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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 avril 1998

• 1529

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Je vais déclarer la séance ouverte parce que M. Otunnu, qui a si gentiment accepté notre invitation aujourd'hui, doit aussi rencontrer incessamment, si j'ai bien compris, le ministre des Affaires étrangères. Je propose donc que nous commencions tout de suite.

J'ai expliqué à notre invité que la Chambre vivait un moment très significatif et plutôt chargé d'émotions puisque M. Charest, qui quitte la scène fédérale, est en train de faire ses adieux. Le premier ministre et d'autres chefs de parti sont en train de faire des discours.

• 1530

J'espère, monsieur, que vous nous pardonnerez l'absence de certains de nos collègues. Je propose que nous commencions par entendre votre déclaration, après quoi nous pourrons vous poser des questions.

Avant l'ouverture de la séance, j'ai remis à notre invité un exemplaire de notre rapport sur la main-d'oeuvre infantile et la réponse du gouvernement qui ont tous deux été déposés à la Chambre et dans lesquels il est question des enfants utilisés dans les conflits armés.

M. Olara Otunnu (représentant spécial des Nations Unies et secrétaire général adjoint pour la protection des enfants en période de conflit armé): Monsieur le président, je vous remercie vivement de m'avoir invité, et c'est avec un réel plaisir que je suis des vôtres cet après-midi.

Je suis le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour la protection des enfants en période de conflit armé depuis septembre dernier. L'un des premiers lieux que je souhaitais visiter dès mon entrée en fonction était le Canada parce que votre pays jouit d'une crédibilité spéciale sur la scène internationale, qu'il s'intéresse à des questions très variées et qu'il est très actif sur le plan du maintien de la paix, du respect des droits de la personne et de l'enfant de même que sur le plan humanitaire. Le Canada est aussi un pays qui a lancé et piloté de nombreuses grandes initiatives sur la scène internationale, y compris la plus récente, soit naturellement la très importante initiative concernant les mines terrestres. J'apprécie vraiment le rôle joué par le Canada et j'espère qu'il fera partie du groupe central de pays qui travailleront à l'élaboration de ce programme.

Permettez-moi de vous décrire très brièvement l'essentiel du programme. Nous n'en sommes pas à notre première guerre, et les civils en savent souvent quelque chose. Pourtant, la situation mondiale actuelle est nouvelle. Je fais allusion au fait que, dans de nombreuses régions du monde, on assiste à une généralisation systématique des conflits ayant pour cible les enfants, les femmes et d'autres membres de la population civile. Les femmes et les enfants ne sont donc plus des victimes fortuites, mais bien des cibles.

Pour vous en donner l'idée, monsieur le président, on évalue à 5 p. 100 le nombre de civils victimes à la fin de la Première Guerre mondiale. À la fin de la Seconde, le pourcentage avait grimpé à environ 48 p. 100, je crois. Aujourd'hui, toutefois, à l'heure même où je vous parle, quelque 90 p. 100 des victimes des conflits en cours dans le monde sont des civils, une conséquence directe du phénomène dont je vous parle.

C'est pourquoi on ne peut plus réagir aux guerres actuelles comme à celles du passé. On ne peut plus dire: «À la guerre comme à la guerre». Il faut changer d'attitude en réaction au changement draconien survenu dans la nature de la guerre, dans les moyens choisis pour la faire et dans sa conduite.

C'est dans ce contexte que les femmes et les enfants sont disproportionnellement touchés. C'est la raison pour laquelle l'assemblée générale a demandé, il y a bien des années déjà, à Mme Graça Machel d'effectuer une étude spéciale qui permettrait de bien cerner le problème. C'est ce qu'elle a fait. Bon nombre d'entre vous connaissent fort bien le rapport de Graça Machel. Après que l'assemblée générale eut adopté le rapport, on a jugé important de nommer un représentant spécial qui se consacrerait non seulement à décrire les problèmes, mais aussi à mobiliser l'action internationale en vue de régler les problèmes relevés par Graça Machel. C'est donc en réalité le mandat que m'ont confié l'Assemblée générale et le secrétaire général.

Quelle sorte d'activité cela laisse-t-il sous-entendre? Mon mandat se traduit par trois grandes activités. La première et peut-être la plus importante est la défense des intérêts publics, c'est-à-dire décrire l'abomination de la guerre et le changement radical survenu dans façon dont elle est faite, puis d'utiliser cette sensibilisation comme tremplin pour inciter à une action avant tout politique.

