Passer au contenu
Début du contenu

NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 avril 1999

• 0902

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte la réunion du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

Nous recevons des témoins qui nous parleront de l'indemnisation éventuelle des marins de la marine marchande. Nous avons également une motion de M. Laurin, que nous examinerons après avoir entendu les témoins, ainsi qu'un avis de motion de M. Goldring, que l'on vous distribue et que nous étudierons à notre prochaine réunion. D'ici là, nous aurons eu un préavis de 24 heures et nous pourrons nous prononcer. Je dirais simplement que je ne veux pas entamer le débat sur cette question et que, pour le moment, il s'agit seulement d'un avis de motion.

Je signale que nous avons prévu de recevoir le ministre des Anciens combattants le 13 mai pour l'examen du budget des dépenses. Voilà où nous en sommes, mais pour ce qui est de M. Goldring nous examinerons sa motion à notre prochaine réunion s'il le désire. Mais pour le moment, ce n'est qu'un avis de motion.

Monsieur Laurin, votre motion a fait l'objet d'un avis suffisant, et nous l'examinerons après avoir entendu les témoins. Je pense que nous allons procéder de cette façon.

Mesdames et messieurs, avant de commencer, je vous dirais simplement que notre comité se penche sur deux questions importantes de façon plus ou moins simultanée. Du côté de la Défense, nous effectuons un examen intensif de l'approvisionnement et nous soumettrons un rapport au ministre, qui approuve tout à fait notre étude, en lui faisant, s'il y a lieu, des suggestions pour améliorer la procédure de passation des marchés. Et ce sera sans doute le cas.

Du côté des Anciens combattants, il n'est évidemment pas nécessaire de vous rappeler que nous examinons l'indemnisation éventuelle des marins de la marine marchande. Nous avons entendu jusqu'ici un certain nombre de témoins. Nous en recevons d'autres ce matin. Nous espérons pouvoir terminer nos audiences et régler cette question avant que le Parlement ne s'ajourne pour l'été. Nous espérons, et c'est sans doute probable, que nous pourrons terminer avant cela.

Malheureusement, il y a eu une certaine confusion au sujet de la comparution des témoins. Sans m'étendre sur le sujet, je dirais seulement qu'en tant que président je dois donner à tous l'occasion de comparaître. Toutefois, lorsque nous planifions ces comparutions, il faut que nous puissions compter sur les témoins et qu'ils ne changent pas d'avis pratiquement d'heure en heure, ce qui a malheureusement été le cas pour un témoin en particulier. Nous allons donc régler ce problème et accueillir tous ceux qui veulent témoigner devant le comité au sujet de l'indemnisation des marins de la marine marchande.

• 0905

Nous avons un échéancier que nous tentons de respecter et qui prévoit que nous terminions nos audiences et que nous prenions une décision et présentions notre rapport sur cette question avant l'ajournement de l'été. C'est certainement notre objectif; il n'y a pas de changement sur ce plan, et nous allons faire de notre mieux pour atteindre ce but.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui et leur demander de s'avancer jusqu'à la table. Il s'agit de M. Allan MacIsaac, président, Anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne, du capitaine Tom Brooks, commandant en second, Division Ottawa-Hull, Company of Master Mariners of Canada, du capitaine Peter Ady, conseiller national, Company of Master Mariners of Canada, et du capitaine Miriam Van Roosmalen, directrice, Division Ottawa-Hull, Company of Master Mariners of Canada.

Madame et messieurs, vous êtes les bienvenus. Nous nous réjouissons de vous accueillir ce matin pour entendre votre témoignage, après quoi les membres des deux côtés de la table auront des questions à vous poser. Si nous en avons le temps, nous procéderons sans doute à deux tours de table.

M. Goldring invoque-t-il le Règlement avant que nous ne commencions?

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Oui, monsieur le président. Je voudrais parler de l'avis de motion que j'ai présenté. Je crois qu'il a été soumis dans le délai prescrit et je voudrais également poser une question au sujet de la comparution du ministre en mai. Est-ce une date provisoire, ou a-t-elle été fixée de façon définitive?

Le président: En ce qui nous concerne, cette date a été fixée, et je crois que le ministre ne sera disponible qu'à ce moment-là. Je voudrais aborder cette question lorsque nous aurons entendu les témoins. Êtes-vous d'accord?

M. Peter Goldring: D'accord, mais, en attendant, puis-je laisser tel quel cet avis de motion, à moins qu'on ne nous dise la date précise à laquelle le ministre comparaîtra?

Le président: Lorsque nous aurons terminé l'audition de ces témoins, nous consulterons M. Wood et nous préciserons les choses à ce moment-là.

M. Peter Goldring: Très bien, merci.

Le président: Encore une fois, je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous avons hâte d'entendre vos témoignages. Qui va commencer? Monsieur MacIsaac, serez-vous le premier?

M. Allan MacIsaac (président, Anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne; Merchant Navy Coalition for Equality): Oui, monsieur.

Je suis le président des Anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne ou du moins l'un des présidents, et je suis le président du conseil d'administration de la Merchant Navy Coalition for Equality.

Monsieur le président, c'est la première fois que je comparais devant un comité aussi éminent, et je ne connais pas vos règles et votre procédure. Je vous demande de bien vouloir être patients avec moi, et je suis certain que vous me rappellerez à l'ordre si je m'écarte de la bonne voie.

Le président: Vous êtes certainement le bienvenu. Je suis sûr que vous ferez cela très bien. Vous connaissez le sujet que nous examinons. Du moment que vous parlez de l'indemnisation éventuelle des marins de la marine marchande, il n'y a pas de problème. Faites-nous votre exposé. Toute autre personne qui désirera ajouter quelque chose pourra le faire. Lorsque votre délégation aura présenté son témoignage, j'accorderai la parole aux membres du comité pour qu'ils vous posent des questions, et nous ferons sans doute deux tours de table.

Nous invitons les témoins à nous éclairer sur la situation. Nous avons sous les yeux de la documentation que nous avons tous eu l'occasion d'examiner. À moins que vous ne vouliez la lire mot pour mot, ce que vous pouvez faire, il serait sans doute bon de se rappeler que ce sont souvent les questions des membres du comité et les réponses des témoins qui suscitent les discussions les plus fructueuses.

Nous avons pris bonne note de votre témoignage, étant donné que vous l'avez soumis par écrit. Vous êtes ici maintenant pour faire des observations supplémentaires. Ensuite nous passerons aux questions. Vous pouvez donc nous lire votre mémoire si vous croyez nécessaire de le faire, mais souvent les témoins jugent plus efficace de souligner simplement ce qui est déjà dit dans leur mémoire. C'est à vous d'en juger, monsieur. Nous avons hâte de vous entendre.

M. Allan MacIsaac: Merci beaucoup, monsieur le président. Je serai le plus bref possible.

• 0910

Je suis accompagné aujourd'hui par des marins de la région de Toronto que je voudrais vous présenter. Il s'agit de Doug Poole, Cliff Craig, Jerry Haughey, Charlie Atkinson, Hal Roberts et George Henderson.

Le président: Vous êtes les bienvenus.

M. Allan MacIsaac: Vous remarquerez, monsieur le président, que nous ne portons pas nos médailles et nos rubans. Quelqu'un nous a dit que nous devrions le faire pour bien montrer que nous sommes des anciens combattants. Je peux vous assurer que nous sommes tous des anciens combattants. Nous astiquons nos rubans et nos médailles de façon à bien nous présenter lorsque nous reviendrons au Parlement toucher notre indemnisation.

Le président: Je peux vous assurer que notre comité est parfaitement au courant des services que vous avez rendus à notre pays, que vous portiez ou non vos médailles. Vos réalisations sont suffisamment éloquentes.

M. Allan MacIsaac: Merci beaucoup.

Bill Bruce, Bill Riddell et George Shaker n'ont malheureusement pas pu venir. Ce sont les représentants de la Merchant Navy Coalition for Equality.

Je dois également vous dire que j'ai parlé hier après-midi à Gordon Olmstead, qui est malade, comme vous le savez. Il m'a demandé de vous transmettre ses salutations, monsieur le président, ainsi qu'aux autres membres du comité.

J'ai également le plaisir d'être accompagné de Tom Brooks, qui représente avec moi aujourd'hui la Company of Master Mariners. C'est un honneur que de partager cette occasion avec lui.

Je voudrais simplement mentionner, monsieur le président, que mon camarade de bord de Terre-Neuve, Cyrl Brooks, a préparé un graphique montrant les navires de la marine marchande qui ont sombré sur la côte est du Canada, au large de Terre-Neuve et près des côtes de Land's End, en Angleterre. Il m'a demandé de remettre une copie de ce graphique à chacun des partis politiques de votre comité. Je crois que vous le trouverez très intéressant. Lorsque j'ai quitté mon domicile, hier matin, mon petit-fils pensait qu'il s'agissait d'énormes pétards. Il m'a demandé si j'allais à une soirée. J'espère qu'Elsie Wayne ne m'en voudra pas, mais je lui ai dit que j'allais à la soirée d'Elsie Wayne.

Ces graphiques vous montreront que la guerre se déroulait à notre porte. Ils montrent les navires qui ont sombré dans le Saint-Laurent, à l'embouchure du Saguenay et à l'extérieur du port de Halifax, et même dans le port de Wabana, à Terre-Neuve. Il semble assez incroyable, monsieur le président, que pendant longtemps on ait refusé de reconnaître la présence dans ces eaux du personnel de la marine marchande.

J'ai également le plaisir de dire que Fred Herrndorf, de l'Association des officiers de la marine du Canada, est ici aujourd'hui pour nous soutenir.

Cela dit, monsieur le président, je me ferai un plaisir de vous lire mon mémoire. Je vous signale qu'il a été soumis avant l'adoption du projet de loi C-61. Je voudrais toutefois le lire.

Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à comparaître. Nous nous réjouissons de ce que le comité ait adopté à l'unanimité une résolution recommandant un paiement forfaitaire pour les marins de la marine marchande en temps de guerre.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): J'invoque le Règlement avant que M. MacIsaac ne continue, car je voudrais apporter une précision à propos de son préambule. Je crois qu'il a remercié le comité d'avoir adopté une résolution recommandant un paiement forfaitaire. Le compte rendu montrera sans doute, monsieur le président, que nous n'avons jamais passé de résolution de ce genre. La seule résolution que nous ayons adoptée est celle qui demandait la tenue des audiences que nous menons actuellement.

Je tenais à le préciser, car je ne voudrais pas que nos témoins et les membres de leur association aient une fausse impression. Le comité étudie la question de l'indemnisation et formulera une recommandation lorsqu'il aura terminé son étude.

Le président: C'est exact.

Monsieur MacIsaac, j'ignore si c'était un lapsus ou non, mais M. Wood a parfaitement raison, comme le savent tous les membres du comité. Voilà pourquoi, en présentant le sujet d'aujourd'hui, j'ai parlé de «indemnisation éventuelle». Aucune décision n'a été prise.

Malheureusement, les médias ont émis des hypothèses selon lesquelles le comité penchait dans un sens ou dans l'autre. C'est tout à fait inexact. Le comité en est au milieu de ses audiences et est déterminé à entendre toute personne qui désirera témoigner. Les membres du comité ont peut-être leur propre idée sur la question, mais nous n'avons pas encore pris de décision en adoptant une motion ou en votant. Ce serait prématuré, car, comme vous le savez, nous n'avons même pas encore entendu tous les témoins.

• 0915

Je vous remercie de ce rappel au Règlement, monsieur Wood, et de cet éclaircissement. Il était important d'apporter cette précision.

Le comité est encore loin de prendre une décision à ce sujet, étant donné que nous continuons de recevoir des témoignages, comme celui que vous allez nous présenter aujourd'hui.

Veuillez continuer, monsieur.

M. Allan MacIsaac: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je m'en remets au comité et je ne conteste pas l'interprétation de ce rappel au Règlement. Toutefois, à ce propos, je vous demanderais simplement de vous reporter au fascicule 90 des procès-verbaux de votre réunion du jeudi 18 février 1999. Si vous le permettez, monsieur le président, je dirais simplement que le comité a délibéré au sujet de la motion suspendue d'Elsie Wayne. Elle était formulée en ces termes:

    Que le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants recommande que les anciens de la marine marchande soient considérés comme des anciens combattants, qu'ils reçoivent un paiement unique plutôt qu'une allocation comme les autres anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et qu'ils soient considérés comme des anciens combattants lors de cérémonies officielles.

    Après débat, la motion, mise aux voix, est adoptée.

Le président: Je pourrais peut-être vous éclairer à ce sujet. Nous avons convenu de proposer cette motion au comité. C'est ce qui a été convenu. Il s'agissait de mettre à l'étude la motion dûment proposée de Mme Wayne, que nous avons tous appuyée à l'unanimité, pour tenir ces audiences spéciales après l'examen du projet de loi C-61.

Nous avons convenu de mettre à l'étude la motion de Mme Wayne, de tenir des audiences et d'entendre des témoignages à ce sujet, comme nous le faisons aujourd'hui. Mais il ne faut pas en conclure que nous avons appuyé l'objectif de la motion. Nous étions d'accord pour l'examiner et tenir ces audiences, ce que nous faisons maintenant. D'accord?

M. Allan MacIsaac: Merci beaucoup, monsieur le président. Je ne reviendrai plus sur cette question.

Notre association représente la majorité des marins de la marine marchande encore vivants. Un bon nombre d'entre eux ne sont membres d'aucune organisation. Quoi qu'il en soit, nous espérons tous que l'on mettra fin, de façon satisfaisante, à la discrimination dont les marins de la marine marchande canadienne sont victimes depuis la Seconde Guerre mondiale, depuis 54 ans.

