous pouvons promouvoir des accords commerciaux, ce qui n'empêche pas mes collègues les ministres, dans le contexte de la préparation du sommet de l'Organisation des États américains, de discuter également des progrès dans le domaine de l'environnement, des normes de travail, des respects des droits humains et de la démocratie, qui a fait beaucoup de progrès en Amérique au cours des 20 dernières années. Il faut s'assurer que cela continue.

Il ne faut pas inévitablement lier les deux. On peut promouvoir les négociations commerciales et vouloir accomplir des progrès tout en ayant un programme sur d'autres fronts. Mon collègue le ministre de l'Environnement a fait la promotion des autres dossiers la semaine dernière à Windsor. À mon avis, c'est important. Il y aura d'ailleurs une réunion des ministres de l'Environnement des Amériques...

M. Claude Carrière (directeur général, Direction générale de la politique commerciale I, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Non, de l'ALENA.

M. Pierre Pettigrew: Pour l'ALENA, c'était hier et avant-hier, les 12 et 13 juin. Ce sont donc des choses qui arrivent régulièrement. Ce que je dis, c'est que trop souvent, les gens demandent au ministre du Commerce d'arrêter ses efforts pendant qu'on fait du progrès dans les autres dossiers.

M. Richard Marceau: D'accord, mais vous conviendrez avec moi qu'en 1992, lorsque ces ententes que je qualifierais d'annexes à l'ALENA ont été signées, c'était une condition essentielle. À l'époque, Bill Clinton avait fait campagne là-dessus. C'était une condition essentielle à leur signature.

M. Pierre Pettigrew: Le gouvernement de M. Chrétien y a également souscrit en 1993.

M. Richard Marceau: Justement. Je vous donne encore une fois la chance de préciser votre pensée, parce que je ne suis pas sûr de l'avoir saisie. Seriez-vous prêt à négocier et vous feriez-vous le promoteur d'accords en annexe à la ZLEA sur l'environnement et les droits des travailleurs basés sur le modèle de l'ALENA, comme ceux dont le gouvernement Chrétien, selon vos propres mots, s'était fait le promoteur en 1993? Me dites-vous que c'est la position canadienne, tel que c'était le cas en 1993, selon vos propres mots?

M. Pierre Pettigrew: Nous sommes au début d'un processus. Le modèle de l'ALENA est intéressant. J'entends votre point de vue. Il y a peut-être d'autres modèles qui seraient plus intéressants. Alors, laissons se poursuivre le dialogue avec nos collègues des 33 autres pays. Le Canada est ouvert à tout progrès que nous pourrions faire dans ce sens, mais je ne suis pas sûr que le modèle de l'ALENA soit nécessairement le meilleur modèle pour l'ensemble de l'Amérique en ce moment. Si, au cours des négociations, certains pays en font la promotion, nous y serons ouverts. Nous sommes un gouvernement ouvert et nous connaissons l'intérêt des Canadiens pour ces questions.

M. Richard Marceau: Donc, vous me dites que votre position est de rester ouvert si d'autres pays le proposent, mais que ce n'est pas la position du Canada que de se faire le promoteur de telles ententes.

M. Pierre Pettigrew: C'est prématuré à ce moment-ci, parce que je n'ai pas encore le mandat de négocier cet accord. Quel mandat le gouvernement va-t-il me donner? Il faudra le déterminer. Ce n'est pas encore déterminé. À ce moment-là, il faudra peut-être revoir un peu la façon dont nous avons l'intention de faire avancer les choses.

Je crois qu'il est très important de distinguer le progrès que nous faisons sur le dossier du commerce et de ne pas le lier inextricablement à toutes les questions environnementales et des normes de travail. Si je dis cela, c'est qu'il m'apparaît très important de se souvenir que le commerce est d'abord et avant tout une partie de la solution à ces problèmes beaucoup plus qu'une difficulté, beaucoup plus que la raison des problèmes de cet ordre.

M. Richard Marceau: J'étais présent lors de la rencontre de Toronto sur la ZLEA et j'ai eu certaines conversations avec certains pays. On parle de l'intégration monétaire comme complément possible à l'intégration économique telle qu'elle serait mise en place, par exemple, par la ZLEA.

• 1600

J'ai écrit aux ministres du Commerce de quelques pays, et certains se sont montrés intéressés—je vous ferai parvenir leurs lettres si vous le désirez—à discuter d'un tel enjeu comme complément à la Zone de libre-échange des Amériques.

Il y a trois semaines, le Comité des finances de la Chambre des communes s'est également penché sur la question de l'intégration monétaire et a entendu quelques témoins à ce sujet. Seriez-vous ouvert à ce qu'il y ait un volet monétaire dans cet accord de libre-échange, ne serait-ce qu'un embryon de coordination de politique monétaire, tel que nous le suggérons dans notre rapport minoritaire? Nous avions proposé la création d'un institut monétaire des Amériques, qui serait un regroupement multinational composé d'experts et qui aiderait les différents pays à affronter les tourmentes monétaires telles que celle qu'a vécue l'Équateur il n'y a pas longtemps et que craignent d'autres pays comme le Salvador, par exemple.

M. Pierre Pettigrew: Comme vous le savez, c'est une question qui relève de la compétence de mon collègue le ministre des Finances. Il m'est donc délicat, en tant que ministre du Commerce international, de me prononcer sur la responsabilité de mon collègue le ministre des Finances, auquel je vais transmettre avec plaisir votre rapport minoritaire. Il a déjà dû le lire, d'ailleurs, étant un avide lecteur lui-même.

M. Richard Marceau: Merci.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Merci.

[Traduction]

J'aimerais maintenant passer à M. Blaikie.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, madame la présidente.

Si je comprends bien, avant que je n'arrive de la Chambre, le ministre a fait mention de nos discussions précédentes à l'égard du chapitre 11 de l'ALÉNA et de l'engagement qu'il a pris lors d'une séance précédente, à savoir que le Canada ne préconiserait pas un mécanisme de règlement des différends entre investisseur et État dans le cadre de tout accord commercial à venir. Je suis très heureux de l'entendre réitérer cet engagement. Il faut maintenant le convaincre qu'il serait sage de retirer ce chapitre de l'Accord de libre-échange nord-américain ou, à défaut, de se débarrasser de l'accord complètement.

Dans tous les cas, j'aimerais discuter avec lui de certaines des idées qui me semblent ressortir de son exposé. Je vais simplement citer quelques-uns des points que j'ai relevés dans son allocution et qui ont attiré mon attention, si vous le voulez bien.

Il demande pourquoi nous exclurions d'autres régions et pourquoi nous voudrions les condamner à l'isolement, comme si les autres régions de l'Amérique du Nord et du Sud ne faisaient qu'attendre l'accord de libre-échange, étant donné que sans cet accord, leur situation est catastrophique. Il me semble que c'est tout à fait le contraire. Nous ne les englobons pas, mais plutôt leur imposons un genre de mentalité de marché qui ne servira pas toujours les meilleurs intérêts de leurs habitants.

Cela me rappelle la façon dont, par exemple, les habitants des diverses îles des Caraïbes ont déjà ressenti les conséquences de la mentalité de marché, vu que leurs relations commerciales avec l'Union européenne ont été rompues pour ce qui est des bananes et que diverses économies locales se retrouvent ruinées par suite de décisions de l'OMC.

Par conséquent, je crois qu'il n'est pas vraiment honnête de dire que ce qui va se produire dans le contexte de la ZLEA représente un avantage absolu pour tout un chacun.

Vous demandez pourquoi nous devrions refuser à ces autres pays ce qui a nous a ouvert la voie vers la prospérité. Eh bien, je serais certainement prêt à défendre mon point de vue et à vous dire que le libre-échange n'ouvre pas en fait la voie à la prospérité. Le Canada était un pays prospère et plus juste avant qu'il ne signe des accords de libre-échange. Par conséquent, la prospérité, si vous voulez, ou les statistiques en matière d'exportation, ne sont pas la seule façon de mesurer ce qui fait un pays.

Avant de conclure ces accords de libre-échange, il y avait moins de sans-abri dans les rues, moins de pauvreté au Canada. Il existe bien d'autres façons d'évaluer une société et d'arriver ainsi à une conclusion entièrement différente de la vôtre.

