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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 29 avril 1999

• 0905

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La séance est ouverte. Je commencerai par remercier tous les témoins qui sont venus ce matin.

Comme cela arrive souvent à ces réunions, le nombre de témoins l'emporte sur le nombre de parlementaires. Mais comme je l'expliquais à certains d'entre vous, nous avons scindé notre comité en deux. Certains d'entre nous sont dans l'Ouest, d'autres sont ici en Ontario et encore d'autres sont restés à Ottawa pour monter la garde dans la capitale.

Permettez-moi de vous assurer que malgré tout votre témoignage sera communiqué à l'ensemble du comité et intégré à nos délibérations. Nous avons dû scinder le comité car autrement nous n'aurions jamais pu respecter notre délai du mois de juin.

Je pense que vous savez tous que ces réunions ont pour but de sonder l'opinion des Canadiens sur les facteurs qui devraient être pris en compte lors des négociations sur l'OMC. Si vous avez des opinions sur la création d'un zone de libre-échange des Amériques, cela nous intéresse également. Cette question fait l'objet de réunions distinctes mais il est évident qu'elle est directement liée au problème global des échanges commerciaux.

Je vous remercie infiniment d'être venus et je remercie tout particulièrement Mme Lowry de Kellogg qui, sauf erreur, sera notre hôtesse pour le déjeuner. Les membres du comité n'ont pas manqué de faire des plaisanteries sur ce repas de midi à base de flocons de maïs mais nous verrons bien comment les choses se passeront.

Nous commencerons donc par Mme Curry qui représente les fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada.

Mme Laurie Curry (vice-présidente, Politique publique et affaires scientifiques, Fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada (Toronto)): Bonjour et merci de nous avoir invités.

Les Fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada sont heureux de pouvoir offrir au comité notre perspective sur les priorités de notre secteur à l'égard du commerce et quelques recommandations en vue des prochaines négociations multilatérales agricoles de l'Organisation mondiale du commerce.

Nos commentaires visent deux objectifs: encourager et favoriser la concurrence intérieure et multiplier les possibilités de croissance des exportations.

Je suis accompagnée aujourd'hui de Christine Lowry, la vice-présidente responsable de la nutrition et des affaires internes de Kellogg Canada, une des compagnies membres des FPACC.

L'industrie des aliments et boissons achète 45 p. 100 des produits agricoles vendus par les agriculteurs. Notre objectif est de travailler avec les producteurs pour éliminer du système les coûts inutiles et assurer à tous les maillons de la chaîne d'approvisionnement un maximum de bénéfices. Pour que le secteur agricole survive au Canada, il est essentiel qu'il ait de très solides relations avec ses clients. Le secteur de la transformation des aliments est le plus gros client des agriculteurs et nous devons travailler ensemble.

La situation mondiale évolue rapidement et pour conserver notre niveau d'exportations, pour rester compétitifs, il nous faut tendre à un environnement sans barrière douanière et éliminer toutes les barrières non douanières.

La fabrication d'aliments de première transformation et de deuxième transformation est indispensable à la croissance des exportations agricoles du Canada. La croissance de ce secteur sera le facteur qui déterminera si oui ou non le Canada peut atteindre son objectif de doublement du chiffre des exportations pour les faire passer à 40 milliards de dollars d'ici 2005. Cet objectif a été fixé en juillet 1998 par les ministres fédéral-provinciaux de l'Agriculture sur la base de la vision du Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires.

Selon le CCAC, cet objectif ne pourra être atteint que si l'on inverse le rapport entre les produits agricoles transformés et les produits agricoles non transformés afin que les produits à valeur ajoutée représentent 60 p. 100 des exportations plutôt que les 40 p. 100 actuels. Les FPACC travaillent à l'élimination des barrières douanières et non douanières pour atteindre cet objectif.

Permettez-moi de vous donner une petite idée de la situation de notre industrie. Les FPACC sont une association nationale regroupant plus de 170 sociétés canadiennes qui fabriquent et commercialisent tout un assortiment d'aliments et de produits de consommation vendus au détail par les épiceries, les pharmacies, les dépanneurs, les grandes surfaces et les réseaux de distribution. Les membres des FPACC représentent quelque 75 p. 100 du chiffre d'affaires de tous ces secteurs. Nous sommes heureux de savoir que tout à l'heure vous aurez la possibilité de vous faire une idée directe des méthodes de travail d'un de nos membres lorsque vous visiterez les installations de Kellogg Canada Inc.

L'industrie canadienne des aliments et des boissons est un élément important de notre économie nationale. En 1997, cette industrie a généré plus de 15 milliards de dollars du PIB, c'est-à-dire plus de 12 p. 100 du PIB manufacturier du Canada. J'ai rappelé tout à l'heure qu'elle achetait 45 p. 100 des produits agricoles canadiens et que ses exportations représentaient plus de 11,5 milliards de dollars. Elle emploie directement 250 000 Canadiens dans toutes les régions du Canada. De plus, notre secteur crée trois fois ce nombre sous forme d'emplois indirects partout au Canada.

Il reste que l'avenir de notre secteur n'est nullement garanti. Il est tout à fait possible que l'industrie de fabrication de produits destinés à la consommation ait atteint ses limites au Canada. Nous sommes à la croisée des chemins. La croissance est possible et certaines décisions prises par le gouvernement peuvent avoir une influence positive.

• 0910

Qu'est-ce qui peut limiter la croissance? Il y a en réalité deux choses principales qui peuvent la limiter si rien n'est fait. La première, c'est la réglementation actuelle qui entrave la compétitivité, et la croissance de l'industrie. Soyons clairs. Nous ne demandons pas l'élimination des règlements mais simplement leur mise à jour et leur modernisation.

La deuxième est la réduction et l'élimination éventuelle des barrières non tarifaires. Le recours aux barrières non tarifaires comme mesure protectionniste nous empêche de tirer pleinement profit de la réputation du Canada à titre de producteur de matières premières alimentaires et agricoles de première qualité. Par exemple, au Canada nous ne pouvons vanter les mérites de certains produits pour la santé pas plus que nous ne pouvons enrichir nos produits de la même manière que le font les États-Unis, notre principal partenaire commercial.

Les FPACC appuient l'idée de la mise en place pour le commerce, comme objectif clé pour le Canada, d'un ensemble de règles à caractère scientifique. Dans des domaines comme les mesures sanitaires et phytosanitaires et la biotechnologie, la prise en compte de facteurs non scientifiques donnerait aux pays la possibilité de prendre des mesures commerciales discriminatoires et non justifiables à l'égard des produits alimentaires.

Quelle est alors la place du libre-échange? Nos membres estiment que l'ALENA a ouvert la porte à des débouchés commerciaux importants en Amérique du Nord. Actuellement, 85 p. 100 du total de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis. La croissance des exportations est une priorité pour nos membres et elle représente une priorité encore plus élevée pour les compagnies à majorité canadienne.

Le gouvernement canadien n'a pas réagi activement aux possibilités que lui offrait le libre-échange. En d'autres termes, le Canada ne pousse pas suffisamment le dossier pour que soient établies des normes communes ou qu'il y ait une reconnaissance mutuelle de nos règlements avec notre principal partenaire commercial, les États-Unis.

La réforme fondamentale de l'environnement commercial est non seulement souhaitable, elle est inévitable. Le gouvernement a ouvert pour la libéralisation des échanges, une voie favorable à la production agricole, en particulier, secteur fort du Canada. La récente faiblesse des prix mondiaux des marchandises a bien fait ressortir la nécessité d'augmenter la fabrication à valeur ajoutée au Canada afin de produire des rendements plus favorables pour nos producteurs et d'exploiter à fond les principales retombées économiques d'une production à valeur ajoutée.

Cependant, pour créer des débouchés pour nos propres produits à valeur ajoutée, nous devons être ouverts à l'idée d'une réduction des tarifs à l'importation. Ce compromis est nécessaire si nous voulons multiplier nos possibilités d'accès au marché.

Si le Canada veut retrouver sa place perdue de grand exportateur agricole, il doit d'abord commencer par être plus compétitif chez lui. Nous faisons cinq recommandations. Premièrement, il nous faut délaisser une politique agricole strictement axée sur les prix à la production au profit de l'ensemble des membres de la chaîne des approvisionnements agricoles.

Deuxièmement, il nous faut chercher activement à diminuer et à éliminer les tarifs agricoles par l'intermédiaire de l'OMC, non seulement sur les marchandises, mais aussi sur les aliments transformés. L'orge par opposition à la bière, par exemple.

Troisièmement, il nous faut prévoir sans délai une période de transition vers l'élimination des barrières tarifaires. Il nous faut veiller à ce que les producteurs canadiens puissent s'adapter à un nouvel environnement commercial.

Quatrièmement, il nous faut admettre que les États-Unis représentent le principal marché d'exportation des aliments pour le Canada et chercher des occasions, par le biais de l'ALENA, de diminuer les obstacles commerciaux nord-américains afin de donner un exemple fort à l'OMC.

Cinquièmement, il nous faut faire activement pression pour mettre en place des règles à caractère scientifique pour le commerce des produits alimentaires, particulièrement pour les mesures sanitaires et phytosanitaires et les produits qui renferment des organismes génétiquement modifiés.

Que donneront ces mesures d'ici les 10 prochaines années? Nous croyons pouvoir doubler le chiffre de nos exportations d'aliments et de boissons pour passer de 11,8 milliards de dollars à 20 milliards de dollars d'ici 2008 grâce à une compétitivité accrue. Nous pourrions également faire progresser nos ventes de produits agricoles de 38 p. 100 ce qui nous ferait passer de 13 milliards de dollars actuels en 1998 à 18 milliards de dollars en 2008 et entraînerait la création de 35 000 à 72 000 emplois supplémentaires très bien rémunérés.

Les membres des FPACC croient à l'existence d'excellentes possibilités de croissance du secteur de la fabrication des aliments et des boissons à condition de procéder aux changements nécessaires et d'unir nos efforts à ceux des producteurs agricoles pour mettre en place un secteur agroalimentaire très concurrentiel. Si nous relevons ce défi, l'économie ne pourra que croître.

Encore une fois, merci de nous avoir invités. Nous nous ferons un plaisir de participer au dialogue.

Le président: Merci beaucoup, madame Curry.

Nous passons maintenant à l'Ontario Soybean Growers' Marketing Board. Monsieur Brandenburg.

• 0915

M. Fred Brandenburg (secrétaire gestionnaire, Ontario Soybean Growers' Marketing Board): Merci, monsieur le président. Nous sommes heureux d'être ici. J'apprécie certainement à sa juste valeur la possibilité de rencontrer les membres du comité permanent tout comme votre venue dans le sud de l'Ontario.

M. McCreery est notre président et nous l'avons arraché à son champ pour qu'il vienne vous rencontrer. Je suis vraiment heureux qu'il ait pu se rendre libre.

J'aimerais commencer par vous faire un petit historique sur l'Ontario Soybean Growers' Marketing Board. Notre établissement remonte à 1949, nous célébrons donc notre 50e anniversaire cette année. Nous représentons plus de 25 000 producteurs de soja dans la province de l'Ontario. Notre mission consiste à développer et à promouvoir un milieu industriel sain qui permet d'assurer la viabilité et la rentabilité des producteurs de soja de l'Ontario.

Le soja représente la culture commerciale la plus importante de l'Ontario. En 1998, les fermiers de l'Ontario ont produit 2 340 000 tonnes de soja, 85 p. 100 de la production canadienne. Nous sommes membres de la Canadian Alliance of Agri-Food Exporters et nous préconisons donc un commerce international plus libre, plus équitable et plus ouvert dans le cadre d'accords commerciaux régionaux et de l'Organisation mondiale du commerce.

Maintenant, il serait bon que je vous dise quelques mots sur notre système de commercialisation du soja car il diffère de certains des autres systèmes de commercialisation du pays. Le soja canadien est commercialisé en vertu des principes du libre marché. Il n'y a aucun tarif ni aucune restriction sur l'importation de soja au Canada. C'est un marché totalement ouvert. Notre office n'est pas non plus propriétaire du soja et n'en fixe pas les prix. La structure de notre office de commercialisation est donc très différente de celle de nombre des autres offices du pays.

Les pouvoirs de l'office se limitent à la délivrance de permis aux acheteurs de soja et à la négociation annuelle d'une entente de commercialisation qui fixe les condition de ventes. Les prix du soja canadien sont établis en fonction de la valeur du marché mondial. Les producteurs sont libres de vendre leur soja en tout temps, à n'importe quel négociant en grain ontarien détenant un permis ou directement sur les marchés d'exportation. Nos négociants en grain d'ailleurs peuvent eux aussi après avoir acheté le soja le revendre à des transformateurs ontariens ou directement sur les marchés d'exportation.

Au cours des 20 dernières années, la production et à l'exportation du soja canadien et des produits dérivés du soja ont augmenté rapidement et, au cours de cette même période, les importations de soja ont chuté de 60 p. 100. J'ai un tableau ici qui vous donne une idée des changements qui se sont produits. La production de soja a plus que quadruplé au cours des 20 dernières années et c'est en grande partie dû à l'accessibilité des marchés. Nous n'oublions pas le mérite qui revient au gouvernement fédéral d'avoir grâce à son programme de R-D mis au point des variétés de soja qui peuvent être cultivées dans le sud de l'Ontario et maintenant au Québec et nous pensons que d'ici peu de temps le soja deviendra une récolte importante pour les Prairies et l'est du Canada. Tout le mérite en revient au fédéral et nous n'hésitons pas à le dire.

Les exportations de soja ont augmenté de près de 900 p. 100 encore une fois, c'est dû à l'augmentation de la production mais aussi à une augmentation non négligeable du marché. Encore une fois, le mérite en revient en grande partie à l'aide du gouvernement fédéral. Nous avons surtout consacré une grande partie de nos efforts à la recherche de nouveaux marchés pour le soja de qualité supérieure, surtout en Asie. Nous avons aussi constaté le développement d'un marché important en Europe au cours des dernières années. C'est un marché pour le soja de qualité supérieure. Nous obtenons de meilleurs prix que pour nos produits destinés à la consommation intérieure. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les importations de soja ont chuté. Notre consommation intérieure a pratiquement augmenté de 200 p. 100.

Les exportations d'huile de soja ont pratiquement augmenté de 800 p. 100. C'est une des conséquences de l'accord commercial Canada-États-Unis. Avant cet accord les exportations d'huile de soja étaient pratiquement non existantes à cause des subventions à l'exportation offertes par l'Union européenne et les États-Unis pour les huiles végétales. Nos transformateurs canadiens ne pouvaient se battre que sur le marché intérieur qui n'est pas très important. Avec l'ouverture du marché américain, les exportations d'huile de soja et aussi d'huile de canola vers les États-Unis se sont multipliées. Les importations d'huile de soja n'ont pas beaucoup changé. Elles sont restées relativement stables.

• 0920

Les exportations de tourteaux de soja ont augmenté d'environ 50 p. 100 et les importations de tourteaux de soja ont aussi augmenté et c'est la conséquence de la croissance de nos marchés de vente de bétail au Canada et de la valeur qu'ils accordent aux tourteaux de soja pour nourrir leurs animaux.

Pour ce qui est de nos objectifs pour les négociations de l'OMC, nous avons préparé de concert avec les transformateurs et les producteurs d'oléagineux un mémoire sur nos objectifs en vue des négociations de l'OMC. Ce mémoire, intitulé «Énoncé de la politique commerciale des objectifs de négociation de l'industrie canadienne des oléagineux» a été entériné par notre office ainsi que par la Canadian Canola Growers Association, le Conseil canadien des producteurs de canola et la Canadian Oilseed Processors Association. Je l'ai annexé à notre document. Nous vous l'avons envoyé il y a deux semaines, certains d'entre vous ont peut-être eu l'occasion déjà de le lire. Je me contenterai de mettre en avant certains des aspects importants de ce mémoire en mettant tout particulièrement l'accent sur le soja.

La vision de l'industrie des oléagineux en matière de commerce est fondée sur la proposition «équité zéro-zéro». L'option zéro-zéro vise l'élimination de tous les obstacles à l'accès aux marchés et de toutes les subventions à l'exportation des oléagineux et produits dérivés. Cette proposition a été unanimement appuyée ici au Canada par tous les intervenants de l'industrie des oléagineux. Elle est également appuyée par un grand nombre de pays membres de l'OMC qui produisent et exportent des oléagineux et produits dérivés.

L'objectif visé par l'option zéro-zéro dans les oléagineux et produits dérivés consiste à éliminer les effets néfastes du protectionnisme sur le commerce et à favoriser l'existence d'avantages comparatifs et l'efficacité dans la production, le tout régi par des règles justes et équitables pour tous et applicables par l'OMC. C'est là l'objectif de l'industrie des oléagineux en vue des prochaines négociations de l'OMC.

Permettez-moi maintenant d'aborder quelques problèmes plus spécifiques. L'accès aux marchés est un des plus importants. L'industrie des oléagineux au Canada vise l'élimination de toutes barrières tarifaires et non tarifaires dans l'accès aux marchés afin d'augmenter son potentiel de production, de transformation et d'exportation d'oléagineux et produits dérivés. La politique commerciale de l'option zéro-zéro vise l'élimination de tous les obstacles à l'accès aux marchés, ainsi que l'élimination des systèmes tarifaires progressifs et discriminatoires. Elle vise également l'application de règles transparentes et uniformément appliquées pour le contrôle des permis et des contingents d'importation, le tout soumis à une administration équitable et efficace par l'OMC.

La position du gouvernement du Canada, c'est que les subventions à l'exportation des produits agricoles doivent être éliminées. L'industrie canadienne des oléagineux appuie cette position dans son option zéro-zéro et cherche également à mettre fin à toutes les subventions à l'exportation et aux traitements fiscaux préférentiels qui ont des effets sur le prix de vente des produits exportés et sur l'équité en matière de commerce. En outre, l'utilisation de crédits à l'exportation et d'aide alimentaire liée doit être contrôlée et doit être soumise à des règles claires et applicables par l'OMC. Nous estimons que certains de ces programmes de crédits à l'exportation sont en réalité des subventions à l'exportation déguisées.

En matière de soutien national, nous estimons que la position canadienne de négociation doit rééquilibrer les dispositions relatives aux exemptions et aux réductions. Certains des objectifs particuliers devraient inclure des règles de l'OMC qui permettent de définir des programmes écologiques de façon uniforme. Nous avons constaté que certains pays avaient tendance à abuser de cette définition. Nous aimerions également un niveau limité de soutien aux programmes écologiques; et nous voulons une réduction additionnelle du niveau de dépenses permises pour le soutien national, dont les effets sur le commerce sont pervers.

Nous aimerions une élimination totale de la catégorie «boîte bleue» dans les programmes de soutien nationaux. Nous aimerions également voir des niveaux maximums ou des plafonds imposés aux programmes de soutien portant sur un produit en particulier.

Les mesures sanitaires et phytosanitaires doivent continuer à se fonder sur la science afin d'éviter que ces mesures ne servent de barrières non tarifaires. Ce qui se passe dans le domaine des organismes génétiquement modifiés ou des produits qui ont été génétiquement modifiés nous inquiètent et nous aimerions beaucoup que ces règles se fondent sur la science afin de ne pas être transformées en barrières tarifaires. Certaines exportations canadiennes et d'autres exportations ont connu des difficultés provoquées par ces problèmes de modification génétique.

• 0925

Quoi qu'il en soit, l'Ontario Soybean Growers' Marketing Board n'est pas en faveur de la réouverture de l'entente de l'OMC sur le commerce sanitaire et phytosanitaire. Pour la simple raison que nous craignons que certains pays n'essaient d'imposer des mesures non fondées sur des données scientifiques.

Pour ce qui est de l'impact d'un régime d'équité zéro-zéro, un certain nombre d'analyses économiques du secteur des oléagineux sont résolument en faveur de la vision des producteurs et des transformateurs canadiens d'oléagineux. En 1998, Agriculture et Agroalimentaire Canada a fait une étude sur la «libéralisation du commerce international des oléagineux». Selon sa conclusion, dans tous les scénarios analysés, les producteurs et les transformateurs d'oléagineux canadiens profiteraient d'une libéralisation du commerce. Pour vous donner de simples chiffres, selon cette étude la moyenne des prix mondiaux pour les huiles végétales augmenterait de 6 p. 100 pour le tourteau protéique de 2 p. 100 et pour les graines non traitées de 2 p. 100 aussi.

En 1999 une étude avait déjà été publiée par le Centre George Morris de Guelph intitulée «Net Benefits to the Canadian Economy of Increased Agricultural Trade Liberalization under the WTO». Elle indique que le revenu agricole net tiré du soja et du canola augmenterait de façon significative si l'option zéro-zéro était adoptée et que les revenus de l'industrie de la transformation provenant des ventes au pays et à l'étranger de canola et de tourteaux et d'huile de soja augmenteraient également.

L'étude envisageait deux scénarios différents. Dans le premier l'élimination de ces contrôles sur une période de 20 ans et dans le deuxième sur 10 ans. L'étude prévoyait un bénéfice annuel de 32 millions de dollars par année pour le soja sur 20 ans. Cependant, sur 10 ans, le bénéfice était de 75,5 millions de dollars par an. Pour le canola—l'autre oléagineux du Canada—le bénéfice serait de 161 millions de dollars par an sur 10 ans ou de 486 millions de dollars sur 20 ans. Les bénéfices nets pour le canola et le soja étaient de 192,7 millions de dollars par an sur une période d'élimination de 20 ans ou de 561 millions de dollars par an sur 10 ans.

Il est clair que les producteurs de soja et de canola, de même que les transformateurs d'oléagineux et l'économie canadienne en général, bénéficieraient d'une libéralisation complète du commerce qui tiendrait compte de l'option d'équité zéro-zéro. Nous pressons le gouvernement du Canada d'accorder la priorité à l'atteinte des objectifs de l'option zéro-zéro lors des prochaines négociations de l'OMC sur l'agriculture.

Au nom de l'Ontario Soybean Growers' Marketing Board, nous remercions le comité permanent de nous avoir donné l'occasion de venir exprimer notre point de vue.

Le président: Merci, monsieur Brandenburg.

Nous passons maintenant à l'Ontario Wheat Producers' Marketing Board.

M. William McClounie (directeur général, Ontario Wheat Producers' Marketing Board): Au nom de l'Ontario Wheat Producers' Marketing Board, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités à venir vous exposer le point de vue de nos membres. Je m'appelle William McClounie, je suis le directeur général de l'Ontario Wheat Producers' Marketing Board. Je suis également membre du groupe de consultation sectorielle sur le commerce extérieur pour l'agriculture et l'agroalimentaire.

Notre exposé d'aujourd'hui sera conjoint. Jim Whitelaw, gérant de la mise en marché de l'Ontario Wheat Producers' Marketing Board, parlera de certificats d'utilisation finale. Je parlerai, quant à moi, de ce qui nous préoccupe en ce qui concerne l'OMC. Nous partageons les opinions de M. Brandenburg au sujet des questions qu'il a soulevées dans son exposé. L'avantage des alliances de producteurs qui cultivent la même chose est que nous avons les mêmes problèmes et les mêmes préoccupations.

L'exposé que je vais vous faire soulignera la valeur et l'importance de l'agriculture ontarienne pour l'économie du pays. Je parlerai ensuite de la Canadian Alliance of Agri-Food Exporters. Nous vous avons remis notre mémoire au complet et je vais me contenter de vous en souligner les principaux points.

• 0930

Nous sommes très différents de la Commission canadienne du blé. Nous représentons 18 000 producteurs de blé de l'Ontario. Nous leur offrons un guichet unique. Nous commercialisons tout le blé pour le compte des producteurs, nous achetons le blé aux producteurs, nous gérons des comptes de mise en commun et nous vendons du blé pour les producteurs. La principale fonction de Jim Whitelaw consiste à faire ces ventes. La valeur de nos récoltes se chiffre aux environs de 200 millions de dollars par an. Environ 40 p. 100 de ce blé est utilisé dans les minoteries du pays, 48 à 50 p. 100 est vendu sur le marché des États-Unis et le reste est vendu sur le marché étranger.

Notre dépendance vis-à-vis des exportations, principalement vers les États-Unis et aussi vers l'étranger, est donc très importante. C'est vrai aussi pour notre dépendance vis-à-vis de nos clients de l'industrie ontarienne. Il y a une importante industrie de transformation dans la province dans le domaine de la farine, de la boulangerie et des biscuits.

L'agriculture et les exportations de l'Ontario revêtent donc une importance cruciale pour l'économie de la province, mais aussi pour le Canada. L'Ontario dépasse de loin toutes les autres provinces. Selon les renseignements fournis par Agriculture Canada pour la période janvier à février 1998, l'Ontario a été la source de près de 30 p. 100 des exportations agroalimentaires canadiennes. Cela représente 40 p. 100 de plus que la province qui se classe deuxième, l'Alberta. Les exportations ontariennes ont augmenté de 9,5 p. 100 en 1998.

Le Canada a dû réduire le niveau de son soutien indirect de 20 p. 100 par rapport au niveau de 1986-1988. C'était à la suite de nos négociations dans le cadre de l'Uruguay Round. Vous savez sans doute que le Canada a largement répondu à ses obligations en ce qui concerne ses programmes de soutien qu'il a réduit de 85 p. 100. Le Canada a d'excellents programmes de soutien indirect comme le CSRN, l'assurance-récoltes et l'assurance-revenus commerciaux, qui sont particulièrement importants pour les producteurs de l'Ontario. Ces programmes sont essentiels pour assurer la survie, le soutien et la croissance des producteurs de céréales et d'oléagineux de la province en soutenant leurs revenus et en permettant à notre industrie de la fabrication d'obtenir les produits dont elle a besoin.

Pour ce qui est des conseils que nous pouvons donner aux négociateurs canadiens, il faudrait que le Canada s'aligne résolument sur le groupe de Cairns, ce qui lui permettrait d'atteindre des objectifs similaires. Les priorités en ce qui touche l'expansion du commerce devraient porter sur les produits à valeur ajoutée. Ces produits représentent un potentiel de croissance beaucoup plus important de même que des emplois supplémentaires dans le secteur rural.

Le commerce des produits agroalimentaires fabriqués à partir de cultures génétiquement modifiées—dont M. Brandenburg a parlé tout à l'heure—sera un important dossier dans les prochaines négociations. Il reste à déterminer si ces discussions doivent se dérouler dans le cadre de l'accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires ou faire l'objet d'un accord entièrement distinct. Les produits génétiquement modifiés suscitent de sérieuses inquiétudes. Pour ce qui est des certificats d'utilisation finale, Jim va vous en parler. Je vais simplement passer en revue le reste de notre mémoire.

La Canadian Alliance of Agri-Food Exporters—une organisation que vous connaissez tous, j'en suis sûr—regroupe les principaux producteurs agricoles et fabricants de produits agroalimentaires qui met en lumière les préoccupations des exportateurs. Pour ce qui est de leur importance pour l'économie canadienne, en 1996, les exportations agroalimentaires se sont chiffrées à 18,8 milliards de dollars et représentaient 7,1 p. 100 de la totalité des exportations canadiennes. À titre d'exemple, en Ontario, nos marchés d'exportation ont évolué énormément au cours des 10 dernières années. Au départ, nous vendions le tiers de notre production sur le marché national et les deux tiers sur le marché étranger, dont une faible proportion aux États-Unis.

La situation a changé radicalement. Comme je l'ai déjà mentionné, nous vendons maintenant 40 p. 100 de notre production sur le marché intérieur en raison de l'augmentation de la capacité des minoteries ontariennes et de la croissance de nos exportations à valeur ajoutée vers les États-Unis. Nous vendons également la matière première aux États-Unis de même qu'aux autres pays.

Pour ce qui est des négociations, il est évident qu'elles devraient être aussi complètes que possible. Il faudrait entreprendre des négociations à grande échelle afin d'obtenir des avantages importants pour l'agriculture canadienne et, surtout, l'agriculture ontarienne.

Pour ce qui est de l'accès aux marchés, il faudrait obtenir le plus grand élargissement possible des dispositions sur l'accès minimum. Nous estimons qu'il faudrait éliminer les droits intra-contingent, réduire au maximum les tarifs en dehors des contingents tarifaires; réduire le plus possible la progressivité tarifaire sans nouvelle application de cette dernière, qui peut faire du tort aux produits à valeur ajoutée et mettre en place des règles claires, efficaces et contraignantes pour l'administration des contingents tarifaires.

• 0935

En ce qui concerne les subventions à l'exportation, comme toutes les organisations du pays, nous sommes pour leur élimination. Ce sera là un dossier important lors des négociations, surtout avec l'Union européenne. À la fin des années 80, les subventions à l'exportation ont entraîné des pertes pour nos producteurs. Nous avons dû vendre nos produits sur le marché d'exportation à environ 40 $ de moins la tonne que sur le marché intérieur à cause de ces subventions. En fait, elles réduisent le revenu des producteurs. Les producteurs subventionnent de leurs propres poches les ventes sur les marchés concurrents.

Pour ce qui est des subventions et du soutien intérieur, nous devrions chercher à obtenir une nouvelle réduction des montants de subventions autorisées qui ont un effet néfaste sur le commerce. Néanmoins, comme je l'ai déjà mentionné, le Canada a réduit de 85 p. 100 le niveau de ses mesures de soutien intérieur. Nous avons donc largement contribué à réduire notre soutien à l'agriculture canadienne.

À propos des mesures sanitaires et phytosanitaires, nous sommes d'accord avec M. Brandenburg pour dire qu'il faudrait établir des règles claires à cet égard ainsi que pour les produits de la biotechnologie.

Comme je sais que nous manquons de temps, je vais m'arrêter là et céder la parole à M. Whitelaw. Il vous parlera des certificats d'utilisation finale.

M. Jim Whitelaw (gérant de la mise en marché, Ontario Wheat Producers' Marketing Board): Bonjour.

Depuis 1987, l'article 705 concernant l'accès aux marchés des céréales et des produits céréaliers de l'accord de libre-échange prévoyait un certificat d'utilisation finale pour le Canada seulement. Cela visait avant tout à empêcher que du grain américain entre au Canada et en reparte comme exportation canadienne.

L'accord a été changé radicalement en 1995. Le Canada a maintenu le certificat d'utilisation finale, dont le seul rôle était, comme je l'ai dit, d'empêcher du grain américain de se retrouver dans les exportations canadiennes. Si les minoteries importaient du blé, l'application de l'accord n'était pas surveillée. On supposait que si ce blé était destiné à une usine de transformation nationale, il faisait l'objet d'une vérification. Il n'y avait pas d'autre contrôle.

Depuis les modifications apportées en 1995, les États-Unis ont maintenant un certificat d'utilisation finale, un document que l'exportateur canadien doit présenter aux autorités compétentes des États-Unis. L'acheteur de ce blé doit déposer le certificat à son tour dans un certain délai pour déclarer l'utilisation faite du produit. Au départ, cela n'imposait pas d'exigence excessive aux parties. Néanmoins, depuis mars 1995, nos clients américains à qui nous vendons du blé nous disent qu'ils doivent passer au moins huit heures par semaine à remplir des documents uniquement pour le blé qu'ils achètent en Ontario, ce que nous considérons comme une exigence trop lourde.

Aux États-Unis, la National Association of Export Companies et le National Grain Trade Council, de Washington, sont d'accord pour renoncer au certificat si le Canada y renonce. J'ai rencontré les deux groupes.

L'Ontario Wheat Producers' Marketing Board—je ne parlerai pas des exportations de blé de l'ouest, mais seulement de celles de l'Ontario—ne vend pas de blé aux États-Unis sur le marché céréalier. Nous vendons directement aux usines de transformation américaines qui, à leur tour, vendent des millions de kilos de produits aux consommateurs canadiens. Il est question ici de blé ontarien qui est vendu directement au secteur de la fabrication des États-Unis et qui revient au Canada.

