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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 14 décembre 1999

• 0907

[Traduction]

Le président (l'honorable Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour,

[Français]

bonjour. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la gestion et l'utilisation des produits de lutte antiparasitaire au Canada.

[Traduction]

Comme vous le savez, nous avons commencé cette étude en mai dernier et nous sommes maintenant dans la phase finale. Nous espérons pouvoir achever le rapport en février. La réunion de cet après-midi, qui était initialement prévue à 15 h 30, a été reportée à 16 h. Le but en est l'examen d'une ébauche de rapport, que les membres pourront conserver pendant le congé de Noël, ce afin de faciliter la discussion sur la prochaine ébauche, qui sera rédigée conformément aux résultats des consultations qui interviendront pendant le congé de Noël.

Nous avons le plaisir ce matin de recevoir les témoins du ministère des Affaires indiennes et du Nord, M. James Moore, sous-ministre adjoint responsable du Programme des affaires du Nord, et David Stone, directeur de la Recherche sur les sciences et les contaminants dans le Nord. Nous entendrons également M. Fenge, directeur de la recherche de la Conférence circumpolaire inuite, et la conseillère technique de la Conférence circumpolaire inuite, Stephanie Meakin, qui est une vieille connaissance de notre comité. Bienvenue à tous.

Nous allons commencer dans un instant, car auparavant le député de Northumberland-quelque-chose, M. Herron, a une motion à déposer, dont il nous a dûment donné préavis.

Voudriez-vous la présenter, monsieur Herron?

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): S'il vous plaît. Et cette circonscription quelque-chose-quelque-chose est la circonscription hautement pittoresque de Fundy—Royal, monsieur le président.

Le comité a en main cette motion depuis plus d'une semaine, je crois. Je n'ai pas eu l'occasion de la présenter. Ma motion demande en gros que le comité, dans le cadre de son étude sur les pesticides, convoque le ministre et le sous-ministre de la Santé à témoigner. Cela me paraît tout à fait logique, vu qu'il s'agit là d'un projet de loi intéressant la santé.

Nous avons investi pas mal de temps dans ce travail et il serait bon que nous connaissions l'avis du ministre et du sous-ministre de la Santé, étant donné tous les éléments déconcertants que nous avons appris depuis le début de nos audiences, et en particulier le témoignage de Claire Franklin qui nous a dit que le projet de loi est prêt depuis pratiquement trois ans, alors que nous attendons toujours qu'il soit déposé.

• 0910

Nous avons appris de la bouche des membres du Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire qu'il ne s'est pas réuni depuis le mois d'août. Donc, le ministère, s'il continue à consulter des particuliers, ne consulte en tout cas pas le principal groupe consultatif. Il s'agirait donc de savoir quels sont les problèmes qui retiennent le projet de loi.

Puisqu'il s'agit là d'un projet de loi du ministre de la Santé, il serait normal qu'il nous fasse part de ses impressions et que nous puissions lui poser quelques questions très directes, avant le dépôt du projet de loi, sur ce que nous a dit le Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire, à savoir que, lorsqu'on détermine les risques, le dépistage des pesticides n'est pas nécessairement effectué sur la partie la plus vulnérable de notre population.

Je pense que nous avons suffisamment de membres présents pour...

Le président: Non, nous n'avons pas le quorum requis pour adopter...

M. John Herron: Non, nous ne l'avons pas.

Le président: ... la motion, mais nous prenons bonne note de vos nobles motifs et nous allons réserver la motion. Nous n'avons pas le quorum, et je n'ai pas l'intention d'ouvrir le débat dans ces conditions.

M. John Herron: D'accord.

Le président: Nous souhaitons la bienvenue aux témoins. Qui voudrait commencer? Monsieur Moore.

M. James R. Moore (sous-ministre adjoint, Programme des affaires du Nord, ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada): Merci, monsieur le président. Tout d'abord, je vous prie d'excuser ma voix rauque. J'ai attrapé l'un de ces rhumes qui circulent à cette époque de l'année.

Monsieur le président, vous avez déjà présenté mon collègue, M. David Stone. Je signale simplement qu'il a présidé le Programme de contrôle et d'évaluation de l'Arctique, qui est maintenant passé sous l'égide du Conseil de l'Arctique et qui a donné lieu au rapport d'évaluation PCEA, dont j'ai remis une copie au greffier. En outre, M. Stone a dirigé l'équipe canadienne qui a négocié le Protocole sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance relatif aux POP. Je tenais à apporter ces précisions pour votre gouverne.

Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais consacrer quelques minutes à un survol du programme des contaminants dans le Nord, ce qui pourrait intéresser le comité. Je vais essayer de ne pas prendre trop de temps, si vous êtes d'accord.

Le président: C'est bien.

M. James Moore: Merci, monsieur le président.

Pour l'information des membres du comité, je précise que le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord a été mis sur pied en 1991 face à la préoccupation concernant l'exposition humaine à des niveaux élevés de contaminants, notamment des polluants organiques persistants dans les espèces animales qui occupent une place importante dans le régime alimentaire traditionnel des Autochtones du Nord. Nombre de ces POP étaient et restent des pesticides organochlorés.

Pendant la première phase du programme, soit de 1991 à 1997, les recherches consistaient surtout à rassembler les données requises pour déterminer les niveaux, la dispersion géographique et la source des contaminants dans l'atmosphère arctique, dans l'environnement et ses habitants.

Ces données nous ont permis de mieux comprendre la présence et les tendances des contaminants dans le Nord. Elles ont confirmé ce que l'on soupçonnait, à savoir que les principaux contaminants proviennent de sources situées à grande distance, et constituent un élément important de notre évaluation des risques pour la santé humaine de la présence de ces polluants dans les aliments traditionnels, notamment l'évaluation des avantages du maintien de la consommation de ces aliments.

Les résultats ont donc été rassemblés dans le cadre de la phase I du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, toujours de 1991 à 1997. Le rapport sur le contrôle et l'évaluation de l'Arctique, que j'ai mentionné tout à l'heure, contient une synthèse de ces résultats. Ces derniers ont servi de contribution canadienne à une étude circumpolaire similaire, qui a été publiée en 1997 et 1998 par le Programme de contrôle et d'évaluation de l'Arctique.

• 0915

En vue de préparer la deuxième phase de lutte contre les contaminants dans le Nord, des consultations poussées ont été entreprises en 1997-1998 afin de déterminer les éléments communs entre les préoccupations et priorités des collectivités du Nord et les besoins scientifiques jugés essentiels à la prise de mesures appropriées. On a pu ainsi identifier les priorités pour les travaux futurs dans le cadre de la deuxième phase du programme en 1998, les travaux devant se poursuivre jusqu'en 2002-2003. Ces mesures sont fondées sur la connaissance des espèces les plus importantes sur le plan de l'exposition humaine aux contaminants dans le Nord et la répartition géographique des populations les plus touchées. Afin de pouvoir effectuer une évaluation objective des risques, on entreprend également de mesurer et quantifier les avantages associés au régime alimentaire traditionnel.

J'ajoute que le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord met particulièrement l'accent sur les activités de communication. Sous l'impulsion des organisations autochtones du Nord, le dialogue entre les habitants et la communauté scientifique, qui a été entamé dès le début du programme, continue à sensibiliser et à informer les populations sur le problème des contaminants et soutient la lutte contre des problèmes de contaminants spécifiques au niveau local.

Enfin, monsieur le président, je signale que le financement du budget de recherche du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord provient de plusieurs organismes, dont le Conseil du Trésor et quatre ministères participants, soit Affaires indiennes et du Nord, Santé Canada, Pêches et Océans et Environnement.

Là-dessus, monsieur le président, si vous le permettez, j'aimerais demander à M. Stone de vous parler plus précisément du programme de lutte contre les contaminants.

Le président: Oui, mais auparavant, pourriez-vous me dire un mot de cette lettre à M. Taylor, datée du 15 mai, que vous avez remise au greffier? Elle fait état d'un travail important d'un certain M. Whitby, dont vous voudrez peut-être informer les membres du comité.

M. Terry Fenge (directeur de la recherche, Conférence circumpolaire inuite): Merci, monsieur le président.

Cette lettre n'a pas été déposée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord, mais par CCI. Nous en traiterons lorsque ce sera notre tour.

Le président: C'est à l'en-tête du ministère des Affaires indiennes et du Nord et signé par un responsable du ministère. C'est ce qui m'a amené à tirer cette conclusion erronée. Néanmoins, je vous invite à nous en parler.

M. James Moore: Merci, monsieur le président. J'invite M. Stone à traiter de cette lettre, si je puis.

Le président: Bien.

M. David Stone (directeur, Direction de la recherche sur les sciences et les contaminants dans le Nord, ministère des Affaires indiennes et du Nord): Avez plaisir, monsieur le président. Dans la suite de cet exposé, j'allais vous faire un survol de nos constatations dans le Nord concernant les pesticides organiques persistants. Le contexte de cette lettre sera alors plus clair et il vaudrait peut-être mieux attendre jusque-là pour en parler.

Le président: Poursuivez.

M. David Stone: Merci, monsieur le président.

J'allais prendre quelques instants pour esquisser les différents éléments du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. La phase II comporte cinq éléments. Le premier intéresse les effets sur la santé humaine des polluants organiques persistants présents dans le régime alimentaire autochtone et dans les espèces animales. Un autre porte sur le contrôle des aliments effectivement consommés. Un autre volet intéresse l'éducation et la communication de cette information. Un quatrième élément consiste à élaborer et mettre en place nos partenariats avec les organisations autochtones qui exécutent d'importants éléments de notre programme. Le dernier volet consiste à obtenir des contrôles internationaux appropriés afin de stopper l'émission dans l'environnement des substances qui nous préoccupent.

Nous avons mis en place pour faire tout cela une structure de gestion complexe. Nous avons une équipe de gestion, qui met en jeu tous les organismes fédéraux et territoriaux intéressés par la question, notamment les cinq grandes organisations autochtones du Nord. Cette équipe décide de l'orientation générale du programme. C'est elle qui décide de la nature et de la répartition des dépenses et qui approuve les projets.

• 0920

Nous avons un comité des partenaires autochtones, dont je dirais quelques mots et dont M. Fenge pourra également traiter tout à l'heure s'il le souhaite. Il est responsable de ces activités de communication et se penche également sur les considérations éthiques. Nous prenons très à coeur ces dernières lors de la conduite des recherches dans le Nord, particulièrement les recherches sur la santé humaine. Nous avons ensuite trois comités territoriaux, qui s'occupent de l'exécution régionale de la recherche.

Enfin, j'aimerais dire quelques mots d'une autre émanation du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. Les données que nous produisons sont un grave sujet de préoccupation pour les habitants du Nord, et ces derniers peuvent avoir besoin d'avis indépendant du gouvernement concernant les répercussions des résidus de pesticides, des résidus organiques persistants dans leur alimentation.

Nous avons pour cela créé à l'université McGill un organe indépendant, le Centre pour l'alimentation et l'environnement des peuples autochtones, auquel les organisations autochtones du Nord peuvent s'adresser pour obtenir des renseignements objectifs sur leur alimentation et l'effet des contaminants que cette dernière peut contenir.

Pour le restant de l'exposé, monsieur le président, au lieu de passer en revue les résultats contenus dans le document que nous vous avons remis préalablement, j'ai préparé un jeu de transparents, dont des copies sont en train d'être distribuées.

Le président: Mesdames et messieurs, voici ce dont parle M. Stone.

Allez-y.

M. David Stone: La première page décrit la façon dont les contaminants, les polluants organiques persistants, sont disséminés dans le monde et pourquoi ils sont devenus un sujet d'inquiétude dans une région où ils n'ont pratiquement jamais été utilisés.

Tout d'abord, les pesticides organochlorés dont nous nous inquiétons sont appelés polluants organiques persistants parce qu'ils ont en commun la caractéristique de la rémanence. Ils résistent à la dégradation dans les conditions environnementales normales. Ils sont semi-volatils, et c'est là une caractéristique très importante. Autrement dit, ils passent facilement de l'état solide à l'état liquide ou gazeux. Si vous vous souvenez de vos cours de chimie, cette transformation dépend toujours de la température. Donc, à une température élevée, ces substances passent dans l'atmosphère sous forme gazeuse et à une température froide elles retombent au sol.

Enfin, ces pesticides sont liposolubles et sont très faiblement hydrosolubles. Notre organisme est conçu pour se débarrasser des polluants qu'il n'aime pas en les convertissant en substances hydrosolubles éliminées par l'urine. Or, dans le cas des substances liposolubles, ce mécanisme ne fonctionne pas, si bien qu'elles tentent à s'accumuler au fil du temps. Dans la chaîne alimentaire, cela signifie que vous pouvez obtenir des concentrations extrêmement élevées dans la partie supérieure. Je vous en montrerai quelques exemples dans un instant.

Donc, cette première diapositive vous montre comment les substances émises dans l'atmosphère dans un climat chaud ou tempéré peuvent migrer dans un environnement froid et...

Le président: Monsieur Stone, pourrais-je vous demander d'accélérer le rythme s'il vous plaît.

M. David Stone: D'accord.

Nombre des substances organiques persistantes qui nous inquiètent sont des organochlorés.

Vous pouvez ignorer la page suivante. Elle montre simplement où dans le monde sont situées les stations d'observation atmosphérique du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord.

La prochaine diapositive illustre, pour un site du Yukon, la trajectoire des masses d'air contenant de fortes concentrations en provenance d'autres parties du monde. En l'occurrence, il s'agit de fortes concentrations de HCH, lequel est une forme de lindane, de DDT et de chlordane.

• 0925

La diapositive suivante illustre l'accumulation dans le haut de la chaîne alimentaire des pesticides selon leur hydrosolubilité. Celui du haut, le HCH, est un pesticide relativement bien hydrosoluble. Vous pouvez voir, sur l'axe horizontal, à quel point il domine dans l'atmosphère et la neige et à quel point sa présence diminue au fur et à mesure que l'on monte dans la chaîne alimentaire. D'autres substances, comme le chlordane, sont hautement liposolubles et s'accumulent très agressivement dans l'organisme.

Je pense que vous trouverez la diapositive suivante particulièrement intéressante car elle montre les résultats que nous avons obtenus concernant l'alimentation des Inuits de la région de Baffin, du Nunavik, et du nord du Québec et pour les Métis dénés. Vous voyez là la proportion des femmes dont la consommation quotidienne d'aliments traditionnels dépasse la dose quotidienne acceptable fixée par Santé Canada pour divers pesticides.

Le premier est l'hexachlorocylohexane. Le suivant est le HCH, que vous connaissez mieux, puis le lindane, puis le chlordane, le DDT, la dieldrine, et le toxaphène. Et j'y ai ajouté les PCB, comme point de comparaison. Voici donc ce qui se passe lorsque les gens mangent leur régime traditionnel et comment ils peuvent dépasser les limites quotidiennes acceptables.

Le tableau suivant est un peu plus complexe et j'espère que vous allez me suivre. Il vous montre ce qui se passe si vous regardez le deuxième produit, soit le chlordane. La dose quotidienne acceptable de chlordane est de 0,5 microgramme par kilogramme de poids corporel multiplié par le poids moyen de la personne. Donc, si vous pesez 60 kilos, cela signifie que vous pouvez consommer trois microgrammes par jour de chlordane. À moins, vous êtes en dessous de la dose quotidienne acceptable telle qu'estimée par Santé Canada. Au-delà, vous êtes au-dessus.

Si vous divisez le chiffre de trois microgrammes par les niveaux que l'on rencontre dans le lard de baleine béluga, soit 3,036 microgrammes, vous obtenez la quantité de lard que vous pouvez manger par jour dans le courant de votre vie sans dépasser la dose quotidienne acceptable. Ce calcul très simple montre que vous atteignez ce niveau en mangeant juste un peu moins d'un gramme de lard de baleine. Vous pouvez donc comprendre pourquoi c'est un problème si important pour les habitants du Nord.