Vous parlez d'un vaste éventail de choix pour les consommateurs. Ce qui nous préoccupe, ceux d'entre nous qui nous opposons à ces accords, c'est que c'est peut-être le cas, mais, vous savez, la devise spirituelle de notre société n'est certainement pas: «Je magasine, donc je suis». Dans la vie, il y a autre chose que les choix du consommateur et on peut parler ainsi des choix du citoyen. Beaucoup de gens vous diraient certainement que même si leurs choix en matière de consommation étaient élargis—et je crois que c'est discutable—la gamme de choix dont disposent les citoyens, et, en règle générale, la société démocratique, s'est considérablement réduite.

• 1605

Nous pouvons vous donner une longue liste de ce que le Parlement, par exemple, pouvait autrefois décider, qu'il s'agisse de la législation relative aux brevets des médicaments, des exportations d'eau, des magazines à tirage dédoublé ou d'accords commerciaux administrés comme le Pacte de l'automobile. Cette liste énumère tout ce qui, auparavant, faisait l'objet d'un processus démocratique de prise de décision, alors que ce n'est plus le cas aujourd'hui, puisque nous avons maintenant cédé la place à ces accords de libre-échange.

Je vous demanderais donc simplement d'en tenir compte.

Enfin, vous parlez de normes en matière d'environnement et de travail. D'après votre analyse, chaque fois que les échanges augmentent et que ce modèle économique que vous défendez est imposé ou réussi, les normes en matière d'environnement et de travail se relèvent. Je suis profondément en désaccord avec vous sur ce point.

La réalité, c'est que ces quinze ou vingt dernières années, depuis que la révolution néo-conservatrice, maintenant qualifiée de néo-libérale, a amené la déréglementation et la privatisation des accords de libre-échange, les environnementalistes, en particulier, sont de plus de plus inquiets au sujet de l'avenir de la planète. En fait, bien des progrès réalisés dans les années 70 dans le but d'arriver à une économie plus écologique ont été anéantis au début des années 80, au moment de la révolution néo-conservatrice Thatcher-Reagan. On peut parfaitement soutenir que la mentalité de marché donne tout à fait le contraire.

J'en arrive à ma question, madame la présidente.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Vous allez un peu trop loin.

M. Bill Blaikie: Je crois simplement que votre analyse est tout à fait incomplète et qu'elle comporte des arguments que je tiens à réfuter.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Pourquoi ne sommes-nous pas surpris par cette intervention?

M. Bill Blaikie: Je vais vous laisser le temps de réfuter mes arguments.

M. Pierre Pettigrew: Merci beaucoup.

Bill, en votre absence, j'ai attiré l'attention du comité sur un passage de la page 6, soit l'engagement que j'ai pris de ne pas préconiser un tel mécanisme. Je suis heureux de voir qu'on vous l'a signalé à votre arrivée.

Vous soulevez plusieurs questions fort importantes, sans aucun doute. Je ne fais pas partie de ceux qui croient que la mentalité de marché devrait être imposée à tout le monde et devrait être la seule règle du jeu. Certainement pas. Je suis convaincu que le marché est un endroit merveilleux où les particuliers peuvent s'épanouir, ainsi qu'un endroit très productif. C'est un endroit qui est très efficace, efficient et productif. C'est certainement mieux que n'importe quel autre modèle économique que nous avons eu jusqu'ici.

Je fais partie de ceux qui croient qu'il faut un équilibre entre le marché et le rôle du gouvernement. Je pense que nous avons toujours besoin des gouvernements pour accomplir plusieurs tâches importantes. Un particulier est un citoyen avant d'être un consommateur; je suis complètement d'accord avec vous sur ce point.

En tant que gouvernement, nous nous heurtons actuellement à des difficultés. Vous dites que tout allait beaucoup mieux dans le domaine de la justice sociale avant le libre-échange. Eh bien, oui. Lorsque je dis oui, je comprends ce que vous voulez dire.

M. Bill Blaikie: Vous l'avez compris du premier coup.

Des voix: Oh, oh!

M. Pierre Pettigrew: Oui, je ne suis pas d'accord. Le libre-échange n'est pas le seul événement qui se soit produit au cours des 20 dernières années. Plusieurs percées technologiques ont élargi le fossé entre les riches et les pauvres. À l'époque, les déficits étaient de l'ordre de 42 milliards de dollars par année; lorsque vous vivez vraiment au-dessus de vos moyens, au rythme de 42 milliards de dollars par année, vous finissez par avoir beaucoup d'argent pour tous ces genres de choses. Ne blâmez donc pas le libre-échange pour les mesures correctives que notre gouvernement a dû prendre.

Si nous n'avions pas la dette que nous avons aujourd'hui, en tant que gouvernement, nous serions en mesure d'avoir beaucoup plus de choix, que nous ne pouvons pas avoir, à cause de certaines décisions prises dans les années 70 et 80.

M. Bill Blaikie: Vous ne pourriez toujours pas faire les choses...

[Note de la rédaction: Inaudible]

...vous ne pouvez pas faire, peu importe le montant d'argent dont vous disposez.

M. Pierre Pettigrew: Le libre-échange n'est pas le seul événement qui se soit produit ces années-là. Le marché n'est pas la seule force déterminante. Il faut parler des progrès de la technologie, des difficultés en ce qui concerne la distribution de la richesse. C'est un défi que doivent relever les gouvernements aujourd'hui, car il y a beaucoup plus de mobilité entre les pays.

• 1610

Nous devons prendre beaucoup de choses en compte, la situation est fort complexe, mais en général... Vous dites que le Canada était prospère avant le libre-échange. Oui, mais avant le libre-échange, le Canada était membre du GATT. Le Canada est un pays commerçant depuis ses origines, depuis qu'il existe. Nous avons fait le commerce du bois et des fourrures. Nous sommes nés commerçants.

M. Bill Blaikie: Oui, je suis au courant de toutes ces bêtises.

M. Pierre Pettigrew: Vous êtes au courant de tout cela.

[Français]

Oui, c'est comme ça. Qu'on pense à Radisson et à Des Groseilliers. On a toujours été des commerçants.

[Traduction]

M. Bill Blaikie: Cela me rappelle un cours d'histoire de l'école primaire.

M. Pierre Pettigrew: Ce que je veux dire, c'est que notre prospérité a toujours été fondée sur le commerce. Notre pays est né du commerce. Nous avons été membres du GATT avant le libre-échange.

M. Bill Blaikie: Le GATT n'a absolument rien à voir avec le libre-échange.

M. Pierre Pettigrew: Il s'agissait certainement d'une libéralisation des échanges et il a certainement favorisé l'élimination des obstacles, si bien que je me permets de ne pas être d'accord avec votre analyse. Vous n'êtes pas surpris.

Je suis convaincu que la mentalité de marché—lorsqu'elle se manifeste de façon étroite—n'est pas quelque chose à laquelle mon gouvernement et moi-même souscrivons. Lorsque notre collègue de l'opposition officielle prendra la parole un peu plus tard, il me trouvera probablement beaucoup trop à gauche.

M. Bill Blaikie: À gauche de Genghis Khan, n'est-ce pas?

M. Pierre Pettigrew: De toute façon, je crois que nous avons une approche équilibrée entre le rôle du gouvernement—dans lequel je crois, vu son importante légitimité—et la place du marché, qui est quelque chose de très productif.

Pour en finir avec cette question du marché, il est très productif et très efficace. Je crois aux forces du marché, mais elles peuvent aussi faire de bien étranges choses. C'est pourquoi il faut que les gouvernements continuent de protéger les concitoyens et les particuliers.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Je vous remercie.

M. Bill Blaikie: J'ai une sous-question.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Votre tour reviendra. Vous avez eu vos 10 minutes. Nous allons continuer de faire le tour de la table.

[Français]

Monsieur Patry.

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci, monsieur le ministre, de votre présence. Dans votre exposé, vous nous parlez du potentiel très important de cette zone de libre-échange et d'un marché qui représente une population combinée de plus de 800 millions d'habitants et un PIB de 17 milliards de dollars. Cependant, vous n'êtes pas sans savoir que la très grande majorité de ces pays, probablement 29 ou 30 de ces pays, sont des économies de petite taille. Ces pays de petite taille avaient-ils le choix de s'engager dans cette négociation de libre-échange?

