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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 février 1999

• 0907

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La séance est ouverte.

Ceci est la première de nos séances tenues en prévision de la réunion ministérielle de l'OMC qui aura lieu en novembre prochain à Seattle. C'est bien cela, monsieur le ministre? On avait à l'origine prévu une séance d'information donnée par les hauts fonctionnaires du ministère, mais le ministre a eu l'amabilité d'accepter d'être avec nous pour le début de cette séance.

Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je crois comprendre que vous ne pouvez rester qu'environ 40 minutes.

L'honorable Sergio Marchi (ministre du Commerce international, Lib.): Je crois qu'il était prévu que nous restions jusqu'à 10 heures. Je suis un peu en retard et je resterai donc un peu plus longtemps.

Le président: Très bien. Je suis sûr que nous aurons quelques questions à vous poser. Peut-être pourriez-vous commencer tout de suite afin que nous ne perdions pas de temps. Merci beaucoup d'être venu.

M. Sergio Marchi: Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir invité à comparaître devant vous ce matin au début de vos audiences pancanadiennes sur les négociations futures à l'Organisation mondiale du commerce.

Je déposerai une déclaration complète—j'espère que vous l'avez reçue—qui couvre les questions clés qui, de l'avis de notre gouvernement, seront débattues dans le cadre de ces nouvelles négociations à l'OMC. Ce matin, pour faciliter le dialogue, je ne m'arrêterai que brièvement sur certains des points essentiels contenus dans cette déclaration.

Tout le monde conviendra que nous vivons à une époque passionnante. Dans le monde entier, des barrières commerciales tombent, des débouchés s'ouvrent et les Canadiens ont davantage la possibilité d'en profiter. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Toutefois, beaucoup de gens suivent difficilement la cadence et le trajet du changement. Pour eux, c'est une descente sur un chemin qu'ils ne comprennent pas bien. C'est pourquoi, monsieur le président, je suis très heureux que votre comité ait accepté mon invitation d'aider les Canadiens à essayer de comprendre leurs aspirations face à ces nouvelles négociations ainsi que leurs préoccupations au sujet de l'OMC et, de façon générale, du commerce international et des investissements.

• 0910

Il me semble important non seulement de consulter mais également d'essayer de ménager un consensus national sur les intérêts du Canada qui sont en jeu dans les prochaines négociations et sur ce que nous devrions viser. Ces audiences s'inscrivent aussi dans un cheminement critique tout à fait approprié parce que, comme vous l'avez dit, monsieur le président, les ministres de l'OMC se réuniront à la fin de l'année à Seattle pour amorcer un nouveau cycle de négociations.

Ces audiences complètent aussi le travail de nos collègues du comité de l'Agriculture car, comme vous le savez, l'agriculture et les services sont à l'ordre du jour des négociations de cette année. Donc, lorsque nous nous rendrons à cette réunion, grâce à votre comité et à d'autres moyens, nous aurons pu sonder l'opinion des Canadiens de tous les milieux et de toutes les régions du pays.

Dans ce débat, il y a un certain nombre de thèmes qui me semblent essentiels. Tout d'abord, il faut essayer d'évaluer les progrès déjà réalisés. Pour pouvoir comprendre le chemin qu'il nous reste à parcourir, il faut comprendre le chemin que la communauté internationale a déjà parcouru. Le cycle d'Uruguay, achevé il y a cinq ans, avait duré sept ans et a permis de grandement renforcer le système commercial en libéralisant les échanges et en élargissant les règles du jeu tout en instituant des mécanismes efficaces pour la résolution des différends.

Ces trois résultats ont aidé le Canada plutôt que d'entraver sa croissance puisque notre économie est fortement tributaire du commerce. Quarante pour cent de notre PIB dépend directement des exportations; cette libéralisation est donc très nécessaire, de même que les nouvelles règles et les mécanismes visant à régler les différends. Nous avons donc certainement profité du cycle d'Uruguay, tant du point de vue de notre expansion économique que du fait que les règles empêchent la force de primer sur le droit. Il reste toutefois bien des questions à régler et beaucoup de travail à faire. On peut encore libéraliser davantage le commerce et préciser les règles.

Deuxièmement, il faut reconnaître que, contrairement au cheminement de sept ans du cycle d'Uruguay, il y a maintenant une nouvelle dynamique qui fait que le commerce est essentiellement local, tout comme la politique. Nous devrions cesser d'internationaliser le commerce et commencer peut-être à le rendre plus local parce que le commerce international n'est pas une question d'ententes ésotériques; il influe sur notre vie quotidienne, partout au pays, pour les jeunes, pour l'emploi et pour le développement des localités. Il nous faut tous, sur la scène internationale et sur la scène nationale, réussir à faire comprendre à nos concitoyens l'importance et le rôle du commerce international pour l'économie locale.

Je crois d'autre part que le commerce international fait maintenant vraiment partie du programme d'action national. On a dit que la politique étrangère s'assimile en fait à la politique intérieure, qui est liée, que cela nous plaise ou non, aux enjeux nationaux concernant l'environnement, l'investissement et les politiques sociales et culturelles. On sait aussi que ces questions ne relèvent pas exclusivement du gouvernement fédéral. De plus en plus, les administrations provinciales et municipales sont impliquées dans les questions de commerce international et d'investissement. Nous aurons une rencontre avec tous mes homologues provinciaux le 17 février afin de poursuivre ce travail de collaboration. Et pendant tout ce processus, les Canadiens ont le droit d'être entendus. En fait, les citoyens du monde ont le droit d'être entendus et c'est ce qui décidera, je crois, du succès de la prochaine étape de libéralisation du commerce.

Le troisième point est la promotion des valeurs canadiennes à l'étranger. Au moment d'entamer un nouveau cycle de négociation, il est plus important que jamais que les valeurs canadiennes soient reflétées dans les positions que nous proposons et que nous prendrons inévitablement. Le gouvernement maintient que nos échanges commerciaux nous permettent d'exporter non seulement nos produits et services, mais également nos valeurs.

• 0915

Nous n'avons jamais cru qu'il était nécessaire de vendre notre âme pour vendre nos marchandises. L'économie mondiale doit être un milieu humain où le bon gouvernement, la démocratie et la primauté du droit font partager à toutes les couches de la société les fruits de la libéralisation du commerce. Si nous nous bornons à rechercher des marchés sans nous préoccuper des citoyens qui font partie de ces marchés, nous sommes condamnés à l'échec.

Quatrièmement, je crois qu'il nous faut fondamentalement répondre à la question suivante: Avons-nous besoin d'autres négociations? Il pourrait être tentant de marquer une pause, de consolider les acquis, de respirer un peu. Ce serait tentant, mais ce serait une erreur, non seulement parce qu'il reste beaucoup à faire suite au cycle d'Uruguay mais également parce que les pratiques commerciales et les technologies évoluent rapidement. Nous devons entrer dans le nouveau millénaire avec des règles qui reflètent la nouvelle réalité. Les règles du commerce doivent suivre le rythme.

Nous devons aussi essayer de rapprocher le monde développé et le monde en développement parce qu'il y en a dans le monde en développement qui ont l'impression que la libéralisation du commerce convient au monde développé et que les avantages ne sont pas partagés. Quand le marché s'écroule, ou que l'on constate des fluctuations dans le marché, c'est parfois encore le monde en développement qui en pâtit. Nous devons donc en tenir compte et je crois que c'est une bonne raison encore de poursuivre les négociations. Je crois d'autre part qu'il faudra que tôt ou tard l'OMC s'élargisse pour inclure les économies de la Russie, de la Chine, de Taipei, de l'Ukraine et de l'Arabie Saoudite.

Certes, l'appartenance à l'OMC comporte des privilèges et il faut donc avoir des critères d'entrée. Je pense que si nous voulons entreprendre sérieusement de rapprocher les pays développés et les pays en développement, ces pays sont très importants.

Cinquièmement, comment devrions-nous procéder et qu'est-ce que ces négociations devraient couvrir? Pour ce qui est de la forme de ces pourparlers, de l'avis du Canada le mot d'ordre doit être la souplesse. Il y avait deux opinions à ce sujet il y a environ un an. Certains voulaient un cycle général, alors que d'autres préconisent d'aborder les questions secteur par secteur. Nous sommes d'avis que les deux options posent chacune des difficultés. Un nouveau grand cycle pourrait devenir lourd et épuisant en essayant d'englober tant de questions et d'intérêts divergents. Ce serait intimidant et fatigant pour certains pays. Le tout ou rien signifie que tout progrès serait impossible durant des années.

L'approche sectorielle ne marcherait pas non plus parce qu'elle permet aux pays de «choisir». Cela crée donc beaucoup plus de perdants que de gagnants. Cette approche sectorielle ne montre pas une très grande confiance dans l'OMC quant à notre marché international. C'est pourquoi nous proposons depuis plus d'un an une solution intermédiaire, soit une discussion vaste où seraient abordés des groupes de questions et de secteurs d'une manière gérable, digestible et opportune où tout le monde trouverait son compte. Il en résulterait une «moisson hâtive» d'accords, qui créerait une dynamique à un moment crucial.

J'ai le plaisir de dire que les choses peuvent changer considérablement en une année car, très franchement, ceux qui tenaient fermement à l'approche sectorielle ou au cycle général n'y tiennent plus aussi fort et je pense que l'on peut dire qu'il y a un mouvement dans notre sens. Cela me semble positif car c'est une façon pondérée de procéder à l'échelle mondiale, surtout qu'il y a des gens dans toutes les régions du monde qui continuent à douter du bien-fondé de la libéralisation du commerce ou de la mondialisation.

• 0920

Pour ce qui est du contenu, sans préjuger de vos délibérations et de ce que vous entendrez, certains des sujets de négociation pourraient inclure des réductions additionnelles des tarifs douaniers sur les produits industriels; une réduction des barrières non tarifaires qui imposent des coûts bureaucratiques inutiles à nos exportateurs; une lutte contre l'abus par les entreprises étrangères des mesures antidumping, des droits compensateurs et des mesures de sauvegarde; l'élargissement de la portée des règles sur le commerce des services, notamment les services professionnels; un meilleur assujettissement du commerce des produits agricoles aux règles, y compris l'élimination de toutes les subventions d'exportation—nous avons été encouragés par les propos du vice-président Gore dans ce sens et nous espérons qu'ils appliqueront la même règle de 100 p. 100 aux recours commerciaux; l'expansion des règles commerciales, de manière qu'elles correspondent aux méthodes modernes de commerce international dans des domaines comme la propriété intellectuelle, le commerce électronique, la transparence dans les marchés publics et la politique d'investissement et la concurrence; l'examen des moyens de faire en sorte que les règles commerciales tiennent compte des politiques saines en matière de culture, d'environnement et de travail.

Et enfin, monsieur le président, pour ce qui est du fond des négociations, je crois que la forme doit suivre dans cette nouvelle dynamique. J'ai souvent dit que le processus de négociation d'accords commerciaux est aussi important que le fond des pourparlers. Nous devons donc ouvrir grandes les fenêtres du processus de l'OMC—un point que j'ai mentionné à la Réunion ministérielle marquant le cinquantième anniversaire de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce en mai dernier, à Genève, devant vous.

Il faut que les décideurs fassent trois choses, tant au pays qu'à l'étranger. Tout d'abord, nous devons rendre le processus dans son ensemble plus transparent. Les Canadiens veulent que leur gouvernement et les institutions internationales soient plus ouverts et plus responsables, pas moins. Deuxièmement, nous devons être plus réceptifs. Lorsque les Canadiens expriment leurs préoccupations, répondons à leurs préoccupations directement et présentons-leur les faits, ne les rejetons pas. Troisièmement, nous devons être plus inclusifs. Nous devons rallier un consensus fort sur les questions qui touchent nos gens aussi directement. Très franchement, il dit y avoir plus de monde à l'intérieur de la salle de bal du commerce international qu'à l'extérieur.

En conclusion, monsieur le président, voici l'essentiel de notre déclaration. Le Canada fait aujourd'hui figure de locomotive commerciale à un moment où le monde souscrit plus que jamais au libre-échange. Mais notre succès n'a rien d'automatique ni de prédestiné. Nous devons nous asseoir tôt à la table de façon à pouvoir façonner les discussions, comme nous l'avons fait avec tant de succès dans le passé. Nous devons continuer à travailler fort dans un monde de plus en plus concurrentiel. Nous devons protéger nos intérêts, même en projetant nos valeurs. Et nous devons veiller à ce que tous les Canadiens aient voix au chapitre pour bâtir l'avenir. C'est ainsi que nous serons en mesure d'affronter avec succès la concurrence dans la nouvelle économie.

Merci. Je me réjouis de pouvoir collaborer avec votre comité afin de nous assurer cet avenir.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous nous réjouissons aussi de tenir ces audiences. Je suis sûr que la réunion de ce matin sera un bon début.

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Merci, monsieur le président.

Le président: Faisons un tour de cinq minutes pour que l'on puisse poser plusieurs questions.

M. Charlie Penson: Nous essaierons.

Le président: Parce que si chacun en a dix, nous...

M. Charlie Penson: cinq minutes me suffisent à peine pour simplement me présenter.

Le président: Nous vous accorderons donc sept minutes.

M. Charlie Penson: Tout d'abord, je tiens à souhaiter la bienvenue au ministre, à M. Fried et à M. Klassen. Je pense qu'il sera utile de travailler avec eux à l'élaboration de la position du Canada pour ce prochain cycle de négociations, quelle que soit la forme qu'il prenne.

J'ai été intéressé par certaines de vos observations, monsieur le ministre. Je suis heureux de vous entendre dire que le ministère tient à faire avancer les choses en matière de libéralisation du commerce. Je dirais que c'est nécessaire. Vous dites aussi qu'il faut que ce soit pertinent pour les Canadiens. C'est là un gros défi. Si nous ne pouvons pas montrer pourquoi nous voulons cela, quels sont les avantages, qu'il y a des emplois en jeu, la tâche devient plus difficile. Nous avons rencontré ce genre de situation lors des pourparlers sur l'AMI. C'est simplement une observation.

• 0925

J'aurais une ou deux autres choses à vous dire, monsieur le ministre. Vous avez parlé du fait que le Canada préférerais des négociations sur certains groupes de questions. Étant donné que l'agriculture est le principal secteur qui n'a pas encore été soumis à une série de règles—il n'y a eu qu'un modeste début—et que le Canada en est revenu à son jeu de subventions... et les choses peuvent en effet beaucoup changer en une année. C'est tout à fait vrai pour l'agriculture quand on sait que l'on va remettre 1,5 milliard de dollars dans les subventions agricoles et que cela risque de continuer pendant un certain temps jusqu'à ce que nous obtenions certaines choses du point de vue commercial. Que pensez-vous que l'on pourrait négocier dans ce domaine pour aider l'Union européenne à abandonner progressivement les subventions à l'agriculture? Que peut-on lui offrir en échange?

M. Sergio Marchi: Tout d'abord, je suis bien d'accord avec vous sur le fait que ces négociations doivent sembler pertinentes aux Canadiens. C'est certainement au coeur de la nouvelle dynamique en jeu aujourd'hui. Je crois qu'il est encore plus difficile de sensibiliser nos citoyens aux avantages de l'OMC que de les sensibiliser aux avantages des ententes commerciales régionales. Les gens comprennent beaucoup mieux l'ALE, l'ALENA, ce que nous faisons au sein de l'APEC ou la raison pour laquelle nous essayons de constituer une zone de libre-échange des Amériques. C'est beaucoup plus présent que l'OMC. Je conviens avec vous qu'il va nous falloir leur faire mieux comprendre le processus, ce qui signifie aussi que l'OMC va devoir revoir la façon dont elle opère.