Enfin, la dernière diapositive montre les mesures que nous avons prises pour tenter de remédier à la situation. La plupart des contaminants qui nous préoccupent sont soit interdits au Canada soit strictement restreints, si bien que nous voulons concentrer notre action sur la prise de mesures internationales.

Il s'agit donc de rallier nos collègues. Pour cela, nous agissons par le biais du Programme de contrôle et d'évaluation de l'Arctique. M. Moore vous a déjà parlé brièvement de ce projet et de ce rapport.

Ces données ont été portées à l'attention de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance. Un protocole, imposant divers contrôles sur tous les polluants et pesticides qui nous préoccupent à divers degrés a été négocié l'an dernier dans le cadre de cette convention. Nous avons signé l'an dernier un accord global sur ces substances qui devrait prendre effet à la fin de cette année.

Voilà mon exposé, monsieur le président.

Le président: Voulez-vous maintenant nous parler de cet échange de lettres?

• 0930

M. James Moore: Je vais commencer, monsieur le président, et le cas échéant je demanderai à M. Stone de compléter.

La lettre a été écrite, comme vous l'avez bien dit, le 15 mai 1997. À l'époque, nous étions en train de déterminer la position canadienne aux négociations relatives à la Convention PATLD. Nous étions inquiets de voir qu'une substance, le lindane, ne serait pas englobée.

À ce stade, nous avons simplement posé un certain nombre de questions à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et demandé qu'elle nous fasse parvenir une copie de son évaluation des risques et des données justificatives. En effet, nous n'avions pas reçu ces documents. On nous a dit, dans une correspondance ultérieure datée du 19 août 1997, que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire ne pourrait nous communiquer les évaluations de risque ou les données en raison de la nature commerciale confidentielle des renseignements. L'Agence ajoutait qu'elle travaillait activement à une nouvelle loi et à des politiques visant à exécuter cette recommandation. Nous avons donc respecté cette décision, monsieur le président.

Le président: Merci.

Il me semble, monsieur Moore, que cette lettre va plus loin que ce que vous venez de dire. Vous ne demandiez pas seulement des renseignements sur l'évaluation de risque. Si je lis bien, au deuxième paragraphe de la page 2, votre ministère demande à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire si elle projette «de revoir les renseignements... en vue d'une reconsidération future du statut réglementaire du lindane...». Il me semble que la lettre va plus loin que ce que vous venez de décrire. Ai-je raison?

M. James Moore: Monsieur le président, je demanderais à M. Stone de répondre à cela.

Le président: C'est écrit noir sur blanc. Il n'y a pas besoin de connaissances scientifiques pour le voir, il suffit de lire le paragraphe de la page 2.

M. David Stone: Monsieur le président, le protocole conclu en vertu de la Convention PATLD autorisait un certain nombre d'utilisations du lindane. Il prévoyait également que deux années après l'entrée en vigueur du protocole, ces utilisations seraient réexaminées. C'est pourquoi je crois savoir que l'Agence procède actuellement à un réexamen du statut réglementaire du lindane.

Le président: Je vous demande si vous convenez avec moi que le paragraphe de la page 2 va au-delà de la seule évaluation du risque. Il s'agissait de savoir si une décision serait reconsidérée ou non. N'est-ce pas ce qui est écrit?

M. James Moore: Oui, monsieur le président, c'est juste.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer à la CCI. Bienvenue au comité.

M. Terry Fenge: Merci, monsieur le président. Je suis accompagné de Stephanie Meakin, une consultante d'Ottawa qui nous aide sur ces questions.

Permettez-moi de commencer par vous présenter les excuses de Sheila Watt-Clouthier, qui est la présidente de CCI Canada. Elle avait prévu de comparaître la semaine dernière, mais comme la date de notre comparution a été changée à la dernière minute, elle n'a pu faire le voyage depuis le Grand Nord. Il y avait hier des élections pour Nunavut Tunngavik Inc., et c'est pourquoi elle n'a pu venir. Toutefois, je peux dire que le mémoire que nous allons présenter a été pleinement approuvé par notre direction.

Avant de présenter le mémoire, je signale que la CCI travaille en collaboration étroite et collégiale avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord sur le dossier des contaminants transfrontaliers. Je ne vais pas répéter ce que Jim et David ont déjà dit—et qui était de nature entièrement descriptive—et vous faire part plutôt de considérations hautement analytiques. Nous aimerions vous faire part de notre perception de ce qui se passe sur la scène internationale et du lien entre la législation et la pratique nationales et la position défendue par le Canada sur la scène internationale.

• 0935

Plus de 80 p. 100 des contaminants, en particulier les POP, que l'on rencontre dans le Nord canadien proviennent de l'étranger. C'est là une réalité fondamentale et incontournable. C'est pourquoi CCI Canada participe activement aux négociations internationales que David a brièvement décrites.

Nous mettons à profit notre statut d'observateur aux Nations Unies. Nous participons, particulièrement dans les coulisses. Nous ne sommes pas un État, et nous ne pouvons donc nous exprimer comme le font les autres États. Mais nous faisons de notre mieux, exerçant des pressions dans les coulisses et participant à ces réunions.

Nous menons notre recherche et notre action internationale en collaboration avec la Nation dénée, la Nation métisse des Territoires du Nord-Ouest, le Conseil des Premières nations du Yukon et Inuit Tapirisat du Canada. Au cours de l'année dernière, nous avons formalisé un arrangement de coopération aussi avec le Conseil Saami, l'Association russe des peuples autochtones et l'Association internationale des Aléoutes.

Les peuples autochtones du monde circumpolaire sont très unis sur cette question, car elle est vitale pour eux. Nous faisons pression dans les négociations internationales en faveur d'une convention sur les POP qui soit exhaustive, rigoureusement appliquée et vérifiable.

La position canadienne dans les négociations internationales reflète de très près la législation et la politique nationales concernant les pesticides et les substances toxiques. Il faut donc une législation et pratique nationale forte si le Canada veut convaincre la communauté internationale d'éliminer les POP clés et d'améliorer considérablement la manière dont les autres sont gérés.

Il est largement admis depuis maintenant une décennie que la Loi sur les produits antiparasitaires exige des remaniements considérables. Le gouvernement du Canada l'a reconnu en 1994.

Étant donné l'importance vitale de cette question pour les habitants du Nord, et particulièrement les Inuits, nous recommandons que les changements à la loi obéissent à quatre impératifs. Premièrement, qu'ils soient motivés par le souci de l'intérêt public. Deuxièmement, que les normes soient fixées de façon à protéger la catégorie de population la plus exposée—nos enfants. Troisièmement, qu'ils accroissent la confiance du public envers le processus de prise de décisions réglementaires. Et quatrièmement—et je m'attarderai là-dessus si vous le permettez—que la loi garantisse l'accès public aux données d'évaluation sanitaire.

J'ai distribué une documentation pour votre gouverne. Toutefois, je ne veux pas commencer par la correspondance. J'attire votre attention sur les trois dernières pages. Elles sont extraites du rapport PCEA dont David a déjà fait état. Voici le rapport, je le fais distribuer. Il est très bien rédigé, c'est un excellent travail.

Voici un rapport sommaire canadien de trois pages, où il est dit que les Inuits de l'Île de Baffin dépassent la dose quotidienne acceptable de PCB, de toxaphène, de dieldrine, de chlordane, et la dose totale de HCH et HCB. Nous savons que les répercussions sanitaires de cet état de choses sont difficiles à mesurer, mais nous savons aussi d'après les études publiées que les effets potentiels sont nombreux, allant de la destruction du système endocrinien jusqu'au cancer, aux anomalies congénitales, aux troubles rénaux et aux troubles de développement intellectuel, etc.

Les lignes directrices dont David a parlé ne prennent pas en compte l'effet synergique ou cumulatif des mélanges de contaminants présents dans le régime alimentaire inuit, pas plus qu'elles ne sont fondées sur les populations les plus exposées et les plus sensibles du Canada, à savoir nos enfants et les mères qui allaitent. Notre mécanisme d'évaluation du risque intègre quantité de facteurs de sécurité, mais il néglige l'exposition à des doses multiples, de même que l'exposition à des stades cruciaux du développement des êtres humains.

• 0940

J'aimerais maintenant vous en dire un peu plus sur le protocole POP de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies. Le Canada a fait un bon travail en lançant et animant ces négociations, mais les efforts de notre délégation en vue de promouvoir un protocole rigoureux ont été entravés par la culture de prudence et le penchant pour le secret que manifestent certains organismes ici à Ottawa et qui sous-tendent la législation qu'ils appliquent. Les efforts visant à inclure le pesticide lindane dans le protocole en sont une illustration.

Alors que des pesticides comme le DDT, le toxaphène, l'aldrine, la dieldrine, et le chlordane sont interdits au Canada, de nombreux pesticides organochlorés continuent à être employés, dont le lindane. Ce dernier est une forme purifiée de l'isomère gamma du HCH. En 1995, il y a cinq ans, des enquêtes diététiques pionnières de scientifiques canadiens de l'université McGill ont établi que de nombreuses femmes inuites de l'Île de Baffin dépassent la dose quotidienne admissible de HCH.

Le diagramme qui se trouve sur cette page illustre la situation. Si vous regardez dans la colonne HCH ici, vous voyez que la dose quotidienne admissible passe dans la barre. La partie supérieure de la barre montre le pourcentage approximatif des femmes inuites qui dépassent la dose quotidienne admissible totale de HCH.

En dépit de cette information, qui était disponible il y a cinq ans et qui a été reprise dans le rapport PCEA de même que dans l'équivalent national canadien, le rapport RECAC, le comité interministériel fédéral qui élabore la position canadienne a rejeté tout contrôle sur le lindane. L'ARLA a garanti aux autres organismes fédéraux que «l'évaluation du risque canadienne de cette substance, actuellement valide, ne justifie pas une telle action».

Permettez-moi maintenant d'attirer votre attention sur la correspondance. J'espère qu'il vous apparaît maintenant pourquoi nous l'avons apportée. Le 15 mai 1997, le directeur des Affaires environnementales du MAIN a demandé communication de l'évaluation de risque et des données justificatives sur lesquels est fondée la gestion réglementaire canadienne du lindane. En bref, il demandait à l'ARLA de lui faire part des renseignements justifiant l'exclusion du lindane du contrôle international. La réponse a été assez remarquable: le refus clair et net de communiquer l'évaluation de risque ou les données sur lesquelles cette dernière était fondée.

CCI Canada a tenté ensuite d'obtenir ces renseignements. Nous avons reçu une lettre, que nous portons à votre attention, du ministre de la Santé, refusant de nous fournir ces renseignements. Nous déposons cette correspondance aujourd'hui afin de documenter ce que nous estimons être un exemple bizarre et lamentable et nous vous demandons, monsieur le président, dans la mesure du possible, de l'annexer à votre procès-verbal.

Réfléchissez un instant à l'absurdité de cette situation. Les organismes fédéraux faisant partie de notre délégation nationale aux négociations environnementales internationales de Genève étaient incapables ou refusaient de se communiquer les uns les autres des renseignements élémentaires directement reliés aux négociations en cours. D'autres pays voyaient bien que quelque chose de bizarre se passait chez nous. Des représentants de deux nations arctiques ont pris langue avec CCI Canada. Nous étions assis au fond de la salle, car nous sommes observateurs officiels. Ils nous ont demandé pendant les négociations de Genève si le gouvernement canadien perdait de son intérêt envers un protocole sur les POP.

Ce n'est qu'après beaucoup de pressions à l'échelle nationale que le Canada a accepté d'inscrire le HCH lindane dans le protocole de la CPATLD. Et comme David l'a justement fait remarquer, cette disposition sur le lindane du protocole POP autorise quand même la poursuite de toutes les utilisations actuelles du lindane au Canada.

L'obligation de procéder à la révision dont David a justement fait état n'intervient qu'après l'entrée en vigueur de la convention elle-même. Et comme le Canada est actuellement le seul pays à avoir ratifié cette convention, le compte à rebours n'est même pas encore commencé. Toute révision actuellement effectuée par l'ARLA est probablement le résultat de pressions et d'activités intérieures, dont peut-être le travail que vous les parlementaires faites, plutôt que d'une obligation internationale.

• 0945

Je pense que je vais devoir sauter quelques pages, car je vois que vous souhaitez que j'achève, monsieur le président. Je vais donc traiter maintenant de la convention POP mondiale, dont la négociation est actuellement en cours.

Ces négociations en vue d'une convention POP mondiale me paraissent être à un stade critique qui déterminera la réussite ou l'échec. Une telle convention, pour aboutir, exige un fort niveau de consensus entre pays en développement et pays développés. En tant que récepteur net de POP, et jouissant de bonnes relations avec le monde en développement, le Canada est bien placé pour jouer les intermédiaires. D'ailleurs, la négociation actuellement en cours est présidée de façon très capable par M. John Buccini, qui est un haut fonctionnaire au ministère de l'Environnement fédéral.

Néanmoins, la culture de prudence et le penchant pour le secret que nous avons mis en évidence dans le cas du lindane exigent remède car ils empêchent le Canada d'user de toute son influence dans les négociations mondiales. Par exemple, le Canada continue de défendre la position que la confidentialité des renseignements commerciaux a préséance sur la dissémination de renseignements sur les POP touchant la santé publique, et ce conformément au droit national.

Tant que ce principe ne sera pas abandonné—comme nous l'espérons qu'il le sera—et que la LPA ne sera pas modifiée, le Canada continuera d'exiger que ce principe lamentable soit incorporé dans la convention mondiale. Nous sommes assis dans le fond de la salle et devons écouter le Canada, et les États-Unis en particulier, exiger que ce principe soit inscrit dans la convention mondiale. Je ne pense pas que ce soit là une position appropriée ou utile pour le Canada.

Une importante question résiduelle, ce sont les crédits destinés à la mise en oeuvre de la convention mondiale prochaine. L'arrangement proposé est que le monde développé engage des fonds pour édifier la capacité du monde en développement et lui transférer la technologie, ce dernier acceptant en échange de prendre des obligations juridiquement contraignantes et d'appliquer des procédures de contrôle efficaces.

Lors de la prochaine session de négociations, le Canada devra mettre sur la table ses cartes financières. Si le Canada ne le peut pas, d'autres ne le feront pas non plus. Il pourrait en résulter alors un effondrement des négociations, avec pour conséquence la perpétuation de la contamination de l'alimentation dans l'Arctique. Nous décelons déjà des signes d'inquiétude et d'anxiété chez certains pays en développement et c'est pourquoi nous croyons plausible l'effondrement de ces négociations.

J'en viens à mon dernier paragraphe, monsieur le président.

Nous croyons savoir que l'équipe de négociations canadienne demande l'autorisation d'annoncer lors de la prochaine session de négociations, qui interviendra à Bonn, en Allemagne, au mois de mars, un important engagement financier canadien et que l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international, sera chargée de détenir et d'administrer ces fonds. Tant que cet arrangement ne sera pas officiellement approuvé par le Conseil du Trésor, les négociateurs canadiens n'auront pas grand-chose à dire à Bonn. Nous espérons que vous pourrez contribuer à prévenir cela.

Nous avons quelques recommandations précises et j'aimerais demander à Stephanie Meakin de les passer en revue avec vous.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Fenge.

[Français]

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'attendais que M. Fenge ait terminé son exposé et qu'on ait reçu ses documents.