Au tout début de votre exposé, vous nous parlez de façon très positive du fait que cette zone de libre-échange permettra à tous ces pays de la région de réaliser des gains importants sur les plans social et économique. Mais à quel rythme ces pays de petite taille pourront-ils en connaître les effets sur leur développement social et économique? À quel rythme ce développement se fera-t-il?

Ma question concerne la recommandation 9. Pourquoi le gouvernement du Canada n'a-t-il pas l'intention de renoncer à sa position actuelle, à savoir que toutes les parties à un éventuel accord sur la Zone de libre-échange des Amériques doivent être assujetties aux mêmes engagements et obligations?

M. Pierre Pettigrew: Puis-je parler personnellement sans que cela engage le gouvernement?

Des voix: Ah, ah!

M. Bernard Patry: Non.

M. Pierre Pettigrew: C'est-à-dire que...

M. Bernard Patry: C'est le gouvernement qui parle.

M. Pierre Pettigrew: Je prendrai quand même ce risque. Je regarde ce qui s'est passé dans l'histoire de la libéralisation commerciale depuis 1947, alors qu'on a créé le GATT. Je crois fondamentalement que les pays du Sud qui ont demandé exception après exception par le biais de l'UNCED se sont tiré dans le pied parce qu'à chaque exception qu'on a demandée, on a permis au Nord et aux pays développés de contrer par toutes sortes d'autres d'exceptions, ce qui fait qu'au bout de la ligne, ils n'ont pas participé à la croissance de l'économie mondiale et des commerces. Quand on demande des exceptions, cela en entraîne d'autres.

Je crois que le fait de se soumettre à la rigueur et à la discipline de la concurrence est le meilleur remède et la meilleure façon d'inciter les entreprises à améliorer leur façon de faire les choses. Quand on se soustrait à la concurrence, on recule. Chaque exception étant une façon de se soustraire à la concurrence, c'est une erreur. C'est le principe théorique qui, à mon avis, a été démontré par l'histoire des 50 dernières années, depuis la guerre.

• 1615

Il faut cependant être réaliste. Lors de la réunion que présidait le Canada et qui avait lieu à Toronto, le Canada était partie prenante et promoteur d'un comité de réflexion et de travail qui puisse se pencher plus spécifiquement sur la situation des petites économies, notamment celles des pays d'Amérique centrale et des Caraïbes, qui sont en effet très petits et peu développés et qui font face à des défis particuliers. Nous avons donc un comité qui s'est penché spécifiquement sur les besoins de ces petites économies et nous avons des moyens également de confidence building and capacity building. Cette expression ne me vient qu'en anglais; on n'a pas d'aussi belles expressions en français. Comment la traduiriez-vous, madame?

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je vous le dirai un peu plus tard. Il faut que j'y pense.

Des voix: Ah, ah!

M. Pierre Pettigrew: Cette expression me vient spontanément, comme ça, parce que je trouve qu'on dit tellement de choses en deux mots. Ne vous inquiétez pas: ce n'était pas une préférence de langue.

Donc, par le biais de l'Agence canadienne de développement international et des institutions internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, on a des outils qui sont là pour renforcer les capacités de ces petites économies et pour leur permettre d'intégrer l'économie mondiale. Nous avons là un travail de renforcement très important à faire.

M. Bernard Patry: Je poserai une deuxième question un peu dans le même ordre d'idées au sujet des recours commerciaux et de l'application des droits compensateurs. Les producteurs canadiens s'inquiètent énormément des interventions américaines contre leurs exportations. J'imagine donc que ces pays de petite taille doivent éprouver énormément de crainte vis-à-vis des Américains. De quelle façon les négociations actuelles permettront-elles de clarifier le fonctionnement des lois sur les droits compensateurs?

M. Pierre Pettigrew: Vous faites sans doute allusion aux lois commerciales américaines. Plusieurs ont évidemment remarqué qu'il y a eu une discussion vigoureuse à Seattle et que les États-Unis ont été passablement isolés sur cette question, car on souhaitait à l'OMC qu'il y ait une révision des lois commerciales nationales. Il y a une grande résistance aux États-Unis, comme le vous savez, et chaque pays a cette espèce de vache sacrée. Le dumping et l'antidumping sont manifestement un sujet extrêmement sensible aux États-Unis. Le Canada a pour sa part toujours souhaité un examen des politiques de la concurrence, pas nécessairement une révision ou des changements, mais à tout le moins une transparence dans les politiques de la concurrence, pour s'assurer précisément que personne n'abuse de ces lois pour faire ce que les accords ne permettent pas de faire.

Mr. Bernard Patry: Merci.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Merci.

[Traduction]

La parole est maintenant à M. Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci beaucoup. Je me réjouis d'être ici.

Je suis à la page cinq de vos notes, où on peut lire:

    Mais je puis vous assurer que nous NE PRÉCONISONS PAS un mécanisme comme celui qui a trait au règlement des différends entre investisseur et État, et ce pas plus dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques qu'à l'OMC.

Cela semble certes être l'un des points que vous désiriez souligner. Je souhaitais simplement vous donner l'occasion de faire d'autres déclarations officielles à ce sujet, particulièrement au sujet de la raison pour laquelle vous ne souhaitez pas...

[Français]

M. Pierre Pettigrew: Je suis désolé d'avoir manqué votre...

[Traduction]

M. Paul Forseth: Je suis en train d'examiner le document que voici.

M. Pierre Pettigrew: Vous dites que cela se trouve à la page cinq de ma déclaration d'aujourd'hui?

M. Paul Forseth: À la page cinq de la version anglaise.

M. Pierre Pettigrew: Oui. C'est à la page six.

M. Paul Forseth: Je souhaitais simplement vous donner l'occasion, aux fins du compte rendu, de mieux préciser la raison pour laquelle vous l'exprimez en termes aussi forts. De plus, à l'inverse, il faut que les accords prévoient des mécanismes de règlement des différends. En fait, un des plus grands avantages de ce genre d'accords est le fait qu'ils permettent de voir aux causes de friction.

J'aimerais aussi que vous me disiez pourquoi vous vous tenez à l'écart d'une solution particulière—peut-être pour éviter des choses comme la débâcle des MMT—et, du côté des avantages, pourquoi vous estimez que le modèle de l'OMC, celui qui est privilégié, est le bon.

C'est une double question que je vous pose là.

M. Pierre Pettigrew: Pour ce qui est de l'investissement et de l'organe de règlement des différends, l'accord de l'OMC me plaît énormément. Il ne me pose aucun problème. C'est un modèle que l'on pourrait reprendre presque n'importe où.

En réalité, le modèle de l'OMC a réussi à éviter les écueils de l'ALENA. Bien des ingrédients de l'OMC... C'est pourquoi, la semaine dernière, dans ma déclaration à Darwin dont ont parlé certains journalistes, j'ai dit qu'il fallait que les accords soient des accords OMC bonifiés. Il faut qu'ils soient innovateurs.

• 1620

Il est toujours réjouissant de voir qu'on rapporte ce que vous dites. Parfois, on se plaint qu'on n'a pas...

Quoi qu'il en soit, il existe de bons arguments en faveur de cette solution. Comme je l'ai dit, certains accords régionaux et bilatéraux sont utiles au niveau multilatéral. C'est une excellente leçon que nous avons tirée de l'ALENA. Certains points du mécanisme de règlement des différends ont été utiles aux négociations multilatérales qui ont suivi. C'est pourquoi les négociations bilatérales ne nuisent pas forcément aux négociations multilatérales. De toute façon, c'est là une autre paire de manches.

J'appuie entièrement l'organe de règlement des différends.

En ce qui concerne l'investissement, le Canada se contente d'être attentif pour l'instant. Il faut agir, et nous savons que beaucoup d'organes ont fait une excellente réflexion sur ce thème particulier. Il importe de comprendre les conséquences et, quand nous agirons, il faudra très bien les connaître.

J'essaie d'expliquer que, dans le cadre de l'ALENA, nous avons tiré des enseignements du chapitre 11 concernant les différends entre investisseur et État. Cette question est distincte de celle de l'investissement. En ce qui concerne l'investissement comme tel, nous portons attention à tout ce qui est discuté. Nous n'empêcherons pas que les négociations avancent. Nous sommes profondément convaincus qu'il faut que la base soit solide avant d'aller plus loin. Toutefois, pour ce qui est des différends opposant un investisseur et un État, je dis que nous avons déjà déclaré sans équivoque que nous demanderons que certains éléments clés du chapitre 11 de l'ALENA soient précisés.

