Passer au contenu
Début du contenu

FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 1er juin 2000

• 0941

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, je voudrais d'abord faire quelques observations sur la procédure que nous allons suivre ce matin. Il semble que l'on ait proposé beaucoup d'amendements compliqués à ce projet de loi. J'espère pouvoir vous convaincre qu'avec de la bonne volonté et un peu d'énergie, nous pourrions progresser assez rapidement parce que le travail qui a été fait représente déjà pas mal de compromis.

Je voudrais d'abord, en votre nom, remercier la greffière pour le travail qu'elle a fait hier soir. Je crois que cela nous aidera beaucoup. Si vous jetez un coup d'oeil à votre ordre du jour, vous verrez qu'on a indiqué chaque article pour lequel il y a un amendement possible.

Je rappelle aux membres du comité qu'un amendement devient officiel seulement quand il est proposé par un membre du comité. Il ne faut pas l'oublier.

Cette liste contient deux groupes d'amendements proposés. Il y a le groupe G, qui signifie gouvernement, mais il devrait plutôt s'appeler le groupe C pour Cotler, parce que M. Cotler a fait deux choses. Il a consulté l'opposition et les ONG...

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Quelle opposition?

Le président: Je crois qu'il a consulté ou disons plutôt écouté l'opposition.

M. Daniel Turp: C'est mieux.

Le président: Il a consulté le plus grand nombre possible d'ONG, et le gouvernement. Donc, tous les amendements marqués G sont le fruit du travail de M. Cotler et je tiens à le remercier au nom du comité pour les efforts qu'il a déployés. Il s'est efforcé de coordonner les diverses ONG et le gouvernement. Le gouvernement appuie ces amendements. Tous les amendements marqués G ne posent aucun problème. Ils ont l'appui de bon nombre des ONG qui ont comparu devant le comité et du gouvernement.

[Français]

M. Daniel Turp: Et les libéraux, eux? C'est différent du gouvernement.

[Traduction]

Le président: Nous espérons...

[Français]

M. Daniel Turp: Les députés ont le droit de penser pour eux-mêmes. Irwin est bon. On est tous d'accord sur le libellé.

Le président: Monsieur Turp, j'annonce à mes collègues libéraux que le gouvernement soutient ces amendements. C'est à eux de décider individuellement s'ils veulent ou non les soutenir. C'est pour votre gouverne. Ce n'est pas pour obtenir des réactions.

• 0945

[Traduction]

Voilà donc pour les amendements G qui sont indiqués sur votre liste et qui sont contenus dans cette brochure. Vous avez tous reçu une liasse brochée dans laquelle on a réuni tous ces amendements. Ils ont été classés. La greffière a mis beaucoup de temps et d'effort pour réunir tout cela dans cette brochure.

Il y a une autre série d'amendements dont il est question à l'ordre du jour et qui sont contenus dans la brochure et portent la mention R, lettre qui signifie Alliance canadienne—et je ne veux entendre aucun commentaire à ce sujet.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Donc, dans les amendements de l'Alliance canadienne, je crois que vous constaterez, monsieur Lunn, beaucoup de concordances avec ce qui est proposé dans les amendements de M. Cotler. Nous pourrons peut-être coordonner tout cela assez rapidement.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Je suis disposé à faire avancer les choses rondement.

Le président: Il y a une troisième série d'amendements qui sont proposés.

[Français]

Mme Lalonde et M. Turp me disent qu'ils déposeront bientôt quatre ou cinq amendements. Ils sont en train d'être photocopiés.

M. Daniel Turp: Les amendements BQ.

Le président: Je crois que ce sont plutôt les amendements C, comme dans «confusion»...

Des voix: Oh, oh!

Le président: ...ou possiblement «Constitution».

M. Daniel Turp: C'est une meilleure idée.

Le président: Donc, les amendements constitutionnels sont sous la lettre B, comme dans «Bloc», et nous pourrons commencer dès qu'ils arriveront. Nous devons les attendre. C'est ce que je voulais dire.

[Traduction]

Je veux toutefois rappeler aux députés que, même si ces amendements ont été distribués, ils doivent être proposés par un membre du comité. Je dois les déclarer recevables avant que nous puissions les étudier.

N'oubliez pas que nous avons le choix entre plusieurs options quand nous étudions un article quelconque. Nous pouvons réserver un article pour l'étudier plus tard, nous pouvons l'adopter tel quel, l'adopter dans sa version modifiée, ou le rejeter. Pour éviter toute confusion, je précise que, d'après le règlement, on ne peut étudier à la fois qu'une seule motion d'amendement et un sous-amendement à cette motion.

Chers collègues, je veux aussi vous demander une faveur. Je crois que nous pouvons travailler assez rondement si nous faisons preuve de collaboration, en partie parce que nous avons eu hier l'occasion de discuter à fond des principes fondamentaux qui sous-tendent le projet de loi. J'ai trouvé que c'était une discussion très utile. Encore une fois, je veux remercier M. Piragoff et M. Robinson et leurs collègues de s'être joints à nous pour nous aider à passer cela en revue. Cet exercice m'a semblé utile.

Je dirais qu'aujourd'hui, nous n'avons pas besoin de reprendre tous les arguments d'ordre général sur la Constitution et les principes philosophiques que nous avons eu l'occasion d'éplucher hier. Nous pourrons peut-être ainsi travailler un peu plus rapidement.

M. Daniel Turp: Pas trop rapidement.

Le président: Jamais trop rapidement—juste assez rapidement pour être efficace, mais pas trop vite, pour ne pas empêcher qui que ce soit de se faire entendre.

[Français]

M. Daniel Turp: C'est ce que M. Kirsch a voulu nous dire l'autre jour: il faut prendre notre temps pour adopter une très bonne loi.

Le président: C'est ça. On ne bouscule personne, mais on procède de façon efficace.

[Traduction]

Bon, nous avons maintenant reçu les amendements proposés par le Bloc et vous pouvez donc les ajouter à votre liste.

(L'article 1 est réservé)

(Article 2—Définitions)

Le président: Monsieur Cotler.

[Français]

M. Daniel Turp: J'espère que cela ne nous empêchera pas de discuter de l'amendement que nous voulons apporter au titre abrégé, parce que nos amendements portent sur le titre abrégé.

• 0950

Le président: Non. On revient toujours au titre à la fin. Donc, vous aurez l'occasion de proposer un amendement au titre.

M. Daniel Turp: Je voudrais souligner que nous avons aussi un amendement à l'article 2.

Le président: Tout à fait.

M. Daniel Turp: Je ne voudrais pas qu'au plan de la procédure, parce qu'on aurait fini l'étude de l'article 2, on ne puisse pas examiner nos amendements qui ne sont pas encore distribués et qui portent sur l'article 2.

Le président: D'accord.

M. Daniel Turp: Est-ce qu'ils sont maintenant distribués?

Le président: Oui, ils sont tous distribués. Tout le monde a tous les amendements.

Je donne la parole à M. Cotler pour qu'il propose son amendement G-1.

[Traduction]

M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Je propose que le projet de loi C-19, à l'article 2, soit modifié par substitution, à la ligne 25, page 1, de ce qui suit:

    10 novembre 1998, du 12 juillet 1999, du 30 novembre 1999 et du 8 mai 2000, et

C'est le texte de l'amendement, monsieur le président. La raison en est qu'il y a deux procès-verbaux additionnels, ceux du 30 novembre 1999 et du 8 mai 2000, que l'on n'a pas pu prendre en compte au moment de la rédaction du projet de loi, parce qu'ils sont ultérieurs à la première lecture du projet de loi à la Chambre. C'est un amendement purement administratif.

Le président: Bien, je comprends.

Je veux seulement rappeler brièvement la teneur de la discussion que nous avons eue. Le Statut de Rome a été modifié dans une certaine mesure par ces fameux procès-verbaux. Par conséquent, comme on nous l'a fait remarquer au cours de nos délibérations, il est nécessaire de modifier l'article sur les définitions pour inscrire dans la loi toutes les références possibles.

Maintenant, si vous y jetez un coup d'oeil, vous verrez que l'amendement de M. Cotler énumère tous les procès-verbaux. Nous sommes aussi saisis d'une proposition d'amendement de l'Alliance canadienne qui vise à insérer tout cela dans l'annexe. Je signale que l'amendement du Bloc est identique à celui proposé par les Réformistes, alors voyons si nous pouvons examiner tout cela ensemble.

Il faut d'abord décider si l'amendement proposé par M. Cotler satisfait tout le monde. J'attire simplement votre attention sur le fait que si nous adoptons la suggestion de l'Alliance canadienne et du Bloc, nous devrons modifier l'annexe, tandis que si nous adoptons la solution de M. Cotler, nous n'avons pas besoin de modifier l'annexe. Est-ce bien cela?

La greffière du comité: C'est exact.

Le président: Voulons-nous modifier l'annexe? Y a-t-il des objections à cela?

Je pourrais peut-être demander à nos experts. Comprenez-vous ce que nous disons? Avez-vous des observations à formuler sur la question de savoir s'il est préférable de faire seulement mention des procès-verbaux dans la définition, ou bien de modifier carrément l'annexe? Quelle solution proposez-vous?

[Français]

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Il y a une question que je voudrais poser en même temps que la vôtre. Est-ce qu'il a été évoqué hier qu'il pourrait y avoir d'autres procès-verbaux de correction? Il y en a quatre pour l'instant et il en manquait deux. Grâce à M. Narvey, nous avons été mis au courant du fait qu'il y en avait d'autres, et il y en a encore un plus récent. Est-ce qu'il pourrait y en avoir d'autres? Au cas où il y en aurait d'autres, est-ce qu'on ne devrait pas ajouter à votre amendement les mots: «et tout autre procès-verbal de correction qui pourrait être adopté ultérieurement»? S'il y en a déjà eu quatre, est-ce qu'il ne pourrait pas y en avoir un cinquième et un sixième qui ne seraient pas couverts par cet amendement? Le reste est une question de fond dont on devra débattre.

Le président: D'accord.

[Traduction]

M. Darryl Robinson (conseiller juridique, Section du droit onusien, des droits de la personne et du droit humanitaire, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup. Il y a là quatre ou cinq questions.

Premièrement, sur la question de savoir s'il y aura d'autres corrections, d'autres procès-verbaux, quand le secrétaire général des Nations Unies a publié la dernière série de corrections, il a dit que ce serait les dernières. Il y a aujourd'hui deux ans que la Conférence de Rome a eu lieu et l'on va cesser d'apporter des retouches au texte.

Je dois aussi apporter une précision sur la nature des procès-verbaux. Aucun d'eux n'apporte des changements de fond au texte. Le Statut de Rome a été négocié et la langue de travail était l'anglais. Cependant, toutes les langues font également foi, de sorte qu'il était important de s'assurer que tout était irréprochable dans toutes les langues.

• 0955

Pour ce qui est de la question du président au sujet de l'annexe, je dois préciser que l'amendement du gouvernement ou l'amendement Cotler exigerait d'apporter de légères modifications à l'annexe. Nous ferions une mise à jour de l'annexe pour qu'elle reflète les quatre procès-verbaux. Mais cela n'exige pas de remanier l'annexe aussi profondément que les propositions du Bloc ou de l'Alliance canadienne.

Les propositions du Bloc et de l'Alliance canadienne consistent à annexer le texte intégral du Statut de Rome en anglais et en français. Comme nous l'avons dit hier, nous ne croyons pas que ce soit nécessaire, parce que nous n'inscrivons pas le Statut de Rome lui-même dans la loi canadienne; c'est un procédé que l'on a utilisé à quelques reprises pour d'autres traités, mais ce n'est pas la norme et ce n'est pas ce que nous faisons en l'occurrence.

Sur le plan de la diffusion, le Statut de Rome sera diffusé. On peut l'obtenir sur l'Internet en 15 secondes. Nous le déposerons au Parlement. Si le Parlement adopte la loi habilitante et que le Canada ratifie le traité, celui-ci fera partie du Recueil des traités du Canada et sera déposé au Parlement.

Pour ce qui est de mettre le texte intégral du traité de Rome dans l'annexe, cela pose deux problèmes possibles. Le premier est un problème purement technique, à savoir que les rédacteurs juridiques du ministère de la Justice ont compilé une version à jour tenant compte des quatre procès-verbaux, mais seulement pour les articles 6, 7 et 8, ce qui représentait déjà beaucoup de travail. En faire autant pour le Statut de Rome tout entier, ce serait simplement... Ce document n'est pas encore disponible. Il pourrait être compilé, mais une version complète du Statut de Rome, en anglais et en français, intégrant toutes les corrections... En tout cas, il n'a pas été déposé ici aujourd'hui.

Cela pose donc un petit problème technique et je voudrais faire encore une dernière observation.

Annexer le Statut de Rome et demander au Parlement d'approuver explicitement le Statut de Rome, il nous semble que cela représenterait un changement dans la procédure. Nous ne sommes pas contre le fait de changer la procédure, mais si le Parlement veut changer sa procédure, nous croyons qu'il devrait le faire consciemment, après débat et discussion, etc. Votre projet de loi d'initiative parlementaire serait le mécanisme approprié pour ce faire, mais nous hésitons à nous lancer dans cette discussion aujourd'hui.

Le président: Monsieur Lunn, pourrais-je faire une recommandation?

M. Gary Lunn: Oui.

Le président: Pourrais-je vous demander de proposer au moins votre sous-amendement, afin qu'il soit mis en discussion. Ainsi, nous pourrions en discuter. Quant à savoir comment nous allons procéder, c'est assez clair. Ou bien nous faisons mention des deux procès-verbaux et nous nous en tenons là et nous laissons le gouvernement proposer le texte, ou bien nous adoptons votre solution, qui consiste à intégrer le statut au complet. Je ne sais pas si vous voulez changer cela, après avoir entendu M. Robinson...

M. Gary Lunn: Vous voulez que j'en fasse la proposition maintenant?

Le président: Oui. Pourquoi ne le proposez-vous pas maintenant? Nous serons alors saisis de votre amendement et je pourrai clairement mettre en discussion votre amendement et celui du Bloc. Nous pourrons alors voter successivement sur les deux amendements; cela nous permettrait d'aller plus vite.

M. Gary Lunn: Je propose que le projet de loi C-19, à l'article 2, soit modifié par substitution, à la ligne 1, page 2, de ce qui suit:

    dont les dispositions figurent à l'an-

Le président: Bien. C'est donc un sous-amendement à...

M. Gary Lunn: Je voudrais seulement poser une très brève question, après quoi nous pourrons en disposer.

Le président: D'accord. Je voudrais seulement dire...

[Français]

Monsieur Turp, êtes-vous d'avis que l'amendement proposé par M. Lunn est exactement le même que le vôtre et qu'il n'est donc pas nécessaire de discuter du vôtre?

M. Daniel Turp: Tout à fait.

Le président: D'accord.

[Traduction]

Monsieur Lunn.

M. Gary Lunn: La seule question que je me pose, et c'est aussi une autre raison de mettre cela dans l'annexe, c'est que je crois savoir que l'on est encore en train de négocier les règles de procédure et de la preuve. En l'incluant dans l'annexe, cela ne permettrait-il pas aussi de réaligner le tout et de s'assurer que nous sommes cohérents? Si je comprends bien, le travail n'est pas encore terminé. Ai-je raison? A-t-on mis la dernière main aux règles de procédure et de la preuve?

M. Darryl Robinson: Les règles de procédure et de la preuve sont en cours de négociation dans une instance appelée la commission préparatoire. La commission préparatoire tiendra sa dernière série de négociations, sa dernière session, du 12 au 30 juin. À ce moment-là, il ne s'agira encore que d'une ébauche des règles et procédures proposée par la commission préparatoire.

M. Gary Lunn: Oui.

M. Darryl Robinson: Lorsque la loi régissant la Cour pénale internationale entrera en vigueur, elle aura pour effet de créer une entité appelée l'Assemblée des États parties. Cette instance sera habilitée à approuver les règles de procédure et de la preuve. Mais pour ce qui est de nos propres efforts de mise en oeuvre, les règles de procédure et de la preuve n'ont aucune incidence. La raison en est que le Statut de Rome précise déjà de façon extrêmement détaillée ce que seront les procédures. Ces règles doivent être conformes au statut. Les règles ne peuvent modifier l'application du statut; elles ne constituent qu'un document plus détaillé pour aider la cour de La Haye à faire son travail.

• 1000

M. Gary Lunn: Merci.

Le président: Cela vous aide-t-il à déterminer si vous souhaitez intégrer ou non le Statut de Rome sous forme d'annexe? Ça va?

Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp: J'ai présenté mes arguments hier et je crois comprendre que vous les avez soumis aux grandes autorités de votre ministère, mais je voudrais quand même vous dire que ce n'est pas une modification de la pratique. Ce ne serait pas une modification de la pratique que d'inclure le Statut de Rome à l'annexe. Dans plusieurs lois de mise en oeuvre des traités, ultérieures ou antérieures, les conventions ont été incluses dans la loi dans leur totalité, notamment les Conventions de Genève sur le droit international humanitaire. Cela favorise la dissémination. Il est vrai qu'il y a d'autres méthodes de dissémination, mais dans le cas particulier du droit international humanitaire et du droit pénal international, ce serait justifié, à mon avis.