Cela devrait suffire. Chaque pays a le droit de surveiller ses importations et ses exportations comme nous le faisons actuellement à nos frontières. Il n'est pas nécessaire pour le moment d'imposer ce fardeau supplémentaire. Les postes frontières recueillent suffisamment de données qui sont fournies à Ottawa, à Statistique Canada, pour surveiller les entrées et les sorties de blé. Le certificat d'utilisation finale est donc un document secondaire qui fait figure de barrière commerciale dans le cas du petit fabricant des États-Unis.

• 0940

L'Ontario Wheat Producers' Marketing Board vend à plus de 38 fabricants des États-Unis, dont certains sont des usines relativement petites de l'État de New York qui fabriquent des pretzels ou d'autres produits de ce genre et qui n'ont pas le personnel et les compétences voulus pour remplir ce document et le soumettre dans le délai de 10 jours prescrit.

Si nous avons une bonne raison de comparaître devant votre comité, c'est pour demander que le Canada envisage sérieusement, lors de la prochaine série de négociations, de renoncer au certificat d'utilisation finale et, si nécessaire, de renforcer le contrôle à la frontière pour ce qui est des données que recueillent les douanes. On impose deux documents pour le blé alors que les autres exportations de maïs ou de fèves soja entre l'Ontario et les États voisins ne sont pas soumises à cette exigence. Cela impose un lourd fardeau à nos agents qui acheminent ce blé vers les États-Unis, mais surtout à nos clients qui l'achètent dans les États voisins.

Le président: Merci.

Monsieur Whitelaw, avant que nous ne passions au témoin suivant, pourrais-je avoir un mot avec vous tout à l'heure? Il y a une réunion du groupe interparlementaire Canada-États-Unis... Je ne sais pas si Jean y va parfois. Jerry, je ne sais pas si vous y allez ou si quelqu'un d'autre y va. Je crois, Maud, que vous êtes parfois allée à la réunion Canada-États-Unis, mais c'est le genre de question dont nous discutons.

La plupart de ces dossiers ont le Congrès comme point de départ. Par conséquent, si nous pouvions inscrire cette question à l'ordre du jour d'un des groupes—nous avons trois groupes qui se réunissent pour discuter de questions différentes, mais l'un d'entre eux porte sur les questions commerciales et les barrières non douanières entre le Canada et les États-Unis. Si nous pouvions obtenir l'appui d'une alliance de membres de Congrès des États du nord, ce serait très utile. Mais nous aurions besoin de résumés d'une page. Cela figure dans votre mémoire, mais si je pouvais obtenir un résumé d'une page et inscrire cette question à l'ordre du jour de la réunion qui aura lieu cette année à Québec, en mai, je crois que ce serait une bonne chose.

M. Jim Whitelaw: Nous allons le faire.

Le président: D'accord.

Le prochain groupe est l'Association des producteurs de maïs de l'Ontario.

M. Dennis Jack (premier vice-président, Association des producteurs de maïs de l'Ontario): Je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole ce matin. Je m'appelle Dennis Jack, premier vice-président de l'Association des producteurs de maïs de l'Ontario. Je suis accompagné de Terry Daynard, vice-président exécutif.

L'Association des producteurs de maïs de l'Ontario représente 21 000 agriculteurs qui cultivent et vendent du maïs en Ontario. La valeur de la récolte cultivée s'élève à près d'un milliard de dollars par année, ce qui comprend le maïs donné en nourriture sur les exploitations agricoles où il est cultivé ainsi que le maïs-grain vendu commercialement. Même si une quantité aussi énorme qu'un million de tonnes de maïs-grain a été exportée de l'Ontario au cours de certaines années, notre association préfère exporter les produits du maïs transformé dont la variété comporte plusieurs milliers de produits. Parmi les plus importantes exportations, mentionnons les édulcorants à base de maïs, les produits en papier et en carton pour lesquels l'amidon de maïs fournit à la fois l'encollage et la colle, les boissons, les aliments préparés, les produits de la viande et autres produits du bétail, ainsi qu'un grand nombre d'autres produits de consommation comme la pâte dentifrice, les produits de beauté, les produits pharmaceutiques et même les pièces d'automobile.

Étant donné que la frontière Canada-États-Unis est grande ouverte aux exportations de maïs, le maïs traverse simultanément la frontière dans les deux sens, tout comme entre les États américains et entre les provinces canadiennes. Les États-Unis sont le plus important importateur de produits du maïs et de maïs cultivé en Ontario et le principal exportateur de maïs vers le Canada. Cependant, le maïs de l'Ontario est exporté régulièrement vers plusieurs autres pays. Les producteurs de maïs de l'Ontario ont l'habitude d'être en concurrence directe avec le principal pays producteur de maïs au monde.

L'Ontario est le plus important producteur de produits agricoles et alimentaires au Canada et le principal exportateur de produits agroalimentaires. De plus, en Ontario, les exportations représentent un pourcentage plus élevé du PIB que dans toutes les autres provinces agricoles de l'Ouest. Il est donc tout à fait indiqué que le Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international discute des questions relatives au commerce à London, en Ontario, le centre d'un des secteurs les plus importants et intensifs de la production agroalimentaire en Amérique du Nord.

L'imminent cycle de négociations commerciales du millénaire dans le domaine de l'agriculture est de la plus haute importance pour les agriculteurs de l'Ontario. En ce qui concerne les innombrables questions qui seront soulevées, l'Association des producteurs de maïs de l'Ontario aimerait souligner les éléments suivants.

• 0945

Il faut accorder une grande priorité à l'expansion des marchés pour les produits agroalimentaires canadiens à l'échelle internationale. Cet aspect est tout particulièrement important en ce qui concerne les exportations de produits à valeur ajoutée. Même si les exportations de produits agricoles en vrac comme les grains sont également importantes, le marché mondial de l'exportation des grains n'a pas pris d'essor au cours des deux dernières décennies, contrairement à ce qui se produit dans le cas des produits à valeur ajoutée.

Le Canada n'occupe pas une place dominante à l'échelle internationale et devrait tenter d'accroître son influence en formant des alliances avec d'autres pays semblables. Le groupe de Cairns est tout à fait indiqué dans ce cas.

Il faut mettre fin aux programmes d'exportation et aux programmes de subventions des «boîtes bleues» L'Union européenne, en particulier, a eu considérablement recours à ces deux types de programmes depuis la fin du Cycle d'Uruguay en 1994, et ce au détriment des agriculteurs canadiens.

Il faut également accorder une grande attention aux programmes du subventions nationaux américains tout particulièrement en ce qui concerne les grains et les oléagineux. Malgré les demandes formulées par le secrétaire américain de l'Agriculture à l'effet contraire lors d'une importante conférence sur le commerce agricole qui a eu lieu à Ottawa, il y a dix jours, il est bien évident que ces subventions agissent comme des programmes directes de soutien des prix, qu'elles ont augmenté considérablement au cours des six derniers mois et qu'elles ont une grande incidence sur les plans de plantation de cultures offerts aux agriculteurs américains.

L'aide financière qu'offre le gouvernement américain aux producteurs de maïs est beaucoup plus importante que celle offerte aux agriculteurs de l'Ontario. Si vous le permettez, je voudrais faire une petite digression au sujet des programmes de soutien américains qui sont peut-être aussi importants que ceux des Européens.

Je suis un agriculteur du sud-ouest de l'Ontario. J'ai un frère qui exploite une ferme aux États-Unis, à trois heures au sud de Memphis, au Tennessee, dans le delta du Mississippi. Il cultive environ 4 000 acres. Son oncle favori, l'oncle Sam, soutient son exploitation agricole à raison de 80 $US l'acre pour une superficie d'un peu plus de 4 000 acres. Si vous savez calculer, étant donné que 80 $US au taux de change actuel donnent environ 120 000 $CAN, pour 4 000 acres, c'est près d'un demi-million de dollars que le gouvernement américain investit dans son exploitation agricole.

Ce n'est peut-être pas une pratique de distorsion, mais cela confère certainement à cette exploitation agricole et à bien d'autres agriculteurs des États-Unis la possibilité de réaliser un profit et de poursuivre leurs activités. Cela fait du tort à la concurrence et, dans ce cas, la concurrence c'est nous.

Même si certaines personnes ont proposé de déployer des efforts encore plus considérables lors du prochain cycle de négociations sur le commerce, en définissant mieux les distinctions qui existent entre le Programme de soutien du revenu orange et le Programme vert dans le domaine de l'agriculture, tous les programmes de soutien du revenu exercent une certaine influence sur la production et la commercialisation. Il serait peut-être préférable de continuer à imposer des limites sur l'ensemble des niveaux de soutien du revenu à l'échelle nationale ou des mesures globales de soutien dans le domaine de l'agriculture et de réserver le titre «vert» aux programmes axés sur la recherche, le contrôle de la qualité, les améliorations de l'environnement et les autres programmes semblables.

Les barrières non tarifaires constituent une préoccupation de plus en plus importante pour les agriculteurs de l'Ontario, tout particulièrement lorsque ces barrières risquent de devenir des barrières importantes au commerce fondées sur des préoccupations sanitaires et phytosanitaires qui ne sont pas appuyées par des connaissances scientifiques. Il est important que les producteurs canadiens fournissent des produits agricoles et alimentaires qui répondent aux besoins individuels des consommateurs, mais il est tout aussi essentiel que les barrières à l'importation qu'impose l'État soient fondées sur une science de pointe. Cette question est tout particulièrement importante pour le commerce du maïs et des produits du maïs obtenus grâce à la biotechnologie, technologie qui offre de considérables possibilités en vue d'améliorer la qualité des aliments et de l'environnement et d'accroître la production alimentaire globale tout en réduisant les coûts de production.

L'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires en agriculture conclu dans le cadre du Cycle d'Uruguay constitue un solide fondement pour le commerce international. Il faut accorder la priorité aux moyens visant à assurer le respect de cet accord, et veiller à ce qu'aucun changement venant l'affaiblir ne lui soit apporté. On ne devrait par permettre que des barrières non tarifaires deviennent la solution de rechange habituelle aux droits pour restreindre le commerce international.

• 0950

Les règles antidumping en vigueur, au moyen desquelles les produits sont classifiés comme sous-évalués s'ils sont vendus à un prix inférieur au coût de production, n'ont aucun sens en agriculture, domaine où la fluctuation des prix est cyclique et où il est possible que les prix se situent sous les soi-disant coûts de production pendant une longue période. Ce facteur peut-être la cause de mesures commerciales déraisonnables.

À titre d'exemple, comme les prix du maïs sont bas actuellement, le Canada écoule probablement à bas prix le maïs aux États-Unis, et les États-Unis font la même chose ici.

En outre, il faudrait déployer des efforts pour continuer à rendre plus sévères les exigences relatives à la preuve de préjudice en ce qui concerne les différends relatifs aux droits antidumping et aux droits compensateurs. Le Canada est très strict à cet égard. On devrait obliger d'autres pays, tout particulièrement les États-Unis, à faire preuve de la même diligence.

Je vous remercie de nous avoir fourni l'occasion de présenter cet exposé. M. Daynard et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup monsieur. Merci pour l'exemple assez révélateur que vous nous avez donné. C'est ce genre d'application concrète qui nous fait comprendre la situation.

Je suppose que si votre frère était agriculteur en Europe, il obtiendrait peut-être 150 $ l'acre, si l'on tient compte des chiffres.

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci.

Mesdames et messieurs, je vous remercie d'être venus nous faire part de vos opinions.

Nous avons entendu toutes sortes de renseignements divers à propos de l'OMC et surtout du secteur agricole.

Pour ce qui est de la question de la biotechnologie, de ces produits génétiquement modifiés, je suppose que c'est un dossier qui va revêtir beaucoup d'importance chez nous et peut-être pourriez-vous nous faire part de l'opinion de votre association à ce sujet. Je vois que vous demandez des règles qui se fondent sur les connaissances scientifiques et qu'à votre avis, cela va dresser certaines barrières commerciales. Comme c'est sur votre secteur que cela se répercute le plus, vous pourriez sans doute avoir besoin de renseignements complémentaires de la part de spécialistes dans ce domaine.

Mme Laurie Curry: L'important est de savoir que l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et les mesures à cet égard sont maintenant en place depuis quatre ans. Leur application remonte déjà à quatre ans. Il est important de le savoir. Cela nous assure que les mesures sanitaires et phytosanitaires se fondent sur des données scientifiques et ne servent pas de moyens déguisés de restreindre le commerce. C'est le principe fondamental considéré étant donné que le débat porte actuellement sur la question de savoir si la biotechnologie est visée ou non par ces mesures. Nous croyons qu'elle l'est et que, depuis quatre ans, l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires s'est appliqué aux questions concernant la biotechnologie. Il faudrait donc les maintenir dans le cadre de cet accord étant donné que c'est le seul accord pour lequel les décisions doivent se fonder sur des connaissances scientifiques. Il faudrait donc que cet accord continue de s'appliquer au lieu de prévoir de nouvelles mesures.

D'autre part, nous recommandons de ne pas rouvrir l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires. Si on le fait, ce sera la même chose que lorsqu'on rouvre une loi. Tout peut-être contesté. Nous estimons donc qu'il ne faudrait pas rouvrir l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires. Ce qu'il faudrait sans doute c'est renforcer son application en se fondant sur les connaissances scientifiques.

Il fut donc maintenir l'accord en place. La biotechnologie devrait y être incluse. Ce qu'il faudrait ce sont des lignes directrices d'interprétation pour que l'accord soit bien appliqué.

M. Deepak Obhrai: À propos de la biotechnologie et de tout le reste, on craint la possibilité... que tout fasse l'objet de licence, les semences et tout le reste. Vous êtes dans un secteur lourdement touché en tant qu'association de producteurs. Cela ne deviendrait-il pas un grand...? Quelle serait la tendance future? Cela semble susciter beaucoup d'opposition.

• 0955

M. Terry Daynard (vice-président exécutif, Ontario Corn Producers' Association): Je vais vous donner le point de vue de l'agriculteur.

Tout ça est énigmatique. À propos de l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, l'accord SPS, je suis d'accord avec ce que vous a dit Laurie. Ce n'est pas l'accord lui-même qui fait problème, c'est plutôt son interprétation et le consensus qui se dégage ou non sur l'interprétation.

La biotechnologie est une énigme. Il faut faire la distinction, à notre avis, entre ce que devrait être les règles du commerce et ce que la satisfaction de notre clientèle exige de nous. De fait, nous traversons en ce moment une période extrêmement mouvementée, à l'heure actuelle, en Ontario, puisque nous essayons de dégager un certain nombre de règles concernant les différentes catégories de maïs et la façon de les contingenter en fonction de certains besoins particuliers de nos clients. Certains des transformateurs d'Amérique du Nord ont annoncé qu'ils veulent que certaines conditions soient imposées pour correspondre aux normes d'importation européenne du moment, et sur cette question nous allons coopérer à 100 p. 100 avec ces industriels. Je soupçonne donc que le maïs sera dans une catégorie à part, au moins dans l'immédiat.

Par ailleurs, les nouvelles techniques représentent un potentiel considérable. Ça permet aussi de faire des choses très nouvelles sur le plan de la protection de l'environnement. Ainsi la possibilité de réduire l'usage des pesticides en a été accrue. C'est pour nous l'occasion de supprimer également certains produits toxiques naturels graves que l'on retrouve dans nos récoltes, et qui reviennent de temps en temps. Nous pouvons aussi modifier les caractéristiques nutritives des produits récoltés. Voilà des choses que l'on ne peut pas laisser de côté, puisqu'il y aura également une réaction et une demande du marché pour ces nouveaux produits.

Pour le moment nous sommes un peu confrontés à l'hostilité des médias, surtout en provenance d'Europe, du fait aussi du contrecoup de la maladie de la vache folle, dossier qui a été très mal géré de l'autre côté de l'Atlantique. Je crois qu'il faut défendre ce que nous estimons être fondé sur de bons résultats scientifiques, nous devons défendre les produits alimentaires de bonne qualité, ainsi que l'obligation de satisfaire la demande du consommateur. En outre, nous devons répondre également à la demande du consommateur pour ce qui est de l'éventail des produits de base réclamés.

Pour ce qui est des préoccupations des agriculteurs à proprement parler, celles-ci concernent l'évolution de l'agriculture en soi. Certains la craignent, certains l'accueillent à bras ouverts. La concurrence est âpre dans l'agriculture. Tout semble indiquer que cette concurrence se maintiendra, mais c'est certainement un secteur en pleine évolution.

M. Deepak Obhrai: Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Madame Debien.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur Brandenburg, au début de votre intervention, vous nous avez dit que le système de commercialisation du soja était très différent des autres systèmes. Vous disiez que dans le cas de la fève soja, il n'y avait ni barrières tarifaires ni quotas et que les marchés étaient complètement ouverts. Vous nous avez dit qu'il y avait eu une augmentation incroyable de 900 p. 100 des exportations de soja. Un peu plus tard dans votre exposé, vous avez dit qu'il fallait absolument éliminer les barrières tarifaires et non tarifaires. Je comprends donc que l'industrie du soja est en pleine expansion et n'a presque pas de problèmes, mais vous parlez d'éliminer les barrières tarifaires et non tarifaires. Il me semble y avoir une contradiction. Est-ce que ça concernait plus précisément votre industrie, l'industrie du soja, ou si vous parliez du domaine agricole en général? C'est ma première question.

Ma deuxième question s'adresse à M. McClounie, qui a parlé de l'accès aux marchés. Vous avez dit qu'il fallait augmenter l'accès minimum. Parliez-vous du fameux 5 p. 100 qui a été négocié aux négociations de l'Uruguay Round, le 5 p. 100 que certains pays n'ont pas respecté mais que le Canada a respecté? Parliez-vous de ce 5 p. 100, c'est-à-dire de l'accès à un marché équivalent à 5 p. 100 de la consommation intérieure, quand vous disiez que l'accès aux marchés devait être augmenté? Certaines personnes nous ont parlé hier d'une augmentation de 10 à 15 p. 100, alors qu'on nous a dit ailleurs que le Canada avait déjà fait ses devoirs dans ce domaine, mais que les États-Unis et les pays d'Europe avaient interprété à leur manière cette règle du 5 p. 100. Voudriez-vous que cet accès aux marchés de 5 p. 100 soit augmenté?

• 1000

Je pose un peu la même question que M. Graham concernant les certificats. C'est la première fois qu'on entend parler de cet aspect du commerce international. Pour ma part, je n'en connais pas bien la teneur. Pourriez-vous nous expliquer brièvement en quoi consiste cette certification?

En ce qui a trait aux mesures sanitaires et phytosanitaires, au Québec, des chercheurs nous ont parlé des dangers de la recombinaison de l'ADN. Quand on parle d'organismes génétiquement modifiés, on parle de recombinaison de l'ADN. Ces chercheurs nous ont donné l'exemple des céréales qui avaient été vendues à certains pays en développement et qui avaient complètement détruit leurs récoltes internes. On nous a donc demandé de souligner dans l'Accord SPS que la recombinaison de l'ADN pouvait être un facteur de pathogénécité. Êtes-vous d'accord sur cette affirmation?

Ma dernière question porte sur la gestion de l'offre. C'est M. Jack, je pense, qui a dit qu'il fallait définir le soutien interne et fixer des limites aux programmes de soutien du revenu. Je ne pense pas que vous parliez de la gestion de l'offre. J'aimerais avoir votre position concernant la gestion de l'offre. Il y a, semble-t-il, une entente entre tous les producteurs agricoles, et du Canada et du Québec, pour le maintien de la gestion de l'offre.

Ce sont mes questions.

[Traduction]

Le président: Qui va commencer?

Monsieur Brandenburg.

M. Fred Brandenburg: Je vais répondre d'abord à la première question, en essayant d'apporter des précisions. Pour ce qui est des importations de soja au Canada, pas de tarif, pas de contrôle d'une sorte ni d'une autre. Tout est libre, la frontière est ouverte. C'est la même chose pour le tourteau de soja. Il y a un tarif sur l'huile de soja, qui n'est pas très élevé, mais qui existe, et nous serions ravis qu'il disparaisse.

Dans l'annexe à notre document, en page 6, se trouve une liste de pays, et ce que nous souhaiterions voir changer. Dans beaucoup de pays il y a des tarifs sur les importations de certains oléagineux, que ce soit le soja ou le canola, etc. Il y a aussi certains pays qui appliquent des quotas, ou qui se servent d'organismes étatiques d'importation qui limitent celle-ci, et notamment dans le domaine des oléagineux et dérivés. Dans notre proposition nous demandons que ce genre de barrières soient éliminées.

Passons maintenant à vos autres questions. En ce qui concerne l'accès aux marchés, dans le domaine des oléagineux, je suppose qu'il faut classer la margarine dans cette grande catégorie, soit en aval soit en amont, et elle était frappée d'interdiction pour importation au Canada avant les dernières négociations du GATT. Cette interdiction a été remplacée par des tarifs. C'est-à-dire que l'on impose des tarifs très élevés au-delà du seuil de l'accès minimum des 5 p. 100. Notre secteur, là encore, aimerait que l'on fasse disparaître cette entrave. Les 5 p. 100 pourraient être remplacés par un accès à 100 p. 100, en ce qui nous concerne. Nous sommes donc tout à fait ouverts à toute suggestion.

Je vais aussi aborder la question des dangers supposés des organismes génétiquement modifiés. La réglementation canadienne est excellente, et pourtant nous avons perdu confiance dans cette réglementation. Tous les produits autorisés sur le marché au Canada ont été testés et analysés de façon très sérieuse. Il est arrivé, bien sûr, que l'on soupçonne l'existence d'un risque, et dans ce cas les produits n'ont pas été autorisés ni pour la production ni pour la consommation. Nous estimons qu'il faut maintenir cette surveillance et ce système réglementaire. Nous aimerions que ce soit la même chose dans les autres régions du monde, c'est-à-dire que l'on y fasse des analyses approfondies des produits qui ne seraient ensuite autorisés que s'ils sont absolument sûrs.

• 1005

Le président: Monsieur McCreery.

M. Liam McCreery (directeur, District 7 (Oxford, Brant et Hamilton—Wentworth), Ontario Soybean Growers' Marketing Board): J'aimerais moi aussi parler de ces produits génétiquement modifiés, des entraves au commerce et de l'accès aux marchés. Le tableau de la page 2 montre l'expansion importante du secteur du soja au Canada. Jusqu'il y a environ cinq ans, cette croissance concernait surtout l'Ontario. En ce moment la croissance du secteur du soja au Canada est surtout le fait du Québec. Une partie importante de ce soja est utilisée pour compléter les exportations vers l'Europe. Une partie de ce soja qui pousse au Québec sera cette année du soja modifié génétiquement. Je suis sûr qu'il y en a déjà eu l'an dernier dans la province du Québec.

Le président: Du soja modifié génétiquement?

M. Liam McCreery: Je parle de façon générale d'organismes génétiquement modifiés, qui sont donc du ressort de la biotechnologie. Nous ne voulons pas voir notre marché européen, notre premier marché d'exportation de soja canadien, disparaître sous prétexte que les Européens ne veulent pas d'organismes génétiquement modifiés. Les raisons invoquées ne sont pas scientifiques, pour le moment. Les conséquences pour les producteurs québécois seraient dramatiques, mais aussi pour l'Ontario, et de façon générale le Canada. La menace est tout à fait réelle.

Je vais essayer de bien me faire comprendre. Le canola canadien exporté vers l'Europe fait l'objet d'une interdiction. Le moratoire s'applique pour les deux années à venir et cela en raison des craintes concernant les organismes génétiquement modifiés. Nous aimerions que cela soit décidé en fonction de résultats véritablement scientifiques, et non pas de simples réactions émotives.

Est-ce que je me suis bien fait comprendre?

Le président: Oui. Nous avons déjà eu ce genre de discussion à d'autres réunions, nous sommes tout à fait au courant.

M. William McClounie: Merci, merci de nous demander des précisions. Je vous en sais gré. Je vais d'abord parler de l'accès aux marchés. Vous aviez aussi posé d'autres questions, d'autres y répondront, et je me réserverai mes remarques sur la question de la gestion de l'offre jusqu'à ce que M. Jack y réponde.

Pour ce qui est de l'accès minimum, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit. Le Canada a respecté ses obligations à propos des fameux 5 p. 100, et plus, alors que d'autres pays ne s'y sont pas pliés. La clé pour cette question de l'accès aux marchés est de bien comprendre qu'il s'agit d'une simple ligne directrice. Il ne s'agit pas d'une véritable réglementation, mais d'une simple indication. On se demandait aussi s'il fallait préférer la méthode «regroupée» ou non regroupée. Nous préférons une méthodologie regroupée.

La position du SM-5 est qu'il doit y avoir un accès minimum bien défini, des règles claires, et on est d'accord pour que les autres pays observent également le minimum de 5 p. 100. Nous avons dit ici qu'il fallait augmenter cet accès minimum. Si c'est possible c'est évidemment souhaitable, à condition que la barre des 5 p. 100 soit d'abord respectée, et en essayant de voir ce qui se passera ensuite; peut-on effectivement relever la barre de l'accès minimum, si effectivement tout le monde est à égalité? Pour ce qui est des tarifs hors contingent, c'est une espèce de plafonnement de la gestion de l'offre, et je pense que le SM-5 veut maintenir ce plafonnement; il ne devrait pas être réduit.

Je vais m'arrêter ici et je vais passer la parole à Terry ou à Dennis pour qu'ils répondent à vos questions.

M. Terry Daynard: Je vais faire quelques observations préliminaires. D'abord nous n'avons pas de position arrêtée sur la question de la gestion de l'offre. Cela ne concerne pas notre secteur. Nous n'avons aucune réglementation de cet ordre. Nous avons toujours fonctionné de façon parfaitement ouverte depuis tout le temps. Par contre les secteurs de l'agriculture contingentée de la volaille et des produits laitiers sont de très bons clients à nous. Nous vendons des quantités importantes de maïs aux producteurs laitiers et aux aviculteurs des États-Unis. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur quelque chose qui intéresse un secteur autre que le nôtre.

Au risque de devenir lassant, j'aimerais revenir à la question des organismes génétiquement modifiés, en prenant l'exemple du maïs. J'ai travaillé assez longtemps dans l'agriculture canadienne, mais j'ai également passé du temps au Mexique. Les statistiques semblent indiquer qu'au Canada, il y a environ deux millions de personnes par an qui souffrent d'intoxication alimentaire d'une sorte ou d'une autre. Cela n'a aucun rapport avec les pesticides, ni avec les organismes génétiquement modifiés. Il s'agit de produits qui contaminent naturellement l'alimentation, des pathogènes, des microtoxines, etc.

• 1010

Ça n'a rien à voir avec la situation dans le tiers monde. Un des problèmes essentiels, pour ce qui est du maïs du tiers monde, est celui de l'aflatoxine. Cette toxine est mortelle à raison de quelques milliardièmes de concentration. C'est produit par des organismes naturels qui poussent sur le maïs à des températures élevées. C'est un cancérigène du foie. D'après les statistiques, des milliers et des milliers de personnes en meurent chaque année.

Il y a d'autres exemples. Nous avons ici les moisissures du type fusarium, qui affectent le maïs et le blé chez nous, et c'est grave. Pendant 50 ans, nous avons essayé de nous en débarrasser par croisement naturel, et nous n'avons pas réussi. Grâce à la biotechnologie, nous sommes à la veille de complètement nous en débarrasser.

Je m'intéresse également aux insecticides utilisés ici. Si vous achetez du maïs sucré au Canada, il est fort probable qu'il ait été pulvérisé aux insecticides, les gens n'aimant pas beaucoup trouver des vers dans leur boîte de maïs. Grâce à la biotechnologie, nous pouvons également nous en débarrasser. Nous pouvons également utiliser des herbicides beaucoup plus sûrs. Pour le moment, nous pouvons utiliser ces types d'herbicides que l'on achète chez Canadian Tire, mais pas encore ceux pour lesquels il faut une autorisation spéciale pour des raisons de biotechnologie. Pourtant, quand on fait le bilan du pour et du contre, il faut tenir compte de l'ensemble de ces éléments.

J'ai travaillé au Mexique un certain temps, et j'ai beaucoup de mal à accepter que des gens bien nourris du monde développé continuent à vouloir interdire à des populations qui vivent d'une agriculture de subsistance l'accès à des outils qui leur permettaient de relever leur niveau de vie, et de produire un peu plus à partir des ressources très limitées qui sont les leurs.

[Français]

Le président: Merci.

Mme Maud Debien: J'aimerais faire une petite remarque à ce sujet. Je ne remettais pas en cause toute la question des organismes génétiquement modifiés. Je voulais tout simplement vous sensibiliser au fait que de nombreux intervenants sont venus nous faire part de leurs préoccupations et que cette préoccupation, qu'elle soit fondée ou non, existe aussi dans le public en général.

[Traduction]

Le président: Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, et bonjour à tous. Je suis ravie de vous voir ici. J'ai déjà appris un certain nombre de choses en vous écoutant. J'ai appris que le soja est la culture commerciale la plus importante, en surface cultivée, en Ontario, et j'ai également recueilli ici et là certaines informations. Voilà au moins déjà un des avantages secondaires de ces réunions, monsieur le président. Je ne partirai pas les mains vides.

Le président: Combien de producteurs de soja y a-t-il à Etobicoke, c'est-à-dire dans votre circonscription, madame Augustine?

Mme Jean Augustine: J'ai quelques questions à poser. L'une s'adresse à Mme Curry. Je regarde vos recommandations de la page 6, et j'aimerais que vous commentiez un petit peu la recommandation no 4. Vous nous demandez de voir ce que l'on peut faire par l'ALÉNA pour diminuer les obstacles commerciaux nord-américains, et ainsi donner l'exemple au reste du monde. Est-ce que vous pourriez nous donner quelques idées sur la façon dont nous pouvons ainsi nous servir de l'ALENA.

Mon autre question, monsieur le président, concerne... Puisque vous nous dites que les frontières sont ouvertes pour le maïs et le soja, la question qui me vient immédiatement à l'esprit est celle du pays d'origine. Voilà donc des produits qui entrent et qui sortent. Y a-t-il un étiquetage? Quelles en sont les conséquences? Insistez-vous pour qu'il y ait un étiquetage, ou est-ce que rien n'est fait pour identifier le pays d'origine? Est-ce que l'accession de la Chine à l'OMC aurait des répercussions sur votre secteur, et est-ce que cela remettrait en cause tout ce que vous avez pu nous dire jusqu'ici?

Le président: Monsieur McCreery.

M. Liam McCreery: Je vais commencer par la Chine et l'OMC. C'est quelque chose qui nous intéresse beaucoup. C'est un marché potentiel immense pour les sojas de haute qualité du Canada. En Ontario—aujourd'hui je parle pour l'Ontario—les producteurs de soja sont fiers de leur système de préservation de l'identité du produit. Cela veut dire qu'il s'agit d'une variété spéciale, avec des caractéristiques bien précises, qui est destinée à un marché précis. En faisant ce surplus de travail, l'agriculteur touche une prime ainsi que l'exportateur.

• 1015

Faire accéder les Chinois à l'OMC ouvrirait un marché considérable. Dans une certaine mesure nous y avons déjà accès par Hong Kong, mais il y a encore des barrières non tarifaires à l'entrée dans le continent chinois. Tout ce qui pourrait nous permettre d'écouler nos produits de haute qualité sur ce marché serait bienvenu.