J'appuie beaucoup la Conférence circumpolaire inuit du Canada, mais puisqu'elle bénéficie de subventions du gouvernement canadien, elle devrait être en mesure de nous fournir des documents dans les deux langues officielles. Bien qu'elle ait été avisée plusieurs jours à l'avance, nous n'avons reçu ces documents qu'en une seule langue. Nous aurions dû en recevoir la traduction ce matin même. Nous ne sommes pas parfaitement bilingues et nous souhaitons, monsieur le président, que le comité adopte des mesures sévères à l'égard des témoins qui ne présenteront pas au Parlement des documents dans les deux langues officielles. Merci.

Le président: Je suis parfaitement d'accord avec vous, monsieur St-Julien. Le greffier essaiera de faire de son mieux pour établir une procédure semblable à celle que vous avez recommandée.

Madame Girard-Bujold.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Bien que M. le greffier m'ait informée que la traduction n'était pas nécessaire parce que ces documents ne seraient pas des documents officiels déposés auprès du comité, mais plutôt des renseignements supplémentaires, je suis d'accord avec M. St-Julien, qui nous disait que cette organisation autochtone bénéficie de subventions de la part du gouvernement fédéral et devrait toujours nous transmettre des documents dans les deux langues officielles et s'assurer que sa correspondance avec les ministères respecte également ces dispositions. Nous avons deux langues officielles au Canada, et je crois qu'il est important qu'on respecte ce principe des deux langues officielles. Merci.

• 0950

Il est dommage que ces documents n'aient pas été traduits parce qu'on ne peut pas les consulter.

Le président: On a fait de notre mieux, et la lettre n'a été déposée qu'à la dernière minute. Nous prenons votre intervention très au sérieux et je vous remercie de cette observation.

M. Guy St-Julien: Monsieur le président, est-ce qu'on pourra obtenir la traduction de ces documents au cours des prochains jours?

Le président: Oui, certainement.

M. Guy St-Julien: Merci.

[Traduction]

Le président: Madame Meakin, pour une courte intervention, je vous prie?

Mme Stephanie Meakin (conseillère technique, Conférence circumpolaire inuite): Merci, monsieur le président.

Nous espérons que les renseignements que nous avons fournis ont établi la nécessité d'une législation nationale rigoureuse, non seulement pour protéger les Canadiens ici, chez nous, mais aussi pour renforcer notre position dans les négociations internationales. Nous formulons à cet égard plusieurs recommandations.

La première vise à remédier au manque d'ouverture et de transparence dans la Loi sur les produits antiparasitaires actuelle. Nous demandons que le comité recommande de modifier la loi de façon à autoriser l'accès général aux données d'évaluation sanitaire. Il s'agit d'assurer le public que sa santé représente la considération primordiale aux fins de l'homologation et de la réglementation.

Notre deuxième recommandation concerne l'absence de réévaluation des produits antiparasitaires homologués actuellement utilisés au Canada. Nous recommandons un processus rigoureux de réévaluation des pesticides actuellement homologués et une réévaluation après cinq ans de toutes les nouvelles homologations.

Dans le cas du lindane, ce produit a été homologué en 1938 et n'a pas été réévalué depuis. Cela fait donc 60 ans que ce pesticide a été agréé au Canada, et beaucoup de renseignements nouveaux sur ses effets ont été accumulés depuis.

La troisième recommandation, relative à la protection de la santé des Canadiens, est de demander une modification de la loi de telle façon que les évaluations de toxicité soient effectuées en fonction de l'exposition des nourrissons et enfants; que l'on interdise immédiatement les pesticides qui sont ou contiennent des POP, lesquels aboutissent dans l'Arctique; que l'on élimine progressivement les pesticides, sur la base d'indicateurs de santé humaine ou écologique, par exemple, dès lors que l'on possède des indications qu'un pesticide est cancérigène, est hautement toxique pour la faune, perturbe le système endocrinien ou est neurotoxique pour les enfants, tous ces effets étant définis comme représentant un risque inacceptable de préjudice.

Nous demandons que la LPA soit modifiée de façon à ce que notre législation nationale soit suffisamment éclairée pour permettre au Canada d'être un chef de file dans les négociations internationales sur les POP. La loi devrait être révisée de façon à prévoir l'accès général aux données d'évaluation sanitaire, afin d'asseoir la confiance du public dans la loi. Nous recommandons l'adoption d'une évaluation du risque cumulatif, agrégé, qui tienne compte des effets synergétiques et cumulatifs des pesticides, formules et autres contaminants de l'environnement.

Comme M. Stone l'a indiqué dans le cas du chlordane, une personne inuite ne pourrait manger qu'un gramme de muktuk sans dépasser la dose journalière admissible. Cela pour seulement une substance. Il y a des DJA pour maintes autres de ces substances.

Nous recommandons l'adoption du principe de précaution dès lors que le poids de la preuve fait apparaître un risque inacceptable, assorti d'un refus ou d'un retrait d'homologation; en outre, nous demandons des rapports réguliers sur les résultats de la protection de la santé et de l'environnement et une révision périodique de la loi, comme dans le cas de la LCPE.

Dans le but de renforcer la position du Canada dans les négociations internationales, nous demandons que le négociateur en chef canadien de la Convention POP mondiale comparaisse devant le comité avant le prochain cycle de négociations en mars 2000 afin d'expliquer les objectifs et la stratégie de négociation du Canada.

Nous demandons que le président de votre comité écrive au premier ministre et au ministre des Finances pour recommander que le Canada révèle lors des prochaines négociations POP mondiales à Bonn la contribution financière canadienne à l'exécution de la convention qui sera signée.

• 0955

Nakungmiik. Merci.

Le président: Merci.

Nous avons une longue liste de membres qui souhaitent poser des questions, commençant avec M. Grewal, suivi de Mme Girard-Bujold, de M. Lincoln, de M. St-Julien, et de M. Reed, pour le moment.

Monsieur Grewal, vous avez cinq minutes.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je pense qu'ils ont mis en évidence une dimension très importante, soit le manque de coopération entre ministères.

J'aimerais tout d'abord revenir sur la correspondance qui nous a été remise aujourd'hui. Bien que nous respections tous la dualité linguistique—et j'admets que c'est important pour nos membres qui ne connaissent pas l'anglais—j'aimerais néanmoins que nous recevions par avance ce genre de correspondance, afin que nous puissions l'étudier, faire notre recherche, et soyons préparés avant de poser des questions. En la recevant seulement maintenant, il nous est difficile d'en prendre connaissance et n'avons pas la possibilité de faire des recherches.

Cela dit, monsieur le président, je vais me lancer. Je suis d'accord avec M. Fenge. Il est absurde que, face à une question aussi grave que le lindane, par exemple, lorsqu'on sait que ce produit est cancérigène et cause des problèmes neurologiques chez les enfants et est dangereux pour la faune... s'agissant d'un produit comme celui-ci, homologué il y a très longtemps, en 1938, le premier ministère aurait dû se montrer coopératif et transmettre les renseignements que demandait l'autre, afin que des études scientifiques puissent être menées et des mesures préventives prises, et permettre un contrôle efficace.

J'aimerais quand même savoir, car ce n'est pas clair... Je crois que c'est l'ARLA... si elle a déjà communiqué les renseignements demandés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord ou bien si elle maintient toujours son refus?

Voilà ma première question, monsieur le président. M. Fenge pourrait répondre en premier lieu. J'aimerais entendre la réponse de M. Fenge, monsieur le président.

M. Terry Fenge: Merci de la question.

Non, nous n'avons reçu aucun renseignement de l'ARLA. Nous n'avons pas non plus été consultés sur une éventuelle modification de la loi.

Le président: Monsieur Moore.

M. James Moore: Non, monsieur le président, nous n'avons reçu aucun renseignement supplémentaire depuis cet échange de correspondance.

M. Gurmant Grewal: Dans ce cas, monsieur le président, la question est de savoir quelle est la prochaine étape si cette information est pertinente et importante? Qu'entreprend-on?

Prévoyez-vous de faire autre chose pour vous procurer ces renseignements et régler le problème?

Le président: Monsieur Moore ou monsieur Stone.

M. David Stone: Merci, monsieur le président.

Non, monsieur. À notre connaissance, les renseignements que nous avons demandés à l'ARLA ne peuvent nous être communiqués parce que la loi lui interdit de nous les fournir.

Toutefois, le président a attiré votre attention sur la dernière partie de la lettre, où nous demandions si l'ARLA projette de réévaluer le lindane. Effectivement, il semble que cela soit en cours. L'Agence procède à une réévaluation du lindane.

En outre, nous croyons savoir que la nouvelle loi est prête et attend d'être déposée.

M. Gurmant Grewal: Monsieur le président, si vous le permettez, je vais aller droit au but: est-ce la loi ou bien est-ce l'inertie bureaucratique qui empêche que les renseignements soient communiqués au ministère, ou bien est-ce que l'ARLA cherche à cacher quelque chose?

Pourriez-vous réagir à cela?

M. James Moore: Monsieur le président, je ne dirais certainement pas que l'ARLA fait de l'obstruction ou cherche à cacher quelque chose. Elle applique la loi.

M. Gurmant Grewal: Monsieur le président...

Le président: Merci, monsieur Grewal. Vous aurez un autre tour.

Madame Girard-Bujold.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Lorsque je suis venue m'asseoir ici ce matin, je ne pensais pas que nos témoins allaient aborder autant de questions. Ils nous ont parlé d'une foule de choses, dont les conventions internationales, et décrit ce qui se passe dans le Grand Nord. Comme l'indiquait mon collègue, il aurait fallu que j'aie ces documents en ma possession avant de commencer à interroger ces gens-là.

• 1000

Tous les éléments qu'a soulevés M. Fenge sont problématiques. Je ne sais plus comment vous présenter mes questions afin d'obtenir des réponses qui me permettront d'aller plus loin dans mes questionnements. Vous nous avez parlé des conventions internationales. Avant que vous n'abordiez ce sujet, il aurait été utile que nous sachions exactement ce que le Canada et les États-Unis ont fait à ce chapitre. On vous entend dire que les droits en matière de confidentialité devraient avoir préséance sur les droits en matière de santé sur la scène internationale. Ce que vous venez de nous dire est grave.

Je ne sais pas si je devrais poser mes questions aux représentants du ministère des Affaires indiennes qui ne semblent pas, eux non plus, avoir de contacts avec l'ARLA lorsqu'ils font l'examen de pesticides.

Il me semble que nous sommes dans un trou noir ce matin, monsieur le président. Ce trou noir est inacceptable pour un comité qui est censé être sérieux, défendre une cause sérieuse et étudier des problèmes sérieux. Nous sommes ici devant des faits et on ne sait pas que faire.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Sur un rappel au Règlement, monsieur le président, il y a environ trois semaines, nous avons reçu la liste complète des témoins qui allaient comparaître. Tous ceux qui désiraient faire un travail préalable sur les questions susceptibles d'être abordées avaient pleinement accès à la bibliothèque, pouvaient contacter certaines des personnes ou pouvaient entreprendre quelques recherches sur ces questions. Donc, au lieu de dire: «Mardi matin, tapons sur les témoins», il vaudrait peut-être mieux nous concentrer sur les renseignements qu'ils nous ont présentés et, comme des parlementaires intelligents, leur poser des questions sur cette base...

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: ... au lieu de faire ce cinéma...

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: ... alors qu'en fait tous les renseignements sur les témoins...

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: ... étaient disponibles depuis très longtemps.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Le président: Madame Girard-Bujold, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le président, je pense que la secrétaire parlementaire a très mal compris mon intervention. Je ne blâme pas les témoins. Bien au contraire, j'estime que l'information qu'ils viennent de nous dévoiler est extraordinaire.

Madame, il faudrait que vous compreniez que j'aurais simplement souhaité être au courant de ces renseignements avant leur comparution afin qu'on puisse mettre le doigt sur le bobo.

Le président: On devrait écouter M. Fenge, qui aimerait faire un commentaire sur votre intervention.

Monsieur Fenge.

[Traduction]

M. Terry Fenge: Parlant de trous noirs, j'ai passé une bonne partie...

Des voix: Oh, oh!

M. Terry Fenge: Ce n'est pas une plaisanterie.

J'ai passé une bonne partie de ma carrière à apprendre comment éviter les trous noirs. J'apprécie vos propos et j'accepte la réprimande, car il nous incombe, bien entendu, de faire de notre mieux pour vous informer.

Je peux dire que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir. Si vous ne pouvez obtenir la traduction française de cette correspondance, qui n'a été rédigée qu'en anglais, nous tenterons nous-mêmes de vous la procurer et de vous donner ces renseignements, car nous sommes heureux de l'intérêt que vous manifestez.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le président...

[Traduction]

Le président: Monsieur Fenge, cette explication est très utile. Évidemment, si certains des documents qui viennent d'être distribués avaient été déposés il y a une semaine, nous aurions pu demander la traduction française, ce qui aurait facilité la discussion aujourd'hui.

[Français]

Merci, madame Girard-Bujold.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Ce n'est pas le seul point que je voulais soulever, monsieur le président. Je m'excuse, mais...

Le président: On est parfaitement d'accord sur votre intervention, mais je demande maintenant à M. Lincoln de prendre la parole.

[Traduction]

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur Fenge, sur la liste des recommandations relatives aux modifications proposées à la Loi sur les produits antiparasitaires, pouvez-vous me dire si vous avez vu l'esquisse des modifications distribuées par l'ARLA?

M. Terry Fenge: J'aimerais pouvoir répondre oui, mais non, nous n'avons rien obtenu de l'ARLA depuis cette correspondance et, comme je l'ai dit, nous n'avons pas été consultés sur la révision de la loi.

M. Clifford Lincoln: Si je me réfère à vos notes, aux recommandations à la page 11 et aussi à la page 13, lorsque vous demandez «l'accès général aux données d'évaluation sanitaire pour rassurer le public», etc. convenez-vous qu'il devrait s'agir et de l'évaluation sanitaire et de l'évaluation environnementale?

• 1005

M. Terry Fenge: Oui. Disons les choses très clairement. Nous ne demandons nullement communication des secrets commerciaux. Tout ce que nous voulons, ce sont les renseignements sanitaires et environnementaux afin d'être assurés qu'ils sont pleinement pris en compte dans le processus réglementaire.

M. Clifford Lincoln: Nous nous comprenons. Je tenais simplement à préciser que cela devrait couvrir l'évaluation environnementale aussi bien que sanitaire.

En ce qui concerne les modifications de la LPA que vous préconisez aux pages 12 et 13, seriez-vous surpris d'apprendre qu'aucune de ces recommandations n'est reprise dans les propositions de changement distribuées par l'ARLA? Autrement dit, il n'y a pas de principe de précaution. Les exceptions relatives aux renseignements confidentiels commerciaux sont toujours là et, d'après ce que je peux voir, il n'y a pas de prise en compte du risque cumulatif et global.

[Français]

M. Guy St-Julien: Monsieur le président, j'aimerais faire appel au Règlement. Je m'excuse de vous interrompre, monsieur Lincoln, mais nous devons nous rendre immédiatement à la Chambre des communes pour y voter.

Le président: Il n'y a pas de raison de faire interruption. Nous devrons attendre le développement de la séance.

Monsieur Lincoln, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Clifford Lincoln: Considérez-vous que les recommandations que vous formulez à la page 13 devraient être des éléments indispensables de toute refonte de la LPA, faute de quoi cette loi ne sera qu'une façade?

M. Terry Fenge: Je suis très déçu de vous entendre dire ces choses, monsieur Lincoln. Nous avons essayé de vous fournir ici une étude de cas, celle du lindane, afin de vous donner, à vous les parlementaires canadiens, les munitions requises pour garantir que les prochaines modifications soient vigoureuses et que nous aboutissions à une loi dont nous puissions être fiers, une loi qui donne à l'équipe de négociation canadienne une beaucoup plus grande marge de manoeuvre dans les négociations internationales.