Donc, cela ne modifie pas une pratique, parce qu'il y a une pratique analogue pour d'autres traités analogues et il y a beaucoup de dispositions des conventions de Genève, pour ne prendre que cet exemple, qui ne font pas l'objet d'une mise en oeuvre directe par la loi elle-même. On peut aussi prendre l'exemple de la loi de mise en oeuvre de l'ALENA. Donc, il est justifié d'inclure un traité dans son ensemble même si l'ensemble de ses dispositions ne sont pas mises en oeuvre parce qu'elles sont de nature institutionnelle et ainsi de suite.

La différence d'avec certaines autres lois de mise en oeuvre d'accords ou de traités, c'est que dans celle-ci, on ne dirait pas que le traité a force de loi au Canada. Il ne faudrait pas que l'ensemble du traité ait force de loi parce qu'il n'est pas nécessaire que l'ensemble du traité ait force de loi.

Donc, je trouverais tout à fait justifié que ce statut important dans l'histoire de l'humanité et dans l'histoire législative soit mis en annexe dans sa totalité. Si, pour des raisons techniques, vous n'êtes pas capables de le faire dès aujourd'hui, il restera toujours l'étape du rapport, où vous pourrez présenter un amendement. M. Cotler pourra présenter un amendement de telle sorte que, lorsque nous adopterons le projet de loi, la semaine prochaine ou la semaine suivante, le texte du traité puisse être ajouté en annexe dans sa totalité, ce qui donnera à vos collègues du ministère de la Justice le temps de préparer une version définitive du Statut de Rome.

J'aimerais savoir si vous seriez disposés à envisager cette hypothèse en raison des difficultés techniques que vous évoquez aujourd'hui.

[Traduction]

Le président: Il serait peut-être préférable d'entendre les arguments de l'autre côté plutôt que de demander à un témoin...

M. Irwin Cotler: Je comprends les considérations évoquées par Daniel. Il y a toute la question de la sensibilisation qui s'inscrit dans cette idée d'annexer le traité dans son intégralité. C'est une chose que l'on pourrait envisager. Cela dit, sur le plan de la procédure, je ne suis pas certain que ce soit le bon moment d'agir en ce sens car en faisant cela, comme on l'a expliqué hier, nous mettons en branle un processus qui ne devrait peut-être pas l'être tout de suite et qui risque d'altérer la nature même du processus d'amendement.

Si je me fie aux commentaires exprimés hier, certains témoins s'opposent à l'idée que le traité soit intégralement inclus à ce stade-ci en guise d'annexe au projet de loi. Les amendements que j'ai tenté de proposer ont fait l'objet d'un consensus parmi toutes les ONG. Par conséquent, je serais réticent à appuyer une mesure qui, d'après les sondages que j'ai faits, n'aurait pas l'appui des ONG qui ont comparu devant nous.

C'est une chose que nous pouvons toujours examiner et faire. Tout ce que je dis, c'est qu'il ne me semble pas nécessaire de le faire tout de suite, au cours de la présente séance.

• 1005

[Français]

M. Daniel Turp: Je voudrais ajouter que plusieurs ONG, notamment B'nai Brith et d'autres, ont demandé que le traité soit intégré dans le projet de loi dans sa version intégrale. Nous mettons cela de l'avant nous-mêmes parce que ces organisations, comme nous, du Bloc et de l'Alliance canadienne, de toute évidence, souhaitent une meilleure diffusion et que l'instrument approprié serait cette loi. Ce n'est certainement pas une question qui devrait nous empêcher d'adopter cette loi, mais j'aimerais quand même sensibiliser le gouvernement à cette question et lui demander d'étudier la possibilité, pour des raisons techniques, de présenter à la Chambre des communes, à l'étape du rapport, un amendement qui permettrait d'inclure le traité intégral.

M. Irwin Cotler: Je suis d'accord sur cela, mais je pense qu'on doit faire l'étude avant de présenter cet amendement.

[Traduction]

M. Gary Lunn: Il s'agit sans doute de l'amendement qui revêt le plus d'importance à nos yeux également. Rassurez-vous: nous n'allons pas faire cela pour chaque amendement.

Je ne suis pas encore convaincu qu'il y a une bonne raison de ne pas l'intégrer à l'annexe. Si nous pouvons obtenir cet amendement, je pense que cela ira très vite pour les autres car nous convenons qu'ils peuvent être réglés très facilement. Mais celui-ci nous tient à coeur, et je n'ai pas encore entendu qui que ce soit fournir une bonne raison pour laquelle nous ne pouvons agir ainsi. Il y en a sans doute. Je pose la question aux témoins étant donné que cela s'est déjà fait et que nous avons déjà établi un précédent à cet égard, y a-t-il une bonne raison de ne pas le faire? On ne m'a pas donné de raison convaincante qui explique leur opposition.

Le président: D'accord.

M. Gary Lunn: J'ai l'impression que cela pourrait se faire mais qu'on préfère ne pas le faire, et personne ne m'a fourni de raison sérieuse qui m'expliquerait pourquoi ce ne serait pas une bonne idée que de l'annexer. Si nous convenions de l'annexer maintenant, je pense que nous pourrions régler le reste très rapidement.

Le président: Permettez-moi de vous dire quelques mots en ma qualité de profane—et nous laisserons les avocats intervenir ultérieurement. Mes propos auront une petite connotation juridique, mais aussi peut-être politique.

Vous comprendrez que la discussion que nous avons s'articule autour de deux questions: le fond de la décision qui nous occupe, mais également l'ensemble des procédures constitutionnelles qui régissent à l'heure actuelle notre gouvernement et dont je dirais qu'elles sont actuellement dans un état de mouvance. Monsieur Turp, par le biais de divers projets de loi, et d'autres également, souvent au sein de l'Alliance canadienne, ont souvent tenté de rapprocher notre système d'un régime présidentiel...

M. Daniel Turp: Selon le modèle australien.

Le président: D'accord, selon le modèle australien ou d'autres régimes parlementaires où le Parlement est plus directement impliqué dans le processus d'adoption de traités. Comme vous le savez, notre système prévoit l'adoption d'une mesure de mise en oeuvre des traités mais non l'adoption de ces derniers.

Cette question a donc une dimension politique et constitutionnelle qui s'ajoute au côté purement administratif: est-il utile d'inclure un traité dans la loi? Comme certains témoins nous l'ont fait remarquer, il existe des cas—et je pense que la Loi sur l'extradition en est un—où le traité est annexé. Il existe effectivement plusieurs cas où un traité a été annexé à la loi, de sorte que je ne peux pas dire que cela ne s'est jamais fait avant.

M. Gary Lunn: Tout à fait.

Le président: Mais une fois le traité annexé à la loi, cela risque de poser le problème juridique du champ de l'interprétation, à savoir si oui ou non, le traité proprement dit a été intégré à la législation canadienne en tant que traité, un peu comme un tout. Si c'est le cas, cela soulève une multitude de questions de droit constitutionnel qui se retrouveront devant la Cour suprême du Canada et qui, à l'avenir, feront la joie et la prospérité d'un grand nombre d'avocats.

Si j'ai bien compris, les témoins nous disent que nous pouvons procéder de cette façon, mais si nous choisissons cette voie, nous devons reconnaître qu'en cas d'incompatibilité entre la mesure législative et le traité... Jusqu'ici, les experts en droit constitutionnel et en droit international ont toujours affirmé que la loi avait préséance puisqu'elle était fondée sur la volonté du Parlement. Une fois qu'on y aura intégré le traité, on se retrouvera avec une série de règles contradictoires et ainsi de suite.

En tant que spécialiste du droit international, je suis assez favorable à l'idée d'intégrer le traité à la loi car ainsi, c'est le traité qui aura préséance et, d'une certaine façon, c'est ainsi que cela devrait être puisque nous sommes censés intégrer le traité. Il s'agit donc d'une discussion philosophique et constitutionnelle tout autant qu'administrative. Je pense que c'est la raison pour laquelle vous vous heurtez à une certaine résistance de la part du gouvernement, monsieur Lunn, car bien que cela semble chose simple, une telle initiative soulève bien d'autres questions.

• 1010

Quoi qu'il en soit, c'est ma réponse. M. Turp a un amendement à proposer, et ensuite nous reviendrons à...

[Français]

M. Daniel Turp: J'ai une question de procédure. Madame la greffière, vous allez peut-être pouvoir m'éclairer. M. Cotler s'engage à inciter le gouvernement à réfléchir sur l'idée de présenter un amendement pour intégrer la version intégrale du traité à l'étape du rapport. J'espère que vous allez respecter l'engagement que vous prenez aujourd'hui devant le comité. Je veux retirer mon amendement parce que je voudrais pouvoir le présenter à l'étape du rapport. Si je comprends bien, si mon amendement est défait, je ne pourrai pas le présenter à l'étape du rapport. Madame la greffière, si l'amendement du parti de l'Alliance canadienne est défait, est-ce que cela m'empêchera de présenter moi-même un amendement analogue?

Le président: Vous n'avez pas présenté votre amendement.

M. Daniel Turp: Si je ne l'ai pas présenté, je n'ai pas besoin de le retirer. Mais ma question est celle-ci: si l'amendement du parti de l'Alliance canadienne portant sur le même sujet est défait aujourd'hui, est-ce que je pourrai tout de même présenter moi-même un amendement à l'étape du rapport? Est-ce que vous avez une réponse?

La greffière: Le sous-amendement de M. Lunn n'a trait qu'aux procès-verbaux. Ce n'est pas le même que le vôtre. Le sous-amendement qu'il a proposé parle des procès-verbaux

[Traduction]

«dont les dispositions figurent à l'Annexe»

[Français]

On a commencé à discuter de votre amendement même s'il n'a pas été proposé formellement.

M. Daniel Turp: Est-ce que vous pourriez être plus précise là-dessus? Nos amendements sont exactement les mêmes, du moins en français.

Le président: Ils sont les mêmes en anglais aussi. Je comprends très bien.

M. Daniel Turp: On dit ici R-1 et B-2; c'est exactement la même chose. Si R-1 est défait, pourrai-je présenter l'équivalent de B-2 à l'étape du rapport?

[Traduction]

Le président: Ce que la greffière essaie de vous expliquer, c'est que votre autre amendement, soit B-5, «Que le projet de loi C-19 soit modifié par substitution, à l'annexe, du texte intégral du Statut de Rome» n'est pas sur la table pour l'instant, de sorte que même si celui-ci est rejeté, vous aurez toujours le loisir de...

[Français]

Vous serez toujours en mesure de présenter l'autre amendement.

M. Daniel Turp: D'accord. Pour plus de certitude, madame la greffière, est-ce que cela veut dire que je ne pourrai pas présenter celui-là à l'étape de la troisième lecture parce qu'il aura été défait aujourd'hui en comité? Je pourrais demander à mes amis du parti de l'Alliance canadienne de le retirer.

[Traduction]

Le président: Monsieur Lunn, vous pourriez peut-être envisager d'adopter la stratégie vers laquelle tend M. Turp. M. Cotler et lui proposent que si cet amendement était retiré, nous nous contenterions à ce stade-ci des références visant à tout le moins à inclure les deux procès-verbaux et par la suite, lorsque cela sera présenté à la Chambre, nous pourrions à ce moment-là avoir une discussion. Les leaders à la Chambre, les ministériels et tous les autres députés conviendront peut-être d'adopter un amendement qui porterait sur la question de fond qu'est l'intégration du traité dans la loi.

Pourrions-nous avoir le consentement unanime en vue de retirer le sous-amendement? J'estime que nous avons eu à ce sujet une discussion suffisamment longue. Puis-je mettre le sous-amendement aux voix?

(Le sous-amendement est retiré)

(L'amendement est adopté)

[Français]

M. Daniel Turp: Vous m'avez compté, moi aussi?

• 1015

[Traduction]

Le président: Non, non, mais vous verrez plus tard que de nombreuses dispositions n'appellent aucun commentaire. Cette façon de procéder peut peut-être en déranger certains, mais comme à l'habitude, le processus est plus lent au début.

[Français]

M. Daniel Turp: Il reste l'article 2.1 que nous proposons.

La greffière: Excusez-moi. Proposez-vous cette motion, monsieur Turp?

M. Daniel Turp: Oui.

[Traduction]

(L'article 2 modifié est adopté)

Le président: Nous sommes saisis d'une proposition de M. Turp visant à ajouter l'article 2.1.

[Français]

M. Daniel Turp: Il y en a plusieurs, monsieur le président. Je vous ferai remarquer qu'il y a trois amendements 2.1 proposés, à moins que les amendements R-2 et R-3 aient été retirés.

La greffière: Ils n'ont jamais été proposés.

[Traduction]

Le président: D'accord, ils n'ont jamais été proposés.

M. Daniel Turp: D'accord.

Le président: Ce n'est pas parce qu'ils figurent sur la feuille qu'ils ont été proposés. Ils doivent être proposés par un député, et ils sont inscrits au nom de M. Lunn.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: Non, il ne peut pas maintenant... mais oui, parce que l'article 2 modifié a déjà été adopté.

Voulez-vous proposer votre article 2.1?

M. Daniel Turp: Monsieur le président, l'article 2 modifié a-t-il été adopté?

Le président: Oui.

[Français]

M. Daniel Turp: Nous étions contre.

[Traduction]

Le président: Oui.

[Français]

M. Daniel Turp: Parfait. Alors, passons-nous à l'article 2.1 que nous proposons?

Le président: Oui.

M. Daniel Turp:

    2.1 Le Statut de Rome est approuvé.

[Traduction]

    2.1 Le Statut de Rome est approuvé.

[Français]

Comme dans d'autres lois visant à mettre en oeuvre des traités internationaux, le Bloc suggère l'intégration d'une disposition qui fera qu'au moment de l'adoption de la loi de mise en oeuvre, le Parlement approuvera le traité.

Je souhaite qu'un jour le Parlement approuve les traités comme traités et non pas seulement dans une loi de mise en oeuvre, parce qu'il faut combler ce déficit démocratique qui existe maintenant et qui fait que le gouvernement négocie des traités sans véritablement consulter le Parlement. Même si cela était fait auparavant... Vous savez que jusqu'en 1966, le Parlement avait l'occasion d'approuver des traités avant que le Canada ne les signe et ne les ratifie ou ne les ratifie seulement. Cette pratique a été abandonnée en 1966 avec le Pacte de l'auto. Mais depuis, dans plusieurs lois de mise en oeuvre de traités, notamment de l'ALENA, une disposition a été incluse disant que l'accord était approuvé.

Pour un traité de l'importance du Statut de la Cour pénale internationale, je suggérerais que nous incluions dans cette loi une disposition disant que le Statut de Rome est approuvé. Cela se ferait par une loi, comme cela a été fait auparavant dans des lois. Ce n'est pas fait par une résolution du Parlement, comme je le souhaiterais dans mon projet de loi et comme d'autres le souhaiteraient, pour démocratiser le processus de conclusion des traités. C'est ce que cela signifie.

J'aimerais entendre M. Robinson et M. Piragoff là-dessus. Cela n'a pas d'effet au plan juridique, sinon un effet symbolique, celui de faire approuver un traité par le Parlement.

Le président: Avant qu'on entre dans le fond de votre argumentation, je dois dire qu'il y a une question de forme. Je ne peux pas accepter cet amendement parce qu'il dépasse complètement la portée du projet de loi. Vous savez aussi bien que moi qu'un amendement proposé ici doit être dans le cadre du projet de loi même.

• 1020

[Traduction]

Comme m'en a avisé le Bureau du greffier, il s'agit d'une mesure de mise en oeuvre. Si soudainement, nous décidons d'approuver un traité, nous nous trouvons à nous substituer au Parlement.

Je suis dans l'obligation de rejeter cet amendement à l'étape du comité. Il ne s'agit pas d'un amendement approprié à l'étape du comité. Je suis dans l'obligation de le déclarer irrecevable. Si vous voulez argumenter à ce sujet, je vous demanderais de vous en tenir à cette question avant que nous nous lancions dans tout le débat. C'était un bel effort, comme on dit.

[Français]

M. Daniel Turp: En ce qui concerne la recevabilité, il y a plusieurs projets de lois de mise en oeuvre de traités internationaux existants

[Traduction]

dans les recueils de lois.

Le président: Oui, mais le gouvernement avait intégré les traités au projet de loi. Ils n'avaient pas été inclus dans...

[Français]

M. Daniel Turp: C'est une chose analogue.

[Traduction]

Le président: Pouvez-vous me citer un cas où un traité qui n'était pas dans le projet de loi original proposé par la Chambre y a été ajouté à l'étape de l'étude en comité? Voilà le précédent que vous devez me donner.

[Français]

M. Daniel Turp: Je n'ai pas encore fait cette recherche, mais si vous me donnez le temps de la faire avant de statuer...

[Traduction]

Le président: Non car les greffiers, qui ont fait cette recherche, me disent que ce n'est pas acceptable. Si vous voulez contester la présidence, faites-le maintenant. C'est ma décision. L'amendement est irrecevable.

[Français]

M. Daniel Turp: Madame la greffière, comment fait-on pour en appeler d'une décision du président sur cette question?

La greffière: Par un vote.