La veille de la dernière rencontre à Dallas entre le sous-ministre américain Fisher, son homologue mexicain Luis de la Calle Pardo et mon sous-ministre Rob Wright, j'ai demandé à ce dernier, alors qu'il était en train de se préparer, de soulever la question. Je me suis aussi entretenu avec Mme Barshefsky, en marge de la rencontre des sous-ministres. Il faut bien vérifier ce qu'ils font quand nous ne sommes pas là. Je me suis entretenu avec Mme Barshefsky la semaine qui a précédé et je l'ai avertie que j'avais demandé à mon sous-ministre de soulever la question. J'ai fait la même chose auprès de mon homologue Herminio Blanco.

M. Paul Forseth: D'accord. Allons-nous revivre le genre d'incidents auxquels a donné lieu l'AMI?

M. Pierre Pettigrew: Jusqu'ici, il n'en a pas été question.

M. Paul Forseth: Le gouvernement n'a pas de programme en vue de...

M. Pierre Pettigrew: Non. Je n'ai pas de mandat du gouvernement à ce sujet. Cela ne fait même pas partie de mon mandat pour la rencontre de l'OMC à Seattle.

M. Paul Forseth: Quand les critiques disent que l'environnement souffre lorsque le milieu des affaires plie les choses à son bon plaisir, comment leur répondez-vous, particulièrement en rapport avec l'effort actuel?

M. Pierre Pettigrew: Je dis que l'environnement est un élément très important et qu'il faut voir ce que fait le milieu des affaires. Il faut trouver des moyens de faire en sorte qu'il respecte l'environnement. J'ai la ferme conviction que des progrès ont été réalisés avec mon collègue Anderson lors de la conférence sur la biodiversité qui a eu lieu l'autre jour, à Montréal.

Je conviens que c'est préoccupant. Mais on ne peut pas demander aux ministres du Commerce de faire le travail à la place de tous les autres. Il faut qu'il y ait des progrès sur ce front.

À ceux qui affirment constamment que le commerce est mauvais pour l'environnement, je réponds qu'au contraire, le commerce est très bon pour l'environnement quand nous pouvons exporter des écotechnologies. J'ai fait la tournée du pays il n'y a pas si longtemps, dans le cadre de ma campagne de sensibilisation à l'exportation, aux alentours de Pâques, et j'ai visité des entreprises qui exportaient en Chine des écotechnologies améliorées qui vont permettre d'assainir l'environnement là-bas. Donc, le commerce fait aussi partie de la solution, sur le front environnemental.

M. Paul Forseth: C'est exactement ce qu'a dit Maurice Strong, l'autre soir, lors du lancement de son livre.

M. Pierre Pettigrew: Oui. Excellent.

M. Paul Forseth: Il a dit essentiellement que ce n'est pas une question qui relève des ministres de l'Environnement, que ce sont les ministres du Commerce et de l'Industrie, entre autres, qui dictent en réalité le cadre environnemental international.

M. Pierre Pettigrew: Je suis d'accord en matière d'environnement et je dirais la même chose au sujet des normes du travail. Je suis tout à fait disposé à ce que nous formions un groupe de travail mixte OIT-OMC pour trouver des moyens de mieux travailler ensemble à la promotion des normes du travail. Toutefois, il ne faudrait pas le faire dans le cadre de l'OMC uniquement, parce que cet accord a été négocié au fil des ans en fonction de certaines règles et de certaines conditions. Si vous changez les règles du jeu en cours de route, il faudrait revoir toutes les concessions faites. Il faut le faire sur la tribune qui convient le mieux si l'on veut que des progrès réels soient accomplis sans remettre en question tout ce qui s'est fait jusque là.

M. Paul Forseth: D'accord. Je vous remercie de cette réponse.

• 1625

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Je vous remercie.

Nous allons maintenant céder la parole à Mme Bulte pour cinq minutes. Chaque interlocuteur a désormais droit à cinq minutes.

M. Pierre Pettigrew: Essayez de m'en laisser une.

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): J'aimerais vous interroger au sujet de la culture, mais je souhaiterais également aborder avec vous votre rapport et vous poser d'autres questions.

À page 4 de vos notes, il est question des mesures antidumping. Vous dites: «Nous préconisons par ailleurs une amélioration des règles régissant les mesures antidumping». Vous en avez un peu parlé lorsque vous avez répondu à M. Patry. Étant donné l'attitude des Américains et leurs sentiments à cet égard, que pouvons-nous faire pour vraiment améliorer la situation? C'est là ma première question.

Pour ce qui est de la culture, vous dites: «nous allons engager des discussions sur la meilleure façon d'arriver à un accord international sur la diversité culturelle, tout en respectant les règles commerciales internationales». Malheureusement, nos règles commerciales n'ont pas réussi à protéger notre culture. Il est question depuis quelque temps déjà de négocier cet accord international de diversité culturelle.

Voilà deux ans, je crois, que le rapport du GCSCE a été déposé. J'aimerais savoir ce que nous faisons concrètement pour le mettre en oeuvre? La ZLEA pourrait-elle servir de tribune à cet égard? Que fait-on concrètement à ce sujet? Nous nous sommes tous félicités lorsque le rapport du GCSCE a été déposé et nous avons dit: «Il faudrait effectivement avoir un accord culturel distinct». Tous étaient très enthousiasmés, mais qu'est-il arrivé depuis lors? Cela fait déjà deux ans presque.

Ma troisième question concerne la société civile et son rôle, de Washington à Windsor, sans oublier Seattle. Ce sont des sujets dont on parle de plus en plus. Vous avez parlé du Comité de la société civile de la ZLEA et du fait également qu'il existe un site Web dont peuvent se servir les gens pour communiquer. Mais une des critiques venues en réalité des témoins durant les audiences était: «Tout cela est fort bien, et le site est une bonne idée, mais quelle est la réaction? Comment les gouvernements y réagissent-ils?»

Par ailleurs, n'avons-nous pas, en tant que gouvernement, la responsabilité de...? Pendant que nous siégeons ici en comité, nous pouvons parler des avantages du commerce et quelle place il occupe dans toute la question de la cohésion sociale. Mais n'avons-nous pas également un rôle à jouer dans l'information du grand public? Que faisons-nous pour mieux informer ceux qui vont à ces rencontres de ce que nous faisons et de la manière dont nous nous lançons dans nos consultations?

M. Pierre Pettigrew: À votre première question, je réponds qu'il faut améliorer, au niveau de l'OMC, la procédure de recours en ce qui concerne les lois commerciales et les mesures antidumping. Le Canada appuie cette idée, et nous sommes tout à fait disposés à exercer des pressions sur les États-Unis, comme tous les autres. Certains autres pays y tiennent mordicus. Nous allons donc continuer d'insister là-dessus, mais dans le cadre d'un dialogue.

Comme je l'ai dit, chaque pays a sa vache sacrée. Il se trouve que cette question est très délicate aux États-Unis, mais le Canada a pour principe qu'il faut qu'elle soit elle aussi sur la table de négociation. Il faut que ces négociations soient transparentes et qu'elles soient utilisées de la manière qui convient. Il faut réduire, voire éliminer, le recours excessif aux mesures antidumping.

Pour ce qui est de la culture, voici la position à laquelle en est venu le Canada. Mme Copps, collègue et ministre du Patrimoine canadien, et moi-même travaillons ensemble de très près à cette question, tout comme Lloyd Axworthy sur la scène internationale. Nous préconisons effectivement un accord distinct pour traiter de la culture, parce que nous ne croyons pas que l'OMC convient pour des biens et services culturels. Nous sommes convaincus que la question est d'un autre ordre.

Mme Copps a été très active. Le gouvernement du Québec participe activement à ses côtés et facilite beaucoup les pourparlers avec la France. Mme Malavoy et le gouvernement de France sont là, de même que Catherine Lalumière. Nous faisons des progrès, et nous faisons la promotion de cette idée. Il nous faudrait l'appui d'autres pays. Partout où je vais—ceux qui voyagent avec moi le savent—j'en parle. Dans les pays hispanophones, je ne comprends pas que leur réaction ne soit pas aussi vive que la nôtre. Je leur en parle effectivement, ainsi qu'à d'autres pays anglophones.