Donc oui, si la correspondance que nous avons apportée, en particulier la lettre du ministre Rock, le ministre de la Santé—non pas un ministre du Développement économique, mais le ministre de la Santé—nous disant que nous ne sommes pas habilités à recevoir ces renseignements... Si cette situation perdurait dans la nouvelle loi, ce serait inacceptable pour nous.

M. Clifford Lincoln: Je suis on ne peut plus d'accord avec vos recommandations concernant la refonte de la PLA. Puis-je vous suggérer d'écrire aux ministres de la Santé et de l'Environnement pour insister sur l'incorporation de ces éléments dans la nouvelle loi? Je crois savoir qu'elle sera introduite prochainement et, en l'absence de ces éléments, je pense qu'elle laissera beaucoup à désirer.

M. Terry Fenge: Oui, je me ferai un devoir de le faire.

M. Clifford Lincoln: Merci.

Le président: Merci.

Ensuite,

[Français]

monsieur St-Julien.

Il n'est pas ici?

[Traduction]

Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis intrigué par l'accent mis sur les organochlorés. Cela signifie-t-il que vous n'avez pas les mêmes inquiétudes concernant les organophosphates, par exemple, ou les métaux lourds? Les organochlorés ne sont qu'une catégorie de pesticides parmi d'autres. Considérez-vous les autres comme moins dangereux et plus acceptables, de façon générale?

M. David Stone: Merci.

Puis-je répondre à cela, Jim?

• 1010

Dans le Nord, nous sommes préoccupés par les substances qui ont tendance à s'y accumuler. Celles qui le font sont les organochlorés ou les substances organiques bromées. Les organophosphates se dégradent beaucoup plus rapidement. Aussi, si les organophosphates peuvent être une plus grande source de préoccupation dans le sud du Canada, en ce qui concerne l'exposition alimentaire des habitants du Nord, les organochlorés sont prioritaires. Nous n'approchons le niveau d'alerte pour aucune autre substance.

En ce qui concerne les métaux lourds, nous avons des difficultés avec le cadmium et le mercure, mais ils ne sont pas associés aux pesticides. Je n'en ai pas fait état dans cet exposé, car vous étudiez aujourd'hui les pesticides.

M. Julian Reed: Les mercuriels ont été largement employés comme pesticides à la fin des années 50 et au début des années 60. Je me demande s'il reste un effet résiduel de leur utilisation.

M. David Stone: La contamination de l'environnement du Nord par le mercure augmente à peu près chaque année. Plusieurs études l'ont clairement établi. La source de ce mercure est fortement controversée, de même que la question de savoir s'il faut se préoccuper surtout du mercure élémentaire, par opposition au mercure organique. C'est le mercure organique, un mercure associé au méthane, qui cause des problèmes de santé.

Pour ce qui est de la masse brute, il est peu probable que les pesticides à base de mercure employés dans les années 50 soient une source importante. La principale source est la combustion du charbon, particulièrement en Chine.

M. Julian Reed: Merci.

[Français]

Le président: M. St-Julien est revenu chez nous. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur St-Julien.

M. Guy St-Julien: Merci beaucoup.

Le président: Voulez-vous poser une question?

M. Guy St-Julien: Oui, merci, monsieur le président. J'adresse ma question à M. Moore.

On pourrait parler de méthodes de dépistage, de la collecte et des services d'analyse. Ma circonscription, Abitibi—Baie-James—Nunavik, couvre un territoire de 802 000 kilomètres carrés. Les Cris de la baie James et les Inuits du Nunavik occupent à peu près 500 000 kilomètres carrés de ce territoire.

Le problème auquel nous sommes confrontés, monsieur le président, c'est que nos budgets sont insuffisants. J'ai lu les documents, et on sait tous que les analyses sont toujours rapatriées dans le Sud. Le centre de recherches de Kuujjuaq, au Nunavik, ne dispose pas des fonds nécessaires. On sait qu'il arrive des cas d'urgences et qu'on ne communique des renseignements relatifs à une maladie que plusieurs jours après son dépistage.

Pourquoi n'accorde-t-on pas à ce centre de recherches de Kuujjuaq les sommes nécessaires pour lui permettre d'améliorer entre autres ses méthodes d'analyse? Il me semble bizarre qu'on parle du Nord en haut du 50e parallèle, mais que lorsqu'on parle des îles côtières de la baie d'Hudson, il faille aussi impliquer les Cris et les habitants des villages de Chisasibi, où il y a des Inuits, de Wemindji, d'Eastmain et de Washagamis, qui se déplacent et vont à la pêche dans les îles du Nunavut. Quels budgets a-t-on accordés aux centres de recherche du Nunavik, monsieur Moore?

[Traduction]

M. James Moore: Merci de cette question, monsieur St-Julien.

En ce qui concerne les montants budgétaires, il faudra que je vous donne les détails plus tard. Mais votre question pose surtout la question de savoir si les centres de recherche et toute cette région reçoivent un financement suffisant.

J'imagine que nous pourrions faire plus avec davantage de fonds. Cela dit, nous faisons de notre mieux avec les ressources actuellement consacrées à cette région sur le plan du dépistage. Je pense que nous faisons un usage efficace des fonds alloués.

Mais je vous communiquerai plus tard le détail des budgets, monsieur.

Merci.

[Français]

M. Guy St-Julien: Monsieur le président, je m'adresse encore à M. Moore. Je comprends que le ministère s'est avéré efficace, mais j'aimerais plutôt parler des résidants du Nunavik, des Inuits et des Cris de la baie James. Combien d'heures ou de jours faut-il pour faire la collecte et informer la population des résultats d'une analyse confirmant la présence d'une maladie comme la trichinose, par exemple? Pourquoi ne disposons-nous pas d'un laboratoire efficace dans le Nunavik, au nord du Québec?

• 1015

J'ai regardé votre livre sur le programme de lutte contre les contaminants. J'ai constaté que pour le Nunavik, tout a été expédié dans le Sud. La remarque que je vous fais est vraiment importante et je voudrais que vous la transmettiez au ministre. Dans l'enveloppe budgétaire du ministère des Affaires indiennes, on ne parle pas beaucoup d'environnement. On y parle de santé et on a prévu des dépenses de l'ordre de 1,177 milliard de dollars. Monsieur le président, ce qui est important, c'est d'investir dans des ressources humaines qui s'établiront en permanence dans les laboratoires du Nunavik, à Kuujjuaq. Voilà mon message. Plusieurs choses sont faites dans le Sud, mais on oublie la Convention de la Baie James et du Nord québécois, monsieur le président, et ses dispositions qui visent les Cris et les Inuits. Je crains qu'on ne manque le bateau. On devrait investir plus d'argent afin qu'on puisse disposer de ressources permanentes dans ces laboratoires, parce que dans les 14 villages inuits de la baie d'Ungava et de la baie d'Hudson et dans les villages cris, ce n'est que plusieurs jours plus tard qu'on apprend ce qui est arrivé. Si on était sur les lieux et qu'on avait un centre de recherche efficace à Kuujjuaq, ces délais n'existeraient pas. Les ressources sont insuffisantes et il est important de remédier à cette situation.

Le président: Monsieur Moore.

[Traduction]

M. James Moore: Merci, monsieur le président.

Je pense que ce sont là des éléments très importants. Il ne fait aucun doute que nous devons nous pencher sur les besoins des habitants de ces régions.

En ce qui concerne les crédits alloués à ce type de recherche, je dois dire que la plupart de ces fonctions relèvent d'autres ministères que celui des Affaires indiennes et du Nord. Mais M. St-Julien fait ressortir un point important. C'est une remarque judicieuse et je l'accepte.

[Français]

Le président: Une dernière question.

M. Guy St-Julien: Vous parlez justement des autres ministères. Des échantillons prélevés au Nunavik, à la baie d'Ungava et à la baie d'Hudson, ont été expédiés à Terre-Neuve plusieurs jours plus tard afin d'y être analysés par le ministère des Pêches et des Océans. Je ne comprends pas que les autres ministères ne soient pas à l'écoute des gens de Kuujjuaq et ne fassent pas en sorte qu'on y établisse un meilleur laboratoire afin d'assurer la sécurité des gens du Nunavik.

[Traduction]

M. David Stone: Les analyses effectuées sur les organochlorés sont très complexes. De fait, nous ne les confions qu'à environ sept ou huit laboratoires au Canada, afin d'assurer la qualité des données.

La majorité des analyses des échantillons provenant du Nunavik ont été réalisées soit à l'Université Laval soit à l'Université McGill.

Le président: Merci.

[Français]

Merci, monsieur St-Julien.

[Traduction]

Il me semble que la question de M. Mancini a déjà été posée par M. Lincoln.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Oui, c'est juste, monsieur le président.

Le président: Nous pouvons donc passer à Mme Kraft Sloan et nous suspendrons la séance pour le vote.

M. John Herron: Étant donné que j'ai déposé ma motion tout à l'heure, pourrions-nous prendre quelques instants pour la mettre aux voix, avant de nous rendre au vote, une fois que Mme Kraft Sloan aura posé ses questions?

Le président: Nous pourrons procéder au vote lorsque nous aurons le quorum. On me dit que nous n'avons pas suffisamment de membres votants pour avoir le quorum.

M. John Herron: Je ne crois pas habituellement aux prémonitions, mais il est possible que cela change d'ici que Mme Kraft Sloan finisse son tour de questions.

Le président: Cela dépendra du temps qu'il lui faudra et du temps qu'il nous restera avant le vote.

Madame Kraft Sloan, je vous prie.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président. Je suis heureuse que les Conservateurs se livrent aux prémonitions. Nous savons maintenant qu'ils communient avec les Libéraux d'antan, ceux d'un premier ministre des années 30 et 40, sans vouloir nommer des noms.

Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre témoignage. J'aimerais réitérer une chose dite par M. Lincoln, à savoir l'invitation à écrire aux ministres de la Santé et de l'Environnement pour exprimer vos préoccupations. D'après ce que nous avons pu voir des modifications envisagées par le ministre à la LPA, ces éléments n'y figurent pas. En tant que comité ayant connu les tribulations de la LCPE, nous savons combien il est difficile d'obtenir des modifications dès lors qu'elles mettent en jeu des divergences fondamentales, et je n'insisterai jamais assez sur la nécessité de faire passer votre message maintenant et d'exprimer maintenant votre niveau de préoccupation. C'est essentiel.

• 1020

J'aimerais ensuite vous poser une question sur votre mémoire. Vous déplorez à la page 12 l'absence de réévaluation des produits homologués. Plusieurs groupes de témoins de l'industrie nous ont dit ici qu'ils recherchent sans cesse des substituts nouveaux et moins toxiques aux produits existants. Plusieurs d'entre nous dans ce comité nous demandons dans quelle mesure les produits plus toxiques sont déshomologués une fois que des substituts moins toxiques sont approuvés.

Par exemple...

Le président: Madame Kraft Sloan, Mme Girard-Bujold fait un rappel au règlement.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous avez dit tout à l'heure que vous ne pouviez pas mettre aux voix la motion soumise par le député conservateur parce qu'il n'y avait pas quorum. Pourriez-vous me dire quels députés ici présents ont le droit de vote?

Le président: Le greffier peut vous donner ce renseignement tout de suite, bien que votre intervention ne constitue pas un appel au Règlement.

[Traduction]

Madame Kraft Sloan, poursuivez, je vous prie.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Pourquoi pas?

[Traduction]

Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président. Je voulais également faire remarquer que le commissaire, dans son rapport, indique que de nombreux pesticides ont été homologués à une époque où les normes étaient beaucoup moins strictes qu'aujourd'hui. Nous avons donc une situation où l'industrie dit qu'elle introduit des pesticides moins toxiques afin d'éliminer les autres, et où le Commissaire à l'environnement et au développement durable fait savoir que des pesticides ont été homologués il y a des années, lorsque nos normes étaient beaucoup moins strictes.

J'aimerais donc savoir si des produits sont déshomologués. Savez-vous si l'industrie recommande la déshomologation de produits lorsqu'elle met au point quelque chose de moins toxique?

Mme Stephanie Meakin: Je ne puis répondre sur l'ensemble des pesticides, mais dans le cas du lindane, les producteurs de canola du Canada ont volontairement demandé la déshomologation de ce produit pour des raisons économiques, depuis qu'une nouvelle loi américaine interdit l'importation aux États-Unis de canola canadien traité au lindane. Les producteurs ont donc demandé à l'ARLA le retrait volontaire de l'homologation du lindane.

Mais lorsque nous nous sommes adressés à l'ARLA pour lui faire part de nos préoccupations sanitaires à l'égard du lindane dans le Nord et lui avons communiqué nos données, nous n'avons certainement pas été accueillis à bras ouverts.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

L'autre question...

Le président: Un instant.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je fais appel au Règlement, monsieur le président.

Le président: Madame Girard-Bujold, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: M. le greffier est venu me donner la liste des membres présents et il semble qu'il y ait quorum, monsieur le président. Tout à l'heure, vous invoquiez l'absence de quorum pour retarder la mise aux voix de la motion du député conservateur. Puisqu'il y a maintenant quorum, est-ce qu'on pourrait mettre aux voix la motion du député conservateur?

Le président: J'ai dit que s'il y avait quorum après les questions de Mme Kraft Sloan, nous pourrions le faire.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Il y a quorum.

Le président: J'avais également indiqué qu'il faudrait que nous disposions du temps nécessaire pour le faire.

[Traduction]

Mme Karen Kraft Sloan: J'ai terminé, monsieur le président.

Le président: Je vais demander au greffier combien de membres présents sont habilités à voter.

• 1025

M. John Herron: Je propose ma motion, monsieur le président.

Le président: Je n'ai pas d'autres intervenants sur ma liste. Par conséquent, puisque nous étions convenus de procéder au vote, veuillez nous lire la motion?

C'est une motion de M. Herron qui demande que le comité, dans le cadre de son étude sur les pesticides, convoque le ministre et le sous-ministre de la Santé à témoigner.

Vous avez entendu la motion. Y a-t-il des questions ou des interventions? Non?

(La motion est adoptée)

Le président: Nous allons maintenant suspendre la séance pour nous rendre au vote et j'invite les membres à revenir ici aussitôt après.

Merci beaucoup, monsieur Moore, monsieur Stone, monsieur Fenge et madame Meakin de votre participation ce matin. Veuillez nous excuser pour les interruptions.

• 1026




• 1129

Le président: Nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte. Merci d'être venus. Nous allons poursuivre nos travaux en dépit du nombre limité de députés présents, étant donné certaines perturbations et difficultés à la Chambre, et nous vous présentons à tous deux, madame Bertell et monsieur Nestmann, nos excuses. Nous espérons que nos collègues finiront par revenir, mais nous ne voulions pas vous faire attendre trop longtemps et, en plus, il se fait tard.

Bienvenue et merci de votre patience. Vous voudrez peut-être nous dire lequel de vous deux va commencer. Si j'ai bien compris, monsieur Nestmann, vous représentez CanTox, tandis que Mme Bertell est ici au nom de l'International Institute of Concern for Public Health.

Aimeriez-vous ouvrir le bal, monsieur Nestmann?

• 1130

M. Earle Nestmann (directeur principal, CanTox Inc.): Cela me convient très bien. Merci, monsieur le président.

Le président: Allez-y, je vous prie.

M. Earle Nestmann: Permettez-moi de commencer par vous esquisser ce dont je compte vous entretenir ce matin conformément au plan que j'ai fourni précédemment au comité.

J'aimerais commencer par vous parler un petit peu de moi, de mes études, de ma formation, etc., et vous faire une description de CanTox en tant que société ou groupe de sociétés, et je consacrerai ensuite le gros de mon temps à vous entretenir des principes scientifiques de l'évaluation des dangers, de l'évaluation de l'exposition et de l'évaluation des risques des antiparasitaires, ainsi que de la méthodologie que nous utilisons pour nos rapports et des conseils que nous offrons. Enfin, je dirai quelques mots sur le processus canadien d'homologation des antiparasitaires, m'attardant tout particulièrement sur l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA).

