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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 novembre 1999

• 0945

[Traduction]

La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bonjour. Il s'agit de la séance no 18. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos deux témoins ce matin. Nous recevons Mme Marilyn Buffalo, présidente de la Native Women's Association of Canada. Vous remarquerez que la représentante Joan C. Phillip a été remplacée par Barbara Clifton, chef de la Nation gitxsan et représentante de la B.C. Native Women's Society.

Nous vous souhaitons la bienvenue, à vous qui êtes de la Colombie-Britannique.

Nous recevrons un autre témoin à 11 heures; nous allons donc passer aux allocutions liminaires. Tout d'abord, je vais inviter Marilyn Buffalo à ouvrir la marche; elle a environ dix minutes. Après quoi le chef Barbara Clifton aura aussi environ dix minutes. Puis nous passerons aux questions des membres. Notre comité a l'habitude de tours de cinq minutes. Il s'agit de cinq minutes pour tout, questions et réponses comprises. Le plus grand nombre de membres possible peuvent ainsi poser des questions.

Merci beaucoup à toutes deux d'avoir accepté notre invitation.

Veuillez commencer, madame Buffalo, dès que vous serez prête.

Mme Marilyn Buffalo (présidente, Native Women's Association of Canada): Merci.

Tout d'abord je tiens à vous remercier de nous avoir permis de nous adresser à ce comité très important.

En ma qualité d'Autochtone et de dirigeante nationale, je veux d'abord reconnaître la présence de notre créateur. Je suis heureuse de dire que le créateur nous sourit en cet été indien. J'espère que vous en profitez.

Deuxièmement, je tiens à exprimer mes condoléances aux proches du chef héréditaire des Gitanyows, Lloyd Milton, qui est décédé récemment, il y a environ trois semaines, dans un accident de voiture. Je le mentionne pour mémoire parce que si le chef Lloyd Milton avait été des nôtres, c'est lui qui aurait présenté notre mémoire. Sa voix vous a manqué lorsque vous vous êtes rendus chez les Gitanyows de Smithers. La perte de ce dirigeant dévoué est une perte pour tous les Autochtones de l'île Turtle.

Je tiens à invoquer le souvenir de nos grands-parents, qui se sont battus et qui ont sacrifié leur vie pour s'assurer que nous, leurs petits-enfants, jouissions de nos droits aujourd'hui. Nos anciens et nos grands-parents nous ont enseigné que ces droits existent, et ils se sont assurés qu'ils existeraient toujours, tant que le soleil brillera et que les rivières couleront.

À une rencontre récente avec un fonctionnaire des Affaires indiennes, on m'a demandé pourquoi la Native Women's Association of Canada s'intéressait à l'accord nisga'a et pourquoi je posais des questions sur l'Accord définitif nisga'a. J'ai répondu immédiatement que, eh bien, il y a des femmes autochtones sur ce territoire, et par conséquent j'ai le droit de poser des questions. Mais la vraie raison, c'est que cette Première nation est touchée par ce projet de loi parce qu'il s'agit de sociétés traditionnellement matrilinéaires. Les Nisga'as, les Gitxsans et les Gitanyows sont des sociétés matrilinéaires.

Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, toutes les Premières nations de notre pays sont traditionnellement matrilinéaires. La Colombie-Britannique est l'un de ces endroits où ces sociétés étaient des plus présentes. Si l'on doit apporter un changement important à la loi, ce seront naturellement les mères et les grands-mères qui seront les plus touchées par ce changement.

• 0950

Nous, peuples autochtones, venons d'en arriver au point où la Cour suprême du Canada reconnaît enfin nos droits historiques. Nous étions au seuil d'un début prometteur. Qu'il s'agisse de l'arrêt clé Delgamuukw, de l'affaire Marshall, de l'affaire Mitchell ou des affaires traitant des droits forestiers et des droits de coupe, pour n'en nommer que quelques-uns, tous les aspects de nos droits inhérents sont débattus à la télévision nationale et dans les journaux.

Dans le récent jugement Delgamuukw, la Cour suprême affirme: «Le titre aborigène se fonde sur l'occupation et l'utilisation des terres visées par le peuple autochtone dans le cadre de son mode de vie traditionnel.» La valeur de l'histoire orale et du savoir traditionnel, qui ont été transmis de génération en génération, a été reconnue dans le jugement Delgamuukw.

Ce traité risque maintenant de ne plus être valide. Ce traité aura un effet négatif sur le jugement Delgamuukw.

De même, lorsque la Cour suprême a reconnu pour la première fois l'existence des sociétés matrilinéaires dans notre pays, elle a aussi reconnu la valeur de nos droits historiques. Et à l'heure où les tribunaux commencent à reconnaître ces droits, le gouvernement canadien veut que les Nisga'as les modifient et y renoncent en vertu des chapitres 26 et 27. L'Accord définitif nisga'a gomme le savoir ancien et la compréhension traditionnelle, et ne les reconnaît plus. Ce savoir et cette compréhension n'ont plus de valeur, et l'on ne peut plus se fonder sur les traditions des gens.

L'Accord définitif nisga'a est un bel exemple de la politique actuelle d'extinction des droits du Canada et de son plan visant à supprimer nos droits historiques et à abolir le titre aborigène sur le territoire traditionnel.

Chose intéressante, le territoire traditionnel delgamuukw est englobé dans l'Accord définitif nisga'a. Voici ce que je les ai entendus dire la semaine dernière, lorsque j'ai assisté à l'audience à Smithers:

    L'Accord définitif nisga'a est une loi qui vise à invalider le titre aborigène des Gitanyows et des Gitxsans sur le territoire traditionnel.

En avril 1999, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a affirmé que la situation des peuples autochtones était le problème le plus pressant du Canada. Elle a vivement critiqué la façon dont le Canada oblige les peuples autochtones à éteindre leurs droits s'ils veulent obtenir la moindre chose dans les négociations sur l'autonomie gouvernementale.

La communauté internationale est parfaitement au courant de ce qui se passe dans notre pays. Elle critique durement le processus que l'on met en oeuvre en ce moment. C'est comme si le gouvernement canadien disait aux résidents de la ville d'Ottawa qu'ils pourraient renoncer à leur titre sur leur propriété et à leurs droits pour l'éternité, en échange de quoi le gouvernement leur verserait 490 millions de dollars, et ils pourraient alors s'occuper de leur monde pour toujours avec cet argent.

D'autres chefs et anciens des Premières nations des régions à traité numéroté sont profondément troublés par cet accord en raison des précédents qu'il risque d'établir pour les négociations futures, où l'on discute de leurs lois anciennes et de leurs titres sur les terres aborigènes. Ces dirigeants inquiets craignent que l'Accord définitif nisga'a ne devienne un plan directeur exprimant la politique actuelle du Canada en matière d'extinction des droits et un plan visant à supprimer les droits historiques des Premières nations dans notre pays.

Le processus de l'accord nisga'a a peut-être atteint un point de non-retour pour nous, mais je sais que les anciens, les chefs héréditaires, ne nous ont jamais abandonnés auparavant. Ils ne nous abandonneront pas non plus à l'avenir.

• 0955

Je veux dire un mot sur les indemnités. Il faut se demander si ces 490 millions de dollars constituent assez d'argent, particulièrement si les Nisga'as doivent bâtir leurs propres infrastructures, leurs logements, leurs routes, leurs écoles, leurs systèmes d'aqueduc et d'égout, pour ne nommer que ceux-là. Sans parler du coût de l'entretien des infrastructures existantes. Cette maigre somme ne suffira pas à combler les besoins des Nisga'as si l'on tient compte de la forte croissance démographique des peuples autochtones dans notre pays et sur le territoire nisga'a. Si vous comparez cela aux indemnités rétroactives qu'on va verser à un groupe de fonctionnaires pour seulement cinq à dix ans, qui totalisaient 3,6 milliards de dollars, les Nisga'as ne recevront que 490 millions de dollars s'ils cèdent tous leurs droits pour l'éternité. C'est inacceptable.

Pour ce qui est de la fiscalité, outre cette indemnité insuffisante, les familles nisga'as vont devoir commencer à payer de l'impôt sur le revenu d'ici huit ans à peine. Ce serait bien si les Nisga'as avaient déjà développé une base économique permettant de générer des revenus imposables, mais je sais d'expérience, en ma qualité d'agente de développement communautaire et d'éducatrice, que huit années, ce n'est pas beaucoup dans la vie d'une famille. Pour une très jeune famille disposant de très peu de compétences monnayables et où personne n'occupe un emploi depuis longtemps, huit ans, ce n'est pas suffisant pour regagner le terrain perdu. Si l'on considère le prix que ces familles vont payer, ce sont les femmes et les enfants qui vont payer très cher, qui vont payer le prix fort pour le paiement de l'impôt sur le revenu. Sans parler de l'autre régime de fiscalité qui va entrer en vigueur.

Pour ce qui est de l'application du droit de la famille provincial, il semble en surface que les femmes nisga'as seront mieux protégées que les femmes autochtones en vertu de l'accord actuel sur la gestion des terres. Comme vous le savez, nous avons fait des instances au sujet de cette loi récente auparavant, et elle a été adoptée par le Parlement. Mais je crains encore que si le droit de la famille provincial s'applique aux familles nisga'as, on ne reconnaisse pas suffisamment la nature matrilinéaire des Nisga'as et des autres Premières nations, comme les Gitanyows et les Gitxsans, parce que le droit de la famille provincial en Colombie- Britannique se fonde sur la famille nucléaire et un modèle patrilinéaire.

Par exemple, conformément aux lois provinciales sur la garde des enfants, les gouvernements viennent tout juste de reconnaître que les grands-parents ont des droits relativement à l'accès et à la garde de leurs petits-enfants en cas d'éclatement de la famille. La loi provinciale en Colombie-Britannique n'est pas encore disposée à englober complètement les relations très étroites des familles élargies qui existent dans les communautés des Premières nations traditionnelles. Je ne voudrais pas d'une situation où les grands-parents seraient obligés de faire changer la loi provinciale, dans un processus très coûteux, pour s'occuper de leurs petits-enfants.

Merci beaucoup.

J'aimerais maintenant vous présenter le chef héréditaire Barbara Clifton, de la Première nation gitxsan.

La présidente: Chef Clifton, je crois que nous nous sommes rencontrés la semaine dernière à Smithers. Nous vous écoutons.

Le chef Barbara Clifton (Nation gitxsan, British Columbia Native Women's Association): Oui, c'est mon territoire.

La présidente: D'accord, merci.

Chef Barbara Clifton: Bonjour. C'est un honneur pour moi que d'être ici, et je tiens à remercier le comité de s'être rendu en Colombie-Britannique pour étudier les divers problèmes qui touchent des gens très divers. Dans notre culture, l'on reconnaît et l'on apprécie les efforts que les gens font pour nous. Je tiens à féliciter les Nisga'as d'avoir négocié ce traité.

• 1000

Je dois dire que nous avons une histoire très commune. Nous sommes d'une région appelée T'oosimaax, et mon clan est le clan de la grenouille. Si l'on en croit notre histoire orale, nous nous sommes installés sur les terres nisga'as, et certains d'entre nous y sont restés. Mon groupe est allé à la rivière de la Brume, la rivière Skeena, et c'est là que nous vivons.

Je tiens aussi à affirmer que ma fille est mariée à un Nisga'a honorable, et lorsque le mariage s'est fait, nous nous sommes conformés aux lois du respect. J'ai donc un lien très étroit avec les Nisga'a. Il est très important pour nous de le dire, et il est très important pour nous de dire qu'il va se faire encore des mariages mixtes, et ainsi nos histoires demeureront liées, et nos chemins demeureront liés également.

En tant que mère et grand-mère, j'ai pour rôle dans la Nation gitxsan de parler du déplacement de mon peuple. Ce qui est difficile pour nous, c'est de constamment avoir à nous expliquer dans le cadre d'un processus qui nous est essentiellement étranger. Cependant, je dois dire que nous avons des avocats gitxsan, et le mémoire que je vais vous lire est très technique. Je dois dire que nous en avons fait un résumé, et c'est écrit en langage très technique, car nous voulons vous offrir une solution à notre dilemme, et nous espérons régler certains problèmes dont nous avons fait état auprès du comité lorsque vous êtes venus en Colombie- Britannique.

Ce sont là les recommandations conjointes des Gitxsans et des Gitanyows où nous proposons des amendements au projet de loi C-9 afin de protéger les droits des Gitanyows et des Gitxsans, soit leurs droits ancestraux et leurs droits issus de traités conclus avec l'État.

Le 16 novembre 1999, les Gitanyows et les Gitxsans ont fait des instances orales et écrites auprès du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord relativement au projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a. Nous allons maintenant vous adresser des propositions précises visant à amender le projet de loi C-9, propositions qui se retrouvent dans le mémoire des Gitanyows adressé au comité permanent.

Je tiens à dire que ces propositions sont inscrites dans l'accord. Cependant, elles ne sont pas inscrites dans le projet de loi. On ne retrouve dans le projet de loi qu'un tas de numéros qui sont très déroutants. Ce que nous voulons, c'est que l'on inscrive dans le projet de loi ces propositions particulières.

La présidente: Chef Clifton, je tiens simplement à vous assurer que tous les membres ici présents et tous les membres du comité ont reçu votre mémoire. Vous pouvez le résumer. Vous n'avez pas à le lire en entier si vous ne le voulez pas.

Chef Barbara Clifton: Je ne le ferai pas.