Le président: Par un vote, oui.

M. Daniel Turp: Eh bien, je demande le vote.

[Traduction]

Le président: D'accord. C'est acceptable.

[Français]

Vous avez tout à fait le droit de le faire.

[Traduction]

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Je vous appuie à ce sujet...

[Français]

M. Daniel Turp: On va avoir une personne avec...

Le président: Mme Beaumier est d'accord avec vous.

[Traduction]

Mme Colleen Beaumier: Je ne sais pas, vous êtes l'expert. Quoi qu'il en soit, cela me semble une bonne idée.

[Français]

Le président: Mme Beaumier a toujours été séduite par les paroles de M. Turp. J'insiste sur le terme «paroles».

[Traduction]

Le président: M. Turp conteste ma décision. Je suis dans l'obligation de déclarer l'amendement irrecevable car il outrepasse la portée du projet de loi. C'est ma décision. M. Turp souhaite qu'elle soit soumise à un vote. Ceux qui sont en faveur de la décision de la présidence? Ceux qui sont contre?

D'accord, la décision de la présidence...

[Français]

M. Daniel Turp: Puis-je poser une question?

Le président: Oui.

M. Daniel Turp: Est-ce que M. Robinson et M. Piragoff pourraient nous éclairer sur la portée d'une telle disposition? Je ne sais pas si vous avez fait des recherches là-dessus, mais quand un article d'une loi de mise en oeuvre dit: «Le présent accord est approuvé», quelle est sa portée juridique?

[Traduction]

M. Darryl Robinson: Je commencerai par poser une question au président. Si l'amendement vient d'être jugé irrecevable, devrais-je répondre ou non?

Le président: À ce stade-ci, c'est sans intérêt pratique. Étant donné que l'amendement a été jugé irrecevable, c'est plus par curiosité intellectuelle qu'autrement que nous posons la question.

M. Darryl Robinson: Bien.

Le président: Et les députés doivent comprendre que nous avons beaucoup de pain sur la planche, de sorte que nous ne pouvons consacrer beaucoup de temps à cela.

M. Daniel Turp: Il peut répondre rapidement.

Le président: Pouvez-vous nous donner une réponse très rapide?

M. Darryl Robinson: Parfois, pour mettre en oeuvre un traité, on a recours à une technique qui consiste à annexer le traité. On en fait une loi du Canada. On affirme que le traité est adopté et, par la suite, les tribunaux canadiens peuvent appliquer le traité proprement dit.

La Convention de Genève, qui crée des droits pour les victimes, en est un exemple. En l'occurrence, nous avons fait en sorte que la Convention de Genève s'applique directement au Canada. Il arrive qu'on emploie ce mécanisme, mais c'est l'exception.

Le modèle du projet de loi C-19 est le modèle normal, en ce moment en tout cas. La signification d'une disposition énonçant «le Statut de Rome est approuvé» est susceptible de semer la confusion. À notre avis, c'est une question dont le Parlement devrait débattre de façon approfondie afin de déterminer quelles sont les procédures.

Je m'en tiendrai là. C'est ma réponse.

Le président: Je pense que M. Turp essaie de glaner quelque chose pour son prochain ouvrage sur le droit international, pour l'y intégrer. C'est très utile, mais peu judicieux.

[Français]

M. Daniel Turp: [Note de la rédaction: Inaudible].

[Traduction]

Le président: C'est le problème.

Le prochain vote porte sur l'article 3. Aucun amendement n'est proposé.

(L'article 3 est adopté)

• 1025

(Article 4—Génocide, crime contre l'humanité, etc., commis au Canada)

M. Gary Lunn: Puis-je présenter mon amendement maintenant?

Le président: Si vous voulez.

M. Gary Lunn: Je propose que le projet de loi C-19, à l'article 4, soit modifié par adjonction, à la ligne 13, page 2, de ce qui suit:

    (1.1) Lorsque deux ou plusieurs personnes forment ensemble le projet de poursuivre une fin illégale et de s'y entraider et que l'une d'entre elles commet une infraction visée au paragraphe (1) en réalisant cette fin commune, chacune d'elles qui savait, ou devait savoir que la réalisation de l'intention commune aurait pour conséquence probable la perpétration de l'infraction participe à cette infraction.

Je pense que les raisons qui nous ont poussés à présenter cet amendement sont assez évidentes. Je voudrais simplement entendre les commentaires des témoins à ce sujet.

Le président: Je vous rappelle qu'il y a d'autres amendements également.

M. Gary Lunn: Certains sont-ils analogues à celui-ci?

Le président: Monsieur Cotler, vous pourriez peut-être à tout le moins proposer le vôtre.

M. Irwin Cotler: Je pensais que nous allions examiner un amendement antérieur.

Le président: Non, c'est l'article 4. D'après la feuille de route, à l'article 4, nous avons l'amendement R-5 de l'Alliance canadienne et possiblement R-6 de l'Alliance canadienne également.

N'allez-vous pas proposer cet amendement? Pouvons-nous le rayer de notre liste? De cette façon, nous savons que nous n'avons pas à nous en préoccuper. Il y a R-5 et R-6. Ensuite, il y a toute une série d'amendements proposés par M. Cotler, G-2 et G-3. Si nous réglons le cas de G-2, cela fait tomber...

M. Gary Lunn: Je vais proposer R-6, mais il porte sur une question tout à fait distincte. Nous n'avons pas besoin d'en discuter; nous pouvons simplement passer au vote.

Le président: Très bien. En fait, vous pouvez proposer un sous-amendement à son amendement en proposant le G-2 et ensuite, nous pourrons...

Des voix: Non, non, non.

Le président: Non? Cela ne fonctionne pas. D'accord, ils sont totalement différents.

M. Irwin Cotler: Oui, ils sont différents.

Le président: Nous allons donc abandonner cela et avoir une discussion au sujet de l'amendement de M. Lunn.

M. Gary Lunn: J'aimerais avoir l'avis des témoins.

Le président: Dans ce cas, je vous invite à commenter l'amendement de M. Lunn.

M. Donald K. Piragoff (avocat général, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Merci, monsieur le président.

Cette question a été discutée hier et cette suggestion a été faite par l'un des témoins, ou peut-être deux des témoins. L'objectif visé par l'amendement proposé est atteint par le paragraphe 21(2) du Code criminel. En application du paragraphe 34(2) de la loi d'interprétation, cette disposition du Code criminel s'applique à la loi à l'étude.

Le résultat de cet amendement correspond donc exactement à la loi en vigueur, qui stipule que si un groupe de personnes agit de concert pour commettre un acte illégal, chacune des personnes se rend coupable de l'infraction. Chacune est également coupable d'avoir perpétré l'infraction. C'est ce que dit actuellement la loi, aux termes du Code criminel, dont les dispositions s'appliquent à la loi à l'étude aux termes de la Loi d'interprétation. Par conséquent, cet amendement n'est pas nécessaire parce que ce qu'il propose est déjà dans la loi en application de la Loi d'interprétation et du Code criminel.

M. Irwin Cotler: Monsieur le président, je comprends l'intention des auteurs de cet amendement. Il a été proposé par M. Matas, entre autres. Bruce Broomhall a également évoqué cette question. J'ai moi-même discuté de la question avec les ONG et avec les fonctionnaires. Compte tenu de l'application de la Loi d'interprétation, qui englobe l'article 122 du Code criminel par renvoi—et ceci est donc une reformulation de cela—je propose un amendement qui étendrait cette partie de la Loi d'interprétation à l'article 122, qui ne fait pas partie du projet de loi à l'étude.

• 1030

Autrement dit, ce que vous proposez existe déjà dans la législation canadienne et cette disposition est englobée dans la loi à l'étude en application de la Loi d'interprétation. Mais le principe qui sous-tend ce que vous dites, nommément la volonté d'englober dans cette disposition tous ceux qui sont impliqués dans des tentatives, sont coupables de complicité après le fait, etc., n'est pas prévu dans la Loi d'interprétation. C'est ce que je propose de faire au moyen d'un amendement au même article, mais qui est formulé différemment. Celui-ci inclut des questions qui ne sont pas visées dans l'amendement que vous proposé, lequel fait déjà partie intégrante de la loi.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je propose...

M. Gary Lunn: Monsieur le président, s'il veut modifier mon amendement, je suis tout disposé à le faire.

Le président: La greffière m'avise qu'ils sont différents. Ils se chevauchent un peu, mais ils sont suffisamment différents pour nous empêcher... Si vous retirez le vôtre, nous pourrons procéder.

M. Gary Lunn: D'accord.

(L'amendement est retiré)

Le président: Monsieur Cotler, voulez-vous proposer le vôtre?

M. Irwin Cotler: Oui. Je propose que le projet de loi C-19, à l'article 4, soit modifié a) par adjonction, après la ligne 13, page 2, de ce qui suit:

    (1.1) Est coupable d'un acte criminel quiconque complote ou tente de commettre une des infractions visées au paragraphe (1), est complice après le fait à son égard ou conseille de la commettre.

et b) par substitution, à la ligne 15, page 2, de ce qui suit:

    aux paragraphes 1 ou 1.1

C'est seulement l'aspect formel de la chose.

Le président: Si je comprends bien, cela s'applique à vos amendements G-4 et G-5, de sorte que ces derniers deviennent non avenus. Nous n'avons pas besoin de les adopter si nous adoptons celui-ci.

M. Irwin Cotler: C'est bien cela.

Le président: Le vote s'applique donc à ces deux là également. Est-ce que chacun comprend cela?

Je vais donc mettre aux voix l'amendement.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Un instant, monsieur le président.

Le président: Il y a conspiration.

M. Daniel Turp: Dans la note marginale de la version française qui correspondent à l'amendement G-2, on devrait supprimer la virgule qui suit le mot «tentative».

M. Irwin Cotler: Vous faites probablement allusion à la traduction de l'amendement que je viens de lire.

M. Daniel Turp: Oui, c'est exact. Il faut supprimer la virgule après les mots «Punition de la tentative» dans la note marginale.

Le président: On devrait lire: «Punition de la tentative de la complicité, etc.»

M. Daniel Turp: On devrait lire: «Punition de la tentative de complicité, etc.» Il faut donc supprimer la virgule et l'article «la». Demandons l'avis des légistes.

[Traduction]

Le président: Les notes marginales ne font bien sûr pas partie du texte. Ce sont seulement des explications.

Monsieur Piragoff, voulez-vous...

[Français]

M. Daniel Turp: Pourriez-vous nous dire comment vous traduisez l'expression «Conspiracy, attempt, etc.»? Devrions-nous dire: «Punition de la tentative, de la complicité, etc.»?

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): «Punition de la tentative, de la complicité.»

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Il faut la virgule parce que ce sont deux choses différentes.

Le président: Autrement dit, on décrit deux infractions distinctes.

M. Donald Piragoff: Oui.

Le président: Donc, il faut la virgule.

[Français]

M. Daniel Turp: Est-il nécessaire de préciser en français le mot «punition»? Cette notion ne figure pas dans la version anglaise.

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Je dois m'en remettre aux rédacteurs francophones qui ont révisé cela. Je pourrais vérifier ce qu'il y a dans le Code criminel.

Le président: Comme je viens de le dire, nous n'adoptons pas cela. Cela ne fait pas partie de la loi.

[Français]

M. Daniel Turp: Non, c'est la note marginale.

Le président: C'est une note marginale qui ne fait pas partie de la loi.

M. Daniel Turp: Vous devrez vous assurer qu'elle est correcte.

Le président: Nous demanderons aux experts de s'assurer que la version française correspond à la version anglaise.

M. Daniel Turp: Ou vice versa.

Le président: D'accord. Nous nous assurerons que la version anglaise correspond à la version française.

[Traduction]

(L'amendement est adopté)

Le président: L'article 4 modifié est-il adopté?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Il y a les définitions.

[Traduction]

Une voix: J'ai une autre motion.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Le gouvernement a proposé des amendements aux définitions qui s'appliquent à cet article.

M. Daniel Turp: Il s'agit de l'amendement G-3.

[Traduction]

Une voix: Nous en avons deux autres. Il y a un amendement du gouvernement et nous en avons un aussi.

• 1035

Le président: Je m'excuse. G-4 et G-5 visent l'article 5, alors enlevez-les de votre liasse.

Nous avons G-3 et ensuite R-6.

M. Irwin Cotler: Je vais proposer G-3, simplement pour procéder dans l'ordre.

Le président: D'accord. C'est à quelle page?

M. Irwin Cotler: C'est à la page 10 des amendements.

Il s'agit encore une fois d'un amendement qui répond aux préoccupations exprimées hier pour ce qui est de rendre les articles 4 et 6 conformes aux définitions des infractions. Je vais lire le texte intégral de l'amendement.

Je propose que le projet de loi C-19, à l'article 4...

M. Gary Lunn: Vous pouvez vous dispenser de le lire.

Le président: D'accord. Nous comprenons l'objet de cette proposition. C'est une modification de pure forme sur laquelle vous avez consulté les avocats du gouvernement...

M. Irwin Cotler: Et les ONG, et nous avons mis au point un amendement. C'est exact.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Est-ce que cet amendement reprend exactement le libellé de l'article 6?

Le président: Est-ce que vous pourriez répéter votre question, s'il vous plaît?

[Traduction]

Est-ce le même texte qu'à l'article 6? Si c'est le cas, pourquoi...

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'avais l'intention de lire cet article, mais je n'en ai pas eu le temps.

[Traduction]

M. Irwin Cotler: Non, c'est un texte différent.

[Français]

Le président: On propose un ajout.

[Traduction]

M. Irwin Cotler: Nous ajoutons dans la définition de crime contre l'humanité l'énoncé «commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes». Cela ne figurait pas dans la définition à l'origine. Vous pouvez y jeter un coup d'oeil et vous verrez que c'est la même définition; on ajoute seulement ce bout de phrase.

Le président: Les ONG estimaient que cela avait été oublié et qu'il fallait l'inclure.

M. Irwin Cotler: Exactement.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Est-ce que le reste du texte demeure tel quel?

Le président: Oui, on a inscrit une définition un peu plus précise qu'auparavant.

[Traduction]

L'honorable Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Mettez l'amendement aux voix.

Le président: On me demande de mettre l'amendement aux voix. Je mets donc aux voix...

[Français]

M. Daniel Turp: Je voudrais obtenir des précisions au sujet du paragraphe 4(4) que le gouvernement propose à l'amendement G-3 et qui débute par les mots «For greater certainty» en anglais et par «Il est entendu que» en français. Pourriez-vous nous expliquer ce que cela signifie?

Le président: Allez-y, monsieur Robinson.

[Traduction]

M. Darryl Robinson: Ce texte constituait auparavant l'article 6 et nous reprenons maintenant le même énoncé aux articles 4 et 6. Les tribunaux canadiens peuvent appliquer le droit international coutumier. Pour aider les tribunaux, nous attirons leur attention sur le fait que les articles 6, 7 et 8 du Statut de Rome ont été rédigés expressément pour correspondre au droit coutumier tel qu'il existait le 17 juillet 1998.

Mais je dois aussi préciser que ces crimes énumérés dans le Statut de Rome ne sont pas et ne prétendent pas représenter une codification complète du droit international coutumier. Par exemple, certains crimes n'ont pas pu être inclus dans le Statut de Rome parce que nous n'avons pas pu nous entendre. Le plus flagrant est l'utilisation de certaines armes de destruction massive, notamment des armes chimiques. Le gouvernement du Canada est d'avis que cela constitue un crime de guerre aux termes du droit international coutumier. Cela ne figure pas dans le Statut de Rome.

Autrement, le Statut de Rome est une référence très utile. C'est un traité qui a été élaboré par un grand nombre d'États. L'intention de ces États était de reprendre le droit coutumier et la ratification de ce traité par un aussi grand nombre d'États en fait une déclaration qui fait autorité quant à ce qui constitue le droit international coutumier. Nous pouvons donc aider nos tribunaux en les invitant à se reporter à un modèle.

Ils peuvent aussi se reporter à d'autres textes que le Statut de Rome si quelque chose d'autre survient à l'avenir. J'ai mentionné les armes chimiques. Peut-être qu'un jour, l'interdiction des mines terrestres fera partie intégrante du droit international coutumier, de sorte que les tribunaux pourront appliquer cette disposition.

Je pense que j'ai tout expliqué. Cela vous suffit-il?

• 1040

Le président: Vous voulez ajouter quelque chose?

M. Irwin Cotler: Il s'agit essentiellement d'harmoniser les articles 4 et 6, car ce texte figure déjà à l'article 6. Le deuxième objectif est de donner des lignes directrices à nos tribunaux pour l'interprétation et l'application de ce qui peut être considéré comme le droit international coutumier, sans pour autant exclure une évolution dynamique du droit international.

Je ne veux pas citer l'affaire Finta, mais cette affaire a suscité des interrogations quant à ce qui constitue le droit international coutumier. Ce texte est en fait un guide d'interprétation à l'intention des tribunaux canadiens. C'est pourquoi on précise «Il est entendu que»; il s'agit simplement d'établir clairement ce qui est énoncé aux articles 6 et 7 au sujet des crimes internationaux.

