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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 25 septembre 1998

• 0904

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants du Bureau d'assurance du Canada: M. George Anderson, président et chef de la direction; et M. Mark Yakabuski, vice-président, relations gouvernementales.

• 0905

Vous êtes tous deux des spécialistes des comparutions devant des comités. Je ne vous donnerai donc pas de directives. Nous allons vous écouter très attentivement, puis il s'ensuivra une période de questions.

Monsieur Anderson, je vous cède la parole.

M. George D. Anderson (président et chef de la direction, Bureau d'assurance du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux de me retrouver devant votre comité une fois de plus pour parler des recommandations du groupe de travail MacKay.

Nous voulons nous concentrer ce matin sur la vision dépeinte dans le rapport MacKay et sur ses grands thèmes sous l'angle de notre industrie, celle de l'assurance de dommages. Nous aimerions aussi saisir l'occasion—parce que, comme vous le savez, il s'agit d'un rapport considérable et complexe—de soumettre d'autres idées à mesure que nous les examinons. Nous préparerons un document qui vous donne un aperçu de nos opinions sur les autres éléments du rapport que je n'aborde pas ce matin.

Je pense que la plupart d'entre vous savent que notre industrie est celle de l'assurance de dommages. Nous sommes les fournisseurs d'assurance habitation, automobile et commerciale. Il est assez important, à mesure que notre discussion progressera, de ne pas oublier de faire la distinction entre cette industrie et celle de l'assurance-vie car il s'agit, comme on le dit dans le rapport du groupe de travail, d'industries très différentes.

Nous employons environ 100 000 Canadiens directement et indirectement, qui vivent dans toutes les collectivités et toutes les parties du pays. J'aimerais vous dire que si l'histoire, et plus particulièrement l'histoire récente, nous a appris quelque chose, c'est que nous vivons dans un contexte instable où les retombées de toute politique sur les services financiers sont incertaines. C'est pourquoi le rôle du gouvernement et des parlementaires revêt pour nous une telle importance dans le débat en cours.

Alors que le secteur des services financiers canadien se prépare à amorcer le prochain siècle, il a besoin d'un cadre stratégique qui tienne compte des progrès de la technologie de l'information, mais ces forces ne doivent pas nous intimider ni nous pousser à des mesures prématurées. Après tout, les développements financiers de demain à l'échelle internationale sont à peine perçus.

Le Canada requiert également un cadre stratégique qui reconnaît le rôle fondamental de l'État pour ce qui est d'assurer la stabilité et la sécurité intérieures de nos institutions financières et de veiller à ce que ces dernières soient à l'écoute des consommateurs canadiens. Nous avons besoin d'une politique qui reconnaît que le secteur des services financiers a toujours constitué un marché réglementé et que le gouvernement doit favoriser les consommateurs en instaurant un environnement équilibré et propice à la concurrence, à la création d'emplois et à la protection des consommateurs. Toutes ces questions sont importantes.

De par leur nature même, les choix stratégiques de ce genre sont politiques. Il n'existe aucune formule magique ni principe mathématique abstrait, ni groupe d'universitaires assis dans une salle de conférence quelque part dans une université pouvant servir à trouver la bonne réponse à ces questions particulières.

Monsieur le président, la dernière fois où j'ai comparu devant votre comité, vous m'avez demandé de vous soumettre une vision de l'avenir des services financiers. Lorsque l'industrie de l'assurance de dommages cherche à entrevoir de quoi serait fait le prochain siècle, elle aimerait déceler un secteur de services financiers qui a les caractéristiques suivantes.

Il est d'abord stable, sûr et fiable pour les Canadiens. Il est ensuite un secteur axé sur les consommateurs et il comble rapidement leurs besoins changeants. Le troisième principe est qu'elle aimerait voir un secteur de services financiers diversifié composé de nombreuses entreprises prospères et concurrentielles où les nouvelles entreprises ont leur place et qui offre des choix véritables aux consommateurs. Et nous estimons que le gouvernement a un rôle à jouer pour que ces éléments stratégiques de notre vision se concrétisent et pour assurer la protection des consommateurs, la création d'emplois et un équilibre concurrentiel.

Cette vision d'ensemble de l'avenir du secteur des services financiers est en voie d'élaboration dans l'industrie de l'assurance de dommages depuis les réformes de 1992. Il va sans dire que certains aspects de notre industrie doivent être améliorés. Nous nous efforçons de le faire et nous avons bien progressé vers l'atteinte de cette vision au cours des six dernières années.

Notre industrie est stable, sûre et fiable. En raison de notre structure intégrée, nous avons été en mesure d'affronter des événements parfaitement imprévisibles au cours des dernières années, notamment la tempête de verglas de janvier dernier, la tempête de grêle de Calgary ainsi que la tornade qui a frappé Edmonton—sans que cela compromette la stabilité de notre industrie. De plus, avec l'aide de votre comité et du gouvernement, nous avons pu veiller à ce que les Canadiens soient mieux protégés contre le risque d'un important tremblement de terre.

• 0910

Je suppose que l'on ne peut jamais être suffisamment axé sur les consommateurs, mais nous avons fait de grands progrès dans cette direction au cours des dernières années. Nous avons récemment modifié le programme d'indemnisation de notre propre industrie. Nous sommes devenus la première association à obtenir que son code de protection des renseignements personnels soit formellement déclaré conforme au code modèle de protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation. Nous avons organisé un forum national des consommateurs puis nous avons lancé une initiative triennale visant à sensibiliser davantage les consommateurs à nos produits et à les aider à concevoir des produits qui ont une signification pour eux.

La structure concurrentielle de notre industrie s'est également adaptée au vif désir des consommateurs de bénéficier de prix équitables. La diversité de l'industrie de l'assurance de dommages est remarquable. Plus de 230 sociétés se font une vive concurrence au sein de notre industrie. Il est d'ailleurs intéressant de constater que de nombreuses petites entreprises font la lutte à des grandes sociétés et à d'autres de taille moyenne.

Les consommateurs peuvent choisir parmi plus de 70 sociétés d'assurances appartenant à des Canadiens. Ils ont également accès aux produits et aux services offerts par les plus importantes multinationales d'assurances, qui sont toutes actives sur le marché canadien. N'est-ce pas là la vision que nous voulons pour notre industrie bancaire? Ces sociétés ont couvert, par le biais de la réassurance, près des deux tiers du coût de la tempête de verglas de janvier dernier. Il ne faut donc pas s'étonner si la firme First Marathon Securities a récemment déclaré que notre industrie était la plus concurrentielle du secteur des services financiers au Canada.

Cette diversité prévaut parce que les obstacles bloquant l'accès à l'industrie de l'assurance de dommages sont parmi les plus faciles à surmonter dans le secteur des services financiers. Opposez à cela le fait qu'il y a près de 20 ans qu'une grande banque n'a pas été mise sur pied au Canada. En fait, le groupe de travail signale lui-même dans l'un de ses documents d'information que, dans le cadre de son enquête sur la compétitivité mondiale de 1997, le Forum économique mondial classait le Canada au 41e rang sur 53 pays au chapitre de la concurrence exercée par les banques étrangères et au 39e rang pour la facilité d'accès à notre secteur bancaire.

Sur le plan de la politique publique et du jugement politique, il est bon de faire l'équilibre entre toutes ces caractéristiques que j'ai mentionnées. Lorsque le régime actuel a été mis sur pied en 1992, après plusieurs années de débats, les banques ont été autorisées pour la première fois à être actives dans notre secteur. Au même moment, le Parlement a établi des règles de concurrence équitables qui fonctionnent remarquablement bien. Les banques ne peuvent vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales et elles ne peuvent utiliser leurs dossiers sur leurs clients pour vendre de l'assurance. Pourtant, en vertu de ces règles, la plupart des grandes banques ont mis sur pied des filiales d'assurance et offrent aux Canadiens des produits d'assurance.

Lorsque le Parlement a débattu de nouveau tout récemment de cette question, dans le cadre de l'examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières, il a confirmé les règles. Tant en 1992 qu'en 1997, tous les partis représentés par la Chambre ont appuyé la décision au sujet des pouvoirs des banques dans le domaine de l'assurance.

Je dois avouer qu'à notre avis il n'y a rien dans ce que propose le groupe de travail depuis le dernier examen qui modifie la dynamique fondamentale de ce débat, en partie parce qu'il ne fait que proposer les opinions qui avaient déjà cours en 1992. La conclusion du groupe de travail de proposer l'élargissement des pouvoirs des banques n'est tout simplement pas fondée de façon probante si l'on s'en remet à ses propres analyses.

Permettez-moi de vous montrer de quelle façon parfois, si vous pensez en fonction du tout, vous pouvez vous tromper localement. Le groupe de travail soutient que les banques devraient être autorisées à vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales parce que, partout dans le monde, les banques ont ce pouvoir. Le groupe de travail soutient que cela s'inscrit dans le cadre de la convergence des services financiers, où tout le monde vend le produit de tout le monde.

Pourtant, dans son rapport, le groupe de travail reconnaît que notre industrie est différente des autres institutions financières. D'après sa propre analyse, la fonction essentielle des assureurs de dommages est la répartition et l'absorption du risque. Le groupe de travail ajoute que cette fonction est très différente du rôle d'intermédiation que jouent les banques, les assureurs-vie, les courtiers en placements et les fonds communs de placements. Les services financiers ne sont pas tous les mêmes, et le groupe de travail l'a reconnu dans notre cas.

• 0915

Le groupe de travail poursuit en disant que la «bancassurance», comme on l'appelle en Europe, est un phénomène d'envergure mondiale. Pourtant, presque tous les exemples qu'il cite sont tirés exclusivement de l'industrie de l'assurance-vie. En outre, on peut lire dans son propre document d'information que les banques américaines ne sont pas autorisées à être propriétaires de sociétés d'assurances—droit que les banques canadiennes peuvent exercer depuis 1992. Pour ce qui est de la situation en Europe, le groupe de travail reconnaît dans son document d'information que la part des polices d'assurance de dommages vendues dans les succursales bancaires est négligeable.

L'une des raisons pour lesquelles cette part de marché est si faible est que, par rapport aux cinq grandes banques au Canada, on en dénombre 10 000 aux États-Unis, 600 en France et au Royaume-Uni et plus de 3 600 en Allemagne. Vous avez un secteur bancaire super-concurrentiel dans ces pays, ce qui empêche que des parts de marché soient dominées.

Le groupe de travail soutient ensuite dans son rapport que les banques ont besoin de pouvoirs élargis en matière d'assurance pour soutenir la concurrence des institutions de dépôts provinciales. Je dois dire que c'est exagéré, que les institutions de dépôts provinciales ont de si grands avantages sur les banques, mais c'est néanmoins ce que laisse entendre le rapport.

Un certain nombre de caisses de crédit au pays vendent de l'assurance, et le font depuis de nombreuses années. En fait je pense que les caisses de crédit ou caisses populaires dans chaque province—je pense dans chaque province—vendent de l'assurance. Cela est particulièrement le cas au Québec où les représentants en assurance de Desjardins peuvent vendre de l'assurance dans les caisses populaires, mais n'ont pas accès aux dossiers sur les clients des caisses. La recommandation du groupe de travail va bien au-delà, et permettrait aux employés des banques de vendre à la fois de l'assurance et d'autres produits financiers, en plus d'avoir directement accès aux renseignements sur les clients.

Lorsqu'il a comparu devant votre comité plus tôt cette semaine, le président du groupe de travail vous a dit que la loi 188 du Québec pourrait servir de modèle pour régir la vente d'assurance dans les succursales bancaires. Je ne voudrais pas me lancer dans un débat technique, mais permettez-moi de faire quelques observations au sujet de la loi 188, car je crois que cela devra ressortir dans vos audiences.

Cette loi élargit effectivement les pouvoirs du Mouvement Desjardins, mais Desjardins occupe une place unique dans la politique et la société au Québec, que l'on ne peut vraiment pas comparer à nos banques. Donc, la loi 188 a été adoptée en juin à la suite d'une motion de clôture qui mettait fin aux débats de l'Assemblée nationale. Au cours des derniers jours du débat, près de 250 modifications ont été apportées et n'ont jamais été débattues en public. La plupart des dispositions de cette loi n'ont même pas été édictées à l'heure actuelle. Nous ne savons donc tout simplement pas si elle fonctionnera, encore moins si c'est un modèle ou de quelle sorte de modèle il s'agit. En revanche, nous savons que toutes les grandes organisations de consommateurs dans la province de Québec se sont publiquement opposées à cette loi.

Si les grandes banques devaient obtenir l'élargissement de leurs pouvoirs en matière d'assurance proposé par le groupe de travail, nous estimons que plus de 20 000 emplois disparaîtraient dans l'industrie de l'assurance de dommages à travers le Canada. La plupart de ces pertes d'emplois frapperaient les courtiers d'assurance indépendants établis dans les petites municipalités partout au Canada.

Les banques créeraient certainement des emplois, mais leur nombre serait beaucoup moins élevé que celui des emplois perdus. Il est fort probable que les emplois créés par les banques dans le domaine de l'assurance seraient presque tous situés dans les grands centres urbains. En d'autres mots, les emplois créés par les banques le seraient ailleurs, ces emplois seraient occupés par d'autres personnes et il y en aurait beaucoup moins que l'industrie de l'assurance de dommages n'en compte à l'heure actuelle.

Les régions non urbaines feraient les frais de ce démantèlement dans une proportion démesurée. Ajoutez à cela un démantèlement comparable alors que des milliers d'emplois disparaîtront par attrition si l'un des projets de fusion bancaire est approuvé, et vous aurez en effet des chiffres très élevés. Or, le groupe de travail n'a pas cru bon d'analyser en détail l'impact de ces recommandations sur l'emploi. On s'est contenté de laisser échapper la phrase suivante «Il se pourrait que certains emplois actuels disparaissent».

Le groupe de travail soutient que, pour contrer les répercussions dévastatrices du fait d'autoriser les banques à vendre de l'assurance dans leurs succursales, il suffit de légiférer sur la question des renseignements personnels et des ventes liées et de prévoir une courte période de transition. Il s'agit là d'une vision trop étroite.

• 0920

Nous reconnaissons qu'il convient de mieux protéger les renseignements personnels et d'adopter des dispositions plus rigoureuses concernant les ventes liées. C'est pourquoi nous entendons collaborer étroitement avec votre comité sur ces questions. Toutefois, le fait de légiférer en matière de protection des renseignements personnels et des ventes liées ne saurait être adéquat en soi. Même si on avait une loi sur les ventes liées au Canada au cours de la période pendant laquelle le groupe de travail a exécuté ses travaux, le sondage qu'il a mené indique que 16 p. 100 des répondants estiment avoir été l'objet d'une certaine forme de ventes liées, mais peu de ces personnes, s'il y en a, n'ont jamais signalé à notre connaissance la situation à l'organisme gouvernemental de réglementation.

Il faut non seulement protéger les consommateurs des abus flagrants, il faut aussi adopter des politiques propices à la compétitivité et à l'équilibre sur les marchés ainsi qu'à la protection des emplois. Cela aussi devrait faire partie d'une vision du secteur des services financiers.

Il suffit que je vous rappelle ce qu'a répondu le président du conseil d'administration de la Banque Toronto-Dominion, Charlie Baillie, à un groupe de députés—en fait il peut fort bien s'agir de votre groupe—lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait changé d'avis et décidé que la Banque TD devrait fusionner avec la CIBC. Il a répondu et je cite:

    C'est une chose d'affronter un concurrent deux fois plus gros que soi, mais c'en est une autre que de devoir faire face à un colosse trois fois et demie plus gros que soi.

Je me demande bien ce que penserait M. Baillie s'il était un employé d'une société d'assurance de dommages ou un courtier dans une petite ville, sachant que l'actif d'une seule des banques de l'un de ces projets de fusion serait dix fois plus important que celui de toute notre industrie.

Le groupe de travail vous a dépeint sa vision. Évidemment, je pense que nous sommes tous d'accord pour que les décisions politiques s'inspirent d'une certaine vision éclairée, mais toute médaille a son revers. J'ai voulu vous donner une idée de certains problèmes concrets suscités par les recommandations du groupe de travail. Tôt ou tard, la vision et la réalité finissent par se rejoindre.

Le groupe de travail dépeint un avenir où des institutions financières plus modestes seront prospères et constitueront de nouveaux concurrents pour les grandes banques. Eh bien! peut-être, et je l'espère bien certainement. Mais combien de temps cela prendra-t-il? Et dans quelle mesure cette vision est-elle fiable si entre-temps deux ou trois mégabanques voient le jour et réussissent à atténuer la concurrence à l'échelle nationale?

À notre avis, le danger c'est que les choses pourraient aussi bien évoluer en sens inverse. Déjà les chefs de la direction de la Banque Laurentienne et de la Banque Canadienne de l'Ouest ont reconnu que les propositions du groupe de travail pourraient inciter certaines institutions financières plus modestes, y compris les leurs, à fusionner. La concurrence s'en trouverait donc réduite.

Au même moment, le dirigeant de la sixième banque américaine en importance, la First Union Corp., déclarait récemment que la possibilité de devoir affronter les grandes banques canadiennes empêche un certain nombre de banques étrangères de s'implanter dans le marché. Au lieu de déboucher sur un secteur des services financiers plus concurrentiel, la vision du groupe de travail pourrait nous obliger à composer avec un éventail d'institutions financières nettement plus restreint. En effet, il pourrait en résulter un renforcement de la domination des banques.

En terminant, permettez-moi de vous rappeler un certain nombre de choses que le groupe de travail a dites dans son rapport au sujet de sa vision de notre industrie—du moins les parties qui constituent des progrès par rapport au débat de 1997.

Le groupe de travail dit que notre industrie se distingue de toutes les autres institutions financières. Il reconnaît qu'aucun élément de preuve provenant de l'étranger nous démontre clairement que le fait de permettre aux banques de vendre de l'assurance ait entraîné une baisse des coûts ou une augmentation de la productivité. En fait, dans les deux exemples d'assurance qu'il a étudiés au Canada, la CIBC et Desjardins, il conclut que les prix sont au milieu de l'échelle. À la page 107, il reconnaît que la vente au détail d'assurance dans les succursales bancaires soulève de sérieux problèmes en ce qui touche la protection des renseignements personnels et les ventes liées. Enfin, aux pages 107 et 108, il reconnaît qu'il y aura un démantèlement et que des emplois seront perdus.

Ces faits justifient-ils la mise en oeuvre de la proposition du groupe de travail? Nous en venons à la conclusion que le point de départ d'un débat plus large ne devrait pas être l'élargissement des pouvoirs des banques. C'est une vieille histoire qui a fait son temps. Il est extrêmement important d'examiner d'abord de quelle façon tout ceci s'intègre afin que nous puissions voir certains résultats avant de passer à d'autres.

Nous ne devrions peut-être pas commencer par ressusciter des notions qui ont été réglées il y a à peine deux ans. Nous devrions plutôt nous attaquer en premier au segment dominant et nous efforcer de donner au secteur bancaire les forces concurrentielles semblables à celles qui caractérisent l'assurance de dommages. Si l'on procédait ainsi, il y aurait création d'emplois, et non suppression, et la vision du groupe de travail pourrait avoir des chances de se concrétiser.

Je vous remercie, monsieur le président.

• 0925

Le président: Merci beaucoup, monsieur Anderson, pour cet excellent exposé.

Comme vous le savez, au sein de notre comité nous entendons différents points de vue de différentes personnes représentant divers secteurs du secteur des services financiers. Par conséquent, nous allons vous poser quelques questions au sujet de déclarations que d'autres personnes ont faites de façon à ce que nous puissions adopter une approche équilibrée dans ce processus.

Nous allons commencer par monsieur Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci beaucoup monsieur le président.

Monsieur Anderson et monsieur Yakabuski, je m'excuse d'avoir raté la première partie de votre exposé. Toutefois, j'ai lu un grand nombre des mémoires que vous avez présentés avant la présente séance.

J'aurais quelques questions à vous poser. J'aimerais savoir si vous pouvez me donner une idée de l'incidence sur l'industrie de l'assurance depuis que les banques, d'une autre façon, sont entrées dans le marché de l'assurance par l'intermédiaire de filiales, par l'achat de compagnies existantes et par la mise sur pied de compagnies existantes. Plus particulièrement, vous pourriez peut-être parler du centre d'appels téléphoniques spécialisé dans la vente d'assurance et de la façon dont cela a touché votre industrie.

M. George Anderson: Si je peux me permettre, je pense que l'un des mythes qui circulent est que les banques ont inventé les centres d'appels téléphoniques et que le fait de faire des affaires au téléphone est un nouveau gadget technologique. L'industrie de l'assurance a été associée au téléphone depuis son invention et fait des affaires de cette façon.

Évidemment, nous avons toujours eu des assureurs directs ainsi que des assureurs qui ont recours au réseau de courtiers. En effet, lorsque la Banque Royale a décidé d'entrer dans le marché de la réponse directe, elle a acheté tout son système de la Compagnie d'assurance Co-operators. Les banques ne nous montrent donc rien de particulièrement novateur dans ce cas-ci, quoique ce marché soit très concurrentiel et qu'un grand nombre de nos membres sont en concurrence directe avec ces institutions.

L'incidence globale a été que l'établissement des prix et la commercialisation par réponse directe des deux institutions étudiées dans le rapport, soit CIBC et Desjardins, se situaient au milieu de l'échelle. Elles ont accaparé une plus grande part du marché grâce à ce mécanisme, par rapport à ce qui s'est fait en Europe. Les banques se tirent raisonnablement bien d'affaire en vertu des règles actuellement en vigueur.

Ce qu'elles ne sont pas parvenues à faire, c'est de trouver une situation où elles peuvent partir de demandes de crédit puis demander des produits d'assurance parce que cela serait injuste. En outre, elles n'ont pas été capables d'exploiter leurs listes de clients qu'elles ont acquis par la vente des REER et de les utiliser pour cibler des clients pour le marché de l'assurance.

M. Dick Harris: Si je peux me permettre de vous interrompre un instant, je sais que dans le cas de nombreuses banques, lorsque vous devenez un de leurs clients, à un moment ou un autre, vous les autorisez ou ne les autorisez pas à donner votre nom et des renseignements à des filiales ou des compagnies affiliées. Si vous donnez votre autorisation, ces renseignements pourraient fort bien, je suppose, être communiqués. Peuvent-ils être communiqués à une compagnie d'assurance filiale?

M. George Anderson: Non. Je crois comprendre qu'il y a une interdiction à cet égard de sorte que cela ne peut pas se produire.

M. Dick Harris: Je vois.

M. Mark Yakabuski (vice-président, relations gouvernementales, Bureau d'assurance du Canada): C'est uniquement pour les produits d'assurance. En vertu de la loi actuelle, même si vous donnez une autorisation, les banques ne peuvent pas utiliser les renseignements qu'elles possèdent sur les clients des banques dans le but de vendre de l'assurance.

M. Dick Harris: Je vois. Vous me dites donc que dans le cas de la CIBC et de Desjardins, essentiellement l'incidence sur l'établissement des prix pour le client n'a pas changé de façon radicale depuis qu'elles se sont lancées dans le...

M. George Anderson: Non, en partie parce qu'au moins dans le cas des banques—et je suis moins familier en ce qui concerne la dynamique chez Desjardins—il y a des coûts énormes associés à la commercialisation qu'elles font. Je suis convaincu que vous regardez la télévision de temps à autre. La publicité que vous y voyez coûte cher et cela se reflète dans le prix du produit à la fin de la journée.

M. Dick Harris: Donc vous prétendez que l'entrée des banques dans le marché de l'assurance par la vente au détail dans leurs succursales ne modifierait pas ou pourrait ne pas modifier radicalement l'établissement des prix des produits d'assurance actuellement vendus.

M. George Anderson: Oui. Toutes les études réalisées indiquent la possibilité que l'établissement des prix puisse se trouver au milieu, mais vous ne pouvez pas éliminer la tactique commerciale d'offrir de façon délibérée à rabais une gamme de produits afin de s'accaparer d'une part du marché, et c'est évidemment ce qui nous inquiète.

• 0930

M. Dick Harris: Très bien. Donc, en quelques mots, vous nous dites que l'industrie est bien desservie à l'heure actuelle par les intervenants présents et qu'elle est habituée à une concurrence passablement agressive; que l'arrivée des banques dans le milieu de l'assurance n'aura pas une incidence considérable sur le coût net pour les consommateurs et qu'elle ne donnera pas lieu à d'autres types de services d'assurance que ceux qui existent déjà; et vous demeurez persuadé que la raison pour laquelle les banques veulent entrer dans le marché de l'assurance est d'accroître leurs possibilités d'interdistribution avec d'autres produits qu'elles vendent. Est-ce que je résume bien vos propos?

M. George Anderson: C'est cela je crois.

Évidemment, ce qui est primordial, c'est que les banques sont dans ce marché maintenant, et on l'oublie souvent. Une grande partie de leur cause, si vous examinez ce que M. Protti vous a remis hier soir—et j'aimerais avoir la possibilité de l'examiner en détail—porte sur l'assurance-vie. Rien ne porte sur l'assurance de dommages.

Tout comme on le dit dans le rapport du groupe de travail, il y a une convergence de services financiers là où ces services financiers sont par nature intermédiaires. L'assurance de dommages n'en fait pas partie.

M. Dick Harris: J'aurais une dernière question. Le rapport MacKay parle dans ses recommandations d'une période de transition, si le gouvernement devait mettre en oeuvre les recommandations. On parle de plus petits joueurs—je pense qu'il s'agit d'actifs allant jusqu'à 5 millions de dollars.

M. Mark Yakabuski: En ce qui concerne la valeur boursière.

M. Dick Harris: Exactement. On les autoriserait à entrer dans le premier cas. Quelle était la période, cinq ans?

M. George Anderson: Jusqu'en 2002.

M. Dick Harris: Exact, et après cette période, les plus gros joueurs seraient en mesure d'entrer dans le marché.

M. George Anderson: Correct.

M. Dick Harris: Si on suppose que le gouvernement donne son approbation, que pensez-vous de cette période de transition? Comment la considérez-vous? Estimez-vous que c'est quelque chose de faisable ou tout simplement quelque chose qui n'est pas acceptable, selon vous?

M. George Anderson: Il est tout à fait irréaliste de dire que certaines banques peuvent vendre de l'assurance et d'autres non, ou que les plus petites institutions peuvent entrer dans le marché et que les plus grandes doivent s'en abstenir. L'incidence nette est la même: vous pavez la voie aux grandes banques pour qu'elles s'implantent dans le marché dans quatre ans. Nous croyons que ce serait une erreur.

Et la stratégie est dénaturée, si vous lisez le rapport. C'est «Nous allons laisser certaines institutions entrer dans le marché. Oh! nous devrions peut-être ajouter deux banques parce qu'au Québec, Desjardins a fait ceci». Tout cela devient tout simplement un domino.

Cela ressemble un peu à la politique du Parti rhinocéros qui veut que nous allons tous commencer à conduire du côté gauche de la route, d'abord les petites voitures, puis plus tard les autocars. L'incidence serait la même.

M. Mark Yakabuski: Un des autres aspects de la période de transition est celui-ci. Dans le rapport, le groupe de travail prétend que d'une certaine façon nous pouvons avoir une législation sur la protection des renseignements personnels et non seulement au niveau fédéral parce que vous pourriez également l'avoir au palier provincial. N'oubliez pas, les ventes d'assurance relèvent de la compétence provinciale. Donc pour avoir un régime harmonisé de vente de l'assurance d'un bout à l'autre du pays, vous devriez avoir cette énorme coordination des régimes au niveau fédéral et au niveau provincial. Si on veut être réaliste, vous savez qu'il faudra un certain temps pour parvenir à tout cela.

Donc, lorsque M. MacKay et le groupe de travail parlent d'une période de transition allant jusqu'en 2002, nous estimons qu'il n'y aurait en fait aucune période de transition étant donné qu'il faudrait une longue période pour harmoniser la réglementation en ce qui concerne la protection des renseignements et les ventes liées, même que tout cela pourrait ne pas être fait avant 2002, année où les grandes banques obtiendraient automatiquement ce pouvoir. Il y a donc un énorme problème juste là.

M. Dick Harris: Très bien. En terminant, j'ai une préoccupation en ce qui concerne l'incidence sur les plus petites maisons d'assurance indépendantes, les courtiers.

• 0935

Il me semble que contrairement à un grand nombre d'autres industries, où les gens peuvent, en raison de leurs antécédents, être plus souples et faire d'autres choses, si vous êtes dans le domaine de l'assurance et que vous avez eu des années de formation propre à cette industrie, le choc est passablement fort si la situation exige que vous passiez à quelque chose d'autre, une autre profession, après avoir vécu dans un milieu aussi étroit. Pouvez-vous nous donner une idée de l'incidence que l'entrée des banques pourrait avoir sur les petits courtiers indépendants?

M. George Anderson: C'est pour cette raison que nous disons que la transition vers le nouveau régime laissera tous ces gens derrière. C'est vrai que quelques nouveaux emplois seront créés dans le secteur bancaire, mais il ne s'agira pas des types d'emplois dans la collectivité locale, et on n'engagera pas les mêmes gens pour les exécuter. Ce bouleversement d'emplois pourrait être passablement grave.

C'est très semblable au bouleversement que nous constatons dans l'industrie de la morue à Terre-Neuve. Vous pourriez prétendre que dans quelques années il pourrait y avoir autant d'emplois dans l'économie de Terre-Neuve que l'on en comptait il y a cinq ans, mais dites cela à un pêcheur de morue. Dites à un agent d'assurance qui travaille en Alberta qu'il y a plein de beaux emplois et un centre d'appels téléphoniques à Toronto. Cela n'a pas beaucoup de signification pour lui, et c'est précisément la question. Vous allez voir ce bouleversement, et les gens vont se retrouver sans emploi.

Je suis convaincu que lorsque les courtiers se présenteront devant vous, ils vous en parleront davantage, mais nous prétendons que les petites collectivités seront frappées de façon disproportionnée.

Le président: Merci, monsieur Harris.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur Anderson, j'aimerais d'abord faire une remarque. Il y a presque deux ans, lorsque le débat a repris sur la possibilité que les banques vendent de l'assurance, le Bloc québécois s'y est opposé avec vigueur. On a même fait le tour du Québec pour rencontrer nos courtiers d'assurances et tenu deux grandes réunions d'information à Montréal et à Québec, après quoi on a conclu qu'on avait suffisamment d'arguments pour s'y opposer.

Récemment, le groupe MacKay nous a donné un autre argument pour appuyer notre opposition aux banques-assurances. Tout en favorisant les banques-assurances—c'est un peu spécial—, l'étude effectuée par McKinsey & Co. affirme que:

    ...les banques au détail canadiennes [sont] présentées dans cette étude comme «vulnérables» et n'ayant pas encore atteint l'excellence opérationnelle nécessaire pour soutenir et dépasser les concurrents de calibre mondial, que ce soit au pays ou à l'étranger. Sur les marchés internationaux, les banques canadiennes semblent détenir peu d'avantages comparatifs.

Cela appuyait notre analyse et nous a donc rassurés. Avant de multiplier les activités des banques, il faut d'abord penser à les rendre plus efficaces au niveau des activités auxquelles elles s'adonnent à l'heure actuelle. C'est donc un argument supplémentaire.

J'ai eu l'occasion de dire à MM. MacKay et Ducros qu'il y avait une grande faiblesse dans leur rapport. Ce n'est pas au niveau de l'analyse, qui est très rigoureuse et très bien faite, ou de leur vision d'avenir, qui, contrairement à ce que vous avez prétendu plus tôt, me semble très correcte. Cependant, je déplore qu'on n'ait pas indiqué un ordre de priorités pour les 124 recommandations et qu'on n'ait pas précisé, en analysant chacune des recommandations, qu'elles étaient ou bien utiles, ou bien nécessaires, qu'elles étaient une condition suffisante ou accessoire. Un grand nombre de ces recommandations sont accessoires et inutiles et risquent de faire mal inutilement aux 20 000 courtiers dont vous parliez plus tôt, sans ajouter quoi que ce soit à l'efficacité du secteur financier ou à la croissance de ses activités. Donc, nous ne sommes pas plus favorables aux banques-assurances que nous l'étions auparavant; au contraire, nous y sommes encore plus défavorables.

J'aimerais faire une brève parenthèse sur la Loi 188 au Québec. Contrairement à la proposition émise dans le rapport MacKay et contrairement à ce qu'il y avait dans l'air au cours des années passées, vous admettrez que dans la Loi 188, il y a un encadrement assez rigoureux, y compris au niveau des exigences en matière de compétence professionnelle et de certification. C'est très balisé. D'ailleurs, lorsque le rapport MacKay a été rendu public, les premières réactions des courtiers d'assurances au Québec ont été pour dire que ce rapport allait même plus loin que la Loi 188. Au moins, cette dernière comportait certains aspects positifs pour eux.

• 0940

Je reviens à la page 10 de votre mémoire. Vous me permettrez de diverger d'opinion avec vous. Vous y affirmez:

    Le Groupe de travail dépeint un avenir où des institutions financières plus modestes seront prospères et constitueront de nouveaux concurrents pour les grandes banques. Mais combien de temps cela prendra-t-il? Et dans quelle mesure cette vision est-elle fiable si deux ou trois mégabanques devraient voir le jour dans l'intervalle?

Vous présentez là une vision statique puisque vous ne regardez que la situation d'aujourd'hui et vous dites qu'avec le cadre législatif qu'on a à l'heure actuelle et la concurrence qui existe dans le secteur de l'assurance, avec les petits et moyens joueurs, l'arrivée d'une mégabanque, sans l'existence de contrepoids quelque part, pourrait être préjudiciable aux petites et moyennes entreprises dans le secteur des services financiers. Par contre, si vous vous accrochez à une autre des recommandations du rapport MacKay... Comme je vous le disais tout à l'heure, si on avait établi des priorités dans cette démarche, nous aurions été plus à l'aise devant le rapport et l'ensemble des recommandations.

MM. MacKay et Ducros suggèrent qu'on change le régime de propriété afin qu'on puisse créer des alliances stratégiques entre les petits et moyens joueurs pour qu'il y ait, par exemple, des holdings dont la force, en termes de capitalisation commune, serait égale ou même supérieure à celle des deux mégabanques. Est-ce que ce ne serait pas la clé de voûte d'un avenir meilleur que celui que vous dépeignez ici pour le secteur financier? C'est ma première question.

Voici ma deuxième question. Étant donné cette proposition du rapport MacKay que je trouve importante, voire centrale—on aurait dû la mettre plus en évidence—, ne serait-il pas plus équitable, avant toute décision concernant une fusion quelconque entre les quatre grandes banques canadiennes, qu'on change le régime de propriété, qu'on vous permette, pendant une période de transition, de créer ces alliances stratégiques afin que tous partent en même temps, à la même place, avec équité, pour arriver à la même ligne d'arrivée lorsque viendra le temps d'ouvrir les vannes?

Ce sont mes deux premières questions. J'aimerais en poser d'autres par la suite.

[Traduction]

M. George Anderson: Merci, monsieur Loubier.

Nous avons essayé d'indiquer dans notre rapport que l'une de nos préoccupations est précisément celle-là. Ces recommandations semblent ne pas tenir compte de façon pratique des questions d'échéance en cause en les amenant à jouissance. Les questions d'échéance, comme un grand nombre des banquiers eux-mêmes l'ont indiqué—j'ai constaté qu'Henri-Paul Rousseau faisait la manchette hier—sont critiques, parce que si vous, par exemple, pouvez hypothétiser une situation dans laquelle les fusions se produisent et nous avons deux ou trois grandes banques, quel incitatif ont les autres à leur faire concurrence?

À notre avis, vous devez adopter une approche délibérée, étape par étape, à cette question particulière et laisser une partie de cette concurrence commencer à s'épanouir avant de poser des actes qui pourraient probablement la mettre en veilleuse. C'est le problème que nous avons. À notre avis, ces fusions n'ont rien à voir avec la concurrence sur le marché international; elles ont trait à la situation intérieure au Canada. Les banques veulent dominer à l'échelle nationale dans les domaines où elles évoluent. C'est la question fondamentale à laquelle nous faisons face. Si nous leur permettons d'aller de l'avant sans connaître l'effet compensatoire pour ce qui est de, disons, rendre les caisses de crédit ou caisses populaires plus concurrentielles par rapport aux banques, nous aurons fait une erreur.

La dernière chose dont nous avons besoin, c'est une politique financière choc comme celle que nous avons eue en 1992. M. MacKay a lui-même dit que la politique de 1992 fonctionne passablement bien; il n'y a pas grand chose à corriger à cet égard. Examinez la section où il est question de nous. Quels sont les problèmes au sein de notre industrie qu'il mentionne comme nécessitant un changement massif immédiat? Aucun, dit-il. Aucun. Et il n'y a aucune urgence particulière à prendre toutes ces décisions maintenant.

Je suis donc d'accord avec vous: nous devons faire les choses de façon graduelle et examiner quels seraient les gestes les plus appropriés que nous pourrions poser maintenant pour améliorer la compétitivité à l'échelle nationale dans notre industrie bancaire, parce que c'est de toute évidence la grande question.

[Français]

M. Yvan Loubier: Messieurs Anderson et Yakabuski, si Paul Martin décidait demain matin de changer le régime de propriété, s'il vous permettait de faire des alliances stratégiques avec d'autres secteurs ou entre vous, s'il permettait la création de holdings financiers, qui serait préalable à l'acceptation de la fusion des banques, est-ce que vous seriez assez bien équipés pour dire: «Demain matin, nous imprimons un mouvement au secteur financier et nous sommes capables de créer un environnement concurrentiel sur le marché canadien, mais aussi, dans sept ou huit ans—et là-dessus je vais diverger un peu d'opinion avec vous—, lorsque l'environnement international aura changé et que l'ouverture des marchés sera beaucoup plus grande et n'aura rien à voir avec le passé, nous serons équipés pour affronter la compétitivité internationale»?

• 0945

Est-ce qu'un tel schéma, avec les étapes que je vous ai présentées, pourrait convenir à l'industrie de l'assurance et s'avérer plus équitable au départ que si on décidait de permettre les fusions et de donner un avantage comparatif très fort aux quatre grandes banques face à votre industrie qui, elle, n'a pas d'outils stratégiques tels que la possibilité de créer des holdings pour affronter la concurrence intérieure et internationale?

[Traduction]

M. George Anderson: Monsieur Loubier, je vais devoir demander conseil. Je ne pense pas être suffisamment familier avec la dynamique de toutes ces recommandations pour pouvoir vous dire que cette formule est la balle magique qui va corriger tout le reste.

Je sais par contre ceci. Tant que nous avons cinq institutions qui exercent un contrôle primordial de notre économie nationale—un contrôle qui n'a pas son pareil dans aucun autre marché du G-7—nous avons un problème d'équilibre concurrentiel et de domination de secteur. On doit s'occuper de ces questions avant tout, parce que ce sont elles qui donnent la pas à tout ce qui suit.

Si nous nous trouvons face à une situation où nous permettons de créer simultanément trois banques et que nous les autorisons à entrer dans l'industrie de l'assurance de dommages, vision ou pas, je vous invite à revoir l'histoire, ce qui s'est passé dans l'industrie des compagnies de fiducie et l'industrie du courtage lorsqu'on a permis cela. Les répercussions seront dévastatrices.

Je ne sais pas si des arrangements administratifs sur la façon dont les compagnies organisent leurs avoirs seront suffisants pour composer avec cette question. Je n'ai pas consulté mes membres à ce sujet de sorte que je ne m'estime pas en mesure de vous donner une réponse définitive.

[Français]

M. Mark Yakabuski: Une des difficultés actuelles dans notre secteur, c'est que, comme nous l'avons indiqué dès le début, les compagnies d'assurance de dommages sont nettement différentes des compagnies d'assurance-vie. L'assurance de dommages est une affaire de risque, une affaire de partage du risque, etc. Nos activités diffèrent donc sensiblement de celles des autres compagnies, et la possibilité de holdings est peut-être moins intéressante pour nos compagnies.