Au cours de ce témoignage, je parlerai brièvement du projet de loi C-61 et je vous présenterai un bref historique en tant que membre d'une marine marchande soumise à une discipline paramilitaire. Je vous démontrerai ainsi pourquoi nous sommes des anciens combattants et que nous aurions dû être désignés comme tels en 1945 et bénéficier des mêmes mesures législatives que nos camarades de l'armée qui ont eu accès aux programmes d'avantages sociaux et de reconstruction.

Nous avions l'obligation de servir notre pays. Nous avons dû signer des rôles, suivre un entraînement, faire partie d'un dépôt d'effectifs, recevoir un entraînement au tir ou obéir à un ordre d'embarquer à bord d'un navire. Nous étions soumis à la discipline du décret concernant les matelots marchands, du juge-avocat général, de la marine, de la police militaire, de la Gendarmerie royale du Canada, et nous avons navigué sous les ordres de l'amirauté. Nous ne pouvions tout simplement pas quitter le service.

Nous méritons une indemnisation pour avoir été exclus délibérément des programmes de rétablissement qu'un gouvernement reconnaissant a accordés à nos camarades militaires après la guerre.

Le projet de loi C-84, de 1992, était un programme exclusif, restrictif et limité. Il contenait certaines améliorations, mais beaucoup trop de lacunes. Le projet de loi C-61 propose des corrections. Il va finalement reconnaître les hommes et les femmes qui ont servi dans la marine marchande pendant la guerre comme des anciens combattants. Nous avons été exclus délibérément de cette désignation.

Nous serons visés par la même loi que les militaires. Nos services seront reconnus. Nous aurons accès aux mêmes prestations que les anciens combattants de l'armée. En 1993, le gouvernement a reconnu que nous n'avions pas accès aux mêmes avantages. Les critères d'évaluation seront les mêmes.

L'égalité et la reconnaissance que nous obtenons après plus d'un demi-siècle d'exclusion et de déni revêtent une importance fondamentale. Le projet de loi comprend une clause de transition. Il couvre les navires qui n'auraient pas été inclus avant. Il reconnaît les prisonniers de guerre qui ont été capturés à terre.

Le projet de loi C-61 est un projet de loi de finances. Il offre une aide plus importante aux conjoints des prisonniers de guerre, mais elle n'est pas suffisante. Il y a encore des lacunes à combler. Il faudrait prévoir un amendement pour accorder des pensions correspondant à la durée réelle, et non pas seulement aux 30 mois actuellement prévus. En moyenne, les prisonniers de guerre de la marine marchande ont été incarcérés pendant 50 mois.

• 0920

Le projet de loi ne comprend pas d'indemnisation pour le fait que le gouvernement nous a exclus, maltraités et négligés en nous refusant les prestations de rétablissement accordées aux militaires. En raison de cette politique délibérée du gouvernement, la marine marchande n'a pas pu se prévaloir de ces avantages pour améliorer son sort grâce à l'aide du gouvernement et contribuer encore davantage à la prospérité du pays. Nous n'avons pas été traités comme des citoyens à part entière.

Le gouvernement a négligé délibérément d'inclure les marins de la marine marchande afin qu'ils fassent partie des chefs de file de la vie commerciale, professionnelle et publique au cours des années à venir. C'était réservé au personnel militaire, dont le gouvernement a payé les études universitaires. Les marins de la marine marchande ont dû se contenter d'une formation professionnelle pour exercer des emplois en mer, où il n'y avait pas d'emplois. Il y a eu beaucoup de chômage après la guerre. La plupart des marins de la marine marchande vivent au-dessous du seuil de la pauvreté. Les hommes et les femmes de la marine marchande n'ont pas eu accès aux mêmes prestations que les militaires au cours du demi-siècle qui vient de s'écouler.

Le gouvernement a une dette envers nous. Nous payons des impôts, tandis que les militaires n'en paient pas. Nous avons dû faire des économies de guerre obligatoires. Et le gouvernement détient toujours les salaires non réclamés par les marins de la marine marchande.

Il n'y a aucune raison de refuser de nous reconnaître comme des anciens combattants. Nous formions la quatrième arme combattante pendant la Seconde Guerre mondiale. La brochure souvent citée que l'honorable Lionel Chevrier, ministre des Transports, a publiée en 1945 ne décrit pas toute la réalité et ne tient pas compte des documents et mesures du gouvernement qui réfutent ses affirmations quant au fait qu'ils bénéficiaient de meilleures conditions, d'une bonne rémunération et qu'on avait besoin d'eux après la guerre. L'honorable M. Mifflin a répété ces dires en ajoutant que le gouvernement n'aurait pas pu ajouter 12 000 personnes au million d'anciens combattants dont il assurait le rétablissement. Le nombre de marins de la marine marchande qui ont bénéficié d'une pension était minuscule, et l'accès aux services était beaucoup plus limité.

Nous avons été exclus de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, des prêts commerciaux et professionnels, des programmes de rétablissement, des études universitaires, de l'emploi dans la fonction publique, de l'assurance pour les anciens combattants, du rétablissement dans l'emploi et des autres avantages sur le plan des soins de santé. Les anciens de la marine marchande ont perdu des emplois au profit des militaires.

Dans notre mémoire, nous indiquons qu'en 1948 la Commission Brockington, nommée par le gouvernement, a reconnu le Canadian Seamen's Union comme l'agent de négociation légitime pour les marins hauturiers, mais ce syndicat a ensuite été détruit. Le maccarthysme, la paranoïa engendrée par les révélations de Gouzenko et l'opposition des armateurs au syndicalisme ont étouffé nos espoirs de nous faire reconnaître et traiter équitablement.

Quelques-uns des leaders du Canadian Seamen's Union étaient membres du Parti communiste. Le gouvernement s'est allié aux sociétés de transport maritime et aux syndicats internationaux, au CTC et au TLC, et a fait venir le gangster du Seafarers'International Union, Hal Banks. Il n'a pas eu à dévoiler son casier judiciaire. Il a assuré la privatisation et mis fin à un syndicat efficace et démocratique, le Canadian Seamen's Union. Il est devenu l'enfant chéri du Canada, mais ses méthodes brutales et dictatoriales ont incité la Commission Norris à le comparer à Hitler, Staline et Mussolini. Il a fui aux États-Unis pour échapper à la prison. Les marins de la marine marchande en paient le prix, sans que ce soit leur faute.

Je suis entré dans la marine marchande à l'âge de 15 ans et j'ai navigué dans des zones de guerre à bord d'un navire sous la protection de bateaux de guerre de la marine. Quand j'avais 17 ans, j'ai essayé d'entrer dans la marine, mais le capitaine chargé du recrutement m'a dit qu'on avait davantage besoin de moi dans la marine marchande. Quand je suis retourné sur mon navire, mon capitaine m'a dit que je ne pouvais pas partir parce que mon contrat m'obligeait à rester. Mon congé à terre a été annulé.

Nous avons suivi l'entraînement au tir dispensé par le personnel de la marine et nous étions affectés aux canons en cas d'attaque. Nous avons appris aux autres comment se servir du matériel de sécurité du navire.

Après la guerre, on m'a refusé une concession de terre et un emploi au chemin de fer du Canadien National et aux Postes canadiennes parce que je n'étais pas un ancien combattant. J'ai étudié à mes propres frais. J'avais besoin d'aide, mais je n'ai pas pu en obtenir. Mon cas a été la règle plutôt que l'exception. Pensez à tous ceux qui auraient pu bénéficier de l'aide gouvernementale accordée aux militaires et à la contribution encore plus importante qu'ils auraient pu faire au développement du Canada.

Le gouvernement s'est certainement rendu coupable de négligence et de discrimination envers les hommes et les femmes de la marine marchande.

Monsieur le président, certaines de nos recommandations ont déjà été corrigées. Je tiens à remercier tous les membres du comité pour l'excellent travail qu'ils ont accompli à cet égard.

• 0925

Notre première recommandation est que le gouvernement étudie et adopte le projet de loi C-61, compte tenu de l'importance qu'il revêt pour reconnaître enfin les hommes et les femmes de la marine marchande comme des anciens combattants, pour reconnaître la totalité de leur service en temps de guerre et pour les assujettir à la même loi que les militaires, avec les mêmes critères d'accès aux prestations.

Notre deuxième recommandation est que vous reconnaissiez que les anciens combattants de la marine marchande, le service où le taux de décès a été le plus élevé, soit de un sur huit, avaient l'obligation de servir, ce qu'ils ont fait, et cela sous le contrôle du gouvernement, et qu'ils ont été assujettis à la dure discipline imposée pendant la guerre.

Notre troisième recommandation est que vous adoptiez une nouvelle loi ou un décret ministériel pour accorder aux prisonniers de guerre de la marine marchande une pension pour la durée totale de leur incarcération, qui était en moyenne de 50 mois, alors qu'on ne reconnaît que 30 ou 36 mois.

Notre quatrième recommandation est qu'un décret ministériel accorde aux anciens combattants de la marine marchande ou à leurs conjoints une indemnisation à titre gracieux de 20 000 $, plus 20 000 $ supplémentaires pour les prisonniers de guerre ou leurs conjoints, en dédommagement pour la négligence et la discrimination dont le gouvernement a fait preuve en les excluant des avantages accordés aux militaires après la guerre et pour leur contribution à l'effort de guerre de leur pays. Il y a des précédents: les Canadiens d'origine japonaise internés pendant la guerre; les Inuits qui ont été relocalisés de force; les Premières nations victimes de mauvais traitements et de discrimination; les prisonniers de guerre de Hong Kong et de Buchenwald, et les prisonniers de guerre de la marine marchande d'Extrême-Orient.

Notre cinquième recommandation est que, comme ils ont payé de l'impôt pendant la guerre et que leur âge moyen est de 79 ans, et de 89 ans pour les prisonniers de guerre encore vivants, et que la longévité moyenne est de 76 ans et 81 ans respectivement pour les hommes et les femmes, et comme la plupart vivent au-dessous du seuil de la pauvreté, les anciens combattants de la marine marchande puissent vivre jusqu'à la fin de leurs jours sans payer d'impôt.

Notre sixième recommandation est que, étant donné leur âge avancé, la deuxième série de discussions sur l'indemnisation visant à remédier à cette injustice, et dont vous avez pris l'initiative, se poursuive le plus rapidement possible afin que la question soit réglée avant que tous les anciens de la marine marchande soient décédés.

Notre septième recommandation est qu'à titre d'indemnisation pour l'exclusion des marins de la marine marchande du programme d'études universitaires accordé aux anciens combattants militaires après la guerre, vous établissiez une bourse universitaire ou collégiale du millénaire pour les enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants des anciens combattants de la marine marchande comme il en existe une pour les anciens combattants des Premières nations et comme celle que le premier ministre a fondée pour les autres Canadiens.

Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais ajouter rapidement quelques mots.

Le président: Allez-y.

M. Allan MacIsaac: Il serait peut-être utile au comité que je lui dépeigne la façon dont je voyais le monde lorsque j'avais 15 ans, en 1942.

Un grand nombre de mes camarades d'école qui n'avaient que deux ou trois ans de plus que moi sont entrés dans l'armée, la marine et l'aviation et sont allés en guerre. Ils savaient que presque toute l'Europe, y compris la France, était occupée par notre ennemi et que cet ennemi était posté dans la Manche en attendant d'attaquer le Royaume-Uni. Nous savions qu'il y avait un manque de nourriture et autres produits. Nous savions que des centaines de navires de la marine marchande étaient coulés et qu'on manquait d'hommes. Notre gouvernement demandait aux gens de se joindre aux services armés, y compris à la marine marchande. Les affiches disaient: «Nous avons besoin de vous», ainsi que les journaux et la radio.

Nous étions inquiets, et la guerre dans le Pacifique et en Asie ne se déroulait pas très bien pour nous non plus. Je croyais à l'époque que je devais faire ce que je pouvais pour servir ce pays que j'aime tant. Vous pouvez vous demander pourquoi un jeune de 15 ans voulait quitter une famille heureuse et aimante, mais je me suis pratiquement sauvé de chez moi pour entrer dans la marine marchande. Je pensais que c'était la bonne chose à faire pour aider notre pays.

J'aimerais demander au comité de tenir compte de certains des aspects que j'ai mentionnés, de la considération dont jouissait notre pays à l'époque et du fait que nous pensions sincèrement qu'on avait besoin de nous.

Je puis vous dire, monsieur le président, que j'ai été apprécié durant la guerre, même si cette épinglette était mon seul uniforme. Après la guerre, par contre, j'ai été mis de côté. Il n'y avait ni possibilités de formation, ni emplois. J'ai tout simplement été laissé à moi-même, comme l'ont été bien d'autres personnes.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur MacIsaac.

Les autres membres de la délégation vont-ils également formuler des commentaires?

• 0930

Le capitaine Tom Brooks (commandant en second, Division Ottawa-Hull, Company of Master Mariners of Canada; Merchant Navy Coalition for Equality): Monsieur le président, je m'occuperai de tout pour notre équipe, et de cette manière ce sera moins long.

Le président: Vous allez donc faire les commentaires additionnels?

Capt Tom Brooks: Je vais maintenant formuler des commentaires. Je vais lire notre mémoire. Nous gagnerons du temps si les autres ne prennent pas la parole.

Le président: Excellent, merci beaucoup. Allez-y.

Capt Tom Brooks: Je vous remercie, monsieur le président et honorables membres du comité, d'avoir si gentiment invité la compagnie à parler de la demande de la marine marchande, qui demande un dédommagement pour les possibilités dont ses membres ont été privés.

Je m'appelle Tom Brooks, et je suis le commandant en second de la Division Ottawa-Hull de la Company of Master Mariners of Canada.