• 1535

Pourquoi l'action politique? Nous ne manquons pas de moyens juridiques pour réglementer le comportement des parties à un conflit armé. En 50 ans, nous avons élaboré une série des plus impressionnantes de textes internationaux à cet égard. À l'échelle locale, dans beaucoup de ces sociétés, il y avait, s'il n'y en plus, des échelles de valeur locales qui avaient exactement les mêmes objectifs, soit de protéger la population civile, d'épargner les enfants et de faire respecter des règles et des valeurs même en temps de guerre. La tragédie actuelle, c'est que ni les conventions internationales ni les échelles de valeur locales ne sont respectées. Il est devenu courant de les ignorer, de créer une situation où chacun est libre d'agir à sa guise, où les femmes, les enfants, les vieux, les cultures et le bétail sont tous des proies idéales dans la lutte pour le pouvoir.

Voilà la situation telle que nous la vivons aujourd'hui. C'est pourquoi la plus importante mesure que nous pouvons prendre est l'action politique, une action politique concertée, un message envoyé par les pays que la question préoccupe que ce que vous faites aux femmes et aux enfants, même en situation de conflit, a de l'importance, qu'il y a un prix politique à payer sur le plan des relations avec le monde extérieur—l'aide, l'argent, les armes, la reconnaissance politique et diplomatique—qu'elles seront fonction du traitement que vous faites aux femmes et aux enfants sur votre théâtre de conflit.

C'est donc en réalité la plus importante mesure que l'on puisse prendre. J'aurai besoin de l'appui enthousiaste et ferme de nombreux pays, y compris surtout des parlementaires—que vous en fassiez un enjeu du débat politique, que vous posiez des questions à ce sujet à vos ministres, que vous exhortiez le gouvernement à en faire une préoccupation centrale de sa politique étrangère et de ses autres activités, de vos échanges avec d'autres parlementaires. Votre rôle dans ce dossier est donc crucial.

La deuxième activité a trait aux mesures concrètes qui peuvent être prises au beau milieu d'un conflit pour épargner le pire aux enfants. Manifestement, ces mesures varieront d'un théâtre de conflit à l'autre. Il pourrait s'agir d'essayer de rejoindre des populations en détresse, d'évacuer des enfants, de protéger des écoles et des hôpitaux. Quelle que soit la mesure exigée par une situation, il faut nous efforcer de voir ce que nous pouvons faire en vue de protéger les enfants et de passer à l'action.

Troisième et dernière activité, je soulignerai l'importance de réagir avec plus d'efficacité et de manière plus concertée aux besoins d'après-guerre des femmes et des enfants et d'en faire une exigence centrale auprès de ceux qui élaborent les programmes de consolidation de la paix et des programmes après-guerre.

Mme Graça Machel a fait ressortir plusieurs questions dans le rapport. Parmi les thèmes auxquels je travaillerai très fort dans l'immédiat, il y aura certes la question des enfants utilisés dans les hostilités, puis les actes de violence sexuelle commis contre les enfants, surtout les jeunes femmes, l'impact des mines terrestres sur les enfants et, surtout, comment profiter du mouvement que vous avez lancé pour faire en sorte que la sensibilisation aux blessures causées par les mines et aux besoins de réadaptation des victimes profite surtout aux enfants; enfin, il sera question aussi de sanctions, qui de plus en plus s'imposent comme un enjeu important et plutôt explosif, la façon dont les régimes sanctionnés sur différentes scènes de conflit commencent à avoir des effets extrêmement délétères sur les enfants. Pouvons-nous trouver des moyens, des moyens humanitaires, d'agir sans nuire aux objectifs politiques des régimes en place tout en épargnant aux enfants les pires conséquences?

• 1540

Voilà certains des dossiers auxquels je travaillerai. J'espère aussi vivement que le Canada travaillera en étroite collaboration avec moi et d'autres à la promotion de projets comme de faire porter de 15 à 18 ans l'âge limite pour le recrutement de soldats et l'utilisation de personnes dans des conflits et que le Canada travaillera de concert avec moi et d'autres à réclamer avec énergie l'établissement d'une cour criminelle internationale. J'ai discuté de ces questions avec vos ministres aujourd'hui. J'ai besoin de votre appui à cet égard aussi.

