Passer au contenu
Début du contenu

FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 juin 1998

• 1535

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.)): La séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international est ouverte. Nous terminons notre étude de la politique canadienne sur la non-prolifération nucléaire, le contrôle des armes et le désarmement.

Certains d'entre vous, messieurs, ont déjà témoigné devant le comité avant, mais nous sommes ravis de vous accueillir à nouveau à cause des événements des deux dernières semaines. Nous voulons vous poser ou vous reposer certaines questions pour être rassurés.

Ralph Lysyshyn est le directeur général de la Direction générale de la sécurité internationale. Ross Glasgow est le directeur adjoint, Contrôle des exportations, Non-prolifération, Section des affaires nucléaires. De la Commission de contrôle de l'énergie atomique, MM. Kenneth Wagstaff, John Hodgkinson et André Guilboud. De l'Agence internationale de l'énergie atomique, Neil Harms.

Allez-vous présenter un exposé avant de répondre aux questions?

M. Ralph Lysyshyn (directeur général, Direction générale de la sécurité internationale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Madame la présidente, j'ai un bref exposé à faire. Puis, M. Harms décrira sommairement le fonctionnement et l'application des garanties. Ensuite, nous serons prêts à répondre à vos questions.

Nous avons aussi une assez bonne vidéo à vous montrer sur le fonctionnement des garanties. Vous pourrez vous la procurer auprès du greffier à qui nous allons la laisser. La vidéo montre le fonctionnement matériel des garanties, les caméras de surveillance, les serrures et tous les aspects techniques qui vous aideront à comprendre pourquoi nous sommes certains de l'efficacité du système de garantie. Nous allons vous laisser la vidéo et les députés pourront la regarder quand ça leur conviendra.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Nous sommes ravis de vous accueillir. Si vous le permettez, M. Grewal veut présenter une motion.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente, je ne voulais pas vous interrompre, mais je veux aviser le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international que je vais présenter une motion. Je vous en remets une copie que je vais lire au profit du compte rendu:

    Conformément aux paragraphes 81(7) et 81(8) du Règlement, que le Comité des affaires étrangères examine les plans de dépenses et les priorités des prochaines années financières, établis par le ministère des Affaires étrangères pour l'Agence canadienne de développement international (ACDI) et ses programmes d'aide à l'Inde et au Pakistan, à la lumière des essais nucléaires récents effectués par ces deux pays, et que le comité fasse rapport à la Chambre.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Lysyshyn, c'est vous qui commencez.

M. Ralph Lysyshyn: Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, la séance d'information d'aujourd'hui découle directement de la réunion que vous avez eue avec notre ministre la semaine dernière. On avait alors commencé une discussion sur les garanties, sur leur fonctionnement et sur la façon dont nos accords de coopération nucléaire s'appliquent. Nous avons cru qu'il serait utile de vous rappeler comment fonctionnent les garanties.

Aujourd'hui, je vais vous expliquer les conditions auxquelles le Canada est prêt à envisager une coopération nucléaire avec des pays partenaires choisis. Les modalités de cette politique ont été arrêtées par le Cabinet en 1974 et en 1976.

Je voudrais aussi passer brièvement en revue les conditions qui ont présidé à la coopération nucléaire entre le Canada et l'Inde et le Pakistan dans les années 50 et 60 pour établir une comparaison entre la situation d'alors et celle d'aujourd'hui.

• 1540

Enfin, je vais vous parler d'une évolution intéressante du régime international de non-prolifération nucléaire et de ce que cette évolution impliquera pour le Canada et pour la confiance que nous pouvons avoir dans l'engagement de non-prolifération nucléaire de nos partenaires.

Je suis heureux que M. Wagstaff de la Commission de contrôle de l'énergie atomique et ses collègues soient avec nous aujourd'hui. La Commission joue un rôle crucial dans la coopération nucléaire internationale du Canada. Ils vont participer à l'exposé et ils pourront aussi répondre aux questions.

Je suis particulièrement heureux que M. Harms, chef du bureau de Toronto de l'Agence internationale de l'énergie atomique, soit des nôtres aujourd'hui. Le gouvernement est reconnaissant à l'Agence d'avoir permis à l'un de ses fonctionnaires de comparaître devant le comité aujourd'hui.

Si vous le permettez, madame la présidente, je voudrais souligner que M. Harms est un fonctionnaire international. L'Agence internationale l'a autorisé à répondre aux questions techniques sur les fonctions générales des inspecteurs et sur les activités liées aux garanties. Je répète qu'il peut uniquement répondre à des questions générales; il n'est pas autorisé à traiter de questions de politique ni à répondre à des questions concernant un pays en particulier. Quant à nous, bien entendu, nous sommes disposés à répondre à toutes vos questions.

[Français]

La politique canadienne de non-prolifération nucléaire a deux objectifs. Le premier est de faire en sorte que les exportations nucléaires canadiennes ne servent ultimement qu'à des fins non explosives et pacifiques et qu'elles ne contribuent d'aucune façon au développement d'un dispositif nucléaire explosif. Le deuxième est de promouvoir l'établissement d'un régime international de non-prolifération nucléaire à la fois efficace et global.

Le gouvernement du Canada réglemente rigoureusement l'exportation des produits nucléaires afin qu'ils ne soient expédiés qu'aux pays considérés comme des partenaires nucléaires appropriés par les ministres.

Chaque exportation d'un produit nucléaire nécessite la délivrance d'une licence d'exportation par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en application de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, ainsi que d'un permis par la Commission de contrôle de l'énergie atomique en application de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. Les licences et permis ne sont accordés qu'une fois que les responsables ont l'assurance que l'exportation répond à toutes les exigences rigoureuses du Canada en matière de non-prolifération nucléaire.

Cette obligation s'applique à l'exportation de l'uranium et de toute autre matière nucléaire à l'eau lourde, ainsi qu'au matériel et à la technologie nucléaires, y compris manifestement les réacteurs CANDU et la technologie qui leur est associée.

[Traduction]

La politique moderne de non-prolifération nucléaire du Canada est le résultat de décisions prises par le Cabinet en 1974 et 1976 comme suite à la revue de la politique effectuée après que l'Inde eut fait exploser un dispositif nucléaire en 1974.

Avant que le Canada envisage une coopération nucléaire avec un État non doté de l'arme nucléaire, c'est-à-dire tout autre pays que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine, cet État doit: prendre un engagement juridiquement contraignant de non-prolifération nucléaire en adhérant au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ou à un instrument international contraignant équivalent; et accepter ainsi les garanties intégrales de l'Agence internationale de l'énergie atomique sur toutes ses activités nucléaires actuelles et futures.

• 1545

De plus, tout pays qui veut coopérer dans le domaine nucléaire avec le Canada doit conclure avec lui un accord bilatéral contraignant, un accord de coopération nucléaire, qui comporte entre autres certains engagements au chapitre de la non-prolifération. Le Canada a 22 accords du genre avec 36 pays. L'un de ces accords vise 15 pays qui font partie de la Communauté européenne de l'énergie atomique.

Dans ces accords, on retrouve les engagements suivants: des assurances que les exportations nucléaires canadiennes ne seront destinées ultimement qu'à des fins non explosives et pacifiques; le Canada contrôlera le retransfert à des tiers de tout produit canadien assujetti à l'accord de coopération nucléaire; le Canada contrôlera le retraitement de tout combustible irradié canadien ainsi que le stockage et l'utilisation ultérieurs de tout plutonium séparé; le Canada contrôlera la production d'uranium canadien hautement enrichi ainsi que le stockage et l'utilisation ultérieurs de cet uranium; advenant que l'Agence internationale de l'énergie atomique soit incapable d'appliquer des garanties dans le pays partenaire, le Canada sera autorisé à appliquer des garanties bilatérales; des assurances que des mesures appropriées de protection matérielle seront appliquées aux produits nucléaires canadiens pour empêcher qu'ils soient volés ou utilisés à mauvais escient.

Les prescriptions de la politique canadienne, et en particulier les engagements figurant dans les accords de coopération nucléaire, s'appliquent aux produits exportés directement ou indirectement du Canada. Elles s'appliquent aussi aux matières nucléaires et au matériel non canadiens utilisés conjointement avec des produits nucléaires canadiens et au matériel fabriqué à partir de technologies fournies par le Canada ou grâce à ce qu'on appelle la «rétroingénierie».

Dans le cadre de notre relation nucléaire permanente, des fonctionnaires canadiens procèdent périodiquement à des consultations bilatérales avec les partenaires du Canada. Ces consultations permettent entre autres de faire concorder les registres détaillés des transferts de produits nucléaires visés par l'accord et de s'assurer que les partenaires restent pleinement conscients de la grande priorité que le Canada attache au fait que la coopération dans ce domaine serve exclusivement des fins non explosives et pacifiques.

Je voudrais également mentionner que, si le Canada a le droit de fixer les conditions de sa coopération nucléaire internationale, il s'est par ailleurs engagé à faciliter une telle coopération. Cet engagement reflète un compromis qui est au coeur même du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP.

En signant ce traité, les États non dotés de l'arme nucléaire ont convenu de ne pas acquérir ou fabriquer d'armes nucléaires, tandis que les États dotés de l'arme nucléaire se sont engagés à poursuivre des négociations de désarmement nucléaire. Cependant, une partie du Traité établit le droit des États non dotés de l'arme nucléaire de bénéficier des avantages découlant des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire et il stipule que les États ayant une expertise nucléaire s'engagent à les aider à le faire. Ainsi, au moins 12 pays fournisseurs ont joué un rôle actif en fournissant plus de 440 réacteurs de puissance, en service aujourd'hui dans plus de 32 pays, et presque 300 réacteurs de recherche qui ont également été construits.