La présidente: C'est à vous d'en décider; ces dix minutes sont à vous. Donc vous pouvez en faire ce que vous voulez.

Chef Barbara Clifton: J'en lirai des parties.

La présidente: Très bien. Je tenais simplement à ce que vous sachiez que les membres du comité ont le document devant eux.

Chef Barbara Clifton: Oui, c'est pourquoi nous avons ajouté certaines choses.

• 1005

La première partie de ce mémoire renferme certains éléments qui ne sont pas vraiment clairs, et il y a certains éléments précis qui doivent être compris pour comprendre la raison pour laquelle nous le présentons de cette façon.

Lorsque la Nation gitxsan a examiné le projet de loi, elle a trouvé très déroutant le fait que certains des articles n'étaient pas rédigés au long. Donc c'est ce que nous demandons, je le répète.

C'est pourquoi les Gitanyows et les Gitxsans proposent que le projet de loi C-9 répète explicitement les paragraphes 33, 34 et 35 des dispositions générales de l'Accord final nisga'a. Il importe de signaler que d'autres lois fédérales, comme la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, incluent de telles dispositions de non-dérogation.

Le projet de loi C-9 devrait par conséquent être modifié pour inclure les cinq dispositions suivantes de non-dérogation.

Premièrement, l'Accord définitif nisga'a n'a pas pour effet de reconnaître ou de conférer à aucun autre peuple autochtone que la Nation nisga'a des droits au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ni d'avoir d'effet sur de tels droits.

Deuxièmement, il est entendu que la loi n'a pas pour effet d'abroger les droits ancestraux ou issus de traités existants, ni d'y déroger, en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, d'aucun autre peuple autochtone que la Nation nisga'a.

Troisièmement, si une cour supérieure d'une province, la Cour fédérale du Canada ou la Cour suprême du Canada statue de façon définitive qu'un autre peuple autochtone que la Nation nisga'a a des droits au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 sur lesquels une disposition de l'accord a des effets négatifs:

a) la disposition est opérante et a effet dans la mesure où elle n'a pas d'effets négatifs sur ces droits;

b) si la disposition ne peut être opérante et avoir effet de manière à ne pas avoir d'effets négatifs sur ces droits, les parties font de leur mieux pour modifier l'Accord définitif nisga'a afin de corriger ou de remplacer la disposition; et

c) nonobstant le paragraphe b), la disposition est inopérante et sans effet dans la mesure où elle n'a pas d'effets négatifs sur ces droits.

Quatrièmement, la ratification de l'Accord définitif nisga'a ne peut pas être invoquée par le Canada comme raison pour ne pas conclure de traité ou d'accord de revendication territoriale, au sens des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, avec un autre peuple autochtone, ou pour ne pas inclure dans un tel traité ou un tel accord de revendication territoriale des dispositions qui autrement y seraient prévues.

Et cinquièmement, si le Canada ou la Colombie-Britannique conclut un traité ou un accord sur des revendications territoriales, au sens des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, avec un autre peuple autochtone et que ce traité ou cet accord sur des revendications territoriales a des effets négatifs sur les droits nisga'as de l'article 35 tels qu'énoncés dans l'Accord définitif nisga'a...

Voilà les principaux points que la Nation gitxsan propose d'inclure dans le projet de loi C-9. Ils ont abordé le reste du mémoire dans leur exposé. Une façon d'éviter les chevauchements consisterait à suspendre certains éléments du traité jusqu'à ce qu'on ait réglé certains de ces problèmes.

La présidente: Est-ce la fin de votre exposé?

Chef Barbara Clifton: Oui.

La présidente: Très bien, je vous remercie.

Nous allons maintenant passer aux questions, pour des tours de cinq minutes. Nous commençons par M. Scott, du Parti réformiste.

• 1010

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Merci beaucoup.

Je tiens à souhaiter la bienvenue au chef Clifton et à Marilyn Buffalo. Merci beaucoup de vos exposés.

Pour commencer, madame Buffalo, j'aimerais vous demander ce que vous pensez des droits des femmes nisga'as, surtout compte tenu des témoignages présentés par votre organisation lors des audiences sur le projet de loi C—49. Je comprends que les lois provinciales dans le cadre du Traité nisga'a s'appliqueront dans les cas de rupture de mariage ou d'éclatement de la famille, ce qui est un pas dans la bonne direction. Mais je demeure préoccupé—et je ne sais pas si c'est un avis que vous partagez—à propos de la division des biens dans le cas d'une rupture de mariage, étant donné que les droits de propriété ne sont pas très clairement définis dans l'accord nisga'a. Donc j'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

Également, j'aimerais connaître vos vues concernant l'application de la Charte des droits et libertés au peuple nisga'a dans l'éventualité où les dispositions de l'accord nisga'a empiéteraient sur les droits individuels, particulièrement en ce qui concerne les droits des femmes nisga'as.

Pourriez-vous nous donner votre opinion sur ces deux questions?

La présidente: Si vous voulez bien répondre, madame Buffalo.

Mme Marilyn Buffalo: Merci beaucoup.

J'aimerais tout d'abord répondre à votre question concernant les biens matrimoniaux. Nous avons eu beaucoup de difficulté à rencontrer le ministre des Affaires indiennes, mais je suppose que lorsqu'ils ont vu que nous étions sur le territoire gitxsan, ils se sont empressés de nous rencontrer pour nous apporter toutes les précisions voulues.

On m'a dit que les lois provinciales s'appliqueront en vertu de cet accord. Cela dit, il importe de préciser que l'application des lois provinciales sur les terres et territoires traditionnels peut poser problème, surtout lorsque vous avez une société traditionnellement matrimoniale où les grands-parents ont des droits et ont leur mot à dire en ce qui concerne leurs petits- enfants, etc. Cela crée effectivement des difficultés. Même dans les autres provinces où les enfants des Premières nations ont des droits, qui ont été exprimés par les gouvernements provinciaux, des problèmes se sont posés.

Je vous en donnerai un exemple. Je sais que c'est le pire scénario que pourrait envisager le Canada, mais je prendrai le cas de l'enquête Tsuu T'ina. Les lois provinciales s'appliquent dans les réserves. Le travailleur social a essayé de prendre la garde des enfants. Au lieu de s'adresser aux sages ou à une personne qui pouvait assurer la médiation, on a pris immédiatement des mesures extrêmes. C'est le pire des scénarios. Je n'aime pas devoir utiliser ce genre d'exemple, mais je pense que c'est un cas que tous les Canadiens connaissent bien. Il s'agit du droit familial et de la garde des enfants.

Dans le cas de l'éclatement d'une famille, c'est presque toujours la femme qui doit quitter le foyer. On m'a indiqué que les lois provinciales s'appliquent, mais cela va susciter de nouveaux problèmes, comme je viens de le mentionner.

En ce qui concerne l'application de la Charte des droits, à 20 heures hier soir, nous avons reçu une lettre du sous-ministre des Affaires indiennes qui éclaircit ce point. Il est intéressant de voir comment les gens peuvent réagir à notre égard, après que nous avons attendu pendant des mois et des années qu'on apporte ces éclaircissements. On nous indique maintenant que la Charte des droits s'appliquera. C'est donc bon pour notre cause. Ce genre de lettre nous aide vraiment beaucoup.

• 1015

On m'a également indiqué que si un Autochtone sur ce territoire estime que ses droits de la personne ont été violés, il peut s'adresser directement à la Commission canadienne des droits de la personne. La Loi sur les Indiens est nulle et sans effet, comme vous le savez; donc les Autochtones peuvent s'adresser directement au Bureau des droits de la personne.

M. Mike Scott: J'aimerais simplement demander au chef Clifton...

La présidente: Il reste deux secondes; donc nous allons poursuivre, et vous pourrez poser votre question au deuxième tour. Nous savons que deux secondes, ce n'est pas suffisant pour une question et une réponse.

Allez-y, monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Clifton et à Mme Buffalo, qui est une de mes proches connaissances. Nous avons même mené des guerres ensemble. Nous avons guerroyé entre autres devant la maison du premier ministre, au 24 Sussex, il y a quelques années. Nous sommes de vieux compagnons d'armes qui avons participé aux mêmes guerres.

Marilyn, je vais vous adresser encore une fois les remarques que je vous avais faites sur le projet de loi C-49. Je vous ai bien entendu dire que les 490 millions de dollars n'étaient pas suffisants, qu'il y avait beaucoup de chevauchements entre nations autochtones et que ces gens-là allaient renoncer à leur exemption de taxes. Or, vous avez raison. Ce sont toutes des dispositions qui sont dans le traité actuellement.

Mon grand problème, cependant, c'est d'arriver à déterminer qui doit avoir le mandat du leadership d'une nation. Je dirais que j'ai toujours le même problème, Marilyn. Qui doit parler au nom de la nation? Je comprends qu'actuellement, vous prenez parti pour les Gitxsans et les Gitanyows. Je comprends cela.

Il faut cependant que vous considériez aussi, à mon point de vue, que cette entente-là a été acceptée par 61 p. 100 des Nisga'as. Il y avait certainement au moins la moitié de ces gens-là qui étaient des femmes. Avant de décider de prendre parti pour les Gitxsans ou les Gitanyows, avez-vous consulté les femmes nisga'as?

Vous êtes dans une position particulière puisque vous représentez les femmes. Au point de vue juridique, cependant, ceux qui représentent la nation nisga'a sont les chefs élus par les Nisga'as, à mon point de vue. Je répète donc ce que je vous avais dit à propos du projet de loi C-49. J'ai toujours tendance à avoir plus confiance. Ce n'est pas que je ne vous fasse pas confiance, mais c'est une question de responsabilité juridique. Qui est élu pour décider de l'avenir de la nation? Ce sont les chefs.

Je sais que vous représentez les femmes, mais cela me pose un problème. J'ai de la difficulté à vous donner raison contre les chefs. J'ai beaucoup de difficulté à le faire. Pourriez-vous clarifier un peu votre façon de voir cela? Peut-être est-ce que je saisis mal la portée de votre mandat. En effet, si vous représentez les femmes nisga'as, j'imagine que vous les consultez. Sont-elles d'accord sur le traité?

[Traduction]

La présidente: Madame Buffalo, si vous voulez bien répondre.

Mme Marilyn Buffalo: Un jour, j'espère pouvoir parler dans ma propre langue et que vous aurez ce genre d'équipement pour m'interpréter. J'espère que cela se fera de mon vivant, et que vous m'aiderez à en faire une réalité.

• 1020

Tout d'abord, je tiens à mentionner que les femmes des Premières nations, peu importe où elles habitent dans ce pays, sont les plus pauvres parmi les pauvres. Le revenu moyen par ménage est d'environ 14 000 $. Un grand nombre de nos femmes n'ont pas les moyens de se rendre aux réunions. Elles n'ont pas de voiture, par exemple. Elle n'ont pas d'essence à mettre dans leur voiture si elles en ont une.

Nous avons établi un numéro 1-800 pour que ces femmes puissent nous téléphoner si elles le souhaitent et nous faire part de leurs préoccupations. Elles peuvent aller à un téléphone payant même si elles n'ont pas de téléphone à la maison. C'est l'un des moyens que nous avons mis sur pied.

J'ai moi-même visité ces collectivités et je connais très bien ce genre de situations. Avant d'être une dirigeante nationale, j'ai travaillé comme conseillère en matière de politique auprès d'un chef national, Ovide Mercredi. J'ai eu le privilège de m'occuper du cas Delgamuukw pendant environ six mois avant qu'il soit porté devant les tribunaux. Je suis également le chef national à qui on a demandé d'être présent en compagnie des chefs gitxsan lorsque l'annonce a été faite à la Cour suprême. Mon bureau est reconnu par les chefs héréditaires traditionnels sur ce territoire. J'ai donc le mandat, monsieur Bachand, de parler au nom des chefs gitxsan, homme ou femme.

M. Claude Bachand: Pour les Nisga'as aussi?

Mme Marilyn Buffalo: Pour les chefs gitxsan.

M. Claude Bachand: Pas pour les Nisga'as?

Mme Marilyn Buffalo: Je ne représente pas officiellement les chefs nisga'as. Mais j'ai été reconnu comme le porte-parole des chefs delgamuukw et gitxsan et j'étais à leur côté lorsqu'ils ont fait leur déclaration au moment où la Cour suprême a rendu sa décision.

Il n'existe pas de restriction fondée sur le sexe dans le système héréditaire. Les femmes jouent et ont toujours joué un rôle très important dans le système héréditaire traditionnel. Ce n'est pas comme devoir se faire réélire tous les quatre ans; une fois que vous êtes chef, c'est pour la vie.

Je demanderai à ma collègue Barbara de commenter cet aspect également.

La présidente: Chef Clifton, il nous reste une vingtaine de secondes.

Chef Barbara Clifton: J'aimerais simplement dire que les femmes jouent un rôle très important dans nos sociétés et que nous ne reconnaissons pas les différents aspects auxquels s'applique le système patrilinéaire. C'est l'observation que j'aimerais faire à ce sujet.

Mme Marilyn Buffalo: Nous n'avons pas besoin de programme d'action positive.

La présidente: Merci beaucoup.

Pour le prochain tour de cinq minutes, nous avons Mme Davies, du NPD.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup, madame la présidente.