J'ai obtenu mon doctorat en biologie à l'université York, j'ai fait des travaux sur les mécanismes de réparation de l'ADN en vue de ma maîtrise, et j'ai étudié la radiation ultraviolette en tant qu'agent mutagénique et cancérogène en utilisant un système modèle de bactéries. Pour mon doctorat, j'ai fait des travaux sur la mutagénèse chimique et spontanée et sur la toxicologie génétique. Par la suite, j'ai enseigné à l'université York pendant plusieurs années avant de venir à Ottawa, où j'ai vécu pendant neuf ans, travaillant pour Santé et Bien-être Canada, comme s'appelait le ministère à l'époque, où je faisais de la recherche en toxicologie génétique pour la direction de l'écotoxicologie en milieu de travail de la Direction générale de l'hygiène du milieu.

Je suis par la suite allé travailler pour Cyanamid Canada, où j'étais gestionnaire de l'homologation de pesticides. J'étais responsable de la préparation des demandes et de l'obtention de l'homologation pour les nouveaux produits mis au point par Cyanamid. Au bout de quelques années, je suis entré chez CanTox.

Permettez que je vous dise quelques mots au sujet de CanTox. La société est, je pense, décrite dans des documents de référence que vous avez en mains. CanTox compte en fait deux sociétés. L'une d'elles s'appelle CanTox Health Sciences International, et c'est la société pour laquelle je travaille. CanTox Health Sciences International s'occupe de produits, d'homologation de produits et d'enregistrement de produits. Elle s'intéresse à l'incidence toxicologique ou environnementale potentielle de produits qui sont peut-être déjà dans le système ou qui sont sur le point de faire l'objet de demandes d'homologation. Il peut s'agir non seulement de pesticides, mais également d'agents pharmaceutiques, de dispositifs médicaux, d'additifs alimentaires ou d'autres types de substances encore.

L'autre société est CanTox Environmental Inc., qui, elle, s'intéresse aux questions liées au phénomène des expositions qui ne sont pas forcément le fait de produits particuliers, mais bien de l'environnement lui-même. Certains de mes collègues oeuvrent pour cette société, mais ce n'est pas mon cas de façon régulière.

Quant aux types de projets auxquels nous travaillons, comme je l'ai rapidement évoqué, certains d'entre eux visent l'évaluation des risques posés par différents types de produits, et c'est pourquoi j'aimerais passer en revue la méthode d'évaluation du risque. Si j'ai bien compris, c'est la raison pour laquelle j'ai été invité à comparaître ici aujourd'hui: c'est parce qu'un de mes clients aurait mentionné au comité que nous avions préparé un rapport pour lui.

Nous travaillons pour une vaste gamme de clients, y compris multinationales, sociétés canadiennes, services gouvernementaux à tous les paliers, municipal, provincial et fédéral, et, à l'occasion, des particuliers, des cabinets d'avocats, des associations professionnelles, etc.

Passant aux principes scientifiques dont j'ai pensé qu'il serait utile que je vous parle plus longuement, certains, j'en suis sûr, vous sont déjà familiers, mais je me suis dit que ce serait un bon point de départ. Premièrement, le sort et l'activité biologique de tout composé sont déterminés par ses propriétés chimiques. Ce qui arrive au sein d'un organisme, ce qui arrive aux produits chimiques dans l'environnement, dépend de la nature des propriétés chimiques du composé. Les antiparasitaires sont parfois mis dans la même catégorie qu'un énorme groupe de produits chimiques qui, de l'extérieur, paraissent peut-être très semblables, mais qui sont en fait très différents.

• 1135

Cela m'amène au deuxième point. Les antiparasitaires constituent une vaste catégorie regroupant des types très différents de produits chimiques. Je pense qu'on s'est beaucoup intéressé, par exemple, aux produits chimiques anciens de type hydrocarbure chloré, qui ne sont pour la plupart plus utilisés, en tout cas pas en Amérique du Nord. Ce sont les propriétés de ces différents produits chimiques qui déterminent leur utilisation, en tant qu'insecticides, herbicides ou fongicides, et quels seront leur sort et leur incidence sur les organismes visés, les organismes non visés et l'environnement.

Le troisième point dont j'aimerais vous entretenir est celui des risques. Le risque est fonction et des caractéristiques intrinsèques d'une substance—c'est-à-dire ce que peut faire la substance—et de l'exposition à cette substance. L'évaluation des risques suppose donc, tout d'abord, une évaluation détaillée du danger pour comprendre ce que le produit chimique peut faire, les conséquences néfastes qu'il peut avoir, puis une évaluation d'exposition très exhaustive pour comprendre dans quelle mesure un organisme peut être exposé à la substance concernée. En comparant l'exposition à ce qui constitue peut-être un niveau sans effet et en vous appuyant sur les études de toxicologie, vous pouvez déterminer s'il y a ou non un risque dans une situation donnée. L'évaluation du danger et l'évaluation de l'exposition sont deux exercices très importants en matière d'évaluation du risque.

Le quatrième point est que les composés ne provoquent pas d'effets néfastes en dessous d'un certain seuil de concentration. Ce que je veux dire par là c'est qu'il y a en fait des niveaux sans effet et dans les études de toxicologie et dans l'évaluation du risque. Il y a des seuils au-dessus desquels les composés provoqueront des effets néfastes et des seuils en dessous desquels ils n'en provoqueront pas. Il y a de nombreuses raisons à cela, et j'y reviendrai dans quelques instants.

Le cinquième point est que la force de la réaction dépend du dosage. L'on dit souvent que c'est le dosage qui fait du composé un poison. Utilisant l'analogie de l'Arctique, par exemple, les vitamines solubles dans le gras sont bonnes pour vous si vous en absorbez selon les quantités recommandées. Mais, d'après ce que j'ai compris, si vous mangez du foie d'ours polaire, la concentration en vitamines solubles dans le gras y est si forte que si vous en consommez trop, cela peut vous tuer sur-le-champ. C'est donc le dosage qui fait d'un composé un poison. Il est parfois médicinal ou nutritif, mais dans d'autres cas, il sera toxique.

Le sixième point est que leurs processus métaboliques inhérents permettent aux organismes de s'adapter à l'exposition aux produits chimiques. Ce que je veux dire par là est que nos corps et les différents organismes ont de tout temps, tout au long de leur évolution, été exposés à des produits chimiques dans l'environnement et se sont dotés de différents mécanismes de défense pour subir, transformer et parfois réparer les dommages infligés par un composé. Mais lorsqu'un composé entre dans le corps, il est reconnu comme étant une chose dont le corps doit s'occuper, et ce qu'il s'agisse d'un élément nutritif ou d'un produit chimique toxique. Il y a des processus métaboliques qui permettent aux organismes de faire cela. Par conséquent, pour revenir au point quatre, il existe des concentrations auxquelles les composés n'ont aucun effet étant donné que les organismes peuvent traiter certaines substances.

Septièmement, j'aimerais dire quelques mots au sujet des études écoépidémiologiques et épidémiologiques. Un certain nombre de règles doivent être suivies lorsqu'il s'agit de déterminer si des observations ou des corrélations sont rigoureuses ou pas. Premièrement, il faut que les effets soient plausibles sur le plan biologique et un grand nombre de conditions doivent être satisfaites avant de pouvoir évaluer ou qualifier un risque ressortant d'études fondées sur des observations.

Enfin, pour passer rapidement à l'ARLA, j'aimerais dire qu'à mon avis l'ARLA est une organisation fondée sur la science, qui emploie des personnes hautement qualifiées et chevronnées qui y sont depuis de nombreuses années et qui comprennent ce que sont les antiparasitaires, ce qu'ils font, quelles concentrations doivent être recommandées, dans quelles conditions des antiparasitaires peuvent être homologués et dans quelles conditions ils ne le devraient pas.

• 1140

Le système en place à l'ARLA est très rigoureux, comportant des douzaines d'études, voire même, dans certains cas, des centaines, si vous incluez les études requises en matière d'efficacité. Le régime que nous avons donc en place au Canada est extrêmement rigoureux et à l'échelle internationale il est considéré comme étant parmi les plus exigeants.

J'aimerais conclure en disant que les procédures, méthodes et examens effectués par l'ARLA semblent, en tout cas de mon point de vue, être conformes aux lignes directrices élaborées par les organismes internationaux et d'autres agences nationales, comme par exemple l'EPA aux États-Unis.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Nestmann. Vos propos nous ont été très utiles.

Madame Bertell, voulez-vous enchaîner?

Mme Rosalie Bertell (présidente, International Institute of Concern for Public Health): Oui. Je vous demande votre indulgence. J'ai quelques problèmes avec ma voix. Il semble qu'elle soit en train de m'abandonner.

J'aimerais parler de la différence entre évaluation du danger, évaluation du risque et gestion du risque. Je trouve qu'on utilise parfois de façon imprécise ces termes.

Lorsqu'on parle d'évaluation du danger, l'on peut couvrir de nombreux aboutissements possibles, alors on examine les dangers à long terme, le danger de mort, le danger de cancer. L'on peut également examiner les dangers côté production, qu'ils soient in utero ou véritablement génétiques. Il y a donc quantité de résultats que l'on peut examiner. C'est assez large.

Lorsqu'on passe à l'évaluation du risque, il faut choisir un aboutissement biologique, et dans notre culture, ce résultat a traditionnellement été le cancer. En évaluation du risque, vous limitez vos données à la recherche qui a été faite jusqu'au point correspondant à une réaction liée au dosage. Nous faisons beaucoup de recherches qui nous disent qu'une chose ou une autre est un danger. J'ai pensé, pour m'éloigner un petit peu de la question des antiparasitaires, mentionner une chose que tout le monde sait, j'en suis sûre, soit que les rayons x à des fins de diagnostic médical sont dangereux pour la femme enceinte, pour le foetus, et cela est affiché où que vous alliez pour des rayons-X. Je ne pense pas qu'il y ait le moindre doute là-dessus. D'un autre côté, si vous demandiez une évaluation du risque de l'exposition aux rayons-X, cela n'inclurait pas le dosage pour le foetus, car pour avoir une réaction-dosage pour cerner un tel problème, il faudrait que ce soit différent pour différentes périodes, et tout particulièrement pour le premier trimestre. Les dommages qui seraient donc causés dans la troisième ou la quatrième semaines seraient différents de ceux causés dans la dixième semaine, et ainsi de suite. Cela est maintenant quantifié; l'évaluation du risque que vous faites ne l'inclurait donc pas. Vous laissez de côté certaines choses lorsque vous arrivez au stade de l'évaluation du risque.

Je devrais peut-être vous dire quelques mots au sujet des mes antécédents. Je suis mathématicienne, et au niveau du baccalauréat et de la maîtrise, mes matières secondaires étaient la physique et la chimie. J'ai enseigné la physique, les mathématiques et la biologie au niveau universitaire, mais je ne me suis lancée en biologie qu'au niveau doctoral. En même temps, j'ai fait l'équivalent d'une maîtrise en physiologie et en génétique expérimentale ainsi qu'en plusieurs autres sciences biologiques et en biochimie. Ma formation couvre dont un éventail plutôt vaste, mais je continue d'aborder le problème qui nous occupe ici en tant que mathématicienne.

J'ai appris très tôt que lorsque vous trouvez une réponse, il vous faut faire marche arrière et examiner ce qui vous y a amené si vous voulez vraiment comprendre. Il y a de nombreuses façons de prendre un risque donné et de dire qu'il a une chance sur cent ou une chance sur un million de survenir, mais vous devez savoir ce que vous risquez et ce qui a été écarté du risque, et il est très important que le comité ici réuni fasse ce tri.

• 1145

Un programme informatique exige des données d'entrée très précises, et les résultats de ce programme informatique dépendent de ces entrées. Lorsque vous passez donc de l'évaluation du danger à l'évaluation du risque, il vous faut entre les deux examiner les voies de transmission, qui seront en règle générale l'air, l'eau et les aliments; il vous faut poser des hypothèses lorsqu'il est question d'un problème environnemental comme les antiparasitaires; il vous faut parler de la direction moyenne du vent; et il vous faut parler de la profondeur des eaux souterraines et du temps qu'il faut pour que quelque chose que vous appliquez à la surface parvienne jusqu'à la nappe souterraine. Il y a donc toutes sortes de données qui entrent en ligne de compte ici.

Il vous faut ensuite examiner les données à la sortie. De quel risque parle-t-on? Voilà qui est le plus nébuleux. Je trouve qu'en règle générale on ramène le risque au cancer, et c'est tout, précisément parce que lorsque vous essayez d'obtenir ces données dose-réponse, c'est à peu près tout ce qu'il y a. Lorsque vous prenez une chose qui semble s'appuyer sur la science, en définitive, plus vous essayez de la fonder sur des données scientifiques plus vous comptez uniquement sur des documents publiés et moins vous avez de chances d'obtenir à vos questions une bonne et large réponse, précisément parce que nous ne disposons pas des données scientifiques requises. Nous n'avons pas de données dose-réponse sur ce qu'il faut, mettons, pour provoquer chez un enfant une crise d'épilepsie. Je ne pense pas qu'il soit possible de trouver de données dose-réponse là-dessus. Comme je l'ai dit, les effets in utero sont pour la plupart non quantifiés et ne peuvent pas être entrés dans un ordinateur.

J'ai été confrontée au problème des pesticides lorsque j'ai dirigé la Commission médicale à Bhopal suite à la catastrophe causée par la Union Carbide. Je veux parler de cette catastrophe avec l'antiparasitaire Sevin, un carbamate, qui avait été considéré comme non toxique ou en tout cas un remplacement moins toxique du 2,4-D. Cela fait quinze ans déjà, mais dix années après la catastrophe, les gens disaient qu'ils continuaient de souffrir des effets de l'exposition à ce produit. À l'époque, et l'Union Carbide et le gouvernement indien avaient tenté de faire une évaluation des risques. Bien sûr qu'il n'existe pas de documentation vous racontant ce qui se passe dix ans après une catastrophe de cette envergure, alors la réponse a été qu'il n'y avait aucune preuve qu'il y avait toujours des effets, ce qui était une bonne nouvelle pour l'Union Carbide.

La commission médicale avait disposé d'un budget total de 50 000 $. Treize médecins et chercheurs ont passé un mois à Bhopal et y ont mené une petite étude très serrée et à budget très restreint dans le but de déterminer si les effets sur la santé que nous percevions étaient liés à l'expérience vécue par ces gens dix années auparavant. Ce fut une réussite, mais ce parce que nous avons étudié les gens et non pas la documentation. La documentation était inexistante.

Je vais déposer ceci auprès du comité. J'ai apporté l'étude, qui a paru dans le British Medical Journal. Il a remporté le prix d'excellence en recherche en 1997. On y établit le lien entre ce dont souffraient les gens et ce qui était arrivé dix années auparavant.

Je vous fournis cela en tant qu'exemple, car de nombreux problèmes peuvent être réglés, mais pour les régler il faut de la rétroaction. Il faut examiner les gens, les animaux et l'environnement, et il faut cette rétroaction, et pas seulement des chercheurs qui lisent des études et qui décident si celles-ci sont ou non satisfaisantes. Il faut que la réalité vous parle sans quoi vous vous éloignez de plus en plus de la vérité.

• 1150

Je pense qu'il existe un autre problème, qui est le suivant: lorsque vous tentez de faire une analyse du risque et de fixer—comme le disait, je pense, M. Nestmann—des concentrations-seuil du pesticide ou du produit dangereux en deçà desquels il n'y a pas d'effet, il vous faut en tout premier lieu définir le mot «effet». Quel effet examinez-vous? Vous aurez peut-être un niveau en deçà duquel vous ne constaterez pas de troubles gastriques, mais auquel il y aura des problèmes de peau. Il vous faut donc préciser quel effet vous intéresse.