• 1630

Donc, notre gouvernement croit beaucoup à cette solution. Je comprends votre frustration; vous dites que cela fait deux ans. Toutefois, notre gouvernement a pris un engagement très ferme à cet égard, et nous avons participé à plusieurs conférences où nous en avons parlé. Il faut toutefois qu'il y ait un large consensus. Deux ans, ce n'est pas très long comme délai pour ce genre de chose, étant donné qu'il s'agit d'un nouveau concept, d'une idée nouvelle, et qu'il faut effectivement du temps pour persuader les autres.

Quant à la société civile, que demandiez-vous exactement?

Mme Sarmite Bulte: Je demandais si le gouvernement n'avait pas un rôle à jouer pour éduquer et informer le grand public et la société civile, plutôt que de se contenter de dire: «Vous faites erreur; vos programmes sont différents»? Que faisons-nous pour faire en sorte qu'il y ait un véritable dialogue et que le Comité de la société civile de la ZLEA ne serve pas simplement de tribune de doléances, auquel il n'y aura pas de suite?

M. Pierre Pettigrew: Tout à fait.

Tout d'abord, vous reconnaîtrez tous, je crois, que j'ai toujours fait bien attention de ne pas dire que l'on faisait erreur. J'ai toujours affirmé que bon nombre de leurs préoccupations étaient fort légitimes. Il y avait des représentants de la société civile au sein de ma délégation.

Je déteste cette expression, la «société civile». Elle est horrible. Nous faisons tous partie de la société civile. Quoi qu'il en soit, vous savez ce dont je parle: les ONG. Leurs représentants faisaient partie de ma délégation également à Seattle. M. Carrière était à Montréal, ce matin, pour rencontrer des représentants de plusieurs ONG. Nous travaillons donc en collaboration avec eux. Le Canada est probablement le pays qui a le mieux réussi à établir ce dialogue.

Il y a beaucoup de questions en discussion un peu partout. Il est donc difficile de se tenir au courant de tout. Nous faisons toutefois de notre mieux et nous comptons sur votre comité. Il faut d'ailleurs que je félicite votre comité de l'excellent travail qu'il fait—vraiment excellent—et je vous serai extrêmement reconnaissant de tout ce que vous pourrez faire pour contribuer au travail de toute l'équipe.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Je vous remercie.

[Français]

Je donne la parole à Mme Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Merci. J'avais hâte.

Je reviens à une question qui a été posée autrement. Hier, ce comité a entendu deux panels de gens très bien informés sur la mondialisation, dont Kimon Valaskakis et Dorval Brunelle, qui étaient tous préoccupés par le fait que les ententes commerciales n'intégraient pas davantage les dimensions sociales au sens large. On peut dire que ce sont deux choses différentes, mais si la concurrence s'établit très largement et se joue sur le dos des travailleurs moins bien payés et qu'on se préoccupe moins de leur santé et sécurité au travail, cela se passe dans l'entente, bien qu'on dise que cela se passe à côté. Cette préoccupation est partout. Je la reprends à partir du texte de votre réponse, où vous dites:

    La ZLEA est un élément central de la promotion de l'intégration économique et du libre-échange, mais le gouvernement est convaincu que la croissance, l'intégration et le développement économique qui résulteront d'un accord de libre-échange viendront faciliter l'atteinte des autres objectifs du Sommet.

Ces autres objectifs sont «l'élimination de la pauvreté et de la discrimination, le développement démocratique et l'éducation».

Cependant, on peut se poser des questions quand on sait que le rapport de l'UNICEF indique que le Canada est le 17e pays pour ce qui est de la pauvreté des enfants, tandis que les États-Unis viennent au 22e rang et le Mexique, au 23e rang sur 23. L'entente de libre-échange fonctionne admirablement bien, mais il n'y a pas de rapport nécessaire entre une entente de libre-échange qui fonctionne admirablement bien et ce qui se passe au plan social. On doit donner une réponse. Vous ne pouvez pas nous dire que nous, les souverainistes, sommes contre le libre-échange. Nous avons été libre-échangistes avant les libéraux, quand ils déchiraient leur linge comme le faisait le NPD.

M. Pierre Pettigrew: J'ai fait la promotion du libre-échange au Québec dès 1984, quand je suis entré chez Samson Bélair Deloitte & Touche.

Mme Francine Lalonde: C'est ça.

M. Pierre Pettigrew: De nombreuses entreprises au Québec vont vous dire que j'ai été le premier.

Mme Francine Lalonde: Mais vous n'étiez pas un libéral éminent dans ce temps-là.

M. Pierre Pettigrew: Vous n'aviez pas ma carte de membre.

Mme Francine Lalonde: Deuxièmement...

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Pierre Pettigrew: ...

Mme Francine Lalonde: Je parlais des libéraux. Vous savez de qui je veux parler en particulier.

Une voix: Bernard, tu n'étais pas visé.

• 1635

Mme Francine Lalonde: Deuxièmement, une autre question a été soulevée hier et elle peut être troublante. On sait que l'ALENA même prévoit la négociation sur les marchés publics à partir de décembre 1998. On a appris qu'il y avait une vingtaine de tables et de sous-tables qui travaillaient sur ces questions-là. Or, on n'a pas d'information là-dessus. Il serait important qu'on en obtienne parce qu'il y a de fortes chances que ce qu'on négocie en ce moment avec les États-Unis puisse se retrouver dans une entente.

Comme troisième question... Bill, ne me regarde pas comme ça.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Madame, vous devriez peut-être attendre au prochain tour. Je vous avais accordé cinq minutes et je voudrais donner au ministre la possibilité de vous répondre.

Mme Francine Lalonde: Ma question est très courte.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Je vous ai déjà accordé au moins huit minutes. Je demande au ministre de répondre à vos deux premières questions et vous pourrez lui poser la troisième lors du prochain tour.

M. Pierre Pettigrew: On pourra revenir à la question des marchés publics. Ça me fera plaisir de vous donner des renseignements.

Votre première question est une question de fond qui demande une réponse sérieuse. On se demande si nous pouvons priver les pays du Sud d'un atout qu'ils ont, c'est-à-dire une main-d'oeuvre moins chère. Je suis toujours très nerveux lorsqu'on affirme que nous devons avoir de normes de travail pareilles. À l'intérieur même de notre propre pays, nous avons eu des normes de travail qui relevaient de la compétence des provinces et qui, à une époque, ont été notre propre société. Quand on a eu un certain retard dans notre propre société—je parle évidemment du Québec—, dans les années 1950, c'était un des atouts qu'on avait. Cela a été un atout à un moment donné, pour toutes sortes de raisons.

Mme Francine Lalonde: Vous ne trouvez pas ça dans les syndicats.

M. Pierre Pettigrew: Vous ne trouvez pas ça dans les syndicats, mais en tout cas... Oublions ça. Si ça ne marche pas, je vais en trouver un autre.

Des voix: Ah, ah!

M. Pierre Pettigrew: Dans les pays en développement, on ne peut pas imposer des standards semblables aux nôtres. Il y a des choses qui nous apparaissent inacceptables aujourd'hui par rapport à un comportement social parce que nous avons des niveaux de développement qui nous permettent de ne plus avoir ces conditions. C'est ce que je souhaite à toute l'humanité, mais nous ne pourrons pas dire tout à coup à ces pays qu'ils doivent adopter nos normes sociales et comportements actuels, parce que leur atout est celui-là. Si notre travailleur à nous peut être mieux payé aujourd'hui, c'est parce qu'il est plus productif et mieux formé et a de bons équipements. Nous devons tenir compte des écarts de compétence par rapport aux normes de travail. Je ne voudrais pas enlever aux pays du Sud un de leurs atouts...

Mme Francine Lalonde: Moi non plus.

M. Pierre Pettigrew: ...qui est justement d'avoir une main-d'oeuvre moins payée.

Mme Francine Lalonde: Mais il ne faudrait pas non plus créer une tendance qui nous ramène à la baisse.

M. Pierre Pettigrew: Non, je suis d'accord avec vous.

Mme Francine Lalonde: Je comprends que c'est complexe.