Dans le cas des matières nucléaires, l'application de garanties intégrales par l'Agence internationale permet de vérifier la conformité avec l'engagement contenu dans les accords de coopération nucléaire bilatéraux du Canada en ce qui a trait aux applications non explosives et pacifiques.

• 1550

De par son Statut, l'Agence internationale, qui a été créée en 1956, peut mener des activités liées aux garanties, entre autres pour veiller à ce que les produits sous sa surveillance ne servent pas à une fin militaire quelconque, et à appliquer des garanties à la demande de toute partie à un accord bilatéral ou multilatéral.

En 1966, l'Agence internationale a mis en place le système des arrangements de garanties spécifiques aux installations, qui permet d'appliquer des garanties dans des installations nucléaires spécifiques. Ces arrangements continuent d'être en vigueur dans les quatre États non dotés de l'arme nucléaire qui n'ont pas accepté l'application des garanties intégrales, c'est-à-dire l'Inde, le Pakistan, Israël et Cuba. C'est un système d'arrangements de garanties spécifiques aux installations qui existe encore dans ces quatre pays.

Après l'entrée en vigueur du TNP en 1970, l'Agence internationale a développé le système des garanties intégrales qui visent toutes les activités nucléaires courantes et futures des États non dotés de l'arme nucléaire. Les pays qui ont signé le TNP ont accepté les garanties intégrales.

Les activités de l'Agence internationale liées aux garanties comprennent les inspections sur place, l'examen des registres et des rapports de l'installation, la cueillette et l'analyse d'échantillons, complétés par des techniques de confinement et de surveillance comme l'utilisation de caméras et de scellés. Comme je l'ai indiqué au début, nous allons laisser au greffier une vidéo expliquant en quoi consistent ces techniques. M. Harms va aussi vous en faire une brève description et il se fera un plaisir de répondre aux questions sur le sujet.

L'exécution des accords de coopération nucléaire sur une base quotidienne permet de vérifier l'application des contrôles qui y sont prévus aux chapitres du retransfert, du retraitement et du degré élevé d'enrichissement. Cette tâche est facilitée par un ensemble convenu de procédures connues sous le nom d'arrangements administratifs que la Commission de contrôle de l'énergie atomique met en oeuvre au nom du gouvernement du Canada. M. Wagstaff pourra vous parler plus en détail de ces arrangements et du rôle important qu'ils jouent pour que les exportations nucléaires canadiennes ne soient utilisées qu'aux fins convenues entre le Canada et son partenaire nucléaire.

Au sujet de la situation qui prévalait en Inde et de la coopération entre le Canada et l'Inde, le Canada a convenu en 1956 de lui fournir, dans le cadre du plan Colombo, un réacteur nucléaire de recherche connu sous le nom de CIRUS. L'Inde a alors donné au Canada l'assurance que le réacteur servirait uniquement à des fins pacifiques.

Le Canada a aussi convenu de fournir à l'Inde un réacteur CANDU de 220 mégawatts en 1963, le RAPS 1, et un second en 1966, le RAPS 2. Comme dans le cas du CIRUS, l'Inde a donné au Canada l'assurance que ces réacteurs serviraient uniquement à des fins pacifiques.

En 1971, il était devenu clair que l'Inde n'adhérerait pas au Traité sur la non-prolifération et qu'elle n'accepterait pas les garanties intégrales de l'Agence internationale. L'Inde, le Canada et l'Agence ont donc convenu que l'Agence appliquerait aux réacteurs RAPS 1 et 2 des garanties spécifiques aux installations. Rappelez-vous que j'ai parlé tout à l'heure de l'existence de garanties spécifiques aux installations. Cependant, l'Inde n'a pas accepté l'application des garanties aux réacteurs CIRUS.

Au début des années 70, certaines activités aux réacteurs CIRUS inquiétaient le Canada. Les représentants canadiens en ont fait part à leurs vis-à-vis indiens et ce, jusqu'aux niveaux politiques les plus élevés.

L'Inde a choisi de ne respecter aucun de ses engagements envers le Canada et, en 1974, a fait exploser un dispositif nucléaire utilisant du plutonium issu du retraitement de combustible irradié du réacteur CIRUS. Le Canada n'a pas fourni de technologie de retraitement à l'Inde. Elle se l'est procurée ailleurs.

• 1555

Le Canada a immédiatement suspendu toute coopération nucléaire avec l'Inde et, à la suite d'une revue de la politique du Canada, dont j'ai parlé précédemment, il a mis fin à cette coopération en mai 1976 quand il est devenu évident que l'Inde n'accepterait pas un resserrement des exigences. Il n'y a eu aucune coopération nucléaire bilatérale entre le Canada et l'Inde depuis 1974.

L'Agence internationale continue d'appliquer aux réacteurs RAPS 1 et 2 les accords de garanties spécifiques aux installations et, sur cette base, elle nous dit être confiante que le combustible irradié et tout plutonium séparé produit à partir de ce combustible irradié n'ont pas été utilisés dans des dispositifs explosifs.

En rétrospective, comme l'a dit le ministre la semaine dernière, il est clair maintenant que le genre d'assurances fournies et les mécanismes de contrôle de la conformité avec ces assurances n'étaient pas suffisants. Même à l'époque, l'approche adoptée par le Canada en matière de coopération nucléaire internationale était plus rigoureuse que les normes internationales acceptées. Le Canada a malheureusement appris une dure leçon. Toutefois, il est aussi vrai que c'est une leçon qu'il a bien apprise et sa politique rigoureuse de non-prolifération reflète cette expérience et les enseignements qui en ont été tirés.

Au sujet de la coopération avec le Pakistan, le Canada a convenu en 1965 de fournir au Pakistan un réacteur de type CANDU d'une puissance de 137 mégawatts, le KANUPP. Le Pakistan a aussi donné au Canada l'assurance que le réacteur servirait uniquement à des fins pacifiques.

En 1969, le Pakistan, l'Agence internationale de l'énergie atomique et le Canada ont convenu que l'Agence appliquerait au réacteur KANUPP des garanties spécifiques aux installations.

En 1976, le Canada a mis fin à toute coopération nucléaire avec le Pakistan quand il est devenu évident que le Pakistan n'accepterait pas les exigences de la politique de non-prolifération nucléaire renforcée qu'avait adoptée le Canada.

L'Agence internationale continue d'appliquer au réacteur KANUPP des garanties spécifiques aux installations et, sur cette base, elle est confiante que le combustible irradié et tout plutonium séparé produit à partir de ce combustible irradié n'ont pas été utilisés dans un dispositif explosif.

Il n'y a eu aucune coopération nucléaire bilatérale entre le Canada et le Pakistan depuis 1976.

Je pense qu'il faut vous dire un mot au sujet de la sécurité et du contexte multilatéral.

En 1989, face aux préoccupations internationales croissantes concernant la sûreté nucléaire suscitées par l'accident de Tchernobyl en 1986, le Canada a convenu que le Pakistan et l'Inde pourraient participer au Programme de partage de l'information du Groupe de propriétaires de CANDU, pour les informations non exclusives du domaine public concernant la sûreté.

En 1990, par suite de préoccupations persistantes au sujet de la sûreté nucléaire et à l'insistance de l'Agence internationale, le Canada a autorisé la prestation d'une aide limitée au chapitre de la sûreté, sous les auspices d'une instance internationale, c'est-à-dire l'Agence, afin de régler de sérieux et urgents problèmes de sûreté du réacteur sous garantie fourni par le Canada au Pakistan et des deux réacteurs sous garantie fournis par le Canada à l'Inde.

L'Inde a rejeté l'offre. Le Pakistan, par contre, l'a acceptée et le Canada a autorisé un programme d'aide limitée en matière de sûreté nucléaire, géré avec prudence, sous les auspices de l'Agence internationale. Cette aide est largement axée sur le diagnostic et vise à identifier tout problème sérieux et urgent relatif à la sûreté.

[Français]

Le Canada et la communauté internationale sont confiants que l'actuel régime de garanties de l'Agence internationale de l'énergie atomique lui permet de s'assurer que des matières nucléaires déclarées ne sont pas détournées à des fins explosives, ce qui, dans la pratique, est la tâche que lui ont confiée les États membres.

• 1600

Toutefois, le programme d'armement nucléaire clandestin de l'Irak, mis au jour durant la guerre du Golfe, et les préoccupations suscitées par le programme nucléaire de la Corée du Nord ont illustré la nécessité de renforcer l'efficacité et l'efficience des garanties de l'Agence internationale de l'énergie atomique et particulièrement sa capacité de détecter des matières ou des activités nucléaires clandestines.

Après une négociation et des essais sur le terrain (le programme 93+2), dans lesquels le Canada a joué un rôle de premier plan, les États membres de l'Agence internationale de l'énergie atomique se sont entendus en mai 1997 sur des mesures visant à renforcer le régime de garanties de l'agence, particulièrement dans les États où s'appliquent des garanties intégrales. Les nouvelles mesures amélioreront la communication d'informations à l'agence par les États membres ainsi que l'accès des inspecteurs de l'agence dans les États membres. La mise en oeuvre des nouvelles mesures permettra à l'agence de beaucoup mieux comprendre les programmes nucléaires des États membres et, par conséquent, renforcera sa capacité de détecter le détournement de matières nucléaires déclarées et la présence de matières et d'activités nucléaires clandestines.

