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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 juin 1998

• 0908

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité des affaires étrangères.

Nous tenons ce matin une table ronde sur la question d'une cour criminelle internationale. Les membres du comité se souviennent sans doute que certains d'entre nous, lors de notre récent passage à New York, ont assisté à des séances d'information données par les fonctionnaires du ministère qui représenteront le Canada aux rencontres qui se tiendront prochainement à Rome. Certains d'entre vous toutefois n'étaient pas du nombre.

C'est donc avec plaisir que nous accueillons ce matin un groupe assez imposant de témoins: M. Warren Allmand, président du Centre international pour les droits de la personne et le développement démocratique; M. Fergus Watt, du Mouvement canadien pour une fédération mondiale; M. Daniel Préfontaine, du International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy; Mme Valerie Oosterveld, du Women's Caucus on Gender Justice in the ICC; le professeur William Schabas, de l'Université du Québec à Montréal; M. Matas, d'Amnistie Internationale; MM. Alan Kessel et Darryl Robinson, du ministère des Affaires étrangères et du commerce international, les auteurs de l'allocution que nous avons entendue à Washington, qui sont de retour et qui nous garderont dans le droit chemin; M. Piragoff, du ministère de la Justice, et, Mme Elaine Harvey, de la Unitarian Universalist Association.

Je souhaite à tous la bienvenue.

Normalement, nous demandons à chacun de prendre la parole pendant une dizaine ou une quinzaine de minutes, ce qui nous laisse du temps pour poser des questions, mais vous comprendrez qu'avec un groupe de huit aujourd'hui, je vais vous demander de ne pas dépasser huit minutes chacun. Cela nous laissera le temps de poser des questions et il y en a beaucoup. Je vais essayer de vous faire respecter cette limite. Je sais que la plupart d'entre vous sont des avocats et, comme les professeurs, vous avez beaucoup de mal à ne pas parler pendant au moins une demi-heure, mais nous allons essayer de vous y contraindre, si nous en sommes capables.

• 0910

Toutefois, M. Mills m'a demandé tout à l'heure si nous pouvions d'abord nous occuper de la motion de M. Grewal. La dernière fois, M. Grewal avait déposé une motion invitant le comité à examiner les plans de dépenses et de priorités pour les prochains exercices financiers du ministère des Affaires étrangères au sujet de l'Agence canadienne de développement international et de ses programmes d'aide à l'Inde et au Pakistan à la lumière des récents essais nucléaires effectués par ces deux pays et de présenter un rapport à la Chambre.

Cela fait suite à nos audiences. Vous n'ignorez pas non plus que nous recevons une délégation du Pakistan cet après-midi, n'est- ce pas? Oui.

Il faudra attendre jusqu'à ce que nous obtenions... M. Speller à lui seul constitue-t-il le quorum? Non. Nous allons donc attendre. Je n'imagine pas que cette motion suscitera l'objection de qui que ce soit, si j'en juge par ce que je vois dans la salle et j'imagine que la question sera réglée rapidement. Je ne constate aucune opposition. Je pense que c'est une bonne idée.

Désolé de vous faire attendre, monsieur Allmand. Auriez-vous l'amabilité de donner le coup d'envoi aux témoignages.

M. Warren Allmand (président, Centre international pour les droits de la personne et le développement démocratique): Merci beaucoup.

Je tiens d'abord à remercier le comité d'avoir organisé la rencontre d'aujourd'hui sur ce thème très important. Je suis heureux de revoir beaucoup d'entre vous.

Puisque nous ne disposons que de huit minutes et qu'il y a beaucoup de spécialistes autour de la table, je vais m'en tenir à certains points.

Tout d'abord, pourquoi une cour criminelle internationale? Parce que, depuis trop longtemps, des individus réussissent à se tirer impunément de crimes flagrants contre la justice—le génocide, le meurtre, le viol, l'assassinat—tout simplement parce que cela faisait partie d'un processus dans un État qui sanctionnait ce genre de conduite.

Pourtant, les pays du monde disposent de conventions internationales contre le génocide. Il y a le Pacte international sur les droits civils et politiques, qui énonce le droit à la vie, le droit de n'être ni emprisonné, ni tué, ni torturé arbitrairement. Voilà autant de droits qui ont été approuvés dans diverses conventions et ratifiés par de nombreux pays, y compris le Canada, et pourtant certains des signataires se livrent à ces exécutions, à ces génocides, etc., que ce soit en Yougoslavie, au Nigéria, en Afghanistan ou en Bosnie. On en retrouve un très grand nombre d'exemples dans le monde.

À Nuremberg, après la Deuxième Guerre mondiale, ce sont les vainqueurs qui ont créé un tribunal, ce qui lui a enlevé une partie de sa crédibilité. Depuis lors, il existe un mouvement en faveur de la création d'une cour criminelle internationale qui serait saisie des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et du génocide, mais la guerre froide a stoppé ce mouvement.

Après la guerre froide, la question est revenue à la surface et a acquis une dynamique propre. Au cours des dernières années, il s'est tenu six conférences préparatoires à la conclusion de la Convention, en vue de la réunion de Rome qui aura lieu dans quelques semaines, du 15 juin au 17 juillet.

Nous félicitons le gouvernement du Canada de l'exemple qu'il a donné dans ce dossier mais nous avons néanmoins encore beaucoup de préoccupations parce que le texte qui sera étudié à Rome comporte 1 300 passages entre parenthèses. Autrement dit, après six rencontres préparatoires, même si beaucoup de décisions ont été prises, beaucoup d'autres restent à confirmer. Ce qui signifie que pour certaines dispositions, il y a deux ou trois variantes, entre parenthèses, et il appartiendra aux gouvernements du monde de sélectionner la variante qu'il préfère. C'est ce qui nous inquiète, parce que certaines des propositions aboutiraient à une cour criminelle internationale très faible, pour ainsi dire dénuée de toute utilité.

Quand je m'entretiens avec certaines personnes, y compris certains députés, je ne parle pas de ceux qui siègent au comité—ils me disent qu'il y a beaucoup d'appui en faveur de la cour, que c'est pour ainsi dire chose faite. Eh bien, c'est peut- être chose faite mais cette chose est si faible qu'elle n'a presque aucune utilité.

• 0915

J'aimerais énumérer les secteurs que nous demandons au Parlement et au gouvernement de ne pas affaiblir au risque d'aboutir à une cour de façade, qui n'en vaut pas la peine.

Le texte prévoit que la cour aura compétence dans trois grands domaines: le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Dans tous les cas, il faut des définitions, et c'est dans la désignation de ce qui constitue un crime de guerre ou un crime contre l'humanité que se situe le débat et l'on trouve les passages entre parenthèses.

Prenons le cas des crimes de guerre. On trouve de nombreuses définitions. Toutefois, certains États ont proposé que le seuil de ce qui constituerait un crime de guerre devant la cour criminelle internationale serait inférieur à ce qui existe actuellement au tribunal du Rwanda ou de la Yougoslavie et bien inférieur au tribunal de Nuremberg.

Nous demandons au gouvernement et au Parlement du Canada, de s'élever vigoureusement contre tout affaiblissement de la définition actuelle de crimes de guerre et de ne pas accepter certaines propositions qui feraient en sorte qu'il serait presqu'impossible d'intenter des poursuites et de condamner certains actes qui peuvent l'être aujourd'hui.

L'autre chose concerne les crimes contre l'humanité. Certains États veulent que ces crimes n'existent qu'en situation de guerre. Accepter cela accorderait l'impunité à ceux qui à l'occasion de conflits civils ou en régimes répressifs recourent à des forces paramilitaires pour faire disparaître des gens, les incarcérer sans procès, les torturer, les exécuter. Rien de tout cela ne ressortirait à la compétence du tribunal parce qu'il n'y aurait pas d'état de guerre.

Nous disons que les crimes contre l'humanité devraient exister qu'il y ait guerre ou non car, comme vous le savez, il y a eu plus de 200 guerres depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La plupart sont des guerres nationales. La plupart des guerres actuelles sont livrées à l'intérieur même des pays. Parfois, il ne s'agit même pas de guerre ouverte mais seulement d'oppression permanente.

Il y a donc ces deux questions et je suis certain que mes collègues pourront vous en dire davantage plus tard. Comme le temps presse, je souligne le fait qu'il est extrêmement important que dans les négociations, en particulier avec les États-Unis et la France, qui tous les deux... mais il s'agit-là d'autre chose et je serai bref sur le sujet. Je parle de l'indépendance de la cour et du procureur. Certains pays, dont les États-Unis et la France, veulent que la compétence de la cour soit assujettie au veto du Conseil de sécurité.

Je veux dire, il y aurait des cas où... Pouvez-vous imaginer si, dans un État, certains citoyens avaient le droit de dire: «La cour s'appliquera à vous tous, mais dans mon cas, j'ai le droit d'opposer mon veto»? Pour répliquer à cet argument des Américains des Français et certains autres, nous avons dit que vous détenez vraiment un veto. Vous n'avez pas besoin de l'avoir au Conseil de sécurité, parce que le texte prévoit que le tribunal ne sera compétent que si l'État est incapable de s'occuper lui-même des suspects ou refuse de le faire.

Par exemple, s'il y a dans leur pays un général ou un homme politique responsable de génocide ou de crimes contre l'humanité et s'ils le traduisent eux-mêmes devant leurs tribunaux, la Cour criminelle internationale n'est pas compétente. Ce n'est que si l'État n'a pas les lois qui prévoient ces situations ou s'il omet de les appliquer, s'il essaie de protéger quelqu'un manifestement responsable de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre ou de génocide.

La France est le seul pays de l'Union européenne à prendre cette position. Tous les autres sont favorables à l'idée d'une cour forte, y compris le Royaume-Uni, qui a changé sa position après les dernières élections dans ce pays. Il y a donc la France, isolée dans l'Europe de l'Ouest, dans l'Union européenne, et il y a certains grands pays au monde.

• 0920

Nous disons qu'il vaudrait mieux ne pas avoir de cour du tout plutôt qu'une cour fantoche, bidon. Oublions l'idée s'il s'agit de renoncer à Rome pendant les négociations uniquement pour obtenir l'adhésion des Américains à un tribunal qui n'a aucune signification.

Au fait, Jesse Helms, lorsque nous étions à New York pour la dernière réunion préparatoire, a envoyé un message aux négociateurs américains leur disant que peu importe ce que vous allez nous proposer à Washington, le projet est mort-né, ne vous donnez même pas la peine. Ça ne l'intéresse même pas. Il ne ratifiera rien, même si la cour est impuissante. Donc, à quoi bon diluer le tout pour obtenir l'adhésion des Américains qui ne vont même pas se donner la peine de la ratifier?

Monsieur le président, mon temps est écoulé. Je voulais vous signaler que nous avons préparé un résumé de deux pages de notre position qui reprend les arguments en faveur du tribunal; nous avons aussi un document de huit pages qui expose ces arguments de façon plus détaillée. Je serai heureux de répondre à vos questions à la fin.

J'ajouterai que le Centre international s'occupe de la question de l'impunité depuis de très nombreuses années. Nous voyons dans la création de cette cour comme le principal moyen de lutter contre l'impunité. Ce pourrait être une occasion historique. Le Canada a ouvert la voie et nous espérons continuer à le faire dans la convention de Rome.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Allmand.

Comme de coutume, tout ce qui a trait à Jesse Helms pique l'intérêt des membres du comité. Comme il est dommage de se faire rappeler combien il est puissant. Nous ne sommes peut-être pas aussi puissants, mais nous agissons de façon beaucoup plus responsable, pour ainsi dire.

Nous allons maintenant entendre les représentants du ministère des Affaires étrangères, MM. Kessel et Robinson.

Monsieur Kessel, je vous invite à écouter attentivement toutes les interventions. Si vous estimez qu'il y a lieu de clarifier la position de négociation du Canada, je vous donnerai une minute ou deux à la fin des témoignages pour faire vos observations, si vous le jugez bon.

Je donne maintenant la parole à M. Kessel.

M. Alan Kessel (directeur, Division du droit onusien, de la criminologie et des traités, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président.

C'est en effet un plaisir pour moi d'être ici et de retrouver un grand nombre de ceux que nous avons rencontrés à New York pendant les jours frénétiques de la dernière réunion du comité préparatoire. Je suis également très heureux d'être accompagné ce matin par M. Don Piragoff, avocat général, politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice et M. Darryl Robinson de la section du droit onusien, des droits de la personne et du droit humanitaire au ministère des Affaires étrangères.

Nous avons tous fait partie de la délégation canadienne qui a mené un combat honorable dans ce dossier, et je suis très heureux de prendre la parole devant vous à la veille de la réunion de Rome. La semaine prochaine, à Rome, on fera le dernier pas sur la longue route conduisant à la création d'une cour criminelle internationale. Comme vous le savez, la conférence diplomatique durera du 15 juin au 17 juillet et mettra la dernière main aux statuts de la cour.

Nous sommes très optimistes à la veille de ces négociations. Nous avons travaillé avec acharnement et il est vrai que le texte couvre 172 pages et comporte 1 300 parenthèses, mais en fin de course nous espérons aboutir à un tribunal autonome et efficace régi par des statuts efficaces.

J'ai déjà dit—et beaucoup de mes collègues et amis des ONG et des milieux universitaires et dans l'administration nous ont entendu dire—pourquoi nous sommes optimistes. Si nous avions été ici il y a cinq ans et si pendant la séance vous nous aviez demandé s'il était possible dans cinq ans d'avoir un tribunal, la plupart vous auraient répondu que non. Mais la semaine prochaine, nous serons à Rome pour travailler sur les statuts. Nous sommes donc optimistes—nous avons parcouru un long chemin—et avec raison.

M. Allmand vous a tracé une toile de fond et je ne vais pas vous ennuyer en la décrivant à nouveau. Voyons de quelles questions nous sommes saisis.

Actuellement, le problème ne réside pas dans le principe mais bien dans les modalités de création de la cour. Il est très facile dans des circonstances comme celles-ci de ployer sous les détails ou d'essayer d'obtenir une entente à n'importe quel prix. On peut préciser la définition des crimes ou la portée d'application des statuts de la cour à tel point qu'elle ne serait que rarement compétente dans certains cas précis. On peut aussi créer quantité d'obstacles avant qu'elle ne puisse être saisie d'une affaire à tel point qu'elle ne puisse exercer sa compétence dans la pratique la plupart du temps ou après des retards tels que son rôle n'a plus de signification. Il ne faut pas que cela se produise.

• 0925

De façon réaliste, il ne s'offre qu'une possibilité de créer une Cour universelle, autonome et véritablement efficace, et c'est maintenant.

Il reste à régler un certain nombre de grandes questions, par exemple, l'énorme importance pratique de procédures adéquates qui concilient le droit civil et la common law, mais je parlerai aujourd'hui de quatre grandes questions.

La première est la définition des crimes. Il se dégage actuellement un consensus, soutenu par le Canada, pour que le CCI ait compétence en matière de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Les délégations ont convenu que les définitions de ces crimes doivent découler du droit international établi, mais il y a amplement matière à désaccord sur l'interprétation à donner à ce droit, large ou étroite.

Ici, je signalerai deux choses, qui découlent de la simple observation. La première, c'est que la plupart des guerres sont livrées à l'intérieur des États et non pas entre eux. La deuxième, c'est que, dans ces conflits, ce sont en général les civils qui souffrent le plus. Les femmes et les enfants sont souvent délibérément choisis pour cible.

Pour les besoins de la création de la CCI, les leçons sont claires. D'abord, son mandat en matière de crimes de guerre doit englober les conflits à l'intérieur des États. Ne pas le faire serait fermer les yeux sur les situations qui sont à l'origine des efforts renouvelés en vue de créer une cour de ce genre.

Deuxièmement, la cour doit être sensible aux questions des sexes et à la situation des enfants. Le viol, l'esclavage sexuel et d'autres formes de violence sexuelle doivent être reconnus dans les statuts comme crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Les enfants sont souvent deux fois la victime, en particulier à l'occasion des conflits armés, d'abord comme victimes civiles puis comme enfants soldats. La cour devrait avoir le mandat de poursuivre ceux qui enrôlent des enfants dans des armées ou des milices et qui se servent d'eux de quelque façon que ce soit, pendant les hostilités.

Les trois autres points que je vais soulever portent sur la nécessité pour la cour d'être authentiquement autonome et ne pouvoir exercer sa compétence sans rencontrer d'obstacles inutiles.

Tout d'abord, le Canada est fermement convaincu que la CCI devrait implicitement avoir compétence pour juger les crimes de base comme le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Cela suppose une compétence qui n'a pas besoin du consentement d'un ensemble d'États au cas par cas, comme certains États l'ont soutenu. À notre avis, un régime de consentement nuirait à l'efficacité de la cour et permettrait à des États d'acquérir le prestige conféré par la ratification des statuts de la CCI sans jamais accepter sa compétence dans une véritable affaire. Autrement dit, rien de plus qu'une occasion d'épater la galerie.

Il faut bien savoir en effet que la cour ne serait compétente que lorsque l'État en mesure de poursuivre un délinquant réputé est incapable de le faire de façon véritable ou s'y refuse. En pareil cas, si l'on ajoute, par exemple, la nécessité pour la cour avant d'exercer sa compétence d'obtenir le consentement de l'État sur le territoire duquel le crime a été commis—souvent l'État qui peut poursuivre—le résultat est clair: la poursuite devient impossible.

Le deuxième problème est le rôle du Conseil de sécurité. Oui, le Conseil doit pouvoir renvoyer des affaires à la CCI puisque cela augmentera son efficacité. Toutefois, il ne faut pas pouvoir la paralyser du seul fait que la question figure à l'ordre du jour du Conseil de sécurité. Certaines questions y figurent depuis 30 ans sans la moindre suite.

Il se peut que la suspension temporaire des activités de la CCI soit nécessaire dans certaines situations rigoureusement définies, comme les mesures prises par le Conseil en vertu du chapitre 7 de la Charte de l'ONU. Mais cette suspension doit être le résultat d'une décision délibérée du Conseil de sécurité, ne doit pas être prise de façon automatique et devrait être limitée dans le temps.

Le troisième point concerne l'indépendance du procureur. En vertu du projet de statuts, la CCI ne peut devenir compétente que lorsqu'elle est saisie d'une plainte venant d'un État ou à la suite d'un renvoi du Conseil de sécurité. Le Canada et beaucoup d'autres États sont en faveur de l'idée que le procureur puisse aussi intenter d'office des poursuites.

• 0930

Nous ne pensons pas que le procureur doive dépendre entièrement de l'initiative des États ou d'organisations si le genre de crimes dont on vient de parler ont été commis. Et honnêtement, vu le calibre élevé du procureur à ce poste, quel qu'il soit, nous ne sommes pas convaincus du tout quand on nous dit que le procureur pourrait ne pas se conduire de façon responsable. Pour nous, l'indépendance du procureur est essentielle.

Le Canada a joué un rôle clé dans le règlement d'une des difficultés des plus épineuses, le concept de la complémentarité, qui définit les rapports entre la CCI et les tribunaux nationaux et détermine à qui va la compétence dans une affaire donnée.

Le principe de base c'est que la CCI viendra compléter et non remplacer les tribunaux nationaux. Cela crée la présomption que le procureur ne pourra prendre aucune mesure lorsque l'État est doté d'un appareil judiciaire qui fonctionne, à moins que l'État soit incapable de mener l'enquête ou de la poursuivre de façon véritable. L'objectif du Canada est de créer une cour capable de traduire les vrais délinquants en justice. Elle doit en valoir la peine.

Les questions que j'ai énumérées sont des questions de principe auxquelles il faudrait rallier l'adhésion. Il est dangereux dans un cas comme celui-ci qu'on ramène tout au plus petit commun dénominateur.

Personne n'ignore les difficultés qui nous attendent, et les États étaient bien conscients de cette réalité lorsqu'ils ont convenu de la nécessité de créer une cour. Mais il est tout à fait possible de créer une cour forte et efficace.

Cela demandera un effort immense de la part des gouvernements. Certains sont partisans d'une CCI efficace dès le début, en particulier un groupe de pays aux vues semblables aux nôtres qui se sont regroupés à l'origine parce qu'ils tenaient tous à ce que soit créée rapidement une CCI forte et qui aujourd'hui élaborent ensemble une stratégie sur les questions de fond. Le Canada a effectivement eu le privilège de présider le groupe d'États aux vues apparentées et l'a amené à l'état où il se trouve aujourd'hui: une force réelle en faveur du bien à Rome. D'autres États continuent d'hésiter à donner à la cour les pouvoirs et l'autonomie dont elle a besoin.