M. Terry Daynard: Vous vous demandez comment il est possible de reconnaître le pays d'origine; il est presque impossible de le faire pour des produits de base tels que le soja ou le maïs, car personne—du moins au Canada et aux États-Unis—ne mangent de maïs ni de soja non transformés, et en quelque sorte sous forme de produits dérivés. Quelquefois le produit de base est un élément essentiel du produit de transformation. La bière est du maïs à 50 p. 100. On le retrouve également dans des tas d'autres produits commercialisés. Ainsi les vêtements que vous portez contiennent du maïs. Les cosmétiques contiennent du maïs. L'encre de votre stylo contient peut-être une composante soja. Nous essayons d'ailleurs d'en faire autant pour le maïs, c'est peut-être pour demain.

Ces produits vont et viennent, effectivement. Le maïs franchit le pont qui sépare l'Ontario du Michigan, exactement comme il passe de l'État de Indiana en Illinois. Mais il y a également des camions qui traversent le pont en sens inverse, également avec du maïs. C'est ensuite mélangé ici, et c'est ainsi que nous entendons travailler.

Si vous voulez étiqueter le maïs pour en faire connaître le pays d'origine, ça devient difficile. Les grains de maïs se ressemblent. Et dans bien des cas ça n'est qu'un composant mineur. Je parle de la transformation. Nous essayons en effet d'attirer des industries importantes dans le sud-ouest de l'Ontario. Si vous prenez une carte de l'Amérique du Nord et tracez un cercle de 300 mille de rayon, vous verrez qu'une partie importante se trouve aux États-Unis, ce qui peut être une raison incitant ces industries à venir s'installer chez nous. L'accès aux produits canadiens est garanti, mais également aux produits américains. Mais si vous voulez avoir une démarche trop nationaliste, ces industriels s'installeront plutôt à Toledo.

Nous voulons donc penser à l'échelle de l'Amérique du Nord, ce qui nous permet de faire partie de la ceinture de maïs américaine tout en profitant des avantages canadiens. Le prix de la main-d'oeuvre est plus compétitif ici, nous avons de meilleures mesures sociales, il fait meilleur vivre au Canada etc. Toute tentative visant à faire une distinction trop marquée entre ce qui américain et ce qui est canadien nous rend un petit peu nerveux.

Le président: Madame Curry.

Mme Laurie Curry: Je vais répondre à la première question qui porte sur les entraves au commerce en Amérique du Nord. Celles-ci sont de deux types. La première catégorie serait celle des obstacles à l'intérieur de la boîte, dans le produit lui-même. Ensuite il y a les entraves sur la boîte à proprement parlée.

Pour ce qui est de l'intérieur de la boîte, il s'agit de la formulation du produit. Il s'agit de savoir si vous êtes capable de faire un produit pour l'ensemble du marché nord-américain, selon une recette ou une formule donnée. Si vous ne pouvez pas offrir cette formule vous êtes obligé de fermer votre usine, ou d'avoir des espèces de production dédoublée d'un produit particulier, avec une production pour le Canada et l'autre pour les États-Unis.

Cela vaut non seulement pour des sociétés multinationales, mais également pour des entreprises canadiennes, qui ont ouvert leurs portes au moment de la signature de l'ALENA et qui sont capables de produire pour le marché américain. Je vais vous donner une idée de ce que sont ces obstacles «dans la boîte»: Il s'agira par exemple d'être en mesure d'ajouter les mêmes quantités de vitamines et de minéraux à un produit destiné au nord et au sud de notre frontière. Ça peut tenir aussi au fait d'être en mesure d'ajouter les mêmes édulcorants, ou certains ingrédients, certains additifs ou colorants, dans les mêmes quantités. Voilà donc les barrières ou entraves qui tiennent aux produits, à la formule.

L'autre type d'obstacles concerne l'emballage, ou la boîte elle-même. Il s'agit ici d'étiquetage, et de tout ce que vous pouvez indiquer concernant le produit. Il y avait donc d'un côté ce que vous pouvez ajouter à votre produit, et maintenant ce que vous pouvez en dire. Il y a des références médicales, on met en rapport certaines maladies avec certains types d'alimentation, et on pourra dire aux clients que telle quantité de calcium peut réduire les risques d'ostéoporose.

• 1020

Un autre exemple plus récent est celui de l'acide folique que l'on ajoute à la farine, ici au Canada, dans des quantités égales à ce qui se fait aux États-Unis; pourtant, nous ne pouvons pas encore expliquer aux mères canadiennes que cette quantité supplémentaire d'acide folique dans leur régime peut réduire les risques d'accident du tube médullaire ou de spina bifida chez les enfants à naître. Il s'agit donc ici de la possibilité d'informer le consommateur, d'expliquer quelles sont les valeurs nutritives contenues dans le produit, le fait que celui-ci est maigre et pauvre en sodium, etc. Les critères à ce sujet sont différents aux États-Unis de ce qu'ils sont au Canada.

Voilà donc deux catégories de différences entre deux marchés. Je ne sais pas si Christine veut ajouter quelque chose à cela, du point de vue de l'entreprise. Peut-être qu'on pourra y revenir plus tard.

Le président: Merci. Nous allons en rester là pour le moment, si vous voulez bien. Je crois que cela répond aux questions.

Allez-y, monsieur Pickard.

M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Merci, monsieur le président, merci, mesdames et messieurs, de vous être déplacés. Vous êtes représentatifs d'un secteur tout à fait particulier. Beaucoup de gens, en effet, ne comprennent pas, comme l'ont fait remarquer Terry et Dennis, que l'agriculture représente pour l'Ontario une production industrielle globale importante, plus importante que tout le reste. La valeur ajoutée qui provient de cette agriculture est énorme. De ce fait, tout accord commercial portant sur l'agriculture est un risque potentiel plus important pour l'Ontario que pour les autres provinces du Canada. Beaucoup de gens ne réalisent pas à quel point notre prospérité dépend du commerce.

Je pense que cette question de la biotechnologie est très épineuse. Il est malheureux que le débat se soit d'abord largement concentré sur cette question de l'hormone de croissance bovine. Ce débat a contribué à donner, auprès des consommateurs, une image douteuse de la biotechnologie. Pourtant je peux vous assurer que cette biotechnologie se pratique dans les laboratoires d'Agriculture Canada depuis des années. Cela fait également des années que l'on applique cette biotechnologie à des cas concrets sur le terrain, et nous avons réussi à mettre au point des produits qui sont compétitifs sur la scène internationale.

Terry, j'ai été très heureux de vous entendre nous parler des avantages qu'elle comporte. Mais j'ai été également déçu de voir que dans tout ce que vous avez dit, et qui concerne l'intérêt de la biotechnologie et de la valeur ajoutée qu'elle représente, par exemple dans le secteur du maïs, vous n'avez pas dit un mot sur l'éthanol. Il faut savoir que Terry a été un des grands promoteurs de l'éthanol en Ontario; comme Dennis, d'ailleurs. Je pense que tout cela a été une entreprise très positive.

J'aimerais maintenant me concentrer sur la catégorie orange, car c'est un domaine qui me préoccupe un peu. William a indiqué que le programme CSRN, l'assurance-récoltes et l'assurance-revenus commerciaux sont des choses que nous devons conserver. Ce sont des protections qui sont importantes pour l'agriculture canadienne, et je soupçonne que les États-Unis puissent un jour nous reprocher l'existence de ces trois programmes.

Votre secteur a-t-il mis au point une stratégie de relations avec le ministère en vue des négociations? Ce sera peut-être une question qu'il faudra traiter d'entrée de jeu. Voilà donc ma première question. Pensez-vous qu'il faille mettre au point une stratégie?

La deuxième question que j'aurais à poser concerne le certificat d'utilisation finale. J'ai été intéressé par ce que vous avez dit dans votre exposé, Jim, sur le certificat d'utilisation finale et sur l'intérêt qu'il y a à identifier les produits américains destinés à l'exportation vers le Canada. Avez-vous pu en discuter avec Lyle et son ministère? Quelle a été la réponse du ministre sur la question du certificat d'utilisation finale? Je pense que votre argument est très bon à ce sujet. Si on veut tirer cela au clair, la suggestion de Bill qui consiste à en discuter au sein du groupe Canada-États-Unis est importante. Mais si le ministre, de son côté, a décidé de faire avancer la question dans sa liste de priorités, il est important que nous le sachions.

M. Liam McCreery: Je vais d'abord essayer de répondre à la première question. Je suis sûr que Terry aura quelque chose à dire, et certainement quelque chose de mieux informé que ce que peut vous dire quelqu'un qui devrait être en train de planter du maïs aujourd'hui.

Après le cycle d'Uruguay, le Canada s'est limité à des dispositions de mesures globales de soutien. Depuis ces négociations d'Uruguay, notre pays se situe aux alentours de 15 p. 100 pour ce qui est de l'ensemble des subventions à l'agriculture qui nous ont été autorisées.

• 1025

Ce n'est pas tellement la stratégie que nous avons comme groupe de producteurs qui est importante, mais la stratégie que l'on a en tant que gouvernement. Il y a là une excellente occasion d'entrer dans les prochaines négociations en demandant de réduire dans des proportions considérables l'ensemble des mesures de soutien pour tous les pays. Si nous les réduisons de 80 p. 100, cela permettra encore au Canada d'accroître son soutien aux agriculteurs.

M. Jerry Pickard: Si l'on réduit effectivement, nos programmes peuvent-ils être maintenus?

M. Liam McCreery: Comparativement au cycle d'Uruguay où nous en étions à 100 p. 100, nous sommes maintenant à 15 p. 100. Si nous partons donc du niveau cycle d'Uruguay, nous pouvons réduire de 85 p. 100 sans changer nos programmes.

M. Terry Daynard: Autrement dit, on peut multiplier par cinq les programmes de soutien agricole d'Ottawa pour les agriculteurs canadiens sans atteindre la limite que nous avons négociée à l'OMC. Du point de vue stratégique, il faut comprendre que les gros joueurs seront les États-Unis et l'Europe—surtout l'Europe. L'Europe utilise de plus en plus les subventions aux exportations agricoles. Elle vient d'annoncer quelque chose qui s'appelle le programme 2000 et qui est une stratégie visant à accroître ces subventions. Elle va réduire ses prix alimentaires mais va compenser cela en subventionnant davantage les exportations, à tel point qu'elles pourraient même dépasser ce qui a été négocié au cycle d'Uruguay.

Cela va présenter des difficultés majeures. Nous avons déjà signalé que nous avons de grosses difficultés dans les domaines sanitaires et phytosanitaires avec l'Europe et cela risque d'empirer avant de s'améliorer. Les États-Unis nous inquiètent aussi. À cet égard, leur bilan est meilleur que celui de l'Europe, mais ils y vont assez fort aussi sur les subventions. Dernièrement, ils ont considérablement augmenté leurs subventions agricoles, surtout dans le secteur que nous représentons, à savoir les céréales et les oléagineux.

Nous avons une stratégie double. Premièrement, nous devons survivre à court terme, ce qui est une des raisons évidentes pour lesquelles nous avons demandé que soit maintenu le genre de niveau de soutien que nous avons, avec une assez bonne coopération, dernièrement, de la part d'Ottawa et de Toronto, ce que nous apprécions beaucoup. À plus long terme, nous pensons que la meilleure stratégie sera peut-être un genre d'accord international pour abaisser les niveaux partout. Avec les ressources que vous avez dans le Trésor public, vous pouvez nous aider à faire face à cette concurrence.

Vous avez tout à fait raison de signaler que nous avons oublié de mentionner l'éthanol. C'est un produit à supervaleur ajoutée. C'est un débouché important. Cela a donné d'excellents résultats dans le sud-ouest de l'Ontario. C'est un investissement de 140 millions de dollars à Chatham qui pourrait doubler. Il y a une forte croissance de la demande, en particulier en Ontario et au Québec ainsi que dans l'ouest du Canada. Les débouchés pourraient être importants à l'exportation. Il nous suffit de regarder ce qui se passe à Detroit où l'on consomme beaucoup d'essence mélangée à l'éthanol; ce serait un bon débouché. La consommation se développe pour des considérations environnementales et cela représente d'excellentes possibilités.

Notre ville aussi, London, est à notre avis une ville de maïs. C'est la ville de John Labbat's, des grandes brasseries, qui utilisent énormément de maïs canadien. Casco Inc. est l'une des usines les plus modernes du monde pour le traitement du maïs, et se trouve à environ quatre milles d'ici. Elle s'est considérablement développée. En fait, la construction se poursuit. La société pourrait doubler son chiffre d'affaires. Nous avons une relation étroite avec son siège social à Chicago, Corn Products International.

Nous avons perdu un peu de terrain ces dernières années chez Kellogg's. Autrefois, la maïserie se faisait ici et la société avait une relation étroite avec les agriculteurs. Je crois que maintenant la plupart du maïs, mais pas tout, vient de l'Illinois. Je pense que nous pourrons récupérer cela. Nous avons aussi en vue une plus grosse usine Kellog's à Battle Creek au Michigan. Nous pensons que nous allons finir par offrir un produit supérieur qui nous permettra d'obtenir ce marché.

Tout ce que vous pourrez faire pour nous aider serait très apprécié. Parlez de nous lorsque vous irez chez Kellog's à midi.

M. Jim Whitelaw: Monsieur le président, pour les services d'utilisation finale, il y a quelques questions auxquelles on n'a pas répondu.

• 1030

Tout d'abord, ce certificat d'utilisation finale est un document secondaire. Toutes les statistiques sur le blé au Canada et aux États-Unis que je reçois de Statistique Canada et d'Agriculture Canada par les douanes ne sont pas contenues dans ce certificat d'utilisation ultime.

C'est la même chose aux États-Unis. Toutes les informations qui sont diffusées aux États-Unis sur le blé qui entre aux États-Unis viennent des douanes américaines et non pas des documents.

Il s'agit d'un document distinct. Il y a 400 000 tonnes de blé ontarien qui vont aux États-Unis; pour l'ensemble du blé canadien, la moyenne se situe autour de 1,4 million de tonnes. Pour chaque camion, il faut un certificat. Celui-ci doit être présenté aux douanes américaines avec les documents nécessaires. Ce certificat va au Kansas. Le destinataire de ce camion doit conserver le blé séparément et envoyer immédiatement les documents au Kansas avec d'autres documents sur l'utilisation.

Il y a donc beaucoup de transactions papier; cela prend beaucoup de temps inutilement.

Le gros changement est intervenu cette année. Jusqu'à maintenant, c'était des documents civils que l'on présentait une fois. Je ne le lirai pas mot à mot, mais ces renseignements supplémentaires, qui se trouvent à la page 2 de notre document, sont très compliqués. Cela demande des inspections par la commission du grain du côté canadien, avec possibilité d'inspection également du côté américain. C'est entièrement nouveau.

Deuxièmement, j'aime beaucoup parler à Etobicoke parce que c'est un lieu agréable. Jusqu'à l'Accord de libre-échange, jusqu'à 1987, si l'on allait au magasin du coin pour acheter une boîte de céréales, on y trouvait inscrit «Produit du Canada» ou «Produit des États-Unis». Vous ne le savez peut-être pas, mais depuis 1987, ce n'est plus le cas.

Je ne prendrai pas une céréale qui est représentée ici, mais je vous donnerai l'exemple d'un concurrent. Savez-vous celle qu'aime Mikey. Vous voyez la publicité? Si vous achetez cette boîte, il y est écrit que si ces céréales posent un problème, il faut composer le 1-800 et c'est un numéro au Canada. Il s'agit d'un produit américain, mais vous ne pouvez pas le savoir. Étiqueter l'utilisation du blé ontarien... nous sommes fiers que le blé ontarien serve à cette production américaine et nous revienne. J'ai choisi la pire céréale parce que c'est une céréale à base d'avoine.

Voilà où en est l'emballage des produits de consommation. Vous ne pouvez savoir si c'est un produit des États-Unis ou du Canada. Vous l'achetez parce que vous en aimez le goût, la texture, l'apparence ou parce que vos enfants le veulent. C'est très bien. Nous voulons que le commerce des produits de base soit semblable au commerce des produits finis.

Pour finir, la commission a présenté beaucoup de rapports à Lyle et, tout récemment, à son service spécialisé dans ce secteur. Nous présenterons d'autres mémoires sur ce que les Américains ont mis en place pour la modification des certificats d'utilisation finale pour le moment, depuis avril 1999.

M. William McClounie: J'aimerais ajouter quelques petites choses. Tout d'abord, à propos du certificat d'utilisation finale, s'il existe, c'est pour assurer que le blé canadien n'entre pas dans les canaux d'exportation et est utilisé pour les programmes d'exportation.

Deuxièmement, comme l'a signalé Jim, les informations supplémentaires que l'on demande aux douanes sont le résultat d'une entente entre le Canada et les États-Unis pour obtenir davantage d'information sur les exportations de blé canadien, maintenant nos exportations, aux États-Unis à cause du problème des prix. Dans notre cas, nos stocks sont vendus directement aux transformateurs de sorte que a) ils n'entrent pas dans les canaux d'exportation et b) il n'y a pas de problème de prix parce que c'est évidement très transparent.

Pour finir, nous avons tendance à utiliser un vocabulaire varié. Je veux m'assurer que j'utilise les bons termes en ce qui concerne l'accès aux marchés. Lorsque nous avons parlé de montants globaux et de montants partiels à propos de l'accès aux marchés, les engagements d'accès minimum devraient être indiqués en montants aussi partiels que possible, c'est-à-dire produit par produit plutôt que pour l'ensemble du secteur. Dans certains cas, il faudrait même considérer le niveau des lignes tarifaires individuelles. Les engagements globaux autorisés dans le cycle d'Uruguay, et c'est la question qu'on a soulevée tout à l'heure, ont permis à certains pays de combiner les produits pour les questions d'accès. Merci.

Le président: Merci.

• 1035

Mme Laurie Curry: Je voudrais juste ajouter un commentaire à propos des ingrédients du modèle d'approvisionnement nord-américain puis revenir aux barrières liées à la composition et la raison pour laquelle elles sont tellement importantes. Considérez une société comme Kellog's ou General Mills aujourd'hui, ces sociétés dont vous parlez, pour la concurrence, leur priorité... Le premier concurrent de General Mills n'est pas Kellog's. C'est General Mills dans le monde entier.

Si vous travaillez actuellement au Canada, vous n'essayez pas d'approvisionner 30 millions de Canadiens; vous voulez obtenir le marché et approvisionner 300 millions de Canadiens et d'Américains. C'est la raison pour laquelle les barrières liées à la composition sont tellement importantes. Si vous ne pouvez justifier et remporter ce marché sur une base nord-américaine, autant ne pas continuer. C'est là qu'on revient à l'importance, pour le secteur secondaire, de ces barrières liées à la composition.

M. Jerry Pickard: Je suis tout à fait d'accord. Dans ma circonscription, Heinz dit depuis des années que son plus gros concurrent, c'est Heinz, États-Unis, et non pas une autre société. Très franchement, l'uniformité est très importante pour eux s'ils veulent faire face à la concurrence internationale.

Je suis très satisfait de voir la proposition zéro pour zéro parce que cela semble tout à fait dans la ligne de ce que demandent les groupes agricoles auxquels nous avons parlé. C'est très positif. Il semble que l'industrie collabore beaucoup mieux sur certains points qui sont extrêmement importants. C'est très satisfaisant.

Le président: Merci.

Je voudrais simplement poser une petite question technique et une plus théorique avant que nous mettions fin à cette discussion. Pour ce qui est de la question technique, nous avons entendu les producteurs de maïs décrire leurs produits d'exportation à valeur ajoutée, comme la bière, et je comprends donc bien. Quels sont les produits d'exportation à valeur ajoutée du blé? Vous n'exportez pas de pain, n'est-ce pas? Je suppose que vous pourriez exporter beaucoup de produits congelés. Serait-ce du pain et d'autres produits de boulangerie congelés?

M. Jim Whitelaw: Les gens sont en général très surpris des volumes d'exportation/importation. Par facilité, nous avons parlé du marché international. Une société dont l'activité peut se concentrer au Canada et aux États-Unis dira qui au Canada, elle fabrique ces quatre lignes de biscuits, qu'aux États-Unis, elle fabrique ces six autres lignes, et qu'elles se les échangent. Nous importons près de 40 millions de livres de biscuits—excusez les livres, mais c'est la mesure utilisée par Statistique Canada. Nous exportons probablement 45 millions de livres de biscuits. C'est donc très ouvert. Une société à Battle Creek produit une certaine ligne et une autre à London une autre ligne et elles procèdent à des échanges. C'est ce qui fait la rentabilité de la société et c'est très bien.

Pour ce qui est d'autres produits à valeur ajoutée, en effet, on a fait de gros progrès. Comme je le disais, nous avons un certain type de blé qui peut être gelé et dégelé et c'est un gros progrès.

Il y a des sociétés que le gouvernement ontarien essaie d'attirer pour la fabrication de pretzel et de choses de ce genre afin d'accroître le commerce. Vous savez probablement que tout le monde adore les pretzels mais que nous n'en fabriquons pas.

Le président: Nous allons commencer, si je comprends bien.

M. Jim Whitelaw: En effet.

M. Terry Daynard: Dans notre organisation, nous aimerions insister davantage sur les produits à valeur ajoutée qui ne sont pas actuellement sur le marché mais qui pourraient l'être d'ici cinq à dix ans.

Comment attirer les projets pilotes de 50 millions de dollars pour essayer quelque chose? Nous avons des exemples, et je suis sûr que vous pourriez les utiliser dans tous les cas. Dans notre cas, nous envisageons de fabriquer des produits pour remplacer le plastique à partir d'hydrates de carbone, le maïs en étant évidemment une bonne source. Il y a des projets pilotes dans le monde et nous aimerions les attirer ici. Il y a actuellement un gros marché mais nous prévoyons qu'avec les préoccupations environnementales, etc., c'est un domaine dans lequel nous pourrions nous développer considérablement sur le marché mondial.

Il s'agit de prévoir aussi ce que nous voudrions faire. C'est un domaine auquel nous consacrons beaucoup de temps. Nous aimons le secteur des affaires et s'ils veulent s'installer quelque part en Amérique du Nord, qu'ils s'installent donc en Ontario.

Le président: Cela nous ramène au débat sur l'éthanol. Comment avoir la bonne infrastructure gouvernementale ou le bon milieu pour encourager ce développement?

• 1040

Ma question suivante est, comme je le disais, plus théorique. Le Syndicat national des cultivateurs...

M. Jerry Pickard: Laissez Fred parler aussi de valeur ajoutée parce que sur le marché du soja, la valeur ajoutée est...

M. Fred Brandenburg: Dans le secteur du soja, la valeur ajoutée se situe surtout dans les produits. Le soja est pressé pour l'huile, que l'on utilise dans les huiles cuisson et les margarines ainsi que d'autres produits de ce genre, et la teneur protéique est très élevée si bien qu'on l'utilise beaucoup comme supplément dans les provendes essentiellement. Nous exportons ce que nous appelons du soja à valeur ajoutée—pas mal en Asie pour la fabrication de produits alimentaires tels que le tofu, les boissons au soja et tout un éventail d'autres produits. Je crois que nous avons là le même problème que celui que soulevait M. Daynard: comment obtenir que certaines de ces industries viennent s'installer au Canada. Pourquoi ne pas exporter les produits à valeur ajoutée? Nous n'en sommes pas encore là du tout.

Le président: Je n'ai malheureusement pas le temps mais je crois qu'il va nous falloir revenir à cette question qui est très importante. Hier, nous avons entendu beaucoup de groupes à Toronto qui sont très mécontents de la nature de l'organisation commerciale. Ils estiment qu'elle détruit la société, que nous perdons nos racines; on blâme l'organisation internationale pour beaucoup des problèmes que nous connaissons. Il y a des gens qui disent que nous devrions même sortir de l'OMC, nous en débarrasser. C'est comme le débat sur l'AMI. Je ne peux entrer dans le détail mais ce sont de gros problèmes.

Ce qui est intéressant, c'est qu'à Winnipeg, nous avons reçu un groupe de cultivateurs, le Syndicat national des cultivateurs, qui nous a dit la même chose. Il nous a dit, écoutez, les valeurs à la ferme n'ont pas augmenté, elles ont baissé. Le commerce international ne nous a rien rapporté. Le cultivateur moyen est plus pauvre que nous ne l'étions autrefois. Toute cette mondialisation du commerce est en train de nous détruire.

Maintenant, vous tous nous avez dit ce que l'on dit toujours—veillons à ce que le système fonctionne mieux, obtenons un meilleur accès pour nos produits, c'est la seule voie de la prospérité.

Nous entendions l'autre message et c'était le seul message que nous entendions. Y a-t-il ici en Ontario un Syndicat national des cultivateurs?

M. Jerry Pickard: Oui.

Le président: Je suppose qu'il serait du même avis?

M. Jerry Pickard: Je n'en suis pas certain. Terry le saurait.

Le président: Quelqu'un pourrait-il nous le dire? Il me semble que nous devrions vraiment avoir un dialogue entre les gens comme vous qui voient les mérites de ce système et qui veulent l'améliorer et ceux qui estiment que cela détruit en fait un mode de vie. Il faut que les vrais gens, les cultivateurs eux-mêmes, comme vous, se parlent entre eux, sinon cela ne marchera pas si cela vient constamment de vous à nous politiques et que nous nous adressons par ailleurs à eux.

Certes, en tant que politiques, nous devons être en fait des filtres mais il me semble que ces gens ne pourront véritablement être persuadés de la chose que s'ils peuvent discuter directement de la question avec vous afin de comprendre que votre prospérité dépend de ce système. Ils n'en sont certainement pas persuadés aujourd'hui. Ils sont persuadés qu'il y a un genre de conspiration et que seules les grosses multinationales profitent de tout cela, que nos cultivateurs n'en profitent absolument pas. Comment pourrions-nous régler ce problème?

M. Terry Daynard: Le Syndicat national des cultivateurs est un organisme agricole national tout à fait légitime. Il est surtout dans l'ouest du Canada. Nous avons en Ontario un processus pour les organisations dites homologuées ou certifiées et le Syndicat national des cultivateurs n'a pas été homologué ici. J'espère que vous parlerez un moment à la Fédération canadienne de l'agriculture qui représente un ensemble beaucoup plus important de groupes agricoles.

Le président: Il y a quelqu'un qui vient cet après-midi de ce syndicat national des cultivateurs.

J'ai M. Curry, M. McCreery puis M. Whitelaw.

M. Terry Daynard: Je disais simplement que c'était un groupe très peu important ici. Les cultivateurs ont d'après moi deux façons de voir. Nous avons étudié la question au sein de nos groupes. Premièrement, on peut pleurnicher indéfiniment sur l'horreur de la situation, sur le fait que le monde évolue et qu'il faut être plus concurrentiel. Ce n'est pas simplement dans le domaine agricole. Regardez tout le reste, ce qui arrive à l'industrie automobile, au secteur de l'informatique, c'est la même chose. Ou on peut dire que le bien-être de nos membres et de ceux que nous représentons dépend de notre capacité à construire une meilleure souricière, de meilleurs produits et à le faire dans une optique de mondialisation. Je dirais que nous sommes tout simplement convaincus qu'ici en Ontario nous avons tous les outils, l'infrastructure, etc., nécessaires pour nous permettre d'exceller sur une telle base.

Certes, les multinationales jouent un rôle important. Nous avons aussi en Ontario des organisations agricoles solides pour faire dans une certaine mesure contrepoids et nous nous bagarrons de temps en temps alors que d'autres fois nous coopérons très bien. Mais souhaiter que le monde fasse marche arrière et revienne à la situation de 1950 ou de 1960, c'est rêver. Il faut donc trouver comment survivre au prochain siècle et non dans le dernier siècle.

• 1045

Le président: Cargill est donc peut-être un problème mais cela ne vous empêche pas... Vous allez y faire face. D'accord.

Madame Curry.

Mme Laurie Curry: J'allais ajouter un commentaire car, d'après nous, ce qui manque, c'est une vision pour l'avenir de l'ensemble du secteur agroalimentaire. C'est probablement la raison pour laquelle nous n'avons pas réussi à rallier toutes les forces. Très franchement, même en tant que fabricants, nous avons essentiellement concentré notre attention sur la fabrication, le détaillant et le consommateur, et je crois qu'il nous faut considérer aussi toute la chaîne afin de nous assurer que nous travaillons tous ensemble et collectivement à bâtir l'avenir.

Même à l'OMC, si l'on considère bien des choses, il s'agit essentiellement des produits agricoles primaires. C'est probablement la raison pour laquelle nos commentaires aujourd'hui portaient davantage sur la nécessité d'aller au-delà. Si nous savons que la croissance va venir de la valeur ajoutée et que nous voulons passer de 60 p. 100 d'exportations de produits bruts à 60 p. 100 d'exportations de produits à valeur ajouté, comment pouvons-nous collaborer pour parvenir à ce résultat d'une façon qui profite à tous les secteurs de la chaîne?

Le président: En vitesse, monsieur McCreery.

M. Liam McCreery: Merci, monsieur le président.

Vous parlez de principes et c'est un exercice très intéressant. Toutefois, pour les cultivateurs de soja, en Ontario, nous exportons un tiers de notre récolte. Si nous décidons de faire de la myopie et de nous concentrer sur le Canada, de dire que le Canada doit se suffire à lui-même, un tiers de notre récolte nous restera sur les bras. Je crois—et je sais—que si vous considérez l'ensemble de l'agriculture canadienne, vous constaterez que nous produisons plus que nous n'avons besoin au Canada. Donc, vouloir nous refermer sur nous-mêmes et nous opposer au commerce international semble tout à fait utopique.

Si, du point de vue des principes, les Canadiens décident qu'ils ne veulent pas d'échanges commerciaux, nos élus doivent se faire les agents de ce processus et comprendre que notre mode de vie se détériorera très rapidement. De tous les pays du G-7, le Canada est celui qui dépend le plus du commerce. En pratique, nous ne pouvons envisager d'abandonner le commerce extérieur si nous voulons maintenir notre niveau de vie au Canada.

Le président: En effet.

M. Liam McCreery: En toute justice, je crois qu'il faut reconnaître que ceux qui ont des objections ne s'opposent pas aux échanges commerciaux; ils s'opposent au fait que le système ne tienne pas compte des autres valeurs telles que les droits de la personne, les normes de travail et toutes sortes d'autres questions très importantes qu'on oublie lorsqu'on met l'accent exclusivement sur les aspects commerciaux. C'est une préoccupation sérieuse dont nous devons tenir compte.

Le président: Jerry.

M. Jerry Pickard: Si vous me le permettez, je crois que tous ici présents comprennent que toutes les organisations ont leurs préoccupations régionales, y compris le Syndicat national des cultivateurs, qu'il y a des points de vue qui divergent peut-être de l'organisation nationale. Comme l'a fait remarquer Jerry, la FCA est la plus grande organisation agricole du pays et la mieux reconnue comme organisation cadre. La fédération a apporté sa contribution et s'est dite tout à fait en faveur du commerce extérieur. Il ne fait donc aucun doute que le point de vue de la majorité de la communauté agricole diffère de celui du groupe régional de Winnipeg que nous avons entendu l'autre jour.

Le président: C'est intéressant. Merci.

Nous devons conclure, car nous accusons déjà un retard de dix minutes.

Monsieur Whitelaw, vous aurez le dernier mot.

M. Jim Whitelaw: Pour conclure, je dirai que ce qui compte, c'est la communication. Nous tentons d'améliorer la communication avec tous les intervenants du domaine du commerce. Ainsi, je m'entretenais avec un producteur primaire l'autre jour qui m'a demandé pourquoi nous importons du couscous asiatique. Je lui ai répondu que tel n'était pas le cas, que nous le produisons ici puisque le couscous est fait de blé. C'est donc sur la communication, en matière commerciale, que nous devons mettre l'accent.

