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PACC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PUBLIC ACCOUNTS

COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 décembre 1998

• 1534

[Traduction]

Le président (M. John Williams (St. Albert, Réf.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs.

Je déclare la séance ouverte. Aujourd'hui, nous avons trois points à l'ordre du jour. Nous avons le neuvième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure. Ensuite, nous examinerons deux questions simultanément, à savoir, conformément à l'alinéa 108(3)e) du Règlement, l'étude des Comptes publics du Canada pour l'exercice se terminant le 31 mars 1998 et l'étude du chapitre 9 du Rapport du vérificateur général du Canada d'avril 1998 intitulé «La présentation des résultats financiers du gouvernement: l'importance de respecter des normes comptables objectives».

Nos témoins d'aujourd'hui sont: du Bureau du vérificateur général du Canada, MM. L. Denis Desautels, le vérificateur général, Ron Thompson, le vérificateur général adjoint, et John Hodgins, directeur principal des Opérations de vérifications; du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, MM. Colin Potts, le sous-contrôleur général, Direction de la fonction de contrôleur, Richard Neville, secrétaire adjoint et contrôleur général adjoint, et John Denis, directeur, Politique comptable du gouvernement; enfin, du ministère des Finances, M. Peter DeVries, directeur, Politique budgétaire, Direction de la politique économique et fiscale.

• 1535

Bienvenue messieurs. Avant de passer à l'étude du chapitre 9 du Rapport du vérificateur général, nous allons d'abord examiner le neuvième rapport du sous-comité. Le comité recommande qu'après le congé de Noël, nous tenions des séances sur les chapitres suivants du Rapport du vérificateur général du Canada de décembre 1998, à savoir le chapitre 20, «La préparation à l'an 2000: les systèmes essentiels à la mission de l'administration fédérale», le chapitre 25, «Transports Canada - Les investissements dans les routes», le chapitre 26, «La passation des marchés de services professionnels: certains contrats à fournisseur unique», le chapitre 27, «Les subventions et les contributions: certains programmes d'Industrie Canada et du ministère du Patrimoine canadien» et, si on en a le temps, le chapitre 24, «Revenu Canada - Direction de l'impôt international: la gestion des ressources humaines».

Telle est la teneur du rapport du sous-comité. Quelqu'un veut-il en proposer l'adoption? M. Myers propose que le rapport soit adopté.

    (Motion adoptée)

Le président: Passons maintenant aux autres points à l'ordre du jour. Nous allons commencer par la déclaration d'ouverture du vérificateur général, M. Desautels.

Monsieur Desautels.

M. L. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous remercie, monsieur le président, de nous donner l'occasion d'être ici aujourd'hui pour discuter des états financiers de 1997-1998 du gouvernement, ainsi que de mon opinion et de mes observations sur ceux-ci. Ces états financiers constituent un document redditionnel majeur du gouvernement qui contient des messages importants sur les résultats financiers de celui-ci. Il est important que le comité examine ces états, même ceux des exercices où le gouvernement et le vérificateur général ne divergent pas d'opinion. Je suis reconnaissant des efforts que vous déployez pour cette importante activité.

Je suis heureux également de discuter du chapitre 9 de mon rapport d'avril 1998, puisqu'il est étroitement lié à mon opinion de cette année. Comme vous l'avez mentionné, MM. Ron Thompson et John Hodgins, qui ont travaillé très activement à la vérification annuelle des états financiers du gouvernement, m'accompagnent aujourd'hui.

La dernière fois que nous avons comparu devant le comité pour parler des Comptes publics, c'était il y a presque un an. Dans le septième rapport qu'il a produit sur cette audience, le comité a déclaré:

    [...] la transparence et l'obligation de rendre compte au Parlement et aux Canadiens sont mieux servies si les éléments de passif non périodiques sont inscrits pour l'année à laquelle ils s'appliquent, pourvu que la loi habilitante ait été approuvée ou que l'autorisation de paiement ait été donnée par le Parlement avant la clôture des états financiers pour l'année visée.

Je suis d'accord pour dire que, si un passif est contracté, il doit être comptabilisé dans les comptes et être présenté dans les états financiers. Mon désaccord avec le gouvernement en 1997, et encore cette année, a plutôt trait à la comptabilisation de passifs qui n'ont pas été contractés.

On trouve en annexe au septième rapport du comité une opinion dissidente qui recommandait, en partie, que le gouvernement et mon bureau tentent de concilier leurs interprétations divergentes. Malheureusement, monsieur le président, nous n'avons pu le faire en 1998. Dans le Budget de février 1998, le gouvernement a fait connaître son intention de créer la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire et d'inclure, dans les états financiers de 1997-1998, un passif de 2,5 milliards de dollars au titre du montant qui sera versé à la Fondation. Nous nous sommes opposés fortement à cela, car le gouvernement avait l'intention de comptabiliser ce passif en 1998, qu'il l'ait contracté ou non au cours de cet exercice selon des normes comptables objectives. Nous avons donc produit le chapitre 9 de notre rapport d'avril 1998.

[Français]

Nous espérions, en publiant ce chapitre, que le gouvernement reconsidérerait la méthode de comptabilisation suivie pour la fondation lorsqu'il finaliserait ses états financiers de 1998. Cependant, les états financiers que nous examinons aujourd'hui incluent l'opération de la fondation. Je suis déçu que le gouvernement ait choisi de modifier sa convention comptable pour en assurer la conformité avec le traitement suivi plutôt que le contraire.

Dans mon opinion sur les états financiers du gouvernement pour l'année 1998, j'ai donc formulé une restriction en ce qui a trait à la fidélité de leur présentation. Cependant, puisque la Loi sur le vérificateur général exige que je formule une opinion sur la question de savoir si le gouvernement s'est conformé à ses propres conventions comptables, mon opinion en ce qui a trait à la conformité n'est pas assortie d'une restriction.

Ma restriction sur la méthode de comptabilisation suivie pour la fondation est décrite plus précisément dans mes observations.

• 1540

Dans cette partie de mes observations, je parle du témoignage présenté sur le même sujet devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, le 6 mai 1998, et des deux lettres des firmes d'experts-comptables qui ont été déposées devant ce comité.

Nous avons analysé soigneusement ces lettres avant de finaliser notre opinion sur les états financiers de 1998. Notre analyse ainsi que les deux lettres sont jointes au présent commentaire d'introduction et constituent l'annexe A. De plus, le chapitre 9 comprend un débat comptable très technique sur la question. À l'annexe B, nous résumons ces interprétations comptables techniques. Monsieur le président, je souhaite que ces annexes à mon commentaire d'introduction soient jointes au procès-verbal de la réunion d'aujourd'hui.

Permettez-moi de présenter deux points au sujet de l'analyse présentée dans l'annexe A. Premièrement, les deux firmes d'experts-comptables n'ont pas conseillé au gouvernement de suivre la méthode de comptabilisation que je désapprouve. Les lettres ne fournissaient que des références aux normes comptables applicables au secteur public et au secteur privé qui pourraient être considérées pour décider de la façon de comptabiliser des opérations comme celles de la fondation. Deuxièmement, contrairement aux déclarations voulant que le secteur privé suive cette méthode de comptabilité, je tiens à vous garantir qu'il ne le fait pas, en majeure partie parce que ce genre d'opération n'existe pas dans le secteur privé.

[Traduction]

Mes observations comprennent également une description de ma vérification ainsi que des questions qui doivent faire l'objet d'une attention soutenue de la part du gouvernement. Je m'inquiète plus particulièrement de la création d'organisations indépendantes pour mener à bien des activités gouvernementales. De plus, je m'interroge sérieusement sur la capacité du gouvernement de rendre compte intégralement dans ses états financiers des passifs au titre des revendications des Autochtones.

Monsieur le président, dans mes entretiens avec la presse et avec d'autres intervenants après le dépôt des Comptes publics de 1998, on m'a posé souvent deux questions. Premièrement, on m'a demandé ce que je pouvais faire de plus, à titre de vérificateur général, pour encourager le gouvernement à adopter intégralement les normes comptables objectives. La réponse est très simple: je ne peux rien faire au sujet des exercices 1997 et 1998, car ces deux exercices sont clos, mais je serais très heureux de poursuivre les discussions avec les représentants du gouvernement pour empêcher que des problèmes semblables ne surviennent au cours des années à venir.

Deuxièmement, on m'a demandé quelles pouvaient être, selon moi, les ramifications du problème que j'ai soulevé cette année. Ma réponse, qui est un peu plus compliquée, est incluse dans mes observations. Une opinion assortie d'une restriction de la part du vérificateur général est grave, car elle nuit à la crédibilité de l'information financière communiquée aux Canadiens par le gouvernement. Bien qu'il soit peu probable qu'une opinion assortie d'une restriction de ma part donne lieu à une augmentation des frais de la dette pour le gouvernement, elle peut créer du scepticisme dans l'esprit des Canadiens et miner leur confiance dans les institutions gouvernementales.

Je conseille vivement au Comité de recommander au gouvernement de suivre des normes comptables objectives pour préparer les états financiers annuels et de discuter avec mon bureau de la meilleure façon de résoudre les contentieux en matière de comptabilité et d'information financière qui peuvent surgir de temps à autre.

Des problèmes comptables complexes surviennent à l'occasion, mais il est rare que je sois forcé de formuler une opinion assortie d'une restriction. Cette année, par exemple, nous avons réussi à régler avec le gouvernement plusieurs questions de comptabilité difficiles. Nous avons résolu un problème de longue date au sujet de la comptabilisation des régimes de retraite et nous sommes parvenus à une entente avec le gouvernement, bien qu'elle soit temporaire, sur la comptabilisation des passifs au titre des revendications des Autochtones.

Nos communications avec les représentants du gouvernement sont excellentes et les désaccords sérieux sont l'exception plutôt que la règle. Je considère que mon rôle dans la préparation des états financiers du gouvernement est l'un des plus importants volets de mon mandat et j'espère que je n'aurai pas à formuler d'autres opinions assorties d'une restriction.

Lorsque le comité explorera le domaine des normes comptables internationales et les pratiques des autres gouvernements nationaux, vous constaterez que le Canada est l'un des rares gouvernements nationaux du monde qui produisent des états financiers vérifiés, et j'en suis fier. Au fil des ans, le Comité des comptes publics a contribué fortement à cette réalisation.

Monsieur le président, voilà qui conclut mon commentaire d'introduction, et nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.

Le président: Merci, monsieur Desautels.

Avant de poursuivre, vous avez demandé que vos annexes A et B soient versées au compte rendu de la présente séance comme si vous nous en aviez fait lecture. Quelqu'un veut-il proposer une motion en ce sens?

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): J'en fais la proposition.

    (Motion adoptée)

Le président: Ces annexes seront donc versées au compte rendu.

Monsieur Potts, à vous maintenant de faire une déclaration d'ouverture au nom, cette fois, du Conseil du Trésor du Canada.