Je suis accompagné par le capitaine Peter Ady, qui représente nos anciens combattants de la marine marchande. Le capitaine Ady a subi une attaque à la torpille durant la guerre alors qu'il servait sur le pétrolier Athel Duke. Le capitaine Ady n'avait que 16 ans à l'époque.

M'accompagne également le capitaine Miriam Van Roosmalen, qui représente nos générations présentes et futures de capitaines de la marine marchande, au nom desquelles nous tenons à faire en sorte que les anciens combattants de la marine marchande reçoivent toujours les mêmes avantages que les anciens combattants et se voient pleinement reconnaître leur service de guerre.

La compagnie est une association professionnelle de capitaines de la marine marchande et d'officiers mariniers supérieurs s'intéressant activement à de nombreux aspects de l'industrie maritime. Il s'agit d'un organisme indépendant qui n'est affilié à aucun gouvernement, à aucune industrie, ni à aucun syndicat. La compagnie collabore étroitement avec d'autres associations du secteur maritime pour promouvoir les objectifs de tous les gens de mer et de l'industrie maritime et le professionnalisme de la marine marchande.

À l'heure actuelle, elle collabore avec la Merchant Navy Coalition for Equality pour obtenir un accès égal aux mêmes avantages que ceux conférés aux anciens combattants, un dédommagement pour les possibilités dont les anciens marins marchands ont été privés, et la reconnaissance de la marine marchande à titre de branche des forces armées en temps de guerre. Nous collaborons par ailleurs avec les autres grandes associations d'anciens combattants qui luttent afin d'obtenir l'égalité et un dédommagement pour les anciens combattants de la marine marchande.

Nous poursuivons deux objectifs dans le cadre des pourparlers menés avec le gouvernement. D'abord, nous voulons que tous les anciens combattants de la marine marchande reçoivent les avantages et la reconnaissance qui leur sont dus; et, ensuite, que les politiques et les lois visant les anciens combattants protègent nos membres actuels et à venir si jamais ils sont de nouveau appelés à naviguer en temps de guerre, au service du Canada, ou à travailler à bord de navires chargés d'appuyer des opérations de maintien de la paix.

Il y a plusieurs années, pendant nos entretiens avec Anciens combattants Canada, nous avons convenu de répartir les discussions sur les avantages, le dédommagement et la reconnaissance en deux catégories. La première concernerait les changements législatifs, qui devaient coûter peu, et dont la plupart sont maintenant intégrés au projet de loi C-61. La seconde porterait sur le dédommagement pour les possibilités dont les anciens marins marchands avaient été privés. La compagnie veut amorcer les négociations de la deuxième catégorie le plus tôt possible et sollicite votre appui à cet égard.

Le ministre des Anciens combattants a récemment déclaré: «... permettez-moi de répéter qu'ils [les anciens combattants de la marine marchande] ont droit aux mêmes avantages que les anciens combattants des forces armées.» Les anciens combattants de la marine marchande contestent cette déclaration en raison des nombreuses omissions et anomalies décrites dans le paragraphe 2.9 de notre mémoire—par exemple, entraînement au tir au canon, déplacements, hospitalisation, etc. Le ministre ne dit jamais que les anciens marins marchands obtiennent un accès égal à des avantages égaux. Or, c'est là ce que les anciens combattants de la marine marchande réclament depuis tant d'années.

La grande valeur du projet de loi C-61 tient au fait qu'il fait entrer plus de temps dans les périodes de service comptées aux fins du calcul du temps passé dans la marine marchande. À l'heure actuelle, le calcul se fait uniquement à partir du moment où le marin signait son contrat d'engagement jusqu'à celui où il le contresignait au débarquement; il ne prend donc pas en compte toutes les périodes de service décrites dans notre mémoire.

• 0935

D'autres lois fédérales reconnaissent que les anciens combattants de la marine marchande étaient de service même quand ils n'étaient pas engagés formellement. La Loi sur la pension de la fonction publique et le Règlement sur la pension de la fonction publique stipulent que le service dans la marine marchande était continu dans la mesure où il ne s'écoulait pas plus de 30 jours entre deux périodes de service consécutives.

Ces textes de loi reconnaissent que les membres de la marine marchande pouvaient ne pas être engagés pendant diverses périodes au cours des six années de la guerre: ils pouvaient alors être affectés à des travaux d'entretien et de radoub à bord, voyager à destination ou en provenance d'un navire, ou voir à des besoins personnels (par exemple, recevoir des soins dentaires ou hospitaliers, fréquenter une école ou prendre un congé annuel).

Par exemple, un de nos membres locaux a perdu d'importantes indemnités à cause de la définition restreinte de l'expression «période de service», quand il a tenté de racheter (service accompagné d'options) des périodes de service de guerre aux termes de la loi et du règlement susmentionnés.

Quand il a pris sa retraite en 1983,il a perdu environ 1 400 $ par année en prestations de pension, en raison de la différence entre notre calcul de sa période de service et celui fait par le gouvernement. Cela semble peu, mais comme il est maintenant à la retraite depuis 16 ans, la perte équivaut à environ 22 400 $. En outre, il continuera à perdre 1 400 $ par année jusqu'à ce qu'il meure. Le projet de loi C-61 reconnaîtra comme étant admissibles bon nombre de ces périodes de service, mais dans le cas de ce membre et de bien d'autres il est maintenant trop tard.

En outre, pendant la guerre, le gouvernement a dit de la marine marchande qu'elle était pratiquement une branche de nos armes combattantes, et il a lancé une vaste campagne publicitaire avec affiches, émissions de radio et autres médias pour encourager les Canadiens à s'engager dans la marine marchande. Les bureaux d'enrôlement du gouvernement conseillaient aussi aux candidats qui n'avaient pas l'âge voulu ou qui ne répondaient pas aux normes physiques pour s'engager dans les forces armées de se joindre à la marine marchande.

Toujours afin de trouver et de garder des marins, le gouvernement canadien conclut avec le gouvernement des États-Unis une entente qui interdisait aux Canadiens de traverser la frontière pour aller s'engager dans la marine marchande américaine, qui offrait un meilleur salaire, de meilleurs navires, de meilleures conditions de travail et de vie et de meilleures perspectives de carrière. Il n'y a pas à douter que les Canadiens qui s'engagèrent volontairement dans la marine marchande du Canada croyaient qu'ils rendaient un précieux service à leur pays en guerre.

Le ministère a soutenu qu'à la fin de la guerre le gouvernement assuma l'immense tâche de démobiliser plus d'un million d'hommes et de femmes des forces armées. Il est vrai que la tâche était énorme, mais aurait-il été bien difficile d'inclure dans le processus les quelques marins marchands volontaires qui souhaitaient eux aussi rentrer chez eux et y reprendre leur vie là où ils l'avaient laissée? Le petit contingent qu'ils formaient aurait ajouté bien peu à la charge de travail du gouvernement, au moment de la démobilisation. Pourquoi donc ce dernier a-t-il refusé aux anciens combattants de la marine marchande une démobilisation rapide et les avantages complets consentis aux autres anciens combattants? Il devait y avoir une autre raison.

Le ministère des Anciens combattants a par ailleurs déclaré dans une fiche documentaire publiée sur son site Web que:

    La plupart de ces avantages étaient refusés aux anciens combattants de la marine marchande parce que le gouvernement alors au pouvoir estimait que l'importante marine marchande du Canada qui avait participé à l'effort de guerre continuerait d'exister et qu'en conséquence ses quelque 12 000 membres n'avaient pas besoin des prestations de démobilisation qui avaient pour but de faciliter le retour à la vie civile de plus d'un million d'hommes et de femmes.

Ces propos traduisent bien l'attitude du gouvernement envers les anciens marins marchands. Une paraphrase du point de vue apparent du gouvernement pourrait se lire comme suit: nous savons ce qui vaut mieux pour vous; faites-nous confiance, et vous ne serez pas déçus.

Après la guerre, le Canada disposait d'une précieuse ressource à court terme qu'il pouvait utiliser pour rembourser une partie de ses dettes de guerre: la flotte de la Park Steamship Company (PSC). Les navires de la PSC du temps de guerre étaient construits suivant le modèle britannique de la classe North Sands, car c'était un modèle simple et facile à construire dans les chantiers maritimes canadiens en devenir.

• 0940

Ces facteurs en firent des bâtiments vétustes quasi instantanément le jour où la guerre prit fin. Pour que le Canada retire un quelconque avantage de son énorme investissement dans ces navires, il était impératif que ceux-ci continuent à servir pendant au moins quelques années après la guerre, alors que les cargos étaient rares.

Une fois ce boum passé dans l'industrie du transport maritime, la flotte battant pavillon canadien, ses marins, l'industrie de la construction maritime et sa main-d'oeuvre ne seraient rien de plus que des obstacles à éliminer pour protéger les profits à la baisse, face à une concurrence internationale grandissante.

Le gouvernement et les compagnies de transport maritime avaient donc tout intérêt à se constituer et à garder temporairement un bassin immédiat d'équipages captifs. De nombreux anciens combattants de la marine marchande croient qu'il existait entre le gouvernement et les compagnies de transport maritime une politique délibérée de coopération (pour ne pas dire une collusion ou une hypocrisie) dont l'objet était de priver les marins après la guerre de nombreuses prestations de réadaptation, de manière à les retenir dans une industrie sans avenir jusqu'à ce qu'ils n'aient plus aucune utilité pour l'État. Le décret no 3227, de mai 1945, confirme dans une certaine mesure l'existence d'une telle politique. On lit ce qui suit dans le décret:

    Ces avantages ne doivent pas être de nature à encourager les marins à quitter l'industrie à la fin de la guerre pour aller se placer dans d'autres secteurs de l'économie, car la Canada aura besoin des services de nombreux marins de la marine marchande qualifiés s'il veut conserver une marine marchande après la guerre.

Toute personne qui aurait lu ce décret, évoqué par ailleurs dans une brochure publiée en 1945, dont mon collègue vient tout juste de parler, aurait pensé que le mot «encourager» allait de pair avec «de généreuses mesures d'incitation financières; de meilleures conditions de vie et de travail; d'excellentes perspectives de carrière dans une flotte moderne après la guerre». Le gouvernement a fait preuve d'une grande malveillance en encourageant les anciens marins marchands à demeurer dans l'industrie.

Pour s'assurer qu'ils auraient du mal à quitter l'industrie et à opérer la transition à la vie civile, il les priva de l'accès égal à bon nombre des avantages décrits dans notre mémoire. Privés d'avantages suffisants après avoir servi le Canada à titre de volontaires pendant six ans dans certains cas, les anciens combattants de la marine marchande perdirent aussi bon nombre des avantages octroyés aux anciens combattants des forces armées et la chance d'être démobilisés promptement, de manière à pouvoir poursuivre leurs études, et celle d'être réintégrés à la société civile.

Pour prouver l'effet qu'eut la perte de ces avantages, disons qu'en 1996 ACC a estimé qu'environ 70 p. 100 des anciens combattants de la marine marchande avaient besoin de prestations liées au revenu, comparativement à seulement 30 p. 100 des anciens combattants des forces armées. La Loi sur les allocations aux anciens combattants défend par ailleurs aux anciens marins marchands de recevoir des prestations égales liées au revenu. Par exemple, la LAAC procura aux anciens combattants militaires 500 millions de dollars en avantages avant que les anciens combattants de la marine marchande touchent leurs prestations limitées en 1963 aux termes de la loi civile plus restrictive. Il faut multiplier ce montant par 6,48 pour l'exprimer en dollars de 1998, ce qui donne 3,7 milliards de dollars.

Voilà qui montre clairement que, même si la marine marchande avait droit à certains des avantages accordés aux anciens combattants, elle n'avait certes pas un accès égal aux mêmes avantages que ceux accordés aux militaires. Après la guerre, la marine marchande a reçu certains avantages qui ont peu à peu été améliorés en 1949, 1962, 1976, 1981, 1984 et 1992. Cela montre aussi que certains gouvernements antérieurs ont parfois manifesté le courage et la compassion nécessaires pour tenter de rectifier certaines erreurs au lieu de blâmer constamment le gouvernement de l'époque. L'actuel gouvernement canadien a encore beaucoup à faire.

Nous croyons qu'à la lumière de cette comparaison limitée la marine marchande est très raisonnable en réclamant un paiement à titre gracieux de 20 000 $. Le paiement à titre gracieux qui est demandé ici n'est pas calculé d'après les avantages potentiellement accessibles aux anciens combattants militaires, ni d'après les avantages que les anciens combattants militaires ont effectivement reçus. Les calculs figurant dans le mémoire ont pour seul objet de montrer les immenses différences qui séparaient les deux groupes à ces deux égards, de manière que le comité, le Parlement et la population canadienne puissent se faire une opinion bien à eux sur la question.

• 0945

Les anciens combattants de la marine marchande ne réclament aucun avantage rétroactivement. Le montant forfaitaire n'est qu'une très modeste compensation des possibilités dont les anciens combattants de la marine marchande ont été privés et faute desquelles ils n'ont pas pu faire la transition entre le service en temps de guerre et une vie civile enrichissante.

C'est aux environs de 1988 que les anciens combattants de la marine marchande ont commencé à exercer des pressions grandissantes et à réclamer un dédommagement, car ils ont alors compris qu'ils seraient bientôt trop vieux pour profiter suffisamment de toute loi qui améliorerait leurs avantages et prestations. Il est malheureux que les améliorations apportées au compte-gouttes aux prestations versées aux anciens combattants de la marine marchande depuis la fin de la guerre ne l'aient pas été plus tôt. Si tel avait été le cas, nous n'en serions pas aujourd'hui à essayer de guérir une plaie purulente. Personne ne doit s'étonner de cette demande de dédommagement, et personne ne doit se surprendre si les anciens marins marchands vieillissants se mettent à réclamer davantage plus ils avanceront en âge. Le projet de loi C-61 n'est qu'un des outils dont la marine marchande peut se servir pour obtenir la parité avec les anciens combattants des forces armées, relativement aux avantages et à la reconnaissance dont ces derniers bénéficient. Cependant, il ne répond en rien à la demande de dédommagement pour les possibilités perdues par les marins marchands.