Le président: Merci beaucoup. Vous nous avez beaucoup aidés. Nous vous en savons gré. Les remarques de votre groupe ont été très intéressantes.

Je vois que M. Plumptre est présent, alors, je lui demande de bien vouloir prendre place. Nous ferons une pause d'une minute, puis nous entendrons M. Plumptre.

• 1049




• 1054

Le président: Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Plumptre de la Banque Scotia. Monsieur Plumptre, vous savez ce que nous faisons, je n'ai donc pas à vous donner une longue explication. Nous ne vous demanderons pas ce que font les banquiers de Toronto ici, car je présume que la Banque Scotia a des clients importants à London.

M. Timothy G. Plumptre (vice-président principal, Financement des opérations commerciales et Relations interbancaires, Banque Scotia): En effet. Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames est messieurs. Je suis ici car je me suis dit que vous auriez davantage de temps à me consacrer que si je m'adressais à vous à Toronto et je dois aussi participer à une rencontre d'étudiants ici ce soir.

• 1055

Merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant votre comité. Je m'appelle Tim Plumptre, et je suis responsable du financement des opérations commerciales à la Banque Scotia. J'ai été administrateur de l'Association des exportateurs et importateurs canadiens et je suis actuellement président du groupe de travail de l'Association des banquiers canadiens sur le commerce extérieur. J'ai aussi été brièvement membre d'un groupe consultatif sur les priorités relatives à la ZLEA du département du Commerce des États-Unis avant la tenue du premier sommet sur la ZLEA à Miami. Certaines des idées que je vous présenterai aujourd'hui ont aussi été communiquées à l'équipe américaine. Qui sait? Peut-être voudront-ils communiquer avec vous.

Ce matin, j'aimerais vous faire part du fruit de mes réflexions sur ce que devraient être les priorités du Canada au cours des négociations sur la ZLEA et d'autres négociations commerciales à venir. Que devraient inclure ces négociations? Je soulèverai certaines questions en fonction de ce que nous ont dit nos clients et en fonction de ma propre expérience, ayant vécu et travaillé dans huit pays sur une période de vingt ans avant de venir au Canada.

J'aimerais d'abord vous donner un bref aperçu du bilan de la Banque Scotia à ce chapitre. Notre banque s'occupe de commerce international depuis sa fondation il y a 160 ans. Aujourd'hui, nos bureaux à l'étranger, y compris les coentreprises, totalisent presque 700 et sont situés dans plus de 50 pays. Outre notre principale franchise dans les Antilles, la présence de la Banque Scotia à l'étranger prend la forme d'un réseau exhaustif de succursales canadiennes en Amérique latine et en Asie. En Asie, nous sommes présents dans 10 pays où le financement des opérations commerciales constitue nos principales activités, ainsi que dans plus de 30 pays qui seront inclus dans la ZLEA. Au Canada, nous comptons plus de 100 employés dans huit bureaux spécialisés à l'échelle du pays, dont environ 20 dispensent des conseils et aident directement nos clients et nos agents de compte à régler les problèmes.

Au fil des ans, et dans tous ces endroits, la Banque Scotia a pu acquérir une expérience considérable en aidant ses clients à financer leurs opérations commerciales, surtout les petites entreprises qui ont toujours représenté notre clientèle de choix. Au risque de dire une évidence, nous appuyons nos clients dans deux aspects intereliés de leurs activités: se faire payer et, le cas échéant, financer les acheteurs afin de se faire payer.

Au sujet de se faire payer, il y a quelques questions pratiques que j'aimerais aborder, et j'espère que ces questions seront examinées, sinon réglées, au cours des négociations commerciales à venir.

Malheureusement, les facteurs que constituent le risque et le paiement sont souvent négligés pendant ces négociations commerciales gouvernementales qui se concentrent habituellement sur l'accès aux marchés et les tarifs. Toutefois, faire fi de l'importance de ces facteurs pourrait avoir un effet néfaste sur les exportateurs canadiens, surtout les petites et les moyennes entreprises.

Permettez-moi de vous expliquer pourquoi. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il ne sert à rien de vendre sur un marché étranger sans être certain de se faire payer. C'est particulièrement le cas des petites entreprises, qui n'ont pas la portée géographique ou le pouvoir de négociation des grandes sociétés pour régler leurs problèmes de paiement. Il importe peu que nos hommes d'État négocient des réductions de tarif, etc. et signent des accords de libre-échange avec de nouveaux marchés si les exportateurs en puissance ne peuvent y vendre leurs produits en toute confiance.

Y a-t-on réfléchi? Mais c'est une question qui n'appelle pas de réponse. Je n'en suis pas certain, mais je ne crois pas qu'on y ait réfléchi.

Dans bien des pays qui feront partie de la ZLEA, le risque et les paiements constitueront probablement un problème. Plusieurs des économies faibles et petites de l'Amérique latine constituent un risque à peine acceptable pour les banques commerciales, et la Société pour l'expansion des exportations, la SEE, dont le mandat exige qu'elle fasse des profits, trie ses clients sur le volet, à juste titre.

C'est un problème particulier pour le Canada en comparaison avec les États-Unis, par exemple, puisque le commerce et les investissements sont étroitement liés. L'équivalent américain de la SEE, l'Ex-Im Bank, est prête à assumer des risques plus élevés dans certains marchés où les investissements américains sont plus importants, et joue donc un rôle stratégique dans l'aide qu'apportent les États-Unis à ces économies parfois en difficulté. J'en veux pour preuve l'aide accordée par les États-Unis à la Corée sous forme de crédit alimentaire pendant la crise coréenne. Lorsqu'ils ont accaparé le marché, surtout celui des produits de la viande, la SEE a offert les mêmes conditions, mais elle l'a fait après coup et n'a pas su être proactive. C'est un problème qui persiste.

• 1100

Pour régler ce problème, je recommande que l'on revoie le mandat de la SEE pour faire de celle-ci un agent de la politique commerciale du gouvernement. Comme je l'ai dit, c'est déjà le cas des autres sociétés étrangères d'assurance des crédits à l'exportation. Sinon, on pourrait élargir les mesures relatives au compte de la SEE pour répondre à ce besoin. Mais à quoi sert-il que les gouvernements signent des traités commerciaux avec des pays tels que le Nicaragua et l'Équateur si les exportateurs ne peuvent y vendre leurs produits en raison de problèmes d'accès au crédit?

Beaucoup de petits entrepreneurs sont venus à la Banque Scotia en désarroi après avoir participé, souvent aux frais des contribuables, à une mission commerciale ministérielle dans une région éloignée du globe pour ensuite constater qu'il était pratiquement impossible de financer le contrat qu'ils avaient obtenu. On pourrait aussi demander à nos négociateurs d'examiner les mesures prévues par l'accord de l'ALADI intervenu entre les quatre partenaires du MERCOSUR: l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay et le Brésil. Le MERCOSUR prévoit la compensation du risque, ou un accord de compensation, entre les quatre banques centrales.

Ainsi, un Argentin qui vend du blé au Brésil et qui reçoit une lettre de crédit émise par une banque brésilienne n'a pas à payer pour faire confirmer cette lettre de crédit par sa banque en Argentine. Toutefois, si le vendeur argentin veut une confirmation, la banque argentine la lui donnera pour moins cher, c'est-à-dire pour moins cher que ce que demanderait une banque canadienne à un exportateur canadien. Il en est ainsi car si la banque brésilienne ne paie pas, la banque argentine se fera payer par la Banque centrale d'Argentine, qui à son tour se fera payer par la Banque centrale du Brésil. Soit dit en passant, le risque brésilien étant si coûteux de nos jours, les fournisseurs de blé argentins jouissent d'un avantage de financement des coûts considérable par rapport aux fournisseurs qui ne font pas partie du MERCOSUR. D'ailleurs, la baisse des exportations de blé vers le Brésil reflète cet état de choses.

Notre principale activité au Canada est le financement des exportations de céréales vers l'Amérique latine; nous suivons donc la situation très attentivement. Les fournisseurs argentins jouissent d'un avantage considérable précisément pour cette raison, le coût du financement, quels que soient les autres coûts. J'estime que cet accord entre les banques centrales pourrait s'appliquer aux paiements commerciaux dans la plus vaste région de la ZLEA. Si le Canada n'est pas disposé à assumer certains risques à l'égard des banques centrales de ces pays, pourquoi signons-nous des traités de libre-échange avec eux?

Il y a une autre façon d'atténuer le risque des paiements. Le Canada, comme tous les pays de la ZLEA sauf Cuba, est membre de la Banque interaméricaine de développement, la BID, dont le conseil d'administration est constitué des gouverneurs ou des sous-gouverneurs des banques centrales. En guise de solution de rechange aux suggestions que je viens de faire, on pourrait élargir le rôle de la BID de sorte qu'il inclue la compensation des risques commerciaux entre les banques centrales qui en sont membres. Sa filiale, la Société interaméricaine d'investissement, pourrait aussi voir ses activités élargies de sorte qu'elle puisse inclure une division d'assurance du risque de crédit.

J'ai laissé avec les copies papier de mon exposé des dépliants décrivant la Société interaméricaine d'investissement.

Les organismes de crédit à l'exportation tels que la SEE du Canada pourraient considérer cela comme une double assurance du risque qu'ils ne veulent pas assumer relativement aux exportations vers les autres pays membres. La BID, en contrepartie, réglerait le défaut de paiement avec la banque centrale du pays en question le cas échéant. Mais en fait, le défaut de s'acquitter de ses obligations commerciales, surtout en ce qui concerne les lettres de crédit, est extrêmement rare.

Je vous fais donc cette proposition. J'ajouterais que si une telle mesure n'est pas adoptée, la création de la ZLEA pourrait être nuisible pour ses membres les plus faibles. Lorsque les cinq économies les plus grandes et les moins à risque de la région auront un meilleur accès, elles, avec les États-Unis et le Canada, transigeront entre elles et feront fi des petits marchés si ceux-ci comportent des risques de crédit.

J'aimerais vous parler maintenant encore de la réduction du risque, mais du point de vue de la protection nécessaire pour l'exportateur qui vend ses produits à l'étranger. Je vous décris d'abord le contexte. Essentiellement, dans le domaine du financement des opérations commerciales, il y a quatre méthodes de paiement qui reflètent chacune le niveau de risque ou de confiance du vendeur. En commençant par le risque le moins élevé, qui reflète un niveau de confiance élevé, les méthodes de paiement sont les suivantes: le crédit ouvert, le recouvrement d'effets, la lettre de crédit documentaire et l'avance de fonds. Cette dernière méthode est actuellement exigée dans au moins six pays, les six plus risqués de la ZLEA, mais n'est habituellement pas disponible sur les bons marchés.

Les exportateurs vous diront qu'ils préfèrent, lorsque c'est possible, le crédit ouvert à la lettre de crédit. C'est beaucoup plus simple et moins coûteux, même s'il faut une assurance-crédit sur les sommes à recevoir de ces comptes ouverts. C'est, je crois, le secteur d'activité de la SEE dont la croissance est la plus rapide. Autant les importateurs que les exportateurs détestent les lettres de crédit, qui s'appliquent à la majorité des exportations de la SEE dans des pays autres que ceux de l'OCDE, soit Essentiellement les pays de la région de la ZLEA.

• 1105

Soit dit en passant, les banques canadiennes avisent environ 50 000 lettres de crédit d'exportation reçues de banques étrangères et d'une valeur d'environ 10 milliards de dollars. Cela constitue le fondement même de nos revenus provenant du financement des opérations commerciales. Je ne vous fais donc pas ces remarques par égoïsme, au contraire, mes collègues ne les apprécieront probablement pas, mais tout ce qui peut réduire la proportion d'échanges commerciaux accompagnés de lettres de crédit et augmenter la proportion du crédit ouvert est bon pour les exportateurs. C'est particulièrement vrai des petits exportateurs, qui ne sont pas toujours en mesure de se conformer aux exigences parfois coûteuses d'une lettre de crédit et qui, souvent, ne les comprennent pas bien.

Les accords de libre-échange ont précisément cet effet si on sait leur donner suite en matière de crédit. Ainsi, après la signature de l'ALENA, une proportion considérable des exportations du Canada et des États-Unis vers le Mexique est passée des lettres de crédit au crédit ouvert, et deux organismes de crédit à l'exportation, Ex-Im Bank et la SEE, étaient généralement prêts à assurer les sommes à recevoir de ces comptes ouverts si cela avait été nécessaire, ce qui ne l'a pas été dans la majorité des cas.

De plus, depuis la création du MERCOSUR, une proportion plus élevée du commerce au sein de la région se fait selon la méthode du crédit ouvert, car les vendeurs et les acheteurs, libérés par la réduction des tarifs, se connaissent mieux. Toutefois, à l'heure actuelle, peu d'exportateurs seraient prêts à accorder un crédit ouvert aux acheteurs des pays les plus faibles de la ZLEA proposée. En fait, ceux qui exportent vers cette région ont du mal à obtenir la confirmation des lettres de crédit dont la banque canadienne chargée d'aviser est prête à garantir le paiement.

Un de nos partenaires commerciaux à Winnipeg est venu nous voir hier avec des contrats importants pour le Guatemala. Nous n'avons pas de limite pour le Guatemala. Je ne devrais peut-être pas vous dire cela avant de poser la question à la SEE, mais je ne crois pas que la SEE pourra accorder des conditions concurrentielles comme celles dont jouira le fournisseur américain, tout simplement parce que les investissements américains au Guatemala sont bien plus considérables que ceux du Canada. Le vendeur de céréales canadien sera donc probablement désavantagé.

Souvent, le risque commercial que présente l'acheteur étranger est acceptable. Ces acheteurs du Guatemala, par exemple, importent probablement des céréales d'Amérique du Nord depuis 50 ans sans avoir jamais eu de mal à les payer. C'est le risque que présente le pays, le risque politique qui pose un problème, qui fait que l'importateur a du mal à avoir accès à des devises étrangères. Une plus grande volonté d'assurer les comptes à recevoir du crédit ouvert là où le risque commercial est acceptable contribuerait grandement à régler le problème, surtout si on réduit aussi le risque politique en employant l'une des quatre méthodes que j'ai décrites plus tôt.

N'oubliez pas que les exportations du Canada vers les 20 marchés les plus à risque de la ZLEA ne constitueraient qu'une part minimale du total, même si on exclut les exportations vers les États-Unis. Ce n'est donc pas aussi énorme que cela peut le paraître—je parle ici du risque dans l'ensemble que présentent les pays les plus à risque—et c'est une proportion négligeable de la croissance dans les échanges commerciaux que devrait générer la ZLEA.

Si nous voulons véritablement aider nos exportateurs, surtout les PME, à vendre dans la ZLEA, nous devons supprimer certaines des restrictions en matière de paiements et les aider à vendre avec crédit ouvert. Cela signifie que le gouvernement devra garantir certains des pires risques, au moins au début, pour donner le coup d'envoi. Après tout, c'est pour cela qu'ont été créés les organismes de crédit à l'exportation, qui sont des agents de la politique commerciale de leurs gouvernements respectifs et qui, à ce titre, doivent compléter la capacité du secteur privé d'assumer les risques à un prix abordable.

Vous me demanderez peut-être pourquoi ne pas demander aux banques, plutôt qu'à la SEE, de faire cela? Nous le faisons déjà. Nous avons des limites de crédit pour la confirmation des lettres de crédit dans plus de 100 pays, et la plupart des 50 000 lettres de crédit que j'ai mentionnées plus tôt sont confirmées par des banques canadiennes. La confirmation se fait lorsque la banque chargée d'aviser, dans notre cas, la banque canadienne, intervient et garantit le paiement au cas où la banque d'un importateur sur le marché étranger est incapable de payer.

• 1110

Nos niveaux de risque étranger sont surveillés très étroitement par le Bureau du surintendant des institutions financières et les analystes boursiers, sans oublier nos actionnaires et déposants, ce qui vous inclut tous. Il y a une limite au risque étranger que nous pouvons assumer, qui est bien en deçà de ce qui est nécessaire. Voilà pourquoi les gouvernements doivent compléter les ressources du secteur privé.

D'un autre point de vue, la Chine offre un bon exemple de ce qui se passe lorsque les PME et leurs banques ne sont pas convaincues qu'elles seront payées. Il n'y a pratiquement pas d'exportateurs canadiens qui fassent des affaires en Chine avec un crédit ouvert. Même avec une lettre de crédit, le risque est élevé pour l'exportateur, tout comme pour sa banque si elle est prête à l'aider. Le coût du financement est donc plus élevé et les exportateurs sont moins intéressés par cet énorme marché auquel les politiciens ont consacré tant d'efforts. Cette situation est attribuable à deux facteurs.

Premièrement, les banques chinoises, qui sont pratiquement toutes contrôlées d'une façon ou d'une autre par le gouvernement, ne demandent pas que soient confirmées leurs lettres de crédit par souci de fierté nationale. Cela ne changera pas probablement pas après l'entrée de la Chine dans l'OMC, mais cela pourrait changer. Cela en soit décourage fortement les petits exportateurs, qui, à juste titre, préfèrent ne pas assumer le risque de la banque chinoise, surtout à la lumière d'un autre facteur, à savoir que, parfois, les banques chinoises ne se conforment pas aux normes internationales prévues pour les lettres de crédit et énoncées dans les règles et usages uniformes relatifs aux lettres de crédit publiés par la Chambre de commerce internationale, à Paris.

Nous en avons fait l'expérience à la Banque Scotia. Un des membres de mon équipe est le représentant canadien dans ce domaine et siège aussi au sein du groupe d'experts de la CCI qui arbitre les différends sur les lettres de crédit. Il est d'ailleurs à Paris aujourd'hui à ce titre.

Les banques chinoises sont connues pour invoquer les erreurs les plus insignifiantes, comme une ou deux fautes d'orthographe dans un document, pour refuser de payer une lettre de crédit, habituellement à la demande de leur client qui a décidé qu'il ne veut plus les biens qu'il a commandés, ou parce qu'il a fait faillite et ne peut plus les payer.

Les exportateurs acceptent donc une lettre de crédit non confirmée à leur péril. Dans la plupart des cas, ils préfèrent éviter ce marché ou obtenir de leur banque qu'elle assume le risque sans qu'il soit précisé, ce qui est très coûteux car c'est très risqué pour la banque. En réalité, les banques accepteront de faire cela pour les grandes sociétés qui peuvent exercer une certaine influence sur les importateurs et ainsi éviter les absurdités auxquelles je viens de faire allusion, les petites erreurs insignifiantes. Malheureusement, c'est la PME qui en est à sa première expérience dans l'exportation qui obtiendra des réponses évasives de l'importateur chinois et de la banque et, par conséquent, il est peu probable que la banque lui accorde ce que nous appelons une confirmation muette.

J'espère que ce problème sera réglé dès que la Chine se joindra à l'OMC. Nous appuierons les efforts du gouvernement canadien dans ce sens. En adhérant à l'OMC, la Chine sera tenue de se conformer aux lignes directrices de la Chambre de commerce internationale, et, pour tous les banquiers et les exportateurs, surtout les petits, c'est une mesure très attendue. Cette mesure contribuerait d'ailleurs davantage à accroître le commerce avec la Chine que la réduction des tarifs.

J'espère que ces remarques présentées du point de vue d'un banquier spécialisé dans les opérations commerciales vous seront utiles. Manifestement, tout va bien pour nous quand tout va bien pour nos clients; nous souhaitons donc qu'il soit facile pour eux de se faire payer pour leurs ventes à l'étranger.

Mesdames et messieurs, merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Plumptre. Vous nous avez présenté un point de vue différent. Nous n'avions encore entendu personne nous présenter ce point de vue. Dans notre rapport, nous inclurons un chapitre sur les relations entre le régime commercial et le FMI et la Banque mondiale, autrement dit, sur l'architecture financière internationale. Mais nous prenons bonne note de vos remarques. Nous devrions aussi inclure une section sur la nécessité de prévoir des mécanismes financiers pour garantir des échanges commerciaux sans heurts, sinon, nous perdons notre temps. Vos observations nous seront donc très utiles.

Collègues, il ne nous reste que 12 minutes environ car je veux que nous nous limitions à une demi-heure pour cette partie de la réunion. Nous tâcherons donc de poser des questions brèves.

M. Deepak Obhrai: Merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui. Je suis d'accord avec le président pour dire que, grâce à votre expérience, vous nous avez présenté un excellent aperçu de la situation. Vous avez en tout cas fait ressortir des points importants relativement aux problèmes qui se posent. Les points que vous faites ressortir sont valables, mais eu égard à votre expérience des opérations bancaires sur le marché où les banques exercent leur activité, et je veux parler ici tout particulièrement de la SEE et de son mandat... Vous avez demandé que le mandat soit modifié afin qu'il fasse partie de la politique commerciale du gouvernement; je suppose que vous entendez par là que la SEE devrait aussi accroître son risque d'assurance. Nous avons entendu le témoignage d'assureurs privés qui voudraient assumer ce rôle. Pourquoi ce rôle devrait-il revenir à la SEE? Le compte du Canada pourrait bien faire l'objet d'un avis de conformité de l'OMC. Ce fut le cas dans le conflit qui nous a opposés au Brésil.

• 1115

Je peux comprendre que vous disiez que vous ne pouvez accroître votre risque que jusqu'à un certain point à cause de vos actionnaires et de diverses autres considérations. Par contre, vous dites aussi que le risque n'est pas tellement élevé, en fait, puisque nos exportations sont destinées aux États-Unis—la majorité d'entre elles. Vous semblez donc vous contredire un petit peu.

Je voudrais que vous nous disiez ce que vous pensez de ces questions que j'ai soulevées relativement à la SEE.

M. Timothy Plumptre: Vous avez parfaitement raison, monsieur Obhrai. Il semble effectivement y avoir un paradoxe dans ce que j'ai dit, en affirmant d'une part que le risque est assez peu élevé et, d'autre part, que les banques ne sont pas prêtes à l'assumer. C'est un sujet qui revient sans cesse dans les conversations que j'ai avec notre service du crédit.

Le rôle de la SEE est quelque peu différent de celui d'autres organismes de crédit à l'exportation. Comme vous le savez très bien, son mandat est en cours d'examen. Comme la société est censée être financièrement autonome et «rentable», elle a tendance à être assez prudente pour ce qui est des risques qu'elle prend—elle veut limiter autant que possible ses pertes. D'autres organismes de crédit à l'exportation sont davantage mandatés pour appliquer la politique gouvernementale, et c'est le cas de plusieurs de ces organismes. Il arrive à l'occasion que cette règle leur occasionne des pertes importantes. Les pertes sont considérées comme le prix à payer pour une politique gouvernementale destinée à appuyer les exportations. Ainsi, Ex-Im Bank, aux États-Unis, a un budget annuel qui sert à toutes fins utiles à subventionner les exportations américaines. Il faut utiliser le terme avec prudence, mais il s'agit finalement de subventions.

Le gouvernement canadien n'a pas pour sa part pris cette décision. Il tente de faire les deux: avoir un organisme de crédit à l'exportation qui rentre à tout le moins dans ses frais et appuyer en même temps les exportateurs. À notre avis—et les banques ont clairement présenté ce point de vue dans les témoignages qu'elles ont présentés aux audiences du comité sur ce sujet—, il s'agit là d'un paradoxe, car si ce secteur d'activité pouvait être rentable, le secteur privé y serait déjà engagé.

Cela revient à ce que vous disiez au sujet des assureurs qui souhaiteraient assumer le rôle que joue la SEE dans le domaine de l'assurance-crédit. Ils ne sont prêts à assumer ce rôle que s'ils y trouvent leur intérêt. Naturellement, comme ce sont des entreprises commerciales, les compagnies d'assurance ne souhaitent pas s'engager dans un secteur d'activité qui ne serait pas rentable. À l'origine, les organismes de crédit à l'exportation devaient s'engager dans des secteurs d'activité dont le secteur privé ne voulait pas, ce qui suppose qu'il s'agit d'un secteur peu susceptible de produire un bénéfice important.

Ainsi, Ex-Im Bank, aux États-Unis, n'est autorisée à intervenir que s'il n'y a pas de service semblable offert par le secteur privé. Cette condition se trouve inscrite dans son mandat. Elle ne peut faire concurrence aux services offerts par le secteur privé. Aussi, je ne crois pas que la privatisation du volet assurance de l'activité de la SEE pour le confier à des fournisseurs du secteur privé résoudrait le problème dont je vous parle, et qui tient à la couverture sur les marchés à risque élevé où les entreprises commerciales ne voudraient sans doute pas s'aventurer, du moins pas aux mêmes conditions que pour leurs activités commerciales.

Cela nous amène à nous demander si nous devrions même être engagés dans cette activité si elle n'est pas rentable aux conditions du marché. Nous ne devrions par contre pas l'inclure non plus dans les accords de libre-échange.

M. Deepak Obhrai: J'ai une dernière question.

Le président: Très rapidement.

M. Deepak Obhrai: Pour faire suite à ce que vous avez dit à propos de la rentabilité de la SEE et aux points que vous avez fait ressortir à ce sujet, je dirais que la SEE n'a sans doute pas de rôle à jouer sur le nouveau marché que nous connaissons à l'heure actuelle et que ce rôle pourrait être assumé par d'autres organisations gouvernementales plus petites. La SEE est une énorme société. Étant donné l'évolution du marché, seriez-vous d'accord pour dire que la SEE n'a sans doute pas de rôle à jouer?

M. Timothy Plumptre: Si vous me le permettez, je dirais que votre question est quelque peu tendancieuse. La SEE a certainement un rôle à jouer—ou un organisme semblable à la SEE. Il ne fait aucun doute que la SEE est moins frileuse que le marché commercial quand il s'agit de risques plus élevés, surtout pour le financement à moyen terme. Dans d'autres pays, cependant, l'appui qu'apporte la SEE se présente sous forme de garanties consenties au secteur des opérations bancaires commerciales afin d'amener les banques à prêter elles-mêmes l'argent au lieu que ce rôle incombe à un organisme gouvernemental. La principale fonction de la SEE est de prendre les risques que ni les compagnies d'assurance ni les banques ne sont prêtes à assumer. Tant que d'autres pays feront cela, nous devrons le faire aussi si nous voulons avoir une structure d'exportation concurrentielle.

• 1120

Aussi je ne pense pas qu'il soit possible de l'abolir complètement pour ce qui est du risque. Par contre, je ne suis pas aussi sûr qu'elle devrait s'occuper elle-même du financement. Mais il s'agit finalement d'une question distincte.

M. Deepak Obhrai: Merci beaucoup.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Debien, avez-vous des questions?

Mme Maud Debien: Non, je ne le pense pas.

Le président: Madame Augustine.

[Traduction]

Mme Jean Augustine: Monsieur le président, je tiens moi aussi à dire qu'on nous a présenté des points très intéressants. Nous avons entendu un représentant d'un cabinet d'avocats, si je ne m'abuse, qui nous a parlé du droit de la concurrence et de diverses lignes directrices sur lesquelles il serait important de s'entendre au cours des prochaines négociations.

Je crois que vous avez soulevé un point intéressant, à savoir que l'adhésion de la Chine nous amènera à nous pencher sur une panoplie de questions. Si nous voulons que nos petites entreprises puissent exercer leur activité sur le marché international, je crois qu'il est important d'établir des règles afin d'atténuer les risques qu'elles prendront sur ce marché.

J'ai été intriguée par le témoignage de certains des invités que nous avons entendus tout à l'heure. D'après ce que j'ai retenu du témoignage de deux de nos témoins, toute la question de la valeur ajoutée et de ce qui arrive aux biens que nous produisons—nous ne voulons pas nous en tenir à l'élément canadien, mais examiner la chose dans une perspective plus vaste. Au fur et à mesure que les petites entreprises et d'autres se lancent sur le marché international, je crois qu'il est important, en vue des prochaines négociations, que les questions que vous soulevez, qui ne sont pas actuellement au nombre de nos objectifs ou de nos préoccupations... Ces questions sont importantes—il faut pouvoir se lancer sur le marché, prendre des risques et avoir l'assurance que les engagements seront respectés. Je crois que c'est là quelque chose d'important pour les petites entreprises. C'était une observation.

Le président: Monsieur Plumptre, où en est l'examen de la SEE à l'heure actuelle. Je sais qu'on a dit que notre comité finirait par en être saisi, mais je ne sais pas...

M. Timothy Plumptre: J'avoue que je ne le sais plus.

Le président: Il semble que l'on ne cesse de retarder la chose...

M. Timothy Plumptre: Je crois que le rapport... pardon.

M. Deepak Obhrai: Je crois que le rapport sera publié à la mi-mai.

M. Timothy Plumptre: Si j'ai bien compris, il devra faire l'objet d'un examen parlementaire, si bien qu'il ne se passera sans doute rien avant octobre. Je crois que l'examen devait porter... ce sont les banques, en fait, qui ont réussi à faire inclure la disposition prévoyant l'examen quinquennal à cause des pouvoirs élargis qui avaient été consentis à la SEE. Il n'était question à l'origine d'examiner que la façon dont les nouveaux pouvoirs étaient exercés. La portée de l'examen a toutefois été élargie au fur et à mesure des discussions, à tel point qu'il s'agit maintenant d'examiner l'ensemble du mandat. Je crois toutefois qu'il devrait être terminé vers septembre ou octobre.

M. Deepak Obhrai: La première ébauche devrait être prête en mai, après quoi le ministre devrait présenter le rapport au Parlement. Vous avez raison; notre comité en sera sans doute saisi à l'automne.

Le président: Oui.

Pour ce qui est de la formule prévue dans le cadre du MERCOSUR, nous aurons sans doute l'occasion de discuter de cela si nous sommes appelés à examiner cet accord. Il s'agit d'une formule très intéressante. Vraisemblablement, ce sont les banques centrales qui jouent ce rôle, mais ici, ce serait la SEE. La SEE conclurait une entente avec les banques centrales de ces divers pays et permettrait ensuite aux entreprises d'obtenir du crédit au moyen, non pas d'une lettre de crédit, mais d'un compte ouvert.

M. Timothy Plumptre: Oui.

Le président: Voilà qui nous est très utile. Merci. Votre témoignage était très intéressant.

M. Timothy Plumptre: Merci.

M. Deepak Obhrai: Il serait utile que vous entriez un peu plus dans le détail...

Le président: Non, je suis désolé, nous avons déjà 30 minutes de retard.

M. Deepak Obhrai: D'accord.

Le président: Voyez quelle heure il est sur votre montre et où nous en sommes dans notre ordre du jour, et vous verrez si nous suivons notre horaire. Je n'aime pas interrompre les gens, mais nous avons vraiment beaucoup de retard.

Merci beaucoup, monsieur Plumptre. Nous vous sommes très reconnaissants pour votre témoignage.

M. Timothy Plumptre: Merci.

Le président: M. Warren est-il ici? Pourriez-vous venir prendre place à la table, monsieur? Merci d'être venu. Nous sommes désolés de vous avoir fait attendre aussi longtemps.

• 1125

M. Gil Warren (coprésident, Comité d'action politique, London and District Labour Council): Je vous en prie.

Je m'appelle Gil Warren. J'ai amené avec moi Bob Sexsmith, qui pourra participer et répondre aux questions. J'ai un exposé d'une dizaine de minutes, après quoi je serai heureux de répondre aux questions. J'ai aussi quelques mots d'introduction.

Tout d'abord, je tiens à vous présenter la personne qui m'accompagne. Bob Sexsmith est ancien président du London and District Labour Council et ancien président de la section de l'usine Prototool, qui à l'époque faisait partie du Syndicat des travailleurs de l'automobile. L'usine a fermé ses portes en 1984 après une fusion d'entreprises. Bob est membre retraité des Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile et joue un rôle de leadership dans le mouvement local de logement coopératif. J'étais heureux qu'il puisse se joindre à moi aujourd'hui.