Je tiens à vous remercier toutes deux d'être ici aujourd'hui. Je pense qu'il est bon de pouvoir entendre différents points de vue sur l'Accord définitif nisga'a. Je crois que cela n'étonnera personne d'apprendre qu'il y a tout un éventail d'opinions chez les Premières nations à propos de ce traité particulier ou à propos des décisions de la cour ou à propos des résultats de ces initiatives. Je pense qu'il est bon d'avoir ce genre de débat et de connaître le point de vue des gens, et en particulier de votre organisation.

J'ai écrit l'une des choses que vous avez dites, madame Buffalo. Vous pensez que le traité entraînera la disparition du savoir ancestral et de la culture traditionnelle du peuple nisga'a. Beaucoup de témoins que j'ai entendus ont exprimé un avis différent. Ils considèrent le traité et le processus qui a été suivi comme un moyen en fait de conserver et de renforcer la culture traditionnelle et cette collectivité. Il existe de toute évidence des divergences d'opinions à ce sujet.

Ma question s'adresse au chef Clifton. Je comprends très bien que certaines Premières nations n'approuvent pas ce traité. Pourquoi devrions-nous nous attendre à ce que quoi que ce soit fasse l'unanimité? Mais compte tenu des autres options possibles, la nation nisga'a, le peuple nisga'a, a décidé de participer à ce processus et à ces négociations, et il lui a fallu beaucoup de temps pour arriver à cet accord définitif, qui, nous l'espérons, sera ratifié.

• 1025

Je ne crois pas que cet accord doit dicter tout ce qui va suivre. Je pense que cela a été précisé à de nombreuses reprises, certainement en Colombie-Britannique. En ce qui concerne le peuple gitxsan ou le peuple gitanyow, le résultat peut être différent, que l'on opte pour la négociation d'un traité ou une autre initiative.

La question que je veux vous poser est la suivante: si vous n'approuvez pas ce traité, quelle autre option en particulier proposez-vous? Il me semble que s'il y a chevauchement entre d'autres Premières nations et les Nisga'as, cette situation doit être examinée et réglée par le biais de négociations. Je me demande si vous êtes d'accord avec cela, ou avez-vous une autre démarche à proposer dont nous n'avons pas encore entendu parler?

La présidente: Chef Clifton, si vous voulez bien répondre.

Chef Barbara Clifton: Je vous remercie.

Nous avons déclaré que nous appuyons le Traité nisga'a pour le peuple nisga'a. Nous avons un problème de chevauchement. Vous nous avez demandé s'il existe un processus positif pour régler ce problème particulier. En ce qui concerne les nations gitanyow et gitxsan, nous avons fait une proposition dans ce mémoire, et c'est tout ce que nous... Je pense que c'est une démarche très positive, et c'est la meilleure que nous pouvons proposer à la toute dernière minute.

Mme Libby Davies: Je suis heureuse de vous l'entendre dire. Donc, vous ne proposez pas que l'on retarde ce processus, la ratification de l'accord définitif avec le peuple nisga'a. Vous voulez simplement vous assurer que s'il y a chevauchement, les amendements que vous avez présentés au comité permettront d'y remédier—du moins c'est ce que vous espérez—et aussi, je suppose, à l'aide d'autres négociations. En fait, ces négociations sont- elles en cours?

Chef Barbara Clifton: Il ne faut pas oublier que les deux nations sont très occupées. Je pense que les Nisga'as consacrent une grande partie de leur temps à s'assurer que l'on termine le traité. Je ne vais pas commenter sur le processus qui suivra. Mais nous espérons que l'on tiendra compte de la proposition que nous vous avons présentée—c'est tout ce que nous demandons.

La présidente: Il vous reste du temps.

Mme Libby Davies: J'ai terminé.

La présidente: Monsieur Keddy, du Parti conservateur, vous avez cinq minutes.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Je vous remercie, madame la présidente.

Je tiens moi aussi à remercier le chef Barbara Clifton et Marilyn Buffalo d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous sommes très intéressés par ce qu'elles ont à nous dire.

J'ai trouvé très intéressante votre discussion de la société matrilinéaire, et en fait cela s'écarte un peu du Traité nisga'a. J'ai cru comprendre, d'après ce que vous avez dit, que cette société risque d'être menacée ou éliminée par des traités modernes, comme le Traité nisga'a, et je ne suis pas sûr d'être d'accord avec vous à ce sujet, partiellement ou complètement.

Il existe certainement un certain nombre de sociétés matrilinéaires au sein de la société canadienne en général. Un grand nombre d'entre elles, la vôtre et bien d'autres cultures qui sont venues s'installer au Canada et qui sont des sociétés matrilinéaires depuis des milliers d'années, n'ont pas été menacées par la Constitution canadienne, ni même des centaines d'années auparavant, lorsque les lois étaient beaucoup plus intransigeantes et beaucoup moins soucieuses des cultures et des droits individuels. Donc je ne suis pas sûr qu'elles menacent d'une façon quelconque vos traditions.

Il semble que les traditions—et j'aimerais avoir votre avis à ce sujet—restent vivantes grâce à ceux qui les transmettent. Les traditions ne peuvent pas être maintenues par des lois ou des règlements artificiels imposés par les gouvernements. J'aimerais simplement savoir quelle est votre opinion à ce sujet.

• 1030

Mme Marilyn Buffalo: J'aimerais tout d'abord vous demander d'être un peu plus précis. De quelles autres sociétés matrilinéaires êtes-vous en train de parler?

M. Gerald Keddy: Mon épouse vient d'une société matrilinéaire qui remonte à plusieurs milliers d'années. Ces ancêtres ont quitté Israël, sont allés en Russie, puis sont venus s'établir au Canada et continuent certainement à maintenir une société matrilinéaire. C'est incontestable.

Il existe donc des sociétés matrilinéaires, et un grand nombre d'entre elles... Ma propre ascendance, même si elle n'est plus matrilinéaire—nous avons retranché le «Mac» de notre nom—remonte certainement à une société qui, à une époque... les Pictes en Écosse formait une société matrilinéaire. Cette forme de filiation a disparu dans notre cas. Mais il existe des sociétés qui sont encore matrilinéaires.

Mme Marilyn Buffalo: Comment cette filiation a-t-elle disparu dans votre cas?

M. Gerald Keddy: Je dirais que c'est le refus de s'intégrer au reste du monde et... Mais nous nous écartons du sujet.

Mme Marilyn Buffalo: Je crois que c'était une très bonne réponse.

M. Gerald Keddy: Il existe des sociétés matrilinéaires et d'autres qui n'existent plus. Lorsque ces sociétés se sont maintenues, elles se sont maintenues grâce aux influences culturelles et tribales qui ont permis de maintenir les traditions religieuses et culturelles. Compte tenu du processus naturel d'évolution dans le monde, est-ce un aspect que des lois artificielles peuvent contrôler, ou est-ce dû à la vigueur de la culture et des traditions?

Mme Marilyn Buffalo: Je pense que c'est une très bonne question et que vous y avez répondu en partie.

M. Gerald Keddy: En partie.

Mme Marilyn Buffalo: Oui. Il faut reconnaître que probablement depuis nos premiers contacts avec l'homme blanc, nous avons subi divers stades de colonisation, tout comme vos gens aussi. Différents régimes législatifs se sont succédé.

Pendant très longtemps, on nous interdisait de célébrer nos rites et notre potlatch, pour vous donner un exemple, et cela ne remonte pas à si longtemps que cela. Il n'y a pas si longtemps, par exemple, que ces cérémonies étaient interdites dans ma famille et dans celle du chef Clifton, j'en suis sûre.

Donc oui, c'était une menace, et c'était dû à un texte de loi de ce pays et à un moment de son histoire dont nous ne devrions pas être fiers, car il a nui à nos sociétés matrilinéaires.

Chaque fois que vous avez des lois étrangères—et la Loi sur les Indiens en était un bon exemple aussi. Elle existe depuis quelques centaines d'années. Si vous étudiez l'histoire de la Loi sur les Indiens, vous constaterez à quel point les lois ont interrompu, au fil du temps, la transmission de la vie spirituelle et de l'histoire orale de génération en génération. Cela n'a rien de nouveau.

Je vous encourage à en étudier l'histoire. Il s'agit d'une loi fondée sur une société patrilinéaire, qui est étrangère et qui a été imposée à notre peuple à différentes époques de l'histoire.

M. Gerald Keddy: L'argument que je voulais faire valoir, c'est qu'une société matrilinéaire...

La présidente: Monsieur Keddy, votre temps est écoulé. J'espère qu'il y aura un autre tour si les intervenants s'en tiennent au temps qui leur a été alloué.

M. Gerald Keddy: Je reviendrai.

La présidente: Madame Karetak-Lindell pour le gouvernement. Vous avez la parole.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je vous remercie.

Bonjour.

Dans certaines de vos observations, Marilyn, je sais que vous êtes préoccupée par la façon dont la culture indienne s'est occupée des questions concernant la famille, le mariage et la garde d'enfants, par exemple. Mais en examinant cet accord, je trouve qu'il prévoit beaucoup de place pour tâcher d'incorporer la culture indienne ou nisga'a au gouvernement qui va être créé.

J'ai lu, entre autres, que les citoyens nisga'as ont le droit de pratiquer la culture nisga'a d'une manière conforme à cet accord. Je pense que c'est un aspect où ils auraient l'occasion d'y travailler.

En ce qui concerne la culture et la langue, je constate également que le gouvernement nisga'a peut faire des lois pour préserver, promouvoir et développer la culture et la langue nisga'as. Je constate que si elles ne sont pas du même niveau que les lois provinciales ou fédérales, les lois provinciales et fédérales peuvent alors intervenir pour s'assurer qu'elles le sont.

En ce qui concerne la partie concernant les mariages et les services sociaux, ils peuvent aussi prendre des lois en la matière.

• 1035

En ce qui concerne la garde des enfants

    94. Le gouvernement nisga'a a qualité pour agir dans toute procédure judiciaire où il y a différend concernant la garde d'un enfant nisga'a et la cour considère toute preuve et toute représentation concernant les lois nisga'as et les coutumes nisga'as, en plus de toute autre question que la loi l'oblige à considérer.

Trouvez-vous rassurant que l'Accord tâchera de tenir compte dans ce genre de situations des coutumes nisga'as et de certains éléments qui, à votre avis, devraient faire partie de cet Accord?

La présidente: Madame Buffalo.

Mme Marilyn Buffalo: Je vais répondre à cette question, puis je céderai la parole à ma collègue.

De toute évidence, vous avez eu plus de temps que nous pour examiner le texte. Vous avez de l'aide au niveau des politiques; pas nous. Vous avez relu ce texte plusieurs fois, tout comme nous. J'ai lu ces passages. Mais j'ai vécu dans une collectivité indienne toute ma vie et je sais que les lois provinciales ne sont pas parfaites—et comme je l'ai dit plus tôt, elles sont patrilinéaires.

Il ne faut pas oublier qu'il y a une situation de chevauchement, où la majorité du territoire nisga'a a été revendiquée et où il y a un différend à cet égard avec la Nation gitanyow et gitxsan. Vous ne pouvez pas mettre tous ces Indiens dans le même panier. Il s'agit de cultures différentes et de lois traditionnelles différentes, et c'est ce dont je suis en train de parler.

Donc, vous allez avoir des problèmes peu importe dans quelle mesure ce document peut vous paraître parfait. Vous allez avoir des difficultés dans les cas de mariage entre les membres de différentes nations.

La présidente: Madame Karetak-Lindell, il vous reste encore du temps.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Suite à ce que vous avez dit, je tiens à signaler que personne à mon avis au sein de ce comité, que ce soit de ce côté-ci ou de ce côté-là, n'a dit que cet Accord était parfait. Je pense que chacun d'entre nous a déclaré publiquement au cours de ces audiences savoir qu'il ne s'agit pas d'un accord parfait, mais qu'il s'agit d'un document que la plupart des intéressés trouveront utile, à notre avis.

Je peux honnêtement dire qu'il y a des gens dont je peux répondre et qui diraient que l'Accord du Nunavut n'est pas parfait mais qu'ils le considèrent acceptable. C'est la démarche que la plupart d'entre nous avons adoptée. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas écouté les gens en gardant un esprit ouvert. Je sais que des préoccupations sérieuses ont été exprimées.

N'avez-vous pas l'impression que l'Accord permet jusqu'à un certain point de répondre à certaines de vos préoccupations concernant les façons traditionnelles de traiter les questions familiales, permet d'essayer de voir s'il est possible de travailler au sein de ces deux cultures et d'intégrer un peu mieux peut-être la façon dont les Indiens s'occupent des questions familiales? Ne croyez-vous pas que l'Accord permet d'incorporer certains de ces aspects?

Mme Marilyn Buffalo: Il faudra un certain temps pour examiner de façon approfondie les répercussions qu'entraînera l'Accord sur la diversité des cultures qui vivent dans ce district. Comme vous le savez, même dans le cas du Nunavut, il y a eu des problèmes de chevauchement qui existent toujours.

Par ailleurs, ce qui se produira dans le cas des difficultés au niveau des familles, c'est-à-dire les Inuits par rapport aux Indiens au Nunavut, sera semblable à ce qui se produira dans le cas des Nisga'as, lorsqu'il y aura des mariages entre les membres de ces nations diverses. C'est une question sur laquelle devront se pencher les spécialistes dans ce domaine. La situation n'est pas aussi simple que nous aimerions qu'elle le soit, il n'y a rien d'écrit noir sur blanc. Nous sommes en train de parler d'histoire orale et d'une longue tradition.

Je demanderai à Barbara de commenter cet aspect.