• 1545

M. J. Colin Potts (sous-contrôleur général, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter avec vous et avec les membres du comité des questions soulevées par le vérificateur général à propos de la crédibilité des rapports financiers du gouvernement.

Je suis accompagné de M. Rick Neville, le contrôleur général adjoint, qui est chargé de l'application des politiques comptables dans la préparation des états financiers du gouvernement, de M. John Denis, le directeur de la Division de la politique comptable au Secrétariat du Conseil du Trésor, et de M. Peter DeVries, directeur de la Division de la politique fiscale au ministère des Finances.

La question qui nous occupe est celle de la crédibilité des états financiers du gouvernement et, notamment, de la comptabilisation par le gouvernement, dans ses états financiers du 31 mars 1998, d'un élément de passif relatif à ses obligations financières envers la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Le vérificateur général ne croit pas que cet élément doive être comptabilisé avant l'exercice 1999, conformément aux recommandations comptables du Conseil sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public, le CCVSP, de l'Institut canadien des comptables agréés.

Le gouvernement estime que ses conventions et pratiques comptables sont généralement conformes à l'esprit de ces recommandations. Il est d'avis que sa décision de financer des organisations sans lien de dépendance telles que la Fondation des bourses du millénaire a pour effet de créer des éléments de passif qui doivent être comptabilisés pendant l'année au cours de laquelle la décision est prise. Le gouvernement croit en outre qu'il vaut mieux, pour des raisons de transparence et de responsabilisation, que les passifs soient comptabilisés au cours de l'année pendant laquelle le gouvernement a pris la décision de les engager.

Le gouvernement n'est pas venu à cette conclusion à la légère. En fait, la question a été longuement discutée au sein du gouvernement ainsi qu'avec le vérificateur général et son personnel. Le gouvernement a également demandé l'avis d'entreprises réputées dans le domaine de la comptabilité au Canada sur l'à-propos du traitement comptable choisi. Des copies des conseils reçus de ces entreprises ont été distribuées aux membres du Comité pour information et examen.

Je voudrais également attirer l'attention du comité sur son septième rapport à la Chambre du 2 avril dernier. Quoiqu'il y ait eu une opinion divergente, votre comité a souscrit au traitement comptable par le gouvernement d'un paiement semblable à la Fondation canadienne pour l'innovation. Ce paiement a été comptabilisé dans les états financiers de 1996-1997.

Le comité déclarait dans son rapport:

    Nous avons pris note des points soulevés par le vérificateur général et comprenons tout à fait les raisons à l'origine de ses préoccupations. Le comité est toutefois d'avis que l'évolution de la situation économique et de la situation financière du Canada fait intervenir un vaste éventail de facteurs.

    Ces facteurs englobent notamment des aspects de conservatisme, la cohérence, la comparabilité et la clarté des états financiers pour le lecteur.

Même si le gouvernement du Canada n'est pas légalement tenu de se conformer aux recommandations du CCVSP, il est conscient de la valeur de la contribution de ce dernier aux normes comptables du secteur public et tient compte de ces normes lorsqu'il formule sa politique comptable.

Dans le cas de la Fondation des bourses d'études du millénaire, nous ne méprisons pas les recommandations du CCVSP, mais, en fait, nous nous inspirons des principes fondamentaux qui les sous-tendent. Parmi ces principes, il y a les suivants: les états financiers doivent exprimer l'essence des transactions et des événements, et pas seulement leur forme juridique; et l'exercice du jugement est essentiel à la détermination de ce qui constitue une présentation adéquate, instructive et juste de la position et des résultats financiers.

Le CCVSP reconnaît que ces principes sont fondamentaux dans la préparation des états financiers, et c'est pourquoi il déclare, dans l'introduction à ses recommandations:

    En faisant ses recommandations, le CCVSP reconnaît qu'aucune règle générale ne peut s'appliquer à tous les cas ou à toutes les combinaisons de circonstances qui pourraient se produire, et qu'il n'y a pas de solutions de rechange à l'exercice d'un jugement professionnel pour déterminer ce qui constitue une juste présentation ou une bonne pratique dans un cas particulier.

La position du gouvernement, qui est de tenir compte de ces concepts fondamentaux, est appuyée par les avis professionnels reçus, et selon lesquels:

    Lorsque l'on interprète et qu'on applique les recommandations du CCVSP, il est essentiel de tenir compte de toutes les sections potentiellement pertinentes, y compris l'introduction et les principes; cela s'applique également aux sections d'application générale et à celles qui portent sur des éléments précis d'application relativement limitée.

• 1550

La principale question qui se pose en cette affaire consiste à savoir s'il existait une obligation financière envers la Fondation des bourses d'études du millénaire à la date du 31 mars 1998. Si l'on adopte un point de vue étroit, formaliste, la réponse est peut-être «non», puisque la Fondation n'existait pas en tant que personne morale à cette date. Cependant, si l'on adopte un point de vue plus global et qu'on applique le principe de la prééminence du fond sur la forme, on peut juger que le gouvernement avait effectivement une obligation financière.

Les faits sont les suivants: le gouvernement a annoncé sa décision de créer la Fondation en février 1998 et a déposé, avant le 31 mars, un projet de loi au Parlement portant création de cette entité. La loi a été adoptée, une entente de financement a été conclue entre le gouvernement et la Fondation et un paiement intégral de 2,5 milliards de dollars a été versé avant que les états financiers définitifs du gouvernement aient été établis. Ces événements subséquents à la clôture de l'exercice ont confirmé l'existence d'une obligation au 31 mars 1998.

Le gouvernement estime que cette approche plus générale, confirmée par les événements subséquents, devrait l'emporter pour les besoins de la transparence, de la reddition de comptes au Parlement, et parce que cela représente mieux la réalité économique.

Pour ce qui est de la crédibilité et de l'utilité des états financiers, la pratique du gouvernement qui consiste à divulguer entièrement les détails de la transaction en cause devrait permettre de garantir que les états sont extrêmement crédibles. Nos conseillers déclarent:

    Aucun degré de déclaration ne peut compenser une écriture de régularisation inexacte, mais la divulgation (complète) permettrait à l'utilisateur des états financiers de faire les rajustements nécessaires, et les effets sur les états financiers sont, à notre avis, facilement compréhensibles, et ne sont pas déterminants au point d'altérer fondamentalement l'utilité des états financiers dans leur ensemble.

En conclusion, monsieur le président, les avis que nous avons reçus réitèrent le besoin d'exercer un jugement professionnel. Nos conseillers poursuivent en déclarant:

    Dans des cas délicats tels que celui-ci, on peut s'attendre à ce que les opinions professionnelles diffèrent dans une mesure raisonnable.

Toutefois, la responsabilité finale des états financiers et de leur déclaration appartient au gouvernement. Nous avons opté pour une déclaration complète, pour la transparence, la cohérence et la responsabilisation.

Monsieur le président, je termine ici mon exposé d'ouverture. Mes collègues et moi-même serons heureux de répondre à toute question que vous-même ou les membres du Comité pourriez vouloir nous poser. Merci.

Le président: Merci, monsieur Potts.

J'ai noté que vous avez signalé dans vos remarques que les copies des textes dans lesquels des experts-comptables vous ont communiqué leur opinion ont été remises aux membres du comité pour information et examen. Nous allons les joindre au compte rendu de la séance comme annexes A et B de manière à ce que toute la documentation pertinente soit consignée officiellement.

Monsieur Grewal, vous avez huit minutes à votre disposition.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, la première chose qu'on m'a apprise pendant mes études de maîtrise en administration, la même d'ailleurs que j'ai moi-même enseignée à l'université quand j'étais professeur adjoint en administration, c'est qu'il existe des principes de base généralement reconnus en comptabilité. En affaires, j'ai moi-même appliqué ces conventions comptables, qui sont communément acceptées dans le secteur privé.

Dans la présentation de ses états financiers, le gouvernement a dérogé à ces principes comptables généralement reconnus ainsi qu'aux lignes directrices du CCVSP. Le sous-contrôleur général du Secrétariat du Conseil du Trésor pourrait-il nous dire sur quoi se fonde le gouvernement pour préparer ses états financiers?

M. Colin Potts: Monsieur le président, les principes qu'observe le gouvernement dans la présentation de ses états financiers sont expliqués dans les notes aux états financiers. Aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques, le gouvernement établit ses propres conventions comptables. Cependant, comme nous l'avons déjà mentionné et comme je l'ai rappelé dans mon exposé, nous nous intéressons systématiquement aux recommandations de l'Institut canadien des comptables agréés, qui établit les principes comptables, ainsi qu'à celles de son Conseil de la comptabilité et de la vérification dans le secteur public, et nous estimons que, dans l'essentiel, nous nous y conformons.

M. Gurmant Grewal: Par votre intermédiaire, monsieur le président, le vérificateur général pourrait-il nous dire s'il croit que le gouvernement a respecté les principes comptables généralement reconnus ainsi que les lignes directrices du CCVSP? Le gouvernement applique-t—il intégralement ces lignes directrices?

• 1555

M. Denis Desautels: Monsieur le président, notre vérification consiste en partie à établir si les états financiers du gouvernement sont conformes aux conventions comptables énoncées par le gouvernement lui-même et si, par ailleurs, ces conventions concordent avec les normes établies par d'autres sources, c'est-à-dire avec celles que formule l'ICCA par le truchement de son Conseil de la comptabilité et de la vérification dans le secteur public.

Bien sûr, nous avons convenu de notre divergence, et c'est un peu ce qui explique que nous nous retrouvions ici aujourd'hui. En fait, nous en sommes arrivés à la conclusion que sur une opération particulière d'importance, la présentation du gouvernement n'était pas conforme aux normes de l'ICCA.

M. Gurmant Grewal: Le sous-contrôleur général a mentionné les raisons de cette dérogation aux principes comptables généralement reconnus. Or, d'après ce que j'ai compris, le Conseil du Trésor aurait quelques représentants auprès de l'Institut canadien des comptables agréés, plus précisément au sein de son Conseil de la comptabilité et de la vérification dans le secteur public, comme c'est d'ailleurs le cas du ministère des Finances. Vos représentants y ont-ils fait valoir ces mêmes arguments, indiqué que le gouvernement souhaitait s'écarter des principes comptables généralement reconnus et pour quels motifs il entendait le faire? Ont-ils soulevé la question lors des réunions du CCVSP?

M. Colin Potts: Monsieur le président, permettez-moi d'expliquer ici la situation.

Oui, le fait est que M. Neville est un représentant du Conseil du Trésor au sein du Conseil de la comptabilité et de la vérification dans le secteur public de l'Institut canadien des comptables agréés. Il participe aux travaux de ce conseil en sa qualité d'expert-comptable. Cette question particulière n'a pas été soulevée au Conseil, qui n'a d'ailleurs pas la compétence pour en juger.