Cela exigera également des efforts de la part des parlementaires, des universitaires, des simples citoyens et des organisations non gouvernementales, y compris, je le sais, un grand nombre de ceux qui sont ici aujourd'hui et qui ont joué et qui continuent de jouer un rôle important dans l'avancement de ces idées. J'ai moi-même constaté dans mon travail à la réunion du comité préparatoire le rôle utile et influent de tous ces intervenants.

Je vous remercie de votre attention. Nos spécialistes sont ici, et ils pourront répondre à toutes vos questions.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

[Français]

Professeur Schabas.

M. William A. Schabas (Département des sciences juridiques, Université du Québec à Montréal): Merci, monsieur le président.

Pour beaucoup d'États, il n'y a pas besoin d'une cour criminelle permanente, et c'est le cas du Canada, je crois. Si quelqu'un commet le crime de génocide sur le territoire du Canada, cette personne sera punie par les tribunaux internes. Heureusement, c'est le cas de la grande majorité des États au monde.

Une cour criminelle internationale est importante surtout pour les quelques cas, assez rares d'ailleurs, où les tribunaux internes font défaut de punir les responsables des crimes les plus graves, ou les quelques cas où les tribunaux, pour des raisons de manque de ressources—je pense notamment au cas du Rwanda—sont incapables de maîtriser les importants problèmes de répression de ce genre de crimes.

Au sujet de la position canadienne, Alan Kessel a bien exposé les éléments principaux de notre approche. J'aimerais dire aux membres de votre comité que ses positions bénéficient d'un grand appui dans la communauté académique et chez les organisations non gouvernementales. On ne peut que souhaiter que les parlementaires canadiens appuient également ses positions, entre autres l'importance d'un procureur indépendant, la classification de certains crimes comme étant des crimes inhérents à la compétence du tribunal et la nécessité d'apprivoiser le rôle du Conseil de sécurité dans le fonctionnement du tribunal.

• 0935

Monsieur le président, j'aimerais insister, pendant ma courte intervention, sur un autre aspect du dossier. Je crois qu'il est important qu'on n'ait pas d'attentes irréalistes quant au rôle de cette cour criminelle permanente. Il faut bien comprendre que c'est une cour qui n'existera que pour juger quelques individus. Cette cour sera capable de traiter de trois ou quatre dossiers par année et peut-être même moins. Ce n'est pas une cour qui existera pour remplacer les tribunaux internes.

Si je puis vous donner un exemple, dans les débats concernant la création de la cour, on a selon moi perdu beaucoup de temps à débattre de la responsabilité des mineurs ou des jeunes. On a tenu des débats concernant l'âge de la responsabilité pénale, se demandant si ce serait 12 ou 14 ans, et sur les modalités de la sanction pénale. Monsieur le président, est-ce qu'il faut créer une cour internationale dotée d'un budget de 50 millions de dollars pour juger des adolescents? Il me semble qu'on peut facilement dire non.

On va réserver cette cour internationale pour les Pol Pot, Eichmann, Göring et Karadzic. On ne perdra pas nos énergies dans des dossiers qu'on ferait mieux de confier à des tribunaux internes.

Dans son exposé, Alan Kessel faisait mention de la question de ce qu'on appelle «la complémentarité». Enfin, il y a deux approches à la justice internationale: on peut créer un tribunal ayant la primauté ou un tribunal qui joue un rôle complémentaire ou subsidiaire à celui des tribunaux internes. Les deux tribunaux internationaux qui existent déjà pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda bénéficient de la primauté, en ce sens que si le tribunal de La Haye ou d'Arusha décide de prendre position sur un dossier, même si les tribunaux d'un État donné souhaitent agir, c'est la cour internationale qui aura primauté. J'ajoute d'ailleurs entre parenthèses que c'est un pouvoir que les tribunaux internationaux ont exercé avec beaucoup de prudence. L'autre possibilité est un rôle de subsidiarité ou de complémentarité. Il paraît que c'est l'approche qui sera adoptée pour la cour criminelle permanente. Donc, on insiste sur le rôle principal des tribunaux internes.

Je vous parle de ce point, monsieur le président, parce que cela renvoie la balle en quelque sorte aux tribunaux internes. En ce qui vous concerne, cela renvoie la balle au Parlement du Canada. Évidemment, vous ne participez pas comme parlementaires à la négociation du traité, mais votre rôle principal est sur le plan de la mise en oeuvre de la cour et c'est à ce niveau que vos responsabilités doivent être assumées. Votre responsabilité principale quant à la mise en oeuvre de la cour criminelle permanente consistera à faire en sorte que ceux qui sont responsables de crimes contre l'humanité, de crimes de génocide et de crimes de guerre et qui se trouvent au Canada soient jugés par les tribunaux canadiens.

À ce titre, comme vous le savez, une loi existe, mais c'est une loi qui a été mise de côté par le gouvernement du Canada. Le ministre de la Justice a décidé de ne plus faire de poursuites au Canada pour les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre quand ces crimes ont été commis à l'extérieur du pays. C'est ainsi que les travaux de la Commission Deschênes sont en réalité mis de côté en faveur d'une approche d'expulsion en vertu de la Loi sur l'immigration.

• 0940

C'est ainsi que lorsqu'on nous a proposé, l'an dernier, de juger Pol Pot devant les tribunaux canadiens, nous avons été obligés de refuser. Nous sommes, pour des raisons judiciaires ainsi que législatives, incapables de répondre à la commande. C'est ainsi que Léon Mugesera, qui a été jugé par un tribunal d'immigration créé par une loi canadienne et qui est responsable du crime de génocide, est en liberté à Québec et qu'il n'y a aucune tentative de faite pour le traîner devant les tribunaux canadiens afin qu'il soit jugé.

Monsieur le président, des amendements à la Loi sur l'extradition font actuellement l'objet de l'étude du Parlement. C'est un pas important vers une collaboration plus complète avec la justice internationale. Il faut dire que ces amendements arrivent tardivement. Mais il faut d'autres interventions législatives. Entre autres, il faut qu'une loi soit adoptée et que des amendements au Code criminel soient adoptés afin de répondre aux effets pervers du jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Finta, afin qu'on puisse juger les criminels de guerre au Canada.

Monsieur le président, on souhaite que la cour soit créée. Je suis également très optimiste quant à la création de la cour, mais la cour ne devrait pas être un prétexte pour notre manque de responsabilité. Je parle sur le plan des tribunaux internes, de nos responsabilités internationales créées par le droit international et de notre responsabilité morale de faire en sorte que les criminels de guerre qui se trouvent sur le territoire canadien soient jugés par nos propres tribunaux.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, professeur Schabas.

Monsieur Préfontaine.

[Traduction]

M. Daniel C. Préfontaine (directeur, International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy, Université de la Colombie-Britannique): Merci beaucoup, monsieur le président.

Le International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy, comme vous le savez peut-être, est un institut international autonome à but non lucratif qui a son siège à Vancouver. Il est normalement affilié à l'ONU et fait partie d'un réseau d'instituts qui collaborent à la mise en oeuvre du Programme de justice pénale de l'ONU.

Depuis 1971, le Centre a beaucoup fait pour promouvoir la poursuite par la communauté internationale de personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide. De fait, en 1993, à la veille de la création du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie—c'est-à-dire le tribunal d'exception—nous avons tenu une réunion d'experts pour élaborer une conception de ce tribunal. Depuis, nous avons suivi de très près le progrès des deux tribunaux dont on a parlé et nous avons défendu l'idée de créer une cour criminelle internationale permanente.

À cette fin, nous avons accueilli des conférenciers comme M. le juge Richard Goldstone, l'ancien procureur du tribunal international. M. Goldstone vient de l'Afrique du Sud.

Le Centre a également été accrédité auprès de la Conférence, comme participant, et nous nous réjouissons à l'idée de peut-être pouvoir prêter main-forte à la délégation canadienne.

Le Centre appuie en général les positions prises par le Groupe des pays aux vues apparentées et par les ONG sur les questions importantes de l'ampleur de la compétence, du consentement des États, de la complémentarité et de l'autonomie du procureur.

Ce matin, je voudrais attirer l'attention du comité sur quatre ou cinq aspects de la cour proposée qui devront être examinés avec soin: l'impartialité et la légalité, la protection des victimes et des témoins, l'établissement de la peine, les réparations et la coopération des États.

Le premier élément—l'impartialité et la légalité—est un élément fondamental de tous nos régimes démocratiques, que justice soit faite mais qu'elle semble avoir été faite, et la CCI doit répondre aux normes internationales les plus élevées pour que les procès soient justes et se déroulent dans la légalité. Le préambule devrait donc inclure, comme principe des statuts, une déclaration générale précisant que toutes les étapes des délibérations doivent être menées en accord avec les normes internationales les plus élevées d'équité et de légalité, que l'accusé ou le suspect soit sous la garde des autorités nationales ou de la cour. Peu importe la barbarie du crime, ce droit est fondamental.

Une telle déclaration constituerait un modèle auquel les juges et les avocats pourraient se reporter dans les cas où la loi omettrait de mentionner les droits du prévenu dans une situation particulière ou dans les cas où les normes internationales ont évolué depuis le moment où les statuts ont été rédigés, ce qui pourrait fort bien être le cas.

• 0945

Aucune liste de normes internationales applicables mentionnée dans ces statuts ne saurait être exhaustive. Voilà pourquoi nous disons qu'il faut énoncer dans le préambule le principe d'équité, tout comme cela se trouve dans nos propres lois au Canada, y compris la charte.

Pour ce qui est des droits avant le procès et des droits au cours de la détention précédant le procès, qu'il s'agisse de personnes accusées ou de suspects détenus à titre provisoire, ceux-ci doivent être articulés non pas simplement par rapport aux normes nationales mais aussi conformément à des normes plus élevées ou minimales, tout dépend de votre vision du monde, soit les normes minimales énoncées à l'article 9 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, et dans tout autre texte international pertinent. La liste de ces textes est longue, je n'en ferai donc pas mention ce matin.

Voilà pourquoi il faut énoncer expressément des dispositions relatives aux droits à un avocat à des soins médicaux prompts, à l'intervention opportune de la cour en vue de déterminer la légalité de la détention, et le droit à la libération conditionnelle, entre autres choses. Il faut que la cour s'assure de faire respecter ces droits et non les autorités nationales. Avant l'inculpation, les suspects ne devraient pas être détenus indéfiniment. Leur détention devrait être assujettie à un délai fixe, peut-être 60 ou 90 jours, mais ce serait au moins un délai fixe, et il faudrait peut-être autoriser ces mesures là où c'est nécessaire et s'impose afin de saisir la cour d'une inculpation.

Pour ce qui concerne les droits lors des procès, des procédures précises relativement à la divulgation de la preuve peuvent être inscrites dans les règles, mais les principes fondamentaux doivent figurer dans les statuts. Les règles actuelles des tribunaux d'exception obligent la poursuite à divulguer toute la preuve tendant à démontrer l'innocence ou à atténuer la culpabilité de l'accusé, ou qui pourrait compromettre la recevabilité de la preuve présentée par le procureur. Il serait donc indiqué d'obliger celui-ci à faire connaître toute la preuve qu'il compte présenter, ou qui pourrait nuire à la crédibilité de la preuve, ou ce qui est essentiel à la défense.

Inversement, il faut être prudent pour ce qui est des exigences relatives à la divulgation en ce qui concerne la défense, et ces exigences doivent être plus strictes, conformément aux principes fondamentaux que sont le droit au silence et la présomption d'innocence. Il faut se rappeler que la divulgation doit être assujettie à toute ordonnance rendue par la cour dans le respect des droits de l'accusé tout en tenant compte de la protection des victimes et des témoins.

Le droit à un procès public est un principe fondamental et essentiel de la justice. On ne saurait autoriser le huis clos que dans les circonstances les plus strictes, et ce, après que toutes les autres mesures ont été envisagées. Il ne faut jamais permettre le huis clos pour tout un procès, disons-nous.

Pour ce qui est des droits d'appel, bien sûr, il faut que ces droits d'appel existent, mais ils doivent être limités. On ne saurait autoriser un appel à la suite d'un acquittement pour une prétendue erreur de fait. Cependant, nous connaissons tous ces idées fondamentales relativement à l'autorisation d'un appel: erreur de procédure, erreur de fait, ou erreur en droit. Les articles pertinents se trouvent dans l'ébauche des statuts. Voyez l'article 80. On trouve divers exemples de la manière de procéder.

Les procès par contumace, si on les autorise—et je ne le recommande pas, et notre centre non plus—doivent être autorisés uniquement dans les circonstances les plus strictes: lorsque l'accusé s'est échappé, ou a enfreint les conditions de cautionnement après que le procès a commencé, ou lorsqu'il commence à perturber le procès. Inutile de dire que ces questions vont susciter la controverse.

Les victimes: Nous sommes tout à fait en faveur de programmes compatibles avec les droits des suspects et des accusés, programmes qui visent à protéger les victimes et les témoins de toutes formes d'intimidation ou de représailles, y compris des mesures spéciales visant à protéger les femmes et les enfants et leur famille de toutes représailles et angoisse inutiles. C'est nécessairement au niveau international qu'il faut réaliser un équilibre, sachant les épreuves que traversent les victimes et les témoins qui vont témoigner devant cette cour. Nous avons vu cela devant les tribunaux d'exception.

Il faut donc prévoir des mesures de protection, mesures qu'il faudra aussi étendre à la famille ou aux proches des victimes de ces atrocités.

Étant donné que bien des questions exigent une réponse, nous disons qu'il y a lieu de créer une section chargée du soutien et de la protection aux témoins. Il suffira probablement pour cela que les statuts en exigent la création et on laissera à l'auteur des règles le soin d'arrêter les détails de son organisation.

Passons rapidement maintenant au prononcé de la sentence, et nous vous disons ici que la peine capitale doit être exclue, un point c'est tout. Le paragraphe 75(e), option 2, le prévoit.

Si l'on veut respecter les exigences du principe de la légalité, il est essentiel que les peines soient expressément codifiées. Il faut définir ici la raison d'être et les principes du prononcé de la sentence, ce qui comprend les facteurs à considérer pour ce qui est de l'aggravation ou de l'atténuation de la sévérité de la peine. Le projet de loi C-41 du Canada donne un excellent exemple de la façon dont on peut influencer le processus et l'élaboration des statuts. Voyez le Code criminel, vous allez constater, que nous faisons un très beau travail en ce sens après 15 ou 20 ans de débat au Parlement. Nous avons maintenant des règles en place et les tribunaux s'efforcent de les interpréter.

• 0950

La déclaration de la victime, par exemple, est le genre de chose qu'il faut avoir. L'article 722 de notre code en donne un modèle. Si l'on veut procéder à la confiscation des produits et des instrumentalités de la criminalité, si l'on veut confisquer la propriété de l'inculpé, ou une valeur équivalente, on en trouve un bon modèle dans la partie XII.2 du Code criminel du Canada. Il y a quelque chose en ce sens à l'article 75, mais il y a encore beaucoup à faire pour arrêter toute la procédure.

Pour ce qui est de la détention et du traitement des prisonniers, les normes existent. Elles doivent être respectées et nous pouvons nous inspirer de notre modèle canadien pour influencer le processus là aussi.

Pour ce qui est des indemnisations, soit le droit de la victime d'être représentée au cours de la phase sentencielle des délibérations, nous devons orienter dans cette voie et influencer ce processus dans le sens que nous avons au Canada.

Je ne parlerai pas de la coopération de l'État parce que je n'ai plus assez de temps. Je conclurai en disant très simplement ceci: si l'on veut que cette cour soit crédible, comme l'ont déjà dit mes collègues, et comme d'autres le diront sûrement, il faut avoir une approche équilibrée, un régime effectif de coopération de l'État, une protection crédible des victimes et des témoins, une représentation suffisante pour l'accusé et la protection de ses droits. Par-dessus tout, il faut déterminer comment on va financer cette cour, et j'ai la certitude que quelqu'un d'autre abordera ce sujet.

Nous approuvons l'exemple que montre le Canada. Nous espérons que cette initiative se concrétisera et que nous n'aurons pas à attendre encore 50 ans parce qu'il nous a fallu justement tout ce temps pour présenter l'ébauche actuelle de ces statuts. Merci.

Le président: Merci, monsieur Préfontaine.

Monsieur Matas.

M. David Matas (porte-parole, Amnistie internationale): Je représente Amnistie internationale et je tiens à vous faire mes excuses parce que je ne pourrai pas rester jusqu'à la fin. Je prends la parole à Toronto cet après-midi, il me faudra donc vous quitter avant la fin de vos délibérations.

Je veux aussi attirer votre attention sur le fait que le gouvernement canadien m'a aimablement demandé de faire partie de sa délégation à la conférence de Rome. J'y serai à titre de conseiller pour les ONG. On m'a strictement interdit de faire toute déclaration publique, sauf avec l'approbation du chef de la délégation. J'imagine que cette mesure ne s'applique pas aujourd'hui, et je vais donc faire ma déclaration sans l'approbation du chef de la délégation.

Le président: J'imagine qu'on vous en touchera un mot à votre arrivée à Rome. Pas de pâtes pour vous.

M. David Matas: Cinquante ans après qu'on a mis un terme prématurément aux procès de Nuremberg, nous voulons rétablir ce genre de tribunal. On a mis un terme aux procès de Nuremberg pour des raisons politiques, alors qu'une foule d'accusés attendaient d'être jugés. Bon nombre des accusés qui ont fui Nuremberg ont fini par être traduits en justice, reconnus coupables et châtiés par des tribunaux nationaux. Cependant, faute d'un tribunal international, un très grand nombre de criminels sont restés impunis.

Rétrospectivement, on constate qu'on a commis une erreur monumentale en ne faisant pas des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo une cour criminelle internationale. Dans les décennies qui ont suivi, les criminels de guerre ont assassiné des millions de gens, ont commis des crimes contre l'humanité et perpétré des génocides. Pour ce qui est des crimes les plus graves, la communauté internationale vit dans un état d'anarchie depuis la fin des procès de Nuremberg et de Tokyo. Cet état d'anarchie a eu l'effet que l'on pouvait prévoir: rien ne dissuade les pires criminels de guerre, et les plus grands criminels ont joui d'une immunité totale. Après 50 ans de dévastation, de tueries et d'exterminations, la communauté internationale reprend enfin ses esprits et s'emploie à établir de nouveau une cour criminelle internationale qui n'aurait jamais dû mettre fin à ses activités il y a 50 ans.

Le Canada a essayé de son propre chef de traduire en justice des personnes qui avaient commis des crimes contre l'humanité. Nous avons modifié notre Code criminel pour autoriser des poursuites, à la condition expresse que les accusés se trouvent au Canada. Nous avons éprouvé de la difficulté à faire respecter cette loi. Nos tribunaux ont imposé des restrictions techniques à l'interprétation de la loi de telle sorte qu'elle est devenue inopérante. En conséquence de ces interprétations techniques, il nous a fallu abandonner les poursuites que nous avions intentées en vertu de la nouvelle loi, et recourir à la place à la révocation de la citoyenneté et à la déportation de ces gens qui avaient commis des crimes contre l'humanité et qui avaient recherché l'immunité au Canada.

Nous souhaitons que la création de la Cour criminelle internationale stimule le devoir qu'a le monde de traduire en justice les criminels de guerre et les gens qui commettent des crimes contre l'humanité, où qu'ils se trouvent. Les statuts doivent non seulement autoriser des poursuites devant la cour qu'ils créeront; les statuts doivent aussi encourager les États à traduire en justice les criminels de guerre, les gens qui commettent des crimes contre l'humanité, peu importe où se trouvent ces fugitifs.

Les États n'ont pas seulement le pouvoir de traduire en justice les gens qui commettent des crimes contre l'humanité et qui se trouvent sur leur territoire; tous les États ont l'obligation d'interdire que l'on se serve de leur territoire comme d'un refuge pour les gens qui commettent des crimes contre l'humanité. Tous les États doivent ou bien traduire en justice ceux qui commettent des crimes contre l'humanité et qui se trouvent sur leur territoire, ou extrader les fugitifs pour qu'ils soient jugés ailleurs.

• 0955

Cette nouvelle cour doit intervenir dans les cas où les systèmes de justice nationaux répugnent à s'acquitter de leurs obligations ou sont incapables de le faire, et ce, afin de juger les auteurs des pires crimes qui préoccupent la communauté internationale. Mais il ne faut pas oublier l'obligation primordiale de tous les États de traduire en justice les personnes qu'elles repèrent sur leur territoire et qui sont responsables des pires crimes qui préoccupent la communauté internationale.