La présidente: Madame Buffalo, notre temps est écoulé. C'est au tour de M. Scott.

Mme Marilyn Buffalo: Je vous remercie.

La présidente: Monsieur Scott.

M. Mike Scott: Je vous remercie, madame la présidente. J'aimerais adresser ma prochaine question au chef Clifton.

Je pense qu'il importe d'apporter des précisions à ce sujet, parce qu'en fonction des témoignages que nous avons entendus des chefs gitanyows et gitxsans à Smithers mardi dernier et en fonction des discussions qui ont eu lieu ici hier après-midi lorsque le chef Phil Fontaine, Billy Diamond et d'autres témoins ont comparu devant le comité, je crois qu'il y a un malentendu. Je tiens à m'assurer que tout le monde, y compris les membres du comité, le comprennent clairement, car je crois le comprendre.

• 1040

Comme l'ont dit les chefs gitanyows et gitxsans devant le comité la semaine dernière, vous dites aujourd'hui que vous appuyez l'Accord nisga'a. Les chefs ne veulent pas empêcher l'adoption de l'Accord, à condition que la question du chevauchement soit réglée à leur satisfaction. Autrement dit, ils veulent qu'on adopte le même genre d'amendements que ce que vous proposez ici.

Mais les chefs que nous avons entendus à Smithers—et je présume que vous partagez leur avis—ont dit que si le Parlement du Canada n'était pas prêt à adopter les amendements que vous avez présentés, ils seraient contre l'Accord nisga'a à moins de conclure une autre entente entre les Gitxsans, les Gitanyows et le gouvernement du Canada ce qui réglerait, à vos yeux, la question du recoupement. Ai-je raison de dire cela?

Chef Barbara Clifton: C'est exact.

M. Mike Scott: Je voulais simplement tirer cela au clair, parce que, d'après ce qu'ils ont dit, il me semble que certains députés qui siègent à ce comité n'avaient pas compris.

Je vous inviterais à lire la transcription de ce qui a été dit ici hier après-midi. Un membre du comité a énoncé très clairement qu'à son avis, on devrait procéder immédiatement à l'adoption du traité parce que c'est ce que voulaient les chefs des tribus Gitxsan et Gitanyow. Les chefs et vous-même ont dit clairement qu'on peut procéder immédiatement à l'adoption de l'Accord à condition qu'on adopte ces amendements-ci en particulier. Mais si ces amendements ne sont pas adoptés, cela change tout.

Chef Barbara Clifton: C'est exact.

M. Mike Scott: Bien, merci beaucoup.

Chef Barbara Clifton: Je tiens à répéter que ces articles se trouvent dans le Traité nisga'a. Nous voulons qu'ils soient intégrés au projet de loi C-9.

M. Mike Scott: Vous voulez qu'ils soient intégrés à la loi...

Chef Barbara Clifton: C'est exact.

Mme Marilyn Buffalo: Nous voulons qu'ils fassent partie du projet de loi.

M. Mike Scott: ...et non seulement du traité.

Chef Barbara Clifton: C'est exact.

M. Mike Scott: Je crois comprendre. En fait, il y a d'autres changements à part le libellé du traité. Le comité en traitera au cours de l'étude article par article, mais je les ai pris en note, ainsi que les autres membres du comité.

Merci beaucoup.

La présidente: Monsieur Scott, il vous reste environ deux minutes. Je ne vous oblige pas à les prendre, mais c'est le temps qu'il vous reste.

M. Mike Scott: Je crois que c'était le point le plus important. Je crois que le comité devrait être conscient, d'après ce que nous ont dit les chefs des tribus Gitxsan et Gitanyow, qu'il y a un côté négatif à toute cette affaire, quoique je ne veuille pas insister là-dessus, puisque ce ne serait pas très utile. On en a parlé la semaine dernière et ce n'est pas un débat que nous voulons rouvrir maintenant. L'aspect positif de cette question se trouve dans les amendements qui sont devant nous, et tant que le comité et le Parlement seront disposés à les adopter, je crois que...

Une voix: Est-ce que cela signifie que le Parti réformiste va les appuyer?

La présidente: Continuez, s'il vous plaît.

Monsieur Bonin, aimeriez-vous prendre vos cinq minutes maintenant?

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Je vous ferai signe si je désire poser une question.

La présidente: Très bien, je vais donc donner la parole à M. O'Reilly.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'aimerais remercier les témoins d'être venus. Cela me fait plaisir de vous revoir, chef.

À mon avis, il est plus facile de conserver les traditions autochtones par le biais de traités que par la Loi sur les Indiens. L'Accord nisga'a est donc un pas dans la bonne direction, un pas qui nous éloigne de la Loi sur les Indiens. Nous sommes tous d'accord pour dire que l'Accord n'est pas parfait. En fait, je crois que personne ne peut dire qu'une entente est parfaite, peu importe le sujet. On ne peut pas plaire à tout le monde. Les opinions varient. Si nous étions tous pareils, la vie manquerait de piquant.

D'après moi, c'est une honte que le Canada ait imposé la Loi sur les Indiens aux Autochtones. Le Canada aurait dû s'en écarter il y a longtemps. Car cette loi a créé une espèce de culture à part dans les grandes villes, dans lesquelles les Autochtones se trouvent parmi les sans-abri, aggravant ainsi le problème des sans- abri dans nos villes. D'après moi, si on donnait aux autochtones l'occasion d'administrer eux-mêmes leur propre système de justice, de maintien de la paix et de programmes sociaux, les traditions autochtones s'épanouiraient. Mais je me trompe peut-être.

• 1045

Vous avez dit qu'il n'était pas possible de créer une assiette fiscale dans un système municipal si les gens n'ont pas de revenu, ou si on ne donne à la communauté qu'un montant global. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi. Si ce que vous nous dites est différent de ce que les autres témoins nous ont dit, cela me poserait un problème. Est-ce que vous nous dites, en fait, qu'il n'y aurait pas d'assiette fiscale, qu'il ne sera pas possible de percevoir des impôts de gens pauvres? Pouvez-vous nous expliquer cela?

Chef Barbara Clifton: Je crois que c'est une question très importante. Marilyn nous a dit qu'un système économique viable se développerait lentement et, à son avis, il faudrait plus que huit ans pour créer une communauté économique capable de payer des impôts. Ce n'est pas du tout ce que vous avez dit. Ai-je bien compris?

M. John O'Reilly: J'ai cru comprendre que vous aviez dit que, d'ici huit ans, les gens n'auraient pas encore assez d'argent pour payer des impôts et que, par conséquent, la situation aurait empirée. C'est ce que j'avais compris.

Chef Barbara Clifton: Non, elle a dit que huit ans ne suffiraient pas pour créer l'infrastructure qu'il faut pour donner lieu au développement économique nécessaire pour soutenir une économie... Ça prend du temps. C'est en principe ce qu'elle a dit.

M. John O'Reilly: C'est ce que j'ai cru comprendre. Je ne me suis peut-être pas exprimé clairement, mais cela nous mène à poser la question: combien de temps? Si huit ans ne suffisent pas, combien de temps cela va-t-il prendre? À votre avis, combien de temps cela prendrait-il avant qu'une génération puisse devenir autosuffisante, créer sa propre assiette fiscale et administrer son propre système? Prenez votre temps.

Chef Barbara Clifton: Non, je peux parler avec certitude là-dessus. J'ai des diplômes. Je suis comptable agréé, et j'ai déjà étudié le cas d'une autre nation que je ne nommerai pas. Cette nation a un gouvernement municipal depuis longtemps, et ils ont créé une assiette fiscale.

Je connais également très bien la vallée nisga'a. J'ai mené beaucoup de projets et j'ai participé dans beaucoup d'autres projets; je connais donc la situation.

J'avais fait des prévisions sur le temps que cela prendrait pour développer un système pour l'autre nation; ma conclusion était que ça prendrait au moins de 15 à 20 ans. C'est vraiment un retour en arrière pour les peuples autochtones.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Très bien.

[Français]

Je veux revenir à la question des chevauchements parce que je pense que c'est vraiment un point litigieux de l'entente. J'ai compris au cours de notre voyage, surtout à Smithers, que cela causait un problème majeur. J'ai compris aussi, et vous me direz si je me trompe, que les Nisga'as ont commencé par revendiquer 100 p. 100 de leur territoire et qu'ils en réclament maintenant 8 p. 100. De leur côté, les Gitxsans et les Gitanyows, à ce que je comprends, veulent maintenir leurs revendications territoriales au niveau de 100 p. 100. C'est la première chose qu'il faut savoir si on veut bien se comprendre. En tout cas, c'est ainsi que je comprends la situation.

Ensuite, j'essaie de voir comment la loi et l'entente traitent de ces positions. Au fond, c'est aux deux parties de régler cela. Je vais donc vous demander de suivre mon raisonnement, à vous surtout, madame Clifton.

• 1050

L'article 4 du projet de loi stipule:

    4. (1) L'Accord définitif nisga'a est approuvé, mis en vigueur et déclaré valide; il a force de loi.

Cela veut dire que l'accord que nous avons devant nous aura force de loi une fois le projet de loi adopté.

Maintenant, s'il y a incompatibilité entre l'accord et les lois provinciales et fédérales lors d'une difficulté d'interprétation, quel texte doit prévaloir? Pour y répondre, on se reporte à l'article 6:

    6. En cas d'incompatibilité ou de conflit entre l'Accord définitif nisga'a et les dispositions de toute loi fédérale—y compris la présente loi—...

C'est celle que je suis en train de lire.

    ...ou provinciale, l'accord l'emporte dans la mesure de l'incompatibilité ou du conflit.

Cela veut dire que si on ne s'entend pas sur une autre loi fédérale ou une loi provinciale, c'est l'accord qui a préséance. Dans cet accord, on trouve des références aux articles 33, 34 et 35, par lesquels on règle le problème des chevauchements, madame Clifton. C'est là qu'il est dit que si vous vous adressez à une cour fédérale ou provinciale, celle-ci peut reconnaître qu'un territoire nisga'a chevauche le vôtre et vous l'attribuer. L'entente prévoit même que les Nisga'as devront alors laisser aller le morceau et seront compensés par la suite pour la perte de cette portion de territoire.

J'ai beaucoup réfléchi à la façon de satisfaire tout le monde. Je suis en politique. Plus on plaît à tout le monde en politique, mieux en s'en tire. Parfois, cependant, on n'y parvient pas. À mon avis, selon ce que j'ai vu jusqu'à maintenant, vous nous proposez d'introduire dans la loi des choses que déjà la loi et surtout l'accord vous garantissent.

C'est là mon raisonnement, et j'aimerais connaître ce que vous en pensez, madame Clifton, pour savoir s'il est faux ou si, selon vous, il comporte au moins une petite part de vérité.

[Traduction]

Chef Barbara Clifton: Merci.

Nous comprenons clairement les articles 33, 34 et 35. C'est peu demander que de les intégrer au projet de loi C-9. D'après nous, cela réglerait le problème du recoupement.

[Français]

La présidente: Monsieur Bachand, vous avez une minute.

M. Claude Bachand: Madame Clifton, je comprends très bien votre demande, mais je reviens aux articles 4 et 5. L'article 4 du projet de loi C-9 stipule que l'accord est mis en vigueur et a force de loi. L'article 6 dit que s'il y a un problème, c'est l'accord qui prévaut. Ça va jusqu'ici?

Si c'est l'entente qui prévaut, les articles 33, 34 et 35 ont déjà force de loi et s'appliquent. S'ils s'appliquent et si on reconnaît que vous avez des droits et que les Nisga'as n'auraient pas dû prendre une partie de votre territoire, ces derniers seront prêts à vous la céder. L'entente vous la cède et le gouvernement fédéral va devoir compenser les Nisga'as. C'est ce que je comprends à la lecture de ces articles, de là mon raisonnement.

[Traduction]

Chef Barbara Clifton: Oui, je comprends votre raisonnement.

M. Claude Bachand: Partagez-vous cet avis?

Chef Barbara Clifton: Je ne vais pas faire de commentaires.

La présidente: Je n'ai aucun député du parti ministériel sur ma liste, à moins que quelqu'un ne lève la main maintenant.

Madame Davies, vous avez la parole pour cinq minutes.

Mme Libby Davies: Merci, madame la présidente.

Je représente une circonscription qui est située à Vancouver, celle de Vancouver-Est. En fait, je ne suis jamais allée dans la vallée de la Nass. Je ne représente aucune localité directement touchée par l'Accord définitif nisga'a, mais j'ai suivi le processus et je m'y suis beaucoup intéressée, étant donné que je représente des collectivités, particulièrement le centre-ville est, où l'on retrouve probablement la plus forte concentration d'Autochtones vivant en milieu urbain en Colombie-Britannique. Tous les jours, je vois ce qu'il advient des Autochtones, ces femmes qui sont dans les rues la nuit, et j'entends parler de ces femmes qui ont disparu de manière violente ou qui ont été assassinées.

• 1055

Nous avons reçu hier justement un rapport commandé par Santé Canada qui montre que le taux d'infection relativement à la séropositivité et au sida, particulièrement dans le centre-ville est, est le plus élevé au pays, et de plus en plus de gens en meurent. Donc pour moi, le problème des Autochtones en milieu urbain, et l'état d'abandon où ils sont, sont tout à fait critiques étant donné que j'en vois les effets tous les jours.