Le Conseil établit les politiques et formule des recommandations concernant la comptabilité gouvernementale. Cependant, c'est à la profession et aux spécialistes qu'il revient d'interpréter les politiques gouvernementales à cet égard, et nous croyons que, dans l'essentiel, nous nous conformons aux conventions proposées par le CCVSP. Selon nous, nous n'avons pas dérogé à ses recommandations. Tout dépend de la façon dont on les interprète. Comme vient de le souligner le vérificateur général, lui et le gouvernement divergent d'opinion à cet égard, et nous avons d'ailleurs convenu de notre désaccord.

M. Gurmant Grewal: Par votre intermédiaire, monsieur le président, le sous-contrôleur général du Conseil du Trésor du Canada pourrait-il nous dire s'il appliquerait ce même raisonnement, dont il vient de faire part aux membres du Comité, au secteur privé en ce qui touche la présentation des états financiers des entreprises commerciales?

M. Colin Potts: Les règles qui régissent le secteur privé à cet égard sont quelque peu différentes de celles qui s'appliquent au gouvernement, en ce sens que les sociétés privées sont régies par diverses lois—par exemple, par la Loi sur les sociétés par actions. Cette loi exige explicitement des sociétés privées—comme d'ailleurs la plupart des lois provinciales régissant les sociétés—qu'elles respectent les recommandations de l'Institut canadien des comptables agréés en ce qui touche les normes comptables. Ces sociétés sont donc légalement tenues de se conformer à ces règles.

Dans le cas du gouvernement, comme je l'ai déjà mentionné, nous n'y sommes pas tenus légalement, car nous sommes assujettis à la Loi sur la gestion des finances publiques, qui ne comporte pas de telle disposition. Toutefois, nous nous inspirons du CCVSP pour nous guider dans la formulation de nos conventions comptables, et, même dans le cas de cette opération particulière, nous croyons avoir respecté, en substance, les recommandations de l'ICCA.

M. Gurmant Grewal: Monsieur le président, le vérificateur général souscrit-il à cette affirmation du sous-contrôleur général?

M. Denis Desautels: Eh bien, monsieur le président, dans l'essentiel, oui. Les sociétés privées sont tenues par la Loi sur les sociétés par actions de respecter les principes comptables généralement reconnus, principes qui sont énoncés par l'ICCA. Les gouvernements, quant à eux, ne sont pas assujettis aux mêmes exigences légales et peuvent donc décider de ne pas appliquer complètement les recommandations de l'ICCA.

M. Gurmant Grewal: D'accord. J'ai une autre question brève.

Étant donné que le vérificateur général a formulé au sujet des Comptes publics du gouvernement du Canada une opinion assortie d'une restriction... quelles mesures le Conseil du Trésor a-t-il prises pour s'attaquer à ce problème et veiller à ce qu'il ne se pose pas de nouveau? S'est-on entendu sur une façon de normaliser la présentation des états financiers, ou ce genre d'entente est-il encore à venir? Si on est parvenu à une entente, quelles mesures entend-on prendre à cette fin?

• 1600

M. Colin Potts: Monsieur le président, nous ne sommes parvenus à aucune entente avec le vérificateur général ou son personnel sur cette question particulière depuis le dépôt des Comptes publics, mais nous sommes certes prêts à engager de nouvelles discussions sur cette question avec le vérificateur général et son bureau. Comme l'a affirmé le vérificateur général dans son exposé d'introduction, il est manifestement impatient de voir si nous pourrons trouver une solution à ce problème. De notre côté, nous sommes tout à fait disposés à poursuivre les discussions avec lui sur ce chapitre.

M. Gurmant Grewal: Monsieur le président, j'aurais une toute petite question. Comme l'a expliqué le vérificateur général, les réserves qu'il a exprimées concernant la présentation des Comptes publics ont engendré du scepticisme dans l'esprit des Canadiens et ont ébranlé leur confiance. J'ai entendu le contrôleur général affirmer que le gouvernement s'efforce d'être transparent dans la présentation des Comptes publics. Le fait que le vérificateur général ait exprimé des réserves et qu'il n'ait pu parvenir à s'entendre avec le Conseil du Trésor sur une interprétation des principes comptables n'indique-t-il pas que le gouvernement, qui prétend tendre à la transparence, à la responsabilité et à la crédibilité dans sa présentation des Comptes publics, agit en réalité d'une façon qui va directement à l'encontre de ses prétentions, dans le sens contraire de la transparence, car les états financiers ont fait l'objet de réserves, on ne s'est pas entendu sur les principes et on ne respecte pas les recommandations du CCVSP ou de l'Institut canadien des comptables agréés?

M. Colin Potts: Monsieur le président, nous estimons avoir fait preuve d'une grande transparence concernant cette opération, et le fait que le vérificateur général ait émis des réserves souligne tout au plus qu'il y a entre nous une divergence d'interprétation à propos de ce qu'est une norme comptable objective. Nous n'en croyons pas moins que le gouvernement s'est montré fort transparent. Il a tenu à divulguer dans les Comptes publics toutes les données pertinentes à cette opération, et, comme nos conseillers nous l'ont également indiqué, cette divulgation complète permet à tout lecteur des états financiers d'effectuer lui-même, s'il le désire, tous les rajustements nécessaires.

Le président: Merci, monsieur Potts.

[Français]

Monsieur Cardin, je vous accorde huit minutes.

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): On peut voir clairement, dans les états financiers, que le gouvernement a divulgué son engagement à verser 2,5 milliards de dollars au titre du montant qui sera versé à la Fondation des bourses d'études du millénaire. Cette dépense a évidemment une incidence sur les bénéfices. Comme le disait le sous-contrôleur général au sujet des principes de comptabilisation généralement acceptés, le gouvernement a estimé que son approche plus générale, confirmée par les éléments subséquents, devait l'emporter sur les besoins en matière de transparence.

Lorsque des entreprises prévoient des dépenses pour des activités subséquentes à la fin d'un exercice financier, elles les notent tout simplement et précisent l'effet que leur réalisation aurait eu sur les bénéfices d'une année budgétaire. Le gouvernement aurait donc pu indiquer qu'il prévoyait débourser ces 2,5 milliards de dollars à titre de dépense subséquente et préciser quelles en auraient été les répercussions sur les bénéfices de l'année suivante. Il aurait ainsi obtenu les mêmes résultats en termes de divulgation, mais les chiffres qu'il aurait présentés dans son bilan du 31 mars 1998 auraient été réels. Ce bilan compterait 2,5 milliards de dollars en moins à titre de dépenses et se traduirait donc par un déficit plus élevé l'année suivante. Pourquoi n'a-t-on pas procédé ainsi, en prenant note de ces dépenses ultérieures et en les divulguant par le fait même?

[Traduction]

M. Colin Potts: Monsieur le président, l'évaluation des événements subséquents, qui est une partie importante de la préparation d'états financiers, porte sur deux types d'événements: sur ceux qui permettent de mieux juger des conditions existantes à la clôture de l'exercice et sur ceux qui fournissent des indications concernant les conditions qui pourraient se présenter après la fin de l'exercice ou après la date des états financiers. Nous estimons que les événements qui sont survenus après la clôture de l'exercice ont constitué une preuve supplémentaire et une confirmation des événements et d'une opération qui étaient liés à l'exercice se terminant le 31 mars 1998 et qu'ils ont, par conséquent, été correctement comptabilisés dans l'exercice en question. En d'autres termes, puisque ces événements subséquents ne faisaient que confirmer quelque chose qui était survenu avant la fin de l'exercice, il n'était que normal de comptabiliser dans les états financiers de cet exercice la dépense liée à cette opération.

[Français]

M. Richard Neville (secrétaire adjoint et contrôleur général adjoint, Secteur de la politique de gestion financière et Secteur des opérations et de l'analyse des dépenses, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada): Monsieur le président, je crois qu'il est important de noter qu'il s'agit d'un montant significatif et que nous voulions être aussi transparents que possible. La décision a été prise dans ce contexte. Pour mieux refléter les dépenses de l'année courante, on a comptabilisé cette dépense dans l'année 1997-1998.

• 1605

M. Serge Cardin: On constate que cette dépense n'a pas été faite, mais qu'on a l'intention de la faire. Le fait de l'inscrire à titre de dépense pour l'année courante a sûrement eu pour effet de diminuer les surplus et d'empêcher les gens d'espérer que ces surplus leur soient redistribués. Je suis porté à croire qu'en indiquant de façon prématurée dans les états financiers qu'on a l'intention de dépenser des sommes aussi substantielles, on ne reflète pas fidèlement la situation actuelle. Je suis toujours persuadé qu'il serait préférable qu'une telle dépense soit inscrite à titre d'activité subséquente. Bien sûr, monsieur a évoqué la possibilité que les événements subséquents soient différents, mais peu importe; il ne devrait pas exister de divergence aussi importante.

Il est normal que, selon son jugement professionnel, le vérificateur général se sente dans l'obligation d'exprimer une restriction sur la méthode de comptabilisation suivie pour compiler les états financiers. Bien que je sois malheureusement arrivé en retard à cette séance et que certains éléments m'aient peut-être échappé, je conclus que face à des divergences aussi importantes, le vérificateur se retrouve dans une position quand même difficile. Il nous a aussi dit qu'il était peu probable que les résultats financiers aient des répercussions sur la cote du gouvernement et que des frais supplémentaires lui soient imposés au niveau de ses investissements.

J'aimerais savoir comment et par qui les contentieux se régleront. En fin de compte, on doit protéger les intérêts des citoyens et s'assurer qu'ils paient le moins cher possible et n'aient pas à subir les contrecoups d'une chute de la cote du Canada.

M. Richard Neville: Vous avez soulevé plusieurs questions. En ce qui concerne les contentieux qui nous divisent, nous avons participé à plusieurs réunions avec les représentants du Bureau du vérificateur général afin de nous assurer qu'ils comprenaient bien notre situation. Nous leur avons bien expliqué notre politique et nous avons écouté leurs contre-arguments. Mais il fallait évidemment prendre une décision à la fin, et c'est celle qui est reflétée dans les états financiers que vous avez en main. Nous croyons que la consultation a eu lieu de bonne foi et nous sommes tout disposés à assister à nouveau à de telles réunions en vue d'en venir à une entente. De part et d'autre, nous avons écouté les arguments présentés, essayé de bien comprendre nos points de vue respectifs et convenu qu'il fallait prendre certaines décisions.

M. Serge Cardin: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Myers, la parole est maintenant à vous pour huit minutes.

M. Lynn Myers: Merci, monsieur le président.

Il me semble que nous avons déjà fait le tour de cette épineuse question de la comptabilisation de ces 2,5 milliards de dollars et que le vérificateur général a en réalité repris l'essentiel de ce que je répète depuis un bon moment déjà, à savoir qu'on a convenu de l'existence d'une divergence d'opinion sur cette question.

Il m'est apparu intéressant, monsieur Potts, que vous parliez à ce sujet de décision faisant appel au jugement, et peut-être pourriez-vous préciser davantage votre pensée sur ce point. Par ailleurs, en ce qui touche les réserves du vérificateur général, quelles en sont pour vous les conséquences, et ont-elles une incidence sur la façon dont le gouvernement procède ou dont on devrait s'attendre qu'il procède?