Cela dit, nous avons toujours dit, et je le répète depuis deux ans, depuis le début de la période de révision de 1997, que nous recommanderions au ministère des Finances de s'attaquer premièrement aux questions qui touchent la compétitivité du secteur bancaire et de se pencher sur les autres questions par la suite. Cet ordre de choses nous semble intéressant. Dans la mesure où vous constaterez qu'il pourrait peut-être se donner des priorités différentes, à des moments différents, cela a beaucoup de sens.

M. Yvan Loubier: Vous dites que le rapport MacKay présente une vision d'avenir qui est dépeinte avec des changements extraordinaires. Vous ne semblez pas d'accord sur ce scénario, bien que tout ce qu'on peut lire sur l'évolution rapide du secteur financier nous indique que dans sept ou huit ans, le visage des services financiers, et même des services bancaires et des services d'assurance, ne sera plus le même. Il aura complètement changé.

Je lisais récemment un article qui disait qu'au cours des 20 mois qu'ont duré les travaux du groupe de travail MacKay, deux banques virtuelles, la Banque Citizens du Canada, filiale de la Vanouver City Savings Credit Unions, et la banque ING, ainsi que deux compagnies américaines spécialisées dans les cartes de crédit, MBNA et Capital One, ont vu le jour. Je crois que cela fait contrepoids à la déclaration du haut dirigeant de la First Union Corp.

J'ai l'impression que les Américains sont conscients de l'occasion que présente l'ouverture des marchés. D'ailleurs, les services financiers étaient à l'ordre du jour de la dernière négociation de l'Organisation mondiale du commerce, l'ancien GATT, et la prochaine négociation risque d'être encore davantage axée sur une plus grande libéralisation et une plus grande ouverture. J'ai l'impression que les Américains se préparent parce que le marché canadien est fort intéressant pour eux et qu'il est lucratif. Là où il y a un dollar à faire, les Américains sont présents. C'est pourquoi je crois qu'il est urgent d'amorcer des changements, notamment au niveau du régime de propriété, pour permettre des alliances stratégiques faisant contrepoids aux fusions. En soi, la concurrence n'est pas mauvaise; c'est la façon dont on encadre cette concurrence qui peut conduire à l'échec ou au succès.

• 0950

[Traduction]

M. George Anderson: Oui, nous ne nions pas un seul instant que les forces du changement soient à l'oeuvre. J'ai essayé d'indiquer dans mes remarques que nous avons réagi à cela. Notre industrie n'est pas la même aujourd'hui que ce qu'elle était il y a huit ans, et nous en sommes bien conscients.

Ce qui nous préoccupe, c'est que vous avez une vision ici qui pourrait aller dans les deux sens. Le but de notre intervention est que l'on fasse preuve d'un certain jugement politique pour ce qui est des véritables effets que ces changements pourraient avoir sur notre économie s'ils ne vont pas dans le sens de la vision. L'histoire est peuplée de gens avec une vision qui ont obtenu les mauvais résultats. Nous ne nions donc pas le postulat sur lequel M. MacKay s'appuie, mais nous disons que ses solutions ne vous donnent pas nécessairement les résultats que vous pourriez souhaiter, et un certain nombre d'entre elles ne s'appliquent tout simplement pas. Un grand nombre s'appliquent.

Le président: Merci, monsieur Loubier.

Je vais poursuivre à partir de la question de M. Loubier. Je veux également vous donner une chance, monsieur Anderson, d'apporter des précisions parce qu'il y a à peine quelques instants vous avez dit que si nous autorisons la fusion des banques et qu'en même temps nous autorisons également les banques à vendre de l'assurance dans leurs succursales, alors il en résulterait une concentration du pouvoir au sein d'une entité, à savoir les banques. Est-ce que vous sous-entendez que si nous n'autorisons pas la fusion, vous êtes d'accord pour que les banques vendent de l'assurance?

M. George Anderson: Non, parce que les questions renvoient encore une fois à celles dont il a été question en 1992 et en 1997. Nos banques sont suffisamment importantes, imaginez ce qu'elles seraient si elles fusionnaient. Leurs avantages concurrentiels sont tout de même énormes vis-à-vis de notre industrie.

Le président: Je voulais seulement vous donner la possibilité de préciser ce point.

Permettez-moi de vous poser une autre question. Je lis à la page 8, où vous dites:

    Si les grandes banques devaient obtenir l'élargissement de leurs pouvoirs en matière d'assurance proposé par le groupe de travail, nous estimons que plus de 20 000 emplois disparaîtraient dans l'industrie de l'assurance de dommages à travers le Canada.

Cela sous-entend que les banques remplaceraient ces personnes. Est-ce exact?

M. George Anderson: Dans une certaine mesure, quoique nous disons que ce n'est certainement pas un pour un. Il y aura une certaine création d'emplois du côté des banques en même temps qu'il y aura des pertes.

Le président: Il y aurait donc moins d'emplois?

M. George Anderson: Beaucoup moins d'emplois, oui.

Le président: Que pouvons-nous donc en déduire au sujet de l'efficacité de ces 20 000 personnes?

M. George Anderson: Eh bien! cela signifie que ces personnes font un travail qui est différent de celui que les banques envisagent. Les banques font leur commercialisation par l'intermédiaire de centres d'appels téléphoniques installés dans des endroits centralisés partout au pays. Les prétendues économies que cela leur donne ne se sont pas encore traduites en un quelconque avantage en matière de prix.

Évidemment le test ultime de l'efficacité est quel est le prix pour le consommateur? Grâce à cette technique, le prix pour le consommateur ne s'est pas retrouvé dans la partie inférieure de la plage d'offre. Ce que cela me dit, c'est que quelles que soient les économies auxquelles l'on puisse prétendre, elles ne se matérialisent pas dans le prix final du produit pour le consommateur.

C'est partiellement en raison des coûts considérables de la publicité qui sont associés à ces techniques de commercialisation. Tel que je l'ai dit à un autre député, vous ne pouvez pas regarder la télévision sans voir une annonce de commercialisation par réponse directe. Ce sont des annonces dispendieuses. Elles se transposent dans le coût du produit.

Dans notre industrie, nous avons une forme d'exploitation locale axée sur le client qui nécessite une forte densité de main-d'oeuvre parce que c'est ce qu'il faut pour régler des demandes de dédommagement pour des gens pris dans une tempête de verglas. Vous ne pouvez pas le faire au téléphone. C'est opposé à une sorte de version originale de système d'émission téléphonique dont les coûts sont dans une très grande mesure supportés par des allégations publicitaires, et cela signifie qu'il faut payer des coûts pour régler des réclamations qui sont en réalité plus élevées que chez un grand nombre de nos autres compagnies.

Je maintiens que le test est le prix final pour le consommateur? Je ne vois pas l'avantage.

Le président: Que dites-vous aux gens qui prétendent que la raison pour laquelle ces entreprises font tellement de publicité, c'est qu'elles sont de nouveaux venus dans l'industrie et qu'elles doivent par conséquent laisser le marché savoir qu'elles existent? J'essaie uniquement d'aller au fond de cette question.

M. George Anderson: Oui, je pense que c'est partiellement vrai.

• 0955

M. Mark Yakabuski: Et l'une des raisons pour lesquelles elles ont choisi de faire de la publicité est évidemment que toutes les banques qui ont des activités dans le milieu de l'assurance au Canada ont décidé de ne pas avoir recours à un système de courtiers.

Je vais vous dire quel est l'avantage d'un système de courtiers. Au Canada, vous pouvez mettre sur pied une compagnie d'assurance avec un capital de 5 millions de dollars. Vous ne pouvez pas créer une banque avec un capital de 5 millions de dollars. Les obstacles pour entrer dans notre industrie sont extrêmement bas, comme l'a signalé M. Anderson.

L'une des choses qui permet aux compagnies d'entrer beaucoup plus facilement dans notre secteur d'activité est que vous avez déjà un réseau de 60 000 courtiers d'assurances en activité au pays. Ces personnes représentent de six à douze compagnies. Une nouvelle compagnie arrive dans le marché et dit qu'elle veut être en mesure de vendre de l'assurance; elle conclut donc quelques ententes avec certains courtiers et elle est soudainement en affaire. Il n'est pas nécessaire de mettre sur pied un centre d'appels téléphoniques. À part cela, il n'y a pas beaucoup de frais généraux.

L'existence d'un réseau indépendant de courtiers est un avantage considérable pour faire entrer de nouvelles compagnies rapidement dans l'industrie, et tout cela se fait à un coût nettement moindre que si vous mettiez sur pied une nouvelle compagnie à partir de zéro, en créant des centres d'appels téléphoniques, etc.

Le président: Que dites-vous aux personnes qui disent «Ces 20 000 personnes qui travaillent dans l'industrie doivent évidemment gagner leur vie; elles doivent générer des revenus. Quelqu'un doit payer pour leurs revenus, et je pense que c'est le consommateur»? C'est ce que ces gens disent. Que répondez-vous à cela?

M. Mark Yakabuski: Je vais vous dire ce qui est arrivé au Québec. Prenons un exemple que le rapport MacKay aime souvent mentionner: En 1987, on a autorisé Desjardins à vendre de l'assurance dans ses caisses populaires au Québec. Si nous examinons l'emploi dans le secteur du courtage au Québec, il est en baisse d'environ 30 p. 100 par rapport au reste du Canada, où les banques n'ont pas été autorisées à vendre de l'assurance dans leurs succursales. Nous voyons donc la comparaison. Cela a coûté des emplois.

Quel a été le contrepoids pour le consommateur? Le Bureau de la protection du consommateur au Québec a effectué un sondage récemment au sujet de l'assurance automobile dans huit grands centres au Québec. Quels ont été les résultats? On a constaté que le prix de l'assurance automobile qu'offre Desjardins n'était pas le plus bas dans aucun de ces centres; qu'il se situait au milieu de l'échelle dans pratiquement toutes les villes et localités où on a mené le sondage. Cela me dit que ce que vous voyez, ce sont des pertes d'emplois d'un côté et aucun avantage comparable pour le consommateur de l'autre côté. C'est l'expérience.

Le président: Donc, essentiellement, ce que vous dites, c'est: vous êtes préoccupé par une concentration d'entreprises; votre système est efficace tel qu'il est; peu importe le fait que si les banques devaient entrer dans le secteur d'activité, vous perdriez 20 000 emplois; et les gens qui disent cela sont dans l'erreur parce qu'ils comparent en fait des pommes et des oranges—ce sont deux services différents qui sont rendus.

M. Mark Yakabuski: Oui.

Le président: Très bien.

Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis curieux au sujet de ce chiffre de 20 000 emplois perdus. Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont on est arrivé à ce chiffre? Est-ce que votre organisation a commandé une étude, ou est-ce simplement un chiffre que vous avez lancé comme cela, une estimation?

M. George Anderson: Non, ce n'est pas un chiffre que nous avons lancé en l'air comme cela. Nous avons en fait demandé à Standard & Poor's d'examiner cette dynamique. Nous pensions qu'il s'agissait d'un bon choix étant donné que, comme vous pourrez le constater dans le mémoire des banquiers, ces derniers les citent au sujet de l'emploi en Nouvelle-Zélande, donc nous leur avons demandé d'examiner l'emploi au Canada. En réalité, je sous-estime leurs résultats afin de ne pas sembler trop dramatique à ce sujet. C'est leur chiffre, et leurs économistes sont prêts à le défendre.

M. David Pratt: S'agit-il de renseignements que vous pourriez communiquer à notre comité?

M. George Anderson: Nous serions très heureux d'organiser une séance pour informer les membres du comité des résultats de ce sondage et de faire comparaître devant vous les économistes de Standard & Poor's à cette fin. Oui.

M. David Pratt: L'une des autres questions que j'avais, monsieur le président, est celle-ci.

De toute évidence, l'une des craintes de l'industrie de l'assurance semble être que les banques réduiraient les prix. Nous avons un bon nombre de Canadiens à faible revenu qui à ce moment-ci ne peuvent se permettre une protection complète d'assurance. Pensez-vous qu'il y aurait un avantage sur le plan de la consommation si ces personnes étaient en mesure de se permettre finalement une protection?

M. George Anderson: Lorsque les banquiers vous disent cela, vous devez leur demander de quelle assurance ils parlent. Presque inévitablement, ils ne parlent pas de l'assurance de dommages. La raison en est que si vous êtes le propriétaire d'une voiture au Canada, vous devez avoir de l'assurance. La notion voulant que le marché de l'automobile, qui est notre plus important marché, n'a pas bien desservi les gens est de la fiction. La loi vous oblige à avoir de l'assurance.

• 1000

Si vous êtes propriétaire d'une maison et vous avez une hypothèque, vous devez assurer cette hypothèque. Si vous n'avez pas d'hypothèque, l'argument pourrait être que vous n'êtes pas une personne qui a un faible revenu dans la mesure où une personne qui a une hypothèque pourrait être à faible revenu. Je pense donc que cet argument, qui est utilisé depuis bon nombre d'années, sert à déterminer dans quelle mesure les banques estiment qu'elles peuvent pénétrer le marché de l'assurance-vie pour les personnes à faible revenu.

Laissez-moi par contre dire ceci. Je ne peux absolument pas voir où les banques visent les Canadiens à faible revenu comme principale clientèle. Cela ne me semble pas être la direction qu'elles ont prise. Ce qu'elles visent, c'est le nombre de Canadiens bien établis à qui elles peuvent vendre tous ces produits et ainsi amener leur argent dans leurs coffres.

En fait, il y a des programmes maintenant—et je ne prétendrai pas qu'ils ont cours dans les banques canadiennes parce que je n'en suis pas sûr; supposons que ce n'est pas encore le cas—qui peuvent en réalité, lorsque vous appelez, vous donner un rang en fonction de votre rentabilité et vous mettre dans une file d'attente si votre rentabilité en tant que client est faible de sorte que l'agent peut répondre à quelqu'un dont le revenu est supérieur. Ces programmes existent.

Nos banques n'ont pas cherché à cibler les Canadiens à faible revenu, et je ne les vois pas tout d'un coup se trouver une vocation à cet égard.

Le président: Merci, monsieur Pratt.

Merci, monsieur Anderson.

Nous allons maintenant passer à MM. Martin et Brison, cinq minutes chacun, parce que nous devons également entendre M. Duff Conacher.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je représente le caucus NPD et je pense que vous allez rencontrer beaucoup de sympathie parmi notre caucus à l'égard de votre point de vue. Vous avez présenté un excellent mémoire.

Il y a un point qui m'intéresse. Vous venez tout juste d'aborder l'idée des ventes liées et vous avez mentionné que les caisses populaires dans la province de Québec peuvent en réalité vendre de l'assurance, mais la différence que vous soulignez dans votre étude est qu'elles n'ont pas accès aux dossiers personnels.

J'ai une lettre détaillée en ma possession qui vient du chef de la direction du groupe financier Rice et qui soulève cette même préoccupation. Il parle de la possibilité d'un avantage concurrentiel injuste et même des offres de crédit et des prêts exagérés qui pourraient en découler. Je me demandais si vous pourriez apporter des précisions sur vos remarques au sujet des ventes liées et des dangers que cela comporte.

M. George Anderson: Ce genre de loi peut être utile pour pénaliser la transgression lorsqu'il y a effectivement transgression. Le problème que nous avons dans la façon que nous organisons la prestation de nos services financiers est qu'il s'agit d'un trait bien fin, le trait fin entre l'interdistribution agressive, pour laquelle de nombreuses banques ont mis des programmes incitatifs sur pied afin d'encourager les employés à le faire... Vous vendez trois produits, vous obtenez une étoile dorée; vous vendez deux produits, vous obtenez une étoile d'argent. Ces programmes incitatifs existent. Ils encouragent les gens à pratiquer l'interdistribution, et les banques vous diront que c'est là le secret de toute leur entreprise.

Le trait est fin lorsqu'il s'agit de cette sorte de pression douce ou implicite, en particulier lorsque vous présentez une demande de crédit. Lorsqu'une personne est assise et attend qu'une hypothèque soit approuvée et que l'agent en face dit «Oh! en passant, vous n'êtes pas un de nos clients. Cette demande doit être présentée au comité des hypothèques. Y a-t-il quelque chose que vous pouvez me mentionner? Où se trouve votre REER?»... J'ai déjà entendu la conversation suivante: «Où se trouve votre REER? Je dois pouvoir dire que nous avons des rapports d'affaires».

Dans le sondage qu'a mené M. MacKay, 16 p. 100 des Canadiens ont dit qu'ils ressentaient cette forme de pression injustifiée. Combien y en a-t-il qui l'ont mentionné au comité lorsque le comité a tenu des audiences sur le sujet? Pas beaucoup. Pourquoi? Parce qu'ils sont inquiets.

Vous pouvez avoir des régimes législatifs, et nous avons encouragé cette situation, mais vous savez, nous parlons d'êtres humains qui travaillent tous les jours dans toutes les succursales au pays. C'est impossible à surveiller et, à mon avis, il serait inutile et irréfléchi d'essayer de le faire.

M. Pat Martin: Je comprends.

M. George Anderson: Vous pouvez sanctionner lorsque les gens sont pris, mais vous ne pouvez pas l'arrêter.

M. Pat Martin: Merci, monsieur Anderson.

J'ai une autre question. Évidemment, l'incidence de la faillite ou de l'effondrement d'une de ces mégabanques fusionnées serait dévastatrice. Pouvez-vous répondre, dans le peu de temps qu'il nous reste, à une question? Advenant un tel effondrement, est-ce que ces clients des services que vous vendez habituellement, qui seraient maintenant les clients de l'une de ces mégabanques fusionnées, seraient plus vulnérables en tant que clients des mégabanques, ou dans leur situation actuelle avec votre industrie?

• 1005

M. George Anderson: Je ne sais pas si je peux répondre à cette question. Nous avons un programme de compensation pour le cas où l'une de nos compagnies ferait faillite, un programme d'assurance de dommages. Les personnes qui achètent de l'assurance seraient protégées en vertu de cette assurance et obtiendraient par conséquent, je suppose, le même genre de protection; du moins c'est ce que nous visons.

L'idée que le gouvernement du Canada laisserait une mégabanque déclarer faillite, je pense—quoique j'ai appris dans ma vie à ne jamais dire jamais—est impensable en raison de l'incidence pour le pays. Vous commencez à vous demander si la banque n'entraînera pas le pays à sa suite? Donc, en toute probabilité, si nous avons des banques de cette taille, tous les efforts seront déployés pour mettre la force du pays derrière elles dans l'éventualité où elles se retrouveraient en difficultés.

M. Pat Martin: J'ai un dernier commentaire à ce sujet; ce n'est pas une question.

Advenant qu'une banque déclare faillite maintenant, la limite pour laquelle vous pouvez être compensé est de 60 000 $.

M. George Anderson: Par contre, vous avez un choix de combinaisons. Vous pouvez obtenir un montant passablement élevé en nommant les produits auprès de différentes personnes de votre ménage.

M. Mark Yakabuski: C'est un peu différent dans notre industrie.

M. George Anderson: Notre limite est de 250 000 $ pour une seule police d'assurance.

Le président: Merci.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président. J'ai trois ou quatre très brèves questions.

Quel pourcentage de vos membres vend des fonds de placement et des produits de REER?

M. George Anderson: À titre d'assureur de dommages, pratiquement aucun. Un certain nombre de nos compagnies offrent d'autres lignes de produits en vertu d'autres entités sociales. Par exemple, quelques-uns de nos membres vendent de l'assurance-vie et par ce mécanisme vendraient des REER, mais pas beaucoup.

M. Scott Brison: C'est peut-être propre uniquement à ma circonscription, mais il semble y en avoir un bon nombre qui vendent tous ces produits, peut-être par l'intermédiaire d'entités sociales distinctes.

M. Mark Yakabuski: Certaines maisons de courtage ont une division d'assurance de dommages et une division d'assurance-vie. Cependant, il est très rare que le même courtier vende à la fois de l'assurance de dommages ainsi que de l'assurance-vie. Une maison de courtage peut décider de faire les deux, mais de façon générale ces produits proviennent de deux compagnies différentes. Il y a très peu de compagnies d'assurance de dommages qui ont de grandes activités dans l'autre secteur.

M. Scott Brison: Vous avez dit que la participation de la CIBC et la participation de Desjardins n'ont pas donné lieu à des prix radicalement plus bas pour le consommateur, mais que la réduction excessive des prix est une préoccupation.

M. George Anderson: La réduction excessive des prix est une préoccupation si on autorise les succursales à être le moteur de ce mécanisme parce qu'à ce moment-là vous avez la possibilité de regrouper les produits et de dire aux gens «Prenez ces quatre produits et voici le prix que nous vous faisons». Ils font un meilleur prix pour une seule raison: accaparer une part du marché.

M. Scott Brison: J'ai un graphique devant moi où on compare le pourcentage des actifs totaux et le pourcentage des profits totaux des divers secteurs de l'industrie des services financiers. Par exemple, les banques à charte détiennent 69 p. 100 des actifs et 55 p. 100 des profits; les sociétés de fiducie détiennent 2 p. 100 des actifs et près de 2,5 p. 100 des profits; les compagnies de prêt détiennent 9 p. 100 des actifs et à peu près 10 p. 100 des profits; et les compagnies d'assurance détiennent 16 p. 100 des actifs et 19 p. 100 des profits. Les compagnies d'assurance de dommages détiennent environ 2,96 p. 100 des actifs, mais 13 p. 100 des profits.

Ne semble-t-il pas, si l'on considère le rapport disproportionné entre les profits et les actifs pour votre industrie, qui distance de loin tout autre intervenant dans le secteur, qu'il reste un peu de place pour de la concurrence?

M. George Anderson: Eh bien! il y a une énorme concurrence dans l'industrie maintenant. Permettez-moi de vous donner un exemple. Et j'aimerais savoir d'où vous tenez vos données, parce que le rendement des capitaux propres dans notre industrie a été le plus faible du secteur des services financiers depuis de nombreuses années, et n'oubliez pas que nous devons prévoir...

M. Scott Brison: Elles viennent de l'Institut Fraser.

M. Mark Yakabuski: Notre industrie n'est pas fondée sur les actifs.

M. George Anderson: Nous devons prévoir des pertes catastrophiques, comme nous l'avons fait l'été dernier. J'aimerais prendre en délibération la provenance de vos données.

• 1010

De façon générale, je peux vous répondre ceci. Au cours des dix dernières années, nous avons versé plus en salaires et en impôts que nous avons réalisé en profits. C'est certainement le cas.

Pour ce qui est de la concurrence qui a une incidence sur le prix, le prix de l'assurance propriétaire au Canada est inférieur au taux d'inflation depuis dix ans. En Ontario, dans le secteur de l'automobile, qui représente 30 p. 100 des revenus de cette industrie, les prix ont chuté de 10 p. 100 au cours des 18 derniers mois. Je ne connais aucun autre service financier où vous pourriez regarder à 30 p. 100 de votre marché et dire que le prix pour le client a chuté de 10 p. 100 récemment.

M. Mark Yakabuski: C'est ici que votre analyse doit être très claire en ce sens que nous avons souligné ce point ici: ne nous confondez pas avec les assureurs-vie. Si vous êtes un assureur-vie et vous vendez de l'assurance-vie à long terme et vous avez des rentes, vous êtes une entreprise fondée sur des actifs. C'est très semblable à la gestion de la richesse; vous créez beaucoup d'actifs dans ce processus.

Lorsque vous oeuvrez dans le domaine de l'assurance de dommages, votre risque est du côté de la responsabilité. Donc nos actifs sont de façon constante beaucoup plus faibles que ceux des autres institutions financières. Si vous deviez comparer notre rentabilité par rapport à nos actifs, vous feriez une comparaison tout à fait injuste. Ce que vous devriez plutôt faire, c'est d'établir une comparaison de notre rentabilité vis-à-vis de nos responsabilités.

M. Scott Brison: L'une des recommandations du rapport MacKay était qu'une personne ou une compagnie pouvait démarrer une banque efficacement en ayant un capital de 10 millions de dollars. Vous avez dit qu'à l'heure actuelle c'est 5 millions de dollars pour démarrer une compagnie d'assurances. Aussi, pour les nouvelles institutions financières, il y aurait une exemption d'impôt sur le capital au fédéral de 10 ans. Qu'est-ce qui empêche vos membres ou des particuliers ou encore des compagnies d'assurance de démarrer des banques et de faire concurrence aux banques? On vous donne une exemption d'impôt sur le capital de 10 ans et on vous donne un accès total au système de paiement.

M. George Anderson: Je reviens sur un point mentionné dans le rapport MacKay. Nous ne sommes pas un service financier intermédiaire. Vous demandez à des personnes qui sont des spécialistes de l'évaluation des risques de commencer à évaluer des demandes de crédit. Nous n'avons pas cette compétence.

Notre industrie a pour mandat de protéger les Canadiens contre des pertes catastrophiques. Si vous cherchez à investir votre capital, je pense que vous chercheriez à l'investir en vous assurant que vous pourriez le faire plutôt qu'essayer de voir si vous pourriez faire des chèques et faire partie du système de paiement canadien et faire concurrence à l'une de ces grandes banques. Le rendement ne sera pas là.

M. Scott Brison: On pourrait dire que votre participation à d'autres secteurs du secteur des services financiers vous permettrait d'acquérir des actifs qui vous permettraient de réduire vos primes du fait que vous n'auriez pas à compter, par exemple, sur un ratio revenu-actif si important. Vous pourriez en réalité vous diversifier et donner en bout de ligne un meilleur niveau de service à coût moindre.

M. George Anderson: Pas si les coûts de démarrage sont ce que nous croyons qu'ils seront. Démarrer une entreprise pour faire concurrence à ces banques, c'est beaucoup plus que du capital et de la volonté.

M. Scott Brison: Si l'on prend pour déterminant la distance dans le coût des télécommunications, je vous dirais que les coûts sont très faibles.

M. George Anderson: Ce n'est certainement pas le cas maintenant. Les obstacles pour entrer sont extrêmes. L'un des cas que nous avons faits est, pourquoi est-ce que le comité ne songe pas à la façon de synchroniser tout cela pour voir si cette supposition est fondée ou non, si elle fonctionnerait? Mais je ne pense pas que vous trouverez nos membres, en raison de la spécialisation de notre entreprise, se bousculer pour devenir des banques.

M. Scott Brison: En 1992, est-ce que votre argument était que cela ne devrait plus jamais se produire, ou que votre industrie a besoin de plus de temps?

M. George Anderson: À la Chambre, certaines personnes, lorsqu'elles se sont levées pour dire que ce n'était plus pour se reproduire, ont dit que l'industrie avait besoin de plus de temps. Notre argument était que ce n'est pas le problème principal des services financiers au Canada. Il s'agit en réalité du plus petit marché de tout le marché des services financiers. C'est lui qui compte le plus grand nombre de concurrents. Pourquoi est-ce que quiconque commencerait là pour régler le problème des services financiers au Canada alors que je pense qu'il est équitable de dire que la plupart de vos commettants vous disent que la concurrence dans le secteur bancaire est le problème, et non la concurrence dans l'assurance de dommages? C'est notre cas.

M. Scott Brison: Merci.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Monsieur Anderson et monsieur Yakabuski, merci beaucoup de votre mémoire et d'avoir exprimé le point de vue du Bureau d'assurance du Canada. Nous vous en sommes certainement reconnaissants et nous aimerions vous remercier des breffages techniques dont vous avez fait profiter le comité par le passé.

Nous allons prendre une petite pause d'une minute et nous reviendrons avec M. Duff Conacher.

• 1015




• 1018

Le président: Nous reprenons nos travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue à monsieur Duff Conacher de la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire.

Vous avez déjà comparu devant des comités parlementaires; par conséquent, vous connaissez la façon de faire. Bienvenue.

M. Duff Conacher (président, Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire; coordonnateur, Démocratie en surveillance): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vais d'abord commencer par une brève déclaration puis passer en revue quelques-uns des documents que nous vous avons soumis en vue de la présente audience, puis je répondrai à vos questions.

Je vous remercie beaucoup de me donner la possibilité de comparaître aujourd'hui devant vous pour réagir au rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers. Je suis le coordonnateur de Démocratie en surveillance, un groupe de défense des droits civiques basé ici à Ottawa, et nous avons mis sur pied la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire. Vous devriez avoir reçu déjà une liste des membres de la coalition. Nous comptons maintenant plus de 100 organisations, provenant de chaque province et des Territoires du Nord-Ouest, qui représentent plus de 3 millions de Canadiens.

Nous vous avons également fait parvenir une liste des personnalités canadiennes qui appuient la coalition et les recommandations de la coalition, ainsi qu'un résumé d'une page des recommandations de la coalition, qui ont été énoncées en détail dans six documents de principes que nous avons publiés l'automne dernier et en mai en réaction au projet de fusion de banques. Je remettrai à la greffière du comité une copie des documents de principes, dans leur version intégrale.

Vous trouverez également une liste de deux pages des mythes et réalités concernant les grandes banques canadiennes et les fusions, que je passerai rapidement en revue avec vous, puis un résumé d'une à deux pages de chacun de nos documents de principes, qui vous serviront de référence rapide aux recommandations que nous faisons en ce qui concerne la réforme du secteur des services financiers au Canada.

• 1020

J'ai également envoyé plus tôt ce matin—et c'est ce sur quoi portera mon exposé—un document de trois pages qui aborde chacune de nos recommandations et donne la recommandation correspondante du groupe de travail ainsi que les changements que nous estimons nécessaires pour combler la lacune par rapport aux recommandations du groupe de travail.

Notre coalition compte plus de 100 organisations, tel que je l'ai mentionné, représentant des groupes de lutte contre la pauvreté, de justice sociale, de consommateurs, de développement économique communautaire, de travailleurs, de petites entreprises, d'étudiants et de femmes de partout au pays.

Nous sommes surtout préoccupés par le manque de responsabilité de la part des institutions financières et le manque de divulgation et de suivi de la façon dont les institutions financières servent les Canadiens. Un sage a dit un jour que le soleil qui brille est un bon désinfectant. Nous voulons mettre une lumière plus brillante sur les banques et les autres institutions financières afin que nous puissions déterminer dans quelle mesure elles servent bien les Canadiens et leur demander d'apporter des correctifs si elles ne servent pas adéquatement et équitablement les Canadiens partout au pays.

La lumière permet également de rétrécir l'écart entre les propos des banques et la réalité des clients. À titre d'exemple, dans le numéro du 3 août de Maclean's, on indiquait que malgré les prétentions des banques qu'il n'y a aucune discrimination dans les prêts aux petites entreprises, elles forment en réalité leurs agents des prêts à l'Institut des banquiers canadiens en utilisant un document qui dit, entre autres, «Sur un plan individuel, on a suggéré que les entrepreneurs étaient des personnages déviants ou marginaux motivés par des expériences négatives dans leur enfance».

Le document dit également, «... les entreprises appartenant à des hommes ont un meilleur rendement que celles qui appartiennent à des femmes», en partie parce que la façon d'élever les femmes «se concentre sur le "partage" et "attendre son tour", au lieu de sur la victoire et la prise de risques».

Enfin, le document dit également, «un sondage mené par Multiculturalisme Canada»—un sondage qui, selon Multiculturalisme Canada, n'a jamais eu lieu—«indique que parmi les groupes d'immigrants, les Grecs et les Juifs sont les plus entrepreneurs. D'autres études ont également permis de savoir qu'il y a un niveau minimal d'activité entrepreneuriale chez les immigrants venant des Caraïbes et des Philippines qui résident au Canada».

M. Dick Harris: Puis-je demander que le document que lit M. Conacher soit photocopié afin que nous puissions en avoir des copies immédiatement?

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Oui, je pense que ce serait très utile.

M. Duff Conacher: C'est tout simplement un article du magazine Maclean's, et je peux facilement vous le remettre.

M. Dick Harris: Oh! je croyais comprendre qu'il lisait directement d'un document.

M. Duff Conacher: Non, ce sont les citations dans l'article du Maclean's au sujet du document que l'Institut des banquiers canadiens utilise.

Le président: Monsieur Conacher, c'est ce que j'avais compris. C'est pourquoi je ne vous ai pas interrompu. Veuillez poursuivre.

M. Duff Conacher: Comme vous pouvez le constater dans ce cas-ci, et dans de nombreux autres, lorsqu'une enquête est effectuée, lorsque la lumière est faite sur des attitudes et des activités des institutions financières, elle permet de constater qu'il y a un écart entre les propos que tiennent les institutions financières et la réalité pour leurs clients.

Dans d'autres secteurs également, des sondages nationaux menés par l'Institut national de la qualité—des sondages portant sur plus de 8 000 Canadiens au cours des deux dernières années—ont indiqué que les banques se classent parmi les cinq dernières des 21 industries pour ce qui est de la satisfaction des clients. Le groupe de travail a d'ailleurs cité ce sondage. Et les propres statistiques des banques indiquent que les prêts aux petites et moyennes entreprises, qui créent des emplois, ont diminué entre 1995 et 1997.

En outre, il y a au moins 400 000 adultes canadiens qui n'ont pas un compte bancaire. Malgré les prétentions des banques qu'elles ont résolu ce problème, de nombreuses enquêtes récentes ont démontré qu'elles maintiennent toujours des barrières excessives et injustifiables pour que les gens puissent ouvrir un compte, barrières telles l'exigence d'avoir un emploi, l'exigence de garder un solde minimum dans un compte, et l'exigence de plusieurs pièces d'identification, beaucoup plus que ce qui est nécessaire pour identifier une personne.

• 1025

Encore une fois, ces enquêtes ont démontré que les banques ont bien des prétentions quant à la façon dont elles servent les gens, mais lorsqu'on vérifie ou qu'on inspecte, on constate qu'elles ne servent pas les gens très bien.

Le système d'imputabilité que nous voulons mettre en place dans de nombreux endroits comporte cinq facettes importantes. La première de toutes est la divulgation. Vous devez exiger des banques et autres institutions financières qu'elles divulguent ce qu'elles font. Autrement, vous ne connaissez pas l'ampleur du problème et vous ne savez pas quelles mesures sont nécessaires pour le corriger.

Il faut de bonnes règles en ce qui concerne les droits des Canadiens à être servis adéquatement et équitablement. Vous devez également procéder à des inspections afin de déterminer si les banques respectent ces règles et, à cette fin, vous devez pouvoir compter sur un solide organisme indépendant d'application des lois dans chaque région, organisme doté des ressources nécessaires pour procéder à cette inspection.

Enfin, vous devez avoir des pénalités importantes parce que vous avez affaire à des institutions qui ont des milliards de dollars en actif et que les petites pénalités ne seront tout simplement considérées par elles que comme un coût pour être en affaires.

Je vais maintenant passer en revue les recommandations en établissant un parallèle avec les recommandations du groupe de travail, puis nous parlerons des écarts que nous constatons.

Dans l'ensemble, nous sommes d'accord avec la vision et le cadre établis dans le rapport du groupe de travail. Il est bien clair que les institutions financières serviront tous les Canadiens bien et équitablement uniquement si les consommateurs sont responsabilisés, si les règles de transparence et de divulgation sont strictes et complètes, et si un système d'imputabilité globale est promulgué. Il est également évident que les institutions financières, en particulier les banques, doivent servir tous les intervenants bien et équitablement parce qu'elles ont profité historiquement de protections réglementaires et qu'elles fournissent aussi des services essentiels aux Canadiens.

Une majorité de Canadiens, selon les sondages menés par le groupe de travail, estiment que les banques devraient respecter une norme plus élevée de rendement que les autres sociétés. Selon deux enquêtes nationales, y compris celle qu'a menée le groupe de travail, neuf Canadiens sur dix croient qu'il est essentiel d'avoir un compte auprès d'une banque dans la société moderne. Nous placerons donc les banques beaucoup plus près des services publics quant à la nature des sociétés. Évidemment, les banques veulent se considérer comme des entreprises privées. Le groupe de travail est fortement en désaccord avec cet énoncé.

Comment tenons-nous les banques imputables? Eh bien! comme ils l'ont fait aux États-Unis, nous avons besoin d'un système d'examen et de divulgation détaillé du rendement des banques et des autres institutions financières en ce qui concerne les prêts, les investissements et les services à la clientèle. On devrait procéder à un examen et à l'établissement d'une cote du rendement et on devrait mettre au point des incitatifs et des sanctions afin d'encourager les institutions à améliorer leur rendement.

Comme vous pouvez le constater, il y a des recommandations du groupe de travail pour des bilans d'implication communautaire voulant que toutes les institutions financières devraient produire. Le problème que nous relevons avec ces bilans et un certain nombre des autres exigences en matière de divulgation que le groupe de travail établit est qu'ils oublient des éléments importants d'un système d'imputabilité.

Tout d'abord, il y a certaines choses qui n'ont pas à être divulguées, notamment le nombre de plaintes et la méthode suivie pour ouvrir et fermer des succursales. En outre, il y a des détails qui manquent pour ce qui est des recommandations du groupe de travail relativement à la divulgation des prêts aux petites entreprises—détails qui sont nécessaires. Autrement, vous ne pourrez pas tenir les banques responsables du piètre rendement au chapitre des prêts, des investissements et du service à l'endroit des petites entreprises, qui sont après tout le secteur de création d'emplois au pays.

En outre, on permet aux institutions financières de définir «communautaire» ainsi que le format et la teneur de ces bilans. Nous estimons qu'il en résultera des écarts et que les bilans serviront uniquement à des bilans de relations publiques pour les banques.

Nous estimons aussi que les bilans devraient être examinés chaque année par le gouvernement, avec participation du public, et qu'il devrait y avoir des incitatifs tels que ceux qui ont été mis en oeuvre en Ontario, notamment une surtaxe et la non-attribution de marchés de l'État aux institutions qui ont un piètre rendement. L'Ontario a fait les deux. Et comme c'est le cas aux États-Unis, un piètre rendement devrait suffire à rejeter une demande d'expansion, y compris des fusions ou des prises de contrôle.

• 1030

Notre deuxième recommandation est d'interdire les projets de fusion actuels des banques et de mettre un moratoire sur les prises de contrôle et les fusions de banques ainsi que sur l'élargissement des pouvoirs aux banques, moratoire qui s'étendrait jusqu'à deux ans après l'entrée en vigueur au Canada de la loi dont je viens de parler dans notre première recommandation, fondée sur le système déjà en place aux États-Unis depuis plus de 20 ans, et aussi jusqu'à ce que des modifications soient apportées aux lois sur la concurrence, y compris l'entrée de banques étrangères. Cette période de temps est nécessaire pour déterminer si les banques étrangères ou toute autre institution constituent réellement une véritable concurrence pour les grandes banques du Canada et afin de déterminer si nos grandes banques servent bien et équitablement les Canadiens d'un bout à l'autre du pays.

Je ne tiens pas à entrer dans le détail des fusions. Ces détails sont déjà dans le document sur les mythes et les réalités. En gros, nous ne voyons aucune justification aux fusions proposées. Nos banques sont très grosses. Elles dégagent des profits de classe internationale et leur rentabilité est mentionnée comme un facteur plus important que leur taille par le groupe de travail et par la Banque du Canada sur le plan du succès d'une institution financière.

La concurrence mondiale n'est pas une menace. Il y a beaucoup de preuves accumulées qui démontrent que nos banques traitent les Canadiens de façon très médiocre et nous ne devrions pas leur permettre de devenir encore plus grandes pour servir encore plus de gens de mauvaise façon.

En ce qui concerne les pertes d'emplois et le retrait de service des collectivités, l'expérience vécue dans d'autres pays démontre que les fusions de banques auraient de telles répercussions négatives importantes. En outre, toujours selon l'expérience vécue dans d'autres pays, les banques plus grandes exigent des frais plus élevés et prêtent moins aux petites et moyennes entreprises, qui créent de l'emploi.

Il y aurait donc un moratoire sur les prises de contrôle et les fusions de banques ainsi que sur l'élargissement des pouvoirs des banques jusqu'à ce que nous ayons les données nécessaires pour savoir s'il y a une concurrence importante au pays et aussi jusqu'à ce que nous mettions en place un mécanisme d'imputabilité fondé sur le système en vigueur aux États-Unis.

Si on passe maintenant à notre prochaine recommandation, nous voyons certains écarts dans les règles qui régissent la propriété des banques et la structure de la société de portefeuille que le groupe de travail a énoncées—des écarts qui signifieront qu'il sera difficile de s'assurer que notre système bancaire demeure entre les mains de Canadiens et puisse être réglementé efficacement.