À mon avis, l'Accord nisga'a est très important. Si on prend une vue d'ensemble, cet Accord a un effet positif sur mon milieu. Je suis d'accord avec vous pour dire que cet Accord ne peut pas s'appliquer à tout le monde. Il y a diverses cultures, il y a des histoires diverses. Les équipes de négociation sont différentes, c'est un fait aussi. Quand on réunit des gens autour d'une table, l'entente à laquelle ils parviennent est très individuelle et propre à cette table. J'en ai la ferme conviction.

Pour ce qui est du processus de négociation, on a eu ici une table qui réunissait le gouvernement du Canada, le gouvernement de la Colombie-Britannique et les dirigeants des Nisga'as qui ont réussi à s'entendre et à parvenir à un accord avec lequel tous peuvent vivre, et cela est très important. Ce que j'espère dans tout cela, ce n'est pas que l'on généralise l'application de cet Accord partout au pays, mais que l'on reconnaisse que nous devons nous engager dans ce genre de processus avec d'autres Premières nations et, chose encore plus importante, à mon avis, que nous nous engagions dans ce processus en milieu urbain. Je sais qu'il y a tout un débat à ce sujet, sur la façon de faire les choses. Comment allons-nous nous assurer que l'on maintient bien la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral envers les Autochtones en milieu urbain, et qu'on la met en oeuvre de manière à satisfaire les attentes criantes des gens?

J'aimerais seulement entendre votre avis sur ce contexte plus général, madame Buffalo ou madame Clifton. Je sais que vous avez vos réserves face à ce document, mais c'est pour moi un texte important dans la mesure où il constitue un pas dans une direction qui nous aidera peut-être à régler d'autres problèmes. Je me demande si vous êtes d'accord avec ça.

Mme Marilyn Buffalo: La Native Women's Association of Canada et le Congrès des peuples autochtones, dont les Nations Unies autochtones font partie, viennent de remporter une cause qui va faire jurisprudence. Soit dit en passant, l'Assemblée des premières nations a été muette à ce sujet. Elle n'a pas pris part à ce procès. Nous avons consacré 12 ans de nos vies à soutenir la cause de John Corbière. Nous avons remporté la cause Corbière, ce qui veut dire que les membres des Premières nations qui résident hors de leur réserve ont désormais le droit de vote.

Chose encore plus importante, je ne crois pas que beaucoup de gens ont eu la possibilité d'étudier l'effet que cette décision judiciaire aura sur les lois nouvelles et actuelles. Cela veut dire sans aucun doute qu'il faudra apporter des changements fondamentaux, surtout à l'heure où 60 p. 100 de la population autochtone ne vit plus sur les réserves. Vous avez raison: la vaste majorité d'entre eux sont des femmes et des enfants, dont certains vivent hors des réserves depuis maintenant deux ou trois générations. Donc cela aura sûrement un effet à long terme.

Je vous remercie d'avoir exprimé votre préoccupation relativement aux femmes autochtones en milieu urbain. Je sais qu'elles apprécient beaucoup votre solidarité.

La présidente: Merci beaucoup.

Madame Davies, il vous reste 30 secondes. Étant donné que j'ai dit que nous ferions deux tours, je vais permettre à M. Keddy de poser une question après vous.

Mme Libby Davies: Non, ça va.

La présidente: Monsieur Keddy, vous êtes le dernier.

M. Gerald Keddy: Merci, madame la présidente.

Je vais revenir en arrière un instant. La raison pour laquelle j'ai soulevé la question de la société matrilinéaire tient au fait qu'à mon avis, nous sommes en désaccord sur la question de savoir si la société matrilinéaire peut survivre de par sa culture et ses religions. Je ne nie aucunement qu'une société, une culture ou une religion puisse être menacée par des forces externes. Je ne veux pas nier cela. Ce que je dis, c'est que c'est par la force de sa culture qu'un peuple arrive à maintenir les traditions qui lui ont été léguées. Je ne veux pas simplifier à l'excès. Je voulais seulement expliciter ma pensée à ce sujet.

Ma question s'adresse directement à vous, madame Buffalo. En écoutant votre allocution liminaire, j'avais l'impression qu'à votre avis, c'était en quelque sorte un mauvais traité qui ne protégeait ni les traditions ni les cultures et les langues. Je suis totalement en désaccord avec vous.

• 1100

Je pense que ce que nous avons fait ici, ce que nous n'avons pas réussi à faire pendant des siècles dans notre pays, c'est traiter notre Première nation comme une nation. Ici, nous l'avons traitée comme une nation. Elle aura sa propre forme de gouvernement. Il y a des choses ici auxquelles je tiens beaucoup en ma qualité de non-Autochtone qui voit les choses de l'extérieur, parce que ce texte est un bon reflet de la réalité législative telle qu'elle existe au Canada aujourd'hui, et ce, tout en protégeant la tradition, la culture et la religion, si vous voulez.

Cependant, si nous ne faisons pas cela, si nous ne traitons pas de peuple à peuple, et si nous ne concluons pas ce genre de traité, étant donné le fait que deux cultures se sont rencontrées et que nous ne pourrons jamais changer cela, quelle autre solution y a-t-il?

Mme Marilyn Buffalo: Nous n'avons pas le temps en cinq minutes à peine d'entendre l'histoire de votre famille, la mienne, et de voir l'effet que la loi a eu sur l'une ou l'autre. Nous avons peut- être eu des clans qui étaient liés à un moment quelconque. Qui sait?

Je dirai que j'ai remarqué, monsieur Keddy, que vous êtes de la Nouvelle-Écosse. La Première nation micmaque qu'on trouve là-bas est matrilinéaire, et elle a aussi récemment fait parler d'elle dans les actualités récemment dans le contexte du jugement Marshall. La Cour suprême a maintenu la validité d'un traité qui remontait à 1760, dont le texte a été transmis par la tradition orale. Il y a donc des choses qui ont survécu et qui continueront de survivre.

En dépit des difficultés que nous éprouvons, nous, femmes des Premières nations, nous allons continuer d'enseigner à nos enfants l'importance des traités et de la survie de nos droits, peu importe comment vous voulez les définir, qu'il s'agisse de droits ancestraux, de droits issus des traités, des droits inhérents ou traditionnels—ce sont tous des droits différents...

M. Gerald Keddy: Sans un traité moderne—et c'est exactement le problème qui se pose en Nouvelle-Écosse—sans une entente définitive quelconque où les deux groupes savent exactement où se situe leur avenir et où ils vont... Si l'on continue, comment avancer sans cela?

Je lis ce traité et j'y vois un excellent traité. J'y vois un moyen pour les deux cultures d'entrer dans l'avenir, et en particulier de protéger la culture nisga'a, impression que je n'avais pas avant cela. Il n'y a rien ici qui défavorise les Nisga'as. Le problème, c'était que le droit canadien hésitait fort à reconnaître les traditions et les cultures, et il y avait aussi la Loi sur les Indiens, qui, même si on la lit avec les meilleures intentions du monde, était un document raciste—et l'est toujours.

Mme Marilyn Buffalo: Je ne peux pas dire si les gens croient que c'est un document raciste ou non. Je crois que chacun a droit à son opinion.

Vous avez entendu hier le chef national déclarer que nous avons un droit politique. Eh bien, les femmes autochtones ont aussi un droit politique, je l'affirme pour mémoire—et je pense que si les femmes autochtones avaient été présentes à la table de négociation, les enjeux auraient été plus importants, et l'on aurait obtenu beaucoup plus que ce que l'on a obtenu en échange de cette renonciation complète aux droits historiques. Je tiens à le dire officiellement.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Il ne me reste plus, en ma qualité de présidente, au nom de tous les membres de notre comité, qu'à vous remercier pour votre témoignage aujourd'hui. Nous vous remercions d'être venus. Comme toujours, les opinions des témoins enrichissent de manière très particulière nos délibérations. Tout point de vue est le très bienvenu. Merci beaucoup.

Je vais suspendre la séance pendant environ deux minutes pour que les témoins suivants puissent s'installer, après quoi nous allons les interroger. Nous prendrons probablement cinq minutes de plus pour compenser les cinq minutes que nous avons perdues.

• 1104




• 1107

La présidente: Nous reprenons. Merci beaucoup.

Le comité accueille maintenant M. Gary Livingstone, de la British Columbia Mining Association. Je crois comprendre que vous occupez le poste de président du conseil d'administration et de PDG. Bienvenu à notre audience.

Nous allons continuer comme nous l'avons fait jusqu'à présent. Nous en sommes maintenant à la séance numéro 18. Nous allons vous accorder une quinzaine de minutes maximum pour que vous fassiez votre allocution liminaire, après quoi chaque membre du comité aura cinq minutes pour vous poser des questions. Donc, allez-y, dès que vous serez prêt.

M. Gary Livingstone (président du conseil d'administration et président-directeur général, British Columbia Mining Association): Très bien. Merci beaucoup, madame la présidente, membres du comité. Je vous remercie d'avoir accepté de m'entendre aujourd'hui.

Nous ne sommes pas ici pour discuter de chaque article de l'Accord nisga'a. Nous voulons simplement vous faire part de nos commentaires et observations avec tout le respect que nous vous devons. Et nous espérons que nos commentaires et observations seront utiles aux Autochtones de la Colombie-Britannique, aux gouvernements, à notre industrie et au Canada de demain.

Avant de parler de l'Accord nisga'a, j'aimerais dire quelques mots sur le processus de négociation des traités en Colombie- Britannique.

L'industrie minière de la Colombie-Britannique a toujours soutenu vigoureusement le règlement des revendications territoriales des Autochtones. C'est encore le cas aujourd'hui. On a raison de négocier et de régler les revendications territoriales des Autochtones. Nous encourageons les deux niveaux de gouvernement et les peuples autochtones à poursuivre leurs efforts à cet égard.

L'évolution du processus de négociation des traités et le règlement équitable des revendications territoriales des Autochtones répondent à l'intérêt supérieur de notre pays. Quand le règlement des revendications territoriales n'avance pas, on ne fait que prolonger l'incertitude relative à l'accès au territoire et aux ressources. Pour notre industrie, l'accès est la chose la plus importante. Nous vous prions donc instamment, dans les termes les plus vifs, d'accélérer le processus de négociation des traités. S'ils sont bien faits, les traités vont établir des sphères de responsabilité claires et supprimer toute ambiguïté relativement à la responsabilité du pouvoir réglementaire et à l'ampleur de ce pouvoir. Moins il y a d'impondérables, plus l'on donne à l'investisseur la certitude dont il a besoin pour faire des placements à long terme.

Aura-t-on un jour le traité parfait? Probablement que non. On négocie ces traités, et en tant que tel, aucun traité ne donne à un groupe tout ce qu'il veut. Chaque traité prend en compte divers intérêts. L'Accord nisga'a ne fait pas exception. Il nous incombe maintenant de tirer les leçons de la négociation de l'Accord nisga'a de manière à apporter des améliorations au processus de négociation des traités qui nous attend. C'est dans cet esprit que nous faisons les observations suivantes.

• 1110

L'Accord nisga'a lui-même a peu d'effets immédiats sur les activités actuelles d'exploration minière. Les terres conférées par le traité ne touchent que quatre petites concessions minières, et le gouvernement a accepté d'indemniser les détenteurs de ces concessions qui seront expropriées. Cependant, ce qui nous préoccupe, c'est l'avenir de l'exploration et de l'exploitation minières sur les terres publiques entourant les terres conférées par l'entente.

L'Accord a pour effet de créer une zone faunique de 10 000 km carrés dans la vallée de la Nass, où l'on s'attend à ce que les Nisga'as se prévalent de leurs allocations en gibier. Ce territoire, qui fait cinq fois la taille des terres conférées par l'entente aux Nisga'as, sera géré par un comité consultatif conjoint provincial et nisga'a. Il y a une lacune dans l'Accord nisga'a. Elle tient au fait que ces 10 000 km carrés de terres publiques peuvent être effectivement cogérés par les Nisga'as et le gouvernement provincial.

Certains membres de notre secteur, particulièrement ceux qui font de l'exploration minière, croient que cette méthode de cogestion donnera aux Nisga'as un veto de facto sur les activités d'exploitation des ressources de ces terres publiques. Ce n'est qu'avec le temps qu'on saura s'ils ont raison, ou non, en pratique. Mais l'impression qu'il y aura un veto de facto ne fait qu'ajouter à l'incertitude dans le secteur, plutôt que de la réduire.

Il est déjà assez difficile d'obtenir des instances provinciales et fédérales les approbations nécessaires à l'exploitation minière. Si on ajoute un autre niveau de gouvernement à cette procédure, on ne fait qu'alourdir le problème et cela nuira à l'investissement et à l'expansion dans le secteur minier. Nous préférerions que l'activité minière dans ces régions soit réglementée par un seul palier de gouvernement.

Le principal objectif des traités, c'est de faire respecter les intérêts et les ambitions de la communauté autochtone. Le secteur minier est en faveur de ce principe. Mais par ailleurs, nous estimons que les traités doivent aussi tenir compte des intérêts et ambitions de l'ensemble de la communauté provinciale, ou du moins, ne pas les contrecarrer. Or, les dispositions sur la cogestion de l'Accord nisga'a ne le font pas.

Les préoccupations que nous exprimons aujourd'hui doivent être prises en compte pour améliorer les choses, au moment de la négociation d'accords futurs. La semaine dernière, le 17 novembre, la Cour suprême du Canada a formulé une explication substantielle de son arrêt controversé sur la pêche autochtone, précisant qu'il ne donnait pas aux peuples autochtones l'accès à l'exploitation forestière, minière et pétrolière sur les terres publiques. Cette rare explication du plus haut tribunal, par décision unanime, ne laisse aucun doute sur les responsables de la réglementation et du contrôle des ressources des terres de la Couronne: les gouvernements provincial et fédéral. En négociant des accords comme celui des Nisga'as, ni l'un ni l'autre des gouvernements ne doit renoncer à sa responsabilité de répartition et de gestion des ressources.