Dans son histoire sur la réintégration des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, Walter S. Woods écrivait ce qui suit, dans sa conclusion:

    Le plus important facteur de réussite du programme canadien de réadaptation [...] réside sans doute dans l'attitude adoptée face au problème. Dans ce cas-là, il ne s'agissait pas de se dire: «Quel serait le montant minimal qui nous permettrait de régler le problème?», mais plutôt: «À combien notre dette s'élève-t-elle?»

Je termine mon exposé ici, et je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir donné l'occasion de vous faire part du point de vue de l'association des marins marchands sur l'indemnisation due aux anciens combattants de la marine marchande.

Le président: Merci, messieurs Brooks et MacIsaac, de même qu'à vos collègues. Nous avons donc entendu tous les représentants de la délégation, et nous vous en sommes reconnaissants.

Nous avons maintenant un peu plus d'une heure pour la période de questions. Je vous signale qu'à la fin de la période de questions nous étudierons la motion déposée la dernière fois par M. Laurin.

Nous commençons par un premier tour de questions de 10 minutes chacun, et je cède la parole à l'opposition.

Certains d'entre vous sont des membres tout récents du comité qui représentent la majorité. Sachez que mon rôle est de faire respecter les règles du comité et l'horaire prévu. Au cours de la première ronde de questions, j'accorde 10 minutes à chaque intervenant. Bienvenue à M. Goldring, du Parti réformiste, qui revient au comité et qui, à ce que nous voyons, semble avoir mal à la jambe et marche à l'aide d'une canne patriotique arborant fièrement le drapeau canadien. Nous allons recommander à M. Bouchard de faire la même chose au Québec, mais je ne suis pas sûr qu'il suivra notre conseil.

Monsieur Goldring, vous avez 10 minutes.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci au capitaine Brooks de son exposé.

Je voudrais signaler qu'il y a quelqu'un qui manque dans notre groupe de témoins et qui aurait bien aimé se joindre à eux s'il l'avait pu: il s'agit de Gordon Olmstead, qui s'est fait depuis longtemps le champion des droits des marins marchands. Je lui souhaite paix et contentement, à lui dont la santé semble actuellement fragile. C'est un homme très méritant.

Il y a d'abord une chose que j'aimerais mentionner et au sujet de laquelle je voudrais poser quelques questions: il vaut la peine de signaler, pour la gouverne des Canadiens, que 72 navires environ, dont certains étaient des cuirassés, ont sombré en mer, parce qu'ils se trouvaient en zone de guerre. Sur les 12 000 marins marchands qui ont servi pendant la guerre, 2 000 environ ont péri, ce qui représente, proportionnellement aux autres services des forces armées, un des nombres les plus élevés de pertes.

• 0950

J'aimerais savoir quel est le nombre de voyages effectués en moyenne par un marin marchand pendant la guerre. La plupart d'entre eux ont-ils effectué des voyages multiples? Avez-vous une idée du nombre de voyages effectués en moyenne par un marin marchand?

Capt Tom Brooks: Merci, monsieur Goldring.

Au cours de la guerre, les marins marchands pouvaient signer trois types de contrats. Le premier des contrats était un contrat de deux ans, dans le cas où un des voyages durerait deux ans, et le deuxième type de contrat était une entente au voyage: dans ce deuxième cas, chaque fois que le navire revenait au Canada le marin pouvait être congédié. Si le marin avait un contrat de deux ans, il se pouvait qu'à la fin de la guerre il n'ait fait au total que trois voyages; alors que s'il avait signé l'entente au voyage et se trouvait à bord d'un navire se rendant jusqu'aux Antilles pour faire remonter du pétrole le long de la côte est, il pouvait avoir fait jusqu'à 20 ou 30 voyages. Il m'est donc difficile de vous répondre.

M. Peter Goldring: Dans ce cas, peut-on dire sans se tromper que la majorité des anciens combattants de la marine marchande ont fait de multiples voyages?

Capt Tom Brooks: On peut le dire.

M. Peter Goldring: Dans ce cas, j'aimerais quand même rappeler que les voyages effectués se faisaient dans des eaux ennemies et que les marins marchands étaient constamment en péril. Si nous comparons leur sort à celui des autres services des forces armées, on constate que chez ces derniers certains peuvent se trouver dans des zones qui ne sont pas nécessairement dans le théâtre de guerre, alors que les marins marchands se trouvaient constamment sur le parcours de convois de guerre. Leur service était par conséquent extrêmement dangereux.

Capt Tom Brooks: En effet. Le nouveau marin marchand qui arrivait à bord à Halifax pouvait se trouver deux à trois heures plus tard en pleine zone de guerre, dès que le navire sortait du port. On peut inclure dans ce groupe tous ceux que nous représentons ici, car tous les anciens combattants de la marine marchande ont servi à bord de navires naviguant dans les zones côtières et de navires voyageant à l'étranger. Dès lors que vous partiez en mer et quittiez le port, vous pouviez vous retrouver en zone de guerre.

M. Peter Goldring: On a donc tout à fait raison, comme l'ont fait d'autres, de comparer les différents services des forces armées canadiennes au cours de la Deuxième Guerre mondiale et de dire que le vôtre était particulièrement dangereux, tout autant sinon plus que les autres.

Capt Tom Brooks: Tout à fait.

M. Peter Goldring: J'aimerais aborder certains des chiffres que vous nous avez fournis dans votre mémoire et parler des avantages, car j'ai l'impression que ce dont il s'agit ici, c'est de vous indemniser pour compenser l'absence d'avantages que vous auriez dû recevoir à partir de la fin de la guerre jusqu'à aujourd'hui. À votre avis, c'est cela qui représente l'injustice que vous avez subie, et c'est pour cela que vous demandez à être indemnisés: faute d'obtenir les mêmes avantages que les autres services, les marins marchands ont eu moins de chances à la fin de la guerre que les autres services. J'aimerais aborder certains de ces avantages de façon plus précise.

Dans le cas de la formation universitaire, vous parlez spécifiquement des anciens combattants; toutefois, vous conviendrez avec moi que la formation universitaire ne se calcule pas uniquement en dollars et en sous, mais va chercher beaucoup plus loin que le coût de l'éducation, puisque cette formation poussée a des effets bénéfiques sur la famille pendant plusieurs générations, n'est-ce pas? Autrement dit, je pense qu'il est de notoriété publique, ou qu'il est à tout le moins possible de le prouver par des chiffres, que les descendants immédiats de celui qui a reçu une formation universitaire et les générations qui suivent ont un meilleur niveau de vie. C'est sans doute parce que la formation universitaire permet d'avoir un revenu plus élevé, mais ces avantages se font sentir sur plusieurs générations. J'imagine que c'est difficile à calculer, mais ne diriez-vous pas avec moi que les répercussions se font sentir sur plusieurs générations, depuis la fin de la guerre jusqu'à aujourd'hui?

Capt Tom Brooks: Très certainement. Nous appelons cet avantage et d'autres encore le cadeau qui ne cesse de fructifier.

M. Peter Goldring: C'est très justement dit.

Si je continue dans la liste, je remarque que vous parlez de subventions d'établissement foncier. Qu'est-ce que cela veut dire, en bref? Pouvez-vous nous expliquer ce que les autres services ont obtenu comme subventions d'établissement foncier? De quel type de subventions s'agit-il?

• 0955

Capt Tom Brooks: La subvention d'établissement foncier permettait à quelqu'un de s'acheter une ferme, de s'acheter des meubles, des machines et du bétail, par exemple. Elle permettait également à un pêcheur de s'acheter un bateau. En gros, il s'agissait d'aide pour acquérir de gros biens.

La subvention d'établissement foncier offrait d'autres avantages aussi, mais le principal, c'est qu'elle permettait d'acquérir une ferme ou un bateau de pêche.

M. Peter Goldring: Il s'agissait donc de véritables subventions.

Capt Tom Brooks: Dans certains cas, il s'agissait de subventions, mais dans d'autres de prêts qu'il fallait rembourser au bout de quelque temps.

M. Peter Goldring: Mais dans ce cas-ci, ici aussi l'effet se fait sentir sur plusieurs générations: en effet, celui qui reçoit ce type de subvention a un énorme avantage par rapport à celui qui n'obtient rien. L'avantage se traduira par une meilleure qualité de vie pour sa famille d'une génération à l'autre, au fur et à mesure que l'on transmet la ferme et les autres possessions à ses enfants et à ses petits-enfants. Les chiffres que vous proposez ici tiennent-ils véritablement compte de ce que cela représente comme avantage d'une génération à l'autre?

Capt Tom Brooks: Certainement pas. Cela serait trop difficile à déterminer. La comparaison a déjà été assez difficile à effectuer avec les dossiers que nous avions en main. Il nous faudrait un actuaire pour pouvoir évaluer ce que cela représente comme avantage pour les enfants et pour les petits-enfants.

M. Peter Goldring: On peut donc parler d'estimation subjective minimale, n'est-ce pas? S'il était possible de calculer les avantages qu'ont représentés ces subventions sur les 50 années qui ont suivi, j'imagine que le chiffre que vous avez proposé pourrait être tout autre. Ce que vous donnez là n'est que le strict minimum.

Capt Tom Brooks: En effet: c'est le strict minimum, un chiffre de base. Cela ne tient compte de rien d'autre. D'ailleurs, certains de nos membres estiment qu'ils auraient pu demander jusqu'à 100 000 $ d'avantages. Et même encore, ce montant pourrait être encore plus élevé dans le cas des subventions d'établissement foncier et de la formation universitaire.

M. Peter Goldring: Je regarde, plus loin dans la liste, les subventions (entrepreneur, professionnel) de 1 800 $. Moi-même, qui suis issu de la petite entreprise, je sais que j'ai eu beaucoup de mal à m'établir parce que je n'avais strictement rien au départ. Lorsqu'on n'a pas un peu d'aide pour démarrer, il est bien difficile de lancer son entreprise. Diriez-vous avec moi que dans le cas des subventions aux entreprises et aux professions libérales on parle encore une fois de strict minimum? Si on prend l'exemple d'une petite entreprise qui grossit, on peut se demander si Michael McCain n'a pas eu un peu d'aide au départ. On parle ici de 1 800 $, mais qu'est-ce que cela représente pour quelqu'un qui a réussi à faire de son entreprise une entreprise gigantesque après avoir reçu pour démarrer une subvention d'entreprise de 1 800 $? Je pense que dans ce cas-ci également vous ne demandez que le strict minimum.

Capt Tom Brooks: En effet, c'est le strict minimum.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Merci.

[Français]

Le président: Je donne maintenant la parole à M. Laurin, du Bloc québécois, pour dix minutes.

M. René Laurin (Joliette, BQ): J'aimerais d'abord poser une question d'ordre technique.

M. MacIsaac affirmait dans sa présentation:

    3) que par voie législative on par décret l'on accorde de pleines pensions aux anciens prisonniers de guerre de la marine marchande du fait de leur captivité moyenne de 50 mois, quand on ne leur reconnaît qu'une période de 30 ou 36 mois;

Pourriez-vous me rappeler la raison pour laquelle on n'accorde pas la différence entre les deux?

[Traduction]

M. Allan MacIsaac: Le marin marchand qui a été fait prisonnier est resté incarcéré en moyenne pendant 50 mois. C'est sans doute dû au fait que les marins marchands ont été pris dans le tourbillon de la guerre dès le début. En effet, dès le premier jour de la guerre, un de nos navires marchands a sombré, et tous les marins ont été faits prisonniers, tandis que les autres services des forces armées...

• 1000

[Français]

M. René Laurin: Excusez-moi, monsieur MacIsaac. Je ne vous demande pas de nous donner une justification de la demande. Cela, vous l'avez bien fait. Vous dites que la durée moyenne de captivité est de 50 mois, mais qu'on ne reconnaît qu'une période de 30 ou 36 mois. Je veux que vous m'expliquiez d'où provient la différence et que vous me disiez pourquoi on ne reconnaît pas la différence de 14 ou 20 mois.

[Traduction]

M. Allan MacIsaac: Oui. Que je sache, c'est un chiffre qui a été calculé par le ministère des Anciens combattants et la Légion royale canadienne et qui se fondait sur la durée de service du personnel en uniforme des forces armées. Ce chiffre ne tenait pas compte des marins marchands, qui sont restés incarcérés pendant bien plus longtemps.

[Français]

M. René Laurin: Monsieur le président, je trouve que les mémoires qui nous sont présentés sont bien faits et reflètent la réalité et je suis sympathique à tout ce qui nous est dit dans ces mémoires. Il me semble que dans le passé, on n'a pas été tout à fait juste envers ces gens de la marine marchande, mais je voudrais vous faire part d'une réflexion. Je cherche une voie pour arriver à une solution qui permettra à tout le monde d'être heureux, mais je me rends bien compte que ce n'est pas facile.

Tout en admettant que l'histoire a peut-être été injuste envers les gens de la marine marchande, on a un problème. Comment va-t-on s'y prendre pour réparer les erreurs du passé? Dans le passé, on a été injuste, non seulement envers les gens de la marine marchande, mais aussi envers une foule d'autres gens.