En outre, tel que je l'ai mentionné, le processus d'examen des fusions que le groupe de travail a établi n'inclut pas l'évaluation du dossier d'une institution pour ce qui est du service aux clients et n'en tient pas compte pour autoriser une fusion. Aux États-Unis, c'est ce qu'ils font et, tel que je l'ai mentionné, c'est un motif suffisant pour refuser une expansion, une fusion ou une prise de contrôle si une institution a un piètre dossier.

Comme vous le savez peut-être, c'est survenu dans le cas d'une filiale appartenant à part entière à la Banque de Montréal, la Harris Bank, en 1993-1994. Cette institution a fait l'objet d'un examen en vertu du système américain et on lui a décerné une mauvaise cote. Elle n'offrait pas un service adéquat et équitable aux gens de sorte que sa demande de prendre le contrôle d'une autre banque en Illinois a été rejetée. Le gouvernement devrait avoir le même pouvoir ici au Canada.

En outre, un autre mécanisme d'imputabilité que nous considérons prioritaire est la création d'un organisme de consommateurs de produits financiers par l'intermédiaire d'un dépliant mis à la poste par les institutions financières tout simplement. C'est ce qu'on a fait aux États-Unis dans quatre États avec des services publics. Il s'agit d'une enveloppe envoyée avec la facture de services publics et dans laquelle on invite les gens à joindre un groupe de surveillance des services publics. Nous voulons qu'un tel groupe de surveillance soit créé dans les cas des institutions financières.

Le groupe de travail a recommandé que les gouvernements et les institutions financières facilitent la création d'un tel organisme en envoyant le dépliant. Il serait envoyé à 20 millions de Canadiens. Aux États-Unis, le taux de réponse est habituellement de l'ordre de 3 à 5 p. 100. Nous avons effectué un sondage national selon lequel 43 p. 100 des Canadiens seraient prêts à se joindre à un tel organisme. Mais si nous avions un taux de seulement 3 à 5 p. 100, nous aurions entre 600 000 et 1 million de membres qui auraient les ressources pour aider les Canadiens dans des domaines très importants, tel que l'indique le groupe de travail—traitement des plaintes, comparaison des services, représentation pour l'élaboration de politiques—et ce sans qu'il en coûte quoi que ce soit au gouvernement et aux institutions.

Nous pourrions former un organisme doté d'une grande base et comptant de nombreuses ressources capables de faire contrepoids au pouvoir du lobby des banques qui, selon un rapport, a dépensé 7 millions de dollars pour mousser la cause des fusions. Comme vous le savez, ce lobby emploie un grand nombre de personnes qui sont assises derrière moi et qui sont ici tous les jours, à épier tout ce que vous dites et à faire de la publicité à l'échelle nationale.

Les citoyens sont désavantagés de toutes ces façons pour ce qui est de magasiner et de voir leurs plaintes traitées de façon efficace. Ce mécanisme permettrait de combler l'écart. Le groupe de travail l'a recommandé. Nous avons pressenti toutes les institutions financières afin de leur demander de le faire volontairement. Elles ont répondu non.

• 1035

Rien ne justifie que nous attendions. Exigez qu'elles le fassent tout comme on a exigé des services publics de le faire aux États-Unis. Il s'agit d'un facteur essentiel à la présence de consommateurs responsabilisés.

Pour ce qui est de la cinquième recommandation, nous estimons que l'accès à des services bancaires de base devrait être assuré et qu'il devrait s'agir d'un droit pour tous les Canadiens. Malheureusement, le groupe de travail a dit «Les banques devraient prendre un certain nombre de mesures, mais nous allons leur accorder plus de temps». Des groupes de citoyens, des groupes de lutte contre la pauvreté et des groupes de consommateurs exercent des pressions depuis plus de dix ans et essaient d'obtenir que les banques servent équitablement tous les Canadiens, et ce, à un prix équitable.

Le gouvernement a mis en place un code volontaire depuis février 1997, qui, selon le groupe de travail, ne fonctionne pas. Le groupe de travail a fait sa propre enquête et son recherchiste a été refusé dans quatre des sept succursales où il a essayé d'ouvrir un compte. On ne devrait pas attendre davantage. Donnez à tous les Canadiens le droit d'avoir un compte bancaire. Exigez des banques qu'elles donnent accès aux services bancaires de base.

En outre, en ce qui concerne les fermetures de succursales, nous souscrivons à la recommandation du groupe de travail selon laquelle un avis de quatre mois devrait être donné. Cependant, nous voulons également une divulgation des profits et pertes de toute succursale que l'on se propose de fermer. Les banques disent souvent qu'elles ferment une succursale parce qu'elle n'est pas rentable, mais elles ne disent pas ce qu'il en est des profits et des pertes; elles refusent de divulguer ces données. La collectivité doit avoir tous ces renseignements pour évaluer les raisons entraînant la fermeture d'une succursale bancaire, en particulier lorsque les banques se retirent d'un grand nombre de collectivités désavantagées, tel que l'a démontré un sondage national réalisé par un groupe de Montréal qui s'appelle Option consommateurs.

Le groupe de travail a recommandé, tout comme nous l'avons fait, et rejeté les prétentions de la banque selon lesquelles l'actuel ombudsman des banques est indépendant et efficace. Nous sommes d'accord que l'actuel ombudsman des banques n'est pas tout à fait indépendant ni efficace. Le seul écart que nous constatons est que nous estimons, contrairement au groupe de travail, que l'ombudsman devrait avoir le pouvoir de prendre des décisions exécutoires.

En quelques mots, tout ce que nous demandons dans tous ces autres domaines, c'est ce que le groupe de travail a recommandé dans le domaine des ventes liées et de la protection des renseignements personnels. Le groupe de travail a recommandé la mise en place d'un mécanisme d'imputabilité complet dans ces deux domaines de façon à protéger les consommateurs, le seul écart étant qu'on ne dit pas très clairement que les pénalités devraient être suffisamment importantes pour dissuader les violations par les institutions financières importantes qui ont des centaines de milliards de dollars d'actifs.

Si le groupe de travail met en place ce mécanisme d'imputabilité très complet dans le cadre duquel il y aurait des inspections, des applications, des règles strictes et des pénalités en ce qui concerne les ventes liées et la protection des renseignements personnels, il est illogique selon nous que l'on ait laissé des écarts dans les autres domaines. Nous vous demandons donc de combler ces écarts.

Nous souscrivons également à la recommandation du groupe de travail que ces types de mesures d'imputabilité, de protection des consommateurs et de conduite des personnes morales s'appliquent à toutes les institutions oeuvrant au Canada, qu'elles soient canadiennes ou étrangères, qu'elles aient des succursales ou qu'elles soient virtuelles. Il est absolument essentiel de protéger les consommateurs contre les abus que tous les vendeurs peuvent créer.

En conclusion, la responsabilisation des institutions financières et la protection des consommateurs ne sont pas des questions d'intérêt spécial parce que tous les Canadiens adultes et un grand nombre de jeunes traitent avec les institutions financières d'une façon ou d'une autre. Jusqu'à maintenant, le gouvernement n'a pas pris au sérieux la responsabilisation et la protection des consommateurs. On a plutôt mis en place des codes volontaires et ces codes volontaires se sont avérés—par exemple, dans le domaine de l'accès à des services bancaires de base—inefficaces. Le groupe de travail est d'accord sur ce point.

Qu'il s'agisse des frais de service ou des taux d'intérêt sur cartes de crédit, le gouvernement a adopté l'attitude que les consommateurs devraient tout simplement se protéger eux-mêmes et magasiner. C'est une déclaration venant directement de Doug Peters, ancien secrétaire d'État aux institutions financières, et du ministre de l'Industrie, John Manley: «Magasinez et protégez-vous». Le groupe de travail n'est pas d'accord. Il dit que le magasinage est très difficile et que les consommateurs ont besoin de bonnes protections.

Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour tenir les institutions financières responsables des intérêts individuels et communautaires et nous continuerons à le faire. Cependant, si le gouvernement n'adopte pas par loi ces mesures, qui sont sanctionnées par un groupe de travail composé très majoritairement de représentants de l'industrie et ayant un seul représentant des consommateurs—un groupe de travail qui a sondé les Canadiens, qui a jeté un regard raisonnable sur la situation et qui a conclu que de fortes mesures de protection et de responsabilisation telles celles que nous recommandons...

• 1040

Essentiellement, le groupe de travail a recommandé les trois quarts des mesures que nous voulons. Nous estimons, tel que je l'ai indiqué, que les écarts doivent être comblés. Si le gouvernement ne le fait pas, alors pour chaque personne dont la vie privée est envahie, pour chaque personne qui fait l'objet de coercition ou qui signe un contrat qu'elle ne comprend pas, pour chaque personne qui a de la difficulté à magasiner et qui de ce fait est exploitée, et pour chaque plainte qui n'est pas traitée correctement, le gouvernement sera tenu responsable.

Il est temps que le programme des citoyens ait la primauté sur celui des entreprises. Le groupe de travail a été très clair en disant qu'il n'y avait pas de presse en ce qui concerne les fusions. Rien ne justifie que le programme de quelques grandes banques qui veulent devenir encore plus grandes passe avant celui encore beaucoup plus important de protéger tous les consommateurs et d'assurer la responsabilisation de toutes les institutions financières pour voir à ce qu'elles servent tous les Canadiens adéquatement et équitablement.

Le gouvernement sera tenu responsable parce que vous auriez pu protéger les consommateurs, vous auriez pu équilibrer ce marché et vous auriez pu vous assurer que les institutions financières servent tous les Canadiens adéquatement et équitablement. Vous pouvez le faire très simplement en suivant les recommandations du groupe de travail et en comblant les quelques écarts que nous constatons dans les recommandations.

Merci beaucoup. Je peux maintenant répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Conacher.

Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

Monsieur Conacher, je dois commencer par une question au sujet de l'article dans le magazine Maclean's dont vous avez parlé dans vos commentaires. Évidemment, nous sommes tous surpris, et c'est pourquoi j'ai demandé d'en avoir une copie.

J'aimerais seulement savoir pourquoi, avec les déclarations fracassantes que vous avez faites au sujet de l'article, ou que l'article a faites, vous avez omis de mentionner que le lendemain, après que la Banque Royale eut été contactée et, je suppose, une fois qu'elle a eu pris connaissance du document, elle l'a retiré de son programme de formation et le conseiller principal en affaires publiques de la banque, Ray Heard, a émis un communiqué précisant que la teneur du document était offensante. Il a même ajouté «Suite à cet incident»—ou pour avoir omis de consulter les documents de cours—«nous examinerons tous les documents de cours élaborés par l'IBC afin de nous assurer qu'ils sont conformes aux normes de la Banque Royale».

Il a donc clairement désavoué les portions de texte en indiquant qu'elles étaient offensantes et qu'elles reposaient sur des stéréotypes ethniques et sexuels. Vous avez omis de mentionner cela, et j'aimerais savoir pourquoi.

M. Duff Conacher: J'ai utilisé l'article comme exemple pour démontrer que la lumière est un bon désinfectant. Comme vous l'avez signalé, dès qu'on a mis un peu de lumière sur les activités de la banque, elle a pris les mesures correctrices.

J'aimerais également souligner, comme vous pouvez le constater, que Brian Smith, porte-parole de la Banque Royale, a d'abord dit à Maclean's, selon ce rapport, qu'il n'y voyait rien d'incorrect.

Donc, braquez une lumière sur les activités des banques et elles prennent des mesures correctrices—ce qui n'est pas surprenant, selon moi.

M. Dick Harris: Une fois que la banque a eu pris connaissance du document, elle s'est dite d'accord avec les commentaires et a retiré le document. Je pense que c'est une bonne chose.

M. Duff Conacher: Je pense également que c'est une bonne chose. Je pense par contre que ce document n'aurait jamais dû être utilisé.

M. Dick Harris: Probablement pas.

Vous parlez de l'implantation de banques étrangères dans l'industrie bancaire et on a l'impression que vous êtes en faveur, parce que vous dites que les fusions de banques ou les expansions d'autres institutions financières ne devraient se faire que deux ans après l'adoption des modifications promises aux lois sur l'admission de banques étrangères. Je suppose que comme moi vous espérez qu'on apportera des modifications au réseau des succursales bancaires étrangères. Est-ce exact?

M. Duff Conacher: De façon générale, nous ne pensons pas que cela aurait des répercussions et nous ne voudrions pas que ces banques aient davantage d'activités que ce que le gouvernement leur a consenti en vertu de l'accord sur l'Organisation mondiale du commerce, et ce pour quelques raisons.

Le gouvernement accepte de laisser les banques étrangères établir des succursales directement, mais seulement pour accepter des dépôts de 150 000 $ ou plus. La principale raison, selon le ministère des Finances, pour laquelle on ne les autorise pas à accepter des dépôts de détail, c'est que nous avons un système d'assurance dépôt et qui si nous autorisons une succursale d'une banque étrangère qui est réglementée dans un autre pays à créer et accepter des dépôts et que la compagnie mère dans l'autre pays effectue des transactions risquées et devient insolvable et que la succursale ferme, il est tout à fait impossible que notre système d'assurance dépôt puisse couvrir les dépôts effectués dans cette succursale étant donné que nos organismes de réglementation ne pourraient rien faire pour démontrer que la compagnie mère agissait de façon responsable pour ce qui est de ses investissements et de son portefeuille de prêts.

• 1045

M. Dick Harris: Mais vous appuyez le réseau de succursales bancaires étrangères au Canada selon les recommandations et l'accord de l'OMC?

M. Duff Conacher: Nous avons une inquiétude. En effet, cela permettra aux personnes bien nanties, qui ont plus de 150 000 $ en dépôt dans une banque au Canada—ce qui représente uniquement 10 p. 100 du marché...

M. Dick Harris: Mais est-ce que cela ne donnera pas aussi plus de choix en ce qui concerne les services bancaires de gros, notamment, pour le milieu des affaires, l'accès à du financement, etc.?

M. Duff Conacher: Eh bien! encore une fois, seulement environ 10 p. 100 du milieu des affaires a plus de 150 000 $ en dépôt de sorte qu'ils ne pourront pas faire affaire avec elles.

M. Dick Harris: Cela permettra aux entreprises canadiennes de chercher d'autres méthodes de financement, en particulier le financement des petites entreprises tel que nous le voyons maintenant, et il y aura en plus une partie des banques étrangères en activité au Canada à l'heure actuelle.

M. Duff Conacher: C'est possible. Rien ne nous indique pour l'instant, comme vous pouvez le constater dans notre document sur les mythes et les réalités, qu'il y aura un jour une véritable concurrence étrangère importante. Il y a moins de banques étrangères au Canada qu'il y en avait en 1987, vous détenez une plus petite part du marché et, en vertu de l'ALENA, les banques américaines et mexicaines n'ont pas eu à surmonter les obstacles qu'il y avait auparavant pour venir s'implanter au Canada.

Il pourrait y avoir une petite concurrence au niveau des prix. De façon générale, si vous êtes fortuné ou si vous avez une grande entreprise, vous pouvez déjà faire affaire avec une banque étrangère de sorte que nous ne voyons pas une grande incidence sur le marché. L'impact qui nous préoccupe est de savoir que, si les banques perdent une part du marché en ce qui concerne leurs riches clients et perdent des revenus dans ce domaine, où vont-elles récupérer les revenus si ce n'est en exigeant d'autres frais auprès des petites entreprises et des clients à faible revenu et à revenu moyen?

Je ne pense tout simplement pas qu'il y aura une grande incidence sur le marché.

M. Dick Harris: Dans votre première recommandation, vous demandez que les banques à toutes fins pratiques divulguent la plupart si ce n'est la totalité des données sur leurs activités, y compris, sauf erreur de ma part, la façon dont elles font affaire, leurs plans d'exploitation, en fin de compte leur plan d'affaire.

Pensez-vous que cela devrait s'appliquer aux autres grandes entreprises, en particulier les multinationales dont la réussite ou l'échec, pour une raison ou une autre, aurait une grave incidence sur l'économie canadienne, telles GM, Chrysler, Ford et quelques-unes des autres grandes compagnies qui sont en exploitation au Canada? Selon vous, est-ce que les mêmes règles devraient s'appliquer à elles?

M. Duff Conacher: Nous ne demandons pas qu'elles nous montrent leurs plans d'affaires. Ce que nous voulons, c'est connaître leurs pratiques commerciales, leurs méthodes. Ce sera toujours au passé parce que ces données seront consignées puis divulguées quelques mois plus tard, au moins une fois par année. Et tel que l'a recommandé le groupe de travail, une fois par année il y aura des bilans d'imputabilité communautaire.

M. Dick Harris: Par contre, je pense que si une banque ou une autre institution financière devait rendre publiques, succursale par succursale, comme vous le dites, les données détaillées sur leur rendement en matière de prêt, d'investissement et de service à la clientèle et que s'il devait y avoir un examen annuel par le gouvernement, il y a une bonne quantité de renseignements stratégiques qui seraient communiqués à leurs concurrents. Je ne sais vraiment pas s'il y a une seule entreprise qui devrait être tenue de donner à ses concurrents des renseignements d'ordre stratégique sur sa façon d'exploiter ses activités.

M. Duff Conacher: Eh bien! le gouvernement des États-Unis n'est pas d'accord, et c'est également le cas pour Alan Greenspan, l'équivalent du surintendant des institutions financières aux États-Unis, et de nombreux autres banquiers. Nous serions heureux de prendre les mesures nécessaires pour faire venir un banquier américain et vous parler de ce sujet. C'est un système qu'ils ont aux États-Unis depuis plus de 20 ans. Il a été très efficace pour obliger les institutions à répondre aux besoins des collectivités et des particuliers et pour servir les gens adéquatement et équitablement. Il a permis de mettre au jour la discrimination dans les prêts consentis et dans la prestation du service et les banques ont pris les mesures correctrices.

Le président: Merci, monsieur Harris.

Toutefois, nous ne devrions pas déduire de vos propos que vous voulez l'implantation d'un modèle bancaire américain, n'est-ce pas?

M. Duff Conacher: Non. Le modèle que nous avons établi...

Le président: Seulement la portion que vous aimez.

M. Duff Conacher: Par exemple, aux États-Unis on veut la divulgation des hypothèques. Nous ne faisons pas du tout cette recommandation. Il n'y a personne dans notre coalition, malgré la présence de plusieurs groupes dans le domaine du logement, qui ait soulevé une question au sujet des hypothèques. Nous voulons tout simplement que le développement communautaire et les prêts aux entreprises soient suivis, tout comme le comité de l'industrie l'a suivi au cours des quatre dernières années, mais il y a des lacunes.

• 1050

Le président: Je voulais tout simplement m'assurer que c'est uniquement cet élément du système bancaire américain que vous aimez. Ce n'est pas parce que vous voulez que nous adoptions un secteur de services financiers à l'américaine, n'est-ce pas?

M. Duff Conacher: C'est exact, comme vous pouvez le constater par les autres recommandations que nous avons formulées.

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Comme vous le savez, je représente le comté d'Hochelaga—Maisonneuve. Il y a 20 ans, il y avait 20 banques dans ma communauté; il n'en reste présentement que quatre. C'est à partir de cette réalité que je suis allé aux États-Unis, avec l'aide de votre coalition, et que j'ai pu rencontrer une personne qui a maintenant quitté la vie publique mais qui était active à ce moment-là, le congressman Kennedy, qui m'a bien fait voir qu'aux États-Unis, depuis 1977, il existe un processus de divulgation. J'aimerais vraiment entendre votre point de vue à cet égard ainsi que sur l'objectif fondamental des recommandations que vous nous présentez ce matin. Si votre premier objectif est d'assurer que l'ensemble des consommateurs aient accès au crédit, je vous comprends bien.

Deuxièmement, vous nous dites que les banques sont des institutions publiques qui évoluent dans un milieu très protégé. En effet, la chaire d'études socioéconomiques de l'Université du Québec à Montréal a évalué que 80 p. 100 des prêts qui sont consentis par les banques sont des prêts gouvernementaux ou des prêts pour lesquels il y a finalement très peu de risques. Je voudrais que vous nous disiez clairement ce que vous souhaitez que l'on obtienne comme engagement de la part des banques dans le processus dans lequel on est engagé. Lors de mes questions ultérieures, nous aurons l'occasion de parler de la forme précise que pourrait prendre le Community Reinvestment Act en territoire canadien.

[Traduction]

M. Duff Conacher: Les engagements sont énoncés et j'en ai parlé brièvement. À toutes fins pratiques, c'est de suivre la demande pour des prêts, des investissements et des services et de vérifier de quelle façon cette demande est satisfaite et si les gens sont servis adéquatement et équitablement; nous voulons également que l'on fasse la même chose dans le domaine des prêts—les taux de défaut de paiement d'un prêt et de perte sur prêts—de sorte que vous puissiez déterminer le risque associé aux prêts à des entreprises et des collectivités de tailles et types divers.

Le groupe de travail était vague. Ses membres ont dit qu'on avait besoin de beaucoup plus de renseignements sur les prêts aux entreprises, les prêts aux petites entreprises en particulier, mais ils n'ont pas précisé de détails. Il y a les lacunes du système actuel qui a été négocié entre le gouvernement fédéral et les banques. Il reçoit un large appui. Le Comité des banques du Sénat recommandera à la fin de ce mois-ci une loi sur le réinvestissement communautaire—c'est la loi aux États-unis—pour le Canada. Lorsque les grandes banques du Canada ont comparu devant le comité du caucus libéral en juin, elles ont également dit qu'elles n'y voyaient aucun inconvénient et comme vous l'avez entendu de la bouche de M. Cleghorn plus tôt cette semaine, il a dit qu'il n'avait aucun problème avec sa communauté au Canada.

[Français]

M. Réal Ménard: J'ai déposé un projet de loi d'intérêt privé et j'espère pouvoir compter sur l'appui de votre coalition, toute partisanerie étant mise à part. Quel rôle voyez-vous pour le surintendant des institutions financières? J'ai cru comprendre qu'aux États-Unis, une des forces du Community Reinvestment Act est le rapport annuel qui est colligé et dans lequel les banques doivent expliquer comment elles s'engagent dans la communauté. Comme vous l'avez mentionné, on retrouve un peu ce concept dans le rapport MacKay, mais je pense que cela doit être plus contraignant.

Est-ce que vous seriez d'accord qu'on ajoute au mandat du surintendant des institutions financières cette obligation de colliger des données des banques, qui devraient expliquer, dans le cadre d'un rapport annuel, la façon dont elles pratiquent le réinvestissement communautaire? Est-ce que vous êtes d'accord que ce ne soit pas un système de quotas? La façon dont les banques doivent s'impliquer dans les communautés dépend des communautés. Il y a autant de façons d'être présent dans une communauté qu'il y a de communautés. Il est important que les associations de consommateurs puissent suivre ce que font les banques. Quand le rapport est rendu public aux États-Unis, les associations américaines de consommateurs s'en emparent. Aux États-Unis, on a même la possibilité de bloquer l'expansion inter-États d'une banque si elle a une mauvaise évaluation.

Quel rôle devrait-on confier au surintendant des institutions financières dans la mise en oeuvre de vos recommandations?

[Traduction]

M. Duff Conacher: Le groupe de travail a recommandé que le rôle du Bureau du surintendant des institutions financières soit étendu à la protection des consommateurs et au suivi de certaines de ces mesures d'imputabilité. Le groupe de travail a en fait recommandé que les bilans d'imputabilité communautaire soient déposés auprès de votre comité ainsi qu'auprès du ministère des Finances. Tel que vous l'avez dit, nous estimons qu'il devrait y avoir un resserrement, que le format et le contenu devraient être établis de façon à ce que vous puissiez comparer très facilement d'une institution à l'autre, comme on le fait aux États-Unis.

• 1055

Vous avez mentionné que vous aviez voyagé aux États-unis, tout comme Jim Peterson, l'actuel secrétaire d'État aux institutions financières internationales, qui est revenu et qui, selon un article paru dans le Toronto Star, aurait dit qu'il pensait que c'était excellent et que cela aurait de grandes répercussions.

Donc toutes les personnes qui se sont rendues aux États-Unis, y compris le comité des banques du Sénat, sont revenues convaincues que c'est une excellente idée, et le ministre des Finances a également dit qu'il croit que c'est une bonne idée en principe et qu'il ne nous reste qu'à régler les détails. C'est ce que nous avons fait dans ce document. C'est un système très efficace d'imputabilité et nous espérons que le comité le recommandera très fortement et que le gouvernement y donnera suite, comblant ainsi les lacunes qu'il y a dans le rapport du groupe de travail.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous nous avez rappelé qu'avec les règles du jeu actuelles, il y a 400 000 Canadiens qui n'ont pas les moyens, compte tenu de ce qu'on exige, d'avoir un compte en banque. Dans le fond, vous nous dites que malgré le fait qu'il y a eu une entente avec le secrétaire des institutions financières et l'Association des banquiers canadiens, ces derniers ne respectent pas cette règle. J'aimerais que vous m'en parliez davantage.

Pourriez-vous préciser ce que vous avez en tête lorsque vous dites souhaiter la mise sur pied d'un système de sanctions dans le processus de divulgation lorsque les banques ne s'acquittent pas de leurs responsabilités?

[Traduction]

M. Duff Conacher: Pour ce qui est de l'accès, l'accord volontaire de février 1997, et tout le monde est d'accord sur ce point, ne fonctionne pas. Les membres du groupe de travail disent qu'ils pensent que cet accord n'a eu aucune incidence et que c'est dû, tel que je l'ai mentionné, au fait que leur propre recherchiste a essayé d'ouvrir un compte et d'encaisser un chèque dans sept succursales dans la région de Toronto et qu'on l'a refusé dans quatre, dans un cas parce qu'il n'avait pas de service téléphonique—pas précisément une raison justifiant de refuser un accès à un compte bancaire.

Nous avons mené notre propre sondage en octobre 1997 et nous avons constaté que cinq des six grandes banques contrevenaient à l'accord de février 1997. C'était en octobre 1997. De plus, l'Association des banquiers canadiens a demandé à Nielsen Marketing Research d'effectuer un sondage mystère sur le magasinage en mai et en juin, et les renseignements ont été remis à l'Organisation nationale anti-pauvreté, l'un des plus grands partisans de la coalition. Selon ce sondage, on a refusé l'accès aux services bancaires de base à quatre personnes sur dix, ce qui est en contravention de l'accord de février 1997. Il est donc évident que cet accord ne fonctionne pas.

En ce qui concerne les sanctions nécessaires pour un système tel celui de la loi sur le réinvestissement communautaire, comme je l'ai mentionné, en Ontario il y a eu une surtaxe imposée aux banques. Elles peuvent accumuler des crédits par rapport à la surtaxe si elles offrent un bon service aux petites entreprises. L'Ontario a également rendu obligatoire d'avoir un bon dossier de service aux petites entreprises lorsque vous soumissionnez pour des marchés gouvernementaux. Le gouvernement ne devrait pas dépenser son argent pour donner des contrats à des institutions qui ne servent pas tous les Canadiens adéquatement et équitablement.

De plus, aux États-Unis, tel que je l'ai mentionné en rapport avec la Harris Bank, une demande d'expansion, ce qui comprend les fusions et les prises de contrôle mais aussi l'ouverture de succursales et le franchissement des frontières d'État, tout cela peut être refusé si vous n'avez pas un bon dossier.

Nous estimons également que les comités devraient tenir des audiences publiques lorsque l'on démontre que les banques servent mal les gens, auxquelles les hauts dirigeants de l'institution viendraient expliquer de quelle façon l'institution va améliorer son rendement. Nous croyons que ces mesures seraient très efficaces, en plus des amendes qui existent déjà dans les lois sur les institutions financières au pays.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Ménard.

[Traduction]

Monsieur Pratt, puis monsieur Gallaway.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

Monsieur Conacher, dans un grand nombre de vos commentaires vous semblez accorder beaucoup d'appui au rapport MacKay, mais M. MacKay est d'une opinion nettement différente sur un point important pour ce qui est de la loi sur le réinvestissement communautaire et les processus qui s'ensuivraient. En fait, il dit dans son rapport à la page 169:

    Il n'a pas été démontré que des conditions semblables existent au Canada à ce moment-ci,

—c'est-à-dire des conditions qui justifieraient la mise en oeuvre d'une loi sur le réinvestissement communautaire...

    et aucun exemple de discrimination délibérée qu'il s'ensuivrait un «soulignement en rouge» n'a été porté à l'attention du groupe de travail. En l'absence de telles préoccupations, et sans avoir de preuves plus fortes qu'il y a un véritable problème à régler, nous ne sommes pas prêts à recommander une approche complète du type de la loi sur le réinvestissement communautaire au Canada.

Avez-vous des preuves qu'il s'est produit du soulignement en rouge au Canada dans des endroits—par exemple, des collectivités à l'intérieur des centres-villes—qui font l'objet d'un soulignement en rouge en tant qu'endroit où les banques n'offriront pas de services ni de prêts?

• 1100

M. Duff Conacher: Nous avons beaucoup de preuves qu'elles ne fournissent pas des services parce que, tel que nous l'avons indiqué, les sondages sur l'accès aux services bancaires de base indiquent que l'on refuse l'accès dans une plus grande proportion aux personnes à faible revenu qu'aux personnes à revenu moyen ou élevé. À mesure que vous parcourrez le pays, je pense que vous entendrez probablement, soit dans des mémoires écrits, soit dans des mémoires oraux, d'Option consommateurs, de l'Organisation nationale anti-pauvreté, et de nombreux autres groupes membres et d'appui de la coalition qu'il n'y en a pas beaucoup.

Lorsque je me suis pour la première fois intéressé à cette question, je le faisais dans la région de Parkdale et de Regent Park à Toronto. J'ai effectué un sondage auprès des institutions de la région et le directeur de la succursale de la Banque Royale à Parkdale m'a dit qu'il n'y avait pas d'agent des prêts sur place. Je lui ai demandé dans quelles autres succursales il n'y avait pas d'agent des prêts et il m'a répondu qu'il n'y en avait pas à la succursale au coin de Parliament et de Wellesley qui, comme vous le savez, est également une région à faible revenu qui est très multiculturelle et où l'on compte de nombreuses minorités visibles. Je ne considère pas qu'il s'agit d'une coïncidence, tout particulièrement lorsque le directeur dit «Ce n'est pas que nous ne croyons pas que ces gens méritent un agent des prêts, nous ne pensons tout simplement pas que ce sont des gens de la qualité et de l'envergure qui justifient la présence d'un agent des prêts à la succursale».

Option consommateurs a démontré très clairement dans son étude sur les fermetures de succursales que ces fermetures dans les collectivités désavantagées et à faible revenu se sont produites à un taux plus élevé au cours des dix dernières années que dans d'autres collectivités. Nous avons donc les preuves. Mais en plus, comme c'est ce que nous avons constaté pour l'accès aux services bancaires de base, les bilans d'implication communautaire laissent beaucoup de choses qui doivent être faites volontairement par les institutions, et dans le cas du code volontaire de l'accès aux services bancaires de base, on a fait la preuve que cela ne fonctionne pas.

Dans un sondage de KPMG réalisé il y a quelques années, on demandait aux sociétés pourquoi elles incorporaient un plan environnemental dans leurs entreprises. Quatre-vingt-quinze p. 100 d'entre elles ont indiqué que la première raison était que c'était réglementaire. En outre, Industrie Canada et le Conseil du Trésor ont étudié les codes volontaires et en sont venus à toutes fins pratiques à la même conclusion, que les codes volontaires fonctionnent lorsque c'est requis par règlement. Cela semble un peu oxymoron, parce que c'est effectivement le cas. Les codes volontaires fonctionnent uniquement lorsqu'ils ne le sont pas, et ils fonctionnent lorsqu'ils respectent toutes les conditions du règlement.

Nous pensons donc qu'on doit braquer un projecteur plus fort tout d'abord, mais vous devez également procéder à un examen. Sinon, quel est l'incitatif de prendre des mesures correctrices? Nous l'avons vu dans le cas de l'accès aux services bancaires de base...

M. David Pratt: Monsieur Conacher, conviendriez-vous comme principe général que les conditions qui ont résulté de l'adoption de la loi sur le réinvestissement communautaire aux États-Unis, en ce qui concerne les centres-villes partout aux États-Unis, ne s'appliquent tout simplement pas au Canada?

M. Duff Conacher: Essentiellement, ils n'avaient aucune preuve aux États-Unis. Ils avaient des sondages, tout comme nous avons des sondages auprès des entreprises; ils avaient des sondages sur les fermetures de succursales, comme nous l'avons également, et ils avaient des sondages sur les questions d'accès, ce qui est également le cas pour nous. Si vous prenez la Loi sur le réinvestissement communautaire et la Loi sur la divulgation des hypothèques résidentielles, qui l'a précédée, leur objet premier était le droit de savoir des consommateurs. Nous estimons que les consommateurs ont le droit de connaître ces renseignements également.

En fait, nous voyons une lacune étant donné que si vous exigez uniquement la divulgation, et que l'institution a un piètre dossier de rendement... Nous l'avons vu dans le cas de l'accès aux services bancaires de base, et un piètre rendement à lui seul n'a pas forcé les banques à s'améliorer de façon significative. Il doit donc y avoir un examen et des sanctions, de la même façon que lorsqu'une personne donne un mauvais rendement. Nous prenons des sanctions à l'endroit des personnes, faisons donc la même chose.

M. David Pratt: Mais au vu de cela, lorsque vous avez deux succursales, si l'on accepte vos preuves qu'il y a deux succursales à Toronto...

M. Duff Conacher: À l'époque, c'était en 1990. Je pense que cela a changé maintenant étant donné que les banques ont centralisé un grand nombre de leurs activités de prêts. Mais à l'époque, oui, il s'agissait des deux seules succursales.

M. David Pratt: Donc les conditions peuvent avoir changé de façon radicale, soit s'être améliorées, soit ne pas s'être améliorées, d'une façon ou d'une autre.

M. Duff Conacher: C'est exact.

M. David Pratt: Le problème que j'ai, c'est d'exiger un énorme système de rapport dans tout le Canada pour un problème auquel on semble avoir remédié en partie au cours des dernières années. C'est seulement ma propre perception des choses.

• 1105

M. Duff Conacher: Eh bien! le groupe de travail n'est pas d'accord. Il exige la mise en place de ce que vous pourriez appeler un énorme système de rapport.

Tout ce que nous disons, c'est qu'on exige que les prêts aux petites entreprises soient suivis et intégrés à ces déclarations d'implication communautaire, et nous constatons qu'il y a des lacunes dans la divulgation pour les prêts aux petites entreprises. Nous estimons que le suivi systématique des ouvertures et des fermetures de succursales serait une façon très importante de voir à quel endroit le service est retiré, et je pense que cela pourrait intéresser un grand nombre de députés. En outre, le groupe de travail ne recommande aucun suivi à part celui de l'accès aux services bancaires de base en ce qui concerne le service global.

C'est très simple: les institutions connaissent ceux qui les poursuivent et ceux qu'elles poursuivent et elles savent qui s'est plaint et de quelle façon les plaintes ont été résolues. Un principe important d'une réglementation efficace est d'exiger de la personne qui est la mieux placée, qui détient les renseignements à l'égard d'un problème donné et qui assure le suivi d'un service donné, de divulguer ces renseignements. C'est pourquoi le groupe de travail a dit que les institutions devraient être tenues de divulguer les bilans d'implication communautaire. Les groupes communautaires ne devraient pas être obligés d'essayer de les mettre ensemble en se fondant sur le peu de preuves que nous avons maintenant divulguées.

Donc, nous voyons tout simplement des lacunes dans ce que le groupe de travail exige de divulguer. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un énorme système de rapport que le groupe de travail recommande. Il y a beaucoup de divulgation de renseignements sur les prêts qui s'est déjà faite en vertu du système du Comité de l'industrie. Il nous reste uniquement à combler ces lacunes pour rendre le système un peu plus efficace.

Le président: Allez-y, monsieur Pratt.

M. David Pratt: Dans le document que vous avez remis au comité, il y a une référence au bas de la page. On peut y lire «Les incitatifs pour améliorer le piètre rendement devraient inclure: comme en Ontario, une surtaxe». Franchement, je n'ai jamais entendu parler de cette surtaxe à laquelle vous faites référence. Pourriez-vous préciser?

M. Duff Conacher: Oui. Dans son budget de 1996, le gouvernement de l'Ontario a mis en place à la fois la surtaxe et l'exigence d'avoir un bon dossier de rendement avant de soumissionner pour l'obtention de contrats gouvernementaux.

La surtaxe en question est un impôt sur le capital et les institutions peuvent alors démontrer qu'elles ont un bon dossier pour ce qui est des prêts aux petites entreprises, démontrer qu'elles offrent du capital à long terme aux petites entreprises et recevoir des crédits en fonction des montants prêtés. Il doit s'agir de nouveaux capitaux. Il ne peut pas s'agir de capitaux existants; ce sont des nouveaux capitaux qui sont prêtés pour venir en aide aux petites entreprises et les institutions reçoivent des crédits en fonction de la surtaxe. Elles peuvent donc éliminer dans les faits la surtaxe si elles ont un bon dossier et si elles prêtent suffisamment d'argent et appuient les petites entreprises.

C'est ainsi que ça fonctionne en Ontario, et nous pensons que toutes les administrations provinciales, territoriales et même le gouvernement fédéral devraient faire la même chose. Les administrations municipales pourraient avoir recours au même mécanisme pour l'impôt foncier.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais dire que c'est un plaisir d'avoir M. Conacher parmi nous aujourd'hui, parce que je sais qu'il a pris la défense des consommateurs dans cette ville depuis longtemps et ici même, et à ma connaissance il est la première personne à venir parler carrément des droits des consommateurs. Nous entendons souvent le côté des intérêts des entreprises, mais jamais l'autre partie de l'équation, les consommateurs.

Vous avez soulevé un certain nombre de points avec lesquels vous êtes en accord dans le rapport MacKay. Il me semble qu'en tenant les institutions financières responsables pour ce qui est de la divulgation et de l'imputabilité, vous ne touchez qu'aux institutions réglementées. Il vous suffit seulement de vous promener sur une rue principale de n'importe quelle ville et vous lisez des affiches telles Money Mart et Crédit Trans Canada. Que proposez-vous de faire avec ces établissements? Que feriez-vous dans ces cas?

M. Duff Conacher: Notre dixième recommandation dit, et le groupe de travail est d'accord, que tous ces mécanismes devraient s'appliquer à toutes les institutions financières.

Le groupe de travail est évidemment un groupe de travail fédéral et s'occupe principalement des institutions financières relevant de la compétence fédérale, mais vous verrez qu'en plusieurs endroits il encourage les administrations provinciales à adopter les mêmes règlements, qu'il y ait harmonisation entre les règlements et que les fournisseurs de services financiers et de crédit actuellement non réglementés soient aussi réglementés. Nous sommes tout à fait d'accord avec cette position.

M. Roger Gallaway: L'autre aspect dont vous avez souvent traité, et vous l'avez certainement fait aujourd'hui, c'est la question de l'accès de base, l'accès aux services bancaires de base. Je veux être juste à ce sujet. Dans un sens, l'orientation de la Banque Royale, du moins tel que je la comprends—et cela peut me venir de M. Cleghorn lorsqu'il a comparu plus tôt cette semaine devant nous—est que si vous permettez à ces deux entités de fusionner, ce sera bon pour le consommateur. Vous allez avoir plus de services et un meilleur accès aux services bancaires.

• 1110

Je sais que votre organisme a étudié cette question d'accès, mais je me demande si vous pourriez tout simplement réagir à cela, peut-être en vous fondant sur des cas. Je vous dirai—aux États-Unis, ce n'est pas nécessairement un mot tabou—c'est une question de crédibilité fondamentale à ce point-ci parce que nous n'avons encore rien vu. Que pensez-vous?