Deuxièmement, je ne partage pas votre conception du processus. Nous n'allons pas à Genève pour jouer un secteur contre un autre. Je ne pense pas que ce soit une façon constructive de procéder. Nous ne pouvons pas dire que si les autres diminuent leurs subventions, nous serons prêts à sacrifier tel ou tel secteur. Aucun secteur ne sera prêt à se porter volontaire.

Je pense qu'en réalité, nus préconisons une démarche plus gérable parce que tout d'abord, si on procède par secteur, on n'arrivera jamais à régler la question agricole. Je pense que si on traite uniquement de l'agriculture et des services cette année, cela risque de poser problème. Par contre, si nous tenons une longue série de négociations exhaustives, qui s'étirent sur sept ans encore, je ne crois pas que cela favorisera l'adoption de règles ou de disciplines de manière aussi rapide que nous le voudrions.

Donc je pense que la démarche par grappes est une manière plus gérable d'arriver à une solution. Il faudra qu'au bout du compte les Européens, davantage que les Américains comprennent que leurs politiques de subventions et de déclenchement d'une guerre des subventions sont tout simplement insoutenables pour la communauté européenne et pour la communauté internationale. S'ils ont l'intention d'accepter la Pologne en l'an 2002—et la Pologne compte sept millions d'agriculteurs—, cela risque d'ébranler la politique agricole commune en Europe. Donc l'Europe doit comprendre dès maintenant, dans l'intérêt de Europe ainsi que dans l'intérêt des autres pays voisins, que cette politique est simplement insoutenable.

M. Charlie Penson: J'ai une courte question supplémentaire.

L'expansion de l'Union européenne est une bonne chose mais elle sera loin de profiter aux agriculteurs canadiens aux prises avec de très graves difficultés attribuables en majeure partie aux subventions de 60 milliards de dollars versées par l'Union européenne cette année. Lorsque j'ai proposé d'aborder certains de ces aspects à la table de négociation, je ne voulais pas dire en vue d'un compromis mais pour améliorer la négociation.

Qu'en est-il de la politique sur la concurrence internationale? Qu'en est-il de l'inclusion du secteur des services? Ce sont des mesures dont le Canada peut profiter également. J'aimerais savoir en fait quels aspects, à votre avis, pourraient faire partie de cette série de négociations par grappes et seraient dans l'intérêt de nous tous, mais inciteraient l'Union européenne à renoncer à certaines mesures agricoles qui nous nuisent tant.

M. Sergio Marchi: Dans l'une des parties de mes remarques, j'ai inclus une sorte de liste des questions qui devraient être traitées à mon avis dans ce secteur, sans tâcher de préjuger ou de prédire ce que proposera la Communauté européenne. Vous avez parlé de la politique de la concurrence. Elle fait de toute évidence partie de notre liste. J'ai également mentionné toute la question des services. J'ai énuméré une série de mesures, entre autres réduire davantage les tarifs sur les produits industriels et les barrières non tarifaires. Nous avons parlé des recours commerciaux et des services, comme je l'ai mentionné. Nous avons proposé de faire en sorte que les échanges agricoles soient régis plus pleinement par les règles, y compris l'élimination des subventions à l'exportation. Nous avons parlé des façons modernes de faire du commerce à l'échelle internationale dans les secteurs de la propriété intellectuelle, du commerce électronique, de l'investissement et de la politique de la concurrence.

• 0930

Je suis donc en faveur des deux points dont vous avez parlé et j'attends avec impatience les constatations de votre comité à l'issue de ses audiences et de ses déplacements d'un bout à l'autre du pays, à propos des questions qui devraient figurer sur cette liste ou de toute question qui devrait être prioritaire sur cette liste.

[Français]

Le président: Madame Debien.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bon matin.

Monsieur le ministre, dans votre intervention, vous avez signalé que l'Union européenne, entre autres, voudrait qu'il y ait une négociation globale du millénaire, alors que les États-Unis voudraient plutôt procéder par secteur et que le Canada fait une proposition mitoyenne, soit de fonctionner par grappe. C'est ce que j'ai compris. J'aimerais que vous nous donniez un exemple concret de ce que serait une grappe.

Vous avez également dit qu'il faudrait élargir la participation à l'OMC aux pays en voie de développement. J'aimerais aussi savoir quels moyens concrets le Canada envisage de prendre—un certain nombre de moyens ont été pris lors de la rencontre de la Réunion—pour favoriser la venue des pays en voie de développement à l'OMC et leur permettre de faire une véritable négociation.

Ma troisième question porte sur les normes sociales. Est-ce que le Canada a l'intention d'en faire mention ou, à tout le moins, de participer à ces débats de façon très active pour tenter de conserver ses acquis?

[Traduction]

M. Sergio Marchi: De quels débats parlez-vous? Je n'ai pas bien compris.

[Français]

Mme Maud Debien: Je m'excuse. Je parle peut-être trop vite. J'aimerais que vous nous parliez de toute la question des normes sociales.

Voici ma quatrième question. On sait que les États-Unis exercent énormément de pressions afin qu'on ne discute pas de la question culturelle. J'aimerais également avoir votre avis là-dessus.

[Traduction]

M. Sergio Marchi: Je vous remercie de ces questions.

Je pense que la première observation c'est que l'Union européenne et les Américains semblent avoir assoupli leur position. Lorsque nous étions à Davos lors du Forum économique mondial, nous avons participé à un groupe de discussion sur le commerce avec Sir Leon, Charlene Barshefsky et les Japonais, ainsi que le ministre des Affaires étrangères du Chili. Un consensus s'est clairement dégagé en faveur d'un moyen terme. De toute évidence, les Américains ont abandonné l'idée d'une approche sectorielle; le président et le vice-président ont parlé d'une série de négociations. Parallèlement, on a utilisé beaucoup de mots—codes pour parler de certains dossiers, de certaines échéances et de certains résultats hâtifs. De toute évidence, je pense que les Américains parlent un peu plus notre langue et maintenant Sir Leon est disposé à parler d'un cycle de trois ans plutôt que du cycle exhaustif de sept ans dont il parlait il y a un an.

Donc que l'on parle de moyen terme ou de grappe, je suis simplement heureux de constater que l'on procède de façon sensée sans laisser entendre, comme le veut le dicton, qu'il ne faut pas abuser des bonnes choses.

En ce qui concerne la démarche par grappes, j'ai tâché de donner une certaine idée de ces questions mais je préfère ne pas avoir de définition exhaustive. J'ai énuméré pour vous un certain nombre de questions et je suis très curieux de voir, à la fin de vos travaux, comment cette liste se comparera aux intérêts des secteurs dont vous rencontrerez sans aucun doute les représentants.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'OMC, je pense que nous devons revoir le fonctionnement de l'OMC: quelle est la possibilité de participation du public une fois qu'un groupe spécial a terminé ses travaux; pourquoi une décision prend-elle tant de temps à être traduite; comment une décision fait-elle l'objet d'une fuite, fuite qui transmet des renseignements trompeurs.

On a l'impression que les choses se passent derrière des portes closes, et je pense qu'il faut ouvrir ce processus. Nous avons longuement parlé de la nécessité d'une réforme lors du 50e anniversaire, et ce n'est pas uniquement le Canada qui en a parlé.

• 0935

La façon dont nous travaillons avec les pays en développement est un aspect fondamental. Il faut joindre le geste à la parole. C'est pourquoi je pense que le fait qu'un certain nombre de ces pays se préparent—certains plus que d'autres—à entrer à l'OMC est un signe important. De même, la façon dont se dérouleront les négociations, la teneur et la portée de ces négociations seront autant de signes à l'intention du monde en développement. Car bien des pays en développement n'ont pas la capacité de tenir le genre de négociations, multilatérales et régionales, que tiennent d'autres pays. C'est pourquoi je considère qu'il est préférable d'opter pour une démarche par grappes afin de nous assurer que nous ne laissons pas de trop nombreux pays à la traîne au fur et à mesure qu'évolue l'OMC.

Pour ce qui est des normes sociales, il s'en trouve encore ici pour dire que nous ne devrions pas parler de l'environnement, que nous ne devrions pas parler du travail, que nous ne devrions pas parler des droits de la personne, que nous ne pouvons pas parler de la culture. Je ne prétends pas que la politique commerciale est la solution à chacune de ces questions, car ce n'est pas le cas. Mais en raison de cette nouvelle dynamique du commerce local, je ne crois pas que nous puissions faire abstraction, dans le cadre des négociations commerciales, des préoccupations qu'ont les gens au sujet de ces questions. C'est pourquoi j'estime qu'en adoptant une entente parallèle à l'ALENA, en matière de travail et d'environnement, il s'agissait d'une mesure tournée vers l'avenir et non d'une mesure négative. Je ne crois pas que la politique commerciale puisse être considérée comme la panacée à toutes ces préoccupations individuelles, mais il est à espérer que le commerce puisse être un aspect de la solution en ce qui concerne les problèmes individuels auxquels vous avez fait allusion, entre autres les normes sociales.

Enfin, en ce qui concerne la culture, il est évident que certains pays préféreront que la culture ne fasse pas partie du nouveau cycle de négociations. J'estime pour ma part qu'elle devrait en faire partie car de plus en plus les pays se préoccupent de leur identité nationale et considèrent la culture comme un intérêt national. Si les Américains peuvent invoquer l'intérêt national 17 fois par semaine, il est clair que d'autres pays ont le droit de considérer la culture comme une caractéristique importante. Je crois que nous devrons bientôt nous prononcer sur la culture dans le cadre de l'OMC et je crois que nous aurions intérêt à le faire dès maintenant.

Je ne crois pas que cela pose un grave problème en ce qui concerne l'ALENA. Je ne crois pas que cela aurait été un problème dans le cadre de l'AMI si les négociations s'étaient poursuivies. Mais je crois que l'absence de règles à cet égard à l'OMC est un problème. Je pense que nous avons besoin de règles qui définissent les formes légitimes de promotion culturelle qui ne peuvent pas être ouvertes au commerce et certaines formes illégitimes de promotion culturelle qui devraient l'être. Nous aurions alors un consensus à l'échelle internationale quant aux secteurs qui ne peuvent pas légitimement être ouverts au commerce et ceux qui peuvent légitimement faire partie du programme commercial. Le Canada se sentirait alors rassuré, et les Américains ainsi que d'autres pays pourraient compter sur le caractère prévisible du marché.

La tâche sera-t-elle difficile? Oui. À Davos, le ministre japonais a dit qu'il s'agissait d'une tâche trop difficile. Je lui ai demandé si c'était plus difficile que le commerce et le travail, si c'était plus difficile que les négociations sur l'agriculture au cours desquelles, comme Charlie l'a laissé entendre, les gens vont s'arracher les cheveux. Non, pas du tout. Tout est relatif, mais je crois que de plus en plus la culture deviendra une question que la communauté internationale devra s'efforcer de résoudre. C'est un peu comme l'annonce publicitaire: vous pouvez soit payer tout de suite, soit payer un montant beaucoup plus gros, plus tard.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

Mme Maud Debien: Est-ce tout, monsieur le président?

Le président: Oui. On essaie de s'en tenir à sept minutes, et on a pris tout ce temps.

Madame Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que j'ai trouvé votre exposé très instructif et très bien organisé. Vous connaissez très bien votre sujet et j'ai suivi vos propos avec beaucoup d'intérêt. J'ai noté en particulier vos observations concernant la culture. Je n'allais pas aborder cette question mais je suis heureuse de constater que vous êtes conscient qu'il ne s'agit pas d'un aspect fondamental de l'identité canadienne seulement. De par le monde, les pays sont très préoccupés par la façon de conserver leur identité devant l'hégémonie américaine. Je suis donc très heureuse de constater que vous comptez examiner cet aspect.

• 0940

Je me demandais, dans le cadre du mandat que vous aimeriez que nous assumions, et qui à mon avis peut être extrêmement intéressant, quelle est à votre avis l'aspect important du mandat de l'Organisation mondiale du commerce par rapport au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale. Je vous en parle tout d'abord parce que vous avez fait une observation très délicate au sujet des valeurs et des valeurs canadiennes. Je considère que les valeurs canadiennes témoignent d'une sensibilité envers de nombreux pays dont les populations sont maintenant installées ici. Le Canada constate les souffrances que vivent les pays en émergence et les pays du tiers monde et reconnaît que certaines des solutions proposées par le FMI ou la Banque mondiale pour permettre à ces pays de devenir compétitifs sur le plan commercial sont en train de détruire leurs politiques sociales et d'accroître de façon dramatique la pauvreté.

Je sais que vous étiez en Asie du Sud-Est juste avant ou après que j'y aille dans le cadre des négociations de l'ANASE. Les Philippines, la Malaisie et la Thaïlande ont décrit de façon très poignante et négative les conséquences des remèdes administrés par le FMI et la Banque mondiale pour les faire entrer dans ce nouveau monde économique. Je peux vous dire que j'ai trouvé que leurs doléances étaient fondées, car le chômage a grimpé subitement à 20 millions de personnes, ce qui représente une catastrophe économique.

Comment le Canada peut-il concilier son rôle de locomotive commerciale et celui d'un pays fondé sur des normes sociales qui se préoccupe du bien-être des populations avec qui il transige? Comment à votre avis cela est-il compatible avec les normes et procédures instaurées par le FMI et la Banque mondiale? Cela ne devrait-il pas faire partie des négociations et de l'étude que nous devrions entreprendre?

M. Sergio Marchi: Je vous remercie, Sheila. Vous avez soulevé un aspect intéressant.

Je ne suis pas sûr que cela fera partie à proprement parler des négociations, mais je considère que cela devrait faire partie de la structure générale que nous tâchons d'établir. Je pense que l'on n'a pas jeté suffisamment de ponts entre l'OMC, par exemple, et le FMI.

Bien des gens, qui connaissent sûrement mieux que moi le FMI et la Banque mondiale, considèrent que nous devons restructurer en profondeur ces deux institutions pour qu'elles soient compatibles avec la nouvelle réalité. Beaucoup soutiendraient que ces deux institutions fonctionnent encore selon une ancienne réalité. Certains proposent que le FMI soit davantage axé sur la prévention plutôt que sur la guérison, si l'on peut dire. Il faut donc qu'il existe une volonté politique de donner au FMI les moyens d'assurer la prévention, c'est-à-dire de pouvoir intervenir avant que la crise éclate. Car parfois—vous avez raison—après que la crise éclate et frappe durement un pays, surtout un pays en développement, il est difficile pour ce pays de se rétablir. Il peut lui falloir beaucoup d'années pour remettre son économie en marche.

Donc je crois que le FMI doit envisager de sérieuses réformes. Par ailleurs, le Canada fait partie des pays qui ont préconisé l'établissement d'une sorte de filet de sécurité sociale dans le cadre du FMI et de la Banque mondiale. En fait, lors du lancement de la zone du libre-échange des Amériques au Chili l'année dernière, le président de la Banque mondiale a fait des commentaires très intéressants en ce sens, que j'ai trouvés très progressistes.

Enfin, je pense que nous devons établir de meilleurs liens entre ces organisations car parfois la politique commerciale doit assumer un fardeau considérable. Par exemple, beaucoup de gens disent que pour nous sortir de cette crise financière, nous ne pouvons le faire qu'au moyen du commerce ou des exportations. Je fais partie de ceux qui considèrent que ce n'est pas la bonne solution. Je ne crois pas que le commerce en soi permette de résoudre la crise financière. Je pense qu'il faut deux choses pour résoudre une crise financière. La première, c'est la stabilité financière. Quelles sont les mesures susceptibles d'assurer la stabilité du marché? Est-ce le décloisonnement? Est-ce la responsabilisation? Parvient-on à réprimer le capitalisme magouilleur qui a sévi dans certains pays? La stabilité est donc primordiale. Vient ensuite stimulation financière sur le marché pour encourager les dépenses de consommation, qui permettront à l'économie de se rétablir.