Je suis enseignant de profession et j'ai été président du syndicat des enseignants. Je me rappelle avoir négocié des conditions de travail pour des jeunes institutrices qui travaillaient à 700 $ ou 800 $ par année dans une petite école de rang, qui enseignaient trois ou quatre degrés en même temps et qui, en plus, devaient payer à même leur salaire le bois nécessaire pour chauffer la classe pendant les mois d'hiver. Qu'arriverait-il si ces institutrices demandaient aujourd'hui un dédommagement parce que les institutrices d'aujourd'hui sont beaucoup mieux traitées? On reconnaît tous que ces gens ont été maltraités et sous-évalués et que la société a été bien injuste envers eux.

J'étais d'une famille à revenu modeste, mais j'ai quand même pu faire des études. Vous demandez qu'il y ait des bourses du millénaire spéciales pour vos petits-enfants et arrière-petits-enfants. Des confrères de classe que j'ai connus à l'école primaire n'ont pas pu faire d'études universitaires parce qu'ils n'avaient pas suffisamment d'argent. Il y en a qui réussissaient, je ne sais par quel procédé, à obtenir des gouvernements certaines bourses. Il n'y avait pas, à l'époque, de système officiel ou normé, mais certains députés réussissaient à débloquer des sommes pour aider certains étudiants dans le besoin. D'autres, qui ne connaissaient pas cette chose-là, en ont été privés. Plusieurs ont été dans l'impossibilité de faire des études universitaires parce que leur famille était trop nombreuse et n'avait pas l'argent nécessaire, alors que d'autres l'avaient.

Ces gens seraient aujourd'hui en droit de dire au gouvernement: «Vous avez aidé, au moyen de subventions, un certain nombre d'étudiants à faire leurs études universitaires et vous ne l'avez pas fait dans mon cas. Vous devriez donc me dédommager aujourd'hui.» C'est ce genre de chose que j'ai de la difficulté à concilier avec le présent. Si la génération actuelle voulait réparer toutes les erreurs du passé, on imposerait une dette colossale à nos enfants.

• 1005

Dans la province de Québec, le gouvernement étudie actuellement le cas des enfants de Duplessis. C'est terrible, ce que ces gens-là ont pu subir comme traitement de la part de la société. Aujourd'hui, même si on reconnaît que ces choses-là ont existé, nous est-il possible de réparer ces erreurs du passé? Si on avait dû agir à la place de ceux qui ont pris des décisions, est-ce que les décisions auraient été différentes? Si, par exemple, après la guerre en 1945, on avait reconnu aux marins marchands les mêmes avantages qu'aux anciens combattants, est-ce que les avantages auraient été au même niveau pour tout le monde ou s'ils auraient été moindres étant donné qu'on en aurait fait bénéficier un plus grand nombre de personnes? Je suppose que le gouvernement a dû agir en fonction d'une enveloppe budgétaire, d'un certain montant dont il disposait. S'il avait décidé de donner de l'argent à un plus grand nombre de personnes, est-ce qu'il aurait été en mesure d'en donner autant à chaque personne? Je dis «autant» entre guillemets parce que je pense que personne n'est devenu riche avec cela.

C'est le genre de questions que je me pose. Je suis très sympathique à ce que vous demandez et il me semble que ces gens-là auraient dû être traités, à l'époque, comme ils demandent à l'être aujourd'hui. Par contre, je me demande comment on va faire pour satisfaire et ces gens-là, et tous les autres envers lesquels la société n'a pas été généreuse dans le passé. Il s'agit d'une sorte de questionnement philosophique ou d'ordre humanitaire. En posant aujourd'hui un geste pour réparer les erreurs du passé, je deviens peut-être moi-même injuste envers d'autres qui mériteraient d'être indemnisés pour ce qu'ils ont subi dans le passé, ce qu'on ne peut pas faire.

Je sais que vous ne défendez pas la veuve et l'orphelin et tous ceux qui ont été maltraités. Vous défendez votre cas. À votre place, c'est ce que je ferais. Cependant, il s'agit de considérations que, personnellement, je ne peux oublier dans ma réflexion avant d'arriver à une conclusion. Je vous prie de ne pas croire que je m'oppose à ce que vous demandez. Ce n'est pas du tout cela. Il s'agit d'une réflexion que je suis en train de faire, et je voudrais que vous me fassiez part de vos commentaires pour m'aider à cheminer dans cette réflexion et à formuler, avec mes collègues du comité, des recommandations qui pourront satisfaire tout le monde.

J'aimerais vous entendre sur ces quelques commentaires.

[Traduction]

Le président: Avant de vous laisser répondre à M. Laurin, je vous signale qu'il vous reste environ une minute et demie. La réflexion de M. Laurin était assez longue, mais des plus intéressantes. Donc si vous pouviez nous donner une...

M. René Laurin: J'ai plus de 10 minutes?

Le président: Non. Dix minutes.

Vous avez donc, monsieur MacIsaac, un peu plus d'une minute pour faire part de vos commentaires à M. Laurin.

M. Allan MacIsaac: Merci, monsieur le président.

Je suis désolé, mais je n'ai pas l'habitude de questions aussi longues. Vous avez sûrement raison de dire que beaucoup de gens ont souffert des pertes économiques et de bien d'autres façons pendant la guerre.

Or, j'estime que le cas que nous vous exposons aujourd'hui est légèrement différent. Nous demandons tout simplement les avantages qui ont été accordés à d'autres anciens combattants. Bien entendu, si d'autres enseignants avaient obtenu des avantages dont vous aviez été privé en raison de la guerre, alors vous auriez certainement raison de vous en plaindre. Et nous vous accorderions notre soutien si vous veniez ici réclamer votre dû. Or, aujourd'hui, nous défendons la cause des marins marchands laquelle est en souffrance depuis près de 55 ans. Si nous agissons ainsi, c'est que, je le répète, nous savons être victimes de discrimination. Certains anciens combattants ont obtenu des prestations qui nous ont été refusées et c'est cette injustice dont nous vous parlons aujourd'hui.

Je crois que le capitaine Brooks aura peut-être d'autres commentaires à ce sujet.

Le président: Très brièvement, monsieur Brooks, car le temps est épuisé.

Capt Tom Brooks: Oui, très brièvement.

Les anciens combattants de la marine marchande réclamaient les mêmes bénéfices que les militaires. Certains ont fait la guerre pendant six ans, certains l'ont passée dans un camp de prisonniers. Leur vie a été brisée pour toute la durée de la guerre et nous réclamons pour eux une juste indemnisation. Ils ont été en zone de guerre tout le temps, ou presque.

• 1010

Je ne vois pas comment certains peuvent invoquer ces faits pour leur faire dire autre chose. Ils ont fait la guerre, ils ont été loin de chez eux pendant six ans. Vous me parlez d'un jeune qui aurait 25 ans maintenant et qui ne souhaiterait pas retourner à l'université. Pour ceux dont je parle, le choix n'existait pas.

Le président: Merci, monsieur Brooks.

Je vais maintenant accorder la parole à un député de la majorité.

Chers collègues, vous comprendrez que c'est un sujet très complexe et très émotif pour les témoins. Cela suscite aussi certaines émotions pour nous tous, qui sommes Canadiens. Je demanderais à tous les collègues de poser des questions de façon un peu plus concise pour que les témoins aient le temps d'y répondre et pour permettre un véritable échange d'idées.

J'accorde maintenant la parole à Bob Wood, secrétaire parlementaire du ministre des Affaires des anciens combattants. Vous avez 10 minutes, monsieur Wood.

M. Bob Wood: Merci, monsieur le président.

Monsieur MacIsaac et monsieur Brooks, quand les représentants de la Légion royale canadienne ont comparu devant le comité, ils ont soutenu que si nous devions indemniser tous les membres de la marine marchande qui n'ont pas réussi à obtenir les prestations versées après la guerre... Ils ont tenu des propos très, très prudents mais ils semblaient dire, sauf erreur de ma part, que si nous faisions cela il faudrait revoir tous les autres cas où des anciens combattants de l'armée n'ont pas profité pleinement de tous les programmes, peu importe pourquoi.

Or, si nous faisions ce que vous réclamez, vous comprendrez que cela représenterait des millions voire des milliards de dollars de dépenses pour le gouvernement pour indemniser tous les anciens combattants qui n'auraient pas profité pleinement des programmes d'aide d'après-guerre. À mon avis, le gouvernement doit avoir une vue d'ensemble de la situation. Ces chiffres m'inquiètent réellement.

Je me demande ce que vous pensez de la position de la Légion?

M. Allan MacIsaac: La position de la Légion royale canadienne a beaucoup évolué au fil des ans. Nous avons été ravis de constater, dans son dernier mémoire, qu'elle recommandait que les anciens combattants de la marine marchande soient indemnisés.

Je ne comprends pas du tout qu'ils puissent dire que d'autres anciens combattants réclameraient le même traitement si on nous accordait les bénéfices que nous réclamons. Nous ne demandons pas le versement de prestations de façon rétroactive. Nous disons que nous voulons recevoir les prestations qui ont été accordées à d'autres anciens combattants qui se sont trouvés incapables d'en profiter parce qu'ils n'avaient pas la qualité d'ancien combattant et n'y avaient donc pas droit. Si un décret nous accordait maintenant ces prestations, l'erreur pourrait être corrigée, mais ceux qui auraient pu obtenir ces bénéfices dans le passé ne pourraient pas les réclamer rétroactivement maintenant.

Je suis arbitre à la Commission de l'assurance-emploi depuis 23 ans. Si vous ne demandez pas vos prestations d'assurance-emploi, vous ne les recevez pas. Ce n'est pas un droit rétroactif. Ce n'est pas un droit qu'on peut réclamer après coup. Dans ce cas-ci, les prestations ne seraient pas versées aux militaires.

M. Bob Wood: Merci.

Monsieur MacIsaac et monsieur Brooks, vous avez bien souligné que le paiement forfaitaire que vous recommandez servirait à compenser les marins marchands des possibilités dont ils ont été privés et non pas des avantages qu'ils auraient pu recevoir. Si j'ai bien compris, monsieur, c'est votre solution à l'épineux problème qui se poserait si des dizaines de milliers d'anciens combattants de l'armée se présentaient pour réclamer les avantages des nombreux programmes d'après-guerre dont ils ne se sont pas prévalus.

Nous dites-vous que les anciens combattants des Forces armées ont eu la possibilité de réclamer les avantages mais ne l'ont pas fait, de sorte qu'ils sont exclus de la revendication des marins marchands? Je crois que oui. Monsieur, si c'est le cas, je comprends l'argument mais cela ne change rien au fait que certains n'ont pas profité des programmes offerts. Certains ont profité partiellement des programmes, d'autres pas du tout. Ne pourrait-on pas dire, monsieur, que si les anciens combattants de la marine marchande avaient été admissibles à ces programmes, un nombre équivalent d'entre eux y auraient participé? Votre proposition—corrigez-moi si je me trompe—semble tenir pour acquis qu'ils se seraient tous prévalus de ces programmes et qu'ils méritent donc tous d'être indemnisés. Cette hypothèse est-elle réellement valide?

• 1015

M. Allan MacIsaac: Non, je ne le crois pas, monsieur Wood. La somme que nous suggérons, entre 20 000 et 40 000 $, prend en compte certains critères.

Par exemple, j'ai été en service pendant trois années de guerre et, pendant cette période, il n'y a que trois ou quatre semaines où je n'étais pas en mer. Chaque fois que je prenais la mer, je traversais des eaux dangereuses. Quand j'ai repris ma vie comme civil, on m'a refusé une concession foncière. On m'a refusé des emplois sous prétexte que je n'étais pas un ancien combattant. Mais ce qui m'importe le plus, c'est qu'on m'a refusé une éducation. J'ai survécu à la guerre sans une égratignure mais j'étais réellement handicapé par mon manque de diplôme. C'était un réel handicap pour moi tout autant que la blessure grave de quelqu'un blessé à la guerre. Je n'ai jamais été en mesure de soutenir la concurrence de mes pairs qui avaient eu la chance de poursuivre leurs études. Je veux parler de mes pairs de l'armée, de la marine ou de l'aviation. Je n'ai pas eu la chance de profiter de ces avantages-là comme l'ont fait les anciens combattants des Forces armées.

Les paiements de 20 000 et de 40 000 $ tiennent compte de tous ces facteurs. Je crois qu'ils doivent s'appliquer à tous nos membres. On leur a refusé non seulement la possibilité de poursuivre leurs études mais aussi une multitude d'autres avantages.

Le président: Je ne suis pas convaincu que M. MacIsaac a répondu à votre question telle que je l'avais comprise. Voulez-vous...

M. Bob Wood: Je crois que M. Brooks veut dire quelque chose.

Le président: Monsieur Brooks.

Capt Tom Brooks: Merci.

Nous ne réclamons pas tous les avantages qu'ils ont reçus. Et vous avez tout à fait raison de dire que si ces avantages avaient été offerts aux marins marchands à l'époque, je ne sais pas quel pourcentage d'entre eux s'en seraient prévalus. Nous disons que d'après les renseignements que nous avons on pourrait aisément justifier le versement de 20 000 $. Si nous devions faire le total, calculer les pourcentages et le reste, il est probable que nous puissions obtenir beaucoup plus. Nous le croyons. Ces 20 000 $ n'ont rien à voir avec les 13 p. 100.

