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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 mai 1998

• 0910

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je vous souhaite tous la bienvenue ici ce matin.

Comme vous le savez, conformément à l'article 81(4) du Règlement et à l'ordre de renvoi de la Chambre du 26 février 1998, nous avons à l'ordre du jour l'examen du Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 1999, les crédits 1, 5, L10, L15, 20, 25, 35 et 40, sous Finances; et conformément à l'article 81(7) du Règlement et à l'ordre de renvoi de la Chambre du 25 mars 1998, l'examen du Budget des dépenses 1998-1999, Rapport sur les plans et les priorités pour le ministère des Finances.

Nous avons le plaisir d'avoir avec nous ce matin, le ministre des Finances. Bienvenue, monsieur le ministre. Nous avons aussi Don Drummond, sous-ministre délégué.

Vous pouvez faire un exposé liminaire, après quoi nous aurons une période de questions et réponses. Bienvenue.

L'honorable Paul Martin (ministre des Finances): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de me donner cette occasion de prendre la parole devant le comité et d'échanger des idées avec vous.

Comme plusieurs d'entre vous le savent, cette année marque un tournant décisif de l'histoire des finances au Canada. Lorsque les derniers chiffres auront été comptabilisés plus tard cette année, ils montreront que le Canada a équilibré son budget en 1997-1998, ce qui ne s'était pas produit depuis 1969. En outre, nous équilibrerons le budget cette année et l'année suivante, de sorte que le budget sera équilibré pour trois années d'affilée, un exploit qui n'a pas été réalisé en près de 50 ans.

Le budget annuel, monsieur le président, est sans contredit l'élément le plus visible des attributions du ministère des Finances, mais il ne saurait représenter l'ensemble de ses fonctions. En fait, il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg. Le ministère est de taille relativement petite, car il a seulement quelque 706 employés à temps plein, ce qui inclut des économistes de profession, du personnel de soutien et tous les autres employés. Je pense que près de la moitié du personnel du ministère est ici aujourd'hui. Notre budget annuel de fonctionnement est d'environ 71 millions de dollars. Le ministère des Finances assume toutefois des responsabilités de vaste portée qui englobent presque tous les volets du programme du gouvernement, qu'il s'agisse de l'emploi et de la croissance, de la science et de la technologie, de la santé ou de la pauvreté chez les enfants.

[Français]

Permettez-moi, monsieur le président, de prendre quelques instants pour vous décrire certains éléments de ces travaux, qui serviront de cadre à vos discussions d'aujourd'hui.

L'objectif fondamental que s'est fixé le ministère est d'aider le gouvernement à élaborer et à mettre en oeuvre des politiques et des programmes économiques, sociaux et fiscaux qui créent des emplois et favorisent la croissance.

Le ministère des Finances constitue la source principale où le gouvernement puise des analyses et des conseils sur les grandes questions économiques, sociales et financières du Canada. De plus, il collabore avec d'autres ministères et d'autres ordres du gouvernement pour veiller à ce que ces politiques soient coordonnées et harmonieuses.

[Traduction]

Le ministère offre des analyses, des conseils et des recommandations sur des questions variées dans les domaines de la politique fiscale et commerciale, des emprunts et de la balance des paiements, de la politique sociale et du développement économique de même que de la privatisation et de la politique concernant le secteur financier. Ce vaste éventail de conseils, indispensables à chaque élément du programme du gouvernement, provient d'un nombre relativement peu élevé d'économistes et d'experts en politique publique.

Outre la prestation de conseils et la formulation de recommandations, le ministère est responsable de divers secteurs financiers. Par exemple, il élabore et évalue toutes les politiques fédérales en matière d'imposition ainsi que la législation à cet égard. En plus, il exécute deux programmes prévus par la loi, soit le Programme du service de la dette publique, qui gère quelque 500 milliards de dollars de dette publique, et le Programme fédéral-provincial de transferts, qui comporte des transferts bruts en espèces aux provinces de plus de 20 milliards de dollars par année.

Au cours des dernières années, le ministère a lancé des projets qui ont considérablement accru sa charge de travail.

[Français]

En 1995, par exemple, il a revitalisé le programme de placement de titres sur le marché du détail du gouvernement en créant un organisme de service spécial, Placement Épargne Canada.

En 1996, il a conclu un accord fédéral-provincial de mise en oeuvre de la taxe de vente harmonisée dans les trois provinces de l'Atlantique.

Cette même année, il a également entamé de vastes consultations pancanadiennes sur le Régime de pensions du Canada et, par la suite, il a négocié un accord fédéral-provincial qui a culminé en l'adoption, l'an dernier, d'une loi visant à assurer l'avenir du Régime de pensions du Canada.

• 0915

[Traduction]

L'an dernier, le ministère a mené des consultations exhaustives auprès des parties touchées afin d'élaborer des nouveaux mécanismes de financement pour le nouveau territoire de Nunavut. Pour les années à venir, le ministère s'est tracé un programme tout aussi ambitieux. Par exemple, il a amorcé les travaux du deuxième volet de réforme du Régime de pensions du Canada, avec l'accord des provinces.

La loi prévoit le renouvellement quinquennal du programme de péréquation. Je vois que M. Harris en a pris note. Le ministère a déjà commencé à consulter les provinces à ce sujet. La loi portant le renouvellement du programme sera déposée en 1998-1999, et on rédigera le projet de règlement pour l'application de la nouvelle entente, dès qu'elle aura été conclue.

[Français]

Le ministère modifie la stratégie de gestion de la dette adoptée par le gouvernement du Canada. Cette stratégie doit tenir compte de la tendance à la baisse des besoins de financement par voie d'emprunts sur les marchés. Cela étant dit, en dépit de cette tendance, la dette contractée sur les marchés demeure importante. C'est pour assurer une plus grande stabilité des coûts que le ministère a augmenté la part de la dette à taux fixe.

À titre d'exemple, si les taux d'intérêt augmentaient aujourd'hui de 100 points de base, les frais de la dette publique accuseraient une hausse de 1 milliard de dollars la première année. Cela se comparerait à 1,8 milliards de dollars vers le milieu des années 1990.

[Traduction]

On consacre déjà des ressources importantes aux travaux du ministère concernant l'avenir du secteur des services financiers au Canada. L'importance de la question des fusions des grandes banques est claire, mais cette question ne représente qu'un des aspects des travaux qui permettront de mettre en place un cadre de politique du XXIe siècle pour régir le secteur des services financiers du XXIe siècle. Comme vous le savez, le groupe de travail spécial, présidé par Harold MacKay, se penche sur l'avenir du secteur des services financiers et déposera son rapport à l'automne.

Le dépôt du rapport ne marquera cependant pas la fin du processus. Des consultations exhaustives et de vastes débats au Parlement suivront l'an prochain, après quoi, le gouvernement fera connaître sa réponse au rapport. Il est certain, monsieur le président, que votre comité jouera un rôle très important dans ces délibérations.

Le ministère a également joué un rôle de premier plan dans la réaction du Canada aux récentes perturbations sur les marchés financiers asiatiques. J'ai même eu l'honneur de faire connaître la proposition du Canada de créer un secrétariat de coordination qui prendrait des mesures internationales visant à combler les écarts au chapitre de la réglementation du secteur financier et de la supervision des organismes de surveillance. Lors du récent sommet de Birmingham, les autres pays membres du G-8 ont accordé leur appui à cette proposition.

J'ai également discuté de la proposition avec les ministres des Finances de l'Asie-Pacifique, à Kananaskis, il y a quelques jours, et j'en avais déjà discuté avec les ministres des Finances d'Amérique latine à San Diego à l'automne. Les employés de mon ministère poursuivront leurs efforts pour arrêter les détails de cette proposition.

[Français]

Monsieur le président, en terminant, la liste de réalisations que je viens de vous présenter est loin d'être exhaustive. Je tenais simplement à mettre en évidence l'étendue et le volume du travail accompli par le ministère des Finances, de même que la charge de travail accrue qu'il a acceptée et qu'il continuera d'accepter à l'avenir. Ces faits, j'en suis convaincu, alimenteront vos délibérations d'aujourd'hui.

Maintenant, je répondrai volontiers à vos questions.

[Traduction]

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses, en commençant par M. Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Je vous remercie d'être venu, monsieur le ministre. Nous apprécions toujours vos réponses directes et franches, et je suis convaincu que nous ne serons pas déçus aujourd'hui.

Dans votre déclaration liminaire, monsieur le ministre, vous avez parlé essentiellement de tous les aspects de votre ministère. Tout ce qui se fait dans votre ministère en ce qui concerne les recettes et les dépenses joue certainement un rôle important dans le Budget des dépenses. J'aimerais donc parler avec vous d'un élément qui joue un rôle dans votre Budget des dépenses et dans le budget du gouvernement.

Vous avez parlé d'équilibrer le budget de l'an dernier, et vous vous attendez à un autre budget équilibré cette année. Il est très apparent que l'excédent du fonds de l'assurance-emploi a joué un rôle considérable dans l'assainissement budgétaire.

Il y a beaucoup de gens dans le pays qui ne sont pas d'accord pour qu'on utilise ainsi ces fonds de l'assurance-emploi, spécifiquement parce que l'esprit de la Loi sur l'assurance-emploi, à mon sens, veut que toutes les cotisations soient utilisées pour des programmes spécifiquement établis selon les lignes directrices de l'assurance-emploi: la formation, les prestations, etc.

• 0920

Je vous pose donc la question suivante. Il me semble, comme à beaucoup de gens, que le fait de s'accaparer ainsi l'excédent de l'assurance-emploi constitue en réalité un manquement à l'esprit de la loi ou à son objet. Pourquoi avez-vous manqué ainsi à l'esprit de la loi?

Deuxièmement, comme l'argent a été effectivement versé au Trésor, il n'y a pas d'excédent en espèces dans la caisse d'assurance-emploi, il s'agit simplement d'une écriture comptable qu'on peut considérer comme une reconnaissance de dette. J'aimerais savoir comment vous pouvez justifier une telle chose.

Troisièmement, des représentants de votre propre ministère ont dit que l'excédent était plus que suffisant pour faire face à toute urgence ou éventualité que nous pourrions entrevoir dans les années à venir. De fait, les cotisations d'assurance-emploi pourraient descendre autour de 2 $ et vous pourriez quand même très bien vous tirer d'affaire. Je crois que les cotisations se situent encore autour de 2,80 $. Les fonds excédentaires peuvent probablement être considérés comme un impôt sur la masse salariale des entreprises et des travailleurs canadiens. Comment justifiez-vous cela? Il s'agit en fait d'une autre augmentation d'impôt que nous devons tous supporter et nous n'en sommes pas très heureux.

M. Paul Martin: L'esprit de la loi doit évidemment être interprété à la lumière des décisions ou du contexte historique. En 1986, comme le vérificateur général ne cessait d'insister pour qu'on le fasse, le fonds de l'assurance-chômage, c'était son nom à l'époque, a été intégré au compte du Trésor. Et le résultat de cette mesure, comme vous l'avez dit à juste titre, est que l'argent est maintenant inscrit dans les recettes. Nous nous sommes simplement conformés à la pratique établie au cours des 12 dernières années, à la demande du vérificateur général.

Deuxièmement, l'objectif est de voir la caisse d'assurance-emploi équilibrée sur toute la durée du cycle. Cela signifie qu'elle peut connaître un déficit considérable et aussi un excédent considérable. De fait, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1993, vous vous en souvenez peut-être, le fonds lui-même connaissait un déficit considérable, de l'ordre de 6 milliards de dollars. Ce déficit se reflétait dans les comptes déficitaires du gouvernement. Ce qui se passe maintenant n'est effectivement pas différent de ce qui se passait en 1993, sauf que le déficit s'est heureusement transformé en excédent.

M. Dick Harris: Monsieur le ministre, puis-je vous interrompre un instant? Je comprends ce que vous dites, mais mon argument est que vous utilisez cet excédent dans le Trésor à un moment que l'on peut considérer comme une situation économique relativement bonne. On pourrait prévoir que le seul moment où vous auriez besoin de cet argent pour payer les prestations et soutenir la caisse d'assurance-emploi serait pendant une période de déclin économique. Dans ce cas, vos autres recettes auraient diminué également, de sorte que vous devrez emprunter alors de l'argent pour rembourser l'excédent de la caisse d'assurance-emploi que vous prenez maintenant.

Ne pensez-vous pas qu'il serait plus raisonnable de garantir ce fonds de l'assurance-emploi? Après tout, cet argent appartient en réalité aux travailleurs et aux entreprises du pays, et non au gouvernement. C'est un fonds d'assurance auquel ils contribuent. Par conséquent, en ce moment, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul, mais vous devrez un jour emprunter à Pierre pour rembourser Paul, lorsque des fonds seront nécessaires.

• 0925

M. Paul Martin: Je pense qu'il y a plusieurs façons de répondre à cette question.

Premièrement, on peut certainement espérer, quand on regarde l'amélioration énorme de la situation financière du pays, que si un déclin survient à un moment donné, le pays sera dans une bien meilleure position pour y faire face et nous serons évidemment dans une meilleure position pour financer la caisse d'assurance-emploi qu'il y a six ou sept ans, disons.

En outre, vous dites que tout l'argent contenu dans ce fonds appartient aux travailleurs, mais je pense plutôt que tout l'argent qui entre dans les comptes du gouvernement appartient aux contribuables canadiens et aux travailleurs canadiens. C'est le cas de l'impôt sur le revenu des particuliers, des taxes de vente et de toutes les recettes. Je pense que c'est pourquoi nous pensons tous que nous avons vraiment une grande responsabilité, en tant que fiduciaires, de dépenser cet argent sagement et de percevoir seulement ce que nous avons absolument besoin de percevoir.