M. Pierre Pettigrew: Historiquement, la tendance a été à la hausse. Vous avez parlé de la pauvreté des enfants. Ce sont toutes des raisons. Un des gestes dont je suis le plus fier depuis que je suis membre de ce gouvernement, c'est d'avoir justement négocié avec les provinces la Prestation nationale pour enfant, un programme social extrêmement important dans lequel le gouvernement investit beaucoup de sous pour élever le niveau des familles à faible revenu qui ont des enfants. Les 2 millions d'emplois supplémentaires qu'on a créés dans l'économie canadienne depuis 1993 sont largement liés aux accords de libre-échange et sont certainement le meilleur argument pour enrayer la pauvreté chez les enfants. Notre situation s'améliore. Il y a eu un creux au début et au milieu des années 1990, mais nous sommes en train de reprendre du poil de la bête de ce côté-là.

Mme Francine Lalonde: Ce n'est pas le cas au niveau de la pauvreté, car on creuse. J'ai fini, madame la présidente.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Il y a des opinions divergentes là-dessus.

M. Richard Marceau: En tant que présidente, vous n'avez pas d'opinion là-dessus.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau) : J'ai des opinions personnelles. Puisqu'aucun autre député libéral n'a demandé à prendre la parole, j'en profiterai pour poser une question.

Lors de nos audiences sur la mondialisation hier, certains témoins nous ont dit croire qu'on était en train de négocier en secret des accords et que des textes circulaient. Est-ce que les négociations sont rendues à un point où un texte pourrait circuler?

• 1640

M. Pierre Pettigrew: Non, nous n'en sommes pas là. Comme je vous le dis, quand je suis arrivé au ministère du Commerce en août, j'espérais qu'on en arrive là à temps pour la réunion de Toronto. Cependant, même à Toronto, nous n'avons pas été en mesure de commencer à nous pencher sur un texte précis. J'espère qu'un premier texte sera prêt pour la réunion d'avril 2001, qui se tiendra quelques semaines avant le Sommet des Amériques, lequel aura lieu à Québec. Mais à ce moment-ci, nous n'avons pas encore de texte. Je n'ai d'ailleurs pas encore reçu le mandat de négocier de mon propre gouvernement, à l'heure actuelle. Je ne me suis pas encore adressé au Cabinet sur ce point.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Nous n'avons donc rien à déclarer publiquement.

[Traduction]

Nous n'avons rien que nous ne pouvons rendre public à ce moment-ci.

M. Pierre Pettigrew: Non.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): On entendait également dire qu'il y avait cinq ou six tables de négociation en cours au même moment. On a l'impression que des choses sont en train de produire et que nul n'en est informé. C'est à cette question que je reviens.

[Français]

M. Pierre Pettigrew: Il y a neuf groupes de travail. Il y a déjà neuf groupes de négociation qui sont à élaborer ce qui pourrait constituer un premier texte que nous espérons avoir à Buenos Aires. Mais il n'y a pas de texte.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Il n'y a pas de texte.

M. Pierre Pettigrew: Mais il y a neuf groupes de travail qui négocient déjà, bien sûr. Vous savez que ces choses-là ne se préparent pas du jour au lendemain; c'est une tâche de très longue haleine. C'est très complexe.

[Traduction]

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Je vais maintenant céder la parole à M. Blaikie.

M. Bill Blaikie: Merci, madame la présidente.

Dans la réponse du ministre à la question de Mme Lalonde, il a parlé de... À nouveau, j'ai déjà entendu cette réponse de plusieurs ministres du Commerce. Quand il est question de normes du travail, ils affirment que nous ne pouvons pas imposer nos normes aux pays en voie de développement.

Pour l'amour du ciel, faisons bien comprendre une fois pour toutes que ce n'est pas ce que nous demandons, que nous demandons que des normes fondamentales du travail soient imposées. Il n'est pas question d'imposer à d'autres le Code canadien du travail ou celui de l'Ontario, du Québec ou d'une autre province. Il est question de reconnaître le droit d'association, le droit à la libre négociation collective et la liberté syndicale. Ce ne sont pas là des valeurs culturelles, des facteurs d'évolution et de croissance, mais bien des droits de la personne fondamentaux. Laisser entendre que nous cherchons à imposer nos normes à ces pays revient à induire en erreur quant à ce qui est préconisé alors qu'il est simplement question d'inscrire dans ces accords des normes fondamentales du travail.

Voilà que vous nous dites de ne pas nous attendre que les ministres du Commerce vont tout faire. C'est juste, mais je crois que ce que Maurice Strong et d'autres essayaient de faire valoir, c'est qu'actuellement, les ministres du Commerce sont responsables de tout, que cela leur plaise ou pas, parce que seul le droit commercial est exécutoire. Tout le reste est éclipsé par le droit commercial et par les décisions rendues dans le cadre de ces accords commerciaux. Le droit commercial éclipse le droit environnemental. Le droit commercial éclipse le droit culturel. Le droit commercial éclipse la santé, par exemple, lorsqu'il est question de loi sur les brevets, entre autres.

Donc, à moins que vous ne soyez disposé à conférer le même genre de pouvoir à ces autres institutions... Vous dites que vous souhaitez que ces autres institutions traitent de cette question, mais êtes-vous disposé à leur en donner le pouvoir, à leur donner les mêmes véritables pouvoirs que l'OMC pour l'application de ses accords commerciaux? Parce que si vous ne l'êtes pas, ce n'est qu'une tactique de diversion. Refilez la question à l'OIT, voire au comité d'examen environnemental de l'ALENA, au sein duquel le gouvernement peut lui-même mettre son veto à certaines études, comme l'a fait le nôtre, il y a quelques semaines.

Si je puis me permettre, dire que ces autres organismes devraient examiner la question si vous n'êtes pas vous-même disposé à aller sur la scène internationale et à soutenir que ces organismes devraient avoir le même genre d'influence que l'OMC revient à éluder la question. Ils n'ont pas cette influence actuellement.

M. Pierre Pettigrew: Vous savez, j'appuie même l'idée d'un groupe de travail OIT-OMC qui permettrait à l'OIT d'apprendre de l'OMC et de s'inspirer de certains de ses mécanismes d'exécution...

M. Bill Blaikie: Ils peuvent en parler pour l'éternité, mais à moins qu'ils n'aient le pouvoir d'exécution...

M. Pierre Pettigrew: Il faut bien commencer quelque part. Le point de départ est d'avoir un groupe mixte de l'OIT et de l'OMC où il peut se faire des échanges et où l'on peut voir ce qui peut être fait en tandem.

M. Bill Blaikie: Comme dernière question supplémentaire à ce sujet, une de mes autres préoccupations est que nous avons parlé de société civile, de dialogue et de tout le reste—je sais que ce n'est pas forcément votre responsabilité peut-être, mais c'est quelque chose qui devrait vous préoccuper en tant que ministre du Commerce—mais voyez ce qui s'est produit à Windsor. Pourquoi le gouvernement du Canada persiste-t-il à empêcher les Américains d'y prendre part? Des Américains de toutes sortes souhaitaient venir à Windsor pour prendre part aux manifestations, et on les a empêchés de franchir la frontière.

Les Américains ont au moins permis aux Canadiens de se rendre à Seattle...

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Cela sort du cadre de la discussion. Cela n'est pas sa responsabilité.

M. Bill Blaikie: Pourquoi une si grande liberté de circulation en ce qui a trait aux capitaux, aux biens et services mais non en ce qui concerne les protestataires?

Des voix: Oh, oh!

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Monsieur Blaikie, cela sort du cadre de la discussion. Cela ne relève pas du ministre du Commerce.

• 1645

M. Pierre Pettigrew: Premièrement, il y avait des raisons de sécurité. Les gens auraient pu apporter certains éléments et certains outils qui n'étaient pas particulièrement utiles, mais je peux vous dire que j'ai rencontré à Seattle deux ou trois milliers de Canadiens, de sorte qu'il y a certainement mobilité.

M. Bill Blaikie: Oui, parce que les Américains ne les ont pas empêchés d'entrer, mais nous n'avons pas fait la même chose pour eux à Windsor.

M. Pierre Pettigrew: Non. Je crois comprendre qu'on a agi de la sorte pour des raisons de sécurité.

M. Bill Blaikie: C'est le Cabinet du Premier ministre...

Des voix: Oh, oh!