M. Duff Conacher: Comme nous l'avons dit de façon détaillée dans notre sixième document de principe ainsi que dans le document sur les mythes et les réalités, les preuves provenant d'autres pays établissent que les fusions vont nécessairement entraîner des pertes d'emploi. Les estimations des analystes de l'industrie au Canada varient entre 20 000 et 40 000 personnes. Il y aura un retrait de services étant donné que plus de 1 000 succursales fermeront et c'est difficile de concevoir tout cela comme la prestation d'un meilleur service global.

Ce qui se passera, c'est que les gens auront le programme des banques encore plus sur le coeur, en ce sens que vous devez apprendre à vous servir des boutons sinon vous ne pourrez pas utiliser des services bancaires au Canada. Les banques dégagent une marge de profit beaucoup plus élevée de l'utilisation des guichets automatiques que des services offerts en succursale de sorte qu'elles veulent qu'il y ait encore plus de gens qui utilisent les guichets et absorbent les coûts des banques pour ce service bancaire.

Des études réalisées aux États-Unis démontrent également que les banques plus grosses exigent des frais plus élevés. À l'émission de télévision de la CBC, Venture, on a interviewé le dirigeant de l'une des grandes banques des Pays-Bas qui a fusionné. L'étude a démontré que les frais avaient augmenté de 200 millions de dollars en coûts supplémentaires pour les consommateurs après la fusion et on lui a demandé pourquoi ils avaient augmenté leurs frais après la fusion. Il a répondu que c'était parce qu'ils le pouvaient, parce qu'il y avait moins de concurrence et moins de choix.

Aux États-Unis, les études ont également démontré que les plus grosses banques issues d'une fusion prêtent une portion plus petite de l'argent total consenti aux prêts aux petites et moyennes entreprises, le secteur créateur d'emploi au pays.

Nous avons donc toutes les preuves voulues des autres pays et nous pensons que la concentration du contrôle du marché que les deux mégabanques auraient limiterait gravement le choix des consommateurs et que les banques pourraient abuser de leurs pouvoirs en conséquence.

À la fin de novembre, nous allons connaître les données du Bureau de la concurrence et je suppose que dans un certain nombre des 1 500 marchés locaux qu'ils examinent, environ de 33 p. 100 à 50 p. 100 des marchés vont indiquer une sérieuse réduction du choix pour les consommateurs. Cela permettra à ces institutions d'abuser de la domination et de fermer des succursales beaucoup plus rapidement. C'est décidément une partie de leur programme de retirer le service.

M. Roger Gallaway: Ma dernière question est la suivante. Vous souscrivez à la loi américaine sur le réinvestissement communautaire. Son principe est d'injecter de nouveaux crédits dans les collectivités qui en ont besoin.

M. Duff Conacher: Et le service également.

M. Roger Gallaway: Très bien. C'est déjà en place aux États-Unis. Quelles preuves empiriques existe-t-il que cette loi atteint effectivement cet objectif? On me dit qu'il y a une étude particulière qui indique qu'elle n'a aucune incidence.

M. Duff Conacher: Eh bien, étant donné que je ne sais pas de quelle étude vous parlez, c'est difficile de répondre.

M. Roger Gallaway: En fait, je peux vous dire de quelle étude il s'agit. Cela vient de l'Institut Cato et elle a été rédigée par William Niskanen. Je pourrais certainement vous en obtenir une copie.

M. Duff Conacher: Ce serait la seule étude dont j'ai entendu parler qui ne trouve aucune incidence à la Loi sur le réinvestissement communautaire. Selon le contrôle gouvernemental des engagements en matière de réinvestissement qui ont été faits—et ce sont des engagements faits parce qu'une institution a eu une mauvaise cote et qu'elle devait prendre des mesures correctrices—plus de 420 milliards de dollars ont été réinvestis dans principalement des quartiers désavantagés, dans des quartiers de minorités et dans des quartiers à faible revenu aux États-Unis, et un autre montant de 600 milliards de dollars a été engagé par les banques qui cherchent actuellement à se fusionner aux États-Unis, et ce pour les cinq prochaines années. Donc dans cinq ans, on aura réinvesti plus d'un billion de dollars et les banques elles-mêmes vous diront comme les l'ont dit au comité des banques du Sénat lorsqu'il était aux États-Unis, qu'elles n'auraient pas fait ces prêts s'il n'y avait pas eu la loi.

• 1115

En ce qui concerne l'incidence, je vous demanderais tout simplement de téléphoner à Jim Peterson, secrétaire d'État aux institutions financières internationales, et de lui demander l'expérience qu'il a vécue lorsqu'il est allé visiter Chicago, parce qu'il a dit au Toronto Star qu'il a constaté une grande incidence sur les collectivités de Chicago qui ont été complètement revitalisées à la suite du réinvestissement survenu en raison de la loi sur le réinvestissement communautaire.

Nous serions également heureux, pour parler à des gens aux États-Unis, y compris les organismes de réglementation, y compris l'ancien équivalent du surintendant des institutions financières aux États-Unis, qui est maintenant un banquier à New York, d'organiser une rencontre pour les gens du comité, comme le Comité des banques du Sénat l'a fait, et je suis sûr que vous constateriez la même chose. C'est une très importante mesure pour ce qui est de s'assurer que les banques canadiennes servent tous les Canadiens adéquatement et équitablement dans toutes les collectivités partout au pays.

M. Roger Gallaway: J'aurais une dernière question à vous poser.

La semaine dernière, nous avons accueilli des hauts fonctionnaires du Bureau du surintendant des institutions financières, et j'espère que la plupart des Canadiens croient qu'ils sont là pour suivre la viabilité et la solidité d'institutions particulières. En même temps, nous savons que de temps à autre des institutions qui relèvent du ressort statutaire du BSIF font faillite.

Vous suivez, et vous avez suivi depuis un certain temps, les activités de ce Bureau. Quels intérêts est-ce que le BSIF doit protéger? À votre avis, est-ce pour protéger l'intérêt des consommateurs ou est-ce pour protéger l'intérêt du gouvernement au pouvoir?

M. Duff Conacher: Je pense que le Bureau du surintendant s'estime souvent en conflit. Le groupe de travail dit qu'il a des responsabilités à l'égard de la protection des consommateurs en ce qui a trait à la solvabilité. Donc, jusqu'où allez-vous? Protégez-vous les gens pour ce qui est des plaintes et du service global?

Le groupe de travail recommande de confier un certain nombre de ces fonctions de supervision sur les ventes liées, la protection des renseignements personnels et d'autres mesures de protection des consommateurs au BSIF. Nous estimons, si le BSIF est réticent à s'occuper de ces domaines, de les confier alors à un organisme de réglementation qui veut s'acquitter de ces tâches, où on estime qu'il n'y a pas un conflit entre protéger la solvabilité et protéger les déposants et protéger les consommateurs et l'imputabilité.

L'une des questions que le groupe de travail a soulevées, c'est que le BSIF a à l'heure actuelle un mandat de protéger également les créanciers. Il estime que ce mandant devrait être éliminé, et nous sommes d'accord. Le BSIF devrait protéger la solvabilité et protéger les déposants, mais non les créanciers.

En fait, nous avons certaines préoccupations à l'égard de ce que le groupe de travail a fait du côté des règles relatives à la propriété, en particulier pour les règles concernant les sociétés de portefeuille qu'il a proposées. Je suis convaincu que vous avez entendu de la part de John Palmer, l'actuel surintendant, des préoccupations semblables voulant qu'il puisse être beaucoup plus difficile de réglementer efficacement ces secteurs.

Procédez donc avec une grande prudence. Trouvez un organisme de réglementation qui veut mettre les règlements en application et garder les membres à l'oeil pour ce qui est de l'imputabilité et de la protection des consommateurs, et procédez très lentement, nous pensons, pour ce qui est des structures de propriété et du changement des structures de propriété afin de vous assurer que vous ne créez pas des institutions qui ne peuvent pas être réglementées.

Le président: Merci.

Monsieur Pat Martin.

M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Conacher, d'être venu témoigner aujourd'hui. Je pense que c'est un excellent mémoire et que c'est vraiment consolant pour moi que quelqu'un comme vous vienne exprimer les préoccupations de cette coalition à grande base.

Je reconnais un certain nombre des organisations qui font partie de cette coalition. En fait, je pense que je suis membre d'une demi-douzaine d'entre elles. Il est grandement temps que nous nous unissions et je pense peut-être que tout le groupe de travail MacKay et l'idée des fusions des banques a entraîné l'union de ce groupe pour exprimer nos préoccupations officiellement une fois pour toutes en ce qui concerne tout le secteur des services financiers.

• 1120

Il y a quelques aspects auxquels je suis particulièrement intéressé et que vous n'avez pas eu encore la possibilité d'aborder. Je ne reviendrai pas sur des choses que vous avez déjà clairement articulées.

La circonscription que je représente a deux des codes postaux les plus pauvres—je pense au numéro deux et au numéro trois—pour ce qui est de la pauvreté. C'est la circonscription de Winnipeg-Centre, au centre-ville de Winnipeg. Tout comme l'a indiqué le député d'en face, il y a un très grand nombre de personnes à ce niveau inférieur de l'échelle socio-économique qui n'ont pas de compte bancaire. Ils n'ont pas de services bancaires. Ils ont des cartes de Money Mart. Il pousse des Money Mart à côté de chaque prêteur sur gages, et ils répondent à un besoin auquel nos banques à charte ne répondent de toute évidence pas. Je suis heureux que ce point ait été signalé et que vous y ayez fait référence.

L'autre question est toute l'idée des micro-prêts et du développement économique, ou d'un engagement quelconque envers le développement communautaire, mais je pense que nous y avons consacré beaucoup de temps. Je suis heureux d'appuyer l'idée qu'en quelque part la loi sur le réinvestissement communautaire aux États-Unis ne serait pas seulement souhaitable, mais nécessaire.

Le groupe que vous avez mentionné ici comme membre est SEED Winnipeg, qui est un groupe magnifique de personnes qui ont en réalité créé un partenariat avec l'une des caisses de crédit. J'ai également été actif au sein de ce groupe et à un moment donné j'ai pris les dispositions pour un prêt de 800 $ à une femme pour qu'elle s'achète une machine à coudre afin qu'elle puisse obtenir des contrats de l'une des usines de vêtements. Cela faisait la différence entre la pauvreté abjecte et un peu d'aide. Les institutions prêteuses traditionnelles l'avaient carrément refusée.

Dans un autre cas, deux techniciens dentaires des Philippines sont venus dans mon bureau. Ils avaient leurs lettres de créance et ils avaient même eu leur propre commerce aux Philippines où ils faisaient des prothèses et d'autres appareils. Ils avaient besoin de 8 000 $ pour démarrer une entreprise semblable ici et ils avaient déjà une foule de clients et de dentistes qui disaient qu'ils feraient affaire avec eux s'ils pouvaient obtenir ce départ, ce pied dans la porte. Toutes les institutions prêteuses traditionnelles les avaient carrément refusés, jusqu'à ce qu'ils se présentent chez SEED Winnipeg. Le besoin est donc là.

L'autre chose que je voulais souligner, c'est le Crocus Fund, le fonds d'investissement parrainé par les travailleurs au Manitoba. De tous les capitaux de risque injectés dans la province du Manitoba l'année dernière, 80 p. 100 provenaient du Crocus Fund, et non des institutions prêteuses. Un grand nombre de ces entreprises qui étaient à la recherche d'un prêt à une entreprise pour prendre de l'expansion ne cherchaient pas un investisseur qui pourrait prendre des intérêts financiers dans leur compagnie. Ils étaient à la recherche d'un prêt conventionnel aux entreprises et avaient eux aussi été refusés.

Il me reste seulement une minute et j'ai une question à poser à la période des questions. La seule chose que je vous demanderais est la suivante. Je pense que c'est une idée formidable que quelqu'un soit mandaté pour envoyer un dépliant dans un envoi postal. Franchement, je ne connais pas exactement le terme que vous utilisez pour cela. Aux États-Unis, on l'a envoyé avec les comptes de services publics. Je pense que c'est magnifique.

Ma question, ou l'offre que je ferais est celle-ci, si le groupe de travail MacKay le recommande et que ce groupe qui le mérite estime que c'est nécessaire, pourquoi est-ce que les députés n'utilisent pas leurs privilèges postaux pour vous aider à envoyer partout au pays un dépliant comme celui-là et voyons ce que les Canadiens pensent vraiment. Ne faisons pas un sondage ou une enquête, mais envoyons tout simplement quelques millions de ces dépliants et voyons si vous obtenez une réaction à 40 p. 100 des Canadiens. C'est l'offre que je ferais et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Duff Conacher: Cela aiderait certainement en tant que complément aux institutions financières qui posteraient ce dépliant à leurs 20 millions de clients. Même à ce niveau, avec un retour de 1 p. 100, vous auriez tout de même une organisation viable comptant 200 000 membres. Selon un sondage national que nous avons réalisé, les gens sont prêts à dépenser de 20 $ à 30 $ en frais d'adhésion de sorte que cela vous donnerait un budget de 4 à 6 millions de dollars.

J'ai mentionné que nous avons approché les institutions et leur avons demandé de le faire volontairement, et elles ont refusé. En outre, ce que je n'ai pas mentionné auparavant, c'est que selon notre sondage national, 64 p. 100 des Canadiens estiment que chaque institution qui est pressentie et qui ne joint pas volontairement un dépliant, qu'il s'agisse d'une institution financière ou d'un service public ou d'une compagnie de téléphone, devrait être tenue par le gouvernement d'envoyer le dépliant. Le groupe de travail n'est pas d'accord que le gouvernement et les institutions financières devraient collaborer et faciliter le succès d'une telle organisation.

Vous avez parlé de la loi sur le réinvestissement communautaire. Je suis certain que vous seriez intéressé de savoir qu'à l'heure actuelle la divulgation à l'égard des prêts aux entreprises regroupe le Manitoba et la Saskatchewan de sorte que vous ne pouvez même pas assurer un suivi de ce que les banques font en ce qui concerne les prêts aux entreprises à une échelle provinciale, encore moins à un niveau communautaire. C'est pourquoi le groupe de travail a recommandé que les bilans soient faits au niveau communautaire.

• 1125

C'est également la politique du Parti libéral parce que lors du congrès d'octobre 1996 ici à Ottawa, plus de 2 000 délégués venant de partout au pays ont adopté trois résolutions, dont l'une parlait précisément de la loi aux États-Unis et disait qu'on devrait l'adopter ici au Canada.

C'est donc une politique du Parti libéral. Paul Martin a déclaré officiellement qu'il pense que c'est une bonne idée en principe. Jim Peterson croit que c'est magnifique. Le comité des banques du Sénat, certainement le sénateur Michael Kirby, a dit au Globe and Mail que le comité des banques du Sénat en fera la recommandation dans un rapport qui doit être rendu public à la fin de ce mois. Toutes les personnes qui se sont rendues aux États-Unis ont constaté que cette loi est très efficace. Elle était également mentionnée dans le programme du Parti progressiste-conservateur dans le cadre des élections de 1997 en ce qui concerne une plus grande divulgation, et aussi pour un système plus complet tant dans le programme du NPD que dans celui du Bloc québécois. Elle reçoit un très grand appui et on devrait la mettre en place—à tout le moins les recommandations que formule le groupe de travail, mais nous voyons les lacunes et nous pensons qu'elles devraient être comblées.

Dans l'ensemble, les Canadiens disent très clairement qu'ils veulent de meilleures banques, et non de plus grosses banques. La majorité des Canadiens sont opposés aux fusions et une majorité estime que les banques devraient êtres tenues de respecter une norme de rendement plus élevée que les autres sociétés. Dans une démocratie, des millions d'électeurs devraient avoir plus de voix que des millions de dollars dépensés sur le lobby des entreprises et des campagnes de relations publiques d'entreprises. Il s'agit d'un véritable test pour notre gouvernement pour savoir dans quelle mesure il croit que nous vivons dans une démocratie.

Tel que je l'ai dit, nous avons cherché à obtenir l'imputabilité des institutions financières et nous continuerons de chercher à obtenir l'imputabilité du gouvernement si ce dernier ne réussit pas à promulguer les recommandations du groupe de travail. Nous vous demandons à vous, en tant que comité, de recommander très fortement que le gouvernement le fasse.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Monsieur Conacher, avant que vous quittiez, j'aimerais vous remercier beaucoup d'avoir exprimé le point de vue des consommateurs dans ce débat. Je pense que c'est une voix très importante qui doit être entendue et j'inviterais votre organisation à participer aussi pleinement que vous le pouvez.

Comme vous le savez, j'ai envoyé une lettre à tous les députés dans laquelle je leur demandais qu'ils tiennent des assemblées publiques locales ou des réunions d'entraide communautaire dans toutes les circonscriptions du pays parce que c'est en effet une question très importante.

J'aurais une question à vous poser. Étant donné que vous êtes un spécialiste des droits des consommateurs, j'aimerais savoir où est la ligne qui sépare le règlement d'une part et l'exploitation d'une entreprise de l'autre. Comprenez-vous ce que je veux dire? Il y a un trait fin qui sépare les deux—des règlements pour s'assurer que vous avez des protections.

Je pense à votre commentaire en référence aux préoccupations des consommateurs pour la question des renseignements personnels, une préoccupation très valable. Je pense que M. MacKay s'acquitte bien de sa tâche en ce qui concerne ces questions particulières.

J'aimerais vous donner un exemple que j'ai entendu dans une conversation que j'avais avec des gens. Supposons que vous avez des rapports d'implication communautaire et que les banques doivent vous donner plus de renseignements sur ce qu'elles font dans chaque collectivité.

Permettez-moi de vous donner en exemple une collectivité où il y a un important employeur qui fabrique des produits. Dans le rapport de la banque, vous savez que la banque a prêté 1 million de dollars à une entreprise. Étant donné qu'il s'agit de la seule entreprise de taille moyenne ou grande entreprise dans votre ville, vous et moi devinerions probablement que l'entreprise a contracté un prêt de 1 million de dollars auprès de la banque, ou de 200 000 $ ou de 400 000 $, quel que soit le cas. Un peu plus loin, dans la ville voisine, il y a le concurrent de cette entreprise qui peut utiliser ou ne pas utiliser ces renseignements pour en retirer un avantage stratégique. Je sais que c'est un peu un incident isolé et que peut-être il n'y en a pas beaucoup au pays et que peut-être il y en a, je n'en suis pas certain, mais où faites-vous le trait? Dans ce qui semble en principe être une excellente idée pour s'assurer qu'il y a une imputabilité pour les banques et leurs prêts, avons-nous des préoccupations à l'égard de ce que je viens de dire?

• 1130

M. Duff Conacher: Nous en sommes préoccupés et nous avons recommandé qu'aucun changement ne soit apporté à cette partie du système actuel de divulgation ou du système de divulgation que nous voulons mettre en place.

L'actuel système de divulgation que l'ABC a négocié avec le gouvernement à l'égard des prêts aux entreprises suit les lignes directrices en matière de protection des renseignements personnels de Statistique Canada, qui stipulent que dans une catégorie donnée d'une base de données où se fait la ventilation des prêts, si vous avez un regroupement qui est inférieur à 13, vous n'en faites pas la ventilation plus bas que ce niveau. Donc, s'il n'y a qu'un seul emprunteur dans une catégorie donnée, supposons des prêts de plus de 1 million de dollars dans cette collectivité, il n'y aurait pas de ventilation. Ce serait laissé vierge parce que vous seriez en mesure d'identifier l'emprunteur.

Ils suivent les mêmes règles aux États-Unis. Les renseignements personnels d'une personne ne sont jamais compromis et si une institution financière, en particulier les banques, vous dit que c'est le cas, demandez-lui tout simplement quelles lignes directrices elle suit à l'heure actuelle. Présentement, elle suit les lignes directrices de Statistique Canada pour protéger les renseignements personnels et nous ne recommandons aucun changement à cet égard.

Nous pouvons peut-être obtenir une ventilation collectivité par collectivité pour certains types de prêts, mais nous aurons à tout le moins une ventilation régionale probablement. C'est mieux que ce que nous avons maintenant, soit seulement huit régions dans tout le pays, ce qui ne vous donne aucune idée... Tel que je l'ai mentionné, le Manitoba et la Saskatchewan sont réunis. Donc vous n'avez même pas une idée sur une base provinciale des prêts que les banques font ni si elles répondent aux besoins.

J'ai parlé également des autres lacunes. On ne suit pas la demande de sorte que vous ne connaissez pas la demande pour leur crédit. Les banques ne suivent pas si elles répondent à cette demande et elles ne suivent pas non plus de façon détaillée le niveau de risque de prêter à des entreprises diverses et de tailles différentes afin que vous puissiez savoir s'il est justifié qu'elles répondent à la demande, s'il s'agit d'une demande légitime. Dans le domaine des prêts hypothécaires aux États-Unis, ces lacunes ont été comblées. Dans le domaine des prêts aux entreprises, nous avons besoin d'un système semblable ici au Canada.

Le président: Pouvez-vous m'expliquer ce qu'ils contrôlent exactement? Vous avez parlé de toutes sortes de choses qu'ils ne suivent pas.

M. Duff Conacher: À l'heure actuelle, ils suivent le nombre d'emprunteurs par importance du prêt et type d'industrie, le tout selon une ventilation dans huit régions différentes. C'est le système actuellement en place au Canada.

Maintenant, le nombre d'emprunteurs et les montants prêtés par importance du prêt pour chaque catégorie vous donnent une idée... et c'est pourquoi nous savons, par exemple, que par rapport à l'ensemble des prêts, les prêts aux petites entreprises ont diminué entre 1995 et 1997. Ce niveau s'établissait à juste un peu plus de 7 p. 100 en 1995 et il est maintenant à environ 6,5 p. 100 dans le cas des prêts aux entreprises de moins de 250 000 $, ce que tout le monde accepte comme étant une approximation pour des prêts aux petites entreprises.

Nous connaissons également quelques-unes des tendances selon ces huit régions différentes et nous connaissons la ventilation de l'industrie selon 17 secteurs différents. Mais ce que le groupe de travail recommande, c'est qu'il y ait des bilans d'implication communautaire, et nous sommes d'accord. Ces bilans doivent être donnés au niveau communautaire, et protéger les renseignements personnels des gens. Nous n'avons aucune inquiétude à ce sujet. Suivez les lignes directrices de Statistique Canada, mais fournissez les données jusqu'à un niveau communautaire.

Le président: Ma première question—je suppose qu'elle est philosophique—est où, en tant que consommateur, tirez-vous le trait entre le règlement et l'exploitation de l'entreprise?

M. Duff Conacher: Eh bien! je pense que la société et très certainement les gouvernements font le trait de différentes façons pour différentes sociétés. Dans le cas des services publics tels le téléphone, le gaz et l'électricité, lorsque ces entreprises veulent augmenter leurs taux, nous exigeons qu'elles se présentent devant l'organisme de réglementation et qu'elles justifient l'augmentation du taux afin de s'assurer que ce n'est pas de la duperie. À l'autre extrémité, par exemple le magasin du coin, nous ne les réglementons pas tellement pour savoir s'ils offrent un service adéquatement et équitablement aux gens, si ce n'est pour des mesures relatives aux codes des droits de la personne et des choses semblables.

Le groupe de travail et les Canadiens conviennent que les banques en particulier devraient devoir respecter une norme de rendement plus élevée. Cela veut dire qu'elles doivent être réglementées davantage que les autres sociétés parce que historiquement elles ont bénéficié de protections que les autres sociétés n'ont pas reçues. Le premier ministre a déclaré très clairement en 1993, et vous verrez que nous reproduisons cette citation dans nos documents de principes «Nos banques ont bénéficié de la protection de la Loi sur les banques». Eh bien! le groupe de travail dit la même chose. Il est temps que les banques nous redonnent quelque chose. Mais comme nous l'avons constaté dans le cas de l'accès aux services bancaires de base, elles ne sont pas pour nous redonner quoi que ce soit à moins qu'on les y oblige.

Donc, en ce qui concerne le groupe de travail, en ce qui concerne la plupart des Canadiens, nous plaçons les banques plus près des services publics que des magasins du coin. L'analogie qu'ont utilisée les chefs de la direction des banques, qu'ils ne veulent pas faire l'objet d'une prise de contrôle par Home Dépôt ou par Wal-Mart, n'est pas une analogie. Les banques sont réglementées et protégées contre la concurrence étrangère, et elles l'ont été pour trois décennies. Ces protections et ces règlements les ont aidées et nous voulons maintenant des protections et des règlements pour aider les consommateurs, les petites entreprises et les clients des banques dans les collectivités partout au pays.

• 1135

Le président: L'une des choses que je trouve fascinantes au sujet de ces audiences, c'est qu'elles démontrent clairement qu'il y a une différence entre la théorie et la pratique. Par exemple, si les banques A et B se fusionnent—et je ne parle pas des deux projets de fusion actuels—et si la banque C et la banque D se fusionnent et qu'il reste dans le marché les banques E, F et G, etc., en tant que défenseur des droits des consommateurs, conviendriez-vous avec moi que le choix, le prix, le service et la qualité sont tous des éléments importants pour déterminer ce que vous allez acheter, que vous achetiez une paire de souliers ou un produit financier ou un service? Ce sont là des questions importantes.

Je ne sais pas si la théorie économique suit, mais si A et B fusionnent et si C et D fusionnent et si nous devons accepter l'opinion selon laquelle une société résultant d'une fusion augmente en réalité ses prix, et vous avez la banque E qui offre des prix inférieurs ainsi que du choix et un bon service, si vous suivez la théorie économique—de toute évidence vous n'y croyez pas—cette banque deviendrait une très grosse banque. Elle attirerait tous les consommateurs qui ne seraient pas heureux des prix, du service ou de quoi que ce soit d'autre qui ne va pas dans une société résultant d'une fusion.

M. Duff Conacher: Le Bureau de la concurrence utilise ses normes pour déterminer les répercussions anticoncurrentielles parce que ces normes sont reconnues de façon générale pour démontrer que la banque E ne serait pas capable de s'implanter et de faire cela parce que les quatre grandes banques seraient tellement dominantes—le seuil de 35 p. 100 pour tout produit ou service, ou la région géographique ou encore le seuil de 65 p. 100. Le Bureau de la concurrence a reconnu ces obstacles, tout comme l'a fait le ministre des Finances, ainsi que le président du groupe de travail et tout le groupe de travail. Les obstacles à l'implantation des banques étrangères, les obstacles pour l'établissement d'autres banques et la concurrence, sont très importants. En fait, les grandes banques ont été protégées de la concurrence étrangère depuis trente ans et elles veulent maintenant l'ultime protection, qui est de devenir tellement grosses et tellement dominantes qu'on ne pourrait pas les contester.

Nous pensons que nous faisons une recommandation raisonnable. Si vous acceptez maintenant les arguments des banques qui veulent se fusionner, alors vous n'avez d'autre choix que de suivre aveuglément ce qu'elles disent au sujet de ce qui se passe et de ce qui va se passer en ce qui concerne la concurrence étrangère. Il n'y a aucune urgence. Le groupe de travail a recommandé des changements de règles fondamentaux pour aider tant la concurrence intérieure que les concurrents étrangers. Eh bien! voyons s'ils augmentent en réalité leur part du marché. Si ce n'est pas le cas, alors je pense que le Bureau de la concurrence tirera la même conclusion qu'il va probablement tirer à la fin de novembre, à savoir que les fusions dans l'économie canadienne auraient tout de même de graves répercussions négatives sur les choix offerts aux clients et permettraient aux institutions de tellement dominer le marché qu'elles abuseraient de leurs clients.

Le président: Je vais vous poser une question par rapport au fait qu'il y a une différence entre la théorie et la pratique et qu'en réalité la consolidation et les fusions ont des dynamiques différentes en ce qui concerne les consommateurs.

Monsieur Conacher, au nom du comité, j'aimerais vous remercier beaucoup d'exprimer le point de vue des consommateurs à notre comité.

Nous allons maintenant suspendre nos travaux et revenir dans environ 45 minutes.

• 1139




• 1218

Le président: Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici cet après-midi. Nous aurons le plaisir d'entendre des représentants de la Banque de Montréal: le président du Conseil et chef de la direction, Matthew Barrett; le vice-président exécutif, Services corporatifs, Drew White et l'économiste en chef, Tim O'Neill. Bienvenue, messieurs.

Je suis sûr que vous avez déjà comparu devant des comités parlementaires, aussi il est inutile que je vous donne des instructions. Toutefois, l'établissement d'un cadre de politique l'avenir du secteur des services financiers est un sujet qui tient beaucoup à coeur à notre comité, aussi vous verrez qu'un grand nombre des questions qui vous seront posées traduiront cette aspiration.

Monsieur Barrett, vous pouvez commencer.

M. Matthew W. Barrett (président et chef de la direction, Banque de Montréal): Merci beaucoup, monsieur le président.

Lorsque j'ai commencé à réfléchir à cette audience, j'étais quelque peu indécis quant aux commentaires que je pourrais faire sur le rapport MacKay. Je savais pertinemment que le rapport était le thème des présentes audiences et il est difficile d'exagérer l'importance qu'il revêt pour l'avenir du secteur des services financiers.

Je tiens à mentionner qu'à mon avis, M. MacKay et ses collègues ont produit le cadre d'une politique cohérente, exhaustive et intégrée pour l'avenir du secteur des services financiers canadiens. Ils ont rempli le mandat que le gouvernement leur avait confié, et ils l'ont fait dans les délais tout en respectant le budget qui y était alloué. Ils méritent la reconnaissance de tous les Canadiens.

Avec mes collègues, Drew White et Tim O'Neill, qui sont ici aujourd'hui, je serai très heureux d'en discuter en détail lors de la période de questions prévue. Mais dans mes brèves observations préliminaires, j'ai pensé qu'il serait utile pour moi de prendre un peu de recul. Plutôt que de commenter le rapport lui-même, j'ai jugé préférable de vous expliquer comment je perçois cet environnement où tout change à une vitesse phénoménale, facteur qui a d'ailleurs été à l'origine du groupe de travail MacKay.

• 1220

Je crois qu'il serait utile de considérer cet environnement comme un milieu qui recèle une série de défis—des défis pour le Canada, des défis pour le secteur des services financiers, et des défis pour une institution financière en particulier, la Banque de Montréal.

Le défi que doit relever le Canada, comme pays, est de réagir aux puissantes forces du changement à l'échelle mondiale, en remodelant son secteur des services financiers pour qu'il offre le maximum d'avantages pour le consommateur canadien grâce à des institutions solides, concurrentielles et sous contrôle canadien présentes dans les marchés canadien, nord-américain et international. Je crois que cela reflète fidèlement la vision du rapport MacKay quant à l'avenir du secteur des services financiers.

Le défi pour le secteur financier réside dans le fait que notre productivité, c'est-à-dire le rapport entre nos frais autres que d'intérêts et nos revenus, est invariablement inférieure à celle des institutions financières américaines et internationales qui se démarquent. Et, comme le souligne le rapport MacKay, cet écart a eu tendance à s'élargir au cours des dernières années.

Pourquoi? Parce qu'il devient toujours plus difficile pour notre secteur de financer les investissements massifs nécessaires dans les nouvelles technologies, problème aggravé par les coûts élevés que nous assumons pour maintenir notre réseau de succursales traditionnelles tout en offrant de nouvelles voies d'accès. Toutefois, les pressions qu'exerce la concurrence et les exigences des différents groupes de clients nous placent devant des choix déchirants: investir dans de nouvelles technologies ou abandonner la course face à la concurrence; maintenir nos succursales traditionnelles ou perdre une part importante de notre clientèle.

Comme on peut le lire dans le rapport, les trois plus grandes banques américaines réunies ont affecté un budget de 5 milliards de dollars américains aux technologies en 1996, comparativement à un budget de dépenses de 1,6 milliards de dollars américains pour les trois plus grandes banques canadiennes. Comme vous le savez tous, le présent gouvernement s'est fermement engagé à améliorer la productivité des entreprises canadiennes, et cet engagement figure d'ailleurs dans le Livre rouge depuis 1993. Mais un tel écart dans les investissements visant à accroître la productivité dans un secteur clé soulève certes des questions troublantes quant à notre avenir dans un monde fondé sur la technologie.

En réalité, l'ensemble des banques canadiennes ont des coûts trop élevés ou des revenus trop faibles pour combler l'écart d'environ 5 milliards de dollars qui nous sépare d'une productivité élevée semblable à celles des nouveaux concurrents clés américains.

La Banque de Montréal a sa juste part de ce défi à relever. Il nous faudrait réduire nos coûts ou accroître nos ventes d'environ 800 millions de dollars si nous voulons pouvoir nous mesurer aux banques américaines les plus productives. Au fil du temps, j'en suis arrivé à la conclusion qu'en tant qu'homme d'affaires, et responsable de plusieurs milliers d'employés, de plus de 5 millions de clients, et de plusieurs milliards de dollars qui appartiennent à d'autres, j'avais essentiellement deux choix.

Le premier était d'accroître notre chiffre d'affaires. Pour ce faire, nous pourrions élargir notre clientèle et générer ainsi de nouveaux revenus qui serviraient à améliorer notre productivité et à financer les multiples voies d'accès aux services et l'excellente qualité de services qu'exigent de plus en plus les Canadiens.

Le second choix, beaucoup moins intéressant à mon point de vue, était de nous attaquer directement à nos coûts élevés. Pour ce faire, nous miserions de plus en plus sur nos secteurs d'activité les plus rentables—ou, en d'autres termes, nous n'investirions plus dans les secteurs qui n'étaient pas rentables et ne le deviendraient probablement jamais. Cela signifie qu'avec le temps, la Banque de Montréal perdrait beaucoup d'envergure, deviendrait beaucoup plus productive et beaucoup plus apte à investir dans les secteurs d'activité qu'elle aurait choisi de conserver—mais cela implique aussi qu'elle le ferait avec beaucoup moins d'employés et de succursales. Elle ne serait plus toutefois une banque polyvalente qui exerce des activités à l'échelle du pays, et ce n'est pas un choix que je privilégierais compte tenu de notre tradition et de notre histoire.

• 1225

J'ai choisi la première stratégie, celle de la croissance. Et, avec le temps, je me suis rendu compte que la façon de loin la plus rapide, la plus rentable et, également, la plus visionnaire de faire croître notre entreprise était de chercher à fusionner avec une autre banque canadienne. D'où notre décision de fusionner avec la Banque Royale du Canada. D'après nos propres études et notre lecture du rapport MacKay, nous croyons qu'il y aura finalement une ou deux institutions financières canadiennes capables de faire concurrence à n'importe quelle autre dans le monde. Nous voulons faire partie de ce groupe très sélect.

Monsieur le président, à mon avis, le choix qui m'est apparu il y a quelques années est essentiellement celui auquel le Canada fait face aujourd'hui, tandis qu'il réfléchit à la décision à prendre sur les fusions bancaires proposées.

Le Canada peut autoriser la fusion proposée et ainsi donner aux banques et autres institutions financières la capacité d'atteindre la taille et la productivité dont elles ont besoin pour se développer, pour faire concurrence et pour financer le système bancaire à service complet, à accès multiples et d'envergure nationale que les Canadiens ont toujours connu. Bien sûr, le Canada peut également refuser d'autoriser les fusions. Il est évident pour moi, comme, je crois, pour la plupart des autres leaders du secteur financier, que cette décision forcerait les institutions financières canadiennes à adopter d'autres stratégies afin de demeurer compétitives et de réaliser leurs objectifs d'affaires.

Je suis fermement convaincu que ces stratégies seraient des pis-aller par rapport à la fusion envisagée par ma banque. Les avantages qu'en retireraient nos actionnaires, nos clients, et, surtout, le Canada en tant que nation seraient beaucoup moins importants que ceux qui découleraient de la fusion. Cependant, comme le statu quo n'est pas une option viable, la seconde solution, qui consiste à s'attaquer directement aux coûts, serait la seule voie qui s'offrirait à moi et je l'appliquerais aussi vigoureusement que possible.

Dans le cas de la Banque de Montréal, je suis un fervent adepte de la première solution, celle de la croissance, et je suis donc dans l'incapacité de vous dire ce que notre stratégie serait si notre fusion était refusée. Ce que j'ai à dire essentiellement ce matin peut se résumer en très peu de mots.

Quand on porte un jugement sur les projets de fusion, c'est toujours par rapport au statu quo. Pourtant, à peu près tout le monde, y compris le groupe de travail MacKay, s'entend pour dire que le statu quo n'est plus possible pour aucune des entreprises faisant partie du secteur des services financiers. Il ne peut donc pas être un étalon de comparaison réaliste ou utile. Nous devrions plutôt étudier les fusions par rapport à leurs solutions de rechange.

Je crois passionnément que la première option, l'option de la croissance, y compris de la croissance au moyen des fusions est celle qui servira le mieux l'intérêt national du Canada. Elle promet pour le Canada une augmentation des emplois, du nombre de décisions prises à l'intérieur de nos frontières, de l'accès aux services bancaires pour les Canadiens habitant les régions éloignées de notre immense pays ainsi que les revenus réalisés à l'étranger. Non seulement cela, mais elle est aussi la voie menant à la réalisation de la vision énoncée dans le rapport MacKay, celle d'un secteur des services financiers qui procure tous les avantages aux consommateurs grâce à une concurrence intense, à des innovations constantes et à une réglementation souple, tout en assurant sur le marché une forte présence d'entreprises basées au Canada et à contrôle canadien.

Monsieur le président, pour conclure, j'espère avoir réussi, même avec ces brefs commentaires, à vous faire comprendre qu'il ne s'agit pas uniquement de l'avenir de telle ou telle institution financière, mais d'une question qui déterminera dans une grande mesure le genre de pays que sera le Canada. La Banque de Montréal a fait son choix. C'est maintenant aux Canadiens de choisir. Pour ce faire, ils pourront s'appuyer sur une information abondante, entre autres l'étude exhaustive et équilibrée effectuée par le groupe de travail MacKay ainsi que les conclusions du Bureau de la concurrence, celles du surintendant des institutions financières et, bien sûr, les rapports de votre comité et du Comité sénatorial des banques. Nous espérons bien sûr qu'ils se serviront de ces sources d'information pour choisir la croissance.

• 1230

Je vous remercie et je suis impatient de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Barrett.

Nous allons commencer avec monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci.

Merci monsieur Barrett, monsieur O'Neill et monsieur White. J'ai beaucoup apprécié votre présentation.

Je pense que ma première question portera sur le rapport du groupe de travail MacKay. Peut-être pourriez-vous élaborer un peu sur ces trois points: quelles répercussions sur le plan pratique croyez-vous que le groupe de travail MacKay aura sur l'accroissement de la concurrence; deuxièmement, si le gouvernement adopte le rapport du groupe de travail MacKay, quel serait selon vous l'échéancier à adopter pour que les recommandations soient mises en oeuvres; et troisièmement, quelles seront, selon vous, les nouvelles sources de concurrence qui seraient permises par ces recommandations?

M. Matthew Barrett: Pour répondre à la première partie de votre question, le groupe de travail MacKay recommande fortement la libéralisation—une libéralisation plus poussée, devrais-je ajouter—de l'entrée des concurrents étrangers au Canada, et je suis entièrement d'accord avec cette recommandation.

Deuxièmement, le rapport parle d'encourager la rivalité entre les institutions nationales et les institutions étrangères et d'éliminer tous les obstacles à une concurrence accrue. Je suis encore une fois d'accord avec cette recommandation.

Le rapport parle aussi d'élargir quelque peu l'infrastructure qui a été mise en place par les banques, afin qu'elles se rendent accessibles aux plus petits acteurs. Je suis encore d'accord.

Il me semble que ces recommandations s'appuient sur des arguments solides et sur de bons principes économiques. Je pense que tous les pays, le Canada compris, doivent discipliner les concurrents à l'échelle nationale en s'assurant de l'entrée des concurrents étrangers, et il résultera de cette interaction entre les rivaux nationaux et étrangers que le consommateur canadien pourra obtenir un meilleur rendement.

Je suis donc en faveur de ces recommandations, à la fois sur le plan philosophique et pratique, et je pense que le gouvernement avait déjà démontré son intention à cet égard. À titre de signataire de l'AMI, de l'OMC et de l'ALENA, franchement, je ne pense pas que nous ayons le choix de toute façon.

Je pense que ce serait une bonne décision. Avenue qui nous maintiendrait en éveil. Nous sommes déjà surveillés de près par la concurrence qui fait son entrée et nous voulons tout simplement vous assurer qu'il y aura une option canadienne dans le choix offert.