Le président: Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp: Bill, c'est sans doute une discussion que tu trouveras intéressante. Pour nos travaux préparatoires et pour les tribunaux qui appliqueront éventuellement cette disposition prévue aux paragraphes 4(4) et 6(4), je voudrais qu'on soit très très clair. Nous avons eu ici un débat avec M. Matas, qui ne souhaitait pas une disposition comme celle-là. Il disait que nous gelions le droit coutumier, that that we were freezing customary law. On a eu des discussions ultérieurement là-dessus et, si je comprends bien, cette disposition n'a pas cet effet. Les tribunaux vont pouvoir, en application de cette loi, appliquer le droit coutumier qui se sera développé après le Statut de Rome.

Je veux que vous nous confirmiez, pour les fins d'inclusion dans les travaux préparatoires, que le fait que cette disposition soit incluse dans cette loi et en vertu du principe

[Traduction]

que le droit international fait partie du droit national, mais qu'il est subordonné aux lois en vigueur,

[Français]

n'empêchera pas les tribunaux d'appliquer le droit coutumier tel qu'il aura évolué après le 17 juillet 1998. Est-ce une bonne lecture et une bonne compréhension de ce paragraphe?

[Traduction]

M. Darryl Robinson: Je pense que c'est en fait une très bonne question, car il est très important de bien préciser à l'intention de tous que nous ne bloquons pas l'évolution du droit international coutumier. Je vais donc passer en revue certains éléments qui, à mon avis, feront en sorte que tout soit clair et sans équivoque pour nos tribunaux.

Premièrement, les définitions des crimes. Au fond, nous les définissons par renvoi au droit international coutumier. Ainsi, la cour définira le crime proposé au paragraphe (3), nommément «crime contre l'humanité», conformément au droit international coutumier. Nous ne donnons pas pour instruction aux tribunaux de définir «crime contre l'humanité» conformément au Statut de Rome, ce qui limiterait évidemment la latitude des tribunaux.

Donc, premièrement, nous disons aux tribunaux de définir «crimes contre l'humanité» conformément au droit international coutumier en vigueur à ce moment et dans ce lieu.

Ensuite, au paragraphe (4) proposé, notez bien que l'on ne dit pas qu'il est entendu que le droit international coutumier est le Statut de Rome. Une telle disposition bloquerait l'interprétation que nos tribunaux pourraient donner du droit international coutumier. C'est plutôt le contraire: il est entendu que les crimes énumérés dans le Statut de Rome sont des crimes selon le droit international coutumier.

Voyez-vous la différence? Nous ne disons pas que le droit coutumier est le Statut de Rome; nous disons que les crimes énumérés dans le Statut de Rome sont des crimes selon le droit international coutumier. Et c'est sans préjudice. Ensuite, pour dissiper toute équivoque possible, nous avons ajouté la phrase suivante: «Sans que soit limitée ou entravée de quelque manière que ce soit l'application des règles de droit international existantes ou en formation.»

Je pense que même en l'absence de cette phrase, il est déjà clair que nous ne bloquons pas l'évolution du droit international coutumier. Mais dans le souci d'éviter tout problème, nous avons ajouté cette phrase. Je précise d'ailleurs que cette phrase s'inspire de l'article 10 du Statut de Rome.

M. Irwin Cotler: C'est le même énoncé.

M. Darryl Robinson: Oui.

M. Irwin Cotler: Nous leur laissons donc toute liberté.

M. Darryl Robinson: Exactement.

Et l'article 10 du Statut de Rome avait d'ailleurs exactement le même objet, nommément de préciser que le Statut de Rome ne vise nullement à bloquer l'évolution du droit international coutumier.

J'espère donc que cela répond à vos questions. Nous sommes entièrement d'accord avec l'objectif que vous visez et j'espère que vous conviendrez que nous l'avons énoncé ici le plus clairement possible.

• 1045

Le président: C'est clair. C'est clair pour toutes les personnes présentes. Le tribunal qui sera appelé à interpréter ce texte pourra considérer comme partie intégrante du droit international coutumier un élément qui ne figure pas dans le Statut de Rome, qui pourrait avoir été créé après l'adoption du Statut de Rome. C'est clair pour tout le monde. Il n'y a pas de problème.

Que ceux qui sont en faveur de l'amendement lèvent la main.

[Français]

M. Daniel Turp: Monsieur le président, Mme Lalonde avait une question.

Mme Francine Lalonde: J'aimerais savoir pourquoi vous avez ajouté à la définition de «crime contre l'humanité» l'expression «ou un groupe identifiable de personnes».

M. Daniel Turp: C'est une bonne question.

Mme Francine Lalonde: On retrouve habituellement cette expression dans la définition de «crime de génocide». Vous l'ajoutez ici dans la définition de «crime contre l'humanité».

M. Daniel Turp: Ils peuvent commenter là-dessus s'ils le souhaitent, monsieur le président.

Mme Francine Lalonde: Oui, j'aimerais savoir pourquoi.

[Traduction]

Le président: Je me reporte au texte: «acte ou omission inhumain... commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes».

M. Irwin Cotler: C'est en effet la ligne que l'on veut modifier.

Le président: Nous avons donc ajouté l'expression «groupe identifiable de personnes» à «population civile».

[Français]

Mme Francine Lalonde: Est-ce que je pourrais en connaître la raison?

[Traduction]

Le président: Pourriez-vous expliquer pourquoi on a ajouté cela?

Puisque vous proposez l'amendement, monsieur Cotler, donnez-nous des explications.

M. Irwin Cotler: Ces mots sont ajoutés parce qu'ils figurent à l'article 6 mais pas à l'article 4. Nous voulions, comme nous le recommandaient les organisations non gouvernementales, harmoniser l'article 4 et l'article 6. La définition de «crimes contre l'humanité» doit être la même dans les deux articles. La modification proposée permet donc d'harmoniser les deux articles en ajoutant à l'article 4 un libellé qui figure déjà à l'article 6.

[Français]

M. Daniel Turp: Est-ce qu'on peut demander à l'avocat général de faire des commentaires?

Mme Francine Lalonde: C'est parce que cette expression ne figure pas à l'article 6 que je pose cette question.

[Traduction]

M. Irwin Cotler: Il faut que les deux...

Le président: M. Piragoff va nous l'expliquer.

M. Donald Piragoff: Merci, monsieur le président.

La différence dans le libellé de la définition de «crime contre l'humanité»... On propose d'ajouter à la définition qui figure à l'article 4 les mots «commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes». C'est également la teneur de l'amendement G-7, qui vise à modifier le paragraphe 6(3) dans le même sens.

Le président: On fera la même chose pour l'article 6.

M. Irwin Cotler: J'anticipais. Pour harmoniser le tout, il faut apporter le même amendement aux deux articles.

M. Donald Piragoff: Si le G-3 est adopté et si le G-7 est adopté, alors les définitions seront les mêmes à l'article 6 et à l'article 4.

Le président: Donc, si nous adoptons G-3, il ne faut pas oublier d'adopter G-7.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous avez peut-être proposé un amendement à l'article 6, mais avant d'adopter l'amendement G-3, je voudrais savoir pourquoi vous avez fait cet ajout.

M. Daniel Turp: En vue d'harmoniser les deux articles.

Mme Francine Lalonde: Non, ce n'est pas le cas parce que cette expression ne figure pas à l'article 6. On propose cet ajout aux articles 4 et 6.

M. Irwin Cotler: Vous avez raison. Nous devons modifier les articles 4 et 6 en y ajoutant cette expression. Il y aura alors harmonisation quant à cet élément particulier.

Mme Francine Lalonde: Mais cela ne me dit pas pourquoi vous proposez ces amendements. Ma question n'est pas d'ordre technique.

Le président: Mme Lalonde demande pourquoi vous proposez d'ajouter cette notion.

M. Daniel Turp: C'est à cause de Finta. Dites-le

[Traduction]

pour le compte rendu.

M. Irwin Cotler: C'est aussi pour rendre plus général le concept de crime contre l'humanité, l'expression «commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes» étant plus générale et nous ayant été recommandée par un certain nombre d'ONG qui ont comparu devant nous.

[Français]

M. Daniel Turp: Pourriez-vous nous dire précisément pourquoi nous faisons cela, outre pour répondre à des demandes d'organisations non gouvernementales qui veulent qu'on guide les juges pour plus tard afin qu'après l'adoption de cette loi, ils ne puissent plus rendre une décision comme celle qu'ils ont rendue dans l'affaire Finta? Est-ce que vous pourriez le dire devant ce comité?

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Merci.

À l'origine, l'intention des rédacteurs du paragraphe 6(3) était de définir les crimes—je veux dire tous les trois, les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité—d'une manière souple afin d'aller à l'essentiel de l'infraction et de ne pas surcharger ces définitions en y ajoutant un certain nombre d'éléments, pour ne pas bloquer dans le temps l'évolution de tout cela, comme M. Turp l'a dit, pour que l'interprétation évolue en fonction du droit international.

• 1050

Autrement dit, nous ne voulions pas des définitions trop détaillées, parce que si les définitions évoluent avec le temps, nous ne voulions pas nous retrouver avec une définition inscrite dans la loi et qui serait en contradiction avec une définition internationale. Nous avons donc tenté de faire en sorte que nos définitions saisissent l'essence des crimes, tout en laissant de côté certains détails qui pourront être élaborés dans le cadre du droit international.

Par exemple, à une certaine époque, pour qu'il y ait crime de guerre, il fallait que le crime en question soit commis dans le cadre d'un conflit armé international. Cette exigence a été supprimée en droit international. La disposition originale du Code criminel, à l'article 7, stipule bien «conflit armé international». Nous avons supprimé le mot «international» dans la définition de crime de guerre, pour que celle-ci soit en accord et non pas en contradiction avec le droit international dans sa plus récente évolution.

Nous avons aussi tenté, dans la définition de «génocide», de ne pas limiter la nature du groupe identifiable de personnes pouvant être victimes de génocide. Par exemple, la convention sur le génocide restreint la nature des groupes qui peuvent en être victimes: des groupes ethniques, raciaux... Il y en a deux autres que j'oublie. Mais le droit international coutumier peut évoluer pour y inclure d'autres catégories de groupes qui peuvent être légitimement victimes d'un crime de génocide. Nous avons donc tenté de saisir l'essence même de ces crimes dans ces définitions, nous en remettant à la jurisprudence internationale pour ajouter d'autres éléments au fur et à mesure que cela sera rendu nécessaire par l'évolution du droit international coutumier au moment de la perpétration de l'infraction. En effet, nous appliquerons toujours le droit international coutumier existant au moment de la perpétration de l'infraction.

Pendant nos délibérations, certains témoins ont dit estimer que, pour les crimes contre l'humanité, nous avions trop limité le champ d'application, que nous devrions plutôt nous en tenir davantage à notre définition du Code criminel. Or la définition qui figure actuellement dans le Code criminel, et qui reprend la définition de Nuremberg, fait effectivement mention d'une série d'actes, notamment tout autre acte ou omission inhumain commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes.

Donc, pour répondre à ces préoccupations selon lesquelles notre définition devrait être un peu plus précise, nous proposons d'insérer dans la définition de crime contre l'humanité un énoncé qui existe déjà dans la définition de crime contre l'humanité qui figure dans le Code criminel. En effet, certains ont dit craindre qu'en retranchant ces mots dans le projet de loi, alors qu'ils figurent bel et bien dans le Code criminel, nous pourrions, sans le vouloir, donner aux tribunaux l'impression que nous apportons un changement fondamental au concept de crime contre l'humanité, alors que ce n'est bien sûr pas du tout notre intention.

Ce que nous voulions faire, c'était de permettre que la définition évolue avec le temps, mais cela ne veut pas nécessairement dire que nous ne sommes pas d'accord avec la définition de Nuremberg, ni que la définition de Nuremberg est erronée quand elle précise que le crime doit être commis contre une population civile, parce que l'essence même d'un crime contre l'humanité est que le crime est commis contre des populations civiles ou d'autres groupes identifiables.

Nous voulons donc préciser cela clairement. Si vous lisez le paragraphe 6(3) dans sa forme actuelle, il dit simplement:

    «crime contre l'humanité» meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation, emprisonnement, torture, violence sexuelle, persécution ou autre fait—acte ou omission—inhumain

Mais on ne précise pas que l'acte ou omission en question peut être commis contre une seule personne, ou contre une population civile ou un groupe identifiable. Ce serait plus précis si nous insérions dans le projet de loi le libellé qui existe déjà dans le Code criminel, pour préciser clairement que les crimes contre l'humanité sont des crimes perpétrés contre des populations civiles ou des groupes identifiables, car telle est l'essence même du crime, qui est différent d'un crime de guerre. Un crime de guerre peut être le meurtre d'un prisonnier de guerre; ce serait un crime de guerre. Mais des crimes contre l'humanité, ce sont vraiment des crimes commis contre des populations ou des groupes identifiables.

Monsieur le président, j'ai parlé longuement, mais M. Turp voulait faire consigner au compte rendu une explication...

Le président: Non, votre intervention est très utile, je n'essaie nullement de vous interrompre...

• 1055

[Français]

M. Daniel Turp: Je n'ai qu'une question. For the record, est-ce que cette définition reflète l'état actuel du droit coutumier pour aider nos tribunaux plus tard?

[Traduction]

Le président: Mais c'est seulement l'opinion d'un expert. Cette question fera l'objet de débats entre des juristes ou des magistrats.

[Français]

M. Daniel Turp: C'est peut-être le cas, mais j'aimerais entendre l'opinion du gouvernement du Canada.

[Traduction]

Le président: Bien. Nous devons en finir avec cela. Il vous a posé une question. Répondez simplement par oui ou par non. Cela représente-t-il l'état actuel du droit coutumier?

M. Darryl Robinson: Oui.

Le président: Merci. Nous en sommes tous heureux.

[Français]

M. Daniel Turp: Monsieur le président, bien que nos amis d'en face soient impatients et vous pressent d'agir, je souhaite que ce débat se fasse comme il le faut. Il ne faut pas être trop pressés. On pose des questions pertinentes et je ne voudrais pas que nos collègues d'en face vous pressent et nous empêchent de tenir un bon débat sur ce projet de loi.

Le président: On a eu un excellent débat jusqu'à maintenant. Nous avons débattu de ces questions pendant tout l'après-midi hier.

M. Daniel Turp: Continuons-le.

Le président: On aura tout le temps voulu, mais ne perdons pas notre temps à nous disputer au sujet de questions de procédure. C'est un gaspillage de temps.

M. Daniel Turp: Oui, j'en conviens. Je ne le ferai plus parce que je constate que vous êtes d'accord qu'on doit prendre le temps nécessaire.

Le président: M. Cotler a fait énormément d'efforts.

M. Daniel Turp: Que nous apprécions beaucoup.

[Traduction]

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Il tente de d'enrichir nos connaissances en même temps.

M. Irwin Cotler: À ce sujet, je tiens à dire que la formulation inclusive qui, je l'espère, sera harmonisée dans les articles 4 et 6... C'est à ce propos que je vous ai sans doute induit en erreur par mégarde au début. J'espère que le libellé reflétera ce qui figure dans le Code criminel, ce qui figure maintenant dans la jurisprudence internationale découlant des arrêts des tribunaux internationaux rendus au sujet de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda, ainsi que la notion concernant les populations civiles que l'on trouve aussi dans les définitions des crimes contre l'humanité dans le Statut de Rome, bien que cela soit plus précis que nous l'aurions souhaité.

Le président: Un instant. Je dois mettre cet amendement aux voix maintenant. Il faut comprendre que lorsque nous nous prononcerons sur cet amendement, cela s'appliquera aussi... Oh, je vois. L'article 5 sera alors modifié. Où allons-nous insérer la même formulation ultérieurement? Je pensais que cela allait être à l'article 6.

Des voix: G-7.

Le président: Je comprends, G-7. D'accord. Autrement dit, une fois que nous aurons adopté cet amendement, nous n'aurons pas à reprendre la même discussion au sujet du G-7. Il passera comme une lettre à la poste. Sommes-nous tous d'accord? Très bien.

Je mets aux voix l'amendement G-3.

(L'amendement est adopté [Voir Procès-verbaux])

Le président: Nous allons maintenant passer à l'amendement R-6.

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.

Je propose que le projet de loi C-19, à l'article 4, soit modifié par substitution à la ligne 26, page 2, de ce qui suit:

    graphe 2, sauf le sous-alinéa 2b)(viii), de l'article 8 du Statut de Rome.

Essentiellement, l'amendement vise à supprimer l'article qui assimile à un crime de guerre le transfert forcé d'une population civile dans des territoires occupés. C'est sa raison d'être.

Je tiens à consigner au compte rendu que lorsque nous passerons au prochain... Nous allons terminer celui-ci et ensuite, je proposerai les trois prochains amendements. Je pense que les quatre ou cinq prochains amendements inscrits à mon nom viennent d'être réglés par le G-3 de M. Cotler, mais nous en discuterons tout à l'heure.

Le président: D'accord. Vous voulez donc supprimer cet article.

M. Gary Lunn: Oui. C'est ce que je propose. C'est le but visé par l'amendement.

Le président: Pourriez-vous nous expliquer brièvement ce qui vous motive? N'est-ce pas le sort que Staline a fait subir à toutes ces populations? C'est ce que Staline a fait, vous vous en souvenez?