Avant de terminer, aujourd'hui, je veux parler d'un autre aspect de notre travail qui se rapporte à cet Accord et à d'autres traités négociés. Il s'agit de l'accès aux ressources et de ce que cela signifie pour la Colombie-Britannique.

La Colombie-Britannique est unique, à cause du terrain extrêmement montagneux qui constitue la majorité de son territoire. La seule façon de se déplacer par voie terrestre, c'est de suivre le creux des vallées, les mêmes creux de vallée où se situeront les terres conférées aux Autochtones par la procédure prévue au traité. Cela représente un obstacle considérable à notre capacité d'accéder au potentiel minier qui se situe au-delà des terres octroyées. En Colombie-Britannique, il y a déjà eu une réduction importante de l'accès aux terres riches en minerai, à cause d'une réaffectation des sols, qui étaient à utilisations multiples et qui n'ont plus qu'une seule utilisation, principalement la création de parcs.

La création de nouveaux parcs, de zones de gestion spéciale, de terres municipales, de terres désignées par la loi sur la protection du territoire agricole, de zones de reboisement et de l'omniprésente «ceinture verte» qui entoure toutes ces terres et ces parcs ne fait que réduire encore le territoire où l'on peut faire de l'exploitation minière. Il faut maintenant ajouter à cela le transfert des terres dans le cadre d'une revendication territoriale autochtone, qui aura le même résultat.

Si le contrôle d'un corridor de transport est donné à un seul groupe d'intérêt, ce groupe peut aussi décider de l'exploitation ou de la gestion d'une propriété, soit en refusant l'accès par le corridor soit en imposant des frais de passage. On peut douter que les dispositions particulières de l'Accord nisga'a, destinées à répondre à ces préoccupations, pourront convaincre de la certitude de l'accès. Ce doute, découlant de l'Accord, est un obstacle supplémentaire à l'exploration et à l'exploitation minières. Les négociations de traités à venir devront tenir compte de cette préoccupation.

• 1115

L'exploitation minière en Colombie-Britannique continue d'être l'un des principaux moteurs économiques de la province. C'est une industrie de 4 milliards de dollars, la deuxième industrie du secteur primaire de la province. L'an dernier, l'exploitation minière a produit 1 milliard de dollars en recettes fiscales pour les gouvernements. Nous parlons de recettes d'un milliard de dollars par an pour le gouvernement, de l'argent absolument nécessaire pour les services d'éducation, de santé et d'autres services dont nous voulons tous, pour nous-mêmes et pour nos enfants.

L'an dernier, le secteur minier a produit 56 p. 100 de toutes les recettes de transport ferroviaire au pays. Les produits miniers représentaient 69 p. 100 du volume total de marchandises portuaires, dépassant de beaucoup les céréales et tout le reste du transport par conteneur. Et voici encore matière à réflexion: Boliden's Myra Falls, une mine de cuivre et de zinc de taille moyenne située à Strathcona Park, sur l'île de Vancouver, produit les mêmes revenus que tout le secteur des croisières, en Colombie- Britannique. C'est assez impressionnant: une seule mine de taille moyenne, exploitée sans faire de bruit à l'intérieur même d'un parc provincial représente les mêmes retombées économiques que l'ensemble du secteur des croisières.

L'exploration est essentielle à l'exploitation minière. Si personne ne consacre d'argent à la recherche de mines, aucune ne sera trouvé pour remplacer celles dont la productivité tire à sa fin. Si cette situation dure trop longtemps, il n'y aura tout simplement plus d'industries minières dans notre province, dans quelques années. L'exploration minière en Colombie-Britannique a chuté de façon marquée; on s'attend à ce qu'elle ne rapporte que 25 millions de dollars cette année. Pour soutenir l'industrie, il faut attirer les dépenses d'exploration, comme on l'a fait il y a quelques années, au début des années 90, alors qu'elles représentaient entre 150 et 200 millions de dollars.

Il faut donc déployer tous les efforts possibles pour encourager l'investissement dans l'exploration minière et éliminer les incertitudes qui le rende frileux, notamment celles se rapportant à l'accès aux territoires. Dans le règlement des revendications territoriales autochtones, le contrôle réglementaire des activités minières doit être défini clairement et sans équivoque. Il ne doit y avoir aucun doute quant au propriétaire et au décideur.

Nous ne nous opposons pas à ce que les Autochtones aient pouvoir de réglementation sur l'exploitation des ressources minières au sein des terres accordées par règlement. Nous nous opposons toutefois à l'idée de cogestion, au manque de clarté quant aux responsables de la réglementation de l'exploitation des ressources en dehors de ces terres.

Notre industrie a de bonnes relations avec les peuples autochtones de la Colombie-Britannique. Dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique, il y a la mine d'or Eskay Creek. C'est l'entreprise minière Homestake qui en est la propriétaire et qui l'exploite. La mine est située sur des terres publiques, qui font partie du territoire traditionnel de la Nation tahltan, une zone de la province où l'activité industrielle est restreinte et où les collectivités souffrent d'un chômage chronique.

À la mine Eskay Creek, l'un des plus riches gisements d'or et d'argent du monde, plus du tiers de l'ensemble des employés sont de la bande tahltan. Les membres de la bande participent à toutes les facettes de l'exploitation, y compris l'entretien des routes, le transport du minerai et du matériel et les services alimentaires. Cette relation bénéfique pour tous a créé des liens serrés entre la communauté, les gens du secteur et Homestake.

Les Tahltans croient en l'exploitation des ressources. Ils n'avaient qu'une réserve, qui était que leurs communautés et les gens qui en font partie puissent profiter des mines exploitées sur leur territoire traditionnel. Leurs attentes ne sont pas différentes de celles d'autres communautés confrontées à un taux de chômage élevé et à des possibilités limitées. Les rapports entre les Tahltans et Eskay Creek sont bons parce que chaque partie y met du sien. Le même principe doit continuer de s'appliquer aux efforts visant à promouvoir la conclusion d'un traité. Les parties doivent y mettre du leur et encore une fois, nous vous encourageons à le faire.

Les arguments que nous présentons aujourd'hui seront avantageux pour tous les habitants de notre province, de même que pour tous les Canadiens. Une quantité suffisante de minerai représente une richesse considérable et d'importantes occasions pour ceux qui en sont propriétaires. En Colombie-Britannique et dans le reste du Canada, les propriétaires sont ceux qui vivent là, Autochtones ou non. Notre industrie rend service aux propriétaires de la ressource. Nous extrayons le minerai du sol pour eux, et ce faisant, nous créons des emplois, de la richesse et des possibilités. Notre travail est compliqué, coûteux et nécessite des compétences particulières en génie. Mais au bout du compte, ce n'est qu'un service que nous offrons aux propriétaires.

• 1120

Si les gens de la Colombie-Britannique et du Canada veulent continuer à profiter de la richesse minière dont ils sont propriétaires, l'accès au territoire qui contient ces minerais doit être garanti. Si nous restreignons cet accès, ou si nous laissons perdurer ou créer des incertitudes au sujet des instances qui le contrôlent, nous limitons les avantages que nous pouvons en tirer, que nous soyons ou non Autochtones.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Livingstone.

Nous passons à la ronde de questions de cinq minutes. M. Scott commence. Allez-y, s'il vous plaît.

M. Mike Scott: Merci, madame la présidente.

Merci, monsieur Livingstone, de votre exposé.

Si j'ai bien compris, le secteur qui vous intéresse principalement est une zone de 10 000 kilomètres carrés, soit la zone de gestion de la faune visée par l'Accord nisga'a. Monsieur Livingstone, comme on ne sait pas maintenant exactement qui prendra les règlements et régira l'exploration et l'exploitation minières dans cette zone, pensez-vous que des membres de votre organisation, les entreprises membres, ne dépenseront pas d'argent pour l'exploration dans cette zone de 10 000 kilomètres, à ce moment-ci?

M. Gary Livingstone: Mes commentaires sont d'ordre général. Au sujet de la région faunique de la Nass, il y a en ce moment très peu d'activité, simplement à cause de la nature du terrain. C'est une région densément boisée, où il y a donc eu peu d'activité.

Là où je voulais en venir aujourd'hui, c'est que si on reprend le même genre d'accord ailleurs dans la province, surtout dans les zones où le potentiel minier est important, alors oui, ce genre d'incertitude découragera l'activité d'exploration minière. Les investisseurs seront fort préoccupés, faute de savoir à qui il revient de décider. Le secteur minier est de toute façon un secteur à haut risque, et toute incertitude supplémentaire relative à l'accès et à l'exploitation future suffirait à envoyer les investisseurs vers d'autres régions.

M. Mike Scott: Là où je veux en venir, monsieur Livingstone, c'est qu'on a beaucoup parlé, au sujet de ce traité, particulièrement chez ses partisans, du fait qu'il apporte à la Colombie-Britannique la certitude propice aux investissements. Nous savons qu'actuellement, l'incertitude associée aux revendications autochtones est comme une douche froide pour ceux qui souhaiteraient investir en Colombie-Britannique.

On nous dit que le Traité nisga'a est la solution, si vous permettez cette expression, puisqu'on arrivera à régler les revendications territoriales en attente de manière à obtenir cette certitude. Si je comprends bien ce que vous dites au comité, les dispositions relatives à la gestion de la faune et à la zone faunique créent de l'incertitude. Je comprends qu'il y ait peu de minerai dans cette zone, c'est du moins ce qu'on croit, mais vous affirmez que si les choses se passent de la même façon ailleurs dans la province, nous n'aurons pas la certitude escomptée et les investisseurs ne viendront pas dans les zones ainsi désavantagées. Est-ce exact?

M. Gary Livingstone: Comme vous l'avez dit, ce qui nous préoccupe, ce sont les régions à l'extérieur des zones désignées par traité. D'après notre interprétation, il y a encore trop de flou dans le libellé de l'Accord. Si une Première nation ne veut pas encourager, par exemple, l'exploitation des ressources, nous craignons que ce libellé puisse être utilisé de manière à bloquer ou à gêner l'exploitation. Ce genre d'incertitude risque de détourner les investisseurs des zones où ce genre d'accord est en vigueur.

M. Mike Scott: Pour résumer, très rapidement, ce genre d'accord n'offre pas de certitude.

M. Gary Livingstone: Dans cette zone particulière, dans la zone faunique de la Nass, en effet, il y a de l'incertitude qui pourrait, si elle se manifeste dans d'autres zones, décourager les investisseurs.

M. Mike Scott: Merci beaucoup, monsieur Livingstone.

• 1125

La présidente: Il vous reste encore 30 secondes, si vous voulez.

M. Mike Scott: C'est bien.

La présidente: Non?

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur Livingstone, je dois vous avouer que je suis agréablement surpris par votre présentation. Quand des représentants de l'industrie minière viennent nous dire ici que ce qui va créer un climat de certitude, finalement, c'est qu'on se dépêche de conclure le plus d'ententes possible pour qu'on sache à quoi s'en ternir, cela concorde tout à fait avec mes vues.

Cependant, je me suis aussi aperçu que vous aviez certaines appréhensions. J'aimerais qu'on en discute un peu. Vous avez parlé entre autres de l'érosion de l'accès. Évidemment, si les parcs provinciaux se multiplient, si des règlements agricoles font en sorte que vous ne puissiez avoir accès à vos sites, il y aura un problème. Par ailleurs, vous savez sûrement que vous pouvez faire certaines représentations auprès de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, et j'espère que vous l'avez fait. En effet, plusieurs de ces questions relèvent davantage de la Colombie-Britannique.

J'aimerais que vous nous disiez si vous avez certains contacts avec l'Assemblée législative de Colombie-Britannique quant à la façon de régler le problème de l'érosion de l'accès. J'aimerais que vous nous en parliez.

Vous avez aussi parlé de l'exploration qui, du côté des mines, s'apparente à la découverte. Je comprends cela parfaitement. Cependant, il y a des mesures fiscales qui sont prévues pour soutenir l'exploration. Du moins, je sais qu'il y en a au Québec. J'aimerais que vous nous disiez s'il existe de ces mesures fiscales.

C'est qu'il ne s'agit pas seulement d'une question d'accès. C'est sûr que, quand on a trouvé un filon d'or, on est tenté de l'explorer. Par contre, quand il s'épuise, on voudrait bien en trouver un autre. À ce moment-là, ce n'est pas très payant de se mettre à chercher un peu partout où il pourrait y en avoir d'autres. C'est là que s'appliquent certaines mesures fiscales instaurées par les gouvernements pour soutenir l'industrie minière. J'aimerais que vous nous en parliez.

Je comprends aussi que vous nourrissiez quelques craintes. Je vous suis parfaitement. Vous n'avez pas tellement peur du transfert aux autochtones et des règlements des autorités autochtones. C'est plutôt la cogestion que vous voyez comme un problème.

Sur ce plan, j'aimerais qu'on puisse poursuivre un jour la discussion, qui ne s'arrêtera sûrement pas aujourd'hui. Aujourd'hui, vous êtes ici avec les Nisga'as, mais il va y avoir beaucoup d'autres revendications territoriales. Je veux seulement vous dire que le Comité des affaires indiennes a fait un excellent rapport sur la cogestion il y a quelques années. Je pourrais vous faire parvenir ce rapport pour que nous en discutions ensemble par la suite si vous y trouvez des applications possibles pour l'industrie minière en Colombie-Britannique.