Lorsqu'on essaie d'informatiser ces analyses de risque, l'on a tendance à utiliser des règlements qui ont été élaborés pour le lieu de travail, qui est un environnement spécialisé. Premièrement, c'est un endroit fermé, si les gens travaillent à l'intérieur. Deuxièmement, il y a un nombre limité de produits chimiques toxiques présents, tandis que dans notre environnement, on a tendance à avoir affaire à une véritable soupe de polluants.

La principale différence est que le travailleur est en règle générale un adulte du sexe masculin doté d'un système immunitaire bien développé. Il est au travail pendant huit heures. Il a ensuite une période de répit à l'extérieur du lieu de travail, dans un environnement non toxique. Comparez cette situation à celle, par exemple, d'un enfant vivant dans une maison où l'on fait un usage abondant d'antiparasitaires: l'enfant est dans la maison 24 heures sur 24, n'a pas de répit et son système immunitaire n'est pas développé.

Les enfants ne sont pas tout simplement de petits adultes; des modèles réduits. Ils ont une physiologie différente, un style de vie différent, des caractéristiques d'absorption biologique différentes et un système immunitaire non développé ou partiellement développé. On est donc confronté ici à des questions très complexes et je vous encouragerais à adopter une approche très large et à mettre l'accent sur l'évaluation du danger et non pas l'évaluation du risque.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Bertell, d'avoir sensibilisé le comité à une distinction très importante que nous voudrons peut-être explorer pendant la période des questions. La liste des intervenants est assez longue. Nous allons commencer par M. Grewal, qui sera suivi de M. Lincoln, de Mme Kraft Sloan, de M. Mancini et de M. Bachand.

Monsieur Grewal, voulez-vous commencer? Vous disposez de cinq minutes.

M. Gurmant Grewal: Certainement. Merci beaucoup, monsieur le président. J'apprécie les témoignages de nos invités et c'est avec un intérêt tout particulier que j'ai écouté ce que vous avez dit au sujet de votre travail à Bhopal, en Inde, suite à la catastrophe provoquée par l'Union Carbide. Je pense que cela aura été pour la communauté internationale ainsi que pour les experts une expérience très enrichissante en vue de trouver des moyens de veiller à ce que cela ne se reproduise plus jamais.

Vous avez également mentionné le fait que les enfants ont une physiologie différente, un mode de vie différent et un système immunitaire différent et que le niveau de tolérance aux produits chimiques chez les enfants et chez les femmes est définitivement différent de celui des adultes et de l'homme adulte moyen. J'aimerais savoir comment vous réagissez à la prétention de Santé Canada que l'on tient déjà compte des groupes sensibles, comme par exemple les femmes et les enfants, lorsqu'on fixe les limites maximales en ce qui concerne les résidus de pesticides.

Mme Rosalie Bertell: Il y a deux réponses. Premièrement, lorsque nous sommes allés faire cette étude à Bhopal, nous avons découvert, à notre grand étonnement—et nous avons fait cela dix années après l'accident—, lorsque nous avons examiné les personnes âgées de 20 à 40 ans, comparativement à celles âgées de 40 à 60 ans—et il faut revenir en arrière et dire qu'à l'époque de la catastrophe ces personnes étaient âgées de 10 à 30 ans et de 30 à 50 ans—nous avons découvert que les séquelles côté santé étaient plus graves chez les plus jeunes que chez les plus vieux. Cela signifie qu'il y avait quelque chose côté capacité de l'organisme hôte, et que les expositions à un plus jeune âge avaient fait plus de dégâts.

• 1155

Lorsque j'ai regardé le programme informatique qu'utilise CanTox, qui est censé tenir compte de la sensibilité des femmes et des enfants, des femmes enceintes, etc., j'ai vu qu'on l'a appuyé sur ce que l'on appelle la sensibilité aux produits chimiques. Au travail, si vous utilisez le même produit chimique pendant une période de temps assez longue, vous y devenez sensibles. C'est pourquoi certaines entreprises assurent une rotation dans les différentes occupations et déplacent les employés d'un service à un autre, afin de leur éviter de toujours travailler avec le même produit chimique.

C'est ce genre de sensibilité aux produits chimiques, mesurée au lieu de travail, que la société CanTox a utilisée pour dire qu'elle s'occupait des éléments sensibles de la population.

M. Gurmant Grewal: Puis-je interrompre, car le temps dont je dispose est limité?

Lorsqu'on parle sensibilité, ces jours-ci, on parle beaucoup d'aliments génétiquement modifiés. On met au point des variétés qui sont plus tolérantes aux pesticides, en modifiant génétiquement la composition de la plante afin qu'elle tolère une concentration supérieure de produits chimiques. Hypothétiquement, si la culture n'était pas génétiquement modifiée et si le seuil de tolérance du produit était de dix unités—hypothétiquement, dis-je bien—pour un pesticide donné, si l'on mettait au point une variété tolérante, celle-ci pourrait peut-être absorber 25 unités du pesticide sans en souffrir, alors que toutes les mauvaises herbes seraient atteintes.

Pensez-vous que cela aurait des conséquences néfastes sur les enfants et les femmes, les antiparasitaires pulvérisés sur les champs étant absorbés par la culture et pouvant se retrouver dans la chaîne alimentaire, dans les aliments que l'on consomme? Pensez-vous que dans cet exemple hypothétique, l'augmentation du niveau de tolérance de la culture, aurait une incidence néfaste—que personne ne pourrait probablement détecter—côté absorption de produits chimiques par les enfants et les femmes?

Mme Rosalie Bertell: Premièrement, lorsque vous parlez de niveau de tolérance, il s'agit de tolérance à des dommages massifs, d'envergure. Même en deçà du seuil de tolérance, il y aura des dommages. Votre intérêt pour la chose dépend de qui vous êtes: ou la victime, ou la personne qui pollue. Je pense qu'utiliser de tels antiparasitaires est une expérience très dangereuse mettant en jeu des êtes humains. Ce n'est pas parce que la plante a été modifiée pour résister à l'antiparasitaire que les humains ont été modifiés pour y résister. Il s'agit donc d'expériences très dangereuses mettant en cause des êtres humains. Dans un cadre universitaire, par exemple, de telles expériences ne seraient pas autorisées. Cela violerait les règles en matière d'expérimentation humaine.

Le président: Monsieur Nestmann, aimeriez-vous intervenir brièvement?

M. Earle Nestmann: Oui, j'aimerais avoir l'occasion de répondre à une question que je trouve très intéressante, soit votre deuxième question, qui est bien sûr liée à la première en ce qui concerne une méthodologie pour protéger les femmes et les enfants lorsqu'on fixe des seuils de tolérance aux antiparasitaires ou des limites de résidus maximales.

Permettez-moi tout simplement de dire que la méthodologie que nous utilisons dans notre travail d'évaluation de risques est la même que celle qui est utilisée à l'échelle internationale ainsi que par l'ARLA pour répondre précisément à cette question, car les enfants sont souvent les récepteurs les plus sensibles, et nous les identifions en tant que tels dans nos évaluations de risques. Nous appuyons nos évaluations de risques sur le fait que les enfants et les femmes enceintes sont peut-être les récepteurs les plus sensibles.

Quant aux renseignements qui sont à la disposition de l'ARLA, par exemple, les études ne se cantonnent pas seulement au cancer, contrairement à ce qu'a dit Mme Bertell. La raison pour laquelle on met parfois l'accent sur le cancer est que c'est là le résultat le plus sensible, lorsqu'il est question de déterminer le seuil sans effet et la plus faible tolérance possible. L'on s'appuie parfois sur le cancer, car c'est ce qu'il y a de plus sensible, c'est le chiffre le plus bas possible.

Mais l'on fait également des études sur des animaux en développement. On effectue des tests in utero, de telle sorte que chaque jour pendant gestation, l'animal est exposé aux produits chimiques. L'on dispose ainsi de renseignements en vue de l'établissement de niveaux de tolérance sur la base de ces études, en utilisant ces résultats sensibles.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant poursuivre avec M. Lincoln.

• 1200

M. Clifford Lincoln: Mes questions s'adresseront à M. Nestmann.

Je regrette, monsieur Nestmann, que vous ne nous ayez pas fourni aujourd'hui de déclaration écrite, mais seulement un plan, car il est difficile dans ces circonstances de vous interroger, sans avoir de texte sous les yeux.

J'ai cependant vu un mémoire que CanTox a préparé pour l'Urban Pest Management Council of Canada. Le connaissez-vous, ce mémoire?

M. Earle Nestmann: Oui, je pense savoir de quel document vous parlez.

M. Clifford Lincoln: Très bien. Je l'ai devant les yeux. Premièrement, quel est le gros producteur international de produits chimiques avec lequel vous travailliez autrefois?

M. Earle Nestmann: La société Cyanamid Canada, qui fait partie de l'American Cyanamid.

M. Clifford Lincoln: Je dois dire que lorsque j'ai lu le mémoire de l'Urban Pest Management préparé par CanTox, il m'a paru totalement contredire ce que quantité de témoins nous ont dit ici. Par exemple, ce mémoire dit:

    [...] les antiparasitaires communément utilisés dans l'agriculture, à la maison et au jardin appartiennent à des familles chimiques qui ne sont pas toxiques pour les humains ou les animaux dans les conditions d'utilisation recommandées, ne posent pas de risque de cancer pour les humains et ne s'accumulent pas dans l'environnement.

Avez-vous entendu ou vu le mémoire déposé par le ministre de la Technologie et de l'Environnement de l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Earle Nestmann: Non, je n'ai pas vu ce document.

M. Clifford Lincoln: À l'Île-du-Prince-Édouard, en un seul été, ils ont trouvé 10 000 poissons morts. Le ministre a comparu l'autre jour et a déclaré:

    Il semble que les pesticides en cause dans la mortalité de ces poissons avaient été appliqués conformément aux directives figurant sur l'étiquette. L'on n'a trouvé aucune preuve du contraire.

Il y a eu plusieurs cas de destruction massive de poisson liés à des pesticides. Il y en a eu quatre en l'espace de cinq ans, entre 1994 et 1998. Pendant l'été 1999, il y en a eu huit. En l'espace d'un seul été, 10 000 poissons ont été tués.

Le Commissaire à l'environnement et au développement durable parle dans son rapport du carbofurane, qui a été enregistré—et qui l'est toujours, dans sa forme liquide—pour le maïs et la pomme de terre. Il a été déshomologué dans sa forme granulaire. L'ARLA elle-même, dans une étude récente, révèle qu'entre 109 000 et 958 000 oiseaux sont chaque année tués au Canada par le carbofurane.

Puis il y a l'aqua-kleen, dont parle également le Commissaire à l'environnement et au développement durable: il s'agit d'un herbicide qui est utilisé dans les canaux d'irrigation et qui, selon l'ARLA elle-même tue les poissons. Ces canaux d'irrigation irriguent les cultures qui se retrouvent dans la chaîne alimentaire.

Puis, je vois qu'il est fait plusieurs fois mention des enfants dans le mémoire préparé par votre organisation pour le compte de l'Urban Pest Management Council of Canada.

Les enfants sont-ils exposés aux herbicides utilisés pour traiter les pelouses et les parcs? La réponse donnée par votre groupe a été la suivante:

    Les rares fois chaque année que des enfants peuvent avoir l'occasion de jouer sur une pelouse fraîchement pulvérisée, l'exposition potentielle est si faible qu'elle est négligeable.

Une autre question est la suivante: est-ce qu'une exposition intermittente à très faible concentration pose un risque pour les enfants? Encore une fois, vous dites que le risque potentiel est très négligeable.

Enfin, y a-t-il un lien entre l'exposition à des pesticides et l'incidence de la maladie d'Alzheimer, de la maladie de Parkinson, du cancer du sein, ou...? Oh, non, disent-ils: «Il n'existe aucune preuve concluante». Or, toujours ici, le Collège des médecins de famille du Canada a déposé un mémoire renvoyant au National Research Council et à la National Academy of Sciences des États-Unis et citant quantité d'autres références.

• 1205

Le président: Monsieur Lincoln, cela m'ennuie de vous interrompre, mais le temps qui vous était alloué est presque écoulé. Quelle est votre question?

M. Clifford Lincoln: Monsieur Nestmann, comment pouvez-vous diffuser un mémoire comme celui-ci qui dit aux familles, aux parents, aux personnes vivant dans des foyers et à la population en général que les pesticides ne posent pas de problème; que si l'on s'en sert conformément aux indications sur l'étiquette, ils sont sans danger; qu'ils ne posent aucun risque toxique ni ne causent le cancer du sein; qu'ils ne nuisent aucunement aux êtres humains ni à l'environnement, alors que les preuves du contraire sont si écrasantes? J'ai le regret de vous dire que je trouve cela absolument épouvantable. Je ne sais trop ce que vous en pensez, mais je trouve cela tout à fait inacceptable.

Le président: Monsieur Nestmann, je vous prie.

M. Earle Nestmann: Vous avez soulevé de nombreuses questions. Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de dire quelques mots au début. Comme je l'ai déjà dit, il nous faut être très prudents lorsque nous parlons de pesticides: il existe de très nombreux types de pesticides et je ne voudrais pas comparer des torchons et des serviettes.

La citation que vous avez relativement aux produits d'entretien de pelouse est tout à fait juste. L'ARLA est du même avis. D'autres ont peut-être d'autres opinions, mais les autorités scientifiques mondiales, qui connaissent les preuves, conviendraient avec moi que ces produits chimiques d'entretien des pelouses ne vont pas causer les genres de choses dont parlent certains militants. Vous ne pouvez pas comparer ces produits aux produits chimiques utilisés à l'Île-du-Prince-Édouard et qui tuent les poissons.

M. Clifford Lincoln: On y parle non seulement d'utilisation dans la maison et dans le jardin, mais également d'utilisation agricole. C'est ce que dit votre déclaration.

M. Earle Nestmann: Je n'ai pas le texte devant moi, mais je pense que cela s'inscrit dans le contexte du 2,4-D, qui n'est pas un produit qui va tuer les poissons. Le carbofurane tuera les oiseaux. C'est un composé à usage restreint. C'est un insecticide. Ce n'est pas quelque chose que les gens utilisent dans leur jardin. Permettez-moi de ne pas être de votre avis dans vos généralisations au sujet des pesticides. Vous ne pouvez pas faire cela.

M. Clifford Lincoln: Il est question de santé humaine. Cela ne se limite pas au seul entretien de pelouses. Il s'agit d'agriculture. Il s'agit du genre d'essais de pesticides qui sont faits au Canada relativement à la santé humaine. Le carbofurane est à l'heure actuelle utilisé pour la pomme de terre et le maïs, produits que nous mangeons. Votre mémoire, que j'ai devant les yeux, parle également de l'agriculture, et pas seulement des pelouses.

Le président: Monsieur Nestmann, rapidement.

M. Earle Nestmann: Je réaffirme les déclarations contenues dans le mémoire et le contexte dans lequel les niveaux d'utilisation et d'exposition ont été étudiés. En ce qui concerne le carbofurane appliqué à la pomme de terre, s'il s'agit là d'un usage autorisé—ce dont je ne suis même pas certain—un seuil de tolérance sera fixé, comme cela a déjà été mentionné, en vue de veiller à l'innocuité des aliments destinés à la consommation humaine. Il ne s'agit pas d'un composé qui va être aspergé sur une pelouse où vont jouer des enfants. Je pense donc, premièrement, qu'il vous faut être très prudent quant au type d'antiparasitaires dont il est question, leur utilisation et les niveaux d'exposition.