[Traduction]

Les nouvelles mesures sont formulées dans un protocole additionnel modèle pour un accord de garanties existant. Le Canada prévoit signer son protocole additionnel à l'automne et encourage tous les autres membres de l'Agence internationale à signer leur protocole additionnel dès que possible.

Voilà, monsieur le président, un aperçu de la façon dont on applique les garanties. M. Harms pourrait peut-être vous dire quelques mots sur la façon dont l'Agence internationale exécute son travail et, ensuite, nous répondrons aux questions avec plaisir.

M. Neil Harms (chef, Bureau régional, Agence internationale de l'énergie atomique): Monsieur le président, le service d'inspection de l'Agence internationale s'appuie principalement sur les procédures de contrôle et sur la comptabilité des matières; il emploie surtout comme technique l'essai non destructif, complété par un échantillonnage s'il y a lieu, et l'analyse effectués par des laboratoires analytiques sous la direction de l'Agence internationale.

Outre l'analyse non destructive, on utilise des techniques de confinement et de surveillance qui complètent bien les mesures de l'analyse non destructive.

L'analyse non destructive vise essentiellement les matières nucléaires qu'elles soient irradiées ou non. Le combustible neuf servirait à mesurer l'isotope uranium 235 et l'enrichissement, pour ce qui est de l'uranium; dans le cas du plutonium, on mesurerait les isotopes plutonium 238, 239, 240, 241 et 242. En ce qui concerne le combustible irradié, on recherche l'isotope fissiogénique césium 137.

Bref, on mesure des matières nucléaires neuves dans des installations de fabrication de combustible, dans des laboratoires de R-D et dans diverses installations d'enrichissement, et peut-être aussi au stade initial d'autres installations de développement.

Dans le cas du combustible irradié, il s'agit des matières qui sortent d'un réacteur et qui sont entreposées dans un bassin de stockage. Les matières qui entrent dans une installation de retraitement sont constituées de combustible irradié. Pour effectuer ces mesures, nous utilisons habituellement des dispositifs portables. Ce sont des spectromètres gamma, des détecteurs pour mesurer des neutrons ou encore, comme je l'ai déjà dit, des produits fissiogéniques.

• 1605

Nous avons un large éventail d'équipement spécialisé que nous transportons avec nous. Cet équipement est en quelque sorte intelligent. Il renferme une microprogrammation qui permet d'obtenir la même normalisation et le même étalonnage indépendamment de l'habileté de l'inspecteur. Il y a un menu permettant de préciser diverses conditions. Dans le cas d'un château de transport d'uranium enrichi, le programme tiendrait compte de l'épaisseur de ce conteneur blindé, etc.

Voilà en gros comment on mesure les matières nucléaires.

J'ai apporté trois exemples de sceaux utilisés par l'Agence. Après avoir mesuré les matières, il faut s'assurer de ne pas perdre ces données et empêcher qu'on trafique les mesures.

C'est un sceau électronique. On peut l'enlever et l'apposer. Les deux actions sont enregistrées. Un inspecteur peut avoir une bonne raison d'enlever le sceau. Lorsqu'il le remet, l'Agence peut savoir à distance à quel moment le sceau a été enlevé et remis.

C'est un sceau de fibres optiques.

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Quand vous dites à distance, ça veut dire où qu'on se trouve. Vous savez immédiatement que ça se produit grâce à un satellite ou à des communications...

M. Neil Harms: Ça peut être par les lignes téléphoniques du RNIS ou par satellite. C'est arrivé une fois que ça soit détecté par satellite.

Le président: Vous l'apprenez au moment où ça se produit.

M. Neil Harms: C'est exact. Nous le savons dès que ça se produit.

Le type de sceau que j'ai ici coûte moins cher. C'est un sceau de fibres optiques qui n'a pas été apposé. Ça, c'est le câble de fibres optiques. Pour apposer le sceau, j'utiliserais un outil spécial. J'irais couper ce câble et je ferais passer ces vis de part en part pour qu'on ne puisse pas les enlever.

Ça laisse sur les fibres optiques une marque bien particulière qu'on peut détecter grâce à un lecteur qui est essentiellement une caméra numérique qui prend une photo de la fibre optique. C'est une photo unique qui ne peut être reproduite. On peut alors revoir la marque. C'est facile de vérifier sur place pour déterminer sur-le-champ si le sceau est encore valide, si la photo a changé.

Le troisième type, c'est le sceau de type E. C'est un contenant de métal. Malheureusement, vous ne pouvez pas en voir les détails. Ici, à l'intérieur, il y a une inscription unique qui a été faite au siège de l'Agence et photographiée. Ce sceau est ensuite apposé avec un fil de fer au matériel déjà vérifié et on le remplace à certains intervalles déterminés en fonction du rôle du matériel. Il est alors renvoyé au siège pour vérifier si la marque a changé.

Le délai de vérification varie selon le matériel auquel un sceau a été apposé et il est important de le respecter. Si c'est du plutonium, le délai pourrait être d'un mois. Si c'est du combustible irradié stocké dans un silo vertical, le délai pourrait être de trois mois.

Outre les essais non destructifs et l'analyse des échantillons dans des laboratoires analytiques, le confinement et les contrôles, on utilise maintenant diverses techniques nouvelles.

L'échantillonnage de l'environnement prend de l'importance. C'est une technique qui permet d'établir une base de référence sur une installation donnée pour faire ressortir l'activité nucléaire qu'il y a eu à cet endroit dans le passé et à quelle fréquence l'échantillonnage devrait se faire dans l'avenir. C'est un type d'analyse très discret.

Voilà un résumé extrêmement bref de ce que fait un inspecteur pour prendre des mesures. Il y a aussi en plus la vérification des registres des matières pour une installation donnée.

• 1610

Chaque installation a un certain régime d'inspection. Toujours selon l'importance de chacune, il y a une vérification annuelle du stock matériel lorsqu'on fait l'inventaire physique des matières.

Il y a plusieurs degrés de vérification. Dans certains cas, on recherche un défaut patent, dans d'autres, l'absence d'un article. Ça a une importance en soi et aussi une importance pour l'échantillonnage. Dans d'autres cas, la vérification est plus détaillée et on recherche un défaut partiel, c'est-à-dire qu'on essaie de découvrir s'il manque une partie d'un article en particulier.

Dans les cas les plus graves, on recherche une erreur systématique. On le fait pour les matières plus importantes comme le plutonium, par exemple l'oxyde de plutonium pour lequel on utilise alors un plus grand nombre de techniques de mesure. On le pèse, on fait un échantillonnage, une analyse exhaustive et diverses autres formes de mesure.

Ça vous donne une idée de ce que fait quotidiennement un inspecteur. Je répondrai avec plaisir à vos questions sur les techniques ou les méthodes employées pour l'inspection.

Le président: Avant de passer aux questions générales, je voudrais poser une question assez technique que m'inspire la description que M. Lysyshyn a faite de la différence entre le régime des garanties intégrales et celui des garanties spécifiques aux installations. Est-ce que l'inspection d'un réacteur soumis à des garanties spécifiques aux installations est moins rigoureuse en ce qui concerne la détection de ce qui y est entré ou de ce qui en est sorti, que s'il s'agit d'une installation visée par des garanties intégrales?

M. Neil Harms: Non, bien souvent elle est même un peu plus rigoureuse du fait que certains accords précisent le matériel et les matières à utiliser. Les accords visés par l'INFCIRC/66 concernent certaines installations en particulier. Ils stipulent le matériel qui doit s'y trouver et peuvent même préciser les matières qui ne sont pas soumises à des garanties intégrales, par exemple l'eau lourde.

Le président: Je sais que vous ne pouvez pas répondre à des questions de politique ni à des questions sur des cas particuliers, mais notre comité est évidemment intéressé de savoir quelle est la conclusion de M. Lysyshyn sur les deux, ou plutôt les trois arrangements sur des garanties spécifiques aux installations, qui sont en vigueur dans le sous-continent indien, c'est-à-dire les deux en vigueur au Pakistan et celui en vigueur en Inde. Si je ne m'abuse, ce serait plutôt deux en Inde et un au Pakistan.

Vous souscrivez à la conclusion qu'aucune des matières utilisées ne provenaient de ces réacteurs. Les régimes de garanties spécifiques aux installations qu'applique l'Agence internationale de l'énergie atomique vous permet de croire qu'aucune des matières utilisées dans les dispositifs explosifs des dernières semaines ne provenaient de ces réacteurs. Voilà ce qui nous intéresse.

M. Neil Harms: En réalité, ce sont là des questions de politique qui débordent mon champ de compétence.

Le président: Je croyais que c'était une question technique. Vous pouvez me répondre en isotopes si vous voulez et nous essaierons de décider...

M. Neil Harms: Nous utilisons le même matériel et les mêmes techniques rigoureuses de mesure dans le monde entier.

Le président: Ça ne nous aide pas parce que ça nous donne l'impression que si vous ne pouvez pas avoir de certitude au sujet de ces deux pays, alors vous ne pouvez avoir aucune certitude en ce qui concerne le reste de l'univers, ce qui ne nous donne pas...

M. Neil Harms: Je n'ai pas dit ça.

Le président: Ça ne nous donne pas tellement confiance.

M. Neil Harms: Je n'ai pas dit ça.

Le président: À votre place, je changerais mon fusil d'épaule et je donnerais une réponse parce qu'il est risqué de ne pas répondre.