La nouvelle cour doit être libre de toute ingérence politique dans l'accomplissement de sa tâche. Aucune instance politique, qu'il s'agisse du Conseil de sécurité ou d'un État, ne devrait avoir le pouvoir de stopper ou de retarder les enquêtes ou des poursuites, quelles que soient les circonstances. Tout retard politiquement motivé en cas d'enquête ou de poursuites aurait pour effet d'affaiblir la mémoire des témoins et de faciliter la destruction des preuves et l'intimidation des témoins.

La conférence de Rome ne saurait s'enliser dans une discussion byzantine sur les procédures de cette cour. Ses règles, pratiques et procédures ne devraient pas figurer dans ses statuts et ne devraient pas faire non plus l'objet de discussions à la conférence diplomatique de Rome. Les règles de procédure, y compris les règles de la preuve, doivent être souples et suffisamment adaptables pour tenir compte des circonstances nouvelles.

Les statuts de la Cour doivent plutôt énoncer les principes fondamentaux qui l'animent le tribunal et non des détails de routine qu'il faudra arrêter ailleurs. Les règles de procédure et de la preuve doivent être énoncées par un comité permanent formé des États membres. Les règles de pratique doivent être arrêtées par les magistrats de cette cour, avec la collaboration d'un comité consultatif chargé d'élaborer ces règles.

Même si le consensus est toujours un objectif souhaitable, le Canada doit être disposé à exiger que la conférence diplomatique prenne des décisions, par voie de soutien au besoin.

Malheureusement, ce ne sont pas tous les États qui sont enthousiastes à l'idée de créer cette Cour criminelle internationale. Ces États préféreraient qu'on n'en crée pas du tout. Rien n'arrête les États qui s'opposent à la création d'un tribunal pénal international doté de moyens véritables. Leurs exigences visant à affaiblir cette cour sont sans fin. Il n'est pas de concession qui les satisfasse, à moins bien sûr de créer une cour totalement inefficace. Au bout du compte, il faudra se contenter d'enregistrer les objections de ces États, mais par ailleurs ne pas en tenir compte, si nous voulons un jour créer une Cour criminelle internationale digne de ce nom.

Le gouvernement du Canada doit prendre position. Il ne saurait approuver la création d'une Cour criminelle internationale si l'on ne respecte pas certaines exigences. Si l'on ne peut pas venir à bout par la négociation de l'opposition d'autres pays, le Canada doit demander un vote à la conférence diplomatique sur ces positions.

Le traité créant la CCI, une fois approuvé par la conférence de Rome, ne liera que les États qui l'auront ratifié. Le traité créant la CCI ne liera pas les États qui ne l'auront pas ratifié uniquement parce qu'ils ont pris part à la conférence de Rome, ou parce qu'ils font partie de la communauté des nations. Par conséquent, c'est peine perdue que de rechercher aujourd'hui l'adhésion avec des États qui ne ratifieront le traité créant cette Cour uniquement si celle-ci est totalement inefficace. C'est peine perdue et cela ne peut que faire du tort à ladite Cour.

Amnistie Internationale veut une Cour qui remportera l'adhésion du plus grand nombre d'États possible. Pour y parvenir, la société civile doit être convaincue que cette cour tribunal est un instrument de justice, et non un pion dans le jeu politique des superpuissances; que cette cour traduira en justice les pires criminels, quelle que soit leur nationalité, et n'accordera pas l'immunité à certains criminels en raison de leur nationalité. Seule une Cour animée par des principes et dotée de moyens véritables gagnera l'adhésion de la société civile du monde.

Même si ce sont les États du monde qui vont négocier et ratifier les statuts de cette Cour, ce sont les habitants du monde qui en détermineront la valeur et le crédit. Dans notre quête pour obtenir le consentement des États il ne faut pas oublier la nécessité de l'approbation publique. Étant donné que cette cour sera l'instrument qui assurera le respect des droits de la personne, l'approbation de l'humanité doit être notre objectif ultime.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Matas.

Madame Oosterveld.

Mme Valerie Oosterveld (porte-parole, Women's Caucus on Gender Justice in the International Criminal Court): Depuis le mois de mars 1996, les Nations Unies tiennent des réunions du Comité préparatoire, qu'on appelle le ComPrep, en vue de négocier l'ébauche des statuts de la CCI. En février 1997, il est devenu évident pour les divers défenseurs des droits de la personne que la première version des statuts donnerait lieu à un document d'où seraient exclus les crimes pour violence sexuelle et marquerait un recul par rapport aux statuts et aux pratiques des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda.

Plusieurs ONG se sont alors regroupées pour former le Women's Caucus for Gender Justice in the International Criminal Court, mouvement qui compte maintenant plus de 300 organisations non gouvernementales.

Le Caucus des femmes a participé à toutes les réunions du ComPrep dès le début et elles seront présentes à la conférence sur le traité de Rome. Le Caucus s'est fixé pour objectif de promouvoir l'égalité des sexes à la CCI et de faire en sorte que celle-ci intente des poursuites pour tous les crimes de guerre. C'est ce dont je vais vous parler aujourd'hui.

• 1000

Pourquoi faut-il créer une Cour criminelle internationale sensible aux questions relatives aux sexes? Eh bien, dans mon esprit, il y a trois grandes raisons. Premièrement, on n'a historiquement tenu aucun compte des crimes sexuels. Deuxièmement, les conflits armés et la violence sexuelle sont malheureusement inextricablement liés. Troisièmement, une Cour qui serait insensible aux problèmes de violence sexuelle serait injuste et inefficace.

Je reviens à ma première raison, à savoir qu'on n'a historiquement tenu aucun compte des crimes de violence sexuelle au cours des conflits armés, on sait que dans toutes les guerres, alors que l'on tue les civils du sexe masculin, les civils du sexe féminin sont souvent violés et ensuite tués. Dans les interrogatoires assortis de torture, les hommes sont sauvagement battus, et les femmes sont sauvagement battues et violées.

Même à cela, la loi qui s'applique à tous les civils tend à ne tenir aucun compte de la violence sexuelle. Même après avoir reconnu les lois de la guerre et interdit les agressions sexuelles, on s'est montré peu enclin à intenter des poursuites pour ces violations. Cette inaction ôte toute utilité aux lois interdisant la violence sexuelle et pérennise l'attitude qui tend à considérer les agressions sexuelles comme étant moins graves et ne justifiant pas de poursuites. Une CCI qui serait sensible aux questions sexistes permettrait d'inverser cette tendance et profiterait aux hommes et aux femmes victimes de violence sexuelle en temps de guerre.

Deuxièmement, les conflits armés et la violence sexuelle sont inextricablement liés. La violence sexuelle en temps de guerre ne date pas d'hier. On sait que dans tous les conflits des soldats ont violé et mutilé sexuellement des femmes et des jeunes filles, et moins souvent, des hommes et des garçons. Et ce, sans égard au genre de guerre que l'on faisait. On sait que cela s'est produit au temps des Croisades, pendant les révolutions, les guerres civiles et les guerres mondiales.

Récemment, le conflit en ex-Yougoslavie a donné une visibilité nouvelle aux crimes de violence sexuelle. À la fin de 1992, des rapports choquants ont été rendus publics un peu partout dans le monde qui montraient qu'on se servait à grande échelle du viol et de l'insémination forcée comme outils d'épuration ethnique dans ce conflit. En 1994 et en 1995, de nouveaux rapports faisant état de violence sexuelle ont fait surface, mais ils provenaient cette fois du Rwanda, et l'on décrivait ici le recours au viol collectif pour torturer des Tutsies et certaines Hutues.

Aujourd'hui, l'idée que le conflit armé et la violence vont de pair se retrouve dans les nouvelles en provenance d'Algérie, où l'on viole et tue les femmes de villages entiers et où l'on enlève des jeunes filles pour les réduire à l'esclavage sexuel.

Il est parfaitement évident que la nature de la guerre change, et parallèlement, les recours à la violence sexuelle évoluent. Une CCI sensible aux problèmes d'agression sexuelle reconnaîtrait que dans le genre de guerre que l'on mène aujourd'hui, le viol et la violence sexuelle sont considérés comme des armes au même titre que les armes stratégiques comme les lances roquettes et les mitraillettes. Cette situation requiert de nouvelles armes si l'on veut contrer l'impunité.

J'ai donné pour troisième raison que la CCI sera injuste et inefficace s'il n'est pas sensible aux problèmes de violence sexuelle. La sensibilité relative au sexe ne se concrétisera pas uniquement si l'on a une loi qui dit que le viol et la violence sexuelle sont les crimes essentiels, comme on vous l'a déjà dit aujourd'hui, elle se concrétisera si la loi met en place une structure capable de reconnaître ces crimes, de faire enquête pour prouver qu'ils ont été commis, et de traduire en justice et de juger leurs auteurs.

Au début, le tribunal du Rwanda n'a pas su reconnaître les crimes de violence sexuelle, faire enquête et intenter de poursuites en ce sens. Même s'il était notoire que des crimes de violence sexuelle avaient été commis dans sa commune, le premier inculpé, Jean-Paul Akayesu, n'a pas fait l'objet d'une enquête ou d'une inculpation pour ces crimes. Au cours de son procès, un juge a demandé que l'on prouve que ces crimes avaient été commis, puis un autre en a fait autant.

Cela a surpris le procureur. Ce qui a amené un groupe d'ONG à soumettre au tribunal un mémoire d'amis de la cour exigeant la modification de l'acte d'inculpation afin d'y inclure les crimes de violence sexuelle.

Le procureur a fini par faire modifier l'acte d'inculpation. Mais le même groupe d'ONG a été averti par un intime du tribunal qu'il serait obligé de soumettre des mémoires d'amis de la cour dans presque tous les cas, étant donné la piètre structure en place qui entrave les poursuites pour les crimes de violence sexuelle au tribunal du Rwanda.

• 1005

Je tiens seulement à signaler que c'est là un moyen inefficace et injuste d'obtenir justice. On pourra éviter ces problèmes en donnant à la Cour internationale une structure qui la rendra sensible aux questions relatives à la violence sexuelle.

Que veut le Caucus des femmes et quel rôle le gouvernement canadien peut-il jouer ici? Le Caucus a cinq objectifs essentiels, et je me contenterai de n'en mentionner que trois pour le moment.

Premièrement, les crimes essentiels relevant de la compétence de la Cour, devraient englober toutes les formes de violation reconnues d'agression sexuelle instamment le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée et l'insémination et la stérilisation forcées.

Deuxièmement, la composition et la structure de la Cour doivent tenir compte de l'équilibre des sexes, et il faut adjoindre aux divers organes de la Cour un personnel compétent qui connaît les problèmes en fonction du sexe.

Troisièmement, il faut créer au sein du greffe un service efficace de protection des victimes et des témoins. Cette protection des témoins doit être sensible aux questions relatives aux sexes, et la section doit assurer le respect de la vie privée, de l'intégrité, de la sécurité et de la santé des témoins avant, pendant et après—je dois souligner le «après» parce que cela pose un grave problème aux deux tribunaux—leur témoignage.

Le Canada a joué un rôle de chef de file en s'assurant que les statuts de la CCI soient sensibles aux questions relatives aux sexes. Tout particulièrement, entre autres choses, il a proposé et fait adopter une définition du crime de guerre qui comprend la gamme des violences sexuelles que j'ai mentionnées; il a obtenu la création d'un poste de procureur indépendant capable de recevoir des informations de diverses sources, y compris des ONG et des particuliers; il a obtenu que la structure de la CCI tienne compte de l'équilibre des sexes et de la connaissance des questions relatives aux sexes; il a réussi à faire interdire toute discrimination fondée sur le sexe et autres dans l'interprétation et l'application des statuts; enfin, il a assuré le respect des droits et la protection des victimes et des témoins dans toute la procédure de la CCI.

Le Women's Caucus invite instamment le Canada à continuer à montrer l'exemple en appuyant ses initiatives afin d'aboutir à une loi qui tienne compte de la différence entre les sexes. D'autre part, nous demandons que le Canada veille à ce que les questions qui n'ont pas encore été réglées, comme la définition de crimes contre l'humanité, soient débattues et conclues d'une façon qui respecte et reflète le vécu de toutes les victimes de criminalité qui relèvent de la compétence de cette cour.

Les négociations seront difficiles. Il y aura certainement des pays qui essaieront d'écarter les différences entre les sexes afin d'obtenir autre chose. Le Canada et les pays qui partagent ces convictions doivent résister à cette tendance et poursuivre fermement leur objectif en faisant adopter une loi qui serve l'humanité entière.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Watt.

M. Fergus Watt (directeur général, Mouvement canadien pour une fédération mondiale): Merci, monsieur le président.

Je comparais devant vous ce matin à divers titres. Je suis surtout directeur général du Mouvement canadien pour une fédération mondiale. Cette organisation a joué un rôle comme administratrice d'un réseau d'organismes non gouvernementaux et de particuliers qui s'appelle le Réseau canadien pour une CCI.

Ce réseau existe depuis deux ans et demi. Il s'agit essentiellement d'un forum de réflexion entre Canadiens, parlementaires, particuliers et professeurs sur tout un éventail de questions touchant la création d'une Cour criminelle internationale. Nous faisons partie d'un groupe de plus 900 organisations appartenant à la Coalition internationale pour une CCI.

Bien que le gros de mes observations reflètent le point de vue du Mouvement canadien pour une fédération mondiale, je me contenterai de résumer brièvement une demi-douzaine d'activités entreprises par le Réseau canadien.

Nous avons organisé cinq séances d'information avec des gens comme Alan et Darryl et Don aux Affaires étrangères afin de permettre aux ONG et aux fonctionnaires canadiens d'échanger leurs points de vue. Nous avons appuyé la direction du Centre à l'Université de Colombie-Britannique lors de la visite qu'a mentionnée le procureur en chef Richard Goldstone. Nous avons facilité de fréquentes campagnes de sensibilisation organisées par les membres du Réseau comme celles d'Amnistie Internationale sur la Loi canadienne sur l'extradition. Nous avons envoyé des représentants aux comités préparatoires à l'ONU.

• 1010

Nous avons invité le gouvernement canadien à exercer des pressions l'automne dernier au Sommet du Commonwealth et de la Francophonie afin que les textes reflètent les négociations de l'ONU. Nous avons été satisfaits de constater que les fonctionnaires canadiens aient répondu à nos exhortations dans les deux cas; les résolutions qui en ont découlé ont mené à une plus forte participation de certains des plus petits États du tiers monde aux réunions suivantes des comités préparatoires.

Enfin, nous avons largement diffusé au Canada des trousses d'information, contenant non seulement le point de vue des ONG mais également du ministre des Affaires étrangères canadien au sujet de la CCI. C'est une activité récente pour nous. Nous avons distribué environ 100 trousses semblables aux médias canadiens. Le Réseau a aussi rédigé un certain nombre d'articles pour les journaux et aidé certains des grands journaux canadiens à réviser leurs propres éditoriaux. Nous avons donc essayé de contribuer à former l'opinion publique canadienne sur la question et je crois que nous pouvons dire que nous avons assez bien réussi.

C'est le genre de choses que les Canadiens en général comprennent bien. Ils attachent de l'importance au respect de la loi et apprécient l'ONU et l'idée d'une cour criminelle internationale les séduit même s'ils n'en comprennent pas tous les détails.

Le ministre des Affaires étrangères Axworthy a fait récemment des déclarations à ce sujet et notamment, le 25 avril à l'Université Harvard:

    La CCI doit être un tribunal valable—c'est-à-dire efficace et indépendant. Comme pour la conversion sur les mines antipersonnel, il serait pire de se mettre d'accord sur le plus petit dénominateur commun que de ne pas avoir du tout d'accord.

Si je ne vous laisse d'autre message ce matin, c'est bien celui que nous espérons que les Canadiens n'oublieront pas cela à Rome car beaucoup d'États exerceront des pressions pour que l'on accepte une entente reposant sur un plus petit dénominateur commun.

Je rappelle les observations de M. Axworthy pour deux raisons. Tout d'abord, il est très probable que le rôle du Canada change radicalement dans les prochaines semaines. Je pense que si M. Kessel n'en a pas parlé, c'est parce que ce n'est pas encore officiel mais il y a une rumeur très forte qui circule et qui fait que les ONG à l'ONU sont presque catégoriques, qui veut que le Canada aura un rôle moins proactif, ne présidera probablement plus le groupe de pays défendant le même point de vue et, à titre de président du comité général, devra travailler à ménager un consensus et à trouver un juste milieu. Encore faut-il savoir ce que sera ce juste milieu.

Si tel est le cas, et nous ne pensons pas que les pays d'optique commune représentent suffisamment de voix pour l'emporter sur des questions critiques à Rome... et nous avons entendu et vu ce qu'ont donné les réunions au sein du mouvement des non alignés. Nous connaissons le point de vue des membres permanents du Conseil de sécurité. Nous avons vu ce que la France et d'autres font au sein de la Francophonie, malgré certains excellents efforts de la part des diplomates canadiens pour les contrer. Il s'agirait alors d'une décision reposant sur un consensus et j'ai très peur de ce que cela pourrait donner.

Je crois qu'il serait préférable que le Canada soit prêt à laisser tomber. Il serait désastreux dans ce domaine très avancé du droit international que nous créions une cour qui ne fonctionne pas. Il serait préférable de repartir à zéro, d'envisager un nouveau forum, une nouvelle méthode, à un processus similaire à celui qui a été suivi pour les mines antipersonnel ou quelque chose du genre que de se mettre d'accord sur quelque chose à la dernière minute, à la onzième heure, sur quelque chose qui finalement ne marchera pas et qui n'aura pas la confiance de la communauté internationale et de l'opinion publique mondiale.

• 1015

Je vais sauter certains des aspects plus particuliers de mon exposé. Je parle de la nécessité d'avoir un procureur ex officio indépendant, un tribunal indépendant, qui ne relève pas du conseil de sécurité, qui ait une compétence inhérente qui soit complémentaire. Nous appuyons plus ou moins les points de vue préconisés par le Canada et les pays sur la même longueur d'ondes que nous.

Je répète que dans l'ensemble, même si je vais soulever tout à l'heure quelques problèmes, 98 p. 100 de ce qu'a fait le Canada à ce sujet est excellent et que je suis très reconnaissant et très admiratif.

À la troisième page, nous passons à une définition des crimes de guerre et disons que la loi instituant cette cour ne devrait pas traiter les crimes commis dans des conflits internes et ceux qui sont commis dans des conflits internationaux de façon différente dans la définition des crimes de guerre. La loi devrait prendre acte du fait que les conflits armés contemporains sont essentiellement non internationaux.

D'autre part, le traité sur la CCI ne devrait pas contenir de libellé dans la définition des systèmes d'armement interdits qui affaiblissent les interdictions actuelles concernant l'utilisation des armes nucléaires.

J'attirerai ici votre attention sur ce qui est en fait une annexe. C'est une lettre adressée au ministre des Affaires étrangères signée par certaines organisations luttant essentiellement pour le désarmement, la paix et la sécurité. Nous estimons que le Canada fait erreur dans la définition des crimes de guerre. Je sais que cela représente beaucoup de papier m ais j'ai photocopié les articles de l'avant-projet de loi afin de pouvoir expliquer au comité ce qui nous semble poser un problème.

Essentiellement, nous appuyons—c'est à ma première annexe, numérotée page 22 de cette version du projet des statuts—l'option 3, autrement dit, une interdiction générale des armes dans les articles sur les crimes de guerre: «l'emploi d'armes, de projectiles et de matériels et méthodes de guerre qui sont de nature à causer des blessures superflues ou des souffrances inutiles...»

Le Canada, par contre, appuie l'option précédente, à savoir l'option 2; j'ai signalé ici que le Canada a en fait montré la voie pour ajouter le point (vi) à cette option, c'est-à-dire en précisant que cela peut inclure des armes qui pourraient être interdites par des traités ultérieurs.

La question est de savoir si les mines antipersonnel, les armes nucléaires ou d'autres armes devraient être incluses dans la définition des crimes de guerre n'a pas été réglée. Le droit international...

Le président: Je regrette de vous interrompre, monsieur, mais je crois que vous êtes en train de dire que l'option 3 inclut en fait tout ce qu'il y a dans l'option 2. C'est bien cela?

M. Fergus Watt: Nous estimons qu'il n'est pas nécessaire de spécifier ce que l'on entend par armes.

Le président: Merci.

M. Fergus Watt: Je devrais peut-être en rester là pour le moment. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'en dire plus. Nous n'essayons pas d'insérer là un programme de désarmement. Il s'agit d'une position modérée. D'autres ONG souhaiteraient un libellé qui inclut des armes telles que les armes nucléaires et les mines antipersonnel dont l'interdiction ne fait pas encore partie du droit coutumier.