Les militaires ont eu droit à des services de counselling pendant la guerre et après. Les marins de la marine marchande eux n'ont rien eu. De nombreux anciens combattants de la marine marchande ne savaient même pas à quels avantages ils avaient droit. En 1943, les Forces armées ont donné une formation spéciale à des militaires qui sont allés outre-mer. Ils étaient tenus au courant de tous les programmes mis au point pour les militaires. Au moment de la démobilisation, un militaire remplissait un formulaire sur lequel il indiquait ce qu'il souhaitait faire. Les conseils en orientation étaient offerts avant la démobilisation et continuaient de l'être après la réinsertion dans la vie civile. Les trois armes ont nommé des agents chargés de conseiller et d'orienter les militaires démobilisés. Il y avait des conseillers en orientation dans tous les centres de démobilisation. Des consultations de suivi étaient autorisées. La marine marchande n'a jamais eu droit à un tel programme.

J'ai du mal à trouver crédibles certains des pourcentages qu'on a cités d'anciens combattants des forces armées qui n'ont jamais profité des programmes ou qui ont été les seuls à en profiter. J'aimerais pour ma part voir ces chiffres et j'aimerais les comparer au pourcentage d'anciens combattants de la marine marchande.

M. Bob Wood: Comme vous le savez, messieurs, les Canadiens souhaitent surtout que l'on aide les anciens combattants dont les besoins sont les plus grands. Pour cette raison, je pense que bon nombre de nos programmes sont assortis à des conditions de ressources pour que ceux qui ont les plus faibles revenus reçoivent une aide plus conséquente. Si vous proposez le versement d'une somme forfaitaire, n'est-ce-pas injuste envers les marins marchands qui sont dans le plus grand besoin? N'est-il pas vrai que certains marins marchands plus aisés recevraient une manne de 20 000 $? Ce que j'aimerais savoir, messieurs, c'est si vous avez déjà envisagé un programme d'indemnisation grâce auquel les sommes pourraient être versées aux marins marchands et à leurs conjoints qui ont le plus besoin d'aide?

M. Allan MacIsaac: Si vous m'accordez une minute, monsieur Wood, j'aimerais répondre à votre première question au sujet du pourcentage de militaires qui ont profité des divers programmes d'aide.

Le président: Je vous demanderais de vous en tenir à la dernière question puisque le temps file.

• 1020

M. Allan MacIsaac: D'accord. En ce qui a trait à votre commentaire sur les gens dans le besoin, les avantages que nous réclamons représentent le montant cumulatif après près de 55 ans et nous croyons qu'il ne faut pas établir de critères de ressources maintenant. Je crois que tous les marins marchands ont droit à ce paiement symbolique que nous réclamons.

Le président: Monsieur Brooks.

Capt Tom Brooks: Je ne crois que nos membres y voient là une manne. Ils estiment y avoir droit. Cela n'a rien à voir avec l'état de leurs finances aujourd'hui. C'est un paiement symbolique pour les compenser de possibilités perdues, et c'est une somme minimale.

Le président: Merci.

M. Bob Wood: Ai-je le temps de poser une courte question?

Le président: Le temps est épuisé. Je tenterai de vous redonner la parole au deuxième tour.

J'accorde maintenant la parole à M. Stoffer du NPD pour dix minutes.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président. Je dois dire que c'est un merveilleux comité quand le NPD a droit à dix minutes pour poser une question au lieu des cinq minutes habituelles.

D'abord, je vous prie de m'excuser d'avoir manqué le début de la réunion. J'étais avec ma collègue Elsie au petit déjeuner de la prière pour rencontrer Mlle Kim Phuc. C'est cette femme vietnamienne qu'on a vue dans une photographie fuyant une attaque au napalm. Elle était très intéressante. Nous nous excusons donc d'avoir manqué le début de la réunion.

J'aimerais vous remercier de vos exposés. Je remplace aujourd'hui M. Gordon Earle qui est le porte-parole de notre parti en matière de défense qui s'occupe actuellement du dossier du Kosovo. Je vous transmets ses félicitations pour la qualité de vos exposés.

Permettez-moi de réfléchir un peu à haute voix. Vous dites que vous avez été en situation de combat et que vous avez été la cible de torpilles. Je ne voudrais pas dire que vos efforts étaient vains. Par exemple, on a marqué la semaine dernière le 55e anniversaire de la libération par des Canadiens de Westerbork, ma ville natale en Hollande. La dernière fois que j'ai parlé à des marins marchands qui comparaissaient devant le comité, j'ai dit que mon père et ma mère avaient été sauvés par des Canadiens. Comme je suis né en Hollande, je voulais vous faire savoir que vous avez devant vous le fruit de vos efforts. Sans les efforts du gouvernement et des militaires canadiens, hommes et femmes, je ne serais pas là aujourd'hui et mes parents non plus. J'ai parlé à mon père hier soir et il m'a demandé de vous remercier sincèrement de vos efforts.

L'an dernier, le gouvernement canadien a versé 20 millions de dollars canadiens, soit 13 millions de dollars US, à la Ethyl Corporation des États-Unis pour régler un différend sur le MMT, l'additif à base de manganèse que l'on ajoute à l'essence. Nous n'avons même pas permis aux tribunaux de trancher; nous avons accepté un règlement hors cour et nos leur avons versé 20 millions de dollars. Or, vous devez vous battre année après année pour arracher un maigre 20 000 $ pour chacun des anciens combattants encore vivants. La cruauté et l'intransigeance du gouvernement dans ce dossier me renversent. Il me semble qu'il devrait se montrer généreux et vous présenter un chèque avec tambours et trompettes; il me semble que ce serait rentable pour eux au plan politique mais c'est aussi un devoir moral.

J'aimerais vous poser deux ou trois questions. A-t-on déjà dressé la liste des marins marchands encore vivants selon l'endroit où ils habitent au Canada? Je suis du port de Halifax, je vous le signale, et je sais qu'il y en a un bon nombre dans les Maritimes. Sait-on où habitent les derniers marins marchands? Ensuite, si tous vos efforts de lobbying auprès du comité du gouvernement restent vains, songez-vous à intenter des poursuites contre le gouvernement?

M. Allan MacIsaac: D'après les dossiers des membres de la [Merchant Navy Veterans Association], pour autant que nous puissions en juger, il y en a plus de 400 en Colombie-Britannique, plus de 400 en Ontario et plus de 400 dans les provinces de l'Atlantique. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous donner une ventilation plus détaillée.

Quant à savoir si nous envisageons des contestations judiciaires, nous venons de présenter une demande dans le cadre du programme de contestation judiciaire. Nos espoirs s'épuisent de ce côté-là. Nous comptions accuser le gouvernement de discrimination mais il y a prescription en raison de la date d'entrée en vigueur de la Charte des droits. Nous avons appris qu'avant l'entrée en vigueur de la Charte, la discrimination n'était pas un crime. Cela nous a empêchés de poursuivre dans cette veine. Nous pensons en saisir les Nations Unies.

• 1025

M. Peter Stoffer: Ma question suivante s'adresse au capitaine Miriam Van Roosmalen—un bon nom néerlandais, en passant. Manifestement, vous n'appartenez pas au groupe de l'âge d'or mais vous êtes maintenant membre de l'association et vous entendez parler de ce dossier depuis que vous y êtes. Ce doit être extrêmement frustrant pour vous d'entendre tout cela quand nous tentons d'aider et de défendre les anciens de la marine marchande en obtenant pour eux une compensation adéquate à laquelle ils sont en droit de prétendre. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, d'abord comme femme, ensuite comme personne jeune.

La capitaine Miriam Van Roosmalen (directrice, Division Ottawa-Hull, Company of Master Mariners of Canada; Merchant Navy Coalition for Equality): C'est un débat qui dure depuis des années. Les anciens combattants de la marine marchande attendent depuis 55 ans qu'on reconnaisse la valeur des services qu'ils ont rendus au pays.

En fait, je suis là pour défendre l'avenir aussi. Les gens de mer dont je suis pourraient se retrouver dans la même situation que les marins marchands il y a 55 ans. Il y a deux raisons pour lesquelles je suis prête à défendre si farouchement les intérêts de ce groupe.

D'abord, il faut bien admettre que ces gens à qui on a demandé de servir leur pays ont été privés de choix. Ils se sont portés volontaires pour servir leur pays et ils se sont retrouvés privés de choix à la fin de la guerre. C'était une situation très difficile pour eux tandis que moi j'ai été chanceuse. J'ai eu beaucoup de choix pour avancer ma carrière en mer. J'ai donc plusieurs raisons de vouloir défendre leur cause.

M. Peter Stoffer: C'est le 250e anniversaire de la fondation de Halifax par Edward Cornwallis. J'aimerais vous inviter, vous, vos associés et les membres de votre famille à visiter la merveilleuse province de la Nouvelle-Écosse en juillet où vous pourrez participer aux festivités et revivre les souvenirs que vous avez de l'époque de la guerre.

Je vous remercie encore de vos efforts. Bonne chance et que Dieu vous garde tous.

Le président: Merci, monsieur Stoffer, de cette belle publicité pour une grande ville et une grande province. J'espère que nous pourrons tous...

M. Peter Stoffer: J'ai oublié une chose très importante. Je tiens à souhaiter publiquement bon retour à Mme Longfield que nous retrouvons à la Chambre des communes et au comité après la belle peur qu'elle nous a faite. C'est une grâce pour nous de vous voir là, madame Longfield. Meilleurs voeux.

Le président: Merci, monsieur Stoffer. Nous sommes certainement heureux de revoir notre collègue et de lui trouver si bonne mine.

Nous passons maintenant à Mme Wayne du Parti progressiste conservateur pour 10 minutes.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Merci.

D'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Muriel MacDonald, cette petite dame aux cheveux gris. Cette petite dame n'a pas ménagé sa peine. Je me rappelle la première fois que je suis venue sur la Colline en 1993, elle venait très souvent me rendre visite avec d'autres intervenants. Chaque fois qu'il y a une réunion sur la marine marchande, Muriel est là. Alors, Muriel, vous méritez énormément de reconnaissance et je pense que vous n'en obtenez pas assez. Nous vous remercions tous de votre excellent travail.

Pouvez-vous me dire, monsieur Brooks ou monsieur MacIsaac, combien de membres vous comptez? Vous dites qu'il y en a environ 1 600 à l'heure actuelle. Est-ce le chiffre exact ou sont-ils près de 2 000 marins marchands vivants?

M. Allan MacIsaac: D'après nos calculs et d'après les renseignements obtenus des archives de Transports Canada, des Affaires des anciens combattants et de nos propres associations, il y a environ 2 000 anciens combattants. Nous calculons qu'il y a probablement entre 600 et 1 000 conjoints.

Mme Elsie Wayne: C'était en 1992, il me semble, quand Gerry Merrithew a fait adopter la Loi sur les pensions et allocations de guerre pour les civils, et 100 millions de dollars ont été versés à ce compte pour la marine marchande.

Monsieur le président, vous vous souviendrez que quand M. Mifflin a comparu devant le comité, je lui ai demandé où se trouvait cet argent dont il ne reste que 88 millions de dollars. Cet argent est en quelque part, il est censé se trouver dans le compte et ce serait suffisant pour verser la compensation. Si l'on examine les chiffres, il n'en faudrait même pas la moitié. Or, tout le monde me répond qu'on ne trouve pas les 88 millions de dollars. On a mis dans le compte pour la marine marchande 100 millions de dollars. Il n'en reste plus que 88 millions et nous les cherchons. Nous devons les trouver—nous devons absolument les trouver. Moins de la moitié de cette somme serait nécessaire.

• 1030

Laissons de côté la question de savoir si nous avons ou non l'argent. L'argent est là en quelque part et je prie le ciel que l'argent n'a pas servi à rembourser la dette. Je prie le ciel que nous n'avons pas fait cela.

Il y a ici aujourd'hui un homme qui m'a fait parvenir un rapport. Il s'agit de Willis Marsolais qui est assis là et qui porte un petit coupe-vent blanc. À l'âge de 14 ans, il a quitté Halifax pour se rendre à Londres. Alors qu'il revenait chercher du matériel nécessaire pour nos troupes, ils ont été encerclés par les Allemands.

Les Allemands ont arraisonné leur bateau et l'ont blessé par balle à une jambe—il avait 14 ans. Savez-vous ce qu'ils ont fait de lui? Ils l'ont mis dans le bateau Allemand et l'ont jeté dans une cale remplie de sel comme ballast, alors que sa jambe saignait toujours. Il y est resté quatre jours. Quand ils l'ont débarqué une fois rendus en Allemagne pour l'envoyer dans un camp de prisonniers de guerre, ils lui ont dit: «Vous êtes un espion et nous allons vous abattre». Bonne mère de Dieu ce que cet homme a vécu. Il a été prisonnier de guerre jusqu'à l'âge de 17 ans.

Quand on lit pareille chose, comment l'un de nous, peu importe son parti, pourrait-il refuser que soient indemnisés les marins marchands. Je sais que nous avons tous des coeurs. Bonne mère de Dieu, personne n'aurait pu vivre un pire enfer que cet homme. Cela me secoue; cela me pince le coeur.

Je sais, Bob, que vous craignez le nombre de ceux qui pourraient se présenter en conséquence. Mais je vous rappelle que nous venons de leur reconnaître le statut de quatrième arme des forces armées. Nous l'avons fait en déposant ce projet de loi. L'Angleterre leur a reconnu ce statut déjà en 1945 et les États-Unis aussi par la suite. Ils ont eu droit à une police d'assurance; c'est ainsi que l'on a procédé là-bas.

Ils se sont réunis, la coalition et l'autre groupe qui a déjà comparu devant le comité. Je crois savoir qu'ils font front commun. Il n'y a pas de dissension dans les rangs. Chacun de nous autour de cette table a le devoir de veiller à ce que ces hommes touchent une juste compensation. Si c'est 20 000 $...

Il me semble, monsieur MacIsaac, que quelqu'un a préparé une trousse. Nous l'avons reçue d'un des témoins du comité qui disait que la compensation serait calculée à tant du voyage. Je ne sais pas si vous et le capitaine Brooks avez examiné cette proposition ou non ni ce que vous en pensez.