M. Neil Harms: Tout ce que je peux faire, c'est vous lire la déclaration du directeur général à ce sujet:

    Le directeur général regrette profondément les essais nucléaires effectués récemment par l'Inde et le Pakistan. De tels essais pourraient mener à une dangereuse course aux armements nucléaires et remettre en question les principes fondamentaux de la non-prolifération qui ont été établis au cours des trois dernières décennies et qui sont énoncés dans le Traité de non-prolifération nucléaire, le TNP, auquel 186 États ont adhéré, à savoir bloquer le nombre d'États dotés de l'arme nucléaire et tendre au désarmement nucléaire.

    Le directeur général exprime l'espoir que les deux États vont faire preuve de la plus grande retenue et vont s'engager à opter pour la ligne de conduite adoptée par la communauté internationale, à savoir pas d'essais nucléaires, pas d'autres États dotés de l'arme nucléaire, un programme concret de réduction et éventuellement d'élimination des armes nucléaires, l'adhésion universelle au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, le CTBT, et à un traité interdisant la production de matières nucléaires pour des armes; c'est une première mesure essentielle et urgente.

• 1615

    Le directeur général est fermement convaincu qu'il est préférable de privilégier la conciliation mondiale et régionale et la détente plutôt que l'acquisition d'armes nucléaires pour faire régner la paix et la sécurité dans le monde. Le conseil d'administration de l'Agence internationale se penchera sur la question lors de sa réunion qui débutera le 8 juin.

C'est un communiqué daté du 29 mai de Mohamed ElBaradei, directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique.

Le président: Monsieur Lysyshyn, nous allons passer aux questions générales puisque c'est vous qui avez fait l'exposé. Bien entendu, il est extraordinairement important pour nous de comprendre la question parce qu'elle se rapporte autant à l'avenir qu'au passé. Les deux nous intéressent.

Il y a le régime des garanties intégrales auquel un pays pourra adhérer à l'avenir et il y a aussi les régimes de garanties spécifiques aux installations. Nous sommes ici aujourd'hui pour que les membres du comité sachent dans quelle mesure ils peuvent être certains que le régime nous permet de savoir exactement ce qui entre et ce qui sort. Vous nous avez dit être confiant que rien de ce qui était sorti des trois réacteurs dont on a parlé aurait servi à fabriquer des armes. Voilà ce qui nous intéresse.

M. Ralph Lysyshyn: L'Agence a publié un rapport sur l'application des garanties, dans lequel on note des incidents tels que des anomalies et des matières qui manquent. Mais les réacteurs ne sont mentionnés nulle part.

Le président: C'est le Canada qui les contrôle.

M. Ralph Lysyshyn: C'est exact.

M. Kenneth Wagstaff (chef de la Section de non-prolifération, Division de la non-prolifération, des garanties et de la sécurité): Je voudrais ajouter deux mots. Comme ni l'Inde ni le Pakistan ne sont soumis à un régime de garanties intégrales—c'est bien compris—je crois que ni l'une ni l'autre n'aurait intérêt à tenter de se soustraire à ces accords de garanties avec l'Agence internationale, car elle a accès à une grande diversité de matières nucléaires qui ne sont pas soumises à une inspection internationale. Il serait insensé de renier ces garanties spécifiques aux installations pour les fins dont il est question ici aujourd'hui.

Le président: Merci, c'est instructif. Permettez-moi de monter d'un cran. Quelle sanction peut-on leur imposer s'ils les abrogent? Qu'allez-vous faire pour que le génie réintègre sa lampe?

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): On peut appeler la haute commission.

Le président: Je comprends ce que vous dites et cela me semble logique. En montant d'un cran, que fait Vienne ou le Canada si un pays qui a accepté les garanties intégrales triche?

M. Kenneth Wagstaff: Si l'Agence détecte un détournement ou est incapable de confirmer aux États membres qu'elle a été en mesure de rendre compte de tout ce qui se passe, sa constitution prévoit qu'elle s'engage à le leur signaler. C'est exactement ce qui s'est passé dans le cas de l'Irak. À partir de ce moment-là, elle a également la possibilité de porter ces événements à l'attention du Conseil de sécurité de l'ONU.

Le président: Merci, monsieur Lysyshyn.

M. Ralph Lysyshyn: Monsieur le président, il y a deux pays avec lesquels nous avons eu des problèmes. M. Wagstaff a parlé de l'Irak et nous en avons eus également avec la Corée du Nord.

La mission de l'AIEA consiste tout simplement à signaler les problèmes à la communauté internationale. C'est à celle-ci qu'il incombe d'exercer des pressions sur ces États par tous les moyens possibles.

Dans le cas de l'Irak, des inspecteurs surveillent tout le système et l'on a menacé ce pays de lui déclarer la guerre si cela ne donne pas de résultats. Nous avons également un problème analogue avec la Corée du Nord. Des pressions ont été exercées sur ce pays et il a changé son fusil d'épaule. La collaboration actuelle entre la Corée du Nord et la Corée du Sud est due aux pressions qui ont été exercées par la communauté internationale en grande partie à cause de ce problème.

Le président: Merci beaucoup.

Excusez-moi, monsieur Mills. J'essayais de démêler cette question, mais je ne suis pas certain d'y être parvenu.

• 1620

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): J'estime—et je crois que la plupart des Canadiens sont de mon avis—que le Canada a laissé ses empreintes sur la crise nucléaire actuelle. Vos commentaires sont d'un optimisme exagéré. Vous êtes terriblement naïf ou bien vous nous prenez pour des imbéciles, ou peut-être les deux à la fois.

Quand on a des problèmes de démocratie, comme avec l'Inde, je n'arrive pas à comprendre que l'on énumère toute une série d'autres pays avec lesquels nous pourrions éventuellement traiter ou auxquels nous envisageons de fournir des réacteurs nucléaires en étant assez naïfs pour croire que nous ne risquons rien avec eux. On se demande bien, comme l'a dit le président, ce que vous faites lorsqu'il s'agit d'un problème de souveraineté par exemple. Je pense que, dans le cas de l'Irak, nous avons eu de la chance d'avoir affaire à un cinglé car c'est pour cela qu'il a été facile de démasquer ses manigances et que l'on a pu intervenir pour éviter que ce problème nucléaire ne s'aggrave.

Il me semble que nous avions conclu, en 1994, un accord avec la Chine en vertu duquel il lui était interdit de vendre, d'utiliser ou de transférer de quelque manière que ce soit notre technologie en dehors de ses frontières. Un rapport de la CIA, qui a été déposé au Congrès il y a environ deux semaines, indique que la technologie américaine et canadienne a été utilisée—et ce rapport remonte à 1996—pour établir le programme nucléaire et le programme de fabrication de fusées du Pakistan. La CIA ignore peut-être ce qu'il en est au juste, mais c'est ce qui est indiqué dans son rapport.

Il me semble que l'on vend actuellement des réacteurs nucléaires à des pays qui pourraient tomber entre les mains de fondamentalistes, qui pourraient devenir des pays dangereux ou des dictatures, par exemple. Je suis loin d'être convaincu que nous soyons vraiment maîtres de ce génie nucléaire, comme l'a appelé le président. Je ne suis pas très rassuré par vos garanties.

Au lieu de prétendre être contre les armes nucléaires et de proclamer qu'elles sont terribles, tout en essayant d'en vendre le plus possible à tous ceux qui sont prêts à nous payer en dollars, si nous tenons à ce point à ces ventes, nous ferions mieux de le reconnaître et d'admettre que, même avec les meilleures garanties, il n'est pas possible d'avoir un contrôle absolu. Ce qui m'irrite, c'est que l'on se fasse passer pour des petits saints alors que l'on refuse de voir la réalité en face. Nous l'ignorons. Je trouve cette attitude révoltante. Soyons honnêtes. Que voulons-nous?

M. Ralph Lysyshyn: Je crois que nous partageons tous vos préoccupations. Nous reconnaissons que l'Inde a utilisé le réacteur CIRUS pour sa première explosion. Il est vrai par ailleurs que les progrès réalisés sur une période de 25 ans par des ingénieurs extrêmement compétents de l'Inde et du Pakistan, indiquent que l'état du programme nucléaire actuel de ces pays n'est pas dû à ce que nous leur avons fourni il y a un quart de siècle. Ces pays étaient parfaitement capables de voler de leurs propres ailes.

Comme je l'ai signalé, nous estimons d'une manière générale que nous avons eu un problème. Nous avons resserré notre régime depuis lors. Ce dernier est efficace.

L'autre aspect sur lequel je voudrais insister est celui des compromis prévus dans le TNP. Les États non nucléaires se sont engagés à ne pas entreprendre de programme d'armement nucléaire à la condition qu'on ne les prive pas des avantages de la technologie nucléaire utilisée à des fins pacifiques, sous le régime de garanties efficaces.

On ne cesse de parler du compromis prévu dans le TNP, de l'engagement que les États dotés de l'arme nucléaire ont pris de s'engager dans la voie du désarmement pour autant que les autres États n'essaient pas de se doter de cette arme. Le TNP prévoit un deuxième compromis en vertu duquel les États membres pourront profiter des avantages de la technologie nucléaire à condition de respecter des garanties efficaces.

• 1625

M. Bob Mills: En réalité cependant, les essais pakistanais se sont déroulés à 50 miles de la frontière iranienne. Si j'étais Iranien, pourquoi ne dirais-je pas...? Il paraît que c'est un des pays voisins dotés de cette technologie. Bien sûr, si c'était le cas, pourquoi Israël ne veillerait-il pas à ce que tout le monde sache ce qu'il a? Qui sera le prochain?