Deuxièmement, j'aimerais attirer l'attention du comité sur une résolution récente adoptée par l'Association du Barreau canadien. Elle n'a été adoptée que la semaine dernière. Nous travaillons à cela depuis un certain temps et je vous dirais qui est responsable de ce succès, c'est une femme qui s'appelle Élise Groulx et qui est à la tête d'un petit groupe, d'une association d'avocats au criminel qui voudrait que l'on désigne d'une façon ou d'une autre un groupe d'avocats de la défense dans les statuts instituant une cour criminelle.

L'Association du Barreau canadien, si elle fut un peu lente à démarrer, a adopté une résolution qui est préférable à celle de l'Association du Barreau américain. Cela montre que la population est de plus en plus favorable à l'idée d'une cour criminelle.

• 1020

Enfin, il y a une lettre en annexe qui exprime la déception des membres du Réseau canadien face à la décision du gouvernement canadien de ne pas financer les ONG canadiennes qui participent à la Conférence de Rome.

Le Canada a, à trois occasions, contribué à un fonds des Nations Unies permettant aux représentants des gouvernements des pays moins développés de participer aux réunions des comités préparatoires et à Rome. Outre nos contributions au fonds de l'ONU, par le biais de l'ACDI, le Canada finance la participation de six ONG du tiers monde. Ce que nous faisons donc, c'est financer les ONG du tiers monde et des délégués des pays moins développés alors que nous ne finançons pas les ONG canadiennes.

Il y a des gens qui vont à Rome, dont certains qui sont dans cette salle, qui doivent assumer eux-mêmes les frais de leur participation. Ce n'est pas normal et cela ne correspond pas en fait à la pratique antérieure pour ce qui est d'autres conférences de l'ONU. Cela ne correspond pas tellement à ce que dit le ministre à propos des partenariats entre le gouvernement et les ONG. C'est une situation regrettable.

Très franchement, pour moi qui essaie de coordonner les efforts des ONG, j'assumerais la part nécessaire de cette responsabilité mais la participation des ONG canadiennes à Rome ne sera pas aussi forte qu'elle aurait pu l'être.

Enfin, je conclurais en revenant à mon point de départ—à savoir que le Canada doit continuer à insister pour que nous ayons une cour indépendante et efficace. J'espère que les membres du comité pourront suivre de près le processus de Rome. Il y a un bulletin quotidien préparé par les ONG à ce sujet.

J'espère aussi que les dirigeants politiques canadiens en particulier ne seront pas simplement là au début, au moment du discours du ministre mais également à la barre, durant tout le processus. Ce sera difficile. Certains seront déçus, mais on comprendra, si le Canada doit finalement abandonner mais l'on sera encore plus déçu et on risque un recul beaucoup plus réel en matière de droit international si nous optons pour une cour inefficace.

Merci, monsieur.

Le président: Merci, monsieur Watt.

Madame Harvey.

Mme Elaine Harvey (représentante, Unitarian Universalist Association and Canadian Unitarian Council): Merci.

Je vous remercie de cette occasion que vous me donnez de participer à cette réunion. Je représente l'Unitarian Universalist Association, ONG accréditée auprès du Conseil social et économique de l'ONU. Je représente aussi le Canadian Unitarian Council qui représente 5 000 Canadiens.

J'aimerais que vous considériez la force du préambule à la Charte des Nations Unies—en fait, la force et le caractère inclusifs des premiers mots de la version anglaise: «We, the people». Considérez la fréquence à laquelle ils sont répétés et l'inspiration qu'ils ont représentée pour des millions de personnes. Regardez le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de la Convention relative aux droits de l'enfant, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et en fait de beaucoup d'autres chartes, conventions et déclarations des Nations Unies.

Comprenez qu'aujourd'hui, à la fin d'un des siècles les plus sanglants de l'humanité et à l'aube d'un nouveau millénaire d'espoir pour les peuples du monde, la création d'une cour criminelle internationale est un grand événement dans l'histoire du monde. Il faut créer cette cour à cause de toutes les douleurs et souffrances des peuples du monde qui se sont rendus coupables des crimes les plus horribles contre l'humanité—contre d'autres êtres humains—mais aussi parce que c'est reconnaître que ces crimes détestables ne seront plus tolérés, qu'ils ne seront plus commis avec impunité. La création de cette cour laisse espérer que le prochain millénaire nous réserve un monde meilleur.

• 1025

S'inspirant de ces idées, le Caucus oecuménique de la Cour pénale internationale, dont je suis membre, a formulé une proposition de préambule pour ces statuts, qui traduit non seulement les regrets pour les erreurs du passé, mais aussi les leçons que nous avons tirées de notre passé violent et les espoirs et les perspectives d'un meilleur avenir.

Considérant que ce préambule est destiné à tous les peuples de la terre, quelles que soient leurs croyances et leur foi personnelles—à ceux qui croient en un seul Dieu, à ceux qui croient à la Trinité, à ceux qui croient en plusieurs dieux, à ceux qui ne croient pas en Dieu—nous l'avons rédigé pour qu'il traduise les croyances les plus profondément enracinées de tous les peuples de la terre, qu'il soit une base commune à tous. Pour nous, ce préambule a une dimension spirituelle.

La Délégation canadienne a fait preuve d'un leadership empreint de lucidité et de souci de la médiation, qui va bien au-delà de la place occupée par le Canada en tant que puissance moyenne dans le concert des nations, un leadership qui m'a donné, en tant qu'observatrice du travail de la Délégation canadienne, une immense fierté d'être Canadienne, de penser que grâce à la médiation, grâce à la découverte de solutions susceptibles de concilier des forces opposées, nous avons réuni, en tant que pays qui préside des nations qui partagent les mêmes idées, un groupe de nations qui veulent obtenir la création d'une Cour criminelle internationale après une période de gestation de cinq ans seulement.

Du fait de ce rôle impressionnant joué par le Canada, il convient que la Délégation canadienne propose à Rome un préambule qui aille bien au-delà des formules légalistes de l'ébauche. Ce préambule, inspiré d'un autre et reprenant éventuellement les commentaires de M. Préfontaine, insistera sur les perspectives fondamentales exprimées dans chacun des articles de la loi.

J'ai ici quelques exemplaires de ce préambule. Ai-je le temps d'en donner lecture, ou est-ce qu'il a été distribué?

Le président: Nous l'avons distribué.

Mme Elaine Harvey: Puis-je le lire?

Le président: Nous l'avons distribué; peut-être pouvez-vous vous dispenser de le lire, car nous avons hâte de passer aux questions.

Mme Elaine Harvey: Très bien, merci.

Voici le préambule:

    Les États parties aux statuts de la Cour criminelle internationale:

    Reconnaissant l'engagement de la communauté internationale à mettre fin aux affres de la guerre et des génocides, à réaffirmer la foi dans les droits fondamentaux des hommes, des femmes et des enfants et l'égalité des droits des nations, grandes et petites, à instaurer des conditions qui favorisent le maintien de la justice et le respect du droit international, et par conséquent à assurer des conditions propices à la paix et à la sécurité dans le monde;

    Reconnaissant que la protection de la dignité et de l'intégrité des êtres qui est prévue dans la Déclaration internationale des droits de l'homme exige non seulement un engagement moral, éthique et politique mais aussi un cadre institutionnel qui puisse garantir le respect de ces protections;

    Se rappelant les atrocités commises par le passé envers des êtres humains;

    Reconnaissant que des crimes contre l'humanité, des agressions, des génocides et des guerres continuent d'affliger notre monde, que ces crimes ont non seulement des effets répandus et systématiques sur une foule d'individus mais aussi une incidence néfaste sur la pensée et le génie même des communautés;

    Reconnaissant que, tandis que la justice exige que les individus soient tenus responsables de leurs actes, elle exige aussi la reconnaissance des abus de pouvoir systématiques et généraux;

    Souhaitant que la quête de justice comprenne la justice rétributive, qui vise à poursuivre et à punir les auteurs d'actes punissables tout en veillant à ce que les accusés aient droit à des procès équitables, la justice réparatrice, qui vise la réparation, le dédommagement et la réhabilitation pour les victimes, et la justice rédemptrice, qui doit être perçue comme le moyen de rendre les communautés et les gens aptes à traiter des vérités du passé d'une manière qui permette la réconciliation et la reconstruction sociale, ainsi que la fin des cycles de violence;

• 1030

    Reconnaissant que le jugement de crimes d'ordre international qui ont traversé des frontières nationales dépasse souvent la portée des systèmes nationaux de justice pénale et que souvent, des crimes qui se sont produits dans un cadre national outrepassent la compétence la compétence ou la capacité de systèmes de justice nationaux;

    Tenant compte des principes fondamentaux de justice pour les victimes de crimes et d'abus de pouvoir qui ont été approuvés par l'Assemblée générale des Nations Unies;

    Par conséquent établissent la Cour criminelle internationale afin de

      1. Fournir un instrument judiciaire international apte à satisfaire aux exigences de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration internationale des droits de l'homme, de la Convention sur la répression du crime de génocide et de toutes les conventions pertinentes des Nations Unies concernant la justice, la paix et l'ordre;

      2. soutenir les procédures juridiques des États membres;

      3. fournir une compétence lorsque des poursuites criminelles dépassent la portée des processus judiciaires nationaux ou lorsque ces systèmes sont incapables de s'acquitter de leurs obligations de garantir la justice ou refusent de le faire.

Le Caucus oecuménique est bien conscient des changements et des corrections qu'il faudrait éventuellement apporter à ce texte et sait que s'il est mis en délibération, l'État qui le présentera souhaitera peut-être y ajouter une touche personnelle. Mais c'est la perspective et la réflexion qui ont inspiré ce document que nous souhaitons incorporer à la loi.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Harvey.

Avant de passer aux questions, je me demande s'il ne serait pas opportun de mettre aux voix la motion de M. Grewal. Vous l'avez tous reçue il y a quelques jours. J'ai dit tout à l'heure qu'elle ne posait pas de problème, du moins d'après ce que j'ai entendu, et qu'en conséquence, on devrait pouvoir l'adopter rapidement. Elle a fait l'objet d'un avis déposé il y a deux jours. Nous allons passer à cette motion dès maintenant.

Monsieur Mills, je ne sais pas si vous voulez en parler.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): S'il y a des questions, je connais l'intention de M. Grewal. Il veut essentiellement connaître les chiffres correspondant à l'aide accordée à l'Inde et au Pakistan avant de les approuver dans le budget. C'est l'objet essentiel de la motion. Je crois qu'elle est conforme à nos préoccupations.

Le président: Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Dans quel but? C'est ce que je me demande. À quoi cela va-t-il servir? Est-ce qu'on parle de l'aide bilatérale ou de l'aide accordée aux ONG?

M. Bob Mills: Je crois qu'on parle des programmes de l'ACDI destinés à ces deux pays.

Mme Colleen Beaumier: Mais les programmes de l'ACDI sont souvent adressés... Il ne s'agit pas de l'aide au gouvernement. Je me demande si cette démarche n'est pas prématurée. Et pourquoi se concentrer sur cette région du monde? À quoi cela sert-il?

M. Bob Mills: Je crois qu'il s'agit de l'aide de gouvernement à gouvernement. De façon générale, l'aide aux ONG est tout à fait différente et est accordée directement à la population. Je crois qu'ici, il s'agit de l'aide de gouvernement à gouvernement, et la motion porte sur les budgets futurs et non le budget actuel; il s'agit de considérer l'ensemble du financement et les mesures accordées à ces deux gouvernements.

Mme Colleen Beaumier: En fait, pour bien comprendre... Je n'essaie pas d'éluder la question ni d'éviter d'étudier l'aide quelle qu'elle soit. J'ai les mêmes préoccupations pour tous les autres pays. Je me pose donc des questions. L'ACDI vient de terminer sa vérification interne et va apporter de nombreux rajustements à ses programmes; je ne suis même pas certaine si elle peut même nous indiquer les prévisions...

M. Bob Mills: Pour le budget de l'année prochaine?

Mme Colleen Beaumier: Ce ne sera pas nécessairement précis. Peut-être a-t-on déjà réservé des crédits à certaines fins, mais je pense que l'aide bilatérale à l'Inde et au Pakistan est probablement suspendue jusqu'à l'issue des pourparlers.

• 1035

Nous avons de nombreuses réunions consacrées à toutes sortes de sujets, et je me demande s'il est opportun de consacrer une autre réunion à des mesures qui sont en suspens pour le moment.

M. Bob Mills: Évidemment, il ne s'agit pas de l'aide actuelle. Notre contrôle interviendrait avant que cette aide soit inscrite dans le budget, c'est-à-dire l'automne prochain.

Mme Colleen Beaumier: Ne pensez-vous pas que...

Le président: N'oublions pas que le gouvernement a déjà annoncé sa position officielle à cet égard. Nous ne donnons plus aucune aide à l'Inde ou au Pakistan, exception faite de l'aide humanitaire.

Je suppose que le problème auquel nous risquons de nous heurter ici tient à la façon de définir ce qui est «humanitaire» et ce qui ne l'est pas, ainsi que ce qui a été retranché. Je suppose que c'est finalement l'objet de la motion: savoir ce qui restera à titre d'aide humanitaire et ce qui sera retranché.

Je crois que le secrétaire parlementaire a quelque chose à dire à ce sujet. Il serait peut-être bien de l'entendre. Si toutefois la question risque de susciter une longue controverse, je crois qu'il vaut mieux la reporter à plus tard. Je croyais que nous nous entendions de façon générale et que nous pourrions régler la question rapidement. Si toutefois il faut un certain temps pour la régler, je crois qu'il vaut mieux la reporter jusqu'à ce nous ayons fini de discuter avec les témoins de cette autre question.

Une voix: C'est prématuré.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le président, j'ai discuté de cette question avec Bob hier. J'ai déjà fait part au ministre de ce qui s'était passé. Nous avons clairement communiqué notre position au premier ministre et ensuite au ministre des Affaires étrangères après que ces tests ont été effectués, et nous en sommes maintenant à la deuxième étape. J'ai rencontré une délégation pakistanaise hier pendant une heure, et la délégation témoignera devant le comité cet après-midi. C'est un groupe très intéressant.

Je m'inquiète simplement du message que vous envoyez avec ce dernier élément de phrase. Nous avons clairement fait connaître notre position, mais il se peut que nous en soyons maintenant à l'étape que vous avez évoquée hier: diplomatie discrète et possibilités de mouvement. Je me demande si nous pouvons éliminer la connotation comminatoire de ce dernier élément de phrase ou si nous pourrions dire que l'affaire est en délibéré.

J'approuve en principe ce que vous essayez de faire, mais je crois que nous tentons d'obtenir un certain mouvement dans ce dossier grâce à des mesures très concrètes et précises, et qui vous seront peut-être proposées par la délégation pakistanaise cet après-midi.

M. Bob Mills: Vous connaissez mon sentiment à cet égard. Comme nous en avons discuté...

M. Ted McWhinney: Oui.

M. Bob Mills: ...l'important, pour moi, c'est certainement de faire la promotion de la diplomatie et de la recherche d'une solution. Je crois que ce que disait M. Grewal—c'est dommage qu'il ne soit pas ici pour en parler—c'était essentiellement qu'il voudrait que nous puissions examiner ces montants avant qu'ils ne soient inscrits au budget, pour que nous soyons informés et que nous puissions, bien entendu, avoir notre mot à dire.

M. Ted McWhinney: Oui, je comprends ces motifs et je les respecte. En conformité avec cette position, il serait toutefois utile que la question ne soit pas débattue ni réglée avant que nous n'ayons à tout le moins entendu la délégation pakistanaise cet après-midi. Le groupe est très intéressant.

M. Bob Mills: Cela n'a toutefois rien à voir avec l'an prochain.

Le président: Je suis désolé d'avoir soulevé cette question à ce moment-ci. Je crois bien que nous avions le consensus. Manifestement, nous ne l'avons pas. Nous reporterons la question jusqu'à ce que nous ayons réglé cette autre question de la Cour criminelle internationale. Je pensais que nous pouvions régler la question, étant donné que nous avions alors le quorum, mais ça va. Nous la reporterons. Je suis désolé d'avoir interrompu la séance pour cela.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills: Je tiens en tout cas à souhaiter la bienvenue à tous nos invités. Nous avons entendu des exposés très divers.

Je tiens à préciser tout d'abord qu'il y a toujours quelque chose qui me chicote quand j'entends des exposés comme ceux que nous avons entendus, et c'est qu'on dit représenter les Canadiens et refléter les opinions et les volontés des Canadiens. Pourtant, la question n'a jamais fait l'objet d'un débat à la Chambre des communes, où les représentants élus des Canadiens, ceux à qui ils peuvent demander des comptes, peuvent effectivement dire ce que les Canadiens pensent de la question à l'étude, quelle qu'elle soit.

Il me semble que vous pourriez bien plus aisément présenter notre position si la question avait été débattue à la Chambre des communes et que les députés avaient effectivement eu l'occasion de se prononcer. Je sais que c'est à cela que doit servir notre comité, mais il est un peu tard, et notre comité ne représente certainement pas tous les Canadiens. J'ai donc un petit problème: nous voulons vendre la démocratie à l'étranger, et pourtant la situation au Canada semble parfois très peu démocratique.

• 1040

Deuxièmement, l'idée d'avoir une cour permanente comme celle-ci, compte tenu de la possibilité d'une importante participation internationale, avec tout ce que cela comporte de bureaucratie, d'inefficacité et d'inefficience, comme c'est le cas aux Nations Unies... Je me demande comment vous allez pouvoir éviter ces problèmes et à quel prix. Je ne suis pas sûr non plus pourquoi vous ne créeriez pas des cours ponctuelles pour traiter des cas comme celui du Rwanda ou de la Bosnie, étant donné que ces cours vous permettraient de vraiment concentrer l'attention sur ce qui se passe là-bas.

Troisièmement, j'ai fait une visite des plus intéressantes—le comité me l'a entendu dire à maintes reprises—en Bosnie pour les élections. J'étais sur le terrain et j'ai pu me rendre dans divers endroits pour parler avec les Bosniaques eux-mêmes. J'ai pu me rendre compte du degré d'émotivité qu'il y avait là-bas. Les cours et le reste sont des éléments de dissuasion, et étant donné le degré d'émotivité exprimée par ces gens—et c'était finalement la même chose au Rwanda—je ne suis pas sûr que la cour permettra d'obtenir le même résultat.

Par ailleurs, je me demande si ces crimes contre l'humanité sont plus nombreux en 1998 qu'ils ne l'ont jamais été ou si c'est simplement que nous en entendons davantage parler.

Enfin, je me demande comment nous pourrons faire appliquer des mesures comme celles qui sont envisagées, étant donné la souveraineté des pays en cause et la montée du nationalisme. Je m'interroge simplement sur l'application des décisions qui seront prises et la façon dont cela pourra se faire. Nous ne semblons pas nous tirer très bien d'affaire en Bosnie. Comment allons-nous pouvoir réaliser nos objectifs à une échelle beaucoup plus grande?

Excusez-moi, monsieur le président. J'ai posé beaucoup de questions, mais je crois qu'il y a bien des choses qu'il nous faut savoir.

Le président: Il y a trois questions distinctes.

Monsieur Allmand, suivi de M. Matas.

M. Warren Allmand: En ce qui a trait à la première question, je dirais que j'encourage—ou que le centre encourage—depuis un certain temps la tenue d'un débat au Parlement. Nous croyons d'ailleurs qu'il n'est pas trop tard pour ce faire. Je me souviens des débats sur le maintien de la paix et sur des questions relatives aux affaires étrangères qui commençaient à 17 heures, à la fin de la journée, quand cela s'avérait nécessaire. Pour ma part, je trouve essentiel qu'il y ait un débat au Parlement, et j'encourage la tenue d'un débat. J'ai écrit au ministre et à d'autres pour demander la tenue d'un débat.

Vous pourriez ainsi rallier à notre cause et informer au sujet des questions essentielles qui se posent non seulement les députés qui ne font pas partie du comité, mais aussi la population canadienne.

Quant à nos organisations, je ne pense pas que nous nous imaginons représenter les Canadiens. Certains d'entre nous sont représentatifs et d'autres sont des centres, des universitaires et une multitude de gens... Nous tentons toutefois de faire la promotion des principes qui s'imposent et d'amener les parlementaires à s'intéresser aux questions qui se posent.

Tout ce que je puis dire, c'est que, si les partis se mettent d'accord, il n'est pas trop tard pour que vous prévoyiez un débat au Parlement un jour donné—ou en soirée, comme cela s'est fait par le passé, et comme je m'en souviens très bien.