[Traduction]

M. Gary Livingstone: Je crois que votre question a trois volets.

Il y a d'abord les communications avec le gouvernement de la Colombie-Britannique. La réponse est oui, nous avons un dialogue avec le gouvernement depuis nombre d'années, mais je ne suis pas convaincu que nous ayons été bien compris, quand on pense à ce qui arrive aux investissements miniers en Colombie-Britannique.

Le deuxième volet se rapporte aux mesures fiscales. Vous avez raison. J'aimerais qu'on ait en Colombie-Britannique des mesures fiscales semblables à celles que vous avez au Québec. Nous sommes d'ailleurs en communication avec le gouvernement fédéral ainsi qu'avec d'autres gouvernements provinciaux pour essayer d'établir ces incitatifs fiscaux, qui sont une façon très positive d'encourager l'investissement.

Cela a une grande importance, mais il faut revenir à celle de l'accès. On peut avoir de tels incitatifs fiscaux, qui encourageront l'exploration et l'exploitation, ce qui sera une bonne chose pour le pays puisqu'on creusera des mines, qu'on amènera la prospérité et qu'on créera des emplois. Ce qui nous préoccupe, c'est que dans des zones comme la région faunique de la Nass, d'autres règles s'appliquent, et l'exploration est plus incertaine qu'ailleurs. Avec ces incitatifs fiscaux, on encouragera l'exploration, mais pas dans ces régions.

• 1130

Ce qui nous préoccupe pour la Colombie-Britannique, c'est que si l'on multiplie par 50 ou par 60 l'Accord nisga'a, on crée tout un problème par la surimposition des terres marquées par l'incertitude. C'est ce qui nous préoccupe.

Au sujet de la cogestion, vous avez raison. Nous avons étudié le texte. Le flou nous préoccupe fort. Comme je l'ai dit dans mon exposé, ce n'est qu'avec le temps qu'on saura si nos préoccupations étaient justifiées ou non. Entre-temps, nous craignons que l'incertitude et cette impression ne nuisent à l'investissement.

Nous voudrions donc que dans les accords futurs, la formulation soit plus précise pour augmenter le certitude quant à la gestion des ressources sur les terres publiques.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Merci, madame la présidente.

Merci au témoin d'être venu.

Pour commencer, je crois que nous reconnaissons tous que l'exploitation minière est menacée partout au pays, sans aucun doute, mais encore plus en Colombie-Britannique et dans le nord- ouest du pays. Il y a eu d'autres cas où l'exploitation minière a été menacée par la réglementation gouvernementale, bien davantage que par les revendications territoriales ou par les traités. Le gisement tatshenshini a été fermé. À cause de l'agrandissement des frontières du parc national Tuktut Nogait, un gisement important, ou du moins, un gisement potentiel n'a jamais été exploré de manière satisfaisante. Les règlements gouvernementaux l'ont fermé.

Dans ce traité particulier, qui fera partie des règlements gouvernementaux, pour la faune et les oiseaux migrateurs, on dit ici, au paragraphe 2 du chapitre 9:

    2. Le droit énoncé à l'article 1 est un droit de récolter d'une façon:

      a. qui est compatible avec:

        i. la nature communautaire de la récolte nisga'a à des fins domestiques, et

        ii. les saisons traditionnelles de la récolte nisga'a; et

      b. qui n'entrave pas les autres utilisations autorisées des terres de la Couronne.

L'exploitation minière serait certainement une autre utilisation autorisée des terres de la Couronne.

Il faut se rappeler, au sujet de ces terres, que ce n'est qu'une zone de gestion faunique. Les Nisga'as ne sont certainement pas propriétaires de cette zone. Si je comprends bien, ils auront une sorte de compétence conjointe, seulement en ce qui touche la faune. Interprétez-vous cela différemment? Je croyais certainement que l'exploitation minière était comprise, à la lecture de l'alinéa 2b): «qui n'entrave pas les autres utilisations autorisées des terres de la Couronne».

M. Gary Livingstone: J'ai moi aussi cette page. Au paragraphe 3, on dit ensuite:

    Malgré les articles 1 et 2 [...] pourvu que la Couronne s'assure que ces utilisations autorisées ou ces dispositions [...]

il y a ensuite les alinéas a) et b). On peut se demander comment cela serait interprété, compte tenu de l'alinéa 2b).

M. Gerald Keddy: Je présume qu'ils seraient interprétés en fonction de la faune. Ce n'est pas le cas ici, mais si une migration importante de caribous, par exemple, était compromise par du dynamitage, il faudrait peut-être interrompre provisoirement le dynamitage, si cela faisait partie des activités de la mine.

En lisant cela, je pense que c'est encore plus précis. Je vous lis le paragraphe:

    3. Malgré les articles 1 et 2, la Couronne peut autoriser des utilisations des terres de la Couronne ou en disposer, et toute utilisation autorisée ou disposition peut avoir des effets sur les méthodes, périodes et lieux de récolte des animaux sauvages en vertu des droits nisga'as aux animaux sauvages, pourvu que la Couronne s'assure que ces utilisations autorisées ou ces dispositions:

      a. ne nient pas aux citoyens nisga'as la possibilité raisonnable de récolter des animaux sauvages en vertu des droits nisga'as aux animaux sauvages; ou

      b. ne réduisent pas les allocations nisga'as d'animaux sauvages.

• 1135

Je pense que c'est ce qui fera la différence dans l'interprétation, mais je pense qu'il est clair que cette interprétation ne porte que sur la faune et qu'on reconnaît que si vous avez une exploitation minière—et je vous dirai bien franchement que je suis vraiment pour l'exploitation minière—il y aurait peut-être de petites nuances à apporter, si cette exploitation a un effet négatif sur la faune. J'imagine mal ce que cela pourrait être. La plupart des exploitations minières ne portent que sur une superficie très limitée.

Malheureusement, les détracteurs de l'exploitation minière aiment à croire que les mines couvrent des milliers et des centaines de milliers d'acres, alors qu'il ne s'agit en fait que d'un point sur la carte, que la plupart des gens ne pourraient trouver en passant tout près. Mais par ailleurs, à mes yeux, cette loi établit très clairement la protection des intérêts commerciaux, des intérêts miniers, dans ce cas-ci.

M. Gary Livingstone: J'espère que vous avez raison, mais d'après...

M. Gerald Keddy: Moi aussi.

M. Gary Livingstone: ...le résultat de diverses décisions des tribunaux, nos conseillers juridiques ont examiné la question et nous disent qu'on ne sait pas très bien quelles seront les incidences de ces dispositions.

Nous recommandons d'ajouter ici quelques mots qui préciseraient qu'il n'y aurait pas de conséquences allant au-delà de l'intention de protéger la faune et qui toucheraient l'exploitation des ressources. C'est essentiellement ce que nous disons. Cela nous paraît ambigu. Je ne suis pas avocat et je ne peux vraiment...

M. Gerald Keddy: Moi non plus, soyons bien clairs.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous passons à M. Bonin, qui disposera de cinq minutes.

M. Raymond Bonin: Merci, madame la présidente.

Merci de votre exposé. Je suis moi aussi, bien entendu, en faveur de l'exploitation minière. Il y a neuf mines dans ma circonscription et j'ai déjà travaillé à la mine.

Dans ma circonscription, Inco a creusé une mine qui a une superficie de 250 pieds sur 250. On y récupère et réutilise l'eau. Il n'y a pas de problèmes environnementaux. La principale pollution visuelle, c'est le stationnement, puisque même le puits est peint en vert, pour se marier à la forêt, à l'arrière.

M. Gerald Keddy: Ces laveurs sont efficaces.

M. Raymond Bonin: En effet.

Bien que l'exploitation minière crée des revenus, elle le fait surtout pour le gouvernement provincial. Il y a très peu de revenus pour le gouvernement municipal, qui ne peut que taxer les immeubles en surface. La nouvelle stratégie—tout à fait légitime et que j'emploierais moi-même—c'est de démolir les immeubles et de traiter le minerai sous terre. C'est bien clair, la richesse créée va à la province et non aux municipalités.

Ce qui me déplaît, dans votre exposé, relève encore une fois d'une question d'attitude; lorsque nous parlons de minorités, de Premières nations ou d'Autochtones, cela revient toujours, à mes yeux, à un problème d'attitude. Je n'aime pas vous entendre dire—je cite votre texte:

    Les membres de la bande participent à toutes les facettes de l'exploitation, y compris l'entretien des routes, le transport du minerai et du matériel et les services alimentaires.

À mon avis, c'est là un problème d'attitude. Je vois les bandes comme des partenaires ou des concurrents. Dans des accords comme celui-ci, je les vois comme membres de votre association minière. Je vois le futur président de votre association provenir de la communauté autochtone qui est propriétaire des mines, les exploite et profite de la richesse ainsi créée. Dans votre document, je ne vois rien qui ressemble à un partenariat d'égal à égal.

J'entends encore: «Nous serons gentils avec eux, nous les laisserons entretenir les routes et nous apporter quelques sandwichs». C'est ce que je n'aime pas dans la plupart des discussions que nous avons eues. On ne peut pas très bien le cerner, ni le prouver, mais—nous nous regardons dans les yeux, monsieur Scott—c'est un problème d'attitude.

• 1140

Le jour où je verrai les esprits s'ouvrir, où on reconnaîtra qu'il s'agit de communautés humaines, d'égaux, je dis que nous signerons des traités bien supérieurs à celui-ci.

Je crois pouvoir simplifier la question. Comment répondrez- vous au président de votre association lorsqu'il ou elle sera un Autochtone, un propriétaire de mine autochtone, qu'il vous mettra ce document sous le nez et vous demandera quelle était votre intention? Que direz-vous lorsqu'il vous demandera si vous les voyiez comme des égaux?

M. Gary Livingstone: Il y a deux ou trois choses à dire. Premièrement, je ne suis évidemment pas d'accord lorsque vous insinuez qu'il n'y a pas de respect dans nos relations avec les Premières nations, particulièrement avec la nation Tahltan, dont vous avez parlé. Je crois peu probable que vous ayez vu nos installations, ou que vous ayez parlé aux chefs et aux gens qui sont là. J'y suis allé et je peux vous assurer que des sentiments très positifs y règnent.

Il y a aussi la question de l'éducation. Il faut une mise à niveau pour les Premières nations qui n'ont jamais été exposées aux techniques minières. L'exploitation minière est un secteur de haute technologie et il faut du temps pour former ces gens. Par exemple, au sujet de l'accord sur les services alimentaires, au départ, ils ont formé un partenariat avec une entreprise, pour offrir des services alimentaires à Homestake, à la mine Eskay Creek, simplement pour acquérir le savoir-faire. Quand ils l'ont eu, une fois qu'ils ont appris... Le contrat est maintenant à eux. Il y a donc une progression.

Bien entendu, nous serions ravis qu'un Tahltan soit président de cette mine. En fait, nombre d'entre eux ont maintenant décroché des postes de superviseur. L'entreprise et le secteur minier ont très fermement l'intention de faire de ces gens des partenaires. Malheureusement, il faut du temps pour combler l'écart, mais je peux vous assurer que nous avons l'intention d'agir en ce sens.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Bonin.

M. Raymond Bonin: Je trouve votre réponse encourageante et je suis ravi qu'elle soit consignée au compte rendu.

Je veux simplement qu'on note que pour les mineurs de ma communauté, un salaire de 90 000 $ par an n'a rien d'exceptionnel. Ce sont des emplois de haute technologie. Par contre, il faut dire que l'entretien des routes, le transport routier et les services alimentaires n'offrent pas de salaires annuels supérieurs à 25 000 $ ou 30 000 $. Si vous avez l'intention de mettre tout le monde sur le même pied, avec les mêmes possibilités, en reconnaissant que ces communautés sont des partenaires éventuels, mais aussi des concurrents possibles... Ils ont le droit d'exploiter des mines et d'en profiter, puisque ce que nous voulons, c'est leur donner les outils nécessaires pour qu'ils s'enrichissent eux-mêmes, afin de survivre.

Il est injuste de présumer qu'ils ne savent pas comment faire. Si on nous avait demandé quelle était la profession du témoin précédent, nos préjugés nous auraient fait dire qu'elle était une ménagère—ce sont des préjugés. Cette femme exceptionnelle est comptable agréée. C'est toute une réussite. Je n'y arriverais pas moi-même. Je ne serais pas capable d'accomplir cela. Ce n'est toujours qu'une question d'attitude, et votre réponse m'a réconforté.

La présidente: Merci.

Monsieur Scott, vous avez la parole.

M. Mike Scott: J'aimerais demander à M. Livingstone de répondre à cette affirmation, c'est-à-dire que M. Bonin a complètement omis le fait que M. Livingstone représente des gens qui ont investi littéralement des centaines de millions de dollars dans l'exploration et l'exploitation minières.

Actuellement, n'importe quel habitant de la Colombie- Britannique peut jalonner un claim minier. Nul besoin d'être une société minière. Toute personne ou toute organisation—n'importe quelle bande autochtone, par exemple—peut jalonner un claim minier et exploiter un gisement, s'il y en a un. N'importe qui peut faire de l'exploration. Mais ce qu'il faut dire, c'est qu'il y a des gens dans l'industrie minière qui sont prêts à risquer des centaines de millions de dollars pour faire de l'exploration puis encore plus d'argent, encore plus de capital pour exploiter les gisements trouvés.