Si vous me permettez également de répondre à votre dernière question au sujet de l'augmentation d'impôt, je dirais évidemment que depuis notre arrivée au pouvoir, nous avons de fait réduit les cotisations. Il n'y a pas d'augmentation d'impôt. L'an dernier, comme vous le savez, nous avons réduit les cotisations de 1,4 milliard de dollars. Il s'agit donc d'une diminution d'impôt.

Le président: Monsieur Williams.

M. John Williams (St. Albert. Réf.): Merci.

Monsieur le ministre, je pense qu'il vous faut choisir. Soit que vous soyez en train d'imposer une charge sociale sous un autre nom, soit que vous soyez en train de vous bâtir un excédent afin de pouvoir faire face à un déclin économique de proportions monstrueuses.

La récession de 1991 était une très grave récession, et à ce moment-là, le fonds de l'assurance-chômage ou de l'assurance-emploi connaissait un déficit qui a atteint jusqu'à 6,2 milliards de dollars. Maintenant, vous parlez d'un excédent de 19 milliards de dollars, qui continue de grossir, à un moment où la croissance économique se poursuit. L'excédent pourrait atteindre 25 milliards de dollars avant de cesser de grossir.

Vous planifier en fonction d'une récession de quelle ampleur? Ou s'agit-il seulement d'un impôt sur les emplois, en réalité?

M. Paul Martin: Monsieur Williams, j'ai répondu de façon très précise aux questions de M. Harris, et vous abordez maintenant le même sujet sous un angle différent.

Il s'agit bel et bien d'une question de choix. Je pense qu'il est très important pour les Canadiens que nous éliminions le déficit. Les Canadiens comprennent, à mon avis, la situation financière difficile dans laquelle le pays se trouvait au moment où nous sommes arrivés au pouvoir.

Il faut faire un choix entre la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, la réduction des cotisations d'assurance-emploi, le financement de nos programmes sociaux de base, et nous assurer que notre situation financière continuera d'être saine.

Si vous préconisez que nous réduisions encore bien davantage les cotisations d'assurance-emploi, vous faites alors un choix.

M. John Williams: Ce n'est pas ce que j'ai suggéré, monsieur le ministre. Je vous ai demandé quel choix vous faisiez. Imposez-vous une charge sociale sous un autre nom ou planifiez-vous en prévision d'une récession économique d'une ampleur monstrueuse?

Il me semble plutôt que vous penchiez vers une charge sociale sous un autre nom, comme un élément de l'ensemble des impôts perçus et réduits d'une manière générale de manière à maintenir votre budget équilibré. Mais cela n'a absolument rien à voir avec un excédent suffisamment important pour faire face à la prochaine récession, et c'est justement l'objet du fonds d'assurance-emploi, c'est-à-dire qu'il doit accumuler un excédent juste assez suffisant pour faire face à la prochaine récession. Il me semble que vous êtes allez beaucoup plus loin, et je pense que vous avez effectivement admis qu'il s'agissait d'un impôt sous un autre nom.

M. Paul Martin: Monsieur Williams, le gouvernement a—et je l'ai déclaré sans ambages hier, et je le déclare déjà depuis bien longtemps—des recettes et des dépenses, et nous allons maintenir un équilibre entre les deux si nous adoptons une approche équilibrée.

Le président: Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur le ministre, de comparaître ce matin.

En ce qui concerne cette même question de l'assurance-emploi, l'un des économistes du ministère des Finances a dit qu'il serait possible de ramener le taux de cotisation à 2,30 $. C'est 50 cents de moins que le taux d'aujourd'hui.

Vous avez parlé de la réduction de 1,4 milliard de dollars que vous avez accordée, et je vous dis, monsieur, qu'elle a été plus que compensée par l'augmentation des cotisations au RPC imposée de manière rétroactive à 1997, des augmentations qui continueront.

• 0930

Vous avez accordé dans ce budget une exemption des cotisations d'assurance-emploi aux jeunes de 18 à 24 ans, et vous semblez vous rendre compte en l'occurrence que les charges sociales font disparaître les emplois. Je vous demande donc, monsieur, pourquoi vous ne pourriez pas ramener les cotisations à 2,30 $ immédiatement, afin de stimuler la création d'emplois pour les autres membres de la population active?

M. Paul Martin: On vient de me signaler que le taux de cotisation a été ramené à 2,70 $.

Je pense qu'il y a deux éléments dans votre question. Premièrement, pour ce qui est de votre commentaire au sujet du Régime de pensions du Canada, au moment où nous avons entrepris les réformes avec les provinces, le Régime de pensions du Canada avait un passif de 600 milliards de dollars. Ce passif existait depuis longtemps, et nous, ainsi que les provinces, avons décidé qu'il fallait faire face à cette situation.

Les cotisations au RPC sont une responsabilité partagée par le gouvernement fédéral et les provinces. La question ne relève pas uniquement du gouvernement fédéral et nous avons fait en sorte qu'il soit possible pour les jeunes Canadiens de voir le régime maintenu, mais nous avons quand même réduit leurs cotisations, dans un certain sens, parce que ma génération devra payer davantage. Par conséquent, bien qu'il y ait une augmentation aussi pour les jeunes, elle est beaucoup moins élevée qu'elle l'aurait été autrement.

Pour ce qui est de votre question concernant l'exemption de cotisation, on se demande si une mesure de cette nature fonctionnera. Nous pensons que c'est un projet très important pour déterminer si l'on embauchera réellement plus de jeunes. Comme vous le savez, nous avons déjà eu un projet comportant une réduction des taux de cotisation, et je pense que pour obtenir la réponse, il faudra attendre de voir ce qui se passera au cours des deux prochaines années, dans le cadre de ce projet pour les jeunes.

[Français]

Le président: Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Je vous avoue, monsieur le ministre, que je vous suis mal. Je vous comprends mal et j'ai beaucoup de difficulté devant vos arguments quand vous parlez d'assurance-emploi, parce que vous ne parlez que du passé. Vous parlez d'une situation qui existait à votre arrivée, mais qui n'existe plus aujourd'hui. Je me demande aussi pourquoi vous êtes fier de votre bilan, parce que n'importe qui aurait pu équilibrer le budget exactement comme vous l'avez fait, en coupant de façon aussi sauvage que vous l'avez fait, en coupant dans les transferts aux provinces et en piquant l'argent des travailleurs et des employeurs qui se trouvait dans le fonds de l'assurance-emploi. Il n'y a pas de quoi être fier de cela du tout.

Monsieur le ministre, je pense que vous devriez arrêter de rire parce que ce n'est pas drôle du tout. La réalité, c'est qu'il y a seulement 42 p. 100 des chômeurs qui peuvent bénéficier de l'assurance-emploi à l'heure actuelle et qu'il y a 75 p. 100 des jeunes qui sont exclus du régime d'assurance-emploi. C'est pour cela que vous allez avoir un surplus de 19 milliards de dollars. Cela a été le principal facteur de réduction du déficit par le passé, avec les coupures aux transferts aux provinces, et cela va continuer à alimenter votre surplus parce qu'il y aura des surplus réels de plusieurs milliards de dollars au cours des prochaines années.

Le trafic des chiffres que vous avez fait dans vos prévisions lors du dernier budget, on n'y croit pas. On n'est pas assez imbéciles pour croire que les surplus des trois prochaines années seront de zéro, zéro et zéro.

Donc, vous excluez des milliers de Québécois et de Canadiens de l'assurance-emploi pour empocher un surplus de 19 milliards de dollars. À part cela, vous vous faites dire que vous volez les travailleurs et les employeurs. Vous vous faites dire que vous trafiquez les chiffres. Vous vous faites dire aussi que la façon dont vous agissez avec le fonds d'assurance-emploi constitue un détournement de fonds. Quant à moi, je vous accuse d'être le principal responsable de la détresse humaine vécue par des milliers de chômeurs qui n'ont plus droit à l'assurance-emploi.

Je vous pose une première question, monsieur le ministre. Êtes-vous encore capable de vous regarder le matin dans le miroir sans avoir honte?

M. Paul Martin: Monsieur Loubier, on sait fort bien que durant la période des questions, on est souvent emportés par les arguments et l'atmosphère de la Chambre de communes. Cependant, mon expérience des comités est qu'on y a des discussions saines, des discussions parfois partisanes, mais quand même des discussions de fond au cours desquelles les députés essaient de trouver des faits. Ils ont des échanges de vues et peut-être des divergences d'opinions, mais ils essaient d'en arriver à un consensus et à une vision assez claire. En comité, il est très rare qu'on entende un député faire des commentaires comme ceux que vous venez de faire. Quand cela arrive, c'est peut-être parce que le député ne connaît pas ses dossiers ou est tellement partisan qu'il ne peut discuter d'un sujet complexe avec la profondeur requise.

• 0935

Je vais simplement vous dire qu'il y a certainement une raison pour laquelle il y a une réserve dans le fonds depuis 1993. Il y a eu 1,2 million de nouveaux emplois de créés et il y a 453 000 Canadiens qui ont eu des nouveaux emplois depuis le début de l'année dernière. La raison principale en est que l'économie va mieux.

Deuxièmement, vous avez dit qu'on allait faire mieux qu'un déficit zéro au cours des deux prochaines années. C'est ce qu'on a dit. Ce n'est pas une découverte. On a dit que nos projections n'étaient pas les moindres que nous allions faire, et nous espérons faire encore mieux. Vous n'étiez peut-être pas en Chambre lorsque je l'ai dit, mais je l'ai dit à maintes reprises. Espérons qu'on va faire mieux, monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: Oui, mais vous ne répondez pas à ma question. Après les coupures de 11 milliards de dollars que vous avez imposées aux programmes sociaux et à l'éducation supérieure, après le vol systématique des cotisations des employeurs et des employés à la caisse d'assurance-emploi, êtes-vous encore capable de vous regarder dans le miroir le matin sans avoir honte? Je trouve honteux ce que vous faites à l'heure actuelle. Ce que je vous dis là n'a rien de partisan. Est-ce que M. Audet est membre du Bloc québécois ou du Parti québécois? Est-ce que M. Harris est membre du Bloc québécois? M. Harris s'est emporté hier, d'ailleurs avec justesse, en vous accusant de voler les travailleurs et les employeurs. Ce n'est pas le Bloc québécois qui a dit cela.

Quant à la maîtrise des dossiers, vous repasserez. Si vous avez dit qu'il y aurait des surplus au cours des prochaines années, ce n'est pas ce que vous avez écrit dans vos prévisions du dernier budget. Quant au trafic des chiffres auquel vous vous employez depuis quatre ans, les gens ne sont pas dupes non plus. Vous avez imputé les 2,5 milliards de dollars pour les bourses du millénaire à l'exercice de 1997-1998 alors qu'on commencera à verser les bourses uniquement en l'an 2000. Les gens ne sont pas fous. Le vérificateur général est-il partisan, lui?

Je vous repose la question: avez-vous honte quand vous vous regardez dans le miroir? Vous n'avez pas honte?

M. Paul Martin: Non, monsieur Loubier. La seule fois...

M. Yvan Loubier: Quand allez-vous arrêter de piquer l'argent des travailleurs et des employeurs? Autrement dit, quand allez-vous réduire substantiellement les cotisations des employeurs et des employés et redonner aux travailleurs les bénéfices qui existaient auparavant? Ce ne sont pas des blagues ou des chiffres partisans. Ce sont des chiffres qui viennent de Statistique Canada. Il n'y a que 42 p. 100 des chômeurs qui ont droit à l'assurance-emploi, alors qu'avant votre arrivée, cela dépassait les 80 p. 100. Donc, il y a un problème.

Les trois quarts des jeunes sont exclus, mais ils paient des cotisations. Tout le monde paie des cotisations. C'est la beauté de votre réforme à vous et à Pettigrew. Tout le monde paie, mais il y a plus de la moitié des gens qui sont exclus et les trois quarts des jeunes le sont.

Donc, je vous repose mes deux questions.

M. Paul Martin: Mais vous m'avez posé...

M. Yvan Loubier: Êtes-vous capable de vous regarder dans le miroir sans avoir honte? Quand allez-vous arrêter de voler les fonds de l'assurance-emploi et quand allez-vous réduire les taux de cotisation et donner des prestations aux chômeurs qui sont éprouvés, qui sont en détresse à cause de vous?

M. Paul Martin: Monsieur Loubier, la seule fois qu'il m'arrive d'avoir honte, c'est quand je constate qu'il y a un député, le critique du Bloc québécois, qui maîtrise si mal ses dossiers qu'il n'est pas capable d'avoir une discussion saine.

M. Yvan Loubier: Arrêtez d'être démagogue et répondez à la question que je vous pose.

M. Paul Martin: Je viens d'y répondre.

M. Yvan Loubier: Quand allez-vous réduire les taux de cotisation?

[Traduction]

Le président: À l'ordre, monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: J'ai une question à poser au ministre.

Le président: Vous avez déjà posé votre question. Il n'a pas eu la possibilité de répondre et je vous demande donc de le laisser répondre à la question. Votre tour viendra. Ne gaspillez pas de temps, sinon nous en manquerons.

Allez-y.

[Français]

M. Yvan Loubier: S'il cessait de répondre des niaiseries, monsieur le président, il aurait le temps de donner les vraies réponses.

[Traduction]

Le président: Monsieur Martin.

[Français]

M. Paul Martin: Si les réponses sont des niaiseries, c'est parce que certaines questions...

M. Yvan Loubier: Non, non, c'est sérieux! Il y a des milliers de travailleurs qui sont exclus du régime d'assurance-emploi.