M. Gary Lunn: C'est le fait de m'être rendu dans un pays comme Israël, où il règne un conflit au sujet de certains territoires. À l'heure actuelle, lorsque des populations civiles sont transférées dans des territoires occupés, aux termes de la présente loi, cela serait considéré comme un crime de guerre. Nous voulons être sûrs de ne pas nous tromper car il y a des divergences d'opinion quant à savoir si nous voulons vraiment faire cela.

La proposition d'amendement souhaite supprimer l'article concernant les transferts de populations dans les territoires occupés. Il y a là-bas un conflit quant à savoir à qui appartiennent ces territoires, comme vous le savez pertinemment. Voilà la raison d'être de cette proposition.

Le président: D'accord. Vous parlez de l'implantation de colonies en Cisjordanie, de tout ce dossier.

M. Gary Lunn: Précisément.

Le président: Mais je croyais que M. Cotler avait abordé cet aspect.

M. Irwin Cotler: Non, cela ne figure dans aucun de mes amendements.

M. Gary Lunn: C'est l'intention.

Le président: Pour autant que tout le monde comprenne de quoi il retourne, je...

M. Gary Lunn: Demandez le vote.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'aimerais demander à nos experts s'il est possible de faire cela. J'avais cru comprendre que ce n'était pas possible.

• 1100

Le président: Est-ce possible de faire quoi?

Mme Francine Lalonde: De modifier le texte du Statut de Rome. Il s'agirait d'enlever un paragraphe. J'ai regardé.

[Traduction]

Le président: Non, ce n'est pas le cas.

[Français]

Madame Lalonde, ça ne change pas le Statut de Rome, mais ça change la loi canadienne qui incorpore les termes du Statut de Rome.

Mme Francine Lalonde: Oui, ça change le Statut de Rome pour nous.

Le président: Il est tout à fait loisible au Parlement de le faire s'il le veut. L'amendement constitue un ordre. La question est de savoir si c'est souhaitable ou pas.

[Traduction]

Je pense que tout le monde comprend cela.

[Français]

Y a-t-il d'autres questions?

Mme Francine Lalonde: J'ai demandé l'avis des experts.

Le président: Vous avez posé aux experts une question à laquelle il m'appartient de répondre. C'est une question de procédure du comité. Je vous ai donné la réponse.

Mme Francine Lalonde: J'ai l'avis d'un expert qui dit qu'il n'y a pas de réserve là-dessus et que, par conséquent, nous ne pourrions pas modifier le texte.

Le président: Mais c'est à nous de décider de cette question. Ce n'est pas aux experts de vous aviser si c'est un ordre ou pas. J'ai dit que l'amendement était un ordre du comité. Donc, c'est un ordre.

M. Daniel Turp: Attendez, monsieur le président. Si c'est l'équivalent d'une réserve par rapport au statut, est-ce que nous pouvons, par une loi, faire quelque chose qui est l'équivalent d'une réserve qui s'applique au statut?

Le président: D'accord. Maintenant, je comprends. Excusez-moi. C'est une autre question.

Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, il va falloir vous habituer. Je ne suis pas avocate. Cependant, je réclame pour les non-avocats le droit de s'exprimer sur ces questions extrêmement importantes. Je vous dirai en plus qu'il me semble que ces lois doivent être écrites, autant que possible, pour que des non-avocats et non-avocates les comprennent.

Le président: D'accord. Madame Beaumier.

[Traduction]

Mme Colleen Beaumier: J'aimerais obtenir une réponse à ce sujet. Je suis quelque peu dépassée.

Si nous commençons à modifier les traités dont nous sommes signataires, qu'est-ce qui empêche un autre pays signataire d'en extraire les parties qui ne lui plaisent pas ou qu'il juge inopportunes? J'aimerais également une réponse à cette question, même si je vous fais confiance.

Le président: J'avais compris que la question était de savoir si cet amendement était recevable ou non comme tel...

Mme Colleen Beaumier: Oh.

Une voix: Oui.

Le président: ... et je l'ai jugé recevable. J'avais compris que c'était là le sens de la question.

Mme Colleen Beaumier: D'accord.

Le président: Nous sommes maintenant saisis d'une autre question, à savoir si le Parlement devrait ou non assortir le traité d'une réserve en ce qui concerne son application. Nous allons nous tourner vers nos experts.

M. Darryl Robinson: Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, vous avez parfaitement raison: le Parlement est libre de faire ce qu'il veut. La question est de savoir si nous pourrions ensuite ratifier le traité advenant que le Parlement fasse cela. Le Statut de Rome est un tout. Aucune réserve n'est autorisée à l'égard du Statut de Rome. Si le Canada décidait de choisir les dispositions auxquelles il accepte d'être assujetti, il inviterait d'autres pays à faire la même chose. Si nous agissions ainsi, le Canada ne serait sans doute pas en mesure de ratifier le traité.

Avec votre permission, je prendrai quelques instants pour aborder la question des territoires occupés. Comme l'a mentionné le président, c'est un problème qui ne date pas d'hier. Par exemple, Staline s'est livré à ce genre d'abus au cours de la Seconde Guerre mondiale. L'interdiction énoncée dans le Statut de Rome qui cause tant de problèmes se trouve en fait dans les conventions de Genève à l'heure qu'il est. Elle figure à l'article 49 de la quatrième Convention de Genève qui a été ratifiée par le Canada et mise en oeuvre par le Parlement.

Cette interdiction est réitérée dans le Protocole complémentaire 1, qui a été ratifié par le Canada et mis en oeuvre par le Parlement. La seule différence avec le Statut de Rome, c'est l'adjonction de trois mots, les mots «direct ou indirect», ce qui a suscité énormément de préoccupations politiques, particulièrement en Israël.

Au sein de la Commission préparatoire, qui se réunit à New York, nous avons réussi à résoudre le problème. Nous avons dégagé un consensus autour d'un compromis, une note en bas de page qui a essentiellement pour effet d'enlever toute signification à ces trois mots de sorte que nous nous retrouvons avec l'infraction qui existait déjà et qui a été approuvée par le Parlement à deux reprises maintenant.

[Français]

Le président: Très brièvement.

M. Daniel Turp: De toute évidence, cette proposition cherchait à donner suite, par un amendement, à une demande faite par M. Narvey et à répondre en partie à une demande du Congrès juif canadien.

• 1105

Selon moi, ce serait l'équivalent d'une réserve au statut introduite dans la loi, ce qui n'est pas souhaitable parce que cela entraînerait probablement un problème de ratification.

Le Congrès juif canadien a fait une autre proposition, qui serait d'intégrer au projet de loi l'équivalent de l'article 4(1) du Traité d'extradition entre le Canada et les États-Unis. Vous avez examiné cette proposition. Qu'en pensez-vous?

Le président: Je permets la question, mais vous discutez maintenant d'un sujet que le comité n'a pas à étudier puisque personne n'a proposé cet amendement.

M. Daniel Turp: Pourriez-vous comparer la proposition de l'Alliance canadienne à la proposition que faisait la... Ce que je demande est pertinent puisqu'il s'agit de comparer un amendement qui existe, qui est devant nous,...

Le président: Un amendement qui n'est pas devant nous.

M. Daniel Turp: ...à une proposition faite par le Congrès juif canadien.

Le président: Très bien.

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Merci, monsieur le président.

Si je ne m'abuse, l'amendement auquel M. Turp fait référence stipulerait que le Canada a le droit de refuser de livrer un individu à la Cour pénale internationale si l'exécutif du gouvernement du Canada était d'avis que l'infraction en cause était de nature politique.

Le président: Exact.

M. Donald Piragoff: Si le Parlement devait adopter cet amendement, le Canada ne pourrait ratifier le traité. En effet, aucun motif de refus ne s'applique dans le cas d'une demande de remise de la Cour pénale internationale.

Les États ont convenu que la Cour pénale internationale serait un tribunal indépendant qui respecterait toutes les normes internationales en ce qui a trait aux droits de la personne et à la procédure en cas de procès. Par conséquent, ils ont convenu de ne pas appliquer les motifs de refus habituels qui s'appliquent en matière d'extradition d'un État vers un autre car en pareil cas, il se peut que l'on ait affaire à un État où la protection des droits de la personne ne correspond pas à nos normes ou à celles de la communauté internationale. Ou encore, il se peut que la demande de remise ne soit pas motivée par la volonté de traîner un criminel en justice mais par la persécution, la persécution politique. Voilà pourquoi ces motifs de refus sont opportuns dans le contexte d'une extradition d'un État vers un autre.

Dans le cadre des négociations du traité de Rome, les États ont convenu de ne pas appliquer à une demande de remise de la Cour pénale internationale les motifs de refus habituels qui existent dans les affaires inter-États car le tribunal ne se penchera pas sur la persécution politique des accusés. Il a été constitué par la communauté internationale pour rendre justice et supprimer toute possibilité d'impunité.

Si nous tentions d'introduire dans la loi canadienne des motifs de refus, nous ne serions sans doute pas en mesure de ratifier le Statut.

[Français]

M. Daniel Turp: Ça va probablement permettre au Congrès juif canadien d'obtenir une réponse par rapport à ce qu'il avait proposé au comité.

[Traduction]

M. Irwin Cotler: Monsieur le président, avec votre permission...

Le président: Oui, monsieur.

M. Irwin Cotler: ... aux fins...

[Français]

travaux préparatoires,

[Traduction]

du compte rendu, je pense que votre propre interprétation est juste et qu'une explication empreinte d'une perspective historique s'impose, simplement pour la gouverne de M. Lunn et du Congrès juif canadien.

Le fait d'intégrer aux crimes de guerre le transfert forcé, direct ou indirect, par une puissance occupante d'une partie de sa population civile dans le territoire qu'elle occupe se voulait une réponse au comportement horrible des Nazis au cours de la Deuxième Guerre mondiale et de Staline, réponse qui a subséquemment trouvé son expression dans cette interdiction en tant qu'atteinte grave aux conventions de Genève. Cet énoncé n'était pas censé s'appliquer aux questions de statut définitif—les rétablissements—dans les accords d'Oslo, qui font maintenant l'objet d'un débat entre Israël et les Palestiniens.

Le président: C'est juste. Autrement, Gibraltar serait rattaché...

M. Irwin Cotler: C'est exact.

Le président: ... à l'Espagne et cela déboucherait sur une multitude de conflits territoriaux. Et nous n'en verrions jamais la fin.

Comme nous comprenons tous cela, je peux maintenant mettre aux voix l'amendement R-6.

(L'amendement est rejeté)

• 1110

(L'article 4 modifié est adopté)

Le président: Merci, chers collègues. Cela a été très utile.

(Article 5—Manquement à la responsabilité: chef militaire)

Le président: J'attire votre attention sur le fait que les deux amendements proposés ne sont plus nécessaires en raison de l'adoption de G-2. Il n'y a donc aucun amendement proposé à...

Une voix: Ils ont été adoptés en même temps que G-2.

Le président: L'article 5 est-il adopté?

Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp: [Note de la rédaction: Inaudible].

Le président: À l'ordre du jour, nous avons les amendements G-4 et G-5 à l'article 5 du projet de loi, mais l'amendement G-2, qui a été mis aux voix, s'applique aux articles 4 et 5. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de les proposer formellement.

[Traduction]

Le président: L'article 5 est-il adopté?

M. Irwin Cotler: C'est comme l'article 4.

Le président: Précisément.

(L'article 5 est adopté)

(Article 6—Génocide, crime contre l'humanité, etc, commis à l'étranger)

Le président: L'article 6 est-il adopté?

M. Gary Lunn: Non, j'ai certains amendements.

Le président: Exact.

M. Gary Lunn: Je soupçonne, monsieur le président, qu'un certain nombre d'entre eux auront été réglés, de sorte que je les passerai en revue très brièvement.

Commençons par R-7. Je ne veux pas le proposer s'il est redondant. Le but visé était de reconnaître comme infraction un fait—acte ou omission commis au Canada ou à l'étranger dans la mesure où celui-ci avait un caractère criminel ou constituait une transgression du droit international au moment de sa perpétration. Je pense que nous essayons de consolider en une les deux définitions des crime de guerre contre l'humanité. N'est-ce pas ce qu'a fait M. Cotler?

Le président: Pouvez-vous répondre à cette question, monsieur Cotler?

M. Irwin Cotler: De quelle question s'agit-il, monsieur?

M. Gary Lunn: J'en suis à l'amendement R-7. Essentiellement, cette proposition vise à consolider les deux définitions de crime de guerre. Je sais que nous avons eu une discussion à ce sujet hier. Cela a-t-il été fait?

Je peux présenter l'amendement si vous voulez.

M. Irwin Cotler: Nous l'avons fait en partie. Je veux simplement vérifier auprès des fonctionnaires. Je pense que nous l'avons fait, mais je veux m'en assurer.

Le président: Monsieur Piragoff.

M. Donald Piragoff: Merci.

À la suite de l'amendement que nous avons apporté à l'article 4 en particulier, l'amendement G-3, qui a été adopté, et de l'adoption de l'article 4, ainsi que de l'amendement qui sera apporté à G-7—le président ayant dit, je m'en souviens, que le vote sur G-3 s'applique aussi à G-7—, nous avons fusionné la définition des infractions aux articles 6 et 4. Autrement dit, les articles 6 et 4 emploieront la même définition des infractions selon le cas, compte tenu que les deux articles sont de nature différente, l'un s'appliquant au Canada et l'autre à l'étranger.

M. Irwin Cotler: C'est l'harmonisation de...

Une voix: C'est vrai.

M. Gary Lunn: Il y a une harmonisation. D'accord. Comme c'était le but visé par cet amendement, il devient inutile.

Je vais maintenant passer au prochain, R-8. Cette proposition d'amendement repose sur l'affaire R. c. Finta, à l'élément mens rea—et je sais que Irwin reviendra là-dessus. L'amendement vise à s'assurer que l'accusé avait l'intention de commettre un acte inhumain.

Le président: Mais cela semble vouloir dire qu'il devait avoir eu cette intention, qu'il comprend ce qu'est le droit international. Il est précisé: «que son acte constitue une infraction selon le droit international».

M. Gary Lunn: Oui. Je peux vous expliquer la teneur de l'amendement, ses motifs, mais...

Le président: Allons-nous nous lancer dans un débat pour déterminer si les gens savent vraiment ce qu'est le droit international...? Même autour de la table nous ne pourrions nous entendre.

Monsieur Cotler.

M. Irwin Cotler: Ce que nous vous souhaitons, c'est que le Code criminel et les règles applicables à des infractions criminelles relevant du droit coutumier s'appliquent à la mens rea, à l'intention. Cet amendement n'est peut-être pas conforme à ce que vous aviez à l'esprit. En effet, il risque d'être plus restrictif que vous ne le souhaitez et de créer des problèmes concernant l'interprétation de la mens rea dans le contexte du droit international.

M. Gary Lunn: Oui. Je...

M. Irwin Cotler: C'était l'un des problèmes découlant de l'arrêt Finta.

M. Gary Lunn: Exactement. C'est aussi mon point de vue.

Poursuivons. L'amendement R-9 ne sera pas présenté.

Quant à R-10...

M. Daniel Turp: Qu'en est-il de R-8?

M. Gary Lunn: Nous venons d'en parler.

[Français]

M. Daniel Turp: Est-ce qu'il le retire?

Le président: Oui.

[Traduction]

M. Gary Lunn: R-9 n'est pas présenté. Quant à R-10, je pense que nous avons réglé son cas avec G-3 ou G-2. Par conséquent, c'est fait.

• 1115

Le président: C'est exact.

La greffière: Nous en sommes à G-6.

Le président: Non, laissez-le terminer tous ses amendements.

La greffière: Nous devons revenir à...

Le président: R-11 et R-12.

M. Gary Lunn: R-11 et R-12. Voulez-vous que j'en parle maintenant?

Le président: Oui. Ainsi, nous en aurons fini et ensuite nous pourrons...

M. Gary Lunn: L'intention de R-11...

Une voix: Il a aussi été fait.

M. Gary Lunn: C'est exact. Cela a aussi été réglé. R-11 est aussi terminé.

Et enfin, le dernier, R-12. L'amendement vise à faire en sorte que les crimes énoncés dans le Statut de Rome soient considérés comme des crimes aux termes du droit international conventionnel car ce ne sont manifestement pas des crimes aux termes du droit international coutumier. La raison d'être de l'amendement est de faire en sorte que ces crimes relèvent du droit international conventionnel par opposition au droit international coutumier. Je sais que nous en avons déjà parlé précédemment.

[Français]

M. Daniel Turp: Est-ce que vous le conservez?

[Traduction]

Mme Francine Lalonde: Gary, le conservez-vous?

M. Gary Lunn: R-12. Je voudrais en discuter avant de le proposer car M. Cotler a parlé tout à l'heure de la différence entre le droit international coutumier et le droit international conventionnel...

M. Irwin Cotler: Mais il est précisé «selon le droit international coutumier ou le droit international conventionnel», de sorte que les deux sont inclus. Si vous craignez que cela n'englobe pas le droit conventionnel, vous faites erreur. Il est inclus au même titre que le droit international coutumier.