C'est ce qui nous préoccupe. Je ne suis pas tellement convaincu que nous soyons maîtres de la situation. C'est pourtant l'objectif politique final.

M. Ralph Lysyshyn: Nous partageons vos préoccupations d'une manière générale. C'est vrai. Le problème risque de s'être étendu en raison des agissements de l'Inde et du Pakistan. Cela nous préoccupe effectivement. Par contre, je ne suis pas certain que cesser de vendre des réacteurs nucléaires à des fins pacifiques soit une bonne solution. La solution réside dans le régime international de sécurité. C'est à ce niveau-là qu'il faut essayer de trouver la solution.

Le président: Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Merci, monsieur Lysyshyn et monsieur Harms, de votre présence devant le comité. Elle est utile à la fin de nos travaux. Nos travaux achèvent. Nous aurons encore deux séances avant d'aborder la tâche très ardue de faire des recommandations au gouvernement et au ministre des Affaires étrangères.

Je dois vous avouer que, contrairement à mon collègue du Parti réformiste, je suis de ceux qui pensent que la paix peut être réussie par des normes—peace by norms. Il y en a qui pensent que c'est quelque chose qui n'est pas possible, qui n'est pas réalisable, que la paix peut se faire par de bonnes sauvegardes, que la paix peut peut-être réussir si on fait confiance et si on a confiance.

L'approche qui fait appel essentiellement au pouvoir et au rapport de pouvoir dans la communauté internationale est peut-être une approche que certains voudraient privilégier, maintenant que l'Inde et le Pakistan ont fait exploser des bombes nucléaires, mais je crois que c'est une vision à très courte vue. Je partage pour l'essentiel la façon dont la plupart des pays industrialisés occidentaux, y compris le Canada, voient l'avenir en cette matière.

Je dois vous avouer qu'il y a quelque chose qui me préoccupe beaucoup. C'est l'efficacité du régime international de non-prolifération des armes nucléaires. Selon le document que vous avez distribué, l'un des objectifs de la politique canadienne est d'assurer qu'il y ait un régime international de non-prolifération des armes nucléaires efficace. Je crois que l'expérience très récente laisse entendre que ce régime n'est pas aussi efficace qu'il devrait l'être. Il n'est pas efficace pour des États qui se situent à l'extérieur du régime. Donc, il n'exerce pas l'influence que vous voudriez le voir exercer sur des États à l'extérieur du régime, qui n'ont pas signé le Traité de non-prolifération des armes nucléaires.

Ma première question est donc de savoir quelles mesures doivent être prises pour augmenter l'efficacité de ce régime. Je vous pose la question parce que, malgré les appels de la communauté internationale à l'Inde et au Pakistan pour qu'ils deviennent parties au Traité de non-prolifération des armes nucléaires, je crois comprendre que ni l'Inde ni le Pakistan ne veulent résolument s'engager à signer ce traité. Donc, comment peut-on rendre ce régime plus efficace à la lumière des événements récents?

Voici ma deuxième question. Est-ce que vous pourriez nous illustrer votre façon de fonctionner? C'est vrai pour le gouvernement par ses accords de coopération bilatérale et par l'Agence internationale de l'énergie atomique. J'aimerais savoir si cela s'applique au cas particulier de la Roumanie et j'aimerais aussi connaître votre façon de fonctionner. Il y en a ici, autour de la table, qui ont exprimé des préoccupations quant au cas de la Roumanie. Je crois que c'est le cas du gouvernement. Je crois que même le premier ministre du Canada a exprimé des préoccupations quant à la Roumanie.

• 1630

Ce sont mes deux questions, monsieur Lysyshyn.

[Traduction]

M. Ralph Lysyshyn: Il est vrai que les essais de l'Inde et du Pakistan ont porté un coup dur au régime international de non-prolifération. Il ne reste plus que quatre pays qui n'adhèrent pas à ce régime.

Il y a deux ans, quand le régime a été renouvelé pour une période d'une durée indéterminée, nous n'avions que 170 signatures. Au cours des deux ou trois dernières années, 16 nouvelles signatures sont venues s'y ajouter. Des pays comme l'Afrique du Sud ont signé le traité. L'Argentine et le Brésil, que l'on soupçonnait de vouloir se doter d'armes nucléaires ou qui avaient refusé de signer le TNP pour diverses raisons politiques, sont venus s'ajouter à la liste. Le régime se portait très bien. Il a subi un coup dur.

La nature et la fermeté de notre réaction, qui a consisté notamment à exercer des pressions sur les pays concernés par des sanctions, témoignent de notre inquiétude. Je ne connais pas exactement la formule magique qui permettrait de résoudre le problème, de le gérer et de s'assurer qu'il ne s'aggrave pas, mais nous devons régler un certain nombre de questions clés.

Nous devons tout faire pour éviter que d'autres pays ne suivent leur exemple et essayer de convaincre les deux pays récalcitrants de renoncer à leurs projets. Le ministre a indiqué qu'il se réjouit que l'on ait convoqué les représentants des pays membres du G-8 à une réunion spéciale qui sera consacrée à la recherche d'une solution à ces problèmes. Il faut faire le nécessaire pour que des mesures efficaces soient prises. Quant à savoir quelles mesures seraient les plus efficaces, le ministre est précisément en train d'examiner personnellement la question. Quand il ira à la réunion du G-8, il aura certainement quelques solutions concrètes à proposer. Je ne peux pas vous en dire plus pour l'instant, si ce n'est que nous reconnaissons effectivement qu'il est nécessaire de trouver des mesures susceptibles de permettre de régler le problème et d'essayer de persuader l'Inde comme le Pakistan de changer leur fusil d'épaule.

En ce qui concerne le cas de la Roumanie en particulier, nous avons signé avec elle un accord de coopération nucléaire. Les conditions énumérées dans mon mémoire s'appliquent à la Roumanie. La Roumanie adhère au régime de non-prolifération. Les garanties intégrales s'appliquent aux réacteurs nucléaires roumains. Je ne sais pas si M. Wagstaff pourrait expliquer comment cela fonctionne au juste mais l'application du régime ne pose à notre connaissance aucun problème en ce qui concerne la Roumanie.

[Français]

M. Daniel Turp: Comment expliquez-vous que l'opinion publique, à cause des deux explosions de l'Inde et du Pakistan, soit maintenant si inquiète à l'égard de la Roumanie et qu'autour de la table de ce comité, à l'occasion de la visite du président de Roumanie la semaine dernière, tant de gens aient voulu savoir si les sauvegardes seraient respectées? Est-ce que vous n'êtes pas préoccupés devant cette crainte de l'opinion publique qui, je pense, a été traduite par mon collègue du Parti réformiste? Qu'est-ce que l'on doit faire pour s'assurer que ces craintes-là ne soient pas excessives?

[Traduction]

M. Ralph Lysyshyn: Nous sommes très conscients du désir de la Roumanie de faire partie de l'OTAN. Le Canada est un des pays qui ont appuyé activement sa demande d'adhésion à l'OTAN. J'estime que nous avons institué, par l'intermédiaire de l'OTAN, un partenariat de paix très actif avec la Roumanie.

• 1635

Je pense qu'il existait des risques ou que l'on avait davantage de raisons d'avoir des préoccupations au sujet de la Roumanie sous le régime communiste, c'est-à-dire sous le régime de Ceausescu. Par contre, à l'heure actuelle, nous sommes très impressionnés par les progrès réalisés par ce pays qui est en voie de devenir une démocratie efficace.

Une des pires craintes que nous avions lors du démantèlement du Pacte de Varsovie était que des problèmes surgissent entre la Roumanie et la Hongrie, principalement parce qu'une minorité hongroise importante était établie en Roumanie. La manière dont ces deux pays sont parvenus à régler leur principal problème de sécurité, lié à leurs relations personnelles, par le biais de diverses mesures bilatérales d'instauration de la confiance et d'autres initiatives, est une des principales réussites sur le plan de l'accroissement de la sécurité en Europe centrale et en Europe de l'Est.

Comme spécialiste dans ce domaine, je suis tout à fait convaincu que la Roumanie est sur la bonne voie. Je ne partage pas du tout les préoccupations de ceux qui estiment que la politique roumaine risque de provoquer une prolifération des armes nucléaires.

Le président: Et l'adhésion de la Roumanie à l'OTAN contribuerait à régler définitivement la question.

M. Ralph Lysyshyn: Énormément. Je crois que la Roumanie comprend que si l'on craignait qu'elle ait des intentions susceptibles d'alimenter la prolifération des armes nucléaires, sa candidature à l'OTAN ne serait même pas examinée.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Merci encore d'être venu nous expliquer votre position au sujet des réacteurs CANDU, à la suite des essais nucléaires du Pakistan et de l'Inde.

Certains de nos collègues, moi y compris, ont exprimé de vives préoccupations au sujet des ventes prochaines à la Turquie. Je crois que les soumissions viennent à échéance le mois prochain et nous saurons quel est le gagnant.

Essayez de vous mettre à la place des dirigeants turcs. Il suffit de regarder une carte. La Turquie est entourée de la Russie, par la mer Noire, de la Bulgarie et de la Grèce—deux pays hostiles—, de la Syrie au sud, de l'Irak et de l'Iran. La Turquie ne peut pas se faire de nouveaux amis étant donné qu'elle est entourée de voisins hostiles. L'Arménie est de l'autre côté également. Il ne faut pas oublier non plus la politique locale avec les fondamentalistes et les Kurdes.