M. Colin Potts: Monsieur le président, quand j'ai parlé d'exercice du jugement, je songeais à la décision que nous devons prendre quand vient le moment de peser les avantages et les inconvénients de comptabiliser une opération d'une manière plutôt que d'une autre. Bien qu'un organisme professionnel ait formulé en cette matière des recommandations dont nous pouvons nous inspirer pour nous guider dans nos décisions, il demeure, comme je l'ai indiqué dans mon exposé d'introduction, que même la littérature professionnelle qui traite de ces questions signale que les mots, les recommandations et les lignes directrices ne sauraient valoir pour toutes les situations susceptibles de se présenter. Voilà pourquoi on doit, dans chaque cas, considérer tous les faits qui entourent une opération donnée en tenant compte de la substance de ladite opération et non seulement de ses aspects juridiques, puis, en s'inspirant de l'ensemble de la littérature pertinente disponible pour examen, en venir à une conclusion sur la façon appropriée de la comptabiliser. C'est sur cette base que le gouvernement a traité cette question.

• 1610

Le gouvernement a également reçu de firmes comptables privées des avis, que nous avons déposés ici aujourd'hui, sur les aspects de la question qui devraient être pris en considération au moment de décider de la façon de comptabiliser cette opération particulière. En nous fondant sur une évaluation minutieuse de toute l'information disponible, nous croyons qu'il était bel et bien indiqué de comptabiliser cette opération dans les Comptes publics du Canada de l'exercice se terminant le 31 mars 1998 afin de la refléter dûment dans les données concernant cet exercice.

M. Lynn Myers: Pour ce qui est des réserves comme telles, quel poids ont-elles et quelle perception en avez-vous?

M. Colin Potts: Il va sans dire que nous ne sommes pas friands de voir nos états financiers faire ainsi l'objet de réserves de la part du vérificateur général. Personnellement, comme sous-contrôleur général en partie responsable des Comptes publics, je ne saurais me réjouir de constater que, pour une deuxième année de suite, nous avons eu droit à une opinion avec réserves de la part du vérificateur général. Dans ce cas-ci, nous avons toutefois convenu de notre divergence.

Ces réserves ne me semblent pas avoir eu d'incidence significative sur la crédibilité des états financiers du gouvernement du Canada. Elles nous ont paru n'avoir aucun effet sur les marchés des capitaux. M. DeVries, du ministère des Finances, qui est ici avec nous, voudra peut-être formuler lui aussi des remarques sur cet aspect, car il traite de plus près que nous avec le milieu concerné et est de ce fait bien placé pour mesurer les conséquences de telles restrictions. Naturellement, les Canadiens sont sensibles à ce genre d'événement, qui les porte à se demander ce qui justifie qu'on exprime de telles réserves.

Le président: Voudriez-vous connaître l'avis de M. DeVries, ou plutôt qu'on poursuive?

M. Lynn Myers: Non, je m'excuse, je voulais savoir s'il y a en l'occurrence pour le gouvernement un prix à payer en ce qui touche le coût de ses emprunts. Je crois le vérificateur général sur parole quand il affirme que non, et je présume que c'est aussi votre cas à tous.

M. Colin Potts: À ma connaissance, il n'y en a pas eu.

M. Lynn Myers: Vous avez dit, monsieur Potts, en réponse à une précédente question concernant les discussions en cours sur ce point... peu importe ce point, qu'en sera-t-il dans les années à venir? Va-t-on poursuivre les discussions concernant l'éventualité que de telles circonstances se présentent de nouveau, ou prévoyez-vous plutôt que ce ne sera plus jamais le cas?

M. Colin Potts: Non. Tout au long de l'année, nous nous entretenons régulièrement avec le vérificateur général et son personnel à propos des problèmes qui se posent à l'occasion. En fait, dans son exposé d'introduction, le vérificateur général a fait état de deux questions sur lesquelles nous nous sommes penchés dernièrement: celle de la comptabilisation des pensions, dont on discutait depuis un certain nombre d'années et qui a été résolue cette année, et celle des obligations financières relatives aux revendications autochtones, que nous avons entrepris d'examiner cette année et sur laquelle nous sommes parvenus à un terrain d'entente. Je crois qu'il en ira de même dans les exercices à venir. Ces discussions font d'ailleurs partie des relations normales entre le vérificateur et, si vous voulez, son client.

M. Lynn Myers: Merci beaucoup.

J'aimerais maintenant, si vous me le permettez, monsieur le président, changer de sujet et aborder la question de la stratégie d'information financière et, plus précisément encore, celle du projet d'application intégrale de la méthode de comptabilité d'exercice. Je me demande si vous pourriez renseigner le comité sur l'état d'avancement de ce projet, nous dire en toute franchise quels problèmes se posent s'il y a lieu à cet égard, dans quelle mesure on parvient à atteindre les objectifs qu'on s'est fixés, et où l'on s'en va sur ce chapitre. J'espère que tout se déroule rondement.

M. Colin Potts: Monsieur le président, je pense que, sur cette question, nous avons de bonnes nouvelles à communiquer au comité. Les membres du comité se souviendront que nous avons comparu devant eux il y a quelques mois, au moment où nous avons discuté du chapitre pertinent du Rapport du vérificateur général.

Permettez-moi ici de faire très brièvement le point sur la question. L'exercice financier débutant le 1er avril 2001 demeure notre date cible pour l'application intégrale de la méthode de comptabilité d'exercice. Nous avons entrepris de mettre à l'essai certains des systèmes qu'il faudra établir à cette fin. Nous ne sommes pas en retard sur notre programme. Il semble acquis que certains ministères seront en mesure d'appliquer la nouvelle méthode comptable dès le 1er avril 1999. Les responsables de l'élaboration des nouveaux systèmes centraux à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada ont la situation bien en main. Nous procédons à des expériences pilotes depuis le début de septembre, et nos travaux en ce sens se déroulent fort bien.

Quant aux défis qu'il nous faudra relever sur ce chapitre, ils sont nombreux, mais tout semble devoir se passer selon nos prévisions, et nous avons jusqu'à maintenant respecté les échéances que nous nous étions fixées. Rien de nouveau n'est survenu depuis que j'ai comparu devant votre comité la dernière fois, du moins rien qui aurait pu nous forcer à modifier notre calendrier de réalisation du projet.

M. Lynn Myers: Si vous me le permettez, monsieur Potts, j'aimerais que vous alliez un peu plus loin et que vous nous disiez à quel genre de changements le Parlement doit s'attendre en ce qui touche la présentation des Comptes publics. Donnez-nous simplement un bref aperçu des nouveautés que nous apportera cette opération.

• 1615

À propos, je vous félicite de procéder rapidement dans la réalisation de ce projet.

M. Colin Potts: Le principal changement touchera la nature des données qui seront inscrites dans les états financiers des Comptes publics. Par exemple, une fois que nous aurons appliqué intégralement la méthode de comptabilité d'exercice, il y aura, dans l'état de l'actif et du passif, une ligne où figureront les immobilisations du gouvernement, comme les terrains, les édifices, le matériel. Nous prévoyons également que la valeur des stocks détenus par le gouvernement à la clôture d'un exercice donné sera comptabilisée parmi les éléments d'actif.

Dans l'état des revenus et des dépenses, qui est un autre important volet des états financiers, nous allons naturellement tenir compte, pour chaque exercice, de la dépréciation et de l'amortissement de ces éléments d'actif, car on en viendra à les amortir sur la durée de leur vie utile au lieu d'en imputer intégralement le coût à l'exercice où on en fait l'acquisition comme on le fait actuellement.

Ce sont là les principaux changements qu'on pourra observer. Autrement, les Comptes publics et les notes qui les accompagnent ressembleront, dans leur forme, à ce qu'ils sont actuellement.

M. Lynn Myers: C'est très bien. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Myers. Nous allons maintenant amorcer le deuxième tour de quatre minutes et donner la parole à M. Bailey.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Merci. J'ai pour ces messieurs une question en deux volets, ainsi qu'une observation.

Dans la réponse qu'il vient de fournir à M. Myers, M. Potts m'a semblé reprendre ce que le vérificateur général a affirmé dans son exposé, à savoir qu'il ne souhaitait pas avoir à formuler de nouveau une opinion avec réserve. Est-ce à dire, monsieur Potts, que, selon vous, ce qu'on peut répondre à M. Meyer, c'est, en gros, que le Conseil du Trésor et les autres milieux gouvernementaux concernés prennent actuellement les mesures voulues pour qu'à l'avenir le vérificateur général n'ait plus à formuler de telles réserves?

M. Colin Potts: Je n'ai pas dit cela, monsieur. Ce dont j'ai parlé en réponse à la question précédente, c'est de la stratégie d'information financière, qui amènera éventuellement le gouvernement à appliquer à peu près la même méthode comptable que le secteur privé, à savoir la méthode de stricte comptabilité d'exercice. Même après l'adoption de cette méthode comptable, il demeurera nécessaire, peut-être même davantage qu'avant, d'exercer son jugement dans l'établissement de la meilleure façon de passer certaines écritures dans les Comptes publics. Je pense que chaque année nous continuerons d'avoir des discussions avec le vérificateur général à propos de l'application et de l'interprétation des conventions comptables et de la manière de comptabiliser telle ou telle opération. Le dialogue entre nous sera constant.

M. Roy Bailey: Monsieur Potts, y a-t-il des mesures que vous et vos collègues pouvez prendre dès maintenant pour que le vérificateur général ne soit plus jamais forcé de formuler ainsi des réserves? Vos méthodes sont-elles infaillibles?

M. Colin Potts: Monsieur le président, je ne crois pas pouvoir garantir qu'il n'y aura plus jamais d'opinions assorties d'une réserve. Je ne saurais être aussi catégorique. Il se pourrait que dans l'avenir le gouvernement soit parfois encore amené à interpréter des conventions comptables différemment du vérificateur général. Mais je tiens à assurer au comité que nous allons faire tout notre possible pour veiller à ce que cela ne se reproduise plus. Nous nous y sommes efforcés cette fois-ci en consultant tôt le vérificateur général et son personnel, en prenant le temps de discuter avec eux de ces questions, en essayant d'en arriver à un consensus, mais, dans les circonstances, nous n'y sommes pas parvenus.

M. Roy Bailey: Monsieur le président, j'ai absolument besoin que le vérificateur général me vienne un peu en aide. Mon bureau a été inondé de lettres, d'appels téléphoniques et d'envois par courrier électronique depuis que la chaîne CBC a diffusé dimanche soir dernier une entrevue avec le sénateur Dorgan des États-Unis, où le sénateur a fait la déclaration que voici. Il a dit que neuf des postes de douane de sa circonscription ne seraient pas bloqués comme c'est le cas actuellement si les Canadiens pouvaient produire des états financiers vérifiés—je présume que c'est aux états financiers de la Commission canadienne du blé qu'il faisait allusion—pour prouver qu'ils ne vendent pas leur blé en deçà du prix américain.