M. Allan MacIsaac: Merci, madame Wayne. Comme d'habitude, vous avez mis dans le mille. Je vous remercie d'avoir signalé au comité la présence de Muriel MacDonald. Nous ne pourrions pas continuer sans elle.

Quant au calcul proportionnel des avantages proposé par certains marins marchands, nous avons examiné très attentivement la proposition. Nous savons qu'elle a du mérite. Nous savons que les avantages des militaires en uniforme étaient calculés selon une formule au prorata.

Si nous prenons notre situation et le fait que nous demandons uniquement un paiement symbolique de 20 000 $—chacun sait fort bien que nous pourrions justifier par des calculs une somme de 100 000 $ et que 20 000 $ est un paiement symbolique—c'est la façon de procéder que nous préconisons.

Mme Elsie Wayne: Je ne vais pas prendre plus de temps. Nous avons l'argent; nous devons tout simplement découvrir ce que nous avons bien pu faire des 88 millions de dollars. Nous devons les retrouver très rapidement parce que nous ne voulons pas que cette somme soit dépensée ailleurs. Nous avons suffisamment d'argent et nous avons encore plus de 40 000 $ à la banque pour poursuivre nos efforts pour les marins marchands, jusqu'à ce qu'ils obtiennent leur compensation.

Le président: Merci, madame Wayne. Je vous remercie de vos commentaires.

Avant de passer au deuxième tour de questions, j'aimerais faire part d'une information à nos collègues du comité au cas où ils ne seraient pas au courant.

• 1035

Malheureusement, l'un des problèmes auxquels nous nous sommes heurtés au comité c'est que les principaux intervenants de la marine marchande ne disent pas tous la même chose. La semaine dernière nous avons reçu par télécopieur de nombreux messages à mon bureau. Je ne vais pas vous nommer de nom mais une personne que nous espérons recevoir au comité et qui devait comparaître nous a fait savoir qu'elle ne venait pas. Vous ne croiriez pas le nombre de messages qui ont été échangés par télécopieur. Allait-il comparaître? Refusait-il de venir? Il venait une minute; la minute d'après il ne venait pas.

Ce témoin dit maintenant qu'il aimerait comparaître mais seulement tel jour et à telle heure et pendant une durée limitée. En ma qualité de président du comité, je dois faire respecter certaines règles et être équitable envers tous les membres du comité quel que soit leur parti. C'est ce que j'ai essayé de faire de mon mieux. Nous voulons certainement être équitables envers les marins marchands et entendre tous ceux qui veulent comparaître devant le comité avant de prendre notre décision.

Il y a eu un malentendu un peu plus tôt, madame Wayne, avant que M. Stoffer et vous arriviez. Je comprends que vous êtes arrivés en retard pour une très bonne raison. On avait cru comprendre qu'il y avait eu une décision unanime d'offrir une compensation. Pour ce qui est de votre motion, j'ai expliqué à M. MacIsaac et à la délégation que ce dont on avait convenu à l'unanimité, c'était de présenter votre motion et de tenir les audiences.

Mme Elsie Wayne: C'est exact.

Le président: Mais nous sommes loin d'avoir pris une décision finale dans ce dossier. Je tenais simplement à le préciser. À titre de représentant élu, j'ai constaté durant ma carrière de 13 ans en politique municipale qu'il est beaucoup plus facile d'entendre un groupe de témoins du même avis. Malheureusement, même si j'aimerais bien que ce soit le cas ici, il n'en est rien. J'espère que nous pourrons en arriver à un certain consensus quant aux témoins que nous entendrons. La semaine dernière encore, nous recevions une avalanche de messages par télécopieur—ma machine a failli tomber en panne—pour savoir si nous entendrions certains témoins, à quelles conditions, etc.

En ma qualité de président, j'essaierai d'inviter ces témoins, mais je ne puis leur permettre de fixer les dates de leur comparution et le temps dont ils disposeront. Pour la plupart, vous n'avez pas demandé de traitement de faveur. Je dois traiter tous les témoins équitablement. Je signale simplement à mes collègues et aux témoins qu'il y a eu certaines dissensions internes, si l'on veut, qui nous compliquent la tâche à nous députés. J'espère que ce problème sera résolu d'ici à ce que nous ayons entendu tous les témoins.

Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: J'ai reçu quelques appels téléphoniques à ce sujet. Les deux groupes se sont ralliés. Ils ont discuté et ont résolu bon nombre de leurs différends.

Le président: Oui, c'est vrai.

Mme Elsie Wayne: Il faut peut-être présenter des excuses à cet autre témoin qui devait venir devant nous, car personne ne devrait critiquer cet homme. Il a toujours fait de son mieux pour défendre les intérêts de tous. Ce problème a peut-être également été résolu.

Le président: Oui, d'accord. Je ne voulais pas vraiment critiquer mais plutôt vous expliquer les difficultés qu'ont les membres du comité lorsque les témoins ne partagent pas le même avis. De toute façon, cela se réglera avec le temps.

Je vais maintenant entreprendre un deuxième tour de table de cinq minutes. Nous commencerons de nouveau par l'opposition officielle, soit par M. Goldring, puis nous passerons au parti ministériel, à l'opposition de nouveau, etc., selon le temps qu'il nous reste.

Nous devrons terminer notre période de questions vers 10 h 55. On m'a dit qu'il y aura probablement une sonnerie d'une demi-heure à 11 heures pour convoquer les députés. C'est possible, mais ce n'est pas encore certain. Nous pouvons donc poser des questions jusqu'à 10 h 55 environ, peut-être un peu plus longtemps si les députés peuvent rester. Je vais néanmoins traiter la motion de M. Laurin avant de lever la séance.

Commençons par M. Goldring dans ce deuxième tour de table de cinq minutes. Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.

J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un don. Ce dont nous parlons, c'est d'une indemnité juste et équitable à l'égard d'une discrimination qui dure depuis des années. Il faut le souligner afin que ce soit tout à fait clair. Le problème vient de ce que le gouvernement du Canada a imposé des normes différentes aux différentes armes. À mon avis, c'est au gouvernement qu'il incombe de corriger cette situation.

• 1040

On a fait le calcul en fonction du nombre d'années depuis la guerre—je ne puis vous fournir de chiffres exacts compte tenu de la complexité de ce calcul—mais la somme est réclamée en guise de compensation pour toutes ces années où les anciens combattants de la marine marchande ont été désavantagés économiquement par rapport aux autres anciens combattants des trois armes. Je veux que ce soit clair et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur MacIsaac. Avez-vous des observations à ce sujet?

M. Allan MacIsaac: Oui, vous avez raison, monsieur. Je suis bien content de faire votre rencontre, après vous avoir parlé à de nombreuses reprises au téléphone.

Nous avons calculé qu'une indemnité symbolique de 20 000 $ devrait être versée aux anciens combattants de la marine marchande et une indemnité de 40 000 $ aux prisonniers de guerre de la marine marchande. Dans le cas des prisonniers de guerre, le nombre d'années pourrait être de 60 si l'on tient compte des cinq années d'incarcération. Nous avons calculé ce chiffre sur lequel tous s'entendent. Tout le monde convient de ce qu'il ne s'agit pas seulement d'une prestation symbolique.

Il serait possible de calculer ce que chacun des anciens combattants a vraiment perdu, ce qu'il en coûterait au gouvernement pour combler l'écart si chaque ancien combattant avait profité de ces possibilités, et le montant serait de plus de 100 000 $. Ce que nous proposons maintenant, c'est un paiement symbolique qui devrait s'appliquer à tous—à tous ceux qui ont signé les rôles d'équipage et qui étaient prêts à se rendre dans les eaux dangereuses.

M. Peter Goldring: Le terme symbolique n'est peut-être pas celui qui convient, mais pourrait-on dire que les anciens combattants de la marine marchande estiment que c'est une indemnité de rattrapage nécessaire, une reconnaissance par le gouvernement du préjudice qu'ils ont subi? Je ne trouve peut-être pas le mot juste, mais je ne crois pas qu'il faille parler d'indemnité symbolique, puisque pour les anciens combattants de la marine marchande, il est essentiel que ce tort soit redressé.

M. Allan MacIsaac: Il est intéressant de noter que dans les chiffres du gouvernement, on signale que 75 p. 100 des marins marchands reçoivent des prestations quelconques. Ce dont il s'agit en fait, c'est de prestations en fonction des revenus. Nous sommes nombreux à vivre sous le seuil de la pauvreté. Cela doit venir de ce qu'on nous a refusé des emplois, que nous n'avons pu faire d'études ou profiter d'autres programmes d'aide.

M. Peter Goldring: Ne devrait-on pas se limiter à cette question, aux préoccupations des marins marchands? Vous croyez que ce qu'ils demandent est juste et raisonnable, qu'il serait inéquitable d'y ajouter d'autres éléments et de s'inquiéter des demandes qui pourraient être faites à l'avenir. Cela n'a pas de pertinence dans le dossier qui nous occupe. Ce que nous devons examiner, c'est le préjudice qui a été causé aux anciens combattants de la marine marchande. Nous devrions nous concentrer sur ce dossier et essayer de corriger la situation.

M. Allan MacIsaac: Oui, monsieur. Comme le dirait mon collègue M. Chadderton, nous comparons des pommes et des oranges. Ce qu'il faudrait comparer, c'est les anciens combattants de la marine marchande et ceux de l'armée de terre, de la marine et de l'aviation.

Le président: Merci, monsieur Goldring.

Nous allons maintenant donner la parole aux députés du parti ministériel pour cinq minutes. Deux personnes veulent intervenir, M. O'Reilly et M. Bertrand.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib): Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer.

Ce qui m'inquiète, c'est le temps, dans cette proposition d'indemnité. La guerre est finie depuis 55 ans et la moyenne d'âge des anciens combattants est de 79 ans. Il me semble qu'une grande injustice a été commise. J'ai essayé d'analyser les divers témoignages qui nous ont été présentés. La Légion royale canadienne semble être parmi les premiers à vouloir reconnaître ce fait. Et pourtant, on m'a informé de ce que la Légion n'avait pas accepté dans ses rangs les membres de marine marchande jusqu'en 1992. Est-ce exact?

M. Allan MacIsaac: Ce que je puis vous répondre maintenant, c'est que je ne crois pas que ce soit tout à fait exact. Le commandement de la Légion canadienne a, je crois, permis aux membres de la marine marchande de se joindre à ses rangs très tôt, je crois, mais certaines divisions étaient autonomes et ne l'ont pas permis.

• 1045

Je suppose que vous devriez demander au commandement de la Légion canadienne si ces divisions, en refusant la candidature des marins marchands, appliquaient leurs propres règlements. En fait, certains marins marchands ne pouvaient se joindre à la Légion en raison de l'attitude de ces divisions.

M. John O'Reilly: Merci de cette précision.

Également, il semble y avoir beaucoup d'organismes qui représentent ou prétendent représenter la marine marchande. Je n'en connais pas le nombre, je ne sais pas combien représentent vraiment la marine ni le rôle qu'ils jouent. Cela m'incite à essayer de comprendre exactement ce qui a empêché le versement de cette indemnité et le manque de leader dans ce dossier. Est-ce dû au fait que les marins marchands ont permis au syndicat de s'en occuper, et à Hal Banks? Est-ce dû au fait que les légions refusaient de les accueillir dans leurs rangs? Est-ce la faute du gouvernement? Est-ce dû à de la division entre les organismes qui prétendaient représenter... Comment peut-on répondre à ces diverses questions, d'après vous?

M. Allan MacIsaac: Je ne suis pas bien certain de comprendre votre question, mais je vais néanmoins essayer d'y répondre.

À l'heure actuelle, il y a quatre organismes membres de la Merchant Navy Coalition for Equality, qui comprend, que je sache, tous les organismes de la marine marchande. Vous savez j'en suis certain qu'il y a division au sein des anciens combattants de l'Association de la marine marchande. C'est pourquoi, lorsque je me suis présenté ce matin, j'ai dit que j'étais l'un des présidents de cette association. Comme Mme Wayne vous l'a expliqué, cette division est sur le point d'être résolue. Par conséquent, nous nous rallions à peu près tous sous le même étendard, celui de la Merchant Navy Coalition for Equality.

M. John O'Reilly: Cela explique peut-être les divers messages par télécopieur et les lettres qui ont été envoyés à mon bureau, dans lesquels plusieurs personnes prétendent être présidents de l'association. Je suis sûr que je pourrai y voir clair. Mais en fait, pour que notre comité puisse produire des résultats, pour qu'il puisse entendre tous les témoignages et évaluer l'indemnité proposée, je veux m'assurer que tous les gens qui se présentent devant nous représentent bel et bien quelqu'un.

Je ne m'oppose pas à la cause qui est défendue, au contraire. Je ne vois pas de raison de m'opposer à cette indemnisation, ni personnellement ni en qualité de membre du comité, mais j'estime que cette division tend à retarder les choses.

M. Allan MacIsaac: En dépit de cette malheureuse division dans nos rangs, je puis vous assurer, monsieur, que 99,9 p. 100 de nos anciens combattants de la marine marchande sont d'accord sur le fait qu'il faudrait verser une indemnité et qu'ils sont sur le point de convenir du montant exact qu'ils voudront tous réclamer.

M. John O'Reilly: D'accord. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur O'Reilly. Voilà pour les cinq minutes.

Je signale aux membres du comité qu'il s'agit d'une sonnerie de 30 minutes. Il nous reste environ 26 minutes. Nous avons suffisamment de temps pour finir nos questions et traiter la motion de M. Laurin.