Je m'appelle Gil Warren. Je vous adresse la parole au nom de Rick Witherspoon, président du London and District Labour Council. Rich avait un autre engagement qui l'empêchait d'être là aujourd'hui. Il m'a demandé de vous adresser la parole à sa place.

Je suis membre de la section 756 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale. Je fais partie du bureau du London and District Labour Council ainsi que du bureau du London Social Planning Council. Je suis également membre de la London Coalition for Fair Trade.

J'ai une remarque à faire au sujet du préavis que nous avons reçu pour ces audiences. Nous avons su il y a seulement deux semaines qu'elles devaient avoir lieu. Il y a une semaine et demie, j'ai téléphoné au bureau de circonscription du député de London-Nord-Centre, Joe Fontana, où on ne savait pas qu'elles devaient avoir lieu. Beaucoup de groupes communautaires auraient demandé à être entendus s'ils avaient été au courant de la tenue des audiences. Cet après-midi, à l'heure du déjeuner, la London Coalition for Fair Trade tiendra une manifestation à l'extérieur de l'hôtel ici et a prévu d'installer une tribune où on donnera la parole aux organisations qui auraient voulu venir vous parler aujourd'hui mais qui n'ont pas eu le temps ni les ressources pour le faire; on fera un enregistrement vidéo de ce que diront les orateurs.

Pour ce qui est de mon exposé, je voudrais...

Le président: Vous pourriez peut-être dire à ces gens-là que, s'il nous reste une heure à notre horaire cet après-midi et s'ils veulent venir nous rencontrer, nous serons heureux de les accueillir. Le problème que vous soulevez est sérieux. Si vous venez ici nous dire que...

Nous avons envoyé des avis. Nous avons fait tout ce que nous pouvions, sans toutefois payer très cher pour faire passer des annonces dans les quotidiens, parce que, à vrai dire, notre budget ne nous le permettait pas. Nous sommes loin d'avoir les moyens de faire cela. Nous avons essayé de le faire pour nos dernières audiences d'envergure, et cela nous a coûté des centaines de milliers de dollars pour joindre toute la population canadienne. Nous tentons effectivement de nous rendre dans toutes les régions du Canada.

M. Gil Warren: Pouvez-vous ajouter une heure de plus à votre horaire?

Le président: Nous avons tenté d'obtenir la collaboration de beaucoup d'ONG, comme celle que représente Mme Barlow, le Conseil des Canadiens, afin de faire passer le message à la population. Je ne blâme personne. C'est tout simplement que nous sommes un peu déçus, parce que vous n'êtes pas le premier à nous parler de ce problème.

M. Gil Warren: Pouvez-vous donc ajouter une heure à vos audiences?

Le président: Oui, nous pourrions faire cela...

M. Gil Warren: Dans ce cas-là, nous pourrions en parler à ces personnes à l'heure du déjeuner.

Le président: Si vous voulez leur en parler, nous pourrions ajouter des témoins à notre liste. Nous souhaitons entendre ce que les gens ont à dire. Si nous pouvions donc prévoir une heure cet après-midi, entre 14 h 30 et 15 h 30...

M. Gil Warren: D'accord. Je sais qu'il y en a d'autres qui seraient ravis de pouvoir vous adresser la parole, et je suis sûr qu'il y en a un ou deux qui se présenteraient devant vous.

Le président: Je comprends qu'il a un problème sur le plan de la préparation.

M. Gil Warren: À votre ordre du jour de l'après-midi, vous avez trois groupes qui sont prévus de 13 h 30 à 14 h 30. Il y en a d'autres toutefois qui aimeraient bien pouvoir vous adresser la parole.

Le président: Qu'on les ajoute et qu'on fasse en sorte de consacrer deux heures au lieu d'une à cette partie de nos audiences.

M. Gil Warren: Je vous présente mon exposé, après quoi nous pourrons passer aux questions. On est en train de distribuer le texte de mon exposé.

Le président: Oui.

M. Gil Warren: Je me présente ici au nom des 25 000 membres du London and District Labour Council, qui comprend aussi les villes d'Ingersoll, de St. Mary's et de St. Thomas. Nous avons un conseil du travail qui est très grand.

La position du London and District Labour Council sur l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, les négociations et la création d'une zone de libre-échange des Amériques, ZLEA, est très semblable à celle que vous a exposée Bob White, président du Congrès du travail du Canada, le 27 avril dernier. Les travailleurs de London souhaitent la libéralisation des échanges mondiaux, mais il faut que cette libéralisation profite, non pas seulement aux riches, mais aussi aux travailleurs.

• 1130

Les règles de l'OMC affaiblissent les gouvernements et grugent le droit démocratique des travailleurs de décider de leur avenir. Nous devons revenir à l'équilibre entre l'intérêt des travailleurs et celui des sociétés internationales. Les accords commerciaux ont un effet dévastateur sur les économies locales et les villes, comme on a pu le constater à London avec l'avènement du libre-échange au début des années 90, quand nous avons perdu des milliers d'emplois bien rémunérés, stables et syndiqués, comme ceux de Northern Telecom.

Nos gouvernements ont jeté des milliers de travailleurs au rebut. Pendant la période de questions, je serai heureux de vous parler de certaines des conséquences du libre-échange à London. Le gouvernement aurait dû, et devrait toujours, souscrire au principe du plein emploi et ne pas fixer un taux de chômage cible de 8 p. 100. Il aurait dû, et devrait toujours, souscrire au principe de la libre négociation collective au lieu d'avoir recours à des lois forçant le retour au travail et des contrats sociaux. Il aurait dû, et devrait toujours, souscrire à la nécessité d'avoir des programmes sociaux convenables au lieu de s'acharner à réduire le déficit.

S'il avait souscrit à ces principes, les travailleurs ne vivraient pas dans le désespoir pendant que des gens comme Bill Gates amasse des fortunes obscènes de 60 milliards de dollars. Bill Gates de Microsoft est un de ceux qui ont le plus insisté pour qu'on négocie ces accords commerciaux. Il a à toutes fins utiles le monopole de la technologie des logiciels informatiques et travaille d'arrache-pied à faire du droit de propriété international une question clé. Il pourrait tirer encore davantage de bénéfices d'accords futurs, et ses concurrents dans le domaine des logiciels informatiques se heurteront toujours à une porte close.

Nous n'appuyons pas la signature de quelque nouvel accord commercial que ce soit tant que ces problèmes n'auront pas été réglés. Il faudrait mettre l'accent sur un solide cadre social et environnemental avec la pleine participation des organisations non gouvernementales, les ONG, des syndicats et des Nations Unies. Le Conseil du travail de London est également d'avis qu'on s'évertue beaucoup trop à libéraliser les échanges alors que ces efforts n'ont pas donné les emplois ni la prospérité qu'on nous avait promis. Il y a bien plus de possibilités de création d'emplois au niveau local. Le développement économique local conçu par des gens de la localité pour répondre aux besoins locaux est bien plus susceptible de créer des emplois et d'assurer une redistribution de la richesse que la libéralisation des échanges.

Le London and District Labour Council travaille d'arrache-pied depuis bien des années à assurer le développement économique communautaire. Il a notamment mis sur pied la coopérative de logement et de travail TolPuddle d'une valeur de 12 millions de dollars et la coopérative de logement Twin Pines de même que des coopératives de travailleurs et une caisse de crédit communautaire. Nous travaillons aussi avec des groupes locaux comme Life Spin afin de favoriser la mise sur pied d'entreprises communautaires sans but lucratif.

Il y a de grandes possibilités de ce côté-là, mais nos efforts sont considérablement entravés soit par le manque d'appui gouvernemental soit par le caractère sporadique de l'appui gouvernemental au niveau tant fédéral que provincial. Par ailleurs, les conseils municipaux pourraient revenir à leurs rôles traditionnels comme promoteur du développement économique local, par l'entremise des services d'électricité publics et des commissions de transport en commun et en intervenant pour maintenir les emplois existant dans le secteur industriel quand les propriétaires se retirent ou quand les sociétés internationales tentent d'optimiser leurs bénéfices en fermant des usines locales.

Je voudrais consacrer le reste de mon temps de parole à deux sujets dont on parle rarement mais qu'il est essentiel que vous connaissiez en votre qualité de parlementaires appelés à vous pencher sur le commerce. Le premier est la façon dont la richesse est distribuée vers le haut dans un système économique qui est devenu un système d'aide sociale pour les riches, les privilégiés et les puissants de notre société. Quand on aide Paul Desmarais, le beau-père de la fille du premier ministre, à s'emplir les poches, on n'aide pas le travailleur d'usine de 55 ans de London qui est au chômage depuis 10 ans.

Pour se persuader de l'absurdité qui caractérise notre économie, il n'y a qu'à voir la situation financière de notre ami à tous, Bill Gates, propriétaire de Microsoft. Il est devenu en très peu de temps l'homme le plus riche du monde. Sa fortune s'élève à un montant incroyable, 60 milliards de dollars. Combien d'argent est-ce que cela représente finalement? Sa valeur nette a augmenté de 2 millions de dollars l'heure depuis l'an dernier. Deux millions de dollars l'heure! Personne ne vaut tout cet argent. C'est qu'il y a des problèmes très graves dans le système économique que nous sommes en train d'ériger. Ce n'est pas là la justice sociale. Ce n'est pas là la justice commerciale. Bill Gates a déjà assez d'argent pour acheter toutes les équipes nationales de football, de basket-ball, de base-ball et de hockey et d'assurer leur maintien.

• 1135

D'après les Nations Unies, il en coûterait 40 milliards de dollars par année pour assurer les services d'éducation, les soins de santé, l'approvisionnement en nourriture et en eau, l'équipement sanitaire et les soins de santé-reproduction dont les pays en développement ont besoin. Ce montant représente moins de 4 p. 100 de la richesse totale des 225 personnes les plus riches du monde. Bill Gates pourrait régler le problème de la pauvreté dans le monde pour la première année, en raison de 40 milliards de dollars, et il lui resterait quand même 20 milliards de dollars. Pourquoi n'est-il pas question de cela dans les médias ni dans le débat public sur le commerce mondial?

Voici une dernière donnée statistique sur la question de l'écart grandissant entre riches et pauvres. Cet écart s'élargit aussi bien au Canada que dans les pays du tiers monde. Les 225 personnes les plus riches du monde ont une richesse totale de plus d'un billion de dollars. Cette richesse est égale au revenu annuel des plus pauvres du monde, les 2,5 milliards de personnes qui constituent 47 p. 100 de la population mondiale. Deux cent vingt-cinq personnes contre 2,5 milliards de personnes. C'est scandaleux.

La dernière question dont nous voulons vous parler concerne les statistiques économiques officielles qui, à notre avis, méritent d'être examinées attentivement. Nous avons des questions que nous aimerions vous poser en conclusion. Nous espérons que vous y répondrez franchement avant de conclure quelque nouvel accord commercial que ce soit. Ces questions s'inspirent des recherches faites par l'économiste néo-zélandaise Marilyn Waring, qui est une des rares femmes économistes du monde. Pourquoi en est-il ainsi? Serait-ce parce que la profession traditionnellement dominée par les hommes est là pour justifier le pouvoir et les privilèges dont jouissent déjà les hommes? La science économique est-elle conçue pour montrer le bien-fondé du système existant? Les statistiques économiques dont se servent Statistique Canada et les Nations Unies sont très incomplètes et ne tiennent pas compte de beaucoup des activités qui font en réalité partie de l'économie. Pourquoi le travail rémunéré compte-t-il alors que le travail non rémunéré ne compte pas?

On se représente tous le chômeur assis dans son divan, les bras croisés, mais tous les chômeurs que je connais sont très actifs dans la collectivité. S'ils reçoivent un soutien financier quelconque, ils font du bénévolat. Pourquoi le travail non rémunéré des ménagères, des étudiants, des chômeurs et des personnes âgées n'est-il pas pris en compte? Pourquoi n'attribue-t-on aucune valeur économique au fait d'avoir et d'élever des enfants appelés à gonfler les rangs des travailleurs? Pourquoi l'air et l'eau que consomment les entreprises pour faire de l'argent sont-ils gratuits? Pourquoi n'établit-on pas le coût économique de l'épuisement des ressources et de la pollution? Pourquoi lorsque le ministre des Finances Paul Martin était hanté par notre dette de 600 milliards de dollars, n'a-t-il pas comptabilisé les actifs actuels du gouvernement fédéral, d'une valeur supérieure? Votre système de comptabilité à Ottawa est farfelu. Quelle est la véritable valeur des routes et des ponts et des édifices, des aérogares, des parcs, des terres domaniales et de l'eau? Ces actifs ont une valeur de loin supérieure à la dette de 600 milliards de dollars. Pourquoi ne figurent-ils pas dans l'équation?

Quelle est la valeur des légumes qui poussent dans nos potagers ou du temps que nous consacrons à tisser le filet social dans nos collectivités? Quelle est la valeur de la prévention d'un meurtre? Quelle est la valeur de la prévention du crime chez les adolescents? Cela ne figure pas dans les statistiques économiques. Ni dans les accords commerciaux. Ni dans les calculs.

Il faut répondre à ces questions avant de conclure d'autres accords commerciaux.

En terminant, le London and District Labour Council tient à réitérer son opposition à la négociation de l'accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI, qui a échoué, dans le cadre de l'OMC. Les nouvelles négociations devraient servir à édifier un cadre social autour des règles actuelles de l'OMC.

Nous devons procéder à une réforme démocratique des règles de l'OMC et y intégrer une disposition non équivoque sur les droits des travailleurs. Le gouvernement du Canada doit pouvoir légiférer dans l'intérêt du public; l'environnement, la santé et la sécurité publique doivent être réglementés par notre gouvernement.

Ce dont il est question aujourd'hui, c'est de l'édification d'un gouvernement mondial. Ce gouvernement devrait défendre les intérêts de la majorité des travailleurs et non des puissants et des privilégiés de ce monde.

Nous espérons que vous tiendrez compte de nos idées. Je vous remercie de nous avoir permis de prendre la parole, et nous sommes disposés à répondre à vos questions.

• 1140

J'aimerais ajouter une chose. La Grain Workers Union est également membre de notre conseil. Un porte-parole de la direction de Kellogg's était ici très tôt ce matin. J'ai parlé hier au président de la section locale. Il aurait bien aimé être ici, mais il ne le pouvait notamment en raison de son travail. La position des travailleurs à Kellogg's n'est pas la même que celle de la direction, que vous avez entendue aujourd'hui.

Je ne sais pas si le comité est au courant, mais l'usine de Kellogg's est installée à London depuis 100 ans. Elle emploie des centaines et des centaines de travailleurs. Il y a un différend entre l'employeur et les travailleurs au sujet de la vitaminisation. En vertu des lois actuelles au Canada, il est interdit de vitaminiser un produit. Aux États-Unis, c'est permis. On peut voir sur bon nombre de produits américains la mention «enrichi de vitamines». Le problème, c'est qu'en vertu de la loi canadienne, il est interdit d'ajouter des additifs si on ne connaît pas avec certitude leurs effets sur la santé. C'est pourquoi nous avons cette loi. Ainsi, les flocons de maïs fabriqués ici à London sont visés par la loi canadienne qui interdit l'ajout de fer ou de calcium ou d'autres additifs. Le produit est naturel.

Kellogg's a aussi une usine à Battle Creek, Michigan, soit à quelques heures d'ici, et cette usine est sous-exploitée. Kellogg's est en train de fermer des usines partout dans le monde, la demande étant insuffisante. Cette usine américaine, si elle était autorisée à exporter ses produits enrichis de vitamines au Canada... les travailleurs de Kellogg's estiment que leur usine serait menacée. Ils sont donc très préoccupés par la loi actuelle et de la différence entre les exigences canadiennes et américaines.

D'après la documentation de l'OMC que j'ai obtenue, il me semble que les règles de l'OMC empêcheraient un pays de pouvoir interdire l'ajout de vitamines et d'autres additifs à un produit. C'est la même situation dans le cas des aliments et drogues... et d'autres choses au Canada. On part du principe qu'il faut prouver l'innocuité d'un produit, alors qu'aux États—Unis, et dans les règles proposées à l'OMC, il faut prouver qu'un produit est nocif.

Quoi qu'il en soit, cela préoccupe les travailleurs. C'est une question complexe, mais j'ai essayé de la simplifier le plus possible.

Très rapidement...

Le président: Monsieur Warren, aurait-on raison de dire qu'au sein du groupe de travailleurs, il y aurait probablement ceux qui disent que nous devrions accélérer la procédure au Canada pour permettre l'enrichissement afin que l'usine puisse être concurrentielle à l'échelle mondiale, et d'autres qui diraient que nous devrions être plus prudents? Qu'est-ce que veulent les travailleurs? Est-ce qu'ils veulent...

M. Gil Warren: L'usine canadienne est la seule au monde qui se conforme à la Loi canadienne. Les travailleurs estiment que si on modifie la loi, l'usine canadienne sera alors vulnérable. C'est ce que croient les dirigeants syndicaux. Je suis sûr que certains travailleurs partagent l'avis exprimé par Mme Chose ce matin. Il y en a toujours.

Le président: Mais selon le syndicat, la prudence est de mise: n'ajoutons rien; laissons le processus réglementaire suivre son cours.

M. Gil Warren: C'est exact. Les travailleurs sont en faveur du processus réglementaire actuel.

Le président: Très bien. C'est ce que je voulais savoir. Merci.

M. Gil Warren: Bob va prendre la parole brièvement, et nous passerons ensuite aux questions si vous le désirez.

M. Bob Sexsmith (membre, London and District Labour Council): Je vous remercie de m'avoir autorisé à accompagner Gil ce matin. Comme Gil l'a dit, l'usine où j'ai travaillé pendant 25 ans a fermé ses portes en 1984. Comme je suis très impliqué dans ma collectivité, et que je viens d'un milieu syndical, j'essaie d'aider ceux qui se retrouvent au chômage. J'essaie notamment de les aider à trouver un autre emploi et à se recycler, car souvent, il n'y a plus d'emploi dans leur domaine d'activité actuel.

Afin de protéger leur santé... Je me suis joint au mouvement environnemental et je travaille au sien de la collectivité afin d'essayer de corriger certains effets nuisibles causés par des industries qui ont maintenant quitté la ville. Des bâtiments sont convertis en centres commerciaux, d'autres, en logements. J'essaie de sensibiliser les promoteurs et les responsables à l'échelle locale, afin que ces chantiers fassent l'objet d'une évaluation des risques environnementaux.

D'après ce que j'ai observé, le libre-échange et les fusions d'entreprises au Canada avant leur rachat par une entreprise américaine ou européenne ont eu des répercussions négatives sur l'emploi et les conditions de travail, et j'estime que les travailleurs doivent être protégés. Les politiques gouvernementales que vous pourriez recommander doivent tenir compte de ce souci de protéger les Canadiens. Je ne fais pas qu'agiter un drapeau ou dire que nous ne devrions pas rivaliser à l'échelle mondiale ou avec une autre entreprise. Je crois que nous pouvons rivaliser, mais le gouvernement doit adopter des politiques pour protéger et améliorer la qualité de vie au Canada.

• 1145

Je pourrais vous parler d'un certain nombre de questions du point de vue local, mais cela ne signifie pas que je ne m'intéresse pas à ce qui se produit sur la scène internationale. Je lis beaucoup pour défendre ma cause à l'échelle locale. Je suppose que je fais partie des gens qui voient à l'échelle mondiale et qui agissent à l'échelle locale. Je crois que c'est là où je peux apporter une contribution.

Comme j'ai pris ma retraite pour des raisons de santé, je ne peux pas faire le même travail physique que par le passé, mais j'ai encore toute ma tête et ma langue, et qui plus est, ma femme aime bien que je sorte de la maison. Je crois donc que ma contribution à la collectivité est utile.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions. Je peux vous parler du logement et de l'environnement, des audiences de la Commission mixte internationale sur les Grands Lacs, de la pollution qui traverse nos frontières par la voie des airs ou des rivières. Je serai heureux de vous parler de ces questions, mais je ne peux pas le faire à titre de scientifique ou d'économiste.

Le président suppléant (M. Jerry Pickard): Merci beaucoup, Bob. Je peux vous assurer que dans bien des cas nos conjointes ou nos conjoints aimeraient bien nous voir sortir de la maison, probablement plus souvent qu'on aimerait le croire.

Je vais passer au premier questionneur.

M. Deepak Obhrai: Je vous remercie beaucoup d'être venus nous donner votre point de vue. Nous y prêtons beaucoup d'attention. Nous avons entendu un grand nombre d'organisations syndicales, et en général je crois que nous avons une bonne idée de la position du mouvement syndical au sujet du renforcement des droits des travailleurs, des droits de la personne, et de la protection de l'environnement—qui doivent être pris en compte.

De nombreux autres témoins que nous avons entendus recommandaient de suspendre les négociations de l'OMC pour faire le point... Quelle est la position de votre organisme? Voulez-vous qu'on les suspende pour faire le point sur l'OMC? Croyez-vous que l'OMC a un rôle à jouer dans la promotion du commerce? On nous a aussi dit que si nous ne participons pas aux négociations... si nous ne montons pas à bord du train, le train va quitter la gare sans nous. Croyez-vous que nous devrions faire une pause? Croyez-vous que l'OMC devrait...?

M. Gil Warren: Nous estimons qu'il faudrait suspendre le processus temporairement. Nous ne nous sommes toujours pas remis des effets de l'accord de libre-échange et de l'ALENA. La conclusion d'accords commerciaux avec des pays comme le Chili, où le gouvernement a tué des milliers de travailleurs, nous inquiète beaucoup. La classe ouvrière a été affaiblie, et des accords de libre-échange ont été conclus.

Pour ce qui est de monter à bord du train, dans le milieux politique, une semaine c'est très long, et les choses peuvent changer radicalement. Je crois que l'accent que l'on met actuellement sur le commerce mondial et les accords connexes ne va pas durer. Comme je l'ai indiqué dans mon allocution, j'estime que le développement économique communautaire crée beaucoup plus d'emplois.

Le mouvement syndical ne s'oppose pas à un accroissement des échanges mondiaux. Nous ne préconisons pas le protectionnisme, mais nous estimons qu'il faut soupeser le commerce et les intérêts des travailleurs. Je crois sincèrement qu'on surestime l'importance du commerce sur le plan de la création d'emplois et des avantages pour le citoyen ordinaire. Les entreprises mondiales, et quelques richards, comme Bill Gates, en profitent énormément. À London, des usines ont fermé leurs portes.

Au début des années 70, lorsque je suis entré sur le marché du travail à London, il était facile d'obtenir un emploi à 3M ou chez Ford. Vous pouviez être mis à pied à un endroit et vous trouver un autre emploi en moins d'une semaine. Ford n'embauche plus; 3M non plus. Vous ne pouvez même pas présenter une demande d'emploi. Ainsi, pour un jeune travailleur dans la vingtaine, il n'y a pas de débouché, sinon chez McDonald ou dans un autre endroit semblable. Je ne vois aucune retombée.

• 1150

Nous sommes maintenant au sommet du cycle économique. On a observé une hausse de l'emploi, mais en général, ce ne sont pas de bons emplois dans des usines. Ce sont des emplois dans le secteur des services. On a bien observé une hausse de l'emploi, mais je ne crois pas qu'elle découle de l'accroissement des échanges. Je crois qu'il s'agit du cycle commercial habituel. Selon moi, un ralentissement est imminent, et il y aura davantage de chômeurs. Chaque fois qu'il y a ralentissement dans le cycle, de plus en plus de gens sont laissés sur la touche. Ainsi, nous ne voyons pas la population profiter des avantages du libre-échange.

Notre conseil concentre sur la construction de coopératives d'habitation et la création de coopératives de travailleurs et d'entreprises communautaires.

M. Deepak Obhrai: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien: Merci beaucoup de votre intervention, messieurs Warren et Sexsmith. Je voudrais poursuivre dans la foulée de mon collègue Obhrai. Beaucoup de groupes, de syndicats et de représentants de la société civile sont venus nous dire que l'Accord de libre-échange, l'ALENA et les négociations de l'Uruguay Round du GATT n'avaient pas donné les résultats escomptés même si, au départ, on avait de beaux principes de justice sociale et de justice distributive. Comme vous, les gens nous ont demandé de faire une pause. Cependant, je pense que c'est un mouvement qui est à peu près irréversible. Je suis membre de l'opposition et nous voudrions convaincre le gouvernement canadien d'assurer le leadership lors des prochaines négociations de l'OMC afin que les questions d'intérêt public, les conditions de travail, les clauses sociales, les clauses environnementales et tout ce qui touche le respect des droits de la personne fassent partie des prochaines négociations. C'est ce que nous avons entendu de la part de la société civile et des représentants des syndicats.

Vous faisiez allusion tout à l'heure au Congrès du travail du Canada et au mémoire qui a été présenté par M. Bob White, que nous avons rencontré il y a quelques semaines ainsi que cette semaine. Quand on lui a demandé si le Canada devait participer ou non aux négociations de l'OMC, bien sûr, M. White n'a pas dit qu'il ne fallait pas qu'il y participe, mais il a cependant dit qu'il devait y participer à certaines conditions.

C'était un commentaire plutôt qu'une question proprement dite. Je ne sais pas si vous partagez cette réflexion que je fais, mais c'est dans ce sens-là, je pense, que le gouvernement devrait travailler à l'OMC.

[Traduction]

M. Gil Warren: Comme je l'ai dit, nous appuyons la position du CTC. Si des négociations doivent avoir lieu, nous voulons qu'il y ait un cadre social et un cadre environnemental. Bien sûr, nous allons participer aux négociations, mais nous avons de sérieuses réserves à l'égard de tout le processus.

Selon nous, rien n'est irréversible. Ne nous dites pas le contraire. C'est la réalité, et si nous avons la volonté politique de le faire, nous pouvons revenir en arrière. Je l'ai déjà observé. J'ai vu le gouvernement fédéral réduire les dépenses de santé pour ensuite les accroître. Lorsque les compressions ont été annoncées, on m'a dit que c'était irréversible. C'est de la politique, et j'en connais les principes. Nous allons voir comment cela se déroule. Le gouvernement français a tué l'AMI. Tout le monde me disait il y a un an que l'AMI était inévitable. Alors nous verrons bien ce qui va se produire.

Nous sommes disposés à participer au processus. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, et c'est pourquoi nous avons exprimé notre point de vue. Nous croyons toutefois que ces accords commerciaux sont à sens unique. Ils profitent à l'élite du monde des affaires. Ce sont eux qui ont été consultés, et nous nous réjouissons que l'on consulte enfin le reste de la population.

M. Bob Sexsmith: J'ajouterais, madame, que j'oeuvre dans ce secteur depuis les années 60 et que je me suis intéressé à la politique sociale et aux politiques et aux orientations gouvernementales sur lesquelles est édifié notre pays... Je crois que nous observons un recul depuis le début des années 90. Bon nombre de choses que je considérais comme des politiques gouvernementales immuables ont changé, et je mène les mêmes combats que j'ai menés pour rétablir les politiques gouvernementales originales.

• 1155

Je suis d'accord avec Bob White, à savoir que nous devons participer au commerce mondial. Mais si le Canada ne peut pas participer à cette course vers le fond, comme de nombreuses sociétés semblent faire en s'installant en Amérique du Sud et dans les pays d'Amérique latine et d'Asie afin de réduire ou de se soustraire à leurs obligations de payer un salaire raisonnable dans le pays où elles veulent commercialiser leurs produits... Je crois donc qu'il nous faut un solide mécanisme de règlement des différends pour permettre aux Canadiens de protéger les valeurs canadiennes et notre droit inhérent d'être un grand pays à la mesure de notre ambition.

J'estime sincèrement que c'est très désavantageux pour le travailleur de 45 ans ou plus, car lorsqu'il perd son emploi à la suite d'une décision prise par une grande société ailleurs dans le monde, c'est la stabilité de sa famille et la stabilité de sa collectivité qui en souffrent. C'est ce que l'on constate maintenant lorsque le travailleur âgé se retrouve au chômage; il est confronté aux changements apportés à la politique gouvernementale depuis le début des années 90. Cela le dérange beaucoup de ne pas pouvoir obtenir de soins de santé pour ses enfants, sa femme ou lui-même. Nous croyions que nous avions un système de santé national. Nous semblons nous engager dans la voie de la privatisation des soins de santé et du logement. Les instances dirigeantes, tant fédérales que provinciales, ne semblent plus jouer un rôle déterminant dans l'élaboration d'une stratégie et d'une politique nationales du logement, et cela nous préoccupe au plus haut point.

Pendant les années 50 et ce que j'appellerais ma folle jeunesse, j'ai traversé le pays d'un océan à l'autre, en train et par auto-stop, au Canada et aux États-Unis. On s'en remettait alors à la providence pour avoir de quoi manger. On revient à cette époque, car nous n'avons plus de politique gouvernementale. On la transfère à quelqu'un d'autre, et nous devons satisfaire à ses conditions, qu'il s'agisse d'un organisme de charité ou d'une autre organisation.

Donc, si vous voulez vous engager dans cette voie à l'OMC, assurez-vous de constituer une solide équipe de négociation qui va pouvoir créer un mécanisme de règlement des différends qui va tenir compte des objectifs canadiens avant que soit prise une décision qui pourrait être contraire à nos intérêts.

J'essaie de protéger le Canada que je connais à l'échelle communautaire. Vous, à Ottawa, qui négociez ces accords nationaux, devez le faire. Je veux bien être consulté ou venir témoigner pour exprimer un point de vue local afin que vous en teniez compte dans vos décisions. Mais je vous implore, enchâssez dans cet accord ces éléments qui vont protéger le Canada que nous connaissons et édifiez le pays dont rêvaient les nombreux immigrants qui sont venus s'installer ici. La situation change au niveau communautaire, elle empire. Je vous implore donc d'y enchâsser ces sauvegardes.

J'aime bien cette ancienne disposition du GATT qui disait que si vous voulez commercialiser quelque chose dans notre pays, vous y construisez une usine et vous embauchez des Canadiens pour faire le travail. Peut-être que c'est une approche dépassée, mais je crois sincèrement qu'elle avait beaucoup de mérite. Si vous pouviez promouvoir ces anciens principes du GATT dans les négociations—que quiconque veut vendre un produit ici le fabrique ici—, je crois que cela pourrait nous aider d'un océan à l'autre. Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Pickard.

• 1200

M. Jerry Pickard: Merci, monsieur le président. Bob et Gil, je tiens à vous remercier de nous avoir fait part de vos préoccupations. De nombreuses autres personnes et organisations que nous avons entendues avaient les mêmes. Vous n'êtes donc pas seuls à partager le point de vue que vous avez exposé.

Bob, je suis particulièrement touché par l'argument que vous avez formulé au sujet du travailleur de 45 ou 50 ans qui perd son emploi. Bon nombre de mes collègues et moi-même, de différentes régions du pays, parlons tous les jours à des habitants de nos circonscriptions. Nous sommes témoins de la situation et nous avons des préoccupations. Alors ne croyez pas que nous sommes à Ottawa pour négocier des ententes. Nous sommes ici pour entendre vos points de vue. Nous sommes ici pour transmettre vos opinions et celles d'autres personnes à Ottawa et pour formuler des recommandations. Votre contribution est donc très importante.

Gil, vous avez fait allusion au déficit de 600 milliards de dollars de Paul Martin. Même si cela ne semble pas constituer un grave problème, si vous y regardez de plus près, le problème est que ces 600 millions de dollars constituent une dette. Nous devons payer des intérêts sur cette dette. Si le taux d'intérêt est de 7 p. 100, le service de la dette s'établit à 42 milliards de dollars. C'est une somme énorme. Cela réduit notre capacité de financer des programmes sociaux et d'autres activités que le gouvernement doit réaliser.