J'ai essayé d'expliquer à mes électeurs—et j'ai besoin qu'on m'aide ici un peu; j'ai reçu soixante-deux appels à ce sujet—que les livres comptables, les données sur les ventes, les dates des ventes, etc., en un mot l'information qui devrait être disponible, ne sont accessibles ni au grand public, ni aux producteurs, ni même à ceux à qui nous vendons, vu que cette société d'État, qui brasse des milliards de dollars, n'est pas assujettie à l'examen du vérificateur général. Ai-je raison d'affirmer ces choses?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, M. Bailey a raison. Il ne fait pas partie du mandat du vérificateur général de scruter les livres de la Commission canadienne du blé. En vertu de la loi, la Commission fait appel à des vérificateurs du secteur privé, qu'elle nomme elle-même. Dans l'état actuel des choses, nous n'avons pas accès aux livres de la Commission canadienne du blé.

• 1620

M. Roy Bailey: Disons qu'on a eu deux convois de céréales destinés à Minneapolis. Dans ce cas, ai-je également raison de croire que je ne saurais faire mieux que d'informer mes électeurs que je n'ai aucun moyen de savoir à quel prix ces céréales ont été vendues par cette société d'État?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, comme je l'ai déjà mentionné, n'ayant pas accès aux données comptables de la Commission canadienne du blé, je ne suis pas en mesure de dire à M. Bailey quels renseignements il est en droit d'obtenir de cet organisme.

Je crois que la Commission canadienne du blé a un statut particulier qui la dispense de l'application de certaines dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques, par exemple pour lui permettre de fonctionner d'une manière plus confidentielle. Mais à mon sens, c'est au Parlement qu'il appartient de débattre cette question et de décider du traitement qu'il convient de réserver à cet organisme.

Le président: Merci, monsieur Bailey, et merci, monsieur Desautels.

Sur ce point, j'ajouterai simplement que si on n'a pas accès à l'information touchant la Commission canadienne du blé, c'est en outre parce qu'il s'agit d'un organisme sans lien de dépendance.

Nous allons maintenant céder la parole à M. Harb pour quatre minutes.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Ma question s'adresse à M. Potts. Avez-vous bien dit que, dans le cas du genre de dépenses dont a voulu parler le vérificateur général, on prendra soin à l'avenir de ne plus les comptabiliser de cette façon.

M. Colin Potts: Non, je ne crois pas avoir dit que ce problème ne se posera jamais plus dans l'avenir. Ce que j'ai dit, c'est que nous allons tout mettre en oeuvre pour tenter de le prévenir. Je ne demanderais pas mieux que d'en arriver avec le vérificateur général à une solution définitive sur ce chapitre, mais je ne saurais garantir au comité que tel sera le cas.

M. Mac Harb: Très bien. Je suis content que vous ayez clarifié cet aspect.

Nous fonctionnons ainsi depuis 10, 15 ou 20 ans; il n'y a rien de nouveau à cela. Le gouvernement n'avait-il pas l'habitude d'agir de la sorte auparavant? La façon dont nous comptabilisons ce type d'opération depuis deux ou trois ans est-elle vraiment nouvelle?

M. Colin Potts: Dans les cas où, ces deux dernières années, le vérificateur général a exprimé des inquiétudes qui se sont traduites par la formulation de réserves, il s'agissait d'opérations uniques qui, étant donné leur nature, ne s'étaient jamais présentées auparavant, du moins pas à ma connaissance.

M. Mac Harb: Selon vous, vous n'avez enfreint aucune loi, aucune règle, ni aucun règlement?

M. Colin Potts: Selon nous, non.

M. Mac Harb: Ma question s'adresse maintenant au vérificateur général. Selon vous, le gouvernement a-t-il enfreint des règles ou des règlements en présentant ainsi ses dépenses?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je crois que le gouvernement n'a pas respecté les normes comptables établies par l'Institut canadien des comptables agréés pour ce genre d'opération. Pour ce qui est de savoir s'il a enfreint les règles du Parlement, les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques, je ne crois pas que ce soit le cas. Mais il ne s'agit pas là d'une question strictement de légalité, mais plutôt, je crois, de conformité à des normes établies par un organisme indépendant concernant la façon de comptabiliser les données financières.

M. Mac Harb: Mais y a-t-il une loi qui oblige le gouvernement à respecter ces normes?

M. Denis Desautels: C'est une bonne question. À première vue, en y regardant froidement, le gouvernement du Canada ne semble pas tenu de respecter les normes de l'Institut canadien des comptables agréés. Toutefois, la Loi sur la gestion des finances publiques l'oblige à préparer ses états financiers de manière à refléter fidèlement ses résultats financiers. Or, on pourrait très bien soutenir que pour refléter fidèlement ses résultats financiers, il se doit de respecter des normes établies en toute indépendance. Mais il n'est pas absolument certain que le gouvernement soit tenu de suivre les normes de l'Institut canadien des comptables agréés. Jusqu'à maintenant, il s'y est généralement conformé, mais, en réalité, sur une base plutôt volontaire.

M. Mac Harb: J'en déduis que la question de savoir si le gouvernement est tenu de respecter ces normes est matière d'opinion.

Mais comme citoyen, je me dis que si j'étais actionnaire d'une société qui a décidé de s'engager à verser 2 ou 3 millions de dollars à une oeuvre de bienfaisance, par exemple, je serais très heureux de constater qu'elle a opté pour comptabiliser cet engagement dans les états financiers de l'exercice où elle l'a contracté plutôt que dans ceux des deux ou trois exercices à venir. Bien sincèrement, je serais très inquiet qu'on m'apprenne que cette société qui s'est engagée à effectuer ces dépenses sur trois ans étalera sur trois ans la comptabilisation des dépenses en question. J'en serais fort inquiet. Pas vous?

• 1625

M. Denis Desautels: Non, monsieur le président, je ne partage pas cet avis. Je crois qu'il y a dans le secteur privé des règles clairement établies tant en ce qui touche le moment où on peut déduire une dépense que celui où on peut la comptabiliser, et, en réalité, il faut que certains événements soient survenus pour pouvoir le faire. On ne comptabilise pas une dépense dès l'instant où on annonce son intention de l'effectuer. Si la société Microsoft décidait d'investir trois milliards de dollars en recherche au cours des trois ou quatre prochaines années, on ne lui permettrait pas de déduire cette dépense dès maintenant. Il lui faudrait attendre de l'avoir réellement effectuée. À cet égard, vous pourriez également vous référer aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Revenu Canada ne vous laissera pas déduire ce genre de dépense simplement parce que vous l'avez annoncée. Il faut que d'autres choses se soient d'abord passées avant que vous soyez en droit de déduire cette dépense de votre revenu imposable. Il existe donc des règles très claires dans le secteur privé en ce qui concerne le moment où on peut vraiment déduire une dépense de ses revenus.

Le président: Merci, monsieur Harb.

Au tour maintenant de M. Finlay pour quatre minutes.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le vérificateur général, je m'excuse de n'avoir pas lu les observations que vous avez formulées et auxquelles vous avez fait référence dans votre exposé, et je me propose de le faire.

Mais je suis frappé par le commentaire qu'on trouve dans le texte de votre exposé, au paragraphe 14, page 3:

    Mes observations comprennent également une description de ma vérification ainsi que des questions qui doivent faire l'objet d'une attention soutenue de la part du gouvernement. Je m'inquiète plus particulièrement de la création d'organisations indépendantes pour mener à bien des activités gouvernementales.

À première vue, monsieur, je dirais qu'il s'agit là d'un bel exemple de cas où vous formulez une opinion à propos d'une politique gouvernementale mais pas nécessairement à propos de vérification. Mais je reconnais qu'il est injuste de me prononcer ainsi sans avoir d'abord lu vos observations.

Cela dit, en quoi la création d'organisations indépendantes pour mener à bien des activités gouvernementales vous inquiète-t-elle? Je présume que cette affirmation a quelque chose à voir avec le projet de loi dont nous débattons à la Chambre aujourd'hui, ou encore avec NAV CANADA ou quelque autre organisme.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je ne conteste pas le droit du gouvernement de créer de telles organisations. Ce que je veux exprimer ici, c'est une crainte légitime concernant la façon dont on traite le cas de ces entités au moment de refléter ce qu'est le gouvernement du Canada et quelles dépenses il effectue vraiment.

Monsieur le président, si une telle entité est réputée ne pas être indépendante du gouvernement, tout transfert d'argent qu'effectue le gouvernement en sa faveur doit alors être considéré comme un transfert qu'effectue le gouvernement à lui-même. La question de savoir si une telle organisation est réputée faire partie du gouvernement ou en être indépendante a donc des implications sur la façon de comptabiliser les opérations qui touchent l'organisation en question.

Les organisations dont nous parlons ici sont des créations relativement nouvelles. Techniquement parlant, le gouvernement ne les contrôle pas, car ce n'est pas lui qui désigne la majorité des membres de leur conseil d'administration. Par contre, le gouvernement les a lui-même créées, et il conclut avec elles de réels contrats en vertu desquels il leur dicte précisément la façon dont elles doivent utiliser l'argent dont elles disposent, comment elles doivent le placer, etc. Il existe donc des liens étroits entre le gouvernement et ces organisations.

En fin de compte, on doit donc se demander—et je crois qu'il s'agit là d'une question légitime à laquelle il faudrait trouver réponse si on entend créer bien d'autres organisations de ce genre—s'il s'agit d'organisations authentiquement extérieures au gouvernement ou si elles sont dépendantes du gouvernement. Selon la réponse, on devra respecter tel mode de présentation comptable plutôt que tel autre.

M. John Finlay: Quelle méthode comptable la Société du crédit agricole ou encore la Commission canadienne du blé, par exemple, utilisent-elles actuellement? Vous dites que vous n'effectuez pas la vérification de la Commission canadienne du blé. Avez-vous certaines craintes concernant...?

M. Denis Desautels: Au paragraphe 14, je ne visais pas la Commission du blé comme telle. Je voulais strictement parler de la Fondation pour l'innovation ou de la Fondation des bourses d'études du millénaire. Ce sont des entités qui constituent une nouvelle catégorie, et nous nous devons vraiment de nous assurer d'en traiter correctement dans les Comptes publics. Si ces organisations ne sont pas, en substance, extérieures au gouvernement, nous ne saurions considérer les dépenses effectuées en leur faveur autrement que comme des dépenses effectuées pour le gouvernement lui-même.

• 1630

J'espère que je suis bien clair là-dessus. C'est une question comptable d'ordre technique.

J'ai également soulevé, monsieur le président, dans l'un de mes précédents rapports, la question de savoir de quelle façon ces organisations, qui dépensent d'énormes fonds publics, devraient être tenues de rendre des comptes. De quelle manière le Parlement obtient-il d'elles l'information lui permettant d'assumer son rôle de surveillant des activités qu'elles exercent?