À la place de la Turquie, si j'arrivais à mettre la main sur un réacteur CANDU, je ferais tout mon possible pour produire une bombe atomique pour me défendre. Comme on l'a signalé, la défense de sa souveraineté est fondamentale pour un pays.

Pouvez-vous garantir de façon absolue au gouvernement du Canada, au Parlement, aux Canadiens et à nous-mêmes que la vente éventuelle d'un réacteur CANDU à la Turquie ne comporte absolument aucun risque?

M. Ralph Lysyshyn: Personne ne peut fournir de garanties absolues, de quelque sorte que ce soit.

La Turquie est membre de l'OTAN. À ce titre, elle bénéficie, sur le plan de la sécurité, d'une garantie que ses voisins n'ont pas. Elle se trouve effectivement dans un voisinage dangereux. Elle a des problèmes à ses frontières mais je crois que très peu d'experts estiment qu'une arme nucléaire l'aiderait beaucoup à résoudre le problème des Kurdes ou n'importe lequel de ces problèmes. Je pense que les garanties qu'elle a de l'OTAN sont précisément ce dont elle a besoin et qu'elles sont suffisantes.

M. Sarkis Assadourian: Vous avez également signalé que, pour autant qu'il respecte l'accord international et l'accord bilatéral avec le Canada, vous êtes disposé à vendre des réacteurs CANDU à n'importe quel pays qui appose sa signature en guise d'accord sur la ligne pointillée. Est-ce exact?

M. Ralph Lysyshyn: Non. J'ai dit que ce sont les conditions minima. Nous appliquons également d'autres critères politiques, comme les ministres doivent le faire à l'occasion. Le simple fait de répondre à une condition minimum n'est pas une garantie de vente.

M. Sarkis Assadourian: Ma dernière question est d'ordre technique: avez-vous un contrôle sur le combustible irradié utilisé dans tous les pays auxquels nous vendons un réacteur CANDU ou les croit-on sur parole pour ce qui est des mesures de contrôle?

M. Ralph Lysyshyn: L'usage du combustible irradié est contrôlé.

• 1640

M. Sarkis Assadourian: Peut-être le CANDU est-il le seul à faire l'objet de garanties et n'est-ce pas vrai pour les réacteurs étrangers? Est-ce exact?

M. Ralph Lysyshyn: Non, l'AIEA les soumet à des garanties.

M. Sarkis Assadourian: Il y a un ou deux mois, on a découvert en Géorgie des restes de combustible irradié datant de l'époque de l'URSS. Il a fallu transporter ce combustible en Grande-Bretagne pour...

M. Ralph Lysyshyn: N'oubliez toutefois pas que les garanties intégrales ne s'appliquent pas...

M. Sarkis Assadourian: À l'échelle internationale.

M. Ralph Lysyshyn: ... à l'URSS, à l'ex-URSS. La Russie est un État doté de l'arme nucléaire et par conséquent certaines de ses installations ne sont pas assujetties aux garanties. Ses fabriques d'armes et ses installations de recherche n'y sont pas assujetties.

M. Sarkis Assadourian: Personne n'était au courant de la situation en Géorgie. Existe-t-il d'autres situations analogues dans l'ex-URSS, dont il conviendrait de se préoccuper?

M. Ralph Lysyshyn: Nous examinons ces problèmes depuis plusieurs années et un groupe de travail du G-8 le fait également. Nous sommes très préoccupés par le contrôle des matières nucléaires dans l'ex-Union soviétique. Nous avons examiné diverses options. Nous avons même fait intervenir l'aide au développement. Nous lui avons fourni de l'argent pour l'aider à s'assurer que ses matières nucléaires sont le moins dangereuses possible.

Nous avons même commencé à avoir recours à la coopération entre les services de renseignements et entre les forces policières pour essayer de lutter contre les risques de fuites de l'ex-Union soviétique. C'est une question qui nous préoccupe au plus haut point. Elle a été examinée collectivement par les pays membres du G-8.

M. Daniel Turp: Voulez-vous dire que la Russie et la Géorgie posent des problèmes?

M. Ralph Lysyshyn: Ce que j'ai dit, c'est que nous nous sommes posé des questions au sujet de la capacité de la Russie de maintenir et de protéger ses installations nucléaires. Comme je l'ai signalé, plusieurs pays... Les États-Unis ont adopté une loi spéciale prévoyant un budget destiné à protéger et à aider la Russie à assurer la sécurité matérielle de ses installations. Nous avons essayé de réduire les risques en adoptant toutes sortes de mesures.

Le président: Quand nous avons fait notre étude sur l'Arctique, tout Murmansk était là et il y avait plein de sous-marins bourrés d'engins nucléaires.

M. Sarkis Assadourian: C'était très grave.

Le président: Oui. On a de graves inquiétudes au sujet de la Russie. Quand nous avons parlé à nos collègues américains, ils ont dit que cela les préoccupait. Nous nous écartons un peu du sujet, mais c'est préoccupant.

Je crois qu'il ne faut pas perdre de vue ce que M. Lysyshyn a dit à propos de la Russie, à savoir qu'elle n'est pas aussi contrôlée ni aussi contrôlable que les autres pays signataires du Traité de non-prolifération nucléaire et que ceux qui sont soumis aux inspections de l'Agence internationale, pas plus que les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la France.

M. Daniel Turp: Mais la Géorgie pose-t-elle un problème?

M. Kenneth Wagstaff: Je pourrais peut-être intervenir dans la discussion.

La Géorgie est l'un des divers États nouvellement indépendants à la suite du démantèlement de l'Union soviétique. C'est entendu. La Russie est le seul pays ayant fait partie de l'Union soviétique qui ait le droit d'avoir son propre arsenal nucléaire. La Géorgie est en voie de signer un accord concernant les garanties intégrales avec l'Agence, en qualité d'État non doté d'armes nucléaires.

Les matières auxquelles le député a fait allusion sont des matières utilisables dans la fabrication d'armes qui ont été trouvées en Géorgie. Pour des raisons de santé et de sécurité, les pays qui ont joué un rôle dans le transport en Grande-Bretagne ont jugé préférable que ces matières soient traitées là plutôt qu'en Géorgie. La Grande-Bretagne est mieux équipée à cet effet.

Le président: Il y en avait dans un hôpital du centre de Toronto il y a quelques années.

M. Sarkis Assadourian: Ce qui me préoccupe le plus, c'est que la Géorgie a été déchirée par une guerre civile très grave et que ces matières auraient pu être volées.

J'ai demandé à des collègues il y a un moment s'il y avait lieu d'être préoccupé au sujet de l'URSS ou plutôt de l'ex-URSS, de s'inquiéter de la présence de bombes ou d'installations nucléaires et ils m'ont dit non, que tout allait bien, que l'on surveillait la situation. Vous venez de le confirmer.

Existe-t-il en ex-URSS, la Fédération russe mise à part, une autre région où se posent des problèmes analogues à ceux qui se sont posés en Géorgie et dont nous ignorons actuellement et continuerons d'ignorer l'existence?

• 1645

Une voix: Si on en ignore l'existence...

M. Sarkis Assadourian: Non, non. On le savait.

M. Ralph Lysyshyn: Le Kazakhstan. Je pense que les Américains ont évacué des matières nucléaires. Il y avait des armes nucléaires à l'extérieur de la Russie à la fin de la guerre froide; elles sont revenues en Russie, en provenance du Kazakhstan, de l'Ukraine ainsi que du Bélarus, si je ne me trompe. Je ne peux malheureusement pas vous dire s'il y a des problèmes dont nous ignorons l'existence.

Le président: Cela arrive tous les jours au Parlement.

M. Ralph Lysyshyn: Nous espérons qu'il n'y en a pas, mais il faut être vigilants. Dans le cas de la Russie, la situation politique a changé de façon tellement radicale qu'il faudra un certain temps pour appliquer les garanties intégrales et pour atteindre le degré de confiance nécessaire dans tous ces pays. Il risque effectivement d'y avoir des problèmes. Comme je l'ai déjà dit, on s'en occupe mais on n'a pas de garantie absolue.

Le président: Merci. Monsieur Mills.

M. Bob Mills: Une toute petite question. Je reviens à l'hypothèse dans laquelle un pays qui a pris certains engagements en concluant une transaction ne respecte pas les conditions prévues. En ce qui concerne la question de savoir s'il convient de signer le TNP, vous avez dit que des sanctions avaient été imposées à ceux qui ne respectaient pas leurs engagements et les pays membres du G-8 vont en discuter. N'oubliez pas qu'ils en ont déjà discuté et ne se sont mis d'accord sur aucun point en fait. À la suite des sanctions imposées à ces pays par les États-Unis et par le Canada, la France et l'Allemagne se réjouissent d'avoir la possibilité de reprendre les affaires auxquelles les Américains et les Canadiens renoncent.

En observant ce qui se passe, je me dirais que les règles que l'on essaie de m'imposer ne seront pas très encombrantes. En fait, j'en profiterais peut-être parce que je pourrais mettre la France et l'Allemagne en concurrence pour de nouveaux contrats, parce que les anciens ne seraient plus valides du fait que les Américains ne voudraient plus traiter avec moi; de toute façon, ce n'est pas facile de traiter avec eux.

Personnellement, je ne crois pas que les sanctions soient bien fortes. Comme politicien d'un de ces pays, je constaterais que cela me vaudrait précisément un taux de popularité de 90 p. 100 dans les sondages. Pour des pays tels que l'Iran, cette situation risque à maints égards d'être une assez bonne affaire.