M. Gary Lunn: Bien.

M. Irwin Cotler: Nous avons simplement été plus précis dans la définition du «droit international coutumier», mais le droit conventionnel est inclus.

Ai-je bien raison? C'est ce que j'ai cru comprendre car à l'article 6, le libellé précise: «selon le droit international coutumier ou le droit international conventionnel». Et on ajoute: «ou en raison de son caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations», ce qui se trouve au paragraphe 11g) de la Charte. C'est simplement une autre...

M. Gary Lunn: Il est donc préférable de mentionner les deux, par opposition au droit international conventionnel seulement? Je pose la question.

M. Irwin Cotler: Je ne suis pas sûr de comprendre.

Le président: Je peux peut-être vous expliquer cela.

M. Irwin Cotler: Oui.

Le président: Personnellement, je répondrais oui car c'est plus général. Vous rappelez-vous de notre discussion de tout à l'heure au sujet de la teneur du Statut de Rome? Il relève du droit conventionnel, mais nous pensons qu'il renferme des éléments de droit international coutumier. En outre, certains crimes de guerre vont plus loin que ce qui a été inclus ici. Tout dépend si l'on veut ratisser plus ou moins large. Si l'on mentionnait exclusivement le droit conventionnel, la portée serait beaucoup plus limitée car le droit international coutumier et l'usage coutumier des nations sont beaucoup plus vastes. Par conséquent, ne serait-ce qu'à cause du but recherché, je pense que l'intention du gouvernement et des législateurs est d'avoir un libellé qui soit le plus général possible à moins que vous vouliez le limiter.

M. Irwin Cotler: Je pense que cela englobe les trois principales sources.

M. Gary Lunn: Oui. Je pense que cette proposition était fondée sur la crainte que le droit international coutumier affaiblisse le droit conventionnel.

Le président: Non, il le renforce.

M. Gary Lunn: Très bien. C'est donc réglé.

Le président: R-12 est éliminé.

M. Gary Lunn: Oui.

Le président: Nous pouvons maintenant revenir à G-6, monsieur Cotler; s'il est adopté, il réglera le cas de G-8, G-11, G-12, G-13, etc., comme vous pouvez le voir sur votre feuille.

M. Irwin Cotler: Je veux m'assurer que l'amendement G-5, qui est de nature administrative, a aussi été approuvé car nous en avons parlé plus tôt.

La greffière: Il l'a été, oui.

Le président: À quelle page se trouve G-6?

M. Irwin Cotler: G-6 est à la page 23, qui est pratiquement aussi terminé.

La greffière: Non, nous devons faire G-6.

M. Irwin Cotler: Oui, je sais. Le principe.

Le président: Nous devons faire G-6.

M. Irwin Cotler: D'accord.

Le président: Mais nous en avons déjà parlé, de sorte que tout le monde sait de quoi il retourne.

[Français]

Tout le monde comprend.

[Traduction]

L'amendement est mis aux voix.

(L'amendement est adopté [Voir Procès-verbaux])

M. Irwin Cotler: C'est la même chose pour G-7. L'amendement vise à harmoniser l'article 6 à l'article 4. Nous avons déjà fait cela.

Le président: D'accord.

(L'amendement est adopté [Voir Procès-verbaux])

(L'article 6 modifié est adopté)

Le président: L'article 7 est-il adopté?

La greffière: Un certain nombre d'amendements sont inscrits au nom de M. Lunn, qui semble avoir disparu.

• 1120

Le président: D'accord. Nous allons réserver l'article 7 quelques instants.

(L'article 7 est réservé)

[Français]

M. Daniel Turp: Pourquoi est-ce qu'on saute l'amendement G-7?

Une voix: Parce qu'il n'est pas là.

[Traduction]

Le président: Nous allons le réserver.

[Français]

On va dialoguer lorsque M. Lunn sera là.

M. Daniel Turp: Il n'est pas là? D'accord.

À l'article 7, il y a aussi un amendement du gouvernement.

La greffière: On y revient.

[Traduction]

Le président: M. Lunn est de retour.

Désolé, monsieur Lunn. Nous avons réservé l'article 7 parce que vous aviez quitté la salle. Étant donné que vous souhaitez proposer un ou deux amendements, je ne voulais pas en discuter en votre absence. Puisque vous êtes là, nous devrions procéder dans l'ordre et examiner l'article 7. Nous allons revenir à l'article 7, amendements R-13 et R-14.

(Article 7—Manquement à la responsabilité: chef militaire)

Le président: D'après mes notes, ces amendements sont nécessaires uniquement si l'article 4 a été rejeté. Comme l'article 4 n'a pas été rejeté, j'en conclus qu'ils ne sont plus...

M. Gary Lunn: Oui. Nous voulions simplement ajouter «au Canada ou à l'étranger». Cela a été réglé.

Le président: D'accord. Nous pouvons donc éliminer ces deux là.

[Français]

M. Daniel Turp: R-14?

Le président: R-14.

L'amendement G-8.

[Traduction]

M. Irwin Cotler: Que le projet de loi C-19, à l'article 8, soit modifié par substitution, aux lignes 37 à 42, page 8...

Une voix: Non, non, G-8.

Le président: Nous avons déjà réglé ce cas, n'est-ce pas?

Une voix: Oh, oui. Je suis désolé. Excusez-moi. Il s'applique.

Le président: Oui, G-8 s'applique déjà, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'en parler. Il a été inclus.

[Français]

M. Daniel Turp: Pouvez-vous nous donner deux minutes pour regarder la version française?

Le président: De G-8?

M. Daniel Turp: Oui.

Le président: D'accord. Excusez-moi.

[Traduction]

(L'article 7 modifié est adopté)

(Article 8—Compétence)

Le président: L'article 8 est-il adopté?

Une voix: Un instant!

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous avez un amendement, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Je dois passer au vote. Quelqu'un doit proposer l'amendement. Il faut que quelqu'un dise: «Insérez mon amendement.» À défaut de cela, il tombera.

M. Irwin Cotler: L'amendement est le suivant: que le projet de loi C-19, à l'article 8, soit modifié par substitution, aux lignes 37 à 42, page 8, de ce qui suit et nous référons en particulier à l'alinéa b):

    b) après la commission présumée de l'infraction, l'auteur se

trouve au Canada.

Le président: Très bien. Je me rappelle que nous en avons discuté hier.

M. Irwin Cotler: Oui.

Le président: Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp: Je veux connaître la portée de cet article une fois qu'on aura adopté l'amendement, si c'est le cas. Je voudrais avoir des explications de nos amis des Affaires étrangères.

Le président: Monsieur Piragoff.

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Je crois avoir entendu M. Turp dire qu'après l'adoption de l'amendement, il voulait...

Des voix: Oh, oh!

M. Daniel Turp: Dans ce cas, je vais reformuler ma phrase.

Le président: Impressionnant! Avez-vous été formé par les Jésuites, monsieur Piragoff?

Des voix: Oh, oh!

[Français]

M. Daniel Turp: C'est un des avantages qu'il y a à avoir été formé par les Jésuites. Pourriez-vous nous informer de la portée de ce projet d'amendement et de la compétence que les tribunaux du Canada pourraient exercer en cette matière?

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Cette disposition est conforme au concept traditionnel de la compétence universelle en vertu de laquelle si l'auteur d'un crime de guerre, d'un crime contre l'humanité ou d'un génocide se trouve au Canada, il est passible de poursuites.

Essentiellement, cela reflète une position qui existe déjà dans le Code criminel à l'égard d'autres infractions extraterritoriales internationales qui relèvent de la compétence universelle. Cela reflète le concept international selon lequel ce type de criminel ne commet pas simplement des infractions contre des victimes en particulier, mais contre une communauté de nations. Il s'ensuit qu'aux termes du droit international, une nation qui peut mettre la main au collet d'un individu ayant perpétré de tels crimes est habilitée à le traîner en justice. Cela reflète enfin la notion traditionnelle de compétence universelle voulant que tous les États aient le droit de poursuivre en justice ces perpétrateurs s'ils les appréhendent.

• 1125

Merci.

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Monsieur le président, je voudrais souligner certaines disparités entre le texte anglais et le texte français. Dans le texte anglais, le mot «after» est souligné, alors que dans le texte français, c'est l'expression «la commission présumée de l'infraction» qui est soulignée. Dans le texte français, on dit «l'auteur se trouve au Canada», alors qu'on dit dans le texte anglais «the person is».

Mme Francine Lalonde: De toute manière...

M. Denis Paradis: Il faudrait peut-être aligner les deux textes.

Le président: C'est parce qu'il faut que le texte français soit conforme au texte français de l'article même.

M. Denis Paradis: À cause des lignes.

Le président: C'est ça.

M. Daniel Turp: Mais ils ont remplacé «celui-ci» par «l'auteur». Est-ce que c'est souhaitable? Et il y a peut-être le problème des lignes 37 à 42 parce qu'il n'y a pas de ligne... Ah oui, il y a...

M. Irwin Cotler: Dans la traduction, «l'auteur» remplace «celui-ci».

Le président: Excusez-moi. Vous dites que dans la version française, «person» est traduit par «auteur».

M. Daniel Turp: Dans la version actuelle, «person» est traduit par «celui-ci».

Le président: Oui.

M. Daniel Turp: Dans l'amendement, «person» est traduit par «l'auteur». Est-ce qu'il faudrait privilégier «l'auteur» ou «celui-ci»?

Le président: Bonne question.

M. Daniel Turp: Dans le reste du projet de loi, est-ce qu'on a privilégié «l'auteur»? Il me semble que oui.

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Dans la disposition originale du projet de loi, on emploie celui-ci, mais évidemment on ignore à qui renvoie celui-ci, car les autres termes qui, à l'alinéa 8b) précisaient de qui il est question ont été supprimés.

[Français]

Une voix: Le mot «auteur» est en règle générale utilisé. Le terme «celui-ci» correspond à «person».

[Traduction]

Le président: Monsieur Narvey, je serai dans l'obligation de vous demander de quitter la salle si vous interrompez de nouveau nos délibérations. Nous ne pouvons tolérer qu'on agisse ainsi. Je sais que vous avez de bonnes intentions et que vous voulez faire de votre mieux. Les conseils que vous avez prodigués au comité ont été très utiles, et je vous en remercie, mais nous devons respecter une certaine procédure, au risque de perdre tout contrôle sur le déroulement des travaux.

Je vous demanderais donc de respecter cela et si vous ne le pouvez pas, ayez l'obligeance de partir. Mais merci beaucoup.

Monsieur Piragoff.

M. Donald Piragoff: Comme je l'ai dit tout à l'heure, le libellé original de la version française dit: celui-ci se trouve au Canada, mais celui-ci ne précise pas de qui il est question.

À la ligne 40 du paragraphe 8b), on emploie dans la version française le terme l'auteur, ce qui correspond, si je ne m'abuse, à la ligne 21 ou 22 où il est question de l'accusé—la personne qui est accusée. Essentiellement, on utilise des termes qui existent déjà dans le projet de loi actuel. Le terme l'auteur est déjà présent à la ligne 40 de la version française et on remplace simplement le terme celui-ci par une description plus précise de la personne dont il est question, soit l'auteur.

Le président: D'accord. Sommes-nous satisfaits de cette explication?

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Il y a un problème dans la rédaction de l'amendement tel qu'il est là. Quand on dit «substitution, aux lignes 37 à 42, de ce qui suit», ça ne fonctionne pas.

Le président: Excusez-moi. Ça va?

• 1130

M. Daniel Turp: Je ne sais pas si c'est une habitude des légistes, mais ce qu'il y a d'intéressant en anglais, c'est que le langage est inclusif: person. Or, quand on met «l'auteur», au masculin, c'est moins inclusif. Le mot «personne» aurait pu être utilisé parce qu'il est plus inclusif. C'est juste une remarque pour qu'à l'avenir l'inclusion soit aussi réelle en français qu'en anglais. J'imagine que cela va susciter de grands débats parmi les traducteurs.

Une voix: Laissons-les à leur débat.

M. Daniel Turp: Laissons-les là.

Le président: Est-ce que c'était une observation?

M. Daniel Turp: C'était une observation, monsieur le président.

Le président: Merci.

M. Daniel Turp: Mais attendez.

Le président: Oui.

M. Daniel Turp: J'ai un point à soulever. Cela, c'est la disposition qui concerne la compétence universelle. On a eu des débats, hier et avant, sur la portée de cette compétence universelle et je comprends que c'est la position qui est reflétée dans cette disposition. Le gouvernement, au moment où nous nous parlons, refuse d'intégrer une compétence universelle élargie, parce que ce n'est que lorsque qu'elle sera présente sur le territoire du Canada que l'on acceptera de traduire en justice une personne qui sera accusée de crimes graves. Est-ce que je comprends bien cela?

Je comprends que cette disposition fait en sorte que le gouvernement ne voudra pas ou ne pourra pas demander l'extradition de quelqu'un qui est accusé ou qui pourrait être accusé d'avoir commis un crime. Par exemple, cette disposition empêcherait le Canada de requérir l'extradition du général Pinochet.

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Merci, monsieur Turp.

Si un individu tombe sous le coup du paragraphe 8a)—autrement dit, si l'auteur de l'infraction est un ressortissant du Canada ou d'un État allié ou si la victime est ressortissant canadien ou correspond à l'une ou l'autre des descriptions énoncées aux sous-alinéas 8a)(i) à (iv)—, le Canada sera en mesure de réclamer son extradition.

Le président: Pour reprendre l'analogie de M. Turp au sujet de M. Pinochet, je crois savoir que les autorités espagnoles ont exigé l'extradition de M. Pinochet en faisant valoir qu'il y avait des victimes espagnoles; il y avait donc un lien avec le crime.

En l'occurrence, nous insistons sur le même critère: il faut qu'il y ait un rapport avec le Canada. Nous ne pourrions demander l'extradition de quelqu'un simplement parce qu'un incident s'est produit quelque part dans le monde sans pour autant mettre en cause des Canadiens. Est-ce là essentiellement...

M. Donald Piragoff: C'est exact. Il doit y avoir un lien, soit que la personne correspond à l'énoncé du paragraphe 8a), soit qu'elle est présente au Canada.

Le président: C'est juste. Le lien tient à la compétence à l'égard de la personne, qui est traditionnelle en droit pénal, ou de la présence d'une victime canadienne dans l'affaire.

[Français]

M. Daniel Turp: Je veux, pour les fins du débat, prendre acte du fait que dans la mesure législative telle qu'elle est proposée, ce nexus sera essentiel et que, contrairement à l'Espagne et à la Belgique, dans l'état actuel des choses, le gouvernement n'est pas prêt à intégrer une disposition qui concerne la compétence universelle élargie sans qu'il y ait de lien de nationalité de la victime, de l'accusé, ou sans que cette personne soit présente sur le territoire. Je comprends bien que par cette disposition, le gouvernement ne veut pas faire comme l'Espagne et la Belgique dans l'état de leur...

Le président: Excusez-moi. Monsieur Turp, avant qu'on ne réponde à votre question, je dirai que je croyais que vous aviez convenu avec moi que dans le cas de l'Espagne, il y avait des victimes espagnoles et qu'il y avait donc une nécessité.

• 1135

M. Daniel Turp: Oui, là on parle du cas Pinochet, mais la loi espagnole permettrait à l'Espagne, sans lien de nationalité ou sans présence sur le territoire, de demander l'extradition. Ce n'est pas ce que le gouvernement du Canada est disposé à faire. Est-ce que j'ai bien compris?

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Comme je l'ai dit, monsieur le président, le gouvernement du Canada a l'intention de mettre en oeuvre le concept de la compétence universelle de la même façon qu'elle l'a fait dans d'autres amendements au Code pénal, en se fondant sur son interprétation historique. Si d'autres pays souhaitent affirmer leurs compétences d'une autre façon ou interpréter autrement la compétence universelle, ils sont libres d'exercer leur souveraineté à leur gré.

Le président: Sous réserve des contraintes du droit international.

M. Donald Piragoff: Sous réserve des contraintes de l'affaire Lotus et dans le respect du droit international. Comme je l'ai mentionné hier dans notre discussion, à ce stade-ci le gouvernement entend privilégier l'approche traditionnelle. Quant à savoir ce que nous réserve l'avenir, le gouvernement peut toujours modifier sa politique.

M. Daniel Turp: Est-ce sujet à discussion, comme vous l'avez dit hier? Seriez-vous prêt à répéter cela aujourd'hui?

M. Donald Piragoff: J'ai dit que le gouvernement est toujours ouvert...

Des voix: Oh, oh!

M. Donald Piragoff: N'ai-je pas dit hier que nous étions progressistes, monsieur Turp?

M. Daniel Turp: Oui, mais j'ai rétorqué que vous ne l'étiez peut-être pas suffisamment. Vous avez alors répondu que vous étiez favorable à une discussion sur la compétence universelle élargie. Seriez-vous prêt à réitérer cela aujourd'hui?

M. Donald Piragoff: Notre échange d'hier a duré plus d'une heure, et je ne pense pas que les gens souhaitent nous voir reprendre cette discussion. Merci, monsieur Turp. Ce fut un débat très intéressant, mais...