Il est donc essentiel que nous essayions de circonscrire autant que possible cette dette, afin d'éviter qu'une trop grande partie de nos recettes fiscales y soient consacrées. Je préférerais—comme tout le monde autour de cette table, je crois—que ces sommes soient consacrées à des programmes de sécurité s'adressant aux citoyens moyens. Voilà bien où j'aimerais que ces fonds soient dirigés. Malheureusement, la dette est telle qu'elle limite notre capacité de faire certaines choses, et nous espérons pouvoir corriger cette situation.

Deuxièmement, nous nous attaquons à un problème très difficile en essayant de trouver un juste équilibre, afin de créer des conditions propices à la prospérité de tous les Canadiens. Dans les années 90, nous avons effectivement observé une importante restructuration de la production dans les usines. Vous avez raison lorsque vous dites que certaines usines produisent davantage de biens avec beaucoup moins de travailleurs. Cela pose un grave problème.

Mais je dirais qu'au cours des cinq dernières années au moins nous avons augmenté le nombre d'emplois au Canada. C'est une réalité. Ce ne sont pas peut-être pas les meilleurs emplois possible. Je constate que l'industrie automobile se débrouille extrêmement bien, tout comme d'autres industries. Il est vrai que ce n'est pas le cas de toutes les industries. Mais je n'ai jamais considéré que des taux de chômage de 8 p. 100, 7 p. 100 ou même 4 p. 100 étaient acceptables. J'ai toujours cru—et je crois que la plupart de mes collègues ici présents le croient aussi—que le chômage zéro est l'objectif à viser. Nous ne cessons de faire tout ce que nous pouvons pour tâcher de nous assurer qu'au moins plus d'emplois sont créés au Canada. La tâche n'est pas facile.

Je sais que vous entendez le point de vue des sociétés et qu'il peut nettement différer de la façon dont vous percevez le monde. Notre tâche est donc d'essayer de concilier ces divers aspects et de faire des recommandations raisonnables qui prennent en compte tous ces points de vue.

Je voulais répondre à un certain nombre de points. Il est très important pour nous d'instaurer un dialogue.

M. Gil Warren: Puis-je répondre à ces observations?

Pour le mouvement des travailleurs, le problème que nous pose le chômage, c'est la faiblesse de la demande pour nos produits manufacturés. Notre conseil du travail regroupe des travailleurs de deux usines automobiles—l'usine CAMI à Ingersol et l'usine Ford à Talbotville. Si les gens sont sous-employés, employés à temps partiel ou au chômage, ils n'achètent pas de voitures. Nous considérons que le problème fondamental de notre économie, c'est l'insuffisance de la demande.

• 1205

Nous, les membres du mouvement ouvrier, voulons une économie de plein emploi, ce que nous n'avons pas. Nous avons un million de personnes au chômage. Vous dites vouloir le chômage zéro, mais le CTC a rencontré Paul Martin il y a quelques années et nous avons une lettre de lui et de ses collaborateurs au ministère indiquant qu'ils craignent que si le chômage tombe sous la barre de 7 p. 100, l'inflation augmentera et il en résultera des problèmes. C'est pourquoi nous disons que le gouvernement libéral veut un taux de chômage de 8 p. 100.

Dans les années 70, nous avons eu une économie de plein emploi. Pour le gouvernement libéral de l'époque, la priorité c'était que tout le monde travaille. Mais maintenant nous tolérons qu'un million de personnes soient au chômage et c'est ce qui nous préoccupe. Le présent gouvernement et le gouvernement précédent se sont évertués à appliquer une politique d'inflation zéro, ce qui s'est traduit par du chômage. Mais c'est un compromis; on ne peut pas avoir les deux. Nous aimerions que l'inflation soit de 2 ou 3 p. 100 parce que cela entraînerait une augmentation du nombre d'emplois. Nous pouvons tolérer l'inflation, mais nous ne pouvons pas tolérer le chômage.

Nous considérons également qu'il faudrait freiner la valorisation du dollar. Il y a toute une série de politiques économiques proposées dans le contre-budget fédéral présenté par les groupes communautaires. Selon ce document, l'on a tort de tant se préoccuper à propos du taux d'inflation et il serait préférable de mettre l'accent sur l'emploi. Nous considérons également que si nous avions une économie de plein emploi, nous arriverions à rembourser la dette parce qu'un plus grand nombre de contribuables travailleraient. Une économie de plein emploi permettrait d'éliminer la dette. Nous considérons la dette comme un symptôme d'une économie qui n'est pas axée sur le plein emploi.

Enfin, l'industrie automobile locale se débrouille assez bien mais le ralentissement qui s'annonce nous inquiète. Le sud-ouest de l'Ontario dépend beaucoup de l'industrie automobile. En tant qu'ouvrer d'usine, nous constatons l'impact des politiques gouvernementales.

Lorsque le gouvernement Mulroney était au pouvoir et avait instauré sa politique visant à maintenir le dollar à la hausse, cela a eu un effet dévastateur dans le sud-ouest de l'Ontario lorsque nous avons essayé de vendre aux États-Unis. Mais la prospérité que nous constatons dans l'industrie automobile en Ontario à l'heure actuelle est attribuable à la vigueur de l'économie américaine et au fait que nous vendons à l'économie américaine. Je ne considère pas que la création de ces emplois est attribuable à la politique du gouvernement fédéral mais plutôt à la vigueur de l'économie américaine.

Nous avons une vision tout à fait différente de la façon dont l'économie devrait être gérée. Je sais que personnellement, vous voulez sans doute que le chômage soit le plus bas possible, mais nous considérons que si vous poursuivez une politique de faible inflation et que vous continuez à mettre l'accent sur la dette, vous vous retrouverez dans une situation où vous tolérerez un taux de chômage beaucoup trop élevé. Dans les années 70, nous n'avions pas un million de chômeurs, donc qu'est-ce qui a changé au niveau de l'économie? Je pense que cela est attribuable en bonne partie à la politique gouvernementale fédérale.

Le président: Nous ne manquerons pas de nous assurer que notre rapport tienne compte de ces points de vue. Je peux vous le garantir. De toute évidence, nous n'allons pas régler tous les problèmes de l'OMC ou du monde, mais nous ferons certainement de notre mieux pour rendre compte de tous ces points de vue.

Nous allons nous arrêter ici, mais nous de retour à 13 h 30, c'est promis. J'espère que vous parlerez à vos collègues. Nous les verrons peut-être en sortant. Nous pouvons ajouter quelques personnes de plus à ce groupe si cela les intéresse.

L'exposé de M. White l'autre jour a été très instructif—vous en avez parlé—et je pense qu'il nous a amenés tous à beaucoup réfléchir à ces questions.

Je ne sais pas, Gil, qui vous a dit que l'AMI était inévitable. De toute évidence, vous n'avez pas suivi ce qui s'est passé au sein de notre sous-comité qui l'a examiné. Il était assez clair après le début des audiences que cette initiative était vouée à l'échec. Quant à savoir si c'est la France qui lui a donné le coup de grâce, j'ai été en France et j'ai promis à M. Jack Lang, qui est le président du comité français des affaires étrangères, un exemplaire de notre rapport. Il a dit: «C'est grâce aux Canadiens que l'on a pu bloquer cet accord». Donc je pense que nous avons effectivement joué un rôle à cet égard. Le comité s'est occupé assez efficacement de ces questions. Il ne fait aucun doute que la population a réussi à se faire entendre.

Monsieur Sexsmith, je vous remercie de vous être joint à nous. Vous ne le savez peut-être pas, mais ma circonscription de Toronto-Centre—Rosedale compte le plus grand nombre de coopératives au Canada. J'ai été très heureux mardi soir que l'on célèbre le 25e anniversaire de la Fédération de l'habitation coopérative du Canada, et j'ai en fait reçu un prix de la fédération pour l'aide que je lui avais apportée. J'étais le conférencier invité et j'ai passé un soirée formidable. Je travaille assez étroitement avec les coopératives car j'estime qu'elles favorisent la stabilité sociale, surtout dans nos centres urbains. Pour nous, c'est primordial. Je suis sûr que votre action dans ce milieu-ci ne se limite pas à elles, mais au centre-ville de Toronto, dans la circonscription de Jean et dans la mienne, elles jouent un rôle très important.

M. Bob Sexsmith: Je tiens à vous remercier, monsieur le président, et je me demande si vous pourriez m'aider. Je sais que vous avez aidé le lobby visant à empêcher le gouvernement fédéral de se décharger de son programme de coopératives sur les gouvernements provinciaux et en bout de ligne sur les municipalités. J'aimerais que vous parliez au ministre et que vous lui demandiez s'il envisagerait de rétablir une partie du financement des coopératives par l'intermédiaire de la SCHL, parce que c'est un autre moyen d'action.

• 1210

Je sais que c'est l'heure du déjeuner, mais vous venez de toucher une corde sensible; c'est mon domaine. J'en mange et d'en bois, donc...

Le président: C'est notre prochaine bataille. Nous venons d'en terminer une. Nous devons maintenant nous occuper de la suivante. C'est la vie, n'est-ce pas?

M. Bob Sexsmith: Je ne l'oublierai pas. Je me réjouis à l'avance de la création de nouvelles coopératives.

Le président: Très bien. Nous revenons à 13 h 30, pile.

La séance est levée.

• 1211




• 1338

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Cet après-midi, nous accueillons des membres de la Section de Guelph du Conseil des Canadiens et d'Oxfam Canada.

Comme certains d'entre vous le savent, nous avons parlé à des gens qui étaient à l'extérieur de la salle ce matin et qui déploraient de ne pas avoir eu l'occasion de se faire entendre. Nous allons essayer de prolonger d'une demi-heure ou de 45 minutes la séance pour permettre à d'autres personnes de se joindre à nous.

Je vous demanderais d'essayer de ne pas prendre plus de 10 minutes pour présenter votre exposé. Cela nous permettra de poser des questions à la fin.

Nous commencerons par la section locale du Conseil des Canadiens. Je crois comprendre qu'il y a trois représentants de cette section.

Est-ce que chacun d'entre vous veut prendre la parole ou juste une personne?

M. Dennis Gaumond (vice-président, Section de Guelph, Conseil des Canadiens): Ce sera surtout moi, mais mon collègue dira quelques mots à la fin.

Le président: Très bien. Merci beaucoup, vous avez la parole, monsieur Gaumond, et nous vous souhaitons la bienvenue.

M. Dennis Gaumond: Je vous remercie.

Je représente la Section de Guelph du Conseil des Canadiens.

Si cela ne vous ennuie pas, je vais lire ce document, je ferai de mon mieux pour le lire lentement et clairement.

Tout d'abord, nous tenons à vous féliciter de cette initiative et nous sommes heureux d'avoir l'occasion de faire connaître nos vues. Nous espérons sincèrement que le gouvernement s'efforcera de maintenir un dialogue avec ses citoyens et de prendre des décisions dont pourront réellement profiter tous ses citoyens.

Nous tenons à exprimer notre opinion concernant la reprise des négociations commerciales multilatérales sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce ainsi que le processus de la ZLEA, mais nous estimons que nous ne pouvons le faire correctement qu'en commentant d'abord brièvement la notion de libre-échange et la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle par suite de l'ALENA.

Notre exposé comporte donc trois parties. La première traite de la situation actuelle, la deuxième portera sur la question de l'Organisation mondiale du commerce et la troisième, de la question de la ZLEA.

• 1340

Tout d'abord, nous considérons que la notion de libre-échange, telle qu'elle a été présentée au grand public, est inexacte. Essentiellement, on nous a dit que le libre-échange permettrait d'ouvrir les frontières entre pays, permettrait la libre circulation des échanges. En fait, nous considérons qu'il soustrait le commerce ou les échanges à la réglementation gouvernementale.

Autrement dit, nous considérons que toutes les initiatives de libre-échange jusqu'à présent n'ont servi que l'intérêt des grandes sociétés qui n'estiment avoir à rendre des comptes qu'à leurs actionnaires.

Ces sociétés se soucient très peu de l'environnement, de la culture et du bien-être général du citoyen. Tout le monde sait que leur unique motivation, c'est d'augmenter leurs profits.

On nous a dit que toutes les couches de la société finiraient par profiter des avantages du libre-échange. En fait, nous croyons que ces accords ont entraîné une dégradation de la qualité de vie pour la grande majorité des habitants de la planète.

Le souci de la rentabilité et la notion d'une croissance économique continuelle à tout prix sont littéralement en train d'amener notre planète au bord de la destruction, et il nous est impossible d'approuver un accord qui facilite ce genre de méthode.

Les scientifiques et les experts nous mettent en garde depuis des années, et pourtant les niveaux de pollution n'ont jamais été aussi élevés. On est train de détruire la couche d'ozone. On est en train d'épuiser les niveaux d'oxygène. La liste de problèmes très graves est interminable.

Nous considérons que tous les accords commerciaux à venir doivent être fondés sur la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui a marqué son 50e anniversaire l'année dernière. En 1974, les Nations Unies ont adopté la Charte des droits et devoirs économiques des États, qui établissait que l'État lui-même a à la fois le droit et la responsabilité d'intervenir sur le marché pour s'assurer que l'économie sert les besoins de la population et de la planète.

Il nous faut des accords commerciaux qui prévoient une plus grande réglementation. Il nous faut des accords commerciaux d'une portée à long terme, qui apportent des solutions à nos problèmes, qui protègent l'environnement et tâchent d'alléger les souffrances des peuples défavorisés et opprimés partout dans le monde. Il faut changer.

L'ALENA nous préoccupe beaucoup, surtout en ce qui concerne le chapitre 11. Nous sommes très préoccupés par le cas récent de la Ethyl Corporation qui a poursuivi avec succès notre gouvernement pour des millions de dollars en invoquant la perte de profits prévus parce que notre gouvernement tâchait de protéger ses citoyens.

C'est vraiment scandaleux. Depuis cette décision qui n'a pas été contestée et qui a établi un nouveau précédent, de nombreuses autres poursuites ont été intentées, en particulier celle intentée par la Sun Belt Water Incorporated qui réclame plus de 300 millions de dollars en profits perdus. C'est beaucoup d'argent. Cette entreprise estime avoir droit à cet argent parce qu'on lui a refusé la permission d'exporter des milliards de gallons d'eau de la Colombie-Britannique.

Nous sommes à l'heure actuelle dans une situation où notre gouvernement est impuissant à protéger ses citoyens, ses ressources, sa culture, etc. Allons-nous céder encore plus de pouvoirs dans les prochains accords?

Nous sommes très préoccupés par l'avenir de nos ressources en eau. Les grosses entreprises exercent d'énormes pressions pour vendre de l'eau avec peu ou pas de réglementation de la part des gouvernements élus. Nous craignons qu'en vertu de l'ALENA, nous serons dans l'impossibilité de les arrêter.

L'avenir des ressources en eau de la planète est un énorme problème qui exige un examen approfondi et des solutions appropriées. À l'heure actuelle, les accords commerciaux ne visent qu'à profiter de ces situations tragiques. Qu'est-ce qui nous attend ensuite? Lorsque notre air sera trop pollué, est-ce qu'ils nous vendront de l'oxygène purifié?

Un autre aspect du commerce qu'il faut changer, c'est le commerce des devises. C'est le processus par lequel les spéculateurs qui manipulent les devises d'un pays tout entier amassent d'énormes fortunes. Ces transactions qui semblent simples sur le papier se traduisent par d'énormes épreuves pour la population touchée. Des pays tout entiers sombrent dans la pauvreté. Ce processus rend les économies et les marchés extrêmement instables et volatiles. La situation actuelle des pays côtiers du Pacifique et la situation récente au Mexique ne sont que de nombreux exemples de ce phénomène.

Nous applaudissons à l'adoption récente d'un projet de loi d'initiative parlementaire proposant l'adoption d'une taxe Tobin. Nous espérons que les futurs accords commerciaux se pencheront sur cette situation très sérieuse.

Chaque jour, 1 billion de dollars changent de mains à cause de la spéculation sur les devises. Aucune de ces transactions n'est taxée. La taxe Tobin propose de prélever simplement 0,1 p. 100 de ce montant astronomique afin d'en faire un bon emploi.

Je passerai maintenant à la partie deux, qui porte sur le transfert des négociations sur un accord commercial multilatéral à l'Organisation mondiale du commerce aux États-Unis avant la fin de cette année.

Nous avons de sérieuses réserves à propos de l'Organisation mondiale du commerce, car au cours de ses cinq années d'existence, elle n'a pas fait grand-chose pour protéger les droits de la personne.

• 1345

L'OMC a constamment mis de côté les objectifs sociaux et environnementaux au profit d'une plus grande libéralisation du commerce. Elle a invalidé des lois intérieures destinées à protéger la pureté de l'air, les espèces en voie d'extinction, la salubrité des aliments, la diversité culturelle et la santé publique.

Elle a récemment ordonné à l'Union européenne de lever son interdiction visant le boeuf qui contient des hormones artificielles, indiquant que cette interdiction constituait un obstacle illégal au commerce. Le gouvernement américain a été obligé de retirer certaines dispositions de sa Clean Air Act parce que l'Organisation mondiale du commerce soutenait qu'elles violaient les règles commerciales. Au Canada, un comité de l'Organisation mondiale du commerce a annulé les mesures prises par Ottawa pour protéger notre industrie du magazine des publications américaines à double tirage.

Nous estimons que l'Organisation mondiale du commerce ne vise qu'à aider les grandes sociétés sans vraiment se soucier de l'intérêt public.

Les aspects de l'AMI auxquels nous nous opposons sont trop nombreux pour que nous les détaillions ici. Nous estimons que les prochaines négociations ne devraient pas reprendre en fonction des bases qui ont été établies à Paris. Les prochaines négociations devraient comporter des exigences claires en matière de rendement et des règlements concernant l'expropriation raisonnable des actifs d'une société pour répondre aux besoins essentiels de la collectivité. Il est d'une importance primordiale que l'on établisse une tribune équitable pour le règlement de différends grâce à laquelle les groupes de citoyens et les pouvoirs publics à tous les niveaux auront le droit de poursuivre les investisseurs qui violent les codes d'investissement.

Au lieu de vous exposer en détail ces questions, je me permets de vous renvoyer à un document intitulé «The Citizens's Alternative to the MAI» qui a été préparé par des spécialistes faisant partie de groupes de citoyens d'un peu partout dans le monde. Un résumé de ce document a été inclus dans mon mémoire à l'intention du comité permanent.

Nous sommes également très préoccupés par l'absence de transparence de ces négociations étant donné le caractère très secret des récentes négociations de l'AMI à Paris. Le public doit être informé de ces négociations qui influent tant sur son bien-être. Il faut que les négociateurs présentent les préoccupations du public à la table des négociations. Nous n'insisterons jamais assez sur ce point.

Je passerai maintenant à la partie 3.

Le plan actuel visant à élargir la zone de libre-échange à l'Amérique centrale et du Sud dans le cadre de l'accord de libre-échange des Amériques est un grand sujet de préoccupation pour toutes les raisons déjà exposées. L'accord initial de libre-échange a été vendu à la population canadienne par le gouvernement Mulroney, en grande partie au moyen de fausses informations et de promesses. Ensuite, le gouvernement Chrétien nous a dit que l'ALENA n'était qu'un élargissement de cet accord au Mexique. Entre-temps, il en a profité pour y inclure le chapitre 11 désormais notoire, qui a depuis causé les atrocités dont on vient de parler.

De telles clauses ont d'énormes conséquences et pourtant la majorité du public n'en est absolument pas au courant. Cela ne doit plus jamais se reproduire.

Quelles nouvelles clauses va-t-on essayer d'ajouter furtivement à la ZLEA? Il incombe au gouvernement de tenir le public au courant. Il faut obliger les médias, qui préfèrent nous gaver de distractions futiles, d'accorder une grande priorité à des questions aussi importantes. Il faut assurer une transparence totale. Nous n'insisterons jamais assez sur ce point.

Nous applaudissons une fois de plus à cet effort en vue de consulter le public, et nous espérons que de tels efforts s'intensifieront. Nous pressons le gouvernement de ne ménager aucun effort pour se débarrasser de l'ALENA, surtout du chapitre 11. Nous pressons le gouvernement, dans toutes futures négociations commerciales, de négocier de façon totalement transparente, de résister aux pressions des grandes sociétés et d'adopter des politiques qui assurent des avantages à long terme pour l'ensemble des citoyens.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gaumond.

J'ai simplement une brève question technique. Pouvez-vous nous donner le nom de l'affaire dont vous avez parlé à propos de la Clean Air Act? Vous ne l'avez peut-être pas avec vous, mais je n'en ai jamais entendu parler avant.

M. Dennis Gaumond: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question.

Le président: Vous avez parlé d'un comité de l'OMC qui a déclaré que certaines dispositions de la Clean Air Act américaine était un obstacle non tarifaire au commerce, ou quelque chose en ce sens. Je me demandais simplement s'il était possible d'obtenir la référence concernant cette affaire.

M. Dennis Gaumond: Vous voulez dire les détails de l'affaire?

Le président: Oui, si vous les connaissez.

M. Dennis Gaumond: Je n'en connais pas vraiment les détails.

Le président: Très bien. Nos attachés de recherche vont s'en occuper.

M. Dennis Gaumond: Je citais en fait une information qui m'avait été remise.

Le président: Je pensais simplement que si vous aviez cette référence, j'aurais pu y jeter un coup d'oeil. Mais nous obtiendrons cette information des attachés de recherche. Merci beaucoup. Désolé de vous déranger.

Monsieur Barron.

M. Robert Barron (membre, Section de Guelph, Conseil des Canadiens): Monsieur le président, mesdames et messieurs, membres du comité, je m'appelle Robert Barron et je suis aussi membre du Conseil des Canadiens de Guelph. Je suis également un radiodiffuseur pour Radio CFRU à 93.3 FM à l'Université de Guelph.

J'aimerais aborder certaines préoccupations qui viennent s'ajouter à celles dont vous a fait part mon collègue, Dennis Gaumond.

• 1350

Tout d'abord, je suis préoccupé par la façon dont certains de ces accords et traités commerciaux ont été négociés par le passé. Deuxièmement, je m'intéresse en particulier à la protection de l'eau en vertu de l'ALENA et d'autres accords commerciaux.

Tout d'abord, en ce qui concerne les négociations, je trouve inquiétant que dans le cadre de la négociation de questions telles que les droits des travailleurs et des consommateurs, on semble avoir négligé de consulter la population. Je pars du principe qu'étant donné que la population canadienne, par son travail, a produit les biens et les services destinés à l'exportation, et qu'étant donné que les consommateurs canadiens ont dépensé leur argent durement gagné pour acheter les biens et services importés dans notre pays, il n'est que juste qu'ils soient représentés à 75 p. 100 à toute table de négociation et que la représentation du gouvernement soit de 15 p. 100 et celle des sociétés seulement de 10 p. 100.

Je crois que cela donnerait une représentation plus juste et plus équilibrée des intérêts concernés. Ce type de proposition aurait d'ailleurs l'appui de Hazel Henderson, qui travaille au Comité du développement économique des Nations Unies, avec M. Gorbatchev. Elle a conçu un modèle unique de l'économie mondiale, selon lequel le secteur de l'entreprise privée représente environ 10 p. 100 de l'économie, les dépenses gouvernementales environ 15 p. 100 et l'économie de l'amour, qu'elle représente, constituerait le reste, soit 75 p. 100 de l'économie mondiale. Cela inclut des choses telles que le bénévolat, l'économie souterraine, je suppose, et toutes les autres formes de dépenses.

C'est donc là une de mes principales préoccupations: la façon de négocier, qui exclut les intérêts très importants concernés par cette négociation. Je voudrais et je recommande que l'on corrige cela à l'avenir.

Ma deuxième grande préoccupation porte sur la protection de l'eau. Certaines choses ont été portées à mon attention. J'ai déjà fait des démarches auprès d'un autre comité au sujet d'un projet de loi de l'Ontario, le projet de loi 107, Loi de 1995 modifiant des lois et visant à geler les impôts fonciers. Depuis, cette loi a été adoptée.

En outre, je voudrais signaler que le gouvernement de l'Ontario a publié un nouveau document, intitulé Patrimoine vital de l'Ontario, qui contient la stratégie proposée d'aménagement du territoire ontarien. Il s'agit d'un document que l'on peut recevoir gratuitement du ministère ontarien des Ressources naturelles, sur demande.

Parmi les différentes listes de priorités qui s'y trouvent, il y en a une qui porte sur des choses précises telles que l'eau. On y dresse la liste des nouveaux parcs provinciaux que l'on voudrait protéger, mais, bien enfoui dans cette liste, on trouve également ceci: «... [la stratégie] assure une plus grande certitude aux industries primaires étant donné qu'elles n'auront plus à s'inquiéter de perdre leur accès aux ressources.»

Je trouve inquiétant qu'ayant adopté une loi portant sur la privatisation de l'eau et des égouts, l'Ontario envisage, dans un nouveau document de principe, de vendre de l'eau comme une marchandise, ce qui, d'après les dispositions de l'ALENA, permettrait à des pays étrangers d'avoir libre accès à nos ressources hydrographiques.

Je voudrais particulièrement demander que le Bureau du procureur général examine cette loi, le projet de loi 107, ainsi que les documents de principe dont j'ai parlé, pour voir s'ils contreviennent aux lois fédérales protégeant l'eau. Dans l'affirmative, je vous prie de faire abroger ces lois.

Merci de m'avoir entendu.

Le président: Merci beaucoup de cette suggestion utile. Nous la transmettrons à qui de droit.

Le témoin suivant sera Sue Langlois, membre du Syndicat national des cultivateurs.

Comme vous le savez, nous avons reçu quelques membres du Syndicat national des cultivateurs à Winnipeg, l'autre jour.

Mme Sue Langlois (représentante, Syndicat national des cultivateurs, Catholic Rural Life Conference (London)): Merci.

Eh bien, je vais lire cela comme c'est écrit:

    Mesdames et messieurs les députés, je m'appelle John Langlois. Je vous remercie de me permettre de présenter mes vues et celles du Syndicat national des cultivateurs et de la Catholic Rural Life Conference du diocèse de London. Je ne suis membre exécutif d'aucune de ces deux organisations à l'heure actuelle. Je suis ici simplement à titre de frappeur de relève aujourd'hui, étant donné que j'ai milité très activement au sein des deux groupes ces derniers temps.

Eh bien, manifestement, je suis la relève du frappeur de relève. Désolée.

Le président: Vous semblez un petit peu nerveuse.

Mme Sue Langlois: Il a eu un empêchement.

Le président: Votre mari?

Mme Sue Langlois: Oui.

Le président: De toutes façons, nous sommes ravis de vous accueillir.

Mme Sue Langlois: Merci.

Pour aller directement à l'essentiel, je précise qu'il s'agira d'un exposé en faveur de politiques commerciales plus protectionnistes.

M. Dan Glickman, Secrétaire américain à l'agriculture, a demandé «le libre-échange mondial des produits agricoles... un système commercial ouvert et des marchés fiables». D'après M. Glickman, les États-Unis veulent et «chercheront à obtenir plus de discipline et de transparence dans les activités monopolistiques auxquelles se livrent les organismes gérés par des gouvernements».

Les États-Unis expriment leur intention de détruire l'efficacité de nos mécanismes de commercialisation les plus utiles, la Commission canadienne du blé et notre système de gestion de l'offre dans le secteur des produits laitiers et de la volaille, afin que les Américains aient un plus grand accès à nos marchés. Au Canada, l'offre de produits est gérée en fonction de la consommation intérieure; les exportations sont donc limitées à une fourchette de 2 ou 3 p. 100 de la demande intérieure.

• 1355

Ce petit excédent est inclus pour garantir que le marché intérieur soit approvisionné en tout temps. Avec un permis d'importation, les transformateurs peuvent localiser des marchés à l'extérieur du Canada si certaines catégories de produits ne sont pas disponibles ici. Dans l'ensemble, pour les producteurs, les transformateurs et les consommateurs, les denrées faisant l'objet d'un système de gestion de l'offre ont été les plus stables et les plus rentables de tout le secteur agricole.

Selon nous, la mondialisation exprime la volonté des pays d'exposer leurs citoyens à un risque économique, à les rendre plus vulnérables à la concurrence internationale, dans la conviction, souvent erronée, qu'ils peuvent être concurrentiels, toutes choses étant égales par ailleurs. Mais les choses ne sont pas égales. Au Canada, nous avons un désavantage climatique qui rend la construction les granges plus coûteuse que dans bon nombre de régions des États-Unis. Nous avons des coûts énergétiques et des taxes plus élevés même si les programmes de soutien de la production agricole sont beaucoup moins généreux que ceux des États-Unis.

Enfin, nous méritons d'avoir, pour nos produits agricoles, des prix qui accordent aux agriculteurs une marge bénéficiaire suffisante pour qu'ils aient un niveau de vie conforme aux normes canadiennes actuelles. N'allez pas de grâce demander aux agriculteurs canadiens, d'accepter des réductions de revenu de 40 p. 100, comme y ont été forcés les employés de Maple Leaf et de Quality Packers en Ontario. Cela a été le résultat d'une mondialisation impitoyable.

Dans un régime moins protégé, l'exploitation agricole familiale continuera à subir des pressions qui menaceront sa survie et elle sera contrainte de mettre en place des modèles industriels de production à grande échelle, puisque 80 à 90 p. 100 de la production provient de 10 à 20 p. 100 des producteurs.

Aux États-Unis, les programmes gouvernementaux continuent à aider le secteur céréalier, ce qui tourne en dérision des règles du jeu équitables. Nous continuons d'avoir un programme d'établissement des prix en fonction du marché, qui est essentiellement un programme de prix plancher. Les programmes de subventions sont réduits éliminés ou adaptés pour répondre aux objectifs gouvernementaux actuels d'austérité sélective et de compatibilité avec les accords commerciaux internationaux.

Le libre-échange a bonne presse, mais dans un marché ouvert, les producteurs perdent tout accès prioritaire à leur propre marché intérieur. Les producteurs de maïs de l'Ontario devraient être ravis de voir que nous avons plusieurs nouvelles usines en expansion pour la transformation industrielle du maïs. Toutefois, ce ne sont pas les producteurs de l'Ontario qui sont les grands bénéficiaires de ces usines, malgré l'investissement considérable du gouvernement dans ces installations.

A titre d'exemple, la nouvelle distillerie de Chatham utilise principalement du maïs américain. A London, Casco, qui produit du sucre de fructose à partir du maïs, importe la plus grande part de son maïs des États-Unis.

N'avons-nous pas assez de maïs ici même pour approvisionner ces entreprises? Si, grâce au libre-échange, ce maïs peut être acheté n'importe où. Peu d'efforts sont faits pour encourager l'achat de maïs canadien ou pour trouver des incitatifs pour que le maïs canadien soit livré à ces usines. En fait, nous faisons souvent l'objet de discrimination, parce que l'on prétend que nous ne pouvons pas approvisionner les usines en quantité suffisante.

Je tiens à vous assurer qu'à condition que le marché nous donne les signaux appropriés, le maïs pourrait être obtenu ici même, en Ontario. Au cours de la campagne agricole actuelle, on a importé en Ontario 20 millions de boisseaux de maïs provenant des États-Unis. On peut prendre pour acquis que la majorité de ces importations ont servi à des fins industrielles.

Lorsque le maïs ontarien est supplanté par le maïs américain, les frais de transport pour acheminer le maïs des États-Unis augmentent. Nous croyons qu'il faut réévaluer l'objectif du commerce international. Nous sommes en faveur d'un respect beaucoup plus marqué du marché et des producteurs agricoles de chaque pays. Le commerce devrait servir à compléter l'aptitude d'un pays à produire des denrées sur son territoire. Aucun commerce ne devrait être effectué sans prendre en considération son incidence sur les producteurs nationaux.