[Français]

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Monsieur le ministre, vous n'avez pas besoin de répondre. Cela ne relève pas de votre compétence, monsieur le ministre. Que vous vouliez répondre est une chose, mais...

[Traduction]

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Je voulais simplement enchaîner sur une observation qui a été faite. Toutes ces négociations bilatérales, les accords de bon voisinage—il y a tant de noms différents—sont très techniques. Ils dépassent l'entendement du commun des mortels et pourtant, pour réaliser ces choses, les gouvernements doivent formuler des mandats politiques clairs. Ils ont vraiment la responsabilité d'expliquer et de formuler des mandats politiques qui leur permettront de conclure les genres d'ententes qui sont envisagées.

Je vais maintenant vous parler de notes que m'a remises mon collègue. Il y est question de consulter les provinces, de vérifier la validité de ces choses auprès du Parlement de même que des diverses façons d'obtenir des mandats politiques légitimes mais vraiment, je suppose, de disposer des fonds nécessaires pour expliquer en termes très simples là où nous voulons en venir. C'est trop facile pour ceux qui se cantonnent dans leur tour d'ivoire. Je pense qu'en ce qui concerne la bataille de Seattle, ce n'est pas tant au contenu qu'au message qu'on a en partie réagi. Qu'allons-nous faire pour régler ce problème? C'est un peu comme un désastre médiatique à certains égards. Les répercussions sont grandes sur les économies locales.

M. Pierre Pettigrew: En fait, les ministres du commerce et les agents de commerce ont tiré une leçon de ce qui s'est produit à Seattle.

M. Bill Blaikie: Oui. Ils ont érigé des clôtures plus hautes.

M. Pierre Pettigrew: Pendant 45 ans, très peu de gens ont manifesté de l'intérêt pour ce que faisaient les ministres du Commerce. Combien de gens se sont intéressés aux huit premières rondes de négociations, aux rondes canadiennes des années 60 ou à ce genre de choses?

En fait, c'est très technique. Une grande partie de ce que nous faisons est hautement technique et très complexe. C'est à ce point compliqué qu'il faut même des avocats pour comprendre.

M. Bill Blaikie: C'est une blague. Les avocats...

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Pierre Pettigrew: C'est une blague. J'ai un certain sens de l'humour.

M. Bernard Patry: Je suis d'accord avec vous.

M. Pierre Pettigrew: M. Patry est d'accord. Très bien.

Il nous faut communiquer à un niveau plus simple. Aux alentours de Pâques, j'ai moi-même passé 10 jours à faire un peu de sensibilisation à l'exportation dans diverses régions du pays et je me suis rendu dans 8 villes canadiennes. J'ai rencontré toutes sortes de gens, précisément pour essayer d'expliquer de façon plus simple ce que nous essayons de faire et les avantages que cela comporte.

J'ai été très satisfait de visiter ces huit villes canadiennes et j'ai l'intention de reprendre régulièrement de telles séances de sensibilisation à l'exportation comme je les appelle. J'ai demandé à mes hauts fonctionnaires du Commerce international d'en faire une activité permanente de mon propre calendrier. Je ne veux pas que participer à des missions internationales mais visiter mon propre pays pour expliquer ce que les agents du ministère du Commerce international et des Affaires étrangères, 530 à travers le monde, peuvent faire pour aider les entreprises à exporter et à vendre leurs biens et services à l'étranger.

M. Paul Forseth: Une simple question supplémentaire. Et si on essayait de dépister ceux dont l'attitude consiste à donner délibérément une fausse impression de ce qui se passe? Une personne qui semble faire carrière à ce chapitre, c'est Maude Barlow. Elle dit tant de choses qui sont manifestement fausses. C'est en grande partie de la fraude à outrance.

Mais vous devez être en mesure de réagir de façon très organisée étant donné qu'il est difficile de répondre, mais facile de porter des accusations. Je parle de certaines de ces organisations qui créent vraiment des difficultés.

M. Pierre Pettigrew: Eh bien, je crois que c'est important... Nous avons amélioré notre site Web. Beaucoup de ces organismes utilisent l'Internet et ces outils. Je crois que nous nous améliorons tous les jours. Notre site Web est devenu très efficace, très bon et très fréquenté.

• 1650

Nous vivons dans une société démocratique. Les gens sont libres de s'exprimer et de dire toutes sortes de choses. Tantôt ils soulèvent des préoccupations légitimes tantôt ils tiennent des propos tout à fait ineptes.

Je sais que ces personnes ont souvent à notre endroit des exigences qu'elles ne fixeraient pas à elles-mêmes. Elles nous demandent d'être transparents. Je regarde certains ONG et je leur dit: «Soyez transparents, vous aussi. Qui vous finance? Qui vous a confié votre mandat?» Comme vous le savez, ils seront les porte-parole des «Canadiens». Nous devons être très prudents et ne pas prendre pour argent comptant la représentativité d'un certain nombre de...

Mais soyons clairs, de nombreux ONG—la plupart d'entre eux—sont favorables au commerce. La plupart de ceux avec qui je dialogue, à Seattle et ailleurs, le font de façon saine. Ils ont des préoccupations. Ils veulent de meilleures réponses que ce que nous avions l'habitude de leur donner; ils sont plus exigeants. C'est bien, cela ne me pose pas de problème. Ce qui importe, c'est d'amorcer ce dialogue et de faire en sorte que... Mais la plupart des ONG sont favorables au commerce. Ne pensons pas qu'ils s'y opposent tous. Ce n'est pas vrai.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Merci.

Monsieur Marceau.

M. Bill Blaikie: J'invoque le Règlement, madame la présidente, je crois que le ministre aimerait... Même les ONG qu'il ne porte pas dans son coeur sont favorables au commerce; ils ne sont tout simplement pas en faveur du libre-échange. Alors n'accusons pas les gens de ne pas être favorables au commerce. Personne n'imagine que nous pouvons...

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Vous amorcez une discussion, monsieur Blaikie...

M. Bill Blaikie: Ne s'agissait-il pas d'un recours au Règlement?

Des voix: Oh, oh!.

La président suppléante (l'hon. Diane Marleau): Vous amorcez une discussion, monsieur Blaikie.

[Français]

Monsieur Marceau, s'il vous plaît.

M. Richard Marceau: Étant un député considéré comme faisant partie de l'aile pragmatique du Bloc québécois, de son aile un peu moins syndicaliste, il me fait tout drôle de dire que, sur certains points, je suis d'accord avec le NPD. Cela me fait même un peu peur.

M. Pierre Pettigrew: C'est apeurant.

M. Richard Marceau: Oui, c'est apeurant. Toutefois, Bill Blaikie a raison de dire que discuter de normes ou de clauses à caractère social ne veut pas dire imposer des normes nord-américaines ou canadiennes ou québécoises à des pays en voie de développement, mais bien plutôt inclure dans des accords de libre-échange, dans des accords commerciaux, certaines valeurs fondamentales et certains traités fondamentaux.

Par exemple, vous avez mentionné tout à l'heure l'Organisation internationale du travail, qui a beaucoup oeuvré dans certains domaines et qui a négocié plusieurs conventions importantes. Je vous en nomme quelques-unes qui sont de base et j'aimerais savoir si vous seriez d'accord pour qu'elles soient intégrées d'une façon quelconque à la ZLEA.

Je pense à la Convention 29 sur le travail forcé, la Convention 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, la Convention 98 sur le droit d'organisation de négociations collectives, la Convention 105 sur l'abolition du travail forcé, la Convention 111 sur la discrimination dans l'emploi et la Convention 138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi. Ces conventions, qui devraient normalement être acceptées partout dans le monde et qui ne sont pas imposées par les pays occidentaux riches à d'autres pays, sont des conventions de base qui devraient faire partie des droits humains fondamentaux. C'est là mon avis et je pense que vous êtes probablement d'accord avec moi.

En conséquence, seriez-vous prêt à intégrer le travail déjà fait par l'OIT, non pas de tout renégocier cela mais de faire en sorte que ces conventions, déjà reconnues entre autres par le Canada, puissent faire partie de la ZLEA, de l'accord commercial dans la Zone de libre-échange des Amériques? Il s'agirait de faire en sorte que ces clauses minimales, non pas des clauses canadiennes ou occidentales, mais des clauses minimales soient incluses dans un accord commercial qui, potentiellement, peut avoir beaucoup d'importance.