M. Paul Martin: Monsieur Loubier...

M. Yvan Loubier: Arrêtez de rire de la défaite des gens.

M. Paul Martin: Je vous entends. Il n'est pas nécessaire de crier.

M. Yvan Loubier: Eh bien, vous ne semblez pas entendre les questions.

Il a le sourire. Ce n'est pas drôle.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Madame McDonough.

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Je vous remercie beaucoup de me laisser siéger au comité ce matin.

J'aimerais discuter un peu avec le ministre des Finances l'idée qu'il se fait des déficits et des excédents. J'ai trouvé passablement condescendant le sermon qu'il nous a servi ce matin sur les mérites des budgets équilibrés, tout comme le sermon sur la partisannerie lorsque l'on exprime des inquiétudes sur ce qui se produit au pays aujourd'hui.

Je veux bien accepter pour argent comptant ce qu'a dit le ministre dans sa déclaration, sauf lorsqu'il dit que sa responsabilité comme ministre des Finances est, et je cite, «de mettre en oeuvre des politiques et des programmes économiques, sociaux et fiscaux qui créent des emplois et favorisent la croissance».

• 0940

La majorité des Canadiens sont en train de découvrir que la dégradation ininterrompue de l'environnement, l'accroissement de la pauvreté, la persistance d'un chômage très élevé, le charcutage de nos programmes sociaux et l'érosion de nos systèmes de santé et d'enseignement sont autant de formes de financement du déficit.

Le ministre des Finances a indiqué que la caisse de l'assurance-chômage commence à peine à connaître un excédent. Or, c'est précisément la politique du gouvernement de créer un excédent. Il y est arrivé en réduisant les prestations d'assurance-chômage et l'admissibilité à cette aide au point où nous sommes au même rang que l'Alabama.

Moins de 40 p. 100 des chômeurs canadiens ont droit à l'assurance-chômage aujourd'hui, par opposition à 87 p. 100 qui y avaient droit il y a moins de dix ans.

Le ministre voit-il un lien entre ces politiques et le fait que plus de 5 millions de citoyens vivent aujourd'hui dans la pauvreté? L'incidence de la pauvreté est au niveau le plus élevé des 20 dernières années.

Le ministre des Finances voit-il un lien entre les politiques du gouvernement et la montée scandaleuse de la pauvreté, la misère et la souffrance qui sont le fait de ces politiques?

M. Paul Martin: Le chef du NPD a d'abord parlé de dégradation de l'environnement; si je la comprends bien, elle nous dit que le déficit ne se mesure pas exclusivement sur le plan financier. C'est dans ce cadre je crois qu'elle a parlé de dégradation de l'environnement et de la nécessité de protéger nos programmes sociaux.

Je suis tout à fait de cet avis. Je suis en effet convaincu que le déficit humain est plus important que les déficits financiers. D'ailleurs, pour moi, l'élimination du déficit financier n'est pas une fin en soi mais bien un moyen pour l'État de s'occuper des programmes sociaux dont la députée a parlé.

Sur le deuxième point, la pauvreté, je crois également que nous nous inquiétons tous de voir à l'époque de la mondialisation une inégalité de plus en plus grande. C'est un problème avec lequel nous devons tous composer.

La seule divergence de vue avec le chef du NPD sur ce point c'est que je ne crois pas que la solution soit pour l'État d'alourdir sans cesse sa dette. De fait, la seule façon dont l'État peut s'occuper de ces programmes sociaux c'est si lui-même et le citoyen ordinaire s'affranchissent du joug de la haute finance. C'est cela que notre gouvernement a réussi à accomplir.

Mme Alexa McDonough: Moi et beaucoup de citoyens tolèrent bien mal la suffisance et la satisfaction du ministre des Finances devant l'équilibre budgétaire lorsque l'on sait que le déficit imposé aux ménages canadiens est insoutenable.

Permettez-moi de passer directement à la responsabilité de l'État de créer des emplois. Ce sont vos propres paroles, pas les miennes. Vous avez dit que c'est l'une des fonctions essentielles du ministère et du ministre des Finances.

Je reviens tout juste du Royaume-Uni, où le chômage est inférieur à 5 p. 100. Une opération massive de création d'emplois est en cours dans ce pays sous l'impulsion du chancelier de l'Échiquier, le ministre des Finances. Il sait que la théorie du ruissellement est une chimère économique. Il sait qu'il y a dans ce pays une marginalisation sociale d'envergure, en particulier chez les jeunes. Il a décidé de mobiliser la nation tout entière, à commencer par le patronat, pour lutter contre le fléau du chômage, une dimension du déficit que le gouvernement ici refuse d'affronter.

• 0945

Comment pouvez-vous aujourd'hui nous faire une déclaration sur les priorités du gouvernement, un bilan dont il se dit si fier, et de ses intentions pour l'avenir sans même mentionner le chômage et encore moins exposer ce qu'il entend faire pour le combattre?

M. Paul Martin: Tout d'abord, j'ai été invité ici pour discuter du Budget principal des dépenses. C'est...

Mme Alexa McDonough: C'est bien ce dont je parle.

M. Paul Martin: Non, mais c'est...

Mme Alexa McDonough: Allez-vous consacrer des fonds à la lutte contre le chômage, oui ou non?

M. Paul Martin: Je suis ici pour discuter du Budget principal des dépenses, un document rétrospectif.

Permettez-moi de répondre à vos questions. Je tiens à assurer le chef du NPD que ce n'est pas la satisfaction béate qui nous anime, ni moi, ni le gouvernement. Cela a été une victoire retentissante pour les citoyens que d'équilibrer nos finances.

Mme Alexa McDonough: Et des épreuves terribles pour ceux qui ont été écrasés au passage.

M. Paul Martin: Les difficultés dont vous parlez existent et ce n'est que maintenant... Nous n'aurions pas pu nous y attaquer. Nous n'aurions pas pu consacrer 1,7 milliard de dollars à la prestation fiscale pour enfants, par exemple, si nous n'avions pas assaini nos finances. Si le déficit et les taux d'intérêt avaient continué de monter, nous n'aurions pas eu la marge de manoeuvre de faire ce que nous avons fait pour les enfants, par exemple.

Comprenons donc bien que l'équilibre budgétaire est la condition sine qua non du maintien des programmes sociaux dont parle la député.

Mme Alexa McDonough: Mais redonner du travail aux gens...

M. Paul Martin: D'accord, parlons-en, de redonner du travail aux gens. Depuis que nous avons pris le pouvoir, le taux de chômage est passé de 11,5 p. 100 à 8,4 p. 100. J'aimerais qu'il soit bien plus bas. Le taux de chômage ne cessait de monter et lorsque nous avons pris le pouvoir, il n'a cessé de baisser. À l'heure actuelle, nous créons des emplois à un rythme plus rapide que tout autre pays du G-7, y compris récemment les États-Unis.

Vous me direz qu'il faut faire davantage. J'en conviens. C'est néanmoins un revirement spectaculaire.

Une autre chose. La députée parle de ses entretiens en Angleterre avec des représentants du Parti travailliste. Je voudrais noter une ou deux choses. J'ai eu beaucoup d'entretiens avec Gordon Brown, le chancelier de l'Échiquier.

Tout d'abord, le chômage actuellement au Royaume-Uni est le résultat du gouvernement conservateur précédent, tout comme... Je vois M. Brison sourire, mais c'est un fait.

Deuxièmement, le gouvernement travailliste du Royaume-Uni est placé sous le signe de la modernité et s'est doté d'instruments modernes. Ses politiques sont très semblables à celles du gouvernement libéral fédéral.

Sauf tout le respect que je dois au chef du NPD, je dois dire que son parti est loin d'avoir connu l'évolution du Parti travailliste. Le NPD est un parti qui—je regrette de devoir le dire—est ancré dans le passé, contrairement au Parti travailliste, qui lui est bien tourné vers le prochain millénaire.

Mme Alexa McDonough: Je ne doute pas que ces propos partisans soient tout à fait de mise, vu les attaques du ministre contre la partisannerie.

Il y a un autre sujet de préoccupation que j'aimerais...

M. Paul Martin: Il y a la partisannerie intelligente et il y a l'autre.

Mme Alexa McDonough: J'aimerais revenir sur le fait que les inégalités se répandent dans les autres pays. Il s'agit ici du Canada. Vous êtes le ministre des Finances du Canada.

Que faites-vous du fait que le Canada s'est hissé de la 17e ou de la 18e place au deuxième rang des pays pour ce qui est de l'écart entre les plus riches et les plus pauvres ? Nous sommes passés au deuxième rang, derrière les États-Unis, pour ce qui est de l'indice de pauvreté et de l'indice d'inégalité universellement admis.

M. Paul Martin: Eh bien, je vous dirai tout simplement que je ne suis pas au courant de ces chiffres, mais j'en ai vu beaucoup d'autres, et je ne conteste pas les affirmations du chef de NPD. Nous sommes très préoccupés par les inégalités. C'est précisément pourquoi nous tenons à l'équilibre en tout.

Par exemple, lorsque nous avons réduit l'impôt sur le revenu dans le dernier budget, nous avons supprimé l'impôt pour 400 000 personnes, les contribuables à plus bas revenu. Nous nous sommes servis de la marge de manoeuvre dont nous disposions pour éliminer la surtaxe de 3 p. 100 pour les revenus de moins de 50 000 $ précisément pour les raisons données par le chef du NPD.

• 0950

Je pense comme elle qu'aucune société ne peut durer lorsque l'inégalité ne cesse de s'accentuer et c'est là un des grands objectifs du gouvernement. Je peux l'en assurer.

Au fait, je ne crois pas qu'il s'agisse ici de partisannerie. Nous avons des objectifs très semblables. Nous préconisons peut-être des moyens différents de les atteindre, et c'est là où se situe le débat, mais je crois que le chef du NPD a tout à fait raison: aucune société moderne ne peut tolérer l'accentuation des inégalités.

Le président: Merci.

Mme Alexa McDonough: J'imagine dans ce cas que le débat porte sur les politiques et les programmes que nous adopterions si nous voulions laver la honte et l'horreur d'être au deuxième rang des pays du monde pour les inégalités.

M. Paul Martin: Il ne fait pas de doute que c'est un débat sur les politiques. Je ne suis pas au courant... J'aimerais voir ces chiffres.

Mme Alexa McDonough: Le fait que vous ne soyez pas au courant de ces chiffres explique peut-être en partie pourquoi nous poursuivons dans cette voie.

M. Paul Martin: Non, c'est qu'il y a plusieurs façons de faire le calcul, et ce calcul a déjà été fait.

Le président: Merci, madame McDonough.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président. Tout d'abord, je tiens à remercier le ministre d'avoir défendu le précédent gouvernement conservateur et les politiques avisées qui se sont soldées par un faible taux de chômage au Royaume-Uni. J'aimerais qu'il mette autant d'impartialité dans son évaluation du précédent gouvernement canadien...

Une voix: Oh, oh!

M. Scott Brison: ...qui, grâce à des politiques comme le libre-échange, la TPS, la déréglementation des services financiers et des transports ainsi que d'autres changements structurels de l'économie, a déblayé le terrain qu'il a eu la sagesse de continuer à cultiver.

Ma première question est toute simple et porte sur l'excédent de l'assurance-emploi. Apporterez-vous une modification à la loi pour autoriser un excédent encore plus important ou accorderez-vous des réductions majeures de cette charge sociale?

M. Paul Martin: Comme je l'ai déjà dit, nous recherchons d'abord l'équilibre. Nous abaisserons donc l'AE en fonction des besoins financiers du pays. Nous allons aussi réduire les impôts et consacrer des fonds aux grandes priorités que sont la santé et l'enseignement.

Nous poursuivrons dans cette voie aussi longtemps que nous pourrons. Pour le moment, je ne suis pas en mesure de déterminer ce qui se passera dans l'avenir. Il faudra de toute évidence tenir des discussions poussées sur la formule exacte à employer.

M. Scott Brison: En mars à Halifax, vous avez dit—et j'y étais—qu'il y a très peu d'indications de la réduction des cotisations d'AE favorisant la création d'emplois. Pourtant, dans le budget, vous avez accordé des suppressions spectaculaires, comme l'exonération pour les jeunes; vous pensez donc de toute évidence qu'il y a place pour certains changements. Je ne parle pas uniquement du Canada. Il y a des indications quantitatives notables dans le monde qui donnent à penser que la réduction des charges sociales favorisera la création de l'emploi et que les charges sociales constituent la forme la plus odieuse d'imposition vu ses conséquences pour l'emploi. Je dirais que c'est certainement le cas.

Pourquoi hésitez-vous toujours à réduire de façon sensible les charges sociales? Certains économistes disent qu'au Canada cela serait possible et que l'on pourrait continuer d'avoir un excédent raisonnable si les cotisations étaient de 1,85 $ plutôt que de 2,70 $. Pourquoi résistez-vous toujours à une réduction importante capable de favoriser la création d'emplois au pays?

M. Paul Martin: Eh bien, il y a deux choses. Le porte-parole des finances pour le Parti conservateur se souviendra que lors de cette rencontre à Halifax, j'ai posé une question à l'auditoire. Il y avait environ 500 hommes ou femmes d'affaires dans le public lorsque j'ai posé la question. J'ai dit que nous venions d'abaisser la cotisation de 20c. Je pense qu'ils réclamaient une réduction de 50c. Je ne me souviens pas... Enfin, je leur ai demandé ce qui arriverait si nous réduisions la cotisation de 50c encore: j'ai demandé à ceux qui croyaient que cela allait créer un emploi dans leur entreprise de lever la main. Personne n'a levé la main.