• 0945

Il faut donc la stabilité financière et la stimulation financière. Une fois ces deux conditions réunies, le commerce devient une force complémentaire. Il est alors possible de remettre sur pied ces économies. Mais je crois qu'on s'expose à de sérieux déboires si l'on considère que le commerce est la solution à la crise financière.

Mme Sheila Finestone: Monsieur le président, ai-je le temps de poser une brève question supplémentaire?

Le président: Pas maintenant, mais nous allons faire un deuxième tour.

Mme Sheila Finestone: Je vous remercie.

Le président: Madame Finestone, je vous signale que nos précieux attachés de recherche ont comme toujours pensé à tout: dans votre livre bleu, vous trouverez une partie qui traite des liens qui existent entre l'OMC et les institutions financières internationales.

Mme Sheila Finestone: Où est mon livre rouge?

Le président: S'agit-il d'une vieille version?

M. Sergio Marchi: Le livre rouge est réservé aux élections.

Le président: Sa couleur est bleue, son esprit est rouge.

Mme Sheila Finestone: Oh la la.

Le président: J'aimerais poser quelques brèves questions au ministre, puis je pense que nous aurons le temps pour un autre tour de cinq minutes, et nous pourrons essayer de poser quelques autres questions.

Monsieur le ministre, vous avez abordé un certain nombre de choses. De toute évidence la culture est un aspect très important pour les Canadiens. Quel est l'appétit ou l'intérêt pour le débat culturel à l'étranger? Est-on prêt à reconnaître qu'il doit exister des règles commerciales qui régissent la diversité culturelle? Car nous nous demandons si nous allons être les seuls avec un ou deux autres pays, notamment la France, à préconiser ce genre de mesures, ou y aura-t-il une coalition comme le groupe Cairns ou un groupe semblable en agriculture dont nous pourrions nous inspirer? Ce sera ma première question.

Ma deuxième question a trait aux normes en matière de travail et d'environnement dont vous avez parlé et je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point. Il me semble, compte tenu des discussions que nous avons eues sur ces questions lors de la dernière réunion ministérielle à Genève, qu'il est très clair que les pays en développement craignent beaucoup que cela devienne de nouvelles formes d'obstacles tarifaires. En ce qui concerne en particulier les normes du travail, ils disent que le seul avantage qu'ils ont dans le monde, c'est leur main-d'oeuvre à bon marché, et que si nous imposons des normes du travail, il se produira exactement ce que craint Mme Finestone, à savoir écarter leurs produits et les appauvrir.

Il me semble que nous ne pourrons contourner ce problème que si la communauté internationale, et en particulier les États-nations, surtout les États-Unis et l'Europe, sont disposés à renoncer aux règles qu'elles appliquent à l'échelle nationale en matière d'obstacles commerciaux, comme les règles antidumping et autres, et acceptent qu'on y substitue un système international. Si nous voulons instaurer des normes en matière de travail et d'environnement, les États membres de l'OMC sont-ils disposés à ce que ces normes soient appliquées par un système régi par l'OMC plutôt que par un système de réglementation nationale, ce qui serait une façon de contourner le problème? Ce serait donc ma deuxième question. Je pense que cela se rattache à l'ancienne question de la société civile.

Il me semble curieux que l'ALEA traite de la société civile, dont a parlé Mme Debien, mais que l'on est encore loin d'aborder la question dans le cadre de l'OMC. Est-ce parce que l'ALEA a un effet intégrateur tellement plus considérable que l'OMC? Les deux me semblent pourtant suffisamment proches pour qu'il y ait un débat sur la société civile au sein de l'OMC. Or, il n'y en a pas.

Voilà donc mes trois questions. Si vous souhaitez parler de Helms-Burton et d'autres aspects, je vous prie de le faire.

M. Sergio Marchi: Le terme «appétit» me semble fort pertinent. En effet, au menu des questions qui concernent l'OMC, il y a de vieux plats traditionnels, et certains plats passablement nouveaux et exotiques. En toute candeur, je dois vous dire que les deux questions dont vous parlez relèvent, pour bien des gens, de la catégorie des questions nouvelles et exotiques. Ce n'est pas que nous craignons de voir ces nouveaux plats s'ajouter au menu, mais lorsqu'on parle de commerce et de culture aux ministres, cela est passablement nouveau par rapport au contenu des négociations d'Uruguay et de celles qui sont prévues.

Mais je dois vous dire que, lorsqu'on leur parle de la nécessité pour nous de prendre le taureau par les cornes, du fait qu'il est maintenant possible de faire de la culture une exception... Dans un nombre grandissant de pays, je crois qu'on aboutit à la conclusion que la culture ne peut plus être protégée simplement par les moyens qu'on jugeait suffisants auparavant—c'est-à-dire une histoire distincte, une langue distincte, des forces du marché compatibles.

• 0950

Voilà donc un plat nouveau qui suscite la curiosité. De plus en plus, il me semble qu'on s'y intéresse avec une plus grande ouverture d'esprit. Donc, le Canada ne sera pas seul. Il reste à savoir si nous allons pouvoir bâtir la coalition qui s'impose et, pour tout dire, si les pays sont suffisamment prévoyants pour mettre la question culturelle sur le tapis plutôt que de la passer sous silence comme si c'était là une solution. Il faudra donc passer à table pour voir si le plat trouvera preneur.

Nous continuons à en parler. C'est d'ailleurs l'une des premières questions au sujet desquelles j'ai manifesté notre intérêt au directeur général de l'OMC il y a plus d'un an et demi. M. Ruggiero a alors fait preuve d'ouverture. Je crois qu'il comprenait la perspective canadienne. En effet, les autres pays ne sont pas sans comprendre pourquoi le Canada souhaite faire valoir cette question et comment le Canada et les Canadiens ont su maintenir leur identité tout en étant les voisins des États-Unis d'Amérique, le pays que nous choisirions d'ailleurs dix fois sur dix comme voisin si nous avions à le faire. Le fait d'être l'ami, l'allié et le partenaire des États-Unis a ses bons côtés, cependant sur le plan de la culture, nos critères ne sont pas les mêmes. Pour les Américains, le critère est le dollar. La culture pop s'exporte à l'échelle de la planète. De notre côté, c'est l'identité nationale qui sert de critère, et nous y tenons. Nous croyons que l'OMC saura établir des règles en toute indépendance en respectant une réalité que les Américains, selon moi, ne comprennent pas ou ne cherchent pas du tout à comprendre.

En matière d'environnement et de travail, je crois que vous avez su toucher au vif de la question. La question est épineuse du fait que dans bon nombre de pays, on entend des arguments très forts et très émotifs au sujet des normes de travail et des normes environnementales—c'est-à-dire que l'on souhaite libéraliser le commerce, mais on ne souhaite pas affaiblir les normes. Au contraire, on souhaite les rehausser. Évidemment, du côté des pays en développement, le fait de devoir hausser les normes est perçu comme un facteur d'exclusion. Il faut donc concilier des intérêts souvent divergents et très bien défendus tout en évitant de créer des barrières non tarifaires.

Voilà pourquoi j'estime qu'il existe un terrain d'entente où les divers membres de la collectivité internationale pourront cohabiter. J'estime que, si la volonté politique existe, nous pouvons adhérer, comme vous l'avez proposé, monsieur le président, à un code international. Nous pouvons le faire dans la mesure où nous souhaitons sincèrement la participation des pays du tiers monde et la réalisation des objectifs que nous préconisons en matière de travail et d'environnement. Voilà le défi. Je ne suis pas en mesure de prédire quelles seront les positions de la collectivité internationale au moment où nous amorcerons cette série de négociations.

Le président: Merci beaucoup.

M. Charlie Penson: Au sujet des normes en matière de travail et d'environnement, le ministre n'ignore pas que l'un des principaux obstacles auquel fait face le président Clinton aux États-Unis pour ce qui est de l'accélération de la participation du Chili tient à la résistance de son propre parti. En effet, le Parti démocrate tient absolument à des normes très strictes en matière de travail et d'environnement. Bien des gens estiment qu'une telle position est intéressée, qu'il s'agit d'une mesure protectionniste qui est censée avantager les travailleurs des États-Unis. Je crois bien qu'il faut y voir, dans certains cas du moins, une autre forme de protectionnisme, à laquelle nous devons nous opposer.

J'aimerais aborder un autre aspect. Cela n'est pas lié directement à l'OMC, mais se rapporte plutôt aux obstacles au commerce interprovincial qui se répercutent certainement sur la capacité concurrentielle du Canada.

Nous avons pu constater une certaine évolution l'autre jour de la part de tous les paliers de gouvernement pour ce qui est de la mobilité sur le plan social—normes en matière de soins de santé, d'enseignement et de travail. Voilà qui est excellent, selon moi, mais nous devons aboutir au même genre de mobilité en matière de commerce interprovincial, monsieur le ministre, pour assurer la compétitivité du Canada.

• 0955

J'habite la province de l'Alberta, où il est pratiquement aussi difficile de faire affaire avec la Colombie-Britannique qu'avec un autre pays. J'aimerais savoir à quoi on peut s'attendre sur le plan du commerce pour pouvoir mener librement des activités n'importe où au Canada, compte tenu des progrès qu'on a pu réaliser sur le plan social.

M. Sergio Marchi: Votre première observation au sujet de l'ALENA est vraie en partie.

Pour ce qui est, par contre, de savoir pourquoi les Américains n'ont pas voulu accepter ou proposer la participation du Chili à l'ALENA, cela, selon moi, est malheureusement attribuable à l'optique dans laquelle le Congrès envisageait la participation du Mexique à l'ALENA. Les congressistes voyaient l'ALENA comme un maillon faible, selon la perception qu'ils avaient du rôle et de l'économie du Mexique. Les questions du trafic de stupéfiants et de la migration sont venues noircir davantage le portrait. Le dossier du Chili a été injustement assimilé à de telles perceptions. La chose est malheureuse, étant donné que, selon la position du Canada, le Congrès était trop centré sur lui-même et le Chili était tout à fait prêt et apte à participer à un accord commercial. Le modèle inspiré de l'ALENA que nous envisagions était peut-être désuet dans la perspective de l'ALEA, mais nous continuions d'espérer que le Chili participerait un jour à l'ALENA.

En deuxième lieu, vous avez tout à fait raison au sujet des barrières commerciales internes. J'ai été du nombre de ceux qui, à une certaine époque, tenaient à ce que toute idée d'union sociale soit liée directement à celle d'une union économique. Compte tenu de ce que propose le gouvernement fédéral en matière d'union sociale, que proposent donc les provinces en matière d'union économique? Lorsque je parle des provinces, je parle d'une ou de deux provinces qui ont toujours résisté et empêché tout le monde d'aller de l'avant. J'espère que nous allons enfin pouvoir éliminer ces obstacles dans ces provinces.

Il est tout de même plutôt paradoxal, j'en conviens, à mesure que nous avançons dans la libéralisation du commerce à l'échelle internationale, que nous maintenions au Canada certaines barrières archaïques qui font obstacle à une mobilité accrue. Je suis bien d'accord avec vous. J'aurais espéré une meilleure liaison avec l'union sociale mais je suppose que cet aspect était déjà suffisamment complexe. Nous continuons de collaborer avec les provinces qui sont favorables à la mobilité pour tenter non seulement d'isoler les provinces récalcitrantes mais aussi pour les convaincre des avantages. On croirait pourtant que des personnes qui sont favorables à la libéralisation à l'échelle du monde le seraient également pour ce qui est du commerce à l'intérieur même du Canada.

Le président: Merci.

Il semble donc que M. Penson ne puisse traverser la frontière de la Colombie-Britannique sans... Il a du mal à y faire entrer son blé. On ne lui fait pas confiance.

[Français]

Madame Alarie.

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le ministre, je sens deux préoccupations majeures dans votre discours, la première étant de faire une vaste consultation auprès de l'ensemble des Canadiens pour savoir ce qui les préoccupe et la deuxième étant le processus de négociation. Sur ce point-là, je vous rejoins.

J'aimerais vous faire part d'un souci que j'ai à ce niveau. Il faut d'abord établir un bilan du respect ou du non-respect des engagements des 133 pays face aux dernières négociations de l'OMC. Au Comité de l'agriculture, nous avons entendu, durant quelques mois, divers représentants de tous les milieux agricoles et nous nous sommes rendu compte qu'une de leurs récriminations portait sur le fait que le Canada avait été bon joueur, et peut-être même trop bon joueur, alors que d'autres pays l'avaient été beaucoup moins. À cet égard, deux préoccupations majeures continuent de se dégager: il s'agit de l'attitude des États-Unis et de la Communauté européenne face au soutien interne et face aux subventions à l'exportation.

Dans un processus de négociation, ne devrait-on pas d'abord faire un bilan de ce qui s'est fait et de la façon dont cela s'est fait, et partir de ce bilan avant de parler à ces interlocuteurs importants que sont la Communauté européenne et les États-Unis? Dans leur discours, ils sont loin d'être rassurants quant aux subventions à l'exportation. On n'a qu'à regarder ce que viennent de faire l'Écosse et la France à l'intérieur de la Communauté européenne. Elles ne sont pas d'accord sur le discours de la Communauté européenne. Donc, nous avons un gros travail à faire avant d'entamer le processus de négociation avec eux, me semble-t-il.

• 1000

Ce n'est pas tout. Il y a aussi les barrières non tarifaires. On en a parlé un petit peu sous l'angle de l'environnement, mais l'environnement n'est pas uniquement une question de principe. On veut être en concurrence avec les autres pays, mais on a des coûts. Les coûts à l'environnement, que l'on respecte beaucoup, du moins dans la province de Québec et dans les autres provinces, nous rendent beaucoup moins compétitifs sur le marché international. On les assume parce que cela fait partie de notre philosophie et même de notre culture, mais il y a des coûts à cela.

Il y a tout ce que j'appelle l'harmonisation des «ides», des pesticides, de toutes les choses dont le nom se termine par «ide». Le gouvernement canadien est-il prêt à adopter des politiques pour s'harmoniser avec les États-Unis et l'Europe? Il y a à cela des coûts très élevés, et vous le savez. Je ne parle pas des biotechnologies, mais cela entre aussi dans le décor.

Donc, ma question globale est celle-ci. Avant d'entreprendre un processus de négociation et de consulter le peuple canadien, n'y aurait-il pas lieu de présenter à ces mêmes personnes un bilan de ce qui s'est fait antérieurement? Deuxièmement, est-ce que le gouvernement est prêt à adopter des mesures d'adaptation pour concrétiser les recommandations qu'on ferait avec nos actes politiques?

J'aurais bien d'autres questions à poser.

Le président: C'est un riche menu, madame Alarie.

Mme Hélène Alarie: Ah, oui.

M. Sergio Marchi: Pour ce qui est des consultations, je suis d'accord que la priorité est de consulter tous les Canadiens, toute la famille canadienne. Nous sommes souvent à l'avant-garde au plan international sur la question de la société civile. Nous n'avons peut-être pas l'appui positif des médias du Canada, mais dans la Zone de libre-échange des Amériques, la société civile est un projet canadien.

Dans le monde de l'APEC, le Canada a proposé l'établissement d'un groupe de travail sur la société civile. Nous avons besoin de faire la même chose. Nous devons inclure des Canadiens très sérieux dans une consultation et formuler un consensus national avant les négociations à l'OMC.

[Traduction]

Ce que vous dites au sujet du bilan m'apparaît important. Il faut bien cerner les enjeux des six grands domaines, mais avant d'amorcer cette partie de notre voyage, nous devrions nous demander comment s'est déroulé le voyage jusqu'à présent, qu'avons-nous fait pendant les négociations d'Uruguay et, comme vous l'avez si bien dit, comment les pays se sont-ils rendus jusqu'au premier jalon de la route.