Nous supposons que le commerce international vise à résoudre les prix à la consommation. Toutefois, lorsque le prix du porc versé aux agriculteurs a chuté à des niveaux sans précédent l'hiver dernier, les prix à la consommation sont restés pratiquement inchangés. Nous devons nous demander qui profite réellement du libre-échange, si ce ne sont ni les consommateurs ni les agriculteurs.

Permettez-nous de conclure en proposant certains principes déontologiques que l'Organisation mondiale du commerce devrait adopter.

Le premier est celui de l'autosuffisance en matière de besoins alimentaires essentiels. Tout accord désintéressé devrait reconnaître et respecter le droit de chaque pays de produire les denrées de base nécessaires à sa population, d'assurer sans entrave la sécurité alimentaire de sa population.

A cet égard, la résolution 39/166 de l'Assemblée générale des Nations Unies, en date du 17 décembre 1984, dit ceci:

    [La résolution] invite la communauté internationale à soutenir les efforts déployés par les pays en voie de développement aux prises à des contraintes pour le développement de leur production alimentaire et agricole afin de leur permettre de devenir autonomes.

Deuxièmement, au sujet du droit à des mécanismes de commercialisation ordonnée, tout accord commercial multilatéral qui tient compte de l'intérêt de toutes les parties devrait assurer à chaque pays le droit de maintenir des mécanismes de commercialisation ordonnée, ce qui peut inclure des mesures de contrôle des importations et des prises. Assurer un accès préférentiel au marché intérieur d'un pays n'a rien d'incohérent.

• 1400

A cet égard, la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 12 décembre 1974 dit ceci:

    Tout État jouit du droit souverain et inaliénable de choisir son système économique au même titre que son régime politique, social et culturel conformément à la volonté de sa population et sans ingérence, contrainte ou menace extérieure sous quelque forme que ce soit.

A l'appui de ce principe, l'OCDE a produit en 1976 des principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales. On y lit:

    Les entreprises doivent:

      a) Tenir pleinement compte des objectifs stratégiques généraux des États membres dans lesquels elles exercent leurs activités.

      b) en particulier, tenir dûment compte des objectifs et priorités de ces pays en matière de progrès économique et social [...]

Pour ce qui est du droit à des ententes sectorielles sur l'établissement de prix minimaux, il faut reconnaître, en matière de production alimentaire, la légitimité des ententes collatérales fixant les prix minimaux passées entre les producteurs de chacun des pays signataires. On doit encourager le droit des pays qui produisent les mêmes denrées de fixer collectivement des prix équitables pour leurs producteurs.

En dernier lieu, rappelons-nous que nous faisons tous partie de la famille humaine et que le commerce coopératif et complémentaire peut profiter à tous sÂil est pratiqué dans le respect de l'autonomie des pays et de la dignité des peuples.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Langlois.

Nous passons maintenant à Cecily Nicholson, d'Oxfam Canada.

Mme Cecily Nicholson (porte-parole, succursale de London, Oxfam Canada): Permettez-moi d'abord de vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous.

L'inconvénient d'être la troisième, c'est que je vais probablement répéter certaines des choses qui ont déjà été dites.

Je vous implore d'être patients. Je vais commencer par un bref rappel d'histoire économique.

Il y a près de deux siècles—en 1817, pour être précise—David Ricardo, s'appuyant sur les idées d'Adam Smith, énonçait la loi de l'avantage comparatif, c'est-à-dire la justification fondamentale du libre-échange. Idéalement, on pourrait maximiser la richesse de deux pays partenaires commerciaux si chacun d'eux se spécialisait dans la production de biens pour lesquels il avait la plus grande efficacité. Cette théorie néo-classique est toujours un des principes sur lesquels repose la théorie du libre-échange.

Il y a une question importante à poser. Qu'arrive-t-il au pays qui n'a absolument aucun avantage à la production de quelque bien que ce soit? Beaucoup de gens soutiendraient que la rhétorique exprimée à l'appui du libre-échange constitue une justification d'un échange inégal entre les pays les plus industrialisés et les pays en voie de développement, échange inégal en raison des différences de technologie, de salaires et de niveau d'exploitation.

Même si l'on peut démontrer que le libre-échange accroît la richesse—et il y a certainement eu création de richesse—le libre-échange et l'avantage comparatif ne se soucient nullement de justice en matière de distribution des richesses au sein de la société et entre diverses sociétés. Le libre-échange ne fait qu'accroître la mobilité des capitaux des régions à salaires élevés vers les régions à faibles salaires, forçant donc les salaires à baisser sous menace de transfert des capitaux. Par exemple, General Motors peut menacer d'abandonner les usines de production canadiennes en faveur d'usines américaines ou mexicaines où les coûts sont plus bas. Les exemples abondent.

Maintenant, permettez-moi de vous parler un peu d'Oxfam. Oxfam est un organisme de développement international à but non lucratif qui se consacre à l'éradication de la pauvreté à l'échelle mondiale et qui veille à promouvoir l'émergence d'une société juste. Fondamentalement, Oxfam épouse la cause des droits de la personne et croit que chaque être a le droit à l'alimentation, à un logement, à des soins de santé, à l'instruction, à un moyen de gagner sa vie, à un environnement sûr, à la protection contre la violence, à l'égalité des chances et à se prononcer sur l'avenir.

Le gouvernement canadien a clairement et publiquement adhéré aux mêmes principes et a souscrit à de nombreux accords juridiques internationaux et régionaux qui reprennent ces principes à leur compte. Songeons, par exemple, à la Charte des Nations Unies, qui inclut la déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant et la plate-forme d'action de 1995 sur l'égalité des sexes.

Bien que des efforts considérables ont déjà été consacrés à la création d'un système axé sur des règles universellement respectées—cela se fait sous forme de programmes d'adaptation structurelle dans le Sud, au moyen de l'Accord de libre-échange et de l'ALENA, du cycle de l'Uruguay au GATT, des accords de l'Organisation mondiale du commerce et, bien sûr, au moyen des accords proposés de l'AMI et de l'ALEA—ces accords visent principalement à protéger les droits des commerçants et des investisseurs. On a déployé bien peu d'efforts en vue de confirmer et d'appliquer les accords internationaux sur les droits de la personne dont je viens de parler.

La mondialisation de l'économie vise à établir une nouvelle série de droits, les droits des entreprises. On accorde aux droits des entreprises une protection juridique supérieure. Elles ont un plus grand pouvoir parce qu'elles peuvent brandir la menace de sanctions économiques.

• 1405

L'ALENA et l'établissement de l'Organisation mondiale du commerce sont un moyen pour parvenir à une fin, une fin qui non seulement supplante le droit onusien mais qui également va à l'encontre de l'établissement des droits de la personne.

Aujourd'hui, des 100 systèmes économiques les plus importants de la planète, 50 p. 100 sont des méga-entreprises qui détiennent un pouvoir considérable, pouvoir qui surpasse souvent celui d'un pays souverain.

Il y a deux exemples frappants d'entreprises qui, au moyen de l'ALENA, ont réussi à l'emporter sur les lois et la souveraineté d'une nation. Premièrement, Ethyl Corporation, qui a déjà été mentionnée, et qui a intenté une poursuite de 250 millions de dollars contre le gouvernement canadien pour avoir voulu interdire, par voie législative, l'utilisation d'un additif à l'essence que le gouvernement jugeait toxique. La Environmental Protection Agency des États-Unis avait donné son accord et cet additif est frappé de limites d'utilisation aux États-Unis et même carrément interdit dans l'État de Californie.

Deuxièmement, une entreprise américaine de gestion des déchets dangereux, Metalclad, a intenté une poursuite de 90 millions de dollars contre le gouvernement mexicain, également parce qu'elle a été expropriée, étant donné que l'emplacement qu'elle prévoyait utiliser pour y enfouir des déchets dangereux a été déclarée comme faisant partie d'une zone écologique.

Ce sont là deux exemples qui montrent le pouvoir que des entreprises peuvent avoir en vertu d'accords de libre-échange et qui révèlent combien il est facile et rapide de faire fi des droits humains, le droit humain en question ici étant le droit à un environnement sûr.

À mesure que se fait la mondialisation de l'économie, nous constatons des effets négatifs d'une libéralisation des échanges, les richesses se concentrant de plus en plus dans les portefeuilles d'un nombre réduit d'individus. Il existe une quantité considérable de discours creux sur la nécessité pour notre pays de libéraliser les échanges encore plus et d'accroître donc l'importance des accords de libre-échange.

Les partisans de la mondialisation continuent à soutenir que si l'on permet aux échanges et à l'investissement de se développer sans entrave dans le monde, les économies vont croître et les avantages finiront nécessairement par atteindre toutes les couches sociales.

Toutefois, d'après la revue sur les perspectives économiques mondiales publiée en décembre 1998 par le Groupe de la Banque mondiale, la production économique mondiale au cours des années 90 a connu une croissance annuelle moyenne de 2,3 p. 100, comparativement à une croissance annuelle moyenne de 3,1 p. 100 pendant les années 80.

Autrement dit, malgré la déréglementation intensifiée des économies nationales et l'expansion du commerce depuis le début des années 70, époque où le système des taux de change fixes de Bretton Woods s'est effondré, la croissance économique a, en fait, baissé. En outre, nous pouvons voir des preuves d'une inégalité croissante dans l'économie mondiale, à mesure que s'accroît l'écart entre les riches et les pauvres. Voici quelques statistiques.

La part de revenu des 20 p. 100 de population les plus démunis du monde est passée de 2,3 p. 100 en 1990 à 1,1 p. 100, et elle continue de chuter.

Les 447 personnes les plus riches du monde ont la même valeur nette que les 50 p. 100 moins nantis de la population mondiale, soit plus de 2,5 milliards de personnes.

À peine 0,3 p. 100 du commerce mondial concerne les pays les moins avancés. Cela représente une chute de 50 p. 100 par rapport à la situation d'il y a deux décennies.

Les pays en voie de développement perdent plus de 60 milliards de dollars par année du fait des subventions agricoles et des obstacles à l'exportation des textiles établis par les pays industrialisés.

Ici, au Canada, une personne sur six vit dans la pauvreté. Il y a donc eu augmentation, puisque le pourcentage était d'une personne sur sept en 1989.

Le gouvernement fédéral précédent avait solennellement promis de mettre fin à la pauvreté des enfants d'ici à l'an 2000. En fait, depuis 1989, la pauvreté des enfants a augmenté d'environ 60 p. 100. Autrement dit, 14,5 p. 100 des enfants canadiens vivaient dans la pauvreté en 1989. En 1996, ce chiffre était passé à 21 p. 100 et, aujourd'hui cette proportion atteint près de 23 p. 100.

Le sort des jeunes n'est guère plus enviable. Officiellement, le chômage chez les jeunes est d'environ 17 p. 100, bien que beaucoup de gens soutiennent qu'il dépasse 25 p. 100. Cela sans rien dire de la qualité des emplois qu'occupent les jeunes, qui sont épouvantablement sur-représentés dans le secteur des services et qui sont essentiellement des travailleurs à temps partiel. Depuis 1985, le revenu moyen des jeunes a diminué de 23 p. 100. de 1985 à 1995, les frais de scolarité ont augmenté de 134,4 p. 100, et l'endettement étudiant est en moyenne de 20 000 $.

Il existe maintenant plus de banques alimentaires au Canada que de restaurants McDonald.

En 1997, 20 p. 100 des familles détenant les revenus les plus faibles ont connu une baisse de 3 p. 100 de leur revenu de l'année précédente, alors que les 20 p. 100 supérieurs ont connu une progression de 1,8 p. 100.

Manifestement, la théorie économique de l'expansion des bienfaits jusqu'aux couches les plus basses ne fonctionne pas. Cela n'a jamais été un moyen efficace de développement économique.

• 1410

En conclusion, je vous dirai que je suis une jeune Canadienne qui anticipe un avenir très sombre pour le Canada. Je crois que nous sommes au bord de la crise et que la solution n'est pas dans l'accroissement du libre-échange, mais dans un réexamen de la situation. Jusqu'à présent, cela n'a pas fonctionné, et cela ne profitera jamais à la plupart des membres de la société.

Cette théorie est vraiment nuisible à la cause des droits de la personne, surtout pour les plus marginalisées et les plus dépourvues de pouvoir, c'est-à-dire les enfants, les jeunes, les femmes, les Autochtones et, en général, les pauvres du monde entier.

Il n'appartient pas au commerce de dicter les conditions de respect des droits de la personne. Il faudrait plutôt que les droits de la personne soient à la base de la structure des échanges.

Merci.

Le président: Merci, madame Nicholson. Oxfam comparaît souvent devant notre comité à Ottawa. Nous connaissons donc assez bien un bon nombre des membres de votre organisation, qui ont comparu devant nous à de nombreuses reprises. Toutefois, il est agréable de vous voir ici.

Je crois que tous les membres du groupe se sont exprimés. Je suis certain que nous avons des questions.

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Merci.

Je remercie les témoins d'être venus nous présenter leurs points de vue. Nous entendons beaucoup de témoins et prenons connaissance de beaucoup de points de vue. Il est donc agréable que vous soyez également venus nous présenter le vôtre.

Pour nous, il est difficile de concilier tous ces points de vue. L'un de vous, par exemple, a parlé des producteurs de maïs. L'Association des producteurs de maïs a comparu ici ce matin et, très franchement, elle demandait une libéralisation du commerce ou une suppression des obstacles afin de pouvoir accéder aux marchés.

Je peux comprendre les préoccupations que vous avez exprimées. Selon moi, il ne faut pas prétendre que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous devons nous préoccuper de l'environnement, des problèmes de travail et de tout le reste. Je crois que nous sommes aux prises avec la difficulté de concilier tous les points de vue dans nos travaux.

Vous dites des choses parfaitement valables dans vos exposés. Je ne sais pas trop quoi dire sinon merci d'avoir présenté vos points de vue.

Nous avons entendu votre conseil. Nous l'avons entendu à Toronto, et je crois que nous sommes désormais bien informés.

Je ne veux pas m'en prendre à vous, madame, mais vous dites qu'il y a plus de banques alimentaires au Canada que de McDonald. Je viens de Calgary et je sais qu'il y a là deux banques alimentaires mais qu'il y a de 25 à 30 McDonald. Je crois qu'il aurait été plus approprié de dire qu'il y a eu augmentation du nombre de gens qui ont recours aux banques alimentaires.

Mme Cecily Nicholson: C'est une statistique tirée directement de la documentation d'Oxfam, un organisme très réputé de lutte contre la pauvreté.

M. Deepak Obhrai: Eh bien...

Mme Cecily Nicholson: Il est évident que dans certains domaines il n'y a pas...

M. Deepak Obhrai: Non, je suis d'accord pour dire que toutes les statistiques démontrent une augmentation du nombre de gens qui doivent avoir recours aux banques d'alimentation.

Mme Cecily Nicholson: Oui. C'est ce que j'essayais de vous dire, en général.

M. Deepak Obhrai: Ceci dit, il y a de nombreux points de vue qui se contredisent. L'une des questions importantes que vous aurez tous à vous poser serait peut-être—et ceci semble être aussi le leitmotiv des autres témoignages—les multinationales. J'ai fait allusion aux autres entreprises ou aux autres industries à petite échelle, y compris l'association agricole et l'association de restauration, qui regroupent des entreprises plus petites. Les mémoires présentés par tous les membres de la société civile ont visé les multinationales.

A mon avis, c'est assez juste. Cependant, nous avons également constaté qu'il existe un bon nombre d'autres groupes, d'autres Canadiens, qui veulent eux aussi avoir l'occasion d'explorer d'autres voies. Je crois que votre mémoire devrait sans doute tenir compte de ce fait.

C'est tout.

Le président: Y a-t-il quelqu'un parmi vous qui désire répondre à cette observation?

• 1415

Monsieur Thomas.

M. David Thomas (membre, Section de Guelph, Conseil des Canadiens): Je vous comprends, monsieur. Néanmoins, je crois qu'il faut savoir que les entreprises canadiennes cherchent des débouchés pour vendre plus de produits et de services de nouveaux marchés pour ces biens et services. Mais il y a deux côtés de toute médaille. Si l'idée que les sociétés étrangères peuvent nous imposer des normes en ce qui concerne l'environnement, la main-d'oeuvre et la santé publique nous préoccupe, l'idée que nos propres sociétés canadiennes font de même à l'étranger devrait aussi nous préoccuper.

Autrement dit, il faut prévoir un processus et un cadre de réglementation du commerce pour s'assurer que chaque pays puisse gouverner dans l'intérêt de ses propres citoyens et également établir des normes minimales pour nombre des secteurs qui ne reflètent pas nécessairement le plus petit dénominateur commun.

Autrement dit, si nous avons une loi interdisant un certain type d'additif à l'essence en raison de sa toxicité, nous devons avoir le droit, en tant que pays souverain, d'adopter de telles lois pour agir dans l'intérêt du public. Il ne faut pas accepter une situation où il faut éliminer une telle loi parce que le Mexique ou le Honduras ou quelqu'autre pays ne l'interdit pas. En permettant une telle situation, les normes seraient affaiblies pour correspondre au plus petit dénominateur commun. Je tiens simplement à vous demander tous de tenir compte de cet élément-là lors de vos délibérations.

En tant qu'élus, votre mandat, est de créer des lois qui sont dans l'intérêt du public. Aujourd'hui, il faut comprendre que la voix des grandes sociétés se fait très bien entendre et nous craignons que notre voix ne soit parfois étouffée.

Nous vous remercions de cette occasion de témoigner aujourd'hui, mais nous vous demandons de ne pas oublier que l'intérêt public doit primer les intérêts spéciaux des entreprises.

Merci.

Le président: Madame Langlois.

Mme Sue Langlois: Lorsque je vous ai parlé du dumping du maïs américain en Ontario, je crois qu'il est aussi pertinent de vous parler du fait que, dans le domaine agricole en général, les fermiers canadiens n'ont pas, eux non plus, le droit de faire du dumping de leur porc dans les États du Dakota ou au Minnesota ou dans les autres États américains limitrophes, bouleversant ainsi leur économie. Notre responsabilité, c'est de produire une quantité suffisante pour notre propre économie, et si un besoin d'exportation se fait sentir, à ce moment-là, nous devons répondre à cette demande.

Nous n'avons pas le droit d'inonder les marchés des autres pays. Je crois qu'il ne faut pas l'oublier. Ce n'est pas la jungle. Agir de cette façon serait tout à fait irresponsable. Nous n'agissons pas de même dans nos vies privées.

Je n'arrive pas à penser à de bons exemples, mais vous savez ce que je veux dire. Il faut créer un équilibre.

Ce n'est pas parce que la meilleure terre pour cultiver du maïs se trouve dans le sud-ouest de l'Ontario que nous avons le droit d'inonder le marché si une telle démarche est irresponsable.

Lorsque je vous dis qu'il nous faut des politiques protectionnistes, je veux dire qu'il faut être protectionnistes; je ne veux pas dire qu'il faut être bornés et croire que nous sommes les seuls qui comptent, parce que cela n'est pas vrai. C'est en agissant de façon responsable à l'égard des autres pays, pour que ces derniers puissent, à leur tour, agir de façon responsable à l'égard de leurs citoyens, qu'on est le plus responsable envers soi-même. Je ne crois pas que le Japon devrait être tenu d'abandonner la culture du riz, si c'est en cultivant le riz qu'on empêche l'érosion du sol des montagnes, simplement parce que les États-Unis veulent y faire du dumping de riz.

Le président: Madame Nicholson.

Mme Cecily Nicholson: J'aimerais simplement répondre à quelque chose que vous avez dit, monsieur.

Un nombre important de Canadiens, et certainement ceux qui vont comparaître devant vous, et qui ont déjà comparu, vont être en faveur de la libéralisation du commerce dans le but d'accroître l'investissement étranger et ainsi de suite. Mais j'essaye d'exprimer une voix, j'essaye de représenter certains gens.

Oxfam est un organisme de lutte contre la pauvreté. Nous travaillons surtout avec des gens marginalisés, des gens qui sont tenus à l'écart du pouvoir, qui ne vont jamais, jamais se faire entendre. Ce groupe représente la plupart des citoyens de la planète.

• 1420

Et ce n'est pas tout. Vous n'allez pas entendre, bien entendu, ce point de vue. Ils ne vont pas pouvoir assister à un forum comme celui-ci, et ils ne vont pas pouvoir se faire représenter sur la scène politique parce qu'ils sont trop occupés à faire autre chose.

M. Deepak Obhrai: C'est bien de votre part de venir les représenter, d'exprimer ce point de vue. Nous allons en tenir compte. Je dis simplement qu'il faut vous lancer un défi...

Mme Cecily Nicholson: Et je vous relance le défi.

M. Deepak Obhrai: Oh, oh. Merci.

Le président: M. Barron allait ajouter quelque chose, et ensuite je vais donner la parole à Mme Debien.

M. Robert Barron: Merci, monsieur le président.

J'aimerais simplement dire qu'aujourd'hui il semble avoir un genre de confrontation entre le concept des services publics essentiels par rapport à l'entreprise privée. D'après moi, ce conflit d'intérêt est clairement précisé dans nos lois et dans nos ententes sociales importantes.

Veuillez noter que je n'ai pas dit «libre» échange ou «libre» entreprise mais plutôt entreprise «privée». Je constate que la libre entreprise n'existe pas. Le coût a été très élevé. Tout le monde devrait se rendre compte que le laissez-faire veut dire que tout est permis et voilà le résultat! Nos entreprises nous ont quitté pour s'installer au sud de la frontière, au Mexique, en vertu de l'ALENA.

Je crains que les négociations et les ententes qui multiplient provoquent une plus grande érosion. Les soins de services ainsi que les services essentiels, tels que l'eau, l'électricité et l'éducation sont en voie d'être privatisés. Ce sont des gens qu'on ne voit pas bien souvent qui jugent qu'on peut se passer de ces choses-là en faveur de l'économie. Ce sont des noms, sans visage, qui réussissent à influencer la politique gouvernementale grâce à leurs ressources financières énormes et à leurs contacts. Ce sont des lobbyistes très haut placés, et nous ne connaissons pas vraiment leur nom ou même leur visage.

Cette tendance importante me préoccupe. Nous avons entendu des témoins ici nous parler des conséquences généralisées qui semblent aller à l'encontre des ententes signées par le Canada en commençant avec la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU. C'est un avocat canadien qui a rédigé cette déclaration, et alors que nous devrions en être très fiers, il me semble qu'au cours des dix dernières années, la plupart de ces principes ont subi une érosion majeure. Ceci me préoccupe profondément.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Debien, avez-vous des questions?

Mme Maud Debien: Bonjour, mesdames; bonjour, messieurs. Nous avons rencontré plusieurs organismes de la société civile, qu'on appelle ONG. Ils sont venus nous faire part de leurs préoccupations, qui ressemblent beaucoup aux vôtres.

Personnellement, je crois que ce que vous dites est vrai. On constate que l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et l'ALENA n'ont pas donné les résultats escomptés, contrairement aux promesses qui avaient été faites. C'est un constat, et je pense que le comité l'a entendu dire par de nombreux témoins. On se rend compte, comme vous tous, qu'il y a un écart de plus en plus marqué entre les gens riches et les gens plus pauvres, ainsi qu'entre les pays riches et les pays pauvres. On est tous préoccupés par cette situation.

Il y a un certain nombre de pays qui semblent s'en tirer assez bien et d'autres qui s'en tirent moins bien. Je pense, par exemple, aux maquiladoras, au Mexique, où l'ALENA a eu un effet désastreux.

Que faire? Je vous avoue qu'on n'a pas de solution. En tout cas, je n'ai pas de solution. Comme le disait M. le président, on est là pour écouter, pour vous entendre. Je voudrais vous dire une chose en ce qui concerne le Québec. Vous vous rendez compte que je viens du Québec et que je suis députée du Bloc québécois. Il y a un de nos jeunes collègues du Bloc québécois qui est sorti de la Chambre des communes avec son fauteuil sur la tête. Je pense que vous avez tous vu cette manifestation de protestation d'un de nos jeunes. Ce jeune a forcé les Québécois à faire une réflexion très importante.

• 1425

En effet, depuis janvier, le gouvernement du Parti québécois, conjointement avec le Bloc québécois, a entrepris une réflexion sur les impacts de la mondialisation chez nous, au Québec. Toute l'année, nous travaillerons à enrichir notre réflexion des témoignages que nous recevrons de gens comme vous. Notre réflexion est en marche, du moins au Québec, et j'espère qu'avec vos témoignages, elle va se faire aussi du côté du gouvernement fédéral.

C'était un commentaire plutôt qu'une question, parce que je partage beaucoup de vos préoccupations.

[Traduction]

Le président: Je ne vous propose pas de prendre vos chaises et de sortir. Cela n'aurait pas tout à fait le même impact qu'on a vu lorsque M. Tremblay a agi de cette façon.

Des voix: Oh, oh.

Le président: Monsieur Gaumond.

M. Dennis Gaumond: J'ai une question très courte et très directe.

Pensez-vous qu'il faudrait abroger le chapitre 11 de l'ALENA?

[Français]

Mme Maud Debien: Vous parlez du chapitre 11, qui concerne les investissements?

M. Dennis Gaumond: Oui.

Le président: De l'ALENA.

Mme Maud Debien: Nous avons entendu des opinions très diverses concernant le chapitre sur les investissements. On sait que les négociations de l'AMI ont échoué grâce à la société civile. On sait aussi que la société civile, surtout, demande que cette question ne soit pas amenée à l'OMC. Je vous fais part d'une réflexion toute spontanée. Il va falloir contrôler ces investissements d'une façon ou d'une autre, parce qu'ils se sont. Il y a régulièrement des fluctuations des capitaux transnationaux.

Il y a la taxe Tobin, qui pourrait être un moyen parmi tant d'autres de contrôler les fluctuations de capitaux et toute la question des investissements. Je pense qu'il faut discuter quelque part de ce problème, parce que c'est un problème. Où? Je ne le sais pas. Plusieurs témoins nous ont donné différentes pistes de solutions, entre autres celle de ne pas envoyer cela à l'OMC et de créer une autre organisation qui ferait la gestion de ce problème. D'autres ont parlé d'un amalgame des institutions financières et de l'ONU. Plusieurs pistes de solutions nous ont été proposées. Laquelle est la meilleure? Je vous avoue que je n'ai pas l'expertise nécessaire pour me prononcer là-dessus, mais il faut régler la question. Il faut régler le problème, mais où? Si vous avez une solution, j'aimerais bien qu'elle s'ajoute à celles qu'on nous a déjà proposées.

[Traduction]

Le président: La question portait précisément sur le chapitre 11 de l'ALENA.

Je ne sais pas, je suppose que vous suivez cette question d'assez près, monsieur Gaumond, et que vous savez que le gouvernement du Canada s'en inquiète.

En tant qu'ancien professeur de droit commercial international, je connais ce sujet et je pense qu'on peut affirmer que le chapitre 11 a créé des problèmes qui n'étaient pas envisagés au moment de sa rédaction. Je pense que tout le monde espère que même le gouvernement américain...

Vous êtes peut-être au courant de l'affaire Loewen, où une action en justice est portée contre le gouvernement américain qui prétend que toute la structure judiciaire de l'État du Tennesseee est en contravention. Alors il va devoir y faire face.

Comme vous le savez, les États-Unis sont la société la plus procédurière au monde. Dès que les avocats américains seront au courant, ils vont commencer à intenter des procès à droite et à gauche. À mon avis, il y aura des pressions sur le gouvernement des États-Unis. À l'heure actuelle, je crois savoir que la difficulté se pose avec le gouvernement mexicain.

Je peux vous assurer que c'est une question qu'on suit de près à Ottawa. Je ne peux pas parler au nom du gouvernement mais d'après ce que nous entendons en tant que comité et en tant que députés, je peux vous dire que c'est un sujet de préoccupation et que certains efforts se dessinent.

• 1430

Par contre, les gens craignent, s'il y a réouverture du chapitre 11, qu'on risque de perdre d'autres avantages qui s'y trouvent. On craint surtout que les Américains soient d'accord à propos du chapitre 11 mais en exigeant en contrepartie que l'on supprime l'exception culturelle ou quelque chose du genre.

Mais vous pouvez m'en croire, la question est sur la table. Cela ne fait pas doute. C'est un souci. Nous n'étions pas ravis d'en payer d'autant d'argent pour nous défendre mais n'oubliez pas, nous y avons été forcés parce que deux gouvernements provinciaux du Canada ne voulaient pas adapter les lois nécessaires. S'ils avaient fait les adaptations voulues, nous aurions pu garder notre loi puisqu'elle aurait été non discriminatoire. C'était l'élément de discrimination qui nous a fait perdre.

Nous avons donc été pris à notre propre piège constitutionnel et victimes du refus de deux gouvernements de prendre les mesures qui s'imposaient sur une question d'importance nationale. Il ne faut pas l'oublier.

M. Dennis Gaumond: Je voudrais faire une brève réfutation, si vous me permettez.

Le président: Oui.

M. Dennis Gaumond: Ce n'est pas vraiment une réfutation mais plutôt une observation.

J'ai déjà mentionné la réaction des médias. Dans ce cas-ci, je pense qu'on manque énormément de transparence. Lorsque la question a été soulevée en juin dernier, elle a été mentionnée brièvement dans la presse puis elle s'est éclipsée. Je pense qu'il incombe au gouvernement de s'exprimer avec plus de force.

Après tout, c'est un scandale sans précédent. La presse aurait dû y accorder une attention beaucoup plus soutenue. J'estime que notre gouvernement devrait faire en sorte que la population est mieux informée là-dessus. Dans ce cas-là, je suis sûr que cela aurait provoqué un tollé général.

Le président: Effectivement, je crois que c'est une de nos tâches en tant que comité parlementaire d'informer la population mais il faut comprendre aussi que nous avons d'autres responsabilités que les questions commerciales. Nous devons faire face à la situation au Kosovo et à bien d'autres problèmes. Nous essayons de faire ce que nous pouvons. Mais je reconnais que le comité parlementaire, tant les députés ministériels que ceux de l'opposition, exercent des pressions sur le gouvernement à propos de sujets qui ne sont pas nécessairement de tout repos.

Nous venons de rédiger un rapport sur le désarmement nucléaire dont les recommandations déconcertent bien des gens mais c'est ainsi que nous travaillons. C'est ce que nous essayons de faire.

M. Pickard et ensuite Mme Augustine voudraient intervenir avant que nous passions au groupe suivant.

M. Jerry Pickard: Merci, monsieur le président.

De nombreuses personnes ont soulevé la question du MMT dans l'essence. Je pense que tout le monde à cette table convient que ce n'est pas une situation satisfaisante pour nous. Presque tout le monde à la table en a parlé.

Mais je tiens à dire que votre opinion est très importante pour nous aussi bien que votre contribution. Au cours de nos audiences, nous avons entendu de nombreux groupes qui ont exprimé les mêmes préoccupations que vous. Soyez assurés que nous vous écoutons avec attention.

Notre travail c'est de vous écouter, de fonctionner avec le maximum de transparence et de transmettre vos soucis à Ottawa en faisant des recommandations aux responsables, basées sur les témoignages que nous avons entendus. Vous pouvez donc être sûrs que vos commentaires vont servir pour la rédaction de notre rapport, je pense que c'est très important.

Indépendamment de la question de la souveraineté et de l'intérêt public, je voudrais aborder d'autres sujets. Je pense que la question du MMT souligne effectivement l'importance de la souveraineté, tout le monde le reconnaît.