En guise de conclusion, monsieur le président, même si la tâche peut paraître particulièrement lourde, j'estime que le pire que nous pouvons faire est d'accepter comme normal le phénomène dont je vous ai parlé, c'est-à-dire d'accepter, à l'aube d'un nouveau millénaire, alors que l'humanité a fait de tels progrès, la brutalité avec laquelle on traite les enfants et les femmes. Il faut se mobiliser pour dire que c'est inacceptable. Il faut trouver des moyens de rendre, avec un peu de chance, notre monde meilleur pour tous les enfants durant le nouveau millénaire, quel que soit l'endroit où ils se trouvent.

Monsieur, je vous remercie.

Le président: C'est nous qui vous remercions vivement, monsieur Otunnu. Certes, nous vous souhaitons franc succès dans cette mission extraordinairement importante.

Certains membres du comité reviennent tout juste de New York, où nous étions hier. Nous avons rencontré divers représentants des Nations Unies et nous avons en fait passé l'après-midi à parler de la cour criminelle internationale. Manifestement, si nous pouvions mobiliser la classe politique pour l'établir et obtenir que les États y souscrivent, ce pourrait bien être une réponse au problème dont vous nous avez parlé aujourd'hui. Je suis entièrement d'accord avec vous.

Il vous faut partir à moins quart, n'est-ce pas? Ai-je bien compris... Nous pouvons continuer pendant quelques minutes encore. Quand ce sera l'heure pour vous d'aller rencontrer le ministre, faites-moi signe. Je vous remercie.

Monsieur Martin.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je serai bref.

Monsieur Otunnu, je tiens à vous remercier d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Je voulais aussi vous remercier, vous, M. Khan et votre personnel, de l'accueil qui m'a été fait lorsque je vous ai rendu visite, il y a trois semaines.

J'ai quelques questions à vous poser. En fait, dans tout ceci, il est question avant tout de prévenir les conflits, n'est-ce pas? Il existe des règles et des règlements qui protègent les enfants en situation de guerre actuellement et, comme vous l'avez si éloquemment dit, ils sont complètement ignorés. Que faites-vous et que pouvons-nous faire pour influencer les organismes internationaux, qu'il s'agisse des Nations Unies, de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, en vue de les convaincre de changer leur orientation en matière de conflit, de passer de la gestion à la prévention, de la reconstruction d'après-guerre... non pas d'ignorer cette reconstruction, mais d'essayer de se concentrer davantage sur les aspects préventifs?

Comme vous l'avez mentionné au sujet de ce qui se passe au Rwanda, en fait dans 30 pays, ce matin, les dirigeants de ces conflits savent à quoi s'en tenir: soit qu'ils paient maintenant, soit qu'ils paieront plus tard. Que faites-vous et que pouvons-nous faire pour essayer d'influer sur ces organismes internationaux afin de bien leur faire comprendre qu'il est dans leur intérêt même de travailler à la prévention de ces conflits dès le début et de recourir aux outils dont nous disposons déjà en fait en vue de prévenir les conflits plutôt que d'attendre que le sang coule?

M. Olara Otunnu: Vous faites valoir un point très important, monsieur Martin. Tout ce que je puis dire, c'est que, jusqu'à tout récemment, il était très difficile de faire comprendre ce message. La plupart des acteurs internationaux avaient l'habitude d'attendre que le conflit se déclare avant d'intervenir. Toutefois, les massacres des récentes années, que ce soit en ex-Yougoslavie, au Rwanda ou en Somalie, les ont peut-être fait réfléchir et ils se sont peut-être rendu compte qu'il fallait miser davantage sur la prévention.

Dans ce contexte, je propose deux choses. Nous avons actuellement une assez bonne idée, dans toute situation donnée, des facteurs et des signes révélateurs qui entraînent un conflit sanglant, que ce soit la répartition grossièrement inégale de la richesse ou la façon dont un groupe particulier assoit son hégémonie politique ou encore la façon dont les démagogues jouent sur la diversité et l'exploitent. Nous en avons une assez bonne idée. Ce qu'il faut, c'est essayer de régler ces problèmes à la source, au tout début, afin de prévenir une situation qui pourrait entraîner des affrontements sanglants.

• 1545

La bonne nouvelle, c'est que la plupart des organismes, y compris les Nations Unies, le PNUD, la Banque mondiale et l'Union européenne, commencent à s'en rendre compte et à s'organiser de manière à agir de façon plus proactive et préventive.