Il est vrai que nous respectons les règles, parce que nous savons que, comme puissance intermédiaire, nous devons respecter les règles et compter sur l'arbitrage indépendant lorsque deux pays sont en désaccord. Instinctivement, nous savons qu'en nous conformant aux règles, nous serons gagnants le plus souvent.

Honnêtement, toutes les discussions sur l'ouverture de nouvelles disciplines resteront théoriques tant que les pays continueront de se cacher derrière des obstacles qu'ils ont élevés dans les vieilles disciplines. Il faut être franc, jouer cartes sur table et se garder d'être moralisateur devant le nouveau programme, vu que l'ancien prévoit encore des domaines où nous ne pouvons vendre nos produits et biens.

Vous avez donc raison de dire que nous devons dresser le bilan avant d'aller plus loin. Peut-être que, lorsque vous parcourrez le pays, vous pourriez demander aux Canadiens non seulement ce qu'ils pensent de l'avenir, mais aussi leurs opinions du bilan. Quels sont les points forts et les points faibles? Comme je l'ai dit dans ma déclaration, quelles leçons pouvons-nous tirer de ce premier voyage appelé le cycle d'Uruguay?

• 1005

En ce qui concerne les obstacles non tarifaires au commerce, c'est certainement une question qui nous préoccupe. Vous avez parlé de divers domaines, dont la biotechnologie et les engrais. Je suis certain qu'il y en a d'autres. J'ai bien hâte de voir ce que vous aurez à dire sur cette question dans votre rapport.

Le président: J'ai deux questions. Monsieur Assadourian et monsieur Calder, je vous prie tous les deux de poser vos questions le plus brièvement possible afin que nous ayons tous le temps d'intervenir.

M. Sergio Marchi: Mes fonctionnaires resteront. J'aurais dû les présenter. Voici Jonathan Fried, le sous-ministre adjoint de la Politique commerciale et économique. Jonathan Klassen est directeur général de la Politique commerciale. Après mon départ, ces messieurs resteront et sauront probablement vous informer mieux que moi sur les politiques du ministère.

Le président: Il faudra qu'ils nous décrivent ce salon où nous nous retrouverons, entre le sous-sol et le toit, et auquel vous avez fait allusion.

M. Sergio Marchi: Il se réserve toujours le canapé le plus confortable de toute façon.

Le président: Avant que vous ne partiez, je demanderai à messieurs Assoudourian et Calder de bien vouloir poser leurs questions; vous pourrez y répondre ensuite.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup.

Monsieur le ministre, j'ai une question sur les membres de l'OMC. La Chine et la Russie n'en sont pas encore membres. Leur adhésion à l'OMC aurait quelle incidence sur les échanges commerciaux du Canada?

Ma deuxième question est la suivante: Comment peut-on assurer l'équilibre entre les intérêts de pays tels que les États-Unis et le Canada, et ceux de Cuba et Haïti lorsqu'on négocie en conférence?

M. Sergio Marchi: Auriez-vous l'obligeance de répéter votre question?

M. Sarkis Assadourian: Comment peut-on assurer l'équilibre entre les intérêts des États-Unis et du Canada, d'une part, et de pays tels que Cuba et Haïti, d'autre part, en raison de nos réglementations et politiques en matière de production, de services bancaires, etc., para rapport à celles de ces deux autres pays du continent?

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): J'aimerais donner suite à ce qu'a dit Mme Alarie, car c'est un sujet dont nous avons beaucoup discuté au Comité permanent de l'agriculture. Essentiellement, j'aimerais savoir comment nous établirons la position de négociation du Canada de sorte que nous soyons au même point que les autres membres de l'OMC. À l'heure actuelle, j'estime que nous avons de l'avance. Nous avons respecté les règles et avons fait davantage qu'eux.

Je vous donne un exemple. L'Europe dispose de l'article de report qui a été signé en l994. Parce que les pays européens n'ont pas accordé de subventions en 1994 et 1995, ils pourraient inonder le marché de 37,8 millions de tonnes de blé subventionné à l'excès, simplement parce que ces subventions n'ont pas encore été versées et qu'elles doivent l'être avant l'an 2000.

Par ailleurs, les États-Unis n'ont toujours pas éliminé leur programme de subventions aux exportations; ils l'utilisent encore. Ils ont aussi adopté la FAIR Act dans le domaine de l'agriculture, ainsi que leur Farm Bill. L'an dernier seulement, au total, les Américains ont injecté 15,5 milliards de dollars dans leur secteur agricole. Comment le Canada trouvera-t-il une position de négociation qui le mettra sur un pied d'égalité avec les autres pays compte tenu de tous ces exemples?

M. Sergio Marchi: Merci.

Pour répondre aux questions de Sarkis sur l'adhésion éventuelle de la Chine et de la Russie à l'OMC, je dirai qu'il est évident que ces deux pays feront un jour partie de l'OMC. Si on pense à l'économie internationale, si on pense à la Chine et à ce qu'elle a fait récemment, et si vous tentez de vous imaginer ce qu'elle fera à l'avenir, il est impensable qu'elle ne fasse pas partie de l'OMC. De même, la Russie connaît actuellement des difficultés financières, mais on estime généralement qu'elle s'en remettra et retrouvera son endurance économique. Le potentiel économique de ces pays est énorme. J'ai une liste de pays... par exemple, l'Arabie Saoudite. John Weekes, notre ambassadeur à l'OMC, est le président du comité chargé d'examiner la demande d'adhésion de l'Arabie Saoudite.

Il ne m'apparaît pas faisable, avec la mondialisation des marchés, d'exclure ces pays.

• 1010

Par contre, on doit respecter des critères d'adhésion. Autrement dit, on ne peut diluer les critères pour un pays par rapport aux autres. Sinon, on n'aurait même pas un semblant de normes au sein de l'OMC. C'est ce qui est difficile. Certains pays aimeraient peut-être qu'on ne leur impose pas tous ces critères, mais il faut maintenir une norme qui s'applique à tous.

Ces deux économies plus particulièrement, ainsi que d'autres, sont très importantes pour le fonctionnement de l'OMC. Pouvez-vous imaginer l'OMC sans la Chine, l'OMC imposant des règles commerciales partout au monde sauf dans cette partie énorme de l'économie mondiale? On le reconnaît de plus en plus. Il suffit donc de rassembler les diverses parties dans un sain respect des différences de chacun. La Chine peut profiter énormément de son appartenance à l'OMC. De même, il serait avantageux pour l'OMC de compter la Chine comme membre, et nous devons pour ce faire respecter le discours de chacun.

En ce qui concerne les intérêts du Canada et des États-Unis par rapport à ceux de Cuba et de Haïti, manifestement, les économies de tailles diverses qui existent en Amérique justifient éloquemment l'imposition de règles. En fait, dans la zone de libre-échange des Amériques, le Canada a fermement appuyé la création d'un comité pour les petites économies car il y a des géants comme les États-Unis et le Brésil qui côtoient des pays comme Trinidad et Tobago comptant à peine un million d'habitants et dont toute l'économie est fondée sur le tourisme. Sans règles ces petits pays se font submerger par les grands.

M. Sarkis Assadourian: N'est-ce pas ce qui se passe à l'heure actuelle?

M. Sergio Marchi: C'est parce qu'il y a des pays de différentes tailles que les règles sont nécessaires. Pourquoi avons-nous un surplus commercial avec les États-Unis? Notre pays est dix fois plus petit, mais nous pouvons compter sur les règles régissant le commerce. L'arbitrage indépendant des différends par opposition au pouvoir économique permet à des pays tels que le nôtre de bien s'en tirer. La plupart des Américains ne croient pas qu'ils ont un déficit commercial avec le Canada. Ils voient encore le Japon comme leur ennemi commercial. Nous ne nous en vantons pas, et peut-être que je viens de laisser sortir le génie de la bouteille.

L'existence de pays de tailles diverses rend les règles nécessaires.

Au sujet de ce qu'a dit Murray, il est évident que dans le cadre des négociations, nous pouvons nous assurer de ne pas négliger le bilan. Nous appuyons l'OMC, mais nous ne voulons pas non plus faire hara-kiri. Nous ne devrions pas le faire et nous ne le ferons pas. Nous sommes toutefois d'avis que nous nous en sommes bien tirés en matière d'échanges commerciaux. En politique, vous n'êtes bon que si votre dernier discours était bon. En matière commerciale, vous n'êtes bon que si votre dernière affaire était bonne. La concurrence étant de plus en plus féroce, il faut constamment faire de nouvelles affaires. Jusqu'à présent, et souhaitons que ça dure, le Canada s'en est drôlement bien tiré ces dernières années.

Les négociations commerciales sont un aspect de la question. Lorsque nous parlons à Charlene Barshefsky ou à sir Leon, nous prêchons toujours l'importance de la retenue. Nous n'avons pas à attendre les négociations pour ce faire. Lorsque nous rencontrons les représentants du groupe Cairns, la question de la guerre des subventions est toujours soulevée. Nous préconisons la bonne volonté pendant les négociations, mais nous pouvons aussi le faire sur d'autres tribunes bilatérales et multilatérales. Mais peut-être que la solution nous échappe encore.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, cette guerre des subventions qui fait rage autour de nous ne peut durer. J'espère que les Américains étaient sérieux lorsqu'ils ont envoyé le vice-président à Davos pour dire qu'ils sont tout à fait pour l'idée d'éliminer les subventions. J'espère que c'est le début d'un débat sérieux et non pas de belles promesses en vue de la prochaine campagne présidentielle.

M. Murray Calder: Moi, j'y croirai lorsqu'ils auront supprimé le programme de subventions aux exportations.

M. Sergio Marchi: À leur décharge, les Américains ont fait preuve de retenue par comparaison avec les Européens.

M. Murray Calder: En effet.

M. Sergio Marchi: À mon avis, les Européens s'en sont donné à coeur joie avec les subventions.

• 1015

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre, d'être venu amorcer ce processus. Nous vous tiendrons au courant et nous sommes impatients de faire cette étude. Ce sera très intéressant. Il nous tarde de parcourir le pays pour entendre ce que les Canadiens ont à nous dire sur ces enjeux et de vous présenter un rapport en vue des prochaines négociations de l'OMC, en novembre, pour lesquelles j'espère nous serons les mieux préparés que jamais. Merci beaucoup d'être venu.

M. Sergio Marchi: Merci à vous, monsieur le président.

Le président: Je crois savoir que vous partez mais que vos fonctionnaires, eux, restent.

Monsieur Klassen, vous restez. Qui d'autre se joint à vous?

M. Jonathan Fried (sous-ministre adjoint, Politique commerciale et économique, ministères des Affaires étrangères et du Commerce international): Nous sommes encore à nous organiser.

Le président: Nous sommes heureux de vous revoir, monsieur Williams. Soyez le bienvenu.

Monsieur Klassen, peut-être pourriez-vous faire quelques remarques liminaires avant que nous ne passions à la deuxième période de questions, si les membres du comité ont des questions à vous poser.

[Français]

M. John Klassen (directeur général, Direction générale de la politique commerciale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président. Je sais que vous avez rendez-vous jeudi matin, je crois, avec quelques-uns de mes collègues de mon ministère et des ministère de l'Agriculture et des Finances pour discuter des dossiers agricole et des services. Je crois que vous m'avez demandé aujourd'hui de vous donner un meilleur aperçu de l'évolution du GATT et surtout de l'établissement de l'OMC, de sa structure et de son fonctionnement.

J'aimerais aussi vous parler un peu du rôle des pays en voie de développement dans l'OMC, du fonctionnement du secrétariat de l'OMC, ainsi que de l'importance et des perspectives des nouvelles adhésions. Nous en avons déjà parlé en discutant des perspectives pour la Chine et la Russie.

J'aimerais également dire quelques mots, si c'est possible, monsieur le président, sur le rôle du régionalisme dans le système multilatéral. Quelles sont les répercussions de nos accords régionaux et bilatéraux et même des accords de beaucoup d'autres membres de l'OMC sur le système multilatéral?

Enfin, je passerai en revue les dossiers principaux dont il sera question dans les négociations à l'OMC, et je dirai quelques mots sur les processus de préparation et consultation que nous avons à Genève et à Ottawa, au Canada.

[Traduction]

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, passons en revue brièvement l'histoire du GATT de 1948 à 1994. Le GATT a été créé en 1948; il comptait alors 28 membres dont le Canada qui a été membre fondateur et l'un des plus actifs dans les négociations ayant mené à la création du GATT. Pendant les années suivantes, il y a eu environ six séries de négociations sous l'égide du GATT. Elles ont porté surtout et presque exclusivement sur les tarifs et les obstacles imposés aux produits entrant aux frontières.

C'est pendant les négociations de Tokyo, de 1973 à 1979, qu'on a commencé à examiner plus attentivement certaines des mesures qui influent sur le commerce. Jusqu'à 102 membres ont participé à ces négociations, où l'on a élaboré pour la première fois des codes portant sur une vaste gamme de questions ayant une incidence sur le commerce, telles que les mesures compensatoires, les normes, les permis d'importation et l'interprétation des dispositions antidumping du GATT, entre autres. C'est à ce moment-là que s'est amorcé le mouvement dont le ministre a parlé et qui avait pour but d'examiner la politique commerciale de façon très générale et non pas seulement du point de vue de la réduction ou de l'élimination des tarifs aux frontières.

• 1020

Toutefois, au début des années 80, je dirais qu'il est devenu évident, après le cycle de Tokyo et à mesure qu'ont été mises en oeuvre certaines des conclusions en découlant, que le système du GATT et le système multilatéral comportaient des faiblesses. Le commerce mondial s'était complexifié depuis le cycle de Tokyo, surtout avec la mondialisation du commerce.

De plus, le commerce des services avait connu une croissance phénoménale et revêtait une importance de plus en plus grande pour bien des pays. Or, aucune des dispositions du GATT ne portait sur le commerce des services.

Les investissements internationaux croissaient rapidement. L'agriculture était l'un des échecs ou plutôt des points faibles du cycle de Tokyo. Nous n'y avons pas connu le succès que nous avions espéré et n'avions pu faire accepter l'imposition de mesures disciplinaires dans le secteur agricole, une des principales lacunes que nous voulions combler.

Les textiles et les vêtements n'étaient toujours pas assujettis aux règles du GATT. Bien que le système de règlement des différends fonctionnait bien et était assez actif dans quelques domaines régis par le GATT, il restait certaines difficultés sur le plan des modalités et de l'adoption et la mise en oeuvre des décisions des groupes spéciaux.

La série de négociations d'Uruguay a donc été lancée en septembre 1986, après environ quatre ans de travaux préparatoires qui s'étaient amorcés vers 1982, et s'est terminée au début de 1994 avec la signature de la Déclaration de Marrakesh et la création de l'OMC le 1er janvier 1995.

L'OMC ne remplace pas le GATT. Le GATT a été actualisé. Le GATT, qui traite essentiellement du commerce de biens, a été actualisé et fait partie de la structure de l'OMC; il existe donc au sein de l'OMC un conseil qui se charge des questions de commerce de biens. Mais les négociations d'Uruguay ont mené à des ajouts importants à la structure de ce que nous appelons maintenant l'OMC. Entre autres, on a élaboré l'accord général sur le commerce des services, ou GATS, qui relève d'un conseil distinct au sein de l'OMC et siégeant à Genève.

Les mesures concernant les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce représentent une évolution importante du commerce et un ajout important découlant du cycle d'Uruguay. En outre, on a beaucoup amélioré et beaucoup resserré le processus de règlement des différends, qui comporte dorénavant des échéanciers précis qui invoquent de plus en plus les membres de l'OMC, ce qui, en soi, entraîne certaines difficultés, comme vous avez pu le lire dans la presse. Néanmoins, c'est l'un des plus grands succès du cycle d'Uruguay et, nous continuons de croire, un des plus importants.