Assez étrangement, je vous donnerai des arguments contre mon point de vue. D'une manière ou d'une autre, le consommateur sera gagnant, que vous soyez d'accord avec moi ou non concernant la fusion, parce qu'il verra une concurrence beaucoup plus forte.

Quelle était la deuxième partie de votre question?

M. Dick Harris: Quelle serait selon vous le calendrier à respecter pour la mise en oeuvre des recommandations, si celle-ci était acceptée?

M. Matthew Barrett: Quam celerrime posse.

M. Dick Harris: Demain, je suppose.

M. Matthew Barrett: Idéalement, nous aimerions bien les voir mises en oeuvre dès que possible. Mais certaines des suggestions qui ont été faites nécessitent un changement de la réglementation alors que d'autres n'en ont pas besoin. Les fusions font partie de cette dernière catégorie. Étant donné que je suis complètement biaisé, je commencerais par régler les plus faciles, c'est-à-dire celles qui ne nécessitent pas que l'on modifie la réglementation.

Je pense que M. MacKay a été très vigoureux dans son rapport et dans les commentaires qu'il a faits par la suite, qu'il a réussi à communiquer un certain sentiment d'urgence, parce quÂayant étudié ce qui se passe au sud de notre frontière et aussi ce qui se passe en Europe, nous ne pouvons nous offrir le luxe de débats philosophiques à moins que nous voulions nous retrouver en retard. J'ai dit hier au cours d'une réunion que l'on ne sait jamais lorsqu'on est en avance, mais qu'on se rend toujours compte de la situation lorsqu'on est en retard. Par conséquent, j'aimerais que nous allions de l'avant avec diligence, parce qu'à mon avis il s'agit d'une question d'importance nationale.

M. Dick Harris: J'ai une autre question en ce qui concerne les petites entreprises.

Vous avez dit que vous pensiez que la fusion vous permettrait d'offrir un service et des produits de meilleure qualité à moindre prix, et bien sûr c'est ce que tout le monde désire. Mais j'aimerais parler d'un autre secteur du financement des petites entreprises qui, je pense, pourrait être décrit comme le financement à risque. Je sais que tous les financements sont fondés sur le risque, mais en règle générale, il semble que l'on ait davantage insisté sur la possibilité de démarrer une entreprise, par exemple, avec 5 $ en poche afin de pouvoir emprunter 1 $ de la banque, vous voyez ce que je veux dire, par opposition à une autre façon de faire qui serait la suivante: «Bon, nous trouvons que l'idée est intéressante. Vous n'avez pas beaucoup de capital, mais nous sommes prêts à vous prêter l'argent nécessaire d'après le plan que vous nous avez soumis disons, au taux de base plus 5 p. 100.»

• 1235

Voilà, personne n'aime payer 5 p. 100 au-dessus du taux de base, mais pourtant cela ouvre d'autres possibilités, une autre voie d'accès pour les entreprises en démarrage, comme une celles qui se démènent pour trouver un peu plus de fonds de roulement afin de réaliser leur plan.

Quelle est votre opinion à ce sujet? Si vous y êtes favorable, qu'est-ce qui a empêché les banques jusqu'à maintenant de procéder ainsi?

M. Matthew Barrett: Tout d'abord, vous avez touché un point, un point important en ce qui concerne la disponibilité de, si je peux m'exprimer en termes bancaires, de fonds de capital-risque et de fonds de services bancaires d'investissement disponibles, en particulier pour les petites entreprises. La plupart des sociétés financières d'innovation exigent des petites entreprises qu'elles laissent littéralement leur chemise dans la transaction ou alors elles ne sont carrément pas intéressées à celles-ci.

Je dis cela seulement pour asseoir la crédibilité de la réponse que je me prépare à vous donner. Nous avons reconnu cette lacune dans le marché et nous avons créé une banque d'investissement à risque pour les petites entreprises, pour les prêts d'une valeur inférieure à 100 millions de dollars, par exemple. Nous avons ensuite créé une banque d'investissement. Voilà ce qui se passe: les entreprises sont en pleine croissance, pendant deux ou trois ans, puis elles voient une occasion de se développer encore davantage, mais pour cela elles doivent s'endetter passablement, mais elles ne disposent pas d'une valeur nette réelle suffisante, c'est alors qu'intervient la banque d'investissement.

Voilà ce que nous et la Banque Royale... et la Banque Royale a aussi mis cela sur pied. Nous avons créé cette entité au cours des deux ou trois dernières années. Ce dont nous disposons à l'heure actuelle, c'est d'environ un demi-milliard de dollars de capital de ce type, et nous avons promis de doubler ce montant au cours des cinq prochaines années afin de combler les besoins du créneau dont vous venez de parler.

L'autre point que vous soulevez concerne les micro-crédits, il s'agit selon moi d'un autre domaine à explorer. J'ai fait une annonce, il y a environ une semaine. J'ai entrepris une tournée dans tout le pays et j'ai discuté avec des personnes du milieu des petites entreprises de Vancouver jusqu'à Terre-Neuve, en petits groupes de 15 ou 20, parce que je sais que la question des petites entreprises est extrêmement cruciale et qu'elle est une sorte de baromètre de l'intérêt des banques pour les Canadiens, étant donné que les petites entreprises sont les plus grandes créatrices d'emplois.

J'aimerais ajouter—et je ne le fais pas pour en tirer vanité—que la Banque de Montréal a été reconnue par les critiques les plus rigoureux comme étant la banque la plus amicale envers les petites entreprises. John Cleghorn et moi-même sommes d'accord sur le fait que les meilleures pratiques qui existent à la Banque de Montréal devront prévaloir dans la nouvelle banque. Nous sommes allés plus loin et nous avons déclaré que nous mettrons sur pied la première nouvelle banque d'envergure nationale spécialisée dans les petites entreprises. Cette banque emploierait un noyau de 2500 spécialistes. Nous en ferions un secteur d'activité à part entière. Cette banque offrirait un éventail de possibilités de carrière, des postes de caissiers jusqu'aux postes les plus élevés. Dans le passé,—et j'évolue dans le monde bancaire depuis que j'ai 18 ans—malheureusement, le prêt aux petites entreprises n'était qu'un tremplin vers la gloire, vous y passiez avant d'être promu à un autre poste. Nous allons créer une banque où cette activité sera l'activité principale. Par conséquent, nous serons en mesure de réduire le roulement, qui constitue le principal irritant pour nos clients des petites entreprises.

La deuxième chose que John et moi voulons intégrer à cette nouvelle banque pour les petites entreprises est fondée sur les commentaires que nous ont faits les clients. Les clients affirment en effet qu'il n'y a pas encore suffisamment de décentralisation, que nous n'avons pas encore accordé suffisamment de pouvoir de décision à l'échelle locale et que les gestionnaires de comptes doivent être davantage au fait de (a) mon entreprise et (b) le milieu local. Nous avons donc prévu une décentralisation majeure combinée à la création de conseils consultatifs dans chaque région du Canada qui s'assureraient que la banque est fidèle aux engagements en ce qui concerne ses activités dirigées vers les petites entreprises.

• 1240

M. Dick Harris: Si vous me le permettez, j'aimerais faire un dernier commentaire, puis M. Epp pourra poser une question.

Monsieur Barrett, j'apprécie vos commentaires et je pense réellement qu'il y a un secteur important à explorer dans ce que vous avez appelé le micro-crédit. Il y a beaucoup de Canadiens qui, pour une raison ou pour une autre, perdent leur emploi. Il y en a de plus en plus qui se tournent vers les petites entreprises à domicile ou encore vers de petites entreprises dans le voisinage, que ce soit dans le domaine des services, de la vente au détail ou du commerce de gros. Mais peu importe ce que disent les statistiques, il n'y a tout simplement pas suffisamment de financement traditionnel pour satisfaire les besoins des personnes qui veulent emprunter peut-être 5000 $ ou 7 000 $ ou même 10 000 $. Bien franchement, ces gens doivent trouver cet argent la plupart du temps auprès de sources gouvernementales.

Personnellement, je ne crois pas que le gouvernement devrait assumer la responsabilité de prêter de l'argent à ces personnes qui s'efforcent d'en gagner elles-mêmes. Il me semble que ce devrait être les banques traditionnelles ou encore les prêteurs traditionnels qui devraient s'en charger. Je voudrais seulement encourager votre banque et la Banque Royale à s'engager formellement et à affirmer qu'il s'agit d'un secteur de priorité pour vous et que vous avez l'intention d'y donner suite.

M. Matthew Barrett: Nous y travaillons au moment même où je vous parle, monsieur, et nous avons bien l'intention d'inclure cet engagement dans l'évaluation de l'intérêt public. Je pense que vous avez tout à fait raison. J'aimerais mentionner une initiative que nous avons déjà amorcée, même si elle n'en est encore qu'à ses débuts, il s'agit du partenariat avec Calmeadow. Je pense que Calmeadow a fait preuve d'un excellent leadership dans ce domaine, et qu'elle a démontré certaines idées très novatrices sur la façon de prêter de l'argent à des personnes qui normalement ne devraient pas se qualifier pour l'obtention de prêts.

Je pense que nous devons aller au-delà de cette expérience. Nous y travaillons et nous espérons pouvoir prendre un engagement ferme en ce qui concerne une nouvelle approche à l'égard du microcrédit dans le futur. Et ce n'est pas qu'une vague promesse, nous allons nous y engager et nous occuper de cette question dans le document portant sur l'évaluation de l'intérêt public.

M. Dick Harris: Je suis impatient de voir cela.

M. Matthew Barrett: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Epp, une question.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Seulement une? J'en ai toute une série. Vous reviendrez vers moi un peu plus tard, dans ce cas?

Le président: Oui, monsieur.

M. Ken Epp: Tout d'abord, vous avez affirmé qu'il n'y aurait pas de fermetures de succursales dans les petites collectivités. Si vous fusionnez, l'une ou l'autre devra rester ouverte. Certaines de ces succursales finiront par en arriver à un point où elles perdront de l'argent; elles deviendront déficitaires pour votre grande société. J'aimerais savoir quel engagement vous pouvez prendre maintenant pour nous dire combien de temps vous allez garder une succursale qui n'est pas rentable ouverte.

M. Matthew Barrett: Vous avez raison. Fondamentalement, la mauvaise situation financière pose un problème. Mais ce que nous voulons dire c'est que, dans un avenir prévisible—et il est difficile d'évaluer précisément quel sera l'échéancier, mais pour aussi longtemps que je puisse penser—grâce à l'accumulation des profits qui résulteront de la fusion, nous sommes en mesure de prendre cet engagement indépendamment. En d'autres mots, la fusion nous donne la possibilité de faire davantage appel à l'interfinancement.

Nous avons à coeur d'être accessibles à tous les Canadiens. En fait, nous nous engageons à augmenter cette accessibilité de façon importante, en réunissant les deux banques, et non à la diminuer. La bonne nouvelle est que la combinaison de la technologie—et je n'entends pas par cela la technologie pour le client, mais la technologie pour les employés des banques—nous permet d'ouvrir une centaine de nouvelles succursales dans les épiceries. J'ai annoncé cela il y a une ou deux semaines. Nous avons aussi une coentreprise avec le gouvernement du Canada afin d'ouvrir des succursales dans les bureaux de poste. Il s'agit d'un projet très intéressant, et dans les quelques mois à venir nous aurons par conséquent ouvert des succursales dans 20 établissements qui n'avaient jamais offert de services bancaires auparavant.

Nous sommes donc prêts à être aussi présents que possible, et à atteindre le plus grand nombre de clients possible. Nous pouvons aujourd'hui réaliser avec une superficie de 400 pieds carrés et avec trois employés ce que nous pouvions faire dans le passé avec une superficie de 4 000 pieds carrés et 20 employés. Par conséquent, il me semble que nous devrions être en mesure d'offrir et de maintenir l'accès en succursale à un plus grand nombre de communautés rurales que nous avons pu le faire dans le passé. Nous décrirons en détail ce nouveau projet aussi dans le cadre de l'évaluation de l'intérêt public.

M. Ken Epp: Puis-je vous poser une autre question sur ce sujet? En rapport avec ce point, il y a de toute évidence un engagement à ne pas faire de licenciements. Vous avez pris l'engagement d'entreprendre un programme de recyclage afin de redéployer vos employés dans d'autres secteurs, si ceux-ci avaient besoin d'une expertise technique.

Vous venez tout juste de dire que vous pouvez accomplir avec trois personnes ce que vous pouviez faire dans le passé avec 20 ou même 40 personnes. C'est vrai. Nous pouvons le constater dans les banques. À mon sens, si vous vous préparez à appliquer ce principe dans la plupart ou même dans toutes vos succursales, cela entraînera nécessairement une réduction de personnel. Comment allez-vous gérer cela?

• 1245

M. Matthew Barrett: Je pense que vous faites allusion à nos nouveaux produits et services. L'éventail de produits est beaucoup plus large qu'il ne l'était auparavant. Lorsque j'étais un débutant à la banque, vous aviez un compte de chèques et un compte d'épargne et c'était réglé. Maintenant, il existe tout un éventail de produits d'investissement, de fonds mutuels, et même des succursales spécialisées pour les investissements. Nous avons aussi des succursales mobiles dans les autobus. Il y a environ un an, j'ai lancé le projet de la banque virtuelle appelée mbanx et ce projet a entraîné la création de 700 nouveaux emplois dans cette banque seulement.

Les données démographiques sont une question importante. Le dynamisme financier ou l'activité financière des clients va en grandissant, et non en diminuant. Par conséquent, je ne m'inquiète pas du tout au sujet des possibilités de croissance pour la banque dans la mesure où nous pouvons conserver nos clients, et sur le fait qu'il n'y a pas de possibilités de créer de nouveaux emplois. En fait, si vous considérez l'ensemble des emplois dans l'industrie ou même au sein de chaque banque...

Depuis que j'occupe ce poste, la Banque de Montréal a transformé 60 p. 100 de son effectif complet. Dans le cas présent, je suis publiquement contre les licenciements massifs parce que, à part les individus concernés, ces licenciements démoralisent les personnes qui restent derrière. Nous sommes allés très loin à cet égard. C'est pourquoi j'ai mis sur pied l'institut de formation en 1992: de sorte que nous puissions former entre 14 000 et 15 000 personnes par année en leur offrant des cours qui leur permettront d'occuper de nouveaux emplois lorsque les anciens disparaîtront. Nous avons obtenu un taux de succès de 90 à 95 p. 100 dans le recyclage et le redéploiement de l'effectif. C'est cette approche que nous entendons adopter. C'est pourquoi je peux affirmer en toute confiance qu'il n'y aura pas de licenciements massifs et que d'effrayer les gens avec cette menace est complètement inutile.

Je suis persuadé que 90 p. 100 de nos employés sont très excités à la perspective d'une fusion, si celle-ci vient à se réaliser. Ces employés savent qu'ils seront les premiers touchés, mais ils connaissent nos antécédents et ils savent que nous honorons nos engagements.

Pourquoi n'obtenons-nous pas un résultat de 100 p. cent? Il existe un très petit pourcentage de cas dans lesquels soit les personnes ne sont pas désireuses d'entreprendre la formation et d'accepter les nouveaux emplois, soit elles en sont incapables ou peut-être encore qu'elles ne désirent pas déménager à l'endroit où les nouveaux emplois se trouvent. Mais d'après notre expérience, au cours des dix dernières années, seulement 5 p. cent des personnes se retrouvent dans cette catégorie. La plupart, si on leur en donne la chance, saisissent l'occasion de se recycler...

Je tiens à mentionner que lorsque vous entendez parler de licenciements massifs, c'est que la direction n'a pas bien fait son travail. Si la direction avait anticipé à temps le fait qu'elle se trouvait dans une industrie désuète, et si elle avait recyclé les employés qui oeuvraient dans cette industrie, il n'aurait pas été nécessaire de procéder à ces licenciements massifs. Je pense que c'est là une décision responsable socialement parlant et aussi je pense que c'est la seule chose intelligente à faire d'un point de vue de gestion des affaires. En bout de ligne, nous sommes gagnants ou perdants selon que nous misons sur les trois pieds qui séparent nos employés de nos clients en succursale, aussi le moral des employés est d'une importance capitale pour nous. C'est là un moindre prix à payer pour maintenir le moral des troupes, et nous sommes prêts à le payer.

Oui, il serait plus payant de procéder à une «nuit des longs couteaux» et, après la fusion, de licencier entre 8 000 et 10 000 personnes. Nous ferions davantage d'argent à court terme, mais à la longue, les dommages culturels que cela entraînerait ne compenseraient pas pour les avantages à court terme. Aussi, il me semble que c'est dans notre propre intérêt de minimiser les problèmes, afin de réduire au strict minimum le nombre d'employés qui sont inquiets au sujet de leur existence.

Le président: Je vous remercie, monsieur Barrett.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: J'ai essentiellement deux questions. Voici le préambule de la première. Monsieur Barrett, je vous écoute et j'écoute aussi les représentants des trois autres banques qui veulent procéder à une fusion de leurs activités.

Vous dites qu'il n'y aurait pas de mise à pied généralisée, qu'on créerait des emplois, qu'on ouvrirait des succursales plutôt que d'en fermer, qu'on améliorerait l'accès aux services après la fusion, que dans toutes les régions du Canada, les prix aux consommateurs seraient plus faibles et que la diversité des produits financiers serait plus grande. Je veux bien vous croire, mais votre problème, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui vous croient lorsque vous dites ces choses-là.

J'ai testé cela pendant tout l'été. On a fait des consultations prébudgétaires partout au Québec. On a posé certaines questions, non seulement sur la fusion des banques, mais aussi sur l'avenir du secteur financier, et je vous dis que je n'ai pas rencontré beaucoup de gens qui vous croyaient.

• 1250

Afin que les gens vous croient davantage, seriez-vous prêt—il ne s'agit pas d'une attaque personnelle—à faire la promotion de l'une des recommandations du rapport MacKay, à savoir que tous les engagements que vous prenez, c'est-à-dire la protection des emplois, même la création d'emplois, l'accès aux services après la fusion, les services aux PME, etc., soient inscrits dans la loi et fassent l'objet d'une surveillance dont MacKay fait état, et que ceux qui ne respectent pas ces engagements soient assujettis à de graves sanctions? Peut-être que les gens vous croiraient un peu plus à ce moment-là.

[Traduction]

M. Matthew Barrett: C'est ce que j'affirme absolument depuis le rapport du groupe de travail MacKay. Est-ce que cela me rend un peu nerveux? Certainement, lorsque M. MacKay a dit qu'il allait nous mettre en isolation (au trou), cela a attiré mon attention, et à la banque nous avons essayé de décider qui serait le bouc émissaire si cela se produisait. Et ce ne sera pas moi.

Je vais vous dire pourquoi. Encore une fois, vous pouvez regarder une chose et vous dire, et bien, c'est négatif, cela créera encore davantage de bureaucratie ou encore plus de règlements. Mais si je pouvais me permettre d'être terriblement personnel et naïf avec vous, je suis fatigué de la mythologie. Je suis fatigué des discussions. Peu importe ce que je dis, les gens vont penser: «mais bien sûr, il va dire cela; c'est le président de la banque.» S'il faut faire appel à un tiers pour vous le prouver et pour rétablir les faits après la campagne de désinformation qui est diffusée parfois par nos concurrents, dans ce cas, je suis d'accord, même si cela entraîne un peu plus de bureaucratie.

Donc oui, je pense que nous devons conclure un pacte avec le public canadien sur ce que nous avons l'intention de faire concernant ces fusions. Nous devons enchâsser cet engagement dans l'évaluation de l'intérêt public. Je ne m'inquiète pas du tout du fait que le gouvernement veuille créer un organisme de surveillance, et je suis prêt à vivre avec ça, et John Cleghorn est aussi du même avis.

[Français]

M. Yvan Loubier: Vous seriez même prêt à en faire la promotion et à mettre clairement sur la table des engagements chiffrés quant à la création d'emplois, aux services aux entreprises, aux prix aux particuliers, etc.? Ai-je bien compris votre intervention?

[Traduction]

M. Matthew Barrett: Oui, je le suis, parce que je ne veux pas vous induire en erreur. La seule chose que je peux vous dire avant que vous ne commenciez à le faire, et qui me cause une certaine inquiétude, est jusqu'où devrais-je aller? Nous sommes une entreprise commerciale et nous avons des concurrents, par conséquent nous sommes coincés entre le désir d'être aussi ouverts que possible avec vous afin d'obtenir votre approbation et en même temps, ne pas prêter le flanc à quiconque viendra chiper nos bonnes idées. Nous sommes sur un terrain de compétition, aussi dans la mesure du possible...

Je suis tout à fait certain que nous serons en mesure d'aller suffisamment loin pour vous satisfaire, mais j'espère qu'on ne me demandera pas, dans le cours du processus, de livrer toutes nos bonnes idées à tout un chacun. J'ai déjà mentionné la création de la nouvelle banque pour les petites entreprises, aussi vous pouvez être certains que nos concurrents s'agitent en tous sens afin d'essayer de trouver un moyen de nous contrer sur ce point. Il n'est pas normal pour un homme d'affaires de répondre à des questions qui portent sur sa stratégie vis-à-vis ses concurrents et de répondre devant tous ses concurrents, qui peuvent ensuite facilement le neutraliser.

Donc, ma seule objection est la suivante, s'il vous plaît ne me mettez pas dans une position qui rend les choses impossibles pour toute entreprise qui se voit obligée de révéler des renseignements confidentiels dont elle espère qu'on ne tirera pas parti dans le marché. Mais, ceci étant dit, je pense que nous serons en mesure d'aller assez loin pour vous satisfaire.

[Français]

M. Yvan Loubier: Soyez sans crainte, monsieur Barrett. Ce ne sont pas vos idées qu'on veut avoir, mais le résultat au bout. Si vous prenez des engagements concernant la création nette d'emplois, l'accès aux services, la qualité et les prix concurrentiels et que vous ne livrez pas la marchandise... Je faisais allusion plus tôt au rapport MacKay, qui disait que vos engagements devraient inscrits dans la loi et qu'il devrait y avoir de graves sanctions pour ceux qui ne les respectent pas. Vos stratégies d'entreprise ne nous concernent pas et on croit suffisamment à la liberté de l'entreprise pour respecter vos choix.

Ma deuxième question porte sur la deuxième page de votre communiqué. Vous disiez, monsieur Barrett:

    À mon avis, les tentatives de nos concurrents de faire avorter le processus par des moyens politiques sont la preuve que nous serons en mesure de fournir à nos clients un niveau de services qu'ils ne pourront égaler.

Pour ma part, je ne suis pas un concurrent non plus qu'un adversaire dogmatique de la fusion, parce qu'il y a des transformation qui doivent se faire au cours des prochaines années. Si on ne veut pas être déclassés par la concurrence extérieure et si on ne veut pas devenir désuets sur nos propres marchés, on doit faire certains mouvements.

• 1255

Par contre, que répondez-vous à vos concurrents qui disent qu'il est peut-être inéquitable de vous donner l'autorisation de réaliser ces fusions-là sans qu'eux, au départ, puissent avoir les avantages dont vous bénéficierez avec la fusion, mais par d'autres voies, entre autres par un changement législatif au niveau du régime de propriété pour permettre aux banques qui ne veulent pas se fusionner et d'autres entreprises du secteur financier de créer des alliances stratégiques et des holdings multisectoriels, non seulement pour contrebalancer le fait que vous allez créer une plus grande concentration sur le marché canadien, mais aussi pour faire en sorte qu'il n'y ait pas seulement deux gros joueurs dans le secteur financier pour affronter une mondialisation et une libéralisation des services financiers qui seront plus grandes dans une dizaine d'années, pour qu'il y ait plutôt sept ou huit joueurs sur le marché canadien afin qu'on puisse conserver un certain niveau de concurrence intérieure acceptable pour mieux servir les consommateurs et mieux affronter la concurrence mondiale? On devra alors affronter des concurrents 10, 20 et même 30 fois plus gros, avec des règles beaucoup plus libérales qu'à l'heure actuelle. Donc, que leur répondez-vous?

Accepteriez-vous, par exemple, que le gouvernement, avant d'accepter la concrétisation de vos fusions, change tout de suite le cadre législatif et permette des alliances stratégiques aux autres acteurs du secteur financier et bancaire qui ne veulent pas se fusionner afin que tous partent sur le même pied dans un nouvel environnement concurrentiel? Seriez-vous prêt à accepter qu'avant la réalisation des fusions, le régime de propriété soit modifié pour qu'on puisse créer des holdings et ainsi contrebalancer le poids que vous aurez à l'intérieur et à l'extérieur?

[Traduction]

M. Matthew Barrett: Si je pouvais commencer par dire ce que nous n'avons pas l'intention de faire, je serais ravi de voir 10 ou 15 institutions financières dynamiques, concurrentielles à l'échelle internationale au Canada.

Et il ne s'agit pas d'une approche d'inféodation ou quoi que ce soit d'approchant. Il existe diverses options stratégiques que les hommes d'affaires sont toujours en train d'évaluer. Ils ont toujours dans leur tiroir, à portée de la main, un certain nombre de stratégies différentes qu'ils peuvent adopter, et ils choisissent celle qui est la mieux adaptée à la situation. Tout ce que je voulais dire dans ma remarque, c'est que je pense que les gens... En d'autres mots, si le gouvernement du Canada désire accorder davantage de pouvoir aux petites institutions et confier à de plus grandes institutions des pouvoirs bancaires, je suis en faveur de cette décision. Il ne s'agit pas d'un jeu à somme nulle; il s'agit de mettre sur pied une industrie canadienne qui peut tenir son bout dans le contexte de l'ALENA, avec, d'un point de vue bancaire, un système sans frontières.

Aussi je ne voudrais pas m'opposer à quoi que ce soit susceptible d'aider les autres institutions financières à s'améliorer. Ma frustration provient plutôt, et je serai très franc avec vous, du fait que je pense qu'elles seraient mieux servies si elles s'efforçaient d'adopter des stratégies positives plutôt qu'une politique de la terre brûlée pour essayer de faire échec aux fusions, ce serait dans le meilleur intérêt de ces institutions. Certaines le font déjà. En ce qui concerne le retrait de la forme mutuelle, je ne peux qu'applaudir l'industrie des assurances; je pense qu'il s'agit d'une variable essentiellement stratégique pour cette industrie. Il me semble qu'elle doit jouer la carte des transactions boursières. Elle doit élargir la portée de son secteur d'activité. L'industrie des assurances aura besoin de cette carte pour acheter et contrôler d'autres entreprises. C'est là une étape très positive. Parlons un peu du système des paiements. Si l'ouverture du système des paiements facilite la concurrence entre les entreprises, nous sommes d'accord.

Nous ne faisons pas cela pour nuire à l'industrie des services financiers canadiens. Donc, si en nous permettant de devenir des concurrents vigoureux, vous faites aussi en sorte que les autres concurrents soient plus forts, je ne peux qu'applaudir.

• 1300

[Français]

M. Yvan Loubier: Si vos concurrents vous disaient qu'ils vont cesser d'essayer de faire avorter votre projet à condition que dès le départ, comme dans une course de Formule 1, ils soient sur la même ligne, à condition qu'on leur offre des outils législatifs leur permettant de créer des alliances stratégiques et des holdings financiers pour contrebalancer le poids des mégabanques créées par les fusions, accepteriez-vous qu'on leur donne ces outils? Ne croyez-vous pas que vous arriveriez ainsi à désamorcer l'opposition virulente des autres acteurs du secteur financier à l'égard des fusions?

[Traduction]

M. Matthew Barrett: Je ne sais pas. Vous voyez, c'est ici que les choses se compliquent. Vous me demandez de donner mon opinion concernant les stratégies adoptées par d'autres et je ne connais pas leurs stratégies. Si leurs stratégies consistent à rouler au débrayé, à se montrer complaisants, et à laisser les générations futures se débrouiller avec les problèmes, dans ce cas je ne suis pas d'accord avec cette approche, je ne mange pas de ce pain-là.

À mon sens, il est possible de faire les deux. Je pense que les fusions n'ont rien de nocif et qu'il ne faut pas en faire tout un plat. Je pourrais vous rappeler, si vous me le permettez, qu'en 1994 j'avais mis cette question sur le tapis au Canada. On m'avait hué à l'époque de même que lorsque j'ai prévu l'émergence des super mégabanques aux États-Unis. Le seul point sur lequel je me suis trompé est la vitesse avec laquelle la chose s'est produite. La situation a évolué deux fois plus rapidement que je ne l'avais prévu.

Donc, nous ne pouvons pas rester tranquillement assis pendant que Rome brûle. Nous ne pouvons pas rester tranquillement assis à discuter philosophie et laisser un convoi entier être ralenti par le wagon de queue le plus lent. Je ne voudrais pas non plus que l'avenir de ma propre institution soit lié à l'appétit, ou plutôt au manque d'appétit, des autres personnes pour le changement. Je pense que nous pouvons avoir le meilleur des deux mondes. Donnez-leur la possibilité, oui bien sûr, mais ne nous demandez pas d'attendre que les autres personnes soient prêtes, parce qu'elles n'y arriveront peut-être jamais. Je ne voudrais pas que notre initiative dépende des stratégies des autres. Je voudrais que cette initiative soit jugée sur ses propres mérites, idéalement, mais si, justement, alors que vous l'évaluez en fonction de ses propres mérites, vous pensez qu'il y a d'autres choses qui...

J'aimerais beaucoup que les autres institutions arrivent avec le type de changements qu'elles pensent devoir apporter pour réussir, et tant mieux pour elles si vous les approuvez. Je n'essaie pas de démolir leurs stratégies, je ne sais pas pourquoi elles s'efforcent de détruire la mienne.

Le président: Merci, monsieur Loubier.

J'ai une brève question, j'aimerais revenir au rapport MacKay, parce que je pense en fait que c'est ce que nous sommes en train d'étudier ici.

Le rapport du groupe de travail MacKay voit les fusions comme un processus dynamique et une stratégie commerciale légitime. Toutefois, il va sans dire que tout dépend des personnes qui sont en mesure de combiner avec succès les différences organisationnelles, les cultures d'entreprise et de tirer parti des économies d'échelle, de même que des synergies de portée et de dynamique.

Maintenant, ceux qui se portent à la défense des fusions citent habituellement l'exemple des Pays-Bas et il s'agit en fait d'un modèle qui parle en faveur des avantages des fusions. Toutefois, si vous me permettez de lire un extrait du rapport MacKay, ces derniers affirment que le Canada possède déjà un fort rapport de concentration, qu'en fait nous avons des banques plus efficaces, et que notre proportion de la population employée dans les services financiers est supérieure.

J'aimerais savoir exactement en quoi le secteur néerlandais a réussi là où nous avons échoué. Même s'ils sont dotés de plus grandes banques internationales, quelles sont les conséquences positives pour l'économie néerlandaise?

M. Matthew Barrett: Premièrement, comme il s'agit d'une réponse assez longue, vous m'excuserez si je m'étends trop longuement, n'hésitez pas à m'interrompre. De toute façon, je sais que vous allez le faire.

Nous assistons actuellement en Europe à une intégration de plus en plus poussée des économies de l'Union européenne dans l'UME à Maasstricht, etc. Vous avez assisté à un repositionnement massif des diverses banques, en particulier celles des plus petits pays, qui s'inquiétaient de l'hégémonie de l'Allemagne, du Royaume-Uni ou de la France en ce qui a trait à leurs aptitudes. Confrontés à cette situation, un certain nombre de ces pays—la Suisse, la Hollande, la Belgique et l'Autriche—se sont demandé s'ils avaient l'occasion de se doter d'institutions paneuropéennes viables qui seraient en mesure de s'occuper des affaires de leurs clients dans une Europe de plus en plus ouverte. Donc, il y a en fait eu un encouragement politique public concernant la consolidation dans pratiquement toute l'Europe.

• 1305

Les analogies en Europe ou en Australie ou ailleurs, sont révélatrices et indicatrices, mais je dois vous confier que je me préoccupe surtout des États-Unis. L'un des grands avantages que nous avons en tant que pays est d'avoir pour voisin la nation la plus puissante de la Terre, et par conséquent un marché merveilleux pour nos exportations. L'autre côté de la médaille est aussi que nous avons à affronter les corporations les plus puissantes de la planète, dans le domaine bancaire et non bancaire, et que celles-ci se préparent à investir le Nord. Par conséquent, ici au Canada nous devons faire face à une réalité sur le plan de la concurrence vis-à-vis les États-Unis, qui est très différente de celle d'un grand nombre d'autres pays tout simplement en raison de la distance, de la culture, de la langue, etc.

Je ne veux pas m'étendre sur le sujet, mais je pense que la situation est la suivante: dans de nombreux secteurs, le Canada doit se préoccuper de savoir si oui ou non il doit se résigner à être un importateur ou un exportateur de services et non simplement en ce qui concerne son industrie des services bancaires, mais aussi pour toute sa composition industrielle. Dans quels domaines les industries peuvent-elles être concurrentielles, nonobstant le fait que nous sommes un pays d'une population relativement faible, particulièrement par rapport aux États-Unis?

Lorsque je pense aux États-Unis, c'est la Californie qui me vient à l'esprit. La Californie est un État—et c'est un très gros État—ayant la population du Canada et, de façon assez surprenante, avec un PIB de l'importance de celui du Canada. La Californie possède deux banques, et elle vient juste de perdre le siège social de l'une d'entre elles, au profit de la Caroline du Nord. Deux banques dans un État de la dimension du Canada.

Ma propre banque a des opérations aux États-Unis depuis le milieu des années 80, ayant son centre dans le midwest. Nous sommes propriétaires de la Harris Bank aux États-Unis. Je me suis démené, j'ai fait l'acquisition de 18 banques, et j'ai triplé la taille de cette banque au cours des quatre dernières années. Pourtant, chaque jour elle se retrouve un peu plus petite par rapport aux consolidations qui se produisent tout autour et qui sont effectuées par les super mégabanques comme la Nation's Bank, la Bank One, la Bank of America. NBD a acheté la First Chicago et elle s'est fait acheter à son tour.

Je dois maintenant étudier les investissements réalisés aux États-Unis. L'année dernière, 57 p. 100 du revenu de la banque de Montréal provenait de l'extérieur du Canada. Je suis sidéré par le prix des banques américaines et les dépenses liées à l'expansion des banques de novo. L'expansion organique de ces banques, si on fait abstraction des acquisitions, devient de plus en plus difficile, aussi je dois désormais me préoccuper de savoir si oui ou non je peux maintenir cette opération aux États-Unis. Une façon de régler ce dilemme consiste à s'unir avec la Banque Royale, qui a des aspirations aux États-Unis.

Toutes les banques canadiennes ont des services bancaires de gros de même que des services corporatifs, mais nous sommes la seule ayant des services de fonctionnement, la seule qui effectue des opérations bancaires sur le terrain. Nous avons 150 succursales dans la région de Chicago, et c'est l'une des caractéristiques qui nous rend très intéressants pour la Banque Royale. Les deux banques réunies, grâce à notre valeur boursière, je pense que nous serions en mesure d'être beaucoup plus agressives dans l'expansion de nos opérations aux États-Unis que si je devais procéder seul.

Je ne sais si cela répond à votre question, mais je demanderais à ce que les personnes qui doivent délibérer sur la question gardent à l'esprit que nous sommes tout près d'une superpuissance économique qui a des entreprises redoutables dans tous les secteurs. Ces entreprises ont des visées vers le Sud, puis partout ailleurs, et elles commenceront sûrement à regarder vers le Nord, comme le font déjà la Bank One et la Wells Fargo.

Je travaille dans le domaine depuis 36 ans. Je connais tous les chefs de la direction de chaque banque américaine. Au moins à trois reprises j'ai été approché par des chefs de la direction qui voulaient prendre le contrôle de ma banque, mais qui ne connaissaient pas la règle des 10 p. 100. Je leur disais non, ce n'est pas possible, il y a la règle des 10 p. 100. Ils répondaient, «Bien, il ne peut y avoir 100 p. 100 d'Américains qui sont propriétaires d'une banque canadienne.» Je répondais oui. Ils me rétorquaient, «Vous avez dit 10 p. 100; dans ce cas, dix personnes peuvent être propriétaires d'une banque canadienne.» Je répondais alors, «Oui, mais elles ne doivent pas se connaître les unes les autres.»

• 1310

Comme vous pouvez le constater, ces banques sont très expansionnistes. Ce serait faire preuve d'une grande naïveté de supposer qu'elles s'occupent uniquement de leurs propres marchés. C'est ce qui s'est produit avec le secteur du commerce de détail dans ce pays. J'ai des clients—je ne dirai pas leur nom pour des raisons évidentes—à qui j'ai parlé il y a quelques années et que j'avais mis en garde en leur expliquant que dans leur marchandisage elles devaient se restructurer en fonction du commerce de détail ou disparaître. Ce qui s'est produit c'est que les Wal-Mart, Home Dépôt, etc. sont arrivés et maintenant c'est le commerce de détail qui fait la loi dans ce pays.

C'est pourquoi j'utilise cette métaphore. Je m'efforçais de descendre d'une altitude de 40 000 pieds. Je voulais me servir d'une métaphore que les gens comprendraient, une image devant laquelle les gens passent chaque jour, lorsque j'ai dit que je ne voulais pas être la quincaillerie du coin qui attend l'arrivée d'un Home Dépôt.

Je siège au conseil d'administration d'une compagnie qui a mis sur pied une société appelée Aikenhead's. Home Dépôt est arrivée et nous avons dû vendre Aikenhead's à Home Dépôt. Nous n'étions tout simplement plus dans la course.

Donc c'est un peu l'équivalent financier des grandes surfaces spécialisées—nous assistons à l'arrivée au Canada de sociétés qui offrent des hypothèques à l'échelle nationale qui sont plus importantes que celles de toutes les banques canadiennes réunies. J'ai perdu un compte de cartes de crédit avec le gouvernement du Canada au profit de la Citicorp. J'ai aussi perdu un compte de voyages d'affaires, celui du gouvernement du Canada, au profit de AMEX. Est-ce que je fais des reproches au gouvernement? Non, pas du tout. Le gouvernement a obtenu un meilleur prix. Mais je vais vous raconter une petite histoire. J'ai exigé de mon personnel qu'il soumissionne au seuil de rentabilité parce que je voulais profiter du prestige qui découle du fait d'avoir le gouvernement comme client, et même au seuil de rentabilité je ne pouvais pas arriver à concurrencer des concurrents dix fois plus gros que moi.

Donc, je m'inquiète du fait que ces gens-là ne sont pas évidents pour l'homme de la rue. Aussi lorsque votre collègue m'a demandé comment j'entendais procéder pour faire circuler cette information dans le grand public... Ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile de discuter pendant 15 secondes de l'incidence de la mondialisation, de la démocratie en pleine mutation, de la technologie, et des accords de libre-échange qui arrivent tous ensemble de même que des effets qui devraient normalement en découler pour l'industrie canadienne. Ce n'est pas facile à vendre.

Le président: Eh bien, vous n'avez pas réussi à le faire ici en 15 secondes.

Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway: Merci, monsieur le président.

Monsieur Barrett, vous avez parlé de l'accès aux services bancaires. Vous nous avez déclaré que vous vous engagiez à améliorer l'accès aux services bancaires. Je dois dire que j'ai parlé à l'un de vos clients, qui est un électeur de ma circonscription, hier soir. Il a suivi les débats de très près. Vous étiez en train de dire «ce n'est pas facile», et votre intervention était télévisée, aussi aujourd'hui vous avez fait une présentation. Mais il a fait le rapprochement entre ce processus et une chanson de Burt Bacharach intitulée Promises, Promises. Il y a beaucoup d'hyperboles. Il s'agit du pacte auquel vous avez fait référence et qui se prépare pour l'avenir—le pacte avec les Canadiens sur ce que les banques sont prêtes à faire.