Pour ce qui est de savoir si les crimes sont plus nombreux en 1998 qu'ils ne l'étaient par le passé, nous ne le pensons pas. Je dirais même que plusieurs d'entre nous qui sont ici ce matin trouvent que Nuremberg s'est terminé trop tôt. Les gens y travaillaient depuis des années, mais les autorités politiques et diplomatiques ont décidé de mettre le dossier en attente à cause de la guerre froide. Il y avait trop d'autres choses qui se passaient. À la fin de la guerre froide, on a de nouveau commencé à s'intéresser au dossier, et on réalise des progrès considérables.

D'autres voudront peut-être répondre à vos autres questions.

J'espère que vous tiendrez un débat au Parlement.

M. David Matas: En réponse à votre question, à savoir s'il ne serait pas préférable d'avoir simplement des cours ponctuelles, c'est manifestement là une question essentielle qui se pose relativement à la création de la cour, et elle suscite bien des réponses différentes.

Il y a d'abord l'idée qu'il ne serait pas souhaitable d'avoir des poursuites à caractère politique, et que les cours ponctuelles seraient l'occasion de faire le consensus sur l'opportunité d'intenter des poursuites pour certains crimes, mais pas pour d'autres. Il y a aussi une autre précision qui est peut-être encore plus fondamentale, et c'est que la cour n'a pas uniquement pour mission de punir les criminels. Elle doit aussi avoir un effet de dissuasion. Or, il n'y a aucun effet de dissuasion quand on crée une cour après que les crimes ont été commis. C'est en partie là le problème qui se pose dans le cas du Rwanda et de la Bosnie: ces deux cours ont été créées après coup seulement. Elles n'existaient pas auparavant, et, si elles avaient existé, les crimes en question n'auraient peut-être pas été commis.

Vous demandez si le problème est plus fréquent qu'il ne l'était ou si c'est que nous en entendons davantage parler. Le problème est différent. Auparavant, pendant la guerre froide, les violations des droits de la personne adoptaient un autre type de violence. Maintenant, nous sommes témoins de beaucoup plus de guerres intestines, de la fragmentation et de l'effondrement des États, mais la différence tient de nos jours à ce que les possibilités sont différentes. La guerre froide a empêché la création de la cour et a mis fin au procès de Nuremberg en raison de considérations politiques que je désapprouve, mais qui étaient là néanmoins. De nos jours, nous avons un espace politique différent de celui qui existait auparavant et nous devrions en tirer parti. En tout cas, le besoin existait auparavant.

• 1045

Vous demandez aussi comment assurer l'application. Bien entendu, il y a toujours des problèmes à faire appliquer les décisions des tribunaux, même les décisions de nos tribunaux à nous. Je veux dire par là que, même au Canada—et c'est malheureux—certaines personnes commettent des crimes sans être punies. Ce n'est toutefois pas une raison pour démanteler notre système judiciaire ou pour ne pas avoir de système judiciaire. Nous établissons un système judiciaire, nous adoptons des lois, nous tentons de les appliquer et nous faisons de notre mieux. En tout cas, il ne faut pas abandonner simplement parce que certains fugitifs réussissent à échapper à la justice.

Le président: Madame Oosterveld.

Mme Valerie Oosterveld: J'ai quelque chose à dire au sujet de l'effet de dissuasion. Récemment, nous avons été à même de constater comme ces cours peuvent être efficaces quand elles jouissent d'un certain pouvoir et d'une certaine intégrité. Quand Jean Kambanda a plaidé coupable au tribunal du Rwanda, son aveu—je crois que c'est ce qui a été rapporté dernièrement—a amené plus de 2 000 Rwandais qui étaient détenus dans des prisons rwandaises à plaider coupables eux aussi. Auparavant, ils pensaient que personne ne plaiderait coupable; alors ils ne voyaient pas pourquoi ils le feraient, eux.

Deuxièmement, il y a maintenant des criminels qui se livrent au tribunal bosniaque parce qu'ils se rendent compte que le tribunal est vraiment efficace.

Le président: Monsieur Kessel.

M. Alan Kessel: Merci, monsieur le président.

M. Mills a soulevé plusieurs questions très importantes, mais il y en a une qui est intéressante, et c'est celle du coût.

En fait, la création de tribunaux ponctuels est un processus très coûteux pour le système onusien et pour nous tous qui payons nos factures à l'échéance. Il devrait être bien plus efficace et bien plus rentable à l'avenir d'avoir une structure permanente qui serait financée à même le budget régulier du système onusien, qui ne dépendrait pas des considérations politiques qui mènent à la création par le Conseil de sécurité de tribunaux ponctuels.

Ce qu'il est important de retenir, comme l'ont dit les autres témoins qui m'ont précédé, c'est que le contexte actuel est propice. Il existe un consensus en faveur de la création d'une structure de ce genre.

Nous ne voulons pas que la justice se limite aux Rwanda et Yougoslavie de ce monde. C'est pourquoi le Canada préconise ardemment la nomination d'un procureur indépendant. Si c'était uniquement les États qui demandaient que des poursuites soient intentées, nous n'aurions pas tout ce dont nous avons besoin. La nomination d'un procureur indépendant permettrait,—tout comme le fait Louise Arbour, dans les limites de sa compétence—elle a même parlé récemment de la possibilité d'intenter des poursuites relatives au Kosovo—d'intenter des poursuites pour des crimes dans lesquels les États préféreraient ne pas intervenir pour des raisons diplomatiques.

Le contexte est donc propice à la création d'une cour criminelle internationale. Les 180 États membres de l'ONU se sont entendus pour créer ce tribunal. Le Canada a la chance d'être en mesure d'exercer une influence considérable à cet égard. Ce serait nier l'histoire et nier l'importance de la cause des victimes que de ne pas passer à l'action maintenant. Merci.

Le président: Merci. Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le président, j'aimerais aussi souhaiter la bienvenue aux membres de cette grande délégation et vous remercier de vos éclaircissements et de la présentation des positions de chacun de vos groupes. J'aimerais en particulier souligner la présence de M. Kessel et de M. Robinson, que les membres du comité ont eu l'occasion de rencontrer à New York et qui déjà, à ce moment-là, nous avaient fait des présentations qui ont éclairé certains d'entre nous sur les positions exprimées par le Canada dans le cadre de ces négociations.

Comme M. Watt, je pense qu'on peut, à bien des égards, vous lancer quelques fleurs et vous dire jusqu'à quel point votre contribution aux travaux préparatoires à des conférences est appréciée. Elle s'avérera certainement une contribution significative à la réalisation de ce projet.

• 1050

Il me semble que la question la plus difficile est celle qui n'est pas encore résolue. Vous avez bien voulu me prêter votre projet de traité. L'article 10 porte sur le Conseil de sécurité et son rôle. Je voudrais savoir quelle est la position du Canada ou des négociateurs canadiens sur cette question et sur—comment dirais-je—what's the bottom line lorsqu'il s'agit du rôle du Conseil de sécurité dans son rapport avec le tribunal, le procureur général ou l'indépendance du tribunal. Cette question me paraît d'autant plus importante que William Schabas souligne que le fait de confier au Conseil de sécurité une compétence en la matière pourrait donner du travail à la cour, parce que si elle n'a pas une certaine compétence, on risquerait d'attendre bien longtemps avant que cette cour ait une quelconque affaire à son rôle. J'aimerais donc savoir aujourd'hui, à quelques jours du début de la conférence, quelle position vous allez défendre et ce sur quoi vous n'êtes pas en mesure de vous compromettre.

Ma deuxième question est à l'intention de M. Schabas. D'ailleurs, j'exprime le même souci que mon collègue du Parti réformiste, à savoir que cette question méritait d'être débattue bien avant dans une enceinte parlementaire, que ce soit ici, au comité, ou à la Chambre des communes, au risque de décevoir M. Allmand puisque les travaux de la Chambre se termineront vraisemblablement vendredi de cette semaine. Il y a peu de chances que nos whips acceptent que cette question soit débattue par la Chambre dans son entier. Il y a vraiment, et on le constate encore cette année, un souci du gouvernement d'user de sa prérogative afin de ne pas trop faire débattre de questions d'affaires étrangères en Chambre ou même ici, ou d'en débattre en dernière minute. On est à quelques jours de la conférence, et c'est seulement maintenant que le Parlement est saisi de cette question-là.

Voici ma question très précise à William Schabas. Quelles modifications législatives devront être apportées à la lumière du texte du projet que nous avons en main et du texte du traité qui risque de découler de cette conférence diplomatique?

Ce sont mes deux questions, monsieur le président.

Le président: Merci. Monsieur Kessel.

[Traduction]

Une voix: Quand vous voudrez savoir ce qui se passe ici...

Le président: Je suis désolé. Nos témoins ne savent pas que les membres du comité sont en train d'échanger des renseignements sur la date à laquelle la Chambre pourrait s'ajourner.

[Français]

M. Daniel Turp: Vous ne parlez pas à vos whips?

[Traduction]

Le président: Nos whips sont plus avares d'information que les vôtres.

Monsieur Kessel.

M. Alan Kessel: Merci, monsieur le président. Je ne peux vraiment pas me prononcer sur la date à laquelle la Chambre pourrait s'ajourner.

En tout cas, en ce qui concerne le Conseil de sécurité, cette question est particulièrement intéressante, et nous sommes très reconnaissants d'avoir pu rencontrer votre comité à New York, où nous avons notamment discuté du rôle du Conseil de sécurité.

Je vais demander à mon collègue, Darryl Robinson, de nous expliquer un peu l'historique de la question, de nous en décrire les origines, de nous parler de certains des débats acrimonieux et de nous présenter le contexte à la veille de la rencontre de Rome.

M. Darryl Robinson (Nations Unies, Section des droits de la personne et du droit humanitaire, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): À notre avis, la cour devrait avoir une relation constructive avec le Conseil de sécurité qui ne limite ni l'indépendance ni l'impartialité du conseil.

Comme vous l'avez dit, les États qui sont du même avis approuvent l'idée que le Conseil de sécurité ait un rôle à jouer pour ce qui est de renvoyer des causes à la cour. Comme vous l'avez dit également, la cour aura ainsi plus de causes à entendre, et, fait plus important encore, cette façon de faire permettrait au Conseil de sécurité d'user de son pouvoir d'application et rendrait la cour bien plus efficace dans ces causes-là. Pour ce qui est du Conseil de sécurité, donc, le groupe de pays qui sont du même avis approuvent presque tous ce rôle.

La question de la capacité du Conseil de sécurité d'intervenir dans les poursuites est plus difficile. Le projet de texte élaboré par la Commission du droit international dispose que la cour ne s'occuperait d'aucune question dont serait saisi le Conseil de sécurité, et nous nous opposons vigoureusement à cette limitation. Le problème, d'après l'interprétation que nous en faisons, tient au fait que la cour criminelle internationale ne pourrait se pencher sur aucune question qui figurerait à l'ordre du jour des travaux du Conseil de sécurité et que les causes susceptibles d'être entendues par la cour criminelle internationale seraient celles-là mêmes dont on s'attendrait qu'elles soient à l'ordre du jour du Conseil de sécurité. En outre, n'importe lequel des membres du Conseil de sécurité pourrait très facilement entraver l'activité de la cour en mettant la question à l'ordre du jour du Conseil de sécurité et en exerçant ensuite son droit de veto pour empêcher qu'elle n'en soit rayée.

• 1055

Le groupe d'optique commune cherche donc une solution au problème. On a d'un côté le P-5, bien que le Royaume-Uni fasse maintenant partie de notre groupe d'optique commune. Il y a donc quatre membres permanents du Conseil de sécurité—les États-Unis, la France, la Russie et la Chine—qui continuent à insister pour que le Conseil de sécurité intervienne avec force.

De l'autre côté, il y a beaucoup de pays en développement qui s'opposent à ce que le Conseil de sécurité joue quelque rôle que ce soit. Ainsi, le groupe d'optique commune tente de trouver une solution qui permettra d'en arriver à une entente, mais qui permettra aussi que la cour puisse faire son travail.

Singapour a présenté une proposition très intéressante. Selon cette proposition, la CCI pourrait continuer à entendre une cause, pourrait faire ce qu'elle voudrait, à moins que le Conseil de sécurité ne l'avise officiellement qu'il a déjà entrepris d'examiner la cause aux termes du chapitre 7, qu'il s'occupe activement de la question et qu'il lui ordonne de cesser de s'en occuper.

Cette proposition est intéressante parce qu'il faudrait qu'une majorité des membres du Conseil de sécurité se disent d'accord pour que cet avis officiel soit envoyé, sans qu'aucun pays puisse exercer son droit de veto. La préoccupation que vous aviez au sujet du droit de veto des membres du P-5, qui permettrait à n'importe lequel d'entre eux d'empêcher des poursuites contre lui-même ou contre ses amis, disparaîtrait donc. Désormais, il faudrait une majorité des membres du Conseil de sécurité, sans aucun droit de veto. Si l'un des membres exerçait son droit de veto, le résultat serait qu'il empêcherait la tentative du Conseil de sécurité d'ordonner à la cour de ne pas s'occuper de la question; par conséquent, la cour pourrait poursuivre son travail.

Le Canada a ajouté une petite nuance à cette proposition afin qu'elle recueille plus d'appuis parmi les pays du groupe d'optique commune, de sorte que la compétence de la cour s'en trouverait renforcée. Voici ce qui a été proposé par le Canada: premièrement, il faudrait que le Conseil de sécurité donne un ordre officiel, et nous pensons qu'il est peu probable qu'il le fasse, et, deuxièmement, le Conseil de sécurité ne pourrait donner d'ordre officiel que s'il s'occupait de la question aux termes du chapitre 7. Ainsi, il ne pourrait pas être simplement saisi de la question, sans s'en occuper activement; il faudrait qu'il soit engagé activement peut-être dans une négociation de paix ou quelque chose de ce genre. Troisièmement, la modification canadienne imposerait un délai. Le pouvoir du Conseil de sécurité d'émettre un ordre expirerait après un délai d'un an. Si le Conseil de sécurité voulait intervenir, il lui faudrait passer de nouveau par le processus de décision à la fois public et difficile pour empêcher la cour d'entendre la cause.

Il est donc peu probable que la disposition formulée ainsi soit invoquée. Il semble que la proposition pourrait être une solution. Elle recueille beaucoup d'appuis, mais on a toujours des pays à une extrémité ou à l'autre, les pays du P-4 ou les pays en développement, qui ne l'ont pas encore avalisée, mais, de manière générale, le groupe d'optique commune semble converger vers cette proposition comme étant une solution au problème du Conseil de sécurité.

Le problème est périlleux. Cette question du rôle du Conseil de sécurité pourrait faire achopper les négociations et vouer le projet à l'échec. Nous sommes toutefois très optimistes, car nous pensons que le compromis de Singapour avec la modification canadienne pourrait permettre de résoudre le problème.

Le président: J'ai une question à poser à ce sujet avant que nous ne passions à M. Schabas. La solution de Singapour règle-t- elle le problème de... Il a été question d'effet de dissuasion ici, mais il a aussi été question du problème attribuable au fait que l'existence même de la cour pourrait rendre le règlement d'un conflit difficile, car les belligérants qui auront l'impression qu'ils vont perdre se diront: «Nous allons tous finir par être pendus par ces gars-là; alors pourquoi accepterions-nous de baisser les armes?» C'est certainement quelque chose que nous avons entendu en Bosnie.

Plusieurs autorités britanniques sont venues devant le comité nous dire: écoutez, il est très dangereux de brandir la poursuite devant une cour criminelle avant que le conflit n'ait été réglé. Quelle raison aurais-je de me rendre si je sais que le tribunal de Nuremberg n'attend que l'occasion de me pendre? Voilà la question que je vous pose.

Une voix: Pas de pendaison.

Le président: D'accord, pas de pendaison. L'emprisonnement à perpétuité n'est guère plus attrayant.

Voici ma question. La solution de Singapour permet-elle de régler ce problème dans une certaine mesure, puisqu'elle permet au Conseil de sécurité de dire: un instant, toute poursuite à cet égard doit être suspendue tant que nous n'aurons pas obtenu un règlement du conflit aux termes de l'article 7? Est-ce là une des considérations qui motivent la solution de Singapour?

M. Alan Kessel: Oui, vous avez parfaitement raison. Il n'est pas facile de choisir entre la paix et la justice, et le sujet a fait couler beaucoup d'encre. Il serait quand même possible de laisser libre cours au Conseil de sécurité. Si la majorité des membres du conseil s'entendaient pour dire qu'il serait sage de suspendre les travaux pendant un an, la solution de Singapour permettrait de le faire.

• 1100

Le président: Merci. Il me restait ce point d'interrogation.

Monsieur Schabas.

M. William Schabas: Merci. À ce propos, le choix entre la paix et la justice est très difficile, et bien souvent on se prononce catégoriquement pour l'une ou pour l'autre. Le fait est qu'il faut sans doute aborder la question de façon plus nuancée.

Il y a des cas—Haïti est un bon exemple; l'Afrique du Sud aussi—où, pour amener la paix, il a fallu faire un compromis quelconque sur le plan de la justice. Il a fallu accepter que la justice pure et dure devait être en quelque sorte atténuée pour pouvoir en arriver à une solution pacifique. C'est donc là en partie l'idée du rôle que pourrait jouer le Conseil de sécurité.

[Français]

L'autre aspect du rôle du Conseil de sécurité est que vous avez cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui ne veulent pas concéder de pouvoirs ou de compétences. Ils tiennent à leur rôle et à leur importance dans le fonctionnement des Nations unies. Je crois qu'il y a beaucoup de participants au débat devant la commission préparatoire qui seront aussi présents à la conférence diplomatique et qui veulent corriger les défauts de structure des Nations unies lors de l'adoption du statut de la cour criminelle permanente. Personne n'aime le Conseil de sécurité tel qu'il est configuré actuellement, sauf les cinq grandes puissances. On veut faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement, c'est-à-dire réformer un peu le rôle et l'importance du Conseil du sécurité dans la structure de la politique internationale contemporaine.

À mon sens, le rôle du Conseil de sécurité est incontournable. On ne peut pas envisager un fonctionnement de la cour sans attribuer un rôle au Conseil de sécurité. Je suis tout à fait d'accord sur l'approche qu'exposait Darryl Robinson, selon laquelle il ne faut pas permettre au Conseil de sécurité d'imposer un droit de veto indéterminé, surtout pas un droit de veto qui n'est exercé que par un des membres permanents. La beauté du projet de Singapour est qu'en réalité, on inverse le droit de veto, ce qui ne permet pas à un État de bloquer la fonctionnement de la cour. Une vote de la majorité du Conseil de sécurité est nécessaire pour que le fonctionnement de la cour soit arrêté, ce qui est beaucoup plus intéressant et beaucoup plus acceptable quant au rôle du Conseil de sécurité.

Cela dit—c'est un peu le point que je voulais faire prévaloir dans mon texte, et je le souligne aussi à M. Mills qui a posé des questions quant à l'efficacité de la justice internationale—nous avons actuellement deux exemples splendides du fonctionnement de la justice internationale. La cour pour l'ex-Yougoslavie et la cour pour le Rwanda fonctionnent assez bien. Elles ont maintenant les accusés principaux sous réserve, à quelques exceptions près. De plus en plus d'accusés importants comparaissent devant la cour pour l'ex-Yougoslavie et devant la cour pour le Rwanda. Ce sont des tribunaux qui font une contribution extrêmement importante à la justice internationale.

Il faut comprendre—et c'est peut-être le bottom line que Daniel Turp a évoqué—qu'il est possible qu'à court terme et même à moyen terme, les cours ne puissent pas faire plus que les tribunaux ad hoc. L'intérêt des tribunaux ad hoc, c'est qu'on n'exige pas le consentement de l'État avant de punir ou d'assumer la responsabilité de la justice pénale dans un cas donné, ce qui est extrêmement intéressant parce qu'à court terme, ce sont le Canada, l'Islande et les Pays-Bas qui vont accepter sa compétence.

M. Turp m'a posé une autre question.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais selon nos règles, nous essayons de nous en tenir à des interventions de 10 minutes, et cette dernière intervention a déjà duré 15 minutes. Trois autres intervenants figurent sur ma liste et j'aimerais maintenant leur céder la parole. Nous pourrons peut-être revenir plus tard à la dernière question de M. Turp.

[Traduction]

Monsieur Assadourian, ou je devrais vous appeler «monsieur Augustine», pour réparer mon lapsus de l'autre jour.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Vous devrez faire plus que ça comme pénitence, monsieur le président.