En ce qui a trait à la structure de l'OMC, elle est simple: il y a trois grands conseils dont relèvent une série de comités traitant de questions précises. J'ai vu les documents d'information qui ont été rédigés à votre intention par les attachés de recherche, et ils vous donnent un bon résumé des grands accords. Je n'entrerai donc pas dans le détail de ces accords.

Conformément aux dispositions sur le règlement des différends, l'échéancier est maintenant beaucoup plus clair, ce qui représente une grande amélioration. Auparavant, en vertu du GATT, il était assez facile de bloquer et de retarder continuellement la formation d'un groupe spécial. Cela ne peut plus se faire aussi facilement qu'auparavant. Il était aussi facile de bloquer l'adoption du rapport d'un groupe spécial, ce qui est maintenant impossible.

Pendant les négociations d'Uruguay, nous avons lancé l'idée d'une procédure d'appel permettant aux pays membres de l'OMC d'interjeter appel des décisions rendues par les groupes spéciaux.

J'aimerais maintenant aborder quelques points qui m'apparaissent importants et qui touchent le travail de l'OMC; cela vous permettra de bien comprendre la structure qui encadre l'OMC. Il y a d'abord le mécanisme d'examen des politiques commerciales. C'est une autre innovation découlant du cycle d'Uruguay à laquelle le Canada a contribué considérablement. Ce mécanisme prévoit un examen extrêmement détaillé des pratiques et politiques commerciales de chaque membre de l'OMC selon un calendrier précis. Les quatre plus grands pays, soit l'Union européenne, les États-Unis, le Japon et le Canada, font l'objet d'un examen tous les deux ans. Les 16 pays suivant en importance—selon le pourcentage du commerce mondial—sont examinés tous les quatre ans et les autres, tous les six ans environ.

• 1025

Si l'on a constitué ce mécanisme d'examen des politiques commerciales, c'est essentiellement pour accroître la transparence et mieux comprendre les politiques et pratiques commerciales de tous les membres, mais surtout des principaux, qui détiennent la majeure partie des échanges mondiaux. L'examen se fonde sur la déclaration détaillée des politiques du pays examiné et sur l'analyse des politiques et pratiques de ce pays préparée par le secrétariat de l'OMC. Je crois que vous avez, dans votre documentation, les analyses les plus récentes effectuées sur le Canada, car nous avons fait l'objet d'un examen au début de décembre, dans le cadre de ce processus.

Un autre aspect important, que le ministre ainsi que vous-mêmes dans vos questions avez abordé, et qui mérite d'être répété, c'est le rôle des pays en voie de développement. L'OMC compte actuellement 134 membres. De ceux-ci, environ une centaine sont classés pays en voie de développement ou moins développés. Il existe certaines dispositions spéciales, de plus longues périodes d'adaptation et ainsi de suite, pour le respect des engagements dans les divers accords de l'OMC. Il y a un comité des échanges et du développement qui dirige les travaux portant sur des questions qui intéressent les pays en développement, et il y a un programme très actif d'assistance technique.

Lors de la réunion des ministres de l'OMC à Singapour, en 1996, les ministres sont également convenus de lancer ce que l'on a appelé un plan d'action pour les pays les moins développés. Ce plan prévoit des efforts spéciaux portant sur l'assistance technique dont ces pays ont besoin et sur ce que les autres membres de l'OMC peuvent faire en matière de suppression des tarifs ou d'ouverture de leurs marchés à ces pays les moins développés.

En octobre 1997, il y a également eu une réunion de haut niveau des pays moins développés. Donc, encore une fois, par l'intermédiaire du comité compétent, on accorde une importance considérable aux travaux et aux intérêts des pays en voie de développement.

Au sujet du secrétariat, parce que les secrétariats varient considérablement d'une organisation internationale à l'autre, le secrétariat de l'OMC compte environ 500 employés. Comme vous le savez, il est dirigé par un directeur général, M. Ruggiero. Nous sommes en train de lui chercher un successeur et nous espérons voir—je dirais que nous avons confiance de voir—M. MacLaren lui succéder.

Il y a quatre directeurs généraux adjoints qui aident à gérer le processus, mais je pense qu'il est important de reconnaître, en ce qui concerne l'OMC, que le secrétariat y existe vraiment pour servir les membres. Cette organisation est très axée sur ses membres. Nous parlons donc souvent de l'OMC, mais il n'existe pas, d'une certaine façon, un secrétariat ou un organisme totalement indépendant qui donne aux membres des directives sur la façon de se comporter ou sur ce qu'il faut faire. Nous avons tous accepté des obligations en adhérant à des accords et des traités de l'OMC, et le secrétariat existe principalement pour favoriser le bon fonctionnement quotidien. Il offre beaucoup d'aide dans le cas des mécanismes de règlement de différends et dans des situations de ce genre, mais l'OMC reste quand même un organisme essentiellement géré par ses membres.

Pour ce qui est des cotisations, elles sont, à l'OMC, fondées sur le pourcentage des échanges internationaux. Je pense que notre cotisation se chiffre actuellement à 4 ou 5 millions de dollars par an, ce qui, selon moi, est de l'argent très bien dépensé.

Il faut également parler des modalités d'adhésion; vous avez déjà soulevé cette question dans vos discussions et questions antérieures. Il y a actuellement une trentaine de pays qui attendent de devenir membres et qui en sont à différentes étapes de ce processus.

Le processus d'adhésion en soi se compose de deux parties. D'une part, les pays qui veulent adhérer à l'OMC négocient en groupe de travail avec tous les membres intéressés pour établir leurs obligations au sein de l'organisation et les mesures à prendre pour que ces obligations soient respectées.

• 1030

D'autre part, le pays demandeur négocie avec ses principaux fournisseurs et partenaires commerciaux pour en arriver à des arrangements bilatéraux et une satisfaction commune quant à ce que ce pays va faire et quant aux engagements qu'il accepte de prendre pour ouvrir son marché au moment de l'adhésion.

La Chine et la Russie sont certainement les deux plus grands pays qui viennent à l'esprit. L'Arabie saoudite en est un autre, très important, ainsi que Taïwan, qui n'est pas négligeable. Très franchement, je pense qu'il existe un consensus selon lequel il est bien peu probable de voir la Chine ou la Russie adhérer à l'OMC avant le lancement d'un nouveau cycle de négociations commerciales, si l'on suppose que c'est ce qui doit se produire lors de la réunion ministérielle à la fin de cette année. Nous négocions avec la Chine maintenant depuis près de 10 ans, je crois, et cela s'est révélé difficile à un bon nombre d'égards. C'est pareil pour la Russie. Comme je l'ai dit, il est de plus en plus clair que ces deux pays ne vont pas adhérer à l'OMC avant un nouveau cycle. En fait, l'espoir existe que certains autres pays deviendront membres avant la fin de cette année, y compris certains des pays baltes et, peut-être, l'Arabie saoudite. Il faudra voir, mais je ne pense pas que les poids lourds vont adhérer.

Cela soulève la question de leur rôle dans ce nouveau cycle. Je pense que nous sommes nombreux à croire que cela ressemblera au cycle d'Uruguay. Les pays qui sont en train d'adhérer à l'OMC peuvent participer à des négociations dans la mesure où ils sont présents pour les discussions, mais ils n'ont pas de pouvoir de décision et ne peuvent pas s'opposer à un consensus. Ils peuvent, toutefois, faire partie du processus de façon à être conscients des nouvelles obligations créées par l'OMC, étant donné que ces obligations feront partie du train de mesures auxquelles ils devront se soumettre.

Permettez-moi de dire quelques mots au sujet du régionalisme et de l'incidence des accords commerciaux régionaux.

Entre 1947 et 1995, il y a eu environ une centaine de différents arrangements économiques régionaux. Il ne s'agissait pas, dans tous les cas, d'accords de libre-échange en bonne et due forme, signalés au GATT. Ces arrangements ne sont pas non plus tous en vigueur aujourd'hui, et ne sont pas tous d'une grande importance. Toutefois, ce que nous appelons le comité des accords régionaux de l'OMC doit examiner un peu plus d'une trentaine d'accords régionaux à la lumière des obligations que nous avons tous, à l'OMC, quant à la constitution d'organismes de ce genre. Les règles les plus fondamentales, dans ce cas-ci, soulignent que ces accords doivent éliminer les obstacles aux échanges entre les parties tout en ne créant pas d'obstacles à de tierces parties, celles qui ne sont pas membres de la zone de libre-échange.

Cette tendance, pour ainsi dire, s'est vraiment amorcée à la fin des années 50 ou au début des années 60, avec la formation de la Communauté économique européenne; depuis, elle a considérablement pris de l'ampleur. Il existe maintenant un vaste nombre d'arrangements commerciaux préférentiels, des accords commerciaux régionaux ou bilatéraux plus officiels, qui peuvent évidemment avoir un effet sur le système multilatéral des échanges. Bien sûr, le Canada dispose d'accords de ce type avec les États-Unis, le Mexique, le Chili et Israël. Nous sommes en train de négocier des accords de ce genre dans le cadre de l'Accord de libre-échange des Amériques et par la voie de nos négociations avec l'Association européenne de libre-échange.

Entre parenthèses, je signale que l'APEC n'est pas un organisme de ce type. Je constate parfois, dans les médias, qu'il y a une certaine confusion. L'APEC ne vise pas à négocier un accord de libre-échange, une zone de libre-échange ou une union douanière avec les pays de l'Asie-Pacifique. Sa composition et ses objectifs sont beaucoup plus flous. L'APEC s'occupe surtout, pour ainsi dire, de faciliter la libéralisation du commerce sans qu'il y ait nécessairement des négociations officielles.

Dans la documentation disponible, un débat considérable sur l'incidence des accords commerciaux régionaux fait rage. Sont-ils bons? Sont-ils mauvais? Sont-ils bénéfiques? Ont-ils des inconvénients, des répercussions négatives sur le système multilatéral? Nous estimons que le système multilatéral représente notre intérêt premier, et que les accords régionaux adéquatement structurés et légitimement conclus peuvent, en fait, contribuer au système multilatéral, à l'idée d'une libéralisation plus vaste du commerce et de l'investissement. Ces accords ne doivent pas nécessairement avoir une incidence négative. En fait, dans un bon nombre de secteurs—comme l'a fait l'ALENA—ils peuvent offrir des solutions à de petits groupes de négociation de deux ou trois pays. On peut peut-être trouver de nouvelles méthodes dans de nouveaux secteurs tels que les services, par exemple, qui peuvent ensuite devenir des modèles ou des exemples pour le système multilatéral.

• 1035

Devrions-nous accorder davantage d'importance au système régional plutôt que multilatéral? Je ne le crois pas. D'après moi, nos actions peuvent être complémentaires.

Je tiens à rappeler que, à l'exception des pays que j'ai énumérés—à savoir les États-Unis, le Mexique, le Chili et Israël—l'OMC représente notre accord commercial avec le reste du monde. C'est l'OMC qui constitue notre accord commercial avec l'Union européenne. C'est également le cas pour le Japon, pour l'ensemble de l'Asie, et pour toute l'Afrique. Ainsi, l'OMC, son système, ses règles, et les obligations qu'elle représente nous sont très importants, puisqu'il s'agit de la structure qui encadre nos rapports commerciaux avec de grandes régions du monde qui ont pour nous une importance considérable.

Permettez-moi maintenant, monsieur le président, de brosser un tableau des grandes questions. Je n'entrerai pas dans les détails, puisque, en effet, comme je l'ai dit au début de mon exposé, je sais que vous allez participer jeudi à une séance sur l'agriculture et les services et que, si je ne m'abuse, vous pourrez participer à d'autres séances sur certains sujets précis, selon vos besoins.

En préparant le nouveau cycle de négociations, nous envisageons essentiellement deux ou trois grandes catégories. Il y a, d'une part, ce que nous appelons les négociations autorisées. Elles concernent principalement l'agriculture et les services. À cet égard, on a eu l'habileté de...

Mme Sheila Finestone: Je m'excuse, mais j'aimerais avoir un renseignement. En effet, j'ai de la difficulté à suivre l'exposé très important de M. Klassen du fait que je manque d'information. J'aimerais donc savoir ce qui correspond au secteur des services, pour être en mesure d'écouter l'exposé en meilleure connaissance de cause. En deuxième lieu, allons-nous pouvoir poser des questions par la suite?

Le président: Oui. Nous avons jusqu'à midi.

Mme Sheila Finestone: J'espère que ce ne sera pas un monologue.

Le président: Non. Les séances ont pour but de soulever toute une série de questions intéressantes. Si vous le souhaitez, nous pouvons nous interrompre durant une heure pour que vous puissiez lire le mémoire au complet, après quoi nous pourrions vous interroger pour déterminer si vous l'avez bien lu. En somme, nous pouvons faire ce que vous voulez. Cependant, il me semble que nous souhaitons tenir une série de séances d'information après lesquelles nous pourrons poser des questions. Il faut environ cinq minutes de plus à M. Klassen.

Monsieur Williams, voulez-vous parler d'agriculture?

M. Terry Collins-Williams (directeur, Division de la politique commerciale internationale, ministère des Finances): Non.

Le président: Nous allons donc passer aux questions.

Mme Sheila Finestone: Merci.

Le président: Pour ce qui est de la définition d'un service et d'un bien, si c'est la question que vous posez, je tiens à vous avertir que le cours va durer une bonne heure. Dans certains domaines, notamment celui de la culture, nous pourrions passer un temps considérable à déterminer si un film est un bien ou un service. Je suis convaincu que nous allons d'ailleurs en entendre beaucoup parler d'ici à la fin de nos travaux.

M. John Klassen: Permettez-moi de vous recommander, monsieur le président, d'aborder cette question avec mon collègue, M. Gero, qui sera ici jeudi matin.

Je m'excuse d'avoir peut-être utilisé certaines expressions du métier et de vous avoir déroutés quelque peu.

Très simplement, donc, dans le cadre d'un accord visant les services, on traite du mouvement des personnes, du transport aérien, des services financiers, de l'expédition, et des télécommunications, soit des domaines qui n'étaient nullement visés par l'ancien GATT, qui ne traitait en fin de compte que du mouvement de biens physiques, et non pas de la prestation de services. C'était là les principaux domaines. En réalité, au cours des dernières années, nous avons négocié des accords distincts, additionnels, au sujet des services financiers, des télécommunications et de ce que nous appelons les technologies de l'information. Toutefois, comme je vous l'ai dit, M. Gero pourra aborder cela avec vous de façon plus détaillée.

J'aurai terminé dans quelques minutes. Nous avons jusqu'à midi, d'après ce que j'ai compris. Nous aurons donc le temps voulu pour une discussion.

Nous avons donc les négociations autorisées, qui concernent surtout l'agriculture et les services. Ce sont là, en quelque sorte, des dragées empoisonnées que nous avons laissées à la fin du cycle d'Uruguay. À la fin du cycle de Tokyo, certains résultats avaient été atteints, et le moment était venu de nous préparer à ce qui est devenu par la suite le cycle d'Uruguay.

• 1040

Au terme du cycle d'Uruguay, nous nous sommes engagés à participer à des négociations au cours de certaines années, durant certaines périodes, au sujet de l'agriculture, des services et d'un certain nombre de questions de moindre importance. De cette façon, nous avons intégré au processus l'engagement de revenir sur un certain nombre de questions importantes.

Il y a également la question de ce que nous appelons le programme implicite, ce qui revient en quelque sorte au souci d'équilibre et aussi à l'examen du respect ou du non-respect des obligations. La question, je dois le dire, touche plus particulièrement les pays en développement, dont bon nombre ont beaucoup de difficultés à respecter les obligations—certaines d'entre elles plutôt lourdes ou considérables—assumées dans le cadre de l'Uruguay Round.