Il y a une énorme différence côté danger, comme l'a souligné Mme Bertell. Il est important de mettre l'accent sur le danger. Il importe de faire une évaluation du danger. À partir de quel niveau le carbofurane va-t-il tuer quelque chose? Il est question ici de quantités minuscules. Qu'en est-il du 2,4-D? Il faut plusieurs litres avant que l'on ne puisse relever le moindre effet secondaire. L'on ne peut donc aucunement dire que ces produits sont équivalents.

M. Clifford Lincoln: Qu'en est-il de l'effet cumulatif?

Le président: Madame Kraft-Sloan, vous disposez de cinq minutes.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je pense que Mme Bertell a également fait ressortir que certaines de ces évaluations de risque ne tiennent pas compte de toute la gamme des problèmes possibles. Lorsque des renseignements et des données sont laissés de côté, l'on dira qu'il a été déterminé que la substance ne cause pas de problème et qu'elle est donc sans danger.

J'aimerais vous poser une question, monsieur Nestmann. Si je ne m'abuse, le site Web de CanTox Environmental, dit ceci:

    CanTox Environmental reconnaît qu'un programme d'évaluation de risque environnemental bien géré peut contribuer à la réussite financière d'un client. Cela étant, CanTox Environmental est prête à assumer une partie de la responsabilité de tels programmes en échange d'une part des bénéfices.

• 1210

Pourriez-vous expliquer au comité quels sont ces arrangements financiers avec vos clients? De quelle responsabilité parlez-vous? Quels bénéfices peuvent découler d'un programme d'évaluation de risque environnemental bien géré? Plus particulièrement, quels bénéfices CanTox retire-t-elle de la réalisation de telles études?

M. Earle Nestmann: Je me ferais un plaisir de répondre à cette question si j'en savais un peu plus au sujet du texte que vous venez de nous citer. Comme je l'ai déjà mentionné, je travaille pour la société CanTox Health Sciences International, et non pas pour la CanTox Environmental Inc., alors je n'ai qu'une connaissance très vague de ces genres d'arrangements. Je ne suis pas directement au courant. Je ne me sens donc pas en mesure d'en parler à l'aise avec le comité.

Par ailleurs, comme je l'ai déjà dit, je suis venu ici prêt à parler de la méthodologie de l'évaluation du risque dans le contexte des antiparasitaires, et c'est de cela que j'aimerais que l'on discute.

Mme Karen Kraft Sloan: Monsieur le président, je pense qu'il est important de souligner qu'il s'agit ici de la même société. Je pense qu'il est également important que les membres du comité comprennent quel genre d'arrangements financiers cette société négocie lorsqu'elle prend un client, surtout étant donné que le comité a entendu des témoins citer leurs documents comme étant des documents scientifiques indépendants et que l'on ne sait pas très bien quels sont les arrangements financiers en place.

Je pense que M. Nestmann devrait fournir au comité, par l'intermédiaire du responsable concerné chez CanTox, le détail de ces arrangements financiers et des genres de bénéfices qui en découlent. Il me semble que si la société va toucher un pourcentage des profits réalisés grâce à un produit du fait d'avoir aidé l'entreprise à gérer le risque environnemental, etc... Agit-elle indépendamment ou bien y a-t-il ici un conflit d'intérêt?

Le président: Monsieur Nestmann, aimeriez-vous réagir?

M. Earle Nestmann: Je me ferai un plaisir de soumettre au comité quelque chose là-dessus. J'en discuterai avec mes collègues chez CanTox Environmental.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Girard-Bujold, je m'excuse, mais vous aviez suggéré que M. Bachand intervienne à votre place. Je donnerai ensuite la parole à MM. Mancini et Herron.

Monsieur Bachand, s'il vous plaît.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Mes questions s'adressent à Mme Bertell. J'ai lu vos notes biographiques et constaté que vous aviez travaillé au sein des commissions médicales internationales de Bhopal et de Tchernobyl. J'ai cru comprendre que vous étiez une Soeur Grise. Sachez que je suis un grand ami de votre congrégation, à qui j'aimerais que vous transmettiez mes salutations.

J'ai également constaté que vous vous intéressiez beaucoup aux peuples autochtones des pays en voie de développement. Puisque je suis le porte-parole officiel du Bloc québécois pour les questions autochtones, j'aimerais que nous nous entretenions brièvement de cet aspect.

Est-ce que la situation des autochtones au plan international est similaire à celle des autochtones qui vivent au Canada? Autrement dit, est-ce que vos recherches ont indiqué que les peuples autochtones jouissaient généralement d'une moins bonne santé que les autres citoyens, comme c'est le cas ici, au Canada? Comparativement à l'ensemble de la population canadienne, un plus beaucoup plus grand nombre d'autochtones souffrent de diabète, d'alcoolisme et de dépendance au tabac. Je n'ai malheureusement pas pu assister à la présentation des représentants de la Conférence circumpolaire inuit ce matin, mais je sais que les Inuits Tapirisat sont également extrêmement inquiets au sujet de la contamination de la chaîne alimentaire dans le Grand Nord.

J'aimerais que vous exprimiez votre point de vue à ce sujet, en établissant une comparaison entre les autochtones à l'échelle internationale et les autochtones canadiens. Selon vous, est-ce que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, qui comparaît devant nous aujourd'hui, a fait un bon travail en vue d'enrayer cette pollution et de préserver la santé des autochtones?

[Traduction]

Mme Rosalie Bertell: Merci de ces questions.

• 1215

Lorsque la culture dominante établit les lois, je pense qu'elle le fait en fonction des caractéristiques de son propre style de vie, et très souvent, les peuples indigènes utilisent l'environnement différemment. Par exemple, je dirais que lorsque la culture dominante fixe un seuil de pollution pour, mettons, l'herbe, elle considère que l'herbe ne sera utilisée pour rien. Mais les peuples autochtones brûlent de l'herbe dans le cadre de leurs cérémonies, alors toutes les personnes dans le cercle sont exposées aux polluants dans l'herbe, quels qu'ils soient; dans le cas d'une telle utilisation, ce peut être extrêmement toxique.

Tout est déterminé selon nos us et coutumes, et les autres utilisations culturelles de l'environnement n'entrent pas en ligne de compte. Il y a d'autres choses encore qui viennent à l'esprit. Par exemple, l'on sait qu'une exposition chronique à l'uranium vient exacerber tout problème lié au diabète et augmente la quantité de sucre dans l'urine, mais on utilise en règle générale l'uranium uniquement... car nous l'envisageons comme cause du cancer du poumon. Toutes ces autres choses arrivent dans l'environnement et frappent tout particulièrement les peuples indigènes, qui vivent plus près de l'environnement et qui s'en servent différemment; qui mangent le poisson, qui chassent, et ainsi de suite. Ces gens-là sont touchés différemment.

Cela fait partie intégrante de la façon dont nous menons nos affaires. Ce n'est pas suffisamment exhaustif. Nous ne tenons pas compte de suffisamment d'aboutissements. Nous ne tenons pas compte de suffisamment de modes de vie. Nous n'examinons pas suffisamment de voies par lesquelles le danger atteint les gens. Nous faisons un genre de science très simpliste. Je pense, comme même M. Nestmann l'a dit, que la documentation doit être là, ce qui veut dire que nous devons financer la recherche. Nous ne finançons pas la recherche et la documentation n'est pas là, alors rien ne se passe; on oublie.

[Français]

M. Claude Bachand: Puis-je poser une question supplémentaire?

Le président: Oui.

M. Claude Bachand: J'aimerais que vous répondiez à ma question au sujet de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. En écoutant vos réponses, j'ai cru comprendre que vous n'éprouviez pas une très grande confiance à son égard. Vous semblez privilégier des investissements dans le domaine de la recherche.

[Traduction]

Mme Rosalie Bertell: Ce n'est pas une condamnation personnelle. Ce que je dis c'est que rester assis dans un bureau et lire des rapports, je n'y crois pas. Je pense qu'il faut sortir et aller constater ce qui se passe. Je sais que j'ai parfois été trompée; lorsque je suis sortie pour aller voir ce qui se passait vraiment dans le monde réel, cela ne correspondait pas avec ce que j'avais vu sur papier. Il faut vraiment un feedback—et il faut un feedback sur la réalité.

Le président: Monsieur Nestmann, s'il vous plaît.

M. Earle Nestmann: Si vous permettez que j'ajoute quelque chose à cette réponse, il est vrai que les gens à l'ARLA sont assis dans des bureaux et lisent des rapports, mais ils profitent de toutes les études sur le terrain et de toutes les observations, analyses et ainsi de suite qui ont été faites, en tout cas celles qui ont été publiées et même celles qui ne l'ont pas été. Ce n'est pas comme si ces gens étaient limités du fait de n'être pas physiquement présents sur les lieux.

Vous pouvez vous rendre sur le terrain et regardez autour, mais vous ne pouvez pas mesurer d'un simple coup d'oeil les résidus d'un antiparasitaire ou d'un autre agent présent dans le sol ou dans des aliments. Cela ne peut être déterminé que grâce à une analyse chimique. Ces documents sont à la disposition des gens de l'ARLA qui en profitent car ils veulent connaître—et ils doivent connaître—chaque petit bout de renseignement qui est disponible.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bachand.

Monsieur Mancini, suivi de M. Herron.

[Traduction]

M. Peter Mancini: Merci, monsieur le président.

Monsieur Nestmann, merci d'être venu. Si vous êtes ici aujourd'hui, c'est grâce à ma motion, découlant du mémoire déposé par l'Urban Pest Management Council, dont M. Lincoln a fait mention. Je suis heureux que vous soyez des nôtres. J'ai déclaré, lorsque j'ai demandé qu'on vous invite à venir, que je suis avocat et que nous autres juristes avons un vieil adage: nous cherchons toujours à obtenir les meilleures preuves possibles. Maintenant que vous êtes ici, j'apprends que vous avez travaillé non seulement pour l'Urban Pest Management Council, mais également pour des multinationales ainsi que pour le ministère fédéral de la Santé. Est-ce bien cela?

• 1220

M. Earle Nestmann: C'est exact.

M. Peter Mancini: Une part importante des renseignements que nous avons reçus provient donc vraisemblablement de votre société.

Comme l'a mentionné M. Lincoln, l'Urban Pest Management Council dit qu'une exposition intermittente à faible dose aux herbicides ne pose pas de risque pour la santé pour les enfants. Cette conclusion est le produit de votre analyse, et, si j'ai bien compris, cette analyse a porté en partie sur des tests effectués parmi des groupes très exposés—par exemple, des ouvriers, et Mme Bertell nous a entretenu de cet aspect-là. N'y a-t-il pas une contradiction dans l'utilisation d'ouvriers hautement exposés pour déterminer que des expositions à faible dosage à des herbicides ne posent pas de menace pour les enfants?

M. Earle Nestmann: La question présuppose que c'est cela que nous faisons, mais ce n'est pas le cas. Nous ne nous fondons pas uniquement sur des données correspondant à des travailleurs très exposés dans un contexte professionnel, bien que dans certains cas ce soit là le seul genre de renseignements disponibles au sujet d'un risque donné: Quels sont les effets d'une exposition très élevée à un certain produit chimique? Que cela fait-il aux humains? Typiquement, l'on ne va pas mener d'expériences pour déterminer cela. L'on ne mène pas d'expériences du genre, alors on s'appuie sur des données toxicologiques correspondant à des animaux, et parfois, les seuls éléments de preuve côté humain vous viennent du lieu de travail. Vous utilisez ces données pour ce qu'elles valent, et vous utilisez les études toxicologiques pour ce qu'elles valent aussi.

Dans le cas qui nous occupe ici, on ce qui concerne «l'exposition négligeable», des études exhaustives ont été faites à l'Université de Guelph par le professeur Gerry Stephenson. Il a pris des formulations commerciales d'herbicides du type phenoxy, les a pulvérisés sur des pelouses puis a invité des étudiants bénévoles à se rouler dans l'herbe, à y marcher pieds nus, à s'y asseoir, à s'y agenouiller, etc. Il a prélevé auprès de ces personnes des échantillons de sang, d'urine, etc., pour voir quelle absorption avait en fait eu lieu par suite de cette exposition. Le niveau d'exposition était très bas.

M. Peter Mancini: Dans le cadre de ces études, a-t-on tenu compte de la sensibilité de l'enfant aux pesticides? Je ne suis pas chercheur, et c'est pourquoi je vous pose ces questions. Mme Bertell nous a parlé du fait qu'un enfant n'est pas un petit adulte. Dans le cadre de ces genres d'épreuves, tient-on compte du poids corporel, de l'absorption alimentaire, du taux de croissance, du facteur de multiplication, de la «soupe», comme on l'appelle, de tous ces herbicides ajoutés les uns aux autres? Tient-on compte de tous ces facteurs pour veiller à ce que les enfants soient protégés de risques possibles, comme mesure de précaution?

M. Earle Nestmann: C'est là une très bonne question, et je crois qu'elle se trouve au coeur de ce dont vous êtes saisi ici.

Dans une étude du genre, la réponse est qu'on ne tient pas compte des caractéristiques uniques aux enfants. L'objet d'une telle étude est tout simplement de faire une évaluation de l'exposition: À quoi les gens peuvent-ils être exposés?

Ce que vous faites de l'autre côté de la médaille, comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires, c'est une évaluation détaillée et exhaustive du danger pour voir quelles preuves vous permettent de déterminer dans quelle mesure les enfants seraient plus ou moins sensibles à une exposition particulière. Vous tenez compte de leur consommation alimentaire qui, par rapport au poids corporel, est supérieure; du fait que leur métabolisme est différent et du fait qu'il puisse y avoir une différence côté sensibilité. Ces genres de données sont glanés dans l'ensemble des études de toxicologie qui sont faites en utilisant de jeunes animaux à divers stades dans leur vie.

Vous avez raison, l'étude d'exposition ne tient pas compte de cela, mais il existe une masse de preuves dont vous pouvez tirer les conclusions qu'il vous faut pour mener à bien votre évaluation de risque.

Le président: Merci, monsieur Mancini.

Nous pourrons avoir un rapide deuxième tour, si vous me permettez d'abord de poser une petite question à Mme Bertell.

• 1225

Madame Bertell, pourriez-vous étoffer un petit peu le point 4 de votre mémoire? Cela est plutôt important. Vous dites:

    Pour évaluer le risque pour la santé, il faut viser un résultat biologique et disposer de données dose-réponse détaillées. Autrement,

... vous poursuivez...

    comme c'est le cas pour bien des effets sur la santé, on ne peut les prendre en compte dans l'évaluation du risque.

Pourriez-vous étoffer cela de quelques exemples et nous expliquer ce que veut dire «résultat biologique»?

Mme Rosalie Bertell: Lorsque nous utilisons le terme «risque», en règle générale nous n'ajoutons pas de complément. C'est toujours un risque de quelque chose. À moins de connaître le résultat, cela ne veut en vérité pas dire grand-chose que de déclarer qu'il n'y a pas de risque. Les gens acceptent le produit et disent qu'il n'y a aucun risque que celui-ci leur nuise, mais cela n'est pas vrai.

Par exemple, je me souviens d'une affaire de pollution dans des jardins particuliers à Scarborough. J'avais été en mesure de dire que la pollution, qui avait été mesurée dans les cours des gens, était également présente dans les enfants, car nous avons fait des analyses d'urine et l'avons constatée dans les enfants. J'avais pensé que c'était un lien assez parlant, mais nous avons également montré qu'il y avait eu des changements dans les paramètres sanguins des enfants. Dans une numération des leucocytes normale, les choses n'étaient pas normales. On m'avait dit qu'il n'y avait aucune raison de penser qu'un changement sanguin non normal était grave. On ne considérait pas qu'il s'agissait là d'un résultat biologique sérieux. Voilà ce que je veux dire.