Il y a donc là une question d'obligation de rendre des comptes. Avons-nous des mécanismes de reddition de comptes propres à permettre au Parlement de jouer son rôle, et ces organisations sont-elles vraiment indépendantes du gouvernement? Dans la négative, il faudrait nous assurer que nous nous conformons aux normes comptables appropriées.

Le président: Merci, monsieur Finlay.

La parole est maintenant à M. Grewal, pour quatre minutes.

M. Gurmant Grewal: Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, étant donné que les obligations dont on ne s'est pas encore acquitté sont considérées comme des engagements—il ne s'agit pas d'éléments de passif puisque ces obligations n'ont pas été exécutées—, le vérificateur général affirme qu'elles ne devraient pas être comptabilisées; voilà pourquoi nous en débattons ici aujourd'hui.

Nous sommes en présence de deux écoles de pensée, l'une représentée par le vérificateur général, et l'autre, par le contrôleur général. Étant donné que nul ne peut mener deux barques à la fois—on ne saurait avoir un pied dans une barque et l'autre dans l'autre barque—, j'aimerais savoir comment on peut en arriver à résoudre cette question.

Le vérificateur général pourrait-il nous dire si, à son avis, on devrait, par voie législative, obliger le gouvernement à s'assurer que ses conventions et pratiques comptables sont conformes aux recommandations publiées par l'Institut canadien des comptables agréés ou par son Conseil de la comptabilité et de la vérification dans le secteur public. Recommanderiez-vous qu'on recoure à la loi comme solution?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, c'est naturellement une décision qui incombe au Parlement, mais j'ai toujours cru qu'il serait sûrement utile que le gouvernement, quel qu'il soit, s'engage résolument à respecter, dans les années futures, les normes établies en toute indépendance par le CCVSP et l'ICCA.

J'ai eu l'occasion de mentionner par le passé qu'il serait fort souhaitable que votre comité, par exemple, fasse cette même recommandation au gouvernement. En fait, vous pourriez aller aussi loin que vous le voudriez pour inciter le gouvernement à prendre cet engagement. Je ne crois pas qu'il faille forcément adopter une loi expressément à cette fin, mais je n'exclurais quand même pas cette possibilité.

M. Gurmant Grewal: Merci.

À propos de l'autre question, celle des revendications des Autochtones, monsieur le président, le vérificateur général indique que le système et les procédures qu'applique le gouvernement ne lui permettent pas encore de rendre pleinement et fidèlement compte, dans ses états financiers, de ses obligations concernant les revendications autochtones. Selon lui, il faudrait apporter sans tarder de nouvelles améliorations à ces systèmes.

Monsieur le président, le contrôleur général pourrait-il nous dire, à propos de ce qu'il fait pour apporter ces améliorations que réclame le vérificateur général, s'il pense que des mesures seront prises et s'il a un plan en ce sens? Dans l'affirmative, pourrait-il également nous faire savoir quelles sont ces mesures et quand elles seront mises en oeuvre?

M. Colin Potts: Sur cette question précise, je tiens à dire que nous partageons les inquiétudes qu'a exprimées le vérificateur général. En fait, au cours des mois d'été, dans le cadre de la préparation des états financiers, nous en avons abondamment discuté avec lui.

On s'emploie actuellement à mettre au point les systèmes voulus. Le ministère concerné est à implanter un système de traitement des litiges qui lui permettra de fournir des informations sur toutes les affaires en instance ainsi qu'une évaluation de l'état d'avancement de chacune d'elles pour ce qui est de l'étape à laquelle en est son traitement dans le système, ce qui, nous l'espérons, nous donnera la possibilité de faire dûment la part des choses entre les passifs à comptabiliser et les passifs éventuels.

• 1635

Nous travaillons actuellement, en collaboration avec nos collègues des ministères des Finances, de la Justice, et des Affaires indiennes et du Nord canadien, à assurer la mise sur pied d'un système qui nous fournira à temps l'information dont nous avons besoin pour la clôture de l'exercice devant se terminer le 31 mars 1999.

Le président: M. Neville aurait lui aussi quelque chose à dire à ce sujet.

M. Richard Neville: Pourriez—vous patienter une minute, s'il vous plaît?

M. Gurmant Grewal: En attendant, le vérificateur général pourrait-il nous dire s'il appuie la position du gouvernement à cet égard?

Le président: Eh bien, appuyez-vous la position du gouvernement à cet égard, monsieur Desautels?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, c'est avec une certaine réticence que nous avons accepté la façon dont le gouvernement a procédé cette année sur ce chapitre. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons tenu à soulever cette question dans nos observations. Nous estimons qu'à l'heure actuelle, le gouvernement ne maîtrise pas convenablement la situation en ce qui touche le traitement de ces revendications, qu'il s'agisse de celles dont sont saisis les tribunaux ou de celles dont il s'occupe lui-même ou qu'il négocie directement. Alors qu'en principe, on en tient compte dans les états financiers, un certain nombre d'entre elles, qui sont en attente d'un règlement, n'ont pas encore été dûment analysées et, partant, ne sont pas du tout comptabilisées. Il existe actuellement un certain arbitraire dans la façon de présenter ces revendications dans les Comptes publics.

Le président: Pour revenir à vous, monsieur Potts, avez-vous quelque chose à ajouter à ce que vous avez dit en dernier lieu?

M. Richard Neville: J'aimerais revenir sur une question qu'a posée précédemment M. Grewal. Je tiens à mentionner, pour le bénéfice du compte rendu, que le gouvernement n'a, pour l'instant, nullement l'intention de faire adopter une loi qui nous forcerait à respecter les conventions comptables proposées par l'ICCA. Cela dit, je crois toutefois, comme nous l'avons rappelé à maintes occasions, que nous le faisons déjà de facto. Nous ne croyons pas qu'il serait indiqué de nous y obliger par une loi, mais, chose certaine, nous nous conformons aux pratiques comptables recommandées par l'ICCA.

Le président: Merci, monsieur Neville.

Monsieur Grose, à vous la parole pour quatre minutes.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

Moi qui viens d'une ville où il se fabrique des automobiles, je vais maintenant tenter de montrer que je m'y connais en matière de blé. Il me semble que nous déraillons quelque peu ici. Je suis d'accord avec mon collègue d'en face lorsqu'il dit que la Commission canadienne du blé devrait être plus transparente, mais je n'admets pas qu'il laisse par ailleurs entendre que cet organisme n'agit pas correctement ou est subventionné. Si je ne m'abuse, la Commission canadienne du blé a, ces dernières années, été interpellée à au moins quatre occasions par des organismes de surveillance du commerce international auxquelles il lui a fallu ouvrir ses livres. La Commission se doit d'être transparente. Cela fait partie de nos obligations aux termes des règles qui régissent le commerce international. À chaque fois, elle a été jugée sans reproche.

Je sais que les céréaliculteurs de la région d'où vient mon collègue ont du mal à exporter leur blé au sud de notre frontière. Mais je tiens simplement à ce qu'il soit bien clair que lorsque la Commission canadienne du blé se voit forcée de se faire transparente, il semble bien, d'après les organismes de surveillance du commerce international, qu'elle n'ait rien à se reprocher. Je n'aime pas qu'on cherche ainsi à nous donner l'impression qu'il y a quelque chose d'anormal qui s'y passe, qu'elle profite d'une subvention cachée ou qu'elle agit d'une manière reprochable. Mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'on devrait la rendre plus transparente afin que le vérificateur général puisse se prononcer sur la façon dont elle agit.

M. Roy Bailey: Qu'il soit tenu, et non qu'il puisse.

M. Ivan Grose: Soit tenu. D'accord. Je vous le concède.

Merci. C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président.

Le président: Vous affirmez donc que la Commission est aussi pure que la neige dans les champs, n'est-ce pas?

M. Ivan Grose: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le président: Ça va. Nous allons maintenant passer à

[Français]

monsieur Cardin.

M. Serge Cardin: Bien sûr, la présentation des états financiers et la divulgation de la situation financière du gouvernement reposent sur une question de jugement. Le contrôleur général et le vérificateur général souhaitent tous deux la transparence et une meilleure crédibilité des états financiers du gouvernement. Normalement, le jugement est quand assez même constant et il est toujours basé sur des principes et des normes.

Prenons comme hypothèse que le gouvernement dise qu'on n'aura jamais plus de déficit, que c'est fini, qu'on n'en veut plus. Supposons aussi que dans un deuxième temps, le gouvernement ait fait les mêmes transactions après avoir dit qu'il ne ferait plus jamais de déficit. S'il enregistre les dépenses des bourses d'études du millénaire, il fera un déficit de 2,5 milliards de dollars. Cependant, comme le vérificateur général le disait, s'il ne les enregistre pas, il n'y aura pas de déficit. Ce sont les hypothèses que je vous soumets. Un gouvernement ne veut pas de déficit, mais s'il enregistre ces 2,5 milliards de dollars, il se retrouvera face à un déficit de 2,5 milliards de dollars. Est-ce qu'à ce moment-là, le contrôleur général ou les experts qu'il consulte arriveraient à la même conclusion et décideraient d'enregistrer ces 2,5 milliards de dollars dans les états financiers du 31 mars 1998?

• 1640

M. Richard Neville: Monsieur le président, j'éprouve toujours des problèmes face à ces questions hypothétiques. Nous ne sommes pas dans une situation semblable et il est toujours très difficile de savoir comment on réagirait à des situations qu'on n'est pas en train de vivre.

Nous sommes d'accord qu'il faut suivre les normes comptables objectives dont nous avons convenu et inscrire des notes aux états financiers. Dans un tel cas, on suivrait les politiques comptables qui sont énoncées et on s'attendrait à ce que le vérificateur général confirme qu'on les a bien respectées.

M. Serge Cardin: C'était une hypothèse, bien sûr. S'il y avait eu une loi antidéficit, comme le réclame souvent le Bloc québécois, on aurait été en mesure de décider de ne pas enregistrer cette dépense parce que cela aurait été contraire à la loi. Est-ce bien ce que vous dites?

M. Richard Neville: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. J'ai plutôt voulu dire qu'on suivrait les principes de comptabilité tels qu'énoncés et qu'on s'attendrait à ce que le Bureau du vérificateur général confirme qu'on les a bien suivis.

M. Serge Cardin: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Cardin.

Monsieur Desautels, dans son exposé d'ouverture, M. Potts nous a dit qu'il avait obtenu l'avis d'experts de l'extérieur pour appuyer sa position. De votre côté, en êtes-vous arrivé à vos conclusions seul ou avez-vous vous aussi demandé l'avis d'experts de l'extérieur pour soutenir votre position?

M. Denis Desautels: Je me suis également adressé à des experts de l'extérieur, monsieur le président. J'ai obtenu l'opinion de maisons comme Price Waterhouse, Ernst & Young, Arthur Andersen, ainsi que de certains universitaires. J'ai donc le sentiment d'avoir vérifié ma position très soigneusement auprès de sources extérieures moi aussi.