M. Ralph Lysyshyn: Monsieur Mills, vous nous avez resservi notre argument et c'est pour cela que nous continuons à exhorter des pays comme la France et l'Allemagne par exemple, à faire preuve de plus de fermeté dans l'application de leurs sanctions. Nous invoquions l'argument que les avantages qu'ils pourraient en tirer à court terme ne devraient pas passer avant leurs intérêts à long terme.

M. Bob Mills: À la suite de cette réunion des pays du G-8, je n'ai pu percevoir aucun signe qu'ils en soient convaincus. En fait, je constate que la volonté de vendre suscite toute une agitation sous prétexte que si on ne le fait pas, quelqu'un d'autre le fera et que dans ce cas, autant en profiter. Je me demande si cela fonctionnera vraiment. On n'a aucun moyen de punir ces pays.

M. Ralph Lysyshyn: Nous avons prévu certaines sanctions et nous aimerions qu'elles soient encore plus sévères. Vous parlez de façon très convaincante de l'importance de l'action collective et nous essayons toujours d'en persuader les intéressés.

La semaine dernière, le ministre vous a parlé de ses appréhensions au sujet de ce qu'il a appelé la nouvelle «realpolitik» nucléaire et il vous a expliqué que cette politique risque d'engendrer une situation très pénible. Vous prônez l'activisme, comme nous.

M. Bob Mills: Je présume que j'ai de la difficulté à concilier l'idéal et la réalité. La réalité l'emporte à mon avis et ce n'est pas nécessairement ce que nous souhaitons. Par contre, cette situation idéale relève de la fiction pure et simple.

Le président: Vous ne demandez pas à un représentant du ministère de répondre, je suppose.

Une voix: La journée a été dure.

Le président: Il peut faire beaucoup, mais pas cela.

Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, messieurs, d'être venus nous exposer une position que j'ai eu l'occasion de défendre avec conviction il y a un certain temps. À la suite des tout récents événements, j'ai reçu toute une série d'appels et j'ai dû retourner dans ma circonscription; ce fut horrible. Je dois reconnaître que certains arguments que j'ai entendus aujourd'hui m'ont mis mal à l'aise.

• 1650

Je suis certain que vous avez vu comme moi presque tous les jours dans les journaux des articles accusant le Canada de jouer un rôle clé dans la prolifération des armes nucléaires. C'est M. Wagstaff qui a dit tout à l'heure qu'il était possible de se procurer toutes sortes de matières nucléaires, si je ne me trompe.

M. Kenneth Wagstaff: C'est exact. J'ai dit cela, mais uniquement à propos de l'Inde et du Pakistan.

M. John Cannis: Je vais citer un passage du journal et si l'auteur de cet article ne nous raconte pas des histoires, cela veut dire que j'ai été induit en erreur et que nous l'avons tous été. Cet article dit notamment ceci:

    Tout pays qui est déterminé à se constituer un arsenal nucléaire et qui est disposé à dépenser l'argent nécessaire a des chances d'y arriver sans problème.

C'est ce que dit Stephen Cohen, attaché supérieur de recherches à la Brookings Institution. Je suis sûr que vous avez déjà entendu parler de lui. C'est très préoccupant.

Vous avez parlé de porter toutes ces révélations à l'attention de l'ONU.

Mon collègue Sarkis Assadourian a parlé de la possibilité d'une vente à la Turquie. Cela me préoccupe, parce que j'ai parlé à la communauté kurde, à la communauté arménienne, à la communauté grecque, à la communauté chypriote, bref à tous les voisins de ce pays. Ils se demandent comment on peut leur offrir des garanties. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur Lysyshyn, je leur ai expliqué qu'il existe maintenant des garanties et que l'on procède à des vérifications. Par contre, vous avez répondu à M. Assadourian que personne ne pouvait offrir de garantie absolue.

La possibilité d'une vente à la Turquie me préoccupe. Nous avons eu des entretiens il y a un certain temps avec celui qui travaille maintenant pour l'ONU et qui travaillait autrefois pour l'Énergie atomique. Vous avez abordé le problème de l'Irak. Comme il l'a signalé, l'Irak répondait à toutes les conditions préalables, mais nous avons décidé de ne pas lui vendre le réacteur et nous estimons maintenant que c'était une sage décision.

À supposer que la Turquie remplisse toutes les conditions préalables, et ce sera probablement le cas, compte tenu du fait qu'elle n'a généralement pas respecté les résolutions de l'ONU concernant les droits de l'homme, et plus particulièrement pour ce qui est de Chypre et des Kurdes, cela me préoccupe. Qui peut me garantir que dans cinq ou dix ans, la Turquie respectera les garanties que nous réclamons ou que les mesures auxquelles nous avons recours seront efficaces? C'est ce qui est le plus préoccupant.

Aujourd'hui, je me retrouve à défendre cette décision, ou plutôt la perspective d'une telle décision, que je n'avais aucune difficulté à défendre il y a trois mois. Maintenant, j'ai de la difficulté à le faire. Je ne pourrai pas continuer à la défendre si vous ne me donnez pas des renseignements qui m'assureront que cette vente ne risque pas de compromettre la sécurité de cette région.

M. Ralph Lysyshyn: Monsieur Cannis, tout ce que je peux vous promettre pour le moment, c'est de faire part de vos préoccupations à notre ministre.

Pour en revenir à l'article en question, il est un fait qu'il serait extrêmement difficile d'empêcher un pays de se constituer un arsenal s'il est déterminé à le faire.

L'Inde et le Pakistan en sont la preuve. Ce sont des pays qui étaient déterminés à le faire et nous n'avons pas pu les empêcher de mettre leurs projets à exécution. Ce sont des pays où il y a des gens très doués, qui ont malheureusement exploité leurs talents à cette fin.

C'est probablement vrai. Ce qui s'est passé en Inde et au Pakistan en est la preuve. Comme je l'ai signalé, je ferai part de vos préoccupations au sujet de la Turquie au ministre. La seule chose sur laquelle je voudrais insister, c'est que le projet d'adhésion de ce pays à l'OTAN constitue, à mon humble avis, un frein puissant.

M. John Cannis: Je crois que les projets actuels de la Turquie sont légitimes, étant donné ses besoins énergétiques et sa croissance. Je pense que sa proposition d'achat d'un réacteur émane d'un besoin réel. Ce qui m'inquiète, c'est ce qui pourrait se passer d'ici 15 ou 20 ans. J'ai examiné les statistiques et autres données. Comme je l'ai déjà dit, sa proposition émane d'un besoin réel. Sa demande d'adhésion indique clairement qu'elle compte utiliser ce réacteur uniquement à des fins pacifiques.

• 1655

Par contre, comme mon collègue l'a signalé tout à l'heure, et je pense que M. Mills l'a dit également, des revirements sont toujours possibles. Un changement de gouvernement est possible. Il se pourrait qu'un dictateur arrive au pouvoir. Il est possible qu'un jour les fondamentalistes prennent le pouvoir, comme vous l'avez indiqué. J'ai remarqué par exemple aujourd'hui qu'une nouvelle confrontation a eu lieu en Turquie. Nous ne savons pas ce qui se passera dans 10 ou 15 ans. C'est précisément ce qui nous préoccupe.

Le président: Merci, monsieur Cannis.

[Français]

Madame Debien.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bon après-midi, messieurs.

Monsieur Lysyshyn, vous nous avez dit tout à l'heure que l'état d'avancement de la technologie du Pakistan et de l'Inde pour faire exploser les bombes n'avait plus rien à voir avec la technologie que le Canada a d'abord donnée et ensuite vendue à l'Inde et au Pakistan dans les années 1956 à 1964, ce qui permet, bien sûr, au Canada de nier toute responsabilité morale quant à ces explosions. C'est aussi ce que le ministre nous a dit lorsqu'il est venu nous rencontrer la semaine dernière.

J'ai une question peut-être un peu pointue. Elle est très technique. Je ne sais pas si vous serez en mesure d'y répondre, mais je l'espère. Il y a des personnes qui nous disent que le tritium est fabriqué à partir d'eau lourde et que seul le réacteur CANDU peut produire du tritium à partir d'eau lourde. On sait également que le tritium sert à fabriquer la bombe à hydrogène, laquelle bombe est la plus destructrice. On sait également que lors de l'explosion de ces bombes par l'Inde et le Pakistan, il y a eu explosion de bombes à hydrogène et que seuls les réacteurs CANDU sont en mesure de produire ce tritium. Est-ce que ces informations sont exactes?

[Traduction]

Le président: Il y a une fuite dans ce coin-ci. Elle n'est pas de nature nucléaire.

M. Kenneth Wagstaff: Il est absolument exact que les systèmes à l'eau lourde des réacteurs CANDU produisent du tritium. Cela ne fait absolument aucun doute. On ne connaît pas exactement la nature des engins explosifs nucléaires que l'on a fait exploser en Inde et au Pakistan. Je vous signale par ailleurs que le tritium peut être produit au moyen d'autres techniques, qui ne nécessitent pas le recours à des réacteurs CANDU.

Il est fort possible que ces pays possèdent les techniques et les capacités nécessaires. À mon avis, on n'a aucune preuve que le tritium utilisé ait été obtenu par séparation grâce aux réacteurs CANDU que le Canada a fournis à l'Inde ou au réacteur KANUPP du Pakistan.