Beaucoup de ces choses ont des effets. Il y a des effets sur le système nerveux central. Un produit pourrait provoquer une crise d'épilepsie chez un enfant atteint d'épilepsie. Il pourrait changer vos paramètres sanguins et vous rendre plus susceptible de contracter la grippe ou d'autres maladies infectieuses. Il y a beaucoup de choses qui peuvent arriver. Certains types d'exposition peuvent, par exemple, provoquer l'anémie, qui entraîne toutes sortes d'autres séquelles chez les enfants. Mais ces choses n'étaient pas incluses, à moins qu'il ne se soit agi du résultat biologique de l'analyse de risque.

Lorsque vous dites «risque», vous parlez du risque de quelque chose. Il vous faut véritablement connaître le résultat biologique, sans quoi vous ne savez pas de quoi l'on parle véritablement. Ces analyses excluent tout ce qui ne constitue pas un résultat biologique.

Le président: Merci.

Monsieur Nestmann.

M. Earle Nestmann: J'aimerais tout simplement enchaîner un petit peut là-dessus et revenir sur la méthode utilisée pour déterminer ce qui constitue un niveau acceptable de pesticide.

Les pesticides, de par leur nature même, sont censés faire certaines choses. Ils sont censés tuer ou contrôler des choses. Il s'agit d'antiparasitaires. On les prend très au sérieux. En ce qui concerne l'évaluation de risque visant à déterminer quelle exposition peut être absorbée dans le régime alimentaire ou par une autre voie, ce qui est fait ce sont toutes les études—j'ai mentionné tout à l'heure que des douzaines d'études toxicologiques différentes sont faites. Chacune de ces études doit avoir ce que l'on appelle un niveau sans effet observé, c'est-à-dire un niveau auquel il n'y a pas d'effet. Si vous constatez un changement dans les paramètres sanguins ou autre chose chez les animaux utilisés dans les expériences, alors vous parlerez d'un effet. Vous devrez passer à une concentration inférieure, à un niveau sans effet observé, dans chacune des études portant sur un antiparasitaire candidat à l'homologation.

Vous examinez alors tous ces différents NSEO—c'est ainsi qu'on les appelle, niveaux sans effet observé—et vous prenez le plus bas. Comme je l'ai déjà dit, ce sera souvent le cancer, car c'est souvent lui qui affichera le plus bas chiffre possible. Ce sera inférieur au NSEO trouvé dans l'étude sur le système reproducteur, l'étude sur les problèmes chroniques, ou autres. Ce NSEO le plus bas, correspondant à la base de données toxicologiques la plus conservatrice de toutes, est alors typiquement divisée par deux facteurs d'incertitude de dix chacun, ou par ce que l'on appelle communément le facteur de sécurité de cent, produisant un résultat qui sera alors considéré comme un niveau acceptable. Vous êtes donc en présence d'un niveau sans effet observé cent fois inférieur dans des études portant sur des animaux, ce qui vous permet de fixer un niveau repère pour pouvoir parler de l'exposition chez les humains. Il s'agit d'un processus très conservateur.

Quant à l'idée de sortir et d'aller faire des comparaisons du résultat relevé dans des cours de maison, etc., ces genres de données existent. Elles sont disponibles sur les bases de données de l'EPA et de Santé Canada et on les appelle limites d'exposition pour ces types de composés.

• 1230

Le président: Merci monsieur Nestmann.

Madame Bertell.

Mme Rosalie Bertell: À supposer que ce soit vrai et que dans ce monde parfait vous disposez de toutes les preuves sur tous les résultats finaux possibles, alors ces autres aboutissements devraient servir d'avertissements. Ainsi, si nous constations par exemple une exposition causant des changements dans le sang, ce pourrait servir de drapeau rouge pour dire que c'est bien au-dessus du niveau qui cause le cancer et qu'il y a donc lieu de s'en inquiéter sérieusement.

Cependant, ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent. On nous dit, ce n'est rien, ce n'est pas important. Lorsque votre enfant a des crises d'épilepsie lorsqu'il est exposé à quelque chose... C'est ainsi qu'on a compris ce qui se passait à Love Canal, avec les enfants qui faisaient des crises d'épilepsie, mais personne n'y prêtait attention.

Si ce système fonctionne vraiment, alors il vous faut avoir des seuils à partir desquels des drapeaux sont dressés, et ceux-ci ne sont en règle générale même pas considérés comme étant importants par la société.

Le président: Merci, madame Bertell. Ce sera maintenant au tour de M. Mancini, qui sera suivi de Mme Kraft Sloan, après quoi nous lèverons la séance.

M. Peter Mancini: Merci, monsieur le président.

J'aimerais poser quelques questions à M. Nestmann. Dans la conclusion de votre déclaration, vous avez dit beaucoup de bien de l'ARLA. Vous avez dit qu'il s'agit d'une organisation qui s'appuie sur la science, qui compte du personnel hautement qualifié et qui utilise des méthodes scientifiques conformes à celles de l'EPA, aux États-Unis.

J'ai lu des déclarations en provenance des États-Unis, et plus particulièrement de l'American Cancer Society—et je pense qu'il a été dit ici que le cancer correspond au taux de risque le plus bas—et je songe à un document bien précis intitulé Warning: The Use Of Pesticides May Be Hazardous To Your Health. Dans sa déclaration, l'American Cancer Society dit que 95 p. 100 des pesticides utilisés sur les pelouses résidentielles sont considérés par l'EPA comme étant des cancérogènes probables ou possibles.

Or, voici que dans votre conclusion, vous nous dites que l'ARLA, qui utilise les mêmes méthodes scientifiques que l'EPA n'est apparemment pas de cet avis. En tout cas, ce n'est pas l'avis de votre société, si l'on s'en tient aux déclarations qui nous ont été faites par d'autres groupes.

Pouvez-vous m'expliquer comment cette méthodologie scientifique peut aboutir à deux conclusions contraires quant à l'innocuité des pesticides dans l'environnement, et je veux parler ici de la méthodologie de CanTox et de celle utilisée par l'American Cancer Society?

M. Earle Nestmann: Il s'agit là d'une très bonne et très intéressante question, car cela nous amène au système de classification du danger qu'utilise l'EPA pour classer les cancérogènes. Il s'agit donc d'un système de classification du danger et, d'après les études qui sont effectuées... J'ai expliqué la façon dont sont menées ces études. Chaque étude sur les effets cancérogènes utilise des doses très élevées. Les effets constatés avec de faibles doses y sont également intégrés, mais l'on utilise surtout des doses élevées. La raison à cela est que les chercheurs veulent déterminer ce qu'ils appellent une «dose maximale tolérée». En d'autres termes, il faut être certain que les animaux réagissent aux produits chimiques.

Ces études sont menées sur toute la vie d'un rongeur—la durée de vie normale d'un rongeur est de deux ans. Ce qui arrive dans le cadre de ces études sur les dosages élevés est qu'il y a des rongeurs chez qui l'on constate de toute façon un niveau élevé de cancer spontané, et ils peuvent souffrir de différents types de cancer. Dans certains cas, l'on constatera une incidence élevée de cancer due aux effets de doses élevées. Parfois, ce sera parce que le composé provoque le cancer. Mais parfois, ce sera une augmentation de l'incidence d'un cancer qui apparaît spontanément chez les rongeurs.

De la façon dont procède l'EPA, elle conclut que le produit est un cancérogène humain potentiel, parce qu'il a causé une augmentation du cancer chez les rongeurs. Donc, automatiquement, elle l'inscrit dans cette catégorie de danger. Voilà l'origine. Le bureau des pesticides de l'EPA prend ce renseignement et tous les autres dont il dispose pour décider si le composé peut être utilisé commercialement ou non. Les produits que vous avez cités sont employés sur le marché américain. Ils servent à traiter les pelouses etc., bien que leur classification de dangerosité dise qu'ils sont un cancérogène humain possible.

• 1235

Comme autre catégorie, il y a encore le cancérogène probable, qui n'est typiquement pas autorisé, et les cancérogènes avérés. Si un produit est un cancérogène humain avéré, il ne sera pas homologué comme un pesticide.

M. Peter Mancini: Mais est-ce que l'ARLA utilise la même méthodologie ou une autre? Mettons les choses ainsi: est-ce que CanTox utilise la même méthodologie ou quelque chose de différent? Le groupe qui a comparu et que M. Lincoln a cité, a dit—et vous avez expliqué cela—que les pesticides ne sont pas cancérogènes selon leur mode d'utilisation, qu'ils sont sûrs, relativement. Et nous avons une autre méthodologie qui dit quelque chose d'entièrement différent. Laquelle devrait donc adopter l'ARLA?

M. Earle Nestmann: J'essaie de vous expliquer que nous utilisons tous la même méthodologie. L'ARLA utilise la même méthodologie que l'EPA et parvient à la même conclusion. En revanche, l'ARLA ne publie pas la classification du danger de la même façon que l'EPA. C'est la seule différence. Mais elle utilise la même méthodologie, les mêmes données, et parvient aux mêmes conclusions la plupart du temps.

M. Peter Mancini: Merci.

Le président: Merci.

Madame Kraft Sloan, et nous nous en tiendrons là.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.

Je me demande, lorsquÂun fabricant de produits chimiques veut faire homologuer un pesticide par l'ARLA, demande-t-il à CanTox d'effectuer le travail d'évaluation du risque pour lui. Est-ce exact?

M. Earle Nestmann: Pas tout à fait. Nous pouvons faire différentes choses pour un fabricant.

Mme Karen Kraft Sloan: Pourriez-vous nous les indiquer, s'il vous plaît?

M. Earle Nestmann: Les fabricants de pesticides qui tentent de faire homologuer leurs produits par l'ARLA ont habituellement l'expérience de la réglementation et les compétences voulues pour présenter les demandes, réunir la documentation, répondre aux questions qui seront posées, etc.

Ce que nous pouvons faire dans certains cas... Pour vous donner quelques exemples, une fois qu'un pesticide est homologué et est distribué sur le marché, des articles peuvent paraître dans la littérature contestant les données sur les pesticides fournies par le fabricant. On peut donc nous demander d'examiner ces renseignements publiés et d'expliquer la différence entre les méthodes de ces chercheurs, le cas échéant, et celle de la compagnie, pour voir s'il y a là des éléments nouveaux, des motifs d'inquiétude, et ce qu'il faudrait faire pour éclaircir cette situation, ce genre de choses. Mais nous n'effectuons pas habituellement les évaluations de risque en vue de l'homologation des produits au Canada. Ce n'est pas ce que l'on nous demande normalement de faire.

Mme Karen Kraft Sloan: Donc, les fabricants ont eux-mêmes du personnel pour effectuer l'évaluation de risque, ou bien sous-traitent-ils ce travail?

M. Earle Nestmann: Les deux, je pense, mais le plus souvent ce travail est fait de façon interne.

Mme Karen Kraft Sloan: Faites-vous du travail à contrat pour le gouvernement fédéral?

M. Earle Nestmann: Oui.

Mme Karen Kraft Sloan: De quelle nature?

M. Earle Nestmann: Il nous est arrivé de faire un travail d'évaluation de risque. Un exemple qui me vient à l'esprit est celui d'un appareil médical pour Santé Canada, une évaluation de risque d'une substance chimique. On avait constaté que cette substance pouvait être extraite par lixiviation du matériau d'un appareil médical et que les patients pouvaient y être exposés, et nous avons donc examiné l'impact potentiel de cela sur la santé humaine. Voilà un exemple.

Nous travaillons pour le ministère de la Défense nationale à l'établissement d'une documentation et l'évaluation de renseignements pour ses demandes d'homologation de médicaments au Canada. Nous avons travaillé pour Environnement Canada à l'établissement de certaines normes de rejet de solvants dans l'environnement. Développement des ressources humaines Canada nous a demandé de faire quelques recherches sur les risques propres à la biotechnologie sur le lieu de travail.

Mme Karen Kraft Sloan: Avez-vous fait du travail d'évaluation des risques pour l'ARLA?

M. Earle Nestmann: Non.

• 1240

Mme Karen Kraft Sloan: Je voulais vous renvoyer au document présenté par le commissaire l'an dernier concernant l'ARLA elle-même, et vous n'avez cessé de dire aujourd'hui que vous avez grande confiance dans l'ARLA, ses scientifiques, etc. Le Commissaire à l'environnement et au développement durable, pour sa part, éprouve des inquiétudes, qui tiennent surtout à la gestion. Par exemple, le commissaire a fait ressortir l'absence d'une politique de réduction des risques dans la gestion des pesticides, l'absence de prise en compte des engagements du gouvernement fédéral en matière de prévention de la pollution, de même que la non-exécution de la politique de gestion des substances toxiques.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez, vous et Mme Bertell.

M. Earle Nestmann: Je réponds avec plaisir à cette question. Je pense qu'effectivement toutes ces politiques et programmes que vous avez mentionnés relèvent de la responsabilité de l'ARLA.

L'Agence est censée faire tout ce travail avec des ressources et un personnel limité. Et avec les contraintes de l'homologation et de la réhomologation, il y a des permis de recherche tous les ans et chaque homologation expire après cinq ans et doit être renouvelée. C'est donc une responsabilité énorme pour l'ARLA, sans parler des autres programmes que vous avez signalés.

Je ne sais pas exactement qui gère quoi et avec quels effectifs, mais le bon sens me dit que nous avons là une agence qui, avec un effectif de peut-être 200 personnes, administre tout le programme de gestion des pesticides pour le Canada. Allez voir aux États-Unis l'envergure de l'EPA, et vous constaterez qu'elle est dix fois plus grande. Or, l'EPA ne s'occupe pas de plus d'ingrédients actifs, ou à peine plus, que le Canada, etc.

Je dirais donc que la raison du problème, s'il y en a un, est un manque de ressources et de temps.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais la réalité est qu'il ne s'agit pas de programmes auxiliaires; ils sont la raison d'être de l'agence. Nous parlons là de la prévention de la pollution, de réduction des risques et de gestion des substances toxiques, envers quoi tous les ministres et ministères se sont engagés.

Madame Bertell.

Le président: C'est beaucoup demander à M. Nestmann, qui n'est pas membre de l'Agence, que de prendre position sur ces questions.

Mme Karen Kraft Sloan: J'en ai conscience.

Le président: Madame Bertell, aimeriez-vous conclure cette séance avec vos réponses, je vous prie?

Mme Rosalie Bertell: Oui. Je pense que vous avez abordé le troisième volet, dont nous n'avons pas beaucoup parlé—soit l'évaluation des dangers et des risques et la gestion des risques. Cette gestion consiste à essayer d'atténuer les effets de produits que l'on décide d'homologuer et qui sont fondamentalement dangereux.

La gestion de risque généralement considérée comme la plus facile et la moins chère est la prévention. Aussi, nombre de nos programmes de gestion du risque consistent à conseiller de se tenir à distance, dans le temps ou l'espace. Une bonne part de la prévention du cancer fait la même chose: ne fumez pas, ne mangez pas d'aliments gras, ne vous mettez pas au soleil. Ce sont là des mécanismes d'évitement qui ne règlent pas le problème fondamental.

Je pense qu'il faut donc commencer par considérer le danger et chercher à minimiser l'utilisation de tout ce qui est dangereux, car une fois que la substance se trouve dans l'environnement, on ne peut plus la contrôler. On la retrouve dans l'air, dans l'alimentation, dans l'eau, et beaucoup d'entre elles sont rémanentes. Elles ne se biodégradent pas, si bien que la meilleure protection est de les stopper à la source.

Le président: Sur cette très sage conclusion, nous allons lever la séance.

Nous vous remercions infiniment, madame Bertell et monsieur Nestmann, de tous les renseignements et conseils que vous nous avez donnés. Nous espérons vous revoir prochainement.

La séance est levée.