La question qui se pose est donc de savoir si un chef d'entreprise embauche parce qu'il a besoin de travailleurs ou parce qu'il y a une baisse de la cotisation. Les analyses ont montré que la réduction des cotisations ne crée pas d'emplois mais que l'augmentation des cotisations, elle, en supprime. C'est ce que les analyses montrent.

• 0955

J'aimerais maintenant aborder votre dernière question, que je juge très importante, à propos des comparaisons. De fait, les charges sociales au Canada sont moins lourdes que dans la plupart des autres pays. Il faut bien comprendre, par exemple, lorsque l'on fait une comparaison avec les États-Unis, que nos charges sociales sont beaucoup moins importantes. Notre impôt sur le revenu des particuliers est plus élevé. La question qui se pose dans le débat est donc de savoir, lorsque l'on se compare aux États-Unis, nos charges sociales étant moins élevées que les leurs, notre impôt sur le revenu des particuliers étant plus élevé, si nos charges sociales sont bien la priorité ou si l'on ne devrait pas plutôt s'occuper de l'impôt sur le revenu des particuliers. Je pense que c'est là que se situe le débat, monsieur Brison.

M. Scott Brison: Voilà qui est intéressant. Je savais que le Parti libéral fait des sondages auprès de groupes cibles pour déterminer sa politique économique, mais je m'attendais à quelque chose d'un peu plus raffiné qu'un vote à main levée devant une chambre de commerce.

Une voix: Oh, oh!

M. Scott Brison: Passons à autre chose. Vous avez dit que le déficit était de 6 milliards de dollars lorsque votre parti a pris le pouvoir en 1993. Comme la récession sévissait à cette époque, ne convenez-vous pas qu'il est raisonnable en période de repli économique d'accumuler un déficit dans la caisse de l'assurance-chômage, par exemple? Il est établi en politique économique que c'est une chose raisonnable tant et aussi longtemps que la caisse est renflouée, comme on le fait en période de reprise économique.

Deuxièmement, n'avez-vous pas augmenté l'excédent uniquement en réduisant les prestations et en conservant les cotisations telles quelles? Il ne faut pas être bien malin...

M. Paul Martin: Permettez-moi de répondre dans l'ordre inverse. La principale raison pour laquelle l'excédent a augmenté, même si nous avons évidemment réformé l'assurance-chômage, c'est la reprise de l'économie.

Il faut comprendre ce qui s'est produit pendant la récession de 1989-1992, lorsque le gouvernement précédent, que je ne nommerai pas, était au pouvoir; c'est qu'au moment où le fonds était déficitaire, il a aussi augmenté les cotisations. Le résultat... Ce qu'a dit le député serait tout à fait juste s'il était possible en récession de ne pas augmenter mais bien plutôt d'abaisser les cotisations—si c'était possible—ou au moins de les maintenir à leur niveau. Ce serait une bonne chose. Mais le gouvernement s'est retrouvé dans un tel déficit—6 milliards de dollars—qu'il a dû augmenter les cotisations, ce qui a sans doute fait disparaître encore plus d'emplois.

En ce qui concerne ce que vous avez dit à propos des groupes cibles, j'ai déjà dit que nous avions fait des analyses approfondies des effets des charges sociales. C'est de ces analyses que provient la conclusion que c'est l'augmentation des cotisations qui élimine des emplois. Ce qu'il faut, c'est la stabilité.

Enfin, si l'on affirme que les entreprises vont créer des emplois si l'on abaisse les taux, ce n'est sans doute pas une mauvaise idée de leur demander si c'est vrai.

M. Scott Brison: Une dernière question?

Le président: Oui.

M. Scott Brison: D'abord, je serais très curieux de voir l'étude qui dit que l'augmentation des cotisations nuira à la création d'emplois mais que la réduction des cotisations sera sans effet.

Cela dit, à quoi attribuez-vous... Vous avez dit qu'il y avait eu une reprise de l'économie depuis 1993; j'aimerais donc vous poser deux questions. D'abord, combien de temps faut-il attendre pour qu'une politique économique fasse sentir ses effets? Deuxièmement, à quelle politique attribuez-vous le mérite de la reprise économique depuis 1993, la croissance notable dont vous avez parlé?

M. Paul Martin: Je pense que plusieurs facteurs y ont conduit.

M. Scott Brison: Dans l'esprit de non-partisannerie que vous...

M. Paul Martin: Il va sans dire.

M. Scott Brison: ...préconisez ce matin.

M. Paul Martin: Je crois qu'il y a plusieurs choses. Comme le Canada est une nation commerçante, il va sans dire que nous profitons de la libéralisation des échanges. Les accords en ce sens sont à notre avantage. Je n'hésite pas à le dire. C'est après tout le gouvernement libéral qui a signé l'ALENA.

Une voix: Oh, oh!

M. Paul Martin: Le facteur le plus important à mon sens est la réduction des taux d'intérêt. Cela a beaucoup stimulé l'économie du pays.

• 1000

Notre plus gros problème—vous en êtes sûrement conscients—c'est que notre économie était bancale. Autrement dit, elle ne reposait que sur les exportations. Ce qui nous aide beaucoup maintenant, c'est la croissance de la demande intérieure.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib): Merci, monsieur le président.

J'ai deux questions. Ma première est de nature partisane, toutefois.

Nous avons connu une merveilleuse croissance de l'emploi. Je me demande comment ce succès se compare à ce que préconisaient les partis d'opposition pendant la campagne électorale. Prenez le cas du NPD. Ce parti promettait un million d'emplois sur quatre ans. Les conservateurs en promettaient 750 000.

M. Paul Martin: De fait, le gouvernement et le pays ont réussi à surpasser les prévisions d'emplois de tous les partis d'opposition. Nous le devons au dur labeur de nos citoyens.

Mme Paddy Torsney: Merci, monsieur le ministre.

Il y a certaines autres choses que j'aimerais savoir. Qu'en est-il de la prestation aux aînés?

Ma deuxième question est la suivante. Mardi, le professeur Mintz nous a parlé de son rapport. Que comptez-vous en faire? Cela suppose évidemment une certaine coopération fédérale-provinciale. Il préconise des changements radicaux à la fiscalité des entreprises canadiennes. C'est quelque chose qui nous intéresse tous.

M. Paul Martin: En ce qui concerne la prestation aux aînés, notre objectif premier est d'assurer la durabilité du régime public de pension et de veiller à ce que ceux qui ne peuvent pas épargner touchent une pension acceptable.

Nous avons fait beaucoup de consultations et nous continuons. Il y aura certainement des changements importants à l'idée de base parce qu'il y a de meilleures façons de s'y prendre et que les consultations ont été très constructives. Lorsque nous serons prêts, nous ferons une annonce.

Le rapport du professeur Mintz, quant à lui, porte sur l'impôt des sociétés. S'il est une chose que les gouvernements ont appris, c'est qu'en matière de fiscalité, les changements majeurs du jour au lendemain créent plus de problèmes qu'ils n'en règlent. À notre avis, la priorité devrait être la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, à commencer par les plus bas revenus et en progressant dans l'échelle. Ce sera notre priorité.

Même si le rapport du professeur Mintz est très précieux, nous n'allons pas y donner suite tant que nous ne nous serons pas d'abord occupés de l'impôt des particuliers. Nous tenons toutefois à ce que le rapport du professeur Mintz fasse l'objet d'un débat public, car c'est la leçon que nous avons tirée des consultations sur la prestation aux aînés: plus la discussion est ouverte, franche et publique, meilleur est le résultat.

Mme Paddy Torsney: Merci.

Le président: Merci, madame Torsney.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de vos propos, monsieur le ministre.

J'ai attentivement écouté le dialogue autour de la table, et je voudrais continuer de discuter de l'assurance-emploi. À la période des questions, hier, le gouvernement a été accusé de se servir dans la caisse d'assurance-emploi. Il est important, je pense, que vous soyez ici pour faire disparaître le mythe selon lequel il y a de l'argent en réserve quelque part. De fait, même si on invoque souvent le vérificateur général pour préconiser certaines méthodes comptables, cet argument n'est pas repris par ceux qui disent que les fonds de l'assurance-emploi devraient être traités de façon distincte. De fait, le vérificateur général a clairement dit que la caisse d'assurance-emploi devrait faire partie des recettes générales.

Il y a une déclaration toutefois que j'aimerais vous entendre répéter ou clarifier pour moi. Cela porte sur la propriété de cette caisse. Vous avez parlé de «tous les contribuables». Lorsque vous avez dit cela, je pensais à autre chose qu'un simple programme où les gens cotisent à une assurance et où le régime verse des prestations au besoin. En fait, il y a beaucoup d'autres éléments.

Je pensais en fait à la formation de la main-d'oeuvre et le fait que nous ne nous en occupons plus. Je pensais au déséquilibre entre les secteurs, certains touchant plus que ce qu'ils cotisent au régime. Je pensais au développement économique régional, qui ne relève pas à proprement parler de l'assurance-emploi, mais qui contribue directement ou indirectement à la création d'emplois, ce qui cadre avec le programme d'assurance-emploi. Je pensais aux dépenses des ministères pour la création directe ou indirecte d'emplois, comme les frais généraux ou les dépenses d'administration ou les effets qu'ils ont, et comment cela n'appauvrit jamais la caisse d'assurance-emploi.

• 1005

Il faut donc je pense songer à l'ensemble de l'activité de l'État lorsque l'on parle de création d'emplois et de chômage au pays. Voir la caisse d'assurance-emploi comme un instrument linéaire me semble manquer de largeur d'esprit.

Ai-je raison? Sommes-nous maintenant en mesure d'assurer aux entreprises des taux d'intérêts stables, ce qui est une bonne chose, je crois? Sommes-nous prémunis contre les pires cas de ralentissement économique? Certains redoutaient une récession aux États-Unis dès 1999. J'ignore quels sont les pronostics actuellement. Sommes-nous parés contre les pires éventualités, ce que souhaitent évidemment les citoyens?

Cela étant accompli, s'est-on demandé s'il est temps, comme quelqu'un l'a suggéré, de revoir la Loi sur l'assurance-emploi pour s'assurer que l'on tienne bien compte de toutes les dépenses associées aux services d'emploi?

M. Paul Martin: Vous avez soulevé pas mal de questions, monsieur Szabo; je vais essayer d'y répondre dans l'ordre.

Vous avez d'abord parlé des propos de M. Harris. Disons qu'ils ont été plutôt intempestifs. Il faut bien comprendre que M. Harris est en mode préélectoral et estime de toute évidence qu'il est plus facile de s'en prendre au gouvernement fédéral que de défendre son bilan. C'est la tactique qu'il a adoptée. Cela ne facilite guère le dialogue, mais c'est le parti qu'il a pris.

En ce qui concerne la caisse de l'assurance-emploi et les disparités régionales, vous avez raison de dire que la caisse d'assurance-chômage sert à plusieurs choses. Ce que vous avez dit à propos des disparités régionales est juste.

Les propos de Mme Torsney tout à l'heure à propos du professeur Mintz faisaient sans doute allusion à des choses comme les taux particuliers de cotisation et la question de savoir s'il y a lieu d'examiner cette idée. C'est une observation valable; c'est le genre de chose qu'il faudrait examiner.

Vous vous demandiez si nos taux sont maintenant stables ou en tout cas s'ils ne monteront plus ou même baisseront. Vous avez raison.

Nous avons sans doute réussi à nous prémunir contre un ralentissement économique important. L'ennui, c'est que lorsque l'on se croit à l'abri du pire, la réalité vient perturber ses plans. Je crois que nous sommes assez à l'abri, jusqu'ici en tout cas, de la pire éventualité.

Votre idée de revoir la loi dans son ensemble est très bonne. Voilà le genre de chose que le gouvernement devrait faire ou que le comité, monsieur le président, pourrait entreprendre. C'est une excellente idée.

Un instrument conçu pour des circonstances économiques données peut ne pas convenir à une situation nouvelle. La nature de l'économie canadienne, la création d'emplois, le passage à l'économie de l'information, toute l'évolution de la situation au Canada donnent beaucoup de crédit à vos propos.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser deux questions. La première porte sur le groupe de travail MacKay, sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada. Je suis étonnée qu'aucun député d'en face ne vous ait posé de questions à ce sujet parce qu'il me semble que les derniers jours ont été plutôt mouvementés pour vous.

Quelle forme prendront le débat parlementaire et les consultations sur ce sujet?

• 1010

M. Paul Martin: Les membres du comité vont y participer de près et il devrait y avoir des consultations publiques d'envergure. Il s'agira sans doute de la réforme la plus radicale qu'il soit du secteur financier canadien. J'imagine que vous examinerez non seulement le rapport MacKay mais aussi certains cas dont on a parlé récemment.

Quant à la nature exacte, je pense que cela reste à déterminer. Les membres du comité et le président devront rencontrer le président du comité sénatorial, et je pense qu'il y aura des discussions entre les deux comités sur la façon dont vous allez régler cela, et je sais que la décision n'a pas encore été prise.

Mme Karen Redman: Merci.

Mon autre question concerne l'efficacité des organisations financières internationales comme le FMI, la Banque mondiale ou la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Pouvez-vous expliquer ce qu'on prévoit, et quelle est l'efficacité, à votre avis, de ces organisations? Prévoit-on y apporter des améliorations?