[Français]

M. Denis Paradis: Monsieur le président, je demande le vote.

Le président: C'est une bonne idée.

[Traduction]

L'amendement est-il adopté?

[Français]

M. Daniel Turp: Nous sommes contre l'amendement.

Le président: D'accord. Vous êtes contre.

M. Daniel Turp: Nous sommes contre pour les raisons mentionnées plus tôt: nous souhaiterions une compétence universelle élargie.

Le président: D'accord.

(L'amendement est adopté avec dissidence)

M. Daniel Turp: Peut-être que cela pourra faire l'objet d'un amendement à une autre étape de l'étude de ce projet de loi.

Le président: Souvenez-vous que lorsque les Américains exerceraient leur compétence de façon un peu trop large et libérale, pour emprunter le mot de Mme Debien, nous ne serions plus en mesure de nous opposer à cette vision impérialiste de la loi américaine. Nous ne pouvons pas être impérialistes nous-mêmes et résister à l'impérialisme des autres.

M. Daniel Turp: Rarement l'invoquent-ils pour des questions de crimes graves en vertu du droit international. C'est très différent. M. Cotler est assez sympathique à cette vue-là. Sur la question du général Pinochet, M. Cotler était peut-être disposé à ce que le gouvernement du Canada, en vertu du droit international, puisse exercer une compétence universelle élargie.

M. Denis Paradis: Il est sympathique, Irwin.

[Traduction]

Des voix: Oh, oh!

M. Irwin Cotler: Je tiens à préciser que nous avons adopté antérieurement une démarche évolutive en ce qui concerne l'interprétation du droit international. Par conséquent, elle est progressiste.

M. Daniel Turp: Je ne vous ai pas entendu, Irwin.

M. Irwin Cotler: J'ai dit que tout à l'heure, dans un autre contexte, nous avons adopté le libellé suivant:

    Sans que soit limitée ou entravée de quelque manière que ce soit l'application des règles de droit international existantes ou en formation.

J'ai dit que nous avions adopté une approche évolutive en matière de droit international.

M. Daniel Turp: Non, c'est autre chose. C'est une question de juridiction.

M. Irwin Cotler: Je sais.

[Français]

M. Daniel Turp: Attention. Ce n'est pas une question de compétence.

[Traduction]

Mme Jean Augustine: Monsieur le président, allons de l'avant.

(L'article 8 modifié est adopté avec dissidence)

Le président: L'amendement R-15 n'est pas un amendement à l'article 11; c'est une introduction à un article entièrement nouveau. Je demande donc le vote sur les articles 9, 10 et 11.

(Les articles 9 à 11 inclusivement sont adoptés)

Le président: Vous voudriez présenter R-15 maintenant?

M. Gary Lunn: C'est exact.

Le président: D'accord.

• 1140

[Français]

M. Daniel Turp: Est-ce que je pourrais demander, avant que nous ne l'examinions, le retrait de notre proposition d'ajouter un article 11.1?

Le président: Excusez-moi.

M. Daniel Turp: Avant que ne soit débattu l'amendement B-4, nous aimerions le retirer.

Le président: C'est d'accord. Mais vous ne l'avez pas présenté formellement. Ce n'est pas nécessaire de le retirer.

M. Daniel Turp: D'accord.

[Traduction]

M. Gary Lunn: Je propose que le projet de loi C-19 soit modifié par adjonction, après la ligne 39, page 9, du nouvel article suivant:

    11.1 Par dérogation à toute autre loi ou règle de droit, nul ne peut bénéficier de l'immunité qui existe en vertu du droit statutaire ou de la common law relativement à une poursuite pour une infraction visée par la présente loi.

Monsieur le président, la raison d'être de l'amendement est de préciser que quiconque, agent indépendant de l'Etat ou chef d'Etat, peut être traduit en justice pour génocide, crimes de guerre ou crimes contre l'humanité. C'est là l'intention, simplement pour être sûr que c'est bien clair.

Le président: L'amendement R-15 se trouve à la page 35 de la trousse qui vous a été remise, et M. Lunn vient de vous en fournir une explication. Pourriez-vous commenter l'amendement?

M. Darryl Robinson: C'est un amendement auquel on ne peut manquer d'être sympathique. Le but visé ici est une priorité pour le gouvernement du Canada. Ce dernier veut faire en sorte qu'il n'y ait pas d'immunité possible. Le problème, c'est que le Canada a des obligations internationales existantes en matière d'immunité et que cette disposition transgresserait un certain nombre de ces obligations.

Je devrais expliquer que le droit international progresse sur la question des immunités. Par exemple, dans la foulée de l'affaire Pinochet au Royaume-Uni, il nous apparaît clairement que les tribunaux canadiens appliqueraient ce précédent dans le contexte de la common law, de sorte que le Canada pourrait poursuivre, par exemple, un ancien chef d'État comme Pinochet. Mais il reste d'autres immunités qui ne sont pas encore supprimées, certaines relevant du droit coutumier, d'autres du droit international conventionnel.

Par exemple, le Canada a ratifié la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Nous offrons aux diplomates en poste ici une immunité absolue. Il n'y a pas d'exception. Notre seul recours serait de demander une dérogation. Si nous voulons poursuivre un diplomate, nous pouvons demander une dérogation et tenter de le poursuivre devant les tribunaux ici. Or, pour ce faire, nous n'avons nul besoin d'un amendement législatif. Mais autrement, si une personne jouit d'une immunité personnelle absolue, cette disposition violerait nos obligations internationales.

Par conséquent, dans la perspective des Affaires étrangères du bureau du conseiller juridique, cette disposition serait fort gênante.

Je précise, toutefois, que cela ne signifie pas l'impunité. Il existe des options. Par exemple, une personne jouissant d'une immunité personnelle absolue, notamment un diplomate, peut être poursuivie dans son pays d'origine. Nous pouvons demander une dérogation et tenter de poursuivre la personne en question de cette façon ou—ce qui serait encore mieux, et c'est précisément pourquoi il nous faut constituer une Cour pénale internationale même si des États ont obtenu de telles immunités par le biais de traités comme les Conventions de Vienne, ils peuvent, également par voie de traité, abandonner ces immunités et c'est ce qu'ils ont fait dans le Statut de Rome.

Dans notre projet de loi, l'article 48, par exemple, précise que l'immunité ne sera pas accordée...

M. Gary Lunn: J'ai une très brève question. Je comprend qu'il existe déjà des ententes conférant l'immunité à ces personnes, mais essentiellement l'amendement précise que dans le cas d'infractions comme le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, qui sont très particuliers, nous n'accorderons pas l'immunité aux chefs d'État.

Ne pouvons-nous pas faire cela maintenant? Pourquoi ne pouvons-nous pas aller de l'avant et dire...? Je veux une réponse brève.

M. Darryl Robinson: C'est une question brillante. Je vous répondrai par une autre question: comment garantir que la personne a...? Voyez-vous, vous pensez à un tribunal canadien et vous êtes convaincu qu'un tribunal canadien et des avocats canadiens ne traîneront pas en justice un individu pour des motifs autres que le génocide, les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité. Mais imaginez-vous que nous sommes en Iraq et que l'Iraq a l'intention d'adopter cette disposition. Quelle serait votre réaction?

Dans noter régime, les chefs d'État et les diplomates jouissent d'une immunité absolue. La raison d'être de cette immunité est de les protéger contre le harcèlement et la persécution. Les diplomates et les chefs d'État ne peuvent être accusés de vol à l'étalage, de meurtre, et ainsi de suite. Si le droit international autorisait cela, l'Iraq ou n'importe quel autre pays n'aurait qu'à accuser un chef d'État ou un diplomate de crime de guerre et à ce moment-là, tout le système s'effondrerait. Voilà pourquoi la Convention de Vienne est extrêmement rigide et tout à fait claire: aucune exception n'est permise. C'est notre système qui veut cela. Mais encore une fois, c'est la raison pour laquelle nous avons besoin d'un tribunal pénal international.

• 1145

Je signale qu'aux termes de l'article 98 du Statut de Rome, même la Cour pénale internationale est tenue de prendre en compte le fait qu'une personne jouit de l'immunité conférée à un chef d'État ou à un diplomate. Si c'est le cas, la cour ne demandera pas leur remise car cela amènerait un gouvernement à transgresser ses obligations internationales existantes.

Le président: Pour mettre les choses en contexte, récemment, certaines allégations ont été portées contre des chefs d'État pendant la conférence de la francophonie au Nouveau-Brunswick. Quelqu'un aurait pu porter une accusation contre un chef d'État en visite auprès d'un tribunal local. Et soudainement, cela déclencherait tout... même si cela se produit dans le contexte d'une conférence diplomatique. C'est le genre de choses qui vous inquiète, n'est-ce pas?

M. Darryl Robinson: Oui, et il va de soi que c'est une question très difficile car elle oppose notre désir de traiter sans ménagement les auteurs de génocide, de crimes contre l'humanité, etc. et la nécessité de maintenir le discours international. Par conséquent, je comprends que c'est très difficile. Mais les Conventions de Vienne sont claires.

Le président: Oui. Je comprends.

J'avais sur ma liste M. Turp et ensuite, M. Cotler.

[Français]

M. Daniel Turp: J'ai plusieurs questions sur cet amendement.

La première question porte sur l'immunité des anciens chefs d'État comme M. Pinochet. Vous parlez de la jurisprudence du Royaume-Uni. N'est-il pas vrai qu'elle a une portée limitée et qu'en vertu de la loi actuelle, même si M. Pinochet était sur le territoire du Canada, comme ancien chef d'État, il pourrait tout de même, à la lumière de la jurisprudence du Conseil privé, bénéficier d'une immunité? Ne devrait-on pas faire quelque chose pour préciser qu'un ancien chef d'État n'a aucune immunité? Si ma connaissance de l'arrêt du Conseil privé est bonne, elle ouvre encore la porte à l'immunité dans certains cas, pour un ancien chef d'État. C'est ma première question. Peut-être pourrais-je avoir une première réponse.

[Traduction]

M. Darryl Robinson: Si cela peut rassurer le comité, je peux vous dire que j'ai rapidement passé en revue les amendements, et il semble que ce soit la dernière question compliquée. Par conséquent, il vaut la peine de...

Il y a deux types d'immunités. L'immunité personnelle—qui est une immunité absolue garantissant l'inviolabilité de votre personne—et l'immunité liée au fait d'assumer une charge particulière, celle-ci pouvant prendre diverses formes. Cette immunité vise des fonctions particulières qui peuvent avoir été exercées dans le passé. C'est de ce second type d'immunité que jouit un ancien chef d'État.

L'ancien chef d'État est assuré de l'immunité relativement aux actes qu'il a posés dans le cadre de ses fonctions officielles et, dans la foulée de l'affaire Pinochet, il semble clair—et c'est une décision de la common law qu'appliqueront sans doute les tribunaux canadiens—que le concept de fonctions officielles n'inclut pas la commission d'un génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre. D'après notre interprétation, une personne qui se trouverait dans cette situation au Canada ne pourrait sans doute pas jouir de l'immunité. En fait, mes collègues qui ont suivi cette affaire de près m'ont expliqué que le cas Pinochet s'articulait autour d'un problème dans la législation du Royaume-Uni, problème qui n'existe même pas au Canada.

[Français]

M. Daniel Turp: Ma deuxième question est la suivante: est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une exception dans cet article ou dans un article sur l'immunité lorsque la personne a agi à l'extérieur de ses fonctions officielles?

[Traduction]

M. Darryl Robinson: Encore une fois, tout repose sur cette distinction entre les deux types d'immunité. Pour ce qui est de l'immunité liée à la conduite, celle dont jouit l'ancien chef d'État, vous avez tout à fait raison, lorsque la personne en question a de façon aussi flagrante outrepassé son... Je ne sais pas si «outrepasser» est le terme qui convient. Lorsqu'une personne outrepasse le champ de son mandat officiel en commettant un génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre, à ce moment-là, elle ne devrait pas—du moins, je pense—pouvoir se prévaloir de la protection découlant de cette immunité.

• 1150

M. Daniel Turp: D'après la législation canadienne sous sa forme actuelle?

[Français]

Est-ce que ce serait votre position?

[Traduction]

M. Darryl Robinson: Oui. Vous me mettez sur la sellette en me demandant de vous fournir à brûle-pourpoint un avis juridique. Mais c'est ce que je crois être la position du gouvernement du Canada. Nous avons eu des discussions à ce sujet, et c'est ce que je crois comprendre. Je ne peux vous offrir plus de certitude.

Quoi qu'il en soit, pour ce qui est de l'immunité personnelle, il n'y a pas lieu de se demander si les actes en question s'inscrivaient ou non dans le mandat de la personne concernée. C'est une immunité personnelle. Leur corps est inviolable. Encore une fois, cela peut sembler difficile à accepter, mais cela est nécessaire pour permettre aux chefs d'État et aux diplomates de voyager.

Mais l'on note des progrès, l'un d'eux étant bien sûr la création de la Cour pénale internationale. Un autre gage de progrès est la propagation d'une culture où l'on réclamera de façon plus vigoureuse que les perpétrateurs de tels crimes soient poursuivis, que ce soit en les renvoyant dans leur pays, en demandant une dérogation ou en les remettant à la CPI.

[Français]

M. Daniel Turp: J'ai une troisième question, monsieur le président. Elle est très précise. Je ne sais pas si vous allez être en mesure d'y répondre. Supposons que dans le cadre du Sommet de la Francophonie, comme M. Graham l'a présenté, un chef d'État soit arrêté. Dans l'état actuel des choses, quelles dispositions de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques pourraient être invoquées pour empêcher nos tribunaux de le traduire en justice?

Est-ce que cette convention s'applique lorsqu'un chef d'État ou de gouvernement est de passage sur un territoire en sa qualité de chef d'État ou de gouvernement pour un sommet de la Francophonie ou un sommet du Commonwealth? Si ce n'est pas la Convention de Vienne, est-ce qu'il y a une immunité de nature coutumière qui pourrait être invoquée devant nos tribunaux si on procédait à son arrestation et si on voulait le traduire en justice?

[Traduction]

M. Darryl Robinson: Votre question dépasse quelque peu le champ de ma compétence, mais il importe de faire la distinction entre les différents types d'immunité. Il y a l'immunité accordée aux diplomates accrédités aux termes de la Convention de Vienne. Il y a une immunité issue du droit coutumier, celle dont jouissent les chefs d'État en cours de mandat. Je crois qu'on peut aussi conférer une immunité à un représentant qui aurait été invité officiellement par un État pour affaires. On s'entend pour dire qu'une immunité va de pair avec cette fonction. Je pense qu'elle découle de notre Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales.

Mais je vous fournis cette réponse sous toute réserve car cela dépasse le champ de ma compétence.

Votre question comportait un autre volet auquel je n'ai pas répondu.

[Français]

M. Daniel Turp: Laissez-moi reformuler ma question de façon très concrète. Ce sera ma dernière question là-dessus, monsieur le président. Pendant le Sommet de la Francophonie, des gens ont demandé que soit arrêté le président du Burundi. Il y avait des demandes très concrètes, et j'imagine que le ministère a dû se pencher là-dessus, faire des recherches ou demander des opinions juridiques. Dans ce cas particulier ou dans l'éventualité d'un cas analogue, croyez-vous cette personne aurait bénéficié de l'immunité devant nos tribunaux et que cela aurait été une des raisons pour lesquelles on n'aurait pas procédé ou même voulu procéder à son arrestation?

[Traduction]

M. Darryl Robinson: Oui. Merci beaucoup. En fait, cela m'a rappelé le dernier volet de votre question.

Si la présente mesure, la Loi sur les crimes contre l'humanité, est adoptée, le Canada devra modifier sa pratique lorsqu'il invitera à l'avenir des diplomates, des chefs d'État etc., à l'occasion de futurs sommets. Je m'explique: à des fins de transparence et de réciprocité, nous devrons spécifiquement aviser les personnes en question qu'elles sont invitées au Canada et qu'elles jouiront de l'immunité habituelle, etc., sous réserve d'une demande de remise présentée par l'IPC ou par un tribunal institué par le Conseil de sécurité. À ce moment-là, ils ne seront assurés d'aucune immunité. Tous nos visiteurs seront avisés à l'avance de cette nouvelle pratique, qui constitue un progrès.

• 1155

Le président: Une précision, je vous prie. Ils auront toute immunité contre les poursuites devant un tribunal national, mais ils en seront dépourvus si un mandat international d'arrestation est lancé contre eux par la Cour pénale internationale. Autrement dit, nous avons parcouru la moitié du chemin.

M. Darryl Robinson: Oui. Même pour ce qui est du premier type d'immunité, l'immunité contre toutes poursuites au Canada, tout dépend de la personne et du type exact de...

Le président: Oui, je comprends cela. Cependant, nous parlons d'un chef d'État.

M. Darryl Robinson: Oui, d'un chef d'État en poste.

M. Daniel Turp: Ou d'un ancien chef d'État.

M. Darryl Robinson: Un ancien chef d'État est dans une situation différente.

Le président: J'essaie de comprendre la situation des chefs d'État car il se tiendra en avril prochain à Québec une conférence réunissant les chefs d'État des Amériques. Toutes ces questions seront d'actualité pour nous et il est important que nous comprenions bien de quoi il retourne. Nous ne voulons pas en arriver au point de ne même pas pouvoir organiser une conférence internationale dans notre pays ou de ne pas être en mesure de mener à bien notre diplomatie.