Puis il y a ce que nous appelons les nouvelles questions. Il s'agit là du commerce et de l'investissement; du commerce et de la politique de concurrence; de la propriété intellectuelle; du commerce électronique, qui a également pris beaucoup d'importance récemment; de la facilitation du commerce, un aspect très important à l'heure actuelle dans le cadre de l'OMC et d'autres structures multilatérales; et de la transparence en matière d'achats gouvernementaux.

Il existe également un certain nombre de questions sociales, si vous me permettez l'expression—et vous avez d'ailleurs abordé cet aspect avec le ministre—dont l'OMC entame l'examen d'une façon ou d'une autre, ou à un degré ou un autre. Je pense ici tout particulièrement aux rapports entre commerce et développement et entre commerce et environnement. Ces questions feront l'objet de réunions à un haut niveau à Genève, en mars. Et il y a également la question du rapport entre commerce et travail, qui survient de temps à autre et qui est abordée de diverses façons. Également, il y a certaines questions d'ordre institutionnel. Je pense ici par exemple au perfectionnement du processus de règlement des différends, à la formulation d'ententes de règlement des différends, à la question de la transparence et de l'ouverture, et à toute la question de l'accessibilité, qui prend une importance grandissante à l'OMC.

Sur le plan des préparatifs et des consultations, lorsque les ministres de l'OMC se sont réunis en mai de l'an dernier, ils ont donné pour instructions au conseil—ce qui revient à donner des instructions à eux-mêmes, ou aux membres—de formuler des recommandations et propositions détaillées en vue de la prochaine réunion ministérielle, qui doit avoir lieu à Seattle à la fin de novembre ou au début de décembre de la présente année, au sujet de toute la gamme des questions qui pourraient ou devraient faire l'objet de négociations sous l'égide de l'OMC.

Nous mettons justement la dernière main au processus de définition des questions par lequel les membres déterminent quelles sont les questions cruciales qui doivent faire partie d'une négociation. La prochaine phase, qui devrait nous mener jusqu'à l'été, consiste à élaborer des propositions plus concrètes. Voilà où les activités de votre comité prennent toute leur importance. Ce sont les propositions qui refléteront nos priorités et nos objectifs durant les négociations. Elles doivent donc s'inspirer du processus de consultation que nous lançons sur le plan intérieur. Au cours de l'automne, les recommandations définitives seront formulées. Ce sont celles qui seront proposées aux ministres en vue de leur réunion à Seattle.

Sur le plan intérieur, en matière de consultation et de liaison avec le public, vous savez tous, je crois, que nous avons invité les Canadiens, par l'intermédiaire de la Gazette du Canada, il y a quelques jours, à nous donner leurs avis sur toute la gamme des questions qui pourraient ou devraient être abordées dans le cadre des négociations de l'OMC. Je crois d'ailleurs que l'avis à cet égard fait partie de votre documentation. Parallèlement, en collaboration avec les ministères concernés, nous élaborons au sujet de certains aspects précis des documents de travail destinés à améliorer le processus de consultation. Nous menons avec les provinces des consultations que je qualifierais d'assez complètes et de fructueuses. Elles prennent la forme de réunions trimestrielles entre fonctionnaires et entre ministres. Le ministre a signalé que la prochaine rencontre aurait lieu dans quelques semaines.

Nous avons restructuré ce que nous appelons nos groupes de consultations sectorielles sur le commerce extérieur, les GCSCE. Ces groupes relèvent directement du ministre et ont été restructurés de manière à se concentrer beaucoup plus précisément et beaucoup plus exclusivement sur les questions de politique commerciale que sur toute autre question de promotion. Ils nous fourniront beaucoup d'information en retour et assureront une consultation continue à mesure que nous progresserons.

• 1045

Il se pose aussi la question de savoir comment nous pouvons rallier la société civile plus largement, et vous en avez parlé. Naturellement, l'avis dans la Gazette du Canada est un pas dans la bonne voie. Les audiences publiques que le comité va tenir le sont aussi, et nous envisageons d'autres moyens d'obtenir sa participation. Nous avons aussi une page Web où l'on trouvera des mises à jour constantes, de l'information et des documents de travail.

Avant de répondre aux questions, monsieur le président, il y a une dernière chose que j'aimerais mentionner afin de présenter aux membres certains des grands groupes auxquels nous appartenons et qui sont importants dans ce processus. D'abord, il y a la réunion quadrilatérale des ministres du Commerce, qui inclut le Canada et les États-Unis, l'Union européenne et le Japon. Nous allons nous réunir en avril ou en mai; cette fois-ci, c'est le Japon qui nous accueillera. Comme ces quatre membres travaillent de concert, cette rencontre aura une grande importance pour le commerce mondial et permettra de faire preuve de leadership dans le processus de Genève. C'est grâce à la quadrilatérale—en fait nous sommes maintenant beaucoup plus actifs par l'intermédiaire de la quadrilatérale à l'échelle des dirigeants—que nous pouvons travailler avec des pays ayant une optique commune, d'une certaine façon, sur certaines questions pour mieux y réfléchir.

Il y a aussi le Groupe de Cairns, qu'on a déjà mentionné—ceux qui font partie du Comité de l'agriculture en connaissent déjà l'existence—et qui est en fait un important groupement de pays à la poursuite d'objectifs d'ordre agricole.

Il y a différentes réunions informelles de ministres du Commerce. Il y en aura probablement au printemps. Il y a aussi la réunion des ministres du Commerce de l'APEC, qui donne au moins l'occasion aux ministres de quelques pays clés de se réunir pour discuter non pas simplement de l'APEC, mais aussi des contributions que les membres font à l'ensemble du système multilatéral.

Je m'en tiendrai là, monsieur le président. Comme je le disais tout à l'heure, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions, et M. Collins-Williams, du ministère des Finances, pourra vous aider si je ne peux répondre.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Klassen. Votre exposé nous a été fort utile.

Au ministère des Affaires étrangères, vous êtes le principal responsable des négociations commerciales, n'est-ce pas?

M. John Klassen: Non, pas vraiment, monsieur le président. M. Fried est mon sous-ministre adjoint. Sous la direction de M. Fried, il y a deux directeurs généraux qui sont en gros responsables de la politique commerciale—soit moi-même et M. Gareau, que vous rencontrerez jeudi matin.

Le président: C'est donc plutôt M. Fried. Naturellement, du ministère des Finances, ce sera M. Collins-Williams.

M. John Klassen: Oui, et d'autres ministères sont inclus, comme l'Agriculture, tout comme nos ambassadeurs à Genève, évidemment. C'est réellement un effort interministériel, si je puis dire.

Le président: Monsieur Mills, vous avez la parole.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Je n'ai que deux ou trois questions d'ordre général à poser, histoire de se mouiller les pieds.

Je suppose que nous sommes tous très désireux—et je suis sûr que c'est aussi le cas pour vous—de ne pas revivre une affaire semblable à celle de l'Accord multilatéral sur l'investissement, où le public canadien, en raison des Maude Barlow ou d'autres, résiste à l'OMC alors qu'il manque d'informations ou ne dispose que d'informations inexactes, partielles, ou quoi encore.

Je crois que vous avez parlé de faire paraître quelque chose dans la Gazette du Canada, mais vous n'allez pas rejoindre la plupart des Canadiens. Je ne suis pas persuadé que si notre comité s'efforçait... Je pense que nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour essayer de rejoindre les Canadiens moyens. J'aimerais qu'on ait un vrai plan de jeu pour être certains de ne pas être écartés, si vous voulez, en fin de compte. On a parlé d'Internet et tout cela, mais y a-t-il autre chose que nous puissions faire? Est-ce que quelqu'un a réfléchi vraiment à cette question?

Mon autre question a trait à l'impression que j'ai de la Chine. Ils étaient très emballés à l'idée d'adhérer à l'OMC, mais maintenant ils ne semblent plus intéressés du tout, du moins d'après ce que j'ai entendu dire par ceux avec qui j'en ai discuté. La raison en est qu'ils estiment qu'il leur faudrait renoncer à leurs droits tarifaires, ce qui entraînerait davantage de chômage. La dernière chose dont ils ont besoin maintenant, c'est davantage de problèmes sociaux. Cette année, entre notre première visite en mars et notre dernier passage là-bas en novembre, ils semblent en être arrivés presque à dire carrément que l'OMC, ce n'est pas pour eux, qu'on perd son temps à essayer de les convaincre. Est-ce vraiment le cas? Est-ce l'impression que vous avez aussi?

Je m'en tiendrai là.

• 1050

M. John Klassen: Merci.

Vous avez tout à fait raison de rappeler l'histoire de l'AMI et les préoccupations qu'il a suscitées. En fait, je dirais que nous avons essayé de tirer un enseignement de cette expérience, et c'est pourquoi nous avons lancé ce processus très détaillé de consultation et d'information, comme nous l'appelons. Je reconnais avec vous qu'il n'y a pas beaucoup de Canadiens qui lisent la Gazette du Canada. Je ne pense pas que beaucoup de gens y accordent...

Mme Sheila Finestone: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. John Klassen: Je pense que notre document est un peu plus compréhensible, mais j'en prends bonne note. Toutefois, pour ceux que la chose intéresse—et d'ailleurs il y a des tas de groupes clés qui suivent de près l'évolution de la politique commerciale—ce sera important, et ils y trouveront un cadre.

Nous travaillons aussi de façon continue non seulement avec les GCSCE, mais aussi avec diverses associations d'affaires avec qui nous avons des contacts, comme le Conseil canadien des chefs d'entreprises, la Chambre de commerce du Canada et l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Canada. Par leurs bulletins de nouvelles aussi, on peut rejoindre des dizaines de milliers de gens d'affaires—je reconnais que ce sont des gens d'affaires—afin de leur dire ce que nous faisons et de les inciter à nous exposer leurs opinions.

Je le redis, dans les milieux d'affaires et sur la scène provinciale, je pense que nous avons en place d'excellentes structures et d'excellents systèmes. C'est du côté de la société civile, des Canadiens ordinaires, que nous devons déployer plus d'efforts. Nous sommes en train de concevoir, à l'échelle interministérielle et aux plus hauts échelons, un plan de communication que nous allons lancer. Nous examinons la question de façon structurée et cohérente partout au sein du gouvernement—plusieurs ministères y participent, et pas seulement Affaires étrangères et Commerce international—afin de faire savoir, si vous voulez, aux Canadiens ordinaires ce qui se passe, quels processus sont en marche, et comment les Canadiens peuvent signaler leurs opinions au gouvernement, à leurs représentants élus, à d'autres encore.

Nous comprenons donc très bien les préoccupations que vous venez d'exposer.

M. Bob Mills: Si peux reprendre la parole, n'oubliez pas les députés de tous les partis. Nous sommes 301.

Je me souviens d'être allé à une réunion d'un conseil municipal dans mon comté où un groupe du Conseil des Canadiens disait au conseil municipal qu'il ne pourrait pas acheter un camion de pompiers en raison de l'AMI, que la fin du monde était toute proche parce que tout se déroulait à huis clos, en secret. Pour un peu on allait sombrer dans l'obscurité; c'était presque plus grave que le bogue de l'an 2000. Comme j'avais un ami au sein du conseil qui pensait que je devrais y aller ce soir-là, je m'y trouvais. Je me suis levé et j'ai dit au conseil qu'on leur avait servi un ramassis de renseignements erronés et j'ai pu remettre les pendules à l'heure. Le conseil municipal est resté là sans vraiment savoir ce qui se passait.

Il me semble donc très important qu'on n'oublie pas les députés—les députés de tous les partis. Assurez-vous de leur transmettre ce résumé d'information.

M. John Klassen: Oui, je suis tout à fait d'accord sur ce que vous venez de dire, et c'est tout à fait ainsi que nous envisageons notre plan de communication.

À propos de la Chine, je pense que vous avez...

Le président: Vous n'êtes pas en train de dire que les députés font partie de la société, n'est-ce pas, monsieur Mills?

M. Bob Mills: Si on est populiste, oui.

Le président: Eh bien, pour ne pas manquer de civilité, mettons l'accent sur la partie civile et passons à la Chine.

M. John Klassen: À propos de la Chine, je pense que vous avez bien résumé la position de la Chine. Je pense qu'il est apparu assez clairement au cours de l'été ou au tout début de l'automne de l'an dernier que les hauts dirigeants de la Chine, face aux différents défis qui les attendent—et vous les avez mentionnés—sont en train d'ouvrir leur marché dans leur propre intérêt, mais que ce faisant ils causent des perturbations et des difficultés. Ils ont des difficultés à gérer ou à accepter la croissance rapide que l'on constate dans plusieurs villes et régions—des défis qui se posent à partir du centre, si vous voulez. Ils doivent faire face à toute la question des assez vastes perturbations économiques et voir comment y remédier dans ce monde en évolution rapide.

Vous avez tout à fait raison de dire que, dans l'ensemble, on avait le sentiment que l'adhésion à l'OMC n'était pas une des grandes priorités des leaders chinois. Beaucoup l'ont déjà dit publiquement, ce qui fait que je n'annonce pas là une primeur. Je pense que nous l'avons constaté dans un certain ralentissement des négociations. À divers égards, les négociations bilatérales ne peuvent pas vraiment progresser tant que la Chine ne nous aura pas fourni certains documents, certaines études, certaines informations dont nous avons besoin pour procéder à nos propres analyses. Il y aura une autre réunion du groupe de travail de la Chine en mars, et je pense que ce sera la première depuis celle de juillet dernier. Mais, encore là, ne nous attendons pas vraiment à une évolution rapide.

• 1055

En vérité, du point de vue chinois, on a peut-être le sentiment que si l'on est en quelque sorte contraint d'essayer de conclure les négociations maintenant et de satisfaire à toutes ces exigences, et qu'il y a une nouvelle ronde de négociations où de nouvelles exigences vous seront encore présentées, où concentrerez-vous vos efforts? Il me semble donc que vous avez bien saisi ce qu'en pensent maintenant les leaders chinois.

M. Bob Mills: Puis-je poser une autre petite question?

À propos de l'environnement, dans toutes les grandes villes où l'on peut aller, où que ce soit dans le monde, il y a des problèmes considérables de pollution. Peu importe où l'on va, peu importe le pays. Comment les négociations de l'OMC en tiendront-elles compte?

M. John Klassen: Vous le savez fort bien, il existe d'autres forums internationaux où l'on essaie de travailler à une grande échelle pour traiter des problèmes environnementaux et en arriver à des normes, des consensus ou des optiques internationales permettant de faire face à ces problèmes.

À dire vrai, je ne pense pas qu'il soit directement question de ces problèmes au cours des négociations de l'OMC. Là où le travail en matière de commerce et d'environnement se poursuit et là où l'on fait vraiment des efforts, c'est sur le plan des relations entre l'OMC et ce que nous appelons les «accords multilatéraux sur l'environnement», lesquels contiennent des mesures ou des obligations, des engagements qui peuvent avoir une incidence commerciale sur la façon dont ils fonctionnent.

Une des choses que nous avons faites à l'OMC, par exemple, c'est d'encourager des relations beaucoup plus suivies entre le secrétariat de l'OMC et celui de ces organisations pour améliorer la compréhension mutuelle de leur position.

Je vous l'ai dit, il y aura une réunion de haut niveau sur le commerce et l'environnement en mars, réunion à laquelle participeront non seulement les membres de l'OMC, mais aussi des ONG qui se préoccupent de l'environnement, des groupes environnementaux nationaux, internationaux et multilatéraux ainsi que des gens d'affaires du secteur privé et des responsables des politiques commerciales. Le but est généralement d'essayer de mieux comprendre comment nous pouvons tous travailler ensemble pour aborder ces problèmes environnementaux, étant entendu qu'il existe certaines limites à l'égard de ce sur quoi les obligations de l'OMC peuvent porter en matière de commerce et d'environnement.