M. Paul Martin: Il faudrait certainement le faire. Je pense que ce qui s'est vraiment passé—et nous l'avons certainement vu dans le cas de la crise en Asie—, les événements étaient tels qu'ils dépassaient le pouvoir des gouvernements nationaux, et même des institutions financières internationales, de remédier à la situation.

Ce qui s'est passé en Thaïlande, en Indonésie et en Corée n'aurait jamais dû arriver. S'il y avait eu une transparence adéquate et une surveillance adéquate, les conséquences au moins auraient été diminuées ou atténuées ou l'on aurait peut-être même pu prévenir tout cela.

Nous pensons qu'il faut modifier considérablement la façon dont nous supervisons les mouvements de capitaux et les systèmes bancaires, et c'est certainement un changement que nous voulons apporter.

Il y a aussi un autre changement auquel nous tenons beaucoup, et je suis vraiment heureux que le Canada l'ait proposé à la réunion de Kananaskis. Notre proposition a reçu beaucoup d'appui parmi les personnes présentes et le président de la Banque mondiale a exprimé très clairement sa position sur la question. Normalement, lorsqu'un pays se trouve en difficulté, le FMI est appelé à intervenir à la dernière minute. La principale motivation du FMI est de susciter la confiance dans les marchés afin que toute la situation sociale ne se détériore pas. La Banque mondiale n'intervient que beaucoup plus tard. Les banques régionales n'interviennent que beaucoup plus tard. De fait, la Banque mondiale est un élément essentiel parce que c'est elle qui cherche à atténuer les problèmes sociaux. La plupart d'entre nous, je pense, se préoccupent bien davantage des problèmes auxquels font face les femmes et les enfants que de ceux auxquels font face les banquiers.

Nous avons dit entre autres choses que lorsque des événements de cette nature se produiront dorénavant, il faut qu'il y ait de la coordination, et nous voulons que la Banque mondiale et les banques régionales de développement interviennent au même moment, afin qu'on puisse atténuer les difficultés qui pourront résulter des ces interventions.

Je dois dire que nous avons fait vraiment beaucoup de progrès sur cette question à Kananaskis, à mon avis, et nous avons certainement l'intention d'en reparler aux réunions du FMI à l'automne.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Merci, madame Redman.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Martin, il y a quelques années, quand nous étions encore aux prises avec le déficit, je me souviens de vous avoir posé une question. Lorsque nous étions... je vous ai demandé si au lieu de ramener le déficit à 2 p. 100 du PIB, nous ne pourrions pas le ramener à 1 p. 100. Vous avez dit que vous ne prendriez aucun engagement à cet effet.

Ma question porte sur le ratio de la dette au PIB que nous avons établi. Le ratio est très élevé ici—pas aussi élevé que dans certains autres pays du G-7, mais nous devons certainement examiner ce ratio de la dette au PIB. Avez-vous fixé des objectifs, et pourriez-vous nous expliquer ce qu'ils sont, monsieur le ministre?

M. Paul Martin: Comme vous le savez, monsieur Pillitteri, le ratio de la dette au PIB est présentement juste en deçà de 70 à 1. Au cours des deux ou trois prochaines années, d'après nos projections, il descendra à 62 pour 1. Celui des États-Unis est autour de 40 à 1. Étant donné la volatilité des marchés financiers, je pense qu'on devrait s'attendre à ce qu'au Canada le ratio ne soit plus élevé que celui des États-Unis, à tout le moins, de sorte que nous avons du chemin à faire.

• 1015

Il est important de comprendre que même si le pays se félicite, à bon droit, d'avoir éliminer le déficit, nous avons encore une dette énorme, et le ratio de la dette au PIB, comme vous venez de l'indiquer, est beaucoup trop élevé. C'est l'une des raisons pour lesquelles, au cours des discussions que nous tenons au sujet de l'excédent de l'assurance-emploi, il faut comprendre que nous ne sommes pas vraiment rendus à un point où nous pouvons soudain déclarer victoire sur toute la ligne et simplement revenir à la normale. Nous devons réduire le ratio de la dette au PIB, parce qu'à un niveau aussi élevé, il nous rend vulnérables à la volatilité des marchés. Nous devons nous placer dans une position qui nous met à l'abri dans la mesure du possible. C'est un facteur qu'il est important de garder à l'esprit lorsque nous discutons comme nous l'avons fait tantôt, par exemple, de l'excédent de l'assurance-emploi.

M. Gary Pillitteri: J'ai une question complémentaire sur un sujet différent, soit la création d'emplois. Je sais pertinemment, étant donné que je suis un homme d'affaires, que les taux d'intérêt représentent un facteur important, étant donné qu'ils sont 2 p. 100 moins élevés que ceux des États-Unis. Certains demandent si nous ne devrions pas relever les taux d'intérêt à court terme pour soutenir notre dollar. Je n'aime pas vraiment l'idée, en particulier parce que j'habite dans une région qui est près de la frontière des États-Unis. C'est vraiment fantastique de voir la collectivité bénéficier de la situation. Il y a quelques années, nous avons eu le problème des emplettes outre-frontière. Maintenant, le phénomène se fait dans le sens inverse et je n'aimerais pas que cela s'arrête. Prévoit-on cependant agir dans ce sens, c'est-à-dire soutenir le dollar?

M. Paul Martin: Monsieur Pillitteri, vous comprenez sûrement qu'il est difficile pour un ministre des Finances de répondre à une question de cette nature. Je pourrais parler une quinzaine de minutes sans vraiment répondre à la question ou je pourrais simplement dire que je vais me dérober. Je pense que je vais simplement dire que je vais me dérober.

Le président: Merci, monsieur Pillitteri.

Madame Cohen.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Monsieur le ministre, ce qu'il y a de merveilleux dans le processus d'examen du Budget des dépenses, c'est qu'on peut aborder presque n'importe quel sujet, et je choisis de ne pas faire preuve d'esprit de parti aujourd'hui, mais je veux vous parler de Windsor, une collectivité que vous connaissez mieux que la plupart des gens.

Pendant que votre ministère gère la dette et que vous gérer notre budget général, pouvez-vous me dire quel impact vos politiques auront sur les industries importantes pour la région de Windsor, soit le tourisme, l'industrie automobile évidemment, et la production de spiritueux distillés?

Et vous savez que j'ai une autre question à poser à ce sujet, alors vous voudrez peut-être demander à vos adjoints de commencer à chercher. Vous savez, je pense, où je veux en venir avec ma question.

M. Paul Martin: En effet.

En ce qui concerne le tourisme, vous savez premièrement que le gouvernement a créé et financé la Commission canadienne du tourisme, qui a vraiment fait un excellent travail. De fait, grâce à notre financement, elle fait beaucoup de publicité. Je pense que c'est l'une des raisons qui expliquent la croissance considérable du secteur touristique. Évidemment, une région comme celle d'où vient la députée en bénéficiera grandement, car à cause de l'Île Pelée, du Jack Miner Migratory Bird Sanctuary, et d'autres attractions, il s'agit de l'une des plus jolies régions du monde, de sorte qu'elle en bénéficiera évidemment.

En ce qui concerne le tourisme également, comme la députée le sait, parce qu'elle ne me permet jamais de l'oublier, le casino est important. Le gouvernement n'a pas pris de mesures qui pourraient nuire à une telle entreprise, et la députée s'est assurée qu'il en serait ainsi.

Pour ce qui est de l'industrie automobile, Windsor marche à plein gaz, et c'est vraiment dû à la productivité des travailleurs canadiens. C'est également dû au régime canadien de soins de santé, qui fournit évidemment au Canada un grand avantage concurrentiel. Tout ce que nous pouvons faire pour soutenir les soins de santé est en effet non seulement bon pour les Canadiens, sur le plan de leurs propres vies, mais c'est également un avantage concurrentiel très important, et c'est le cas dans l'industrie automobile.

Je crois comprendre à quoi la députée veut en venir avec cette histoire de spiritueux. Nous n'avons peut-être pas pu lui donner satisfaction autant qu'elle l'aurait voulu, mais j'ai la certitude que l'honorable députée continuera de faire valoir son point de vue sur cette question.

Mme Shaughnessy Cohen: Merci, monsieur le ministre.

Le président: Madame Torsney.

• 1020

Mme Paddy Torsney: Je reprends ce que disait M. Pillitteri, à savoir que ce qui nous préoccupe au sujet de cette dette, c'est le fait qu'on ne la maîtrise pas suffisamment. Je sais qu'on a pris certaines initiatives, par exemple avec Placements Épargne Canada, pour en contrôler une plus grande part. Je crois qu'on envisage quelque chose comme les deux tiers.

J'ai deux questions. Premièrement, quelle est la proportion exacte? Et deuxièmement, certaines grandes banques canadiennes nous disent qu'apparemment, elles ne sont pas assez fortes pour mettre en marché toutes les obligations et elles sont obligées de faire appel à certaines banques américaines. Je me demande si cela vous préoccupe ou quels sont ces taux au juste, et pour les gens qui ne comprennent pas le principe de la dette à échéance par rapport aux autres types de dettes, pourquoi est-ce important pour eux?

M. Paul Martin: Lorsque nous avons pris le pouvoir, le gouvernement avait pour objectif d'établir à environ 63 p. 100 la proportion de la dette à échéance par rapport à la dette flottante. Nous avons haussé cette proportion à 65 p. 100 lorsque nous avons pris le pouvoir, et nous avons atteint cet objectif.

C'est très important parce que, malheureusement, les taux d'intérêt montent et baissent, et ce qu'on veut vraiment, c'est se protéger contre les fluctuations. Lorsque nous avons pris le pouvoir, chaque fois que le taux d'intérêt grimpait de 1 p. 100, il nous en coûtait 1,8 milliard, et aujourd'hui, il nous en coûte seulement 1 milliard de dollars. Ce qui nous permet donc d'épargner 800 millions de dollars si la proportion est à 65 p. 100.

Vous voulez savoir si 65 p. 100 est la proportion qu'il faut. Posez la question à 20 économistes, vous aurez 20 réponses différentes. Chose certaine, c'est une proportion honnête.

En réponse à votre deuxième question, Jacquie Orange, qui dirige Placements Épargne Canada, tentera d'écouler autant d'obligations qu'elle le pourra en s'adressant aux banques canadiennes et autres institutions. Il faut aussi savoir que dans une certaine mesure, les banques vendent aussi leurs propres instruments financiers qui sont compétitifs. Donc, d'une certaine manière, vous demandez aux banques de vendre, mais nous pensons que les instruments relatifs à la dette canadienne sont tellement compétitifs et tellement attrayants que les banques déploieront des efforts raisonnables pour vendre les nôtres.

Le président: Merci, madame Torsney.

Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, vous avez dit il y a quelques instants qu'il n'existe pas de preuve formelle démontrant que des impôts moins élevés, des charges sociales moins lourdes favorisaient nécessairement la création d'emplois. J'ai la certitude que vous savez parfaitement bien qu'il existe d'amples preuves historiques démontrant qu'une fiscalité moins lourde est un tonique sans pareil pour la création d'emplois. D'ailleurs, lorsque vous avez proposé votre réduction de 20 p. 100 pour les cotisations à l'assurance-emploi, vous vous êtes tout de suite empressé de dire au monde entier que cette réduction allait créer des tas de nouveaux emplois. Je tiens donc à signaler la contradiction qu'il y a dans vos réponses ici.

Vous dites aussi, cependant, que même si vous n'avez pas la certitude que l'abaissement des impôts va créer des emplois, le fait de hausser les impôts, à votre avis, limitait la croissance de l'emploi. Cela dit—et je suis heureux que vous ayez dit cela et je prends votre parole—,auriez-vous l'obligeance de nous dire exactement combien d'emplois vont disparaître dans notre pays à cause de cette augmentation de 73 p. 100 dans les cotisations au RPC que vous proposez? Vos fonctionnaires, vos actuaires et vos économistes ont sans doute calculé ce nombre d'emplois, parce que vous l'avouez vous-même, le fait d'augmenter les cotisations et les impôts tue l'emploi.

M. Paul Martin: Je pense que ce qui compte, c'est d'être clair. Ce que j'ai dit, c'est que ces études n'ont pas démontré que la réduction des charges sociales créait des emplois.

M. Dick Harris: Mais, monsieur le ministre, lorsque vous avez annoncé la baisse de 20c. pour les cotisations à l'assurance-emploi...

M. Paul Martin: Si vous le permettez...

Le président: Allez-y, monsieur le ministre.

• 1025

M. Paul Martin: Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'une fiscalité légère permet de créer des emplois. Autrement dit, dans un régime où la fiscalité personnelle est faible, où les impôts sur les sociétés sont bas, par exemple, comparativement aux régimes où la fiscalité est élevée. Le meilleur exemple, c'est le régime fiscal du Royaume-Uni par rapport, disons, à celui de la France ou de l'Allemagne. En fait, c'est l'une des raisons générales pour lesquelles nous voulons abaisser la fiscalité personnelle. Il est donc très important de reconnaître la distinction qu'il y a entre les charges sociales en tant que telles et une fiscalité faible.

Deuxièmement, les faits démontrent bien, et les études le démontrent aussi, qu'une hausse des charges sociales inhibera au début la création d'emplois. Mais sur une période de cinq ans, la situation s'égalise apparemment, et ce qui se passe, autrement dit, c'est que le système peut l'absorber. Il y a absorption, c'est un fait.

Pour ce qui est de l'augmentation fédérale-provinciale aux cotisations au RPC, encore là, des études assez exhaustives ont été faites dans tout ce domaine. Monsieur Harris, il ne fait aucun doute que si nous n'avions pas augmenté ces cotisations au RPC... on aurait préféré ne pas le faire. Essentiellement, nous avions des obligations de l'ordre de 600 milliards de dollars, et comme l'a déclaré un député de votre propre parti, il fallait ou bien augmenter la fiscalité personnelle ou augmenter les cotisations au RPC. Nous n'avions pas le choix.