M. Pierre Pettigrew: Je crois que le commerce doit rester le plus ouvert possible et que certains pays, pour en venir à être capables de respecter certaines des conventions que vous avez évoquées, ont justement besoin d'économies plus ouvertes que celles qui sont les leurs à l'heure actuelle.

Vous savez ce que la position canadienne a été envers Cuba; vous savez ce qu'elle est envers la Chine. Nous croyons qu'en nous engageant dans une société donnée, notamment par le commerce, nous avons ultimement une plus grande influence parce que nous lui permettons de se familiariser avec nos valeurs et de connaître un développement économique qui lui permettra d'en arriver là. C'est ce à quoi nous souscrivons. Nous ne voulons pas fermer la porte à un pays qui ne fait pas ceci ou cela. Nous croyons qu'en pratiquant l'isolement ou le rejet à son endroit, nous l'amenons à durcir ses positions envers les valeurs sociales qui nous sont chères et que nous voulons le voir adopter.

• 1655

Donc, nous ne croyons pas à l'isolement. Le Canada est un pays qui veut, en s'engageant, permettre le développement de ses valeurs, non seulement ici mais partout dans le monde.

M. Richard Marceau: Donc, je tiens pour acquis que vous répondez non à ma question.

Une dernière question rapide, madame la présidente. J'étais avec vous à Toronto, lorsque le Canada a présidé la négociation de la ZLEA. J'ai participé à la rencontre avec ce qu'on désigne par l'abominable appellation «société civile». Certains ministres ont rencontré un certain nombre d'ONG pendant environ une heure ou une heure trente.

Cela étant dit, mon laissez-passer pour la ZLEA me donnait accès au Forum des gens d'affaires des Amériques, où ministres, hommes et femmes d'affaires se rencontraient. On allait librement d'un endroit à un autre sans problème.

Ça me paraissait un peu particulier de voir combien les groupes d'hommes et de femmes d'affaires avaient un accès facile aux ministres, dont vous, et aux fonctionnaires, par exemple M. Carrière qui se trouvait là. Nous étions au même hôtel. Il y avait libre circulation. Le fait que la «société civile» soit logée à un autre endroit que les représentants du gouvernement du Canada, qui pourtant présidait la rencontre, n'a pas permis aux groupes et aux ONG d'avoir autant accès que les hommes et les femmes d'affaires aux hauts fonctionnaires, tel M. Carrière que j'ai eu le plaisir de rencontrer là pour la première fois, à vous et aux autres ministres. J'ai trouvé qu'il y avait une sorte de déséquilibre entre l'accès réservé aux hommes et aux femmes d'affaires et celui réservé aux ONG.

M. Pierre Pettigrew: La géographie des lieux... Je peux vous dire que les gens d'affaires n'avaient pas plus accès aux ministres durant nos séances de travail et pendant les jours où nous nous sommes rencontrés à Toronto.

On va poursuivre là-dessus, mais je ne veux pas oublier de dire qu'à la réunion de la société civile, comme vous l'avez sans doute remarqué, j'étais accompagné de 22 collègues. Sur 34 pays, 22 ont accepté de participer à cette rencontre.

M. Richard Marceau: Une réunion d'une heure ou une heure et demie.

M. Pierre Pettigrew: Une heure et demie.

M. Richard Marceau: Oui.

M. Pierre Pettigrew: C'était quand même un leadership canadien formidable qui s'exerçait. Je puis vous dire qu'au départ, il n'y avait pas quatre ou cinq pays qui voulaient participer. Donc, nous avons fait un immense progrès à Toronto, où 22 pays ont accepté de venir avec moi. Je dois dire que le leadership canadien a été très important pour convaincre plusieurs des pays d'accepter ce premier engagement. C'est donc un premier pas qui a été extrêmement important. Je ne voudrais pas minimiser l'importance que 22 pays sur 34 aient accepté de participer à cette rencontre.

Mais pour ce qui est de l'accès des gens d'affaires à notre travail, à nos négociations ou à quoi que ce soit, il n'était absolument pas supérieur. Dans ma délégation canadienne, j'avais d'ailleurs des représentants des syndicats, des représentants de plusieurs ONG...

M. Claude Carrière: C'était à l'OMC.

M. Pierre Pettigrew: Ah, oui. En fait, à Toronto, je n'avais pas de délégation.

M. Claude Carrière: C'est ça.

M. Pierre Pettigrew: Je n'avais pas de délégation à Toronto. Excusez-moi, j'ai changé de dossier. C'était trois semaines plus tard.

Mais il n'y avait pas d'accès plus important.

M. Richard Marceau: Il y a eu un dîner où un Américain, le président de la chambre de commerce des États-Unis, a donné une conférence à laquelle beaucoup de gens de la délégation canadienne, beaucoup de hauts fonctionnaires ont assisté. Ils ont eu l'occasion de se rencontrer beaucoup plus longtemps qu'une heure et demie.

M. Pierre Pettigrew: En tout cas...

M. Richard Marceau: Leur accès était meilleur.

M. Pierre Pettigrew: En tout cas, M. Carrière n'était pas là, je n'y étais pas, et Kathryn, qui dirigeait les opérations à ce moment-là, n'était pas là non plus. Honnêtement, je ne partage pas le point de vue de cette analyse.

Je ne partage pas ces vues, mais reprenons le débat plus en profondeur. J'ai rencontré des gens des ONG canadiennes à Toronto, qui m'ont dit vouloir avoir accès à moi autant que les gens d'affaires, que c'était important pour eux.

Je vais vous rappeler mon titre en anglais. Quand j'ai été nommé à ce ministère, au mois d'août, j'ai trouvé intéressant ce que j'ai pris pour une faute de grammaire. À entendre mon anglais, tout le monde se rend compte que je suis francophone. J'ai été assermenté, le 3 août, comme Minister for International Trade of Canada et non pas comme Minister of International Trade of Canada. Il est certain que je passe plus de temps avec des gens qui sont «pour» le commerce que «contre», parce que mon titre est Minister for International Trade.

Les gens desservis par notre ministère sont des exportateurs potentiels, et nous concluons des accords qui vont dans ce sens. Mais je tiens à dire que j'ai énormément de plaisir à rencontrer l'ensemble des citoyens canadiens et que je les respecte tout autant.

M. Richard Marceau: Monsieur le ministre, vous me permettrez de souligner que vous ne vous présentez pas comme un ministre simplement technique. Cela ressort, entre autres, du livre que vous avez écrit. Vous voyez derrière toute la libéralisation une philosophie, une meilleure gouvernance. Par conséquent, je trouve étrange qu'aujourd'hui vous tentiez de vous réfugier derrière le fait que vous êtes Minister for International Trade pour justifier que vous rencontriez plus de gens d'affaire que de gens qui veulent aussi une libéralisation ou une mondialisation, mais peut-être un peu différente de celle qui est—vous me permettrez d'utiliser l'expression latine—exclusively business-driven.

• 1700

M. Pierre Pettigrew: Comprenez-moi bien. En tant que ministre du Commerce international, je suis bien plus souvent invité à parler aux chambres de commerce, devant de tels auditoires, ce qui est un peu normal. Quand je reçois des invitations à participer à des forums d'ONG ou d'autres, je les accepte également. Il se trouve que, dans mon cas, c'est moins fréquent. On invite sans doute plus souvent mes collègues les ministres Maria Minna et Claudette Bradshaw, celle-ci étant ministre du Travail. On invite d'autres personnes.

Vous avez parlé de mon livre et vous comprendrez que ça fait toujours un petit velours. Il est clair qu'en plus d'être ministre du Commerce international, j'ai beaucoup réfléchi aux questions liées au phénomène de la mondialisation. C'est extrêmement important pour moi et c'est pourquoi je suis très intéressé à rencontrer souvent les gens des ONG. Mais je dois vous faire remarquer le fait que, dans le quotidien, je suis invité plus souvent par les chambres de commerce et les boards of trade. Vous comprenez que je suis Minister of Trade.

Une voix: For Trade.

M. Pierre Pettigrew: Minister for Trade.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): Je vous remercie d'avoir passé une et demie ici avec nous. Comme toujours, vous avez fait du très bon travail. Merci.

M. Pierre Pettigrew: Merci, madame la présidente. Vous êtes bien aimable.

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau): D'accord. À la prochaine.

La séance est levée.