Le président: Ces témoignages extérieurs étaient-ils ambivalents, ou venaient-ils étayer sans réserve la position que vous avez prise publiquement?

M. Denis Desautels: Je crois, monsieur le président, que ces sources externes appuient notre position sans équivoque. Si vous me le permettez, je vous répète que je ne crois pas que les deux maisons auxquelles le gouvernement s'est adressé pour obtenir des avis appuient aussi nettement sa position. Sauf erreur, elles font référence à un certain nombre de situations dans le secteur privé qui peuvent ressembler au cas des bourses du millénaire. Dans des situations similaires, comment agirait-on dans le secteur privé? Dans la lettre d'Ernst & Young, par exemple, il est question de diverses situations qui, selon moi, sont loin d'être comparables à celle de la création de cette fondation, compte tenu des montants qu'on lui a confiés. Si on lit le moindrement attentivement cette lettre ainsi que l'autre, je ne crois pas qu'on puisse en déduire, premièrement, qu'elles viennent appuyer la position gouvernementale aussi clairement qu'on le prétend et, deuxièmement, que les experts consultés seraient d'avis que si la même opération était effectuée dans le secteur privé, on en traiterait autrement que nous le recommandons.

Le président: Monsieur Potts, avez-vous quelque chose à dire là-dessus?

M. Colin Potts: J'aurais un commentaire à formuler à ce sujet, monsieur le président, si vous me le permettez.

Certes, la lettre d'Ernst & Young établit des comparaisons avec la comptabilité dans le secteur privé. Ceux qui l'ont rédigée ont voulu par là illustrer les problèmes qui se posent dans le secteur privé et la façon dont on y interprète le Manuel. La lettre des experts de Coopers & Lybrand, à laquelle je me suis particulièrement intéressé, est plus éclairante. Je crois qu'on s'y penche sur les recommandations du CCVSP et leur interprétation. Nous leur avions explicitement demandé de nous indiquer les points qu'il nous faudrait prendre en considération. Il me semble que ce qui donne à cette lettre toute sa valeur, si on la lit dans son entier, c'est qu'on y présente, pour ainsi dire, diverses interprétations possibles, selon les circonstances. Or, à propos du cas qui nous occupe, on y affirme nettement qu'on ne saurait trancher, que la réponse ne peut être claire comme noir sur blanc.

Le président: Parlant de clarté, monsieur Potts, vous nous avez confirmé dans votre précédent témoignage que vous établissez vos propres conventions comptables. Vous ne vous soumettez pas forcément à celles des autres; vous établissez vos propres règles.

En ce qui concerne le CCVSP—au sein duquel le gouvernement est pourtant fort bien représenté—, vous semblez avoir comme politique de vous conformer à ses règles quand vous les aimez et d'y déroger quand elles ne servent pas vos fins. Comment peut-on avoir comme politique de changer les règles quand elles ne nous plaisent pas?

• 1645

M. Colin Potts: Monsieur le président, je ne crois pas que nous ayons comme politique de changer les règles quand elles ne nous plaisent pas.

Le président: Mais vous l'avez fait.

M. Colin Potts: Nous croyons que, dans l'essentiel, nous suivons les recommandations du Conseil de la comptabilité et de la vérification dans le secteur public. Le désaccord que nous avons avec le vérificateur général tient à la façon dont nous interprétons de part et d'autre certaines des recommandations de cet organisme.

Le président: C'est donc dire qu'alors que vous avez affirmé précédemment que vous établissiez vos propres conventions comptables, vous dites maintenant que vous vous en remettez à votre propre interprétation des règles établies par le CCVSP.

M. Colin Potts: Je regrette, monsieur le président, mais la Loi sur la gestion des finances publiques prévoit qu'il appartient au gouvernement d'établir ses propres règles comptables. La Loi sur la gestion des finances publiques n'est pas...

Le président: Je sais, mais vous dites que vous...

M. Colin Potts: Je voulais parler, monsieur le président, de la Loi sur la gestion des finances publiques qui oblige le gouvernement à établir lui-même ses conventions comptables. Ces conventions sont décrites dans la note 1 aux états financiers.

Le président: Je le sais, mais vous avez dit dès le départ que vous établissiez vos propres conventions comptables. Dans ce cas-ci, vous avez changé votre interprétation des règles du CCVSP, ou vous avez inventé une nouvelle règle, comme il vous plaira de choisir. Vous avez tout simplement modifié unilatéralement votre interprétation des règles du CCVSP.

M. Colin Potts: Je crois que notre interprétation des règles du CCVSP était la même l'an dernier que cette année, monsieur le président.

Le président: Mais l'année d'avant, elle était entièrement différente. Non, désolé, c'est-à-dire que jusqu'à il y a trois ans, avant que vous annonciez ces trois programmes, vous étiez tout à fait disposés à vous en tenir à la définition normale des subventions et contributions aux fins d'établir la façon de les comptabiliser. Vous avez depuis lors changé unilatéralement votre interprétation des règles, n'est-ce pas?

M. Colin Potts: Je crois que nous avons clarifié notre interprétation de ces...

Le président: Vous l'avez fait unilatéralement, n'est-ce pas?

M. Colin Potts: Je ne crois pas que nous ayons tout simplement pris une décision unilatérale, monsieur le président.

Le président: Vu que le vérificateur général n'était pas d'accord avec vous, vous me semblez avoir pris votre décision bel et bien unilatéralement.

Cela dit, s'il vous est loisible de vous en tenir à vos propres interprétations, comment espérer que le vérificateur général puisse vérifier vos états financiers quand vous interprétez les règles comme bon vous semble?

M. Colin Potts: Le vérificateur général est tenu de dire dans son rapport, comme il l'a fait cette année, si, selon lui, nous respectons les conventions comptables énoncées par le gouvernement du Canada, ce à quoi nous sommes tenus aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques. S'il a émis des réserves, c'est qu'à son avis—je crois résumer ici la situation correctement—, la convention comptable que nous avons appliquée est inappropriée dans les circonstances.

Le président: C'est exact.

M. Colin Potts: Et c'est là-dessus que nous divergeons d'opinion avec lui. Nous croyons que nous respectons non seulement les conventions comptables qui sont décrites dans...

Le président: Nous savons que vous respectez vos propres conventions...

M. Colin Potts: Nous nous conformons aux recommandations du CCVSP.

Le président: Nous savons fort bien que si vous tenez à suivre vos propres conventions comptables, c'est que, les établissant vous-mêmes, vous n'avez qu'à les modifier si elles ne vous conviennent plus. De cette façon, vous agissez toujours en conformité avec vos propres règles. C'est pourquoi le vérificateur général s'amène ici pour dire: attention! Vous êtes allés trop loin, vous interprétez trop librement les règles. Voilà comment je perçois la situation, et je partage là-dessus l'avis du vérificateur général.

Dans un autre ordre d'idée, voici maintenant que vous soutenez—et je cite un passage de la lettre que vous avez fait parvenir, au nom du Conseil du Trésor, à M. Desautels le 12 mars 1998 et qui a été reproduite au chapitre 9:

    Le gouvernement est d'avis que l'«événement» que constitue la prise d'une décision de financer une fondation sans lien de dépendance établit une obligation «implicite» et «équitable», pourvu que le Parlement donne ultérieurement l'autorisation nécessaire.

Personne ne nie que la Fondation n'existait pas le 31 mars 1998, mais vous n'en continuez pas moins de parler ici d'un événement ou d'une opération. Nous savons que le premier ministre a des amis imaginaires, mais j'aimerais bien savoir comment on peut faire de quelque chose qui n'existe pas un événement ou une opération.

M. Colin Potts: Nous soutenons que cette opération a clairement été divulguée par le gouvernement, annoncée par le gouvernement. Il en était question dans une loi qui a été...

Le président: Mais comment peut-on effectuer une opération avec une entité qui n'existe pas? Cette organisation n'existait pas sur papier. Tout au plus le projet de sa création avait-il été annoncé par le ministre des Finances. Elle n'a été créée qu'en avril, et ce n'est qu'en juillet qu'une entente de financement a été conclue. Et voilà que vous nous dites maintenant que cette opération s'est effectuée avant le 31 mars. Comment serait-ce possible?

M. Colin Potts: Monsieur le président, vous venez tout juste de faire état d'une série d'opérations qui se sont réalisées. Ce que nous avons dit, c'est que nous nous référons à l'essence de ces opérations, et non à leur forme juridique. Les événements qui sont survenus subséquemment, comme l'adoption de la Loi, la conclusion de l'entente de financement et le versement des 2,5 milliards de dollars—oui, ces opérations ont eu lieu après la clôture de l'exercice, avant l'arrêté des comptes et avant que le vérificateur général ait officiellement fait connaître son opinion. Nous croyons qu'il s'agit d'événements subséquents qui sont venus confirmer l'existence de cette opération et le sérieux de l'intention de réaliser ce qui avait été annoncé au cours de l'exercice précédent.

• 1650

Le président: Mais vous n'avez toujours pas répondu à ma question de savoir comment un événement ou une opération peuvent avoir lieu concernant une entité qui n'existe pas. On songe tout de suite aux amis imaginaires du premier ministre.

M. Colin Potts: Je n'y vois rien de tel, monsieur le président. Nous nous attachons à l'essence de ce qui s'est passé dans le cadre de cette opération plutôt qu'aux détails techniques d'ordre juridique.

Le président: Poursuivons le raisonnement jusqu'au bout. Le gouvernement n'a pas le moindre sou à dépenser tant que le Parlement n'affecte pas les fonds. Dans cette lettre, vous enchaînez en disant que cette obligation, vous la voulez implicite et équitable, «pourvu que le Parlement donne ultérieurement l'autorisation nécessaire». Combien de temps pensez-vous devoir attendre pour obtenir l'autorisation du Parlement avant de fermer les états financiers, ou présumez-vous plutôt que le Parlement va donner son autorisation de toute manière?

M. Colin Potts: Sauf erreur, la loi exige que les Comptes publics soient déposés au plus tard le 31 décembre de chaque année, monsieur le président. Nous devons donc respecter une échéance fixée par d'autres, pour ainsi dire, en ce qui touche la finalisation de cette opération.

Naturellement, si le Parlement n'avait pas autorisé l'opération, si des événements étaient venus en empêcher la matérialisation, nous ne l'aurions pas inscrite aux livres, mais nous croyons, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, qu'essentiellement, en substance, l'opération de mars 1998...

Le président: Donc, vous dites que dans la nouvelle politique que vous avez annoncée l'autorisation parlementaire doit être obtenue avant le dépôt des Comptes publics, c'est-à-dire avant le 31 décembre de l'année de clôture de l'exercice. Est-ce ce que vous êtes en train de nous dire?

M. Colin Potts: Le 31 décembre est la date limite pour le dépôt des Comptes publics. C'est ce qu'exige la loi, sauf erreur.

Le président: Vous soutenez donc que l'important, c'est d'obtenir l'autorisation nécessaire au plus tard le 31 décembre de cette année.