Il est important de comprendre que la vaste majorité des cotisations au RPC correspondent en fait à de l'épargne. Et les études ont démontré que la confiance dans le Régime de pensions du Canada sera maintenue et on commence déjà à le voir. En fait, cela favorise la création d'emplois parce que les gens savent qu'il existe un régime d'épargne de base pour eux, tout comme ils savent que l'assurance-santé est là pour eux aussi.

M. Dick Harris: Monsieur le ministre, vos propres fonctionnaires ont affirmé clairement qu'il suffirait seulement de 68 p. 100 des cotisations actuelles à l'assurance-emploi pour maintenir le fonds de l'assurance-emploi et le garnir pour toutes éventualités futures. Cela étant, vous savez parfaitement bien que le 32 p. 100 qui reste n'est qu'un impôt. C'est simplement un impôt ou une surcharge, appelez-ça comme vous voulez—et je suis certain que vous n'en disconvenez pas—alors pourquoi ne le reconnaissez-vous tout simplement pas et...

M. Paul Martin: Me permettez-vous de vous interrompre, s'il vous plaît? Je veux seulement apporter une clarification. Je ne conteste pas ce que vous avez dit. Il y a quelque chose que je n'ai pas compris dans ce que vous avez dit. Voulez-vous nous réexpliquer la distinction que vous faites?

M. Dick Harris: Votre propre ministère a dit qu'il suffirait de 68 p. 100 des cotisations actuelles pour maintenir le fonds de l'assurance-emploi, et qu'il y en aurait assez dans le fonds pour toutes éventualités futures. Cela étant, le 32 p. 100 qui reste, peu importe comment on l'appelle, doit être un impôt ou une surcharge. Vous tenez donc là la possibilité de faire un vrai cadeau aux travailleurs et entreprises du Canada en réduisant cette surcharge ou cet impôt de 32 p. 100. La question est de savoir pourquoi vous ne le faites pas?

M. Paul Martin: Dans l'esprit de notre dialogue, je vous répéterai simplement que nous avons pu réduire les cotisations à l'assurance-emploi l'an dernier de 1,4 milliard de dollars. Nous avons pu réduire l'impôt personnel de 1,4 milliard de dollars aussi.

Nos réserves ne sont pas inépuisables, et au bout du compte, nous croyons que l'économie canadienne et les travailleurs canadiens profiteront beaucoup plus de cette baisse de 1,4 milliard de dollars dans la fiscalité personnelle. C'est un choix.

Malheureusement, nous ne disposons pas d'un pactole; j'aurais préféré ne pas hériter de cet épouvantable gâchis. Le fait est que nos réserves ne sont pas inépuisables et que nous devons faire des choix. Nous ne croyons pas que c'est une bonne politique économique que de mettre tous ses oeufs dans le même panier. Nous ne croyons pas que l'économie se portera mieux et que les travailleurs se porteront mieux si nous multipliions ses possibilités.

Le président: Monsieur Williams.

M. John Williams: L'an dernier, le vérificateur général, qui est un fonctionnaire du Parlement indépendant, a étudié vos états financiers. Il n'a pas apprécié le fait que vous ayez opéré unilatéralement une ponction de 800 millions de dollars pour la Fondation pour l'innovation.

• 1030

D'après ce qu'on entend, vous avez parfaitement l'intention d'en faire autant cette année avec ces 2,5 milliards de dollars... vous allez opérer une ponction de 2,5 milliards de dollars dans vos états financiers pour l'exercice se terminant le 31 mars, même si la fondation qui va recevoir cet argent n'existe même pas, et ce, uniquement parce que vous avez annoncé cette initiative.

Si le vérificateur général tient son bout, et j'espère qu'il le fera, allez-vous reculer et présenter un excédent cette année ou allez-vous opérer une nouvelle ponction dans vos états financiers?

M. Paul Martin: Monsieur le président, il est absolument certain que nous espérons afficher un excédent cette année. Cela dit, nous avons l'intention de financer le fonds du millénaire au cours de l'année qui se terminera au 31 mars. Essentiellement, la décision a été prise; les crédits ont été alloués. Avant la fermeture des livres pour l'année, ce qui est une distinction très importante, la structure sera mise en place.

Dans un autre comité, monsieur Williams, vous avez vu les lettres que je m'apprête à citer.

Si vous le voulez, monsieur le président, nous pourrons remettre à votre comité deux lettres qui démontrent deux choses. La première est une lettre de Ernst & Young, qui dit essentiellement que dans le secteur privé, on opérerait en toute probabilité le même genre de comptabilisation, parce que lorsque vous avez assumé des obligations ou lorsqu'on peut raisonnablement anticiper que des obligations seront assumées, il entre dans les bonnes pratiques comptables de les inscrire dans les livres.

Je suis disposé à vous remettre la seconde lettre. Avez-vous déjà reçu ces lettres?

Le président: Oui.

M. Paul Martin: D'accord, passons à la seconde lettre, que je n'aurai pas à vous remettre et que le comité a déjà, et qui est une lettre de Coopers & Lybrand. La lettre de Coopers & Lybrand dit que la divergence d'opinions qu'il y a entre le vérificateur général et notre ministère—et il y a une divergence d'opinions entre le vérificateur général et notre ministère sur cette question—se trouve dans une zone grise. C'est une divergence d'opinion légitime qui porte sur les principes de comptabilité du secteur public. Il appartient au gouvernement de dire s'il faut inscrire cette dépense dans les livres, c'est une prérogative de la direction.

Monsieur le président ou monsieur Williams, ce dont il s'agit ici, c'est d'une divergence d'opinion entre comptables.

M. John Williams: Monsieur le ministre, vous avez mentionné un autre comité, et permettez-moi de mentionner un autre ministère, celui du Revenu national. Ce ministère ne permettrait jamais à une entreprise d'opérer ce genre de déduction uniquement parce qu'elle a annoncé unilatéralement qu'elle compte dépenser de l'argent pour réduire ses profits et ses obligations fiscales.

Le ministre du Revenu national ne permettrait jamais une chose pareille. C'est votre ministère qui émet les directives en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, alors pourquoi ces deux poids deux mesures, quand vous dites qu'on ne peut pas faire ça pour les fins de la fiscalité, mais vous voulez pouvoir le faire parce que c'est une prérogative de la direction, et ce, uniquement parce que vous voulez donner à vos états financiers l'allure que vous voulez?

M. Paul Martin: Monsieur Williams, je crois savoir que vous êtes comptable. Vous savez alors parfaitement bien, en votre qualité de comptable, que la tenue de livres pour les besoins de la fiscalité et la tenue de livres pour les besoins comptables sont souvent fort différentes. Le meilleur exemple que je peux vous donner est celui de l'amortissement accéléré, qui se calcule d'une certaine façon pour les besoins de la fiscalité et d'une autre façon pour les besoins de la tenu de livres.

Il ne s'agit pas ici d'une tenue de livres pour les besoins de la fiscalité; il s'agit d'une tenue de livres conforme aux principes de comptabilité généralement reconnus. Voilà pourquoi, monsieur Williams, j'ai la conviction que ce que le gouvernement a fait est parfaitement acceptable. Les lettres d'Ernst & Young et de Coopers & Lybrand le confirment.

Le président: Merci, monsieur Williams.

Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, tout à l'heure, l'un de mes collègues d'en face a mentionné le rapport Mintz, et dans votre déclaration, vous écartez essentiellement du revers de la main le rapport Mintz en disant que l'impôt personnel est une priorité par rapport à l'impôt sur les sociétés. Le rapport Mintz constate entre autres choses que la plupart des sociétés sont des entreprises individuelles...une personne, des sociétés sans croissance, ce genre de chose. Donc, est-ce qu'une déduction de l'impôt sur les sociétés à ce niveau ne constituerait-elle pas nécessairement une déduction pour l'impôt personnel? C'est la même chose, encore là, mais avec des pratiques comptables différentes.

M. Paul Martin: Oui, je pense que c'est exact, lorsqu'il s'agit essentiellement d'une entreprise qui appartient à une ou deux personnes. Vous parlez bien de cela?

• 1035

M. Gerry Ritz: Oui, une entreprise qui appartient à une ou deux personnes, avec des petits revenus...c'est essentiellement la même chose. C'est ce qu'on fait pour la fiscalité, et il s'agit essentiellement d'une entreprise privée individuelle.

M. Paul Martin: On fait valoir dans le rapport Mintz que la déduction pour la petite entreprise devrait en fait être consentie à ces petites entreprises qui emploient des gens, par opposition aux entreprises qui n'appartiennent qu'à une seule personne comme celles que vous avez décrites. C'est ce que vous dites?

M. Gerry Ritz: Je parle de déduction fiscale; il disait qu'il fallait la ramener à 33 p. 100, etc. Si vous faites ça pour ces petites entreprises qui appartiennent à des particuliers, vous accordez essentiellement cette déduction au secteur privée et, vous l'accordez essentiellement pour l'impôt personnel, parce que cette petite entreprise est en fait le seul revenu du particulier qui la possède.

M. Paul Martin: Je ne conteste pas ce que vous dites; j'essaie seulement de voir à quoi vous voulez en venir.

M. Gerry Ritz: Vous dites que vous allez accorder votre préférence à une diminution de l'impôt sur le revenu personnel plutôt qu'à une diminution de l'impôt sur les sociétés, et je dis que ça revient au même dans les deux cas. Il s'agit d'une entreprise qui appartient à une seule personne. Donc ces personnes n'en profiteront pas parce qu'à votre avis, il s'agit d'une structure d'entreprise.

M. Paul Martin: Oui, je ne conteste pas cela. Si j'ai bien compris Mintz, notre système d'imposition pour la petite entreprise est aujourd'hui très favorable. Il veut que le traitement fiscal préférentiel favorise la petite entreprise qui emploie des gens.

M. Gerry Ritz: Il parle aussi d'élargir la déduction fiscale pour la petite entreprise que vous venez de mentionner. Envisagez-vous cette idée? Je sais qu'on a adressé de nombreux mémoires à notre comité sur ce sujet. La plupart des gens voudraient qu'elle soit doublée; ça fait une éternité qu'on en reste à la cible de 200 000 $.

M. Paul Martin: J'ai assisté à une rencontre de la chambre de commerce où il y a eu en fait tout un débat sur la question de savoir s'il vaut mieux réduire les cotisations à l'assurance-emploi ou augmenter la déduction fiscale pour la petite entreprise. Il n'y a pas eu de consensus autour de la table et toutes ces personnes étaient de la chambre de commerce. Les divergences d'opinion étaient grandes.

Nous sommes parfaitement disposés à examiner les suggestions qui favoriseront la création d'emplois. Quand je parlais de la préférence à l'impôt personnel par rapport à l'impôt sur les sociétés, je parlais de manière générale. Cela ne veut pas dire que nous exclurions une très bonne idée qui favoriserait davantage la création d'emplois.

Le président: Merci, monsieur Ritz.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: Au tableau 1, à la page 2-5 de la partie III, il est question d'une réduction des transferts en espèces aux provinces de l'ordre de 430 millions de dollars encore cette année.

Étant donné que la dernière revue financière du gouvernement parlait, pour le dernier exercice financier, celui qui a pris fin le 31 mars 199...

M. Paul Martin: Juste une seconde. Où est-ce? C'est 430 millions de dollars, dites-vous?

M. Yvan Loubier: C'est là où vous parlez des prévisions de dépenses pour 1997-1998 et des dépenses prévues pour 1998-1999, soit 19,451 milliards de dollars.

M. Paul Martin: C'est à quelle page?

M. Yvan Loubier: Au tableau 1, à la page 2-5. C'est le plan de dépenses.

M. Paul Martin: Oui.

M. Yvan Loubier: On parle d'une réduction des transferts aux provinces de 430 millions de dollars pour le présent exercice, 1998-1999. Les transferts passeraient de 19,880 milliards de dollars à 19,451 milliards de dollars.

La dernière revue financière du gouvernement, qui émane de votre ministère, parlait d'un surplus pour l'exercice financier précédent, celui se terminant le 31 mars 1997, un surplus qui pourrait avoisiner les 4,2 milliards de dollars.

Si vous vous trouvez déjà avec un surplus en 1997-1998 et un plus grand surplus, qui va très certainement dépasser les 4,2 milliards de dollars, en 1998-1999, pourquoi poursuivez-vous vos coupures dans les transferts aux provinces alors qu'en même temps, vous tenez un discours sur la compassion et l'importance de l'éducation?

• 1040

M. Paul Martin: Il ne fait pas de doute que nous devons poursuivre les réductions que nous avons mises en place partout dans nos programmes, que ce soit dans les transferts aux provinces ou dans nos propres dépenses. Cela étant dit, il y a certainement des cas où on a renversé la vapeur. D'ailleurs, dans la question des transferts aux provinces, dans le budget, comme vous le savez, au lieu de diminuer les transferts à 11 milliards de dollars, on a ajouté 1,5 milliards de dollars pour établir un nouveau plancher de 12,5 milliards de dollars, cela exactement pour la raison que vous venez de donner.