Monsieur Laurin, vous passez maintenant votre tour pour les questions. Nous laisserons la parole à M. Stoffer, qui a d'autres questions à poser.

M. Peter Stoffer: En fait, il s'agit d'une observation et d'une question.

Dans les renseignements que j'ai lus et dans votre exposé, il semble que le gouvernement insiste toujours sur le fait qu'il y a des divergences d'opinions, qu'il vaut mieux reporter tout cela à plus tard et qu'il faut faire attention à la perception que tout cela peut donner. Et pourtant, deux ou trois anciens combattants meurent chaque semaine où l'indemnité est retardée. Vu sous cet angle, c'est honteux.

J'invite le parti ministériel à oublier cette question de qui est président et qui ne l'est pas. Les personnes en cause, dans ce dossier, ce sont des gens comme ces messieurs derrière nous. C'est eux qui sont en cause, qu'ils fassent parti d'un organisme ou non. Pour chaque semaine de retard, il y en a un de moins.

Il s'agit peut-être d'un complot sinistre qui consiste à attendre suffisamment longtemps pour qu'ils soient tous morts et qu'il ne soit plus nécessaire de rien faire. Ou alors, le gouvernement attend une élection pour déclarer, la semaine précédente, qu'il versera de l'argent à ceux qui restent par grandeur d'âme.

La solution est si évidente—il suffit de s'entendre et d'indiquer clairement au premier ministre qu'il doit ordonner à son ministre des Affaires des anciens combattants de payer la facture pour qu'on en finisse, pour que ces gens puissent vivre en paix, pour les remercier d'avoir fait honneur à ce pays, car aucun d'entre nous ne serait ici si ce n'était d'eux.

• 1050

À cause de toutes ces questions d'embrouille et de perception—et c'est de la foutaise à mon avis—avez-vous eu l'occasion de faire connaître votre point de vue directement au premier ministre? Oublions le comité, oublions le ministère des Anciens combattants. Adressez-vous directement à celui qui peut prendre une telle décision. Avez-vous eu l'occasion de rencontrer le premier ministre pour discuter de vos préoccupations? Voilà ma question.

M. Allan MacIsaac: Pour ma part, je n'ai pas rencontré le premier ministre. Il est bien difficile d'obtenir un rendez-vous.

Le président: Merci beaucoup.

Je vous rappelle à tous que nous avons convenu avec les divers groupes que notre comité tiendrait les audiences. Je reconnais l'importance du dossier, mais personne, y compris le premier ministre, ne peut préjuger du résultat de nos travaux. C'est notre comité qui a été saisi de la question. Bien des gens sont prêts à venir témoigner devant nous. Je comprends la frustration de M. Stoffer, mais nous devons respecter l'entente que nous avons conclue avec les divers groupes, y compris le vôtre, qui souhaitent vivement venir témoigner.

Poursuivons. Revenons au parti ministériel. M. Bertrand, M. Richardson et M. Wood ont chacun cinq minutes. Monsieur Bertrand.

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais surtout obtenir une précision du capitaine Brooks. Dans vos notes, vous dites au paragraphe numéro 6 que le ministre des Anciens combattants a récemment déclaré: «... Permettez-moi de répéter qu'ils [les anciens combattants de la marine marchande] ont droit aux mêmes avantages que les anciens combattants des forces armées». Vous dites au paragraphe numéro 7: «Les anciens combattants dans la Marine marchande contestent cette déclaration en raison des nombreuses omissions et anomalies décrites dans le paragraphe 2.9 de notre mémoire». Si je vais à votre mémoire, au paragraphe 2.9, je peux lire:

    Tout d'abord, le texte modifié de la loi

—je suppose qu'il s'agit du projet de loi C-61—

    rectifiera en général plusieurs omissions et lacunes qui influent grandement sur les indemnités versées à la marine marchande. Par exemple, l'actuelle Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils (1992) omet de compter, totalement ou en partie, les cas suivants.

Vous donnez ensuite la liste de tous ces cas. Desquels de ces cas le nouveau projet de loi ne tient-il pas compte?

Capt Tom Brooks: L'un des problèmes du projet de loi, c'est qu'on a essayé de l'appliquer à tous les anciens combattants de la marine marchande. Il était relativement facile de l'appliquer à ceux qui faisaient partie du dépôt d'équipage de la marine marchande ainsi qu'aux anciens combattants de la marine marchande qui étaient employés permanents d'un armateur. Il existe toutefois un autre groupe d'anciens combattants qui a travaillé à la pige durant toute la guerre et qui a peut-être navigué plus longtemps que les gens du dépôt ou les employés des armateurs, et il faut trouver le moyen de tenir compte d'eux à la prochaine étape. Tous les anciens combattants n'ont pas été pris en compte.

M. Robert Bertrand: Mais d'après ce que j'ai compris de votre mémoire, le projet de loi C-61 s'applique à tout le dépôt d'équipage de la marine marchande, n'est-ce pas?

Capt Tom Brooks: Oui, il s'applique aux membres du dépôt d'équipage et aux employés permanents. Ceux qui sont omis, c'est ceux qui travaillaient à leur compte.

Le président: Monsieur Richardson.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ce dossier arrive presque à bon port. Les anciens combattants de la marine marchande ont été patients. Depuis que je suis ici, soit depuis 1993, c'est un dossier qui a toujours été au premier rang des préoccupations de notre comité. Il ne fait aucun doute que vous avez combattu dans des eaux dangereuses. Les premiers prisonniers de guerre venaient de la marine marchande et ils ont été incarcérés plus longtemps que les combattants des autres services. En outre, les marins marchands sont proportionnellement plus nombreux que les combattants des autres services à avoir perdu la vie.

• 1055

À cette époque, la marine marchande relevait du ministère du Commerce ou de la Production de la défense, dirigé par C.D. Howe. C'était l'homme le plus occupé de tout le Cabinet et il était chargé en plus des marins marchands. La marine marchande a été confiée à un groupe, dont je ne connais la composition, qui a mis sur pied le système de dépôt d'équipage et coordonné les travaux afin que nous ayons suffisamment d'équipage pour la guerre. Par conséquent, je ne crois pas qu'on ait conservé un contrôle aussi rigoureux du personnel que ce n'aurait été le cas sous la direction du ministère de la Défense nationale. C'est ainsi que les groupes ne savaient plus à qui présenter leur rapport.

Je voudrais faire un préambule à ma question.

Le président: Vous avez un peu moins d'une minute pour la poser et obtenir la réponse.

M. John Richardson: D'accord.

On vous a refusé la plupart des avantages accordés par le passé. Avez-vous pu bénéficier des dispositions de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants?

Capt Tom Brooks: Oui, mais seulement pour ceux qui avaient été mutilés par l'ennemi.

M. John Richardson: D'accord. Je n'arrive pas à croire...

Le président: Monsieur Wood, vous avez 30 secondes pour terminer ce tour de table—une éternité.

M. Bob Wood: D'accord.

Ma question est brève. Messieurs, un autre organisme de la marine marchande a recommandé entre autres la création d'un comité qui établirait une formule acceptable d'indemnisation. Cet organisme a recommandé que le comité soit composé de membres de la marine marchande, de fonctionnaires du ministère des Anciens combattants et peut-être de représentants d'autres organismes. Êtes-vous au courant de cette proposition, et si oui, qu'en pensez-vous?

Capt Tom Brooks: Oui, nous sommes au courant de la proposition, et nous nous demandons si ceux qui l'ont formulée se rendent bien compte que nous avons créé un comité qui collabore avec le ministère des Anciens combattants. Ce comité ne siège pas à l'heure actuelle. Nous traitons des questions de la première phase, c'est-à-dire du projet de loi C-61. Le comité existe toutefois encore. Il se réunira de nouveau aussitôt que possible pour traiter les questions de la phase deux. Nous avons un comité.

Ce comité aura peut-être d'autres intervenants, puisque nous passerons des questions législatives aux questions financières, mais nous avons déjà un comité, il n'est pas nécessaire d'en créer un autre.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wood.

Il est maintenant près de 11 heures. Nous devrons nous rendre à la Chambre pour voter dans une quinzaine de minutes.

Monsieur MacIsaac, capitaine Brooks, capitaine Ady et capitaine Van Roosmalen, je vous remercie tous, ainsi que les messieurs et dames de l'auditoire qui s'intéressent à cette question importante. Merci d'être venus nous présenter aujourd'hui votre témoignage et d'avoir répondu à nos questions. Nous espérons en arriver à une solution bientôt.

Chers collègues, nous devons régler une question importante de procédure avant de lever la séance. Il s'agit de la motion de M. Laurin, dont il nous a informés il y a plusieurs jours. La motion est suffisamment éloquente.

M. Bertrand souhaite commenter la motion, puis je donnerai la parole à M. Laurin, s'il le souhaite, avant de la mettre aux voix.

Monsieur Bertrand, vous vouliez discuter de la motion?

[Français]

M. Robert Bertrand: Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

C'est seulement que...

[Français]

M. René Laurin: Comme c'est ma motion, j'aimerais vous donner quelques explications avant d'entendre la réponse. Je devine ce que sera cette réponse.

[Traduction]

Le président: Non ce n'est pas...

[Français]

M. René Laurin: Je veux donner des explications pour répondre aux arguments qu'a soulevés M. Bertrand lors de la dernière séance du comité, monsieur le président.

Je pense que la preuve a été faite, surtout avec l'expérience qu'on a connue la semaine dernière au Comité des affaires étrangères. On nous accorde une demi-heure deux fois par semaine. On a ajouté 15 minutes, mais on a doublé le nombre des participants. Il y a le Comité des affaires étrangères et le Comité de la défense nationale. Il y a deux fois plus de participants pour une très courte période de temps. Ce n'est vraiment pas suffisant pour que chacun puisse poser des questions, obtenir des réponses à ses inquiétudes et transmettre cette information à ses commettants.

On nous propose d'aller au briefing de la Défense nationale le matin, avec les journalistes. Je ne crois pas que les journalistes eux-mêmes soient d'accord sur cette solution-là. Encore là, on mettrait deux groupes ensemble et on doublerait le nombre de participants, réduisant ainsi le temps de questions des journalistes et des parlementaires. De plus, les parlementaires n'ont peut-être pas les mêmes intérêts que les journalistes et ne poseraient peut-être pas les mêmes questions.

• 1100

Pour ces raisons, monsieur le président, je souhaiterais qu'on ait ici, au Comité de la défense nationale, des briefings deux fois par semaine. Chaque fois que le comité siège, on devrait réserver du temps pour l'information et les questions des députés.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Laurin. Je n'avais aucune intention de vous bâillonner. Je croyais simplement que vous l'aviez très bien expliqué à la dernière réunion, mais il vaut peut-être mieux le répéter de nouveau. Je comprends vos préoccupations et je suis certain que nous les partageons dans une certaine mesure. Vous nous avez maintenant donné votre explication de la motion.

Je ne voulais pas tant que M. Bertrand y réponde que de le voir nous fournir les derniers renseignements sur la situation. Nous mettrons ensuite la motion aux voix.

M. Robert Bertrand: Il s'agit de renseignements qui s'ajoutent à ce qu'a expliqué M. Laurin. Je veux simplement vous informer que les réunions d'information qui ont été tenues jusqu'à présent ont été parrainées si l'on veut, par le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. La semaine prochaine et la semaine suivante, je crois, le comité voyagera. C'est pourquoi notre comité de la défense nationale et des affaires des anciens combattants tiendra des réunions d'information au cours des prochaines semaines. Nous procéderons de la même façon que le comité des affaires étrangères et du commerce international. Nous entendrons des représentants de la Défense nationale et du ministère des Affaires étrangères, qui viendront nous donner des renseignements.

Comme M. Laurin l'a dit, il y a également des réunions d'information quotidiennes. Je comprends que tous ne partagent pas les mêmes intérêts, mais ces réunions sont tenues pour eux. Le fait que ce soit votre comité qui tienne ces réunions au cours des prochaines semaines répond en partie aux préoccupations de M. Laurin, et c'est pourquoi je voterai contre sa motion.

Le président: Merci.

Je signale au comité que j'ai discuté avec le président du comité des affaires étrangères et du commerce international, notre collègue M. Graham, et que les deux ministres en cause, les trois ministres, en fait—préféreraient, pour éviter de faire perdre leur temps aux fonctionnaires, que les réunions futures soient tenues conjointement, soit comme celles que nous avons eues durant le congé de Pâques, dans cette salle-ci. À partir de maintenant, toutes les réunions d'information sur ce sujet réuniront des gens de la Défense et des Affaires étrangères.

C'est sans doute une sage décision. On peut toujours se demander combien de temps est nécessaire et de combien de temps nous disposons. Du point de vue pratique, pour nous, cela veut dire qu'il faudra soit rallonger nos réunions, car nous aurons d'autres questions importantes à examiner, soit prévoir des réunions distinctes.

Monsieur Bertrand, je crois savoir que ces réunions sont tenues deux fois la semaine. Est-ce exact?

M. Robert Bertrand: Oui, c'est exact.

Le président: En tant que président, d'après ce que je comprends de la motion de M. Laurin, je crois que ce qui vient d'être dit va dans le sens de votre motion, même si je sais, cher collègue, que vous aimeriez que plus de temps soit consacré à ces activités. Celles que vous réclamez ont déjà lieu deux fois la semaine.

Non? D'accord, mettons donc la motion aux voix dans ce cas. Je croyais que l'on respectait l'esprit de la motion, même si l'on consacrait à ces activités moins de temps que vous le souhaitez.

De toute façon, une motion a dûment été proposée.

(La motion est rejetée)

Le président: La motion est rejetée, mais, comme je viens de l'expliquer, les audiences se poursuivront.

Merci chers collègues. La séance est levée.