M. Bob Mills: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Madame Debien.

Mme Maud Debien: Les négociations de l'OMC ont des répercussions sur les provinces du Canada. J'aimerais connaître le processus de discussion que vous avez avec les provinces concernant les négociations de l'OMC et j'aimerais savoir où en sont les négociations ou les discussions à ce sujet.

Ma deuxième question est un peu en relation avec celle de M. Mills, qui parlait des réactions de la Chine concernant son éventuelle adhésion à l'OMC. Qu'en est-il de la Russie? Bien sûr, compte tenu de l'état de délabrement de la Russie, comme vous nous l'avez dit tout à l'heure, ce pays ne participera certainement pas à la prochaine ronde. Cependant, quelle est son évaluation? Est-ce que la Russie est intéressée à y participer éventuellement, contrairement à la Chine qui dit ne pas l'être? Est-ce aussi le cas de la Russie?

Voici ma troisième question. Vous avez dit qu'en 1986, il y avait eu un plan d'action pour les pays en développement. Est-ce qu'il existe un document à ce sujet? C'est ce document-là? J'aimerais, si c'était possible, en obtenir une copie. J'aimerais aussi avoir une copie du document sur les engagements de la rencontre de la Réunion de 1997. D'autres engagements ont été pris à la rencontre de la Réunion. Est-ce qu'il existe un document à ce sujet? Si c'était possible, j'aimerais avoir ces deux documents.

M. John Klassen: Merci beaucoup. Comme je l'ai dit, je crois que nous avons un très bon système de consultation avec les provinces. Nous avons tous les quatre mois des réunions au niveau des officiels pour parler de n'importe quoi dans le domaine de la politique commerciale. Nous les tenons au courant de tous les dossiers que nous traitons dans le cadre de l'OMC ou du règlement des différends, ainsi que des problèmes que nous éprouvons. C'est très ouvert, et nous avons toujours de bonnes discussions avec nos amis.

• 1100

Nous avons aussi un site Internet qui est protégé par un mot de passe, sur lequel nous mettons beaucoup de documents pour les provinces. Nous partageons avec les provinces plusieurs documents de travail sur l'OMC et sur les autres négociations, comme celles de la ZLEA ou avec l'AELE. Mais ce sont surtout des documents sur l'OMC.

Également, comme je l'ai dit, nous sommes en train d'élaborer les documents de discussion sur les dossiers de l'investissement, de services et ainsi de suite. Nous discutons de tous ces dossiers et de tous ces documents avec les provinces avant de les rendre publics, afin que les provinces puissent avoir toutes les occasions possibles d'émettre leurs idées et leurs opinions.

Il y a aussi la réunion annuelle au niveau ministériel, dont M. Marchi a parlé brièvement. La prochaine réunion aura lieu ici, à Ottawa, le 17 février, je crois. Il y a aussi des contacts presque hebdomadaires avec les provinces au moyen de conférences téléphoniques sur des dossiers ou des problèmes très spécifiques. Chaque division de notre ministère qui dirige un dossier ou un autre a beaucoup de relations dans les provinces et consulte ces personnes sur chaque développement, surtout dans le domaine du règlement des différends. Les provinces travaillent très étroitement avec nous dans la préparation de nos cas, de nos défenses ou de nos priorités offensives pour ces problèmes.

Vous avez parlé de la Russie. Je crois que dans le cas de la Russie, il y a encore plus de problèmes que dans celui de la Chine, cela à cause de ses difficultés intérieures. Je suis certain que les Russes ne s'attendent pas à être membres de l'OMC avant le commencement de la prochaine ronde de négociation. Les Russes, et peut-être aussi les Chinois et d'autres, comme je l'ai dit, participeront dans un certain sens à la prochaine ronde de négociation même s'ils ne sont pas membres. Si la Chine a pris une décision concernant l'ordre de priorité à accorder à son adhésion à l'OMC, je crois que les Russes ont tellement d'autres problèmes que leur adhésion à l'OMC n'est vraiment pas l'une de leurs priorités.

Nous avons un groupe de travail, et nous continuons d'avoir des discussions de temps en temps avec les Russes et les Chinois. Ils ne sont pas en mesure de nous donner certains renseignements et les analyses dont nous avons besoin pour faire notre propre analyse et élaborer notre approche dans leur cas.

[Traduction]

M. Terry Collins-Williams: Si vous le permettez, la Russie est plongée dans une crise économique et financière et elle aura à régler des problèmes liés à la structure de son économie et à son endettement. Le G-7 et l'OCDE travaillent activement avec la Russie pour l'amener à accepter les obligations de l'OMC et à les respecter. Je pense que tant que nous n'aurons pas réglé ces graves problèmes économiques avec la Russie, la question de sa volonté d'adhérer à l'OMC ne se posera pour ainsi dire même pas.

[Français]

Mme Sheila Finestone: [Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Maud Debien: [Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Sheila Finestone: Oui.

M. John Klassen: Il y avait une dernière question sur les pays en voie de développement.

Mme Maud Debien: C'étaient les deux documents. C'est tout.

M. John Klassen: Oui. Nous pouvons réunir toute une série de documents reliés à cela pour vous.

Mme Maud Debien: D'accord. Merci.

Le président: Madame Alarie.

• 1105

Mme Hélène Alarie: Le chapitre du régionalisme est fort intéressant. Ma première question est toute simple. Quand vous concluez un accord avec une région, cet accord comporte-t-il obligatoirement les mêmes règles que celles de l'OMC?

M. John Klassen: Non, tout simplement.

Mme Hélène Alarie: Je voulais vous l'entendre dire.

M. John Klassen: Non, pas exactement. C'est tout à fait une... [Note de la rédaction: Inaudible]. Dans le cadre de l'OMC, quand on a un tel accord régional ou bilatéral, on a l'obligation d'éliminer les barrières pour la plupart du commerce. Comment définit-on «la plupart du commerce»? Il s'agit d'un important point de discussion à l'OMC.

Par exemple, même quand on a fondé l'Union européenne, dans les années 1950 ou 1960, on a exclu le domaine de l'agriculture, mais on a dit: «Écoutez, nous avons éliminé les tarifs sur tous les produits industriels, ce qui constitue la plupart du commerce.» Cela vous donne une idée de la discussion.

Mais il y a certaines obligations à l'OMC, par exemple dans le domaine des services. À l'OMC, nous avons maintenant des obligations dans le domaine des services. Si vous désirez conclure un accord de libre-échange bilatéral et régional comportant un chapitre sur les services, vous devez vous conformer certaines obligations par rapport à l'OMC. Vous ne pouvez pas cherry pick, comme on dit en anglais. Vous devez effectuer une libéralisation de tous les aspects des services. Il y a certaines obligations à l'OMC, mais les accords ne doivent pas être un miroir de l'accord de l'OMC. Vous pouvez aller plus loin que l'OMC, et c'est cela que nous avons fait dans le cas de l'ALENA, avec les États-Unis. Vous pouvez aller moins loin, dans un certain sens. Vous avez toujours vos obligations de l'OMC si vous négociez avec d'autres membres de l'OMC. Donc, vous avez ce parapluie de vos obligations de l'OMC. Vous ne devez pas aller plus loin, mais vous le pouvez.

Mme Hélène Alarie: La libéralisation des marchés amène de la variabilité dans les prix et les revenus des produits. Je suis obsédée par la sécurité alimentaire, non pas la salubrité mais bien la sécurité alimentaire, et je me demande si la libéralisation n'a pas un impact sur les marchés intérieurs.

M. John Klassen: Je n'ai pas bien compris.

Mme Hélène Alarie: Quand on libéralise les marchés, il y a une variabilité des prix et donc des revenus des producteurs. On l'a vu dans le cas de la crise du porc. Cela a un impact direct sur les marchés intérieurs. Est-ce que cela ne rend pas certains pays vulnérables? Est-ce qu'on ne risque pas de se retrouver devant un problème de sécurité alimentaire dans certains pays?

[Traduction]

M. John Klassen: Oui.

Si vous me permettez de répondre en anglais, parce que c'est un peu plus compliqué...

Mme Hélène Alarie: Allez-y.

M. John Klassen: ...vous avez touché une question très importante qui est un élément clé du débat agricole, soit la sécurité alimentaire. Certains soutiennent—et le Japon est l'un des leaders de ce camp-là—que la sécurité alimentaire devrait l'emporter sur la libéralisation du régime commercial dans le secteur de l'agriculture. D'autres estiment que pour garantir la sécurité alimentaire il faut un régime commercial plus ouvert pour disposer d'un accès aux ressources et aux importations du monde entier.

Ce débat est en train de devenir un peu plus pointu, à vrai dire, au sein de l'OCDE et à l'OMC, et il est loin d'être terminé. Il va sans dire que quand vous ouvrez vos barrières ou abaissez vos barrières commerciales dans un secteur ou l'autre—et peut-être que l'agriculture est le plus sensible de tous, parce que c'est l'un de ceux qui conservent le plus de barrières—il s'ensuit des perturbations, et le marché national s'en ressent. Tout cela est pris en compte dans l'établissement de nos priorités et de nos objectifs de négociations c'est-à-dire qu'on essaie de voir d'où viendront les pressions pour l'ouverture de nos marchés—et des pressions seront exercées en matière d'agriculture comme dans d'autres secteurs—ce que nous sommes disposés à accepter, ce que nous sommes prêts à essayer pour pénétrer ces marchés d'exportation.

• 1110

M. Terry Collins-Williams: On a aussi laissé entendre que la libéralisation de l'agriculture avait une incidence sur des pays en développement qui importent des produits alimentaires. Des pays africains et certaines organisations internationales ont dit estimer que la suppression des subventions aux produits agricoles pourrait rendre ceux-ci plus coûteux—les grains qu'on doit importer—et que pour eux il en résulterait par conséquent une augmentation des coûts ou une diminution de l'accès aux produits agricoles subventionnés.

Nous estimons que l'ouverture du secteur agricole à la libéralisation du commerce multiplierait le nombre de produits sur le marché et en fin de compte rendrait les produits alimentaires plus accessibles. Mais on craint, du moins à court terme, que certains pays en développement qui importent des produits alimentaires ne connaissent des difficultés en raison de la libéralisation du commerce, ce qui serait paradoxal.

Le président: Madame Finestone.

Mme Sheila Finestone: Peut-être avez-vous déjà répondu à ma question, mais je la pose quand même. Je me demande qu'est-ce qui l'emporte quand on pense aux pays qui ont conclu des ententes régionales, des ententes bilatérales ou des ententes multilatérales, eu égard à l'Organisation mondiale du commerce. Je pense qu'on en a parlé dans la réponse à Mme Debien et à Mme Alarie, mais je n'en suis pas certaine.

J'aimerais savoir comment on établit, quand il y a un contrat d'exclusivité, si cela doit être obligatoirement inclus, et si cela a une incidence sur cette entité mondiale qui fonctionne par consensus, et qui fait que tout le monde se trouve sur un pied d'égalité. Est-ce que cette égalité disparaît totalement parce que j'ai été assez futée pour m'en occuper au cours de négociations commerciales antérieures et que maintenant je suis en quelque sorte exemptée de tout autre contrôle ou de toute autre règle qu'on voudrait m'imposer?

Cela me rappelle le secteur du textile et l'accord sur les fibres et la difficulté que cela a créée pour les manufacturiers canadiens du secteur du vêtement, par exemple.

M. John Klassen: Oui, l'accord sur les textiles, ce n'est pas vraiment la même chose, si l'on parle d'ententes bilatérales ou régionales...

Mme Sheila Finestone: Vous me l'apprenez, monsieur. Je vous écoute.

M. John Klassen: Excusez-moi. Lorsqu'on entreprend des négociations de libre-échange, comme celles qui sont en cours actuellement avec l'AELE ou en vue de l'Accord de libre-échange des Amériques, comme toutes les parties aux négociations sont membres de l'OMC, celle-ci devient, en quelque sorte, notre point de départ. Un pays ne peut pas se soustraire à ses obligations découlant de l'OMC par des négociations bilatérales ou régionales. On ne peut pas négocier quoi que ce soit pour essayer de se soustraire aux obligations de l'OMC.

Mme Sheila Finestone: Arrêtez un instant. Tout d'abord, l'OMC n'a commencé qu'en 1991, 1994 ou 1995, à peu près. Est-ce que cela remonte au GATT?

M. John Klassen: Oui. Le GATT fait partie de l'OMC. Le GATT, qui a commencé en 1948 et qui traitait de questions concernant le commerce des biens, a été mis à jour dans le cadre des négociations de l'Uruguay Round, et il a reçu des ajouts. Pour reprendre la comparaison du ministre, c'est devenu une pièce dans la maison plus spacieuse qu'est l'OMC. Les autres pièces sont l'Accord sur le commerce et les services, l'Accord sur le commerce concernant les mesures de propriété intellectuelle et le protocole d'entente sur le règlement des différends. Tout cela relève de l'OMC, mais il s'agit de secteurs particuliers du commerce.

Par conséquent, toutes les obligations que nous avions en vertu du GATT à partir de 1948 et qui ont été modifiées au fil des négociations s'appliquent toujours à tous les membres de l'OMC.

Mme Sheila Finestone: D'accord; donc lorsque je conclus un accord bilatéral ou multilatéral, j'ai déjà un point de départ.

M. John Klassen: Exactement.

Mme Sheila Finestone: Je ne peux pas descendre en deçà des obligations de l'OMC, mais je peux m'élever au-dessus d'elles et les perfectionner.

M. John Klassen: Oui. Vous pouvez aller au-delà de ces obligations dans un accord bilatéral ou régional de libre-échange, si tel est votre désir, et c'est ce que nous avons fait avec l'ALENA. Au moment où nous avons négocié l'ALENA, nous sommes allés plus loin que ce que prévoyait alors le système multilatéral dans le secteur des services. Au cours des négociations avec l'AELE, nous envisageons d'aller plus loin que ce que prévoit actuellement le système multilatéral en matière de facilitation du commerce. Nos obligations aux termes de l'OMC sont donc des points de départ. On ne peut pas y déroger dans un accord commercial bilatéral ou régional; on ne peut qu'aller au-delà.

• 1115

Mme Sheila Finestone: Comment en est-on arrivé à la situation actuelle des maquiladoras le long de la frontière américano-mexicaine? Ce n'est certainement pas conforme à ce que nous souhaitons comme mode de comportement dans le commerce mondial.

M. John Klassen: C'est une situation qui ne relève pas de l'accord de libre-échange. Il s'agit là de dispositions très spéciales qui ont été adoptées, et qui...

Mme Sheila Finestone: Elles n'auraient pas leur place sous mon toit.

M. John Klassen: Comment dites-vous?

Mme Sheila Finestone: Pour reprendre l'image de la maison, elles sont à la cave, cachées sous une pierre.

M. John Klassen: C'est sans doute une bonne façon de présenter les choses.

Mme Sheila Finestone: Cela ne marche pas non plus dans une société civile.

Le président: Non.

Mme Sheila Finestone: Je voudrais savoir comment on en est arrivé à accepter une telle situation.

Le président: Il faudrait faire venir ici des Américains et des Mexicains qui pourraient nous expliquer comment ils s'y sont pris.

M. John Klassen: Bien, même en vertu des règles de l'OMC et, par exemple, en vertu des anciennes règles du GATT, on trouvait certaines dispositions qui permettaient de renoncer aux droits de douane lorsque les biens étaient importés, transformés, puis réexportés. On pouvait adopter ce genre d'accord tout en continuant à se conformer à ses obligations aux termes de l'OMC. Les maquiladoras sont en fait une extrapolation de cette formule.