Et pourtant, lorsque vous considérez certains chiffres, le fait est que cette année, jusqu'à maintenant, la Banque de Montréal a enregistré un nombre de fermetures de succursales qui je crois s'approche de 35. À la Banque de Montréal, l'année dernière, le nombre net d'ouvertures par rapport aux fermetures était de 27. Aussi, vous êtes en train de nous dire que, pour quelque raison mystérieuse, une fusion contribuerait à améliorer l'accès, q. Qu'en quelque sorte une fusion serait bonne pour les Canadiens. Si vous avez fermé 35 succursales cette année, en chiffres nets, et 27 l'année dernière, et que vous dites maintenant aux Canadiens que vous fusionnez pour améliorer les choses, je veux savoir, en rapport avec ce qui précède, comment est-ce que la fusion peut améliorer l'accès aux services bancaires? Comme nous pouvons le voir, la tendance se dirige en sens inverse en ce qui concerne les succursales. Sachant cela, pourquoi demanderiez-vous aux Canadiens, pour utiliser vos propres mots, de manger de ce pain-là—autrement dit d'accepter la fermeture des succursales?

M. Matthew Barrett: C'est là un dilemme extrêmement difficile pour moi, parce que je risque d'être accusé de transmettre un message véhiculant la peur ou la menace ou quelque chose de semblable. Lorsque vous considérez les fermetures de succursales, ce que vous voyez ce sont des succursales qui ne sont pas rentables ou des cas où la ville a décliné et où la demande pour des services bancaires est trop faible pour absorber les dépenses associées à une succursale dans cette région.

Je pense que ce que j'essaie de vous dire, monsieur, de façon plutôt directe, c'est que les économies que nous pourrions réaliser sur un grand éventail de questions, y compris la duplication des technologies, etc., nous permettraient de maintenir ouvertes des succursales qui autrement seraient des candidates à la fermeture, parce que nous allons atteindre nos objectifs en matière de productivité et que nous nous serons engagés à améliorer l'accès. C'est pourquoi je suis en mesure de vous affirmer ceci.

• 1315

Pour ce qui est des promesses, encore des promesses et toujours des promesses, je ne sais pas quoi vous dire d'autre, sinon que si nous faisons des promesses, mettez sur pied un organisme quelconque afin de vous assurer que nous remplirons nos promesses et, si nous ne le faisons pas, il suffit de nous pénaliser. Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter; autrement tout ce que je pourrais dire ne sera pas pris en compte. Je suis dans une impasse. Si vous ne croyez pas les promesses pour quelque raison que ce soit, dans ce cas mettez en place un organe quelconque qui ne fait rien d'autre que regarder par-dessus notre épaule ce que nous faisons et qui vérifie que nous nous conformons. À part cela, je ne vois pas ce que je pourrais vous dire, monsieur.

M. Roger Gallaway: Je vous remercie. C'est juste.

Je pense que cette idée d'un pacte ou d'une garantie est fascinante, et je suis certainement d'accord que c'est un mouvement au moins que font les banques pour se rapprocher des Canadiens, parce que je ne pense pas que les Canadiens, dans notre histoire, ont jamais eu l'impression que les banques faisaient un mouvement dans leur direction, sauf pour s'en éloigner.

M. Matthew Barrett: C'est assez injuste, monsieur.

M. Roger Gallaway: Je ne veux pas le dire dans ce sens, mais la seule fois où ils ont vraiment eu un contact avec les banques c'est lorsqu'il y avait un problème.

À tout événement, cette idée d'une garantie me fascine, parce qu'il me semble que... M. Cleghorn, lorsqu'il était ici un peu plus tôt cette semaine, nous a parlé des garanties en ce qui concerne les coûts pour le consommateur, qu'il y aurait un certain type de garantie—et comment cela pourrait se faire, je présume qu'il n'y a que vous qui soyez au courant—qu'il y aurait des économies à réaliser pour le consommateur au niveau des frais bancaires; qu'il y aurait aussi des garanties en ce qui concerne le respect des emplois, des succursales, des questions de cette nature finalement. Et pourtant, si une banque apporte une garantie et si elle a des difficultés à honorer cette garantie, de toute évidence vous allez devoir employer des gens que vous ne voulez pas employer ou les inciter à partir, ce qui représente un coût. Un certain nombre de ces coûts rattachés risquent de ricocher soit sur vos actionnaires, soit sur les clients de la banque.

Aussi je me demande si je pourrais élaborer un peu plus sur ce que vous prévoyez en ce qui concerne ces garanties ou ces pactes.

M. Matthew Barrett: Je pense que le rapport du groupe de travail MacKay... Et j'étais très heureux de cela, parce que l'un des problèmes est que vous ciblez différentes choses en espérant que ce seront des points très importants. Certains d'entre eux étaient de toute évidence de cette sorte. Il est certain que les petites entreprises sont un sujet brûlant, et les régions éloignées en sont un autre, et aussi les emplois. Je n'ai pas besoin d'une chirurgie du cerveau pour me représenter ces trois points, aussi nous les avons déjà abordés. Mais ensuite, si nous voulons aller au-delà de ces points, j'étais préoccupé par... Je me suis dit, et bien, ce n'est pas suffisant.

Aussi quand le rapport du groupe de travail a été publié et qu'il nous a fourni un cadre de travail concernant les sujets qui seraient intégrés et que l'on divulguerait comme étant dans l'intérêt public ou non, j'étais très heureux, parce que j'ai pensé finalement que j'aurais des cibles à viser pour ce qui est des réponses. La seule chose que j'ignore... Le groupe de travail a poursuivi en disant, «Et les autres choses que le ministre peut stipuler». Aussi je ne sais pas encore si Ottawa reviendra à la charge et si on voudra que nous traitions de toutes ces autres choses, et de quelques autres aussi. Mais je vois là une occasion de... Et si nous ne nous en tirons pas de façon appropriée, le ministre nous enverra promener.

Donc, nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour partir du bon pied sur ces aspects, et ensuite la question à se poser sera la suivante: sera-t-il possible de bien mesurer le résultat et comment pourrons-nous donner l'assurance au public canadien qu'un organisme de surveillance en place s'assurera que tout se fait dans les règles et produira ensuite un rapport en conséquence?

Cela sonne un peu sur la défensive, mais si les gens me confient 200 milliards de dollars de leur argent, ils voudront avoir confiance en moi sur quelques autres aspects aussi. Nous sommes dans le domaine bancaire; dans le domaine des activités fiduciaires. Si deux présidents de banque—je veux dire, nous ne sommes pas parfaits—devaient se lever et dire «nous avons pris cet engagement», les dommages sur le plan des relations publiques seuls, à part toutes les autres sanctions, seraient tellement importants que ce serait insoutenable.

Aussi je pense que vous pouvez tirer énormément de confiance du fait que peu importe ce que nous acceptons de donner en garantie pour que tous et chacun puissent envisager la façon complètement transparente dont nous prenons nos engagements, et quelle que soit notre vision et nos aspirations—et il y a une différence entre certains de ces éléments—une fois que nous les aurons pris, ces engagements, nous devrons les respecter, parce que nous devrons payer les pots cassés si nous ne le faisons pas. Je pense qu'il faut parfois faire un acte de foi ou accorder sa confiance à un moment ou à un autre. On peut spéculer concernant toutes sortes de comportements et ne rien faire. Mais je pense que nous allons honorer nos engagements, monsieur.

• 1320

Le président: Je vous remercie, monsieur Gallaway.

Une question chacun pour les députés suivants: Mme Cohen, M. Clouthier, M. Harb.

M. Matthew Barrett: J'essaierai d'être bref dans mes réponses, monsieur le président.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Je n'ai jamais posé une seule question de toute ma vie. Je ne sais pas par quoi commencer.

Le président: Il y a une première fois pour toute chose.

Mme Shaughnessy Cohen: Je vais en combiner deux et voir si je peux m'en tirer.

Je suis de Windsor, qui est véritablement la ville de l'automobile au Canada, aussi j'ai des préoccupations concernant les locations de véhicules automobiles et l'idée que les banques se font du respect des contrats de crédit-bail pour un véhicule automobile, mais aussi en ce qui concerne les assurances. Je pense que ces deux choses sont des éléments d'un même ensemble.

Je serai directe. Dans le passé, j'ai fait des pressions contre ce principe, et j'incline à penser que je continuerai de le faire à l'avenir, mais étant donné que vous êtes ici, je pense que nous devons reconnaître que la construction de moteurs de véhicules automobiles au Canada est en grande partie le moteur de notre économie, si vous acceptez le fait que l'Ontario est aussi un important acteur dans l'économie.

M. Matthew Barrett: Il n'y a que les services financiers qui puissent se mesurer à ce secteur, en Ontario.

Mme Shaughnessy Cohen: Oui, sauf qu'il y a une différence. Les constructeurs de véhicules automobiles produisent réellement quelque chose. Les services financiers...

M. Matthew Barrett: Produisent des emplois.

Mme Shaughnessy Cohen: ...produisent un certain nombre d'emplois.

M. Matthew Barrett: Beaucoup d'emplois.

Mme Shaughnessy Cohen: Et elles produisent de l'argent pour leurs actionnaires aussi, qui sont des membres du TCA, des enseignants et des députés et des personnes ordinaires d'un peu partout, et je suis prête à reconnaître cela. Je ne suis pas une grande ennemie des banques. Par contre, je suis une grande amie des trois Grands.

M. Matthew Barrett: Moi aussi j'aime les Américains. Sincèrement.

Mme Shaughnessy Cohen: Mon inquiétude, monsieur, est que le crédit-bail automobile est un élément très important pour contrôler le processus de fabrication et pour contrôler la distribution de leurs produits. Les trois Grands utilisent le crédit-bail automobile comme un moyen de faire sortir les véhicules automobiles des usines efficacement, autrement dit pour offrir des rabais. En offrant des rabais aux clients, par exemple, ils peuvent se débarrasser de ces Chevrolet rouges qui ne se vendent pas si bien que ça ou encore ils peuvent déplacer d'autres véhicules et cela fait réellement partie du processus de distribution.

Je suis inquiète parce que cet aspect, plus le nombre incroyable d'emplois qui dépendent des compagnies de véhicules automobiles—des emplois directs dans les ventes et les autres secteurs—seront mis en péril si nous laissons les banques accaparer librement ce service. Je n'ai jamais réellement entendu de la part d'une banque un argument direct en faveur de cela, autrement dit comment cela pourrait aider l'industrie des véhicules automobiles—ce qui m'intéresse vraiment—comment cela contribuerait à produire davantage d'emplois, comment cela pourrait protéger les emplois directs et indirects dans le secteur des véhicules automobiles qui est ici aujourd'hui.

M. Matthew Barrett: L'intérêt des différentes institutions à l'égard du crédit-bail automobile et/ou de l'assurance peut varier, mais restons sur le plan philosophique pour un moment et je vais descendre de mon altitude de 40 000 pieds.

Le prisme à travers lequel le groupe de travail MacKay a considéré une énorme partie de son travail de recherche, et tout le reste, est véritablement celui du consommateur canadien—par exemple, le consommateur et non le concessionnaire, le client de la banque et non la banque elle-même. Par conséquent, le groupe de travail a considéré des choses comme si les initiatives étaient plus ou moins susceptibles d'entraîner des conditions plus favorables pour les consommateurs. Les membres du groupe de travail ont identifié le crédit-bail comme un prêt, et le fait qu'il y ait davantage de concurrence à cet égard pourrait permettre à l'acheteur d'un véhicule automobile d'obtenir un meilleur prix. Je pense que c'est véritablement le but visé par les banques. Il faudrait Socrate pour établir la distinction entre un crédit-bail et un prêt.

• 1325

Là où je pense qu'il y a une certaine confusion dans le milieu des concessionnaires, c'est sur le fait que nous ne sommes pas intéressés à nous infiltrer dans le milieu de l'automobile. Je pense que cette industrie peut évoluer autour d'une alliance stratégique avec les concessionnaires et avec les banques.

Il me semble donc que vous vous engagez sur un terrain glissant, parce que la logique veut que les banques s'accaparent le marché du crédit-bail au détriment des concessionnaires automobiles seulement si elles sont en mesure d'offrir un meilleur marché au consommateur. Et vous vous engagez aussi sur un terrain glissant si vous dites que l'on n'offrira pas un meilleur marché au consommateur parce que l'on veut conserver davantage d'emplois chez les concessionnaires. L'autre aspect à considérer est que les emplois qui devraient être créés de l'autre côté afin de pouvoir offrir ce marché deviendraient un facteur d'équilibre dans l'économie en général.

John Cleghorn a peut-être une énorme passion pour... Mais en ce qui me concerne, j'ai beaucoup d'autres chats à fouetter.

Laissez-moi revenir à l'assurance, qui est très différente. Je voudrais que l'on cesse de mettre ces deux questions en parallèle, parce qu'elles sont vraiment complètement différentes. Le rapport MacKay ne le dit pas, mais je le ferai. C'est une absurdité nationale que nous ayons l'autorisation de nous lancer sur le marché de l'assurance mais que l'on ne nous autorise pas à distribuer ce produit à l'intérieur de nos succursales si populaires et par les voies de distribution qui sont les plus facilement accessibles aux Canadiens. Donc, soit nous ne sommes pas du tout dans le domaine, soit nous sommes autorisés à distribuer le produit de la manière qui permet d'exercer le maximum de concurrence et d'offrir le meilleur prix au consommateur.

Je ne sais pas si, véritablement, vous pouvez coincer les banques en leur permettant d'être les propriétaires d'une compagnie d'assurance mais en leur interdisant de distribuer l'assurance dans leurs succursales, étant donné que tout le monde dit que les succursales sont si importantes. Je ne sais tout simplement pas comment équilibrer ces deux aspects. Nous avons fait dans le passé et nous pouvons très bien le faire encore dans le futur, mais envisager d'un point de vue concurrentiel et du point de vue du consommateur, cela n'a pas de sens. Si nous prenons le point de vue du courtier d'assurance, c'est plein de bon sens, bien sûr, parce qu'il s'agit d'un autre concurrent. Moi aussi, je déteste les concurrents. Je voudrais qu'ils disparaissent tous. Mais je suis convaincu que le boulanger aussi, lorsque le supermarché est arrivé, le détestait aussi.

Je pense que la politique publique ne peut pas entretenir des questions telles que... Et rappelez-vous, qu'à la fin, si le consommateur n'y trouve pas son compte, il ne fera tout simplement pas affaire avec vous.

Voici ma réponse à ces deux questions.

Le président: Monsieur Coderre.

[Français]

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Je ne trouve pas stupide que les assureurs puissent vendre eux-mêmes de l'assurance plutôt que les banques. Étant un ancien assureur-vie, je ne pense pas qu'on doive parler de stupidité ici. Chose certaine, je crois que le Canada n'est pas juste Montréal, Vancouver et Toronto; on doit aussi protéger toutes les régions rurales, notamment les régions du Québec, d'où je viens.

Personnellement, je n'ai pas encore pris de décision sur ce qu'on doit faire quant à la fusion des banques. Il est vrai, monsieur Barrett, qu'il y a beaucoup de désinformation—j'appellerais cela de la perception—en ce qui a trait à certaines situations.

Cependant, je me rends compte qu'aujourd'hui, malgré tout ce qu'on pourra nous dire, il est de plus en plus difficile pour un consommateur d'emprunter de l'argent; il est de plus en plus difficile pour quelqu'un qui veut se lancer en affaires d'emprunter de l'argent; bref, il est de plus en plus difficile d'avoir un certain accès à ces fonds. Je ne suis pas économiste et je ne fais pas partie du système bancaire—je l'ai plutôt subi—, mais je peux vous dire qu'il n'est pas nécessairement payant de se lancer dans le capital de risque. On parle plutôt de faire des affaires et de devenir toujours plus gros. On peut parler de centaines de millions de dollars, mais dans le cas de M. et Mme Tout-le-Monde, ce sont plutôt des prêts de 2 000 $, 3 000 $ et 4 000 $, ce qui est moins payant.

J'ai une question à poser. Je suis prêt à vous croire, monsieur Barrett. Le problème est que vous venez de me dire que vous êtes avant tout un business, que la raison d'être d'un business est d'être rentable et qu'actuellement, à cause de la non-rentabilité de certaines succursales, vous les fermez tout simplement.

J'ai examiné la liste de vos succursales bancaires qui ne fermeraient pas au Québec. Au Québec, on parle de Cookshire, Napierville, Quyon, Waskaganish, Wemindji et aussi, je crois, de Shawville.

• 1330

Cela ne comprend pas les régions de la Mauricie, du Bas-Saint-Laurent, du Saguenay—Lac-Saint-Jean, des Laurentides, de la Côte-Nord, de Lanaudière et de l'Estrie. Cela veut dire que, finalement, it will be an open market et que si une succursale de ces régions—cela comprend les trois quarts du Québec, en passant—n'est pas rentable, vous allez la fermer en raison de sa non-rentabilité.

Ne croyez-vous pas que lorsqu'on veut grandir en tant que pays, une banque est beaucoup plus qu'un business? Ne croyez-vous pas que c'est un service presque essentiel et que si l'on veut vraiment être canadiens, il faut non seulement garder ces succursales-là, mais parler moins de rentabilité et davantage d'accessibilité? Si vous dites que vous êtes prêts à augmenter les montants accessibles aux gens, ne devriez-vous pas vous assurer que M. et Mme Tout-le-Monde puissent profiter de cette fusion et bénéficier d'un meilleur accès?

[Traduction]

M. Matthew Barrett: Vous me rendez la vie difficile parce que je suis en désaccord avec la majorité de ce que vous venez de dire. Je pense que c'est davantage une question d'affaires, parce que nous avons le privilège de prendre l'argent des autres et de le transférer ailleurs. Permettez-moi simplement de dire, sans faire de fioritures, que l'une des règles les plus fondamentales et des missions les plus essentielles d'un système bancaire, au sein d'une économie est la mobilisation des économies et des investissements générés dans le pays et l'utilisation de ces sommes pour les investir dans un secteur d'innovation de cette économie.

Laissez-moi vous donner une statistique intéressante. Un chiffre intéressant que vous pourriez étudier afin de déterminer si le système fonctionne bien ou pas. L'année dernière, à la Banque de Montréal, nous avons recueilli 57 milliards de dollars en dépôts. Nous avons prêté l'équivalent de 58 milliards de dollars à des particuliers et à des petites entreprises du Canada. Chaque dollar que nous avons recueilli en dépôt a été prêté à d'autres Canadiens. Donc, en effet c'est bien ce que nous faisons; dans différentes régions du pays, certains sont des fournisseurs nets, tandis que d'autres sont des utilisateurs nets de ces sommes.

Les gens pensent que nous avons une aversion pour les petits comptes. J'ai fait ma carrière dans la banque de détail. Je l'ai dans le sang, ce n'est pas une question de sentiment ou parce que je l'ai dans le sang; c'est tout simplement parce que c'est un secteur très rentable. L'année dernière, 75 p. 100 des revenus de la Banque de Montréal—au cours d'une année ou les services bancaires aux grandes entreprises, les services bancaires d'investissement et les services bancaires de gros ont pulvérisé tous les records, en ce qui concerne les gains, les petits comptes représentaient 25 p. 100 de nos gains totaux. Les particuliers et les petites et moyennes entreprises sont la Banque de Montréal et ils sont la Banque Royale.

Toutes ces fioritures concernant les services bancaires d'entreprise et d'investissement sont de la poudre aux yeux. Ce secteur me tient tellement à coeur parce qu'il est extrêmement rentable. Il est diversifié de façon intrinsèque. Les risques sont plus faibles parce que vous avez le plus grand nombre qui travaille pour vous, il n'y a pas de trop grande concentration des risques, etc. et nous prêtons pratiquement chaque dollar que nous recueillons en dépôt aux particuliers et aux petites et moyennes entreprises.

Pour ce qui est des services bancaires de gros, lorsqu'il est question des entreprises du Canada, nous ramassons ces fonds sur les marchés de gros et sur les marchés financiers afin de financer les entreprises à l'échelle internationale, de financer des entreprises constituées en sociétés, etc. Mais tout l'argent que nous recueillons est prêté aux petits comptes. Pouvons-nous faire mieux que cela? Bien sûr, nous le pouvons. Je n'essaie pas de vous suggérer que tout est parfait.

M. Harris, nous a parlé du micro-crédit. Je pense qu'il s'agit d'un créneau. Il me semble que nous avons, peut-être à tort, montré trop d'opposition à l'imposition de taux d'intérêt très élevés—taux de base plus 5, taux de base plus 8—que vous pourriez trouver dans des compagnies comme Household Finance. Ce que font ces entreprises, finalement c'est accepter des prêts beaucoup plus risqués, mais exiger en contrepartie des primes énormes de sorte que leurs pertes sur les prêts sont beaucoup plus importantes, mais ils font aussi beaucoup plus d'argent net. Il me semble que c'est un créneau que nous pourrions exploiter. Il y a naturellement des secteurs ou nous pourrions nous améliorer en ce qui concerne le financement de la consommation, et le financement des petites entreprises.

Mais les chiffres nous révèlent, si nous adoptons une perspective globale, que nous faisons du bon travail. Si vous étiez le ministre des Finances, vous poseriez la question suivante: «Est-ce que ces gens prennent les économies des Canadiens pour les transférer dans des entreprises innovatrices et créatrices de richesses dans l'économie?» La réponse est la suivante—les chiffres sont là pour le prouver—c'est ce que nous faisons réellement. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne pouvons pas nous améliorer.

• 1335

Le président: D'accord, s'il vous plaît essayez de poser des questions brèves.

Monsieur Harb, suivi de monsieur Clouthier.

M. Mac Harb: Je vous remercie beaucoup, monsieur Barrett. J'ai beaucoup apprécié votre présentation. Vous avez réellement mis l'accent sur l'espoir plutôt que sur la crainte, et vous nous mettez en face de la réalité plutôt que de nous raconter des histoires.

Vos opposants affirment qu'avec la fusion, vous allez contrôler 70 p. 100 des actifs bancaires au Canada. Ils affirment également qu'avec l'approbation de l'Organisation mondiale du commerce, des institutions financières qui ont leurs activités ici au Canada, la concurrence ne se fera pas sur le terrain parce que vous devrez déposer au moins 150 000 dollars pour ouvrir un compte dans une de ces banques.

Voici ma question: est-ce que ces énoncés sont vrais ou faux?

En même temps, j'aimerais faire un rapide commentaire, avec votre permission, monsieur le président, au sujet d'une question que mon collègue a soulevée concernant la fermeture de certaines succursales. Il n'y a pas d'issue. Avec la banque électronique, de plus en plus de personnes décident d'utiliser les guichets automatiques, elles utilisent aussi leur téléphone et Internet. Donc en ce qui concerne la technologie, même si vous ou le président êtes en faveur de son utilisation ou même si votre conseil d'administration la recommande, moi en tant que consommateur je peux ne pas être d'accord. J'aimerais plutôt vous voir effectuer des rationalisations et développer un certain type de plan d'affaires plus approprié qui, en bout de ligne, profiterait aux Canadiens dans leur ensemble, plutôt que de nous laisser avec une coquille vide qui n'intéresse personne. Aussi je pense que votre approche est une approche sensée, la bonne direction à emprunter.

M. Matthew Barrett: Nous devons en effet envisager les deux possibilités.

M. Mac Harb: Oui, absolument.

En ce qui concerne vos commentaires sur les vrais propriétaires des banques, les grandes sociétés ne sont pas propriétaires des banques; les syndicats sont propriétaires des banques, les enseignants sont propriétaires des banques et les fonds mutuels sont aussi propriétaires des banques. Finalement, tout le monde est propriétaire des banques, parce que seulement dix pour cent des actions de n'importe quelle banque peuvent être la propriété d'une seule corporation. Est-ce exact?

M. Matthew Barrett: Oui c'est exact.

M. Mac Harb: J'aimerais donc entendre vos commentaires sur les questions que j'ai soulevées: s'il est vrai que les banques étrangères accepteront uniquement des dépôts d'une valeur de 150 000 dollars et s'il est vrai qu'elles n'accorderont pas de prêt hypothécaire au Canada, et aussi j'aimerais que vous nous expliquiez cette question du 70 p. 100 des actifs.

M. Matthew Barrett: Je ne peux pas répondre à cette question. Je pense que...

M. Drew White (vice-président exécutif, Services corporatifs, Banque de Montréal): Puis-je répondre?

Je pense que c'était une recommandation du comité, qui portait sur les nouveaux concurrents faisant leur entrée au Canada. Le comité se penchait notamment sur la question de savoir si nous allions laisser les nouveaux venus entrer au Canada et octroyer facilement des prêts. Donc, ce qu'ils ont dit finalement, c'est vous pouvez venir ici et accorder des prêts, vous ne pouvez pas emprunter du public canadien; vous devez faire vos emprunts sur le marché monétaire de gros. Et une partie de la raison pour laquelle ils utilisaient le montant de 150 000 dollars comme seuil limite était pour éviter la couverture par l'assurance-dépôts de la SADC, auquel cas la banque n'aurait pas à respecter les exigences de la SADC.

Rien n'empêche une banque étrangère de venir s'installer au Canada. ING est une banque étrangère néerlandaise qui vient s'installer au Canada et qui fait des emprunts de 1 000 dollars, 2 000 dollars—cette banque n'a pas la limite de 150 000 dollars.

M. Matthew Barrett: La Banque de Hong Kong, la Citibank.

M. Drew White: Je ne dis pas que cet énoncé est faux; je dis seulement qu'il force un peu la vérité.

M. Mac Harb: Donc, il force un peu la vérité.

Et l'autre, l'énoncé qui porte sur le 70 p. 100?

M. Matthew Barrett: Bien entendu, la bonne nouvelle à ce sujet est que j'espère que... je veux dire, j'ai été le seul à avancer ce chiffre depuis huit mois. La bonne nouvelle, du moins en ce qui me concerne, est que ni le Rapport MacKay ni le Bureau de la concurrence n'achète cet argument, parce que de plus en plus nos institutions ne peuvent être vues comme une balle de laine. Ce qu'elles sont en réalité... Donc, il faut les envisager du point de vue de leurs fonctions—comme des institutions de dépôt, des institutions prêteuses, de prêt hypothécaire—parce que ce sont toutes des activités individuelles. Si vous envisagez tout le système de ce point de vue... Tout d'abord, les banques prises dans leur ensemble possèdent moins que la moitié du système. C'est un choc énorme pour les Canadiens parce qu'elles sont tellement omniprésentes. Nous avons davantage de succursales que les McDonald's, aussi les gens pensent que c'est nous qui faisons la loi. Mais en réalité, plus de la moitié des actifs financiers sont détenus à l'extérieur du système bancaire.

Lorsque vous considérez la Banque de Montréal, et la plupart de ses lignes de produits à l'échelle nationale, cela représente environ 10 p. cent du marché. C'est pourquoi nous avons décidé d'aller de l'avant avec ce projet de fusion en entretenant beaucoup d'espoir parce que nous avons fait des calculs nous aussi, et en mettant les deux banques ensemble, nous pouvions atteindre une part du marché de 20 à 25 p. 100 pour la plupart des lignes de produits, et, par conséquent, pour l'ensemble des banques du moins, cela ne constitue pas une infraction pour le Bureau de la concurrence.

Nous savons, par ailleurs, qu'ils vont s'efforcer de réduire les chiffres pour l'ensemble des banques et ils pourraient aussi exiger que nous apportions des correctifs dans les différentes régions ou peu importe, mais pour l'ensemble des banques, nous avons eu l'impression que nous nous trouvions sur un terrain assez sûr. Toutefois c'est assez futé, si vous êtes contre l'idée, de définir cette portion comme 70 p. 100 alors qu'en réalité, elle ne représente que 50 p. 100. Cette affirmation a été faite dans l'intention d'induire les gens en erreur et de les effrayer et elle a réussi jusqu'à un certain point, mais je pense que, en combinant le groupe de travail du gouvernement et le Bureau de la concurrence du gouvernement...

• 1340

En passant, la bonne nouvelle est que nous n'avons pas besoin d'en discuter, étant donné que le Bureau de la concurrence existe déjà, c'est un organisme du gouvernement qui, d'une manière ou d'une autre, qu'il s'agisse de moi ou de quiconque, donnera une opinion en ce qui concerne la concentration. Si cette concentration s'avère offensive, ils ne nous laisseront pas faire. Si, au contraire, cette concentration ne l'est pas, dans ce cas le débat est clos.

Le président: Monsieur Clouthier.

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Monsieur le président, avez-vous remarqué la concision de la réponse de M. White par comparaison avec l'éloquence du président, M. Barrett? Je réalise, monsieur Barrett, que vous êtes l'illustration même de la réussite, de caissier jusqu'à président, et c'est très facile de voir pourquoi vous avez réussi à gravir tous les échelons, parce qu'ils ne pouvaient pas vraiment vous laisser au guichet du caissier; les choses n'auraient pas abouti aussi vite. Ils ont dû vous mettre dans un bureau.

J'ai aussi remarqué que M. Barrett a cité Socrate à plusieurs reprises, je sais qu'il est dans la banque depuis 36 ans, même s'il paraît probablement plus jeune que moi, mais en réalité il est beaucoup plus âgé, je l'ai vérifié dans sa biographie. Socrate disait que l'on devrait considérer les personnes âgées comme des voyageurs ayant emprunté un itinéraire qu'un jour nous serions peut-être tentés de choisir aussi, et auxquels nous devrions demander si la route avait été agréable et facile ou difficile et abrupte.

Maintenant, M. Barrett voudra que nous pensions que, grâce à ces fusions, le chemin abrupt et difficile s'aplanira de plus en plus pour les consommateurs, et sur le plan conceptuel—et il me semble que je diverge quelque peu d'opinion avec certains de mes propres collègues en affirmant ce qui suit—je ne suis pas opposé viscéralement à la fusion des banques. Cependant, et je suis persuadé que ce matin vous avez été assez éloquents à ce sujet, il reste que les gens sont inquiets au sujet des emplois, et qu'ils sont aussi préoccupés en ce qui concerne le service. Ma propre préoccupation, M. Barrett, vient du domaine des affaires... lorsque j'occupais un emploi réel j'ai été un homme d'affaires avant d'être élu. Et encore une fois, je pourrais diverger d'opinion par rapport à mes collègues sur cette question aussi—Denis me jette un regard mauvais. Je suis un petit homme d'affaires, aussi j'aime l'idée d'une banque conçue expressément pour les petites et moyennes entreprises au sein même de la banque. C'est seulement que je trouve dommage que les banques aient attendu que l'épée de Damoclès soit suspendue au-dessus de leur tête avant d'en arriver à une telle résolution, c'est-à-dire à concevoir une banque pour les petites entreprises.

Maintenant, je ne dis pas que nous devions nous doter d'une Grande Charte pour les petites et moyennes entreprises, mais j'aimerais simplement vous réitérer, M. Barrett, la nécessité de prendre soin des petites et moyennes entreprises et de se préoccuper davantage de leur sort. Comme vous l'avez clairement déclaré aujourd'hui, elles représentent le pivot central de notre économie, le pivot du pays, et tout le monde sera d'accord avec cette affirmation.

Pour en venir à ce sujet, j'aimerais gentiment vous rappeler que si quelque chose se produit, et je précède mon affirmation d'un «si», donc si cette fusion est autorisée, le pacte dont vous parliez un peu plus tôt et que j'aime appeler la Grande Charte pour les petites et moyennes entreprises est représenté par votre fidélité à cet énoncé selon lequel vous alliez vous préoccuper de ces entreprises en particulier.

Je sais que vous allez vous occuper de beaucoup d'autres personnes, mais ma préoccupation personnelle va vers les petites et moyennes entreprises.

Pensez-vous que je devrais le laisser commenter, monsieur le président, sur cette affirmation?

Le président: Je pense qu'il sera probablement d'accord avec vous.

M. Matthew Barrett: Je m'efforcerai d'être moins flamboyant que votre chapeau.

M. Hec Clouthier: Je vous ai déjà dit que si je l'enlevais, vous verriez à quel point j'en ai besoin.

M. Matthew Barrett: La Banque de Montréal à elle seule a 500 000 clients des petites entreprises. Nous et la Banque Royale réunis en avons près dÂun million. Et nous n'avons pas eu besoin pour cela qu'on nous y force.

En 1990, lorsque j'ai eu la bonne fortune de mettre le pied dans ce poste, la première priorité... nous avons constaté une lacune dans notre pénétration des prêts pour les petites entreprises, aussi nous avons décrété en 1990 que ce point serait notre priorité numéro un à la banque. Depuis lors, nous avons triplé les fondations, et nous prêtons aujourd'hui pour l'équivalent de 9 milliards de dollars aux petites entreprises, alors que nous avions auparavant des prêts de 2,7 milliards de dollars.

Donc c'est un sujet qui me tient à coeur. Je veux désespérément m'attirer leur faveur, parce qu'elles sont très rentables. Tout le monde se concentre sur les prêts, mais en ce qui me concerne, nous obtenons aussi la gestion de leurs actifs, nous obtenons leurs services d'exploitation et aussi la gestion de leurs affaires familiales, et celles de leurs employés, parce qu'un petit homme d'affaires ou une petite femme d'affaires n'établit pas vraiment la distinction entre ses affaires bancaires personnelles et celles de son entreprise. Aussi ne pas bien s'occuper de ce secteur serait une erreur fatale, à mon sens, et j'ai bien l'intention de faire tout en mon pouvoir pour rétablir la situation mieux que tout ce que nous avons fait auparavant, et j'en fais la promesse.

• 1345

M. Hec Clouthier: Je ne suis pas un grand défenseur des banques; elles sont assez grandes pour parler pour elles-mêmes. Mais le mot bénéfice n'est pas un mot à proscrire, et j'aimerais que tout le monde s'en rappelle.

Le président: Votre position est très claire.

Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Barrett, vous avez mentionné au début que vous, et par cela j'imagine que vous voulez dire la banque, n'auriez aucune objection à accepter les demandes des autres secteurs de l'industrie à une concurrence ouverte, essentiellement—que s'ils avaient un plan de match, ils n'avaient qu'à le mettre sur la table, et ne pas se laisser démonter ou quelque chose d'approchant. Je serais curieux de savoir, si vous n'y voyez pas d'objection, dans quel secteur où il existe des restrictions imposées par le gouvernement, qui favorisent les banques, est-ce que la Banque de Montréal accepterait que l'on lève ces restrictions?

Par exemple, dans quelle mesure les banques seraient-elles prêtes à ouvrir le système de compensation des chèques, le système de compensation des paiements ou peu importe la façon dont vous l'appelez, de même que le système de compensation des valeurs mobilières? C'est le genre de chose qui, à mon avis, serait utile à ceux qui suivent attentivement ces débats, comme je ne le fais pas régulièrement. Je remplace un collègue dont le fils est à l'hôpital.

Ce que j'entends dire de la part de mes électeurs, c'est que si les banques doivent concurrencer, c'est très bien, mais qu'en est-il au sujet de la concurrence à l'autre bout? Donc, si vous ne voyez pas d'objection à nous donner un peu plus de précision à ce sujet, ce pourrait nous être très utile.

M. Matthew Barrett: J'ai avec moi l'un de mes spécialistes qui a travaillé sur le système des paiements en particulier. Aimeriez-vous qu'il commente sur ce sujet?

M. Drew White: Certainement, je pense que si l'on jette un coup d'oeil sur les travaux du groupe de travail MacKay, l'un des éléments de leur rapport définit clairement le système des paiements. Actuellement, le système des paiements, le CPA, est une société ou un organisme créé par le Parlement.

M. Mauril Bélanger: Il est contrôlé par les banques.

M. Drew White: C'est une remarque intéressante. La définition de «contrôle». Les banques ont un certain nombre de membres sur le conseil.

M. Mauril Bélanger: Combien?

M. Drew White: Moins de la moitié.

M. Mauril Bélanger: Et elles contrôlent les sociétés de valeurs mobilières, qui ont les autres membres.

M. Matthew Barrett: Laissez-moi vous donner une explication. Il y a environ un an, j'ai recommandé l'ouverture du système des paiements. Tout ce que je demande c'est que... je pense que ce n'est pas faire preuve d'injustice si un petit groupe de personnes investissent de fortes sommes d'argent pour créer une infrastructure et l'administrer, d'exiger de ceux qui veulent l'utiliser qu'ils acquittent leur part pour pouvoir le faire, un point c'est tout. Mais malgré cela, plus d'un an avant que nous ayons annoncé notre intention de fusionner, j'ai témoigné devant le groupe de travail et je leur ai affirmé que j'étais en faveur d'une certaine ouverture. Si vous voulez que les compagnies d'assurance deviennent des banques, faites-le avec ma bénédiction. Laissez-les s'intégrer au système des paiements de sorte qu'elles pourront signer des chèques avec ma bénédiction.

Le président: Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.

Monsieur Barrett, monsieur White et monsieur O'Neill, je pense que vous connaissez probablement mon opinion sur cette question. Je suis venu à la réunion de vos actionnaires à Winnipeg et j'ai appuyé les motions de M. Michaud en ce qui concerne le gouvernement d'entreprise, et ainsi de suite.

M. Matthew Barrett: Je me demande aujourd'hui, en ce qui concerne les contributions politiques, est-ce que vous avez une opinion à ce sujet, monsieur Martin?

M. Pat Martin: Oui, bien entendu, et j'ai particulièrement aimé la motion où l'on demandait de limiter votre salaire à 20 fois le salaire moyen d'un caissier.

M. Matthew Barrett: Moi je n'ai pas tellement aimé cette motion.

M. Pat Martin: C'était du bonbon. Je pensais qu'elle recueillerait davantage d'appui.

Comme vous le savez, le caucus du NPD a lancé une campagne à l'échelle nationale avec un groupe de partenaires des quatre coins du pays, et nous nous efforçons de faire tout en notre pouvoir pour stopper les fusions des banques parce que nous sommes fermement convaincus qu'elles ne sont pas dans l'intérêt des Canadiens ordinaires. Tout ce que nous entrevoyons, peu importe tout ce que vous avez pu nous dire aujourd'hui, ce sont des fermetures de succursales, des pertes d'emploi, une diminution de la concurrence dans l'industrie, et un accès plus restreint aux services financiers de base pour les Canadiens ordinaires, ces quatre choses réunies.

Rien de ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant ne nous porte à croire que devenir plus gros signifie s'améliorer, et nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi. Nous avons d'étranges compagnons dans cette entreprise, comme les membres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et leurs quelque 60 000 membres, des gens de la petite entreprise qui réclament à cors et à cris que l'on mette fin à tout ceci parce que ce n'est pas nécessaire et que c'est mauvais pour eux.

J'aimerais poursuivre en vous mentionnant un ou deux aspects qui me frappent personnellement dans ma propre circonscription et qui m'amènent à avoir cette opinion.

J'habite dans une circonscription très pauvre du centre-ville. En fait, elle regroupe deux des zones postales les plus pauvres du pays; je pense qu'il s'agit de la deuxième et de la troisième. À chaque coin de rue, on voit apparaître des Money Marts, et non des Banque de Montréal, bien franchement. Les gens pauvres n'ont plus de compte de banque; ils ont des cartes de Money Mart qui leur permettent d'encaisser leur chèque moyennant un trois pour cent, ou peu importe le taux—trois dollars pour cent dollars pour encaisser leur chèque. Ces gens se font exploiter. Donc, ces gens n'ont pas accès aux plus élémentaires des services financiers.

Emploi d'été/expérience de travail Winnipeg, est un organisme qui essaie de financer des micro-entreprises, c'est-à-dire des personnes qui ont besoin de 800 dollars. Dans un cas, cet organisme a donné de l'argent à une femme qui voulait acheter une machine à coudre pour pouvoir faire des travaux de couture à la maison pour une manufacture de vêtements des environs. Elle ne pouvait pas se l'offrir jusqu'à ce que ces groupes confessionnels et ces groupes de lutte contre la pauvreté se rendent jusqu'à une Credit Union pour essayer de mettre sur pied ce système de microcrédit.

• 1350

Il y a aussi le Crocus Fund, ce fonds d'investissement parrainé par les travailleurs. Environ 80 p. 100 de tout le capital de risque du Manitoba qui a été prêté l'an dernier l'a été par l'entremise du Crocus Fund.