En deuxième lieu, en ce qui concerne plus particulièrement les enfants et les femmes qui sont brutalisés en situation de guerre, j'estime que, si nous réussissions à jeter les bases d'un climat politique au sein duquel il serait clair que pareilles brutalités sont inacceptables et qu'il y aura peut-être un prix politique à payer pour de tels actes, cela aurait en soi une utilité préventive, parce que les belligérants, les groupes armés, qu'il s'agisse de forces étatiques ou non, seront beaucoup plus prudents. Ils ne peuvent en effet se passer des bonnes dispositions et de l'approbation de la communauté internationale à leur égard.

M. Keith Martin: Ce qui est de plus en plus troublant, en dépit de l'actuelle mondialisation et de l'influence de plus en plus grande qu'ont les États-Unis sur la scène mondiale, c'est le protectionnisme qui y prend de l'ampleur. Le vent de protectionnisme souffle très fort au Congrès. Par conséquent, tout ce qui peut être fait pour faire comprendre aux membres du Congrès et du Sénat l'importance du rôle des États-Unis sur la scène internationale—et, que cela leur plaise ou non, l'importance de ce rôle pour leur sécurité, intimement liée à celle des autres pays—serait vivement apprécié. Je vous remercie.

M. Olara Otunnu: Je prends note de ce que vous avez dit. Je vous remercie.

[Français]

Le président: Madame Debien.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur Otunnu, bienvenue à notre comité. Je regardais brièvement le rapport intérimaire que vous avez présenté à la suite du mandat qui vous a été remis concernant la résolution 52107. On y indique que vous poursuivez sept objectifs principaux.

Je suis bien d'accord sur les énoncés qui y figurent ainsi que sur les quatre domaines d'intervention que vous avez énumérés plus tôt, soit les enfants soldats, l'exploitation sexuelle des filles, les mines, ainsi que les sanctions et l'impunité.

Mais il y a un problème qui me préoccupe tout particulièrement, soit toute la question du microdésarmement. Vous savez mieux que moi, et vous l'avez d'ailleurs souligné plus tôt, que depuis la fin de la guerre froide, on constate une augmentation des conflits internes et que c'est là, en général, qu'il y a davantage de morts et de blessés parmi les enfants et femmes en particulier. Est-ce que la question du microdésarmement fait partie de vos préoccupations? Est-ce que c'est un des objectifs sur lesquels vous avez l'intention de travailler? C'est un peu aberrant; les pays aident...

Le président: On me signale qu'il y a un problème et que notre témoin doit partir presque immédiatement. Pouvez-vous terminer rapidement votre question?

Mme Maud Debien: Les pays où surgissent des conflits demandent de l'aide internationale, qu'on fournit généralement et à laquelle Canada participe, mais en même temps, on exporte des armes vers ces mêmes pays. Il y a là une contradiction épouvantable, et le Canada n'est pas vierge à ce niveau. Est-ce que vous avez l'intention de faire de la question du microdésarmement une de vos priorités?

[Traduction]

M. Olara Otunnu: Je vous répondrai sans équivoque par l'affirmative. Comme vous le savez, en réalité, le fait d'avoir en sa possession de très petites armes, que l'on pourrait presque qualifier d'armes miniatures, facilite l'utilisation d'enfants dans des conflits armés. Ces armes sont bon marché, et il est très facile de les passer à la frontière, lors de conflits. Il existe donc un lien très direct entre la disponibilité des petites armes et les actes de brutalité commis contre les enfants et les femmes dans des situations de conflit. Il faut y travailler. Je suis en train de concerter notre action avec celle de divers autres en ce sens.

• 1550

Je vous suis reconnaissant d'avoir souligné le point. Je partage votre préoccupation.

Le président: Je vous remercie beaucoup. Je crois comprendre, monsieur Otunnu, d'après la mine plutôt inquiète de votre entourage, que vous êtes en retard. Au nom du comité, je vous prie à nouveau d'excuser le retard causé par les événements à la Chambre. Nous ne cherchions pas à vous manquer de respect. En fait, nous vous respectons beaucoup et nous respectons certes le travail que vous effectuez. Les membres de notre comité vous appuieront et vous aideront de leur mieux. Nous vous souhaitons de réussir.

M. Olara Otunnu: Je vous remercie, monsieur.

Le président: Le comité s'ajourne jusqu'à 16 h 30. Je rappelle aux membres que nous tiendrons une réunion mixte avec le comité de la défense en vue d'étudier le déploiement des troupes en République centrafricaine.