Mme Sheila Finestone: Donc, peu importent les conditions de travail et le mépris dont les travailleurs font l'objet.

M. John Klassen: Pas en ce qui concerne nos obligations commerciales actuelles.

Mme Sheila Finestone: Bien.

Le président: Je crois que nous allons beaucoup en entendre parler. Le comité devra sans doute s'y consacrer pour décider des recommandations qu'il pourra faire au gouvernement afin de traiter de ces questions.

[Français]

Mme Sheila Finestone: C'est exactement ce qu'il faut faire. Si cela va en-dessous de cette magnifique maison qui dirige ce qu'on fait, comment se fait-il qu'on a les maquiladoras? C'est inhumain.

[Traduction]

Le président: Nous allons nous en occuper et nous pourrons certainement faire de bonnes recommandations, mais n'oublions pas le Canada. Les maquiladoras résultent notamment de remises de droits de douane, que le Canada utilise lui-même abondamment pour aider les producteurs canadiens. On voit toujours la paille dans l'oeil de son voisin, mais on ne voit pas la poutre dans le sien. Il en va souvent de même dans les accords commerciaux. Tout le monde, dans notre pays, profite grandement des régimes de remise de droits de douane, et nous pouvons difficilement interdire aux Américains ou aux Mexicains d'y recourir, puisque nous nous en servons nous-mêmes en permanence.

M. Terry Collins-Williams: J'aimerais insister un peu sur ce point.

Le président: C'est toujours le problème.

M. Terry Collins-Williams: Nous nous servons des régimes de remise des droits de douane de façon exclusive, mais nous ne les limitons pas à certaines zones géographiques. Tout producteur, tout travailleur, où qu'il se trouve au Canada, a le droit de bénéficier de notre programme de remise des droits de douane, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, où l'on se sert de zones de libre-échange géographiquement limitées, ou au Mexique, avec les maquiladoras.

Le président: Plusieurs députés sont venus me dire qu'ils souhaiteraient que ce comité envisage l'opportunité de créer des zones de libre-échange dans notre pays, dans le but de favoriser certaines régions. Ce sujet refait constamment surface, car de nombreux pays procèdent ainsi. Toute l'économie de la Chine a été organisée de cette façon au départ, avec les zones spéciales et les mesures de ce genre, comme vous le savez bien.

Je voudrais moi-même poser quelques questions, et ensuite les membres du comité voudront sans doute aborder d'autres sujets.

Sur un point particulier, l'ambassadeur du Japon me disait l'autre jour que le Japon poursuit le Canada devant le groupe spécial de l'OMC à propos du Pacte de l'automobile. Est-ce exact? Est-ce qu'ils reprochent au Pacte de l'automobile de ne pas être conforme à l'OMC? Il me semblait que nous avions obtenu une dispense dans le cadre du GATT pour ce pacte. Est-ce qu'ils contestent l'ensemble du Pacte de l'automobile? C'est ma première question. Quelle est la nature de ce défi canado-japonais concernant le Pacte de l'automobile? On en parle beaucoup.

La deuxième question concerne les services, les provinces et la question de Mme Debien. Il me semble que quand on parle de services, on entre dans un domaine où les provinces ont des pouvoirs législatifs étendus. Si je regarde l'accord sur les services, auquel le Canada a adhéré... En fait, ma question comporte deux volets. Le premier est international. Lorsque nous avons adhéré à l'accord sur les services, lorsque nous avons demandé notre adhésion, il y avait toutes sortes de particularités: l'Alberta acceptait ceci, le Québec acceptait cela, l'accord bancaire ne devait pas s'appliquer au Québec, mais il s'appliquait au Nouveau-Brunswick et à l'Ontario. C'était de la courtepointe très élaborée.

• 1120

Comment les autres pays réagissent-ils? Est-ce que nos partenaires commerciaux se demandent comment ils peuvent faire des affaires avec le Canada? Lorsqu'ils viennent au Canada, ils ne savent pas qu'une fois rendus à destination ils ne pourront pas aller dans les Territoires du Nord-Ouest ou en Alberta, mais s'ils passent par la Colombie-Britannique, ils peuvent repartir par l'Ontario, etc. C'est ma première question. Est-ce que les autres pays acceptent cela?

Est-ce que d'autres pays font la même chose? Est-ce que les États-Unis font la même chose, en tant qu'État fédéral? J'imagine que c'est le cas dans le domaine des assurances, car l'appartenance à l'État est très forte. Ils ont tous leurs commissaires aux assurances. Est-ce qu'ils forment le même genre de courtepointe? L'Allemagne est-elle aussi une courtepointe? Est-ce que tous les États fédéraux adoptent la même formule? C'est ma première question.

Mme Sheila Finestone: C'est votre troisième question.

Le président: Non, non, pas du tout. C'est tout à fait la même chose.

Ma deuxième question se rapporte à la première. Pour en revenir aux questions de Mme Debien et de M. Mills, comment faire intervenir les provinces? Vous avez parlé de la façon de régler les problèmes des administrations provinciales. Comment faire intervenir la classe politique provinciale?

Ce comité va voyager dans tout le pays dans le cadre de l'étude de la société civile. Est-ce qu'il faudrait entendre des députés provinciaux, ou du moins rencontrer nos collègues des assemblées provinciales lorsque nous allons traverser le pays pour discuter avec eux de questions commerciales qui relèvent directement de la compétence législative provinciale, comme les services, dont les provinces s'occupent?

Voilà mes trois questions, malgré tout le scepticisme de Mme Finestone.

Mme Sheila Finestone: N'hésitez pas à mentionner mon nom, monsieur le président.

M. John Klassen: Pour ce qui est de votre première question, monsieur le président, c'est vrai, le Japon conteste le Pacte de l'automobile. Le Japon et l'Union européenne contestent le Pacte de l'automobile devant l'OMC. Nous avons eu des consultations dans le cadre des procédures de règlement des différends. Nous venons d'accepter le principe de la création d'un groupe spécial, et nous sommes en train d'en choisir les membres, qui vont entendre les délibérations.

Nous n'avons pas obtenu de dispense pour le Pacte de l'automobile. Lorsque nous l'avons négocié au cours des années 60, les États-Unis ont obtenu une dispense du GATT. Ce ne fut pas notre cas, car nous étions convaincus—et nous le sommes toujours—de nous conformer à nos obligations. On demande une dispense lorsqu'on fait quelque chose qui n'est pas conforme à ses obligations. Nous étions convaincus que ce n'était pas notre cas. Nous pensons que le pacte est conforme à nos obligations, en particulier compte tenu de la clause de la nation la plus favorisée. Le principal argument des Japonais, c'est que le pacte n'est pas conforme à nos obligations. Nous sommes d'un avis contraire. C'est ce dont nous étions convaincus, et nous le sommes toujours.

M. Terry Collins-Williams: Peut-être faudrait-il expliquer, quitte à entrer dans des détails un peu techniques, que les États-Unis et le Canada ont mis en oeuvre le Pacte de l'automobile de différentes façons. Pour l'essentiel, le Pacte de l'automobile a pour effet d'accorder une remise de droits. Il supprime les droits de douane sur les importations de véhicules au Canada par les fabricants nord-américains de véhicules, c'est-à-dire essentiellement les trois grands. Ils peuvent importer des voitures de n'importe où au monde. Nous avons prévu une remise de droits au plan multilatéral sur la base de la clause de la nation la plus favorisée. Les voitures peuvent venir de partout, et elles viennent effectivement de partout. Ford peut importer des voitures du Japon, de la Grande-Bretagne ou d'ailleurs en Europe. Chrysler importe désormais des voitures fabriquées par Mercedes.

Les États-Unis ont mis en oeuvre le Pacte de l'automobile en disant que seules les voitures fabriquées au Canada pouvaient donner lieu à l'élimination des droits de douane quand elles arrivent aux États-Unis. De toute évidence, et les Américains l'ont reconnu, ils ne se conformaient pas, à l'époque, à leurs obligations découlant de la clause de la nation la plus favorisée dans le cadre du GATT, et c'est pourquoi ils ont dû obtenir une dispense.

Quant à nous, nous nous conformions à nos obligations découlant de la clause de la nation la plus favorisée. Nous nous y conformons toujours, et ce sera notre argument de défense.

M. John Klassen: L'affaire n'en est qu'à ses débuts. Le groupe spécial n'a pas encore été formé. Ensuite, il y a des audiences et différentes étapes de procédure.

Mme Sheila Finestone: Tout semble très logique.

M. John Klassen: C'est bien notre avis.

Le président: Espérons que le Canada sera d'accord.

M. John Klassen: Tout à fait.

Pour ce qui est de votre deuxième question concernant les services et les provinces, vous abordez un sujet très intéressant, qui comporte de vastes conséquences. Si l'on pense aux nouvelles caractéristiques de la politique commerciale, on y trouve notamment la transparence, l'ouverture et l'engagement de consulter les Canadiens. En général, c'est de cela que nous parlons ici.

• 1125

Par ailleurs, la politique commerciale s'engage de plus en plus dans des secteurs situés au-delà de la frontière. Comme l'a dit le ministre, le commerce est local en un sens, et les mesures prises ont donc un impact plus grand sur les politiques intérieures, mais elles ont aussi un effet plus marqué dans des domaines de compétence provinciale exclusive ou de compétence partagée.

Quand on parle de services, d'investissements, de marchés d'État ou d'autres choses, il faut toujours mettre les provinces de son côté. Autrement, on ne peut s'engager dans des négociations. Pour parler franchement, c'est là une pomme de discorde pour certains de nos partenaires commerciaux qui voudraient accéder plus facilement à des programmes provinciaux ou qui voudraient que les provinces s'engagent plus fermement dans certains domaines. La prise en compte des points de vue provinciaux fait donc partie du défi que nous avons à relever dans l'élaboration d'un point de vue canadien et dans les négociations pour le Canada.

Comme je l'ai expliqué précédemment, nous avons un important programme de consultation avec les provinces, et nous abordons ces questions avec elles. Nous reconnaissons qu'il nous est impossible d'agir de notre propre chef et de prendre des engagements impliquant les provinces si ces dernières n'y sont pas prêtes. C'est pour cela qu'on trouve ces références dans les annexes sur les services: il fallait que les provinces soient prêtes à accepter ces obligations.

Comment les autres pays acceptent-ils la réalité canadienne? Tout dépend du pays en question. Comment les autres y font-ils face? On trouve un problème très semblable dans le domaine des marchés d'État aux États-Unis, par exemple. Le programme «Buy American», qui prévoit des dispositions particulières pour les petites entreprises minoritaires, fait appel à de nombreux programmes d'État. Le gouvernement fédéral de Washington ne peut pas contredire les États. Le problème est moins flagrant en Allemagne, car l'autorité fédérale en matière de commerce international y est beaucoup plus forte. Je ne pense pas que l'Allemagne connaisse des difficultés importantes à cet égard. Pourtant, dans l'ensemble, les Européens, en particulier, font pression sur nous pour obtenir des engagements des provinces dans un certain nombre...

Le président: Pour prendre un exemple, le monopole des sociétés des alcools les contrarie beaucoup, n'est-ce pas?

M. John Klassen: Oui.

Le président: Et il contrarie également certains consommateurs.

M. John Klassen: C'est un problème que nous abordons de temps en temps avec nos amis européens.

Le président: Et nous pouvons leur souhaiter bonne chance, n'est-ce pas?

Mme Sheila Finestone: Si le Canada signe un accord, est-ce que vous devez tout d'abord le faire signer par les 10 provinces avant d'aller plus loin?

Le président: Non. Nous utilisons ce qu'on appelle généralement la clause de l'État fédéral, qui nous permet de le signer nous-mêmes. S'il s'agit d'un domaine de compétence provinciale, les autres pays comprennent qu'ils n'ont accès qu'aux secteurs convenus. Je peux vous montrer l'annexe sur les services, par exemple, notamment dans le secteur bancaire. Dans l'accord sur les services financiers, il est question de l'ensemble du pays dans certains secteurs, mais dans d'autres, l'accord ne donne accès qu'à certaines provinces. Les autres pays savent qu'il en est ainsi lorsqu'ils traitent avec le Canada, à cause de la nature de notre Constitution.

Jusqu'à maintenant, cette complexité a toujours posé un problème dans tous les accords internationaux, et non pas uniquement dans les ententes commerciales. Nous avons toujours dû y faire face. Nous avons signé la convention sur les enlèvements d'enfants par les parents, dont j'ai oublié le titre exact, mais cette convention est assujettie à la ratification des provinces, et cette ratification varie d'un domaine à un autre. Tous ceux qui signent cet accord savent que les provinces y adhèrent chacune selon des conditions différentes.

Il en va de même pour les accords d'arbitrage international. Le Canada a signé des milliers d'accords de ce genre, qui s'appliquent différemment selon la façon dont les provinces interviennent dans leurs domaines de compétence. Ce n'était pas le cas du commerce, car il s'agissait simplement du commerce des biens, qui n'était pas très compliqué. Avec les services, il est davantage question des affaires au quotidien, et on entre dans des secteurs relevant davantage de la compétence provinciale; nous en sommes conscients, et c'est pourquoi j'ai posé ma deuxième question.

Je sais que M. Klassen dit qu'il n'y a pas de problème pour les consultations avec les administrations provinciales, mais qu'il serait bon de passer maintenant aux parlements. Je sais, par exemple, qu'au Bundestag allemand il y a des réunions régulières sur les questions commerciales et, en particulier, sur la Communauté européenne, avec les partenaires des divers LEnder, précisément pour cette raison. Serait-il bon que notre comité, ou nous en tant que politiques, envisagions des relations avec nos homologues provinciaux afin de discuter avec eux de ces questions? C'est la question que je me posais au sujet de ce que disait M. Mills. Ne serait-il pas bon que tout le monde essaie de comprendre ce qui se passe dans le monde?

• 1130

M. John Klassen: Oui, monsieur le président, je suis d'accord; je pense que ce serait utile. En fait, au palier politique, le contact se fait aux réunions ministérielles annuelles dont nous avons parlé et qu'a en quelque sorte ranimées le ministre Marchi. Il s'était écoulé quelque cinq ou six ans sans que nous ayons de réunions semblables. Nous en sommes maintenant à la deuxième ou troisième qui sera présidée par le ministre Marchi. Il est d'ailleurs aussi en contact avec ses homologues provinciaux au sujet d'un certain nombre de dossiers spécifiques. Mais il est évident que le genre de réseau de consultation que j'ai décrit se situe tout à fait au niveau des fonctionnaires, et je pense donc que des contacts politiques tels que vous les décrivez pourraient être utiles. Vous constateriez que dans certaines provinces on vous parlera de sujets d'intérêt très particulier.

Le président: Monsieur Speller, notre attaché de recherche me rappelle que la Colombie-Britannique a en fait comparu lors des audiences sur l'AMI. C'est bien cela? C'est donc le genre de choses que nous pourrions multiplier.

Y a-t-il d'autres questions?

Je suis convaincu, comme vous le dites, que nous aurons l'occasion d'entendre vos collègues jeudi matin lorsque nous examinerons plus en détail certains secteurs et que nous parlerons de stratégie de négociation.

Merci à vous deux, messieurs Klassen et Collins-Williams. Cet échange a été très utile.

Rendez-vous jeudi matin à 9 heures. N'oubliez pas que cet après-midi il y a une réunion mixte avec le Comité de la défense sur le Conseil de sécurité au Kosovo.

Mme Sheila Finestone: Où cela se passe-t-il?

Le greffier du comité: À la salle 209.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Il y a aussi un sous-comité du commerce international là-bas.

Le président: Oui, vous vous souviendrez que nous en avons discuté l'autre jour. Nous avons fait cela parce que c'était le seul moment que le ministre avait de disponible.

La séance est levée.