Le président: J'essaye. Ce n'est qu'un premier pas.

Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup.

Monsieur Allmand, vous avez dit tout à l'heure que la cour n'interviendrait que dans les cas où il y aurait déclaration de guerre.

M. Warren Allmand: Non, c'est le contraire. J'ai dit que certains voudraient limiter la définition des crimes aux seules situations où il y aurait eu déclaration de guerre.

• 1105

Nous nous opposons à cette définition, surtout en ce qui concerne les crimes contre l'humanité, car, comme vous le savez bien, beaucoup de ces crimes sont commis dans des États où la population vit sous un régime de répression, de dictature militaire ou sous un autre régime. Par conséquent, si la définition ne s'appliquait qu'aux crimes commis dans un contexte de guerre, même de guerre civile, beaucoup de crimes horribles ne pourraient pas donner lieu à des poursuites.

M. Sarkis Assadourian: Merci pour cet éclaircissement.

Qui peut intenter des poursuites devant cette cour, la victime, les pays ou les organisations internationales comme l'ONU?

L'autre jour, nous avons entendu des témoins nous parler de la situation au Soudan. Je crois que c'est Winston Churchill qui a dit que l'histoire est écrite par les gagnants. Si le dictateur soudanais survit, qui pourra traduire cette personne en justice?

Hier, on a posé une question à la Chambre des communes aux termes de l'article 31 du Règlement au sujet des massacres ou du génocide perpétré par l'URSS contre les Ukrainiens à l'époque des communistes. À Nuremberg, seuls les nazis ont été traduits en justice; il n'y a pas eu de procès pour les communistes qui, à mon avis, ont été coupables de crimes aussi horribles contre les Ukrainiens.

M. Ted McWhinney: Ni même pour les alliés de l'Ouest.

M. Sarkis Assadourian: Seuls les nazis ont été traduits devant le tribunal de Nuremberg, pas les communistes. Cette nouvelle cour, qui, nous l'espérons, verra bientôt le jour, infirmera-t-elle ce qu'a dit Churchill? L'histoire sera-t-elle écrite, non pas par les gagnants, mais par la population ou les victimes?

M. Warren Allmand: Absolument. C'est là l'objet de cette cour. Je crois que M. Schabas a répondu à cette question quand il répondait à M. Mills. C'est quelque chose d'essentiel si l'on ne veut pas que la justice soit appliquée de façon ponctuelle ici et là ou qu'elle soit motivée par des considérations politiques. Autrement dit, établissons une cour au Rwanda et en Yougoslavie, mais il n'est peut-être pas nécessaire d'en établir une en Algérie, au Nigeria ou en Afghanistan.

M. Sarkis Assadourian: Quelle garantie avons-nous?

M. Warren Allmand: La cour aura juridiction dans tous les États qui auront ratifié sa création. Malheureusement, elle n'aura pas juridiction dans les pays qui n'auront pas ratifié sa création. Il est à espérer que, comme c'est le cas pour la plupart des traités, au fur et à mesure qu'on ratifie...

Je veux répondre à votre première question. M. Kessel a dit dans son exposé préliminaire que le texte, tel qu'il est formulé à l'heure actuelle, prévoit qu'il ne pourrait y avoir de poursuite qu'à partir d'un renvoi d'un membre du Conseil de sécurité ou d'un autre pays. Nous nous employons vigoureusement toutefois à faire accepter l'amendement qui se trouve entre crochets et qui permettrait au procureur d'intenter des poursuites à l'égard de toute question qui, de son avis, relèverait de la juridiction de la cour, qu'il s'agisse de génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre.

Bien entendu, les groupes de défense des victimes, les organisations des droits de la personne et les parlementaires pourraient intervenir auprès du procureur pour dire: «Écoutez, il y a une situation horrible en Arménie», ou dans quelque autre pays: «Vous devriez aller voir ce qui se passe là et déterminer s'il y a lieu d'intenter des poursuites.» Si l'amendement en question est accepté, le procureur pourrait ainsi agir de façon indépendante.

Les autres possibilités sont le renvoi par un État—il pourrait s'agir d'un État acquis à la cause—ou le renvoi par un membre du Conseil de sécurité. Cela n'est pas suffisant à notre avis. Il faudrait qu'il y ait les trois possibilités: le procureur agissant de façon indépendante, les États et le Conseil de sécurité.

M. Sarkis Assadourian: Pour revenir à ce que vous disiez tout à l'heure, il faudra que le texte soit ratifié pour qu'il soit efficace. Prenons l'exemple de la Charte de l'ONU sur le génocide ou de n'importe quelle charte des droits. Tous les pays du monde ratifient ces instruments, mais la plupart les violent aussi. Que pouvons-nous faire dans ces cas-là?

M. Warren Allmand: Comme c'est le cas de tous les traités, nous espérons qu'avec le temps les pays qui violent ces instruments se trouveront de plus en plus isolés. Prenons l'exemple du traité sur les mines terrestres. Nous espérons que les pays qui ne l'ont pas signé ou qui ne sont pas sur le point de le signer se sentiront de plus en plus isolés politiquement et qu'ils seront perçus comme étant à l'écart du mouvement mondial. Il faut tout simplement continuer à exercer des pressions politiques pour que les pays qui n'ont pas ratifié les traités les ratifient et continuer à souligner l'hypocrisie de ceux qui ne respectent pas les traités qu'ils ont ratifiés.

Le président: Monsieur Piragoff, je crois que vous aviez une réponse technique à donner à la question de M. Assadourian au sujet des poursuites.

• 1110

M. Don Piragoff (avocat général, ministère de la Justice): Merci.

Je voudrais faire suite à ce que disait M. Allmand. C'est là une question controversée, à la veille de la conférence diplomatique, que la question du droit d'intenter des poursuites ou de déposer une plainte. Il y a essentiellement quatre options possibles à la veille de la conférence diplomatique, trois qui sont sur la table depuis un certain temps et une autre qui vient d'être mise sur la table à titre de compromis.

On a déjà fait allusion à certaines options, notamment la possibilité que le Conseil de sécurité saisisse le tribunal des questions à trancher. Bien sûr, comme l'a dit M. Robinson, cela fait entrer un certain élément de politique dans le processus.

Je pense que c'était la préoccupation soulevée par M. Assadourian, monsieur le président.

La deuxième option—et, d'ailleurs, ces options ne s'excluent pas mutuellement—serait que l'un des États parties au statut présente une plainte. Il n'est pas nécessaire que ce soit un État victime. À condition qu'il s'agisse d'un État partie, ce dernier peut présenter une plainte au tribunal. Un État tiers qui désapprouve ce qui se passe dans un autre État pourra donc présenter une plainte.

La troisième option—et c'est ce à quoi M. Allmand a fait allusion avec insistance, à l'instar de nombreuses ONG—c'est que le procureur de la poursuite soit habilité à déclencher d'office une plainte et une enquête. Cette troisième option est très controversée parmi un certain nombre de pays, notamment les pays membres du P-5, ainsi que parmi d'autres, qui craignent que le procureur ne dépose une plainte de son propre chef en se fondant sur des renseignements qu'il ou elle aurait reçus des ONG, ou peut-être même trouvé dans des journaux ou auprès d'une autre source.

Une quatrième option qui a été proposée ces derniers mois, et qui représente une tentative de compromis, vise à permettre au procureur de la poursuite de déclencher une enquête d'office, mais il devrait au préalable en saisir une chambre du tribunal, lequel devrait établir si la plainte est justifiée. Cela offrirait une garantie aux États qu'une trop grande indépendance du procureur inquiète, car ils seraient ainsi certains que le procureur agirait sous la surveillance ou le contrôle d'une chambre du tribunal.

La position de compromis ne fait pas l'unanimité, même parmi ceux qui partagent les mêmes idées. Il y en a qui veulent adopter ce compromis, mais d'autres parmi les États animés des mêmes idées sont très préoccupés par l'idée d'avoir un procureur qui soit efficace et indépendant.

De tout temps, le Canada a eu pour position que le tribunal doit être efficace, et le procureur de la poursuite également.

M. Ted McWhinney: Personne n'a-t-il proposé l'Assemblée générale comme cinquième solution? L'Assemblée générale n'a pas de droit de veto et sert à des fins d'avis consultatif, au même titre que le Conseil de sécurité, dans d'autres domaines.

M. Don Piragoff: La question d'autoriser l'Assemblée générale à déposer une plainte a également été soulevée, mais si un État partie peut agir de son propre chef, les choses iront beaucoup plus rapidement que s'il faut faire adopter une résolution à l'Assemblée générale.

Le président: Merci.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Merci, monsieur le président.

Au départ, je voulais vous poser une question au sujet du Conseil de sécurité de l'ONU et des cinq membres permanents qui prennent le parti du Canada, mais je pense avoir déjà obtenu la réponse à cette question.

En lisant la documentation qui nous a été fournie, j'ai cherché, mais en vain, une liste des pays sur lesquels le Canada compte pour la ratification. J'aimerais donc savoir quels sont ces pays et combien il en faudra pour que la ratification prenne effet. Comment prend-on cette décision? Existe-t-il une règle générale entourant les décisions en matière de ratification, du nombre de signataires requis? Comment les choses vont-elles se passer?

M. Alan Kessel: Vous avez mis le doigt sur une question très litigieuse. Si vous pensez qu'il y a des bons et des méchants dans le cadre de ce débat, ceux qui font partie des méchants ou qui refusent que le tribunal soit créé exigeront un nombre très élevé de signatures avant que le processus puisse être conçu ou ratifié. D'autres souhaiteront qu'il y ait un minimum de ratifications exigées pour que la proposition entre en vigueur. C'est une question qui est toujours en suspens. Elle fera manifestement partie du débat sur les clauses finales de ce traité.

• 1115

L'usage varie pour ce qui est des traités internationaux. Tout dépend de ce que souhaitent inclure les parties à la négociation. Il va sans dire que le Canada préfère qu'on exige un nombre minimum de ratifications—de l'ordre de 25 environ—pour que le projet aille de l'avant. D'autres pays ont dit qu'il faudrait au moins 90 signatures. Il est évident que nous n'appuierons pas cette position. Nous soutiendrons qu'il suffit d'obtenir un nombre minimum de signatures pour ratifier ce traité.

Merci.

[Français]

Le président: Madame Debien.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bonjour, messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité.

On sait que la plupart des grands pays industrialisés se sont prononcés concernant le texte de Rome et que la France et les États-Unis ont des réserves importantes. Par contre, les pays d'Amérique latine, d'Asie et d'Afrique semblent s'être très peu prononcés. En tout cas, parmi tous les documents et tous les renseignements dont j'ai pu prendre connaissance, il semble que ces pays-là sont très peu intervenus dans le débat. D'après vous, pourquoi ces pays-là ne se sont-ils pas prononcés?

Ma deuxième question a trait plus particulièrement à l'Amérique latine. On sait qu'en Amérique latine, la Convention interaméricaine relative aux droits de l'homme permet aux États d'être cités en justice. Dans ce contexte-là, nous sommes conscients qu'il y a des compromis très difficiles entre les lois d'amnistie pour faciliter le retour de la paix sociale dans ces pays-là et les poursuites au criminel. Je me demande comment le tribunal pénal international pourra concilier ces lois d'amnistie internes et sa propre compétence comme tribunal pénal international.

[Traduction]

M. David Matas: Je pourrais essayer de répondre à cette question.

Tout d'abord, étant donné la façon dont le statut fonctionne à l'heure actuelle, le tribunal ne peut se pencher que sur des questions futures. Il ne s'occupe pas des problèmes du passé, et nous n'en parlerons donc pas.

En second lieu, nous parlons de crimes très graves—de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre ou de violations des conventions de Genève—et, la plupart du temps, ces amnisties ne s'appliquent pas à ce genre d'activités criminelles.

Les lois d'amnistie s'appliquent à une vaste gamme de choses. Ces crimes fondamentaux n'englobent même pas le meurtre, nécessairement, ce qui constitue pourtant un crime très grave. Il est donc possible que ces lois d'amnistie hypothétiquement s'appliquent à l'avenir sans toutefois que cela empiète le moindrement sur la compétence du tribunal; les amnisties excluront tout simplement les crimes fondamentaux en cause.

[Français]

Mme Maud Debien: ...

[Note de la rédaction: Inaudible]...

[Traduction]

M. David Matas: Oui.

[Français]

Mme Maud Debien: Ai-je bien compris qu'au tribunal pénal comme tel, il y a des lois d'amnistie?

[Traduction]

M. David Matas: Non, il n'y a pas de loi d'amnistie dans un tribunal pénal. Ce que j'ai dit, c'est que le tribunal proprement dit a une compétence très restreinte. Il ne s'occupe que de quelques formes de crime, tandis que ces lois d'amnistie s'appliquent à toutes sortes de choses, y compris des crimes beaucoup plus graves.

On a parlé plus tôt d'Haïti et de l'Afrique du Sud. Dans ce dernier pays, les lois d'amnistie ne s'appliquent pas aux crimes contre l'humanité, aux crimes de guerre, aux violations des lois de la guerre, aux conventions de Genève sur le génocide, etc.

En réalité, en droit international, certaines infractions sont si fondamentales qu'elles violent les normes universelles, et elles ne peuvent ni ne doivent faire l'objet d'une amnistie. Toute amnistie accordée à l'égard de ces crimes fondamentaux n'est pas reconnue en droit international. Il ne devrait donc y avoir aucun rapport avec la compétence du tribunal.

• 1120

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Kessel.

[Français]

M. Alan Kessel: Je répondrai simplement à la première question au sujet de la contribution des groupes du tiers monde. Il y a en effet eu de nombreuses interventions de la part des groupes du tiers monde, par exemple dans le cadre du groupe des Like-Minded states, dont le Canada a assumé la présidence. Il y a une série de groupes membres des Nations unies qui ont adopté une position, dont l'Afrique du Sud, le Sénégal, Singapour et certains pays latino-américains comme l'Argentine, un grand joueur dans ce débat. À titre de pays membre de la Francophonie, le Canada exerce une grande influence. Le groupe des Like-Minded States comprend tous les pays européens, à l'exception de la France qui cherche encore une position dans le débat. Elle est isolée et se cherche une position avec la Francophonie. Nous sommes une partie de la Francophonie, mais notre intérêt est de trouver une position horizontale avec tous les groupes, et pas simplement celui de la Francophonie. La Francophonie a déjà discuté de la grande bataille entre le système juridique civil et le common law.

Notre position, ainsi que celle de notre ami le Cameroun, est qu'ici, au Canada, nous vivons dans un pays doté d'un système hybride où l'on retrouve les deux systèmes. Tout comme les autres pays, nous souhaitons développer un système international hybride, en allant chercher les meilleurs aspects de chaque système. De nombreux pays francophones sont d'accord avec le Canada. Nous avons l'intention de continuer à défendre cette position lors de la conférence de Rome et de nous allier à d'autres pays, tout particulièrement ceux de la Francophonie, d'Afrique, d'Asie et les pays latins, afin que nous convainquions les groupes autres que celui des Like-Minded States que c'est le meilleur chemin à suivre pour nous mener au succès. Merci.

[Traduction]

Le président: Vous savez certainement, monsieur Kessel, que la CNUDCI a réussi très souvent à combler l'écart entre le droit civil et les régimes de common law. J'ai participé un jour au débat sur un modèle de droit pour l'arbitrage des questions commerciales internationales, ce qui est assez semblable aux questions dont nous discutons aujourd'hui, mais dans le domaine commercial. Cette question avait fait l'objet de nombreuses discussions. Nous nous battions souvent avec les Français et les Russes, et le common law et le droit civil étaient un sujet de discussion continuelle, mais nous avons réussi à élaborer un droit type acceptable à toutes les parties et que M. Turp et moi-même avons volontiers enseigné à nos étudiants sans pourtant sacrifier notre intégrité d'avocat civiliste ou de common law. Je crois que nous nous en sommes bien tirés.

M. Alan Kessel: Si vous me permettez d'ajouter un petit mot, monsieur le président, vous avez mis le doigt sur le problème. Cet argument est bidon, en fait. Il ne devrait pas y avoir d'argument opposant le droit civil au common law. Nous cherchons l'instrument le plus efficace pour offrir les protections requises. J'ajoute que les pays qui se cachent derrière cet argument ont épuisé tous les autres arguments pour s'opposer à la création du tribunal, et il nous incombe de tirer les choses au clair et de faire disparaître tous ces obstacles.

Je vous remercie.

Le président: Monsieur Allmand, suivi de Mme Oosterveld.

M. Warren Allmand: Pendant la réunion préparatoire, à New York, nous avons constaté que d'autres pays civilistes, comme la Belgique, la Suisse, l'Italie, etc., étaient d'avis que cela ne menaçait pas leur régime de droit civil et que le tribunal allait en fait créer une sorte de régime hybride entre le droit civil et le common law et d'autres régimes. Comme vient de le dire M. Kessel, certains membres du Conseil de sécurité ont invoqué cet argument pour protéger d'autres intérêts, en fait.

Le président: Madame Oosterveld.

Mme Valerie Oosterveld: Je veux ajouter quelque chose à ce qu'a déjà dit M. Kessel, sur la question de la représentation régionale.

• 1125

Il y a eu des rencontres et des déclarations régionales, surtout en Amérique latine et en Afrique. En fait, c'est l'Asie qui s'est le moins manifestée avant la dernière conférence préparatoire, et nous avons constaté une nette amélioration dans le nombre de pays en cause. Il existe également un fonds des Nations Unies, auquel cotise le Canada, visant à faire participer des pays qui autrement n'en auraient pas les moyens. C'est le problème qui se posait auparavant pour participer aux négociations, pour inciter les pays à venir à la table de négociation.

Le président: Monsieur Préfontaine, puis nous passerons...

[Français]

M. Dan Préfontaine: J'aimerais répondre à votre question sur l'amnistie et tout d'abord revenir à toute la question de la sentence. Quand la cour juge une personne coupable et détermine sa peine, elle doit aussi désigner un État qui assumera la responsabilité d'imposer et d'administrer la peine ou la sentence. Quand viendra le temps de déterminer s'il y a amnistie, on n'appellera pas nécessairement cela une amnistie, mais peut-être une libération conditionnelle. On propose à l'article 100 de la loi que, si les lois de l'État à qui on demande d'administrer la sentence permettent la libération conditionnelle ou un pardon, on applique alors ces lois-là. Mais il y a aussi des options qui touchent à cela. Donc, il n'y aura peut-être pas d'amnistie en soi, mais si, comme on le sait, le Conseil de la Reine accorde un pardon, il s'agit d'un genre d'amnistie.

Le président: Merci.

[Traduction]

Je n'ai pas d'autres noms sur ma liste. J'aimerais que nous...

[Français]

M. Daniel Turp: Puis-je avoir la réponse à ma question sur les lois canadiennes? Quelles lois doivent être modifiées? M. Schabas se fait très critique sur le fait que le Parlement a grandement tardé à modifier ses lois récemment. Qu'est-ce qu'il faudrait faire et dans quel délai?

M. William Schabas: On est en train de modifier la Loi sur l'extradition et cela réglera beaucoup de problèmes. Cette loi, qui a d'ailleurs été proposée très tardivement par rapport à celles de beaucoup d'autres États, facilitera la coopération avec la justice internationale sur le plan de l'extradition et sur le plan de l'enquête.

Dan Préfontaine a fait allusion à la sanction ou à la détention. Ces responsabilités seront déléguées à des États qui acceptent cette délégation. Le Canada pourra, bien sûr, offrir de partager ses services avec d'autres États. Cela va évidemment exiger une loi particulière.

Le point sur lequel je voulais insister figure déjà dans mon texte: pour que la cour fonctionne, les États doivent aussi poursuivre leurs criminels de guerre sur le plan interne. C'est à cet égard que nous avons le plus grave problème maintenant. Nous sommes incapables, à cause du Code criminel existant et depuis l'arrêt Finta de la Cour suprême du Canada, de poursuivre les criminels de guerre qui se trouvent au Canada. Cela n'a rien à voir avec le fonctionnement de la cour criminelle permanente, sauf que si on fait défaut et que si d'autres pays font défaut, il y aura trop de dossiers devant la cour criminelle permanente. Pour que la cour criminelle permanente fonctionne, il faut que les États assument leurs propres responsabilités. C'est là que nous avons un véritable problème.

M. Daniel Turp: Est-ce que les modifications actuelles à la Loi sur l'extradition sont suffisantes pour éventuellement tenir compte des nouvelles obligations que le Canada aurait après avoir ratifié le traité? Faudrait-il songer à d'autres modifications législatives?