M. Raymond Bonin: Je connais le secteur minier.

• 1145

M. Mike Scott: Très bien, mais parler d'un objectif précis sans reconnaître le moyen par lequel on pourra atteindre cet objectif est un peu naïf. Certaines personnes sont prêtes à risquer des millions de dollars pour l'exploration et l'exploitation minières afin d'atteindre cet objectif.

J'aimerais juste entendre M. Livingstone là-dessus. Monsieur Livingstone, vous pourriez peut-être nous donner une idée des sommes investies par le secteur minier en Colombie-Britannique et nous dire aussi qui sont les propriétaires de ces sociétés. À ma connaissance, la plupart de ces sociétés sont cotées en Bourse et obtiennent leur financement en encourageant les gens à courir le risque d'y investir.

M. Gary Livingstone: Je voulais juste faire un commentaire sur la question posée par le dernier intervenant.

Dans mon mémoire, j'ai fait allusion à des sociétés et à l'esprit d'initiative qui règne dans cette mine. Le service de traiteur est offert par une société créée par les Tahltans. Ces gens travaillent à la mine.

Je n'ai jamais visité les opérations auxquelles vous avez fait allusion, mais je peux vous assurer qu'un salaire de 25 000 $ à 30 000 $ et... Le salaire moyen bonifié des avantages sociaux dans le secteur minier en Colombie-Britannique est de l'ordre de 80 000 $. Il était de 78 000 $ l'année dernière. Les gens à cette mine dépassent cette moyenne.

Je peux vous assurer que les Tahltans s'en sortent beaucoup mieux, d'abord parce qu'ils travaillent tous à la mine et deuxièmement, parce qu'ils fournissent des services par le truchement de compagnies qu'ils ont eux-mêmes établies. Je disais qu'il y avait un esprit d'initiative et que la société les encourageait à fonder leurs propres entreprises, ce qui est très positif à mon avis.

M. John O'Reilly: Comment peut-on répondre à une question si la personne qui a posé la question n'est plus là?

Une voix: On peut lire la transcription.

La présidente: Monsieur Livingstone, il vous reste encore deux minutes, si vous voulez continuer.

M. Gary Livingstone: Je crois que la question portait sur les investissements. Des milliards de dollars ont été investis dans cette industrie en Colombie-Britannique. Les propriétaires des sociétés que je représente, les sociétés comme Placer Dome, Teck, Cominco, Fording Coal, Homestake, sont cotées à plusieurs bourses en Amérique du Nord.

La présidente: Merci beaucoup.

Le temps de M. Scott n'est pas encore écoulé, mais il n'est pas là. Passons maintenant à M. Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: M. Scott pourra toujours lire mes propos le concernant puisqu'il n'est pas ici. Toutefois, j'aurais aimé lui dire de vive voix que tout comme lui, j'ai beaucoup d'admiration pour les gens qui investissent des centaines de millions de dollars dans la recherche et l'exploitation minière. C'est votre cas et je sais que c'est un secteur d'activités des plus importants.

Cependant, contrairement à M. Scott, je crois qu'il faut aussi reconnaître qu'avant vous, il y avait des gens qui vivaient là. C'est la cause du problème actuel. Les cours et les gouvernements reconnaissent qu'ils étaient ici avant nous, que ce sont eux, les premiers arrivants. On ne peut donc pas se permettre de s'emparer de toutes les richesses et, après seulement, prendre leur présence en considération. J'ai vu cela se produire. J'ai vu, dans les territoires des Nisga'as, des Chilcotin et des Carrier-Sekani, des files de camions vider la forêt de ses produits avant que l'entente sur l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales n'ait été conclue.

Alors, j'ai beaucoup de respect pour vous et j'en ai encore davantage quand vous reconnaissez que des peuples étaient là avant vous, qu'il nous faut conclure des ententes pour régler le problème et qu'il nous faut souhaiter le faire.

Mon pauvre monsieur Livingstone, vous vous trouvez partagé entre deux positions ce matin: une qui est en faveur des autochtones et l'autre qui est contre eux. Je ne veux pas vous mêler à ce débat, mais je voulais seulement le signaler pour que ce soit consigné et pour que M. Scott puisse le lire sur les bleus avant longtemps.

Je voudrais revenir au climat d'incertitude dont vous avez parlé. Je n'ai pas eu le temps de vous en parler lors de ma dernière question, mais c'est un point très important. J'ai eu le bonheur et l'honneur de rencontrer Mike Harcourt quand nous sommes allés en Colombie-Britannique. M. Harcourt avait alors déclaré que, dans le cas des revendications territoriales en Colombie-Britannique, il croyait et voulait que son gouvernement, ou celui de la Colombie-Britannique, ne cède pas plus que 5 p. 100 du territoire.

• 1150

Il me semble que cela écarte une grande partie de l'incertitude. Si cette décision est appliquée—et on sait que les Nisga'as n'ont obtenu qu'à peu près 8 p. 100 de leurs revendications territoriales—cela signifie qu'il reste encore 95 p. 100 du territoire des terres de la Couronne à votre entière disposition pour y faire de l'exploration et de l'exploitation minière.

Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez? N'est-il pas exagéré de dire que cela engendre beaucoup d'incertitude? Vous ne l'avez pas dit exactement ainsi, j'en conviens. D'ailleurs, je répète que j'ai aimé votre mémoire et que je le trouve important. Vous ne vous êtes pas opposé dès le départ. Au contraire, vous avez dit que la solution résidait dans la conclusion d'ententes comme celle-là.

Mais ces ententes ne devant s'appliquer qu'à 5 p. 100 du territoire, est-ce que cela ne vient pas diminuer l'incertitude dans les domaines de l'exploration et de l'exploitation minière?

[Traduction]

La présidente: Allez-y.

M. Gary Livingstone: Oui, je suis d'accord. Si on établit à 5 p. 100 la limite des terres de la catégorie A dans la province, on aura plus de certitude, parce qu'on saura à qui appartiennent les terres dans une région donnée.

Ce qui me préoccupe, cependant, c'est la zone qui entoure ces terres, et la possibilité de s'assurer que soit le gouvernement provincial soit le gouvernement fédéral a le pouvoir de gérer l'exploitation des ressources. C'est tout ce que je disais.

Nous croyons que cette certitude est importante non seulement pour les non-Autochtones de la Colombie-Britannique, mais aussi pour les Autochtones. Ils vont en tirer la majorité des profits, parce que ces opérations ont lieu dans leurs régions, et les débouchés ainsi que la participation à l'exploitation de ces mines vont être plus importants chez eux. C'est la raison pour laquelle nous avons mis l'accent sur cet aspect-là.

[Français]

M. Claude Bachand: Est-ce qu'il me reste du temps?

[Traduction]

La présidente: Vous avez 30 secondes.

[Français]

M. Claude Bachand: Si je vous comprends bien, monsieur Livingstone, les terres de catégorie A ne vous posent pas de problème. Ce sont les terres qui sont autour, sur lesquelles un espace sera réservé à la vie traditionnelle, soit la pêche et la chasse, qui créent une certaine incertitude. Ce ne sont pas du tout les terres de catégorie A. C'est tout ce qui les entoure, les wildlife management areas, that are concerning you.

[Traduction]

M. Gary Livingstone: C'est exact. Nous ne sommes pas préoccupés ni par la chasse ni par les activités connexes; c'est le libellé à propos de ces zones, soit la Région faunique de la Nass, qui nous préoccupe. À notre avis, le texte est ambigu et nous avons peur qu'il ne donne lieu à des problèmes d'accès et d'exploitation dans ces zones.

Comme on l'a signalé plus tôt, les répercussions de notre industrie sur la faune, la chasse, la pêche et les autres activités semblables sont minimes, mais nous avons peur que ce libellé soit invoqué pour empêcher l'exploration et l'exploitation minières.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons terminer avec M. Keddy. Allez-y.

M. Gerald Keddy: Merci, madame la présidente.

Je voudrais relancer et élargir la discussion de tout à l'heure. J'aimerais remercier M. Livingstone d'être venu, car je pense qu'on ne peut jamais trop discuter des principes qui sous- tendent ce traité. Il y a beaucoup d'incertitude chez certains et beaucoup de renseignements erronés qui ont été adoptés par différents groupes, il est donc dans l'intérêt de tout le monde de bien comprendre cette situation.

Je suis le porte-parole en matière des ressources naturelles pour le Parti conservateur. À ce titre, j'ai essayé d'examiner ce traité et son impact sur le secteur minier en Colombie-Britannique et au Canada en général. J'ai également essayé de déterminer s'il s'agissait d'un précédent qui aura quelque conséquence néfaste que ce soit pour le secteur minier. Mais essayez de comprendre—et je veux faire valoir quelque chose ici—que l'exploitation minière comporte toujours des négociations avec des tiers, que ce dernier soit le gouvernement fédéral, provincial, municipal, ou un propriétaire quelconque.

• 1155

Je voudrais commenter la déclaration de M. Scott, qui montre un sérieux manque de compréhension à propos des opérations minières. N'importe qui ne peut pas établir une concession n'importe où. Les gens qui écoutent les délibérations de ce comité doivent comprendre cela. De vastes régions du pays ne sont pas accessibles. Des règles pour les tiers et des règlements visant à protéger certaines zones ainsi que les parcs provinciaux existent déjà. Vous m'avez surpris en me disant qu'il y avait une mine à l'intérieur d'un parc provincial, car c'est certainement quelque chose qu'il va falloir examiner si jamais nous épuisons les minéraux ici, pourvu qu'on ne bouleverse pas la dynamique de cette zone. Il y a déjà des règlements municipaux qui régissent le bruit, la poussière, les explosifs—toutes sortes de choses qui visent le secteur minier. Il y a déjà un certain nombre de règlements qui limitent les activités minières.

L'industrie minière, votre industrie, a donc l'habitude de travailler avec des tiers. Dans ce cas-ci, les Nisga'as ne sont pas des tiers. D'après ma compréhension de la chose, le gouvernement est considéré comme un tiers dans une réserve faunique—et je veux y revenir. C'est le gouvernement qui aurait donc le dernier mot. Je ne suis jamais sûr et certain que les gouvernements encouragent le secteur minier, mais les gouvernements auront le dernier mot.

Nous avons déjà discuté des mesures de protection pour les opérations minières, je crois, mais si vous examinez le comité de la faune plus en détail, vous verrez que l'article 45 à la page 153, de l'alinéa a) à l'alinéa l) n'accorde rien aux Nisga'as à part le droit de pouvoir fournir des conseils ou de formuler des recommandations. Ils peuvent formuler des recommandations au ministre parce qu'il s'agit d'une compétence partagée, mais ils ont... Je pense que l'article h), qui se lit comme suit, est le plus fort:

      [...] conseiller le ministre et le gouvernement nisga'a lisims quant aux politiques, projets, plans et programmes de gestion des animaux sauvages qui ont des effets importants sur la Région faunique de la Nass et ses populations d'animaux sauvages [...]

S'il y a des effets sur la faune, ils doivent pouvoir influencer la décision du ministre, mais heureusement ou malheureusement, le gouvernement du jour aura le dernier mot.

M. Gary Livingstone: J'espère que vous avez raison, mais l'article 65 à la page 158 se lit comme suit:

    En temps opportun, et de manière compatible avec l'Accord, le ministre:

    a. approuve ou rejette, en totalité ou en partie, toutes les recommandations faites par le comité de la faune ou ses membres, autres que les recommandations concernant un plan annuel de gestion.

M. Gerald Keddy: Quel article citez-vous?

M. Gary Livingstone: L'alinéa 65a).

Il ne peut pas approuver ou rejeter, en totalité ou en partie, un plan annuel de gestion,... «autre que». Cette exception existera toujours.

M. Gerald Keddy: Mais ce sont les grandes lignes, n'est-ce pas? Il ne pourra pas rejeter un plan annuel, mais avant cela on dit aussi que le plan annuel de gestion doit tenir compte des autres activités en cours.

M. Gary Livingstone: C'est exact, je pense. Mais encore là, ce n'est pas facile... Selon notre perspective, je pense que les choses sont assez ambiguës pour engendrer cette incertitude. Tout ce que nous disons, c'est que si on pouvait mettre en place un libellé pour préciser les choses à propos de ces terres qui jouxtent les terres de catégorie A, nous pourrons fournir plus de sécurité aux investisseurs qui voudraient exploiter ces zones.

M. Gerald Keddy: Je comprends cela, mais ce libellé n'aura pour effet que d'obliger les deux parties à conclure certaines ententes, n'est-ce pas? De toute façon, ce libellé n'accorde pas de droits significatifs aux Nisga'as dans la zone de gestion à part son statut de tierce partie dont les droits doivent être représentés. Cela fait partie du processus de négociation avec lequel nous composons quotidiennement.

Le président: Monsieur Livingstone, je dois vous remercier pour votre témoignage au nom de tous les membres du comité. Je sais que vous êtes resté un peu plus longtemps que prévu pour nous permettre d'entendre vos commentaires aujourd'hui. Nous apprécions ce geste, et comme dans le cas des 65 témoins qui ont déjà comparu devant nous, nous apprécions votre contribution à notre processus décisionnel.

• 1200

Nous allons clore la séance pour l'instant et nous reprendrons à 15 h 30 cet après-midi. La séance est levée.