Les entreprises s'adressent aux institutions prêteuses habituelles, mais à moins qu'elles puissent prouver qu'elles n'ont pas vraiment besoin de cet argent, elles se font éconduire. Elles finissent par s'adresser à un investisseur qui prend des intérêts financiers dans leur compagnie, alors que tout ce qu'elles veulent en réalité, c'est un prêt qui leur permettrait de développer leur entreprise, d'engager davantage de personnel et, si possible de se développer au centre-ville.

Donc ce que vous êtes en train de nous dire—en fait vous dites aux Canadiens—de vous faire confiance, que si la fusion est acceptée, vous allez commencer à fournir ce genre de chose; que tous ces obstacles que les gens voient dans le secteur financier seront levés comme par enchantement. Les Canadiens vous demandent pourquoi avez-vous attendu jusqu'à la fusion. Vous avez montré des profits records, trimestre après trimestre, année après année. Qu'est-ce qui a bien pu vous empêcher de faire cela jusqu'à aujourd'hui? Pourquoi devrions-nous vous croire lorsque vous dites, que comme par magie, demain matin, tout devrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes et que vous commencerez à répondre véritablement aux besoins des Canadiens ordinaires?

Je ne vous traite pas de menteur, monsieur Barrett, mais je tiens à ce que tout le monde sache ici que je ne vous crois pas. Je ne vous crois vraiment pas.

M. Matthew Barrett: C'est très bien, mais je n'accepte pas votre hypothèse de départ du tout, bien entendu. Cette supposition selon laquelle d'une manière ou d'une autre l'industrie des services financiers canadienne ne fait pas du bon travail pour les Canadiens est absolument...

M. Pat Martin: Mais des centaines d'organisations le font. Tout le monde de...

M. Matthew Barrett: ...cela ne repose pas sur des faits. Cette affirmation n'est pas appuyée par le groupe de travail MacKay. Le système bancaire du Canada est l'un des plus respectés dans le monde.

M. Pat Martin: Ce qui compte réellement, ce sont les Canadiens ordinaires, les gens que nous représentons, et nous nous efforçons d'exprimer leurs désirs.

M. Matthew Barrett: C'est aussi ce que je m'efforce de faire. Je représente cinq millions d'entre eux, et nous ne serions pas en affaire si nous n'avions pas ces cinq millions de comptes.

M. Pat Martin: Un grand nombre d'entre eux ont des doléances très sérieuses, monsieur Barrett.

M. Matthew Barrett: Soixante-dix pour cent d'entre eux déclarent que notre service est de très bon à excellent.

M. Pat Martin: Monsieur Barrett, un grand nombre d'entre eux ont des plaintes sérieuses, des griefs concernant la façon dont vous conduisez vos affaires.

M. Matthew Barrett: C'est certain, et c'est aussi très évident que ceux qui vont se plaindre dans les bureaux de circonscription sont ceux qui ont des récriminations à faire. Il nous arrive probablement d'avoir des manquements...

M. Pat Martin: Il y a environ 200 organisations énumérées ici, y compris l'Organisation nationale anti-pauvreté, Emploi d'été/expérience de travail Winnipeg, et la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants.

M. Matthew Barrett: Êtes-vous en train de suggérer que le gouvernement mette sur pied des banques pour ces personnes en particulier?

M. Pat Martin: Je suggère qu'en tant que banque à charte qui vous trouvez dans une position très privilégiée dans ce pays, vous ayez l'obligation de répondre aux besoins de ces gens au même titre qu'à ceux des entreprises qui sont peut-être plus rentables.

M. Matthew Barrett: C'est je pense ce que nous faisons.

M. Pat Martin: Pour ce qui est de la fermeture de succursales, lorsque vous faites des profits records et que l'un de vos établissements ne se situe peut-être pas au niveau de profit que vous souhaiteriez ou même lorsqu'il perd quelques dollars, je pense que vous pourriez empêcher la fermeture de cette succursale même si elle n'est pas rentable sur le plan individuel. Les gens ont besoin de ces services.

M. Matthew Barrett: Oui je pense effectivement qu'ils en ont besoin et il me semble que nous faisons beaucoup plus que ce dont vous semblez être au courant, de toute évidence.

M. Pat Martin: Cela se pourrait très bien.

M. Matthew Barrett: Mais il y a aussi des limites à respecter, par exemple, lorsque la caisse de retraite des enseignants vient me voir pour me parler de rentabilité, de productivité au nom de ses membres. Aussi j'ai à répondre moi aussi aux exigences de ma clientèle.

Je dois fournir un rendement sur le capital. La banque est soutenue par l'équivalent de 12 milliards de dollars en capital et je dois fournir un rendement sur ces sommes. Si vous soustrayez le coût des fonds propres de ces bons gros bénéfices que vous voyez, ils ne sont plus aussi importants. Nous devons subir énormément de pression.

M. Pat Martin: Monsieur Barrett, vous avez aussi l'obligation de fournir des services de base.

J'ai rencontré récemment le président Masire du Botswana. Il éprouvait un problème similaire à celui que nous avons avec les banques à charte dans son pays. Le gouvernement devait leur accorder le monopole exclusif de la prestation de certains services à la condition qu'ils offrent un bon service à toutes ces opérations très peu rentables dans les petites communautés et les régions éloignées. Après environ dix ans, les banques ne respectaient plus l'entente initiale, et il les a toutes mises à la porte. Il a dit qu'elles n'auraient plus d'autres privilèges, ni d'autres chartes. Les frontières ont été ouvertes et il a laissé entrer tous ceux qui le voulaient bien. Il refusait d'accorder aux banques l'exclusivité de quoi que ce soit parce qu'elles n'avaient pas respecté leur parole. Beaucoup de Canadiens ont l'impression que nous sommes pratiquement arrivés à ce point.

M. Matthew Barrett: Il y a environ 2 500 fournisseurs au Canada. C'est très loin de l'exclusivité. Je ne demande pas l'exclusivité.

M. Pat Martin: Il y a en réalité beaucoup moins de banques étrangères ici, aujourd'hui, qu'il n'y en avait en 1987—de 59 le chiffre est passé à 45.

M. Matthew Barrett: Pourquoi croyez-vous que cela s'est produit, monsieur Martin?

M. Pat Martin: Et bien vous disiez que si vous ne fusionniez pas, vous seriez bombardé par cette concurrence étrangère. En réalité, la concurrence est de moins en moins forte.

M. Matthew Barrett: Jusqu'à maintenant, les banques américaines ne pouvaient pas concurrencer avec la proposition de valeur mise de l'avant par les banques canadiennes. C'est la raison pour laquelle elles ne sont pas venues sur le marché.

M. Pat Martin: Jusqu'à maintenant.

M. Matthew Barrett: Elles arrivent aujourd'hui parce que les profits qu'elles tirent des consolidations et des fusions leur confèrent un avantage financier.

M. Pat Martin: Les chiffres indiquent qu'il y a en réalité beaucoup moins de concurrents aujourd'hui qu'il n'y en avait en 1987, aussi lorsque vous dites «aujourd'hui», je ne pense pas que vous voulez dire «à cette minute près».

M. Matthew Barrett: Il y en a eu quatre nouvelles, au cours des quatre dernières semaines.

M. Pat Martin: La tendance récente est à la diminution du nombre des banques étrangères ayant pignon sur rue ici.

• 1355

M. Matthew Barrett: Je ne suis pas sûr que j'arriverai à vous convaincre, monsieur Martin. Mais j'ai fait de mon mieux. Je n'ai rien d'autre à ajouter.

Le président: Merci, monsieur Martin.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Je vous remercie, monsieur le président. L'ironie pour moi consiste à être assis à la gauche du NPD, ce qui est très révélateur.

M. Pat Martin: Si vous élisez David Orchard comme votre chef, vous serez vraiment à gauche.

M. Scott Brison: Cela reviendrait à «unir la lumière», il me semble. Nous allons lui confier l'équivalent de 10 millions de dollars de dettes, et poursuivre nos affaires.

Le fait que des politiciens cherchent à obtenir des garanties auprès d'un autre groupe comme quoi ils tiennent leurs promesses, comporte aussi sa part d'ironie. D'une manière ou d'une autre, j'apprécie votre présentation.

Un peu plus tôt aujourd'hui, George Anderson est venu parler au nom du Bureau d'assurance du Canada, et naturellement il est très inquiet au sujet des courtiers d'assurance indépendants, si les banques sont pour faire leur entrée dans le réseau de distribution. Il a cité en exemple la Caisse centrale Desjardins et son entrée dans le monde des assurances. Il a déclaré qu'on avait assisté à une diminution de 30 p. 100 du nombre des emplois chez les courtiers d'assurance au Québec, et cela malgré qu'il n'y ait eu aucune diminution dans le prix des primes.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette situation. Comment pourrait-elle profiter aux consommateurs?

M. Matthew Barrett: Je me demande pourquoi les consommateurs les ont quittés dans ce cas. Je ne sais tout simplement pas.

M. Scott Brison: Je ne sais pas non plus.

M. Matthew Barrett: Cela n'a tout simplement pas de sens. Ça semble même assez étrange. Normalement, un mouvement comme celui-là se produit lorsque les clients se voient offrir une proposition plus intéressante. Aussi je ne peux pas spéculer sur la raison de ce revirement. Je ne quitterai pas mon courtier d'assurance à moins que quelqu'un m'appelle et me donne une réduction par rapport à la prime que je dois payer depuis le dernier accident de voiture de ma fille. Je ne quitterai pas mon courtier à moins d'obtenir un meilleur contrat d'assurance, aussi je ne comprends pas très bien la dynamique. Je ne peux pas faire de commentaire parce que je n'ai pas d'explication à fournir.

M. Scott Brison: Il a aussi suggéré que les banques, comme vous l'avez mentionné un peu plus tôt, pourraient tout simplement utiliser le réseau de distribution existant, si vous voulez vous lancer dans ce domaine de cette façon.

La règle du 10 p. cent est un sujet qui a été effleuré par le groupe de travail MacKay—en fait un adoucissement de la règle du 10 p. cent. À la longue, pensez-vous que cette règle du 10 p. cent est envisageable? Est-ce que c'est envisageable dans le contexte actuel ou dans celui d'un environnement mondial?

M. Matthew Barrett: C'est une question très intéressante et très complexe. Assez paradoxalement, j'ai des arguments qui vont à l'encontre de ma position.

Dans notre présentation devant le groupe de travail MacKay, nous donnons des arguments très fouillés pour expliquer pourquoi la règle du 10 p. cent n'a pas d'importance.

Lorsque j'étais à la réunion du groupe de travail de M. Ianno, quelqu'un m'a posé la question et j'ai répondu—et ce que j'ai dit a naturellement été mal cité dans les journaux donc permettez-moi de répéter ce que j'avais dit à l'époque—en tant qu'homme d'affaires et que président de banque qui a des obligations vis-à-vis ses actionnaires, je ne suis pas en faveur de quoi que ce soit susceptible d'enlever de la valeur à leurs actions. Par conséquent, je pourrais argumenter et présenter la chose de diverses façons tout simplement pour dire que la règle du 10 p. cent devrait disparaître.

L'une des autres raisons pour lesquelles j'ai dit qu'elle devrait disparaître... Il y a un énorme malentendu dans ce pays et c'est un malentendu qui a la vie dure et qui devrait disparaître, comme quoi les banques sont protégées. La règle du 10 p. cent n'a jamais prévalu pour les banques. Elle a été instaurée au bénéfice du gouvernement qui voulait assurer sa souveraineté sur le système bancaire, et soit dit en passant, ce n'est pas du tout inhabituel. Les pays qui ne disposent pas d'une règle du 10 p. cent ont néanmoins une discrétion ministérielle, et s'ils ne réagissent pas à la prise de contrôle de banques de deuxième catégorie—je le sais, je l'ai essayé—essayez par contre d'éliminer une de leurs banques de compensation et vous allez affronter un barrage qui sera tout aussi rigide que la règle des 10 p. cent.

Si j'étais ministre des Finances, j'y penserais à deux fois avant d'éliminer la règle du 10 p. cent et le risque de perte de contrôle canadien sur les institutions financières, le contrôle équivalent à la migration..., anciennement, l'argument utilisé était qu'on ne voulait pas perdre le contrôle parce que le processus d'affectation des crédits se retrouverait à l'étranger et ne serait plus fondé sur des considérations locales ou nationales. Je suis moins préoccupé par cela. Les gens iront là où ils peuvent faire de l'argent. Par conséquent, je pense que ceux qui font des affaires à l'échelle de la planète s'installeront là où les conditions sont favorables.

• 1400

Mais je suis toutefois convaincu que cela aura des répercussions au niveau des sièges sociaux parce que je sais ce que j'ai moi-même accompli avec les banques américaines dont j'ai fait l'acquisition. Nous avons fait le ménage dans leurs sièges sociaux, et nous les avons entraînés jusqu'à notre propre siège social, ici au Canada. J'ai relié leur technologie à la mienne et leur programme de formation à mon institut de formation. La même chose pourrait se produire en sens inverse. Vous risqueriez de perdre des emplois très payants en R-D, en technologie et dans les sièges sociaux; et si j'étais ministre des Finances, je ne laisserais pas tomber la règle des 10 p. cent pour cette raison. Vous pouvez essayer de contourner la question. Mais si le ministre conserve son pouvoir discrétionnaire, comme je l'entends aujourd'hui, dans ce cas, il conserve l'autorité ultime de prendre en ligne de compte l'intérêt national.

Je me rappelle que lorsque la Banque de Hong Kong a essayé de prendre le contrôle de la Royal Bank of Scotland, on le lui a interdit. Des années plus tard, on l'a laissée prendre le contrôle de Midland. Aussi je pense qu'il y a des circonstances qui inciteront le ministre à laisser passer certaines transactions, il faut donc lui laisser cette possibilité. Donc, si vous remplacez la rigidité de la règle des 10 p. cent par l'approbation ministérielle, alors je pense que vous maintenez cette sécurité pour le Canada. Le ministre aura toujours le loisir d'exercer ses choix, comme il l'a déjà fait—je ne peux me rappeler de qui il s'agit personnellement—mais il l'a fait au nom du pays, par exemple, lorsque la Banque de Colombie-Britannique a éprouvé des difficultés. Il devrait par conséquent conserver cette latitude.

Il peut y avoir d'autres aspects de la règle des 10 p. cent. Même si c'est difficile à faire en raison de l'existence de l'ALENA, il faut faire la distinction entre ce qui permettrait une certaine relaxation à l'échelle nationale et favoriserait la formation d'un plus grand nombre d'acteurs chez les institutions financières. Je n'ai pas réfléchi à la façon dont cela pourrait se faire, et j'appuie toujours la législation sur le traitement national et l'ALENA. C'est assez compliqué, mais je ne serais pas contre.

M. Scott Brison: Quels sont les avantages pour votre banque d'utiliser le modèle de la société de portefeuille ou de voir ce modèle plus répandu?

M. Matthew Barrett: J'aime cette idée parce que j'apprécie la souplesse qui me permet de m'intégrer à d'autres entreprises. Je pense que la préoccupation traditionnelle au sujet des sociétés de portefeuille était qu'elles pouvaient mettre en cause des personnes qui ne connaissaient pas bien le monde bancaire de sorte que vous établissiez un lien commercial financier, et cela s'est toujours révélé dangereux, même au Canada. Je pense que c'est ce qui était prévu. Mais une société de portefeuille qui se trouve au sein d'une industrie des services financiers intégrés verticalement et horizontalement ne me semble présenter aucun risque, et elle pourrait permettre à la banque de faire preuve d'un peu plus de souplesse dans son mode d'organisation.

J'aimerais voir ce genre d'associations se réaliser. Mais je n'y tiens pas absolument, parce que d'une manière ou d'une autre nous pouvons créer une société de portefeuille virtuelle dont le centre serait, si vous voulez, le siège social, qui fournit le capital, les ressources humaines et le cadre obligatoire, alors que le reste de la compagnie administre une série de lignes de produits. Aussi, je pense que vous pouvez effectuer un grand nombre d'opérations de société de portefeuille sans en devenir une officiellement. Mais toutes choses étant égales par ailleurs, j'aimerais envisager cette option, parce que nous sommes en train de découvrir qu'à court terme nous pourrions vouloir nous associer à des compagnies de technologie qui ne sont pas, à strictement parler des services financiers mais qui seraient d'une grande valeur synergique pour les autres technologies et nous permettraient d'offrir de nouveaux produits à nos clients. Aussi j'aimerais pouvoir profiter de cette flexibilité.

M. Scott Brison: L'un des talons d'Achille, je pense, du mouvement en faveur des fusions est la position de la Banque de Nouvelle-Écosse en tant que banque à charte, qui a causé certains problèmes parce qu'il semble que vous ne vous trouviez pas sur la même longueur d'ondes à cet égard. M. Godsoe semble une sorte de capitaine Canada sur cette question. J'aimerais vous entendre à ce sujet. Pourquoi est-ce que la Banque de Nouvelle-Écosse adopte un point de vue aussi différent du vôtre?

Le président: Monsieur Barrett.

M. Matthew Barrett: J'hésite toujours un peu à croiser le fer avec un concurrent, surtout lorsqu'il s'agit d'une personne avec laquelle je traite depuis de nombreuses années et que je considère comme un ami. Mais je ne comprends pas la position de M. Godsoe, et je crois que M. Godsoe aurait lui-même fusionné avec une autre institution s'il en avait eu l'occasion. Mais il ne l'a pas fait, et c'est une question que je devrais lui poser. En d'autres mots, je suis surpris par cette nouvelle aversion philosophique à l'égard des fusions, d'après les discussions que j'ai eues avec l'industrie, mes discussions avec son prédécesseur, et mes discussions avec lui personnellement. Je n'ai jamais entendu auparavant... cette conversion sur le chemin de Damas est très récente. Vous devrez lui poser la question directement.

• 1405

M. Scott Brison: Ne vous méprenez pas. Notre parti entretient lui aussi une aversion philosophique à l'égard des fusions, pas dans le sens bancaire mais plutôt dans le sens politique.

Une voix: Oh, oh!

M. Matthew Barrett: Je ne me mêlerai pas de cette question.

Le président: C'est évident qu'une telle fusion n'aurait pas autant d'incidence sur le marché.

M. Scott Brison: Monsieur le président, si vous me le permettez, étant le cinquième parti à Ottawa, nous sommes toujours les derniers à poser des questions, aussi il nous incombe de poser les questions les plus intéressantes. C'est un peu comme d'être le cinquième mari de Liz Taylor; vous savez ce que vous êtes censé faire, mais vous ne savez pas nécessairement comment procéder pour le rendre plus intéressant.

Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Je suis tout à fait disposé à me soumettre aux règles de la concurrence.

J'aimerais poser une question concernant la R-D dans le domaine. Je suis intrigué par le fait que vous êtes prêt à consacrer près de 1,5 milliard de dollars par année à la R-D. Je suis malheureusement assez vieux pour me rappeler lorsque la R-D n'était pas aussi importante dans les banques qu'elle ne l'est aujourd'hui. Vous pouviez entrer dans une banque et faire un dépôt, vous pouviez entrer dans une banque et retirer un peu d'argent et signer un chèque. Fondamentalement, la banque faisait de l'argent sur les mouvements de trésorerie qui demeuraient dans le compte de banque et ainsi de suite, et il n'y avait pas de frais.

Plus tard elles ont déclaré qu'elles devaient entreprendre de la R-D—et je ne suis certainement pas opposé à l'informatisation. Je pense que c'est une technologie d'une efficacité merveilleuse qui a vu le jour dans le système bancaire. Mais maintenant c'est tellement facile pour elle de me charger d'abord cinq sous, puis dix sous, puis 25 sous et ensuite 50 sous, et qui sait où cela va s'arrêter. Aussi nous nous retrouvons avec ces frais de transactions énormes, et pourtant cette même technologie n'est pas utilisée là où elle devrait l'être.

J'ai été intrigué par la question soulevée par M. Martin selon laquelle certaines personnes éprouvaient des difficultés à changer un chèque parce qu'elles n'avaient pas de compte en banque, de sorte qu'elles devaient faire appel aux Money Marts où les gens qui sont les plus dans le besoin sont exploités—et bien, je ne devrais pas dire exploités, mais à tout le moins on leur impose des frais très importants pour les services financiers offerts.

Je suis intrigué que vous soyez prêt à dépenser autant d'argent sur la R-D mais j'espère que ce n'est pas simplement de la R-D qui vous permettra de gagner encore un peu plus d'argent sur le dos de vos clients. J'aime à espérer que vous consacrerez une certaine partie de cet argent à résoudre, disons, le problème de l'identification d'un chèque qui vient d'une personne qui n'a pas nécessairement un compte dans votre banque. Je suis convaincu que cette technologie pourrait être utilisée pour déterminer si un chèque a des fonds ou non, et s'il a des fonds, pourquoi ne pas tout simplement donner l'argent à la personne qui se trouve de l'autre côté du comptoir.

Quelle est votre réponse?

M. Matthew Barrett: C'est toujours une question un peu délicate, la personne qui tend le chèque n'a pas nécessairement un compte. Lorsque j'étais comptable à la succursale Alexis Nihon à Montréal, par exemple, il y avait un nombre important de personnes qui recevaient des chèques du gouvernement et c'était tout ce qu'elles avaient, elles n'avaient pas de compte. Par conséquent, vous deviez trouver un certain moyen de les identifier, parce qu'une fois que j'avais échangé les chèques, le gouvernement me les retournait s'ils avaient été échangés par une autre personne que son bénéficiaire, et je restais coincé avec les chèques, et non le gouvernement. Donc tout fraudeur... Vous vous rappellerez aussi que nous avons éprouvé des difficultés avec des personnes qui s'attaquaient aux cabines téléphoniques parce qu'elles savaient que c'était le moment du mois où les chèques du gouvernement étaient émis. Aussi c'est assez compliqué.

Je ne pense pas que ce soit imminent, mais je me trouvais récemment à une conférence sur la technologie NCR où une personne me montrait une machine qui pourra me reconnaître d'après l'iris de mes yeux. Aussi je pense que la technologie est sur le point de résoudre le problème de l'identification.

M. Martin aurait pu s'adresser à moi d'une manière beaucoup plus intéressante, bien franchement. Il y a une banque qui a fait du très bon travail—et j'ai l'intention d'étudier ce cas plus en profondeur—en Afrique du Sud. Elle éprouvait un énorme problème avec des gens ayant un très faible revenu dans les townships. Bien entendu, ces gens gagnent 80 dollars par mois, par conséquent toutes les institutions financières du monde les ignoraient parce qu'elles disaient qu'il n'y avait aucun profit à faire avec eux. Aussi cette banque a conçu et utilisé une certaine technologie.

• 1410

Beaucoup de ces personnes ne pouvaient ni lire ni écrire. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a placé une caméra dans le guichet automatique de la banque. La caméra, dirigée vers le client, permet d'établir son profil, un peu comme une empreinte digitale. Elle dit en fait: oh, je sais qui vous êtes. Une voix indique alors au client d'appuyer sur le bouton rouge, puisqu'il ne sait pas lire. La banque a connu énormément de succès avec ce projet et cela lui a été très profitable.

Donc, je crois que la réponse à votre question, c'est oui, nous nous devons d'examiner de quelle façon la technologie pourrait être utilisée de manière plus créative dans certains de ces secteurs. Tout ce que nous avons à faire, c'est d'investir dans la recherche, c'est tout.

M. Ken Epp: Pouvons-nous nous attendre à ce qu'il y ait une diminution des frais imposés aux clients ordinaires qui font affaire avec les banques pour des transactions de moindre importance?

M. Matthew Barrett: Nous vivons dans un monde axé sur la concurrence. Si nous réalisons des économies, nous sommes en droit de penser qu'il sera possible de transférer une partie de ces économies aux clients afin d'exercer une certaine pression sur nos concurrents.

Notre objectif global, c'est le partage des portefeuilles, si vous me permettez de reprendre une expression du milieu. Le Canadien moyen fait affaire avec trois ou quatre institutions financières. Nous nous détruisons les uns les autres en tentant d'attirer à nous les clients, de regrouper chez nous les affaires qu'ils font avec trois ou quatre autres institutions financières. On tente sans cesse d'imaginer de nouveaux ensembles de services ou de nouvelles propositions intéressantes qui inciteraient les clients à nous confier une plus grande partie de leurs affaires. Je pense que si nous pouvions réaliser de bonnes économies en matière de productivité, nous serions en mesure de les utiliser pour offrir de meilleures propositions que nos concurrents. C'est peut-être la raison qui explique un certain négativisme de la part des banques non intéressées par une fusion éventuelle; elles ne sont pas philosophiquement opposées au principe de fusion, mais elles craignent de nous voir dans une position nous permettant d'offrir à nos clients des propositions qu'elles ne pourront égaler.

M. Ken Epp: Il est intéressant que vous utilisiez justement ce terme ensemble de services, parce que j'aimerais vous demander comment vous comptez précisément éviter de faire de la vente liée. Je vois bien que les ensembles de services constituent une manière plus économique de fournir un certain service, mais ne peuvent-ils pas aussi vous inciter à forcer un client qui souhaite acheter un produit C à acheter aussi les produits A et B? Êtes-vous en faveur de...

M. Matthew Barrett: Je suis absolument contre les méthodes de vente liée coercitives, qui sont totalement illégales.

M. Ken Epp: Mais l'économie peut également se révéler coercitive.

M. Matthew Barrett: Non. Je ne vois pas les choses ainsi. Par exemple, supposons que vous entrez dans un magasin pour acheter une chemise. Un vendeur vous demande si vous aimeriez avoir une cravate pour l'accompagner. Vous répondez oui. Il vous propose alors un mouchoir de poche qui se marie très bien avec la cravate en question. Il fait en réalité de la vente croisée et je ne vois rien de mal à cela. Il ne s'agit pas de vente liée. La vente liée, c'est quand un serveur vous dit que vous ne pouvez avoir un repas à moins de prendre aussi un dessert. Par contre, s'il vous offre un dessert à la fin du repas, je ne crois pas qu'il s=agisse là d'une transaction coercitive. Il tente simplement de vous faire profiter de plusieurs de ses produits.

Je crois que vous voulez que le client tire avantage de la meilleure offre qu'il puisse avoir. Et vous avez absolument raison de vouloir empêcher que certains exigent que vous leur confiiez vos fonds mutuels pour obtenir un prêt. Il s'agirait là d'une méthode de vente coercitive, déplacée et, je crois, illégale. Mais si je dis au client que nous lui accordons son prêt et que j'ajoute qu'en passant j'ai remarqué qu'il possédait des fonds communs et que nous pouvons lui offrir un meilleur taux sur ceux-ci que ce qu'il a présentement, il ne s'agit là que de marketing. Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose de mal à cela.

M. Ken Epp: Y a-t-il quelque chose de mal à utiliser des listes que vous obtenez simplement parce que des gens passent par votre banque pour compenser leurs chèques? On trouve dans l'industrie financière un certain nombre de vos concurrents. Comme ils n'ont pas accès au système de paiement, ils envoient leurs chèques aux banques, ce qui vous permet d'obtenir une liste de tous ceux qui font des paiements à telle ou telle personne. Vous sentez-vous moralement justifié d'utiliser ces listes pour cibler certaines personnes lorsque vous faites du marketing?

M. Matthew Barrett: Je ne suis pas certain de comprendre à quel type de listes vous faites référence, et on pourrait s'étendre sur le sujet très longtemps. C'est la pointe de l'iceberg. Les méthodes modernes de marketing font appel entre autres au stockage de données; une intelligence artificielle examine ces données pour prévoir le comportement de certains consommateurs.

Laissez-moi vous donner un exemple réel, simple. Supposons que vous venez me voir pour un emprunt hypothécaire. Pour vous accorder ce prêt hypothécaire, je dois auparavant connaître le détail de votre actif et de votre passif. Si je m'aperçois que vous profitez dans une autre banque d'un taux préférentiel de 5 p. cent pour un prêt, il n'y a rien de mal à ce que je vous offre de vous libérer de ce prêt pour un taux préférentiel de 2 p. cent. Je ne vois rien de mal à cela. Je crois que personne au monde ne pourrait y voir quelque chose de mal. Il s'agit simplement de marketing.

Je crois que le fait d'utiliser des listes ou des renseignements obtenus de manière non déplacée ne peut que profiter au client et aux affaires. Je ne m'objecte pas à ce quelqu'un qui connaît mes besoins en profite pour me vendre au téléphone un service supplémentaire dont je ne connaissais pas l'existence. J'ai le choix d'accepter ou non le produit. Mais c'est vrai qu'il faut mettre un terme aux méthodes de vente coercitives. Je suis d'accord avec ce fait.

• 1415

M. Ken Epp: Vous devez alors être totalement d'accord pour qu'on parle par exemple d'une compagnie d'assurance-vie qui aurait à traiter ces chèques par l'intermédiaire des banques... ce qui vous permettrait de savoir qu'une annuité a été vendue, ou achetée ou versée, peu importe, par l'intermédiaire du système bancaire. Si on vous permet d'accéder à ces données pour cibler une personne et lui offrir une meilleure proposition, vous devez certainement être d'accord pour qu'on ouvre le système de paiement de manière à ce que tous disposent des mêmes renseignements.

M. Matthew Barrett: Oui, absolument.

M. Ken Epp: Bien. Je suis heureux de vous l'entendre dire. Merci.

Je terminerai avec ceci, monsieur le président.

Le président: Tout cela était très instructif. Merci beaucoup monsieur Epp.

Monsieur Barrett, monsieur White et monsieur O'Neill, au nom du comité, j'aimerais vous exprimer nos sincères remerciements pour votre exposé.

Je crois que de bien des façons nous avons été témoins pendant cette toute première semaine des audiences des facteurs d'offre et de demande créés chaque fois qu'une économie passe par un changement de paradigme. Les solides arguments présentés jusqu'ici sont peut-être valables, bien que nous sachions que la banque virtuelle se profile à l'horizon et que la technologie fait réellement partie de notre réalité.

Bien des gens doivent penser que la technologie est davantage présente aujourd'hui dans certaines cartes d'anniversaires qu'elle ne l'était dans les années 50. Pour moi, c'est symbolique du type de transformation qui se produit dans notre économie.

Lorsque vous considérez aussi les questions liées aux quatre piliers et comment ces quatre piliers ne sont plus ici, il s'agit d'un changement colossal qui nous arrive à une vitesse phénoménale. Mais, c'est aussi vrai de notre économie en général. Il y a cinq, dix ou quinze ans, les économistes parlaient de la polarisation des classes dans notre société en raison du savoir-faire technologique. Aujourd'hui, nous sommes témoins de cette situation. Ce qui importe pour des institutions comme les banques, c'est qu'elles reconnaissent le rôle important qu'elles jouent dans l'édification de notre économie, offrant aux gens diverses possibilités, ce qui leur donne la possibilité de faire des choix.

Mais ces changements ne se feront pas sans victimes, comme il y en a eu lorsque nous sommes sortis de l'ère industrielle, lorsque nous sommes passés d'une société agricole à une société de l'information. Le fait ne pas s'engager dans ce genre de discussion ne servira pas très bien les politiques gouvernementales. En tant que parlementaires, cela fait partie des considérations dont nous devons discuter énergiquement. Ce n'est pas seulement une question de fusion. Ce n'est pas seulement une question de système de paiements. Il s'agit d'une discussion sur une économie en constante évolution qui a besoin de leadership. Comme je le dis souvent, personne d'entre nous ne peut prédire l'avenir, mais nous pouvons certainement contribuer à le façonner, et c'est là notre rôle.

Au nom du comité, merci.

M. Matthew Barrett: J'apprécie la courtoisie qui m'a été manifestée aujourd'hui. Je pensais que vous alliez me tuer.

Le président: Nous allons suspendre pendant une minute.

• 1418




• 1425

Le président: Nous allons maintenant reprendre les travaux. Nous entendrons le représentant de l'Institut des fonds d'investissement du Canada et celui de Dundee Bancorp Inc. M. John Kaszel représente l'Institut des fonds d'investissement du Canada et M. Ned Goodman, Dundee Bancorp, dont il est président-directeur général. Nous leur souhaitons la bienvenue.

Monsieur Kaszel.

M. John Kaszel (directeur des affaires universitaires et de la recherche, Institut des fonds d'investissement du Canada): Merci monsieur le président. Je sais que c'est vendredi, je vais donc essayer d'être très bref.

L'Institut des fonds d'investissement du Canada a été très impressionné par le rapport complet présenté par la groupe de travail MacKay et particulièrement par le fait qu'il l'ait terminé dans les délais prévus. À notre avis, ce rapport aura des retombées importantes sur la manière dont chacune des entités du secteur des services financiers réagira aux défis auxquels nous avons et aurons à faire face, maintenant et plus tard.

Notre institut privilégie une approche par consensus, alors nous ne ferons pas de commentaires détaillés sur chacune des 120 recommandations, puisque plusieurs de ces recommandations ont des répercussions importantes. Mais nous avons certains commentaires à formuler. Je ne m'arrêterai pas à chaque petit détail des recommandations, sauf en ce qui concerne la recommandation que nous croyons être d'une grande importance pour notre industrie, c'est-à-dire celle qui porte sur la participation à l'Association canadienne des paiements.

Lors de ma présence ici il y a quelques jours, j'ai fait un portrait idyllique du commerce des fonds communs, tant pour aujourd'hui que pour les jours à venir. Ce portrait avantageux a été renforcé par une étude publiée hier par la firme comptable Ernst & Young, qui prévoit que notre industrie aura une croissance de 1,5 trillion de dollars—1,5 suivi d'un grand nombre de zéros—d'ici l'année 2008.

Pour placer ces chiffres en perspective, disons que l'industrie, à la fin du mois d'août, représentait 286 milliards de dollars comparativement aux autres organisations qui sont nos concurrentes directes, telles que les institutions de dépôt. Les banques étaient dépositaires de 290 milliards, et lorsque nous tenons compte de toutes les institutions de dépôt—les coopératives de crédit, les caisses populaires—cela représente un total de 429 milliards. La croissance de l'industrie des fonds communs jouera un rôle de plus en plus important dans l'épargne des Canadiens. Ce phénomène de croissance s'est produit pour une raison très simple. Nous avons donné au consommateur ce qu'il voulait obtenir, c'est-à-dire un meilleur rendement sur ses économies.

Pour continuer à aller de l'avant et à garder la confiance des consommateurs, nous croyons que nous devons faire partie de l'Association canadienne des paiements. Faire partie de cette association nous aiderait énormément. La participation au système de paiement permettrait une circulation ininterrompue des fonds entre nos clients et nous. Cela représenterait des économies pour tout le monde—diminution des coûts et meilleur rendement. Par «meilleurs rendements», je veux dire que les pertes seraient minimisées pendant la période de flottant, et qu'il y aurait évidemment une plus grande concurrence.

La rapport MacKay suggère que la participation au système de paiement soit élargie, et nous sommes d'accord avec cette approche réfléchie qui veut que les fonds de placement du marché monétaire soient le produit de l'industrie des fonds communs qui peuvent participer au système de paiement. Nous ne demandons aucune aide parce que nous croyons fermement que le système doit mettre en place des moyens de contrôle de manière à assurer que notre produit se prête aux exigences du système de paiement, et que c'est un produit très disponible et très stable.

Nous aimerions ajouter que nous souhaitons que cette recommandation particulière soit adoptée dans un avenir pas trop éloigné, parce que nous croyons fermement que l'entité qui contrôlera le système de paiement, ou qui l'influencera indûment, sera le principal acteur du secteur des services financiers.

Pour l'instant, j'arrête ici mes commentaires. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir pendant la période des questions. Merci.

Le président: Merci, monsieur Kaszel.

Monsieur Goodman. Soyez le bienvenu.

• 1430

M. Ned Goodman (président et directeur général, Dundee Bancorp Inc.): Merci beaucoup mesdames et messieurs. Je suis heureux d'être ici pour prendre part au groupe de travail portant sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens et sur l'influence qu'il aura sur nous.

Je tiens à remercier l'Institut des fonds d'investissement du Canada qui nous permet de partager le temps qui lui est alloué en cette fin de vendredi après-midi. Je soulignerai aussi le fait que ce n'est pas la première fois que nous nous voyons refuser un espace de temps par l'une des grandes banques canadiennes, mais j'aborderai ce sujet plus en profondeur dans un moment.

Je m'appelle Ned Goodman et je suis le président et directeur général de la firme Dundee Bancorp. Je suis accompagné de Don Charter, président et directeur général, section marchés financiers et valeurs mobilières, de notre filiale bancaire.

Dundee Bancorp est une entreprise publique de gestion des biens dont plus de 50 p. 100 des actions votantes sont contrôlées par ma famille et moi. Dundee est une entreprise que j'ai utilisée pour regrouper certaines participations dans le domaine de la gestion de placements il y a environ huit ans. Nos principaux produits—grâce auxquels vous nous connaissez probablement—sont les fonds communs Dynamic. Ils ont vu le jour en 1957, et je suis fier de vous dire que j'ai personnellement rédigé le premier prospectus les concernant en 1962. Au Canada, nous sommes des pionniers dans le secteur des fonds communs. Aujourd'hui, si nous étions toujours membres de l'Institut des fonds d'investissement du Canada, nous serions au dix-neuvième rang de leur liste, avec environ 5,5 milliards de dollars en fonds communs sous le nom de Dundee, les fonds communs Dynamic, et une nouvelle entreprise de fonds communs récemment mise sur pied, Power Mutual Funds. Dans le secteur des fonds communs, on nous voit comme un manufacturier.

J'aimerais vous parler un peu de moi parce que, contrairement à M. Barrett et à certains autres des principaux banquiers de ce pays, je ne suis pas très bien connu. Je crois que cela vous aidera à comprendre de quelle manière l'entreprise dont je fais partie a commencé et la grande importance que j'attache à l'esprit d'entreprise et à la concurrence dans le secteur des services financiers.

J'ai 60 ans. Je suis né à Montréal. Mon père était un immigrant et ma mère était fille d'immigrants. Des journalistes m'ont décrit comme étant un entrepreneur, un financier. Je me décris moi-même comme étant un conseiller en placement et, une fois terminée la tâche du groupe de travail MacKay, j'espère que je pourrai me donner le titre de «banquier».

Je suis engagé dans l'industrie de la gestion de la richesse depuis 1962, et j'ai été le cofondateur, en 1967, de Beutel, Goodman & Company Ltd., qui est aujourd'hui une des plus importantes entreprises canadiennes de conseils en placement. J'ai participé au démarrage d'une myriade d'autres entreprises canadiennes qui ont atteint une importance certaine. En 1990, je me suis dissocié de Beutel, Goodman, et j'ai mis sur pied Dundee and Goodman & Company, conseillers en placement, et je me suis consacré sérieusement à la commercialisation des fonds communs Dynamic. L'entreprise de gestion des biens m'a été profitable aux plans personnels et financiers. Pendant toutes ces années, j'ai appris que le monde est à la portée des entrepreneurs qui peuvent obtenir des avantages concurrentiels.

Aujourd'hui, Dundee Bancorp occupe une bonne place dans le secteur des services financiers. Nous avons une valeur comptable ou une équité supérieure à 500 millions, approximativement le même montant que la Banque laurentienne du Canada. En plus des fonds communs, nous offrons des services bancaires d'investissement, des avis et du financement, et nous sommes spécialiste des services bancaires d'investissement. Nous sommes membre de la Bourse de Toronto et maintenant de la Bourse de Montréal, et membre de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Nous assurons la gestion d'investissement de caisses de retraite ainsi que celle de fortunes privées. En résumé, nous fournissons plusieurs des services que toutes les grandes banques ont commencé à offrir depuis 1987. Cependant, actuellement, nous ne pouvons pas offrir les services bancaires traditionnels.

Comme on le reconnaît dans le rapport du groupe de travail portant sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada, la gestion de la richesse est une partie importante et fondamentale du secteur des services financiers. Il s'agit d'un produit de détail d'une importance considérable pour le consommateur, encore plus important avec le vieillissement de la population parce que les gens peuvent de moins en moins compter sur les régimes de prévoyance collective des entreprises. Un secteur financier vivant, sécuritaire et innovateur profitera directement aux consommateurs, tout comme ils profiteront d'une concurrence à tous les niveaux.