M. William Schabas: J'ai l'impression, monsieur le président, que ces modifications ont été rédigées en tenant compte de la cour éventuelle. On vise particulièrement les deux tribunaux ad hoc, mais il est clair qu'on envisage aussi une coopération avec une cour criminelle permanente. De mémoire, il y a peut-être des modifications, mais ce ne sont pas des problèmes de principe. Il y a peut-être des détails, mais le principe sera acquis, je crois, si les amendements sont adoptés.

M. Daniel Turp: Est-ce exact, monsieur Kessel ou monsieur Piragoff?

M. Alan Kessel: Mon collègue du ministère de la Justice répondra à votre question puisque sa ministre est responsable de cet aspect des choses.

M. Don Piragoff: Merci.

• 1130

Le projet de loi C-40

[Traduction]

a été présenté au début de mai et propose une refonte totale des lois canadiennes en matière d'extradition. Ce projet de loi prévoira un nouveau régime d'extradition pour le Canada qui s'appliquera non seulement aux tribunaux spéciaux déjà existants, mais aussi à la future cour criminelle internationale lorsqu'elle sera créée.

Comme l'a dit M. Schabas, ce projet de loi est important non seulement par rapport au tribunal, mais également pour garantir l'amélioration de nos relations avec bon nombre d'autres pays en matière d'extradition. À l'heure actuelle il existe des problèmes de droit civil et de common law parce que notre législation est désuète.

Il y a également d'autres textes de loi qu'il faudra adopter pour que la cour criminelle internationale entre en vigueur. M. Schabas et M. Préfontaine ont parlé de la détermination des peines. Si le Canada était appelé à incarcérer des prisonniers condamnés par la CCI, il nous faudrait modifier notre législation. Le gouvernement n'a pas proposé de projet de loi à ce sujet parce que ce serait prématuré pour le moment, tant que nous ne saurons pas exactement ce que dit le statut et quelles seront les obligations que la convention impose au Canada. Dès que nous les connaîtrons, le gouvernement pourra proposer un projet de loi pour les mettre en vigueur.

La troisième question qu'a soulevée M. Schabas était celle de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Finta, en vertu de laquelle il nous a été très difficile d'intenter des poursuites aux termes du régime actuel du Code criminel. Le gouvernement a examiné des projets de modification du Code criminel pour résoudre le problème lié à l'arrêt Finta.

Le gouvernement attend la conclusion des négociations sur la CCI, car les modifications au Code criminel porteront également sur les définitions de crime de guerre et de crime contre l'humanité, et il serait peut-être prudent d'attendre la décision de la communauté internationale quant aux nouvelles définitions avant d'apporter de nouvelles modifications à nos lois. Il nous faudra peut-être également modifier nos définitions de crime de guerre ou de crime contre l'humanité.

[Français]

M. Daniel Turp: Monsieur le président, permettez-moi de faire une suggestion aux membres du comité. Puisque le comité a été saisi de cette question et qu'il s'y intéresse, on devrait peut-être faire l'examen du projet de loi C-40 en collaboration avec le Comité permanent de la justice. Mme Shaughnessy Cohen a démontré par le passé son intérêt à ce que nous étudiions ensemble cette question. Nous répondrions ainsi entre autres à la demande de M. Allmand, qui souhaite que le Parlement s'intéresse à ces questions davantage qu'il ne l'a fait par le passé.

Le président: Le Comité de la justice examine actuellement le projet de loi C-40. C'est déjà du ressort de ce comité, mais nous nous intéressons aussi à cette question et surtout à celle de la complémentarité entre cette idée de l'extradition et la possible mise en application de nos obligations envers toute cour permanente établie à la suite de la Conférence diplomatique de Rome.

M. Daniel Turp: En parlerez-vous à Mme Shaughnessy Cohen?

Le président: Oui, j'ai invité Shaughnessy Cohen à venir ce matin. Les membres du comité ont exprimé un certain intérêt à poursuivre nos débats de façon plus étroite parce que les membres de cet autre comité s'intéressent aux mêmes questions. Je crois que le moment venu, si nous devons examiner cette idée de la loi éventuelle, il serait peut-être approprié de créer un comité mixte de la justice et de notre comité pour examiner cela. Je suis tout à fait d'accord.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais intervenir sur cette question, s'il vous plaît, et ajouter que le Comité de l'immigration s'est aussi penché, très rapidement, je l'avoue, sur la question de l'exclusion des criminels de guerre. Cela touche de près la question de l'exclusion relative aux personnes demandant le statut de réfugié auprès du gouvernement canadien. Si une telle discussion avait lieu entre les membres de ce ce comité et d'autres comités, je vous suggérerais, monsieur le président, d'en parler avec le président du Comité de l'immigration parce qu'il y a un intérêt très vif de la part de ce comité.

Le président: Monsieur Préfontaine.

[Traduction]

M. Dan Préfontaine: Je tiens simplement à ajouter qu'il existe un autre domaine très important relativement à l'aide traditionnelle, ou ce que nous appelons l'entraide en matière pénale. Aux termes de l'article 90 de l'ébauche de statut, les pays, les États, sont tenus... Je voulais parler des États et de la collaboration, mais je n'ai pas eu assez de temps.

• 1135

Il va être essentiel que nous nous penchions sur tous les domaines que le Canada... Par exemple, lorsque nous aurons ratifié le traité, nous sera-t-il possible de répondre à toutes les demandes du tribunal pour recueillir des témoignages, retrouver les personnes recherchées, assurer la protection des témoins, tenir les procédures et faciliter la comparution des témoins devant le tribunal?

C'est une longue liste de choses à faire. Notre loi, la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, devrait sans doute s'appliquer à tout cela. Il y a une autre loi, la Loi sur les produits de la criminalité, dont j'ai parlé dans mes remarques, dont il nous faudra également tenir compte—notamment la partie XII.2—pour voir si la cour criminelle internationale décide également d'autoriser la confiscation des biens tirés des produits de la criminalité. Nous devons examiner ces questions pour voir s'il nous est possible de réagir, car il nous faut maintenant conclure des ententes avec les autres pays relativement au partage et à la distribution des biens, etc.

Le président: Monsieur McWhinney.

M. Ted McWhinney: J'ai une question à poser. Il conviendrait sans doute de la poser aux représentants du gouvernement, étant donné les responsabilités qu'ils assument. Je pourrais demander à Warren d'y répondre.

Dans le traité sur les mines antipersonnel, nous avons admis que nous n'aurions pas l'appui enthousiaste des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, et la stratégie a donc visé à faire signer le traité par un maximum de pays dans les plus brefs délais et ensuite, éventuellement, à inciter les membres permanents du Conseil de sécurité à en adopter certains éléments, de façon unilatérale ou autre.

En l'occurrence, vous êtes confrontés au même dilemme, et cela tourne autour du rôle du procureur, ce qui, de l'aveu de tous, est plutôt étranger à l'expérience américaine et britannique, mais un peu moins pour les Français et d'autres pays de régime de droit civil.

En réalité, vous souhaitez que le traité soit adopté et ratifié par un maximum de pays, et idéalement par les membres permanents du Conseil de sécurité; vous souhaitez également qu'on fixe à un bas niveau le nombre minimum de ratifications requises pour l'entrée en vigueur de ce traité, mais vous admettez que cela finira peut-être comme pour le droit de la mer—60—ce qui est tout un obstacle.

Que pensez-vous, monsieur Allmand, de la souplesse des négociations aux pourparlers de Rome? Y a-t-il des domaines où nous pourrions faire quelques concessions sans toutefois compromettre l'objectif fondamental du projet? Vous avez été l'un des plus fervents défenseurs d'une cour criminelle internationale. Vous voulez de toute évidence que la cour ait une compétence de portée générale, et vous avez fait valoir des arguments convaincants en disant qu'elle ne devrait pas être saisie uniquement de crimes de guerre au sens plus strict du terme, mais également de crimes commis contre des civils dans des conditions non militaires.

En ce qui a trait au droit d'intenter des poursuites, y a-t-il des domaines où il serait possible de faire des concessions sans remettre en cause l'intégrité fondamentale du traité?

M. Warren Allmand: Je crois qu'il faut aller de l'avant sans l'unanimité des cinq membres permanents. Voyez l'Europe. Au sein de l'Union européenne, tous les pays semblent être d'accord, et M. Kessel vous le confirmera, je pense; il y a l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, les pays scandinaves et le Benelux. En Amérique latine, il y a l'Argentine, et il y a certains des grands pays d'Afrique, comme le Sénégal et l'Afrique du Sud.

À mon avis, donc, et de l'avis des ONG—nous y tenons beaucoup—nous devrions aller de l'avant. Sur tous les continents il y a des pays qui appuient la création du tribunal, et cela aura pour effet de faire ressortir l'évidence: les pays membres du Conseil de sécurité invoquent toutes sortes d'arguments, alors que, en réalité, ils essaient simplement de préserver leur position privilégiée au sein du conseil et leur droit de veto.

J'appuie sans réserve la position de M. Robinson, qui a fourni la réponse quant à la ratification. Si on fixe trop haut le nombre de signatures requises, on n'ira nulle part. Le lancement du projet aboutira bientôt à... Comme quelqu'un l'a dit au sujet de la situation actuelle au Rwanda et en Yougoslavie, l'expérience a prouvé que, avec le temps, les tribunaux deviennent plus efficaces.

• 1140

Si cette cour internationale est créée et qu'elle est efficace, on constatera très vite qu'elle est équitable, crédible et qu'elle mérite l'appui de tous. Toutefois, si le projet ne décolle pas, nous ne pourrons jamais juger de son efficacité.

J'aimerais toutefois savoir ce que mes collègues...

M. Ted McWhinney: Nous savons que c'est une priorité importante. Elle figure sur la liste des projets prioritaires de l'actuel ministre des Affaires étrangères. Ce projet fait partie des six grands dossiers auxquels nous tenons beaucoup.

Vous accepteriez donc une situation un peu semblable à celle du traité sur les mines antipersonnel, soit 120...

M. Warren Allmand: ...

[Note de la rédaction: Inaudible]...cette position. Notre position est donc «allons-y!»

Nous craignons également la règle du consensus, et Fergus Watt en a parlé, de crainte que cela ne nous ramène au plus bas dénominateur commun. Ce serait une grave erreur, à notre avis. Si l'on se contente d'obtenir les signatures... nous aimerions que cette cour soit efficace, et il ne faut pas faire des compromis pour en arriver au plus bas dénominateur commun. Et s'il faut que les États-Unis et la France refusent de signer, ce sont eux qui seront isolés en temps et lieu. Les autres grands pays du monde prouveront aux États-Unis et à la France que ceux qui ont ratifié le traité ont choisi la bonne voie.

Le président: J'aimerais connaître la position du gouvernement, ou celle du négociateur, le cas échéant.

M. Ted McWhinney: Comme il s'agit d'une question délicate...

Le président: Vous n'avez pas besoin de répondre si vous ne le jugez pas opportun pour le moment.

Monsieur Kessel.

M. Alan Kessel: Merci, monsieur le président. C'est à moi de dire si cette question est délicate.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

M. Daniel Turp: Ce n'est pas le gouvernement sans représentant...

M. Ted McWhinney: M. Allmand porte les deux chapeaux.

M. Alan Kessel: C'est une question très politique et...

[Note de la rédaction: Inaudible]... Le gouvernement canadien

[Traduction]

a une position très ferme. Nous vous l'avons présentée clairement aujourd'hui. Je ne pense pas que nous voulions faire machine arrière. De toute évidence, lorsqu'on participe à une conférence diplomatique, on essaye de bâtir des ponts, et non de les brûler, mais nous voulons vraiment que cette cour soit efficace et indépendante.

Nous sommes convaincus que les éléments du texte actuel pourront servir de base à une cour indépendante et efficace. Nous sommes manifestement optimistes. J'espère que nous ne sommes pas les seuls à l'être dans cette salle. J'espère que les ONG qui ont travaillé d'arrache-pied depuis le début du processus sont aussi optimistes que nous quant à l'issue de cette question.

Personne n'est dupe: ce projet va exiger beaucoup d'efforts et beaucoup d'affrontements.

En voici un exemple. Un de nos objectifs était de briser la solidarité entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Nous l'avons fait au dernier comité préparatoire. Nous avons maintenant réussi à rallier l'appui du Royaume-Uni. Cela remet en cause la capacité des quatre autres pays de fonctionner sur des bases solides.

En outre, étant donné que le Royaume-Uni assure la présidence de l'Union européenne cette fois-ci, nous avons de notre côté la présidence de l'Union européenne, plus un des cinq membres permanents, qui sont désormais avec nous à l'intérieur et regardent les Français à l'extérieur. Ce n'est pas une position très enviable pour la France. Il est évident que ce pays n'a pas encore adopté de position ferme.

Nous ne nous heurtons donc pas aux mêmes problèmes qui auraient pu exister dans d'autres cas. Nous sommes optimistes et pensons que nous pourrons continuer de saper la solidarité de ceux qui n'approuvent pas ce projet, et nous sommes fermement convaincus que, en fin de compte, s'il reste un tiers de pays qui ne souhaitent pas la création de ce tribunal, ils n'oseront pas se prononcer contre les deux tiers qui sont pour.

Voilà notre position. Merci.

M. Daniel Turp: Quelle était la position finale du Conseil de sécurité...

Le président: Attendez un instant. Procédons par ordre.

M. Daniel Turp: Désolé, monsieur le président.

Le président: Monsieur Watt.

M. Fergus Watt: Que nous apporte le texte de Rome?

La première question qui se pose est la suivante: quelles sont les règles? En réalité, nous ne connaissons pas les règles visant les prises de décisions à Rome, car elles n'ont pas été établies. Elles auraient dû l'être lors du dernier comité préparatoire, mais cela ne s'est pas fait. On continue de discuter pour savoir si les décisions sur les questions de fond seront prises par une majorité des deux tiers des États inscrits à la conférence de Rome ou par une majorité des deux tiers des États présents et votants. Il y a une énorme différence.

En second lieu, si vous calculez approximativement le nombre de pays qui partagent les mêmes idées et le nombre total d'États, il y en a une quarantaine ou une cinquantaine qui assistent officiellement aux réunions, et à cela s'ajoutent deux douzaines d'autres pays environ. Cela ne suffit pas pour obtenir un accord lors d'un vote sur des questions importantes. En outre, bon nombre des pays puissants font front commun dans l'opposition, comme nous le savons évidemment. Il y a donc de grands risques qu'aucun consensus ne se dégage à Rome.

• 1145

Pourquoi participons-nous à ce processus où 180 États participent à des négociations onusiennes sur un traité alors qu'une bonne partie des États ne souhaitent manifestement pas ratifier ce traité et que d'autres sont d'accord uniquement si cela sert leurs intérêts nationaux ou s'ils peuvent avoir la haute main sur le processus grâce à la place qu'ils occupent au Conseil de sécurité?

Lorsque mon fils de trois ans veut jouer avec ses copains, il invite ses amis, et non pas le petit dur du coin de la rue.

Nous participons donc à un processus où l'on risque de ne jamais en arriver à un consensus et où l'on se retrouve avec une formule édulcorée qui ne mérite pas d'être mise en vigueur. Le scénario des mines antipersonnel a été le fruit d'un accord entre les pays qui étaient prêts à aller de l'avant, quoi qu'il arrive, et c'est une option que nous devrions garder présente à l'esprit au cours de ce processus.

Le président: Merci.

J'ai deux ou trois questions à poser, et cela nous mènera à la fin de cette discussion.

S'agissant de la complémentarité, dont M. Schabas et divers autres témoins ont parlé—et en fait, paradoxalement, je me suis posé la question au sujet de l'affaire Finta, dont vous avez parlé—on part du principe, du moins d'après ce que vous nous avez dit, qu'il existera un dispositif de complémentarité et que cela fonctionnera donc un peu comme certaines conventions sur le terrorisme dont la règle fondamentale est la poursuite ou l'extradition. Si c'est le cas, ma première question est la suivante: quel mécanisme a-t-on prévu à l'égard des États qui ont le pouvoir d'intenter des poursuites, mais qui ne le font pas très bien? Le procureur—et, sauf erreur, M. Allmand en a parlé—aura-t-il des pouvoirs assez vastes pour que l'obligation de poursuivre ou d'extrader puisse être mise en vigueur? Et à cet égard, le Canada aura-t-il ou non des problèmes pour prouver qu'il dispose d'un système juridique crédible pour intenter ses poursuites si ce qu'a dit M. Schabas au sujet de l'affaire Finta est vrai? Je m'interroge au sujet de notre propre système.

Voilà ma première question. La deuxième s'adresse directement à M. Watt. Je pense qu'il a fait allusion à l'opinion publique au Canada.

Que peuvent faire les parlementaires canadiens à ce sujet? Vous semblez dire que l'opinion publique penche fortement en faveur de cette initiative. Je suppose que si l'on faisait un sondage à ce sujet, on constaterait que personne n'est au courant, mais peut-être suis-je un peu cynique sur ce point. D'après mon expérience, les choses auxquelles nous portons un très grand intérêt en étant convaincus qu'elles intéressent tout autant les Canadiens en général ne sont pas nécessairement celles qui sont au coeur des préoccupations du grand public. J'aimerais savoir ce qu'il en est, à votre avis.

Je suis heureux de voir que vous avez obtenu quelque chose de l'Association du Barreau canadien, soit dit en passant. Au moins le Barreau va faire quelque chose, et vous avez l'appui des professionnels.

La troisième question s'adressera à Mme Harvey. Votre idée des principes généraux de justice découlant des principaux systèmes religieux du monde est des plus intéressantes, et j'aimerais savoir si vous pensez que les choses vont bouger à cet égard.

J'aimerais que vous répondiez à ces trois questions dans l'ordre.

Pour la question sur la complémentarité, monsieur Robinson.

M. Darryl Robinson: Très bien. Pour la complémentarité...

Le président: Veuillez m'excuser. Un autre exemple m'est venu à l'esprit. Mme Folco, ou quelqu'un d'autre, a mentionné l'Algérie. C'est un bon exemple de conflit interne. Les responsables algériens, lorsqu'ils ont comparu devant notre comité, ont toujours dit très clairement qu'ils ne toléreraient aucune ingérence externe dans leurs activités. Partons-nous du principe que l'Algérie ne signera pas le traité, de sorte que nous ne nous occuperons pas de cette question?

M. Darryl Robinson: Je peux également répondre à cette question.

Le président: Comment règle-t-on le problème de l'Algérie par rapport à la question de la complémentarité?

M. Darryl Robinson: À mon avis, la complémentarité est la cheville ouvrière de ce statut. C'est en fait le Canada qui a coordonné les négociations à ce sujet en août 1997, et nous avons réussi à obtenir presque un consensus sur une ébauche d'article, qui répond, je pense, à toutes les préoccupations que vous avez soulevées.

Tout d'abord, l'important pour nous était que c'est le tribunal qui doit décider si l'État en question fait le nécessaire en matière de poursuites—et c'est prévu dans le texte—et en outre, même lorsque des poursuites ou une enquête sont en cours, le tribunal doit être à même d'intervenir, malgré tout, s'il conclut que ces poursuites ne sont pas véritables, que l'État n'est ni désireux ni à même de mener à bien ces poursuites.

• 1150

Par conséquent, dans le contexte canadien, la question qui se pose n'est pas de savoir si la législation ou l'éthique sont parfaites, mais plutôt si elles sont véritables. Le ministère de la Justice est en train de composer une réponse au jugement dans l'affaire Finta afin précisément que le Canada soit en mesure de poursuivre. Cette loi tiendra compte de ce qui s'est fait au niveau de la cour criminelle internationale afin d'être en quelque sorte complémentaire.

Pour ce qui est de votre question sur l'Algérie, je vous répondrai que n'importe quel État peut ratifier l'instrument sur le tribunal pénal, même s'il n'aime pas la notion d'une ingérence externe. La raison en est qu'il n'y aura pas d'ingérence de la part du tribunal tant et aussi longtemps que l'État en question fait preuve sur son territoire d'une diligence raisonnable en poursuivant les criminels de guerre et ceux qui sont soupçonnés de crimes contre l'humanité. D'ailleurs, c'est cela qui pourrait être le principal intérêt de cette cour criminelle internationale, en ce sens qu'elle inciterait les États à faire un peu le ménage, si vous me permettez l'expression.

Le président: Mais le procureur conservera néanmoins une certaine compétence résiduelle lorsqu'il s'agira de déterminer si les États se conforment. Vous avez dit que s'il y a un cas grave...