M. Colin Potts: Exactement.

Le président: Monsieur Desautels, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, dans certaines de nos observations, nous avons soulevé la question de l'autorisation parlementaire. Quand cette opération a été comptabilisée à la fin de l'exercice, cette autorisation parlementaire n'avait pas été donnée. Je crois qu'un principe proprement fondamental est ici en cause.

Permettez-moi, pour le bénéfice du compte rendu, de revenir sur deux autres points.

J'admets difficilement l'utilisation qu'on fait des événements subséquents. À mon sens, les événements subséquents ne devraient servir qu'à chiffrer avec plus d'exactitude une obligation qui existait à un moment donné. Je crois que dans le cas qui nous occupe, ce que nous aurions pu attendre des événements subséquents, c'est qu'ils nous permettent de comptabiliser à sa juste valeur une obligation qui existait à la fin de l'exercice en question. C'est à cette fin qu'on utilise normalement les événements subséquents.

L'autre question qui me préoccupe est celle de la primauté de la substance sur la forme. Encore là, je suis d'avis que c'est lorsque des gens se sont servis de moyens techniques pour se soustraire à une exigence donnée qu'il convient d'invoquer l'argument voulant que la substance l'emporte sur la forme. Dans le cas qui nous occupe, le Manuel et les normes de l'ICCA indiquent très clairement comment on doit traiter les paiements de transfert.

On se trouverait à invoquer le principe de la primauté de la substance sur la forme pour contourner une convention comptable qui est par ailleurs tout à fait claire. Le problème se pose parfois dans le cas de l'impôt. Des gens mettent sur pied des structures d'entreprise fort compliquées pour se soustraire à une exigence fiscale donnée. Ce sont là des exemples de situations où il faut envisager d'invoquer le principe de la primauté de la substance sur la forme. Mais je ne crois pas que ce soit le cas ici. Nous sommes en présence de normes passablement claires, l'opération dont nous parlons est directement visée par ces normes, et il n'y a donc pas lieu d'invoquer le principe de la primauté de la substance sur la forme.

Le président: Pour en revenir au CCVSP, le Conseil sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public, le rapport du vérificateur général dit ceci:

    Parmi les membres et les correspondants du CCVSP, on trouve des sous-ministres et des sous-ministres adjoints, des contrôleurs, des vérificateurs généraux et des cadres supérieurs d'organismes publics. Les deux tiers des membres du CCVSP et de ses groupes de travail qui élaborent les normes proviennent du gouvernement...

• 1655

Vous détenez une majorité passablement confortable au sein de ce conseil. Étant donné qu'il y avait une importante divergence d'opinion entre le gouvernement et le vérificateur général et que vous aviez le sentiment que c'est votre interprétation qui méritait d'être retenue, pourquoi ne vous êtes-vous pas adressés à ce conseil pour l'inviter à clarifier ses règles en conséquence?

M. Colin Potts: Le CCVSP n'a pas pour rôle de se prononcer sur des cas particuliers, monsieur le président. Certes, nous aurions pu nous adresser au Conseil, lui demander de se pencher sur la section du Manuel où il est question des paiements de transfert et voir avec lui s'il n'y avait pas possibilité de clarifier cette exigence. Mais pour ce qui est de statuer sur une opération particulière, ce n'est pas là le rôle d'un organisme de normalisation. C'est aux vérificateurs qu'il revient de rendre ce genre de décisions, monsieur Williams.

Le président: Mais, en décembre dernier, je crois, le rapport minoritaire du Comité des comptes publics vous demandait explicitement de vous adresser au CCVSP pour lui demander de réexaminer et peut-être de reformuler ou de clarifier ses règles afin que le vérificateur général et vous-mêmes puissiez en arriver à une même interprétation. L'avez-vous fait?

M. Colin Potts: Nous ne l'avons pas fait.

M. Mac Harb: Il n'y avait rien de tel dans le rapport majoritaire.

Le président: Non, j'ai dit que c'était dans le rapport minoritaire.

M. Mac Harb: Nous avons déposé un rapport majoritaire dans lequel nous mentionnions qu'on était en présence de deux opinions divergentes...

Le président: J'ai fait remarquer que l'opinion minoritaire...

M. Mac Harb: Pourquoi devrions-nous nous donner suite à un rapport minoritaire quand nous avons un rapport majoritaire?

Le président: Le rapport minoritaire lui demandait de vérifier si le CCVSP accepterait de clarifier ses règles de manière à ce que le vérificateur général et le gouvernement puissent s'entendre sur l'interprétation à leur donner. Ce que je vous demande, c'est si vous l'avez fait.

M. Mac Harb: Ils n'étaient pas tenus de le faire, monsieur le président.

Le président: Je sais qu'ils n'y étaient pas tenus. J'ai simplement demandé s'ils...

M. Mac Harb: Pourquoi faudrait-il faire quelque chose qu'on n'est pas tenu de faire?

M. Colin Potts: Nous ne l'avons pas fait, monsieur le président.

Le président: Avez-vous l'intention de le faire?

M. Mac Harb: Non.

M. Colin Potts: Je ne crois pas que nous y soyons tenus. Puisque nous estimons avoir respecté l'esprit de l'article pertinent du Manuel du CCVSP, pourquoi le ferions-nous?

Le président: Je sais bien que vous croyez avoir respecté l'esprit de cette règle, mais le vérificateur général ne partage pas votre interprétation. Étant donné que vous faites tous deux partie du même conseil, ce doit sûrement être l'endroit où vous pourriez vous entendre sur la convention comptable à appliquer. Ainsi, vous pourriez présenter des états financiers sur lesquels le vérificateur général, après examen, n'aurait aucune réserve à exprimer. Cela dit, vous allez soit devoir résoudre vos problèmes en vous adressant à ce conseil, soit accepter que se perpétue cette anomalie.

M. Colin Potts: Monsieur le président, le conseil en question n'a pas été constitué pour résoudre des problèmes particuliers. Il se prononce sur des questions comptables d'ordre général après d'intenses recherches et des consultations poussées. C'est sur cette base qu'il fonctionne. Le gouvernement fédéral y a un représentant. Les autres membres gouvernementaux représentent les divers gouvernements provinciaux.

Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais revenir sur un sujet que quelqu'un a abordé juste avant que ne débute cette dernière discussion, à savoir la question des événements subséquents. J'aimerais citer un passage de la section du Manuel du CCVSP qui traite des événements subséquents, la section 38.(2), paragraphe 6:

    Les états financiers devraient être rajustés lorsque des événements qui surviennent entre la date des états financiers et la date de leur achèvement apportent des éléments nouveaux aux conditions qui existaient à la date des états financiers.

Dans le cas qui nous occupe, nous estimons que des éléments nouveaux ont bel et bien été apportés, à savoir l'adoption de la loi et la finalisation de l'opération.

Le président: Comme vous le savez, je soutiens que vous avez effectué des opérations avec des organisations fictives, ce qui me dépasse et que je n'arrive pas à croire.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Desautels?

M. Denis Desautels: Voulez-vous dire sur ce dernier point, monsieur le président?

Le président: Oui.

M. Denis Desautels: Non, je ne crois pas que ce qu'on vient d'affirmer infirme ce que j'ai déjà dit à ce sujet. Il faudrait qu'il ait existé, avant la fin de l'exercice, un état de fait auquel les événements subséquents ajoutent quelque chose, mais nous sommes d'avis que l'organisation en question n'existait pas et qu'il n'y avait pas de bénéficiaire de subvention ou de transfert à la fin de l'exercice. Par conséquent, il ne saurait être survenus des événements subséquents qui puissent y avoir changé quelque chose. C'est de cette façon que j'interprète cet article du Manuel.

Le président: Des amis imaginaires.

Monsieur Harb, je crois que vous aviez une question.

M. Mac Harb: Oui, monsieur le président. J'ai été tout à fait renversé, pour tout dire, de votre insistance à demander à M. Potts s'il avait pris des mesures pour donner suite aux recommandations d'un rapport minoritaire. À mon sens, notre comité a produit un rapport sur cette question, et c'est ce rapport que le gouvernement doit prendre en considération. Les rapports minoritaires ne servant qu'à refléter le point de vue de la minorité, le gouvernement n'est nullement tenu d'en tenir compte. C'est donc une question d'opinion.

• 1700

Par ailleurs, vous avez laissé entendre que des décisions condamnables ont de toute évidence été prises dans toute cette affaire. Monsieur le président, je tiens à vous dire qu'après avoir écouté le vérificateur général de même que MM. Potts et Neville, j'en suis arrivé à une toute autre conclusion, à savoir qu'on est en présence d'une simple divergence d'opinion. Aucune loi n'a été enfreinte, rien n'a été caché et il n'y a rien de nouveau dans tout cela. Il se trouve, d'ailleurs, que tant Coopers & Lybrand que Ernst & Young, deux organisations fort réputées, ont justement abondé dans ce sens.

Il me semblerait indiqué de conclure cette discussion en nous disant que nous convenons de notre divergence d'opinion sur cette question et de l'existence d'une semblable divergence même au sein du milieu des affaires, car on ne semble pas y avoir davantage trouvé de réponse claire à cette question.

Comme l'a indiqué M. Potts, il est à espérer que nous prendrons les mesures voulues pour prévenir autant que possible ce genre de situation dans l'avenir.

Le président: C'est là, à mon sens, l'essentiel, à savoir qu'il faudrait qu'on n'en vienne jamais plus là.

Nous allons maintenant redonner la parole au vérificateur général pour le mot de la fin.

M. Denis Desautels: Merci, monsieur le président.

Je crois que ces questions préoccupent vraiment les Canadiens. Nous avons parlé plus tôt de crédibilité, et je crois qu'il s'agit là d'un élément auquel les Canadiens attachent énormément d'importance. Différentes organisations ont fait parvenir à ce sujet des lettres au ministre des Finances. Aux yeux des Canadiens en général, cette question revêt, selon moi, une grande importance.

Le gouvernement fédéral devrait s'engager à respecter les mêmes normes que l'entreprise privée qui, elle, comme nous l'avons signalé plus tôt, ne peut se soustraire aux PCGR. Je crois qu'en posant un tel geste, il ferait un pas dans la bonne direction, et je serais très sensible à tout effort pouvant mener à que cela se produise.

Mais pour ce qui est des problèmes immédiats que nous connaissons, je ne puis qu'espérer qu'ils ne se poseront plus dans l'avenir. Je ne raffole pas de formuler des restrictions concernant les Comptes publics du Canada. Je préférerais de beaucoup pouvoir émettre une opinion sans réserve. J'aimerais bien qu'à la fin de l'exercice en cours, au 31 mars 1999, nous ne soyons pas de nouveau placés dans une telle situation. Je crois qu'il existe des solutions à ces problèmes, et j'ai bon espoir qu'ensemble, nous parviendrons à les trouver pour que nous puissions, la prochaine fois, donner une opinion nettement positive.

Le président: Merci, monsieur Desautels.

Nous allons maintenant clore la séance. La séance est levée.