M. Yvan Loubier: Vous êtes en train d'admettre ce que vous n'avez jamais admis jusqu'à maintenant. Les coupures que vous prévoyiez en 1995, lors du dépôt de votre budget, coupures qui devaient s'effectuer année après année jusqu'à l'an 2003, vous allez continuer à les effectuer même si les surplus qui sont prévus pourraient totaliser jusqu'à 24 ou 25 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. Vous poursuivez les coupures dans les programmes sociaux et dans les transferts pour financer l'éducation supérieure, la santé et l'aide sociale. On avait raison de dire que d'ici 2003, vous aurez enlevé 32 ou 33 milliards de dollars des coffres des provinces. Vous venez d'admettre que vous continuez vos coupures jusqu'en 2003 malgré la bonne tenue des finances publiques canadiennes.

M. Paul Martin: Non. Je viens de dire que, s'il n'y a pas de décision contraire, nous continuerons certainement les décisions prises dans les budgets antérieurs. Cependant, dans le cas des transferts aux provinces, par exemple, on a déjà renversé une décision et on n'a pas poursuivi les coupures. D'abord, il n'y aura plus de coupures dans les transferts aux provinces. C'est-à-dire qu'on a établi le plancher à 12,5 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation de 1,5 milliard de dollars.

Je viens donc de dire clairement que, si on est en mesure d'améliorer la situation des provinces ou d'autres programmes, nous allons certainement le faire. La preuve est là: on vient de le faire dans le cas des transferts aux provinces.

M. Yvan Loubier: Dans le même tableau, monsieur le ministre, on parle des prévisions pour le programme du service de la dette publique. La dette publique a commencé à diminuer. L'année dernière, on a remboursé 10 milliards de dollars de cette dette. Également, les taux d'intérêt pour les prochains mois et les prochaines années seront quand même assez stables. S'il y a quelque chose qui est stable depuis un an et demi ou deux, ce sont bien les taux d'intérêts. Dans un tel contexte, malgré le fait qu'on va réduire la dette au cours des prochaines années et malgré le fait que les taux d'intérêt sont stables et relativement faibles, comment pouvez-vous prévoir des augmentations du service de la dette au cours des deux prochaines années, des augmentations de 4,8 p. 100 et 3,5 p. 100, alors qu'on devrait normalement s'attendre à ce que cela diminue au lieu d'augmenter d'ici l'an 2000? Est-ce encore une de vos prévisions spéciales comme celle que vous aviez faite pour le surplus ou un de vos jeux de chiffres comme celui que vous faites avec les bourses du millénaire? Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que c'est une trappe à surplus?

M. Paul Martin: Monsieur Loubier, vous qui êtes membre de ce comité depuis très longtemps, vous devriez connaître la réponse. Nous ne faisons pas de projections. Pour ce qui est des projections pour la croissance et pour les taux d'intérêts, on accepte le consensus des économistes du secteur privé au Canada.

Il se peut fort bien que les taux d'intérêts soient stables ou baissent, mais la majorité des économistes au Canada prévoient que les taux d'intérêt vont suivre l'échéancier que nous avons ici. Nous avons dit dès le début que nous allions, par prudence, nous garder une réserve. Comme les projections indiquent une augmentation future d'entre 80 et 100 points de base, nous nous sommes gardé une réserve en nous basant sur ce consensus. Donc, ce n'est pas nous qui établissons le cheminement des taux d'intérêt; c'est le consensus des économistes du secteur privé.

M. Yvan Loubier: Monsieur le ministre, ce que j'ai vu dans les prévisions pour les prochains mois et les prochaines années indique une stabilité ou une réduction des taux d'intérêts.

• 1045

On se retrouve donc dans une situation où on a une stabilité et une possibilité de réduction et également dans une situation où vous générez d'énormes surplus. On ne reviendra pas sur la façon dont vous le faites, qu'on condamne, mais vous générez d'énormes surplus annuellement et ces surplus devraient aller en partie au remboursement de la dette, mais on se retrouve avec un service de la dette qui augmentera de 4,8 p. 100 l'année prochaine par rapport à cette année et de 3,5 p. 100 l'année suivante.

J'aimerais qu'on m'explique pourquoi on fait une telle prévision. Vous m'avez mis la puce à l'oreille parce que vous m'avez dit qu'il fallait avoir un certain coussin, qu'il fallait faire preuve de prudence. Cependant, cela ne vous autorise pas à gonfler les prévisions sur le service de la dette. Si c'est cela que vous avez fait, comme vous l'avez fait par le passé pour certaines autres sujets, eh bien, ça ne va plus.

M. Paul Martin: Malheureusement, monsieur Loubier, vous n'avez pas raison. Par exemple, pour les obligations du gouvernement à trois mois, les projections du secteur privé, en 1997, étaient de 3,2 p. 100. Le consensus du secteur privé nous dit que cela va augmenter, en 1998, à 4,6 p. 100 et, en 1999, à 4,6 p. 100. Ce ne sont pas mes chiffres, mais ceux du consensus du secteur privé. Vous allez les trouver, si vous regardez le budget, au tableau 2-3.

M. Yvan Loubier: Monsieur le ministre, vous admettrez que c'est quand même dur à avaler qu'on se retrouve dans une telle situation. La dette diminue et les taux d'intérêts sont stables et, depuis votre budget, il y a eu des prévisions révisées et on se retrouve avec un service de la dette qui augmente. Il faut se poser des questions.

M. Paul Martin: Ce n'est pas cela, monsieur Loubier. Je vous dis que, selon le consensus du secteur privé, les taux d'intérêts ne seront pas stables. Ce sont les économistes qui disent que les obligations de trois mois vont augmenter.

Si vous n'êtes pas d'accord sur leurs projections, et c'est certainement votre droit, vous devriez vous adresser aux économistes du secteur privé, pas à nous. Une chose est claire. Je ne voulais pas mettre le gouvernement dans sa position antérieure, où il faisait des projections qui étaient peut-être plus ou moins optimistes ou plus ou moins pessimistes. J'ai dit que, comme principe de base, nous allions accepter le consensus du secteur privé, et c'est ce que nous avons fait.

M. Yvan Loubier: Oui, mais, monsieur le ministre, cela a eu pour effet que personne ne croit plus à vos prévisions. Regardez les prévisions pour le surplus. Alain Dubuc, qui n'est pas encore un membre du Bloc québécois—on va sortir la partisanerie avant que vous m'accusiez d'être partisan—, vous dénonçait dès le lendemain du budget parce que les prévisions, selon lui, n'avaient plus d'allure.

Les états financiers du gouvernement ne sont plus fiables. Vous faites des tours de passe-passe comme celui que vous avez fait dans le cas des bourses du millénaire, en imputant à l'exercice de 1997-1998 les 2,5 milliards de dollars qui ne seront dépensés qu'en l'an 2000. Vous l'aviez fait avec l'harmonisation de la TPS et des taxes provinciales dans les Maritimes pour 800 millions de dollars et vous l'avez fait avec le fonds d'innovation. À un moment donné, les chiffres perdent leur crédibilité.

D'ailleurs, le vérificateur général du Canada est venu nous dire ici qu'on avait jusqu'à tout récemment une bonne réputation mondiale en ce qui a trait aux états financiers, mais à l'heure actuelle, en multipliant de tels gestes et en parlant de prudence alors que vous écrivez des prévisions qui sont un peu dénuées de sens, vous enlevez toute crédibilité aux états financiers du gouvernement fédéral. Il faudra que vous corrigiez cela, et vous le savez fort bien.

M. Paul Martin: La prudence dont on fait preuve est exactement la même qu'au tout début. D'ailleurs, si on fait preuve de prudence dans nos budgets, c'est à la recommandation de ce comité.

Monsieur Loubier, c'est vous qui avez fait la recommandation d'y aller avec prudence dans nos chiffres, et c'est cela qu'on a fait. Vous êtes en train de contredire ce que vous avez dit vous-mêmes.

M. Yvan Loubier: Il y a toute une différence entre la prudence et le fait...

M. Paul Martin: Puis-je continuer, monsieur le président? Je suis très content qu'on dépasse nos objectifs. J'en suis très content. D'ailleurs, la province de l'Ontario l'a fait. Les autres provinces ont devancé leurs prévisions. Les États-Unis ont révisé à la hausse quatre fois l'année passée. Donc, si on est capables de continuer de dépasser nos objectifs, on va le faire.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Madame McDonough.

Mme Alexa McDonough: Merci beaucoup. J'ai quatre petites questions. Je sais qu'on manque de temps, alors donnez-moi un instant pour que je puisse les disposer dans l'ordre voulu.

Le ministre des Finances m'a défiée de prouver que les sociaux-démocrates du Canada sont disposés à agir comme un parti moderne, à montrer de l'initiative, comme le fait le gouvernement Blair, pour relever les défis de l'économie globalisée.

Je vais moi-même lancer un défi au ministre. Il sait, j'en suis sûre, qu'il n'y a pas que le Royaume-Uni, mais qu'en fait tout le Parlement européen, qui sont dominés aujourd'hui par des gouvernements sociaux-démocrates, qui ont déclaré sans ambages que les deux priorités de la politique gouvernementale pour les années à venir sont l'emploi et la sécurité du revenu, deux dossiers qui sont d'ailleurs indissociables.

• 1050

J'ai lu toute la déclaration que le ministre a faite ce matin et je n'ai rien vu de tel, mais le ministre a pourtant déclaré que le gouvernement libéral du Canada se rapprochait davantage du gouvernement social-démocrate du Royaume-Uni. Je voudrais que le ministre nous dise directement s'il est prêt à accorder la toute première priorité aux emplois et à la sécurité du revenu.

Deuxièmement, relativement aux disparités croissantes, le ministre a reconnu qu'il s'agissait d'un grave problème. Il n'a pas besoin d'être très progressiste pour reconnaître que même la Banque mondiale a dit que ces disparités croissantes vont ralentir la croissance et créer de plus en plus de pauvreté. Je veux savoir ce que le ministre compte faire pour s'attaquer au problème.

Compte tenu du fait que les 100 PDG les mieux rémunérés en 1996 ont vu leur revenu augmenter de 56 p. 100 alors que le travailleur moyen, après avoir vu son revenu réel baisser pendant 10 années de suite, n'a connu une augmentation que de 2 p. 100 pendant la même période, qu'est-ce que le gouvernement compte faire pour s'attaquer au problème?

Troisièmement, j'ai écouté avec intérêt la députée de Windsor nous parler des problèmes économiques de Windsor et, quand elle a dit qu'elle voulait savoir ce que les politiques du gouvernement fédéral feraient pour l'économie de Windsor, j'ai pensé qu'elle voulait demander au ministre s'il pouvait garantir qu'il ne supprimerait pas les tarifs pour les importations d'automobiles au Canada. Je voudrais que le ministre nous dise quelque chose là-dessus.

M. Paul Martin: J'ai un petit problème et vous pourrez peut-être m'aider.

Je prenais des notes aussi rapidement que possible. Vous avez dit que vous aviez quatre questions, mais je n'en ai que trois. Quelle était la deuxième question?

Mme Alexa McDonough: J'ai pensé que je me ferais peut-être interrompre. La quatrième question, brièvement...

M. Paul Martin: Vous ne l'aviez pas posée. Cela explique pourquoi je ne l'ai pas.

Mme Alexa McDonough: Relativement à l'excédent dans la caisse de l'assurance-emploi, j'ai vu que vos collègues faisaient exactement ce que vous avez fait ce matin en disant qu'il n'y avait pas grand-chose à faire et que c'était simplement le résultat des nouvelles méthodes comptables.

Le ministre ne convient-il pas que ce qui explique en bonne partie l'excédent dans la caisse de l'assurance-emploi, c'est la réduction massive des prestations et les sévères restrictions imposées aux critères d'admissibilité?

À cet égard, il ne faut pas oublier que le but de la nouvelle pratique comptable était de permettre d'avoir une caisse d'assurance-emploi équilibrée à la longue, ce qui me mène à ma quatrième et dernière question, soit que vous devez envisager une énorme récession si vous pensez qu'il faut continuer à augmenter l'excédent de la caisse.

M. Paul Martin: Pourriez-vous répéter votre deuxième question?

Mme Alexa McDonough: Ma deuxième question visait à savoir quelle politique le gouvernement compte instaurer pour s'attaquer aux disparités croissantes compte tenu, d'une part, des augmentations obscènes de la rémunération des administrateurs et, d'autre part, d'une baisse du revenu du travailleur moyen pendant 10 années de suite.

M. Paul Martin: Je pourrais peut-être procéder dans l'ordre inverse.

Il y a bien des raisons pour la réserve de la caisse d'assurance-emploi. La plus importante est sans doute l'activité économique accrue, l'économie plus forte et le fait que beaucoup plus de Canadiens travaillent. Il y a aussi bien d'autres raisons, mais la principale raison, et de loin, est le fait que les emplois augmentent beaucoup plus qu'auparavant.

Mme Alexa McDonough:

[Note de la rédaction: Inaudible]...punir les chômeurs.

M. Paul Martin: Un instant. Laissez-moi répondre à vos questions.

Relativement au tarif automobile, comme la députée le sait, M. Manley a déclaré qu'il ferait une annonce à ce sujet en temps et lieu et je vais le laisser s'en occuper.

Pour ce qui est de la question des disparités, comme je l'ai dit plus tôt, c'est une chose qui nous préoccupe beaucoup. La meilleure chose que nous puissions faire pour nous attaquer à ce problème, c'est de nous assurer que, quand nous décidons de réduire l'impôt sur le revenu, nous commençons par le faire pour ceux qui sont au bas de l'échelle des revenus, et c'est ce que nous avons fait en enlevant 400 000 personnes des listes d'impôt et en supprimant la surtaxe de 3 p. 100 pour les Canadiens ayant un revenu inférieur à 50 000 $.