En fait, dans le cadre de discussions informelles qui ont eu lieu avant ces événements, les autorités pakistanaises avaient sollicité l'aide du Canada pour la séparation du tritium pour des raisons de santé et de sécurité. Le tritium est retiré des réacteurs canadiens pour des raisons de santé et de sécurité. Le tritium s'accumule dans le modérateur, ce qui pose des risques de radiation pour les opérateurs.

Je ne suis pas convaincu que le tritium des réacteurs que le Canada a fournis à l'Inde et au Pakistan ait été utilisé dans les engins que l'on a fait exploser.

Le président: Monsieur Reed.

[Français]

M. Daniel Turp: Mais est-ce qu'on va un jour le savoir?

[Traduction]

Le saura-t-on un jour? Non?

• 1700

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Veuillez rectifier si je me trompe, mais j'essaie de comprendre la genèse de ces événements.

La technologie CANDU n'est-elle pas la dernière à utiliser pour fabriquer une bombe? Ne construirait-on pas un surrégénérateur ou un réacteur expérimental comme ceux que ces pays possédaient? N'importe quel autre moyen est préférable au système CANDU pour fabriquer une bombe, étant donné la difficulté que pose l'extraction du plutonium nécessaire.

J'aurais une autre question à vous poser et je vous demanderais encore une fois de rectifier si je me trompe. Les physiciens nucléaires indiens qui ont mis au point des armes atomiques n'ont-ils pas fait leurs études dans la même université, et à peu près à la même époque, que leurs confrères canadiens?

J'essaie de comprendre ce qui s'est passé. Je crois que le Canada se fait reprocher amèrement d'avoir vendu des réacteurs CANDU à l'Inde. Le système CANDU n'est vraiment pas ma technologie favorite de production d'énergie électrique; en tout cas, si j'étais un physicien nucléaire étranger et que je voulais fabriquer une bombe, je m'arrangerais pour utiliser une technologie moins coûteuse, plus rapide et plus facile.

M. Bob Mills: Encore faut-il se la procurer.

M. Julian Reed: Je ne pense pas que la formule se trouve déjà sur Internet mais il est possible d'acheter des réacteurs à eau ordinaire, des surrégénérateurs un peu partout dans le monde.

M. Kenneth Wagstaff: Il existe deux possibilités pour fabriquer des armes nucléaires. L'une consiste à enrichir de l'uranium pour obtenir l'uranium hautement enrichi nécessaire à cette fin. L'autre consiste à produire du plutonium et à séparer ce plutonium pour le configurer de façon à fabriquer une arme.

J'aurais tendance à être d'accord avec vous si les intéressés décidaient d'opter pour la solution axée sur le plutonium. Pourquoi voudraient-ils se procurer des réacteurs électronucléaires conçus pour la production d'énergie électrique et faire tous les frais que cela implique pour produire des matières destinées à la fabrication d'armes? Les réacteurs de recherche ou de production sont un moyen d'accès nettement plus efficace à ces matières. Il est un fait reconnu que le combustible épuisé ou le plutonium se trouvant dans le combustible épuisé des réacteurs de quelque type que ce soit, qu'il s'agisse de CANDU, de réacteurs à eau ordinaire, de surrégénérateurs, ne serait pas utilisable en fin de compte. C'est pourquoi les garanties de l'Agence internationale s'appliquent à ces réacteurs. Cela ne fait aucun doute.

J'estime que les remarques que vous avez faites sont très pertinentes.

M. Julian Reed: Merci.

M. Daniel Turp: Il est secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international.

M. Julian Reed: Attendez un an; je serai sorti de là et je dirai la même chose.

M. Sarkis Assadourian: Vous deviendrez ministre.

M. Julian Reed: Je ne veux pas donner l'impression d'être en situation de conflit d'intérêts.

Le président: Nous sommes tous soumis aux règles de la force des arguments, qui est relative.

Monsieur Lysyshyn, puis-je essayer de résumer un peu ce que vous nous avez dit au sujet de la vente de réacteurs en général, à l'exclusion du problème que posent l'Inde et le Pakistan en particulier, pour vérifier si j'ai bien compris?

Je comprends à la suite de notre discussion que le Traité de non-prolifération nucléaire impose certaines obligations aux diverses parties, c'est-à-dire aux pays signataires. Un des moyens que nous utilisons pour persuader d'autres États de le signer est la promesse que s'ils ont besoin d'énergie, nous ne leur refuserons pas le droit d'en obtenir et que nous les y aiderons en fait. Est-ce exact?

M. Ralph Lysyshyn: Oui, c'est exact.

Le président: En vertu de ce traité international, les États dotés de l'arme nucléaire comme le Canada, les États-Unis et la Russie, se trouvent dans l'obligation, sinon de fournir l'énergie nécessaire aux autres États, du moins de leur procurer les moyens de l'obtenir, à condition qu'ils s'engagent, en apposant leur signature, à respecter les garanties prévues, pour que cela ne pose pas de problèmes de sécurité. Ces conditions sont imposées de façon systématique par notre organisation bilatérale, mais surtout par l'Agence internationale, dont nous avons entendu le témoignage.

• 1705

Ce système est le plus fiable qui soit compte tenu des moyens actuels, mais nous essayons de l'améliorer. Le 93 + 2 est une façon d'y arriver. Comme dans tous les autres domaines, on s'efforce continuellement d'améliorer le système.

Ce système nous permet uniquement de détecter les problèmes éventuels. Il ne nous permet pas de les enrayer. Quand nous voulons les enrayer, nous devons nous adresser à un autre palier, que vous avez appelé celui de la sécurité internationale. C'est celui du G-8 et celui du Conseil de sécurité. C'est ainsi qu'il faut procéder si un État récalcitrant essaie de tricher. L'AIEA ne peut jouer ce rôle; c'est un rôle de policier international et il relève de l'ONU et d'autres organisations analogues.

Enfin, j'ai compris que lorsqu'il s'agit de décider de vendre ou non un réacteur à un autre pays, c'est d'abord le Canada qui prend la décision. Bien entendu, il ne vendrait jamais un réacteur lorsque les conditions minima dont nous venons de parler ne sont pas remplies. Par contre, ce n'est pas le facteur déterminant. La décision est prise en fonction d'autres critères, notamment à la suite d'une analyse de la nature géopolitique de l'acheteur éventuel, qui permet de déterminer si l'acheteur en question est susceptible de se conformer aux garanties s'il ne risque pas de tricher.

Est-ce un bon résumé?

M. Ralph Lysyshyn: C'est un excellent résumé.

Le président: C'est ce que je voulais.

Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp: Qu'est-ce que le Conseil de sécurité pourrait faire? S'il y a maintenant un problème à cause des explosions de l'Inde et du Pakistan, un problème de maintien de la paix et de la sécurité internationale, qu'est-ce que le Conseil de sécurité peut faire? Est-ce qu'il pourrait obliger l'Inde et le Pakistan à entrer dans le système?

[Traduction]

M. Ralph Lysyshyn: Pour avoir une idée des moyens auxquels le Conseil de sécurité peut avoir recours s'il le décide, il suffit d'examiner le régime qui a été instauré en Irak.

[Français]

M. Daniel Turp: Oui, c'est ça.

[Traduction]

M. Ralph Lysyshyn: Si le Conseil de sécurité le voulait, il pourrait imposer un régime analogue dans certaines circonstances. Pour le moment, il n'est pas disposé à le faire.

[Français]

M. Daniel Turp: C'est ce que le ministre va dire au G-8?

[Traduction]

M. Ralph Lysyshyn: Nous avons exhorté le Conseil de sécurité à prendre des mesures plus sévères. Jusqu'à présent, il s'est contenté de publier une déclaration présidentielle condamnant chacune des explosions. Nous sommes toutefois assez satisfaits de constater que le Conseil de sécurité examine actuellement une résolution qui sera à la hauteur. Il sera intéressant de voir jusqu'où il ira.

Je ne pense pas que les pressions internationales concernant ce problème soient terminées. La dernière fois, le G-8 n'a rien fait; cette fois-ci, il fera peut-être un peu plus ferme. Les premières fois que le Conseil de sécurité a exhorté l'Inde et le Pakistan à faire quelque chose, il n'a pas mentionné le TNP. Les premiers textes de la déclaration présidentielle n'ont fait aucune allusion au TNP. On commence maintenant à en parler. Lorsque le G-8 a parlé pour la première fois de ce qu'il faudrait faire, il a exhorté ces pays à signer le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Par contre, l'OTAN a mentionné le TNP lorsqu'il a fait une mise en garde aux Russes.

Je ne pense pas que le processus soit terminé. Le G-8 n'a pas fait ce qu'il fallait la dernière fois. Nous espérons que la prochaine fois, dans une semaine et demie... Et nous ne pensons pas uniquement à l'imposition de sanctions à ce moment-là; nous songeons à aller bien plus loin que cela. C'est un problème qui doit être géré.

Le président: Merci. Nous apprécions votre témoignage. Il est très important pour nous.

Je tiens à rappeler à mes collègues qu'une réunion consacrée à la préparation de notre rapport est prévue pour le mercredi 3 juin—c'est-à-dire demain—à 15 h 30. Ce sera notre première réunion à ce sujet. Les attachés de recherche ont distribué un document exposant les diverses options, sur lequel je vous recommande vivement de jeter un coup d'oeil. C'est un document utile. Si l'un ou l'une d'entre vous ne l'a pas reçu, je lui recommande de nous le signaler.

Merci beaucoup. La séance est levée. Reprise des délibérations demain à 15 h 30.