M. Darryl Robinson: Vous avez raison. Admettons que les pouvoirs publics d'un État soient impliqués dans une cause et qu'ils traînent délibérément; le tribunal pourra dire alors que l'État en question n'a pas vraiment la volonté de poursuivre, ce qui lui permettrait à son tour d'intervenir.

Le président: Mais ce serait quand même assez litigieux, puisque c'est l'essence même de la souveraineté de l'État qui serait ainsi contestée. Je vois fort bien le sénateur Helms bondir en disant que personne n'a le droit de juger le système américain en fonction de règles extraterritoriales.

Il n'empêche que je vois fort bien quel est votre dessein. Je sais que tout cela sera discuté âprement lors de la conférence. Je vous remercie beaucoup; cela m'a été précieux.

Que peuvent faire les parlementaires? Devrions-nous travailler la main dans la main avec ceux qui pensent de la même façon que nous dans d'autres pays, par exemple? Avons-nous un rôle à jouer?

M. Fergus Watt: Votre question m'a remis en mémoire une note que j'avais envoyée en février à l'un de vos membres au sujet d'une excellente résolution qui avait été adoptée par le Parlement européen.

Le président: En effet, nous avons cela dans notre dossier documentaire.

M. Fergus Watt: Très bien. Je pense que c'est le genre de chose que nous souhaiterions vous voir faire.

Certes, ce n'est pas au Canada une question qui interpelle tout le monde, mais c'est néanmoins quelque chose de fondamental pour quiconque observe de près la scène internationale. Et même si nous sommes sans doute à un moment crucial des négociations, je pense que les parlementaires ont toujours un rôle à jouer.

Par exemple, si dans les cinq petites semaines qui s'annoncent on arrive ne serait-ce qu'à une entente sur un genre de convention cadre, il restera une solide dose de défrichage juridique qui sera confié à des conférences de suivi, et c'est là précisément que certaines problématiques, comme la loi canadienne, trouveraient une plus juste place. Je vous encouragerais d'ailleurs ainsi que vos collègues à rester attentifs à ce dossier. Je pense que le ministre des Affaires étrangères a fait ces derniers mois de l'excellent travail en mettant en exergue ce dossier dans certaines de ses interventions publiques. J'espère que les parlementaires emboîteront le pas.

Le président: Nous devons, je crois, admettre que nous avons tous parmi nos électeurs des réfugiés ou des immigrants venant de ce genre de régions. À cet égard, donc, nous sommes sensibilisés à la nécessité qu'il y a de nous atteler à ce dossier. Je suis assez d'accord avec vous: il y a là une résonnance interne qui a son importance.

Excusez-moi, je vais passer à la dernière question, après quoi je donnerai la parole à M. Mills.

Mme Elaine Harvey: Je vous remercie beaucoup, monsieur Graham.

Cela fait déjà quelques années que j'assiste aux activités des ONG aux Nations Unies, et j'ai ainsi pu rencontrer des fonctionnaires internationaux ainsi que des représentants des organisations non gouvernementales qui gravitent autour des Nations Unies. Ce qui m'a le plus frappée, c'est que souvent les gens parlent très librement de leurs convictions profondes. Lorsque j'assistais à une conférence de l'OMPH, le président de l'assemblée générale, qui était un Jaïn, a ouvert la conférence en parlant de ses propres convictions. Et je m'étais dit à ce moment-là que je partageais ses convictions. Il me semble que souvent des gens qui travaillent dans l'orbite des Nations Unies sont animés par des convictions religieuses très profondes. Nous avons le sentiment—je veux dire par là le caucus confessionnel—qu'ils ont ainsi intégré les grands principes de la justice qu'on trouve dans toute la gamme des religions.

• 1155

En distribuant le préambule que nous avions préparé, à l'occasion de la sixième conférence préparatoire qui avait lieu à New York, nous avons constaté que beaucoup de délégués et de fonctionnaires internationaux voyaient d'un oeil favorable et intéressé à la fois le déroulement de ces travaux visant à créer une cour criminelle internationale. Nous espérons sincèrement que cela sera mis à l'ordre du jour à Rome, sous une forme ou sous une autre. Nous estimons qu'il est impératif d'avoir dans le préambule une synthèse des croyances fondamentales.

Je vous remercie.

Le président: Je pense que vous méritez des félicitations pour ce que vous faites dans ce dossier. Merci.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills: Monsieur le président, je voudrais revenir sur ce que nous avons déjà dit. Je pense qu'il est évident, d'après ce que nous ont dit les deux derniers intervenants, et d'après les réponses à votre question, que nous savons ce que les parlementaires peuvent faire. C'est certain, si nous avions eu le loisir d'en saisir le Parlement et d'en débattre, les journalistes en auraient fait état, et tout cela aurait ainsi été beaucoup mieux compris. Mais se contenter de distribuer un bout de papier en le faisant signer par une bande de parlementaires qui ne connaissent pas vraiment la question et qui ne savent pas vraiment dans quoi ils s'engagent, tout cela est pour moi assez inutile.

Encore une fois, j'imagine que je critique le gouvernement. Si ce dossier figure sur la liste des priorités du ministre des Affaires étrangères, comme le prétend le secrétaire parlementaire, à ce moment-là il est certain qu'il aurait dû faire en sorte que nous puissions en débattre et en discuter, que le public en prenne connaissance et y réagisse. Si c'est vraiment une telle priorité, il est certain qu'en parler le 9 juin, alors que les sessions commencent le 15, ne donne pas une idée très juste du niveau de priorité accordé.

Je pense que nous avons ici un énorme problème, un problème dont nous devons parler, c'est certain, pour que le secrétaire parlementaire puisse en faire part au ministre.

Le président: Je déplore que cela n'ait pas été le sujet choisi par le Parti réformiste pour une journée d'opposition. Cela aurait été une merveilleuse occasion... cela aurait été beaucoup plus rationnel que le sujet dont nous avons débattu hier! Mais quoi qu'il en soit...

M. Bob Mills: Lorsque nous établissons un programme...

M. Ted McWhinney: Pourrais-je... Le ministre respecte le rôle du Parlement, et il n'avait aucun projet de loi à soumettre à ce dernier. Dès lors que le traité sera signé par le Canada, nous en saisirons le Parlement pour un débat. Il appartient à juste titre à notre comité... ou, comme vous l'avez si bien dit, l'opposition pourrait peut-être utiliser l'occasion qui lui est donnée de choisir un sujet de débat pendant une journée d'opposition pour discuter de questions hypothétiques. Le ministre a le devoir de soumettre ce projet de loi à la Chambre. Lorsqu'il le fera, nous pourrons en débattre jusqu'à 4 heures du matin cinq jours d'affilée, si vous êtes prêts à tenir aussi longtemps. Moi je le suis.

Le président: Très bien.

Allez-y, monsieur Mills.

M. Bob Mills: Il n'en reste pas moins qu'il faut commencer par renseigner les Canadiens par le truchement des parlementaires, par le truchement du Parlement, et ensuite seulement signer le document.

Une voix: Vous auriez dû le comprendre depuis l'AMI.

M. Bob Mills: On ne se contente pas simplement de boucler sa valise, d'aller négocier, de signer le texte, pour ensuite le ramener au Canada et l'imposer de force aux gens. Ce n'est pas comme cela qu'on doit procéder.

M. Ted McWhinney: Écoutez, tout le traité procède de la plus grande confusion, et il y a tout le processus législatif qui intervient. Le rôle du ministre est celui qui convient, mais il m'a semblé que le comité—et vous faites partie du comité directeur—était parfaitement libre de décider ou non d'en débattre. Au lieu de dire que nous allons consacrer X jours à parler du désarmement nucléaire, on pourrait dire plutôt que ceci est plus prioritaire que le désarmement, ou alors partager notre temps à parts égales. Mais c'est le comité qui est juge. Vous avez les pleins pouvoirs.

Le président: Monsieur Penson, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Il me semble, monsieur le président, que le secrétaire parlementaire... Le gouvernement aurait dû, me semble-t-il, tirer la leçon de l'épisode de l'AMI, où tout le monde avait réclamé à cor et à cri un débat au Parlement. Le comité n'a tenu des audiences que pendant trois semaines, mais il n'y a pas eu de débat véritablement national. Il me semble que nous entrons maintenant dans une nouvelle phase...

M. Ted McWhinney: ...

[Note de la rédaction: Inaudible]...

M. Charlie Penson: Un instant, c'est moi qui parle. Vous aurez votre tour...

M. Ted McWhinney: Non, vous déformez les faits.

M. Charlie Penson: Attendez votre tour.

M. Ted McWhinney: Non, non, non. Si vous déformez les faits...

Le président: Laissez-le terminer; vous pourrez intervenir après.

Allez-y, monsieur Penson.

M. Charlie Penson: En réalité, monsieur le président, il me semble que les Canadiens veulent avoir davantage leur mot à dire dans le déroulement de ces discussions, ils veulent participer, au lieu que ce soit le gouvernement qui vienne leur dire: «Voilà le texte que nous avons signé; maintenant vous pouvez voter là-dessus à la Chambre.»

• 1200

Je pense que nous avons probablement tiré la leçon de l'AMI, une leçon dont nous devrions nous inspirer dans les autres cas de ce genre.

Le président: Monsieur McWhinney.

M. Ted McWhinney: Je pense qu'effectivement l'opposition a tiré une leçon de l'AMI. Le comité a reçu, combien? 152 mémoires et entendu 52 témoins. Vous n'étiez pas là, je pense, à ces réunions.

M. Charlie Penson: C'est faux.

M. Ted McWhinney: Admettons-le, il y a une vaste campagne d'information. Mais nous n'avons toujours rien à soumettre au Parlement. À la suite des réserves exprimées au comité, le gouvernement a fait valoir ses préoccupations à l'OCDE, mais je pense que le processus parlementaire a été parfaitement respecté. Il n'empêche que le comité a le droit de choisir ses priorités, et vous, vous nous dites que cela est moins important.

M. Charlie Penson: Comme de toute façon c'est le gouvernement qui est majoritaire au comité, faites ce que vous voulez.

M. Ted McWhinney: Non... Écoutez, j'ai déjà entendu tout cela. Nous suivons souvent les conseils de Bob. Nous le consultons.

M. Bob Mills: Ça alors—le pouvoir!

Des voix: Oh, oh!

M. Ted McWhinney: Il a beaucoup d'influence. Mais il n'empêche que vous devez vous faire entendre.

Le président: Non, non, il faut être juste... Cela devient une discussion libre, une discussion que nous pourrions avoir au Comité de la procédure, mais nous avons néanmoins un peu de temps.

De toute évidence, ce qui transparaît d'une part... Je veux dire par là ce qu'a proposé M. Turp un peu plus tôt en disant que nous devrions envisager le rôle du Parlement dans le dossier des affaires étrangères un peu comme celui du Congrès, alors que nous nous trouvons actuellement dans une situation un peu hybride, en ce sens que le Parlement est davantage consulté qu'il ne l'était.

La Constitution est claire: c'est la Couronne, représentée par le Conseil des ministres, qui a le pouvoir exclusif dans ce domaine. Il lui suffit de soumettre ce genre de choses au Parlement, mais à ce moment-là la question d'ordre pratique est de voir comment orchestrer cela et en discuter. Il se fait qu'à mon avis le comité est l'un des meilleurs vecteurs pour le faire.

C'est ce que j'ai toujours soutenu auprès de vous. Lorsque nous avons discuté de l'envoi de troupes en Bosnie, j'avais le sentiment, et je l'ai toujours, que nous pourrions être mieux renseignés si nous en discutions ici au comité ainsi qu'au Comité de la défense, au lieu de le faire à la Chambre même, parce que le débat en comité est de meilleure tenue. Je pense que dans le cas d'une question de droit comme celle-ci, si nous avions pu inviter nos collègues de la Justice, nous aurions pu... C'est pour cette raison que je suis extrêmement favorable à l'intervention du comité dans ce genre de procédure.

Nous faisons tous de notre mieux, dirais-je, des deux côtés de la Chambre, pour parvenir à traiter honnêtement de ce genre de questions, questions qui, j'en conviens avec vous, interpellent de plus en plus directement les Canadiens.

C'est l'une des raisons pour lesquelles j'aime présider, je l'avoue, le Comité des affaires étrangères. Souvent, les gens disent: «Mais quelle est l'utilité de tout cela?» Mais je trouve, moi, que cela est drôlement utile pour tout le monde et que tout le monde finit par s'en rendre compte. Dans le monde où nous vivons, c'est le genre de chose qui va avoir de plus en plus d'utilité, de sorte que nous devons tous mettre l'épaule à la roue.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills: Vous savez, monsieur le président, cela nous amène directement à la motion que nous allons devoir étudier, parce que cette motion dit que d'ici les prochaines années financières, nous allons étudier les dépenses de l'ACDI au Pakistan et en Inde.

Il y a toutefois un problème en ce sens que certains députés ont préféré partir avant le vote. Nous étions censés rester jusqu'à midi, mais eux nous ont déjà quittés. Je pense qu'il incombe au gouvernement, pour autant qu'il croie à la validité du processus, de convoquer ses députés pour qu'ils votent de façon franche là- dessus. Un avis de motion a été déposé selon les formes, mais maintenant nous allons devoir surseoir jusqu'à l'automne.

Une voix: Cela montre bien l'importance que vous accordez au comité.

Le président: Ce n'est pas mon interprétation. Je vais devoir consulter le greffier.

Nous allons nous réunir jeudi à 9 heures. Nous ne pouvions pas en parler en présence des deux délégations, mais je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas le faire jeudi à 9 heures. Je vais mettre cela en tête de liste. Je pense que d'ici là, le secrétaire parlementaire aura reçu une réponse du gouvernement et nous saurons s'il accepte ou non les termes de la résolution.

Cela vous conviendrait-il, monsieur Mills?

M. Ted McWhinney: Nous aurons à ce moment-là entendu une deuxième fois la délégation pakistanaise, et je pense que toutes les banalités auront été dûment balayées.

Le président: Cela vous satisferait-il?

M. Bob Mills: J'imagine que je n'ai pas le choix.

Le président: Nous inscrivons donc la question en tête de liste pour notre réunion de jeudi. Je suis désolé, mais nous n'avons plus le quorum.

Une voix: J'invoque le Règlement.

Le président: Puisque nous en sommes aux résolutions, j'aimerais également vous demander si vous accepteriez que nous préparions un projet de résolution sur la question du tribunal pénal pour la soumettre également aux membres du comité. Je pense que c'est cela que nous devrions faire.

Une voix: Excellent.

Le président: Je vais donc demander à M. Lee de nous composer une résolution sur laquelle nous pouvons jeter un coup d'oeil dans l'espoir de pouvoir l'adopter, en d'autres termes exhorter le gouvernement à réclamer activement la création d'un tribunal pénal international qui aurait compétence pour entendre des crimes commis sur un territoire national pendant un conflit domestique ou entre pays.

Excusez-moi, mais je pense que Mme Debien...

[Français]

Mme Maud Debien: J'avais cru comprendre au tout début de la réunion, quand on a parlé de la recommandation de M. Grewal, qu'il y avait un accord de principe pour accepter cette résolution-là.

Le président: C'est un peu ma faute s'il y a confusion.

Mme Maud Debien: On peut l'accepter de façon formelle jeudi, mais j'avais cru comprendre qu'il y avait eu un accord de principe de tous les collègues.

Le président: Moi aussi, je croyais qu'il y avait un accord de principe, mais j'avais mal interprété la situation. C'est moi qui avais dit cela, mais il semble que M. McWhinney n'ait pas eu la chance d'examiner la proposition. Donnons-lui la chance de l'examiner et il nous fera part de sa décision jeudi matin.

• 1205

M. Ted McWhinney: Monsieur Turp, est-ce que vous l'avez étudiée?

Le président: On parle de la motion de M. Grewal. Mme Debien a raison. C'est moi qui ai dit que je croyais qu'il y avait consensus pour adopter cette motion. Il paraît que, comme on dit aux État-Unis,

[Traduction]

Je me suis mal exprimé moi-même.

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Sur une question de Règlement, monsieur le président, puisque nous demandons au secrétaire parlementaire de vérifier ce qu'il en est, je voudrais également lui demander de me présenter ses excuses pour ce qu'il a dit il y a quelques instants, en l'occurrence que je n'assistais pas aux audiences du sous-comité sur l'AMI. C'est tout le contraire, j'ai assisté à ces audiences. Nous avions trois semaines pour étudier cette question. J'aimerais qu'il se renseigne avant d'avancer ce genre de choses.

M. Ted McWhinney: Les faits sont clairs. Je les ai d'ailleurs souvent mentionnés en parlant du nombre de témoins que nous avons entendus et du nombre de dépositions. C'était en l'occurrence l'une des études les plus complètes...

M. Charlie Penson: Je parlais moi de ma présence à ces réunions.

M. Ted McWhinney: ...jamais conduite par un comité du Parlement, point final. Il n'y a rien à contester.

M. Charlie Penson: Je vous demande de retirer vos propos au sujet de ma présence lors de ces séances.

Le président: Ne nous chamaillons pas. Je vais moi dire pour mémoire que M. Penson est membre du Sous-comité sur le commerce international, les différends commerciaux et les investissements, et qu'il était présent aux audiences qui ont été tenues pour étudier cette question. Il est toutefois manifeste que nous avons effectivement tenu des audiences pour étudier ce dossier. Cela ne fait aucun doute...

M. Ted McWhinney: J'en conviens. Ce qui me chagrine, c'est que mon collègue n'ait pas mentionné le caractère extrêmement complet et quasiment révolutionnaire de l'étude qui a été conduite par le sous-comité.

Le président: Certes j'en conviens, c'était révolutionnaire. Je suis tout à fait d'accord.

M. Ted McWhinney: Révolutionnaire au sens constitutionnel et parlementaire du terme.

M. Bob Mills: Puisque nous parlons de cela, vous vous souviendrez que M. Turp avait dit quelque chose, qui avait d'ailleurs été répété à la Chambre par le secrétaire parlementaire en réponse à une question que je posais et dans laquelle je me disais opposé aux études sur le nucléaire et ainsi de suite. Bien sûr, cela aussi est totalement faux et je n'ai toujours pas reçu d'excuse à ce sujet non plus. Tout cela est faux, j'étais présent.

M. Ted McWhinney: J'étais interloqué de voir M. Mills utiliser un député du Bloc comme porte-parole, ce qui est d'ailleurs intéressant compte tenu de ce qui allait survenir ultérieurement. Mais pour en revenir à ce qui nous occupe, je dirais que ceux qui sont avares de louanges révèlent leur véritable nature.

Nous avons soumis une proposition très sérieuse, une proposition révolutionnaire à l'intention du ministre.

M. Bob Mills: Encore une proposition révolutionnaire? Vous êtes en train de vous faire un monopole.

M. Ted McWhinney: Un parti d'opposition balayait cela du revers de la main avec un semblant de compliment. Vous avez préconisé au contraire de n'étudier qu'une seule compagnie. Où sont les faits?

Soyons francs et n'ayons pas peur de prendre position. Si vous êtes pour, dites-le. Mais vous n'aimez pas appeler un chat un chat. C'est cela le problème des réformistes.

Le président: Chers collègues, nous sommes en train de nous perdre dans les méandres des travaux passés de la Chambre.

Monsieur Mills, je voudrais appeler votre attention sur quelque chose qui est je crois relativement important. Et je voudrais également attirer l'attention de tous les autres membres sur ce sujet.

Selon votre résolution, qui sera donc discutée jeudi matin, la mesure sera prise conformément aux paragraphes 81(7) et (8) du Règlement, ce qui nous contraindrait à faire rapport à la Chambre avant le dernier jour de séance en juin, ce qui risque peut-être de compromettre les négociations concernant l'issue de l'actuelle session.

Je vous demanderais donc de réfléchir à cela et de vous demander si c'est bien le libellé que vous voulez utiliser. Si les membres doivent être appelés à voter sur quelque chose, ils vont devoir... Personnellement, je recommanderais à tous de voter contre pour la simple raison que cette résolution va nous mettre dans un carcan. À mon avis, ce n'est ni réaliste, ni réalisable, de sorte que vous voudrez peut-être revoir votre position concernant la mention des paragraphes 81(7) et (8) du Règlement.

M. Bob Mills: Lorsque j'en ai discuté avec M. Grewal, j'ai fort bien compris qu'il visait le mois de septembre, c'est certain.

Le président: Mais le Règlement parle de la fin juin, de sorte que cela nous poserait à tous des problèmes.

Fort bien, pourvu que nous soyons au courant.

Nous allons donc nous réunir à nouveau cet après-midi à 15 h 15 pour écouter la délégation pakistanaise. Je vous remercie.

La séance est levée.