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Puis, en second lieu, il s'agit de faire en sorte que nos programmes sociaux ciblent ceux qui en ont le plus besoin, et ici l'exemple classique est celui de la prestation fiscale pour enfants.

Toutes les études ont démontré qu'en réalité, une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas au Canada cette inégalité qui existe aux États-Unis, c'est que nos programmes sociaux ont vraiment eu un effet mitigeant, de sorte qu'il y a une grande différence entre l'inégalité et avant impôts et après impôts.

Pour revenir à votre première question, j'aurais deux choses à vous dire. Tout d'abord, vous nous demandez pourquoi nous n'avons pas parlé de sécurité de revenu et d'emploi dans notre exposé. Si vous regardez le budget ainsi que l'actualisation des résultats de l'automne de l'an dernier, vous constaterez qu'il y a eu au contraire de très nombreuses discussions sur la façon dont le gouvernement entend s'y prendre pour assurer la création d'emplois et la croissance et aussi la raison pour laquelle il s'agit là d'une priorité pour l'État.

En substance, la réunion d'aujourd'hui avait pour but de décrire et d'expliciter le budget des dépenses, même si, après que j'eus commencé, je ne me faisais pas vraiment d'illusions. Quoi qu'il en soit, c'était là l'intention. Si donc vous me demandez: «mais où donc parlez-vous d'emplois?», je vous répondrai en vous renvoyant au budget et à l'actualisation des résultats de l'automne.

Cela dit, la députée se trompe lorsqu'elle dit que nous n'en avons pas parlé... N'oubliez pas non plus que je ne vous ai fait qu'un très rapide survol, je ne voulais pas en effet approfondir quoi que ce soit parce que j'avais l'impression que ce que les membres voulaient surtout, c'était la possibilité de pouvoir poser beaucoup de questions. La députée n'a donc peut-être pas prêté attention au fait que, pendant mon survol, j'ai effectivement déclaré que l'objectif premier du gouvernement était le dossier de l'emploi.

Elle ne l'a peut-être pas relevé parce que je l'ai dit en français. Je pourrais d'ailleurs peut-être, monsieur le président, donner une rapide traduction de ce que j'avais dit en français il y a environ une heure et demie. J'avais dit en l'occurrence que l'objectif premier du ministère consistait à aider le gouvernement à élaborer et à mettre en oeuvre ses politiques et ses programmes économiques, ses programmes sociaux et ses programmes fiscaux dont l'objectif principal est la création d'emplois et la croissance économique.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Merci aussi à vous, madame McDonough.

Monsieur Brison, vous auriez une ou deux questions?

M. Scott Brison: En effet, j'aurais deux questions générales.

Pour commencer, nous constatons depuis 1993 une diminution du revenu individuel disponible. L'an dernier, le Canada a connu un nombre record de faillites personnelles. Nous souffrons également d'un exode des cerveaux en ce sens que nous perdons énormément de gens parmi les plus brillants qui vont s'établir aux États-Unis. Pourquoi donc émigrent-ils si nous avons d'aussi bons résultats que vous le dites? Si la situation est tellement rose chez nous, pourquoi certains des meilleurs d'entre nous nous quittent-ils? Cela aurait-il quelque chose à voir avec le fait que nos taxes et nos impôts sont tellement lourds au Canada, ce qui nuit par voie de conséquence à l'enrichissement personnel et à la prospérité?

Pour ce qui est maintenant de l'impôt sur le revenu des entreprises, le rapport Mintz soulignait que de plus en plus, les compagnies canadiennes s'affairaient à établir leurs sièges sociaux à l'étranger pour éviter d'avoir à payer des impôts au Canada, et je sais d'ailleurs que vous êtes relativement conscient de la chose. Cela étant, ce n'est pas tout le monde qui peut aller enregistrer une compagnie à l'étranger pour éviter l'impôt au Canada, de sorte que ce sont maintenant les particuliers eux-mêmes qui émigrent pour payer moins d'impôts.

Vous avez également parlé de la santé publique et vous nous avez dit pourquoi ils auraient intérêt à rester ici. En réalité, lorsque nous parlons du contrat social qui existe au Canada entre l'État et les Canadiens, cela fait quatre ans que ce contrat n'est plus respecté, depuis que le gouvernement a réduit ses paiements au titre du transfert social canadien, ce qui a eu pour effet de décimer nos systèmes de santé et d'instruction publics, dans ce deuxième cas beaucoup plus que ne pourrait le mitiger un fonds des bourses du millénaire qui ne profitera qu'à 7 p. 100 des jeunes gens souhaitant poursuivre des études supérieures.

Alors, moi je vous dirais que cette qualité de vie qui, selon vous, existe au Canada et devrait faire en sorte que les Canadiens restent ici, peut être acheté aux États-Unis, et, par conséquent, les Canadiens quittent le pays. Alors cette question concerne la fuite des cerveaux.

• 1100

La deuxième question concerne la fusion des banques, et j'admets que ces questions ne correspondent pas nécessairement au sujet que vous deviez aborder aujourd'hui ici. Si vous accordiez plus de temps à la discussion des questions d'une façon non partisane, productive et constructive, on ne serait peut-être pas obligé de discuter de ces autres questions plus larges.

Les grandes banques ne se seront pas nécessairement de meilleures banques. En Australie, lorsqu'un groupe de travail semblable au groupe de travail MacKay a présenté un rapport recommandant qu'on permette les fusions, le gouvernement a effectivement dit non.

Je vous dirais que l'impulsion vers la fusion des banques provient surtout des options d'achat d'actions des cadres supérieurs que de ce qui serait avantageux pour les Canadiens.

Si le groupe de travail MacKay dit oui, vous aurez la possibilité de dire non. Allez-vous défendre les gens ordinaires lorsque l'occasion se présente en contrariant l'élite financière? Certains sont très sceptiques concernant les gestes que vous allez poser. C'est vous qui en fin de compte aurez le dernier mot.

M. Paul Martin: Monsieur Brison, pour ce qui est de la question du revenu disponible, les chiffres démontrent qu'il y a effectivement eu une baisse du revenu disponible des familles depuis la fin des années 80 et le début des années 90. Ces chiffres démontrent aussi que cette réduction a pris fin cette année. En fait, on s'attend à ce qu'il y aura maintenant une augmentation du revenu disponible.

Le fait que la diminution ait été arrêtée et qu'il y aura maintenant une augmentation est une très bonne nouvelle. Évidemment, nous nous préoccupons beaucoup du fait que nous avons beaucoup de chemin à faire avant de compenser la réduction qui a eu lieu au cours des dix dernières années.

Si je fais un lien entre cela et la question que vous venez de soulever—est-il possible que nos taxes soient trop élevées comparativement aux taxes pratiquées ailleurs—, c'est une affirmation que beaucoup de gens ont fait. Dans ce débat qui oppose l'excédent de l'assurance-emploi et l'impôt sur le revenu des particuliers, nous voulons surtout réduire l'impôt sur le revenu des particuliers pour faire en sorte que les familles canadiennes aient plus d'argent pour pouvoir accélérer le retour à des niveaux de revenu disponible plus élevés pour ces familles.

Vous avez évoqué la question de la fuite des cerveaux. Je crois que vous savez que les opinions sont partagées là-dessus. Il y a des gens qui disent que la fuite des cerveaux existe bel et bien. Et, il y en a d'autres qui disent que s'il y a une fuite des cerveaux, c'est parce qu'il y a des débouchés dans des domaines spécialisés ou encore, comme l'a dit l'Institut C.D. Howe, la fuite des cerveaux nÂest pas aussi importante que certains voudraient le faire croire.

Tout ce que je vous dis c'est que la fuite des cerveaux est une question qui mérite notre attention, mais en ce qui nous concerne, si nous essayons de réduire les impôts c'est pour transférer plus d'argent aux familles canadiennes.

Pour ce qui est des réductions au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, je crois qu'il est important de comprendre que les réductions ont été moins de 3 p. 100 des revenus des provinces depuis que nous avons assumé le pouvoir. On a donné un préavis de deux ans aux provinces. Dans la plupart des cas, ces réductions ont été moins importantes que les réductions que les provinces ont imposées à leurs municipalités sans aucun avis. Il était possible de les absorber.

Vous comprendrez également que ces réductions des transferts aux provinces ont commencé bien avant que nous ayons assumé le pouvoir. Elles faisaient partie intégrante des activités du gouvernement précédent. Et elles faisaient peut-être partie intégrante aussi du programme gouvernement avant lui. Je n'essaie pas d'être partisan ici. Je dis simplement que ces réductions aux transferts ont commencé il y a déjà beaucoup d'années.

Pour répondre à votre question concernant les fusions des banques—et je veux que ce soit clair—il s'agit d'une décision du gouvernement. Ce n'est pas les institutions financières qui vont prendre cette décision. Elle sera prise ici dans cet édifice par le gouvernement du Canada. Je peux vous en assurer.

• 1105

Je dois vous dire que votre question me laisse perplexe un petit peu, parce que si je me souviens des observations initiales du chef à l'époque, j'ai eu l'impression qu'il était beaucoup plus ouvert à ces fusions des banques que votre question ne semblait l'indiquer.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Avant d'en terminer, monsieur le ministre, j'aimerais vous poser une question concernant l'avenir du secteur des services financiers. Au moment où ce comité se prépare à entreprendre l'étude, nous prévoyons de profonds changements dans les industries financières au cours des prochaines années. Je crois que notre démarche visera à assurer que les Canadiens ont accès à un secteur des services financiers de qualité mondiale et à mettre les meilleurs services à la disposition du consommateur et à la protéger. D'autre part, les membres du comité savent qu'il s'agit d'un secteur qui emploie plus de 500 000 personnes et que ce secteur a besoin de débouchés ici et à l'étranger.

En tant que ministre des Finances, quelles seraient pour vous les caractéristiques d'un secteur de services financiers d'envergure mondiale ici au Canada?

M. Paul Martin: D'abord, il va falloir demander aux banques de nous donner leur définition de «international». Est-ce que cela veut dire jouer un rôle important en Amérique du Nord—c'est-à-dire, pouvoir concurrencer les grandes banques américaines dans le marché américain—ou parlent-elles d'une envergure mondiale qui comprendrait les marchés de l'Asie, de l'Europe et de l'Amérique latine? D'après ce que j'ai vu et lu, il y a une différence d'opinion entre les banques elles-mêmes à ce sujet.

Deuxièmement, et c'est très clair, une banque internationale doit être en mesure d'offrir la multitude de nouveaux services financiers qui voient le jour ces temps-ci. Goldman Sachs et Merrill Lynch sont des exemples de banques ayant un rayonnement mondial, par opposition aux banques qui ne font que prêter de l'argent à un État souverain éloigné.

Évidemment, la capacité d'assumer les coûts énormes de la technologie, la multiplicité des services dont les entreprises canadiennes ont besoin pour faire affaire et exporter à l'étranger et les besoins d'investissement des entreprises canadiennes à l'étranger sont autant d'éléments de la réponse.

Cependant, monsieur le président, je dois dire que bien que vous ayez raison de souligner qu'il est important d'avoir un secteur financier solide et dynamique dans ce pays, un secteur qui soit en mesure de fonctionner selon les principes que vous venez de décrire, il est aussi important de veiller à ce que les consommateurs canadiens et les petites et moyennes entreprises canadiennes, aussi bien dans les grandes villes que dans les localités rurales, puissent compter sur les services nécessaires. Essentiellement, un système bancaire en mesure de concurrencer au niveau international mais incapable de servir adéquatement les consommateurs dans les parties rurales et dans les grandes villes du pays et les consommateurs ayant des petits besoins plutôt que des grands besoins, ne serait pas acceptable pour nous. Nous envisageons définitivement un système bancaire qui soit moderne et à la fine pointe, mais qui réponde aux besoins des Canadiens.

Le président: Monsieur le ministre, peut-être que vous pourriez nous aider un peu ici.

Quand je vois le mot «futur», j'envisage un continuum dans le temps. Mes besoins de services bancaires et financiers en tant que particulier seront, j'en suis bien persuadé, bien différents des besoins de mes enfants. Est-ce que le comité devrait envisager la question du point de vue de l'avenir immédiat ou est-ce qu'on devrait plutôt penser en termes de générations à venir?

• 1110

M. Paul Martin: Il est certain, monsieur le président, que le comité doit se pencher sur les deux éléments. Il faut regarder vers l'avenir.

J'espère que le rapport MacKay se tournera vers l'avenir. Il vous donnera une très bonne base, car les choses évoluent tellement vite que si l'on ne se prépare pas pour l'avenir, on se trouvera tout d'un coup dans une situation très difficile.

Permettez-moi de vous donner un exemple de cette nécessité de se préparer pour le monde de demain. Il est certain que les changements technologiques auront une incidence énorme sur le fonctionnement des institutions financières. Il n'y a aucun doute que la concurrence mondiale, dont les effets se feront sentir de plus en plus au Canada, changera le comportera des gens, et il faudra s'adapter à cette nouvelle situation.

Mais il faut dire aussi qu'il y a des générations de Canadiens qui n'utiliseront pas cette nouvelle technologie et il y a des gens qui vivent dans des régions rurales qui ne seront pas touchés par ces changements. Monsieur le président, si nous nous concentrons sur l'avenir à tel point que nous abandonnons le présent, nous aurons échoué. Je sais que votre comité sera en mesure de trouver un équilibre entre ces diverses exigences.

Le président: Nous vous remercions sincèrement et vivement d'avoir accepté notre invitation. Nous avons obtenu des réponses à beaucoup de questions, et je sais qu'elles nous seront utiles dans nos délibérations.

M. Paul Martin: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci.

La séance est levée.