Sue, vous avez mentionné la question du maïs. L'usine d'éthanol se trouve dans ma circonscription. Le commerce canado-américain en matière de maïs se fait dans les deux sens puisqu'il n'y a pas d'obstacle à la frontière. Le maïs peut être exporté aux États-Unis et être importé au Canada sans tarifs.

L'Association des producteurs de maïs est très satisfaite de pouvoir commercer sans obstacles tarifaires. Elle fait remarquer à ce propos que le Canada, surtout l'Ontario est le plus acheteur de maïs américain tandis que les États-Unis, et notamment le Michigan, est le plus gros acheteur du maïs ontarien.

• 1435

Il y a donc un commerce florissant pour ce produit. L'Ontario en profite beaucoup pour ce qui est de la valeur ajoutée.

En tant que producteur agricole, vous savez qu'il y a diverses qualités de maïs. Le maïs de piètre qualité peut servir dans une usine d'éthanol et le maïs de bonne qualité pourrait être vendu à une usine de Kellogg's.

Le facteur déterminant, c'est la qualité du maïs dont dépend le prix. Si le Michigan avait beaucoup de maïs de qualité inférieure, il conviendrait à la production d'éthanol, alors c'est le Canada qui achèterait ensuite le maïs américain. Par ailleurs, une usine Kellogg's ou une autre a peut-être besoin de maïs de qualité supérieure et à ce moment-là, la production ontarienne serait acheminée vers les États-Unis. Tout finit par bien s'équilibrer.

Je pense que le commerce du maïs entre les deux pays se chiffre à environ un milliard de boisseaux. C'est du moins le marché potentiel. Les cultivateurs semblent être satisfaits de la situation.

Je suis tout à fait d'accord avec vous à propos de la gestion de l'offre. C'est la production la plus stable et la mieux gérer de tout le Canada.

Tout le monde ici a écouté avec beaucoup d'attention. Nous avons entendu des responsables de la gestion de l'offre au niveau national et au niveau provincial et ils nous ont parlé d'un nouveau régime qui fait l'objet d'une attaque de la part de certains. Ils nous ont exposé la situation hier. Ils ont bien fait comprendre qu'ils ne veulent pas de tarifs. Ils cherchent à obtenir un petit pourcentage de la part du marché américain.

Dans le passé, le Canada s'est tenu coi et a perdu une part de son marché. Cela nous a nui. Les États-Unis ont essentiellement conservé leur part du marché et ils n'ont pas respecté les ententes signées.

Aujourd'hui, le secteur assujetti à la gestion de l'offre, ainsi que bien d'autres secteurs de produits de base, laissent entendre qu'ils ont mis au point un plan visant à assurer qu'à l'avenir leur industrie sera viable et protégée jusqu'à la limite du possible. À mon avis, leurs plans sont très bons.

D'après ce que vous dites, ce qui importe, ce sont les gens; on ne peut pas les oublier dans tout ce contexte. C'est évident. D'autres organisations l'ont également précisé.

J'ai commenté certaines questions qui ont été soulevées, mais, d'après moi, nous devons tenir compte des besoins des gens et cela doit figurer dans notre rapport final.

Merci beaucoup d'être venus. Nous allons certainement tenir compte des problèmes que vous avez soulevés.

Le président: Jean, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Jean Augustine: Monsieur le président, je serais brève, puisque nous manquons déjà de temps.

J'aimerais profiter de cette occasion pour dire à Mme Nicholson que je représente Oxfam ici au Parlement. Je suis membre du groupe d'Oxfam basé à Ottawa et, à ce titre, j'essaie de conscientiser les députés. Je suis donc très heureuse que vous soyez ici.

Je travaille d'arrache-pied au dossier des droits de la personne et aussi à la liste des dix points qui a justement été dressée par Oxfam. J'essaie d'encourager la discussion de ces sujets qu'importe la nature de la réunion à laquelle je participe.

Bon nombre d'ONG et de particuliers, membres de la société civile, nous ont parlé des questions que vous avez soulevées aujourd'hui. Nous sommes ici pour vous écouter et pour faire des recommandations. Nous sommes ici pour rendre compte de vos recommandations.

• 1440

Je veux vous assurer, monsieur Barron, que l'eau est une question extrêmement importante, et que les discussions se poursuivent à ce sujet. Merci beaucoup de votre exposé et merci d'avoir attiré notre attention sur cette question cet après-midi.

C'est tout, monsieur le président.

Le président: En conclusion, je crois que les grands thèmes se sont dessinés à mesure que nous avons entendu tous les groupes qui ont exprimé des idées semblables aux vôtres. Certains ont dit qu'ils veulent qu'on améliore le système déjà en place. Que ce soit le Congrès du travail du Canada, ou vous-mêmes, ou d'autres qui luttent contre la pauvreté—personne ne semble s'opposer à la libéralisation des échanges, à condition que cela profite à la société en général.

Le problème, c'est qu'à l'heure actuelle les échanges commerciaux font fi de l'environnement, des droits de la personnes, de la culture, des normes de travail et ainsi de suite, y compris l'écart de pauvreté, qui croît, et d'autres questions sociales.

On doit donc se demander si on peut recommander aux négociateurs canadiens de soulever ces questions auprès des autres pays et organisations. L'OMC veut promouvoir le commerce, mais il n'y a personne pour défendre l'idée de la direction des affaires mondiales.

Si nos négociateurs n'arrivent pas à convaincre les autres pays de l'importance de la Direction des affaires mondiales, et si le Canada voit sa position s'affaiblir, nous devrons, comme l'a mentionné M. Thomas, alors au moins conserver nos structures nationales afin de garantir la protection de nos programmes sociaux.

Voilà donc le genre de questions que nous devons confronter et qui seront abordées dans notre rapport. Ce sont les sujets que nous devons aborder. Vous avez attiré notre attention sur ces choses. Merci beaucoup d'être venus.

Je suis entièrement d'accord avec Jean, monsieur Barron. Croyez-moi, l'eau figure à l'avant-plan de nos préoccupations.

Il y a longtemps, lorsque j'enseignais encore, j'avais un étudiant à la maîtrise qui étudiait une proposition faite par les États-Unis, selon laquelle on viderait les Grands Lacs et on construirait un canal reliant les Grands Lacs à la Californie et à l'Arizona. Imaginez où nous en serions si on avait donné suite à ce genre de projet. Puisque les Grands Lacs forment la frontière entre nos deux pays, l'eau appartient au Canada et aux États-Unis. Les deux pays ont donc voix au chapitre.

La question ne va certainement pas disparaître; je crois que nous sommes tous d'accord avec vous là-dessus.

Merci beaucoup d'être venu. Nous vous en sommes reconnaissants.

J'aimerais également remercier nos prochains témoins d'être venus. J'espère que vous vous sentirez plus à l'aise ici qu'à l'extérieur. Mais, en fait, vous seriez peut-être plus heureux d'être dehors. De l'air frais ne nous ferait pas tort. Il devrait peut-être y avoir une loi sur l'air pur stipulant que les élus doivent sortir de temps à autre des salles de réunion ayant une odeur de renfermé.

Nous allons procéder dans l'ordre établi sur l'avis de convocation. Je sais que vous n'avez pas eu le temps de préparer des mémoires. Mais vous avez pu suivre la discussion jusqu'à présent, et je vous invite donc à nous faire part de vos idées. Ensuite, nous pourrons continuer la discussion.

Monsieur Anderson, voulez-vous commencer? Ensuite, on fera le tour de la table.

M. Jim Anderson (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs, membres du comité, confrères et consoeurs.

Comme vous l'avez dit, je n'ai pas vraiment eu le temps de préparer un mémoire. On m'a invité il y a quelques heures seulement. Mais vous comprendrez peut-être pourquoi je suis venu aujourd'hui après avoir entendu ce que j'ai à dire.

Je travaille au Centre des sciences de la santé de London, et je suis membre du syndicat Service Employees' International Union, qui représente beaucoup de travailleurs hospitaliers au Canada. Je suis témoin quotidiennement des répercussions néfastes du libre-échange sur les soins de santé. J'ai tenté en vain d'en trouver les effets bénéfiques.

• 1445

Les derniers mois ont été très éprouvants pour moi. Vous verrez pourquoi.

Je me suis rendu compte que les compagnies d'assurance veulent faire des profits sur le dos de l'industrie des soins de santé. Je me demande pourquoi les autres industries reliées aux soins de santé, telles les industries médicales et pharmaceutiques, ne réinvestissent pas leurs profits énormes dans le domaine de la santé.

Depuis dix ans je ressens les effets de la réorganisation. J'ai vécu de près tous les effets de la réorganisation à London qui a été faite par la Commission pour la réorganisation du London Health Sciences Centre. Pendant dix ans, j'ai été délégué syndical sur le campus universitaire, et j'ai participé coeur et âme à toutes les activités.

Je croyais qu'on avançait dans la bonne direction. Je m'attendais à mieux de l'actuel gouvernement fédéral, surtout puisqu'il s'agit d'un gouvernement libéral. L'attitude du gouvernement provincial envers les soins de santé ne me surprend pas. On semble se diriger vers un système à deux niveaux, semblable à celui de nos consoeurs et confrères aux États-Unis. J'ai du mal à l'accepter.

Deux expériences m'ont marqué. D'abord, mon expérience à titre de travailleur dans le monde de la santé, et ensuite, l'expérience que j'ai vécu de voir ma femme hospitalisée pendant cinq mois à London. C'était un heureux hasard qu'elle se trouvait dans le même hôpital que celui où je travaille. Les infirmières étaient formidables. Ma femme a reçu tous les soins médicaux nécessaires. C'était dur, ces cinq mois, et on n'est pas encore sorti du bois...

Je me préoccupe de ce qui se passe. Comme je vous l'ai déjà dit, je travaille dans le domaine des soins de santé à London depuis 1973. J'ai travaillé à l'hôpital universitaire et j'ai été témoin des excellents soins prodigués. Cela était très encourageant.

Depuis dix ans, j'observe un déclin progressif des soins de santé. J'ai de graves préoccupations. J'ai pu participer et j'ai pu être sur place pour aider ma femme tôt le matin, à midi, lors des pause-café et le soir sans que cela me coûte plus cher—c'est-à-dire en payant 7 $ par jour pour le stationnement. C'est à fendre le coeur de voir ce que les gens vivent. J'ai eu de la chance. Je n'ai pas été obligé de payer le stationnement. J'étais là, sept jours par semaine, pendant cinq mois. Je n'aurais pas voulu voir la facture à la fin.

Voilà un exemple de ce qui se passe.

Les infirmières sont débordées. J'ai pu aider. En fait, elles m'ont dit que je devrais essayer d'obtenir une licence, au lieu de travailler comme mécanicien en machinerie et de m'occuper des conditionneurs d'air.

Pour résumer, on doit mettre fin à cette tendance à réduire aveuglement les dépenses, qui est le résultat du libre-échange. Il faut plus de dialogue. Il faut dégager un consensus quelconque sur les changements à apporter au système de santé.

Le libre-échange est à l'origine de cet état de choses et il faut en être conscient. Je veux voir le gouvernement fédéral réinvestir dans la santé. Le système américain n'est pas un modèle à suivre. Évidemment, avec les OSIS et tout le reste, lorsqu'on lit des articles sur ce qui se passe aux États-Unis, on voit que même Bill Clinton a dit que personnellement il préférerait un système comme celui qui existe au Canada.

Mais qu'arrive-t-il à notre système? On va dans le mauvais sens, et c'est ce qui me préoccupe.

Merci de m'avoir écouté.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

Nous allons maintenant céder la parole à Randy Pedersen du bureau de London de Greenpeace.

Monsieur Pederson.

M. Randy Pedersen (représentant, Greenpeace, Bureau de London): Je m'excuse, car je n'ai pas vraiment eu le temps de préparer un exposé, mais j'ai quand même quelques commentaires à faire au nom de Greenpeace.

Nous ne connaissons pas bien l'état des négociations actuelles. Il faudrait donc commencer par fournir le plus de renseignements possible au public à propos des audiences et des négociations en cours. Les seuls renseignements que nous avons pu obtenir découlent de ce qui s'est passé auparavant.

• 1450

Sans m'y attarder, j'aimerais réitérer notre position sur le MMT. Lorsque nous voyons des choses semblables, Nous commençons tout de suite à avoir des doutes sur le libre-échange.

J'aimerais aussi dire que Greenpeace ne s'oppose pas à la mondialisation comme telle. Nous appuyons les initiatives comme le sommet de Kyoto sur les changements climatiques. C'est une tribune internationale qui permet aux pays de se réunir et d'exposer leurs préoccupations sur les émissions de combustibles fossiles et les déchets toxiques entre autres. Greenpeace appuie ce côté-là de la mondialisation, mais s'oppose à tout aspect qui place l'industrie avant l'environnement ou la population. Nous allons continuer à nous opposer à ce côté-là de la mondialisation.

C'est grosso modo tout ce que je voulais vous dire aujourd'hui de la part de Greenpeace.

Le président: C'est très succinct. On nous a déjà parlé de ce principe.

Vous comprendrez que les négociations actuelles n'ont pas encore commencé. Ces audiences-ci ont lieu en vue de la participation du Canada à une réunion de l'OMC prévue pour novembre. À la fin de l'Uruguay Round, les pays-membres ont convenu de tenir une autre ronde de négociations sur l'agriculture et les services. Les choses sont donc déjà amorcées. La décision à prendre à Seattle portera sur la nature des décisions, c'est-à-dire s'il s'agira d'une ronde globale ou non. Personne ne le sait et ces discussions ont tendance à durer longtemps.

Quant au but de ces audiences, le ministre Marchi a demandé au comité parlementaire de parcourir le pays pour écouter les Canadiens et pour préparer un rapport à l'intention du cabinet d'ici le mois de juin pour permettre à ce dernier d'être en mesure de donner des directives aux négociateurs canadiens pour l'automne. Nous essayons de respecter ce calendrier.

Si vous voulez consulter notre site Web, vous le trouverez à l'adresse suivante: «www.parl.gc.ca». Nous avons affiché 21 documents de discussion à cette adresse générale du Parlement. De là, si vous consultez le site Web du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, vous trouverez notre information. Nous allons continuer à alimenter ce site. J'espère qu'il vous sera utile.

M. Randy Pederson: Très bien.

Le président: Nous essayons d'être le plus transparents possible.

M. Randy Pederson: Je dois avouer que j'ai mes doute à propos de ce genre de choses. Lorsqu'on voit quelque chose comme l'AMI aller aussi loin, vous savez...

Le président: Je pense que l'AMI a servi à réveiller bien du monde.

M. Randy Pederson: Je l'espère.

Le président: Je ne pense pas que le Canada aurait profité de cela.

C'est un argument valable.

Monsieur Kuhn.

M. Al Kuhn (témoignage à titre personnel): Bonjour, monsieur le président, honorable députés.

Je suis ici à titre personnel pour exprimer mes préoccupations à propos du libre-échange, plus précisément la Zone de libre-échange des Amériques.

D'abord, je voudrais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous. J'aimerais cependant savoir pourquoi nous n'avons pas eu plus de renseignements auparavant, pourquoi il n'y avait pas d'annonce dans les médias. J'écoute la radio pendant la journée.

Je viens de terminer mes études, donc j'ai un peu de temps, je suis là et je m'amuse. J'apprécie le temps que vous m'avez accordé. Si j'avais eu plus de préavis, j'aurais pu préparer un mémoire. Évidement je n'en ai pas, et je risque de finir par me répéter un peu. J'ai cependant quelques points à soulever.

Bien sûr, les poursuites de la Ethyl Corporation me font peur. Je suis préoccupé par le transport transfrontalier de plutonium usé pour être transformé dans certaines de nos manufactures de voitures au Canada. Quel sera l'impact de l'ALENA dans ce domaine?

Quant au chapitre 11, j'en ai lu certaines parties. Je n'ai pas lu le texte intégralement. Je me rappelle d'avoir feuilleté le texte et en tant qu'étudiant, je l'ai trouvé volumineux.

Le chapitre 11 me préoccupe. Qu'en est-il de la culpabilité, de notre souveraineté? Pouvons-nous réglementer le transport transfrontalier de déchets nucléaires, ou serons-nous coupables si nous ne permettons pas le transport de ces déchets?

• 1455

Les simples Canadiens ne sont pas forcément au courant de ce genre de choses. Ils en seraient préoccupés si on les informait de façon impartiale, si le gouvernement publiait quelque chose à ce sujet. Je ne connais pas le meilleur moyen d'informer la population, mais je sais que tout le monde regarde la télévision, et certains écoutent la radio, lorsque la programmation est bonne. On pourrait peut-être envisager un communiqué d'intérêt public.

Eh bien, je n'en ai peut-être pas entendu parler, ou peut-être je n'ai tout simplement pas vu, en tous cas je suis à peu près sûr que je n'ai rien vu.

J'aimerais aussi parler des droits de la personne. Lorsqu'on parle de questions économiques ou de multinationales dans le cadre des ententes commerciales, on voit que certaines de leurs préoccupations ont tendance à primer sur les droits de la personne. Si vous pensez à l'économie et aux tendances économiques, vous constaterez que nous ne parlons pas des droits de la personne, ni des droits environnementaux. Ce sont aussi des droits humains fondamentaux. L'air pur et l'eau potable sont des droits humains fondamentaux.

Pourquoi avoir des échanges commerciaux avec certains pays quand nous savons fort bien qu'ils ne respectent pas les droits de la personne? En tant que démocratie, nous sommes censés élaborer les politiques, ce n'est pas le travail des grandes sociétés. Pourquoi accepter des échanges commerciaux avec les pays qui abusent des droits de la personne? Est-ce une forme d'impérialisme économique? Exploitons-nous les travailleurs pour qu'ils produisent des biens qui ont un effet nuisible sur eux et sur l'environnement

Il faut avoir une vue d'ensemble de l'environnement. Les problèmes environnementaux qui affligent la planète tels que le réchauffement planétaire ou l'appauvrissement de la couche d'ozone nous affectent nous aussi. Je me pose des questions là-dessus.

Je crois que c'est à peu près tout ce que j'ai à dire, de mon point de vue. En tant que citoyen intéressé, j'aurais apprécié un préavis. Mais je vous suis reconnaissant du temps que vous m'avez accordé et d'avoir eu l'occasion de vous parler à cette tribune.

Le président: Merci beaucoup de vos observations. Vous avez demandé au début pourquoi il n'y avait pas eu d'annonce dans les médias. On se pose aussi la même question. Nous avons envoyé des communiqués de presse à tout le monde.

M. Al Kuhn: Je comprends.

Le président: Je ne crois pas que les médias considèrent que cela mérite une attention particulière. Jusqu'à ce que vous vous pointiez avec vos pancartes, on ne parlait pas de nous.

Et en passant, on vous remercie beaucoup. Certaines de vos pancartes ont été très utiles. Peut-être que lorsque nous nous présenterons dans la prochaine ville, les gens diront «mais mon Dieu, il y a une émeute,» tout le monde va alors se pointer et ils comprendront enfin que nous faisons un travail sérieux.

C'est un point très intéressant. Lors d'une séance antérieure quelqu'un a dit que le problème tient au fait que les citoyens ont beaucoup de difficulté à se renseigner au sujet de ces questions, parce que les médias ne les discutent pas convenablement, soit à la télé ou dans les journaux.

On peut se renseigner, mais c'est difficile. Nous faisons de notre mieux. C'est tout ce que je peux dire. Je regrette que vous n'étiez pas au courant plus tôt, mais nous essaierons constamment d'améliorer notre capacité à communiquer avec la population.

Notre dernière intervenante est Mme Hatzipantelis.

Mme Maria Hatzipantelis (porte-parole, London Coalition for Fair Trade): Je m'appelle Maria, et je suis ici pour représenter la London Coalition for Fair Trade, un comité ponctuel qui a été créé il y a environ deux semaines, peut-être moins. Nous avons appris que ces audiences auraient lieu, et on voulait faire quelque chose et participer.

Nous vous remercions beaucoup d'être venu nous chercher dans la rue et de nous permettre de venir nous exprimer.

Malheureusement, nous n'avons pas de texte préparé, parce qu'on ne croyait pas pouvoir entrer. Alors nous n'avons rien. Pourtant, j'aimerais faire quelques commentaires au nom de la Coalition.

Nous estimons que nos collectivités ont subi les conséquences du modèle imposé par l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et, par la suite par l'ALENA, qui était le premier accord commercial international à donner aux sociétés étrangères le droit de poursuivre des gouvernements si leurs lois les empêchaient de réaliser des profits. Je crois que plusieurs de mes collègues aujourd'hui ont évoqué les différents cas qui nous préoccupent tous.

L'agriculture, l'industrie, les programmes sociaux et d'autres aspects de notre vie nationale ont été durement frappés par ces ententes. L'ALENA a transformé le Canada.

• 1500

Pour vous donner un exemple local, à l'heure actuelle, des milliers de nos confrères et consoeurs qui travaillent pour Bell Canada sont en grève, et luttent pour conserver leurs emplois. Les téléphonistes doivent soit accepter une diminution de salaire de 40 p. 100 et se déplacer à une autre ville où accepter de perdre leurs emplois. Voilà pourquoi ces travailleurs font la grève à l'heure actuelle. Il s'agit du Syndicat canadien des communications de l'énergie et du papier, section locale 46, ici à London en Ontario.

C'est juste un exemple des conséquences des accords commerciaux qui nous touchent ici.

En plus, sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce, la libéralisation des échanges continue son bilan des catastrophes. C'est un modèle qui s'acharne à ramener les normes sociales et environnementales à leur plus bas dénominateur commun pour les réduire encore davantage. Conséquence, la pauvreté augmente dans la plupart du monde. La flore et la faune de la planète sont menacées. Cela comprend l'air et l'eau. D'autres personnes ont évoqué ces sujets plus en détail.

Même si la libéralisation des échanges a été certainement avantageuse pour les riches et les puissants, elle a dégradé la qualité de vie et les droits démocratiques de la plupart des Canadiens. Pour bien d'autres habitants de la planète, la mondialisation économique a eu des conséquences beaucoup plus dramatiques.

J'aimerais citer un exemple que je juge approprié, étant donné que le Canada va participer à des négociations concernant la zone de libre-échange des Amériques. Il s'agit de quelques observations du comité pour la justice sociale et les droits de la personne au Chili. Malheureusement, ils n'ont pas pu être ici en personne. Ce sont des citoyens ordinaires qui doivent travailler et qui ne pouvaient pas avoir les congés nécessaires pour venir vous adresser la parole aujourd'hui. Ils font part de leur expérience concernant les conséquences du libre-échange au Chili en 1973.

Au fond, le Chili a servi de banc d'essai du libre-échange dans les années 70. Les citoyens ne l'accueillaient pas du tout d'un bon oeil. Il a fallu l'imposer par une dictature militaire. Il a conduit au démantèlement des filets de sécurité sociale. Cela a fait augmenter la main-d'oeuvre bon marché. La législation ouvrière a diminué de même que la sécurité des travailleurs et les droits des citoyens et les règlements environnementaux ont été compromis.

Je crois que nous connaissons tous la situation du Chili à cette époque. C'est un exemple très important dont il faut se souvenir au moment d'aborder des négociations pour l'ensemble des Amériques.

Par ailleurs, nous pouvons poursuivre avec des exemples tirés de partout dans le monde. J'ai vu, de mes propres yeux, les conséquences des ententes commerciales, internationales et autres dans des parties de l'Afrique du Sud. J'ai vu des agriculteurs travailler dans les champs de coton, pendant que leurs familles crevaient de faim parce qu'ils avaient besoin de cultiver des cultures commerciales pour soutenir les politiques de libre-échange et de commerce international de leur gouvernement. Cela me tracasse et tracasse les membres de la coalition.

Nous parlons au nom de ces citoyens qui, malheureusement, ne peuvent pas être ici pour dire au gouvernement canadien ce qu'ils veulent. Les gens des autres pays ne peuvent pas non plus le dire à leur propre gouvernement. On aimerait exprimer une solidarité avec nos confrères et nos consoeurs à travers le monde en affirmant que nous n'appuierons pas d'ententes de libre-échange qui n'accordent pas la priorité aux droits des citoyens et des populations de ce monde par rapport aux intérêts des sociétés.

Nous comprenons que vous êtes ici pour faire des recommandations, mais ça fait 50 ans qu'on fait des recommandations, et rien ne se passe. On aimerait voir des actes. Nous ne voulons pas de recommandations, on veut des décisions, on veut des remèdes. Je ne sais pas pendant combien de temps les gens vont pouvoir endurer ces ententes avant de se soulever et...

Je l'ignore. Je crois que les gens en ont marre. On ne peut plus se payer le luxe de ces ententes.

C'est tout ce que j'ai à dire. Merci de m'avoir écoutée.

Le président: Pas du tout; merci beaucoup.

Pour ce qui est des mémoires écrits, je comprends que personne n'a eu l'occasion de se préparer, mais si vous voulez rédiger quelque chose et nous l'envoyer, nos agents de la recherche vont l'examiner avant que nous ne rédigions notre rapport, pourvu que vous nous l'envoyiez dans les dix prochains jours, parce que c'est le délai qui nous est fixé. Si vous voulez nous envoyer un mémoire, on vous encourage à le faire.

Mme Maria Hatzipantelis: Où est-ce qu'il faudrait l'envoyer?

Le président: Mme Hilchie vous donnera sa carte. C'est elle la greffière du comité.

Est-ce qu'il y a des questions?

• 1505

M. Deepak Obhrai: Oui, juste une observation.

Madame Hatzipantelis, je ne conteste pas ce que vous dites, mais je vous prie de réfléchir à quelque chose pendant une minute. Vous parlez du Chili. Vous parlez de l'Afrique, comme vous le savez, le Chili était une dictature, et beaucoup de pays africains étaient des États dirigés pas un seul parti autrement dit des dictatures, c'étaient des dictatures militaires. Qu'on les appelle comme on voudra, c'étaient des économies fermées et, les économies fermées engendrent la corruption. Je ne vais pas nier qu'au fur et à mesure que la corruption s'installait, certaines multinationales en ont profité. Elles en ont profité, comme vous venez de le dire.

J'ai constaté lors d'un voyage récent en Afrique—et je suis Africain, donc j'ai vu le déroulement du processus—que la mondialisation et l'ouverture des marchés ont exercé des pressions énormes sur les chefs politiques pour ouvrir leurs économies à la mondialisation, ce qui ne pouvait se faire que par la répression ou la modification du régime politique.

Le régime politique que j'ai vu cette fois-ci était assez différent de celui que j'ai connu. Les dirigeants ont été obligés d'instaurer le pluralisme politique et de tenir compte de la primauté du droit, dont vous parlez tous. Ils ont dû donner libre cours à la presse, qui est devenue une opposition, et cela a donné une nouvelle importance aux choses dont vous parlez tous comme étant des objectifs nécessaires—la primauté du droit, la justice sociale et les besoins sociaux. Les pressions sont venues de l'extérieur, parce que les économies de ces pays allaient de mal en pis. La population a fini par exiger qu'on fasse quelque chose.

Vous avez mentionné le Chili, et je vous donne un autre exemple. J'ai vu moi-même les changements dont je vous parle.

Une part de la responsabilité incombe également aux régimes politiques des pays du tiers monde. Une grande part de responsabilité leur incombe. À moins d'avoir un régime politique avec trois éléments distincts—le judiciaire, l'exécutif et le législatif—comme on a au Canada, où des changements se font, rien ne se passe.

M. Randy Pedersen: Si nous voulons que ces régimes politiques soient modifiés, il ne faut pas appuyer le commerce avec les gouvernements qui sont en place.

M. Deepak Obhrai: Le fait est que c'est comme cela que cette situation s'est produite. C'est la réalité, mon ami.

M. Randy Pederson: La réalité c'est...?

M. Deepak Obhrai: Grâce à leurs économies fermées, etc., ces gouvernements ont pu demeurer en place longtemps, mais ces économies fermées ont fait baisser le niveau de vie...

Pour dire les choses clairement, les gouvernements étaient faibles—c'est le président qu'il l'a dit—et ne pouvaient plus négocier. L'État était devenu très faible.

Mme Maria Hatzipantelis: J'aimerais faire quelques remarques moi aussi.

Je ne prétends pas être experte concernant les gouvernements actuels de beaucoup des pays de l'Afrique, mais j'ai visité certains de ces pays il y a quelques semaines.

• 1510

N'est-il pas également vrai que c'est à cause de la mondialisation que les droits des travailleurs dans ces pays ont diminué? Il est vrai que beaucoup de gens ont profité de la mondialisation, mais ce sont les mêmes 225 personnes qui ont une valeur nette et équivalente à celle de 45 p. 100 de la population du monde. À mon avis, c'est injuste. Cela n'améliore pas la situation dans son ensemble.

De plus, l'ouverture des frontières, la mondialisation, le commerce accru, etc. ont également entraîné la disparition de bien des industries nationales de certains de ces pays. Je pense que l'industrie alimentaire notamment a souffert à cause du commerce. À quoi bon cultiver des produits alimentaires pour les exporter afin de payer la dette qu'on doit à un organisme mondial, alors que la population du pays meurt de faim? Ces gouvernements doivent maintenant choisir entre leur propre population et les effets de ces ententes commerciales, les investissements étrangers, etc. sur leurs pays.

À mon avis, la mondialisation n'est pas quelque chose de formidable. Il est peut-être vrai que l'ouverture des frontières a beaucoup aidé des pays, mais il faut examiner sérieusement et d'un oeil critique les effets négatifs qu'elle a entraînés pour s'assurer que les nouvelles ententes commerciales n'en feront pas autant.

Merci.

Le président: Madame Debien. Non?

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous exprimer leurs points de vue. J'estime qu'il est très important que nous vous entendions. En tant que comité, nous pourrons dire que nous avons entendu M. et Mme Tout-le-monde.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Je pense que vous avez probablement entendu ce que j'ai dit au dernier groupe. Nous nous trouvons aux prises avec ces vastes questions de la direction des affaires mondiales, la souveraineté nationale, etc.

Monsieur Kuhn, vous avez soulevé la question de savoir pourquoi nous avons des échanges commerciaux avec des pays que nous n'aimons pas. D'après moi, lorsqu'on a des échanges commerciaux, nous faisons affaire avec la population du pays, pas son gouvernement. Il faut s'assurer que la population profite du commerce—et c'est ce dont on tient compte.

Donc, on fait des distinctions. Notre comité a souvent entendu parler de la Birmanie et s'est penché sur ce problème. On nous dit qu'il ne faut pas avoir d'échanges commerciaux avec la Birmanie parce que celle-là ne va pas aider la population, ça va aider uniquement le SLORC, le parti des militaires.

On essaie d'avoir des échanges plus ouverts avec la Chine, par exemple. La situation est plus nuancée avec eux, là on aide la population également.

Donc il faut examiner les circonstances et voir ce qu'on peut faire—quand on fait du bien et quand on fait du mal. C'est très compliqué, mais il est utile d'entendre l'opinion de tout le monde, y compris la vôtre.

Pour ce qui est de l'OMC, les gens nous disent clairement que l'organisme doit être modifié afin de tenir compte de ces questions sociales plus vastes, sinon il va perdre la crédibilité et sa capacité de faire du bien. Il fait du bien, mais il va perdre cette capacité s'il ne s'occupe pas des questions environnementales et sociales, entre autres.

Nous allons certainement transmettre le message. Nous ne sommes qu'un gouvernement parmi 134, donc ce n'est pas à nous de tout diriger, mais j'espère que d'autres gouvernements vont faire le même genre d'examen introspectif que nous et vont arriver à des conclusions semblables.

Merci beaucoup d'être venus, nous en sommes très reconnaissants.

La séance est levée jusqu'à 9 heures demain matin à Windsor. L'autocar part à 15 h 30.