Les banques et les compagnies d'assurance ont ciblé ce secteur comme en étant un d'expansion essentiellement en raison de sa rentabilité. La rentabilité de la gestion de la richesse est plus grande que la rentabilité liée aux affaires commerciales et aux opérations d'assurance-vie. La gestion de la richesse est aujourd'hui l'enjeu de la bataille menée par tout le secteur de l'industrie des services financiers. Chacun des quatre piliers de départ—banques, fiducies, compagnies d'assurances et courtiers en valeurs mobilières—sont à la recherche d'actifs dans le but de profiter des avantages financiers générés par la gestion de la richesse, secteur qui croît très rapidement.

• 1435

Pour respecter l'horaire, je traiterai de seulement deux des questions que je considère comme importantes.

D'abord, la compétition au sein du circuit de distribution des produits financiers de détail est essentielle pour que le consommateur puisse exercer un choix. L'incapacité à faire face au contrôle des banques—et quand je dis banques, je parle de toutes les grandes banques du Canada—sur le circuit de distribution condamne à l'échec toute initiative visant à créer une compétition équitable pour le bénéfice des consommateurs canadiens.

Deuxièmement, la longueur d'avance que les banques ont prise à la suite d'une longue période de traitement préférentiel sur le plan de la réglementation contrecarre l'initiative du rapport MacKay de créer de nouvelles banques. Nous avons besoin de plus de banques, pas de moins. Nous avons besoin de plus d'entrepreneurs, pas de moins. Nous avons besoin d'un système qui permette aux consommateurs de faire un libre choix. Aux États-Unis, 207 nouvelles banques ont été créées en 1997, alors qu'au Canada trois nouvelles banques seulement ont été créées pendant les années 90.

Nous approuvons chaudement—nous ne pouvons le faire plus—la recommandation contenue dans le rapport à l'effet que Dundee Bancorp et d'autres pourraient avoir le droit de posséder ou de devenir une banque canadienne, mais il ne faut pas oublier que nous avons une longue tradition d'enchâssement du pouvoir des banques, ce qui donne aux banques existantes une avance considérable.

La meilleure façon de fournir un produit de gestion de la richesse, c'est d'avoir accès au consommateur, à l'épargnant. Sans accès au circuit de distribution, un fournisseur de produits financiers ne peut être concurrentiel. Le rapport MacKay reconnaît l'importance cruciale du circuit de distribution mais exclut expressément les commentaires sur ce segment vital du secteur des services financiers. À cet égard, le rapport est fondamentalement imparfait.

La création des fonds communs comme élément majeur de l'industrie de la gestion de la richesse est un phénomène relativement nouveau. Il a débuté sous l'égide d'institutions de gestion de fonds communs indépendantes qui ont élaboré un produit d'investissement supérieur qui entre en concurrence directe avec les dépôts dans les banques.

Les fonds communs constituent une forme d'investissement attrayante pour les consommateurs en ce sens qu'ils offrent des solutions d'épargne flexibles et diversifiées par rapport au dépôt et au CPG offerts par les institutions de dépôt. Il s'agit d'une méthode qui permet aux consommateurs de participer aux marchés des capitaux canadiens et internationaux et, en ce sens, ils ont grandement contribué à la création de la richesse chez les consommateurs.

Les institutions de dépôt n'ont pas été les chefs de file dans la création des fonds communs en tant que produit pour les consommateurs. Lorsqu'elles se sont engagées dans ce marché, les banques ne faisaient que réagir à la concurrence. Les banques n'offraient pas le service que les clients voulaient. Il est important de noter que lorsque les banques ont réagi, ce n'est pas en offrant un meilleur produit et le prix n'était pas plus bas pour les consommateurs.

Il existe quatre grands circuits de distribution pour les produits et services du domaine de la gestion de la richesse: premièrement, le réseau des succursales, le préféré des circuits de distribution, comme vient de le dire M. Barrett; deuxièmement, les courtiers en valeurs mobilières; troisièmement, les agents d'assurance-vie; et quatrièmement, les vendeurs de fonds communs indépendants que l'on appelle parfois planificateurs financiers.

Les banques, par définition, détiennent le réseau des succursales. Plus encore, à toute fin pratique, les banques sont titulaires de la base des acheteurs au détail au Canada. En étant les seules habilitées à offrir des services bancaires, elles peuvent exercer un contrôle complet sur les consommateurs alors que les autres fournisseurs de services financiers ne le peuvent pas.

Le rapport MacKay, à la page 147, reconnaît la position de domination des banques sur les consommateurs, et je recommande à tous de lire au moins cette page. On indique dans le rapport que les banques étrangères ne viennent pas au Canada pour offrir des services bancaires de détail. Les banques étrangères sont bien conscientes de la position privilégiée du secteur des services bancaires à l'intérieur du Canada.

En 1987, les banques se sont vues accorder le droit d'acheter des courtiers et maintenant le circuit des courtiers de détail appartient à la communautaire bancaire dans une proportion de 80 p. 100. Un circuit de distribution qui pouvait autrefois offrir des services financiers indépendants est maintenant détenu par des institutions qui ont leurs propres produits financiers. Il n'y a donc plus d'indépendance.

• 1440

Les agents d'assurance sont protégés par la réglementation sur les assurances qui leur réserve la vente de l'assurance. Les fonds distincts, qui sont en réalité des fonds communs déguisés, sont le seul domaine d'une force de vente à peu près captive pour l'industrie de l'assurance. Le seul autre circuit indépendant qui reste est celui des vendeurs de fonds communs, qui offrent des services conseils indépendants en ce qui a trait à l'achat de fonds communs.

Le rapport MacKay affirme qu'ils constituent une partie importante du système en raison de leur capacité à donner des services conseils. Ce sujet est traité aux pages 123, 140 et 141. Mais par la suite le rapport poursuit en référant à eux d'une façon péjorative, suggérant qu'ils n'ont pas de diplôme ou que leur profession n'est pas réglementée. Laissez-moi vous assurer que tout planificateur financier qui vend des fonds communs doit, au minimum, être enregistré auprès de la Commission des valeurs mobilières en tant que vendeur de fonds communs et, qu'à ce titre, il est réglementé par les autorités provinciales.

Pour s'enregistrer, ils doivent satisfaire à des critères de compétence. La désinformation est énorme en ce qui a trait à l'expertise de ces vendeurs, mais je peux vous dire qu'ils sont mieux formés et compétents que les caissiers de banque dans les fonctions relatives à l'investissement et aux fonds communs.

Comme si la propriété des deux plus importantes formes de distribution n'était pas suffisante, les banques dominent aujourd'hui l'organisme d'autorégulation qui chapeaute les courtiers en valeurs mobilières. Le principal organisme d'autorégulation pour les courtiers est l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM). Cet organisme est aujourd'hui dominé par les courtiers qui sont attachés aux banques.

Les courtiers ont maintenant leur propre organisme autorégulateur et, par un décret de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, cet organisme autorégulateur fera aussi partie de l'ACCOVAM. En conséquence, les banques joueront maintenant un rôle dominant dans la réglementation des courtiers, le dernier bastion de la compétition pour les banques.

Quelles sont les répercussions pour une entreprise comme Dundee? Chez Dundee, nous distribuons les fonds communs principalement aux courtiers indépendants qui fournissent les services conseils indispensables que le consommateur de services financiers demande actuellement. Nous payons des commissions à ces courtiers indépendants pour ce service.

Les banques distribuent leurs fonds communs dans leurs succursales. Ils n'ont donc pas en soi de frais de distribution. Bien sûr, notre ratio de frais de gestion—c'est-à-dire les frais associés à la gestion des fonds communs et les frais que doit payer le consommateur—et celui des banques sont à peu près identiques. L'industrie des fonds communs est une industrie rentable—je ne suis pas ici pour crier à la misère. Pour les banques, nouvelles venues qui utilisent leurs réseaux de succursales et la structure d'établissement des prix de quelqu'un d'autre pour écrémer un marché, comme ils entendent le faire avec le crédit-bail et les assurances, ces services sont très rentables. En mars 1994, les banques canadiennes détenaient approximativement 18 p. 100 du marché des fonds communs. Aujourd'hui, alors que le marché n'a pas moins que triplé—triplé aurait été plus juste il y a trois ou quatre semaines, avant que les marchés ne dégringolent, mais continuons de parler de triplé—elles détiennent plus de 30 p. 100 du marché. Est-ce une coïncidence si un récent sondage mené par la SADC a permis de constater que les détenteurs de fonds communs des banques pensent à tort que leurs placements sont protégés contre les déclins du marché?

Sans compter les nombreux caissiers de banque qui sont devenus des vendeurs de fonds communs à licence restreinte, environ 10 p. 100 de tous ceux qui travaillent dans l'industrie des services financiers sont désignés soit comme courtiers indépendants, soit comme agents d'assurance. Ceci représente approximativement 50 000 personnes au Canada, couvrant des petites villes comme Swift Current en Saskatchewan, Red Deer en Alberta ou Port Dover en Ontario, qui gagnent leur vie en donnant des conseils sur les produits financiers, principalement les fonds communs et les produits d'assurance. Ces gens qualifiés sont notre force de vente indépendante. Ceux-ci, tout comme les banques au Canada, rivalisent pour attirer les mêmes personnes—les personnes retraitées au revenu raisonnablement élevé, les gens d'affaires ou les entrepreneurs dans le groupe d'âge des 40 à 70 ans. Ce type de client est à la base des profits de l'industrie de la gestion.

Nous sommes tous conscients de la croissance fantastique de l'industrie des fonds communs au Canada et, à partir d'aujourd'hui, de la croissance à venir de l'industrie des fonds communs. Ce qui n'a pas été remarqué, c'est le changement rapide des pouvoirs parmi les divers participants dans ce domaine en pleine croissance. Ce changement structurel est dû à bien des raisons, la plupart d'entre elles convergeant vers la puissance et les relations avec les clients de la communauté bancaire au Canada.

La balance des pouvoirs est en train de passer très rapidement des gestionnaires de fonds communs indépendants comme Dundee aux très puissants distributeurs de fonds communs, un groupe qui est aujourd'hui dominé par les banques. De plus, il existe une petite poignée de grands entreprises de planification financière, qui elles aussi sont sur le point de connaître une croissance rapide.

• 1445

Récemment, les répercussions du rapport Strombert de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a contribué à faire pencher la balance en faveur des banques et les institutions qui possèdent une force de vente interne. Comme un «fabricant», par exemple, l'organisation Dundee/Dynamic n'a pas la capacité d'offrir des primes disproportionnées au circuit de distribution indépendant. Le circuit de distribution des banques, doté d'une force de vente interne et de la possibilité d'inventer des produits, peut faire ce qui lui plaît. Les banques peuvent offrir des primes sur les ventes pour vendre des produits qui lui appartiennent au lieu des produits indépendants, ce qui crée dès lors une distorsion. Cette distorsion peut à la longue pénaliser le consommateur. Doug Charter se fera un plaisir d'élaborer sur le sujet si quelqu'un désire en savoir plus sur la façon dont les banques procèdent.

Comme je l'ai dit, nous avons besoin de plus de banques, pas de moins, et, en ce sens, nous appuyons les initiatives proposées dans le rapport MacKay à cet égard. En fin de compte, aucune nouvelle banque ne réussira si elle ne recrute pas de nouveaux clients. Il nous faut comprendre que pour créer une banque et gagner une part du marché, il faut faire une mise de fonds très importante et s'attendre à un bon nombre d'années de pertes. Les banques indélogeables n'auront pas beaucoup à s'inquiéter de cet obstacle. Ce qu'espère le rapport, c'est que si elles ne grossissent pas, les grandes banques laisseront ces nouvelles banques seules. Il ne s'agit pas là d'un encouragement très grand pour un entrepreneur qui voudrait prendre un risque financier.

Même dans le domaine des sports les dirigeants savent que lorsqu'ils ajoutent des équipes à une ligue établie, ils doivent affaiblir les équipes existantes pour enclencher la formation d'un produit de divertissement rentable et pour que les nouvelles équipes soient sur un pied d'égalité. La création d'une nouvelle banque, selon les recommandations du rapport, ressemble à la création d'une nouvelle équipe de baseball dans une ligue où les équipes déjà établies commencent chaque manche avec un coureur sur le troisième but. Ce qui n'améliore pas les choses, c'est que la direction des équipes existantes croit et veut aussi nous faire croire qu'elles ont en fait frapper un triple alors que personne ne regardait.

Quant à nous, chez Dundee Bancorp, notre vision est que nous voulons opérer dans tous les secteurs dans lesquels les banques canadiennes opèrent actuellement. Ce qui signifie, essentiellement, tous les aspects de la gestion de la richesse et des services financiers—une organisation axée sur les services bancaires relatifs aux placements et sur la gestion de la richesse. Nous sommes une entreprise canadienne indépendante au service des entreprises et des individus et, un jour, nous l'espérons, du gouvernement. Nous aspirons à offrir les mêmes produits que les banques.

On a donné aux banques un filet de sécurité, qui s'ajoute à l'intégration des clients, ce qui constitue décidément pour elles un avantage pour ce qui est du coût du capital, qui leur permet de participer aux investissements dans le capital de risque, aux services de banques d'affaires et aux titres participatifs, mais plus encore, d'obtenir du financement pour l'acquisition de concurrents ainsi que pour la croissance externe, tout ceci au détriment des autres intervenants du secteur financier qui ne bénéficient pas de l'effet de levier financier ni des garanties de la SADC, pour qui les frais sont plus élevés et qui obtiennent plus difficilement du financement.

Le rapport MacKay propose ce que nous appelons une banque de deuxième rang. Malheureusement, en raison de leur taille restreinte, ces banques seront considérées comme de deuxième classe, et on peut penser que les consommateurs préféreront continuer de faire affaire avec une banque de première classe. Créer une nouvelle banque de détail représente un défi de taille sur le plan de l'image et de la marque de commerce.

Certaines banques croient, et le rapport MacKay le reconnaît, que les banques devraient grossir pour être compétitives sur le plan international. Elles croient que les profits résident dans les services bancaires de gros internationaux et les services bancaires d'investissement. Les services bancaires de détail, autres que ceux qui sont liés à la gestion de la richesse, ne représentent en effet qu'une faible marge bénéficiaire. Malheureusement, l'intention du rapport MacKay est de créer de nouvelles petites banques de détail dans ce secteur à faible marge bénéficiaire.

Nous avons certaines propositions à ajouter à celles du rapport MacKay.

Tout d'abord, pour ce qui est de la distribution, il n'est pas viable d'envisager une réforme du secteur des services financiers en ne tenant pas compte de la position qu'occupe le circuit de distribution et de la domination de la distribution par le secteur bancaire. Le circuit de distribution est l'un des secteurs qui connaît l'évolution la plus rapide et qui réagit le plus rapidement dans le secteur des services financiers. Il ne sert à rien de regarder dans un rétroviseur, ce qui importe c'est de regarder vers l'avant pour déceler les tendances qui se dessinent.

Le problème que nous connaissons actuellement réside en très grande partie de la décision prise en 1987 à l'effet de décloisonner les quatre grands piliers, ce qui a permis aux banques de dominer le marché des services bancaires d'investissement. Dans une large mesure, examiner cette question maintenant, c'est comme de vouloir retourner le génie dans la bouteille. Cependant, pour s'assurer d'atteindre les objectifs de la réforme du secteur financier à l'effet d'offrir aux clients des services compétitifs et rentables, il est nécessaire d'examiner le processus de distribution. Pour ce faire, il faut une bonne compréhension de la réglementation provinciale en la matière. Si l'on ne s'assure pas que la réglementation provinciale vise à établir un équilibre entre les différents fournisseurs de services financiers, toute initiative fédérale visant à favoriser la concurrence est vouée à l'échec.

• 1450

Nous recommandons la collaboration entre les organismes de réglementation provinciaux et fédéraux du secteur financier, munis d'un mandat clair du gouvernement de s'assurer que les règles de protection du consommateur promulguées au niveau provincial ne donnent pas par inadvertance un avantage aux canaux de distribution dominés par les grandes banques, ce qui, nous croyons, s'est déjà produit.

Tel que nous l'avons indiqué, les banques actuelles ont une considérable avance, et la création de nouvelles banques nécessitera beaucoup plus que tout simplement modifier les règlements pour permettre la création de nouvelles petites banques. Nous suggérons qu'il y ait des incitatifs qui puissent être donnés afin de s'assurer que les deux paliers de banques de deuxième rang puissent être créés et se développer. Nous avons les suggestions suivantes à prendre en considération.

Tout d'abord, les banques canadiennes de deuxième rang qui ont moins de 1 milliard de dollars de capitaux devraient pouvoir fournir une protection de la SADC pour les dépôts dans ces banques de 120 000 $ par compte au lieu de 60 000 $ offerte par les banques qui vont devenir des banques de premier rang. C'est quelque chose de possible; cela peut être offert sur plusieurs années ou on peut y rattacher une clause de droits acquis ou quelque chose, mais il devrait y avoir un avantage à être une banque de deuxième rang.

Le recours à des sociétés de portefeuille bancaire ne devrait pas être permis pour les banques de premier rang et les propriétaires des banques de deuxième rang qui ont moins de 1 milliard de dollars ne devraient pas se voir imposer des restrictions, du moins jusqu'à ce qu'ils atteignent la catégorie de 1 milliard de dollars.

Les banques de deuxième rang auront besoin d'avantages fiscaux plus importants en plus de l'impôt sur le capital suggéré. On devrait permettre aux banques de deuxième rang de pouvoir reporter des pertes fiscales illimitées en ce qui concerne les pertes de capital et les pertes d'exploitation et il ne devrait y avoir aucune canalisation de ces pertes dans l'éventualité d'un changement de contrôle de la banque. En plus, ces pertes devraient pouvoir être transmises à la compagnie mère ou au public, les contribuables canadiens, par le recours de mécanismes de partage de transferts, permettant ainsi à d'autres contribuables de radier ces pertes de façon à ce que les banques de deuxième rang puissent amasser du capital de façon efficace.

En raison des importants investissements dans la technologie qui seront nécessaires pour ces nouvelles banques, nous suggérons qu'il y ait une super radiation pour les dépenses liées à la technologie engagées par les banques de deuxième rang. Encore une fois, ces dépenses devraient pouvoir être transférées à la compagnie mère ou être transférées à d'autres contribuables canadiens. Nous aimerions également souligner que ce mécanisme constituerait un énorme incitatif à l'industrie fondée sur la connaissance au Canada. Les dépenses peuvent être clairement rattachées au fournisseur de la technologie fondée sur la connaissance qui est canadien.

Cinquièmement, les banques de premier rang devraient, lorsqu'elles forment un consortium avec d'autres banques pour un prêt, mécanisme qui est un fait très répandu, être tenues d'inclure les banques de deuxième rang dans une proportion de ces consortiums. Nous recommandons 25 p. 100.

Sixièmement, les agents de placement, qui appartiennent à 100 p. 100 aux banques de premier rang, devraient être tenus de permettre aux agents de placement affiliés aux banques de deuxième rang de participer à au moins 25 p. 100 de leurs syndicats financiers.

Septièmement, une banque de premier rang qui ferme une succursale devrait être tenue d'aviser les banques de deuxième rang et vendre la succursale à une banque de deuxième rang si cette dernière est intéressée à acheter. En outre, la banque de premier rang devrait être tenue d'informer ses clients du changement de propriétaire de la succursale au cours de la période de fermeture.

Le plus grand sujet de débat de nos jours, qui était évident alors que j'écoutais les propos du témoin précédent, est les deux projets de fusion des banques. Je ne peux pas partir d'ici sans parler de la réforme du secteur financier et sans communiquer mes opinions sur les fusions actuellement projetées.

Tel que je l'ai indiqué, je suis d'avis que nous avons besoin d'un plus grand nombre de banques, et non d'un plus petit nombre. À mon avis, les fusions ne feront qu'aggraver et que compliquer les problèmes qui confrontent quiconque essaie de faire concurrence aux banques étant donné qu'elles augmentent continuellement leur domination du secteur de la gestion de la richesse. Même avec les propositions pour des institutions financières de deuxième rang, les capacités de ces institutions de deuxième rang de faire concurrence seront réduites de façon significative si les grandes banques sont autorisées à se fusionner et à devenir encore plus grandes. Si la différence de taille entre les banques de premier rang et les banques de deuxième rang augmente, la probabilité de réussite des plus petites banques diminuera.

Il y en a certains qui prétendent que nous mettons en péril notre vie économique en comparaissant aujourd'hui devant votre comité avec des commentaires négatifs au sujet des grandes banques, en particulier en parlant de façon négative de leur fusion. Peter Godsoe, de la Banque Scotia, a été pratiquement le seul à encaisser les critiques contre la fusion. Bien que je mette la Banque Scotia dans la catégorie des grandes banques, je connais Peter depuis de nombreuses années. Je n'ai aucune difficulté à comprendre ce qu'il dit. C'est un homme honnête dont le premier souci, comme pour nous, est le client. Je le félicite de s'être levé et de se battre pour ce qu'il croit être juste pour le Canada et les Canadiens, et j'ai hâte de pouvoir lui faire concurrence sur un terrain égal dans l'industrie bancaire.

• 1455

Merci d'être restés par un si beau vendredi après-midi à tous ceux d'entre vous qui l'ont fait. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions. Vous pouvez les adresser à Don Charter, à moi-même ou à John Kaszel, parce qu'il ne me laissera pas parler pour IFIC.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Goodman pour votre exposé très détaillé.

Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Goodman pour votre excellent exposé. C'est une mine de renseignements. J'aime votre analogie des équipes qui ont un joueur au troisième but et je peux certainement voir ce dont vous parlez.

Ma question porte sur la position jouée par le canal de distribution et la domination du canal de distribution dans l'industrie bancaire. Supposons qu'à la fin de la journée les fusions n'étaient pas autorisées, mais qu'on mettait un grand nombre d'autres recommandations en place qui permettraient à votre entreprise, et ainsi qu'à de nombreuses autres, de s'implanter dans le milieu bancaire, tel que vous nous l'avez dit. Est-ce que le système actuel ne domine pas déjà les canaux de distribution? Ils ont la grande liste, la base de données. Comment est-ce qu'une entreprise comme la vôtre, qui veut faire concurrence directement aux banques à de si nombreux égards, parvient à pénétrer dans ce canal de distribution? Quelle méthode utilisez-vous en premier lieu pour le faire?

M. Ned Goodman: Ce serait fait avec beaucoup de difficultés de toute évidence, et avec grandes dépenses. La concurrence se résume toujours à l'innovation, la capacité de créer un meilleur produit à un meilleur coût et de fournir un meilleur rendement. C'est ce que font les entrepreneurs. Nous ne nous attendons pas à être en mesure d'obtenir la marge de profit élevée qui est actuellement là et espérer que nous allons réussir. Nous savons que nous devrons être meilleurs à ce que nous faisons. Nous sommes parvenus là où nous sommes parce que nous sommes les meilleurs à ce que nous faisons.

Les organismes de réglementation ont établi sur une base provinciale des règlements qui favorisent les institutions bancaires. Si j'étais un organisme de réglementation, je voudrais avoir une grande banque à laquelle je pourrais m'en prendre si elle commettait une faute plutôt qu'une petite entreprise. C'est pourquoi la principale recommandation parmi les sept ou huit que nous avons formulées est d'avoir un terrain équitable au niveau de la distribution de sorte que nous puissions tous faire concurrence ensemble en fonction d'un coût faible, du rendement et de l'efficience.

Il y a de la place et nous pouvons réussir. C'est une dure bataille, mais pour utiliser de nouveau l'analogie du baseball, si nous sommes pour laisser s'implanter une nouvelle équipe, vous devez avoir des choix au repêchage. Nous devons pouvoir assumer certaines des succursales que les banques ne veulent pas. Nous devons avoir quelques autres avantages, du moins jusqu'à ce que nous puissions devenir rentables. C'est faisable, mais il faudra travailler fort.

M. Dick Harris: Je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est faisable. Je crois que le groupe de travail MacKay prend des dispositions pour avoir un terrain égal. Tel que vous l'avez indiqué, il y a quelques améliorations qui pourraient être apportées. Je pense que l'esprit d'entrepreneuriat est toujours bien vivant au Canada, et votre entreprise en est certainement une preuve éloquente.

• 1500

Je tiens à vous assurer que je vais m'imprégner de tous les renseignements que vous avez fournis. C'est bien rédigé; c'est une bonne perspective.

Je n'ai pas d'autres questions, mais je tiens à vous remercier une fois de plus pour votre excellent exposé. J'espère que nous pourrons vous appeler s'il y a un point qui a besoin de clarification.

M. Ned Goodman: C'est pour cette raison que nous inscrivons nos numéros de téléphone au bas. C'est un numéro local, soit dit en passant. Il sonnera à Toronto.

M. Dick Harris: Merci beaucoup, je détiens des fonds de placement Dynamic, soit dit en passant.

Le président: Merci, monsieur Harris.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président et merci pour votre exposé inspirant.

J'aurais quelques commentaires. Pour ce qui est de l'industrie du courtage—et je partageais votre préoccupation, et continue de la partager, en ce qui a trait à la domination par les banques de l'industrie du courtage. Ceci étant le cas, il y a plus d'entreprises de courtage aujourd'hui qu'il y en avait à l'époque où les banques achetaient les entreprises de courtage parce qu'il y a une demande pour des entreprises de courtage non associées à des banques d'un point de vue de la commercialisation.

Vous avez fait allusion à un point fort des banques à charte en ce qui concerne la stabilité et la taille. Elles ont également un talon d'Achille vis-à-vis du public, et c'est qu'il y a des groupes importants de gens, y compris des entrepreneurs, qui n'aiment pas faire des affaires avec les grandes banques à charte s'ils peuvent s'en passer. Je supposerai donc qu'il y a une importante occasion de commercialisation, de votre point de vue en ce sens, à pénétrer.

On en a également eu un bon exemple à l'époque—j'ai vécu aux États-Unis pendant quelques années et il y a plusieurs fusions. Je pense à la fusion de Citibank et de Chase lorsque j'étais là-bas. Immédiatement après cette fusion, les annonces à la télévision, dans les journaux et sur les panneaux publicitaires disaient que vous n'aviez pas à être avec les grandes mégabanques. Vous pouviez faire affaire avec Joe's Bank ou la Regional Bank of Bangor ou peu importe; il y avait une occasion de ce point de vue.

Je supposerais donc qu'il y a une importante occasion pour vous.

M. Ned Goodman: Les statistiques sont trompeuses. Vous avez tout à fait raison, il y a une certaine catégorie de personnes qui disent «Une banque vient de prendre le contrôle sur mon entreprise et je ne veux pas travailler pour une banque». Cette personne part et démarre une autre entreprise. Avec la technologie de nos jours, il est tout à fait possible de l'emporter sur un grand nombre de vos exigences. Vous avez un courtier en valeurs mobilières regroupant une, deux ou trois personnes qui s'inscrit sur la liste, et lorsque vous additionnez tous les noms, vous en avez un grand nombre de plus.

De toute évidence, 80 p. 100 de l'industrie du courtage au détail est dominée par les banques. Si vous dites que Merrill Lynch est une banque, comme je le fais—parce que je ne sais pas ce qu'ils sont d'autre—sa récente prise de contrôle de Midland amènerait ce nombre à plus de 90 p. 100. La tranche de 10 p. 100 qui reste est une très longue liste de noms de particuliers.

M. Scott Brison: Le cas de la Merrill Lynch est intéressant en ce sens que pour un grand nombre de personnes qui s'opposent à la domination par les banques des entreprises de courtage, qui se tournaient vers Midland Walwyn comme le sauveur, ils sont un peu désappointés maintenant du fait que non seulement Merrill Lynch—vous lui avez fait référence en tant que banque—les a achetés, mais en fait un grand nombre de ces emplois au siège social qui auraient été à Toronto sont maintenant à New York. Ce n'est pas le même exemple que nous avons utilisé pour être capables pour soulever une opposition aux banques canadiennes qui agissent en tant qu'entreprises de courtage. Je pense que c'est peut-être analogue à là où nous en sommes maintenant en ce qui concerne la fusion éventuelle des banques.

Vous avez mentionné également que les caissiers et les caissières n'ont pas une grande expertise dans la vente de fonds communs de placement. Je serais d'accord avec vous. Ceci étant dit—et encore une fois, je commencerais par vous dire que je me place du point de vue où j'ai beaucoup de difficulté à concevoir les banques dans le marché du courtage, et c'est en partie parce que mon père a travaillé pour la Banque de Commerce dans les années 40 et a fait carrière en tant que courtier en valeurs mobilières. Après avoir exploité un magasin de campagne pendant environ 30 ans, il a abouti comme courtier en valeurs mobilières dans les années 60. Il était dans l'industrie du courtage et il a travaillé pour l'une des compagnies dont les banques ont pris le contrôle. Il était à une étape de sa vie où il disait qu'il ne voulait plus travailler pour une banque, et il est l'une des personnes qui ont quitté et il a démarré sa propre entreprise avec un groupe d'autres personnes et il exploite une entreprise de courtage.

• 1505

Je ne suis donc pas en faveur des banques dans le domaine du courtage, mais je dirais que la Banque TD, par exemple, a fait un assez bon travail dans la distribution des fonds communs de placement et que la qualité des conseils qu'elle donne...

Je ne pense pas qu'il soit juste de dire que les caissiers et les caissières...

M. Ned Goodman: Je pense que vous devez faire la distinction parce que la Banque TD compte vraiment quatre systèmes de distribution directement à la banque. Elle a fait un meilleur travail en ce qui concerne la formation de ses employés et elle a donc ses propres caissiers et caissières; elle a TD Evergreen, qui n'est rien d'autre qu'une organisation de planification financière; elle a TD Ligne Verte, qui est un courtier à escompte; et elle a une entreprise de courtage standard.

Donc oui, étant partie de rien, elle s'en tire mieux mais ce n'est pas le cas sur toute la ligne et je pense que TD est toujours la seule banque qui vendra d'autres fonds communs de placement par l'intermédiaire de son système de succursales.

M. Scott Brison: Croyez-vous sincèrement que les spécialistes de l'assurance qui ont une formation dans les fonds communs de placement seront mieux que les spécialistes des banques qui ont une formation dans les fonds communs de placement?

M. Ned Goodman: Absolument. Les spécialistes de l'assurance ont été des planificateurs financiers pendant des années. Ils suivent des périodes de formation. Ils acquièrent la compétence et cela a été démontré. Ce ne sont pas tous les spécialistes de l'assurance qui sont accrédités pour les fonds communs de placement, mais ils obtiennent une accréditation complète et ils reçoivent tous de la formation.

M. Scott Brison: En ce qui concerne les modifications au système de paiement, un des avantages actuels est une exemption de 10 années de l'impôt sur le capital pour les banques qui n'ont qu'une exigence de 10 millions de dollars en capital, ce qui est passablement faible.

J'aime vraiment quelques-unes des suggestions que vous avez faites pour ce qui est d'accroître la possibilité de créer de nouvelles banques au Canada. Je pense que c'est une excellente idée. Lorsque je les examine, mon impression personnelle est que, si nous devions mettre en oeuvre un certain nombre d'entre elles en plus de ce que le groupe de travail MacKay a recommandé, les fusions ou les occasions mêmes de fusion, les possibilités de créer ces nouvelles banques seraient très importantes et nous constaterions tout de même une amélioration dans la qualité du service aux Canadiens, avec ou sans les fusions.

M. Ned Goodman: L'analogie que j'aime utiliser est que je vais skier au Colorado chaque année et chaque fois que j'ai besoin d'argent, je vais à la banque locale. La banque locale s'appelle Snow Bank. C'est une banque à une succursale et elle a un capital inférieur à 1 million de dollars. Je me rends là et je peux encaisser un chèque et obtenir de l'argent sur ma carte American Express. Je peux acheter un bond du Trésor. Je peux acheter un fonds de placement. Je peux virer de l'argent dans mon compte au Canada. Je peux obtenir tous les services que je peux obtenir dans une banque canadienne et je peux le faire tout en parlant au président de la banque, qui est sur place. Elle est située dans la ville de Dillon, au Colorado et je pense que la population de Dillon, en d'autres temps que pendant la saison de ski, est peut-être de 2 000 personnes, et la banque est rentable.

M. Scott Brison: Et c'est complètement sur le descendant, une pente glissante.

M. Ned Goodman: C'est la pente glissante de Matt.

M. Scott Brison: Je supposerais qu'à long terme, pour ce qui est de l'accès au capital pour les entrepreneurs au Canada, en fait l'émergence de ces nouvelles banques a un potentiel important.

Pour ce qui est de l'un des avantages du système bancaire américain, il y a en fait une étude qui a été réalisée à la fin des années 80 où on comparait la concentration de richesse au Canada à la concentration de richesse aux États-unis. Au début du siècle, la richesse au Canada était beaucoup concentrée. Aux États-Unis, elle l'était également, avec les duPonts ou les Vanderbilts, les Rockefellers ou qui que ce soit d'autre. Depuis, aux États-Unis la richesse s'est dispersée et elle est entre les mains d'un grand nombre de personnes, et cela ne s'est pas vraiment produit au Canada. L'étude établissait une comparaison entre les deux systèmes bancaires et elle concluait qu'en réalité le système bancaire aux États-Unis était plus favorable à l'esprit d'entreprise et à l'accès au capital et qu'en bout de ligne il y avait plus d'occasions qui s'offraient.

• 1510

Je vous suggérerais si vous allez dans le Maine et qu'on vous refuse à la Bank of Bangor, vous pouvez aller à la Bank of Bath; si vous êtes en Georgie et qu'on vous refuse à la Bank of Snellville, vous pouvez aller à la Bank of Loganville, qui est à peu près à 30 milles de là.

Je pense donc que les possibilités sont importantes, avec ou sans fusions. Je pense que l'émergence de ces nouvelles banques et que les changements apportés au système de paiement sont tout à fait positifs si nous pouvons...

M. Ned Goodman: Nous sommes totalement en accord. Je n'ai rien contre les fusions en soi. Je pense que lorsque vous avez un système enchâssé qui est en place depuis si longtemps, vous devez y penser à deux fois avant de le rendre encore plus enchâssé.

M. Scott Brison: C'est très difficile pour moi d'être machiavélique à ce sujet, mais si vous y pensiez d'un point de vue de la commercialisation, il y a certains arguments qui devraient vous rendre passablement heureux si les fusions vont de l'avant, si le public ne les appuie pas nécessairement, et vous avez ces conditions en vertu desquelles vous pouvez vous implanter comme nouvelle banque, ou les nouvelles banques peuvent... Je veux dire, d'un point de vue de la commercialisation, les possibilités...

M. Ned Goodman: Je peux vous assurer que nous sommes sur le bord de cette décision et qu'elle peut aller dans un sens comme dans l'autre.

M. Scott Brison: Très bien. Magnifique. Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Goodman, vous êtes un entrepreneur.

M. Ned Goodman: J'aimerais le penser.

Le président: C'est une expression positive, je suppose.

M. Ned Goodman: Je la considère comme une expression positive.

Le président: Magnifique. Et je pense que l'un des principaux éléments du rapport du groupe de travail MacKay est en fait de créer plus qu'un esprit d'entreprise au Canada. Que pensez-vous des principales recommandations qui veulent que nous devrions songer à atteindre ce but?

Deuxièmement, considérez-vous le groupe de travail MacKay comme un ensemble ou pensez-vous que nous devrions avoir une sorte de période de transition pour un certain nombre de recommandations?

M. Ned Goodman: Le principal ingrédient est, tel que je l'ai dit plus tôt, le mode de distribution. Si nous sommes pour inviter... On peut parler de banques électroniques, on peut parler d'Internet, on peut parler de toutes sortes de choses, mais comme le souligne continuellement Peter Godsoe, la part du marché de l'industrie bancaire au Canada n'a à toutes fins pratiques pas changé au cours des quarante dernières années. Les banques sont toutes exactement à la même place. Elles offrent toutes un certain service Internet et elles offrent toutes des services électroniques.

Il y a un mythe qui veut que les briques et le mortier soient une responsabilité dans le réseau de succursales. Je considère les briques et le mortier comme étant un actif dans le réseau de succursales. Il y a même des discussions entre les banquiers à l'effet que le retrait du réseau des succursales était une erreur parce que l'argent véritable provient, comme l'a dit M. Barrett, non seulement des services aux petites entreprises... Je pense que je l'ai même écrit. Il a dit «Une femme ou un homme en charge d'une petite entreprise ne fait pas la distinction entre les services bancaires personnels et les services bancaires d'entreprises».

Donc, si quelqu'un doit venir et vous confier ses services bancaires d'entreprises, cette personne va probablement acheter ses fonds de placement, elle va probablement vous confier sa comptabilité de paye, elle va probablement vous confier un grand nombre de choses. Et pendant que vous ne faites peut-être pas d'argent en lui prêtant de l'argent pour son entreprise, vous faites de l'argent sur tous les autres produits, et vous en faites passablement.

Mon opinion en tant qu'entrepreneur est que vous ne devriez pas faire d'argent sur le processus de distribution. Lorsqu'un fabricant de vêtements compte sur les services d'un vendeur qui vend, il ne s'attend pas à faire de l'argent sur son vendeur. Il fait de l'argent sur la fabrication du produit. Le vendeur est une dépense. Donc le système de distribution, bien qu'il soit une dépense, est une dépense pour créer des profits.

Dans mon esprit, l'élément principal de l'ouverture du pays au système bancaire entrepreneurial est d'ouvrir le système de distribution, qui a été restreint. Et il est restreint pour diverses raisons. La première, la plus importante, est que les banques se sont enchâssées dans le client. J'irais même jusqu'à dire que chaque personne dans cette salle a un compte bancaire auprès de l'une des sept grandes banques du pays. Cela fait tout simplement partie de la vie. Chaque entreprise a un compte bancaire.

Donc nous sommes destinés à être les clients de cette banque et maintenant cette banque s'est éveillée au fait qu'elle peut nous vendre d'autres produits. Il y a beaucoup de discussions sur les ventes liées. J'écoutais M. Barrett répondre à la question, et je pense qu'il a répondu de façon tout à fait correcte. Les ventes liées ne sont rien d'autre qu'une réalité de la vie; cette une réalité commerciale. Si le client vous appartient, vous allez essayer de lui vendre le plus de produits possible. Je veux dire, c'est tout simplement des affaires. Autrement, nous devrions avoir des programmes utilitaires.

• 1515

Donc l'élément clé est la distribution, l'ouverture du système de distribution. Et la partie la plus importante de l'ouverture du système est d'obtenir des organismes de réglementation provinciaux, qui dans leur recherche d'offrir des règles de prudence pour le consommateur ont une fois de plus fait pencher le système de distribution en faveur des banques.

Le président: Monsieur Kaszel, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. John Kaszel: Pour ce qui est des possibilités qui existent pour l'industrie des fonds de placement, j'ai fait référence au système canadien de paiement. Il n'y a aucun doute maintenant que les Canadiens sont très impliqués dans les fonds de placement et pour que nous puissions aller de l'avant, nous avons besoin d'un accès aux outils qui appartiennent à l'heure actuelle aux banques, et c'est la capacité de vendre des fonds par l'intermédiaire du système canadien de paiement.

Je penserais que nous avons besoin d'un plus grand accès aux possibilités. Et dans le cas d'organisations comme celle de M. Goodman, qui est un entrepreneur, il envisage de faire croître son commerce et il est prêt à relever le défi, nous serions très en faveur au sein de notre organisation de lui donner cette possibilité. Nous croyons que le rapport MacKay a présenté de nombreuses possibilités. J'ai en fait parlé d'importantes ramifications, et le rapport a démontré certaines façons selon lesquelles les institutions sans dépôt peuvent s'approcher considérablement de la prestation de meilleurs services et de services plus nombreux à leur clientèle.

Le président: Y a-t-il d'autres questions de la part du comité?

Au nom du comité, j'aimerais vous remercier beaucoup de votre exposé et de votre apport à notre étude. Comme vous le savez, ce sera un exercice très exigeant parce que chacun soumet diverses perspectives sur une question qui est un peu compliquée à l'occasion. Mais c'est grâce à l'aide de personnes comme vous qui travaillez dans l'industrie et qui êtes au courant de la réalité quotidienne de votre secteur que notre travail sera facilité. Merci beaucoup.

La séance est levée.