Par ailleurs, si un mandat international d'arrestation est en vigueur, vous nous dites que tous les intéressés vont comprendre. Ce sont là les nouvelles règles du jeu.

D'après ce que je comprends, tout le monde veut être protégé contre les décisions irrationnelles d'un tribunal national qui pourrait faire preuve de chauvinisme. On peut prendre l'exemple de l'Iraq ou d'un autre pays. Nous savons tous que les tribunaux américains peuvent se montrer plutôt agressifs dans l'exercice de leurs compétences, agissant comme il ne viendrait pas à nos propres tribunaux l'idée d'agir. Mais si c'est la Cour pénale internationale qui a compétence, à ce moment-là, la communauté mondiale elle-même accepte cela et les chefs d'État internationaux devront accepter que c'est désormais ainsi que tourne le monde.

À ma connaissance, notre démarche est conforme à cet esprit.

Désolé, monsieur Cotler. Je sais que vous vouliez intervenir.

M. Irwin Cotler: Je veux simplement signaler qu'à mon avis, nous avons fait plus que la moitié du chemin. Dans le cas d'une poursuite devant un tribunal national au Canada, si une personne réclamait l'immunité pour l'une ou l'autre des infractions prévues dans la mesure, que ce soit un crime de guerre, un crime contre l'humanité ou un génocide, elle se heurterait non seulement à la doctrine Pinochet applicable aux anciens chefs d'État, mais aussi à la mise en accusation de Milosevic. Cette doctrine a maintenant une portée plus vaste puisqu'elle s'applique aux chefs d'État actuels.

Il faut aussi tenir compte—et cela n'a pas été mentionné—de l'article 27 du Statut de Rome. On a fait référence à l'article 98—en raison des complications liées aux obligations internationales qui se lit comme suit:

    La Cour ne peut présenter une demande de remise ou d'aide qui exigerait de l'Etat auquel cette demande est faite

—et je dirais que cela nous concerne—

    agisse en violation de ses obligations aux termes du droit international en ce qui a trait à l'immunité des Etats ou à l'immunité diplomatique d'une personne...

Mais il me semble qu'un tribunal national du Canada pourrait faire référence à l'article 27 du Statut de Rome. J'espère qu'en temps opportun, nous modifierons d'autres mesures législatives pour les rendre conformes à l'article 27 du statut régissant la Cour pénale internationale, mais dans l'intervalle, les tribunaux seraient saisis de l'affaire.

Le président: C'est exact.

[Français]

Oui, allez-y.

Mme Francine Lalonde: Tout à l'heure, on a fait référence à un texte du Statut de Rome et on a dit ne pas pouvoir être en désaccord sur ce texte. L'article 27 dit très clairement:

    Le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle.

Et ça continue. Le paragraphe 2 dit:

    Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne.

Comment cet article peut-il être ainsi et comment le Canada, qui met en application le Statut de Rome, pourrait-il s'opposer à des plaintes faites au Canada contre des chefs d'État qui pourraient être poursuivis?

[Traduction]

Le président: Je peux essayer de vous expliquer cela rapidement et nous verrons ensuite si M. Robinson est d'accord ou non avec moi.

Si j'ai bien compris la discussion jusqu'ici, il s'agit de savoir quand les tribunaux nationaux auront compétence et quand la Cour pénale internationale aura compétence. D'après l'article 27, le tribunal international pourra exercer sa compétence à l'endroit des chefs d'État en poste. Ainsi, M. Milosevic ne peut invoquer la Convention de Vienne en raison du mandat d'arrestation qui a été lancé contre lui par le Tribunal international.

Ce pouvoir très important sera conféré au nouveau Tribunal pénal international, mais accorder le même pouvoir à tous les tribunaux nationaux dans les 144 pays du monde, y compris Fidji dans les circonstances actuelles, c'est délimiter une nouvelle aire de compétence judiciaire, ce qui, si chaque tribunal s'arrogeait ce pouvoir, pourrait déboucher sur le chaos total sur la scène internationale.

• 1200

Dans une certaine mesure, nous établissons une distinction rationnelle en créant une instance internationale auquel nous accordons toute confiance, et en lui conférant des pouvoirs supérieurs à ceux que nous consentirions à nos tribunaux nationaux.

À mon avis, cela ne pose pas de problème intellectuel. C'est logique.

Une voix: Passons au vote.

Le président: C'est ce que je voudrais proposer.

M. Cotler et ensuite, M. Turp. Je pense que nous pourrons ensuite passer au vote.

Mais êtes-vous d'accord avec mes propos, monsieur Robinson? Vous n'êtes pas obligé de l'être.

M. Darryl Robinson: Non, vous avez tout à fait raison, monsieur. L'article 27 établit une différence importante quant à la compétence du tribunal. Autrement dit, en droit international, le principe directeur est l'égalité souveraine des États, et l'un des corollaires de ce principe est qu'un prince ne peut juger un autre prince.

M. Turp sourit. Nous avons eu cette conversation à notre première séance.

Un prince ne peut en juger un autre, mais les princes peuvent s'allier, conclure un traité, créer une institution supérieure investie de toutes les garanties nécessaires pour être s'assurer qu'il n'y aura pas de poursuites mues par des motifs politiques et ensuite, doter ce tribunal du pouvoir d'ignorer même les immunités absolues.

Le président: D'accord.

Monsieur Cotler.

M. Irwin Cotler: J'allais simplement dire, monsieur le président, qu'il me semblerait opportun d'adopter un principe de non-immunité fondé sur l'article 27 du statut de la Cour pénale internationale, en l'assortissant à l'article 98 concernant les problèmes qui existent dans d'autres lois. Mais je ne pense pas que nous puissions le faire maintenant pour des raisons d'ordre administratif. Il nous faudrait pour ce faire modifier la législation connexe et être saisis d'un amendement en bonne et due forme, et ce n'est pas le cas.

J'espère que le principe énoncé à l'article 27 sera le celui qu'adopterait un tribunal national saisi d'une telle question et que nous envisagerons de modifier en ce sens notre législation en ce qui concerne les immunités.

Le président: Autrement, vous dites au comité qu'en théorie, vous êtes en faveur de l'amendement de M. Lunn...

M. Irwin Cotler: Oui.

Le président: ... mais que vous ne pouvez l'appuyer maintenant parce que c'est trop compliqué.

M. Irwin Cotler: Je suis en faveur de l'amendement. J'irais même jusqu'à en élargir la portée. Tout ce que je dis, c'est qu'à ce stade-ci, c'est...

Le président: Vous n'allez pas voter pour l'amendement car il implique trop d'autres choses.

M. Irwin Cotler: Exact.

Le président: D'accord.

Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp: Je lui dis comment voter.

Le président: Il va voter contre l'amendement parce qu'il n'accepte pas la possibilité dans les circonstances.

M. Daniel Turp: Est-ce que je comprends bien, messieurs, que dans l'état actuel du projet de loi, l'article 27 du traité n'est pas incorporé et qu'il faudrait peut-être l'incorporer? Peut-être l'est-il plus loin, dans les dispositions concernant la Loi sur l'immunité des États. C'est ma première question.

Au-delà de cela, il me semble, à la lumière de l'arrêt du Conseil privé dans le cas Pinochet et de sa portée limitée, qu'il pourrait y avoir un intérêt à intégrer dans notre loi même une immunité limitée pour les anciens chefs d'État, parce que le traité n'entrera pas en vigueur demain matin. Cela va prendre du temps. J'espère que ça va se faire vite. J'espère que ce sera avant la fin de l'année, comme M. Kirsch le souhaitait, ou peut-être en 2001, quand on aura obtenu les 60 ratifications. Cependant, on devrait pouvoir se donner la liberté, ici, de traduire en justice un ancien chef d'État qui est sur le territoire et qui ne devrait pas bénéficier de l'immunité. La jurisprudence du Royaume-Uni dans le cas Pinochet, qu'on incorporerait ici, n'est peut-être pas satisfaisante. Elle nous empêcherait peut-être de traduire en justice un Pinochet ou une autre personne ayant commis des crimes graves.

Je voudrais avoir une réponse à ma première question. Est-ce que l'article 27 est incorporé convenablement dans cette loi?

[Traduction]

M. Darryl Robinson: Le Canada s'est acquitté de ses obligations aux termes de l'article 27 du statut de l'IPC. Il l'a fait par le biais de l'article 3 du projet de loi et, chose plus importante, de l'article 48. À l'article 48, qui s'en vient, il est précisé que l'existence d'immunités ne nous empêchera pas de collaborer avec l'IPC. C'est ce qu'exige l'article 27 et nous nous y sommes conformés.

• 1205

Nous pouvons agir ainsi parce que les États parties, en ratifiant le statut, y compris l'article 27, en ont convenu. Cela dit, aucun État n'est venu dire au Canada qu'il acceptait de lui offrir un traité contenant un article 27 qui dirait «Nous convenons que les tribunaux canadiens peuvent faire fi de nos immunités absolues.»

Je sympathise sans réserve avec l'objectif que l'on souhaite atteindre et je fais entièrement confiance aux tribunaux canadiens. Je sais que le Canada utiliserait ce pouvoir en toute équité, mais d'autres pays ne partagent pas nécessairement cette opinion. Les autres pays n'ont pas accordé au Canada la permission d'agir ainsi, de sorte que vous comprendrez cette hésitation. Et qui plus est, cela entre tout simplement en conflit avec nos obligations existantes.

(L'amendement est rejeté)

Le président: Chers collègues, permettez-moi de prendre quelques instants pour vous expliquer où nous en sommes.

Pour ce qui est du déroulement de la séance, comme l'a si bien dit M. Robinson, c'était là la dernière question de principe complexe. Il y en aura peut-être deux autres, mais j'ignore combien de temps prendra la discussion consacrée à R-16.

M. Gary Lunn: Je ne parle pas beaucoup.

Le président: J'aimerais que nous examinions l'article 12. Ce serait vraiment bien si nous pouvions nous rendre à la fin de l'article 24 avant la pause-repas. À ce moment-là, nous ne serions pas obligés de nous réunir cet après-midi, plusieurs députés nous ayant par ailleurs avisés qu'ils n'étaient pas libres cet après-midi. Nous pourrions poursuivre la discussion mardi. À ce moment-là, il ne resterait que très peu d'éléments contestés, et les amendements restants seraient réglés assez rapidement. C'est ainsi que je vois les choses.

M. Daniel Turp: Pourquoi l'article 24?

Le président: Continuons pendant encore cinq ou six minutes et nous verrons jusqu'où nous pourrons aller.

(Article 12—Cas d'un jugement antérieur rendu à l'étranger)

Le président: Monsieur Lunn, rapidement, au sujet du R-16.

M. Gary Lunn: Je propose que le projet de loi C-19, à l'article 12, soit modifié par adjonction, après la ligne 24, page 10, de ce qui suit:

    (3) Il est entendu qu'une personne ne peut invoquer le moyen de défense de pardon à l'égard d'une infraction visée à l'un des articles 4 à 7 lorsqu'elle n'a pas subi son procès et a été traitée de manière que, si elle avait subi son procès et été traitée au Canada, elle aurait pu invoquer le moyen de défense de pardon.

L'amendement empêche le pardon sans procès. Voilà.

Le président: D'accord.

Y a-t-il des observations là-dessus?

[Français]

M. Daniel Turp: Je voudrais demander à nos amis du ministère si c'est déjà couvert ailleurs dans le projet de loi.

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Merci, Monsieur Turp.

C'est déjà couvert aux paragraphes 12(1) et 12(2) du projet de loi. Le paragraphe 12(1) stipule clairement que pour invoquer le pardon, la personne doit avoir subi son procès.

M. Gary Lunn: Je vais le retirer.

M. Daniel Turp: D'accord.

(L'amendement est retiré)

(Les articles 12 et 13 sont adoptés)

(Article 14—Moyens de défense—ordres d'un supérieur)

Le président: M. Lunn va nous présenter l'amendement R-17.

M. Gary Lunn: Je propose que le projet de loi C-19, à l'article 14, soit modifié par substitution, aux lignes 38 à 46, page 10, et aux lignes 1 à 12, page 11, de ce qui suit:

    ou l'omission qui lui est reproché.

L'objet de cet amendement est d'exclure la défense de l'ordre donné par un supérieur.

[Français]

M. Daniel Turp: J'ai une question à poser à nos amis des Affaires étrangères. Est-ce que cette disposition est conforme au droit international?

• 1210

[Traduction]

M. Darryl Robinson: Mon collègue Don Piragoff va faire le point sur les conséquences de cette disposition par rapport au droit international et à la charte.

Merci.

[Français]

M. Daniel Turp: Et à la Charte canadienne.

[Traduction]

M. Donald Piragoff: La Cour suprême du Canada, dans l'affaire Finta, reconnaît que la défense des ordres donnés par un supérieur existe bel et bien. Traditionnellement, le droit militaire canadien reconnaît l'existence de cette défense. L'article 14 s'inspire fidèlement de l'article 33 du Statut de Rome. Il reflète le consensus et la pratique des 120 États qui ont adopté le Statut de Rome.

Compte tenu de l'article 33 du Statut de Rome, de la décision rendue dans l'affaire Finta et du droit coutumier canadien, il ne serait pas prudent d'inscrire dans la loi une disposition relativement aux ordres d'un supérieur qui serait radicalement différente de ce qui a été reconnu autant par la Cour suprême que dans le Statut de Rome.

L'autre préoccupation est que l'article 14 s'applique également aux infractions, qu'elles soient commises au Canada ou à l'étranger, y compris les infractions qui ont été commises dans le passé. Nous ne devrions pas appliquer rétroactivement l'abolition totale d'une défense dont l'existence a été reconnue dans le passé, à moins de s'appuyer sur une solide argumentation et de pouvoir justifier le tout aux termes de la Charte.

M. Gary Lunn: Mettez la question aux voix.

(L'amendement est rejeté)

Le président: Monsieur Lunn, voulez-vous proposer le R-18?

M. Gary Lunn: Ne l'avons-nous pas déjà fait?

Le président: Oui, il allait à peu près dans le même sens que l'autre.

M. Gary Lunn: Il me semblait que nous avions fait R-18.

Le président: Oui, le R-18 a déjà été réglé.

(L'article 14 est adopté)

(Article 15—Période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle)

Le président: L'amendement G-10 de M. Cotler est conforme à d'autres amendements semblables.

M. Irwin Cotler: Cet amendement, qui figure à la page 39, est un amendement qu'il est nécessaire d'apporter, pour des raisons techniques relativement aux considérations. Voulez-vous que je liste le texte intégral de l'amendement, monsieur le président?

Le président: Non.

(L'amendement est adopté [Voir Procès-verbaux])

(L'article 15 est adopté)

Le président: Les articles 16 à 24 sont-ils adoptés? Aucun amendement n'est proposé?

[Français]

M. Daniel Turp: Il n'y a pas d'amendements, mais il existe quand même.

[Traduction]

M. Gary Lunn: Je dois partir.

Le président: Oui, nous devons tous partir. Je vais lever la séance dès que nous en aurons terminé.

(Les articles 16 à 24 sont adoptés)

Le président: Chers collègues, je propose de lever la séance. Plusieurs personnes ont des obligations. M. Lunn s'en va. Je dois rencontrer l'ambassadeur de Chine qui attend.

Je propose—je m'en remets à vous, mais nous sommes censés nous réunir mardi matin. Je dois témoigner mardi matin devant les ministres des Affaires étrangères de l'OÉA. Personnellement, je ne pourrai pas être ici. Nous pourrions nous réunir mardi après-midi, si cela vous convient, ou bien vous pouvez vous réunir mardi matin et continuer la séance mardi après-midi.

Je pense que nous pourrions en terminer avec cela mardi après-midi, si nous remettons le tout à mardi après-midi, à condition de bien travailler. Je sais qu'il y a certaines questions à régler, en particulier...

[Français]

M. Daniel Turp: Cela nous donne le temps de faire de nouveaux amendements.

[Traduction]

Le président: Je recommande de remettre le tout à mardi après-midi. Cela vous convient-il? Espérons que nous pourrons aussi faire notre résolution sur le Kosovo mardi après-midi.

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Le matin ou l'après-midi?

Le président: L'après-midi, si cela vous convient. Très bien.

Merci, chers collègues.

• 1215

Puis-je ajouter un dernier mot? Je ne devrais peut-être pas dire cela, mais j'aurais souhaité que cette discussion ait lieu dans la salle munie de caméras de télévision. Quand on discute de l'affaire Finta, de l'affaire Pinochet, et de l'incorporation en droit canadien de nouvelles normes internationales, tout cela sera très important pour le Canada. Je regrette que l'on n'ait pas permis à un plus grand nombre de Canadiens d'y participer.

Je vous remercie tous pour votre excellente collaboration. Nous apprécions beaucoup le niveau élevé du débat.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, vous pouvez remercier M. Cotler, M. Turp et tous les non-avocats.

Le président: Surtout les non-avocats.

[Traduction]

La séance est levée.